-------------- ARTICLE ------------ Lemma=Title Page Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech= Title Page ENCYCLOPÉDIE, ou DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS, PAR UNE SOCIETÉ DE GENS DE LETTRES . Mis en ordre & publié par M. DIDEROT , de l'Académie Royale des Sciences & des Belles-Lettres de Prusse; & quant à la Partie Mathématique , par M. D'ALEMBERT , de l'Académie Françoise, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de celle de Prusse, de la Société Royale de Londres, de l'Académie Royale des Belles-Lettres de Suede, & de l'Institut de Bologne. Tantùm series juncturaque pollet, Tantùm de medio sumptis accedit honoris! Horat . TOME SEPTIEME. A PARIS, Chez BRIASSON, rue Saint Jacques, à la Science . Chez DAVID l'aîné, rue & vis-à-vis la Grille des Mathurins . Chez LE BRETON, Imprimeur ordinaire du Roy, rue de la Harpe . Chez DURAND, rue du Foin, vis-à-vis la petite Porte des Mathurins . M. DCC. LVII. AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=ÉLOGE DE M. DU MARSAIS Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech= ÉLOGE DE M. DU MARSAIS ÉLOGE DE M. DU MARSAIS. LA Vie sédentaire & obscure de la plûpart des Gens de Lettres offre pour l'ordinaire peu d'évenemens, sur-tout quand leur fortune n'a pas répondu à ce qu'ils avoient mérité par leurs travaux. M. du Marsais a été de ce nombre; il a vécu pauvre & presqu'ignoré dans le sein d'une patrie qu'il avoit instruite: le détail de sa vie n'occupera donc dans cet Eloge que la moindre place, & nous nous attacherons principalement à l'analyse raisonnée de ses Ouvrages. Par-là nous acquitterons, autant qu'il est en nous, les obligations que l'Encyclopédie & les Lettres ont eues à ce Philosophe; nous devons d'autant plus d'honneur à sa mémoire, que le sort lui en a plus refusé de son vivant, & l'histoire de ses Ecrits est le plus beau monument que nous puissions lui consacrer. Cette histoire remplira d'ailleurs le principal but que nous nous proposons dans nos Eloges, d'en faire un objet d'instruction pour nos Lecteurs, & un recueil de Mémoires sur l'état présent de la Philosophie parmi nous. César Chesneau , Sieur du Marsais , Avocat au Parlement de Paris, naquit à Marseille le 17 Juillet 1676. Il perdit son pere au berceau, & resta entre les mains d'une mere qui laissa dépérir la fortune de ses enfans par un desintéressement romanesque, sentiment loüable dans son principe, estimable peut-être dans un Philosophe isolé, mais blâmable dans un chef de famille. Le jeune du Marsais étoit d'autant plus à plaindre, qu'il avoit aussi perdu en très-bas âge, & peu après la mort de son pere, deux oncles d'un mérite distingué, dont l'un, Nicolas Chesneau, savant Medecin, est auteur de quelques Ouvrages ( a ). Ces oncles lui avoient laissé une Bibliotheque nombreuse & choisie, qui bientôt après leur mort fut vendue presqu'en entier à un prix très-modique: l'enfant, qui n'avoit pas encore atteint sa septieme année, pleura beaucoup de cette perte, & cachoit tous les livres qu'il pouvoit soustraire. L'excès de son affliction engagea sa mere à mettre à part quelques livres rares, pour les lui réserver quand il seroit en âge de les lire; mais ces livres mêmes furent dissipés peu de tems après: il sembloit que la Fortune, après l'avoir privé de son bien, cherchât encore à lui oter tous les moyens de s'instruire. L'ardeur & le talent se fortifierent en lui par les obstacles; il fit ses études avec succès chez les Peres de l'Oratoire de Marseille: il entra même dans cette Congrégation, une de celles qui ont le mieux cultivé les Lettres, & la seule qui ait produit un Philosophe célebre, parce qu'on y est moins esclave que dans les autres, & moins obligé de penser comme ses Supérieurs. Mais la liberté dont on y joüit n'etoit pas encore assez grande pour M. du Marsais. Il en sortit donc bientôt, vint à Paris à l'âge de vingt-cinq ans, s'y maria, & fut reçû Avocat le 10 Janvier 1704. Il s'attacha à un célebre Avocat au Conseil, sous lequel il commençoit à travailler avec succès. Des espérances trompeuses qu'on lui donna, lui firent quitter cette profession. Il se trouva sans état & sans bien, chargé de famille, & ce qui étoit encore plus triste pour lui, accablé de peines domestiques. L'humeur chagrine de sa femme, qui croyoit avoir acquis par une conduite sage le droit d'être insociable, fit repentir plusieurs fois notre Philosophe d'avoir pris un engagement indissoluble; il regrette à cette occasion, dans un écrit de sa main trouvé après sa mort parmi ses papiers, que notre Religion, si attentive aux besoins de l'humanité, n'ait pas permis le divorce aux Particuliers, comme elle l'a quelquefois permis aux Princes: il déplore la condition de l'homme, qui jetté-sur la terre au hasard, ignorant les malheurs, les passions, ( a ) Ces Ouvrages sont, 1°. la Pharmacie théorique . Paris, Fréderic Léonard, 1679, in-4° . Il en donna en 1682 une seconde édition fort augmentée. 2°. Un Traité de Chimie à la suite de cette seconde edition. 3°. Observationum Nicolai Chesneau, Massiliensis. Doctoris Medici, libri V. in-8° . Paris, Léonard, 1672. 4°. Discours & Abrégé des vertus & propriétés des Eaux de Barbotan en la Comté d'Armagnac. Bordeaux, 1679, in-8° . On a fait à Leyde, en 1719, une nouvelle édition des Ouvrages de Chesneau: mais on a oublié les deux premiers. & les dangers qui l'attendent, n'acquiert d'expérience que par ses fautes, & meurt sans avoir eu le tems d'en profiter. M. du Marsais aimant mieux se priver du nécessaire que du repos, abandonna à sa femme le peu qu'il avoit de bien, & par le conseil de ses amis entra chez M. le Président de Maisons, pour veiller à l'éducation de son fils: c'est le même que M. de Voltaire a célébré dans plusieurs endroits de ses OEuvres, qui dès l'âge de vingt-sept ans fut reçu dans l'Académie des Sciences, & dont les connoissances & les lumieres faisoient déjà beaucoup d'honneur à son maître, lorsqu'il fut enlevé à la fleur de son âge. Ce fut dans cette maison, & à la priere du pere de son Eleve, que M. du Marsais commença son ouvrage sur les Libertés de l'Eglise Gallicane, qu'il acheva ensuite pour M. le Duc de la Feuillade, nommé par le Roi à l'Ambassade de Rome. Il étoit persuadé que tout François doit connoître les principes de cette importante matiere, généralement adoptés dans le premier âge du Christianisme, obscurcis depuis par l'ignorance & la superstition, & que l'Eglise de France a eu le bonheur de conserver presque seule. Mais cet objet qui nous intéresse de si près, est rarement bien connu de ceux même que leur devoir oblige de s'en occuper. Les savans Ecrits de MM. Pithou & Dupuy sur nos Libertés, un peu rebutans par la forme, sont trop peu lûs chez une Nation qui compte pour rien le mérite d'instruire, quand il n'est pas accompagné d'agrément, & qui préfere l'ignorance de ses droits à l'ennui de les apprendre. M. du Marsais, plein du desir d'être utile à ses Concitoyens, entreprit de leur donner sur ce sujet un Ouvrage précis & méthodique, assez intéressant par les détails pour attacher la paresse même; où la Jurisprudence fût guidée par une Philosophie lumineuse, & appuyée d'une érudition choisie, répandue sobrement & placée à-propos. Tel fut le plan qu'il se forma, & qu'il a exécuté avec succès; si néanmoins dans le siecle où nous vivons tant de science & de logique est nécessaire pour prouver que le souverain Pontife peut se tromper comme un autre homme; que le Chef d'une Religion de paix & d'humilité ne peut dispenser ni les Peuples de ce qu'ils doivent à leurs Rois, ni les Rois de ce qu'ils doivent à leurs Peuples; que tout usage qui va au détriment de l'Etat, est injuste, quoique toléré ou même revêtu d'une autorité apparente; que le pouvoir des Souverains est indépendant des Pasteurs; que les Ecclésiastiques enfin doivent donner aux autres Citoyens l'exemple de la soumission aux Lois. Le Traité de M. du Marsais, sous le titre d' Exposition de la doctrine de l'Eglise Gallicane par rapport aux prétentions de la Cour de Rome , est divisé en deux parties. L'Auteur établit dans la premiere, les principes généraux sur lesquels sont fondées les deux Puissances, la spirituelle, & la temporelle: dans la seconde il fait usage de ces principes pour fixer les bornes du pouvoir du Pape, de l'Eglise, & des Evêques. Un petit nombre de maximes générales appuyées par la raison, par nos Lois & par nos Annales, & les conséquences qui résultent de ces maximes, font toute la substance de l'Ouvrage. Ceux qui croiront avoir besoin de recourir à l'Histoire ecclésiastique pour se prémunir contre l'infaillibilité que les Ultramontains attribuent, sans la croire, aux souverains Pontifes, peuvent lire les Preuves de la viii e . Maxime; ils y verront S. Pierre repris par S. Paul, & reconnoissant qu'il s'étoit trompé; le Pape Eleuthere approuvant d'abord les prophéties des Montanistes, qu'il proscrivit bientôt après; Victor blâmé par S. Irenée, pour avoir excommunié mal-à-propos les Evêques d'Asie; Libere souscrivant aux formules des Ariens; Honorius anathématisé, comme Monothélite, au sixieme Concile général, & ses Ecrits brûlés; Jean XXII. au xjv. siecle condamné par la Sorbonne sur son opinion de la vision béatifique, & obligé de se rétracter; enfin le grand nombre de contradictions qui se trouvent dans les décisions des Papes, & l'aveu même que plusieurs ont fait de n'être pas infaillibles, dans un tems où ils n'avoient point d'intérêt à le soûtenir. Les faits qui peuvent servir à combattre des prétentions d'un autre genre, sont recueillis dans cet Ouvrage avec le même choix & la même exactitude. On y lit que Grégoire VII. celui qui a le premier levé l'étendart de la rébellion contre les Rois, se repentit en mourant de cette usurpation, & en demanda pardon à son Prince & à toute l'Eglise; que Ferdinand, si mal-à-propos nommé le Pieux, & si digne du nom de traître, enleva la Navarre à la Maison de France, sur une simple Bulle du Pape Jules II; que la Cour de Rome, si on en croit nos Jurisconsultes, a évité pour cette raison, autant qu'elle l'a pû, de donner à nos Rois le titre de Rois de Navarre; omission, au reste, peu importante en elle-même, & que nos Rois ont sans doute regardée comme indifférente à leur grandeur, le nom de Rois de France étant le plus beau qu'ils puissent porter. Enfin M. du Marsais ajoûte que les Bulles de Sixte V. & de Grégoire XIV. contre Henri IV. furent un des plus grands obstacles que trouva ce Prince pour remonter sur le thrône de ses peres. Il fait voir encore, ce qui n'est pas difficile, que l'absolution (réelle ou supposée) donnée à la Nation françoise par le Pape Zacharie, du serment de fidélité qu'elle avoit fait aux descendans de Clovis, ne dispensoit point la Nation de ce serment; d'où il s'ensuit que la race de Hugues Capet a pû légitimement recevoir de cette même Nation une couronne que la race de Charlemagne avoit enlevée aux héritiers légitimes. Non-seulement, ajoûte l'Auteur, les Papes n'ont aucun pouvoir sur les Empires, ils ne peuvent même, sans la permission des Princes, rien recevoir des sujets, à quelque titre que ce puisse ètre. Jean XXII. ayant entrepris de faire une levée d'argent sur notre Clergé, Charles-le-Bel s'y opposa d'abord avec vigueur; mais ensuite le Pape lui ayant donné la dixme des Eglises pendant deux ans, le Roi, pour reconnoître cette condescendance par une autre, lui permit de lever l'argent qu'il vouloit. Les Chroniques de S. Denis, citées par M. du Marsais, racontent cette convention avec la simplicité de ces tems-là: « Le Roi, disent-elles, considérant donnes-m'en, je t'en donrai , octroya au Pape de lever ». L'Auteur prouve avec la même facilité, par le raisonnement & par l'Histoire, les maximes qui ont rapport à la jurisdiction ecclésiastique des Evêques, & qui font une partie si essentielle de nos Libertés. Selon l'aveu d'un des plus saints Pontifes de l'ancienne Eglise, les Evêques ne tiennent pas leur autorité du Pape, mais de Dieu même: ils n'ont donc pas besoin de recourir au S. Siége pour condamner des erreurs, ni, à plus forte raison, pour des points de diseipline. Ils ont droit de juger avant le Pape & après le Pape; ce n'a été qu'à l'occasion de l'affaire de Jansénius, en 1650, qu'ils se sont adressés à Rome avant que de prononcer eux mêmes. L'usage des appellations au Pape n'a jamais été reçu en Orient, & ne l'a été que fort tard en Occident. L'Evêque de Rome n'ay ant de jurisdiction immédiate que dans son Diocèse, ne peut excommunier ni nos Rois ni leurs Sujets, ni mettre le Royaume en interdit. C'est par les Empereurs, & non par d'autres, que les premiers Conciles généraux ont été convoqués; & le Pape même n'y a pas toûjours assisté, soit en personne, soit par ses Légats. Ces Conciles ont besoin d'être autorisés, non par l'approbation du Pape, mais par la Puissance séculiere, pour faire exécuter leurs lois. Enfin c'est aux Rois à convoquer les Conciles de leur Nation, & à les dissoudre. Il faut au reste, comme M. du Marsais l'observe après plusieurs Ecrivains, distinguer avec soin la Cour de Rome, le Pape, & le Saint-Siége: on doit toûjours conserver l'unité avec celui-ci, quoiqu'on puisse desapprouver les sentimens du Pape, & l'ambition de la Cour de Rome. Il est triste, ajoûte-t-il, qu'en France même on n'ait pas toûjours sû faire cette distinction si essentielle; & que plusieurs Ecclésiastiques, & sur-tout certains Ordres religieux, soient encore secretement attachés parmi nous aux sentimens ultramontains, qui ne sont pas même regardés comme de foi dans les pays d'Inquisition. M. du Marsais dit à la fin de son Livre, qu'il avoit eu dessein d'y joindre une dissertation historique qui exposât par quels degrés les Papes sont devenus Souverains. Cette matiere, aussi curieuse que délicate, étoit bien digne d'être traitée par un Philosophe qui sans doute auroit sû se garantir également du fiel & de la flaterie; en avoüant le mal que quelques Papes ont fait pour devenir Princes, il n'auroit pas laissé ignorer le bien que plusieurs ont fait depuis qu'ils le sont devenus: aux entraves funestes que la Philosophie a reçûes par quelques Constitutions apostoliques, il eût opposé la renaissance des Arts en Europe, presqu'uniquement dûe à la magnificence & au goût des souverains Pontifes. Il n'eût pas manqué d'observer qu'aucune liste de Monarques ne présente, à nombre égal, autant d'hommes dignes de l'attention de la postérité. Enfin il se fût conformé sur cette matiere à la maniere de penser du Public, qui malgré sa malignité naturelle, est aujourd'hui trop éclairé sur la Religion, pour faire servir d'argumens contr'elle les scandales donnés par quelques Chefs de l'Eglise. L'indifférence avec laquelle on recevroit maintenant parmi nous une satyre des Papes, est une suite heureuse & nécessaire des progrès de la Philosophie dans ce siecle. Nous savons, & nous l'apprenons avec regret au Public, que M. du Marsais se proposoit encore de joindre à son Ouvrage l'examen impartial & pacifique d'une querelle importante, qui tient de près à nos Libertés, & que tant d'Ecrivains ont agitée dans ces derniers tems avec plus de chaleur que de logique. L'Auteur, en Philosophe éclairé & en Citoyen sage, avoit réduit toute cette querelle aux questions suivantes, que nous nous bornerons sagement à énoncer, sans entreprendre de les résoudre: Si une société d'hommes qui croit devoir se gouverner à certains égards par des lois indépendantes de la Puissance temporelle, peut exiger que cette Puissance concoure au maintien de ces lois? Si dans les pays nombreux où l'Eglise ne fait avec l'Etat qu'un même corps, la liberté absolue que les Ministres de la Religion reclament dans l'exercice de leur ministere, ne leur donneroit pas un droit qu'ils sont bien éloignés de prétendre sur les priviléges & sur l'état des Citoyens? En cas que cet inconvénient fût réel, quel parti les Législateurs devroient prendre pour le prévenir? ou de mettre au pouvoir spirituel de l'Eglise des bornes qu'elle croira toûjours devoir franchir, ce qui entretiendra dans l'Etat la division & le trouble; ou de tracer entre les matieres spirituelles & les matieres civiles une ligne de séparation invariable? Si les principes du Christianisme s'opposeroient à cette séparation, & si elle ne produiroit pas insensiblement & sans effort la tolérance civile, que la politique a conseillée à tant de Princes & à tant d'Etats? Telles étoient les questions que M. du Marsais se proposoit d'examiner; éloigné, comme il l'étoit, de tout fanatisme par son caractere, & de tout préjugé par ses réflexions, personne n'étoit plus en état de traiter cet important sujet avec la modération & l'équité qu'il exige. Mais comme ce n'est point par des Livres qu'on ramene au vrai des esprits ulcérés ou prévenus, cette modération & cette équité n'eussent peut-être servi qu'à lui faire des ennemis puissans & implacables. Quoique les matieres qu'il a discutées dans son Ouvrage, soient beaucoup moins délicates que celle-ci, quoiqu'en traitant ces matieres il présente la vérité avec toute la prudence dont elle a besoin pour se faire recevoir, il ne jugea pas à-propos de laisser paroître de son vivant son Exposition des Libertés de l'Eglise Gallicane . Il craignoit, disoit-il, des persécutions semblables à celles que M. Dupuy, le défenseur de ces Libertés dans le dernier siecle, avoit eu à souffrir de quelques Evêques de France, desavoués sans doute en cela par leurs Confreres. La suite de cet Eloge fera voir d'ailleurs que M. du Marsais avoit de grands ménagemens à garder avec l'Eglise, dont il avoit pourtant défendu les droits plus encore qu'il ne les avoit bornés. Il se plaint dans une espece d'introduction qui est à la tete de son Livre, qu'on ne puisse exposer impunément en France la doctrine constante du Parlement & de la Sorbonne sur l'indépendance de nos Rois & sur les droits de nos Evêques, tandis que chez les Nations imbues des opinions contraires, tout parle publiquement & sans crainte contre la justice & la vérité. Nous ignorons si ces plaintes étoient fondées dans le tems que M. du Marsais écrivoit; mais la France connoît mieux aujourd'hui ses vrais intérêts. Ceux entre les mains desquels le manuscrit de l'Auteur est tombé après sa mort, moins timides ou plus heureux que lui, en ont fait part au Public. Les ouvrages pleins de vérités hardies & utiles, dont le genre humain est de tems en tems redevable au courage de quelque homme de Lettres, sont aux yeux de la postérité la gloire des Gouvernemens qui les protegent, la censure de ceux qui ne savent pas les encourager, & la honte de ceux qui les proscrivent. La suppression de ce Livre eût été sans doute une perte pour les Citoyens; mais les Philosophes doivent regretter encore plus que M. du Marsais n'ait pas publié sa réponse à la critique de l'Histoire des Oracles; on n'a trouvé dans ses papiers que des fragmens imparfaits de cette réponse, à laquelle il ne paroît pas avoir mis la derniere main. Pour la faire connoître en détail, il faut reprendre les choses de plus haut. Feu M. de Fontenelle avoit donné en 1686, d'après le Médecin Vandale, l'Histoire des Oracles, un de ses meilleurs ouvrages, & peut être celui de tous auquel le suffrage ( b ) unanime de la postérité est le plus assuré. Il y soutient, comme tout le monde sait, que les oracles étoient l'ouvrage de la superstition & de la fourberie, & non celui des démons, & qu'ils n'ont point cessé a la venue de J. C. Le Pere Baltus, Jesuite, vingt ans après la publication de ce Livre, crut qu'il étoit de son devoir d'en prévenir les effets dangereux, & se proposa de le refuter. Il soutint, avec toute la modération qu'un Théologien peut se permettre, que M. de Fontenelle avoit attaqué une des principales preuves du Christianisme, pour avoir prétendu que les Prêtres payens etoient des imposteurs ou des dupes. Cependant en avançant une opinion si singuliere, le Critique avoit eu l'art de lier son système a la Religion, quoiqu'il y soit réellement contraire par les armes qu'il peut fournir aux incrédules. La cause du Philosophe étoit juste, mais les dévots étoient soulevés, & s'il répondoit, il étoit perdu. Il eut donc la sagesse de demeurer dans le silence, & de s'abstenir d'une defense facile & dangereuse, dont le public sa dispensé depuis en lisant tous les jours son Ouvrage, & en ne lisant point celui de son Adversaire. M. du Marsais, jeune encore, avide de se signaler, & n'ayant à risquer ni places ni fortune, entreprit de justifier M. de Fontenelle contre les imputations du Pere Baltus. Il accusoit le Critique de n'avoir point entendu les PP. de l'Eglise, & de ne les avoir pas cités exactement; il lui reprochoit des méprises considérables, & un plagiat moins excusable encore du Professeur Moebius, qui avoit écrit contre Vandale. Assuré de la bonté de sa cause, le défenseur de M. de Fontenelle ne craignit point de faire part de son Ouvrage à quelques Confreres du Pere Baltus; il ne vouloit par cette démarche que donner des marques de son estime à une Société long-tems utile aux Lettres, & qui se souvient encore aujourd'hui avec complaisance du crédit & des hommes célebres qu'elle avoit alors. Nous avons peine à nous persuader que dans une matiere aussi indifférente en elle-même, cette Société se soit crue ( b ) Il n'y a peut-être cu'une phrase à retrancher de cet Ouvrage: ce sont ces deux lignes de la Préface: « Il me semble qu'il ne faudroit donner dans le sublime qu'à son corps défendant: il est si peu naturel! J'avoue que le style bas est encore quelque chose de pis ». blessée par l'attaque d'un de ses membres; nous ignorons par qui & comment la confiance de M. du Marsais fut trompée; mais elle le fut. On travailla efficacement a empécher l'impression & même l'examen de l'Ouvrage; on accusa faussement l'auteur d'avoir voulu le faire paroître sans approbation ni privilége, quoique son Adversaire eût pris la même liberté. Il représenta en vain que ce livre avoit été approuvé par plusieurs personnes savantes & pieuses, & qu'il demandoit à le mettre au jour, non par vanité d'Auteur, mais pour prouver son innocence: il offrit inutilement de le soumettre a la censure de la Sorbonne, de le faire même approuver par l'Inquisition, & imprimer avec la permission des Supérieurs dans les terres du Pape; on étoit resolu de ne rien écouter, & M. du Marsais eut une défense expresse de faire paroître son Livre, soit en France, soit ailleurs. Cet évenement de sa vie fut la premiere époque, & peut être la source des injustices qu'il essuya; on n'avoit point eu de peine à prévenir contre lui un Monarque respectable alors dans sa vieillesse, & d'une délicatesse louable sur tout ce qu'il croyoit blesser la Religion; on lui avoit inspiré quelques soupçons sur la maniere de penser de l'Antagoniste du P. Baltus; espece d'armes dont on n'abuse que trop souvent auprès des Princes, pour perdre le mérite sans appui, sans hypocrisie, & sans intrigue. L'Auteur abandonna donc entierement son Ouvrage; & le P. Baltus libre de la guerre dont il étoit menacé, entra dans une carriere plus convenable à son etat; il avoit trop légerement sacrifié les prémices de sa plume à défendre sans le vouloir les Oracles des Payens; il l'employa plus heureusement dans la suite à un objet sur lequel il n'avoit point de contradictions à craindre, à la défense des Prophéties de la Religion chrétienne. Comme l'Ouvrage de M. du Marsais sur les Oracles n'a point paru, nous tâcherons d'en donner quelqu'idée a nos Lecteurs d'après les fragmens qui nous ont été remis. La Préface contient quelques reflexions générales sur l'abus qu'on peut faire de la Religion en l'étendant a des objets qui ne sont pas de son ressort; on y expose ensuite le dessein & le plan de l'Ouvrage, dans lequel il paroît qu'on s'est proposé trois objets; de prouver que les Démons n'étoient point les auteurs des oracles; de repondre aux objections du P. Baltus; d'examiner enfin le tems auquel les oracles ont cessé, & de faire voir qu'ils ont cessé d'une maniere naturelle. Le desir si vif & si inutile de connoître l'avenir, donna naissance aux Oracles des Payens. Quelques hommes adroits & entreprenans mirent à profit la curiosité du peuple pour le tromper: il n'y eut point en cela d'autre magie; l'imposture avoit commencé l'ouvrage, le fanatisme l'acheva: car un moyen infaillible de faire des fanatiques, c'est de persuader avant que d'instruire; quelquefois même certains prêtres ont pû être la dupe des oracles qu'ils rendoient ou qu'ils faisoient rendre, semblables à ces Empyriques dont les uns participent à l'erreur publique qu'ils entretiennent, les autres en profitent sans la partager. C'est par la foi seule que nous savons qu'il y a des Démons, c'est donc par la foi seule que nous pouvons apprendre ce qu'ils sont capables de faire dans l'ordre surnaturel; & puisque la révélation ne leur attribue pas les oracles, elle nous permet de croire que ces oracles n'étoient pas leur ouvrage. Lorsqu'Isaîe défia les dieux des Payens de prédire l'avenir, il ne mit point de restrictions à ce défi, qui n'eût plus été qu'imprudent, si en effet les Démons avoient eu le pouvoir de prophétiser. Daniel ne crut pas que le serpent des Babyloniens fût un démon; il rit en Philosophe, dit l'Ecriture, de la crédulité du Prince & de la fourberie des Prêtres, & empoisonna le serpent. D'ailleurs les Partisans même des oracles conviennent qu'il y en a eu de faux, & par-la ils nous mettent en droit (s'il n'y a pas de preuve évidente du contraire) de les regarder sans exception comme supposés: tout se réduisoit à cacher plus ou moins adroitement l'imposture. Enfin les Payens même n'ont pas crû généralement que les oracles fussent surnaturels. De grandes sectes de Philosophes, entr'autres les Epicuriens, se vantoient, comme les Chrétiens, de faire taire les Oracles & de démasquer les Prêtres. Valere-Maxime & d'autres disent, il est vrai, que des statues ont parlé; mais l'Ecriture dément ce témoignage, en nous apprenant que les statues sont muettes. Les Historiens prophanes, lorsqu'ils racontent sur un simple oui-dire des faits extraordinaires, sont moins croyables que les Historiens de la Chine sur l'antiquité qu'ils donnent au Monde. Casaubon se mocque avec raison d'Hérodote, qui rapporte sérieusement plusieurs de ces oracles ridicules de l'antiquité, & d'autres prodiges de la même force. Si les oracles n'eussent pas été une fourberie, l'idolatrie n'eût plus été qu'un malheur excusable, parce que les Payens n'auroient eu aucun moyen de découvrir leur erreur par la raison, le seul guide qu'ils eussent alors. Quand une fausse Religion, ou quelque Secte que ce puisse être, vante les prodiges opérés en sa faveur, & qu'on ne peut expliquer ces prodiges d'une maniere naturelle, il n'y a qu'un parti à prendre, celui de nier les faits. Rien n'est donc plus conforme aux principes & aux intérêts du Christianisme, que de regarder le Paganisme comme un pur ouvrage des hommes, qui n'a subsisté que par des moyens humains. Aussi l'Ecriture ne donne à l'Idolatrie qu'une origine toute naturelle, & la plûpart des Peres paroissent penser de même. Plusieurs d'entr'eux ont expressément traité les oracles d'impostures, & aucun n'a prétendu que ce sentiment offensât la Religion: ceux même qui n'ont pas été éloignés de croire qu'il y avoit quelque chose de surnaturel dans les oracles, paroissent n'y avoir été déterminés que par une façon particuliere de penser tout-à-fait indépendante des vérités fondamentales du Christianisme. Selon la plûpart des Payens, les Dieux étoient les auteurs des oracles favorables, & les mauvais Génies l'étoient des oracles funestes ou trompeurs. Les Chrétiens profiterent de cette opinion pour attribuer les oracles aux démons: ils y trouvoient d'ailleurs un avantage; ils expliquoient par cette supposition, le merveilleux apparent qui les embarrassoit dans certains oracles. Un faux principe où ils étoient, servoit à les fortifier dans cette idée; ils croyoient les démons corporels, & S. Augustin s'est expressément rétracté d'avoir donné de semblables explications. Les Chrétiens modernes ont eu des idées plus épurées & plus saines sur la nature des Démons; mais en rejettant le principe, plusieurs ont retenu la conséquence. C'est donc en vain que certains Auteurs ecclésiastiques, qui n'ont pas dans l'Eglise l'autorité des Peres, & qui croyoient que les Démons étoient des animaux d'un esprit aérien, nous rapportent de faux oracles, dont ils prétendent tirer des argumens en faveur de la Religion. Il faut mettre ces faits, & les raisonnemens qui en sont la suite, à côté des relations de la Légende dorée, du Corbeau excommunié pour avoir volé la bague de l'Abbé Conrad, & des extravagances que l'imbécillité a débitées sur les prétendus hommages que les animaux ont rendus à nos redoutables mysteres. Rien n'est plus propre à avilir la Religion (si quelque chose peut l'avilir), rien n'est du-moins plus nuisible auprès des Peuples à une cause si respectable, que de la défendre par des preuves foibles ou absurdes; c'est Osa qui croit que l'Arche chancele, & qui ose y porter la main. Le P. Baltus abuse évidemment des termes, quand il prétend que l'opinion qui attribue les oracles aux malins esprits, est une vérité enseignée par la Tradition; puisqu'on ne doit regarder comme des vérités de Tradition & par conséquent de Foi, que celles qui ont été constamment reconnues pour telles par l'Eglise; le défenseur des Oracles se contredit ensuite lui-même, quand il avoue que l'opinion qu'il soûtient n'est que de foi humaine, c'est-à dire du genre des choses qu'on peut se dispenser de croire sans cesser d'être Chrétien; mais en cela il tombe dans une autre contradiction, puisque la foi humaine ne peut tomber que sur ce qui est de l'ordre naturel, & que les oracles selon lui n'en sont pas. Le témoignage des Historiens de l'antiquité, ajoûte M. du Marsais, est formellement contraire à ce que le P. Baltus prétend, que jamais les oracles n'ont été rendus par des statues creuses: mais quand cette prétention seroit fondée, elle seroit favorable à la cause de M. de Fontenelle, puisqu'il est encore plus aisé de faire parier un Prêtre qu'une statue. Il n'est point vrai, comme le dit encore le Critique, que ceux qui réduisent les oracles à des causes naturelles, diminuent par ce moyen la gloire de J. C. qui les a fait cesser; ce seroit au contraire affoiblir véritablement cette gloire, que d'attribuer les Oracles aux démons: car le P. Baltus prétend lui-même que Julien dans le jv. siecle du Christianisme, en évoquant essicacement les Enfers par la magie & par les enchantemens, en avoit obtenu réponse. Les permissions particulieres que l'Ecriture dit avoir été accordées au démon, ne nous donnent pas droit d'en supposer d'autres; rien n'est plus ridicule dans l'ordre surnaturel que l'argument qui prouve l'existence d'un fait miraculeux par celle d'un fait semblable. Ajoûter foi trop legerement aux prodiges, dans un siecle où ils ne sont plus nécessaires à l'établissement du Christianisme, c'est ébranler, sans le vouloir, les fondemens de la croyance que l'on doit aux vrais miracles rapportés dans les Livres saints. On ne croit plus de nos jours aux possédés, quoiqu'on croye à ceux de l'Ecriture. Jesus-Christ a été transporté par le démon, il l'a permis pour nous instruire; mais de pareils miracles ne se font plus. La métamorphose de Nabuchodonosor en bête, dont il ne nous est pas permis de douter, n'est arrivée qu'une fois. Enfin Saül a évoqué l'ombre de Samuel, & l'on n'ajoûte plus de foi aux évocations. Le P. Baltus avoue que les prodiges mêmes racontés par les Peres, ne sont pas de foi; à plus forte raison les prétendus miracles du Paganisme, qu'ils ont quelquefois daigné rapporter. Si le sentiment de ces Auteurs (d'ailleurs très-graves) sur des objets étrangers au Christianisme, devoit être la regle de nos opinions, on pourroit justifier par ce principe le traitement que les Inquisiteurs ont fait à Galilée. On aura peine à croire que le P. Baltus ait reproché sérieusement à M. de Fontenelle d'avoir adopté sur les Oracles le sentiment de l'Anabaptiste Vandale, comme si un Anabaptiste étoit condamné à déraisonner en tout, même sur une matiere étrangere aux erreurs de sa Secte. La réponse de M. du Marsais à cette objection, est que le Religieux qui a pris la défense des Oracles, a suivi aussi le sentiment du Luthérien Moebius; & qu'hérétique pour hérétique, un Anabaptiste vaut bien un Luthérien. Ceux qui ont avancé que les Oracles avoient cessé à la venue de J. C. ne l'ont cru que d'après l'Oracle supposé sur l'enfant hébreu; Oracle regardé comme faux par le P. Baltus lui-même; aussi prétend-il que les Oracles n'ont pas fini précisément à la venue du Sauveur du monde, mais peu-à-peu, à mesure que J. C. a été connu & adoré. Cette maniere de finir n'a rien de surprenant, elle étoit la suite naturelle de l'établissement d'un nouveau culte. Les faits miraculeux, ou plûtôt qu'on veut donner pour tels, diminuent dans une fausse religion, ou à mesure qu'elle s'établit, parce qu'elle n'en a plus besoin, ou à mesure qu'elle s'affoiblit, parce qu'ils n'obtiennent plus de croyance. La pauvreté des peuples qui n'avoient plus rien à donner, la fourberie découverte dans plusieurs Oracles, & conclue dans les autres, enfin les Edits des Empereurs Chrétiens, voilà les causes véritables de la cessation de ce genre d'imposture: des circonstances favorables l'avoient produit, des circonstances contraires l'ont fait disparoître; ainsi les Oracles ont été soumis à toute la vicissitude des choses humaines. On se retranche à dire que la naissance de J. C. est la premiere époque de leur cessation; mais pourquoi certains démons ont-ils fui tandis que les autres restoient? D'ailleurs l'Histoire ancienne prouve invinciblement que plusieurs Oracles avoient été détruits avant la venue du Sauveur du monde, par des guerres & par d'autres troubles: tous les Oracles brillans de la Grece n'existoient plus ou presque plus, & quelquefois l'Oracle se trouvoit interrompu par le silence d'un honnête prêtre qui ne vouloit pas tromper le peuple. L'Oracle de Delphes, dit Lucain, est demeuré muet depuis que les Princes craignent l'avenir; ils ont défendu aux Dieux de parler, & les Dieux ont obéi. Enfin tout est plein dans les Auteurs prophanes d'Oracles qui ont subsisté jusqu'aux jv. & v. siecles, & il y en a encore aujourd'hui chez les Idolatres. Cette opiniâtreté incontestable des Oracles à subsister encore après la venue de J. C. suffiroit pour prouver qu'ils n'ont pas été rendus par les démons, comme le remarquent M. de Fontenelle & son Défenseur; puisqu'il est évident que le Fils de Dieu descendant parmi les hommes, devoit tout-à-coup imposer silence aux Enfers. Telle est l'analyse de l'Ouvrage de M. du Marsais sur les Oracles. Revenons maintenant à sa personne. Il étoit destiné à être malheureux en tout; M. de Maisons le pere chez qui il étoit entré, & qui en avoit fait son ami, étoit trop éclairé pour ne pas sentir les obligations qu'il avoit à un pareil Gouverneur, & trop équitable pour ne pas les reconnoître; mais la mort l'enleva dans le tems où l'éducation de son fils étoit prête à finir, & où il se proposoit d'assûrer à M. du Marsais une retraite honnête, juste fruit de ses travaux & de ses soins. Notre Philosophe, sur les espérances qu'on lui donnoit de suppléer à ce que le pere de son Eleve n'avoit pû faire, resta encore quelque tems dans la maison; mais le peu de considération qu'on lui marquoit & les dégoûts même qu'il essuya, l'obligerent enfin d'en sortir, & de renoncer à ce qu'il avoit lieu d'attendre d'une famille riche à laquelle il avoit sacrifié les douze plus belles années de sa vie. On lui proposa d'entrer chez le fameux Law, pour être auprès de son fils, qui étoit alors âgé de seize ou dix-sept ans; & M. du Marsais accepta cette proposition. Quelques amis l'accuserent injustement d'avoir eu dans cette démarche des vues d'intérêt: toute sa conduite prouve assez qu'il n'étoit sur ce point ni fort éclairé, ni fort actif, & il a plusieurs fois assûré qu'il n'eût jamais quitté son premier Eleve, si par le refus des égards les plus ordinaires on ne lui avoit rendu sa situation insupportable. La fortune qui sembloit l'avoir placé chez M. Law, lui manqua encore; il avoit des Actions qu'il vouloit convertir en un bien plus solide: on lui conseilla de les garder; bien-tôt après tout fut anéanti. & M. Law obligé de sortir du Royaume, & d'aller mourir dans l'obscurité à Venise. Tout le fruit que M. du Marsais retira d'avoir demeuré dans cette maison, ce fut, comme il l'a écrit lui-même, de pouvoir rendre des services importans à plusieurs personnes d'un rang très-supérieur au sien, qui depuis n'ont pas paru s'en souvenir; & de connoître (ce sont encore ses propres termes) la bassesse, la servitude & l'esprit d'adulation des Grands. Il avoit éprouvé par lui-même combien cette profession si noble & si utile, qui a pour objet l'éducation de la jeunesse, est peu honorée parmi nous, tant nous sommes eclairés sur nos intérets; mais la situation de ses affaires, & peut-être l'habitude, lui avoient rendu cette ressource indispensable: il rentra donc encore dans la même carriere, & toûjours avec un égal succès. La justice que nous devons à sa mémoire, nous oblige de repousser à cette occasion une calomnie qui n'a été que trop répandue. On a prétendu que M. du Marsais étant appellé pour présider à l'éducation de trois freres dans une des premieres Maisons du Royaume, avoit demandé dans quelle religion on vouloit qu'il les élevât . Cette question singuliere avoit été faite à M. Law, alors de la Religion anglicane, par un homme d'esprit qui avoit été pendant quelque tems auprès de son fils. M. du Marsais avoit sû le fait, & l'avoit simplement raconté: il étoit absurde de penser qu'en France, dans le sein d'une famille catholique où personne ne le connoissoit encore, & où il avoit intérêt de donner bonne opinion de sa prudence, il eût hazardé un discours si extravagant, & qui pouvoit être regardé comme une injure; mais on trouva plaisant de le lui attribuer, & par cette raison on continuera peut-être à le lui attribuer encore, non-seulement contre la vérité, mais même contre la vraissemblance. Cependant nous ne devons pas laisser ignorer à ceux qui liront cet Eloge, que ce conte ridicule, répété & même orné en passant de bouche en bouche, est peut-être ce qui a le plus nui à M. du Marsais. Les plaisanteries que notre frivolité se permet si legerement sans en prévoir les suites, laissent souvent après elles des plaies profondes; la haine profite de tout; & qu'il est doux pour cette multitude d'hommes que blesse l'éclat des talens, de trouver le plus leger prétexte pour se dispenser de leur rendre justice! Cette imputation calomnieuse, & ce que nous avons rapporté au sujet de l'Histoire des Oracles, ne sont pas les seules persécutions que M. du Marsais ait essuyées. Il nous est tombé entre les mains un fragment d'une de ses lettres sur la legereté des soupçons qu'on forme contre les autres en matiere de religion. Il ne lui étoit que trop permis de s'en plaindre, puisqu'il en avoit été si souvent l'objet & la victime. Nous apprenons par ce fragment, que des hommes qui se disoient Philosophes, l'avoient accusé d'impiété, pour avoir soûtenu contre les Cartésiens, que les bêtes n'étoient pas des automates. Ses Adversaires donnoient pour preuve de cette accusation, l'impossibilité qu'il y avoit, selon eux, de concilier l'opinion qui attribue du sentiment aux bêtes, avec les dogmes de la spiritualité & de l'immortalité de l'ame, de la liberté de l'homme, & de la justice divine dans la distribution des maux * . M. du Marsais répondoit que l'opinion qu'il avoit soûtenue sur l'ame des bêtes, n'étoit pas la sienne; qu'avant Descartes elle étoit absolument générale, comme conforme aux premieres notions de l'expérience & du sens commun, & même au langage de l'Ecriture; que depuis Descartes même elle avoit toûjours prévalu dans la plûpart des Ecoles, qui ne s'en étoient pas crues moins orthodoxes; enfin que c'étoit apparemment le sort de quelque opinion que ce fût sur l'ame des bêtes, de faire taxer d'irreligion ceux qui la soûtenoient, puisque Descartes lui-même en avoit été accusé de son tems, pour avoir prétendu que les animaux étoient de pures machines. Il en a été de même parmi nous, d'abord des partisans des idées innées, & depuis peu de leurs Adversaires; plusieurs autres opinions semblables ont eu cette singuliere destinée, que le pour & le contre ont été successivement traités comme impies; tant le zele aveuglé par l'ignorance, est ingénieux à se forger des sujets de scandale, & à se tourmenter lui-même & les autres. M. du Marsais, après la chûte de M. Law, entra chez M. le Marquis de Bauffremont. Le séjour qu'il y fit durant plusieurs années, est une des époques les plus remarquables de sa vie, par l'utilité dont il a été pour les Lettres. Il donna occasion à M. du Marsais de se dévoiler au Public pour ce qu'il étoit, pour un Grammairien profond & philosophe, & pour un esprit créateur dans une matiere sur laquelle se sont exercés tant d'excellens Ecrivains. C'est principalement en ce genre qu'il s'est acquis une réputation immortelle, & c'est aussi par ce côté important que nous allons désormais l'envisager. Un des plus grands efforts de l'esprit humain, est d'avoir assujetti les Langues à des regles; mais cet effort n'a été fait que peu-à-peu. Les Langues, formées d'abord sans principes, ont été plus l'ouvrage du besoin que de la raison; & les Philosophes réduits à débrouiller ce cahos informe, se sont bornés à en diminuer le plus qu'il étoit possible l'irrégularité, & à réparer de leur mieux ce que le Peuple avoit construit au hasard: car c'est aux Philosophes à régler les Langues, comme c'est aux bons Ecrivains à les fixer. La Grammaire est donc l'ouvrage des Philosophes; mais ceux qui en ont établi les regles, ont fait comme la plûpart des inventeurs dans les Sciences: ils n'ont donné que les résultats de leur travail, sans montrer l'esprit qui les avoit guidés. Pour bien saisir cet esprit si précieux à connître, il faut se remettre sur leurs traces; mais c'est ce qui n'appartient qu'à des Philosophes comme eux. L'étude & l'usage suffisent pour apprendre les regles, & un degré de conception ordinaire pour les appliquer; l'esprit philosophique seul peut remonter jusqu'aux principes sur lesquels les regles sont établies, & distinguer le Grammairien de génie du Grammairien de mémoire. Cet esprit apperçoit d'abord dans la Grammaire de chaque Langue les principes généraux qui sont communs à toutes les autres, & qui forment la Grammaire générale; il démêle ensuite dans les usages particuliers à chaque Langue ceux qui peuvent être fondés en raison, d'avec ceux qui ne sont que l'ouvrage du hasard ou de la négligence: il observe l'influence réciproque que les Langues ont eue les unes sur les autres, & les altérations que ce mélange leur a données, sans leur ôter entierement leur premier caractere: il balance leurs avantages & leurs desavantages mutuels; la différence de leur construction, ici libre, hardie & variée, là réguliere, timide & uni * Voyez dans ce Volume l' article Forme substantielle . forme; la diversité de leur génie tantôt favorable, tantôt contraire à l'expression heureuse & rapide des idées; leur richesse & leur liberté, leur indigence & leur servitude. Le développement de ces différens objets est la vraie Métaphysique de la Grammaire. Elle ne consiste point, comme cette Philosophie ténébreuse qui se perd dans les attributs de Dieu & les facultés de notre ame, à raisonner à perte de vûe sur ce qu'on ne connoit pas, ou à prouver laborieusement par des argumens foibles, des vérités dont la foi nous dispense de chercher les preuves. Son objet est plus réel & plus à notre portée; c'est la marche de l'esprit humain dans la génération de ses idées, & dans l'usage qu'il fait des mots pour transmettre ses pensées aux autres hommes. Tous les principes de cette Métaphysique appartiennent pour ainsi dire à chacun, puisqu'ils sont au-dedans de nous; il ne faut pour les y trouver qu'une analyse exacte & réfléchie; mais le don de cette analyse n'est pas donné à tous. On peut néanmoins s'assûrer si elle est bien faite, par un effet qu'elle doit alors produire infailliblement, celui de frapper d'une lumiere vive tous les bons esprits auxquels elle sera présentée: en ce genre c'est presqu'une marque sure de n'avoir pas rencontré le vrai, que de trouver des contradicteurs, ou d'en trouver qui le soient long-tems. Aussi M. du Marsais n'a-t-il essuyé d'attaques que ce qu'il en falloit pour assûrer pleinement son triomphe; avantage rare pour ceux qui portent les premiers dans les sujets qu'ils traitent, le flambeau de la Philosophie. Le premier fruit des réflexions de M. du Marsais sur l'étude des Langues, fut son Exposition d'une Méthode raisonnée pour apprendre la Langue Latine; elle parut en 1722: il la dédia à MM. de Bauffremont ses Eleves, qui en avoient fait le plus heureux essai, & dont l'un, commencé des l'alphabet par son illustre Maitre, avoit fait en moins de trois ans les progres les plus singuliers & les plus rapides. La Methode de M. du Marsais a deux parties, l'usage, & la raison. Savoir une Langue, c'est en entendre les mots; & cette connoissance appartient proprement à la mémoire, c'est-à-dire à celle des facultés de notre ame qui se développe la premiere chez les enfans, qui est même plus vive à cet âge que dans aucun autre, & qu'on peut appeller l'esprit de l'enfance. C'est donc cette faculté qu'il faut exercer d'abord, & qu'il faut même exercer seule. Ainsi on fera d'abord apprendre aux enfans, sans les fatiguer, & comme par maniere d'amusement, suivant différens moyens que l'Auteur indique, les mots latins les plus en usage. On leur donnera ensuite a expliquer un Auteur latin rangé suivant la construction françoise, & sans inversion. On substituera de plus dans le texte, les mots sous-entendus par l'Auteur, & on mettra sous chaque mot latin se terme françois correspondant: vis-à-vis de ce texte ainsi disposé pour en faciliter l'intelligence, on placera le texte de l'Auteur tel qu'il est; & à côté du françois littéral, une traduction françoise conforme au génie de notre Langue. Par ce moyen, l'enfant repassant du texte latin altéré au texte véritable, & de la version interlinéaire à une traduction libre, s'accoûtumera insensiblement à connoître par le seul usage les façons de parler propres à la Langue latine & à la Langue françoise. Cette maniere d'enseigner le Latin aux enfans, est une imitation exacte de la façon dont on se rend familieres les Langues vivantes, que l'usage seul enseigne beaucoup plus vîte que toutes les méthodes. C'est d'ailleurs se conformer a la marche de la nature. Le langage s'est d'abord établi, & la Grammaire n'est venue qu'à la suite. A mesure que la mémoire des enfans se remplit, que leur raison se perfectionne, & que l'usage de traduire leur fait appercevoir les variétés dans les terminaisons des mots latins & dans la construction, & l'objet de ces variétés, on leur fait apprendre peu-à-peu les déclinaisons, les conjugaisons, & les premieres regles de la syntaxe, & on leur en montre l'application dans les Auteurs mêmes qu'ils ont traduits: ainsi on les prépare peu-à-peu, & comme par une espece d'instinct, à recevoir les principes de la Grammaire raisonnée, qui n'est proprement qu'une vraie Logique, mais une Logique qu'on peut mettre à la portée des enfans. C'est alors qu'on leur enseigne le méchanisme de la construction, en leur faisant faire l'anatomie de toutes les frases, & en leur donnant une idée juste de toutes les parties du discours. M. du Marsais n'a pas de peine à montrer les avantages de cette Méthode sur la Méthode ordinaire. Les inconvéniens de celle-ci sont de parler aux enfans de cas, de modes, de concordance, & de régime, sans préparation, & sans qu'ils puissent sentir l'usage de ce qu'on leur fait apprendre, de leur donner ensuite des regles de syntaxe très-composées, dont on les oblige de faire l'application en mettant du françois en latin; de vouloir forcer leur esprit à produire, dans un tems où il n'est destiné qu'à recevoir; de les fatiguer en cherchant à les instruire; & de leur inspirer le dégoût de l'étude, dans un âge où l'on ne doit songer qu'à la rendre agréable. En un mot, dans la Méthode ordinaire on enseigne le Latin à-peu près comme un homme qui pour apprendre à un enfant à parler, commenceroit par lui montrer la méchanique des organes de la parole; M. du Marsais imite au contraire celui qui enseigneroit d'abord à parler, & qui expliqueroit ensuite la méchanique des organes. Il termine son Ouvrage par une application du plan qu'il propose, au Poëme séculaire d'Horace: cet exemple doit suffire aux Maîtres intelligens, pour les guider dans la route qui leur est ouverte. Rien ne paroît plus philosophique que cette Méthode, plus conforme au développement naturel de l'esprit, & plus propre à abreger les difficultés. Mais elle avoit deux grands défauts; elle étoit nouvelle; elle contenoit de plus une critique de la maniere d'enseigner qu'on pratique encore parmi nous, & que la prévention, la paresse, l'indifférence pour le bien public, s'obstinent à conserver, comme elles consacrent tant d'autres abus sous le nom d'usage. Aussi l'Ouvrage fut-il attaqué, & principalement dans celui de nos Journaux dont les Auteurs avoient un intérêt direct à le combattre. Ils firent à M. du Marsais un grand nombre d'objections auxquelles il satisfit pleinement. Mais nous ne devons pas oublier de remarquer que lorsqu'il se chargea près de trente ans après de la partie de la Grammaire dans le Dictionnaire encyclopédique, il fut célébré comme un grand maître & presque comme un oracle dans le même Journal où ses premiers Ouvrages sur cette matiere avoient été si mal accueillis. Cependant bien loin d'avoir changé de principes, il s'étoit confirmé par l'expérience & par les réflexions, dans le peu de cas qu'il faisoit de la Méthode ordinaire. Mais sa réputation le mettoit alors au-dessus de la critique; il touchoit d'ailleurs à la fin de sa carriere, & il n'y avoit plus d'inconvénient à le loüer. La plûpart des Critiques de profession ont un avantage dont ils ne s'apperçoivent peut-être pas eux-mêmes, mais dont ils profitent comme s'ils en connoissoient toute l'étendue; c'est l'oubli auquel leurs décisions sont sujettes, & la liberté que cet oubli leur laisse d'approuver aujourd'hui ce qu'ils blâmoient hier, & de le blâmer de nouveau pour l'approuver encore. M. du Marsais encouragé par le succès de ce premier essai, entreprit de le développer dans un Ouvrage qui devoit avoit pour titre les véritables Principes de la Grammaire, ou nouvelle Grammaire raisonnée pour apprendre la Langue Latine . Il donna en 1729, la Préface de cet Ouvrage qui contient un détail plus étendu de sa Méthode, plusieurs raisons nouvelles en sa faveur, & le plan qu'il se proposoit de suivre dans la Grammaire générale. Il la divise en six articles; sçavoir, la connoissance de la proposition & de la période en tant qu'elles sont composées de mots, l'orthographe, la prosodie, l'étymologie, les préliminaires de la syntaxe, & la syntaxe même. C'est tout ce qu'il publia pour lors de son Ouvrage, mais il en détacha l'année suivante un morceau prétieux qu'il donna séparément au Public, & qui devoit faire le dernier objet de sa Grammaire générale. Nous voulons par ler de son Traité des Tropes , ou des différens sens dans lesquels un même mot peut être pris dans une même Langue. L'Auteur expose d'abord dans cet Ouvrage, à-peu-près comme il l'a fait depuis dans l'Encyclopédie au mot figure , ce qui constitue en général le style figuré, & montre combien ce style est ordinaire non-seulement dans les écrits, mais dans la conversation même; il fait sentir ce qui distingue les figures de pensée , communes à toutes les Langues, d'avec les figures de mots , qui sont particulieres à chacune, & qu'on appelle proprement tropes . Il détaille l'usage des Tropes dans le discours, & les abus qu'on peut en faire; il fait sentir les avantages qu'il y auroit à distinguer dans les Dictionnaires latins françois le sens propre de chaque mot d'avec les sens figurés qu'il peut recevoir; il explique la subordination des tropes ou les différentes classes auxquelles on peut les réduire, & les différens noms qu'on leur a donnés. Enfin pour rendre son Ouvrage complet, il traite encore des autres sens dont un même mot est susceptible, outre le sens figuré, comme le sens adjectif ou substantif, déterminé ou indéterminé, actif, passif ou neutre, absolu ou relatif, collectif ou distributif, composé ou divisé, & ainsi des autres. Les observations & les regles sont appuyées par-tout d'exemples frappans, & d'une Logique dont la clarté & la précision ne laissent rien à desirer. Tout mérite d'être lû dans le Traité des Tropes, jusqu'à l' Errata; il contient des réflexions sur notre orthographe, sur ses bisarreries, ses inconséquences, & ses variations. On voit dans ces réflexions un Ecrivain judicieux, également éloigné de respecter superstitieusement l'usage, & de le heurter en tout par une réforme impraticable. Cet Ouvrage, qu'on peut regarder comme un chef-d'oeuvre en son genre, fut plus estimé qu'il n'eut un prompt débit; il lui a fallu près de trente ans pour arriver à une nouvelle édition, qui n'a paru qu'après la mort de l'Auteur. La matiere, quoique traitée d'une maniere supérieure, intéressoit trop peu ce grand nombre de Lecteurs oisifs qui ne veulent qu'être amusés: le titre même du Livre, peu entendu de la multitude, contribua à l'indifférence du Public, & M. du Marsais nous a rapporté sur cela lui-même une anecdote singuliere. Quelqu'un voulant un jour lui faire compliment sur cet Ouvrage, lui dit qu'il venoit d'entendre dire beaucoup de bien de son Histoire des Tropes: il prenoit les tropes pour un nom de Peuple. Cette lenteur de succès, jointe à des occupations particulieres, & peut-être à un peu de paresse, a privé le Public de la Grammaire que l'Auteur avoit promise; perte très-difficile à réparer dans ce siecle même, où la Grammaire plus que jamais cultivée par des Philosophes, commence à être mieux approfondie & mieux connue. M. du Marsais se contenta de publier en 1731 l'abrégé de la Fable du P. Jouvenci, disposé suivant sa Méthode; le texte pur d'abord, ensuite le même texte sans inversion & sans mots sous entendus; au-dessous de ce texte la version interlinéaire, & au-dessous de cette version la vraie traduction en Langue françoise. C'est le dernier Ouvrage qu'il a donné au Public; on a trouvé dans ses papiers plusieurs versions de ce genre qu'il seroit facile de mettre au jour, si on les jugeoit utiles. Il avoit composé pour l'usage de ses Eleves ou pour le sien, d'autres Ouvrages qui n'ont point paru. Nous ne citerons que sa Logique ou réflexions sur les opérations de l'esprit ; ce traité contient sur l'art de raisonner tout ce qu'il est utile d'apprendre, & sur la Métaphysique tout ce qu'il est permis de savoir. C'est dire que l'Ouvrage est très-court; & peut-être pourroit-on l'abréger encore. L'éducation de MM. de Bauffremont finie, M. du Marsais continua d'exercer le talent rare qu'il avoit pour l'éducation de la jeunesse; il prit une Pension au Faubourg S. Victor, dans laquelle il élevoit suivant sa méthode un certain nombre de jeunes gens; mais des circonstances imprévues le forcerent d'y renoncer. Il voulut se charger encore de quelques éducations particulieres, que son âge avancé ne lui permit pas de conserver long tems: obligé enfin de se borner à quelques leçons qu'il faisoit pour subsister, sans fortune, sans espérance, & presque sans ressource, il se réduisit à un genre de vie fort étroit. Ce fut alors que nous eumes le bonheur de l'associer à l'Encyclopédie; les articles qu'il lui a fournis, & qui sont en grand nombre dans les six premiers volumes, feront à jamais un des principaux ornemens de cet Ouvrage, & sont supérieurs à tous nos éloges. La Philosophie saine & lumineuse qu'ils contiennent, le savoir que l'Auteur y a répandu, la précision des regles & la justesse des applications, ont fait regarder avec raison cette partie de l'Encyclopédie comme une des mieux traitées. Un succès si général & si juste ne pouvoit augmenter l'estime que les gens de Lettres avoient depuis long-tems pour l'Auteur, mais le fit connoître d'un grand nombre de gens du monde, dont la plûpart ignoroient jusqu'à son nom. Enhardi & soûtenu par les marques les moins équivoques de l'approbation publique, il crut pouvoir en faire usage pour se procurer le néceslaire qui lui manquoit. Il écrivit à un Philosophe, du petit nombre de ceux qui habitent Versailles, pour le prier de s'intéresser en sa faveur auprès des distributeurs des graces. Ses ouvrages & ses travaux, recommandation trop inutile, étoient la seule qu'il pût faire parler pour lui. Il se comparoit dans sa Lettre, au Paralytique de trente-huit ans, qui attendoit en vain que l'eau de la piscine fût agitée en sa faveur. Cette Lettre touchante eut l'effet qu'elle devoit avoir à la Cour, où les intérêts personnels étouffent tout autre intérêt, où le mérite a des amis timides qui le servent foiblement, & des ennemis ardens, attentifs aux occasions de lui nuire. Les services de M. du Marsais, sa vieillesse, ses infirmités, les prieres de son ami, ne purent rien obtenir. On convint de la justice de ses demandes, on lui témoigna beaucoup d'envie de l'obliger; ce fut tout le fruit qu'il retira de la bonne volonté apparente qu'on lui marquoit. La plus grande injure que les gens en place puissent faire à un homme de Lettres, ce n'est pas de lui refuser l'appui qu'il a droit d'attendre d'eux; c'est de le laisser dans l'oppression ou dans l'oubli, en voulant paroître ses protecteurs. L'indifférence pour les talens ne les offense pas toûjours, mais elle les révolte quand elle cherche à se couvrir d'un faux air d'intérêt; heureusement elle se démasque bientôt elle-même, & les moins clairvoyans n'y sont pas long-tems trompés. M. du Marsais, avec moins de délicatesse & plus de talent pour se faire valoir, eût peut-être trouvé chez quelques Citoyens riches & généreux, les secours qu'on lui refusoit d'ailleurs. Mais il avoit assez vécu pour apprendre a redouter les bienfaits, quand l'amitié n'en est pas le principe, ou quand on ne peut estimer la main dont ils viennent. C'est parce qu'il étoit très-capable de reconnoissance, & qu'il en connoissoit tous les devoirs, qu'il ne vouloit pas placer ce sentiment au hasard. Il racontoit à cette occasion avec une sorte de gaieté que ses malheurs ne lui avoient point fait perdre, un trait que Moliere n'eût pas laissé échapper, s'il eût pû le connoître: M. du Marsais , disoit un riche Avare, est un fort honnête homme; il y a quarante ans qu'il est mon ami, il est pauvre, & il ne m'a jamais rien demandé . Sur la fin de sa vie il crut pouvoir se promettre des jours un peu plus heureux; son fils, qui avoit fait une petite fortune au Cap François, où il mourut il y a quelques années, lui donna par la disposition de son testament l'usufruit du bien qu'il laissoit. Peut-être un pere avoit-il droit d'en attendre davantage; mais c'en étoit assez pour un vieillard & pour un Philosophe: cependant la distance des lieux & le peu de tems qu'il survécut à son fils, ne lui permirent de toucher qu'une petite partie de ce bien. Dans ces circonstances M. le Comte de Lauraguais, avantageusement connu à l'Académie des Sciences par différens Mémoires qu'il lui a présentés, eut occasion de voir M. du Marsais, & fut touché de sa situation; il lui assûra une pension de 1000 liv. dont il a continué une partie à une personne qui avoit eu soin de la vieillesse du Philosophe: action de générosité qui aura parmi nous plus d'éloges que d'imitateurs. Notre illustre Collegue, quoiqu'âgé de près de quatre-vingts ans, paroissoit pouvoir se promettre encore quelques années de vie, lorsqu'il tomba malade au mois de Juin de l'année derniere. Il s'apperçut bientôt du danger où il étoit, & demanda les Sacremens, qu'il reçut avec beaucoup de présence d'esprit & de tranquillité: il vit approcher la mort en sage qui avoit appris à ne la point craindre, & en homme qui n'avoit pas lieu de regretter la vie. La République des Lettres le perdit le 11 Juin 1756, après une maladie de trois ou quatre jours. Les qualités dominantes de son esprit étoient la netteté & la justesse, portées l'une & l'autre au plus haut degré. Son caractere étoit doux & tranquille; & son ame, toûjours égale, paroissoit peu agitée par les différens évenemens de la vie, même par ceux qui sembloient devoir l'affecter le plus. Quoiqu'accoûtumé à recevoir des loüanges, il en étoit très-flaté; foiblesse, si c'en est une, pardonnable aux Philosophes mêmes, & bien naturelle à un homme de Lettres qui n'avoit point recueilli d'autre récompense de ses travaux. Peu jaloux d'en imposer par les dehors souvent grossiers d'une fausse modestie, il laissoit entrevoir sans peine l'opinion avantageuse qu'il avoit de ses Ouvrages; mais si son amour-propre n'étoit pas toûjours caché, il se montroit sous une forme qui ne pouvoit choquer celui des autres. Son extérieur & ses discours n'annonçoient pas toûjours ce qu'il étoit; il avoit l'esprit plus sage que brillant, la marche plus sûre que rapide, & plus propre aux matieres qui dépendent de la discussion & de l'analyse, qu'à celles qui demandent une impression vive & prompte. L'habitude qu'il avoit prise d'envisager chaque idée par toutes ses faces, & la nécessité où il s'étoit trouvé de parler presque toute sa vie à des enfans, lui avoient fait contracter dans la conversation une diffusion qui passoit quelquefois dans ses Ecrits, & qu'on y remarqua sur-tout à-mesure qu'il avança en âge. Souvent dans ses entretiens il faisoit précéder ce qu'il avoit à dire par des préambules dont on ne voyoit pas d'abord le but, mais dont on appercevoit ensuite le motif, & quelquefois la nécessité. Son peu de connoissance des hommes, son peu d'usage de traiter avec eux, & sa facilité à dire librement ce qu'il pensoit sur toutes sortes de sujets, lui donnoient une naïveté souvent plaisante, qui eût passé pour simplicité dans tout autre que lui; & on eût pû l'appeller le La Fontaine des Philosophes. Par une suite de ce caractere, il étoit sensible au naturel, & blessé de tout ce qui s'en éloignoit; aussi, quoiqu'il n'eût aucun talent pour le Théatre, on assûre qu'il ne contribua pas peu par ses conseils à faire acquérir à la célebre le Couvreur cette déclamation simple d'où dépend l'illusion du spectateur, & sans laquelle les représentations dramatiques, dénuées d'expression & de vérité, ne sont que des plaisirs d'enfant. Enfin il étoit, dit M. de Voltaire, du nombre de ces sages obscurs dont Paris est plein, qui jugent sainement de tout, qui vivent entr'eux dans la paix & dans la communication de la raison, ignorés des Grands, & très-redoutés de ces Charlatans en tout genre qui veulent dominer sur les esprits. Il se félicitoit d'avoir vû deux évenemens qui l'avoient beaucoup instruit, disoit-il, sur les maladies épidémiques de l'esprit humain, & qui le consoloient de n'avoir pas vécu sous Alexandre ou sous Auguste. Le premier de ces évenemens étoit le fameux système dont il avoit été une des victimes; système très-utile en lui-même, s'il eût été bien conduit, & si son Auteur & le Gouvernement n'avoient pas été séduits & entraînés par le fanatisme du Peuple. Le second évenement étoit l'étrange folie des Convulsions & des miracles qui les ont annoncées; autre espece de fanatisme qui auroit pû être dangereux s'il n'avon pas été ridicule, qui a porté le coup mortel aux hommes parmi lesquels il est né, & qui les a fait tomber dans un mépris où ils resteront, si la persécution ne les en tire pas. Nous avions tout lieu de craindre que la mort de M. du Marsais ne laissât dans l'Encyclopédie un vuide immense & irréparable; nous nous sommes heureusement adressés pour le remplir à d'excellens Disciples de ce grand Maître, assez bien instruits de ses principes, non-seulement pour les développer avec netteté & les appliquer avec justesse, mais pour se les rendre propres, pour les étendre, & même pour oser quelquefois les combattre. M. Douchet, Professeur de Grammaire à l'Ecole Royale Militaire, & M. Beauzée son Collegue, ont bien voulu se charger à notre priere de continuer le travail de M. du Marsais. M. Paris de Meyzieu, Directeur général des Etudes & Intendant en survivance de la même Ecole, auteur de l' article Ecole Royale Militaire , a contribué, par l'intérêt qu'il prend à l'Encyclopédie, à nous procurer cet important secours; il veut bien encore y joindre ses lumieres, & concourir, autant que ses occupations pourront le lui permettre, à la perfection d'une partie si utile de notre Ouvrage. Plusieurs des articles que Messieurs Douchet & Beauzée nous ont donnés, se trouvent déjà dans ce Volume; & s'il nous étoit permis de prévenir le jugement du Public sur ces nouveaux Collegues, nous oserions croire qu'il ne les trouvera pas indignes de leur illustre Prédécesseur. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=NOMS des Auteurs qui ont fourni des Articles pour ce Volume Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech= NOMS des Auteurs qui ont fourni des Articles pour ce Volume NOMS des Auteurs qui ont fourni des Articles pour ce Volume . M. Le Comte de Tressan , Lieutenant Général des Armées du Roi, Commandant pour le Roi à Toul, & Membre des Académies Royales des Sciences de France, d'Angleterre & de Prusse, a donné les articles Garde-Côtes , Guerre ( Aller à la ), & Guerre ( Homme ac ). M. le Président de Brosses , Correspondant honoraire de l'Académie Royale des Belles-Lettres, nous a communiqué sur la Gamme des réflexions qu'on trouvera au mot Gamme . M. de Voltaire a donné Force ( Littérat. ), Froid ( Littérat. ), Franchise, François, Galant, Garantie, Gazette, Genre de Style, Gens de Lettres, Gloire & Glorieux ( Gramm. ), Goût ( Littérat. ), Grace ( Littérat. ) Grand & Grandeur ( Gramm. ), Grave & Gravité ( Littér. ), &c. On trouvera à l'article Goût ( Littér. ), le fragment de feu M. le Président de Montesquieu , que nous avons annoncé à la fin de son Eloge. M. de la Condamine , de l'Académie Royale des Sciences de France, de celle de Berlin, & de la Société Royale de Londres, &c. a donné le mot Guiane . M. Rallier des Ourmes , Conseiller d'honneur au Présidial de Rennes, a donné l'article Fraction , & plusieurs autres pour les Volumes suivans. M. Watelet , Receveur Général des Finances, & Honoraire de l'Académie Royale de Peinture, a donné, relativement à cet Art, les mots Fond , Forme , Fresque , Galerie , Genre , Glacis , Gouache , Grappe de Raisin , Gravure , Grimace , Grotesque , & Groupe . M. de Montdorge a donné les articles Gravure en couleurs , & Gravure en maniere noire . M. Marmontel a donné les mots Gloire ( Morale ), Grand ( Morale ), & Grandeur ( Morale ). M. l'Abbé Morellet , Licentié en Théologie de la Faculté de Paris, de la Maison & Société de Sorbonne, Auteur des articles Fatalité, Figure, & Fils de Dieu , dans le Volume précédent, a donné pour celui-ci les mots Foi , Fondamentaux ( Articles ), &c. Ces articles sont tous marqués de la lettre ( h ) MM. Douchet & Beauzée , Professeurs de Grammaire à l'Ecole Royale Militaire, annoncés à la fin de l'Eloge de M. du Marsais , ont donné, relativement à la Grammaire, les articles Formation , Fréquentatif , Futur , G , Gallicisme , Générique , Génitif , Genre , Gérondif , Gouverner , Grammaire , &c. Ces articles sont désignés par ( E. R. M. ), comme étant sortis de l'Ecole Royale Militaire. M. de Ratte , Secrétaire perpétuel de la Société Royale des Sciences de Montpellier, Membre de la Société Royale de Londres, de l'Académie de Cortone, & de l'Institut de Bologne, a donné les mots Froid , Gelée , Gelée blanche , Givre , Glace , & Grêle . M. Barthés , Docteur en Medecine de la Faculté de Montpellier, & Medecin des Armées du Roi en Allemagne, a donné Follicule ( Anatom. ), & Force des Animaux . Ces articles sont marqués de la lettre ( g ), ainsi que ceux de M. Barthés dans le Volume précédent. M. Penchenier , Docteur en Medecine à Montelimart, a donné le mot Goutte . M. Liebaut , chargé du dépôt de la Guerre, est auteur des articles Former des Troupes , & Fuite . M. de Margenci , Gentilhomme ordinaire du Roi, a donné l'article Gentilhomme ordinaire . M. Boulanger , Inspecteur des Ponts & Chaussées, a donné l'article Guebres . M. Le Roi , Lieutenant des Chasses du Parc de Versailles, a donné les mots Forest , Froment , Fumier , Fureter , Garde-Chasses , Garenne , Gibier , &c. M. Quesnai le fils a donné l'article Grains ( Econom. polit. ) M. Lefebvre a donné les mots Foiblesse ( Morale ), Folie ( Morale ), Gouverneur, & Gouvernante M. Desmarest , connu par la Dissertation sur l'ancienne jonction de l'Angleterre au Continent, qui a remporté le Prix de l'Académie d'Amiens en 1751, & par l'Edition françoise d'Hauksbée avec une préface & des notes, publiée en 1754, a donné Fontaine, & Géographie physique . M. Necker le fils , Citoyen de Geneve, Professeur de Mathématique en cette Ville, & Correspondant de l'Académie Royale des Sciences de France, a donné l'article Frottement . M. Le Romain a fourni différens articles sur l'Histoire naturelle des Isles de l'Amérique. M. Robert de Vaugondi , Géographe ordinaire du Roi, a donné Fuseau ( Géograph. ), Géographie, & Globe . M. Bouchu , Maître de Forges à Veux-Saules, proche Châteauvilain, a donné le mot Forges . M. de Villiers , Docteur en Medecine, a donné plusieurs articles de Chimie, entr'autres Fondant , Fourneau , Grenailier , &c. MM. Durival l'ainé & le jeune ont donné différens morceaux pour ce Volume, comme ils ont bien voulu le faire pour les précédens. M. Papillon , Graveur en bois, a donné les articles relatifs à son Art. M. Magimel , les articles d'Orfévrerie. M. Ferdinand Berthoud , Horloger, l'article Fusée ( Horlogerie ). M. Romilli , Horloger, l'article Frottement ( Horlogerie ). Cinq personnes qui ne veulent pas être connues, nous ont donné, la premiere, l'article Guittare ; la seconde, l'article Gaieté ; la troisieme, les articles Foire & Fondation ; la quatrieme, le mot Généralité ; & la cinquieme, les mots Fantaisie , Fragilité ( Morale ), Frivolité, & Génie ( Littér. ) D'autres personnes nous avoient aussi fourni des secours que nous n'avons pu employer, quelquefois parce qu'ils sont arrivés trop tard; de ce nombre est l'article Grace ( Politiq. ), Guatchapéli ( Botan. ), Guayaquil ( Géog. ): plus souvent, ou parce qu'ils ont rencontré des difficultés à la censure, ou parce que nous n'aurions pu leur faire place qu'en supprimant l'Ouvrage de nos Collegues ordinaires. MARQUES DES AUTEURS. * M. Diderot . (-) M. le B. D. H. ( D.J. ) M. le Chevalier de Jaucourt . ( A ) M. Boucher d'Argis . ( B ) M. de Cahusac . ( b ) M. Venel . ( c ) M. Daubenton , Subdelegué de Montbard. ( D ) M. Goussier . ( d ) M. d'Aumont . ( E ) M. l'Abbé de la Chapelle . ( e ) M. Bourgelat . ( F ) Feu M. du Marsais , dont il y a encore quelques articles dans ce Volume. ( G ) Feu M. l'Abbé Mallet . ( g ) M. Barthés . ( h ) M. l'Abbé Morellet , annoncé ci-dessus. ( I ) M. Daubenton , de l'Académie des Sciences. ( K ) M. d'Argenville . ( L ) M. Tarin . ( O ) M. d'Alembert . ( P ) M. Blondel . ( Q ) M. le Blond . ( R ) M. Landois . ( S ) M. Rousseau , de Geneve . ( T ) M. le Roi , de l'Académie des Sciences. ( Y ) M. Louis . ( Z ) M. Bellin . ( E. R. M. ) MM. Douchet & Beauzée , annoncés ci-dessus. ENCYCLOPÉDIE , ou DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOANG Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FOANG FOANG, s. m. ( Comm. ) petite monnoie d'argent qui a cours à Siam, & qui y vaut quatre sous & la moitié d'un denier de la nôtre, à 3 liv. 10 s. l'once d'argent. Le foang est la moitié du mayon. Voyez le journal de Siam de l'abbé de Choisi. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOCA, FOCAS Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FOCA FOCA,-FOCAS, s. m. ( Hist. nat. lot. ) fruit qui croît dans l'île de Formose, & qui a, dit-on, la forme & la grandeur d'une poire de bon chrétien. Il vient, sur la terre comme les melons, est d'un beau rouge pourpre & d'un goût exquis. Hubner, dict. univers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOCALE Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. FOCALE FOCALE, s. m. ( Hist. anc. ) espece de mouchoir de cou à l'usage des anciens, qui s'en servoient pour se garantir la gorge des injures de l'air. Les Allemands ont encore le focale. Dictionn. de Medecine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOEHR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOEHR FOEHR, ( Géogr. ) petite île de la mer d'Allemagne sur la côte occidentale de Sleswick; ses habitans conservent le langage, les moeurs, & l'habillement des anciens Frisons. Voyez Hermanides, Daniae desc. Long. 26 d 18'. lat. 54 d 46' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOENERATEURS Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m.pl. FOENERATEURS * FOENERATEURS, s. m. pl. ( Hist. anc. ) c'étoient à Rome des especes d'usuriers; ils prêtoient sur gages, & à un gros intérêt. Ils s'assembloient autour de la statue de Janus, aux environs de l'arc Fabien & du putéal de Libon. Ce commerce odieux fut défendu; mais on ne tarda pas à sentir la nécessité des emprunts, & l'impossibilité de trouver des gens qui prêtassent sans avoir des sûretés. On réduisit donc l'intérêt de l'argent à une somme modique, & on en permit le trafic sous la forme ordinaire. Voyez Intérêt & Usure , -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOESNE ou FOUANE Author=Bellin Normalized Classification=Marine | Pêche Part of Speech=s. FOESNE ou FOUANE FOESNE ou FOUANE, sub. s. ( Marine & Pêche. ) c'est un instrument de fer propre à la Pêche, dont on se sert dans les vaisseaux pour harponner la dorade & la bonite à l'avant du navire. La foesne est faite en maniere de trident, & a une corde attachée à son manche pour la retirer, après qu'on l'a lancée sur le poisson. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOETUS Author=Tarin|Jaucourt Normalized Classification=Physiologie Part of Speech=s.m. FOETUS FOETUS, s. m. ( Physiologie .) Foetus dans l'économie de la nature se dit de chaque individu formé dans sa matrice, voyez Matrice ; dans l'économie animale, de l'animal formé dans le ventre de sa mere, & par conséquent de l'enfant formé dans le sein de la femme: c'est de ce dernier que nous nous proposons de parler ici. Quels sont les premiers principes de ce corps? comment commence-t-il? Est-il d'abord tout formé? & ne fait-il que se développer? C'est un point que toutes les recherches & les observations faites sur la génération tendent à éclaircir. Voyez Génération . Ainsi, sans nous arrêter aux différentes hypothèses que les dissertateurs plus ou moins appuyés de faits, ont imaginées pour expliquer les principes du développement des corps animés, remontons à la forme du corps humain la plus petite que les yeux les mieux habitués à observer ayent pû appercevoir. Voici ce que nous apprendront leurs observations. Les Chirurgiens, les Accoucheurs, les Anatomistes, ont observé que trois ou quatre jours après la conception, il y a dans la matrice une bulle ovale, & que sept jours après la conception on peut distinguer à l'oeil simple les premiers linéamens du foetus . Ces linéamens néanmoins ne paroissent être qu'une masse d'une gelée presque transparente, qui a déjà quelque solidité, & dans laquelle on reconnoît la tête & le tronc. Quinze jours après on commence à bien distinguer la tête, & à reconnoître les traits les plus apparens du visage; le nez n'est encore qu'un petit filet prééminent & perpendiculaire à une ligne qui indique la séparation des levres; on voit deux points noirs à la place des yeux, deux petits trous à celle des oreilles; aux deux côtés de la partie supérieur du trone, de petites protubérances qui sont les premieres ébauches des bras & des jambes. Au bout de trois semaines, le corps du foetus s'est un peu augmenté; les bras & les jambes, les mains & les piés s'apperçoivent. L'accroissement des bras est plus prompt que celui des jambes, & les doigts des mains se séparent plûtôt que ceux des piés. A un mois le foetus a plus de longueur, la figure humaine est décidée, toutes les parties de la face sont déjà reconnoissables, le corps est dessiné, les hanches & le ventre sont élevés, les membres sont formés, les doigts des piés & des mains sont séparés les uns des autres, les visceres sont déjà marqués par des fibres pelotonnées. A six semaines le foetus est plus long, la figure humaine commence à se perfectionner; la tête est seulement, proportion gardée, plus grosse que les autres parties du corps. A deux mois il est plus long, & encore plus à trois, & il pese davantage. Quatre mois & demi après la conception, toutes les parties de son corps sont si fort augmentées, qu'on les distingue parfaitement les unes des autres; les ongles même paroissent aux doigts des piés & des mains. Il va toûjours en augmentant de plus en plus jusqu'à neuf mois, sans qu'il soit possible de déterminer les dimensions de ses parties. Tout ce qu'il y a de certain, c'est que le foetus croît de plus en plus en longueur, tant qu'il est dans le sein de sa mere, & qu'après la naissance il croît beaucoup plus dans les premieres années que dans les suivantes, jusqu'à l'âge de puberté. Nous prenons le terme de neuf mois pour le terme ordinaire que l'enfant reste dans le sein de sa mere; car différentes observations nous ont appris que des enfans nés à 6, 7, 8, 10, 11 & 13, ont vécu; que d'autres ont resté 4 & 6 mois, y étant morts, sans s'y gâter, & même 23 mois, deux ans, trois ans, quatre ans, seize ans, vingt-six & quarante six ans, après avoir à la vérité souffert quelques altérations, mais sans que la santé de la mere ait paru dérangée. Voyez Scenckius, Bartholin, & les autres observateurs; & même si nous en voulions croire Krantzius, Aventin, Wolff, il en est sorti un au bout de deux ans du ventre de la mere, tout parlant & en état de marcher. Quelle philosophie! Nous regardons aussi la matrice comme le lieu dans lequel le foetus se trouve plus ordinairement renfermé, dans quelqu'endroit de cette partie que puisse s'attacher son placenta, qu'on a en effet vû attaché dans différens endroits des parois intérieures de la matrice ( voyez Accouchement ); cependant quelques observateurs, & même des observateurs dignes de foi & capables d'observer, nous disent en avoir trouvé de développés dans les ovaires, dans le pavillon, dans les trompes, dans le bas-ventre, &c. Voyez les mémoires de l'académie royale des Sciences; les oeuvres anatomiques de feu M. Duverney medecin; les miscell. natur. curios. &c. Il est plus ordinaire de voir des femmes n'avoir qu'un enfant à la fois, qu'un plus grand nombre; & lorsqu'elles en portent deux, trois, quatre & cinq, on les trouve très-rarement sous la même enveloppe, & leurs placentas, quoiqu'adhérans, sont presque toûjours distincts. Les observations sur le plus grand nombre d'enfans que les femmes ayent eu à la fois, méritent d'être discutées; c'est ce qu'on verra à l' artic . OEconomie de la Nature , où on entrera dans quelque détail sur la fécondité des différens individus; du reste est-il bien constant qu'une fois qu'un foetus est développé dans la matrice, il puisse encore s'y en développer une autre par le même moyen? c'est ce qui paroît confirmé par des observations qui seront examinées à l' article Superfétation . Mais quoiqu'on ait des exemples de fruit renfermé dans un autre fruit, d'oeuf contenu dans un autre oeuf; que Bartholin nous apprenne que des rats ayent fait des petits qui en portoient d'autres, & qu'on ait vû en Espagne une jument faire une mule qui étoit grosse d'une autre mule: il paroîtra toûjours surprenant que des foetus humains se soient trouvés fécondés des le sein de leur mere, & qu'ils soient accouchés d'enfans vivans peu de jours après leur naissance; c'est cependant ce que paroissent confirmer Bartholin, Clauder, les miscell. natur. curios. le journal des savans , &c. Quoique ce cas soit des plus rares, pensera-t-on avec Bartholin, que la nature qui avoit en vûe de produire deux jumeaux, en a par certaines circonstances enfermé un dans l'autre, & qu'elle s'est conduite en ce cas comme quelques-uns la font agir dans la production d'enfans à deux têtes, à deux corps, à quatre bras, &c? Voyez Monstre . Por quoi les enfans ressemblent-ils tantôt à leur pere, tantôt à leur mere? Toutes les observations qu'on a eu occasion de faire dans l'économie de la nature, tant dans le regne végétal que dans le regne animal, font bien voir que cela a lieu, sans trop nous instruire du comment ni du pourquoi. C'est à-peu-près la même difficulté pour les différentes marques de naissance. Voyez Imagination & Génération . Le foetus situé dans la matrice y est donc comme le poisson au milieu des eaux, c'est-à-dire qu'on peut considérer tout son ensemble comme une espece d'oeuf, rempli d'une liqueur dans laquelle le foetus nage, & aux parois intérieures duquel il est arrêté d'un côté par une espece de cordon qui sort de son nombril, & qui est composé de vaisseaux qui se divisent & se subdivisent en un grand nombre de ramifications pour pénétrer ce côté des parois de l'oeuf, passer à-travers, & s'aller implanter dans la matrice, de laquelle il tire par ce moyen sa nourriture. Sept ou huit jours après la conception, si ce n'est plûtôt, le foetus commence donc à être arrêté de cette façon à son cordon, s'augmente peu-à-peu, ne donne des signes de vie que plus d'un mois après la conception, plus ordinairement même à quatre mois ou quatre mois & demi, rarement plûtôt ni plus tard; il s'accroît, placé qu'il est pour l'ordinaire (lorsqu'il est seul, que le placenta est attaché au fond de la matrice, & que d'autres causes d'équilibre ne changent pas cette situation), les piés en-bas, le derriere appuyé sur les talons, la tête inclinée sur les genoux, les mains sur la bouche, & il nage comme une espece de vaisseau dans l'eau contenue par les membranes qui l'environnent, sans que la mere en ressente d'incommodité; mais une fois que la tête vient à grossir assez pour rompre cet équilibre, elle tombe en-bas, la face tournée vers l'os sacrum & le sommet vers l'orifice de la matrice, six, sept ou huit semaines, plus ou moins, avant l'accouchement. Voyez Accouchement . La premiere des membranes qui paroît à l'extérieur de l'oeuf, se nomme chorion ; & l'endroit de cette membrane qui soûtient le nombre presqu'infini des vaisseaux, dont les extrémités s'implantent dans la matrice, s'appelle placenta. Voyez Chorion & Placenta . En séparant le chorion, on découvre une autre membrane qu'on appelle amnios , qui, par conséquent, tapisse le chorion & le placenta, revêt le cordon ombilical, s'étend sur le corps du foetus , ou au-moins se trouve continue à la membrane extérieure qui le couvre, & renferme immédiatement les eaux dans lesquelles le foetus nage. Voyez Amnios . Le cordon est composé de deux arteres & d'une veine qu'on nomme ombilicales , & d'un troisieme canal qu'on appelle ouraque , & qui, sans être creux dans l'homme, vient du fond de la vessie pour s'avancer jusqu'au nombril, où il semble se terminer; tandis que creux dans les vaches, les brebis, les chevres, &c. il s'engage dans le cordon, coule entre les deux arteres en conservant encore la forme du canal, quitte le cordon pour s'étendre à droite & à gauche, & former de chaque côté un grand sac qui occupe toute une corne de la matrice à laquelle il est attaché par une petite appendice, & qui a la figure d'un gros boudin; ainsi on ne peut pas douter qu'il ne soit le réservoir de l'urine du foetus , & on le nomme en conséquence membrane allantoïde. Voyez Cordon , Ouraque & Allantoide Quant à l'eau que renferme l'amnios, & dans laquelle le foetus nage, quelle en est la source? s'y renouvelle - t-elle? y a-t-il dans les membranes qui la contiennent des organes propres à la séparer? distille - t-elle des vaisseaux exhalans, & est-elle reprise par des vaisseaux absorbans de toute la surface qu'elle touche? sert-elle de nourriture au foetus? Ce sont de ces questions qui, après bien des discussions, n'ont pas encore acquis toute la clarté nécessaire pour n'y plus laisser aucun doute. Nous nous contenterons donc de dire que le foetus se meut facilement de côté & d'autre, & que ce bain naturel le met à couvert des injures extérieures, en éludant la violence des coups que la femme grosse peut recevoir sur le ventre; & il défend aussi, par la même raison, la matrice des secousses & des frotemens causés par les mouvemens du foetus; enfin ces eaux servent à faciliter la sortie de l'enfant dans le tems de l'accouchement, en rendant les passages plus souples. Ainsi le foetus croît dans sa prison jusqu'au tems où, semblable à une espece de fruit parvenu à sa maturité. les membranes qui l'environnent se rompent, les eaux coulent, & il enfile la route qui le conduit à la lumiere; & s'il sortoit de la matrice sans que ces membranes se rompissent, il ne laisseroit pas de vivre en le plongeant dans l'eau, ou au-moins en faisant ensorte qu'il pût se conserver comme il étoit dans la matrice; si bien que s'il étoit placé dans un milieu d'où les racines du placenta pussent tirer un suc propre à les nourrir, il vivroit dans cet état hors de la matrice, comme il y vivoit renfermé, sans respirer: mais il n'en est pas de même une fois qu'il a respiré; car je ne crois pas que malgré la disposition de ses organes intérieurs, il pût s'y soûtenir long-tems. Voyez Respiration . Il y a donc dans le foetus quelque construction particuliere convenable à la vie qu'il mene dans le sein de sa mere. Il a un canal qui communique de la veine-porte à la veine-cave inférieure: on y trouve un trou de communication de l'oreillette droite du coeur à l'oreillette gauche, garni d'une soupape qui permet bien au sang de cette oreillette de passer dans la gauche, mais qui empêche, ou au-moins ne permet pas avec autant d'aisance, au sang de l'oreillette gauche de passer dans la droite; ce trou est nommé trou ovale . On voit encore un canal qui communique de l'artere du poumon à l'aorte descendante, sous le nom de conduit artériel. Voyez Aorte , Coeur , &c. Pour bien entendre les usages de ces parties, il faut remarquer, dit M. Duverney, que le sang de la veine-porte du foetus coule fort lentement: premierement, parce qu'il n'est point battu ni comprimé par les mouvemens de la respiration; deuxiemement, parce qu'il va d'un petit canal dans un grand; troisiemement, parce qu'à chaque respiration de la mere, le placenta est comprimé de maniere que le mouvement des liqueurs qu'il contient en est augmenté, & par conséquent celui du sang de la veine ombilicale; quatriemement, parce que ce sang est très-vif & très-fluide, tant parce qu'il se mêle immédiatement avec celui des arteres ombilicales qu'avec celui de la mere, qui doit être en quelque sorte comparé au sang de la veine du poumon des adultes, c'est à-dire qu'il est impregné de toutes les particules d'air destinées pour vivifier le sang du foetus , & chargé de tous les sucs qui peuvent être employés pour sa nourriture & pour son accroissement. Cela posé, il est aisé de concevoir que le sang de la veine ombilicale étant plus vif, plus fluide, & poussé avec plus de force que celui qui coule dans celui de la veine-porte, il en doit passer une portion considérable au-travers de ce sinus, dans l'embouchure du conduit veineux qui est fort court, sans aucun rameau, & qui se présente presque directement pour le recevoir. Il y a lieu de croire que le sang de la veine-porte ne peut pas beaucoup se détourner de sa route, parce que deux liqueurs, qui sont poussées par un canal commun avec des vîtesses inégales & des directions différentes, ne se mêlent pas parfaitement, & celle qui va plus vîte s'éloigne moins de sa premiere direction. Il y a lieu de croire que la portion de ce sang qui se mêle avec celui de la veine-porte, sert à la rendre plus propre à la filtration de la bile. Voilà par quelle adresse la nature fait passer les sucs nourriciers de la mere dans la veine-cave inférieure du foetus , & de-là dans le coeur, qui est tout proche de l'insertion de ce conduit; ce qui nous donne lieu de remarquer que comme tout ce qu'il y a de plus nécessaire à la vie & à la nourriture du foetus , est renfermé dans le sang de la veine ombilicale, ainsi qu'il a été dit, la nature lui a frayé un chemin le plus court & le plus facile qui lui étoit possible pour le faire entrer dans le coeur, qui distribue ensuite cette liqueur si importante à toutes les parties du foetus : car en faisant passer ce sang par ce conduit veineux qui, quoique très-court, prolonge, pour ainsi dire, la veine ombilicale jusqu'à l'entrée du coeur; elle évite l'embarras d'une très-longue & très-pénible circulation, qui se feroit au-travers de la substance du soie. Examinons à-présent quel est l'usage du trou ovale. On vient de faire voir qu'une portion considérable du sang de la veine ombilicale se jette dans la veine-cave inférieure, où il se mêle encore avec celui qui revient par cette veine-cave. Ce sang s'avance vers le coeur; & là, rencontrant le trou ovale dont on vient de parler, il oblige sa soupape par son poids & son impulsion à se tenir ouverte, & à le laisser passer pour la plus grande partie dans le tronc de la veine du poumon, de-là dans le ventricule gauche; ce qui fait qu'il y passe avec facilité & autant que l'ouverture du trou peut le permettre, c'est que dans le foetus humain, il y a un rebord membraneux, qui regnant transversalement le long de la partie supérieure du trou ovale, détermine une partie du sang de la veine-cave inférieure à passer par ce trou. Dans les animaux à quatre piés, la digue qui est entre les deux veines-caves, fait un rebord précisément au-dessus du même trou; ce qui fait que le sang qui monte par la veine-cave inférieure, & qui va heurter contre cette digue, trouve une très-grande résistance qui le détermine à passer facilement par le trou ovale: car par ce choc, le sang venant à rencontrer celui qui remonte, pose plus long-tems sur la soupape qu'il fait baisser, non seulement par son poids, mais encore en revenant de la digue sur lui-même. Ce qui facilite encore le passage du sang de la veine-cave inférieure par le trou ovale, c'est que la soupape a une entiere liberté de se baisser, ne trouvant que peu de résistance de la part du sang qui revient dans le tronc de la veine du poumon; tant à raison de la situation & de la direction de cette même soupape, qui est placée à la partie supérieure de ce tronc, c'est-à-dire dans l'endroit où le sang qui y coule fait le moins d'effort; que parce qu'il en passe moins dans la veine du poumon, qu'il est moins élastique, & qu'il se meut avec moins de vîtesse. En parlant de la structure de cette soupape, on a expliqué dans quel tems du mouvement du coeur elle s'éleve & s'abaisse pour former ou laisser ouvert le trou ovale. Il est aisé de juger que ce trou sert aussi-bien que le conduit veineux à abreger le chemin de la veine ombilicale, car le conduit veineux exempte ce sang de l'embarras d'une circulation très-longue & très pénible qu'il se feroit au-travers du foie, ainsi qu'il a été dit; & par le trou ovale ce même sang évite pareillement l'embarras d'une circulation au-travers du poumon, non-seulement inutile, mais aussi très difficile, & qui paroît même causer la mort du foetus . En un mot, le conduit veineux fait passer ce sang jusqu'à l'entrée du coeur sans traverser le foie, & le trou ovale le fait passer dans le ventricule droit, & par le poumon. Il ne seroit rentré dans l'aorte qu'après avoir traversé ce viscere, où il se seroit dépouillé de ses parties les plus vives & les plus nourricieres. Examinons maintenant quel est l'usage du conduit artériel. La veine-cave supérieure se décharge entierement dans le ventricule droit qui reçoit aussi une portion du sang qui coule par la veine-cave inférieure, savoir celle qui n'a pû passer par le trou ovale; mais afin que ce sang évite le chemin inutile & difficile des poumons, il arrive que quand il est poussé par la contraction du ventricule droit du coeur dans le tronc de l'artere du poumon, tout ce sang ne peut pas passer dans ce viscere par la résistance que lui font l'affaissement des cellules, & tous les plis & les replis de leurs vaisseaux contre lesquels ce sang va heurter; c'est donc ce qui le détermine à passer par le canal de communication pour se rendre dans l'aorte descendante: & si l'on fait attention à la grande résistance que le sang trouve à passer par le poumon, & que le canal de communication a plus de diametre qu'une des branches qui vont au poumon; il sera aisé de prouver que la portion la plus considérable qui sort du ventricule droit, est forcée d'entrer dans le conduit artériel, & d'y passer avec le degré de vîtesse convenable à sa quantité. On va expliquer pourquoi cette circulation est différente dans l'homme avant & après la naissance. Le foetus ne pouvant respirer tant qu'il est renfermé dans le ventre de sa mere, ses poumons sont affaissés, leurs vaisseaux sont repliés les uns sur les autres; de sorte que si l'artere du poumon y portoit une aussi grande quantité de sang qu'après la naissance, le sang s'y amasseroit & gonfleroit tellement les vaisseaux, qu'il ne manqueroit pas d'interrompre la circulation du ventricule droit au gauche, d'y causer quelque inflammation, & d'y former des abcès qui causeroient bien-tôt la mort du foetus ; ce qui ne peut plus arriver après la naissance, parce que l'air que l'enfant respire gonflant toute la substance celluleuse des poumons, leurs vaisseaux sont redressés: ainsi non-seulement cet air prépare au sang une voie très-libre pour passer du ventricule droit au gauche, mais il le force même par son ressort de couler incessamment dans le ventricule gauche. On voit à-présent, tant par le moyen du trou ovale que par celui du conduit artériel, que le poumon n'est pas chargé d'une si grande quantité de sang, puisqu'une portion de la veine-cave inférieure passe par le trou ovale dans le tronc de la veine du poumon qui se décharge dans le ventricule gauche, & de-là dans l'aorte, & qu'ainsi ce sang n'est pas obligé de circuler par le ventricule droit & par les poumons; & quant au sang qui est entré dans le ventricule droit, & qui a passé dans l'artere du poumon, la plus grande partie est forcée par le refoulement que souffre le sang dans la substance du poumon, de couler par le conduit artériel dans l'aorte descendante, sans passer par les poumons & le ventricule gauche du coeur: par ce moyen le trou ovale ne décharge pas seulement le ventricule droit du coeur, mais encore le poumon; de même le conduit artériel ne décharge pas seulement le ventricule gauche, mais encore le poumon. En un mot le poumon est par ce moyen déchargé, comme on dit, d'une circulation inutile & dangereuse; inutile, puisque ce sang n'y peut recevoir aucune préparation propre à maintenir la vie du foetus; dangereuse, puisqu'on vient de prouver qu'il seroit par-là en danger de perdre la vie: il ne laisse pas néanmoins d'y passer du sang considérablement pour tenir ses vaisseaux dilatés, afin qu'ils soient en état d'en recevoir une plus grande quantité, immédiatement après la naissance de l'enfant. On peut dire que la nature observe ici la même chose qu'elle fait à l'égard des tortues, des grenouilles, des poissons, & des insectes; car dans les tortues, dans des animaux du même genre, & dans les poissons, tout le sang qui est destitué de sa partie spiritueuse, ne repasse dans l'aorte qu'après s'être mêlé avec celui qui revient des poumons, qui l'anime & qui le vivifie. Dans les insectes qui ont plusieurs coeurs, chaque coeur qui a son aorte a aussi ses trachées particulieres qui lui servent de poumon; & le sang n'entre point dans cette aorte qu'il n'ait été auparavant préparé dans les vaisseaux du coeur, par l'air que lui fournissent les trachées. De même dans le foetus , le sang qui n'est pas assez spiritueux n'entre point dans l'aorte qu'il n'ait été mêlé avec celui qui vient de la mere, lequel a la même qualité que celui qui revient des poumons. Cela étant ainsi, il est aisé de juger que dans le foetus ce mélange du sang se doit faire dans le ventricule d'où naît l'aorte, c'est-à-dire dans le gauche; c'est à quoi sert le trou ovale, & le conduit artériel qui y fait passer une portion considérable du sang de la mere. On voit que dans les adultes tout le sang veineux passe dans les poumons, où il est impregné de particules aériennes qui le rendent propre à toutes ses fonctions avant que d'entrer dans le ventricule gauche, & de-là dans l'aorte: il faut observer que dans le foetus le sang de la veine-cave supérieure, qui est dépouillé de ses particules spiritueuses aériennes & nourricieres, se décharge tout entier dans le ventricule droit, & qu'il n'y en entre qu'une petite portion de la veine-cave inférieure; ce même sang est poussé dans le tronc de l'artere du poumon, où il est divisé en trois parties. La premiere, qui est la plus considérable, passe par le conduit artériel dans l'aorte descendante, pour être rapportée promptement par les arteres ombilicales dans le placenta, & s'y préparer de nouveau. Les deux autres parties qui sont obligées de circuler par le poumon, où elles ne reçoivent aucune préparation, puisqu'il est sans action, se rendent dans le tronc de la veine du poumon pour se remêler avec le sang qui vient de la mere, lequel a passé par le trou ovale, & c'est par ce mélange qu'il se ranime & se vivifie. A l'égard du sang contenu dans le ventricule gauche, on voit que c'est le plus spiritueux & le plus chargé de parties nourricieres, parce qu'il vient presque tout de la mere par le trou ovale: or ce même sang sortant du ventricule gauche, entre dans l'aorte qui le distribue aux parties supérieures & inférieures; avec cette différence, que celui qui passe par l'aorte descendante se mêle avec celui du canal de Botal, qui est moins vif & moins spiritueux; au lieu que celui qui monte au cerveau conserve toute la bonne qualité qu'il a reçûe par son mélange avec le sang de la mere, ce qui le rend d'autant plus propre à la filtration des esprits, dont l'influence est si nécessaire pour l'entretien de la vie du foetus . Comme dans la tortue & dans plusieurs autres animaux il n'y a à chaque circulation qu'environ un tiers du sang qui passe par le poumon pour s'y vivifier, & que cette portion suffit pour animer autant qu'il en est besoin toute la masse du sang, parce que ces animaux ne sont point destinés à des actions où il se fasse une grande dissipation d'esprits ou de la substance des parties; de même dans le foetus , qui dans le ventre de la mere est presque sans action & dans une espece de sommeil continuel, une petite portion du sang de la mere suffit pour animer toute la masse autant qu'il est nécessaire. Examinons à-présent de quelle maniere se forment les vaisseaux de communication dans le foetus . Un canal membraneux & mou, par où il ne passe plus de sang, s'affaisse peu-à-peu & s'étrecit, jusqu'à ce qu'enfin ses parois venant à se toucher & à se coller l'une contre l'autre, de canal qui étoit, il ne devient plus qu'un ligament; or après la naissance de l'enfant il ne passe plus de sang par le conduit veineux, parce que le cours de celui de la veine ombilicale qui se jettoit dedans avec facilité, est arrêté; il n'y a plus que le sang qui coule par le sinus de la veine-porte, qui puisse en fournir quelque portion à ce conduit: mais il faut remarquer que ce sang coule plus aisément par les vaisseaux du foie de l'enfant après la naissance par deux raisons; premierement parce que la substance de ce viscere étant battue sans cesse par les mouvemens de la respiration, elle se dégage & se débarrasse de quantité d'humeurs dont elle étoit remplie pendant le séjour du foetus dans le ventre de la mere, & par conséquent laisse au sang un passage plus libre; deuxiemement, parce que les branches que la veine-porte jette dans le foie, ont leurs canaux ouverts directement du côté que ces vaisseaux entrent dans le sinus; au lieu que le conduit de communication n'a son ouverture dans le sinus de la veine-porte qu'en biaisant, & de maniere que le sang qui coule dans le sinus venant à frapper contre, ne tend qu'à presser & à retenir l'embouchure même du conduit veineux. Voilà de quelle maniere il se forme. Examinons à présent comment se ferme le trou ovale après la naissance de l'enfant. Pour le bien entendre, il faut se souvenir que dans le foetus , tout le sang qui revient des parties inférieures, de même que celui qui vient du placenta, se ramasse dans la veine-cave inférieure, & qu'au contraire il en passe peu dans le tronc de la veine du poumon, ainsi qu'il est prouvé; ensorte qu'il est aisé de juger que l'impulsion de tout ce sang qui passe par la veine-cave inférieure, peut facilement ouvrir la soupape du trou ovale, sans rencontrer beaucoup de résistance de la part du sang qui vient dans le tronc de la veine du poumon, lequel est en petite quantité; mais après la naissance de l'enfant, tout le sang qui sort du ventricule droit, est obligé de circuler par le poumon, comme il sera prouvé; & il y reçoit une forte impulsion: premierement parce que le coeur bat plus fort & pousse avec plus de violence le sang dans l'artere du poumon, qui à son tour repousse plus fortement celui de la veine du poumon; secondement parce que les petits canaux du poumon devenant dans l'inspiration moins courbés, l'impétuosité du sang de l'artere se communique davantage au sang de la veine; troisiemement parce que le sang coulant avec plus de vîtesse par le poumon, il en passe moins par le canal de communication, & par conséquent il en passe davantage par le poumon; quatriemement parce que ce sang est fort élastique, à cause des qualités que l'air lui a communiquées. On voit par-là que le sang qui circule par le tronc de la veine du poumon, coule avec plus de vîtesse, qu'il est en plus grande quantité, & plus élastique qu'il n'étoit auparavant, & qu'il gonfle davantage ce vaisseau; par conséquent il doit l'emporter de beaucoup sur l'effort du sang de la veine cave inférieure, ce qui le met en état de soûlever la soupape & de la tenir fortement attachée à la partie du trou qu'elle laissoit ouvert, & de donner à cette soupape le tems de se coller peu-à-peu aux parois de la veine du poumon. Le sang qui produit cet effet est principalement celui qui revient du poumon droit, car c'est le seul qui venant à frapper contre la soupape, & la prenant par-dessous & par l'endroit où elle est attachée, la soûleve & la déploie, & fait qu'elle s'applique au trou; de cette sorte que s'il étoit possible que celui qui revient du poumon gauche abandonnât le chemin de l'oreillette pour venir frapper contre cette soupape déjà soûlevée, il ne serviroit qu'à la maintenir encore davantage dans cet etat. En parlant de la structure de cette soupape, on a expliqué plus au long comment elle se releve & se ferme. Suivant tout ce que nous venons de dire, il ne sera pas difficile de faire voir comment se ferme aussi le canal de Botal après la naissance. L'on a déjà fait remarquer que tant que le foetus est renfermé dans le sein de la mere, les poumons sont sans action; que tout leur tissu cellulaire est affaissé, leurs vaisseaux pliés & repliés en quantité d'endroits; que le peu de sang qui y a passé a même de la peine à circuler, & que par le séjour qu'il y fait, il leur donne une teinture rouge & une consistance dure & ferme comme de la chair: mais aussitôt après la naissance, l'air extérieur se trouvant forcé d'entrer dans les poumons, les dilate, les gonfle, &c. & d'un autre côté si on considere l'insertion de ce canal dans l'aorte, on trouvera que quand l'aorte descendante se dilate, elle en comprime l'extrémité, parce que ce canal s'y insere de biais, & selon le cours du sang. Or il est certain que depuis la respiration, l'aorte reçoit beaucoup plus de sang qu'auparavant, & par conséquent qu'elle est plus dilatée; ajoûtez à cela que le canal de communication se trouvant entre le tronc de l'aorte du poumon & l'aorte descendante, il est comprimé par le gonflement & la dilatation de tous les deux. Le sang passe-t-il directement de la mere à l'enfant par les racines du placenta? en quel organe particulier lui fait-il prendre un caractere laiteux dans ce passage? c'est ce que différentes observations opposées les unes aux autres laissent encore indécis. Tout ce qu'il y a de constant, c'est qu'il se nourrit, que toutes ses parties y sont disposées à exercer les fonctions auxquelles elles sont destinées lorsqu'il arrive au monde, que les veines lactées y sont remplies d'un suc, les reins garnis à leur partie supérieure, où le sang l'emporte en attendant que le rein séparant une plus grande quantité d'urine qu'il ne faisoit dans le sein de la mere, il fasse sécher de disette cette capsule; qu'à la partie supérieure & antérieure de la poitrine il y a une espece de corps glanduleux qu'on appelle thymus , lequel remplit la poitrine avec les poumons, &c. & qui une fois que les poumons vien nent à être dilatés par l'action de la respiration, se desseche peu-à-peu au point qu'il disparoît presqu'entierement, &c. Voyez Veines lactées , Reins succenturiaux , & Thymus . Comment le foetus pourroit-il se nourrir par la bouche, si on ne peut avaler sans respirer? Voyez Déglutition . Quelque bien disposées que soient d'ailleurs les parties du foetus , & quoique quelques-unes paroissent déjà sur la voie des fonctions qu'elles doivent exercer, quelque petit que soit l'exercice qu'elles en font; il en est d'autres qui sont simplement préposées à ces fonctions sans les avoir en aucune façon exercées; c'est ainsi que l'enfant ne lâche point les eaux ni les excrémens qu'il n'ait respiré; mais une fois qu'il est exposé à l'air, dont le poids est sans comparaison plus grand que celui de la liqueur dans laquelle il nage, tout son corps se dilate, sa poitrine s'éleve, l'air enfile la route des poumons, l'irritation qu'il cause & la vîtesse avec laquelle il entre & resort, font crier & éternuer l'enfant; les secousses du diaphragme pressent pendant ce tems les visceres du bas-ventre, les excrémens sont par ce moyen chassés des intestins, & l'urine de la vessie. La nature même a pris tant de précaution pour certains organes délicats & sensibles, qu'elle les a garnis d'une espece de membrane particuliere, comme l'oeil & l'oreille, qui non-seulement peut être de quelqu'usage au foetus dans le sein de la mere, mais encore sert à préserver ces parties des trop vives impressions de l'air lorsque le foetus vient à y paroître. Voyez OEil. & Oreille . Dans quel détail ne nous entraîneroient pas les remarques que nous aurions à faire sur l'état dans lequel se trouvent les différentes parties de l'enfant à la sortie du sein de sa mere, sur la souplesse & les différentes portions de ses os, qui sont celles qui deviendroient plus intéressantes par rapport à la maniere dont on embéguine & on emmaillote les enfans; sur la disposition des autres parties qui exigeroient des soins particuliers pour veiller à ce que le développement en fût le plus parfait qu'il est possible, ou au moins qu'on ne s'opposât point à celui que la nature leur prépare, si on ne cherche à l'aider dans ses vûes; tous détails qui deviendroient assez intéressans pour être la matiere d'un traité particulier. Quelles autres discussions ne demanderoient pas l'examen des signes qui sont connoître si le foetus n'est point mort dans le sein de sa mere? s'il y a respiré? s'il est possible qu'il y vive après la mort de sa mere, & comment cela peut arriver? & une infinité d'autres questions aussi utiles que curieuses, & que nous ne pouvons ni ne devons même approfondir ici, faute de pouvoir les résoudre. ( L ) On pourroit résoudre plusieurs autres questions qu'on fait sur le foetus , lorsqu'il est dans le sein de sa mere, si les sens nous accordoient leur secours, pour suivre son développement depuis son origine jusqu'à son terme; mais la vûe de tels mysteres nous est interdite: bornés aux connoissances grossieres qui sautent aux yeux, nous savons seulement que le foetus dans ses commencemens, & même dans les derniers tems, differe à plusieurs égards du nouveau-né & de l'adulte. Indiquons donc ici les principales différences qui s'y rencontrent, avant ou peu après l'accouchement. D'abord par rapport aux parties molles, on observe que les arteres & les veines ombilicales du foetus , de même que le canal veineux du foie, sont des canaux creux qui deviennent solides dans les adultes. De plus il y a pour l'ordinaire dans l'estomac du foetus , une humeur glaireuse, de couleur blanchâtre, de même que dans les intestins grêles; tandis que les gros intestins sont presque toûjours remplis d'une humeur noire & visqueuse, appellée meconium , qui est plus épaisse que la liqueur de l'estomac & des intestins grêles. Le foie du foetus est plus gros à proportion que dans l'adulte, de même que l'appendice du coecum. On comprend aisément que cette grosseur du foie dans le foetus , provient de ce que le diaphragme étant immobile, il ne peut comprimer le foie; au lieu que quand l'air a fait entrer cette cloison musculeuse en jeu, le foie se trouve comprimé, & pour lors le sang ne peut plus gonfler ce viscere comme il faisoit auparavant. Les capsules atrabilaires y sont d'un volume presqu'égal à celui des reins, dont la surface est semblable à celle des reins du veau. Enfin la vessie semble un peu plus alongée, en se portant vers le nombril. A l'égard de la poitrine, on y remarque que la glande thymus est fort grosse, par la raison que le poumon affaissé laisse un plus grand espace pour cette partie. On remarque encore que le canal artériel conserve sa cavité; que le trou ovale est ouvert; que les poumons, examinés avant que le foetus ait respiré, sont d'une couleur noirâtre; & que leur substance, au lieu d'être spongieuse comme elle l'est dans l'adulte, se trouve très-compacte; de sorte qu'un morceau jetté dans l'eau, ne manque point d'aller au fond. Un peu de teinture de Physiologie explique tous ces faits. Pour ce qui concerne les parties dures, le volume de la tête en géneral paroît ordinairement plus considérable à proportion dans le foetus , que dans le nouveau-né & dans l'adulte; les os du crâne sont éloignés, sur-tout dans l'endroit qu'on nomme la fontanelle , & ceux qui n'ont pas encore de suture. Les dents sont imparfaites, & cachées sous les gencives. Le conduit auditif n'est point encore parfait, & est fermé par une membrane continue à l'épiderme; membrane qui disparoît ensuite après l'accouchement. Les os de tout le corps sont fort mous; plusieurs sont cartilagineux, & les articulations sont aussi très-imparfaites. Quoique l'anatomie du foetus nous manque encore dans tous ses degrés d'accroissement, il y a néanmoins deux remarques importantes qu'il ne faut pas négliger de faire sur son squelette, en attendant qu'on donne quelqu'ouvrage complet sur cette matiere. La premiere remarque, c'est que les os qui ont part à la composition des organes des sens, ou qui sont destiné, à leur conservation, sont les premiers perfectionnés dans le foetus; tels sont ceux qui forment les orbites, les lames osseuses & spongieuses de l'os ethmoïde, & les osselets des oreilles. La seconde remarque utile, c'est que presque tous les os du foetus se trouvent composés de plusieurs pieces, ce qui contribue beaucoup à faciliter sa sortie de l'utérus au tems de l'accouchement. Quelque différente, & peut-être quelqu'incertaine que soit la situation du foetus dans la matrice, cependant plusieurs auteurs croient que dans les premiers tems, cette situation est telle, que toutes les parties de son corps sont pliées, & que toutes ensemble elles forment une figure ronde, à-peû-près comme une boule, pour s'accommoder à la cavité de la matrice, de même que tous les membres d'un poulet se trouvent pliés pour répondre à la cavité de l'oeuf qui le renferme; que dans cette situation, dis-je, la tête est panchée en-devant, l'épine du dos courbée en-dedans, les cuisses & les jambes pliées, ensorte que ses talons s'approchent des fesses, & les bouts de ses piés sont tournés en-dedans, ses bras fléchis, & ses mains près des genoux. Il a pour lors l'épine du dos tournée vers celle de la mere, la tête en-haut, la face en-devant, & les piés en-bas; & à mesure qu'il vient à croître & à grandir, il étend peu-à-peu ses membres. Il prend ensuite des situations différentes de celles-ci; lorsqu'il est prêt à sortir de la matrice, & même long-tems auparavant, il a ordinairement la tête enbas & la face tournée en-arriere, & il est naturel d'imaginer qu'il peut changer de situation à chaque instant. Des personnes expérimentées dans l'art des accouchemens, ont prétendu s'être assûrés qu'il en change en effet beaucoup plus souvent qu'on ne le croît d'ordinaire; & c'est ce qu'on tâche de prouver par les observations suivantes. 1°. On trouve souvent le cordon ombilical tortillé & passé autour du corps & des membres de l'enfant, d'une maniere qui suppose que le foetus a fait des mouvemens dans tous les sens, & qu'il a pris des positions successives très différentes entr'elles. 2° Les meres sentent les mouvemens du foetus tantôt d'un côté du ventre, & tantôt d'un autre côté; il frappe également en plusieurs endroits différens, ce qui suppose qu'il prend des situations différentes. 3°. Comme il nage dans un liquide qui l'environne de toutes parts, il peut très-aisément se tourner, s'étendre, se plier par ses propres forces; & il doit aussi prendre des situations différentes, suivant les différentes attitudes du corps de la mere: par exemple, lorsqu'elle est couchée, le foetus doit être dans une autre situation que quand elle est debout. Enfin vers le dernier mois, c'est-à-dire sur la fin du huitieme, il fait la culbute; & pour lors sa tête se porte vers l'orifice interne de l'utérus, & sa face est tournée vers le coccyx de la mere. Dans cet état, qui est le dernier période de la grossesse, il agit sur l'orifice de l'uterus, tant par son poids que par ses mouvemens, & donne lieu à la matrice de se mettre en contraction. Cette contraction de la matrice étant jointe à celle des muscles du bas-ventre, à l'action accélérée du diaphragme, & à d'autres causes qui ne sont pas encore bien connues, occasionne la sortie de l'enfant hors de sa prison; ou pour parler plus simplement, occasionne sa venue au monde. Il y voit à peine le jour, que l'orgueil ne cesse de lui crier qu'il est le roi de l'univers; & ce prétendu roi de l'univers qui pese à-présent vingt à vingt-quatre livres, tiroit son origine neuf mois auparavant d'une bulle de volupté. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOI Author=Morellet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. FOI FOI, s. f. ( Theol .) Pour déterminer avec quelque succès le sens de ce terme en Théologie, je ne m'arrêterai pas au diverses acceptions qu'il reçoit dans notre langue; je me défendrai même de puiser sa signification dans les écrits de nos théologiens. Pour remonter aux sources de la doctrine chrétienne, il faut recourir aux langues dans lesquelles les Ecritures nous ont été transmises, & qu'ont parlé les apôtres & les PP. des premiers siecles de l'Eglise. Par la même raison, il nous seroit peu utile de recueillir dans les auteurs latins les différentes significations du mot fides , d'où nous avons fait foi . L'étymologie de credere qui vient probablement de cremento dare , & celle de fides qui dans son origine a été synonyme de fidelitas , ne peuvent pas nous éclairer sur le sens du mot foi; parce que fides & credere , considérés comme termes theologiques, n'ont pas emprunté leur sens du latin; ils l'ont pris immédiatement des mots grecs πίστις & πiστεύω , employés dans les Ecritures, & auxquels ils ont été substitués par la vulgate & par les écrivains ecclésiastiques: de sorte que quoique πίστις ne soit peut-être pas la racine syllabique (qu'on me permette cette expression) de credere & de fides , il est pourtant la vraie source dans laquelle ces mots ont puisé leur signification. πίστις & πιστεύω , dont fides & credere sont la traduction, viennent, selon les lexicographes, de πείθω , persuadeo . D'après cette étymologie, πιστεύω , fides , foi, dans le sens le plus général, sont synonymes de persuasion; en effet, les dispositions de l'esprit que ces mots expriment dans les usages différens qu'on en fait dans ces trois langues, renferment toûjours une persuasion. Or cette persuasion peut avoir différens objets: de-là des significations différentes de ces mêmes mots. 1°. Je trouve dans les écritures les mots πίστεις & πιστεύω exprimant une disposition d'esprit qui a particulierement Dieu pour objet, c'est-à-dire une persuasion de son pouvoir, de sa bonté & de sa véracité dans ses promesses: credidit Abraham Deo & reputatum est ei ad justitiam. Gen. xv. 6. Qui credit in Domino misericordiam diligit. Prov. xjv . Dans ces exemples on voit bien que foi est synonyme de confiance . On verra par la suite de cet article, les rapports que cet emploi des mots foi & croire peuvent avoir avec les sens qu'on leur donne en Theologie: mais on peut concevoir dès-à-présent que ces mois, pour y prendre l'énergie qu'on leur donne, se sont un peu écartés de cette signification; & c'est l'idée de persuasion commune aux différens emplois qu on en fait, qui a facilité le passage de cette acception à plusieurs autres. 2°. Ces mêmes mots sont employés dans le nouveau Testament, relativement à Jesus-Christ: creditis in Deum , dit Jesus-Christ à ses disciples, & in me credite. Joan. xjv. 1. His qui credunt in nomine ejus. Ibid. j. 12. Dicebat ergo ad eos, qui crediderunt ci, Judaeos. viij. 31. Mais dans cet usage leur signification varie en plusieurs manieres. Suivons ces gradations, ces altérations successives. Je trouve que ces mots foi & croire sont employés relativement à la personne de Jesus-Christ, pour signifier 1°. la disposition d'esprit des malades qui s'approchoient de lui pour obtenir leur guérison, & celle des apôtres & des disciples dans les premiers momens qu'ils s'attachoient à lui; celle des Gentils ou des Juifs qui se convertissoient après une simple prédication fort courte & sort sommaire, &c. 2°. Celle des apôtres & des disciples de J. C. après qu'ils avoient entendu pendant quelque tems ses instructions; & celle des premiers chretiens, déjà instruits en partie des mysteres du royaume de Dieu. 3°. La foi des mêmes apôtres vers les derniers tems des prédications de Jesus-Christ, lorsqu'il leur disoit, jam non dicam vos servos, sed amicos, quia quoecumque audivi à patre meo nota feci vobis , après la résurrection, & après qu'ils eurent été éclairés de l'esprit de Dieu, le jour de la Pentecôte; & celle des chrétiens instruits à fond par les apôtres, & dont il est dit qu'ils étoient perseverantes in doctrinâ apostolorum . On se convaincra de la nécessite de distinguer ces différentes époques dans la signification du mot foi , par les réflexions suivantes. Quand il est dit des apôtres instruits depuis quelque tems à l'école de Jesus-Christ, & des malades qui s'approchoient de lui pour la premiere fois, que les uns & les autres croyoient en lui , assûrément cette expression a un sens plus étendu dans le premier cas que dans le second. La foi en géneral doit être proportionnée au degré d'instructions reçûes. Les apôtres sont ici supposes instruits déjà par Jesus-Christ, & ces malades dont nous parlons ne le connoissent encore que sur le bruit de sa réputation; ils ne connoissent pas sa doctrine; ils ne peuvent donc pas avoir la même foi que les apôtres instruits déjà par Jesus-Christ. Ceux-ci avoient sans doute la foi de la doctrine & de la morale que Jesus-Christ leur enseignoit, & les autres n'en avoient pas même d'idée. On peut dire la même chose de ces hommes que les apôtres convertissoient, dans les premiers momens de leur conversion. Ces trois mille hommes ( au ij. chap. des actes ) & ces cinq mille ( au jv. ), que les discours de S. Pierre engagerent à se faire baptiser, regardoient bien Jesus-Christ comme le Messie, & croyoient en lui comme la Cananée, ou comme le lépreux, ou comme le centenier; mais ils n'avoient aucune idée de sa doctrine & de sa morale, que les apôtres leur enseignerent dans la suite. Les apôtres eux-mêmes, avant les dernieres instructions que leur donna Jesus-Christ, n'avoient point la même foi, quant à l'étendue de son objet, qu'ils eurent depuis. C'est ce que prouvent les paroles de J. C. que nous avons citées plus haut, jam non dicam vos servos , &c. car elles font clairement entendre que J. C. leur avoit enseigné beaucoup d'autres choses que cette simple proposition, je suis le Messie , & même beaucoup de choses que ses disciples moins familiers & moins assidus ignoroient encore: puisque sans ces connoissances plus détaillées, ses apôtres n'auroient pas été distingues à cet égard des malades qui l'approchoient, & de beaucoup de gens dans la Judée qui le regardoient comme le Messie, du peuple qui le suivoit, & du commun de ses auditeurs qui avoient entendu & qui connoissoient une partie de sa doctrine. D'où nous concluons que dans le nouveau Testament ces expressions croire en Jesus-Christ, avoir la foi en Jesus-Christ , reçoivent différentes significations, qu'on peut réduire aux trois principales dont nous avons fait mention. Nous ferons à ce sujet une remarque importante: c'est faute d'avoir distingué les trois sens différens de l'expression croire en Jesus-Christ , que M. Locke dans l'ouvrage qui a pour titre, le Christianisme raisonnable , a prétendu réduire la foi chretienne, quant à ses articles fondamentaux & nécessaires au salut, à cette seule proposition, Jesus-Christ est le Messie; car il appuie principalement cette opinion sur plusieurs passages du nouveau Testament, où on appelle foi en Jesus-Christ cette seule persuasion de sa mission, où les prosélytes sont dits croire en Jesus-Christ , quoiqu'ils ne soient instruits encore que de ce seul point, & où les apôtres en annonçant l'Evangile, ne prêchent autre chose que ce même article. Il me semble qu'un théologien catholique , en distinguant ces trois époques différentes de la signification des mots foi & croire , attaquera avec avantage l'opinion de cet homme célebre. Des trois significations des mots foi & croire , employés relativement à Jesus-Christ, la derniere est celle sur laquelle nous devons nous arrêter davantage. Le mot foi signifie assez souvent la doctrine même de Jesus-Christ, le corps des principes de la religion chrétienne. Le voisinage de ces deux notions a autorisé les écrivains ecclésiastiques à se servir de la même expression pour l'une & pour l'autre; mais ce n'est pas ici le lieu de traiter de la foi dans cette signification. Voyez Révélation , Religion , Christianisme Nous prendrons donc généralement le mot de foi dans tout cet article, pour la disposition d'esprit de ceux qui reconnoissent la divinité de la mission de Jesus-Christ & la vérité de toute sa doctrine. Je ne donne pas ceci pour une définition exacte de la foi; parce que nous n'en avons pas encore la notion complete qui doit être le résultat de tout cet article: mais cette idée générale va nous guider dans la suite de cette question. On voit dans les Ecritures, & cela se conçoit clairement, que cette disposition d'esprit que nous présente le mot foi , renferme une persuasion . D'un autre côté c'est un dogme catholique que cette disposition est une grace & une vertu . Ces trois caracteres me fourniront une division très-naturelle. Je considérerai la foi comme une persuasion, comme une grace, & comme une vertu. De la foi considérée comme persuasion, ou plûtôt de la persuasion que renferme la foi; de ses motifs, de l'analyse de la foi, de son objet, de son obscurité, de sa comparaison avec la persuasion des vérités naturelles, de sa nécessité, & en même tems de son insuffisance sans les oeuvres , &c. La foi considérée comme persuasion a pour objet certaines vérités qui appartiennent à la religion chrétienne. Différentes sortes de vérités appartiennent à la religion chrétienne; celles qui servent de fondement à tout le Christianisme, & en général à toute religion; celles qui constatent l'authenticité de la révelation apportée par Jesus Christ; celles enfin que cette revélation reconnue pour authentique, consacre & enseigne aux hommes. A quoi il faut ajoûter une vérité capitale, l'autorité infaillible de l'Eglise établie par Jesus-Christ, qui est assûrément une vérité chrétienne selon tous les theologiens catholiques, puisqu'elle entre pour beaucoup dans toute l'économie de la religion. Les Théologiens n'ont pas distingué avec assez de soin ces différens objets de la croyance chrétienne. Ils ont défini la foi chrétienne (considérée comme persuasion), l'adhésion de l'esprit aux vérités révélées & proposées par l'Eglise comme telles. Cette definition entendue à la lettre, tend à exclure des objets de la foi chrétienne les principes de la religion naturelle, ceux qui servent de fondement à la révelation, & même le dogme capital de l'infaillibilité de l'Eglise, pour ne laisser cette dénomination qu'aux dogmes proprement révélés & proposés par l'Eglise, exerçant l'autorité qu'elle a reçûe de Jesus-Christ. Au fond, il est peu important qu'on accorde ou qu'on refuse le nom de foi à une croyance qui a pour objet quelqu'un de ces principes, pourvû qu'on convienne qu'ils font tous partie de la doctrine chrêtienne; mais il est essentiel de connoitre les motifs de la persuasion d'un chrétien, par rapport à ces différens ordres de vérités. Cette connoissance servira à nous éclairer sur la nature de la foi chrétienne considérée comme persuasion. Des motifs de la persuasion que renferme la foi . Il faut remarquer d'abord que nous ne regardons ici la foi qu'entant qu'elle est une persuasion raisonnée, & que nous mettons à part tout ce que l'Esprit-saint opere dans les ames; que si on dit que cette persuasion même est produite par l'esprit saint, nous remarquerons encore que dans la doctrine catholique le saint Esprit est le principe , & non pas le motif de croire, & que nous parlons ici des motifs proprement dits de la foi chretienne. Le chrétien reçoit plusieurs sortes de vérités. 1°. Tous les principes de la religion naturelle; comme l'existence de Dieu, ses attributs moraux, l'immortalité de l'ame, la différence du bien & du mal, &c. 2°. Tous les principes que l'autorité de la révélation suppose d'une maniere encore plus prochaine, comme les miracles qui ont servi à constater la mission de Jesus Christ, les récits de sa vie, de sa mort, de sa résurrection, &c. la vérité & l'inspiration des Ecritures, où tous ces faits sont en dépôt; en un mot tout ce qui est préalable ou parallele dans l'ordre des connoissances, à cette vérité générale, la religion chrétienne est émanée de Dieu . 3°. Le dogme de l'autorité infaillible de l'Eglise que la révélation exprime si clairement, & qui devient pour lui une regle de croyance par rapport à tous les dogmes controversés. 4°. Toutes les vérités que l'Eglise lui propose à croire. Voyons quels sont dans l'esprit d'un chrétien les motifs de la persuasion de toutes ces vérités. Les Théologiens ont dit généralement que les vérités qui appartiennent à la foi , sont crûes par le motif de la révélation, & encore que ces vérités doivent être proposées aux fideles par l'autorité de l'Eglise. Sous le nom de vérités qui appartiennent à la foi; quelques-uns ont compris même les vérités du premier ordre, & le plus grand nombre au moins celles de la seconde & de la troisieme espece. Mais je crois qu'il faut restreindre & expliquer leur assertion pour la rendre exacte. Quoique toutes les vérités de ces différens ordres appartiennent à la foi , puisqu'on ne peut donner atteinte à une seule qu'on ne renverse la religion apportée aux hommes par Jesus-Christ, cependant on les croit par différens motifs qu'il ne faut pas confondre. La persuasion des vérités de la premiere & de la seconde classe, a pour fondement les preuves, les raisonnemens, &c. les motifs de crédibilité que la raison seule nous présente. Ces principes sont antérieurs à toute révélation, & par conséquent ils ne peuvent être crûs par le motif de la révélation. Entrons dans quelque détail. Comment croire raisonnablement l'existence de Dieu par le motif de la véracité de Dieu? On supposeroit ce qu'on cherche à se prouver à soi-même. Il faut que celui qui s'approche de Dieu, croye d'abord qu'il est, & qu'il récompense ceux qui le cherchent. Accedentem ad Deum oportet credere quia est, & quod inquirentibus se remunerator sit . Heb. xj. 6. L'ensemble des miracles par lesquels Jesus-Christ a constaté sa mission, celui de sa résurrection en partieulier, qui a servi de sceau à tous les autres, ne sont pas crus non plus par le motif de la révélation (je ne dis pas qu'ils ne soient pas crus de foi divine) & cela par la raison qu'en donne l'apôtre: Si Christus non resurrexit, vana est fides nostra; si Jesus-Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine, c'est-à-dire que la vérité de la révélation apportée aux hommes par Jesus Christ, suppose la resurrection & les autres miracles de l'instituteur du Christianisme; d'où il suit que dans l'ordre du raisonnement & des connoissances, on reconnoît la divinité de cette révélation parce qu'elle est appuyée sur les miracles & sur la résurrection de Jesus-Christ; & on ne croi pas les miracles & la résurrection de Jesus-Christ par l'autorité de cette même révélation. Nous plaçons au rang des vérités qui ne peuvent être crûes par le motif de la révélation dans l'ordre du raisonnement, l'existence de la révélation même, c'est-à-dire la vérité & la divinité des livres dans lesquels la révélation est en dépôt, parce qu'on ne peut pas croire cet ensemble de la révélation par le motif de la révélation & de la véracité de Dieu, sans tomber dans un cercle vicieux. (Je dis l' ensemble de la révélation , car l'authenticité d'ane partie de la révélation d'un livre en particulier, par exemple, pourroit être prouvée par l'autorité d'un autre livre dont on auroit déjà etabli la vérité & la divinité); je ne vois pas comment on peut révoquer cela en doute. Il est bien clair qu'on supposera l'état de la question, si on entreprend d'établir, ou ce qui est la même chose, si on croit que l'Ecriture est la parole de Dieu sur l'autorité de l'Ecriture considérée comme la parole de Dieu. De bons théologiens demeurent d'accord de ce principe. Selon Holden, Analys. divinae fidei lib. I. c. jv. les récits de l'Ecriture & cette vérité universellement reconnue que l'Ecriture est la parole de Dieu, ne sont point à proprement parler révélées, & ne sont point des articles ou des dogmes de la foi divine & catholique . On peut rapprocher de ceci ce que nous citerons plus bas du P.Juenin, & l'analyse de la foi que nous proposerons. D'habiles gens parmi les théologiens protestans ont soûtenu la même chose. La divinité de l'Ecriture , selon la Placette, traité de la foi divine, liv. I. ch. v. n'est point un article de foi; c'est un principe & un fondement de la foi qu'il faut prouver non par l'Ecriture, mais par d'autres raisons. . . Bien loin que la foi nous en persuade, nous ne croyons que parce que nous en sommes persuadés . Les vérités de cette premiere & de cette seconde classe n'étant point à proprement parler révélées, & n'étant point crues par le motif de la révélation dans la foi raisonnée, ne sont point non plus l'objet des décisions de l'Eglise; & ceci forme une autre exception à la proposition générale, que les dogmes de foi sont proposes aux fideles par l'autorité infaillible de l'Eglise; car l'Eglise n'use vis-à-vis des fideles de son infaillible autorité, qu'en leur proposant les dogmes proprement révélés dont elle est juge, que son autorité même ne suppose point. Or ces vérités de la premiere classe ne peuvent être proposées comme révélées, mais seulement comme démontrées vraies par les lumieres de la raison, indépendamment de toute espece d'autorité. Et d'ailleurs, quand elles seroient à proprement parler révélées comme l'autorité de l'Eglise les suppose, elles ne pourroient être crues sur l'autorité de l'Eglise, mais seulement par le motif de la révélation. Voyez ce que nous dirons plus bas de l'analyse de la foi . Voilà ce que j'avois à dire des motifs de la foi de ces vérités de la premiere & de la seconde espece. La persuasion du dogme capital de l'infaillibilité de l'Eglise que j'ai placé au troisieme rang, a pour motif la révélation même, puisque cette autorité infaillible de l'Eglise est établie sur des passages très clairs des livres proto-canoniques qui sont le fond même du Christianisme, & dont aucun chrétien ne conteste la vérité & la divinité. Mais j'ajoûte que cette même doctrine n'est point proposée aux fideles par l'autorité infaillible de l'Eglise, puisque dans la foi raisonnée, qui est la seule dont nous parlons ici, le fidele qui la croiroit révélée sur ce motif, tomberoit dans un cercle vicieux bien manifeste. Je sais que quelques théologiens prétendent qu'il n'y a point de sophisme dans cette maniere de raisonner, parce qu'en ce cas, disent-ils, on croit l'infaillibilité de l'Eglise par le motif de l'infaillibilité de l'Eglise; ut in se virtualiter reflexam, comme virtuellement réfléchie en elle-même . Mais je sais aussi que cette explication est inintelligible. Il nous reste à parler des vérités du quatrieme ordre & des motifs de la persuasion qu'on en a. Cellesci n'étant point les fondemens de la révélation, & n'étant pas non plus antérieures dans l'ordre des connoissances & du raisonnement à la croyance de l'autorité infaillible de l'Eglise, deviennent l'objet principal sur lequel s'exerce cette autorité. C'est de l'Eglise même que nous les recevons comme révélés. Il y a plus; nous ne pouvons nous assûrer qu'elles sont vraiment contenues dans la révélation, qu'en recevant de l'Eglise le sens des endroits de l'Ecriture qui les contiennent. C'est ce que nos controversistes ont établi contre les protestans, & en général contre tous les Hérétiques. Voyez Ecriture , Eglise , Infaillibilité . Concluons que si on entend par le mot foi , ce qui est bien plus naturel, la persuasion de toutes les vérités qui font le corps de la doctrine chrétienne, il ne faut pas dire généralement que cette persuasion a pour motif la révélation divine, puisqu'il y a des vérités qui sont partie essentielle de la doctrine chrétienne, & dont la persuasion raisonnée a pour seuls motifs, ou des preuves que la raison fournit antérieurement à la révélation, tels que les principes de la premiere & de la seconde espece, ou le témoignage même de la révélation indépendamment de l'autorité de l'Eglise; tel est le dogme de l'infaillibilité de l'Eglise. Cependant cela n'empêche pas que le fidele ne puisse faire des actes de foi , même à l'égard de cette vérité, puisqu'elle est contenue dans la révélation. De l'analyse de la foi . Après avoir ainsi distingué les motifs de la persuasion que renferme la foi des vérités chrétiennes, nous entrerons tout naturellement dans la question que les Théologiens appellent l'analyse de la foi . En effet l'analyse ou résolution de la foi n'est autre chose que l'exposition des motifs raisonnés de la persuasion de toutes les vérités que renferme la foi chrétienne, & de l'ordre selon lequel ils doivent être rangés pour la produire dans l'esprit du fidele. Or comme celui qui reçoit les vérités que nous avons placées au quatrieme ordre, c'est-à-dire les dogmes proposés par l'Eglise, est aussi convaincu de toutes les autres, par exemple, de celles qui sont communes au Christianisme & à la religion naturelle, nous aurons fait l'analyse ou la résolution de la foi de toutes les vérités chrétiennes, si nous assignons les motifs raisonnés qui produisent dans l'esprit du chrétien la persuasion d'un dogme appartenant à ce quatrieme ordre de vérités, d'un mystere par exemple. Cette analyse doit renfermer la derniere raison qu'un chrétien interrogé puisse rendre de la foi d'un dogme révélé; & les motifs de la foi de ce dogme doivent y être placés de telle maniere qu'ils puissent amener un hérétique & un incrédule à la foi de ce dogme ou de tout autre, & par conséquent à la foi de tous les dogmes ensemble. La raison de cela est que le chrétien le plus soûmis qui fait l'analyse de sa foi , se met pour un moment dans la même situation que celui qui examine s'il doit croire tel ou tel dogme en particulier, ou que celui qui cherche en général quelle doctrine religieuse il doit embrasser. On peut concevoir par ces deux remarques, que la foi dont nous allons faire l'analyse, n'est ni celle des enfans qui croient au moyen de ce que les Théologiens appellent une foi infuse , ni celle des adultes simples & grossiers qui n'ont point de motifs raisonnés de leur croyance (je dis raisonnés , & non pas raisonnables ), comme il y en a sans doute un grand nombre dans le sein même de l'Eglise catholique. Ces deux especes de foi sont l'ouvrage immédiat de l'esprit de Dieu qui souffle où il veut, & dont notre foible raison ne peut pas sonder les voies. Et comme selon la doctrine des théologiens catholiques, la foi du chrétien le mieux instruit est aussi produite dans l'ame par le S. Esprit agissant comme cause efficiente , qu'elle est une habitude , une vertu infuse , &c. & que sous ces rapports elle est encore un très-grand mystere, nous ne nous proposons pas de la regarder sous ce point de vûe: & nous déclarons que dans la question de l'analyse de la foi , nous ne prétendons traiter que de la persuasion raisonnée qu'elle renferme. La difficulté en ceci vient de l'embarras qu'on éprouve à placer dans un ordre naturel & raisonnable deux motifs qui dans la doctrine catholique doivent entrer tous deux dans l'analyse de la foi . Ces deux motifs sont l'autorité de l'Ecriture & celle de l'Eglise; (la tradition peut être ici confondue avec l'autorité de l'Eglise, qui seule en est dépositaire, & qui parle pour elle). Le fidele croit à l'un & à l'autre. Il y en a un qui précede l'autre dans l'ordre du raisonnement. Si c'est l'autorité de l'Eglise qui le fait croire à la divinité & à l'inspiration de l'Ecriture, il ne peut croire l'autorité infaillible de l'Eglise par le motif de la révélation, puisqu'il supposeroit dès lors cette même révélation dont il cherche à se prouver l'existence. D'un autre côté, si on croit l'autorité infaillible de l'Eglise parce qu'elle est révélée dans les Ecritures, on croira donc le dogme de la vérité & de la divinité des Ecritures, & on recevra l'explication des passages où cette infaillibilité est contenue, sans l'intervention de l'autorité de l'Eglise contre ce qu'enseignent encore plusieurs théologiens. On a suivi l'une & l'autre de ces deux toutes; delà plusieurs méthodes différentes d'analyser la foi . Voici celle que nous adoptons. Je crois tel dogme, parce qu'il est révélé. Je crois qu'il est révélé, parce que la société religieuse dans laquelle je vis, m'enseigne qu'il est révélé. Je crois à son enseignement, parce qu'elle est infaillible. Je crois qu'elle est infaillible, parce qu'elle est l'Eglise de Jesus-Christ, & que l'Eglise de Jesus-Christ est infaillible. Je crois qu'elle est l'Eglise de Jesus-Christ, parce que les chefs, les pasteurs de cette Eglise ont succédé à ceux que Jesus-Christ même avoit établis; & je crois que l'Eglise de Jesus-Christ est infaillible, parce que cette infaillibilité lui est promise & clairement contenue dans les Ecritures proto-Canoniques que tous les Chrétiens reçoivent, & qui sont la parole de Dieu, soit dans une infinité d'endroits particuliers, soit dans toute l'histoire de l'établissement de la religion que racontent ces mêmes livres divins & inspirés. Je crois que les Ecritures sont la parole de Dieu, sont divines & inspirées, parce que cette vérité est essentiellement liée avec cette autre, la religion chrétienne est émanée de Dieu. Je crois enfin que la religion chrétienne est émanée de Dieu, par tous les motifs de crédibilité qui me le persuadent. Cette méthode paroît si simple & si naturelle, qu'on pourra s'étonner de voir qu'elle n'est pas embrassée par tous les Théologiens. Cependant un grand nombre d'entr'eux dans leurs disputes avec les Protestans, ont été jettés dans une route différente par le desir d'élever à un plus haut degré, s'il étoit possible, l'autorité de l'Eglise. Ils ont prétendu que le fidele ne croyoit la vérité & l'inspiration du corps même des Ecritures des livres proto-canoniques, que par le motif de l'autorité infaillible de l'Eglise qui les adopte; d'où ils ont été obligés dans l'ordre du raisonnement & dans l'analyse de la foi , tantôt à prouver l'autorité de l'Eglise par la révélation, en même tems qu'ils établissoient l'autorité de la révélation sur celle de l'Eglise, en quoi ils faisoient un cercle vicieux bien sensible, & que les Protestans n'ont pas manqué de leur reprocher: tantôt à n'établir le dogme capital de l'infaillible autorité de l'Eglise, que sur des motifs de crédibilité indépendans de la révélation, dans la crainte de tomber dans le sophisme qu'on leur reprochoit; & tantôt enfin à prouver l'autorité de l'Eglise par l'autorité même de l'Eglise, ce qui est absolument insoûtenable. Je ne m'arrêterai pas à rapporter ici les différentes méthodes d'analyser la foi que ces principes doivent fournir. On les devinera aisément. Mais voici celle qui est plus familiere à nos théologiens. Je crois tel dogme, parce qu'il est révélé; je crois qu'il est révélé, parce que l'Eglise m'en assûre. Je crois à la décision de l'Eglise, parce qu'elle est infaillible; je crois que l'Eglise est infaillible, parce que son infaillibilité est contenue dans les Ecritures qui sont la parole de Dieu. Je crois que cette infaillibilité est contenue dans les Ecritures, parce que l'Eglise m'en assûre; & je crois que les Ecritures & même les passages où est contenue l'infaillibilité de l'Eglise, sont la parole de Dieu, sur l'autorité de l'Eglise de qui je les reçois avant de les avoir ouvertes, & même avant d'avoir entendu parler de ce qu'elles contiennent. On verra clairement que cette méthode & les autres qui s'écartent de la nôtre, sont défectueuses par les preuves mêmes sur lesquelles nous allons établir celle que nous suivons. 1°. Notre méthode est adoptée par de très-habiles théologiens qui ont traité de dessein formé la question de l'analyse de la foi: au lieu que ceux qui ont suivi des principes opposés, y ont été jettés en traitant séparément la question de l'autorité de l'Eglise. Nous nous contenterons d'en citer deux ou trois, parce que cette matiere est plûtôt du ressort du raisonnement que de celui de l'autorité. Rien n'est plus clair & plus précis que ce que dit là-dessus le P. Juenin, instit. theolog. part. VII. diss. jv. c. 4 . Ce savant homme avance que sans les motifs de crédibilité, on ne peut pas avoir une certitude prudente de l'existence de la révélation divine; parce que , dit il, sans ces motifs, nous ne pouvons pas recevoir raisonnablement l'autorité divine des Ecritures, dans lesquelles l'infaillibilité de l'Eglise est révélée . D'où il forme cette analyse de la foi entierement semblable à la nôtre: ex iis quoe dicta sunt sequitur credentem sic procedere; ideò mens adhaeret alicui veritati quod sit à Deo revelata; ideò seit esse revelatam, quod eam tanquam à Deo revelatam Ecelesia proponat; ideo verò adhoeret Ecclesioe definitioni, quod illius infallibilitas in scripturis contineatur; ideò adhoeret scripturis, quod sint verbum Dei; ideò tandem certus est scripturas esse Dei verbum, quod ad id adducatur evidentibus motivis credibilitatis . Voilà bien l'infaillibilité de l'Eglise crûe, parce qu'elle est contenue clairement dans l'Ecriture; & la divinité des Ecritures crûe du fidele, par les motifs de crédibilité: tout cela indépendamment de l'autorité de l'Eglise. On a vu plus haut qu'Holden, dans son traité de l'analyse de la foi , établit pour principe, que cette vérité générale, l'Ecriture est la parole de Dieu , n'est point, à proprement parler, révélée, & qu'elle est crûe par les motifs de crédibilité; ce qui est tout-à-fait conforme à la méthode que nous embrassons. Avant ces auteurs, Grégoire de Valence avoit posé pour fondement de l'analyse de la foi cette proposition: si la religion chrétienne est émanée de Dieu, l'Ecriture sainte est la parole de Dieu; proposition que cet auteur trouve si evidente, qu'il ne juge pas qu'elle ait besoin de preuves: ce qui fait voir qu'il est bien eloigné d'etablir la divinite du corps des Ecritures sur l'autorite de l'Eglise, & qu'il fonde, comme nous, la croyance du fidele à cet article, sur les motifs de crédibilité qui établissent que la'religion chrétienne est émanée de Dieu. 2°. Notre analyse demeure solidement établie, si nous prouvons bien que la persuation raisonnée de la verité & de la divinité des Ecritures, n'a point pour fondement l'autorité de l'Eglise; & qu'au contraire, l'autorité infaillible de l'Eglise est établie sur l'autorité de la revélation, & cela indépendamment de l'autorite de l'Eglise. Or nous avons déjà prouvé ces deux principes, en traitant des motifs de la persuasion raisonnée que renferme la foi; & en voici une nouvelle preuve quans à l'autorité de l'Eglise. C'est la doctrine de presque tous les théologiens catholiques, qu'elle est un objet de foi divine, en ce sens que nous la croyons par le motif de la revélation. Or à-moins qu'on n'embrasse notre méthode d'analyser la foi , on ne peut pas dire que cette vérité soit crûe par le motif de la révélation; parce que lorsqu'on a une fois établi l'authenticité de la révélation sur l'autorité de l'Eglise, on ne peut plus recourir à la révélation pour établir l'autorité de l'Eglise, sans tomber dans un cercle vicieux: on est donc obligé de se retrancher à prouver l'infaillibilité de l'Eglise, par des motifs de crédibilité distingués de la révélation: mais ces motifs de crédibilité sont bien foibles, pour ne rien dire de plus: ils ne peuvent être aussi clairs que ces paroles, je suis avec vous jusqu'à la consommation des siecles; qui vous écoute m'écoute , &c. textes qui fournissent les seules preuves démonstratives de l'infaillibilité de l'Eglise. Je ne m'arrête pas à réfuter ceux qui voudroient établir l'autorité de l'Eglise immédiatement sur l'autorité de l'Eglise: le sophisme est manifeste dans cette maniere de raisonner. Nous allons à-présent résoudre quelques difficultés qu'on peut proposer contre la méthode d'analyser la foi que nous adoptons: les voici. 1°. Notre principe, que ce n'est pas par l'autorité de l'Eglise que nous sommes sûrs de cette proposition, les Ecritures sont vraies & sont la parole de Dieu , semble donner quelque atteinte à ce que les théologiens catholiques ont démontré contre les protestans, que l'Eglise est juge des Ecritures; à l'usage qu'ils ont fait du mot de S. Augustin: evangelio non crederem, nisi me ecclesae catholicoe commoveret autoritas; & particulierement aux principes que suit M. Bossuet dans sa conference avec le ministre Claude . Ce prélat soûtient expressément que le fidele baptisé & adulte ne reçoit l'Ecriture que des mains de l'Eglise; qu'avant de l'avoir ouverte, il est en état de faire un acte de foi de la divinité des Ecritures, conçû en ces termes: je crois que cette Ecriture est la parole de Dieu, comme je crois que Dieu est . D'où il paroît que selon la doctrine de ce prélat dans l'analyse de la foi , la croyance de l'infaillibilité de l'Eglise doit précéder celle de la divinité des Ecritures; sauf à croire l'infaillibilité de l'Eglise par les motifs de crédibilité. Je réponds, 1°. Cette question, l'Eglise juge-t-elle des Ecritures? peut avoir trois sens. 1°. L'Eglise est-elle juge du texte & du sens des Ecritures, dans les dogmes particuliers qui sont ou qui peuvent être controversés? 2°. L'Eglise est-elle juge du texte des Ecritures, c'est-à-dire de sa vérité & de sa divinité, dans les différentes parties du corps des Ecritures, comme dans les deutéro-canoniques, ou même dans certaines parties des proto-canoniques? 3°. L'Eglise est-elle juge du corps entier des Ecritures, & de la question générale, les Ecritures canoniques que tous les Chrétiens reçoivent, qui renferment les fondemens mêmes de la religion, l'histoire, la vie, les miracles de J. C. &c. sont-elles vraies, & sont-elles la parole de Dieu? Le catholique doit répondre à la premiere question, que l'Eglise est juge du sens des Ecritures dans tous les dogmes controversés, en en exceptant ceux que l'autorite même de l'Eglise suppose vrais & inspirés, comme sa propre infaillibilité, qu'on doit établir sur l'Ecriture, indépendamment de l'autorité de l'Eglise, mais qui une fois crûe par le motif de la révélation, devient pour le Chrétien une regle de foi . A la seconde, on répondra que l'autorité de l'Eglise évidemment prouvée par des textes fort clairs des livres proto-canoniques que tous les chrétiens admettent, doit être notre regle de foi , pour le discernement des diverses parties de l'Ecriture dont l'authenticité & la divinité peuvent être mises en doute. A la troisieme question, il faudra dire que la décision n'en doit point être portée au tribunal de l'Eglise, que ce n'est point d'elle que nous recevons cette vérité générale: il y a des Ecritures qui sont la parole de Dieu, & celles que reçoivent tous les Chrétiens ont ce caractere . Un concile ne peut pas s'assembler pour décider que la religion chrétienne est véritable, que l'évangile n'est pas une fable, & que les Ecritures sont divines, comme la religion dont elles sont le fondement. Que si le concile de Trente, & auparavant le quatrieme concile de Carthage, ont donné le canon des Ecritures, leur décision n'avoit pour objet que les livres deutéro-canoniques; & leur autorité dans cette même décision étoit fondée sur les Ecritures proto-canoniques, dont l'authenticité & la divinité étoient établies d'ailleurs, & n'étoient pas mises en question: & quoique le canon renferme les uns & les autres, c'est d'une maniere différente. L'Eglise fixe la croyance des fideles par rapport aux premiers, & elle la suppose par rapport aux seconds; tout comme elle suppose en s'assemblant, que la religion chrétienne est émanée de Dieu, & que son infaillibilité est déjà crûe des fideles à qui elle propose ses décisions. Quant au passage de S. Augustin: 1°. entendu à la lettre, il prouveroit beaucoup trop, puisqu'il s'ensuivroit qu'on ne pourroit point amener un incrédule à la croyance de la vérité & de la divinité des Ecritures, sans employer l'autorité divine de l'Eglise. Je dis, sans employer l'autorité divine; car il faut distinguer l'autorité naturelle dont joüit toute société dans les choses qui la regardent, & qu'on ne peut refuser à l'Eglise considérée comme une société purement humaine, de l'autorité divine qu'elle a reçûe de J. C. & de l'Esprit-saint qui dicte ses décisions. C'est de cette derniere espece d'autorité que les Théologiens parlent, lorsqu'ils disent que l'Eglise est juge du corps même des Ecritures. En effet, l'autorité de l'Eglise considérée sous l'autre point de vûe, entre parmi les motifs de crédibilité qui établissent en même tems la divinité de la religion chrétienne: cette remarque est importante, & j'aurois dû la faire plûtôt; mais elle me fournit ici une explication toute naturelle du passage dont il s'agit ici. Je dis donc: 2°. Que le texte de S. Augustin doit être traduit ainsi: « Je ne crois à l'évangile, que parce que je, m'assûre que l'Eglise universelle considérée comme une société purement humaine, a conservé & nous a transmis sans corruption & sans altération les véritables écrits des premiers disciples de J.C. Que si cette société, qui ne peut pas se tromper dans des choses qui la touchent de si près, regardoit les évangiles comme des livres supposés & contraires à sa doctrine, je ne croirois point aux évangiles ». Enfin si l'on veut absolument que S. Augustin parle là de l'autorité divine de l'Eglise, on pourra croire qu'il ne parle que d'une partie des évangiles, en supposant l'infaillibilité de l'Eglise établie sur les autres. Je passe à ce qu'on nous oppose de M. Bossuet; & je trouve que ce prélat ne nous est pas contraire: il dit bien que les fideles simples & grossiers reçoivent l'Ecriture des mains de l'Eglise, avant de s'etre convaincus par les Ecritures même que cette Eglise est infaillible; & c'est-là un fait qu'on ne sauroit nier: mais il ne dit pas qu'en la recevant ainsi ils suivent l'ordre du raisonnement; ce n'est point l'analyse de la foi qu'il se propose de faire dans l'endroit qu'on a cité. En effet, pressé par le ministre Claude d'expliquer par quel motif le fidele croit à l'infaillibilité de l'Eglise, au moment qu'il reçoit d'elle les Ecritures, il dit, qu'il ne s'agit pas d'assigner ce motif; qu'il y en a sans doute que le S. Esprit met dans le coeur du fidele baptisé; qu'il n'est question entre lui & M. Claude que du moyen extérieur dont Dieu se sert pour lui faire croire l'Ecriture. Or nous ne parlons ici que du motif raisonné qui fait naître cette persuasion, & point du tout de ce moyen extérieur que je conviens bien être pour les fideles simples & grossiers l'autorité de l'Eglise: & M. Bossuet prétend si peu faire l'analyse de la foi , & assigner les motifs raisonnés qui font croire le fidele à l'Ecriture, qu'il rappelle par-tout le ministre Claude à la foi infuse , que le fidele a reçûe dans le baptême, de l'infaillibilité de l'Eglise & de la divinité de l'Ecriture; foi , dit-il, que le S. Esprit lui a mise dans le coeur, en même tems que la foi en Dieu & en Jesus-Christ . Or nous ne parlons pas ici de la foi infuse, mais seulement de la persuasion raisonnée que renferme la foi d'un adulte qui s'approche de Dieu par la voie du raisonnement. Encore une réflexion. M. Bossuet place ensemble & en même tems dans l'esprit de cet adulte, & la foi de la divinité des Ecritures, & la foi de l'existence de Dieu & de l'infaillibilité de l'Eglise: cependant il est impossible de soûtenir que la persuasion de ces deux dernieres vérités ait pour motifs raisonnés l'autorité même de l'Eglise. Il faut donc convenir que M. Bossuet ne parle pas des motifs raisonnés , & qu il ne prétend pas plus assigner ces motifs, lorsqu'il parle de la foi de la divinité du corps des Ecritures, que lorsqu'il parle de ces deux autres principes. On peut donc dire que le fidele dont parle M. Bossuet croit la divinité des Ecritures, sans l'intervention de l'Eglise, précisément comme il croit l'autorité de l'Eglise, par les motifs de crédibilité que le S. Esprit met dans son coeur , pour employer les termes mêmes de M. Bossuet. Or comme la foi à l'Eglise universelle, quoiqu'appuyée sur ces motifs de crédibilité indépendans de lautorité de l'Eglise, n'en est pas moins mise dans le coeur du fidele baptisé, en même tems que la foi en Dieu & en Jesus-Christ , selon M. Bossuet lui-même, la foi de ce fidele à la divinité des Ecritures pourra être aussi mise dans son coeur par l'Esprit-saint, sans l'intervention de l'autorité de l'Eglise. Je ne vois pas ce qu'on peut répondre à cela. Je pourrois ajouter une remarque, en la soûmettant cependant au jugement des lecteurs instruits. En supposant même que M. Bossuet parle de la foi raisonnée de la divinité des Ecritures; s'il soûtient que cette foi ne peut être fondee que sur l'autorité même de l'Eglise, ce n'est-là qu'un argument qu'il employe dans la chaleur de la dispute, pour presser plus fortement la nécessité d'une autorité infaillible. Son argument peut bien n'être pas solide, sans que sa cause en souffre: un tribunal supreme pour décider les points obscurs, difficiles, & controversés, n'en est pas moins nécessaire, quoique la question générale, claire, & facile à décider, de la divinité des Ecritures, que tous les Chrétiens reçoivent, & celle de l'infaillibilité de l'Eglise, ne puissent pas être portées à ce même tribunal. Aussi voyons-nous que c'est en attaquant M. Bossuet sur ce principe qui semble opposé à notre analyse, que le ministre Claude le presse avec le plus de force & de vivacité. 2°. Mais, dira-t-on, il est toûjours vrai que selon votre analyse un adulte ne peut pas croire la divinité & l'inspiration des Ecritures sans les avoir lûes. Or cela est contraire aux principes de nos théologiens contre les Protestans, & très-favorable à ce que ceux-ci soûtiennent de la suffisance de l'Ecriture pour régler la croyance des Chrétiens. De même, dans votre sentiment il sera nécessaire pour croire à l'infaillibilité de l'Eglise, d'avoir lû les passages sur lesquels son autorité est établie, & d'en avoir pénétré le sens. Et comme le plus grand nombre des Chrétiens ne lisent point l'Ecriture; faute de remplir cette condition ils ne croiront ni à la divinité des livres saints, ni à l'infaillibilité de l'Eglise. Je répons 1°. tout ce qu'on pourroit conclure de nos principes, c'est qu'on ne croit point d'une foi raisonnée les deux dogmes de la divinité des Ecritures & de l'infaillibilité de l'Eglise sans avoir lû les Ecritures; & que ceux qui n'auront pas rempli cette condition, n'auront point de motifs raisonnés de leur croyance: mais cela n'entraîne aucun inconvenient qui nous soit particulier; il restera toûjours aux simples cette autre foi dont nous ne parlons point dans notre analyse, & que les Théologiens appellent infuse . Pour cette foi , il n'est pas besoin d'avoir lû l'Ecriture, ni refléchi sur les principes de la croyance chrétienne. Ceux qui nous font cette difficulté, pourroient-ils assûrer que les simples ont une persuasion raisonnée de beaucoup d'autres principes non moins essentiels à croire; l'infaillibilité même de l'Eglise, la croyent-ils d'une foi raisonnée? Si cette vérité n'est point fondée sur la révélation, mais sur des motifs de crédibilité, il faudra que ces hommes grossiers y fassent réflexion pour que leur foi soit raisonnée; & ces réflexions quelles qu'elles soient, valables ou peu solides, peut-on assûrer qu'ils les ont faites? 2°. Pour que le chrétien se convainque de la divinité & de l'inspiration de l'Ecriture, il n'est pas nécessaire qu'il la lise. Nous avons représenté dans notre analyse cette proposition, l'Ecriture est la parole de Dieu , comme étroitement & évidemment liée avec celle ci, la religion chrétienne est émanée de Dieu; cette liaison est évidente, & les plus simples la peuvent saisir. Il n'y a point de dogme plus essentiel à la religion chrétienne, qu'elle enseigne plus expressément & qu'elle suppose plus nécessairement; de sorte que le fidele s'élevera par la voie du raisonnement à la persuasion de cette vérité, l' Ecriture-sainte est la parole de Dieu , en même tems qu'il parviendra à se convaincre de celle-ci, la religion chrétienne est émanée de Dieu . Or pour acquérir une persuasion raisonnée de cette derniere proposition, le simple fidele n'a pas besoin de lire l'Ecriture; il suffit qu'il sache en gros l'histoire de la religion, de la vie & de la mort de Jesus-Christ, des miracles qui ont servi à son établissement, &c. ces choses sont connues dans la société dans laquelle il vit; on les raconte sans que personne reclame; on cite les endroits de l'Ecriture qui les contiennent; le sens qu'on leur donne est simple & naturel. Voilà une certitude dans le genre moral, d'après laquelle l'homme grossier regle prudemment sa croyance. En effet, entendre citer l'Ecriture par tant de gens qui la lisent & qui l'ont lûe, c'est exactement comme si on la lisoit soi-même. Remarque importante, à laquelle je prie qu'on fasse attention. Je dis à-peu-près la même chose de la croyance de l'infaillibilité de l'Eglise. Si je ne m'étois pas déjà beaucoup étendu sur cette matiere, je ferois remarquer les avantages que peut donner la méthode que je propose dans nos controverses avec les Protestans. Si on veut faire sur cela quelques réflexions, on se convaincra facilement que cette maniere d'analyser la foi ne laisse plus aucun lieu aux difficultés qu'ils ont opposées aux théologiens catholiques; difficultés tirées de l'embarras, qu'on éprouve à faire concourir ensemble, comme motifs de la foi , l'autorité de l'Eglise & celle de l'Ecriture, de la dignité & de la suffisance de l'Ecriture, &c. Nous terminerons cette question en rapportant les analyses de la foi que proposent les Protestans, & en les comparant à la nôtre. On conçoit d'abord que l'autorité de l'Eglise n'entre pour rien dans leurs méthodes; & c'est ce qui les distingue de celles que les Catholiques adoptent. Nous avons vû que dans l'analyse de la foi il faut expliquer comment le fidele est certain de ces deux vérités, l'Ecriture est la parole de Dieu , & ce que je crois est contenu dans l'Ecriture; en excluant l'autorité infaillible de l'Eglise, ils ont été embarrassés sur l'un & sur l'autre point. Pour le premier article, le plus grand nombre des docteurs protestans ont dit que l'Ecriture avoit des caracteres qui prouvent sa divinité à celui qui la lit, par la voie du jugement particulier. Ce jugement particulier, selon eux, suffit au fidele pour lui faire distinguer sûrement les livres canoniques de ceux qui ne le sont pas, même alors que tous les Chrétiens ne les reçoivent pas, & pour juger aussi de l'authenticité des textes courts: d'où l'on voit qu'il ne faut pas confondre ce jugement particulier, avec le jugement général qu'on porte de la divinité du corps des Ecritures, & qu'on fonde sur les motifs de crédibilité qui appuient la divinité de la religion chrétienne. Il faut distinguer encore ce jugement particulier de l'enthousiasme & de l'inspiration immédiate qu'ont admis quelques fanatiques, comme Robert Barclay, & ne pas reprocher aux docteurs protestans une opinion qu'ils rejettent expressément. Ce jugement particulier n'est pas même admis uniquement par tous les théologiens protestans pour juger de la divinité des Ecritures. La Placette ministre très-estimé, mort à Utrecht en 1718, s'est rapproché en ce point des théologiens catholiques, dans un traité de la foi divine . Il soûtient d'après Grégoire de Valence & d'autres théologiens catholiques, que la divinité des Ecritures peut être appuyée dans l'esprit du fidele & dans l'analyse de la foi , immédiatement sur la divinité de la religion chrétienne: c'est ce que nous avons dit, mais avec des restrictions que ce ministre ne peut pas apporter, & au défaut desquelles son analyse est défectueuse. En effet dans nos principes, la divinité des déutéro-canoniques des textes courts, &c. n'étant pas liée intimement & évidemment avec cette vérité, la religion chrétienne est émanée de Dieu , il est nécessaire de recourir à l'autorité suprème de l'Eglise, pour recevoir d'elle ces livres & ces textes comme divins & inspirés; d'où il suit que le protestant qui a secoüé le joug de l'Eglise, ne peut plus appuyer solidement le jugement qu'il porte de leur authenticité. Quant au sens des Ecritures, tous les Protestans ont dit que l'esprit privé, ou le jugement particulier, en étoit juge; & ils ont fondé cette assertion sur ce que l'Ecriture est claire, & qu'une médiocre attention suffit pour en découvrir le sens naturel. Ils ont ajoûte qu'en supposant même qu'elle eût quelque obscurité pour les fideles simples & grossiers, ce qui manqueroit non pas à l'évidence de l'objet, mais à la disposition du sujet, pouvoit être suppléé par Dieu au moyen d'un secours qui ouvre l'esprit des simples, & qui les rend capables de saisir & de comprendre les vérités nécessaires à croire pour le salut. La Placette manie cette idée avec beaucoup d'adresse; il s'appuie de l'autorite de nos controversistes qui ont reconnu un semblable secours; & il forme cette analyse de la foi , que je rapporterai en entier, parce qu'on peut dire que c'est ce qu'il y a de mieux sur cet article dans la théologie protestante. 1°. La religion chrétienne est émanée de Dieu; 2°. si elle est véritable & émanée de Dieu, l'Ecriture-sainte est la parole de Dieu; 3°. si l'Ecriture est la parole de Dieu, on peut & on doit croire de foi divine tout ce qu'elle contient; 4°. on ne manque pas de moyens pour s'assûrer que certaines choses sont dans l'Ecriture; 5°. il y a diverses choses dans l'Ecriture qu'on peut s'assûrer qui y sont contenues, en se servant de ces moyens. Nous avons déjà remarqué le défaut de cette analyse, quant à la deuxieme proposition; elle est encore défectueuse dans la troisieme & dans la quatrieme. Il y a beaucoup de choses qu'on ne peut pas s'assûrer être contenues dans l'Ecriture, sans le secours d'une autorité dépositaire & interprete du sens des passages qui les renferment. L'Ecriture en beaucoup d'endroits est obscure & difficile, même pour les personnes un peu instruites. On avance gratuitement que Dieu donne ce secours extraordinaire que supposent les Prote stans; & il est bien plus simple qu'il ait donné aux apôtres & à leurs successeurs, le droit suprème d'expliquer l'Ecriture dans les endroits difficiles, & de décider en dernier ressort les contestations qui pourroient naître, &c. Nos théologiens ont établi tous ces principes. Voy. Ecriture , Eglise , Infaillibilité . Au reste on ne doit regarder ce que j'ai dit sur l'analyse de la foi , que comme une méthode que je propose, & non comme une assertion. De l'objet de la foi . Nous avons parlé plus haut de l'objet de la foi d'une maniere assez générale en prenant la foi pour la persuasion de toutes les vérités qui appartiennent à la religion chrétienne. Nous en avons distingué de quatre especes. Mais c'est particulierement à la persuasion des vérités du quatrieme ordre que les Théologiens donnent le nom de foi , ou pour mieux dire, c'est à cette persuasion que convient ce qu'ils disent de l'objet de la foi , de sa certitude, de son obscurité, &c. c'est pourquoi dans la suite de cet article nous prendrons ordinairement le mot foi pour la persuasion des vérités de ce quatrieme ordre. Ces vérités ont deux qualités; elles sont contenues dans la révélation, & l'Eglise les propose aux fideles comme contenues dans la révélation & comme l'objet d'une persuasion que Dieu exige: de-là deux questions dont la solution renfermera à-peu-près tout ce que les Théologiens disent d'important sur l'objet de la foi . Premiere question. De quelle maniere un dogme doit-il être contenu dans la révélation pour être actuellement l'objet de notre foi , & pour être au nombre des vérités du quatrieme ordre, car nous ne parlons plus des autres? Seconde question. De quelle maniere un dogme doit-il être contenu dans la révélation pour devenir l'objet d'une persuasion que Dieu exige de nous par une nouvelle définition de l'Eglise? Pour répondre à la premiere question, je remarque d'abord qu'un dogme quelconque pour être l'objet de la foi , doit être contenu dans la révélation certainement , & que cette certitude doit exclure toute espece de doute, la raison en est sensible; c'est que la foi qu'on en auroit ne pourroit pas exclure tout doute si la certitude qu'on doit avoir qu'il est révélé n'étoit pas elle même absolue & parfaite en son genre. Le défaut de ce haut degré de certitude qui constate la réalité de la révélation, exclut du nombre des objets de la foi un grand nombre de conséquences théologiques qui ne sont pas évidemment liées avec les propositions révélées dont on s'efforce de les déduire. Car suivant la remarque du judicieux Holden de resolutione fidei , lib. II. cap. ij. « Plusieurs théologiens en combattant les hérétiques avec plus de zele que de discernement, soûtiennent des conséquences incertaines & même des opinions agitées dans les écoles de Philosophie comme nécessairement liées avec la foi & la religion chrétienne ». Il faut encore distinguer plusieurs sortes de propositions contenues dans les sources de la révélation; les premieres y sont contenues expressément, c'est-à-dire ou en autant de termes ou en termes équivalens; les secondes comme la conséquence de deux propositions révélées & disposées dans la for me du syllogisme; les troisiemes comme déduites de deux propositions, dont l'une est révélée & l'autre connue par la lumiere naturelle, mais parfaitement évidente. Les dernieres enfin comme déduites de deux propositions, dont l'une est révélée & l'autre connue par la lumiere de la raison, mais de telle maniere que cette derniere prémisse ne soit pas au-dessus de toute espece de doute. Un dogme contenu dans la révélation en autant de termes ou en termes équivalens, ou comme une proposition particuliere dans une proposition universelle, est un objet de foi indépendamment d'une nouvelle définition. Sur un dogme de cette nature, il existe toûjours une décision de l'Eglise qui lui assûre la qualité de révélé. Tous les Théologiens conviennent de ce principe. Cela est vrai aussi des dogmes contenus dans la révélation comme conséquence de deux propositions révélées; quelques auteurs prétendent cependant que ces dogmes ne peuvent être regardes comme de foi , qu'en vertu d'une nouvelle définition; parce que, disent-ils, sans cette définition la liaison de la conséquence avec les premisses n'étant que l'objet de la raison, objet sur lequel cette faculté peut se tromper, la conséquence qui suppose cette liaison ne sauroit appartenir à la foi : mais cette opinion est insoûtenable; une conséquence de cette nature est très-certainement contenue dans la révélation par l'hypothèse, puisqu'elle suit évidemment de deux prémisses révélées; la définition de l'Eglise qui assûre aux prémisses la qualité de révélées, de contenues dans la révélation, s'étend nécessairement à la conséquence elle-même. Le motif de l'assentiment qu'on y donne est la révélation; cette conséquence a donc indépendamment d'une nouvelle définition de l'Eglise toutes les qualités essentielles à un dogme de foi appartenant à la quatrieme classe des vérités que nous avons distinguées. Il faut donc convenir qu'elle est de foi . Je vas plus avant, & je dis que les propositions de la troisieme espece sont encore de foi indépendamment d'une nouvelle définition de l'Eglise, & précisément en vertu de l'ancienne. Je m'écarte en ceci de l'opinion commune; mais voici mes raisons. La premiere est que les conséquences de deux propositions, dont l'une est révélée, & l'autre absolument certaine & évidente, sont tout comme les propositions de la seconde espece très-certainement contenues dans la révélation, connues comme telles par l'ancienne définition de l'Eglise, qui en déclarant le principe révélé, a déclaré en même tems révélée la conséquence évidemment contenue dans ce principe, & enfin crues par le motif de la révélation. En second lieu, lorsqu'une des prémisses est évidente, l'identité de la conséquence avec le principe révélé est évidente aussi; & cela posé, on ne peut pas plus douter de la conséquence que du principe. Une conséquence de cette nature n'ajoûte rien à la révélation; on ne peut donc pas se dispenser de la regarder comme révélée. Ce n'est que lorsque la prémisse de raison est susceptible de quelque incertitude, qu'on peut douter si la conséquence est identique avec la proposition révélée; aussi n'est-ce qu'alors que la conséquence n'est pas de foi , & il n'y a point d'inconvénient à ce que l'assentiment qu'exige la foi dépende ainsi de la vérité de cette prémisse de raison, comme on pourroit se l'imaginer faussement. Il n'y a point de proposition de foi dont la vérité ne dépende d'un grand nombre de vérités naturelles aussi essentiellement que la vérité de la conséquence dont nous parlons peut dépendre de la prémisse de raison. Mais malgré cette dépendance, l'assentiment qu'on donne à la conclusion a toûjours pour motif unique la révélation, & la prémisse naturelle n'est jamais que le moyen par lequel on connoît que la conséquence est liée avec la prémisse révélée, & non pas le motif de croire cette même conséquence. C'est ce que les Théologiens savent bien dire en d'autres occasions. Au reste, jene regarde ici le raisonnement comme formé de trois propositions, que pour me conformer au langage de l'école; car si je voulois le rappeller à sa forme naturelle qui est l'entymême, je pourrois tirer beaucoup d'avantage de cette maniere de l'envisager. Une troisieme raison, est qu'une conséquence de cette espece participe de l'obscurité qui caractérise la foi; elle tient du principe d'où elle émane, de la proposition révélée, toute l'obscurité qui enveloppe celle ci. La liaison du sujet & de l'attribut y est inévidente, & pourroit être niée si la proposition révélée, de laquelle on la conclut, ne l'empêchoit; & comme, bien qu'obscure & inévidente, elle est très certaine, il faut de nécessité qu'elle soit de foi . Enfin j'ajoûte qu'il est impossible de citer une seule conséquence de cette espece, qui ne soit vraiment de foi , & qu'on ne regarde dans l'Eglise comme telle. Par exemple, dans ce raisonnement: il y a en Jesus-Christ deux natures raisonnables parfaites, toute nature raisonnable & parfaite a une volonté, donc il y a en Jesus-Christ deux volontés. Cette conséquence étoit crue de tous les Chrétiens, & étoit de foi , même avant la définition du sixieme concile contre les Monothélites, & précisément en vertu de la doctrine reçûe de toute l'Eglise; c'est pourquoi je crois qu'on doit distinguer deux sortes de définitions de l'Eglise, celles qui ne font que constater une ancienne croyance, connue de tous les fideles, généralement reçûe & enseignée expressément dans toute l'Eglise, & celles qui fixent la foi des fideles sur des objets moins familiers & moins bien connus. Il faut bien dire que la définition de la consubstantialité du Verbe au concile de Nicée, étoit une décision de la premiere sorte, autrement il faudroit convenir que le point de doctrine qu'on y décida avant ce tems là, n'étoit pas un dogme de foi expresse & explicite, aveu qu'aucun théologien catholique ne peut faire. Il nous reste à parler des propositions contenues dans la révélation, comme conséquences des deux prémisses; dont l'une est révélée, & l'autre connue par la raison, mais dépourvûe d'évidence & susceptible de quelque espece de doute & d'incertitude: celles-là ne sont point de foi , indépendamment d'une nouvelle décision de l'Eglise, & elles le deviennent aussi-tôt que cette décision a lieu. Voilà la réponse à la seconde question. La premiere partie de cette assertion n'a pas besoin de preuves. Par l'hypothese on peut douter raisonnablement si ces propositions sont cor tenues dans la révélation, à consulter la lumiere naturelle; donc jusqu'à ce que la décision de l'Eglise ait levé ce doute, elles ne sauroient être de foi . Mais la définition de l'Eglise peut présenter aux fideles cette même conséquence comme contenue dans la révélation, ce qu'elle peut faire en plusieurs manieres, ou en décidant (absolument & sans rapport à la prémisse révélée dont elle peut être tirée) que cette proposition est contenue dans certains passages de l'Ecriture, dont le sens n'avoit pas encore été éclairci, quoique les premiers pasteurs en fussent instruits; ou en recueillant la tradition éparse dans les églises particulieres, & la présentant aux fideles; ou en puisant cette même tradition dans les écrits des peres & des écrivains ecclésiastiques, ou même en décidant que cette conséquence est vraiment liée avec la prémisse révélée, & en dissipant par-là l'incertitude que les lumieres de la raison laissoient encore sur cette même liaison. Je regarde aussi les propositions de cette derniere classe comme l'objet propre & particulier de la Théologie, toutes les autres appartenant véritablement à la foi . Et je définis une conclusion théologique la conséquence de deux prémisses, dont l'une est révélée, & l'autre connue par les lumieres de la raison, mais susceptible encore de quelque espece d'incertitude. Ceci est une question de bien petite importance, & à laquelle je ne veux pas m'arrêter. Mais il me semble clair qu'une conclusion vraiment théologique n'est jamais évidemment contenue dans la prémisse révélée. Citons pour exemple une conclusion théologique des plus certaines, la volonté de Dieu de sauver tous les hommes sans exception; & considérons-la dans ce raisonnement: selon S. Paul, Deus vult omnes homines salvos fieri ; or tous , dans le passage de S. Paul, signifie tous les hommes sans exception; donc Dieu veut sauver tous les hommes sans exception. Ne voit-on pas que si cette derniere conséquence n'est pas de foi , selon le plus grand nombre des théologiens, ce n'est que parce qu'on suppose que la seconde proposition de cet argument n'est pas au-dessus de toute espece de doute & d'incertitude. Mais cette question pourra être traitée à l' article Théologie . Je remarquerai seulement que dans le système le plus communément reçû, que les conséquences d'une prémisse révélée & d'une prémisse de raison absolument évidente, appartiennent à la Théologie , on ne s'est pas apperçû que toutes les fois que la prémisse de raison est évidente, la conséquence est toûjours identique avec la proposition révélée, & on a imaginé qu'il pouvoit y avoir de ces conséquences-là qui ajoûtassent quelque chose à la révélation; ce qui est absolument faux. Les trois premieres especes de propositions sont donc de foi , en vertu des anciennes définitions, ou plûtôt en vertu de l'ancienne croyance de l'Eglise qui exerce toûjours son autorité sur celles là; puisque nous ne les pouvons regarder comme révélées pour en faire les objets de notre foi , que parce que l'Eglise nous les présente comme telles. Quant aux dernieres, elles sont à proprement parler l'objet des nouvelles décisions de l'Eglise. En décidant sur celles-là, l'Eglise constate qu'elles sont dejà de foi; & en décidant sur celles ci, elle les présente aux fideles comme devant être desormais l'objet de la croy ance de tous ceux à qui sa définition & la proposition en question seront connues. D'après ces principes, on résout sans embarras une autre question que S. Thomas exprime ainsi: Utrum articuli fidei per successionem temporum creverint; le nombre des articles de foi s'est il augmenté par la succession des tems? Selon ce pere, crevit numerus articulorum, secundâ secundoe, quoest. 1. art. vij. mais le plus grand nombre des théologiens semble s'écarter en cela de son sentiment. Selon Juenin, articuli fidei iidem semper numero fuerunt in ecclesiâ christianâ, inst. theol. part. VII. dissert. jv . Mais ce n'est là qu'une dispute de mots. Il ne faut qu'expliquer ce que l'on peut entendre par de nouveaux articles de foi; il ne se fait point de nouveaux articles de foi , de ces articles qu'on regarde comme le fond de la foi chrétienne, & dont la croyance explicite (nous expliquerons ce mot un peu plus bas) est nécessaire au salut; mais l'Eglise peut proposer aux fideles comme l'objet d'une persuasion que Dieu exige d'eux, des vérités particulieres que les fideles pouvoient auparavant ou ignorer ou rejetter formellement sans errer dans la foi . Une question se présente ici que je ne trouve pas traitée de dessein formé dans nos théologiens. Quand une proposition est-elle déclarée suffisamment par l'Eglise contenue dans la révélation, de sorte que par cette déclaration elle devienne l'objet de la foi? Tout le monde convient qu'une proposition contenue dans la révélation, & connue comme telle, doit être crûe; on convient encore que l'Eglise seule a le droit de nous faire connoître sûrement les dogmes contenus dans la révélation; mais on semble supposer qu'il est facile de déterminer quand une doctrine est suffisamment déclarée par l'Eglise contenue dans la révélation pour devenir l'objet de la foi . Si un dogme n'est déclaré contenu dans la révélation que par une définition expresse de l'Eglise qui le propose aux fideles en autant de termes, la question ne souffrira aucune difficulté. Mais il n'en est pas ainsi. Il y a beaucoup de dogmes dont l'Eglise n'a point fait de définition expresse, qu'elle déclare cependant être contenus dans la révélation; qu'elle déclare, dis-je, d'une maniere suffisante, pour que ces dogmes soient vraiment de foi; c'est ce qu'il est facile de prouver. 1°. Il y a beaucoup de vérités dans l'Ecriture, qui sont postérieures dans l'ordre des connoissances à l'autorité infaillible de l'Eglise, que nous ne connoissons comme très-certainement contenues dans les Ecritures que par le moyen de l'Eglise, dont elle n'a jamais fait de définition expresse, & qui sont cependant des dogmes de foi . Comme aussi il y a des choses définies expressément qui étoient l'objet de la foi , & que l'Eglise déclaroit contenues dans la révélation avant la définition expresse. Prenons pour exemple la présence réelle avant Berenger. L'Eglise n'avoit pas fait de définition expresse de ce dogme; cependant il étoit de foi . L'Eglise le déclaroit donc contenu dans la révélation, & elle le déclaroit d'une maniere suffisante, pour lui donner le caractere d'un dogme de foi . Donc l'Eglise peut déclarer qu'un dogme est contenu dans la révélation d'une autre maniere que par une définition expresse de ce même dogme. 2°. Je dis la même chose des vérités de foi que renferme la tradition: comme que le baptême des enfans est bon & valable; que la communion sous les deux especes n'est pas nécessaire au salut, &c. Ces dogmes sont déclarés par l'Eglise contenus dans la tradition, sans qu'elle en forme aucune définition expresse. Or comment se fait donc cette déclaration? Je répons que l'explication constante & unanime que le plus grand nombre des Peres & des écrivains ecclésiastiques, & en général les pasteurs de l'Eglise, donnent à un passage contenu quant aux paroles dans les livres canoniques, est une déclaration que ce dogme est contenu dans l'Ecriture quant au sens; déclaration suffisante pour que le dogme soit ipso facto l'objet de la foi pour ceux à qui cette explication est connue. Et de même la pratique constante & universelle de l'Eglise lorsqu'elle suppose un dogme contenu dans la tradition, suffit pour déclarer que ce dogme est contenu dans la tradition, & doit être l'objet de la foi . Je pourrois faire voir dans un plus grand détail la nécessité & l'utilité de ce principe, mais je suis obligé de me resserrer pour passer à d'autres objets. De l'obscurité de la foi . La foi est obscure, mais en quel sens? Toutes les vérités de foi sont-elles obscures, & quelles sont celles qu'affecte cette obscurité? L'obscurité de la foi ne peut affecter que les objets mêmes, & non pas les motifs de la persuasion. Par ces motifs, je n'entends pas ici le motif immédiat qui nous fait donner notre assentiment aux vérités de foi , c'est-à-dire l'autorité de la révélation, mais les preuves par lesquelles on constate la réalité de la révélation. Or la liaison des vérités de la foi avec ces preuves, doit être dans son genre évidente & nécessaire; & c'est alors seulement qu'on observera le précepte de l'apôtre, qui veut que l'obéissance à la foi soit raisonnable. C'est pourquoi je ne saurois approuver la pensée de M. Pascal, qui prétend que Dieu a laissé à dessein de l'obscurité dans l'économie générale, dans les preuves de la religion: qu'on se lasse de chercher Dieu par le raisonnement; qu'on voit trop pour nier & trop peu pour assûrer; que ce Dieu dont tout le monde parle, a laissé des marques après lui; que la nature ne le marque pas sans équivoque; c. viij. que les foiblesses les plus apparentes sont des forces a ceux qui prennent bien les choses; qu'il faut connoître la vérité de la religion dans son obscurité; que Dieu seroit trop manifeste s'il n'y avoit de martyrs qu'en notre religion, c. xviij. &c. Car il me semble au contraire que pour repousser les traits des incrédules, il est nécessaire d'établir que la religion chrétienne n'a d'autre obscurité que celle qui affecte ses mysteres, & que les preuves, les motifs de crédibilité qui l'établissent, ont une évidence supreme dans le genre moral, & qui ne peut laisser aucune espece de doute dans l'esprit. Qu'on lise tous les auteurs qui ont travaillé à la défense de la religion, on verra qu'aucun ne s'est écarté de ce principe dont ils ont senti la nécessité. Il suit de-là que dans les quatre ordres de vérités que nous avons distingués en traitant de l'analyse de la foi , il n'y a que celles qui appartiennent au quatrieme ordre, & qu'on peut croire par le motif de la révélation proposée par l'Eglise, sur lesquelles puisse tomber quelqu'obscurité. Ainsi, c'est sur les mysteres que tombe l'obscurité de la foi . Voyez ce mot . C'est l'obscurité des mysteres qui les fait paroître contraires à la raison, & c'est pourquoi nous renvoyons aussi à l' article Mysteres la question importante, si la raison est contraire à la foi . De la certitude de la foi . Nous ne pouvons traiter ici de la certitude de la foi , que par la comparaison avec la certitude des vérités que la raison fait connoître; car la question de la certitude absolue des vérités de la foi , appartient aux articles Religion , Révélation , &c. On demande si la foi est autant, ou plus, ou moins certaine que la raison; & cette question conçue en ces termes généraux, est presque inintelligible: foi, raison, certitude , tous ces termes ont besoin d'être définis. On voit d'abord qu'il s'agit encore ici de la foi comme persuasion, & même de la persuasion que renferme la foi proprement dite, fondée sur l'autorité de la parole de Dieu, & non pas de la croyance des autres vérités qui appartiennent à la religion chrétienne, & qui ne seroient pas crûes par le motif de la révélation. Cette persuasion peut être considérée, ou dans le sujet, dans l'esprit qui la reçoit, ou relativement à l'objet sur lequel elle tombe, ou par rapport au motif sur lequel elle est fondée. On considere aussi la certitude en général sous ces trois rapports différens: de-là les Théologiens ont distingué la certitude de sujet, la certitude objective, & la certitude de motif. La certitude de sujet est la fermeté de l'assentiment qu'on donne à une vérité quelconque. Cette certitude pour être raisonnable, doit toûjours être proportionnée à la force des motifs qui la font naître: autrement elle ne seroit pas distinguée de l'entêtement qu'on a quelquefois pour les erreurs les plus extravagantes. Il suit de-là que la comparaison que nous nous proposons de faire entre la certitude de la foi & celle de la raison, ne peut pas s'entendre de la certitude du sujet, sans y faire entrer en même tems la certitude de motif, sans supposer que de part & d'autre les motifs de persuasion sont solides & au-dessus de toute espece de doute. Mais cette supposition étant une fois faite, on peut demander si l'adhésion aux vérités de la foi est plus forte que l'adhésion de l'esprit aux vérités que la raison démontre. Il semble d'abord que cette adhésion est plus forte du côté de la foi , que de celui de la raison. Personne n'est mort pour des vérités mathématiques, & les martyrs ont scellé de leur sang la foi qu'ils professoient. Il y a bien de l'équivoque dans tout cela. L'adhésion aux vérités de foi dont nous parlons ici, est une conviction intime, intérieure & tout-à-fait distinguée de la profession qu'on peut faire de bouche & de tout acte extérieur. Cette conviction n'atteint les vérités de la foi que comme vraies, & non pas comme utiles, comme nécessaires à soûtenir hautement & à professer extérieurement. Le chrétien doit sans doute regarder les vérités de la foi de cette derniere façon; mais c'est abuser des termes que d'appeller la disposition de son esprit une certitude , c'est plûtot un amour de ces mêmes vérités. Il a la vertu & la grace de la foi s'il meurt, plûtôt que de démentir par ses actions ou par ses paroles, la persuasion dont il est plein; mais il n'est pas pour cela plus fortement persuadé de ces mêmes vérités que le géometre de ses théorèmes, pour lesquels il ne voudroit pas mourir; parce que le chrétien & notre géometre regardent tous deux comme vraies les propositions qui sont l'objet de leur persuasion. Or comme la vérité n'est pas susceptible de plus & de moins de deux propositions bien constantes & bien prouvées, on ne peut pas raisonnablement regarder l'une comme plus vraie que l'autre. Ce principe me conduit à dire aussi que la foi précisément comme persuasion n'étoit pas plus grande dans les Chrétiens qui la confessoient à la vûe des supplices dans les martyres, que dans ceux que la crainte faisoit apostasier. En effet les tyrans ne se proposoient pas d'arracher de l'esprit des premiers chretiens la persuasion intime des dogmes de la religion, & d'y faire succéder la croyance des divinités du Paganisme; on vouloit qu'un chrétien benit Jupiter & sacrifiât aux dieux de l'empire; ou bien on le punissoit, parce qu'il ne professoit pas la religion de l'empereur, mais sans se proposer de la lui faire croire. Et en effet pense-t-on que les apostats, après avoir succombé à la rigueur des supplices, honorassent du fond du coeur Jupiter auquel ils venoient d'offrit de l'encens, & cessassent de croire à J.C. aussitot qu'ils l'avoient blasphemé: ils n'avoient plus la verta de la foi , la grace de la foi; mais ils ne pouvoient ôter de leur esprit la persuasion de la mission de Jesus-Christ, qu'ils avoient souvent vû confirmée par des miracles; les motifs puissans qui les avoient amenes à la foi chrétienne, ne pouvoient pas leur paroitre moins forts, parce qu'ils étoient eux-mêmes plus foibles, & leur persuasion devoit rester absolument la même, au moins dans les premiers momens, & jusqu'à ce que le desir de justifier leur apostasie leur fit fermer les yeux à la vérité. La certitude qu'on a des vérités de la foi n'est donc pas plus grande lorsqu'on meurt pour les soûtenir, que lorsqu'on les croit sans en vouloir être le martyr, parce que dans l'un & dans l'autre cas, on ne peut que les regarder comme également vraies. Et par la même raison, la certitude de sujet des vérités de la foi , n'est pas plus grande que celle qu'on a des vérites évidentes, ou même que celle des vérités du genre moral, lorsque celle-ci a atteint le degré de certitude qui exclut tout doute. Passons maintenant à la certitude objective. Il n'y a nulle difficulté entre les Théologiens sur cette espece de certitude, & on demeure communément d'accord qu'elle appartient aux objets de la foi , comme à ceux que là raison nous fait connoître, & même qu'elle appartient aux uns & aux autres dans le même degré. Il est vrai que quelques théologiens ont avancé que l'impossibilité que ce que Dieu atteste ne soit véritable, est la plus grande qu'on puisse imaginer; & qu'eu egard à cette impossibilité, les objets de la foi sont plus certains que ceux des Sciences: mais cette prétention est rejettée par le plus grand nombre, & avec raison; car les vérités naturelles sont les objets de la connoissance de Dieu, comme les vérités révélées de son témoignage. Or il est aussi impossible que Dieu se trompe dans ce qu'il sait, que dans ce qu'il dit; je ne m'arrête pas sur une chose si claire. Quant à ceux qui prétendroient que les objets de la foi ne sont pas aussi certains que ceux de la raison, nous leur ferons remarquer que dans la question dont il s'agit, on suppose la vérité, l'existence des uns & des autres; & que cette vérité, cette existence étant une fois supposées, ne sont pas susceptibles de plus & de moins. C'est ainsi que quoique j'aye beaucoup plus de preuves de l'existence de Rome, que d'un fait rapporté par un ou deux témoins; quoique la certitude de motif de mon adhésion à cette proposition Rome existe , soit plus grande que celle de mon adhésion à cet autre fait; s'il est question de la certitude objective, & si nous supposons véritable le fait attesté par deux témoins, on doit regarder & l'existence de Rome & ce fait comme deux choses également certaines. Et qu'on ne dise pas que les vérités de la foi étant dans le genre moral, ne peuvent pas s'élever au degré de certitude objective qu'atteignent les vérités géométriques & métaphysiques: car je ne crains pas d'avancer que de deux propositions vraies, toutes les deux l'une dans l'ordre de la certitude morale & l'autre en Mathématique, s'il est question de la certitude objective, celle-ci n'est pas plus certaine que l'autre; que si cette proposition est un paradoxe, c'est la faute des Phiilosophes, qui n'ayant pas conçu que cette certitude objective est la vérité même, ont fait deux expressions pour une même chose; & d'après cela se sont jettés dans une question trop claire pour être examinée, quand on la conçoit dans les termes naturels. En effet, c'est comme si on demandoit s'il est aussi vrai que César a existé, qu'il est vrai que deux & deux sont quatre: or personne ne peut hésiter à répondre que l'un est aussi vrai que l'autre, quoiqu'il y ait ici deux genres de certitude différens. La certitude objective des vérités de foi est donc encore égale à celles des verités dont la raison nous persuade. Il nous reste à parler de la certitude de motif: c'est la seule qu'on puisse appeller proprement certitude; c'est la liaison du motif sur lequel est fondée votre persuasion, avec la vérité de la proposition que vous croyez; de sorte que plus cette liaison est forte, plus il est difficile que le motif de votre assentiment étant posé, la proposition que vous croyez soit fausse, & plus la certitude de motif est grande. Or le motif de l'assentiment qu'on donne aux vérités naturelles, est tantôt la nature même des choses évidemment connue, & alors la certitude est métaphysique; & tantot la constance & la régularité des actions morales ou des actions physiques, & alors la certitude est morale. Nous comparerons successivement la certitude de la foi à la certitude métaphysique, & à la certitude morale. Lorsqu'on demande si la foi est autant, ou plus, ou moins certaine que les vérités évidentes, cette question revient à celle-ci: un dogme quelconque est-il aussi certain qu'u ne vérité que la raison demontre? Or la certitude de motif d'un dogme quelconque dépend nécessairement de la certitude qu'on a que Dieu ne peut ni tromper ni se tromper dans ce qu'il révele, & 2° que Dieu a vraiment révélé le dogme en question: cela posé, ce que je ne crois que parce que Dieu le révele ne peut pas être plus certain, qu'il n'est certain que Dieu le révele; & par consequent quoique le motif immédiat de la foi , la véracité de Dieu, quoique cette proposition, Dieu re peut ni nous tromper ni se tromper , soit parfaitement évidente & dans le genre métaphysique; comme ce motif ne peut agir sur mon esprit pour y produire la persuasion d'un dogme, qu'autant que je constate la réalité & l'existence de la révélation de ce dogme, pour comparer la certitude de la foi à celle de la raison, il faut nécessairement comparer la certitude des propositions que la raison nous découvre, à la certitude que nous avons que les objets de notre foi sont révélés. Mais la question étant ainsi établie, il n'y reste plus de difficulté; & voici des principes qui la décident. 1°. La certitude que nous avons que les dogmes que nous croyons sont révélés, est dans le genre moral. Les élémens de cette certitude sont des faits, des motifs de crédibilité, &c. Or ces faits, ces motifs, &c. l'existence de Jesus-Christ qui a apporté aux hommes la révélation, sa vie, ses miracles, toutes les preuves de la vérité & des livres saints, & de la divinité de la religion chrétienne; tout cela est dans le genre moral. 2°. Cette même certitude est extrème, & telle qu'on ne peut pas s'y refuser sans abuser de sa raison. Tous les auteurs qui ont écrit en faveur de la religion, établissent ce principe. 3°. Cette certitude n'est pas supérieure à celle que nous avons des vérités mathématiques, ou simplement évidentes dans le genre métaphysique. Cela est clair. 4°. Il y a un sens dans lequel on peut dire que cette certitude est inférieure à celle que nous avons des vérités évidentes, & un sens dans lequel on doit dire qu'elle l'égale. L'impossibilité qu'une proposition évidente soit fausse, est la plus grande qu'on puisse imaginer; & eu égard à cette impossibilité sous ce rapport purement métaphysique, la certitude que nous avons qu'un tel dogme est révélé, & en général toute espece de certitude dans le genre moral, est inférieure à la certitude des vérités évidentes. Mais comme on ne peut pas refuser son assentiment aux preuves qui établissent que Dieu a révélé ce que nous croyons, non plus qu'aux vérités évidentes; comme celui qui se refuse à ces preuves abuse de sa raison, autant que celui qui nie une vérité mathématique; comme la certitude morale a dans son genre autant d'action & de force sur l'esprit pour en tirer le consentement, que la demonstration la plus complete; comme cette certitude est très analogue à la maniere dont les hommes jugent ordinairement des objets, qu'elle nous est familiere, que c'est celle que nous suivons le plus communément, &c. je crois qu'en tous ces sens on peut dire que la certitude morale, lorsqu'elle est arrivée à un certain degré, & par conséquent la certitude que nous avons de la réalité & de l'existence de la révélation, que nous supposons élevée à ce même degré, que cette certitude, dis-je, est égale à celle que nous avons des vérités évidentes & mathématiques. Quant à la certitude que nous avons des vérités du genre moral, on peut voir par ce que nous venons de dire, que la certitude des dogmes de foi ne lui est pas inférieure, mais égale & du même genre. Il suffit d'exposer ces principes, & ils n'ont pas besoin de preuves. J'avoue que je ne conçois pas comment on a pû soûtenir sérieusement que la foi est plus certaine que la raison. Les partisans de cette opinion n'ont pas pris garde qu'ils détruisoient d'une main ce qu'ils élevoient de l'autre. La foi suppose la raison, & la raison conduit à la foi . Avant de croire par le motif de la révélation, il faut en constater l'existence par le secours de la raison même. Or comme la raison n'est pas pour nous un guide plus sûr, lorsque nous constatons l'existence de la révélation, que lorsque nous nous en servons pour reconnoitre la vérité d'un théorème ou l'existence de César, les vérités que nous croyons d'après la révélation constatée, ne peuvent être plus certaines que le théorème & l'existence de César. Dans les deux cas, c'est toûjours la même raison & les mêmes lumieres. J'ajoûterai à ceci quelques réflexions. Dans l'examen de cette question, les Théologiens ont fait ce me semble deux fautes. D'abord ils n'ont comparé que le motif immédiat qui nous fait croire à la proposition révélée, c'est-à-dire la véracité de Dieu, au motif de l'évidence qui nous fait accorder notre assentiment à une vérité métaphysique ou mathématique: au lieu que pour estimer la certitude de la foi , il falloit nécessairement avoir égard aux autres motifs subordonnés, par lesquels on constate l'existence de la révélation; & demander si l'ensemble des motifs qui assûrent la vérité d'un dogme de foi , doit produire une certitude plus grande que celle qu'engendre l'évidence. La raison de cela est que le motif de la véracité de Dieu ne peut agir sur l'esprit, & y faire naître la foi (entant que persuasion), qu'autant qu'on se convainc que Dieu a vraiment révélé le dogme en question; que si on n'a pour se convaincre sur ce dernier point que des preuves doüées d'un certain degré de force, ou dans le genre moral, la certitude de motif de la foi de ce dogme sera aussi dans le genre moral, & n'aura que le même degré de force; & quand même on supposeroit le motif de la véracité divine s'élever en particulier à un degré de certitude plus grand, je ne vois pas que la certitude d'un dogme & de la foi en général dût en être plus grande. Qu'on me permette une comparaison. Ce motif de la véracité divine est lié avec plusieurs autres, en suppose plusieurs autres, que la raison seule fournit. Je me représente ces motifs comme une chaîne formée de plusieurs chaînons, parmi lesquels il y en a un ou deux plus forts que les autres; & d'un autre côté je regarde les motifs qui appuient une vérité évidente, comme une chaine composée de plusieurs chaînons égaux, & semblables aux petits chaînons de la premiere. Cette premiere chaîne ne sera pas plus forte que la seconde, & ne soûtiendra pas un plus grand poids. Vous aurez beau me faire remarquer la force & la grosseur de quelques-uns des chaînons de celle-là. Ce n'est pas par-là, vous dirai-je, qu'elle rompra; & comme dans ses endroits foibles elle peut se rompre aussi facilement que l'autre, il faut convenir que l'une n'est pas plus forte que l'autre. C'est ainsi que dans l'assemblage des motifs qui produisent la persuasion d'un dogme de foi , la certitude supérieure qu'on prêteroit au motif de la véracité de Dieu ne pourroit pas rendre le dogme de foi plus certain. Je dis la certitude supérieure qu'on prêteroit au motif de la véracité de Dieu , parce que cette supériorité n'est rien moins que prouvée. L'impossibilité que Dieu nous trompe étant fondée sur l'évidence même, n'est pas plus grande que l'impossibilité qu'il y a que l'évidence nous trompe. L'autre faute qu'on a commise en traitant cette question, est de l'avoir conçûe dans les termes les plus généraux, au lieu de la particulariser. Il ne falloit par demander, la foi est-elle aussi certaine que la raison , mais un dogme de foi en particulier? Cette proposition, par exemple, il y a trois Personnes en Dieu , est-elle aussi certaine de la certitude de motif (en prenant tout l'ensemble des motifs qui la font croire) que celles-ci, un & deux font trois? César a conquis les Gaules. Je crois que si on eût conçû la question en ces termes, on se seroit contenté de dire que la foi est aussi certaine que la raison; en effet on auroit vû clairement que la certitude de ce dogme dépend de la véracité de Dieu & des preuves qui constatent que ce dogme est révélé, & que parmi ces preuves il en entre plusieurs dont la certitude ne s'éleve pas au-dessus de la certitude métaphysique, pour ne pas dire qu'elle demeure au-dessous. J'épargne aux lecteurs les discussions étendues que les scholastiques ont fait sur cette matiere. Pour décider une semblable question, il suffit d'un principe clair; & celui que nous avons donné nous paroit avoir cette qualité. C'est le cas où l'on peut dire, qu'il ne faut pas écouter des objections contre une these démontrée. Jusqu'à-présent nous avons considéré la foi comme persuasion ; nous avons remarqué que dans la doctrine catholique elle est aussi une vertu & une grace: nous allons la regarder par ces deux différens côtés. La foi est une vertu . C'est le sentiment unanime de tous les PP. & de tous les Théologiens, qu'elle est méritoire; ce qui ne peut convenir qu'à une vertu; ce qu'il nous seroit facile de prouver, si nous ne craignions pas d'être trop longs. Une difficulté se présente, qu'il est nécessaire de résoudre. La foi est une persuasion de certaines vérités; la persuasion est le résultat des preuves, sur lesquelles ces vérités peuvent être appuyées. De quelque espece que soient ces vérités, les preuves qui nous y conduisent sont purement spéculatives, & il n'appartient qu'à l'esprit d'en juger. Quelle que soit la force de ces preuves en elles-mêmes, la persuasion ne peut qu'être conséquente à l'effet qu'elles produisent sur l'esprit qui les examine. Or cela posé, quel mérite peut-il y avoir à trouver ces preuves bonnes, & quel démérite à y refuser son assentiment? Il n'y a ni crime ni vertu à ne pas croire vrai ce qu'on ne juge pas assez bien prouvé, & à croire ce qu'on trouve démontré. Et il ne faut pas penser que parce qu'il est question de religion dans cet examen, l'incrédulité y soit plus criminelle; parce que comme les preuves sont du genre moral, on a droit d'en juger comme on juge dans toute autre question. Un homme n'est pas coupable devant Dieu de ne point croire une nouvelle de guerre, sur la déposition d'un grand nombre de témoins même oculaires; on n'a point encore fait un péché en morale de cette espece d'incrédulité; l'inconvaincu, en matiere de religion refuse, son assentiment à des preuves de même espece; puisque celles qui appuient la religion sont aussi du genre moral; il le refuse par la même raison, c'est-à-dire parce qu'il ne les croit pas suffisantes: son inconviction n'est donc pas un crime, & sa foi ne seroit point une vertu. On peut confirmer cela par l'autorité des plus habiles Philosophes: Il n'y a autre chose , dit S'gravesande ( Introd. ad Philosoph. ), dans un jugement, qu'une perception; & ceux qui croyent que la détermination de la volonté y est aussi requise, ne font attention ni à la nature des perceptions, ni à celle des jugemens . . . . Dès que les idées sont présentes, le jugement suit . . . . Celui qui voudroit séparer le jugement de la perception de deux idées, se trouveroit obligé de soûtenir que l'ame n'a pas la perception des idées qu'elle apperçoit . S. Thomas se propose cette même question ( sec. secundae quaest. sec. art. 9. ) en ces termes: celui qui croit a un motif suffisant pour croire, ou il manque d'un semblable motif. Dans le premier cas, il ne lui est pas libre de croire ou de ne pas croire, & sa foi ne sauroit lui être méritoire; & dans le second il croit legerement & sans raison, & par conséquent aussi sans mérite. Mais sa réponse n'est pas recevable. La voici mot pour mot: Celui qui croit a un motif suffisant pour croire; l'autorité divine d'une doctrine confirmée par des miracles, & ce qui est plus encore, l'instinct intérieur par lequel Dieu l'invite. . . . ainsi il ne croit pas legerement, cependant il n'a pas de motif suffisant pour croire; d'où il suit que sa foi est toûjours méritoire . Je remarque, 1°. que l'instinct auquel S. Thomas a recours, ne fait rien ici, parce que ce n'est pas un motif. 2°. Il y a ici une contradiction: cet homme a un motif suffisant pour croire, & il n'a pas de motif suffisant: habet sufficiens inductivum ad credendum. . . . tamen non habet sufficiens inductivum ad credendum: cela est inintelligible. Essayons de résoudre cette difficulté, qu'on ne nous accusera pas d'avoir affoiblie. 1°. Nous y parviendrons, si nous faisons comprendre que la volonté, ou pour parler plus exactement, la liberté influe sur la persuasion; car cela posé, cette même persuasion pourra être méritoire, & le refus pourra en être criminel. Or voici ce qu'on peut dire sur cela. Quoique les idées qui sont jettées dans notre ame d'après l'impression des objets extérieurs, ne soient point sous l'empire de la liberté au premier moment où elles y entrent à mesure qu'elles nous deviennent plus familieres, nous acquérons sur elles le pouvoir de les appeller ou de les éloigner, & de les comparer à notre gré, au moins hors des cas des grandes passions; & tout cela tient sans doute en grande partie au méchanisme de nos organes. Or du pouvoir que nous avons d'appeller, d'écarter & de comparer à notre gré les idées, suit manifestement l'empire que nous avons sur notre persuasion: car toute persuasion résulte de la comparaison de deux idées; & si nous écartons les idées dont la comparaison nous conduiroit à la persuasion de certaines vérités, nous fermerons par-là l'entrée de notre esprit à la persuasion de ces mêmes vérités. Mais, pourra-t-on dire, lorsque nous écartons ces idées, la persuasion est déjà entrée dans notre ame; car nous ne les écartons que pour ne pas faire la comparaison qui nous y conduiroit. Nous savons donc que cette comparaison nous conduiroit à la persuasion; mais cela posé, nous sommes déjà persuadés, & nous ne faisons que nous dispenser de réfléchir sur notre persuasion. Je répons qu'en faisant cette instance, on conviendroit que la persuasion réfléchie est libre. Or un théologien peut soûtenir avec beaucoup de vraissemblance que la foi est une persuasion réfléchie; & on voit que dans ce sentiment il est facile de concevoir comment elle est méritoire, & comment elle est une vertu. Mais sans considérer ici la foi en particulier, on peut dire que toute persuasion en général est libre, entant que réfléchie, quoiqu'elle ne le soit pas entant que directe. Il y a une premiere vûe de l'esprit jettée rapidement sur les idées & sur les motifs de la persuasion, qui suffit pour soupçonner la liaison des idées & la solidité des motifs, & qui ne suffit pas pour en convaincre. Ce soupçon n'est rien autre chose qu'un sentiment confus; c'est la vûe mal terminée d'un objet qui nous épouvante dans l'éloignement, que nous reconnoissons, & que nous craignons de fixer. Dans cet état on n'a pas sur la liaison des idées, le degré d'attention nécessaire pour former un jugement décidé, & pour avoir une persuasion réfléchie. Or je croirois volontiers que l'exercice de la liberté n'a pas lieu dans ce premier moment: aussi n'est-ce pas alors que la persuasion des vérités de la foi est méritoire. L'incrédule le plus obstiné peut sentir confusément la vérité des motifs de crédibilité qui conduisent à la religion, & ne pas en être persuadé; & les remords & les inquiétudes dont on dit que ces gens-là sont tourmentés, prennent leur source dans ce sentiment confus. 2°. Voici encore une autre maniere d'expliquer comment la persuasion est libre. Les vérités de la religion sont établies par des preuves, & combattues par des objections. La persuasion résulte de la conviction intime, de la force de celles-là, & de la foiblesse de celles-ci. Il est certain que celui qui détournera son esprit de la considération des preuves pour l'attacher aux difficultés qui les combattent, quoique les difficultés soient foibles & les preuves fortes, opposera très-librement des obstacles à la persuasion; & c'est ce que nous voyons arriver tous les jours. La volonté , dit Pascal, est un des principaux organes de la créance, non qu'elle forme la créance, mais parce que les choses paroissent vraies ou fausses, selon la face par laquelle on les regarde. La volonté qui se plait à l'une plus qu'à l'autre, détourne l'esprit de considérer les qualités de celle qu'elle n'aime pas: & ainsi l'esprit marchant d'une piece avec la volonté, s'arrête à considérer la face qu'elle sime; & en jugeant par ce qu'elle y voit, il regle insensiblement sa créance suivant l'inclination de la volonté . 3°. Toute cette difficulté suppose que l'évidence des preuves de la religion est telle, qu'on ne peut pas ne pas s'y rendre aussi-tôt qu'on les comprend: or c'est ce qui n'est point. Ecoutons encore Pascal sur ce sujet: Il y a , dit-il dans l'économie générale de la religion, assez de lumiere pour ceux qui ne desirent que de voir, & assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire...... assez d'obscurité pour aveugler les reprouvés, & assez de clarté pour les condamner & les rendre inexcusables . En général quoique les preuves du genre moral, lorsqu'elles sont portées à un certain degré d'évidence, entraînent le consentement avec beaucoup de force, il est cependant vrai qu'elles n'exercent pas sur l'esprit un empire aussi puissant que celles qui sont de l'ordre métaphysique. La possibilité absolue du contraire, que les preuves morales laissent toûjours subsister, suffit pour donner lieu à l'incrédulité. C'est ainsi qu'on a vû au commencement de ce siecle un savant, appuyé de conjectures legeres, révoquer en doute des faits établis sur les preuves morales les plus completes. Voilà ce que nous avions à dire de la foi considérée comme vertu. La foi est encore une grace . Ceci a besoin d'explication; car on ne voit pas d'abord ce que peut avoir de commun avec la grace, une persuasion qu'un certain concours de preuves produit dans l'esprit. Voici donc comment cela peut s'entendre. 1°. La foi est une grace extérieure , c'est à-dire que Dieu fait une grande grace, une extrème faveur à ceux qu'il place dans des circonstances, où les vérités chrétiennes entrent plus facilement dans leur ame, & où les préjugés n'opposent point à la foi des obstacles trop grands. 2°. La foi est une grace intérieure . Si l'homme a besoin du concours de Dieu pour la moindre action, ce concours lui est nécessaire pour arriver à la persuasion des vérités de la foi . Or ce concours est surnaturel. On n'a pas encore expliqué bien nettement ce qu'on doit entendre par ce mot. Holden dit que les actes de foi sont divins & surnaturels, tant à cause qu'ils sont appuyés sur la révélation divine, que parce qu'ils ont pour objet des mysteres & des choses divines fort au-dessus de l'ordre de la nature. Liv. I. chap. ij . Cela s'entend assez bien. Mais les Théologiens regardent cette explication comme insuffisante, & ils exigent qu'on dise encore que l'acte de foi est surnatutel entitativement. Voyez Grace & Surnaturel . La foi n'est pas la premiere grace; car Dieu donne des graces aux infideles pour arriver à la foi: c'est la doctrine catholique. Dans les définitions & les divisions qu'on a données de la foi , on a assez ordinairement confondu la foi comme persuasion, comme grace & comme vertu: c'est pourquoi nous allons faire quelques remarques sur ces définitions & ces divisions. On définit la foi , une vertu divinement infuse, une lumiere surnaturelle, un secours, un don de Dieu qui nous fait acquiescer fermement aux vérités révélées par le motif même de l'autorité de Dieu. Je crois qu'il faudroit dire que c'est une persuasion ferme des vérités révélées par Dieu, fondée sur l'autorité de Dieu même, sauf à faire entendre ensuite que cette persuasion est méritoire, & qu'elle est une vertu; que nous avons besoin d'un secours surnaturel pour nous y élever, & qu'elle est une grace en ce sens. On voit au contraire dans la définition communément reçûe, la vertu de la foi , la grace de la foi & la persuasion que renferme la foi , entierement confondues. Quelques théologiens ajoûtent dans cette définition, après ces mots révélées par Dieu , ceux-ci, & proposées par l'Eglise . Mais Juenin remarque que cette addition n'est pas essentielle à la définition de la foi; & que quoique l'Eglise propose communément les choses révélées comme telles, on peut cependant croire un dogme sans que l'Eglise le propose. Cette question dépend de l'examen de celle-ci, quand & comment l'Eglise propose-t-elle aux fideles un dogme comme révélé? On doit en trouver la solution aux articles Eglise & Révélation . On divise la foi 1°. en habituelle & actuelle, & cette division peut s'entendre de la foi considérée sous les trois rapports, de persuasion, de grace & de vertu. Mais qu'est-ce que la foi habituelle? Est-ce une qualité habituelle dans le sens de la philosophie d'Aristote? C'est sur quoi l'Eglise n'a point prononcé définitivement. Cependant depuis la fin du douzieme siecle les Théologiens se sont servi du terme d' habitude pour expliquer ce que l'Eglise enseigne sur la nature de la grace sanctifiante qui est répandue en l'ame par les sacremens, à savoir que c'est quelque chose d'interne ou d'inhérent & distingué des actes. La foi est aussi acquise ou infuse. On appelle foi acquise , celle qui naît en nous par une multitude d'actes répétés; & infuse , celle que Dieu fait naître sans aucun acte préalable: telle est la foi des enfans ou même des adultes, que Dieu justifie dans la réception des sacremens. C'est la doctrine du concile de Trente, sess. 6 . Il n'est pas aisé d'expliquer la nature de cette foi infuse, & les principes de la philosophie moderne peuvent difficilement se concilier avec ce qu'en disent les Théologiens. Voyez Habitudes . Mais encore une fois ce qu'ils disent à ce sujet, n'appartient pas à la foi . On a donné le nom de foi informe à celle qui se trouve dans un sujet destitué de la grace sanctifiante; & on appelle foi formée , celle qui se trouve réunie avec la grace sanctifiante. Les scholastiques du xij. & du xiij. siecle ont imaginé cette division. L'apôtre S. Paul appelle foi vive , celle qui opere par la charité qui est jointe à l'observation de la loi de Dieu; & S. Jacques appelle foi morte , celle qui se trouve sans les oeuvres. La doctrine catholique est que la foi sans les oeuvres ne suffit pas pour la justification. Voyez le concile de Trente, sess. vj. de just . Mais comme S. Paul releve l'efficace de la foi pour la justification, & semble rabaisser celui des oeuvres, & que S. Jacques au contraire releve le mérite des oeuvres: de-là est née une grande dispute entre les Calvinistes & les Catholiques, sur la part qu'il faut donner aux oeuvres & à la foi dans la justification. Nos théologiens ont accusé les Calvinistes d'en exclure absolument les oeuvres. Il est vrai que Calvin s'est exprimé sur cette matiere avec beaucoup de dureté: qu'on lise le chapitre xj. xij. xiij. & suiv. du liv. III. de l'institution . Cependant les Arminiens dans le sein même du Protestantisme, se sont efforcés de rapprocher son opinion de celle des Catholiques. C'est un des points de doctrine qui les divise des Gomaristes; peut-être pourroit-on expliquer favorablement ce que Calvin a dit là-dessus. Je ne citerai que ce qu'on lit au chapitre xvj. de l'instit. liv. III. Ita liquet. quam verum sit nos non sine operibus, neque tamen per opera justificari. Voy. Justification . Enfin on divise la foi en implicite & explicite. On peut croire implicitement une vérité, ou parce qu'on croit une autre vérité qui la renferme, ou parce qu'on est soûmis à l'autorité qui l'enseigne, & disposé à recevoir d'elle cette vérité dès qu'on saura qu'elle l'enseigne. La plus grande partie des simples dans toutes les communions, croyent les dogmes de leurs églises d'une foi implicite en ces deux sens-là. Dans l'église catholique il y a des dogmes qu'il suffit de croire d'une foi implicite, & d'autres qu'il est nécessaire pour le salut de croire explicitement. Ceci nous donne lieu d'entrer dans la question de la nécessité de la foi pour le salut. On voit bien que quoique la division de la foi implicite & explicite ne regarde la foi qu'entant qu'elle est une persuasion, la nécessité de la foi regarde aussi la grace & la vertu de la foi . Voilà pourquoi nous avons renvoyé ici cette importante question, dont l'examen terminera cet article. Je ne me propose pas cependant de la traiter méthodiquement; cet article est déjà trop long: je me contenterai de faire ici quelques réflexions générales sur cette matiere, & c'est peut-être ainsi que la Théologie devroit être traitée dans l'Encyclopédie, je veux dire qu'il faudroit se contenter des réflexions philosophiques qu'on peut faire sur ces objets importans, & renvoyer pour le fond aux ouvrages théologiques. On distingue en Théologie la nécessité de précepte & la nécessité de moyen. Les différences qu'on assigne entre l'une & l'autre sont bien legeres & de peu d'utilité dans les grandes questions de la necessité de la foi , de la grace, du baptême, &c. en effet ces deux nécessités sont également fortes, puisqu on est également puni pour ne pas accomplir le précepte, & pour ne pas se servir du moyen. Une des différences qu'on allegue entre l'une & l'autre, & qui mérite d'être remarquée, est que l'ignorance invincible excuse de péché dans les choses qui sont de nécessité de précepte; au lieu qu'elle n'excuse point dans les choses qui sont de nécessité de moyen: Necessitas medii , dit Suarès de necessitate fidei, non excusatur per ignorantiam invincibilem . Les Théologiens ne décident pas expressément que cette ignorance invincible ait lieu quelquefois, & ils n'expliquent pas bien nettement si elle est absolument & métaphysiquement invincible: mais si l'on entendoit par l'ignorance invincible de la foi , du baptême, &c. l'état d'un homme qui est dans une impossibilité absolue, qui n'a aucun moyen ni prochain ni éloigné d'arriver à la foi , d'avoir le baptême, en soûtenant que la foi , le baptême, &c. sont nécessaires pour un tel homme, on diroit une grande absurdité; car on diroit que Dieu ordonne comme absolument nécessaires, des choses absolument impossibles. La nécessité de la foi pour le salut, est un dogme capital dans la doctrine chrétienne: les Théologiens qui ont voulu y mettre quelques adoucissemens, & user de quelques explications, se sont toûjours écartés des principes reçûs, & sont en fort petit nombre: ainsi la foi est nécessaire d'une nécessité de moyen: de sorte que sans la foi , on n'arrive jamais au salut. Cette proposition, la foi est nécessaire au salut , est synonyme de celle ci, hors l'Eglise point de salut , parce qu'on n'est dans l'Eglise que par la foi; & si-tôt qu'on a la foi , on est dans l'Eglise. Le sens de cette proposition, la foi est nécessaire au salut , est qu'il y a des vérités particulieres dont la foi explicite est nécessaire pour être sauvé: autrement cette proposition seroit vague & ne signifieroit rien. Un dogme quelconque est crû d'une foi explicite; lorsqu'il est directement l'objet de la persuasion que renferme la foi , lorsque la proposition qui l'exprime est présente à l'esprit de celui qui croit; & ce même dogme sera crû d'une foi implicite, si on croit généralement ou à l'autorité de Dieu qui le révele, ou à celle de l'Eglise qui le professe, sans avoir d'idée distincte de ce que Dieu révele. Les simples qui croyent tout ce que l'Eglise croit, ont une foi implicite de beaucoup de dogmes que les personnes plus instruites croyent explicitement. Tous les dogmes que l'Eglise présente aux fideles comme révélés, sont l'objet d'une persuasion que Dieu exige d'eux lorsqu'ils connoissent & le dogme & la définition de l'Eglise: & en ce sens, la foi de tous les dogmes, même de ceux qui paroissent moins essentiels, est nécessaire au salut: mais comme on peut sans danger ignorer en beaucoup de points & ces dogmes & la définition, & qu'il suffit de croire en général ce que l'Eglise enseigne, on peut dire qu'il n'y a qu'un certain nombre de vérités, dont la foi est nécessaire au salut. On demande quels sont les dogmes dont la foi explicite est nécessaire au salut. Les Théologiens demeurent communément d'accord qu'outre l'existence & les attributs de Dieu, il est nécessaire de croire en Dieu comme l'auteur de la grace; en J. C. comme médiateur entre Dieu & les hommes, & Dieu lui-même; au mystere de l'Incarnation & à celui de la Trinité des Personnes. Cependant leur doctrine n'est pas sur cela absolument constante & uniforme; l'Eglise même n'a pas décidé cette grande question. Cela est clair par la liberté qu'on s'est donné d'augmenter ou de restraindre le nombre des articles qu'il faut croire de foi explicite, sous peine de damnation. Suarès, Soto, Vega, Maldonat, Hugues de Saint-Victor, Alexandre de Halès, Albert-le-Grand, Scot, Gabriel Biel, &c. ont regardé la foi implicite en Jesus-Christ comme suffisante pour le salut. C'est sur le même principe que Payva d'Andrada, quest. orthodox . Robert Holcots; Erasme, praefat. in tuscul . Collius, de animabus Paganorum , ont érigé en foi suffisante pour le salut la bonne foi & les vertus des Payens. Juenin remarque que l'opinion de Suarès n'a pas été condamnée expressément, mais qu'il ne faut pas la suivre dans la pratique: je ne sais pas ce qu'il entend par la pratique de cette opinion; mais il est clair que Suarès est en opposition avec la plûpart des peres, avec la doctrine la plus reçûe dans l'Eglise. Quant à l'opinion des autres théologiens que nous avons cités, on sent bien que c'est abuser des termes, que de dire que ces honnêtes payens avoient une foi implicite, puisque leurs opinions, quoique conformes à la doctrine chrétienne sur l'unité de Dieu, lui étoient opposées dans plusieurs autres non moins nécessaires à croire. Il y a beaucoup de choses nécessaires au salut d'une nécessité de moyen: le baptême; la foi infuse; la foi explicite en Dieu, comme l'auteur de la nature; la foi explicite en Dieu, comme auteur de la grace; la foi explicite des mysteres de la trinité & de l'incarnation; & par conséquent la foi explicite en J. C. la justification; la grace en général, &c. De toutes ces choses, celle qui est de premiere nécessité, est la grace de la justification, à laquelle toutes les autres sont subordonnées. Le baptême est le seul moyen que Dieu ait établi pour acquérir la justification, & pour effacer la tache originelle: c'est par-là que le baptême est nécessaire d'une nécessité de moyen; on doit dire la même chose de la foi . Ce n'est que parce que sans la persuasion explicite de certains dogmes Dieu n'accorde point la justification aux adultes, que cette foi est nécessaire. La foi infuse, selon les Théologiens, accompagne toûjours la justification; & réciproquement. Pour déterminer avec précision comment la foi est nécessaire au salut, faisons une hypothèse. Supposons qu'un enfant baptisé, & par conséquent justifié, est élevé parmi des payens ou des sauvages; & que cet enfant parvenu à l'âge de raison & adulte, vît quelques jours en observant fidelement la loi naturelle, & meurt sans s'être rendu coupable d'aucun péché mortel: il n'y a aucun théologien qui osât dire que cet enfant justifié en J. C. dans lequel il n'y a plus de damnation selon la parole de l'apôtre, nihil damnationis est in iis qui sunt in Christo Jesu , & qui n'a point perdu la grace de la justification, n'obtient pas le salut éternel: cependant il est adulte; il n'a pas la foi explicite: la foi explicite n'est donc nécessaire qu'à cause de la justification avec laquelle elle est toûjours liée. En effet, si l'adulte étoit encore coupable du péché originel, il n'obtiendroit pas le salut éternel: mais ce ne seroit pas précisement & uniquement à cause du défaut de foi explicite, mais parce qu'il ne seroit pas justifié. On ne s'explique donc pas avec assez de netteté, lorsqu'on dit que la foi explicite est nécessaire aux adultes d'une necessite de moyen. Voici comment cela doit s'entendre. L'enfant baptisé & manquant de la foi explicite, parvenant à l'usage de raison, & péchant mortellement, perd la justice habituelle. Or, pour être justifié de nouveau, la foi explicite lui est nécessaire; parce que la foi explicite est nécessaire & préalable à la réception de la grace de la justification dans les adultes. On doit dire la même chose, à plus forte raison, de l'enfant coupable du péché originel, parvenant à l'usage de raison, & mourant après avoir péché mortellement. Quant à celui qui meurt adulte & encore coupable du péché originel, même sans avoir péché mortellement: comme selon la doctrine chrétienne, la justification qui renferme la foi infuse ne peut lui être accordée, qu'au préalable il n'ait la foi explicite; cette foi est aussi pour lui nécessaire d'une nécessité de moyen, mais toûjours à raison de la justification. Quelques dogmes dans la doctrine chrétienne semblent augmenter la dureté apparente de celui-là; & d'autres la temperent: voici les premiers. La foi est une grace que Dieu ne doit à personne, même à celui qui fait tout ce qui est en lui pour l'obtenir. Hors de l'Eglise point de salut. Les seconds sont que Dieu ne peut pas commander l'impossible; que la foi n'est pas la premiere grace; que Dieu donne à tous les hommes des moyens suffisans pour le salut. On peut remarquer qu'on regarde comme de foi en Théologie les dogmes rigoureux de la nécessité absolue de la foi; au lieu qu'on traite de sentimens pieux les principes qui peuvent lui servir de correctif. C'est ainsi qu'on dit modestement que la volonté de Dieu de sauver tous les hommes, & la concession des moyens suffisans pour le salut, sont des sentimens pieux & qui approchent de la foi . J'avoue que cette différence m'a toûjours fait quelque peine. Il est au moins aussi certain que Dieu donne à tous les hommes des moyens suffisans pour arriver à la foi , qu'il est certain qu'il exige qu'ils ayent la foi . L'un & l'autre dogme me semblent entrer essentiellement dans l'economie de la religion. Encore quelques réflexions. J'ai déjà averti que je ne m'asservissois à aucun ordre. Celui qui en supposant la nécessité de la foi en J. C. pour le salut, diroit que des payens & des sauvages, sont élevés à cette connoissance par un secours extraordinaire de Dieu, & par la grace, & qa'ils ont reçû le don de la foi , diroit une chose peu vraissemblable, mais n'avanceroit rien de contraire à la doctrine chrétienne: car la doctrine chrétienne n'est pas que hors ceux qui sont visiblement de l'Eglise, & qui ont entendu & reçû la parole de l'Evangile, tous les autres périssent éternellement; c'est seulement que celui qui ne croit point sera condamné; que celui qui ne sera point de l'Eglise par la foi n'entrera point dans le royaume des Cieux: mais elle ne décide pas que hors ceux qui sont visiblement de l'Eglise, & qui ont reçû par les moyens ordinaires la prédication de l'Evangile, aucun n'ait la foi: en un mot cette proposition, hors de l'Eglise & sans la foi point de salut , n'est pas la même que celle-ci, hors de l'Eglise visible point de foi . Le dogme de la nécessité de la foi ne reçoit donc aucune atteinte de l'opinion de ceux qui disent que des payens & des sauvages se sont sauvés par la foi . Mais, dit-on, ces gens-là ne peuvent pas croire, selon ce passage de S.Paul: quomodo credent, si non audierunt; quomodo audient, sine predicante? ils sont donc sauves sans la foi ? Ces théologiens répondent, que les payens & les sauvages en question ne peuvent pas croire par les voies ordinaires; mais que rien n'empêche que Dieu n'éclaire leur esprit extraordinairement; que personne ne peut borner la puissance & la bonté de Dieu jusqu'à decider qu'il n'accorde jamais ces secours extraordinaires, & qu'il est bien plus raisonnable de le penser, que de s'obstiner à croire que tous ceux à qui l'Evangile n'a pas été préché, & qui font la plus grande partie du genre humain, perissent éternellement, sans qu'un seul arrive au salut que Dieu veut pourtant accorder à tous. Cependant on voit que l'hypothese de ce secours extraordinaire est absolument gratuite. On éprouve quelque difficulté à concilier ensemble la nécessité & la gratuité de la foi . Si la foi est nécessaire; & si tous les hommes ont des moyens suffisans pour arriver au salut, il est clair que Dieu donne à tous les hommes des moyens suffisans pour arriver à la foi . Des moyens suffisans pour arriver à la foi , sont ceux dont le bon usage amene certainement & infailliblement le don de la foi , autrement ces moyens ne seroient pas suffisans; de sorte que celui qui use de ces moyens, autant qu'il est en lui, reçoit toûjours la grace de la foi , selon cet axiome: facienti quod in se est cum ipso gratiae auxilio, Deus non denegat gratiam . Les infideles ont donc des moyens dont le bon usage les conduiroit infailliblement à la grace de la foi . Qu'on prenne garde que je ne dis pas que ces moyens soient purement naturels. Mais, dira-t-on, s'il y a des moyens dont le bon usage conduiroit infailliblement à la foi , il peut y avoir des circonstances dans lesquelles Dieu ne peut pas se dispenser, à raison même de sa justice ou au moins à raison de sa bonté, d'accorder le don de la foi ; & cela posé, comment est-il vrai que la foi est une grace, qu'elle est purement gratuite, & que Dieu ne la doit à personne? Je réponds, 1°. si par impossible les deux dogmes de la gratuité de la grace & de la suffisance des moyens que Dieu donne aux hommes pour le salut, étoient incompatibles, il faudroit conserver ce dernier, & abandonner l'autre. 2°. Notre doctrine est une suite manifeste du principe que nous avons cité, & qui paroit bien raisonnable, facienti omne quod in se est , &c. car il suit delà que l'infidele qui use, autant qu'il est en lui , des graces qui précedent la foi , obtient toûjours la grace de la foi . 3°. Dans l'hypothese que nous faisons, c'est la grace, à laquelle notre infidele répond, qui amene la grace de la foi . Or le dogme de la gratuité de la foi , s'oppose bien à ce que les seules forces de la nature l'appellent, mais non pas à ce que la fidélité aux premieres graces amene celle de la foi . Quoique la foi soit nécessaire au salut, l'infidélité négative, c'est-à-dire le défaut de foi , lorsqu'on n'a pas résisté positivement aux lumieres de la foi qui se présentoient, n'est pas un péché. C'est le sentiment le plus communément reçû ( voyez Suar. disp. xvij. ); & en effet, il seroit ridicule de prétendre qu'on peut pécher sans aucune espece d'action délibérée: or l'infidele, négatif par l'hypothese, n'exerce aucune sorte d'action délibérée relativement à la foi . C'est la principale raison qu'apporte Suarès dans l'endroit cité; ce qu'il appuie encore de ce passage qui semble décisif: si non venissem & loquutus eis fuissem, peccatum non haberent, Joan. 15 . D'après ce principe, ces hommes ne périssent pas pour n'avoir pas eu la foi , mais pour les contraventions à la loi qu'ils connoissent, & qui est écrite au fond de leur coeur: c'est la doctrine de S. Paul aux Romains: quicumque sine lege peccaverunt, sine lege peribunt , &c. Cependant on fait sur cela une difficulté: si ces hommes observoient la loi naturelle, leur infidélité négative ne leur étant pas imputée à péché, ils pourroient éviter la damnation, & par conséquent arriver au salut sans la foi; & cette necessité absolue de la foi souffrira quelque atteinte. On répond, 1°. que cet argument est d'après une hypothese qui n'a jamais de lieu, parce que jamais un infidele n'a observé la loi naturelle dans tous ses points. Cette réponse ne me semble pas solide, parce que si cet infidele a des moyens suffisans pour observer la loi naturelle, s'il a même le secours de la grace pour cela, il peut sert bien arriver qu'effectivement il l'observe: c'est ce que prouve clairement l'hypothese que fait Collius, de animab. Pag. lib. I. cap. xiij. d'un petit payen qui, commençant à user de sa raison, observeroit la loi naturelle, & passeroit un jour sans se rendre coupable d'aucun péché mortel. Hypothese assûrément très-possible, & qu'on ne peut contester. 2°. S. Thomas répond que si ces hommes observoient la loi naturelle, Dieu leur enverroit plûtôt un ange du ciel pour leur annoncer les vérités qu'il est nécessaire qu'ils croyent pour arriver au salut, ou qu'il useroit de quelque moyen extraordinaire pour les conduire à la foi , & qu'ainsi ils ne se sauveroient pas sans la foi ; ou s'ils fermoient les yeux à la vérité après l'avoir entrevûe, leur insidélité cesseroit d'être purement négative. Mais cette réponse n'est pas encore satisfaisante; car on peut toûjours demander si Dieu est obligé, par sa justice & sa bonté, d'envoyer cet ange & d'accorder ce secours; s'il y est obligé, la gratuité de la grace de la foi est en grand danger; s'il n'y est pas obligé, on peut supposer qu'il n'employera pas ces moyens extraordinaires; & dans ce cas, il reste encore à demander si cet observateur fidele de la loi naturelle se sauvera sans la foi , auquel cas la foi n'est pas nécessaire; ou sera damné, ce qui est bien dur. 3°. Pour sauver en même tems & la nécessité & la gratuité de la foi , S. Thomas en un autre endroit soûtient nettement que ces honnêtes payens sont privés de ce secours absolument nécessaire pour croire, & sont damnés en punition du péché originel, in poenam originalis peccati . On trouve cette réponse, secunda secundae, quoest, secunda, art. 5 . Ce pere demande si la foi explicite est nécessaire au salut: il se fait l'objection que souvent il n'est pas au pouvoir de l'homme d'avoir la foi explicite, selon ce que dit S. Paul aux Romains, ch. x. Quomodò credent in illum quem non audierunt? quomodò audient sine praedicante? quomodò autem praedicabunt nisi mittantur? L'homme en question, dit-il, l'infidele dont nous parlons, & à qui l'évangile n'a pas été annoncé, ne peut pas croire sans le secours de la grace, mais il le peut avec ce secours. Or ce secours est accordé par la pure miséricorde de Dieu, à ceux à qui il est accordé; & quant a celui auquel il est refusé, ce refus est toûjours dans Dieu un acte de justice, & pour l'homme la peine de ce péché précedent, ou au-moins, dit-il, du péché originel, selon S. Aug. lib. de corr. & gratia: Ad multa tenetur homo quoe non potest sine gratiâ reparante... & similiter ad credendum articulos fidei... quod quidem auxilium ( gratiae ), quibuscumque divinitus datur misericorditer; quibus autem non datur ex justitiâ, non datur in poenam praecedentis peccati, & saltem originalis peccati, ut Aug. dicit in lib. de corr. & gratiâ, cap. v. & vj . Or ces hommes à qui, selon S. Thomas, Dieu refuse le secours absolument nécessaire pour croire, in poenam saltem originalis peccati , sont des adultes, ne sont coupables que du péché originel, & sont par conséquent observateurs de la loi naturelle, qu'ils n'auroient pas pû violer sans pécher mortellement: leur infidélité n'est que négative, puisque l'infidelité positive est aussi un péché, & que ce pere ne dit pas qu'ils résistent au secours de la grace qui leur est donnée pour croire, mais qu'ils ne le reçoivent point. Selon S. Thomas, ce secours absolument nécessaire peut donc manquer quelquefois, & alors cet homme n'est pas sauvé. Voilà le dogme de la nécessité de la foi dans toute sa rigueur. Au fond je ne vois pas pourquoi les Théologiens ne font pas cet aveu tout d'un coup, & sans se faire presser. En admettant une fois la doctrine du peché originel, & de la nécessité du baptême, & en regardant, comme on le fait, les enfans morts sans le baptême, comme déchûs du salut éternel: on ne doit pas avoir tant de scrupule pour porter le même jugement des adultes qui auroient observé la loi naturelle: car ces adultes ont toûjours cette tache; ils sont enfans de colere; ils sont dans la masse de perdition; ainsi la difficulté n'est pas pour eux plus grande que pour les enfans. Il est vrai que comme elle n'est pas petite pour les enfans, il seroit à souhaiter qu'on n'eût pas encore à la resoudre pour les adultes. Voyez Péché originel . Nous devons faire aux lecteurs des excuses de la longueur énorme de cet article; cette matiere est metaphysique, & tient à toute la Théologie; de sorte qu'il ne nous eût pas été possible d'abreger, sans tomber dans l'obscurité & sans omettre plusieurs questions importantes. Nous ne nous flatons pas même d'avoir traité toutes celles qui y sont relatives, mais nous en avons au-moins indiqué une grande partie. Il y a plusieurs articles qu'on peut consulter relativement à celui-ci, comme Christianisme , Religion, & Révélation . ( h ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi Author=unknown Normalized Classification=Iconologie Part of Speech=NA Foi Foi , ( Iconol. ) la foi comme vertu morale est représentée sous la figure d'une femme vêtue de blanc, ou sous la figure de deux jeunes filles se donnant la main. Comme vertu chrétienne, elle est représentée par les Catholiques tenant un livre ouvert d'une main, & de l'autre une croix ou un calice d'où il sort une hostie rayonnante. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Foi Foi , ( Jurisprud. ) signifie quelquefois fidélité , comme quand on joint ces termes foi & hommage; il signifie aussi croyance , par exemple, quand on dit ajoûter foi à un acte; ou bien il signifie attestation & preuve , comme lorsqu'on dit qu'un acte fait foi de telle chose. Avoir foi en Justice , c'est avoir la confiance de la Justice. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi, (bonne-) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi Foi , ( bonne-) est une conviction intérieure que l'on a de la justice de son droit ou de sa possession. On distinguoit chez les Romains deux sortes de contrats; les uns que l'on appelloit de bonne-foi , les autres de droit étroit; les premiers recevoient une interprétation plus favorable. Parmi nous tous les contrats sont de bonne-foi , or la bonne-foi exige que les conventions soient remplies; elle ne permet pas qu'après la perfection du contrat l'un des contractans puisse se dégager malgré l'autre; mais elle ne souffre pas non plus que l'on puisse demander deux fois la même chose: elle est aussi requise dans l'administration des affaires d'autrui & dans la vente d'un gage. Chez les Romains elle ne suffisoit pas seule pour l'usucapion; & dans la prescription de trente ans, il suffisoit d'avoir été de bonne-foi au commencement de la possession, la mauvaise foi survenue depuis n'interrompoit point la prescription. Voyez ci-après Mauvaise Foi , au digeste liv. L. tit. xvij. l. 57. 123. 136. & au code liv. IV. tit. xxxxjv. l. 3. 4. 5. 8. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi du Contrat Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi du Contrat Foi du Contrat , c'est l'obligation résultante d'icelui; suivre la foi du contrat, c'est se fier pour l'exécution d'icelui à la promesse des contractans, sans prendre d'autres sûretés, comme des gages ou des cautions. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi et hommage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi et hommage Foi et hommage , qu'on appelle aussi foi ou hommage simplement, est une soûmission que le vassal fait au seigneur du fief dominant pour lui marquer qu'il est son homme, & lui jurer une entiere fidélité. C'est un devoir personnel qui est dû par le vassal à chaque mutation de vassal & de seigneur; ensorte que chaque vassal la doit au-moins une fois en sa vie, quand il n'y auroit point de mutation de seigneur, & le même vassal est oblige de la réiterer à chaque mutation de seigneur. Anciennement on distinguoit la foi de l' hommage . La foi étoit dûe par le roturier pour ce qu'il tenoit du seigneur, & l' hommage étoit dû par le gentilhomme, comme il paroît par un arrêt du parlement de Paris rendu aux Enquêtes, du 10 Décembre 1238. Présentement on confond la foi avec l' hommage , & l'un & l'autre ne sont dûs que pour les fiefs. Il n'y a proprement que la foi & hommage qui soit de l'essence du fief; c'est ce qui le distingue des autres biens. Elle est tellement attachée au fief, qu'elle ne peut être transférée sans l'aliénation du fief pour lequel elle est dûe. Quand il y a mutation de seigneur, le vassal n'est pas obligé d'aller faire la foi au nouveau seigneur, à-moins qu'il n'en soit par lui requis; mais si c'est une mutation de vassal, le nouveau vassal doit aller faire la foi dès que le fief est ouvert soit par succession, donation, vente, échange, ou autrement, sans qu'il soit besoin de requisition. La foi doit être faite par le propriétaire du fief servant, soit laic ou ecclésiastique, noble ou roturier, mâle ou femelle; les Religieux doivent aussi la foi pour les fiefs dépendans de leurs bénéfices ou de leurs monasteres. Personne ne peut s'exempter de faire la foi , à-moins d'abandonner le fief; le Roi seul en est exempt, attendu qu'il ne doit point de soûmission à ses sujets. Lorsque le vassal possede plusieurs fiefs relevans d'un même seigneur, il peut ne faire qu'un seul acte de foi & hommage pour tous ses fiefs. Si le propriétaire du fief servant négligeoit de faire la foi & hommage & payer les droits, & que le fief fût saisi féodalement par le seigneur, l'usufruitier pourroit faire la foi & hommage , & payer les droits pour avoir main-levée de la saisie, & empêcher la perte des fruits: sauf son recours contre le propriétaire pour ses dommages & intérêts; & comme ce n'est pas pour lui-même que l'usufruitier fait la foi , il seroit tenu de la réitérer à chaque mutation de propriétaire qui se trouveroit dans le même cas. Quand le fief appartient à plusieurs co-propriétaires, tous doivent porter la foi , mais chacun peut le faire pour sa part, ce qui ne fait pas néanmoins que la foi soit divisée. La propriété du fief étant contestée entre plusieurs contendans, chacun peut aller faire la foi & payer les droits. Le seigneur doit les recevoir tous, & celui qu'il refuseroit pourroit se faire recevoir par main souveraine. Il suffit qu'un d'entre eux ait fait la foi & payé les droits, pour que le fief soit couvert pendant la contestation: mais après le jugement, celui auquel le fief est adjugé doit aller faire la foi , supposé qu'il ne l'ait pas déjà faite, quand même il y en auroit eu une rendue par un autre contendant; autrement il y auroit perte de fruits pour le propriétaire. Si des mineurs propriétaires d'un fief n'ont pas l'âge requis pour faire la foi , le tuteur ne peut pas la faire pour eux, il doit seulement payer les droits, & pour la foi demander souffrance jusqu'à ce qu'ils soient en âge. Le mari, comme administrateur des biens de sa femme, doit la foi pour le fief qui lui est échû pendant le mariage, & payer les droits s'il en est dû; en cas d'absence du mari, la femme peut demander souffrance. Elle peut aussi dans le même cas, ou au refus de son mari, se faire autoriser par justice à faire la foi , & payer les droits. Quand la femme est séparée de biens d'avec son mari, elle doit faire elle-même la foi & hommage . Elle ne doit point de nouveaux droits après le décès du mari, mais seulement la foi , au cas qu'elle ne l'eût pas dejà faite. Pour ce qui est du fief acquis pendant la communauté, la femme ne doit point de foi pour sa part après le decès de son mari, pourvû que celui-ci eût porté la foi; la raison est que la femme étant conquéreur, il n'y a point de mutation en sa personne. Il n'est pas dû non plus de foi & hommage par la douairiere pour les fiefs sujets au douaire, la veuve n'étant qu'usufruitiere de ces biens; c'est aux heritiers du mari à faire la foi : s'ils ne le faisoient pas, ou s'ils ne payoient pas les droits, la veuve pourroit en user comme il a été dit ci-devant par rapport à l'usufruitier. Lorsqu'un fief advient au Roi par droit d'aubaine, deshérence, batardise, consiscation, il n'en doit point la foi au seigneur dominant par la raison qui a déjà été dite; mais il doit vuider ses mains dans l'an de son acquisition, ou payer une indemnité au seigneur, lequel néanmoins ne peut pas saisir pour ce droit, mais seulement s'opposer. Le donataire entre-vifs d'un fief ou le légataire qui en a obtenu délivrance, sont tenus de faire la foi comme propriétaires du fief. Les corps & communautés, soit laïcs ou ecclésiastiques, qui possedent des fiefs, sont obligés de donner un homme vivant, mourant & confisquant, pour faire la foi & hommage pour eux; ils peuvent choisir pour cet effet une personne du corps, pourvû qu'elle soit en âge de porter la foi . Les bénéficiers sont tenus de faire eux-mêmes la foi pour les fiefs dépendans de leur bénéfice, parce qu'en cette partie ils représentent leur église qui est propriétaire du fief. Quand un fief est saisi réellement, & qu'il y a ouverture survenue, soit avant la saisie réelle ou depuis, pour laquelle le seigneur dominant a saisi féodalement, le commissaire aux saisies réelles ou autre établi à la saisie, doit aller faire la foi , & payer les droit s au nom du vassal partie saisie, après l'avoir som mé de le faire lui-même. Le seigneur dominant doit recevoir le commissaire à faire la foi , ou lui donner souffrance; s'il n'accordoit l'un ou l'autre, le commissaire peut se faire recevoir par main souveraine, afin d'éviter la perte des fruits. Le vassal étant absent depuis long-tems, & son fief ouvert avant ou depuis l'absence, le curateur créé à ses biens peut faire la foi; le vassal absent peut aussi demander souffrance s'il a quelque empêchement légitime. Voyez Souffrance . Le délaissement par hypotheque d'un fief ne faisant point ouverture jusqu'à la vente, n'occasionne point de nouvelle foi & hommage ; mais si le fief est cuvert d'ailleurs, le curateur créé au déguerpissement doit faire la foi & payer les droits pour avoir main-levée de la saisie féodale, & empêcher la perte des fruits. Si c'étoit un déguerpissement proprement dit du fief, le bailleur qui y rentre de droit, doit une nouvelle foi & hommage , quoiqu'il l'eût faite pour son acquisition. Loyseau, du déguerp. liv. VI. ch. v. n. 12 . Dans une succession vacante où il se trouve un fief, on donne ordinairement le curateur pour homme vivant & mourant, lequel doit la foi & les droits au seigneur. En succession directe, le fils aîné est tenu de faire la foi tant pour lui que pour ses freres & soeurs, soit mineurs ou majeurs avec lesquels il possede par indivis, pourvû qu'il soit joint avec eux au-moins du côte du pere ou de la mere dont vient le fief. S'il n'y a que filles, l'aînée acquitte de même ses soeurs de la foi . Après le partage, chacun doit la foi pour sa part, quoique l'ainé eût fait la foi pour tous. Si l'aîné étoit décédé sans enfans & avant d'avoir porté la foi , ce seroit le premier des puînés qui le représenteroit; s'il y a des enfans, le fils de l'aîne represente son pere; s'il n'avoit laissé que des filles, entre roturiers l'aînée feroit la foi pour toutes, mais entre nobles, ce seroit le premier des puînés mâles. Il y a plusieurs cas où l'aîné n'est pas obligé de relever le fief pour ses puînés, c'est-é-dire de faire la foi pour eux, savoir. 1°. Lorsqu'il a renoncé à la succession des pere & mere, & dans ce cas, le puîné ne le représente point. 2°. Quand il a été deshérité. 3°. Lorsqu'il n'est pas joint aux puînés du côté d'où leur vient le fief; car en ce cas, il leur est à cet égard comme étranger. 4°. Lorsqu'il est mort civilement. Quand l'aîné renonce à la succession, le puîné ne peut pas porter la foi pour son aîné ni pour ses autres freres & soeurs, parce qu'il ne joüit pas du droit d'aînesse; mais l'aîné même peut relever le fief, parce que ce n'est pas la qualité d'héritier, mais celle d'ainé qui autorise à porter la foi pour les puînés. Si l'ainé a cédé son droit d'aînesse, le cessionnaire, même étranger, doit relever pour les autres, & les acquitter. L'ainé pour faire la foi , tant pour lui que pour les autres, doit avoir l'âge requis par la coûtume, sinon son tuteur doit demander souffrance pour tous. En faisant la foi , il doit déclarer les noms & âges des puînés. La foi n'est point censée faite pour les puînés, à-moins que l'aîné ne le déclare; il peut aussi ne relever le fief que pour quelques-uns d'entr'eux, & non pour tous. Lorsqu'il fait la foi , tant pour lui que pour eux, il est obligé de les acquitter du relief, s'il en est dû par la coûtume, ou en vertu de quelque titre particulier. L'ainé n'acquitte ses freres & soeurs que pour les fiefs échûs en directe, & non pour les successions collatérales, ou le droit d'aînesse n'a pas lieu. La foi & hommage doit être faite au propriétaire du fief dominant, & non à l'usufruitier, lequel a seulement les droits utiles. Lorsque le seigneur est absent, le vassal doit s'informer s'il y a quelqu'un qui ait charge de recevoir la foi pour lui. Le seigneur peut charger de cette commission quel que officier de sa justice, son receveur ou son fermier, ou autre, pourvû que ce ne soit pas une personne vile & abjecte, comme un valet ou domestique. S'il n'y a personne ayant charge du seigneur pour recevoir la foi , quelques coûtumes veulent que le seigneur se retire pardevers les officiers du seigneur, étant en leur siége, pour y faire la foi & les offres; ou s'il n'a point d'officier, que le vassal aille au chef-lieu du fief dominant avec un notaire ou sergent, pour y faire la foi & les offres. Celle de Paris, article 63. & plusieurs autres semblables, portent simplement que s'il n'y a personne ayant charge du seigneur pour recevoir la foi , elle doit être offerte au chef-lieu du fief dominant, comme il vient d'être dit. Lorsqu'il y a plusieurs propriétaires du fief dominant, le vassal n'est pas obligé de faire la foi à chacun d'eux en particulier; il suffit de la faire à l'un d'eux au nom de tous, comme à l'aîné ou à celui qui a la plus grande part; mais l'acte doit faire mention que cette foi & hommage est pour tous. Au cas qu'ils se trouvassent tous au chef-lieu, le vassal leur seroit la foi à tous en même tems; & s'il n'y en a qu'un, il doit recevoir la foi pour tous. Les propriétaires du fief dominant n'ayant pas encore l'âge auquel on peut porter la foi , ne peuvent pas non plus la recevoir; leur tuteur doit la recevoir pour eux en leur nom. Les chapitres, corps, & communautés qui ont un fief dominant, reçoivent en corps & dans leur assemblée la foi de leurs vassaux; il ne suffiroit pas de la faire au chef-chapitre ou autre corps. Le mari peut seul, & sans le consentement de sa femme, recevoir la foi dûe au fief dominant, dont elle est propriétaire; néanmoins s'il n'y avoit pas communauté entre eux, la femme recevroit elle-même la foi . La foi dûe au Roi pour les fiefs mouvans de sa couronne, tels que sont les fiefs de dignité, doit être faite entre les mains du Roi, ou entre celles de M. le chancelier, ou à la chambre des comptes du ressort. A l'égard des fiefs relevans du Roi à cause de quelque duché ou comté réuni à la couronne, la foi se fait devant les thrésoriers de France du lieu en leur bureau, à-moins qu'il n'y ait une chambre des comptes dans la même ville, auquel cas on y feroit la foi . Les apanagistes reçoivent la foi des fiefs mouvans de leur apanage; mais les engagistes n'ont pas ce droit, étant considérés plûtôt comme usufruitiers que comme propriétaires. Quand il y a combat de fief entre deux seigneurs, le vassal doit se faire recevoir en foi par main souveraine; & quarante jours après la signification de la sentence, s'il n'y a point d'appel, ou après l'arrêt, il doit faire la foi à celui qui a gagné la mouvance, à-moins qu'il ne lui eût dejà sait la foi . Le seigneur ayant saisi le fief du vassal, s'il y a des arriere-fiefs ouverts, & que le seigneur suzerain les ait aussi saisis, la foi doit lui en être faite. C'est au château ou principal manoir, ou s'il n'y en a point, au chef-lieu du fief dominant, que la foi doit être faite. Si le seigneur a fait bâtir un nouveau château dans un autre lieu que l'ancien, le vassal est tenu d'y aller, pourvû que ce soit dans l'étendue du fief dominant. S'il n'y a point de chef-lieu, le vassal doit aller faire la foi devant les officiers du seigneur, ou s'il n'y en a point, au domicile du seigneur, ou en quelqu'autre lieu où il se trouvera, ou dans une maison ou terre dépendante du fief dominant. Le seigneur n'est pas obligé de recevoir la foi , ni le vassal de la faire ailleurs qu'au chef-lieu; mais elle peut être faite ailleurs, du consentement du seigneur & du vassal. S'il n'y a personne au chef-lieu pour recevoir la foi , le vassal doit la faire devant la porte, au lieu principal du fief, assisté de deux notaires, ou d'un notaire ou sergent, & de deux témoins. Le délai que la plûpart des coûtumes donnent pour faire la foi & hommage , est de quarante jours francs, à compter de l'ouverture du fief, c'est-à-dire du jour du décès du vassal, si la mutation est par mort, ou si c'est par donation, vente, échange, à compter du jour du contrat; si c'est par un legs, à compter du jour du décès du testateur; si c'est par decret, à compter du jour de l'adjudication; si c'est par résignation d'un bénéfice, à compter de la prise de possession du résignataire. Si la foi est dûe à cause de la mutation du seigneur dominant, le délai ne court que du jour des proclamations & significations que le nouveau seigneur a fait faire à ce que ses vassaux ayent à lui venir faire la foi . La minorité ni l'absence du vassal n'empêchent point le delai de courir. La forme de la foi & hommage est différente, selon les coûtumes: on suit à cet égard celle du fief dominant. A Paris & dans plusieurs autres coûtumes, le vassal doit être nue tête, sans épée ni éperons. Quelques coûtumes veulent aussi que le vassal mette un genou en terre; mais il faut que cela soit porté par la coûtume ou par les titres. Chorier, sur Guy-Pape, dit que c'est un privilége de la noblesse d'être debout en faisant la foi , à-moins que le contraire ne soit porté par le titre du fief, suivant l'exemple qu'il donne de la terre de la Beaume, pour laquelle Charles de la Beaume de Suze, nonobstant sa naissance illustre, fut condamné par arrêt du parlement de Grenoble de le rendre à genoux. La foi & hommage lige dûe au Roi, se fait toûjours à genoux; il y en a plusieurs exemples remarquables dans Pasquier & autres auteurs. Tel est celui de Philippe, archiduc d'Autriche, lorsqu'il fit la foi à Louis XII. entre les mains du chancelier Guy de Rochefort, pour les comtés de Flandre, Artois, & Charolois: le chancelier assis, prit les mains de l'archiduc; & celui-ci voulant se mettre à genoux, le chancelier l'en dispensa, & en le relevant, lui dit, il suffit de votre bon vouloir ; l'archiduc tendit la joue, que le chancelier baisa. Le comte de Flandre fit de même la foi à genoux, tant à l'empereur qu'au roi de France, pour ce qu'il tenoit de chacun d'eux. La même chose a été observée dans la foi & hommage faite pour le duché de Bar par le duc de Lorraine à Louis XIV. & au Roi regnant. Anciennement le vassal, en faisant la foi , tenoit ses mains jointes entre celles de son seigneur, lequel le baisoit en la bouche; c'est pourquoi quelques coûtumes se servent de ces termes la bouche & les mains , pour exprimer la foi & hommage; mais ces formalités des mains jointes & du baiser ne s'observent plus que dans les fois & hommages qui se sont entre les mains de M. le chancelier ou à la chambre des comptes. On qualifioit aussi autrefois la foi de serment de fidélité; mais ce serment ne se prête plus qu'au Roi pour les fiefs qui relevent de lui. La foi & hommage doit être pure & simple, & non pas conditionnelle. L'âge requis pour faire la foi est différent, selon les coutumes: à Paris, & dans la plûpart des autres coûtumes, l'âge est de vingt ans accomplis pour les mâles, & quinze ans pour les filles; coûtume de Paris, art. 32 . En cas de minorité féodale du vassal, son tuteur doit demander souffrance pour lui au seigneur, laquelle souffrance vaut foi , tant qu'elle dure. Voyez Souffrance . La plûpart des coûtumes veulent que le vassal fasse la foi en personne & non par procureur, à-moins qu'il n'ait quelque empêchement légitime; auquel cas le seigneur est obligé de le recevoir en foi par procureur, à-moins qu'il n'aime mieux lui accorder souffrance. Les ecclésiastiques, même les abbés & religieux, sont capables de porter la foi pour leurs fiefs; une abbêsse ou prieure peut sortir de son monastere pour aller faire la foi dûe pour un fief dépendant de son monastere. Quand la foi a été faite par procureur, le seigneur peut obliger le vassal de la réitérer en personne, lorsqu'il a atteint la majorité féodale, ou qu'il n'y a plus d'autre empêchement. La réception en foi & hommage , qu'on appelle aussi investiture , est un acte fait par le seigneur dominant, ou par ses officiers ou autre personne par lui préposée, qui met le vassal en possession de son fief. Il y a encore deux autres principaux effets de la réception en foi ; l'un est que le tems du retrait lignager ne court que du jour de cette réception en foi ; l'autre est que le seigneur qui a reçû la foi , ne peut plus user du retrait féodal. Le seigneur dominant n'est pas obligé de recevoir la foi , à-moins que le vassal ne lui paye en même tems les droits, s'il en est dû. Quoiqu'il y ait combat de fief, un des seigneurs auquel le vassal se présente, peut recevoir la foi , saut le droit d'autrui auquel cet acte ne peut préjudicier. Lorsque le vassal se présente pour faire la foi , il est au choix du seigneur de recevoir la foi & les droits, ou de retirer féodalement. Si le seigneur refusoit, sans cause raisonnable, de recevoir la foi , le vassal doit faire la foi , comme il a été dit, pour le cas d'absence du seigneur, & lui notifier cet acte. L'obligation de faire la foi & hommage au légitime seigneur, est de sa nature imprescriptible; mais s'il y a desaveu bien fondé, le vassal peut être décharge de la foi que le seigneur lui demande. Voyez Desaveu . Voyez aussi les traités des fiefs & commentateurs des coût. sur le titre des fiefs; la biblioth. de Bouchet, au mot bouches & mains; celle de Jovet, au mot foi . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi-lige Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi-lige Foi-lige , est la foi & hommage qui est dûe avec l'obligation de servir le seigneur dominant envers & contre tous: cette sorte de foi ne peut plus être dûe qu'au Roi. Voyez Fief-lige , Homme-lige , & Hommage-lige . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi mauvaise Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi mauvaise Foi mauvaise , est opposé à bonne-foi; c'est lorsqu'on fait quelque chose malgré la connoissance que l'on a que le fait n'est pas légitime. Voyez Bonne-foi & Prescription . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi mentie Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi mentie Foi mentie ; quelques anciens auteurs se servent de ce terme pour signifier la félonie que commet le vassal envers son seigneur, parce que le vassal qui tombe dans ce cas, contrevient à la foi qu'il a jurée à son seigneur en lui faisant hommage. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi pleine et entiere Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi pleine et entiere Foi pleine et entiere , c'est la preuve complete que fait un acte authentique de ce qui y est contenu. Voyez Authenticité & Preuve . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi provisoire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi provisoire Foi provisoire , c'est la créance que l'on donne par provision à un acte authentique qui est argué de faux; il fait foi jusqu'à ce qu'il soit détruit. Voyez Faux , Inscription de faux . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi publique Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi publique Foi publique , est la créance que la loi accorde à certaines personnes pour ce qui est de leur ministere: tels sont les juges, greffiers, notaires, huissiers, & sergens; ces officiers ont chacun la foi publique en ce qui les concerne, c'est-à-dire que l'on ajoûte foi , tant en jugement que hors, aux actes qui sont émanés d'eux en leur qualité, & à tout ce qui y est rapporté comme étant de leur fait ou s'étant passé sous leurs yeux. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi, taille générale ou spéciale Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foi Foi , taille générale ou spéciale , est une espece particuliere de tenure, usitée en Angleterre, lorsqu'un héritage est donné à quelqu'un, & à ses héritiers à toûjours. Ragueau, en son indice , parle de cette espece de foi ou tenure; mais M. de Lauriere, dans la note qu'il a mise sur cet article, dit dans le livre des tenures, d'où celà a été tiré, réimprimé en Angleterre en 1584, qu'il y a faute, & qu'au lieu de foi il faut lire féo , c'est-à-dire fief . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foi Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Foi Foi ; on appelle ainsi, en terme de Blason , deux mains jointes ensemble pour marque d'alliance, d'amitié & de fidélité: de gueules à la foi d'argent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIBLAGE Author=unknown Normalized Classification=Monnoyage Part of Speech=s.m. FOIBLAGE FOIBLAGE, s. m. ( Monnoyage. ) est la permission que le Roi accorde au directeur de ses monnoies, de pouvoir tenir le marc des especes d'une certaine quantité de grains plus foible que le poids. Le foiblage de poids est de quinze grains par marc d'or, dont un quart est trois grains trois quarts, que le directeur a pour le retourner ou pour le joüer: l'argent trente-six grains, dont le quart est neuf grains; & pour le billon, quatre pieces. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIBLE Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA FOIBLE FOIBLE, subst. m. ( Grammaire. ) qu'on prononce faible , & que plusieurs écrivent ainsi, est le contraire de fort , & non de dur & de solide . Il peut se dire de presque tous les êtres. Il reçoit souvent l'article de: le fort & le foible d'une épée; foible de reins; armée foible de cavalerie; ouvrage philosophique foible de raisonnement, &c. Le foible du coeur n'est point le foible de l'esprit; le foible de l'ame n'est point celui du coeur. Une ame foible of sans ressort & sans action; elle se laisse aller à ceux qui la gouvernent. Un coeur foible s'amollit aisément, change facilement d'inclinations, ne résiste point à la séduction, à l'ascendant qu'on veut prendre sur lus, & peut subsister avec un esprit fort; car on peut penser fortement, & agir foiblement. L'esprit foible reçoit les impressions sans les combattre, embrasse les opinions sans examen, s'effraye sans cause, tombe naturellement dans la superstition. Voyez Foible . ( Morale ). Un ouvrage peut être foible par les pensées ou par le style; par les pensées; quand elles sont trop communes, ou lorsqu'étant justes, elles ne sont pas assez approfondies; par le style, quand il est dépourvû d'images, de tours, de figures qui reveillent l'attention. Les oraisons funebres de Mascaron sont foibles , & son style n'a point de vie en comparaison de Bossuet. Toute harangue est foible , quand elle n'est pas relevée par des tours ingénieux & par des expressions énergiques; mais un plaidoyer est foible , quand avec tout le secours de l'éloquence & toute la véhémence de l'action, il manque le raisons. Nul ouvrage philosophique n'est foible , malgré la foiblefse d'un style lâche, quand le raisonnement est juste & profond. Une tragédie est foible , quoique le style en soit fort, quand l'intérêt n'est pas soûtenu. La comédie la mieux écrite est foible , si elle manque de ce que les Latins appelloient vis comica , la force comique: c'est ce que César reproche à Térence: lenibus atque utinam scriptis adjuncta foret vis . C'est sur-tout en quoi a péché souvent la comédie nommée larmoyante . Les vers foibles ne sont pas ceux qui péchent contre les regles, mais contre le génie; qui dans leur mécanique sont sans variété, sans choix de termes, sans heureuses inversions, & qui dans leur poésie conservent trop la simplicité de la prose. On ne peut mieux sentir cette différence, qu'en comparant les endroits que Racine, & Campistron son imitateur, ont traités. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foible Author=Diderot3 Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.m. Foible Foible , s. m. ( Morale. ) il y a la même différence entre les foibles & les foiblesses qu'entre la cause & l'effet; les foibles sont la cause, les foiblesses sont l'effet. On entend par foible un penchant quelconque: le goût du plaisir est le foible des jeunes gens, le desir de plaire celui des femmes, l'intérêt celui des vieillards, l'amour de la louange celui de tout le genre humain. Il est des foibles qui viennent de l'esprit, il en est qui viennent du coeur. Moins un peuple est éclairé, plus il est susceptible des foibles qui viennent de l'esprit. Dans les tems de barbarie l'amour du merveilleux, la crainte des sorciers, la foi aux présages, aux diseurs de bonne aventure, &c. étoient des foibles fort communs. Plus une nation est polie, plus elle est susceptible des foibles qui viennent du coeur, 1°. parce que faire des fautes sans le savoir, ce n'est pas être foible , c'est être ignorant; 2°. parce que, à mesure que l'esprit acquiert plus de lumieres, le coeur acquiert plus de sensibilité. Les femmes sont plus susceptibles des foibles de l'esprit, parce que leur éducation est plus négligée, & qu'on leur laisse plus de préjugés; elles sont aussi plus susceptibles des foibles du coeur, parce que leur ame est plus sensible. La dureté & l'insensibilité sont les exces contraires aux foibles du coeur, comme l'esprit fort est l'excès opposé aux foibles de l'esprit. Il y a encore cette différence entre les foibles & la foiblesse , qu'un foible est un penchant qui peut être indifférent, au lieu que la foiblesse est toûjours repréhensible. Voyez Foiblesse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foible Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Foible Foible , dans le Commerce , se prend en différens sens, qui tous font entendre qu'une marchandise, une denrée, ou toute autre chose qui entre dans le négoce, a quelque défaut ou n'a pas la qualité requise. Ainsi l'on dit du vin foible , un cheval foible , de la monnoie foible , un drap foible . Dans la balance romaine on nomme le foible le côté le plus éloigné du centre de la balance qui sert à peser les marchandises les moins pesantes; il y a un des membres de cette balance que l'on appelle la garde-foible. Voyez Balance . On dit qu'un poids est trop foible , lorsqu'il n'est pas juste & qu'il pese moins qu'il ne doit. Lorsqu'on dit qu'une marchandise a été vendue le fort portant le foible , cela signifie qu'elle a été vendue toute sur un même pié, sans que l'on ait fait distinction de celle qui est supérieure d'avec celle qui est inférieure en bonté ou en qualité. Dictionn. de Commerce, de Trévoux, & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foible Author=unknown Normalized Classification=Ecriture Part of Speech=NA Foible Foible , ( Ecriture. ) se dit d'un tuyau de plume qui plie sous les doigts; ces sortes de tuyaux ne sont pas bons pour écrire, si ce n'est sur du papier verni, encore faut-il qu'ils soient maniés par une main extrèmement legere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foible Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Foible Foible , ( Jardinage. ) se dit d'un arbre trop foible pour être replanté ou greffé, & qui ne donne pendant une année que des jets très-foibles . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIBLESSE Author=unknown Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. FOIBLESSE FOIBLESSE, s. f. ( Morale. ) disposition habituelle ou passagere de notre ame, qui nous fait manquer malgré nous soit aux lumieres de la raison, soit aux principes de la vertu. On appelle aussi foiblesses les effets de cetté disposition. La foiblesse que j'appelle habituelle est à-la-fois dans le coeur & dans l'esprit; la foiblesse que j'appelle passagere , vient plus ordinairement du coeur. La premiere constitue le caractere de l'homme foible , la seconde est une exception dans le caractere de l'homme qui a des foiblesses . Quand je parle ici de l'homme, on entend bien que je veux parler des deux sexes, puisqu'il est question de foiblesses . Personne n'est exempt de foiblesses , mais tout le monde n'est pas homme foible . On est homme foible , sans savoir pourquoi, & parce qu'il n'est pas en soi d'être autrement; on est homme foible , ou parce que l'esprit n'a point assez de lumieres pour se décider, ou parce qu'il n'est pas assez sûr des principes qui le déterminent pour s'y tenir fortement attaché; on est homme foible par timidité, par paresse, par la mollesse & la langueur d'une ame qui craint d'agir, & pour qui le moindre effort est un tourment. Au contraire on a des foiblesses ou parce qu'on est séduit par un sentiment louable, mais trop écouté, ou parce qu'on est entrainé par une passion. L'homme foible dépourvû d'imagination, n'a pas même la force qu'il faut pour avoir des passions; l'autre n'auroit point de foiblesses si son ame n'étoit sensible, ou son coeur passionné. Les habitudes ont sur l'un tout le pouvoir que les passions ont sur l'autre. On abuse de la facilité du premier, sans lui savoir gre de ce qu'on lui fait faire, parce qu'on voit bien qu'il le fait par foiblesse; on sait gré à l'autre des foiblesses qu'il a pour nous, parce qu'elles sont des sacrifices. Tous deux ont cela de commun, qu'ils sentent leur état, & qu'ils se le reprochent; car s'ils ne le sentoient pas, il y auroit d'un côté imbécillité , & de l'autre folie; mais par ce sentiment l'homme foible devient une créature malheureuse, au lieu que l'état de l'autre a ses plaisirs comme ses peines. L'homme foible le sera toute sa vie; toutes les tentatives qu'il fera pour sortir de sa foiblesse ne feront que l'y plonger plus avant. L'homme qui a des foiblesses sortira d'un état qui lui est étranger; il peut même s'en relever avec éclat. Turenne n'étant plus jeune eut la foiblesse d'aimer madame de C ** ; il eut la foiblesse plus grande de lui révéler le secret de l'Etat; il répara la premiere en cessant d'en voir l'objet; il répara la seconde en l'avouant, ce qu'un homme foible n'eût jamais fait. Ajoûtons quelques traits à la peinture de l'homme foible . Livré à lui-même il seroit capable des vertus qui n'exigent de l'ame aucun effort; il seroit doux, équitable, bienfaisant: mais par malheur il n'agit presque jamais d'après ses propres impressions. Comme il aime à être conduit, il l'est toûjours; pour le dominer il ne faut que l'obséder. On lui fait faire le mal qu'il déteste, on l'empêche de faire le bien qu'il cherit. Il craint d'être eclaire sur son état, parce qu'il le sent; il repousse la vérité quand on la lui présente, & devient opiniâtre par foiblesse . Quelquefois aussi, quand il est blessé, il fait le mal de son propre mouvement, parce qu'alors l'émotion qu'il éprouve le met hors de lui-même, & qu'il ne distingue plus ni le bien ni le mal. On aime quelquefois les gens foibles , rarement on les estime. Il y a d'autres personnes qu'on appelle foibles , quoique leur caractere soit totalement oppose au précedent. Toute leur ame est active, leur imagination s'allume aisément; elles sont toûjours agitées par une ou par plusieurs passions qui se combattent & qui les déchirent; elles n'ont jamais rien vû de sens froid; elles sont bonnes ou méchantes, suivant le sentiment qui les affecte: personnes dangereuses dans la société, & plûtôt folles que foibles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foiblesse Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Foiblesse Foiblesse , se dit, en Medecine , de la diminution des forces, si considérable, qu'elle cause la lésion de toutes les fonctions, sur-tout celle du mouvement musculaire. Voyez Débilité , ( Medec. ) & Forces . On appelle aussi foiblesse dans les fibres, leur défaut de force d'action; conséquemment au relâchement qu'elles ont contracté, au défaut de ressort dans les solides en général. Voyez Débilité , ( Pathol. ) & Fibre , ( Pathol. ) ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foiblesse de la vûe Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foiblesse Foiblesse de la vûe, voyez les articles Vue & Amblyopie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.m. FOIE FOIE, s. m. ( Anat. ) viscere du corps ample, multiforme, destiné à la secrétion de la bile, dont il est le principal organe, & qu'il opere par un méchanisme très-difficile à développer. Entrons dans les détails de la structure de ce viscere, autant que cette structure nous est connue. Structure du foie détaillée . Le foie paroît être une glande conglomérée, d'un volume fort considérable, d'une couleur rouge-brune, & d'une consistance assez ferme. Il occupe non-seulement la plus grande pa rtie de l'hypochondre droit, mais encore la portion antérieure de la région épigastrique moyenne; il s'avance même jusque dans l'hypochondre gauche; ce qui arrive le plus souvent dans le foetus, où le volume de ce viscere est plus considérable à-proportion que dans les adultes. Le foie déborde pour l'ordinaire la partie antérieure des fausses côtes, environ de deux travers de doigt, plus ou moins cependant, suivant que le diaphragme auquel il est attaché, & dont il suit les mouvemens, se trouve plus abaissé du côté du ventre, ou plus élevé du côté de la poitrine, & que l'estomac & les intestins sont plus ou moins pleins. On le divise ordinairement en deux parties latérales, que l'on appelle lobes , dont l'un est à droite, & l'autre est à gauche; cette division est marquée sur sa surface supérieure ou convexe par un ligament membraneux, & sur sa surface concave ou inférieure, par une ligne enfoncée ou scissure, communément nommée la scissure du foie; elle traverse la partie inférieure de ce viscere, & son commencement répond à l'extrémité antérieure de la portion cartilagineuse de la premiere fausse-côte; cette scissure est changée quelquefois en un canal. Le lobe qui est à droite, est le plus grand; & celui qui est à gauche, est le plus petit; aussi a-t-on nommé ce ui qui est à droite, le grand lobe du foie , & celui qui est à gauche, le petit lobe . La situation particuliere de ces lobes est telle, que le grand paroit situé perpendiculairement, & le petit transversalement, celui-ci couvrant une bonne partie de l'estomac. La figure du foie n'est point réguliere; elle s'accommode à la conformation des parties qui lui sont voisines; c'est pourquoi il est convexe & uni dans sa surface supérieure, pour s'accommoder à la concavité unie du diaphragme, dont il suit tous les mouvemens. Sa surface inferieure est concave & inégale, ayant des éminences & des cavités, tant pour s'accommoder à la convexité des organes qui lui sont voisins, que pour répondre aux cavités ou intervalles que ces organes laissent entr'eux. C'est ici qu'est logé la vésicule du fiel. Voyez Fiel , ( vésicule du ). Les éminences appartiennent au grand lobe du foie: la principale de ses éminences est triangulaire; Spigelius en a fait mention sous le nom de petit lobe; & ceux qui la regardent comme un lobe particulier, la nomment le petit lobule de Spigelius . On remarque sur le devant une autre éminence moins saillante, mais plus legere. Les anciens ont donné le nom de portes à ces éminences. Il y a plusieurs enfoncemens de la partie concave; la premiere s'appelle, comme nous l'avons dit, la scissure du foie , & fait la réparation des deux lobes, en traversant la concavité du foie : le second enfoncement est sur le devant dans le grand lobe; il loge la vésicule du fiel; il se trouve sur la partie postérieure un leger enfoncement, qui répond à une portion du rein droit. On voit aussi sur le petit lobe un autre enfoncement qui répond à l'estomac, sur lequel ce lobe s'avance. De plus, il se trouve au bord postérieur du foie , une grande échancrure, laquelle est commune aux deux lobes, & fait place à l'épine du dos & à l'extrémité de l'oesophage: elle est attenant le passage de la veine-cave, qui rencontre dans la partie postérieure du foie , un petit enfoncement pour le faciliter. Enfin on observe que le foie se termine postérieurement dans la plus grande partie de son étendue, par un bord qui est arrondi, à la différence de celui de sa partie antérieure, qui est mince & aiguë. Après tout, il n'y a que l'inspection qui puisse donner une véritable idée des lobes, des échancrures, des scissures, des éminences, & des enfoncemens du foie . On dit communément que ce viscere est assujetti aux parties voisines par le moyen de quatre ligamens, nommés tels, mal-à-propos; savoir le suspensoir, le coronaire, & les deux latéraux. Voyez Suspensoire , Coronaire, & Ligamens latéraux Cependant, à parler proprement, le foie est seulement attaché par tout son bord postérieur aux portions du diaphragme qui lui répondent; sur quoi nous observons que l'attache de la portion moyenne de ce bord postérieur est immédiate, & que l'autre attache du reste de son étendue, est médiate. Quelques-uns ajoûtent à ces ligamens l'attache immédiate du foie au tronc de la veine-cave inférieure, qui va au coeur en traversant le diaphragme, auquel elle est aussi très-étroitement unie. Quoi qu'il en soit. aucun de ces prétendus ligamens ne sert à suspendre le foie , mais seulement à le maintenir dans sa situation, & à l'empêcher, pour ainsi dire, de balotter. Ce viscere est principalement soûtenu par la plénitude de l'estomac & des intestins, qui le sont eux-mêmes par les muscles de l'abdomen. Le foie se trouve recouvert d'une membrane assez mince, qui est néanmoins composée de deux lames; & c'est entre ces deux lames que rampent un très grand nombre de vaisseaux lymphatiques, tant sur la surface convexe que sur la surface concave de ce viscere. La lame interne de cette membrane semble pénétrer la substance du foie , pour le partager en un grand nombre de petits lobes, qui ne se distinguent pas à beaucoup près si aisément dans l'homme que dans le porc. La substance du foie est faite de l'assemblage d'une multiplicité de vaisseaux de tout genre, qui paroissent tous se distribuer à une infinité de petits corps assez semblables à de petits grains ou vésicules, dont l'intérieur semble être garni d'une espece de velouté; M. Winslow les nomme grains pulpeux. . Les vaisseaux qui se distribuent à ces grains pulpeux, peuvent être distingué; en ceux qui y portent quelque liqueur & en ceux qui en rapportent; les premiers sont les ramifications de l'artere hépatique, celle de la veine-porte, & celles des nerfs hépatiques. Voyez Artere hépatique , Veineporte, & Nerfs hépatiques Parmi les vaisseaux qui rapportent de ces vésicules, on doit premierement compter les rameaux des veines qui reçoivent le résidu du sang, que la veine-porte avoit déchargé dans le foie . Ces rameaux vont former par leur union trois branches considérables, appellées veines hépatiques , lesquelles vont se terminer dans le tronc de la veine-cave inférieure, immédiatement au-dessous du diaphragme, par trois ouvertures différentes; la plus considerable répond au grand lobe, la moyenne au petit lobe, & la plus petite au lobule de Spigelius. Il y a lieu de croire que ces mêmes veines rapportent aussi le résidu du sang qui avoit été fourni par l'artere hépatique, puisqu'on n'en découvre aucune qui réponde immédiatement à cette artere. Les veines lymphatiques du foie se decouvrent sur sa surface concave & sur sa surface convexe, où elles forment un réseau merveilleux, & se rendent pour la plûpart dans le réservoit du chyle. Les grains pulpeux qui composent la substance du foie , fournissent chacun en particulier un vaisseau, qui est proprement le conduit excrétoire de ces vésicules. Ces conduits qui sont en très-grand nombre, communiquent les uns aux autres dans la substance du foie . On les nomme pores biliaires; & l'union de ces conduits forme celui que l'on appelle pore hépatique , dont la longueur est d'environ deux travers de doigt; il vient s'unir à celui de la vésicule du fiel, pour n'en former ensemble qu'un seul, qui va se décharger dans le duodenum. Il faut remarquer ici que toutes les branches & rameaux, tant de l'artere hépatique & de la veine porte, que des nerfs & des pores biliaires, sont renfermés dans une membrane qui leur est commune, nommée la capsule de Glisson , du nom de celui qui l'a découverte: cet auteur l'a crûe charnue; mais quand on l'examine avec soin, on découvre que ce n'est qu'une continuation de la membrane qui a recouvert le foie . Les ramifications des veines lymphatiques & celles des veines sanguines nommées hépatiques , ne sont point renfermées dans cette capsule. Comme les anciens prenoient le foie pour la source de toutes les veines, & pour la partie du corps humain dans laquelle se fait la sanguification, ils y placerent unanimement le siége de l'amour: & tous les Poetes suivirent cette idée. L'amour tendit son arc, dit Anacréon, & porta sa fleche au milieu du foie; mais les modernes plus éclairés sur le méchanisme de l'économie animale, ont démontré que ce viscere étoit l'organe de la secrétion de la bile. Quant à la maniere dont cette humeur est séparée, l'on imagine que les grains glanduleux découverts par Malpighi, & répandus dans toute la substance du foie , en sont les véritables filtres; surtout lorsqu'on considere 1°. que tous ces grains glanduleux sont autant de vésicules garnies en-dedans, suivant l'observation de M. Winslow, d'un velouté pareil à celui qu'il dit se trouver dans tous les conduits secrétoires: 2°. que tous les différens vaisseaux qui se distribuent dans le foie , vont se rendre comme à leur terme à toutes ces vésicules. On peut donc concevoir que de ces vaisseaux, les uns apportent à ces vésicules les liqueurs qu'ils contiennent: & que les autres en reçoivent celles dont ils sont chargés, pour les transmettre ailleurs; les premiers sont les nerfs, les ramifications de la veineporte, & celles de l'artere hépatique; les seconds sont les veines hépatiques, les veines lymphatiques, & les pores biliaires ou conduits excrétoires de ces vésicules. En comparant la grande quantité de bile séparée dans le foie au volume des vaisseaux qui s'y rendent, il y a lieu de présumer que la veine-porte fournit à ce viscere la bile qui s'y filtre, & l'artere hépatique le sang dont il a besoin pour sa nourriture; on se le persuade lorsqu'on fait réflexion sur la nature de la bile & sur celle des organes, où la veine-porte a puisé le sang qu'elle contient. La bile est une liqueur jaune, amere, d'une consistance assez fluide, composée non-seulement de sérosités & de sels, mais encore de parties huileuses; le tout ensemble forme une liqueur dont la nature approche beaucoup de celle du savon: car elle en a à-peu-près le goût, & elle enleve de même les taches des habits. Quant aux organes, d'où les rameaux de la veine-porte reviennent, & où ils ont puisé pour ainsi dire la bile qu'elle contient, ce sont les intestins, le pancréas, le mésentere, l'épiploon, & la rate. La bile qui a été séparée dans le foie , est reprise par les pores biliaires, qui vont s'en décharger en partie dans le conduit hépatique, & en partie dans la vésicule du fiel, par les pores biliaires qui y répondent, & que l'on a nommés conduits hépati-cystigues . L'examen de la fabrique de la veine-porte, de la veine-cave, & du pore hépatique; la considération du mouvement des humeurs dans la veine-porte; la nature de l'humeur contenue dans le pore biliaire; les expériences anatomiques faites en liant, en coupant, en ramassant la bile, tout cela nous apprend que du sang apporté par la veine-porte, il se sépare une humeur qui coule d'abord par les petits rameaux du pore hépatique hors du foie , pendant que le sang qui reste après cette séparation, est poussé dans les rameaux de la veine-cave hors du foie , & de cette veine au coeur. Ce qui en donne encore une idée plus claire, c'est la distribution des nerfs hépatiques, qui est toûjours par-tout la même que celle de la veine-porte. Enfin, on sait par expérience qu'il y a un chemin ouvert & facile de la cavité de la vésicule du fiel au foie , au pore biliaire, aux intestins, ainsi que du pore hépatique dans le canal cystique, & réciproquement de celui-ci dans celui-là. Conséquences qui résultent de cet exposé . De tout ce détail résultent les vérités suivantes: 1°. que l'artere hépatique & celles qui l'accompagnent, servent à la vie, à la nutrition, à la chaleur, à la propulsion, secrétion, expulsion des humeurs hépatiques. C'est pour cela que cette artere est répandue avec un art merveilleux par tout le foie , & par la membrane externe de ce viscere, comme Ruisch l'a démontré, thes. jx. tab. 3. fig. 5 . 2°. Qu'il part des extrémités de cette membrane une grande quantité de vaisseaux lymphatiques, invisibles, qui appartiennent au foie , & desquels il en part d'autres visibles, lesquels ne se rendent point dans la veine-porte, mais dans le réservoir des lombes. 3°. Qu'il y a des veines qui reçoivent le sang porté par l'artere hépatique sur la surface du foie , & qui vont le porter dans une portion de la veine azygos, qui est située sous le diaphragme. 4°. Que la veine-porte prend non-seulement la forme d'artere par ses ramifications qui deviennent plus petites, mais qu'elle en exerce encore les fonctions; car elle fait des secrétions, ce qui ne convient qu'à des arteres dans tout le reste du corps. De-là il s'ensuit que le sang qui en sortant du coeur & en entrant dans les veines méseraïques, a été artériel & veineux, devient encore 1°. artériel dans la veine-porte, c'est-à-dire qu'il entre dans des vaisseaux qui ont la forme d'artere; 2°. veineux en rentrant dans la veine-cave. 5°. Que tous les visceres abdominaux chylopoiétiques, la rate, l'épiploon, le ventricule, le pancréas, le mésentere, les intestins, travaillent uniquement pour le foie , en ce qu'ils y portent le sang veineux après l'avoir bien préparé; de-là vient que les maladies du foie ont tant de liaison avec celles de tous ces visceres, & qu'il est si difficile d'y remédier; en effet qu'on imagine seulement qu'il se trouve une obstruction dans les ramifications de la veine-porte, que d'accidens n'éprouveront pas les autres visceres qui lui envoyent leur sang? 6°. Que comme le mouvement des humeurs ne peut être que très-lent dans la veine-porte, il falloit que le foie fût placé sous le diaphragme, & exposé à l'action des muscles de l'abdomen: plus ces muscles agissent, mieux la bile doit se vuider; de-là vient que si l'on demeure dans l'inaction, il se forme dans le foie & dans la vésicule du fiel, des matieres glutineuses & des concrétions pierreuses. 7°. Que les maladies du foie sont très-communes & très-difficiles à guérir, tant à cause de la dépendance qu'a ce viscere avec les autres, que parce qu'il y a peu de médicamens qui y parviennent, en conservant leurs vertus. Dans les affections hépatiques, il faut quelquefois exciter une fievre legere, employer des gommeux & des remedes fluides, qui puissent être repompés par les vaisseaux mésentériques, & opérer la cure à la faveur de l'exercice ou des frictions réitérées. 8°. Qu'on ne voit nulle part tant de vaisseaux, de visceres, d'humeurs, de causes, concourir à former quelque liqueur du corps, qu'il s'en trouve pour la production de la bile; & conséquemment qu'elle n'est point un excrément, mais au contraire qu'elle est dans le corps une humeur d'une grande importance & d'un grand usage. Elle entretient la fluidité & le mouvement du sang, prépare le chyle dans les premieres voies, le rend propre à suivre la circulation & à porter la nourriture nécessaire à toute l'économie animale. Voyez Bile . 9°. Que cette liqueur est préparée avec plus d'artifice que celles qui se filtrent dans le reste du corps; car la nature a formé pour la séparer des couloirs très-particuliers: & le sang n'a nulle part les-mêmes mouvemens, puisqu'il repasse, pour ainsi dire par un second coeur, qui est le sinus; en effet le sang revenu des visceres s'y rassemble, & il en sort par quatre ou cinq ramifications. 10°. Qu'enfin le foie étoit nécessaire; 1°. pour empêcher que l'huile devenue acre dans le mésentere par la chaleur & la privation de la lymphe, ne rentrât dans le sang; 2°. pour fournir une liqueur propre à dissoudre les alimens gras, à exciter l'appétit, & à nettoyer les intestins. Voyez Foie ( Physiolog ). Observations anatomiques. I. La connoissance de la situation du soie en entier dans sa position naturelle, est importante aux Medecins. Sans cette connoissance, il arrive facilement, & même aux plus exercés qui examinent un foie détaché & tiré hors du corps, de se tromper par rapport à la situation des diverses parties de cet organe, sur-tout de celles de sa surface concave. Or le manque de lumieres ou d'attention en ce genre, a été la cause d'un grand nombre de fausses observations. Seconde observation . Julius Jassolinus est un des anciens anatomistes qui, quoi qu'en dise Riolan, a le mieux exposé la génération de la bile. Il donna même une figure nouvelle de la vésicule du fiel & de ses vaisseaux; voyez son livre de poris choledochis & vesicula fellea , qui parut à Naples en 1577 in-8°. Il est extrèmement rare. Troisieme observation . Jacobus Berengarius a le premier décrit l'anastomose de la veine-porte & de la veine-cave dans le foie; & Archangelus Piccolhomini en a publié la figure. Quatrieme observation . Jean Riolan a imposé les noms reçus aujourd'hui de canaux hépatiques & cystiques. Cinquieme observation . La partie convexe & concave du foie est arrosée, comme on l'a dit ci-dessus, de quantité de vaisseaux lymphatiques. Les premiers qui ayent été apperçûs, le furent d'abord de Falloppe, ensuite plus clairement d'Asellius, de Rudbeck, de Bartholin, de Pecquet, &c. Sixieme observation . La structure charnue de la capsule de Glisson & sa force musculeuse, ont été démontrées fausses par Cowper, Fanton, Winslow, Watther, & Morgagni. Septieme observation . Le lobule du foie postérieurement terminé à l'orifice de la veine-cave, est mal-à-propos nommé lobule de Spigel; car Eustachi, Jacobus Sylvius, & Vidus-Vidius en ont fait mention avant Spigel. Huitieme observation . Ruysch a prouvé que la substance du foie est plus composée de la veine-porte que de la veine-cave. Cette idée a paru d'abord singuliere, parce que la veine cave, excepté un peu de bile, reporte tout le sang de la veine-porte, outre celui de l'artere hépatique, dont la quantité n'est pas médiocre; mais cette raison démontre seulement la lenteur de la circulation du sang par les rameaux de la veine-porte. Neuvieme observation . C'est Malpighi qui a le plus embelli l'hypothèse glanduleuse de la structure du foie . L'analogie tirée de l'examen des poissons, des quadrupedes, des oiseaux, la vûe, les injections & les maladies de ce viscere ont fait conclure à ce beau génie que le foie étoit une glande conglomérée, & que les grains qu'on y voyoit, présentoient des glandes simples, dont le canal secréteur étoit un pore biliaire. Winslow décrit les mêmes grains comme pulpeux, polygones au-dedans du foie , convexes à sa circonférence, & entourés d'un tissu celluleux. Ruysch a prétendu que les derniers rameaux des veines & du pore biliaire, s'unissoient à leurs extrémités en petits faisceaux indissolubles, semblables à des brins de vergette, sans aucune membrane propre; & que ces petits paquets en avoient imposé à Malpighi, qui les avoit pris pour des glandes; mais presque tous les modernes ont préféré l'opinion de Malpighi à celle de Ruysch. Jeux de la nature . Il est certain que le foie varie naturellement dans plusieurs hommes, par rapport à sa position, sa conformation, sa figure, sa grosseur, sa petitesse, &c. Mais il n'est pas moins certain qu'on nous a donné sur cette matiere plusieurs observations, qui sont très-suspectes ou très-fausses. Telle est celle de Gemma, qui parle d'un foie qui pesoit, dit-il, 40 livres. Plusieurs autres observations méritent d'être confirmées ou expliquées; telle est celle de M. Méry ( mém. de Trévoux, Février 1716, pag. 316. ), qui raconte avoir vû le foie situé au côté gauche, & la rate au côté droit. Mais quand Riolan rapporte avoir trouvé à l'ouverture d'un cadavre un foie qui égaloit à peine la grosseur d'un rein; on conçoit aisément que des abcès ou d'autres maladies longues peuvent produire cet effet. Les ligamens du foie multipliés par quelques habiles anatomistes, doivent vraissemblablement leur origine à ces jeux de la nature de ce viscere. M. Littre a fait voir sur un foie humain, qui d'ailleurs étoit dans l'état naturel, & très-bien conditionné, que les glandes qui ne sont presque jamais sensibles, avoient près d'une ligne de diametre, & que les extrémités des arteres, de même que les racines de la veine-porte, de la veine-cave, & les conduits biliaires, qui se terminoient à ces glandes, étoient visibles sans microscope. Toutes les autres parties de cet homme qui venoit d'être tué, se trouverent très-saines; d'où il semble qu'on pourroit dans ce cas attribuer à la premiere conformation cette grosseur plus qu'ordinaire des glandes du foie. Hist. de l'Acad. 1701. page 51 . M. Lemery a connu quelqu'un, dont le cadavre offrit en l'ouvrant une conformation de foie fort extraordinaire; le viscere étoit rond, au lieu qu'il est communément convexe d'un côté, & concave de l'autre, & ses deux lobes n'étoient pas séparés. L'extrémité du pylore perçoit la propre substance du foie , & s'y unissoit intimement. Il n'y avoit point de vésicule du fiel, mais divers réservoirs qui paroissoient être formés par la réunion des canaux biliaires, lesquels servoient de vésicule, en communiquant la bile au duodenum par plusieurs petits conduits; le canal pancréatique se réunissoit aussi au duodenum en cet endroit Hist. de l'Acad. 1701. page 54 . Remarques sur quelques cas rares de maladies du foie . On a vû arriver à la partie supérieure & convexe du foie , à l'endroit où il est attaché au diaphragme, une inflammation phlegmoneuse qui se termine en suppuration; alors l'abcès s'ouvre, & l'épanchement du pus cause un empyeme entre la deuxieme & troisieme côte. Mais comment cet empyeme peut-il se former, vû l'interposition du diaphragme & de la pleure qui couvre ce muscle du côté de la poitrine? En voici peut-être l'explication. Le pus formé entre le foie & le diaphragme perce ce muscle & la pleure par son érosion; ensuite agissant sur les muscles intercostaux, il les perce entre les deux côtes, & produit une tumeur externe dans ce lieu, comme à l'occasion d'une pleurésie ou péripneumonie, lorsque l'abcès s'ouvre, & que le pus s'épanche sur le diaphragme. Il arrive aussi quelquefois, que la partie intérieure du poumon se trouvant adhérente au diaphragme, le pus, après avoir rongé ces parties, est rejetté par les crachats. Riolan parle d'un abcès au foie , dont le pus se vuida par l'estomac qu'il avoit percé à l'endroit où la suppuration se faisoit, c'est-à-dire joignant la partie cave du foie , qui est collée à l'estomac. Le même auteur assûre; qu'on a vû des tumeurs dans la partie convexe du foie , qui se sont heureusement déchargées par l'application du cautere; ce cas peut se rencontrer, lorsque le foie se dilate à cause du pus dont il est plein, & qu'il s'attache au péritoine vis-à-vis les muscles obliques. Les grandes blessures de tête produisent quelquefois des abcès au foie qui deviennent mortels. Bohn prétend avoir observé qu'une partie du foie formoit une hernie ombilicale. Enfin Hildanus rapporte qu'un blessé guérit, quoiqu'on lui eût tiré une portion du foie; ce dernier fait est bien surprenant s'il est vrai. Auteurs . On doit consulter, outre Ruysch & Malpighi, Glissonius, dont la premiere édition parut à Londres en 1654 avec figures. Rudbec (Olaus) exercit. anatom. exhibens ductus hepaticos aquosos, & vasae glandularum serosa , Lugd. Bat. 1654. in 12. Rolfincius (Guern) Dissert. de hepate , Jenae, 1653. in-4°. Bianchi, hist. hepatica , Turin, 1710. in-4°. Mais il faut lire ce dernier auteur avec précaution, car il n'est pas exempt de fautes, & c'est assez son usage de renouveller des erreurs surannées. On trouvera dans les oeuvres posthumes de Duverney qui sont sous presse, de très-belles choses sur cet organe, & dans les mém. de l'acad. des Scienc. ann. 1733. des recherches curieuses de M. Ferrein sur la structure & les vaisseaux du foie . A l'égard de la structure de ce viscere, il prétend que chacun de ses lobules est composé de deux substances différentes; l'une qu'il appelle corticale , extérieure, friable, & d'un rouge tirant sur le jaune; l'autre médullaire ou intérieure, rouge, pulpeuse, placée au centre de chaque grain, apparente dans plusieurs animaux, & souvent dans l'homme. Par rapport aux vaisseaux du foie , il a découvert diverses particularités dans les vaisseaux sanguins, les vaisseaux lymphatiques, & les conduits biliaires; mais nous n'entrerons point dans ce détail, il nous conduiroit trop loin, & nous appréhendons même que cet article ne soit déjà trop étendu. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foie Author=d'Aumont Normalized Classification=Physiologie Part of Speech=NA Foie Foie , ( Physiologie. ) Les anciens n'ayant pas connoissance des vaisseaux qui servent à porter le chyle des premieres voies dans les secondes, & ayant trouvé tout près des principaux organes de la digestion, un gros viscere d'une couleur qui a beaucoup de rapport avec celle du sang, dont il paroît aussi plus rempli qu'aucun autre viscere, eu égard au grand nombre de veines qui y sont attachées, avoient imaginé que c'est dans cette partie à laquelle on a donné le nom de foie , que le suc des alimens est porté pour y être converti en sang, & que la bile n'est autre chose que la partie excrémentitielle, qui est séparée tout de-suite du nouveau sang, pour la dépuration, pour sa plus grande perfection. Le rapport bien aisé à observer entre le foie & les boyaux, par le moyen des veines mésentériques, leur fit penser que ces veines servent à attirer le chyle, comme les racines des plantes attirent le suc de la terre. Ils avoient recours à cette sorte de suction, puce qu'ils n'appercevoient dans les intestins aucune force impulsive, qui pût faire entrer & porter en-avant le chyle dans ces veines. Ils étoient confirmés dans l'idée d'attribuer au foie l'ouvrage de la sanguification, αἱματοποίησις , parce qu'ils ne trouvoient point de chyle dans les racines de la veine cave qui portent le sang du soie au coeur, & que le sang de ces veines leur paroissoit d'autant plus parfait, qu'il étoit d'un rouge plus foncé; ils le croyoient dès-lors doüé de toutes les qualités requises pour le bien de l'économie animale; puisque selon leur sentiment, il est de-là distribué dans toutes les parties du corps pour leur fournir la nourriture. Ils regardoient conséquemment le foie comme le principe de toutes les veines, ( Hipp. de alimento. ) c'est-à-dire de tous les vaisseaux que l'on trouve pleins de sang après la mort: ils appelloient sa substance parenchyme , de χύειν , fundere , répandre; parce qu'ils le regardoient comme une masse composee de cellules appliquées à l'orifice des veines, dans lesquelles cellules le sang épanché auquel se mêle le chyle, convertit celui-ci en sa propre nature. Voyez Sang , Sanguification , Parenchyme Telles sont les premieres idées que l'on avoit prises du principal usage du foie dans l'économie animale; c'est ce qui est établi à ce sujet dans les oeuvres d'Hippocrate, mais d'une maniere plus détaillée dans celles de Galien, de Hipp. & plat. decr. lib. VI. cap. jv . Ces deux auteurs attribuoient aussi avec Aristote à ce viscere la fonction secondaire de contribuer par son voisinage de l'estomac & par sa position sur ce principal organe de la digestion, à y entretenir la chaleur nécessaire pour la coction des alimens. Démocrite dans une lettre au pere de la Medecine, établissoit encore dans le foie le siége de la concupiscence. Voyez cette lettre dans le recueil des oeuvres d'Hippocrate. Le sentiment sur la sanguification opérée dans le foie a été constamment adopté par tous les Medecins, jusqu'à la découverte des veines lactées, par laquelle il a été démontré que le chyle n'est pas porté dans ce viscere, & que c'est ailleurs par conséquent qu'il est changé en sang; Glisson fut le premier qui entreprit de le prouver & de réfuter l'ancienne opinion: ensuite Bartholin la détruisit entierement; ce qui donna lieu dans ce tems-là à plusieurs écrits qui parurent sous des titres relatifs à cet évenement, tels que hepatis causa desperata (à l'égard de la sanguification attribuée à ce viscere), hepatis exequiae, epitaphium , &c. Bilfius dans ces circonstances voulut soûtenir encore pendant quelque tems le système des anciens, qui eut aussi pour défenseur Swammerdam; mais ils ne retarderent pas sa chûte. Il fut bien-tôt abandonné presque dans toute l'Europe, dès qu'on se fut convaincu de la véritable route que prend le chyle au sortir des intestins. D'ailleurs on comprit que l'organisation du foie n'étoit point propre à produire le changement qui lui étoit attribué, par la considération du peu d'action dont sont capables les parties solides, eu égard sur-tout à une opération qui semble devoir être presque totalement l'effet de puissances méchaniques ( voyez Sanguification ); par les conséquences qui se présentent à tirer de la lenteur du cours du sang dans les vaisseaux de ce viscere; par l'attention à ce que la plus grande partie du sang qui y est apportée est un sang veineux quin'a pas besoin d'eprouver de nouveaux effets tendans à changer en sang les humeurs mêlées qui en sont susceptibles; parce qu'enfin l'observation a prouve souvent que la sanguification continue à s'opérer egalement pendant assez long-tems, quoique le foie soit presque détruit par la suppuration ou toute autre cause, quoiqu'il soit tout rempli d'obstructions, ainsi qu'il arrive dans bien des, maladies chroniques. Il reste donc que le foie n'est regardé a-présent que comme n'étant principalement destiné qu'à séparer du sang l'humeur qu on appelle bile , & cette fonction paroit si importante pour l'économie animale, que ce n'est pas la rendre trop bornée, nonobstant le grand volume de ce viscere; si on a égard à ce que la secrétion qui s'y fait est d'une abondance excessive selon le calcul de Borelli, mais proportionnée selon les expériences de Muckius, de Berenhorst, (qui portent que par comparaison de ce qu'il coule de bile dans les boyaux d'un chien avec ce qu'îl doit couler, tout étant égal, dans l'homme, la quantité de ce récrément doit aller dans l'espace de vingt-quatre heures, à une livre environ); que l'humeur qui en résulte n'est pas seulement destinée à servir à la digestion, à la préparation du chyle, qu'elle est d'un usage aussi continuel que son flux, au-moins par rapport à sa plus grande partie, c'est-à-dire celle qui est versée sans interruption dans les intestins, ensuite repompée par les mêmes vaisseaux qui reçoivent & portent le chyle, & qu'elle est ainsi reprise & mêlée dans la masse des humeurs, sans doute pour y agir par sa propriété dissolvante contre la tendance qu'elles ont à prendre trop de consistance à s'épaissir, à perdre la fluidité qu'elles n'ont pour la plûpart que par accident. Cette idée générale qui vient d'être donnée de l'office du foie , de sa production, & des effets de celle-ci, est le résultat de l'exposition des causes méchaniques & physiques dans les solides & dans les fluides qui concourent à la secrétion qui se fait dans ce viscere de la nature de l'humeur séparée, & de ce qu'elle devient après son écoulement dans les intestins Cette exposition a été faite dans l'article Bile ; il en sera encore fait mention dans celui de Secrétion en général: ainsi voyez Bile , Secrétion . On ne peut placer ici que ce qu'il y a d'essentiel à observer concernant le foie , ce qui est propre à ce viscere dont il n'a pas été traité dans le premier de ces articles, & qui n'est pas du ressort de l'autre. 1°. Pour bien juger de l'importance des fonctions du foie , il est à-propos de remarquer qu'il n'est aucune secrétion qui soit préparée avec autant d'appareil que celle qui se fait dans ce viscere; que le sang qui y est porté pour en fournir la matiere, se rend de presque tous les visceres du bas-ventre dans la veine-porte, & qu'ainsi ces visceres dans lesquels le sang a éprouvé différentes altérations, concourent tous chacun à sa maniere, à établir la disposition avec laquelle le sang entre dans la substance du foie ; qu'il est par conséquent nécessaire que les différentes especes de sang fournies par les veines de la rate, de l'épiploon, de l'estomac, du pancréas, des boyaux, & du mésentere, soient réunies dans un seul vaisseau, tel que le sinus de la veine-porte, pour que la distribution qui se fait ensuite de ce mélange puisse fournir à chaque partie du foie un fluide composé de la combinaison des mêmes principes d'où résultent les mêmes matériaux pour la formation de la bile; autrement chaque veine d'un différent viscere du bas-ventre implantée dans une partie du foie qui lui fût propre, n'auroit fourni à cette partie qu'un sang par exemple huileux, comme celui de l'épiploon, ou aqueux comme celui de la rate. Il n'auroit pas pû de cette différence s'ensuivre la secrétion d'un fluide de même nature dans toutes les parties du viscere, parce que ce fluide qui est la bile, doit les qualités qui la caracterisent à la réunion des qualités de tous les différens sangs dans les ramifications de la veine-porte, d'où passe la matiere de la bile dans ses vaisseaux secrétoires. 2°. Quoiqu'il ait été suffisamment établi dans l' art . Bile , que c'est du sang de la veine-porte qu'est séparé ce fluide crémentitiel, & non pas du sang de l'artere hépatique; il reste à ajoûter ici quelques réflexions à ce sujet. Il n'y a point de vraissemblance qu'un vaisseau aussi peu considérable que cette artere, porte au foie une quantité de sang suffisante pour une secrétion opérée dans toute l'étendue d'un viscere d'un aussi grand volume que l'est le foie . En effet, il est aisé de démontrer que sa proportion avec cette artere, la seule qu'il reçoive dans sa substance, est plus grande que celle d'aucun autre viscere comparé avec les arteres qui lui sont propres; excepté les seuls testicules. Ainsi l'artere hépatique paroît avoir été donnée au foie , seulement pour l'usage auquel est destinée l'artere bronchique à l'égard des poumons, c'est-à-dire pour servir à distribuer le suc nourricier dans la substance du foie; ce que ne peut pas faire la veine-porte: parce que le sang veineux ne contient que le résidu de ce suc, qui n'est plus propre à la nutrition. Voyez Nutrition . C'est pourquoi tous les visceres, comme le coeur, le poumon, & le foie , dont le sang qu'ils reçoivent & qu'ils travaillent dans leur sein, pour une utilité commune à toutes les parties de l'économie animale, est principalement un sang de la qualité de celui des troncs veineux, ont tous des arteres particulieres pour leur nutrition. Ces arteres ont aussi des veines qui leur sont propres: ensorte que le sang de l'artere hépatique, après avoir rempli sa destination, est porté, quant à son résidu, non dans la veine-cave, mais dans la veine azygos, ainsi que l'a démontré Ruysch: d'où on peut conclure, qu'il se fait deux circulations différentes dans le foie , comme dans ces autres visceres; ce qui est prouvé par l'expérience: puisque l'injection faite dans l'artere hépatique ne rend sensible aucune communication avec la veine-porte, avec les pores biliaires non plus qu'avec la veine-cave; tandis qu'il arrive constamment que la matiere de l'injection poussée dans la veine-porte, passe très-aisément dans la veine-cave & les pores biliaires. 3°. Outre l'usage qui vient d'être assigné à l'artere hépatique, il en est un autre que n'est pas moins certain; savoir, de communiquer par sa position, de la chaleur & du mouvement au sang de la veineporte. Comme celui-ci est fort éloigne, eu égard à son cours, de la principale force impulsive de tous les fluides, qui est le coeur, il est aussi porté avec beaucoup de lenteur à son entrée dans le foie , par cette cause; & de plus, parce qu'en passant dans les ramifications de la veine-porte, il passe respectivement à chacune d'elles, d'un lieu plus large dans un lieu plus étroit; attendu qu'elles sont divisées & distribuées sous forme d'artere, sans en avoir le ressort; attendu que la capsule de Glisson qui enveloppe celles-là, ne supplée que très-peu à ce défaut, selon Cowper, Staalh, Fanton, Morgagni; qu'elle n'a point d'action musculaire; & qu'elle ne fait tout au-plus que résister à une trop grande dilatation, à un trop grand engorgement des veines artérielles du foie: ainsi le sang pour y circuler, pour ne pas y perdre toute sa chaleur, n'étant d'ailleurs foüetté par le voisinage d'aucun muscle, a besoin qu'elles soient contiguës à l'artere hépatique, qui étant renfermée dans la gaîne Glissonnienne, accompagne toutes les divisions de ces veines, en se divisant avec elles (ainsi que l'a prouvé Ruysch, en confirmation des conjectures de Glisson & des planches d'Eustache), procuré à leur fluide, par ses pulsations, une sorte de mouvement progressif, qui favorise leur cours, & leur communique de la chaleur dont abonde son sang, qui vient de sortir du coeur, où il a participé à celle de toute la masse dont il a été séparé. 4°. Il y a une remarque à faire par rapport au sang artériel de la coeliaque & de la mésentérique: il éprouve dans son cours des variétés, qui lui sont absolument particulieres: il est porté, ainsi que celui de toutes les autres arteres, dans les veines correspondantes, celles-ci forment les racines de la veineporte: mais il ne revient pas pour cela tout de suite au coeur par cette voie; ce qui est un effet de la structure propre du foie . Ce sang étant porté dans le sinus de la veine-porte, reprend un cours, pour ainsi dire, artériel; entant qu'après s'être réuni dans ce sinus comme dans un coeur, il se divise de nouveau, & il s'en fait une distribution dans toutes les ramifications de la veine-porte, comme dans un second systeme artériel, pour être de nouveau reçû dans des veines qui sont les racines de la veine-cave; & de celle-ci arriver enfin au coeur. Ainsi il ne faut pas prendre à la lettre la proposition d'Harvée, qui porte que « le cours du sang se fait en circulant du coeur dans les arteres; de celles ci dans les veines, pour retourner immédiatement au coeur, & répéter toûjours le même chemin ». Cette proposition, comme on vient de voir, doit souffrir une exception par rapport au sang des visceres qui concourent à la formation de la bile. 5°. Il suit de ce qui vient d'être dit (4), concernant la singularité du cours du sang de la veine-porte, que l'on peut regarder le sinus de cette veine comme un centre de réunion & de division pour ce fluide: ensorte que, selon l'idée de Boerhaave, on peut comparer à cet égard ce sinus au coeur: cet auteur pousse même cette comparaison plus loin, entant qu'il fait observer que la rate est à ce coeur abdominal ce que sont les poumons au coeur thorachique: en effet, la race fournit au foie un sang très fluide, très-délayé, qui, en se mêlant au sang veineux, grossi du sinus, lui sert, pour ainsi dire, de véhicule, & le dispose à pénétrer sans embarras dans les ramifications de la veine porte, à surmonter les résistances causées par leur forme artérielle; ce à quoi il ne suffiroit même pas, s'il ne s'y joignoit des puissances impulsives auxiliaires, telles que les pulsations de l'artere hépatique, qui portent sur ces ramifications les pressions continuelles procurées par la contraction alternative du diaphragme & des muscles abdominaux, qui en portant leur action sur tous les visceres du bas-ventre & sur le foie particulierement, attendu qu'il y est le plus exposé, favorise le cours des humeurs de ce viscere, soit à l'égard de celles qui s'y portent, soit à l'égard de celles qui sont dans sa substance. 6°. Mais de toutes ces dispositions nécessaires, pour rendre le foie propre à la fonction à laquelle il est destiné, c'est-à-dire, à la secrétion de la bile, il n'en est point de plus importantes que le rapport qui existe entre l'épiploon & ce viscere. La bile que fournit celui-ci étant principalement huileuse de sa nature, il falloit qu'il reçût une matiere susceptible de procurer cette qualité à la bile. C'est à cette fin que le sang veineux de l' omentum se rend dans la veineporte. L' omentum , qui est le principal organe du corps dans lequel se forme la graisse, & dans lequel il s'en forme le plus, tout étant égal, ne paroît pas avoir d'autre usage essentiel que celui de travailler pour le foie . En effet, toute la graisse qui s'y sépare n'y reste pas: il faut bien qu'elle soit portée en quelque endroit, après qu'il s'en est fait un certain amas dans ce viscere: les arteres ne cessent d'y en fournir la matiere. Il faut donc, puisqu'il n'y a point de vaisseau déférent pour la porter ailleurs, qu'elle soit reprise par les veines, à proportion de ce qui en est porté par les arteres. Ces veine tendent toutes au foie ; elles coucourent à former la veine-porte: ainsi le suc huileux qu'elles y charrient continuellement (après avoir éprouvé une élaboration considérable dans l'épiploon, par l'effet de la chaleur abdominale, par la pression, & pour ainsi dire le broyement qu'operent continuellement le diaphragme, les muscles du bas-ventre, le mouvement péristaltique des boyaux; élaboration par laquelle se fait une atténuation des globules de ce suc), a contracté une grande disposition à rancir, à devenir amer, & en même tems à devenir miscible avec la sérosité du sang liénaire: ensorte qu'il ne lui manque rien des qualités nécessaires pour fournir la principale matiere de la bile; ce qu'aucune autre des différentes sortes de sang versé dans la veine-porte, ne peut faire (excepté ceux du mésentere & du mésocolon, mais en petite quantité), la rate, le ventricule, le pancréas n'ayant point de graisse, & ne pouvant par conséquent fournir aucun suc huileux les changemens dont est susceptible celui qui est mêlé au sang de la veine-porte, sont aisément prouvés par les opérations de la Chimie sur de semblables substances. Voyez Huile , ( Chimie. ) On sait combien l'huile d'olives, d'amandes la plus douce, dont le contact ne blesseroit pas l'organe le plus délicat, peut cependant contracter d'acrimonie rancide, par le seul effet de la chaleur. Les personnes qui ont l'estomac foible éprouvent souvent qu'après avoir pris des alimens gras en trop grande quantité, il en survient des retours acres, rances, & amers, qui les fatiguent beaucoup par l'irritation qu'ils causent dans toutes les voies par où ils se font, c'est-à-dire dans l'oesophage, la gorge, la bouche. Ainsi qu'on n'objecte pas qu'il paroît plus vraissemblable qu'une huile douce, telle que celle de l'épiploon, puisse être convertie en bile, qui est susceptible de devenir si acre & si amere. 7°. Il faut cependant observer que la bile n'a pas essentiellement ces qualités; elle ne les contracte que par accident; & même ce n'est qu'une petite partie de cette humeur, en qui elles sont éminemment sensibles. La bile qui coule continuellement par le conduit hépatique, est totalement différente de celle qui vient de la vésicule du fiel. Il est aisé de s'en convaincre, sur-tout par l'expérience faite dans le cochon, dont le foie & les trois conduits biliaires ont beaucoup de conformité avec ces mêmes organes dans l'homme. On peut s'assûrer combien la bile est éloignée d'être amere, tant qu'elle est dans les vaisseaux secrétoires, par le goût du foie qui est très agréable à manger dans les poissons, dans la plûpart des oiseaux, des quadrupedes; pourvû qu'on en sépare soigneusement la bile de la vésicule, dans ceux qui en ont une: car la plus petite quantité de cette derniere bile suffit pour infecter de son amertume tout ce à quoi elle se mêle. Six gouttes dans une once d'eau, la rendent fort amere. Lorsque la vésicule manque, dans l'homme même, ce qui a souvent été observé, la bile qui coule alors par le seul conduit hépatique, a été trouvée très-peu jaune, presque point amere, & au contraire d'un goût assez agréable, selon Hartman. Il est un grand nombre d'animaux qui n'ont point de fiel, parce qu'ils n'ont point de follicule pour le contenir, dont le foie ne fournit pas de la bile d'une autre nature que celle qui se trouve dans le canal hépatique; tels sont le cheval, l'âne, le cerf, l'éléphant, le dromadaire, l'élan, &c. parmi les quadrupedes; parmi les volatiles, la colombe, la grue, la geline de montagnes, le paon, l'autruche, &c. entre les poissons qui sont en petit nombre en comparaison des autres animaux, le marsouin, &c. d'où on doit conclure, qu'il n'est pas essentiel à la bile d'être amere, & qu'elle peut être séparée avec toutes les qualités qui lui sont nécessaires pour l'usage auquel elle est destinée, sans le concours de celles qu'elle acquiert par le moyen de la vésicule; ce qui est vrai, même par rapport à l'homme, qui ne laisse pas d'avoir de la bile dans les cas où il est privé de ce dernier organe. hist. de l'acad. des Sciences. 1701, 1705 . Il existe aussi des animaux dans lesquels la bile de la vésicule est absolument distincte & séparée de celle que le foie fournit continuellement au conduit hépatique; parce que la vésicule n'a aucune communication avec ce canal: ensorte qu'il ne peut passer rien de l'un dans l'autre; cela est très ordinaire dans la plûpart des poissons, tels que l'anguille, l'alose, la perche, le loup, &c. On en trouve aussi des exemples parmi les oiseaux, dans la cicogne, &c. Il fuit donc de tout ce qui vient d'être dit sur ces variétés, que le foie sépare constamment de la bile, indépendamment de la vésicule du fiel; que celle-ci existe ou n'existe pas dans l'individu: ainsi, il y a lieu de croire que la bile hépatique est d'une nécessité plus générale que la cystique dans toute l'oeconomie animale. 8°. Mais ces deux biles ont-elles une origine différente? Il y a eu différens sentimens à cet égard, voy. Bile . Cependant que la bile de la vésicule lui soit portée par les conduits hépato-cystiques, ou qu'elle lui soit fournie par le reflux du conduit hépatique, il paroît tout simple de regarder avec Ruysch, ( observ. anat. 31. ) cette bile cystique, lorsqu'elle entre dans la vésicule, comme étant de la même nature que l'hépatique: mais elle change de qualité, & contracte une véritable altération par son séjour dans ce réservoir; elle y devient jaune, acre, rancide, amere; & elle acquiert plus de consistence, de ténacité, par la dissipation de ses parties séreuses, & la réunion de ses parties huileuses; effets qui doivent être attribués à la chaleur du lieu & à la disposition qu'ont toutes les humeurs animales à se trier, pour ainsi dire, par la tendance à l'adhésion des parties homogenes entr'elles; à perdre leur fluidité qu'elles ne doivent qu'au mouvement, à l'agitation; effets qui ont également lieu par rapport à la bile hépatique, si elle est empêchée de couler: si elle est retenue dans ses conduits excrétoires par quelque cause que ce soit, selon que Ruysch dit l'avoir observé, loco citato . Ainsi il n'y a pas d'autres raisons que celles qui viennent d'être rapportées, de la différence dans l'état naturel entre la bile cystique & la bile hépatique: ce qui arrive à celle-là lui est commun avec ce que l'on observe relativement à l'humeur cérumineuse des oreilles, qui a beaucoup d'analogie avec la bile, voyez Cérumineuse ( matiere ), & Cire des Oreilles . Il n'y a qu'une sorte de bile, dans tous les vaisseaux secrétoires du foie; elle est telle dans toutes les parties de ce viscere, qu'elle arrive dans le conduit hépatique: celle-ci qui forme la plus grande partie de l'humeur séparée, coule dans ce conduit sans avoir presque changé de qualité, respectivement à ce qu'elle étoit dans les pores biliaires, Malpighi, in posth. p. 47. Elle se rend ainsi du conduit commun aux deux biles, qui est le canal cholidoque, & se répand dans le duodenum. Ceux qui ont attribué à cette bile hépatique les qualités de la bile cystique, n'ont examiné celle-là qu'après son mélange avec celle-ci dans le canal cholidoque: telle a été la cause de l'erreur, à cet égard, de Bohnius & de plusieurs autres: on pourroit donc, pour éviter l'équivoque, appeller bile simplement celle que nous avons appellée hépatique , & laisser à la bile cystique le nom de fiel , que le vulgaire lui donne. 9°. Cette derniere distinction des deux biles étant posée, on doit remarquer que presque tous les auteurs, faute de l'avoir faite, ont confondu les qualités de ces deux humeurs, & n'ont parlé de leurs effets & de leur usage, que d'après l'idée qu'elles peuvent donner, lorsqu'elles ont été mêlées dans le canal cholidoque, & qu'elles sont ainsi versées dans les intestins. Mais puisqu'ils conviennent qu'elles n'y coulent pas toutes les deux continuellement; que la seule hépatique a un cours réglé, sans interruption; que la cystique n'y est portée que lorsque le follicule est exprimé, peu avant & pendant le travail de la digestion: ce qui est en effet prouvé par de nombreuses observations, desquelles il résulte que dans les cadavres d'hommes & d'animaux ouverts peu de tems après qu'ils avoient mangé, la vésicule n'a jamais été trouvée pleine; qu'il s'en falloit le plus souvent d'un tiers de sa capacité; qu'au contraire elle a toûjours été trouvée très-remplie & distendue, presque au point de crever, dans les animaux qui avoient été privés de manger long-tems avant la mort: c'est ce que rapportent entr'autres Riolan, Borelli, Lister, & Boerhaave; pourquoi n'a-t-on pas insisté sur la différence des qualités & des effets de la bile qui coule toûjours, & du fiel dont l'écoulement n'a qu'un tems? Il semble cependant que la considération de cette différence doit être importante pour l'intelligence de l'usage de ces deux biles, qui doit être différent par rapport à chacune d'elles. 10°. Riviere, dans ses institutes , semble avoir entrevû la distinction qu'il convient d'en faire, lorsqu'il établit qu'il y a deux sortes de biles, dont l'une est alibile , c'est-à dire recrémentitielle, & l'autre excrémentitielle: la premiere, selon cet auteur, est celle qui est la plus fluide, qui a très-peu d'amertume, & qui passe dans la masse des humeurs; ce qui convient à l'hépatique; & l'autre est moins fluide, plus amere, doüée de beaucoup d'acrimonie, qui sert à exciter le mouvement des boyaux à l'expulsion des matieres fécales avec lesquelles elle se mele, pour être portée hors du corps; effets qui désignent bien la bile cystique: aussi ne dit-il point de la premiere qu'elle vienne de la vésicule; il ne le dit que de la seconde. Ne seroit-on pas fondé à adopter la maniere dont cet auteur distingue les deux biles, c'est-à-dire en recrémentitielle & en excrémentitielle, si l'or fait attention à ce qu'enseigne l'expérience à l'égard du chyle, savoir qu'il n'est point amer dans les veines lactées, selon la remarque d'Hoffman? La bile cystique ne passe donc point avec lui dans ces veines, après avoir été mêlée avec la matiere du chyme, dans le canal intestinal. Il se fait donc une sorte de secrétion qui ne permet point aux parties ameres de la bile, de passer avec le suc des alimens: ces parties restent donc avec le marc, & se sont évacuées avec lui, comme excrémentitielles. Il ne paroît rien qui empêche de répondre affirmativement à toutes ces questions. Ainsi on peut regarder, avec Riviere, le fiel comme un excrément, mais qui est destiné à produire de bons effets dans les premieres voies, avant d'être porté hors du corps, tels que de diviser par sa qualité pénétrante les matieres muqueuses qui tapissent la surface intérieure des intestins; d'empêcher qu'elles ne s'y ramassent en trop grande abondance; de les détacher des parois du canal, & de découvrir ainsi les orifices des veines lactées: tout cela se fait pendant que la digestion s'opere dans l'estomac. Tous les organes qui doivent servir à cette fonction, se mettant en jeu en même tems, la vésicule du fiel entre aussi en contraction, exprime ce qu'elle contient; & la bile qui y étoit déposée coule dans les intestins, pour y préparer les voies à la continuation de la préparation du chyle, qui doit s'y perfectionner & s'y achever. L'écoulement de la bile cystique continue encore à se faire pendant cette derniere digestion, pour exciter de plus en plus l'action des boyaux, pour dissoudre par sa qualité savonneuse, plus éminente que dans la bile hépatique, les matieres grasses qui pourroient éluder l'action de celle-ci. Le fiel se mêle ainsi à la pâte alimentaire, & reste ensuite mêlé avec sa partie la plus grossiere, qui forme les excrémens; à laquelle il donne la couleur iaune plus ou moins foncée, qu'on y observe dans l'état naturel, les dispose à se corrompre plus promptement par la disposition qu'il y a lui-même, irrite ensuite les gros boyaux, jusqu'à ce que parvenus à l'extrémité du canal, ils soient poussés hors du corps. Voyez Déjection . 11°. Enfin il est important de remarquer encore dans un examen physiologique du foie , qu'il n'est aucun animal connu qui ne soit pourvû de ce viscere. Plus les autres visceres sont petits à proportion du sujet, plus le volume du foie est grand: c'est ce qui est démontré dans les poissons & dans les insectes. Les premiers n'ont point de poitrine; la capacité de l'abdomen en est d'autant plus étendue, & ce sont le foie & le pancréas qui la remplissent presqu'en entier, les boyaux en étant très peu considérables. Boerhaave a fait cette observation, particulierement dans le poisson appellé lamie . Mais il en est de même à l'égard de tous les autres poissons; on y trouve le foie intimement uni aux boyaux & lié à leur texture, de maniere qu'il en accompagne presque toutes les circonvolutions. Les quadrupedes, les oiseaux ont tous un foie , qui est dans tous d'un volume assez considérable, respectivement à chacun de ces animaux. Il s'y sépare dans tous de la bile, c'est-à-dire une humeur savonneuse, qui sans être amere dans tous, attendu qu'il en est plusieurs qui n'ont point de vésicule du fiel, ainsi qu'il a été dit ci-devant, a cependant les autres qualités de la bile, & un flux continuel. 12°. Il paroît surprenant que l'existence de cette humeur dans tout ce qui a vie, n'ait pas fait juger déterminément que le viscere qui la fournit doit être d'un usage plus étendu dans l'économie animale, que celui de servir seulement à la chylification. En effet ne peut-il pas être comparé avec fondement aux organes dont les fonctions influent sur toutes les parties du corps, tels que le cerveau & le poumon: ces deux organes-ci sont sans contredit chacun le viscere principal de la cavité où il est renfermé, l'un du ventre supérieur, l'autre du ventre moyen; ainsi l'on peut dire que le foie est le viscere principal du ventre inférieur. Le premier étend son action sur tous les solides qui sont susceptibles de sentiment & de mouvement; le second filtre toute la masse des humeurs, & leur fait éprouver la plus grande élaboration qu'elles puissent recevoir en commun; le troisieme fournit à cette masse un fluide reconnu pour avoir la propriété d'opérer de grands effets dans les premieres voies, par sa qualité dissolvante de séparer les parties homogenes des sucs alimentaires, d'en briser la viscosité, la tenacité, de les rendre miscibles avec des parties respectivement hétérogenes: pourquoi ne pourroit-on pas étendre ces effets jusque dans les secondes voies, & dans toute la distribution des fluides du corps animal, de maniere à regarder la bile comme étant la liqueur balsamique, le menstrue sulphureux, qui conserve ces fluides dans l'état de dissolution convenable, qui les rend propres à couler dans tous les vaisseaux, & à être distribués dans toutes les parties du corps; ensorte que le récrément que fournit le foie à la masse des humeurs seroit à cette masse, par ses effets physiques, ce que lui sont les poumons par leur action méchanique? Ainsi on pourroit dire que l'analogie semble concourir avec l'observation fournie par l'histoire naturelle des animaux, à établir l'influence générale du foie sur toute l'économie animale. En effet l'existence de ce viscere, commune à tous les êtres qui ont vie, dont on a pû étudier la structure (quelque différence qu'il y ait d'ailleurs dans leur organisation), n'annonce-t-elle pas cette universalité d'usages, cette necessité qui s'étend à tout le corps animé? & la propriété dissolvante qui vient d'être attribuée à la production du foie , portée dans toute la masse des humeurs, ne paroît elle pas prouvée par la considération que ce viscere est d'un volume d'autant plus grand dans les animaux, qu'ils ont leurs humeurs plus disposées à perdre leur fluidité, ainsi qu'on l'observe, sur tout dans les poissons, où elles sont extrèmement visqueuses, glutineuses; que cette humeur manque dans quelques animaux, quant à la partie qui ne coule que dans le tems de la digestion, dans ceux qui ont une vésicule du fiel, mais qu'elle se trouve dans tous, quant à la partie dont le flux est continuel & qui ne cesse d'étre portée dans la masse des humeurs? On ne peut donc pas se refuser raisonnablement à ces conséquences. Le foie doit donc être rangé parmi les visceres principaux, parmi ceux dont les usages sont généraux. Le cerveau, les poumons & le soie , sont les seuls qui reglent toute l'économie animale; les autres visceres ont des usages bornés, particuliers: ce seroit ranger le foie parmi ceux-ci, & n'admettre dans le bas-ventre aucun organe principal, de n'attribuer à ce viscere que des fonctions limitées, relatives à la seule digestion, & de ne pas porter plus loin ses vùes à l'égard d'une partie aussi importante. La considération de la maniere dont influent sur toutes les humeurs les vices qui peuvent affecter cette partie, doit achever de convaincre que le récrément qu'elle fournit est d'une utilité & d'une nécessité generale: effectivement la secrétion de la bile vient-elle à être diminuée, ou sa qualite dissolvante vient-elle à être altérée, affoiblie; il s'ensuit des obstructions, des engorgemens dans les autres organes secretoires, des embarras dans toute la circulation dans le cours des humeurs; & si au contraire la bile vient à être séparée, à être portée dans la masse des humeurs, à y refluer en trop grande quantité, il en résulte trop de fluidité, de division dans tous les fluides qui causent la decomposition des globules du sang, leur dissolution en globules séreux, jaunes; d'ou s'ensuivent les hémorrhagies, la jaunisse; d'où se forment les hydropisies; d'où tirent leur cause les sueurs hectiques, les diarrhées colliquatives, les diabetes, ou toutes autres évacuations excessives qui ont rapport à celles-là, c'est à-dire qui proviennent du defaut de consistance des fluides, à raison de laquelle ils ne peuvent pas être retenus dans les vaisseaux qui leur sont propres; ils s'échappent par erreur de lieu, par anastomose, &c. & sont versés dans quelques cavités sans issue, ou portés tout-de-suite hors du corps. Voyez Foie ( maladies du ), Jaunisse , Obstruction , Hémorrhagie , Hydropysie , &c. 13°. Il suit de tout ce qui vient d'être dit pour établir que les effets de la bile portent sur toute la masse des humeurs, & que c'est-là son usage principal, & non pas de servir seulement dans les premieres voies en qualité de suc digestif, que ce dernier usage n'est que comme accessoire à celui pour lequel elle est essentiellement destinée: que dans le tems de la digestion, en tant qu'elle se méle avec les sucs alimentaires, cet usage secondaire n'est que le commencement de son exercice, & concourt à leur élaboration; exercice qui hors le tems de la digestion ne commence que par son mélange avec la lymphe des veines lactées, dont la bile tient les orifices toûjours ouverts en y pénétrant continuellement. Or puisqu'il est convenu que la bile a un flux continuel dans les intestins, qu'elle est continuellement portée dans la masse des humeurs par les voies du chyle; pourquoi les Physiologistes insistent-ils à ne regarder ce récrément que comme un suc digestif, principalement destine à la chylification? N'est-il donc, selon eux, d'aucun usage, quand il n'est pas employé pour celui-là, c'est-à-dire quand il n'y a pas des alimens dans les intestins? Concluons qu'ils ont été tout-au-moins inconséquens à cet égard, s'ils ont entrevû un usage plus genéral de la bile, sans le désigner expressément; ce qui a pû être une cause de bien des erreurs dans la théorie & la pratique médicinale, dans lesquelles les vraies connoissances des qualités de la bile & de ses effets doivent joüer un si grand rôle. 14°. Le cours de la bile, en tant qu'elle passe du foie par les premieres voies dans les secondes, & se méle à toute la masse des humeurs, n'est pas la seule route qu'elle tienne. Il est très-vraissemblable que comme une portion du chyle pénetre dans les veines mesaraïques, pour se mêler avec le sang de la veineporte (ce qui n'est guere contesté), sans doute pour en corriger la rancescence dominante; de même il passe avec le chyle une portion de bile, qui retourne ainsi dans le foie avec les qualités qu'elle y a acquises, & qu'elle n'a eu completement qu'à la sortie de ce viscere, c'est-à-dire lors de son excretion: ensorte que cette portion du récrément hépatique va opérer immédiatement sur le sang veineux & concrescible de la veine-porte, ses effets dissolvans qui paroissent y être plus nécessaires que dans aucune autre partie du corps. Cette assertion semble pouvoir être mise hors de doute par l'observation de Vanhelmont ( Sextu. digest. ), & de plusieurs autres, qui ont trouvé que le sang des veines mésentériques est d'une qualité différente de celui des autres veines, qu'il n'est pas aussi susceptible de se coaguler, & qu'il est d'un rouge moins foncé; ce qu'il faut moins attribuer au mélange du chyle, qu'à celui de la bile, qui par sa qualite pénétrante est plus propre à produire cet effet que le suc des alimens, qui par lui-même seroit au contraire disposé à diminuer la fluidité des humeurs aux quelles il se mele. Il suit donc de cette seconde destination de la bile, que l'on peut concevoir une espece de circulation d'une partie de ce récrément, qui etant sortie du foie pour être versée dans le canal intestinal, retourne au foie , étant absorbée, reprise par les veines du mesentere, & renouvelle continuellement ce cours pour l'usage qui vient d'être assigné; usage d'une aussi grande conséquence pour conserver la fluidité des humeurs dans les ramifications de la veine porte, que le mélange de la même bile à la masse des humeurs en général, est nécessaire pour les disposer à couler librement dans tous les vaisseaux du corps. Voyez sur cette propriété absorbante des veines mésentériques, les articles Veine & Mésentérique . 15°. Il reste encore à observer sur l'usage du récrément fourni par le foie , que son efficacité ne se borne pas à entretenir les qualités nécessaires dans les fluides animaux; qu'elle opere aussi sur les solides, non-seulement dans les premieres voies, en excitant, a nsi qu'il a été dit ci devant, le mouvement, l'action du canal intestinal, mais encore dans tout le systeme des vaisseaux sanguins & autres. Les humeurs imprégnées de la bile, portée dans les secondes voies avec le chyle qui en renouvelle la masse, sont pour ainsi dire armées d'une qualite stimulante dont l'effet, par leur seule application aux parois des vaisseaux, est d'en exciter l'irritabilité, d'en ranimer continuellement l'action systaltique; ce qui concourt à entretenir l'agitation, & conséquemment la fluidité des humeurs, ensorte que la bile sert de deux manieres à cette fin, en tant que meêlée avec elles, sa qualité physique dissolvante opere immédiatement, & que par le moyen de la propriété stimulante, elle fait agir les puissances méchaniques qui sont les principaux instrumens que la nature employe pour conserver cette fluidité. Le plus ou le moins d'activité dans la bile, considérée sous ce dernier rapport, doit donc influer plus ou moins sur le jeu des solides en général; sur l'exercice de toutes les fonctions, & particulierement de celles qui dépendent davantage de la disposition qu'ont les organes à l'irritabilité: cette activité doit donc décider beaucoup dans tous les animaux, pour former leur caractere, leur penchant dominant; mais dans l'homme sur-tout, quant au physique des inclinations, des passions, puisqu'elle le rend susceptible d'impressions plus ou moins vives par-tout ce qui l'affecte, soit au-dehors, soit au-dedans de la machine, & par-tout ce qui lui procure des perceptions, soit par la voie des sens, soit par celle de l'imagination. La bile contribue donc essentiellement à etablir la différence des tempéramens; ce qui est conforme à l'idée qu'en avoient les anciens. Voyez Tempérament , Passion . Ensorte que la bile doit être regardée comme une cause universelle, c'est-à-dire qui s'étend à tout dans toute l'économie animale. C'est donc avec bien de la raison, que les Medecins la regardent aussi comme une des causes générales de lésions dans cette même économie, par les vices que peut contracter cette production du foie , soit par ceux du sang qui fournit la matiere de la secrétion de ce viscere, soit par ceux des organes qui préparent & qui operent cette secrétion. Voyez ci-après Foie ( Maladies du ). ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foie (Maladies du) Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foie Foie ( Maladies du ). La connoissance de la structure de ce viscere, des différens vaisseaux qui sont distribués dans sa substance, de la singularité du cours du sang qu'il reçoit, des différens visceres qui préparent, fournissent ce sang; de ses differentes qualités; de la fonction principale à laquelle il est destiné, par consequent de la secrétion qui s'y fait, & de la nature de l'humeur qui résulte de cette secrétion; cette connoissance, dis-je, bien établie, doit suffire pour inférer que le soie est non-seulement susceptible de toutes les lésions dont peuvent être affectés tous les autres organes du corps, mais qu'il est pius disposé qu'aucun autre à contracter les différens vices qui constituent ces lésions. En effet comme il n'est aucune maladie qui ne doive sa cause à l'action trop forte ou trop foible des solides, à l'excès ou au défaut de mouvement des humeurs, à leur fluidité trop augmentée ou trop diminuée; il est aisé de conclure de tout ce qui a été expose ci-devant concernant le foie , que tous ces différens vices peuvent avoir lieu plus facilement dans ce viscere, que dans tout autre; ce qu'il seroit d'ailleurs trop long de prouver en détail: ainsi il suffira de la faire ici par des généralités qui donneront occasion d'indiquer les articles, dans lesquels il est suppleé à la briéveté de celui-ci. 1°. Les vaisseaux qui entrent dans la composition du foie étant la plûpart veineux, destinés cependant à faire les fonctions d'artere sans avoir des tuniques d'une force proportionnée, doivent, tout étant égal, avoir plus de disposition à pécher par le défaut de force élastique & systaltique; & à plus forte raison, si l'on a égard à ce que les fluides contenus dans ces vaisseaux sont plus éloignés que dans aucune autre partie du corps, de la puissance impulsive, conservent très-peu du mouvement qu'ils en ont reçu, & le perdent de plus en plus par l'effet des résistances qu'ils éprouvent à être portes une seconde sois dans des vaisseaux de ferme artérielle, sans être aides par l'action immédiate d'aucun muscle; action qui est d'un si gran l secours ailleurs pour entretenir la fluidité & le cours du sang dans les veines: de ce défaut peuvent suivre des engorgemens, des dilatations forcées, des ruptures de vaisseaux; d'où peuvent résulter des effusions de sang dans les pores biliaires, & de-là dans les intestins, d'où se forme ce qu'on appelle flux hépatique . 2°. Les vaisseaux artériels qui sont distribués en petit nombre dans la substance du foie , participent à proportion aux mêmes vices que les vaisseaux veineux, à cause de la mollesse de ce viscere qui ne leur fournit pas de point d'appui propre à s'opposer à leur engorgement, qui peut être suivi des mêmes effets que dans tous autres vaisseaux de ce genre. 3°. L'on peut néanmoins concevoir qu'une partie des vaisseaux du foie est susceptible de pécher par trop d'action, & sont les vaisseaux colatoires de la bile, qui étant très-irritables, peuvent recevoir aisement de fortes impressions de la moindre acrimonie contractée par ce récrément; ou de la trop grande irritation des parties voisines du foie , telles que l'estomac, les boyaux, causée par l'action trop violente de quelque médicament vomitif, purgatif: ou de l'éréthisme général, effet de la colere ou de toute autre passion violente, qui ébranle fortement le genre nerveux, &c. ce qui donne souvent lieu à des constrictions spasmodiques, convulsives, qui expriment trop fortement, trop promptement ce fluide, lequel étant versé dans le canal intestinal, continue à porter des impressions irritantes qui causent des douleurs d'entrailles, des diarrhées, des tenesmes, des dyssenteries; & ensuite étant porté dans le sang, augmente son alkalescence naturelle, stimule tous les vaisseaux. les fait agir avec plus de force; d'où suit une augmentation de mouvement & de chaleur qui constitue le genre de fievre qu'on appelle ardente, bilieuse ( Voyez les articles de ces différentes maladies); ces irritations donnent lieu à des étranglemens qui arrêtent le cours de la bile, la détournent de la voie qui la porte dans les intestins, la font refluer dans les racines de la veine-cave, &c. d'où suivent les mêmes effets qui seront attribués aux vices de la bile, considérée comme péchant par trop de consistance. 4°. Ces différens vices dans les solides doivent contribuer d'autant plus facilement à en procurer aux fluides, que ceux-ci sont plus disposés à en contracter; en effet la quantité du sang de la plûpart des vaisseaux du foie (c'est-à-dire de toute la distribution de la veine-porte) lui étant commune avec celle du sang de toutes les veines du corps moins fluides, moins propres à couler dans les vaisseaux capillaires que le sang des arteres, destine cependant à être porté dans les divisions d'un vrai systeme artériel; ce sang doit avoir bien plus de difficulté à pénétrer dans ses vaisseaux: plus de tendance à s'y arrêter, à y former des embarras, des engorgemens, à s'y corrompre, qu'il n'y a lieu à de pareils effets dans les autres parties du corps. 5°. Le vrai sang artériel du foie doit aussi avoir plus de disposition (tout étant égal) à s'épaissir, à être filtré difficilement dans les passages étroits des arteres, dans les veines correspondantes, qu'il n'arrive dans les autres extrémités artérielles, à cause de la mollesse du viscere: d'où peuvent s'établir de vraies causes d'inflammation & de ses suites. Voyez Hépatique . 6°. La bile elle-même, à cause de la lenteur de son cours dans l'état naturel où elle n'a point d'acrimonie qui excite l'action des vaisseaux qui lui sont propres, doit être susceptible de perdre aisément sa fluidité nécessaire, par la disposition qu'ont ses parties intégrantes homogenes à se réunir entr'elles, à se séparer par conséquent des hétérogenes; à former des concretions de différentes natures, huileuses, salines, terreuses, conformément à ses différens principes & à celui d'entr'eux qui est dominant ( voyez Bile ): d'où naissent des obstructions, des matieres gypseuses, graveleuses, qui étant fixées dans les vaisseaux secretoires, forment des tubercules; ou qui étant portées dans les vaisseaux excrétoires, dans la vésicule, grossissent & forment de vrais calculs, voyez Pierre ( Medec. ): d'où selon leur nombre, leur different siége & leur différente figure, plus ou moins propre à irriter les parties contenantes, à comprimer les parties ambiantes, suivent les arrêts des humeurs de toute espece dans différens points, différente étendue de ce viscere; l'empêchement de la secrétion de la bile dans les parties obstruées; le reflux de ce récrément dans la masse des humeurs; la couleur plus ou moins jaune, communiquée à toute la sérosité de cette masse; si ce reflux est fait de la bile cystique, qui, eu égard à ce qu'elle ne peut être fournie qu'en petite quantité, agit plûtôt comme colorante que comme dissolvante; ou la decomposition du sang en globules jaunes, si c'est de la bile hépatique, qui peut refluer assez abondamment, pour agir comme fondante avec plus d'activité, que lorsqu'en passant par les premieres voies, elle perd de son énergie en se mêlant avec le chyle ou la lymphe; ensorte qu'il s'ensuit de-là des icteres de differente espece, des dissolutions générales d'humeurs, des hydropisies universelles ou particulieres, selon que les lésions de l'équilibre dans les solides, sont plus ou moins étendues; V. Jaunisse , Hydropisie , Leucophlegmatie , Anasarque , OEdème , Equilibre 7°. Ces differens vices du foie dans ses solides & dans ses fluides peuvent être non-seulement idiopatiques, mais encore sympathiques; c'est à-dire qu'ils peuvent être produits immediatement dans ce viscere même, ou dependre de ceux des autres visceres qui contribuent aux fonctions du foie; ainsi la rate ne peut pas être lésée dans les siennes, sans que le foie s'en ressente: parce que si le sang qu'elle fournit à celui-ci, n'est pas preparé convenablement, le sang de la veine-porte manque des dispositions necessaires, pour qu'il puisse pénétrer dans la substance du foie , & fournir la matiere de la bile. Il en est de même de l'omentum; si les sucs huileux qu'il envoye au foie sont trop ou trop peu abondans, sont trop exaltés ou trop concrescibles, la secrétion de la bile se fait imparfaitement, péche par la qualité ou par la quantité: ainsi des autres visceres dont le sang est porté dans le foie; ils influent sur celui-ci à proportion de l'importance du rapport qu'ils ont avec lui. 8°. Les différens vices du poumon même, quoiqu'il n'ait aucune communication immediate avec le foie , peuvent aussi contribuer aux lesions des fonctions de ce dernier; si le viscere de la poitrine est affoibli, travaille mal le chyle pour le convertir en sang, la portion de celui ci, qui doit être distribuée au foie , manque des parties intégrantes nécessaires pour la formation d'une bile de bonne qualité; le récrement qui en résulte n'a point d'activité, relàche ses conduits au lieu d'en exciter la réaction, les engorge, & ne coule point dans les boyaux; ou s'il y appartient, il n'y peut servir à la préparation du chyle: il ne peut agir comme dissolvant, n'ayant po nt d'énergie pour cet effet; il n'en a pas plus étant porté dans la masse du sang, où il ne remplit pas mieux sa destination, manquant également quant à sa faculté dissolvante & quant à sa qualité stimulante: la partie cystique étant à proportion aussi peu active, n'opere pas davantage; elle laisse les premieres voies se decharger de mucosités, de glaires; elle n'excite point le canal intestinal à se décharger, à se vuider des excremens, &c. tels sont les vices de la bile dans la chlorose & dans toutes les maladies où la sanguification ne se fait pas bien par le défaut d'action dans les solides du poumon, & de leur debilité générale. Voyez Pales Couleurs , Débilité , Fibre De cette exposition sommaire des principaux vices que le foie est susceptible de contracter & des effets qui s'ensuivent, on peut tirer cette consequence, que ce viscere peut être le siege d'un très grand nombre de maladies tant aigues que chroniques, ou de leurs causes disponentes: c'est cette consideration qui a fait dire à Sthaal que la veine-porte est la source d'une infinite de maux, vena porta porta malorum; que le foie est moins sujet aux maladies inflammatoires que les autres visceres, attendu qu'il reçoit peu d'arteres dans sa substance, & que le mouvement du sang dans les ramifications de la veine-porte est trop lent pour produire des engorgemens inflammatoires, excepte lorsqu'il est assez échauffé, assez acrimonieux pour exciter un mouvement extraordinaire dans ses vaisseaux; que sa disposition la plus dominante est, à raison de cette même lenteur dans le cours de ses humeurs, d'être le foyer de la plûpart des maladies chroniques, qui peuvent avoir des paroxismes très-aigus, accompagnes de violentes douleurs, qui peuvent causer de proche en proche un desordre général dans toutes les fonctions, en tant qu'elles occasionnent des vices dans les premieres voies, qui ne sont pas réparables dans les secondes; qu'elles privent celles-ci du correctif necessaire pour l'entretien de la fluidité naturelle des humeurs, ou qu'elles ne le fournissent qu'avec des imperfections qui le rendent plus nuisible qu'utile. Enfin de cent maladies chroniques, comme dit Boerhaave ( instit. comment. § 350. ), à peine en trouve-t-on une dont la cause n'ait pas son siege principal dans le foie , c'est-à-dire dans la distribution de la veine-porte ou dans les colatoires de la bile (car les maladies qui ont leur siege dans l'artere hépatique, n'ont presque rien de particulier qui soit applicable ici); & ce qui est bien mortifiant pour ceux qui exercent l'art de guérir, c'est que selon le même auteur ( ibid. ), on peut compter mille cures de maladies aigues, tandis qu'on a peine à en observer une parfaite des differentes maladies du foie , ou qui dépendent des vices de ce viscere: telles que la jaunisse, les obstructions de rate, l'hydropisie, &c. La raison qu'il donne de la difficulte qu'il y a à guerir ces dernieres, c'est que les médicamens qui doivent être portés dans le foie pour y operer les changemens salutaires, pour y corriger les vices dominans, pour y resoudre les obstructions, p. e. ont une si longue route à faire, en suivant le cours ordinaire des humeurs, des vaisseaux lactes au coeur, du coeur au poumon, de celui-ci de nouveau au coeur, dans l'aorte, dans les arteres coeliaques mésentériques, dans toute leur distribution, pour passer dans les veines, se rendre dans le sinus de la veine-porte, pour en suivre les ramifications jusqu'aux differens points ou est formé l'embarras; quelquefois jusque dans les conduits biliaires, s'il y a son siege: il n'est donc pas étonnant qu'il se trouve peu de remedes qui puissent parcourir une si longue suite de vaisseaux à-travers tant de détours, se mêler avec tant d'humeurs différentes, & arriver après tant de circuits, au lieu de leur destination, sans rien perdre de leur propriété. On peut ajoûter que les forces de la nature qui operent le plus souvent sans secours, les crises dans les autres parties du corps, manquent dans le foie , & ce défaut suffit pour rendre peu efficaces les secours les mieux appliqués. Les impulsions du coeur ne peuvent pas étendre leur effet à une si grande distance; la force systaltique des arteres n'a pas lieu non plus dans la plus grande partie de ce viscere, qui est occupée par les divisions de la veine-porte; c'est cependant cette force systaltique qui est le grand instrument que la nature employe pour operer la resolution, les changemens les plus salutaires, dans les engorgemens inflammatoires, pour forcer les vaisseaux engorgés à se dilater outre mesure, & à se rompre pour donner issue à la matiere obstruante , lorsqu'elle ne peut pas être atténuée, reprendre sa fluidité & son cours, & qu'elle ne peut être tirée autrement des vaisseaux où elle est retenue, ainsi qu'il arrive dans la péripneumonie, où les crachats sanglans dégagent par cette évacuation forcée la partie enflammée. Il ne peut arriver rien de semblable dans le foie , à l'égard de la plûpart des humeurs qui sont portées dans sa substance, à cause de la lenteur avec laquelle elles coulent, & du peu de mouvement excédent qui peut leur être communiqué; en un mot à cause de la disposition dominante qui se trouve dans les solides & dans les fluides à favoriser la formation des obstructions, à les laisser subsister, & à les augmenter par tout ce qui est le plus propre à cet effet. Voyez Obstruction . Il n'y a donc d'autre moyen à tenter, pour parvevir à détruire ces causes morbifiques, que celui de faire naître un petit mouvement de fievre dans toute la machine, qui puisse atténuer les humeurs portées au foie , & les disposer pour ainsi dire à détremper, à pénétrer les humeurs stagnantes, à les ébranler, & à les emporter dans ce torrent de la circulation: c'est donc une méthode bien pernicieuse & bien contraire, que de traiter ce genre de maladie avec le quinquina, puisqu'il tend à supprimer la fievre, qui est le principal agent que la nature & l'art puissent employer pour dissiper les obstructions du foie; mais les effets de la fievre peuvent être considérablement aidés par l'usage du petit-lait & de tous autres médicamens liquides atténuans, qui soient susceptibles d'être poussés du canal intestinal dans les veines mésentériques, & portés de-là au foie , ce qui est la voie la plus courte, sans passer le grand chemin du cours des humeurs; afin qu'ils parviennent à leur destination avant d'avoir perdu leurs propriétés, leurs forces. C'est par ces raisons qu'on peut utilement employer dans ces cas la décoction de chiendent, des bois legerement sudorifiques ou incisifs, sur-tout les eaux minérales dites acidules , tous ces médicamens en grande quantité: ce sont presque les seuls qui conviennent aux embarras du foie , & qui ne nuisent pas, s'ils ne peuvent pas être utiles; mais il faut en accompagner l'usage d'un exercice modéré, de l'équitation, des promenades, des voyages en voiture. Voilà sommairement tout ce qu'on peut dire de la cure des principales maladies propres au foie , qui ont presque toutes cela de commun, d'être causées par des obstructions de ce viscere; il n'y a que le différent siége de ces obstructions dans ses différentes parties, qui fait varier les symptomes & la dénomination de ces maladies, dont la nature de cet ouvrage ne permettroit pas de donner ici une histoire théorique & pratique plus étendue, sans s'exposer à des répétitions dans les articles particuliers où il en est traité, auxquels il a été renvoyé. Voyez aussi Mélancolie , Hypochondriaque . ( Passion. ) Quant aux auteurs qui ont traité de la physiologie & de la pathologie du foie , de ses maladies & de leur cure, d'une maniere qui ne laisse rien à desirer, voyez entr'autres les oeuvres de Bonh, celles d'Hoffman, passim , & sur-tout sa dissertation de bile medicinâ & veneno corporis: les oeuvres de Boerhaave, instit. comment . Haller, de actione hepatis, de actione bilis utriusque, & aphor. de cognoscendis & curandis morbis: Comment . Wanswieten, t. III. de hepatitide & ictero multiplici . Voyez encore les essais de Physique sur l'anatomie d' Heister, au chap. de l'action du foie . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foie des Animaux Author=Venel Normalized Classification=Diète | Matière médicale Part of Speech=NA Foie des Animaux Foie des Animaux , ( Diete & Mat. méd. ) est un aliment généralement reconnu pour mal sain & difficile à digérer: ce reproche tombe principalement sur le foie des gros animaux, boeuf, veau, mouton, cochon; ceux des canards, oies, poulardes, pigeons, & autres volailles engraissées, appellés dans nos cuisines foies gras , sont un aliment de moins difficile digestion, dont il faut cependant interdire l'usage aux convalescens & à ceux qui ont l'estomac mauvais. Les gens qui se portent bien se priveroient sur une crainte frivole d'un aliment très-agréable au goût, en renonçant aux foies , & sur-tout aux foies gras . Les séveres lois de la diete sur le choix des alimens, ne sont pas faites pour eux; ils se conduiront assez médicinalement, s'ils obéissent à un seul de ses préceptes, au précepte majeur: premier, universel, à celui de la sobriété. Voyez Régime . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foie de Soufre Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Foie de Soufre Foie de Soufre , ( Chimie. ) Voyez Soufre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foie d'Antimoine Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Foie d'Antimoine Foie d'Antimoine , ( Chimie. ) Voyez Antimoine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foie d'Arsenic Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Foie d'Arsenic Foie d'Arsenic , ( Chimie. ) Voyez Orpiment . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOIER FOIER, Voyez Foyer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIN Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.m. FOIN FOIN, s. m. ( Jardinage. ) ce terme exprime toute l'herbe qui couvre une prairie. On dit, une piece de foin, un arpent de soin: mais à proprement parler, on entend par le mot de foin , l'herbe seche qui sert de nourriture aux bestiaux. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foin Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège. Maréchallerie Part of Speech=NA Foin Foin , ( Manége. Maréchall. ) aliment ordinaire du cheval: la quantité en est nuisible à l'animal, principalement aux vieux chevaux, qu'elle conduit à la pousse. On doit faire une attention exacte à la qualité du foin; elle varie selon la situation & la nature du terrein & des prés où on l'a cueilli. Le foin vasé, le foin nouveau, le foin trop gros, le foin pourri, &c. ne peut être que pernicieux au cheval. Voyez Fourrage . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foins Author=unknown Normalized Classification=Chasse Part of Speech=NA Foins Foins , ( Chasse. ) La conservation d'une certaine espece de gibier, a occasionné sur la fenaison un réglement qui n'a rien d'injuste, si l'on dédommage les particuliers toutes les fois qu'il leur est nuisible. Il est défendu à toutes personnes ayant iles, prés, & bourgognes sans clôture dans l'étendue des capitaineries de Saint-Germain-en-Laye. Fontainebleau, Vincennes, Livry, Compiegne, Chambort, & Varenne du Louvre, de les faire faucher avant le jour de Saint-Jean-Baptiste, à peine de confiscation & d'amende arbitraire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIRE Author=Turgot5 Normalized Classification=Commerce | Politique Part of Speech=s.f. FOIRE FOIRE, s. f. ( Comm. & Politiq. ) ce mot qui vient de forum , place publique, a été dans son origine synonyme de celui de marché , & l'est encore à certains égards: l'un & l'autre signifient un concours de marchands & d'acheteurs; dans des lieux & des tems marqués; mais le mot de foire paroît présenter l'idée d'un concours plus nombreux, plus solennel, & par conséquent plus rare. Cette différence qui frappe au premier coup-d'oeil, paroît être celle qui détermine ordinairement dans l'usage l'application de ces deux mots; mais elle provient elle-même d'une autre différence plus cachée, & pour ainsi dire plus radicale entre ces deux choses. Nous allons la développer. Il est évident que les marchands & les acheteurs ne peuvent se rassembler dans certains tems & dans certains lieux, sans un attrait, un intérêt, qui compense ou même qui surpasse les frais du voyage & du transport des denrées; sans cet attrait, chacun resteroit chez soi: plus il sera considérable, plus les denrées supporteront de longs transports, plus le concours des marchands & des acheteurs sera nombreux & solennel, plus le district dont ce concours est le centre, pourra être étendu. Le cours naturel du commerce suffit pour former ce concours, & pour l'augmenter jusqu'à un certain point. La concurrence des vendeurs limite le prix des denrées, & le prix des denrées limite à son tour le nombre des vendeurs: en effet, tout commerce devant nourrir celui qui l'entreprend, il faut bien que le nombre des ventes dédommage le marchand de la modicité des profits qu'il fait sur chacune, & que par conséquent le nombre des marchands se proportionne au nombre actuel des consommateurs, ensorte que chaque marchand corresponde à un certain nombre de ceux-ci. Cela posé, je suppose que le prix d'une denrée soit tel que pour en soûtenir le commerce, il soit nécessaire d'en vendre pour la consommation de trois cents familles, il est évident que trois villages dans chacun desquels il n'y aura que cent familles, ne pourront soûtenir qu'un seul marchand de cette denrée; ce marchand se trouvera probablement dans celui des trois villages, où le plus grand nombre des acheteurs pourra se rassembler plus commodément, ou à moins de frais; parce que cette diminution de frais fera préférer le marchand établi dans ce village, à ceux qui seroient tentés de s'établir dans l'un des deux autres: mais plusieurs especes de denrées seront vraissemblablement dans le même cas, & les marchands de chacune de ces denrées se réuniront dans le même lieu, par la même raison de la diminution des frais, & par ce qu'un homme qui a besoin de deux especes de denrées, aime mieux ne faire qu'un voyage pour se les procurer, que d'en faire deux; c'est réellement comme s'il payoit chaque marchandise moins cher. Le lieu devenu plus considérable par cette réunion même des différens commerces, le devient de plus en plus; parce que tous les artisans que le genre de leur travail ne retient pas à la campagne, tous les hommes à qui leur richesse permet d'être oisifs, s'y rassemblent pour y chercher les commodités de la vie. La concurrence des acheteurs attire les marchands par l'espérance de vendre; il s'en établit plusieurs pour la même denrée. La concurrence des marchands attire les acheteurs par l'espérance du bon marché; & toutes deux continuent à s'augmenter mutuellement, jusqu'à ce que le desavantage de la distance compense pour les acheteurs éloignés le bon marché de la denrée produit par la concurrence, & même ce que l'usage & la force de l'habitude ajoûtent à l'attrait du bon marché. Ainsi se forment naturellement différens centres de commerce ou marchés, auxquels répondent autant de cantons ou d'arrondissemens plus ou moins étendus, suivant la nature des denrées, la facilité plus ou moins grande des communications, & l'état de la population plus ou moins nombreuse. Et telle est, pour le dire en passant, la premiere & la plus commune origine des bourgades & des villes. La même raison de commodité qui détermine le concours des marchands & des acheteurs à certains lieux, le détermine aussi à certains jours, lorsque les denrées sont trop viles pour soûtenir de longs transports, & que le canton n'est pas assez peuplé pour fournir à un concours suffisant & journalier. Ces jours se fixent par une espece de convention tacite, & la moindre circonstance suffit pour cela. Le nombre des journées de chemin entre les lieux les plus considérables des environs, combiné avec certaines époques qui déterminent le départ des voyageurs, telles que le voisinage de certaines fêtes, certaines échéances d'usage dans les payemens, toutes sortes de solennités périodiques, enfin tout ce qui rassemble à certains jours un certain nombre d'hommes, devient le principe de l'établissement d'un marché à ces mêmes jours; parce que les marchands ont toûjours intérêt de chercher les acheteurs, & réciproquement. Mais il ne faut qu'une distance assez médiocre pour que cet intérêt & le bon marché produit par la concurrence, soient contrebalancés par les frais de voyage & de transport des denrées. Ce n'est donc point au cours naturel d'un commerce animé par la liberté, qu'il faut attribuer ces grandes foires , où les productions d'une partie de l'Europe se rassemblent à grands frais, & qui semblent être le rendez-vous des nations. L'intérêt qui doit compenser ces frais exorbitans, ne vient point de la nature des choses; mais il résulte des priviléges & des franchises accordées au commerce en certains lieux & en certains tems, tandis qu'il est accablé par-tout ailleurs de taxes & de droits. Il n'est pas étonnant que l'état de gêne & de vexation habituelle dans lequel le commerce s'est trouvé long-tems dans toute l'Europe, en ait déterminé le cours avec violence dans les lieux où on lui offroit un peu plus de liberté. C'est ainsi que les princes en accordant des exemptions de droits, ont établi tant de foires dans les differentes parties de l'Europe; & il est évident que ces foires doivent être d'autant plus considérables, que le commerce dans les tems ordinaires est plus surchargé de droits. Une foire & un marché sont donc l'un & l'autre un concours de marchands & d'acheteurs, dans des lieux & des tems marqués; mais dans les marchés, c'est l'intérêt réciproque que les vendeurs & les acheteurs ont de se chercher; dans les foires , c'est le desir de joüir de certains priviléges qui forme ce concours: d'où il suit qu'il doit être bien plus nombreux & bien plus solennel dans les foires . Quoique le cours naturel du commerce suffise pour établir des marchés, il est arrivé, par une suite de ce malheureux principe, qui dans presque tous les gouvernemens a si long-tems infecté l'administration du Commerce, je veux dire la manie de tout conduire, de tout regler, & de ne jamais s'en rapporter aux hommes sur leur propre intérêt; il est arrivé, dis-je, que pour établir des marchés, on a fait intervenir la police; qu'on en a borné le nombre, sous prétexte d'empêcher qu'ils ne se nuisent les uns aux autres; qu'on a défendu de vendre certaines marchandises ailleurs que dans certains lieux désignés, soit pour la commodité des commis chargés de recevoir les droits dont elles sont chargées, soit parce qu'on a voulu les assujettir à des formalités de visite & de marque, & qu'on ne peut pas mettre par-tout des bureaux. On ne peut trop saisir toutes les occasions de combattre ce système fatal à l'industrie, il s'en trouvera plus d'une dans l'Encyclopédie. Les foires les plus célebres sont en France celles de Lyon, de Bordeaux, de Guibray, de Beaucaire, &c. En Allemagne, celles de Leipsic, de Francfort, &c. Mon objet n'est point ici d'en faire l'énumération, ni d'exposer en détail les priviléges accordés par différens souverains, soit aux foires en général, soit à quelques foires en particulier; je me borne à quelques réflexions contre l'illusion assez commune, qui fait citer à quelques personnes la grandeur & l'étendue du commerce de certaines foires , comme une preuve de la grandeur du commerce d'un état. Sans doute une foire doit enrichir le lieu où elle se tient, & faire la grandeur d'une ville particuliere: & lorsque toute l'Europe gémissoit dans les entraves multipliées du gouvernement féodal; lorsque chaque village, pour ainsi dire, formoit une souveraineté indépendante; lorsque les seigneurs renfermés dans leur château, ne voyoient dans le Commerce qu'une occasion d'augmenter leurs revenus, en soûmettant à des contributions & à des péages exorbitans, tous ceux que la nécessité forçoit de passer sur leurs terres; il n'est pas douteux que ceux qui les premiers furent assez éclairés pour sentir qu'en se relâchant un peu de la rigueur de leurs droits, ils seroient plus que dédommagés par l'augmentation du commerce & des consommations, virent bientôt les lieux de leur résidence enrichis, aggrandis, embellis. Il n'est pas douteux que lorsque les rois & les empereurs eurent assez augmenté leur autorité, pour soustraire aux taxes levées par leurs vassaux les marchandises destinées pour les foires de certaines villes qu'ils vouloient favoriser, ces villes devinrent nécessairement le centre d'un très grand commerce, & virent accroître leur puissance avec leurs richesses: mais depuis que toutes ces petites souverainetés se sont réunies pour ne former qu'un grand état sous un seul prince, si la négligence, la force de l'habitude, la difficulté de réformer les abus lors même qu'on le veut, & la difficulté de le vouloir, ont engagé à laisser subsister & les mêmes gênes & les mêmes droits locaux, & les mêmes priviléges qui avoient été établis lorsque chaque province & chaque ville obéissoient à différens souverains, n'est-il pas singulier que cet effet du hasard ait été non-seulement loué, mais imité comme l'ouvrage d'une sage politique? n'est-il pas singulier qu'avec de très-bonnes intentions & dans la vûe de rendre le Commerce florissant, on ait encore établi de nouvelles foires , qu'on ait augmenté encore les priviléges & les exemptions de certaines villes, qu'on ait même empêché certaines branches de Commerce de s'établir dans des provinces pauvres, dans la crainte de nuire à quelques autres villes, enrichies depuis long-tems par ces mêmes branches de Commerce? Eh qu'importe que ce soit Pierre ou Jacques, le Maine ou la Bretagne, qui fabriquent telle ou telle marchandise, pourvû que l'état s'enrichisse, & que des François vivent? qu'importe qu'une étoffe soit vendue à Beaucaire ou dans le lieu de sa fabrication, pourvû que l'ouvrier reçoive le prix de son travail? Une masse énorme de commerce rassemblée dans un lieu & amoncelée sous un seul coup-d'oeil, frappera d'une maniere plus sensible les yeux des politiques superficiels. Les eaux rassemblées artificiellement dans des bassins & des canaux, amusent les voyageurs par l'étalage d'un luxe frivole: mais les eaux que les pluies répandent uniformément sur la surface des campagnes, que la seule pente des terreins dirige, & distribue dans tous les vallons pour y former des fontaines, portent par-tout la richesse & la fécondité. Qu'importe qu'il se fasse un grand commerce dans une certaine ville & dans un certain moment, si ce commerce momentané n'est grand que par les causes mêmes qui gênent le Commerce, & qui tendent à le diminuer dans tout autre tems & dans toute l'étendue de l'état? Faut-il , dit le magistrat citoyen auquel nous devons la traduction de Child , & auquel la France devra peut-être un jour la destruction des obstacles que l'on a mis aux progrès du Commerce en voulant le favoriser; faut-il jeûner toute l'année pour faire bonne chere à certains jours? En Hollande il n'y a point de foire; mais toute l'étendue de l'état & toute l'année ne forment, pour ainsi dire, qu'une foire continuelle, parce que le commerce y est toûjours & par-tout également florissant . On dit: « L'état ne peut se passer de revenus; il est indispensable, pour subvenir à ses besoins, de charger les marchandises de différentes taxes: cependant il n'est pas moins nécessaire de faciliter le débit de nos productions, sur-tout chez l'étranger; ce qui ne peut se faire sans en baisser le prix autant qu'il est possible. Or on concilie ces deux objets en indiquant des lieux & des tems de franchise, où le bas prix des marchandises invite l'étranger, & produit une consommation extraordinaire, tandis que la consommation habituelle & nécessaire fournit suffisamment aux revenus publics. L'envie même de profiter de ces momens de grace, donne aux vendeurs & aux acheteurs un empressement que la solennité de ces grandes foires augmente encore par une espece de séduction, d'où résulte une augmentation dans la masse totale du Commerce ». Tels sont les prétextes qu'on allegue pour soûtenir l'utilité des grandes foires . Mais il n'est pas difficile de se convaincre qu'on peut par des arrangemens généraux, & en favorisant également tous les membres de l'état, concilier avec bien plus d'avantage les deux objets que le gouvernement peut se proposer. En effet, puisque le prince consent à perdre une partie de ses droits, & à les sacrifier aux intérêts du Commerce, rien n'empêche qu'en rendant tous les droits uniformes, il ne diminue sur la totalité la même somme qu'il consent à perdre; l'objet de décharger des droits la vente à l'étranger, en les laissant subsister sur les consommations intérieures, sera même bien plus aisé à remplir en exemptant de droits toutes les marchandises qui sortent: car enfin on ne peut nier que nos foires ne fournissent à une grande partie de notre consommation intérieure. Dans cet arrangement, la consommation extraordinaire qui se fait dans le tems des foires , diminueroit beaucoup; mais il est évident que la modération des droits dans les tems ordinaires, rendroit la consommation générale bien plus abondante; avec cette différence que dans le cas du droit uniforme, mais modéré, le Commerce gagne tout ce que le prince veut lui sacrifier: au lieu que dans le cas du droit général plus fort avec des exemptions locales & momentanées, le roi peut sacrifier beaucoup, & le Commerce ne gagner presque rien, ou, ce qui est la même chose, les denrées baisser de prix beaucoup moins que les droits ne diminuent; & cela parce qu'il faut soustraire de l'avantage que donne cette diminution, les frais du transport des denrées nécessaire pour en profiter, le changement de séjour, les loyers des places de foire enchéris encore par le monopole des propriétaires, enfin le risque de ne pas vendre dans un espace de tems assez court, & d'avoir fait un long voyage en pure perte: or il faut toûjours que la marchandise paye tous ses frais & ses risques. Il s'en faut donc beaucoup que le sacrifice des droits du prince soit aussi utile au Commerce par les exemptions momentanées & locales, qu'il le seroit par une modération legere sur la totalité des droits; il s'en faut beaucoup que la consommation extraordinaire augmente autant par l'exemption particuliere, que la consommation journaliere diminue par la surcharge habituelle. Ajoûtons, qu'il n'y a point d'exemption particuliere qui ne donne lieu à des fraudes pour en profiter, à des gênes nouvelles, à des multiplications de commis & d'inspecteurs pour empêcher ces fraudes, à des peines pour les punir; nouvelle perte d'argent & d'hommes pour l'état. Concluons que les grandes foires ne sont jamais aussi utiles, que la gêne qu'elles supposent est nuisible; & que bien loin d'être la preuve de l'état florissant du Commerce, elles ne peuvent exister au contraire que dans des états où le Commerce est gêné, surchargé de droits, & par conséquent médiocre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foire de Respect Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Foire de Respect Foire de Respect , ( Comm. ) c'est un tems (ordinairement de trois mois) qu'un commettant accorde à son commissionnaire pour lui payer le prix des marchandises que ce dernier a vendues à crédit, & dont il s'est rendu garant. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIRIAO ou FOQUEUX Author=Diderot Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA FOIRIAO ou FOQUEUX * FOIRIAO ou FOQUEUX, ( Hist. mod. ) nom d'une secte de la religion des Japonois, ainsi appellée d'un livre de leur doctrine qui porte ce nom. L'auteur de la secte fut un homme saint appellé Xaca , qui persuada à ces peuples que les cinq mots inintelligibles, nama, mio, foren, qui, quio , contenoient un mystere profond, avoient des vertus singulieres, & qu'il suffisoit de les prononcer & d'y croire, pour être sauvé. C'est en vain que nos missionnaires leur prêcherent que ce dogme renversoit toute la Morale, encourageoit les hommes au crime, & qu'il n'y avoit rien qu'on ne fût tenté de faire, quand on croyoit pouvoir tout expier à si peu de frais; d'ailleurs, que ces mots étoient vuides de sens; que ne rappellant aucune idée, ou ne rappellant que des idées qu'il leur étoit défendu d'avoir sous peine d'hérésie, on faisoit dépendre leur salut éternel du caprice des dieux; & qu'il vaudroit autant qu'ils eussent attaché leur sort à venir à la croyance d'une proposition conçûe dans une langue tout-à-fait étrangere. Ils répondirent qu'ils n'avoient garde de s'ériger en scrutateurs de la volonté des dieux; que Xaca étoit un homme saint; & que leur ayant promis un bonheur infiniment au-dessus de ce que l'homme pouvoit jamais mériter par lui-même, il étoit juste qu'il en exigeât toutes les sortes de sacrifices dont il étoit capable: qu'après avoir immolé les passions de leur coeur, il ne leur restoit plus que de faire un holocauste des lumieres de leur esprit; que Xaca en avoit donné l'exemple au monde; qu'ils avoient embrassé sa loi, avec une pleine confiance dans la vérité de ses promesses; & qu'ils mourroient mille fois plûtôt que de renoncer au nama, mio, foren, qui, quio . Xaca est représenté avec trois têtes: il s'appelle aussi fotage ou le seigneur . Voy. les cérémonies superstitieuses & le dictionnaire de Moréry . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOISILS ou FAZIN Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOISILS ou FAZIN FOISILS ou FAZIN, Voyez Fazin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOIX Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOIX FOIX, ( Géog. ) en latin Fuxum; petite ville de France, capitale du comté de même nom, qui fait un gouvernement particulier dans le haut Languedoc. Elle est sur l'Auziege, au pié des Pyrénées, entre Pamiers & Tarascon; à trois lieues S. O. de Pamiers; 12 S. E. de Toulouse. Long. 18. 55. latitude 43. 4 . Le comté de Foix a le Toulousain au levant, le Conserans au couchant, le comté de Cominges au nord, les Pyrénées & le Roussillon au midi. Voyez sur ce comté l'abbé de Longuerue, descript. de la France, part. I. De Marca, hist. de Béarn, liv. VIII. & Catel, mém. de l'hist. de Languedoc, liv. II . Ce comté peut se glorifier d'avoir donné le jour à Bayle. Il naquit à Carlat le 8 Novembre 1647, & mourut à Roterdam la plume à la main le 28 Décembre 1706: son dictionn. histor. est le premier ouvrage de raisonnement en ce genre, où l'on puisse apprendre à penser: mais il faut abandonner, comme dit M. de Voltaire, les articles de ce vaste recueil, qui ne contiennent que de petits faits, indignes à la fois du génie de Bayle, d'un lecteur grave, & de la postérité. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOKIEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOKIEN FOKIEN, ( Géog. ) province maritime de la Chine, & la onzieme de cet empire. Elle a l'océan des Indes à l'est & au sud-est; la province de Quanton, au sud-ouest; celle de Kiansi à l'ouest, & celle de Tchekian, au nord, selon M. de Lisle. V. le P. Martini dans son Atlas de la Chine. Long. 134. 139. lat. 23. 30. 28 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOL ou FOU Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOL ou FOU FOL ou FOU, s. m. Voyez Folie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fol, & depuis Fou Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature moderne Part of Speech=NA Fol Fol , & depuis Fou , ( Littérat. mod. ) bouffon de cour entretenu aux dépens du prince. L'usage des rois d'avoir des fous ou des bouffons à leur cour, pour les divertir par leurs bons mots, leurs gestes, leurs plaisanteries, ou leurs impertinences: cet usage, dis-je, tout ridicule qu'il est, remonte assez haut dans l'histoire moderne. Au commencement du neuvieme siecle, l'empereur Théophile avoit pour fou un nommé Daudery , qui par son indiscrétion pensa causer les plus cuisans chagrins à l'impératrice Théodora. Il s'avisa d'entrer un jour brusquement dans le cabinet de cette princesse, lorsqu'elle faisoit ses prieres devant un oratoire orné de très-belles images qu'elle gardoit en grand secret, pour éviter que l'empereur qui étoit lconoclaste, en eût connoissance. Daudery, qui n'avoit jamais vû d'images, lui demanda vivement ce que c'étoit: à quoi Théodora répondit que c'étoit des poupées qu'elle préparoit pour donner à ses filles: sur cela Daudery vint dire au dîner de l'empereur pereur, qu'il avoit trouvé l'impératrice occupée à baiser les plus jolies poupées du monde. Théodora eut bien de la peine à se tirer de ce mauvais pas: mais elle fit si bien châtier le fou de l'empereur, qu'elle le corrigea pour jamais de parler de tout ce qui pourroit la regarder. Après l'expédition des croisades, on vit la mode d'avoir des fous s'établir dans toutes les cours de l'Europe, dans celles d'Italie, d'Allemagne, d'Angleterre, & de France. Ici les princes du bon air voulurent avoir des fous à leur suite, qui leur servissent de joüet & d'amusement. Là les grandes maisons se procuroient un fol qu'on habilloit ridiculement, afin que l'héritier présomptif eût occasion de se divertir de ses discours ou de ses bévûes. En Italie, Nicolas III. marquis d'Est & de Ferrare, avoit à sa cour un fou ou bouffon nommé Gonelle , qui devint célebre par ses reparties. En France, on poussa la chose plus loin que partout ailleurs: car l'emploi de fou à la cour y fut érigé en titre d'office particulier. On conserve dans les archives de Troies en Champagne une lettre de Charles V. qui écrivit au maire & aux échevins, que son fou étant mort, ils eussent à lui envoyer un autre fou , suivant la coûtume. A S. Maurice de Senlis, on lit cette épitaphe: « Cy gist Thévenin de Saint-Légier, fou du roi notre sire, qui trépassa le premier Juillet 1374: priez Dieu pour l'ame de ly ». Le fou de François I. nommé Triboulet , disoit que Charles-Quint étoit plus fou que lui de passer par la France pour aller aux Pays-bas; mais, lui dit François I. Si je le laisse passer! En ce cas , dit Triboulet, j'effacerai son nom de mes tablettes, & j'y mettrai le vôtre . Cependant Charles-Quint avoit raison de ne pas hésiter, en se rendant dans les Pays-Bas, de passer en France sur l'invitation d'un monarque, qui après la bataille de Pavie, mandoit à la duchesse d'Angouleme: tout est perdu, hormis l'honneur . Le dernier fou de cour dont il soit parlé dans notre histoire, est le fameux l'Angely, que M. le Prince amena des Pays-Bas, & qu'il se fit un plaisir de donner à Louis XIV. Mais l'Angely étoit un fou plein d'esprit, qui trouva le secret de plaire aux uns, de se faire craindre des autres, & d'amasser par cette adresse une somme de vingt-cinq mille écus de ce tems-là. On sait à ce sujet les deux vers de Despréaux, & le bon mot de Marigny, qui étant un jour au diner du roi, dit à quelqu'un, en voyant l'Angely qui amusoit Louis XIV. par ses bons mots: « De tous nous autres fous qui avons suivi M. le Prince, il n'y a que l'Angely qui ait fait fortune ». Cependant les railleries piquantes de l'Angely le firent à la fin chasser de la cour; & depuis, cette espece de fous n'y a plus paru. L'Angely disoit qu'il n'alloit pas au sermon, parce qu'il n'aimoit pas le brailler, & qu'il n'entendoit pas le raisonner . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fol Appel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fol Appel Fol Appel , ( Jurisprud. ) est celui qui est interjetté témérairement & sans cause, ni moyens valables. L'amende du fol appel , proprement dit, est la grosse amende à laquelle on condamne celui que l'on déclare non recevable dans son appel. Voyez l'ordonnance de 1539. art. 96. & le praticien de Ferriere, tit. des appellat . Cependant quelques-uns entendent par fol appel tout appel dans lequel l'appellant succombe; & par amende du fol appel ils entendent aussi l'amende ordinaire à laquelle en ce cas on condamne l'appellant. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIATION Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. FOLIATION FOLIATION, s. f. ( Bot. ) c'est proprement l'assemblage des feuilles ou pétales colorés qui composent la fleur même. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIE Author=Lefebvre5 Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. FOLIE FOLIE, s. f. ( Morale. ) S'écarter de la raison, sans le savoir, parce qu'on est privé d'idées, c'est être imbécille; s'écarter de la raison le sachant, mais à regret, parce qu'on est esclave d'une passion violente, c'est être foible: mais s'en écarter avec confiance, & dans la ferme persuasion qu'on la suit, voilà, ce me semble, ce qu'on appelle étre fou . Tels sont du moins ces malheureux qu'on enferme, & qui peut-être ne different du reste des hommes, que parce que leurs folies sont d'une espece moins commune, & qu'elles n'entrent pas dans l'ordre de la société. Mais puisque la folie n'est qu'une privation, pour en acquérir des idées plus distinctes, tâchons de connoître son contraire. Qu'est-ce que la raison? Ce qu'on appelle ainsi, au-moins dans un sens contraire à la folie , n'est autre chose en général que la connoissance du vrai; non de ce vrai que l'auteur de la nature a réservé pour lui seul, qu'il a mis loin de la portée de notre esprit, ou dont la connoissance exige des combinaisons multipliées; mais de ce vrai sensible, de ce vrai qui est à la portée de tous les hommes, & qu'ils ont la faculté de connoître, parce qu'il leur est nécessaire, soit pour la conservation de leur être, soit pour leur bonheur particulier, soit pour le bien général de la société. Le vrai est physique ou moral: le vrai physique consiste dans le juste rapport de nos sensations avec les objets physiques, ce qui arrive quand ces objets nous affectent de la même maniere que le reste des hommes: par exemple, c'est une folie que d'entendre les concerts des anges comme certains enthousiastes, ou de voir, comme dom Quichotte, des géans au lieu de moulins à vent, & l'armée d'Alifanfaron; au lieu d'un troupeau de moutons. Le vrai moral consiste dans la justesse des rapports que nous voyons, soit entre les objets moraux, soit entre ces objets & nous. Il résulte de-là que toute erreur qui nous entraîne est folie . Ce sont donc de véritables folies que tous les travers de notre esprit, toutes les illusions de l'amour propre, & toutes nos passions, quand elles sont portées jusqu'à l'aveuglement; car l'aveuglement est le caractere distinctif de la folie . Qu'un homme commette une action criminelle, avec connoissance de cause, c'est un scélérat; qu'il la commette, persuadé qu'elle est juste, c'est un fou . Ce qu'on appelle dans la société dire ou faire des folies , ce n'est pas être fou , car on les donne pour ce qu'elles sont. C'est peut-être sagesse, si l'on veut faire attention à la foiblesse de notre nature. Quelque haut que nous fassions sonner les avantages de notre raison, il est aisé de voir qu'elle est pour nous un fardeau pénible, & que, pour en soulager notre ame, nous avons besoin de tems-en-tems au moins de l'apparence de la folie . La folie paroit venir quelquefois de l'altération de l'ame qui se communique aux organes du corps, quelquefois du dérangement les organes du corps qui influe sur les opérations de l'ame; c'est ce qu'il est fort difficile de démêler. Quelle qu'en soit la cause, les effets sont les mêmes. Suivant la définition que j'ai donnée de la folie physique & morale, il y a mille gens dans le monde, dont les folies sont vraiment physiques, & beaucoup dans les maisons de force qui n'ont que des folies morales. N'est-ce pas, par exemple, une folie physique que celle du malade imaginaire? Tout excès est folie , même dans les choses loüables. L'amitié, le desintéressement, l'amour de la gloire, sont des sentimens loüables, mais la raison doit y mettre des bornes; c'est une folie que d'y sacrifier sans nécessité sa réputation, sa fortune, & son bonheur. Quelquefois néanmoins cet excès est vertu, quand il part d'un principe de devoir généralement reconnu. C'est qu'alors l'excès n'est pas réel; car si le principe est tel qu'il ne soit pas permis de s'en écarter, il ne peut plus y avoir d'excès. En retournant à Carthage, Régulus fut un homme vertueux, il ne fut pas un fou . Quelquefois aussi on regarde comme vertu un excès réel, quand il tient à un motif louable: c'est qu'alors on ne fait attention qu'au motif, & au petit nombre de gens capables de si beaux excès. Souvent l'excès est relatif soit à l'âge, soit à l'état, soit à la fortune. Ce qui est folie dans un vieillard ne l'est pas dans un jeune homme; ce qui est folie dans un état médiocre & avec une fortune bornée, ne l'est pas dans un rang élevé ou avec une grande fortune. Il y a des choses où la raison ne se trouve que dans un juste milieu, les deux extrèmes sont également folie; il y a de la folie à tout condamner comme à tout approuver, c'est un fou que le dissipateur qui donne tout à ses fantaisies, comme l'avare qui refuse tout à ses besoins; & le sybarite plongé dans les voluptés n'est pas plus sensé que l'hypocondriaque, dont l'ame est fermée à tout sentiment de plaisir; il n'y a de vrais biens sur la terre que la santé, la liberté, la modération des desirs, la bonne conscience. C'est donc une folie du premier ordre que de sacrifier volontairement de si grands biens. Parmi nos folies il y en a de tristes, comme la mélancolie; d'impétueuses, comme la colere & l'humeur; de douloureuses, comme la vengeance qui a toûjours devant les yeux un outrage imaginaire ou réel, & l'envie, pour qui tous les succès d'autrui sont un tourment. Il y a des fous gais; tels sont en général les jeunes gens: tout les intéresse, parce que tout leur est inconnu; tous leurs sentimens sont excessifs, parce que leur ame est toute neuve; un rien les met au desespoir, mais un rien les transporte de joie; ils manquent souvent de l'aisance & de la liberté, mais ils possedent un bien préférable à ceux-là: ils sont gais. Folie aimable, & qu'on peut appeller heureuse , puisque les plaisirs l'emportent sur les peines; folie qui passe trop vîte, qu'on regrette dans un âge plus avancé, & dont rien ne dédommage. Il est des folies satisfaisantes, sans être gaies; telle est celle de beaucoup de gens à talens, sur-tout à petits talens. Ils attachent d'autant plus d'importance à leur art, que dans la réalité il en a moins. Mais cette folie flate leur amour-propre; elle a encore pour eux un autre avantage; ils auroient peut-être été médiocres dans leur état, elle les y rend supérieurs, elle a même quelquefois reculé les limites de l'art. Il est enfin des folies auxquelles on seroit tenté de porter envie. De cette espece est celle d'un petit bourgeois, qui, par son travail & par son économie, s'étant acquis une aisance au-dessus de son état, en a conçu pour lui-même la plus sincere vénération. Ce sentiment éclate en lui dans son air, dans ses manieres, dans ses discours. Au milieu de ses amis il aime à faire le dénombrement de ce qu'il possede. Il leur raconte cent fois, mais avec une satisfaction toûjours nouvelle, les détails les moins intéressans de sa vie & de sa fortune. Dans l'intérieur de sa maison il ne parle que par sentences; il se regarde comme un oracle, & est regardé comme tel par sa femme, par ses enfans, & par les gens qui le servent. Cet homme-là assûrément est fou , car ni sa petite fortune, ni le petit mérite qui la lui a procurée, ne sont dignes de l'admiration & du respect qu'ils lui inspirent; mais cette folie ne fait tort à personne, elle amuse le philosophe qui en est spectateur; & pour celui qui la possede, elle est un vrai thrésor, puisqu'elle fait son bonheur. Que si quelques uns de ces fous paroissoient pour la premiere fois chez une nation qui n'eût jamais connu que la raison, il est vraissemblable qu'on les feroit enfermer. Mais parmi nous l'habitude de les voir les fait supporter; quelques-unes de leurs folies nous sont nécessaires, d'autres nous sont utiles, presque toutes entrent dans l'ordre de la société, puisque cet ordre n'est autre chose que la combinaison des folies humaines. Que s'il en est quelques unes qui y paroissent inutiles ou même contraires, elles sont le partage d'un si grand nombre d'individus, qu'il n'est pas possible de les en exclure. Mais elles ne changent pas de nature pour cela: chacun reconnoît pour folie celle qui n'est pas la sienne, & souvent la sienne propre, quand il la voit dans un autre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Folie Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Folie Folie , ( Medecine. ) est une espece de lésion dans les fonctions animales; cette maladie de l'esprit est si connue de tout le monde, qu'il n'est aucun des plus fameux nosographes qui ait cru devoir en donner une idée précise, une définition bien distincte; il n'en est traité expressément nulle part. Voyez les oeuvres de Sennert, de Riviere, d'Etmuller, d'Hoffman, de Boerhaave, &c. Comme la folie consiste dans une sorte d'égarement de la raison, dans une dépravation de la faculté pensante (dont l'abolition est ce qu'on appelle démence, voyez Démence ); dépravation qui a lieu avec différentes modifications dans le délire, dans la mélancolie, dans la manie: on a confondu la folie avec l'une ou l'autre de ces maladies, mais plus communément avec la derniere de ces trois; parce que la folie est comme le prélude de la manie, & a essentiellement plus de rapport avec elle, qu'avec aucune autre: de maniere cependant que la folie peut avoir lieu & subsister pendant long-tems, pendant toute la vie même, sans être jamais suivie de la manie proprement dite. L'erreur de l'entendement qui juge mal durant la veille de choses sur lesquelles tout le monde pense de la même maniere, est le genre de ces trois maladies. On donne ordinairement à ce genre le nom de délire; quoiqu'on appelle aussi de ce nom une de ses especes, dans laquelle l'erreur dont il vient d'être fait mention, est de peu de durée, & forme un symptome de fievre, de maladie aiguë, qui, lorsqu'il porte à la fureur, est appellé phrenesie. Voyez Délire , Fievre , Phrénésie La folie est aussi distinguée de la mélancolie, en ce que le délire dans celle-ci rend les malades inquiets, ne roule que sur un seul objet, ou sur un petit nombre d'objets le plus souvent tristes, & n'est pas universel; au lieu qu'il a cette derniere qualité, & qu'il est sans inquiétude & sans tristesse dans la folie & dans la manie; que dans celle-là par conséquent le malade est tranquille & s'occupe de toute sorte d'objets indifféremment avec la même extravagance, & que dans la manie le délire est accompagné d'audace, de fureur, toûjours sans fievre essentielle, ce qui distingue la manie de la phrénésie: & si la fureur dans celle-là est portée à l'extreme, on lui donne le nom de rage . Ainsi la folie est à la manie par la modération de ses effets, ce que la rage est à la manie par l'intensité de la violence des symptomes qui la caractérisent. On est donc fondé à renvoyer à l'article Manie , tout ce qu'il y a à dire de ces trois sortes de delire sans fievre, entre lesquels on ne doit distinguer la folie , que parce qu'elle est sans violence, sans fureur, qui se trouvent toûjours plus ou moins dans les deux autres especes; on peut voir aussi-bien des choses qui ont rapport à toutes les trois dans l'article Mélancolie . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIGNY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOLIGNY FOLIGNY, ( Géog. ) ou comme écrivent les Italiens Fulginium , ancienne petite ville de l'état de l'Eglise dans le duché de Spolete, entre Spolete & Assise, avec un évêché suffragant du saint-siége. Caton, Cicéron, César, & autres auteurs, font mention de Foligny. C'étoit une ville libre sous la protection des Romains. Elle est remarquable par les savans hommes qu'elle a produits. Sa situation est dans une plaine fertile au bord du Topino, à cinq lieues N. E. de Spolete, 27 N. E. de Rome. Long. 30. 18. lat. 42. 55. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLILETS Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=s.m. FOLILETS FOLILETS, s. m. ( Venerie. ) c'est ce qu'on leve le long du défaut des épaules du cerf, après qu'il est dépouillé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIOLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. FOLIOLE FOLIOLE, s. f. ( Bot. ) on nomme foliole en Botanique les feuillets dont les feuilles composées sont formées, qui ont chacune un court pédicule, lequel s'implante dans le pédicule commun. L'arrangement, le nombre, la force, & la proportion des folioles , offrent bien des variétés & des bisarreries, non-seulement dans le même individu, mais encore dans la même feuille. Ces variétés sont beaucoup plus fréquentes & plus nombreuses dans les especes herbacées, qu'elles ne le sont dans les especes ligneuses. Ces variétés s'étendent à leur figure, leur nombre, leur union, leur attache, leur forme, leur jeu, & leur grandeur relative. Par exemple, ordinairement les folioles augmentent de grandeur, à mesure qu'elles sont plus éloignées de l'origine du pédicule commun; mais les folioles des extrémités sont quelquefois plus petites que les intermédiaires; les irrégularités qui se rencontrent en ce genre sont inépuisables. Les folioles ou différens feuillets d'une feuille composée, quoique très-distinctes les unes des autres, ne constituant néanmoins, à proprement parler, qu'une seule feuille, on conjecture que les sucs que reçoit un de ces feuillets passe bientôt aux autres, les entretient & les nourrit. Les folioles des feuilles composées se greffent assez souvent les unes aux autres, ensorte que deux ou trois folioles n'en composent plus qu'une seule sur un pédicule commun. Voyez là-dessus le bel ouvrage de M. Bonnet. Voyez ci - devant le mot Feuille , où il est parlé de cet ouvrage de M. Bonnet. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIO ou encore mieux FEUILLET Author=unknown Normalized Classification=Teneurs de livres Part of Speech=NA FOLIO FOLIO ou encore mieux FEUILLET, en terme de Teneur de livres , &c. signifie la page. Voyez Impression . Ainsi folio 7 , & par abbréviation f°. 7. signifie la septieme page , &c. Folio recto , ou f°. r°. signifie la premiere page d'un feuillet . Folio verso , ou f°. v°. le revers ou la seconde page du feuillet. Ce mot est italien, & signifie littéralement feuillet . Folio , terme de Librairie , un volume in-folio , ou simplement un in-folio , est un livre de l'étendue de la feuille seulement pliée en deux, ou dont chaque feuillet est la moitié de la feuille. Les volumes au-dessous des in-folio sont les in-4°. in-8°. in-12. in-16. in-24. &c. Voyez Livre . Folio , dans l'usage de l'Imprimerie , s'entend du chiffre numéral que l'on met au haut de chaque page d'un ouvrage. Le folio recto désigne la premiere page d'un feuillet, & est toûjours impair. Le folio verso s'entend du revers ou de la deuxieme page du même feuillet, & est toûjours pair. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIOT Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=s.m. FOLIOT FOLIOT, s. m. ( Horlogerie. ) nom que l'on donnoit autrefois au balancier d'une horloge. Voyez Echappement , Balancier , &c. & la fig. xxvij. Pl. V . de l'Horlogerie . ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foliot Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Foliot * Foliot , ( Serrurerie. ) c'est la partie du ressort qui pousse le demi-tour dans les serrures à tour & demi ou autres, comme il se voit dans nos Planches de Serrurerie , ce foliot monté sur une broche quarrée qui passe à travers le palâtre, & la couverture de la serrure, & aux extrémités duquel sont des boutons pour ouvrir dehors & dedans. Aux serrures où il n'y a point de double bouton, le bouton à coulisse qui est sur le palâtre de la serrure sert pour ouvrir en-dedans, & on ouvre par-dehors avec la clé comme on voit dans les serrures ordinaires. Vous trouverez dans nos Planches une serrure benarde , vûe du côté du palastre; D est le bouton à coulisse monté sur le pêle, & faisant ouvrir le demi tour, au lieu de la broche dont nous avons parlé. On voit la même forme du côté de la couverture qu'on a supprimée, afin de découvrir toutes les pieces qui la composent; k est foliot ; l la tête du foliot ; & dans le reste des figures, l, m, n , représentent les différentes parties d'un foliot; l le canon, m l'epaulement, n le talon, s le foliot enlevé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLIUM de Descartes, ou simplement FOLIUM Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=s.m. FOLIUM FOLIUM de Descartes , ou simplement FOLIUM , s. m. ( Géométrie. ) nom latin, & qui signifie feuille . On appelle ainsi une courbe du second genre ou ligne du troisieme ordre K A O D R , représentée fig. 45 . Analys. & dont la partie AOD ressemble à-peu-près à une feuille, ce qui lui a fait donner le nom de folium . Soient les coordonnées AB, x, BC ou BD, y , l'équation de cette courbe sera x 3 + y 3 = axy; les axes AB, AF , touchant la courbe en A. Pour donner à cette équation une forme plus commode, qui fasse découvrir aisément la figure de la courbe, je divise en deux également l'angle FAB par la ligne AO , & j'imagine les nouvelles coordonnées rectangles AP, z & PC, u , j'aurai, comme il est très aisé de le prouver, ( voyez Transformation des Axes ); & faisant la substitution, il vient pour l'équation de la courbe rapportée aux axes AO, GAM perpendiculaires l'un à l'autre. D'où l'on voit, 1°. que si z est infiniment petite, on a & qu'ainsi la courbe coupe de part & d'autre l'axe AO sous un angle de 45 d . 2°. que u a toûjours deux valeurs égales, & qu'ainsi les deux parties de la courbe sont égales & semblables des deux côtés de l'axe AO: 3°. que si ; & que si , on a u imaginaire; qu'ainsi faisant , la courbe ne va pas au-delà du point O , du côté des z positives: 4°. que si , u est infinie; & que si z est , u est imaginaire. Donc prenant , & menant KNR perpendiculaire à AN , cette ligne KNR sera asymptote de la courbe. Voyez Asymptote . Cette courbe est aussi quarrable. Pour le prouver de la maniere la plus simple, je reprends l'équation x 3 + y 3 = axy , & je fais y=xz , j'aurai ydx élément de l'aire de la courbe = xzdx , dont l'intégrale est xxz /2-∫(xxdz)/2. Or y = xz donne x = (az) /(1+ z 3 ) & (xxdz)=(aazzdz) /(1+ z 3 ) 2 , dont l'intégrale est aisée à trouver. Car soit 1+ z 3 = u 3 , on aura zzdz =uudu; & (aazzdz) /(1+ z 3 ) 2 = (aadu) / u 4 , dont l'intégrale est fort simple. Voy. Integral & Transformation . Donc, &c. M. de l'Hopital, analyse des infiniment petits, sect . 2. donne une méthode de trouver les asymptotes de cette courbe par les tangentes. Voyez Tangente , &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLKSTON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOLKSTON FOLKSTON, ( Géog. ) petite ville d'Angleterre, dans le comté de Kent. Elle paroît être ancienne, si du-moins les médailles romaines qu'on y a déterrées sont une bonne preuve de son antiquité. Mais ancienne ou moderne, elle a la gloire d'avoir donné naissance à Guillaume Harvé, immortel par sa découverte de la circulation du sang. Longit. 18. 58. lat. 51. 7 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLLE ENCHERE Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FOLLE ENCHERE FOLLE ENCHERE, ( Jurisp. ) voyez à Enchere l'article Folle enchere . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLLE INTIMATION Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FOLLE INTIMATION FOLLE INTIMATION, ( Jurisp. ) Voyez Intimation . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLLES Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.f. FOLLES * FOLLES, s. f. terme de Péche , c'est un filet avec lequel on prend des rayes, anges, turbots & autres gros poissons. Il y en a de deux especes, de flottées & de non flottées. Les solles flottées ont le haut du filet garni de flottes de liége; elles se tondent sur les sables au pié des bancs, ou à la chùte des écores, des basses, & dans les lieux où il ne reste que quelques piés d'eau. Le filet est arrêté par le pié d'espace en espace, par les deux bouts. Au moyen des flottes dont il est garni, il joue & reste libre; ainsi il arrête de bord & d'autre les poissons qui s'avancent pendant la marée vers la côte, d'autant plus facilement qu'ayant environ deux brasses de haut, il forme un ventre, une bourse ou follée, qui reçoit & retient tout ce qui se présente. Pour pêcher à la folle avec succès, il faut se placer sur les pointes des bancs qui découvrent de haute marée, & dont l'eau se retire avec rapidité, afin que le poisson en sorte entraîné dans le filet; d'où l'on conçoit qu'il doit croiser le mouvement des eaux. La seconde espece de folles que les Pêcheurs nomment folles simples & non flottées, se tendent différemment, quoique sur les mêmes fonds. On les dispose en ligne droite, un bout à terre & l'autre à la mer, pour que les rayes qui vont ordinairement par troupes, puissent se prendre au passage & de flot. Un pêcheur peut tendre seul les folles flottées; mais il faut être deux pour les non flottées; dans ce dernier cas on plante des perches de quatre à cinq piés de haut, à la distance l'une de l'autre d'environ deux à trois brasses; on amarre sur ces perches la folle par le haut & par le bas, au moyen d'un tour-mort, qui n'est qu'un simple tour croisé sans noeud. Comme ce silet a deux brasses ou environ de haut, & qu'il n'est élevé du terrein que de deux piés & demi au plus, il forme une grande bourse ou follée qui arrête le poisson. On tend ce filet le plus roide que l'on peut, parce qu'il mollit assez à l'eau. Les mailles des folles ont six pouces en quarré. Les folles se tendent aussi quelquefois, ensorte que le bout vers la mer est recourbé comme une crosse d'évêque; c'est de cette maniere que sont construits les parcs des Anglois. Cette disposition ne convient évidemment qu'aux folles non flottées que des piquets ou pieux assujettissent, dont elles prennent la disposition, & qui la leur conservent sous les eaux. Il y a une autre espece de folles que l'on appelle folles a la mer; les mailles de ce filet sont déterminées par l'ordonnance à 5 pouces en quarré; la piece de folles a 12 brasses de long & 6 piés de haut; chaque matelot en fournit 18 à 20 pieces, & le maitre pêcheur le double; ainsi la tissure ou la longueur du filet peut avoir 300 ou 400 brasses. On tend ces folles , ensorte qu'elles puissent croiser la marée, afin que le poisson s'y prenne en passant; le bateau ne se démare pas pour jetter ses filets à la mer. S'il fait calme, les pieces de folles étant toutes jointes ensemble, on jette à la mer le premier bout sur lequel est frappé un orrin ou moyen cordage d'environ 40 à 50 brasses, au bout duquel est une boüée soit d'un baril debout ou de liége. A une petite brasse du bout on frappe une grosse cabliere ou pierre, pesant plusieurs quintaux, pour faire couler bas le filet & le retenir sur le fond; au bas de chaque piece de folles , il y a sept cailloux. Le haut ou la tête de la folle est élevée & soûtenue par les flottes de liége dont elle est garnie. On met au milieu de la tissure une moyenne cabliere de 80 à 100 brasses de long, suivant les lieux où l'on jette le filet. Au dernier bout, on met encore une semblable cabliere qui est soûtenue par une boüée. Mais si les Pêcheurs ne quittent point leur tissure, le bout de cette cabliere est amarré sur la corde de l'ancre; & pour lors ils ne laissent leurs folles à la mer que 30 à 36 heures au plus. Il provient de cette pêche des poissons très grands, de l'espece des plats. Les courans & les grandes marées sont nuisibles, parce qu'abaissant les folles sur les fonds, elles ne peuvent rien pêcher; le poisson passe par-dessus. Cette pêche qui est de l'espece de celles où le filet reste sédentaire sur le fond de la mer, ne sauroit jamais nuire au bien général de la pêche. D'ailleurs elle ne se fait qu'en plaine mer, & jamais à la côte, comme la premiere dont nous avons parlé. Elle ne se peut faire que tous les 15 jours dans le tems de la morte eau; car le poisson ne se prend dans les mailles qu'autant que la tranquillité des eaux permet au filet de se soûtenir droit sur les fonds où il est jetté. La maille des folles à la mer a 6 pouces en quarré. La premiere espece de folles est représentée dans nos Planches de Pêche . Voyez ces Planches & leur explication . La seconde a dans le fond de la mer la même position que les tramaux sédentaires par fond. Voyez Tramaux . Outre les folles flottées & non flottées, il y a encore les demi-folles & les folles montées en ravoirs. Les folles flottées & non flottées sont une sorte de filet que les Pêcheurs de l'île de Ré dans le ressort de l'amirauté de Poitou, ou des Sables d'Olonne, vont tendre sur les rochers pour faire la pêche des chiens de mer; ils se mettent à l'eau jusqu'au cou, & fichent entre les roches deux perches ou paulets, qui soûtiennent le filet qui est flotté & pierré, qui tient de l'espece de celui que les pêcheurs picards nomment rieux flottés & non flottés; ils s'en servent pour faire la pêche depuis la mi-Avril jusqu'après la S. Jean, pour des touils & des bourgeois; cette saison passée, les mêmes rets servent montés en courtines sur des piquets élevés au plus d'un pié & demi au-dessus du terrein pour la pêche à la mer des macreuses & des autres oiseaux marins, depuis la S. Michel jusqu'à Pâques. On nomme aussi ces filets des alourats ou alourets . Les touillaux & alourets de la tranche ont les mailles de 2 pouces 10 lignes en quarré. Quand on s'en sert pour faire la pêche des macreuses, ils ne sont ni garnis de flotte de liége, ni de plomb ou de pierre par le pié, mais tendus de plat, & seulement arrêtés sur des piquets, de la même maniere que les courtines des Pêcheurs de basse-Normandie. Les folles montées en ravoirs dont les pécheurs du ressort de l'amirauté de Saint-Valeri font usage, sont montées sur piquets, & ont environ deux brasses de hauteur, & depuis 15 jusqu'à 18 brasses de longueur; les piquets ne sont élevés au-dessus des sables où ils sont plantés, que d'environ 3 piés. Les Pêcheurs les mettent bout à terre, bout à la mer, amarrés d'un tour-mort au haut des pieux, par la ligne de la tête du filet; & le bas arrêté à environ un demi-pié au-dessus du sable; de cette maniere la folle par sa hauteur forme une espece de sac exposé contre le reflux ou le jussan, où les rayes entrent sans en pouvoir sortir. Le printems & l'automne sont les tems les plus favorables pour cette pêche. Alors les rayes bordent la côte en troupe; elle seroit infructueuse durant les chaleurs, à cause de la quantité des bourbes, d'orties de mer, de crabes & d'araignées qui rangent la côte pendant l'été. Les mailles des folles des pêcheurs de Cayeux ont 5 pouces 4 lignes, 5 pouces 8 lignes, & 6 pouces en quarré. Cette sorte de pêche est représentée dans nos Planches de Pêche . Les folles des hameaux d'Audinghem, dans le ressort de l'amirauté de Boulogne, se tendent de même sur piquets ou pieuchons plantés dans le sable, bout à terre & l'autre bout à la mer, où ils forment une espece de retour ou crochet, dans lequel s'arrête le poisson. Les pieces de leurs folles ont environ 10 à 12 brasses de longueur sur une de hauteur; le tems de la vive-eau, où pour lors la marée se retire davantage, est le plus convenable pour les tendre; les Pêcheurs y prennent alors, à ce qu'ils assûrent, des rayes, des turbots, des flayes; quant au petit poisson rond, il ne peut s'y arrêter, à cause de la grandeur des mailles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLLETTE Author=unknown Normalized Classification=Mode Part of Speech=s.f. FOLLETTE FOLLETTE, s. f. ( terme de Modes. ) sorte de fichu qui étoit à la mode en 1722. Ces sortes de fichus étoient faits de bandes de toile blanche filée, ou de taffetas effrangé & tortillé. On en voyoit de gaze, brodée en or, en argent, & en soie; on en faisoit aussi avec des franges de toutes couleurs. Voyez Fichu . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLLICULE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. FOLLICULE FOLLICULE, s. m. ( Botan. ) c'est cette enveloppe membraneuse plus ou moins forte, dans laquelle sont contenues les graines des plantes; de-là vient que les gousses qui renferment les pepins du séné se nomment follicules de séné. Voyez Sené . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Follicule Author=Barthez/Barthès Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Follicule Follicule , ( Anatomie. ) membrane qui renferme une cavité d'où part un conduit excrétoire. Plusieurs anatomistes appellent & définissent ainsi la glande la plus simple de toutes. Boerhaave assûre que Malpighi a observé des glandes simples dans toutes les parties du corps. Ruysch soûtient le contraire; & il nie, par exemple, & Heister après lui, qu'il y en ait jamais dans le plexus choroïde. Cependant j'y en ai observé d'aussi grosses qu'un grain de millet, qui présentoient au tact & à l'oeil cette forme que les anciens regardoient comme glanduleuse, & dans laquelle Heister établit l'essence de la glande. J'ai vû un autre sujet dans lequel les glandes du plexus choroïde étoient parsemées d'hydatides qu'on en distinguoit très facilement. Tout le monde connoît les systèmes opposés de Malpighi & de Ruysch sur la structure des glandes. Boerhaave, défenseur de Malpighi, & Ruysch, semblent avoir épuisé tout ce qu'on peut dire sur cette fameuse question. Je me bornerai à donner un extrait des lettres que ces deux savans hommes s'écrivirent sur cette matiere, après être convenus d'y ramasser toutes leurs forces pour défendre leurs opinions: ces lettres ont eté publiées sous le titre d' opusculum anatomicum de fabricâ glandularum in corpore humano. Lugd. Batav. 1722 . Boerhaave rapporte d'abord que Malpighi pressant le corps des glandes simples, en vit sortir des humeurs dont l'abondance & la densité supposoient des réservoirs; & il fait à ce sujet une longue digression sur la diverse consistance des humeurs qui lubréfient différentes parties du corps, en remarquant qu'elles sont toûjours plus épaisses que la matiere de la transpiration insensible. Ruysch répond qu'il a montré que la secrétion de cette humeur onctueuse qui adoucit le frotement des paupieres contre le globe de l'oeil, se fait par les vaisseaux hygrophthalmiques de Meibomius, sans l'intervention d'aucune glande, dans le sens de Malpighi. M. Winslow a pourtant observé que les glandes ciliaires examinées au microscope paroissent comme de petites grappes de plusieurs grains qui communiquent ensemble. Voyez son traité de la téte, n. 279 . Ruysch ajoûte que les humeurs sont toûjours liquides avant leur excrétion pendant la vie; mais que la pression dans le cadavre entraîne & mêle avec ces humeurs les extrémités pulpeuses des vaisseaux qui les contiennent. Ruysch admet des follicules; mais il ne veut pas qu'on leur donne le nom de glandes , non plus qu'aux cavités de la membrane celluleuse. Boerhaave rassemble plusieurs observations de tumeurs enkistées formées dans la partie chevelue de la tête, aux bords des paupieres, &c. il cite des exemples d'athéromes, qu'une pression forte vuidoit par une ouverture qu'on n'avoit pas apperçûe avant cette pression. Il regarde ces tumeurs, aussi-bien que les hydatides, comme des dégénérations de glandes simples. Ruysch pense que l'état contre-nature des tumeurs renfermées dans un sac, ne prouve point l'existence antérieure des follicules . D'ailleurs il n'admet point de glandes cutanées; il veut que les tubercules qu'on trouve dans les tégumens ne soient que des houpes nerveuses. Les stéatomes ne prouvent rien, dit-il, à-moins que l'on ne confonde les cellules adipeuses avec les glandes simples; ce qui lui paroît absurde. Boerhaave croit que les injections de Ruysch effacent les follicules des glandes sébacées, & leur donnent la forme d'un peloton de vaisseaux entortillés, ou d'un corpuscule sphérique & dur. Il fait dire à Malpighi que les extrémités des vaisseaux artériels s'émincissent & se réduisent comme en filets poreux, d'où transudent dans les cavités des glandes simples, des humeurs extrèmement fines. Il développe cette explication par les belles découvertes de Ruysch sur les dispositions extrèmement variées des arteres qui se portent à ces organes; découvertes qui aident à concevoir la diversité des secrétions. Boerhaave renvoye sur la structure des glandes conglobées, à la lettre de Malpighi à la Société royale de Londres. Ruysch a trouvé que les glandes du mésentere n'offrent que des pelotons de vaisseaux dont les replis sont admirables, auxquels adherent de petits corps pulpeux. Il donne à la fin de sa lettre une planche gravée par Wandelaar, aidé du docteur Arent Cant, qui représente une portion du mésentere préparée par Ruysch. Boerhaave qui avoit vû cette préparation, a avoüé que l'entrelacement des vaisseaux sanguins ne permettoit pas de croire qu'ils fussent places sur la même membrane. Boerhaave passe ensuite au point principal du système de Malpighi: il prétend avec ce célebre anatomiste, que des vaisseaux capillaires artériels de chaque viscere, dans leur anastomose avec les veines, partent des tuyaux aussi artériels, mais plus déliés, qui pompent une humeur plus subtile que le sang qu'ils versent dans des follicules dont les conduits excrétoires aboutissent à d'autres vaisseaux plus considérables, & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'ils se réunissent en un seul. Malpighi place par-tout des follicules entre les extrémités des vaisseaux artériels & les vaisseaux excrétoires. Ruysch n'admet que quelques-uns de ces follicules; mais il declare qu'il ne connoît point leur tissu intime. Boerhaave, pour avoir un point fixe, s'attache à considérer les recherches de Malpighi sur le foie en particulier. Malpighi eut recours à l'Anatomie comparée des animaux, en commençant par les plus petits qu'il croyoit être plus imparfaits, & qu'il regardoit comme les ébauches de la nature; il trouva dans les limaçons & dans les lésards le foie d'un volume très considérable par rapport à la grandeur de leurs corps, composé de plusieurs lobes coniques distincts, & qui communiquoient ensemble. Chaque lobe étoit un amas de petits grains, ayant chacun leur membrane propre, & réunis en forme de grappe. Dans les chenilles & les vers à soie, le foie est composé d'un grand nombre de petits sacs membraneux dans lesquels se sépare la bile, & qui aboutissent à un seul organe. On observe la distinction du foie en lobes, & celle des lobes en follicules dans plusieurs autres animaux, & même dans l'homme, à l'oeil nud, ou avec le secours du microscope. Ruysch avoue qu'il avoit démontré lui-même autrefois ces petits grains qu'on voit dans le foie humain pour des glandes hépatiques: mais il dit avoir reconnu depuis que cette apparence naissoit des extrémités des vaisseaux sanguins, rapprochées sous une forme globuleuse sans aucune membrane particuliere qui les enveloppe: la preuve qu'il en donne, c'est que ces petits grains prétendus glanduleux n'arrêtent point ses injections. Il insere ici l'aveu que lui avoit fait Boerhaave de vive voix & par écrit; aveu dont il lui avoit permis de faire usage dans sa réponse: qu'ayant examiné ces grains dans un foie préparé par Ruysch, il n'avoit pû y rien découvrir, même aidé d'excellens microscopes, qu'un nombre prodigieux de petits canaux distincts & arrangés très-régulierement, qui paroissoient former le tissu des grains. Boerhaave ne croit pas cette observation décisive, parce que l'injection comprime les cavités qu'elle ne pénetre point; & lorsqu'elle ne peut passer par les orifices des arteres capillaires, elle force les vaisseaux séreux, & même les émissaires. D'où il résulte que la replétion des artérioles répandues sur la surface du follicule , n'en laisse point de vestige. Mais si l'injection se fait jour à-travers les orifices des arteres capillaires, on ne reconnoît la place du follicule que par une extravasation qui rend tout confus, comme il arrive dans la replétion du pannicule graisseux, des corps spongieux de la verge, &c. Ruysch soûtient qu'il rétablit les vaisseaux dans leur état naturel, en ménageant l'injection, quoiqu'il soit toûjours le maître en la forçant, de produire une inflammation artificielle. Ruysch avoit éprouvé qu'en faisant macérer dans l'eau pendant long-tems un foie injecté, on n'en conservoit que les extrémités des arteres capillaires, qui formoient des pinceaux: mais on voit aisément que la membrane propre des follicules n'étant point garantie par la cire, avoit pû être corrompue & entrainée par cette macération. Ruysch objecte encore, que la matiere injectée dans la veine-porte pénetre sans obstacles jusqu'aux conduits biliaires, tandis qu'elle devroit être arrêtée par les follicules qu'on y suppose. Boerhaave n'élude cette difficulté, qu'en doutant du fait dont Ruysch offre de le convaincre. Ruysch a vû néanmoins dans plusieurs visceres des corpuscules ronds: mais il les regardoit comme les extremités pulpeuses des vaisseaux capillaires, & non comme des follicules glanduleux accompagnés de leurs émissaires. Il ne reconnoissoit point ces follicules dans les vessies pleines de lymphe, ou d'une matiere épaisse, qui occupent la place du foie dans certaines maladies; il faisoit naître ces vessies des vaisseaux obstrués auxquels un fluide condensé & retenu donne une figure sphérique ou polyèdre. Boerhaave oppose que les vésicules devroient prendre dans ce cas une forme alongée & non sphérique: il le prouve par ce qui arrive dans les embarras des canaux considérables du corps humain. Ruysch imaginoit encore que la toile celluleuse enflée par un amas de sérosités, détruisoit les cavités des petits vaisseaux, & produisoit ces hydatides qui paroissoient suspendues à des fibrilles. Boerhaave n'accorde pas que l'hydropisie ait jamais produit ces bulles sphériques dans la toile celluleuse; puisqu'on n'en trouve point dans l'hydropisie du scrotum, mais seulement dans les ovaires & dans les autres visceres où Malpighi a vû des follicules . Enfin Malpighi, & Harvey avant lui, ont remarqué dans la formation du poulet une parfaite ressemblance du foie avec une grappe de raisin attachée à son péduncule; conformation semblable à celle des foies dégénérés dont nous avons parlé plus haut. Les deux systèmes qu'on vient d'exposer partageront toûjours les savans. Ceux qui aiment une précision scrupuleuse dans les faits, adopteront l'opinion de Ruysch. Celle de Malpighi entraînera ceux qui cherchent dans un système ce haut degré de vraissemblance qui differe si peu de la vérité, & qui flate plus une imagination vive. ( g ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Follicule Author=Jaucourt Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Follicule Follicule , ( Chirurg. ) sac ou kyste, semblable à une membrane qui renferme la matiere des arbres irréguliers ou enkystés, tels que le stéatome, l'athérome, & le mélicéris. V. ces mots & Kyste . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOLLIS Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=NA FOLLIS * FOLLIS, ( Hist. anc. ) petite monnoie de cuivre d'abord, ensuite d'argent, dont on ignore la valeur précise: on l'égale à celle du ceration & du quadrans. Les habitans de Constantinople en payoient deux tous les ans pour la réparation des murailles. On donna aussi le nom de follis à un impôt créé par Constantin le grand. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOMAHAUT ou FOMALHAUT Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=s.m. FOMAHAUT ou FOMALHAUT FOMAHAUT ou FOMALHAUT, s. m. ( terme d'Astronomie. ) c'est le nom d'une étoile de la premiere grandeur, qui est dans l'eau de la constellation du Verseau. Voyez aux mots Ascension & Déclinaison la position de cette étoile. D'autres écrivent phomalhaut , & d'autres fomahan & phomahan . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOMENTATION Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie | Thérapeutique Part of Speech=s.f. FOMENTATION FOMENTATION, s. f. ( Pharmacie & Thérapeut. ) la fomentation est une espece d'épitheme caractérisée par la circonstance d'être appliquée à chaud. Voyez Epitheme . La fomentation est ou liquide ou seche. La premiere se compose des décoctions ou des infusions de diverses parties des végétaux; on en fait aussi quelquefois avec le vin, l'oxicrat, le lait tiede, les huiles par expression, l'eau-de-vie, l'urine, &c. La plûpart des remedes externes peuvent s'appliquer sous forme de fomentation: ainsi on peut faire des fomentations émollientes, discussives, répercussives, résolutives, fortifiantes, stupéfiantes, &c. Voy. ces articles . Les fomentations sont assez communément employées dans le traitement des affections extérieures; il y a apparence qu'on néglige trop ce secours dans la curation des maladies internes, on ne les met plus en usage que dans l'inflammation des visceres du bas-ventre & la retention d'urine. Voyez Inflammation , Retention d'urine . Les fomentations appliquées sur le bas-ventre dans les plaies pénétrantes de cette partie, ou après les opérations de Chirurgie faites sur les visceres qu'il renferme, comme la taille, la réduction des hernies, &c. sont destinées à prévenir des affections intérieures. La fomentation la plus usitée dans ce cas, est composée d'huile rosat & de vin. La maniere d'appliquer les fomentations liquides, c'est d'en imbiber des linges ou des flanelles, & de les étendre mollement sur la partie. Les fomentations seches qui sont fort peu usitées, sont plus connues sous le nom d' épitheme sec , & plus encore sous ceux que portent les especes particulieres d'épitheme. Voyez Epitheme . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCEAU Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA FONCEAU FONCEAU, ( Manége. ) petite platine étampée en petite portion circulaire, armée de quatre queues d'aronde, ayant un biseau dans les parties qui les sépare, pour être rivées aux extrémités du canon du mors dont elles bouchent exactement l'orifice. Voyez Mors . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonceau Author=Diderot Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=s.m. Fonceau * Fonceau , s. m. ( Verrerie. ) c'est une espece de table sur laquelle on fait le pot; il en faut cinquante ou soixante, chacune de trente-un ou deux pouces en quarré, de plusieurs planches jointes & cloüées sur deux morceaux de chevron. Les coins de ces tables sont arrondis; sur les soixante, il doit y en avoir deux de 33 pouces en quarré. C'est sur celles-ci qu'on fait le fond du pot; il faut qu'il y en ait une des trois qui soit couverte d'une toile grossiere. Voyez l'article Verrerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCÉE Author=Diderot Normalized Classification=Ardoisier Part of Speech=s.f. FONCÉE * FONCÉE, s. f. ( Ardoiserie. ) terme usité dans le percement & l'exploitation des mines d'ardoises. Voyez l'article Ardoise . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCEMENT DE PIÉ, FONCER DU PIÉ Author=Diderot Normalized Classification=Bas au métier Part of Speech=NA FONCEMENT * FONCEMENT DE PIÉ, FONCER DU PIÉ, ( Bas au mét. ) c'est une des manoeuvres du travail du bas au métier. Voyez cet article . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCER Author=Diderot Normalized Classification=Boissellerie Part of Speech=NA FONCER * FONCER, en terme de Boissellier , c'est donner à une planche la figure de la piece qu'on veut à son extrémité inférieure, pour retenir ce que cette piece doit contenir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foncer la Soie Author=Diderot Normalized Classification=Gazier Part of Speech=NA Foncer la Soie * Foncer la Soie , terme de Gazier; c'est baisser la soie après qu'elle a été levée pour y lancer la navette; on se sert pour cela d'un instrument appellé le pas dur , & du bâton rond. Voyez Gaze . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foncer Author=unknown Normalized Classification=Pâtisserie Part of Speech=NA Foncer Foncer , parmi les Patissiers , c'est preparer un morceau de pâte pour faire le fond d'un pâte, d'une tourte, ou toute autre piece de pâtisserie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foncer Author=Diderot Normalized Classification=Raffinerie Part of Speech=NA Foncer * Foncer , en terme de Raffinerie , c'est applanir la pâte du pain, & de la rendre plus unie qu'il est possible. On coupe pour cela le sucre dans les endroits trop élevés avec le couteau croche; on l'amene dans les creux, & on les tape avec la truelle. Voyez Couteau , Croche & Truelle -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCET Author=unknown Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=s.m. FONCET FONCET, s. m. terme de riviere , sorte de bateau qui est des plus grands dont on se serve sur les rivieres. Il y en a qui ont 28 toises entre chef & quille, sans le gouvernail. Le grand-maitre a 37 toises de long, y compris le gouvernail. Description de la construction d'un foncet & des pieces qui le composent . Pour la construction d'un bateau de 170 piés de longueur, à compter du pié du chef jusqu'au pié de la quille. Le chef commence de dessus la planche du fond en-avant, & contient en montant jusqu'au nez 22 piés de longueur. Du pié de la quille qui est sur le derriere en montant jusqu'au haut, il y a environ deux piés & demi de pente. L'on donne à un pareil bateau, 22 piés de largeur dans son milieu. Pour le construire, l'on commence par poser à plat des planches des deux côtés qui ont trois pouces d'épaisseur, que l'on nomme semelles . Au bout de ces semelles en-avant, l'on y pose deux planches de la même épaisseur, que l'on nomme des ailes , qui arrondissent le fond de devant du bateau. Et en-arriere l'on met aussi deux ailes de même épaisseur que les semelles, qui vont en arrondissant joindre la quille. En-dedans de ces semelles & de ces ailes, l'on met à plat des contre-semelles; ce sont des planches sciées en chanlatte, qui ont 3 pouces d'épaisseur du côte qui joint les semelles & les ailes, & du côté du fond seulement deux pouces & demi. Les autres planches qui sont en-dedans de ces contre-semelles qui garnissent le fond (raison pour laquelle on les nomme planches de fond ) ont 2 pouces & demi d'épaisseur, & doivent être toutes de hêtre. Ces planches de fond sont jointes & retenues ensemble avec des bouts de merrain de 6 pouces que l'on nomme tasseaux , & que l'on pose à trois piés & demi de distance les uns des autres sur la jointure de deux planches, & l'on remplit les jointures entre les tasseaux avec des pieces de merrain de trois piés & demi de longueur, que l'on cloue, ainsi que les tasseaux, avec du clou à tête de diamant pour une plus longue durée. La quille est une piece de bois que l'on met debout à l'extrémité de derriere; elle a 14 piés de hauteur sur 12 à 14 pouces d'épaisseur; elle est sciée en chanlatte, & le côté du gouvernail n'a que 6 à 7 pouces d'épaisseur. Par-dessus les ailes de devant, l'on place de chaque côté quatre petites lambourdes; ce sont des planches qui ont comme celles du fond, deux pouces & demi d'épaisseur; elles sont plus longues les unes que les autres, & ont 15 à 16 pouces de largeur & même plus par le bout qui prend dessus le chef, & elles viennent en diminuant se fermer sur le fond, où elles se trouvent réduites à 7 à 8 pouces de largeur, & on les cloue sur les ailes avec de gros clous aigus. L'on met aussi de chaque côté par-dessus ces quatre petites lambourdes, trois grandes lambourdes; ce sont des planches aussi de deux pouces & demi d'épaisseur, & plus longues les unes que les autres: la premiere doit avoir, quand cela se peut trouver, 30 à 35 piés de longueur; la seconde 40 à 45 piés; & la troisieme 50 à 55 piés: elles ont de même 15 à 16 pouces de hauteur, & même plus du côté du pié du chef, & vont en diminuant se fermer sur le fond, où elles se trouvent réduites à 7 à 8 pouces de hauteur. Il ne se met que trois lambourdes derriere de chaque côté, de deux pouces & demi d'épaisseur, sur 18 à 20 pouces de hauteur en montant à la quille, & elles vont en diminuant aussi de moitié se fermer sur le fond. Entre les lambourdes de devant & celles de derriere, pour clore la bordaille on met de chaque côté deux planches que l'on nomme rebords , qui ont 3 pouces d'épaisseur sur 18 à 20 pouces de largeur, & 40 à 45 piés de longueur, dont on encloue sur le fond, c'est-à-dire contre les semelles, environ 30 à 32 piés, & le surplus qui est le même bout, monte sur les côtés des lambourdes de devant & de derriere. Par-dessus les rebords & les lambourdes, on met un tour de planches qui ont deux pouces & demi d'épaisseur, & de 16 à 17 pouces de hauteur, qui prennent des deux côtés du bateau depuis le chef jusqu'à la quille; ce qui forme avec les rebords le second bord, dont on donne 2 pouces à chaque bord. Par-dessus ce tour de planches on en niet un pareil qui prend aussi du chef à la quille, de la même épaisseur & pareille hauteur; ce qui fait le troisieme bord. Et par-dessus ce troisieme bord on met la sous-barque; c'est un quatrieme tour de planches qui prend de même du chef à la quille, à la reserve qu'elles ont 3 pouces d'épaisseur sur 20 à 22 pouces de hauteur. Toutes ces planches de tour sont encouturées avec des clous aigus & des clous à clan, & l'on met des agnans en-dedans pour retenir les pointes desdits clous à clan. L'on met sur les planches du fond du bateau 60 & tant de rables, qui ont 9 pouces de hauteur & 9 pouces de marche, & 55 à 60 pieces de lieure de même hauteur en largeur; ces rables & ces lieures sont posés en-travers dudit bateau, & le bras de lieure monte contre la bordaille pour la retenir; on les place tant vuide que plein. A la levée de devant au lieu de rables, on y met sept crochuaux; ce sont des pieces de bois ceintrées qui s'entaillent dans le chef, & qui montent des deux côtés de la levée, où ils sont retenus avec de bons boulons de fer & des chevilles. Les rables & les lieures sont seulement retenus avec de bonnes chevilles, dont la tête est par-dessous le fond du bateau. Sur chaque bout des rables, il se place un clan à bosse de huit pouces en quarré, plus fort en haut contre la sous-barque, qu'en-bas pour soûtenir le porte-l'eau. Et sur le bout des pieces de lieure, l'on met aussi contre la bordaille un clan simple, moins gros que le clan à bosse. Tous les bras de lieure & tous les clans sont retenus avec de bonnes chevilles en bordaille; & pour plus de sûreté on met un boulon de fer dans chaque bras des pieces de lieure. Il y a des liernes en-dedans du bateau, de bout en bout le long de la bordaille: ce sont des planches de deux pouces & demi d'épaisseur, sur 5 à 6 pouces de hauteur, qui sont entaillées dans les clans & dans les bras des lieures; ces liernes servent à mettre des jambes de filleu, & d'autres jambes pour retenir les rubans du mât. Par-dessus la hauteur des clans & des bras de lieure, on met des portelots; ce sont des pieces de bois de 10 pouces d'épaisseur & 10 pouces de marche, sciées en chanlatte, que l'on pose en-dedans & le long du bateau, sur lesdits clans & bras de lieure, à la hauteur de la sous-barque. Et devant & derriere du bateau pour fermer au chef & à la quille, on met des alonges de portelots; ce sont des pieces de bois ceintrées & de pareille grosseur que les portelots, qui vont en tournant des deux côtés, tant du chef que de la quille, qui sont aussi posés sur partie de clans & des bras de lieure, & sur les crochuaux, à la hauteur de la sous-barque. Les portelots & alonges de portelots sont retenus ensemble avec une bande de fer dessus, entaillée dans lesdits portelots & alonges, & une autre bande de fer au côté en-dedans, avec de gros clous aigus, & en outre deux boulons que l'on met en-dehors qui traversent la sous-barque, & l'un le portelot, & l'autre l'alonge, puis les deux bouts de la bande de fer en-dedans du bateau, aux quels boulons l'on met en-dedans des écriteaux pour les retenir. Les arcillieres sont des pieces de bois de 30 à 35 piés de longueur, d'un pié de hauteur & de 14 à 15 pouces de marche, ceintrées & tournantes, que l'on pose sur les alonges de portelots en-devant du bateau des deux côtés, & dont l'épaisseur diminue en montant au chef. Les arcillieres de derriere sont aussi ceintrées & tournantes, ont 25 à 26 piés de longueur, un pié d'épaisseur, & 14 à 15 pouces de marche; elles se posent pareillement sur les clans à bosse & bras de lieure des deux côtés de derriere en-dedans du bateau, & viennent se fermer à la quille en diminuant aussi de leur épaisseur. Entre les arcillieres de devant & celles de derriere, il se met de chaque côté du bateau trois plat-bords; ce sont des pieces de bois d'un pié de hauteur & de 15 pouces de largeur ou de marche; elles se posent sur les portelots, & s'étendent aussi sous la sous-barque. Ces plat-bords sont retenus aux écarts, c'est-à-dire à leur jonction, avec les arcillieres de trois bandes de fer entaillées dans le bois, savoir une bande dessus, une en-dehors, & l'autre en-dedans, avec de bonnes fiches de fer & de bons boulons, garnis d'écriteaux, comme il est dit ci-dessus. A 7 à 8 piés du bout du chef, l'on place un seuil; c'est une piece de bois de 7 à 8 pouces de hauteur, sur 18 pouces de marche, que l'on pose en-travers sur les arcillieres des deux côtés, & qui est retenue avec deux boulons & des fichenards dont les boulons percent au-travers des sous-barques. C'est au milieu de ce seuil que l'on place la bitte. A 15 ou 16 piés du bout du chef, on place deux courbes, une de chaque côté; elles sont chacune retenues d'un bon boulon qui perce la sous-barque, l'alonge du portelot, & qui traverse encore la courbe; & d'un autre boulon au pié de la courbe, qui porte dessus le rable. La levée dudit bateau se place entre lesdites courbes & le seuil. En-deçà desdites courbes on met un chantier; c'est une piece de bois de 7 pouces de hauteur, sur 8 pouces de marche, qui se pose en-travers sur les arcillieres de chaque côté, ainsi que le seuil. A deux piés & demi ou trois piés de la quille, on met un seuil; c'est une piece de bois de 6 pouces de hauteur sur 15 à 16 pouces de marche, que l'on pose aussi en-travers sur les arcillieres des deux côtés de derriere; & c'est au milieu de ce seuil que l'on pose le bitton. A 22 à 24 piés en-avant de la quille, on place deux courbes, une de chaque côté; & elles sont retenues de la même maniere que les deux courbes de devant. La bitte, le bitton & les quatre courbes sont des morceaux de bois arrondis de 14 à 15 pouces de diametre, sur un pié & demi ou environ d'élévation par dessus les seuils & les arcillieres, & ils servent à fermer les cordes. Entre la quille & les deux courbes de derriere, il se const ruit une travure & un emprunt; l'emprunt est sous le bitton. La galerie est faite en-avant de la travûre; elle contient trois piés de largeur, & elle se trouve placée entre & vis-à-vis les deux courbes de derriere. Attenant cette galerie se trouve le chantier de derriere, il s'y place à une certaine distance six matieres, pour composer dans ledit bateau sept greniers, outre le dessus de la levée, de la travûre, & & de l'emprunt. Les six matieres sont six pieces de bois de 7 pouces d'épaisseur, sur 16 à 17 pouces de marche; elles sont mises en-travers, & sont portées & entaillées sur & dans les plat-bords de chaque côté; elles y sont chacune retenues avec deux petites bandes de fer de chaque côté, entaillées & cloüées avec des clous aigus, & en outre un bon boulon qui prend dans la sous barque, traverse le portelot, & dont le même bout qui sort au-dessus de la matiere, y est retenu avec un écriteau & une ruelle. Sous chaque matiere il se met un potelet de 6 pouces en quarré, dont un bout est entaille dans le rable, & l'autre entaillé sous le milieu de la matiere pour la soûtenir, & en même tems pour empêcher le fond du bateau de s'elever. Il se perce dans la quille quatre trous à distance égale, pour y mettre quatre verrelles; ce sont des especes de gonds, auxquels le gouvernail est accroché. Le gouvernail est composé de plusieurs planches, qui toutes ensemble ont par en-bas 26 piés de largeur, & par le haut environ 14 ou 15 piés; elles sont retenues par sept barres de bois de chaque côté, posées à distance à-peu-près égale en-travers desdites planches, & cloüées avec de bons clous. La crosse a environ 60 piés de longueur dont le gros bout est quarré, avec une entaille d'environ un demi-pié de profondeur, dans laquelle entrent les planches du gouvernail, sur lesquelles la crosse est posée; l'autre bout est arrondi & vient jusqu'au grenier, qui est en-avant de la travure. Pour pousser cette crosse & dresser le bateau, il se pratique en-avant & attenant la galerie une élévation, au moyen de trois bouts de planches qui sont debout sur les plat-bords de chaque côté, sur lesquelles il s'en place trois autres en-travers, garnies de tasseaux que l'on nomme planches de harnois , sur lesquelles monte le pilote; & au bout de la crosse l'on ferme une enfouaille; c'est une petite corde qui sert à retenir le bout de la crosse lorsqu'il s'écarte du bateau. L'on met quatre crampons, savoir deux de chaque côté de la levée du devant du bateau, qui prennent dans les alonges dix portelots, comme dans les arcillieres, pour fermer les cordes d'un vindas pour barrer le bateau quand il est demeuré. L'on met aussi en tête du chef, c'est-à-dire sur le nez du bateau, un anneau pour y fermer une bitte, qui est un bout de corde, servant à retenir la flette devant le bateau, pour le dresser quand il va en avalant. On ne donne point l'explication du mât. Le filleu est une piece de bois ronde, plus grosse que le mât, laquelle se place en-travers du bateau, quelques greniers en-arriere de celui où est planté le mât; elle est retenue par de grosses cordes passées dans les liernes de chaque côté, que l'on nomme des jambes , ainsi qu'il a été dit ci-devant, sur lequel filleu l'on ferme le bout des cordes de traits & autres qui sont passées par le mât, pour servir au montant du bateau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foncet Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Foncet * Foncet , ( Serrurerie. ) est dans une serrure une piece qui se substitue à la couverture, & sur laquelle se monte le canon de la serrure, quand il y en a un. On y pratique l'entrée de la cle. Voyez, dans nos Planches en A , un foncet; en B , un foncet un pas dedans; & en C , le pié du foncet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCIER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FONCIER FONCIER, s. m. ( Jurisp. ) se dit de tout ce qui est inhérent au fond de terre & à la directe ou propriété; comme une charge ou rente fonciere . Le cens & la dixme sont des charges foncieres . Le seigneur foncier est celui auquel les cens, saisines & desaisines ou la rente fonciere sont dûs. En Artois, c'est celui qui n'a pour mouvances que des biens en roture. Justice fonciere , c'est la basse justice qui, dans quelques coûtumes, appartient au seigneur foncier. Voyez Charge fonciere , Justice fonciere , Rente fonciere , Seigneur foncier . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONCTION Author=d'Alembert Normalized Classification=Algèbre Part of Speech=s.f. FONCTION FONCTION, s. f. ( Algebre. ) les anciens géometres, ou plûtôt les anciens analystes ont appellé fonctions d'une quantité quelconque x les différentes puissances de cette quantité ( voyez Puissance ); mais aujourd'hui on appelle fonction de x , ou en général d'une quantité quelconque, une quantité algébrique composée de tant de termes qu'on voudra, & dans laquelle x se trouve d'une maniere quelconque, mêlée, ou non, avec des constantes; ainsi , &c. sont des fonctions de x . De même x 2 y + a y 3 , &c. est une fonction de x & de y , & ainsi des autres. Tous les termes d'une fonction de x sont censés avoir la même dimension; quand ils ne l'ont pas, c'est qu'il y a une constante sousentendue qu'on prend pour l'unité; ainsi dans x 2 + x 3 , on doit regarder x 2 comme égale à ax 2 , a étant l'unité. Quand la fonction n'est ni fraction ni radical, sa dimension est égale à celle d'un de ses termes. Ainsi la fonction x 2 + x 3 est de trois dimensions. Quand la fonction est une fraction, la dimension est égale à celle du numérateur moins celle du dénominateur. Ainsi est de dimension 1, est de dimension-1, & est de dimension nulle. Voyez Tautochrone & Intégral . Quand la fonction est radicale, sa dimension est égale à celle de la quantité qui est sous le signe, divisée par l'exposant du radical; ainsi est de 2/2=1 dimensions, & s d x sont de 1+2/3=5/3 dimensions, &c. & ainsi des autres. Fonction homogene est une fonction de deux ou plusieurs variables x, y , &c. dans laquelle la somme des dimensions de x, y , &c. est la même. Ainsi x 2 y + ax 3 + by 3 est une fonction homogene; il en est de même de , &c. Voyez Homogene & Intégral . Fonctions semblables sont celles dans lesquelles les variables & les constantes entrent de la même maniere; ainsi aa+xx & AA+XX sont des fonctions semblables des constantes A, a , & des variables X, x . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonction Author=d'Aumont Normalized Classification=Economie animale Part of Speech=NA Fonction Fonction , ( Economie animale. ) est une action correspondante à la destination de l'organe qui l'exécute. Ainsi la fonction de la poitrine est la respiration; celle de la langue est l'articulation des sons, le goût, &c. cependant les Medecins n'entendent guere, par ce terme, que les actions qui, outre qu'elles sont relatives à la destination des organes, sont en même tems sensibles: ainsi ils n'ont pas mis la circulation, mais le pouls au rang des fonctions , parce que la circulation ne tombe pas sous les sens: ils ne mettent pas non plus la chaleur en ce rang, parce qu'on ne la conçoit pas comme une action, mais comme une qualité ou une disposition du corps, qu'on peut considérer indépendamment du mouvement sensible des parties. Comme on a reconnu de tout tems, qu'un être infiniment sage est l'auteur de notre corps & de ses divers organes; on a aussi senti qu'il avoit arrangé & disposé toutes les pieces de cette admirable machine, selon des vûes ou des destinations: & c'est pour remplir ces vûes qu'elles agissent; en conséquence de quoi, on appelle fonctions ces actions, comme étant faites pour s'acquitter d'un devoir auquel leur structure & leur position les engagent. Tout mouvement sensible d'un organe n'est donc pas une fonction ; un membre qui tombe par sa gravité ou par une impulsion extérieure, ne fait pas en cela sa fonction . On divise les fonctions comme les qualités qui en sont les principes: il y en a qui sont communes aux végétaux, telles que la nutrition, digestion, genération, secrétion; les autres sont propres aux animaux, telles que la sensation, l'imagination, les passions, la volition, les mouvemens du coeur, de la poitrine, des membres, &c. On les soûdivise en saines & en lésées . Les Medecins sont partagés au sujet du principe de certaines fonctions , comme des mouvemens naturels, tels que celui du coeur, de la poitrine; les uns & les autres croyent que l'ame en est la puissance mouvante: quoique ces mouvemens ne soient pas libres, ils prétendent qu'il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité, & que la force mouvante de l'ame n'est pas toûjours déterminée à agir par la volonté ni par la notion distincte du bien & du mal; & ils alleguent en preuve les passions & les actions que nous faisons, en dormant ou par coûtume: les autres prétendent qu'on ne doit rapporter à l'ame, comme principe, que les actions dont elle a pleine connoissance, & que sa volonté détermine; encore même ne veulent-ils reconnoître pour volontaires que celles que nous faisons volontiers, & non celles que nous faisons par force & malgre nous: ils attribuent celle-ci au pouvoir des machines; ils prétendent que les machines ont un pouvoir d'agir, d'augmenter le mouvement, indépendamment d'aucun moteur, ou ne reçoivent pour moteur que la matiere subtile, le ressort de l'air, des fibres; ils prétendent même que le mouvement, une fois imprimé à nos organes, ne se perd jamais, & qu'on n'a que faire de chercher ailleurs le principe de nos actions naturelles: telle est la controverse qui regne parmi les Medecins & les Chimistes ou prétendus Méchaniciens. V. OEconomie animale , Nature , Mouvement , ( Med. ) Puissance motrice , ( Econ. anim. ) &c. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonctions Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Fonctions Fonctions , dans l'Imprimerie , sont de certaines dispositions & préparations que chaque ouvrier est obligé de faire, suivant le genre de travail auquel il est destiné. Les fonctions du compositeur sont de distribuer de la lettre, mettre en page, d'imposer, de corriger ses fautes sur la premiere & sur la seconde épreuve, & d'avoir soin de ses formes jusqu'à ce que la derniere épreuve étant corrigée, elles soient en état d'être mises sous presse. Les fonctions des ouvriers de la presse, sont de tremper le papier & de le remanier, carder la laine & préparer les cuirs pour les balles, les monter, & démonter, broyer l'encre tous les matins, faire les épreuves, laver les formes, & les mettre en train: comme il y a le plus ordinairement deux ouvriers à une presse, les fonctions se partagent entre les deux compagnons. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOND, & au pluriel fonds Author=Dumarsais Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOND FOND, s. m. & au pluriel fonds . Ce mot a plusieurs acceptions analogues entre elles, tant au propre qu'au figuré. Fond signifie premierement la partie la plus basse d'un tout. Le fond d'un puits, le fond d'une riviere, le fond de la mer, de fond en comble , c'est-à-dire de bas en-haut; (on prononce de font-en-comble , ce qui fait voir qu'il faut écrire fond au singulier sans s ) le fond du panier. Bâtir dans un fond , c'est bâtir dans un lieu bas: il faut mettre un fond à ce tonneau, c'est-à-dire qu'il y faut ajoûter des douves qui serviront de fond . Le fond des forêts, le fond d'une allée; il s'est retiré dans le fond d'une solitude, dans le fond d'un cloître. 2°. Fond signifie aussi profondeur; ce haut-de-chausse n'a pas assez de fond , c'est-à-dire de profondeur. La digestion se fait dans le fond de l'estomac; un fossé à fond de cuve est un fossé sec & escarpé des deux côtés, à l'imitation d'un vase: on dit familierement déjeuner à fond de cuve , c'est-à-dire amplement . En terme de jeu on dit aller à fond , pour dire écarter autant de cartes qu'on peut en prendre dans le talon. En terme de Marine, le fond de cale est la partie la plus basse du vaisseau; c'est celle où l'on met les provisions & les marchandises. Prendre fond , c'est jetter l'ancre: couler à fond se dit dans le sens propre d'un vaisseau qui se remplit d'eau & s'enfonce. Or dit par figure d'un homme, dont la fortune est renversée, qu'il est coulé à fond . On dit encore, en terme de Marine, donner fond , c'est-à-dire jetter l'ancre . On sonde quelquefois sans trouver fond . Un bon fond dans le sens propre, en terme de Marine, veut dire un bon ancrage , c'est-à-dire que le fond de la mer se trouve propre à retenir l'ancre: bas-fond est un endroit de la mer où il y a peu d'eau, où l'eau est basse. Il y a des carrosses à deux fonds . On dit par métaphore le fond de l'ame, le fond d'une affaire; ce qu'il y a de plus caché, ce qui fait le noeud de la difficulté: on dit aussi en ce sens le fond du sac . On dit qu'il ne faut point qu'on sache le fond de notre bourse, pour dire ce que nous avons de biens ou d'argent. A fond , c'est-à-dire pleinement; il a parlé à fond de, &c. Connoître à fond , c'est connoître l'origine, la vie, l'esprit, la conduite, & les moeurs de quelqu'un. Au fond , sorte d'adverbe de raisonnement, pour dire au reste , si l'on veut bien y faire attention. 3°. Fond se prend aussi dans le sens propre pour le terrein, pour ce qui sert de base. On a planté ces arbres dans un bon fond; un bon fond de terre. On ne doit pas bâtir sur le fond d'autrui. On dit d'un seigneur qu'il est riche en fonds de terre, in fundis terroe; en sorte que, selon M. Ménage, fonds est alors au pluriel. Le fond d'un tableau, c'est ce qui sert comme de base & de champ aux figures; c'est ainsi que l'on dit que le fond du damas est de taffetas, & que les fleurs sont de satin. 4°. Fond se dit par extension pour propriété , & alors il est opposé à usufruit: la veuve n'a que l'usufruit de son doüaire; les enfans en ont le fond ou la propriété. 5°. Fond se dit par imitation d'une somme d'argent qu'on amasse & qu'on destine à certains usages. Faire un fond pour bâtir, pour joüer, &c. On dit d'un joüeur qu'il est en fond ou en fonds au pluriel, pour dire qu'il a de l'argent comptant. Fond , dans le même sens, se dit pour le capital d'une somme d'argent: aliéner son fond à la charge d'une rente qui tient lieu de fruits. Quand on donne de l'argent à rente viagere, pour en retirer un denier plus fort, on dit qu'on l'a placé à fond perdu . 6°. Fond se dit aussi par figure des choses spirituelles, comme on le dit d'étendue. Un fond d'esprit, de bon sens, de vertu, de probité, &c. On dit faire fond sur quelqu'un ou sur quelque chose, y compter, s'en croire assûré. L'abbé de Bellegarde dit qu'il ne faut pas toûjours faire fond sur les personnes qui se répandent en témoignages extérieurs de politesse. M. de Vaugelas, remarques, tom. II. pag. 314. dit que fond & fonds sont deux choses différentes; car fond sans s , dit-il, se dit en latin hoc fundum , c'est la partie la plus basse de ce qui contient, comme le fond du tonneau, le fond du verre: mais fonds avec un s se dit en latin hic fundus; & c'est proprement la terre qui produit des fruits, & par figure tout ce qui rapporte du profit. Mais le docte Ménage desaprouve ce sentiment de Vaugelas; il ne connoît en latin que fundus , & ajoûte que si l'on dit, il n'y a point de fonds , c'est qu'alors fonds est au pluriel, nulli sunt fundi . Il est vrai que quelques-uns de nos dictionnaires ont adopté fundum, i , mais c'est sans autorité, fundum n'est que l'accusatif de fundus . Danet & le pere Joubert ne reconnoissent que fundus . Quoique le thrésor d'Etienne mette fundum, i , après Laurent Valle, dit l'auteur du Novitius, cependant ni l'un ni l'autre n'en apportent aucune autorité. Martinius dit qu'on trouve fundum & fundus dans Calepin & dans quelques autres dictionnaires: sed de primo nullum exemplum, nec hoc fundum apud idoneos autores reperias . Faber, dans son thrésor, ne met que fundus , & ajoûte, comme s'il vouloit répondre à Vaugelas: non audiendi sunt grammatici & lexicographi recentiores, qui inter fundus & fundum distinguunt, ut fundus de agro, fundum de imo cujusque rei dicatur; neque verò id exemplis probari potest . Je me suis peut-être trop étendu sur un article aussi peu important; je finis par ces paroles de Thomas Corneille, dans sa note sur la remarque de Vaugelas, tom. II. pag. 316. « Je suis ici du sentiment de M. Ménage, & cela me fait écrire fond sans s , & jamais fonds , à-moins que ce mot ne soit au pluriel ». ( F ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fond Fond , ( Jurispr. ) s'entend de plusieurs choses différentes. Fond , en tant qu'il est opposé à la forme, signifie ce qui est de la substance d'un acte, ou ce qui fait le vrai sujet d'une contestation: on dit communément que la forme emporte le fond , c'est-à-dire que les exemptions péremptoires, tirées de la procédure, font déchoir le demandeur de sa demande, quelque bien fondée qu'elle pût être par elle-même, abstraction faite de la procédure: on dit conclure au fond , pour distinguer les conclusions qui tendent à faire décider définitivement la contestation de celles qui tendent seulement à faire ordonner quelque préparatoire. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Biens-Fonds Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Biens-Fonds Biens-Fonds , sont les terres, maisons, & autres héritages; ils sont ainsi appellés, pour les distinguer des immeubles fictifs, tels que les rentes foncieres & constituées, les offices, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonds Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fonds Fonds , est pris souvent pour l'héritage tout nud, c'est-à-dire abstraction faite des bâtimens qui peuvent être construits dessus; les bois de haute-futaie & les fruits pendans par les racines font partie du fonds . On distingue quelquefois le fonds de la superficie de l'héritage; mais la superficie suit le fonds , suivant la maxime superficies solo cedit . Quand on veut exprimer que l'on cede non-seulement la superficie d'une terre, mais aussi tout le fonds , sans aucune réserve, on cede le fonds & très-fonds de l'héritage, c'est-à-dire jusqu'au plus profond de la terre, de maniere que le propriétaire y peut fouiller comme bon lui semble, en tirer de la pierre, du sable, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonds de terre Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fonds de terre Fonds de terre , signifie ordinairement la propriété d'une portion de terre, soit qu'il y ait un édifice construit dessus ou non. On entend aussi quelquefois par fonds de terre , la redevance qui le représente, telle que le cens ou la rente fonciere; c'est en ce sens que l'on joint souvent ces mots cons & fonds de terre , comme synonymes. L'auteur du grand coûtumier, & autres anciens auteurs, ont pris ces termes fonds de terre pour le premier cens, appellé dans les anciennes chartes fundum terroe. Voyez la Thaumassiere sur le chap. xxjv. de Beaumanoir; Brodeau sur l' art. 74. de la coûtume de Paris , verbo cens ou fonds de terre. Voyez aussi Cens . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonds dotal Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fonds dotal Fonds dotal , est un immeuble réel que la femme s'est constitué en dot. La loi julia de fundo dotali défend au mari d'aliéner le fonds dotal de sa femme; mais quand le fonds dotal est estimé par le contrat de mariage, cette estimation équivaut à une vente, & dans ce cas le mari est seulement débiteur envers sa femme du montant de l'estimation, & peut aliéner le fonds dotal. Voyez Dot . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonds perdu Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fonds perdu Fonds perdu , est un principal qui ne doit point revenir au créancier qui a prêté son argent à rente viagere. Donner un héritage à fonds perdu , c'est le donner à rente viagere. L'édit du mois d'Août 1661, fait défenses de donner aucuns héritages ni deniers comptans à fonds perdu à des gens de main-morte, si ce n'est à l'Hôpital général, l'Hôtel Dieu ou aux Incurables. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fond Fond , en terme de Marine; c'est la terre ou sable qu'on trouve sous les eaux: on lui donne différens noms, suivant la nature du terrein ou du sable; par exemple, on dit fond de sable, fond de vase, fond de coquillages pourris, fond d'équilles , &c. ce sont de petits coquillages de la grosseur d'un ferret d'éguillette, & qui se terminent en pointe. Lorsque le fond est uni, ni trop dur ni trop mou, & que l'ancre y entre aisément & y tient bien, on dit bon fond ; lorsqu'il y a des roches aiguës, qui gâtent ou peuvent couper les cables, on l'appelle mauvais fond . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond de cale Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fond de cale Fond de cale , ( Marine. ) c'est la partie la plus basse du vaisseau, comprise entre le premier pont & le fond du vaisseau. On partage cette étendue en plusieurs parties destinées à différens usages. Voy. Planche IV . de Marine, fig. 1 . n. 31 . Le fond de cale avec ses différentes divisions; savoir, n°. 40. fosse aux lions, 42. fosse aux cables, 44. chambre aux voiles, 46. soute du chirurgien, 47. parquet des boulets, 55. soutes aux poudres pour y mettre les barrils à poudre, 56. caissons à poudre pour les gargousses, 61. soutes au pain, 62. couroir des soutes, 65. soute du capitaine, 66. soute du canonnier. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond de voile Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fond de voile Fond de voile ; c'est le milieu d'une voile par le bas, & ce qui retient le vent par le milieu. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond de la hune Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fond de la hune Fond de la hune ; ce sont les planches qu on pose sur les barres de la hune, & sur lesquelles on marche. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Fond Fond , dans le Commerce , signifie le capital ou le fonds que possede un commerçant, compagnie ou corps; ou bien c'est la somme d'argent qu'il met dans le commerce. Voyez Capital , &c. Dans ce sens, nous disons en général fond , pour signifier les fonds publics , c'est-à-dire ce qui appartient aux compagnies ou corps célebres du royaume, comme la compagnie de la banque, de la mer du Sud, des Indes orientales. Voyez Banque , Compagnie , &c. Fonds signifie encore toutes les marchandises d'un marchand . Ce négociant s'est retiré: il a vendu son fonds . Il se dit pareillement des machines, métiers, instrumens servans à une manufacture, &c. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Fond Fond , en Peinture , signifie ou les derniers plans d'une composition , ou le champ qui entoure un objet peint . Ce dernier sens comprend les préparations sur lesquelles on ébauche un tableau, c'est-à-dire l'apprêt ou les premieres couches de couleurs dont on couvre la toile, le bois, le cuivre, ou la muraille sur laquelle on veut peindre. Il me semble que les Artistes laissent souvent à l'habitude, à l'exemple, ou au hasard, à décider de la couleur sur laquelle ils commencent à ébaucher leurs ouvrages; je crois cependant que cette partie de leur art, ainsi que plusieurs autres qui paroissent de médiocre conséquence, devroient être quelquefois l'objet de leurs recherches, de leurs épreuves, & de leurs réflexions. Il est vrai qu'il est des peintres difficiles, qui dans l'indécision de leur composition, qu'ils n'ont point assez réfléchie, couvrent plusieurs fois leurs ébauches, & substituent des masses claires à des masses sombres, en cherchant leur effet. Pour ces peintres, le premier apprêt ne peut devenir l'objet de leur combinaison; mais un peintre facile ou prudent, qui se feroit une loi de ne commencer un tableau qu'après avoir fait une esquisse arrêtée, pourroit se décider sur le premier apprêt, pour rendre par son moyen ses masses claires plus brillantes, & pourroit, en menageant sa couleur, leur donner un transparent, qui serviroit à mieux imiter l'éclat de la lumiere. Rubens, cet artiste à la fois facile & profond, cet homme de génie, qui a vû la Peinture en grand, a sû tirer parti du fond de ses tableaux & des glacis, & c'est aux artistes de cette classe que les pratiques même les plus dangereuses fournissent des ressources & des beautés; il peignoit souvent sur des fonds blancs, mais pour éviter l'inconvenient que peuvent avoir les fonds de cette couleur dans les grandes masses d'ombres, ne pourroit-on pas, d'après une esquisse bien arrétée, faire préparer son fond par grandes masses blanches & brunes, & cette pratique ne vaudroit-elle pas mieux que celle de peindre sur des fonds gris, bruns, ou rouges, qu'on regarde comme des fonds indifférens, & qui en effet ne sont favorables ni aux masses claires, ni aux masses d'ombres? mais en voilà assez pour les artistes intelligens, & trop pour ceux qui, esclaves de l'habitude, croyent que ce qu'ils n'ont pas vû faire à leurs maitres ne peut être bon. Après avoir parlé de l'apprêt qui fait le principal fond général du tableau, je vais dire quelque chose du champ particulier sur lequel se trouvent les objets que renferme un tableau. Ce qui distingue les objets les uns des autres, c'est l'opposition des nuances claires & obscures. Dans tous les objets qu'offre la nature, la nuance que présente le côté éclairé d'un corps, fait paroître celui qui est à côté plus teinté. La partie ombrée produit l'effet contraire; sans cette loi de la nature, les objets confondus ensemble ne nous offriroient point ce que nous nommons le trait , qui est la ligne claire ou obscure, qui nous donne l'idée de leur forme. Un flocon de neige, lorsque nous le distinguons dans les airs, se détache en brun sur la teinte que la lumiere répand dans le ciel; si ce même flocon passe devant un nuage obscur, il reparoit blanc, en raison de l'opposition du fond sur lequel il se trouve; s'il se montre enfin vis-à-vis d'un mur noirci par le tems, il prend cet éclat dont nous ne devons l'idée générale qu'à la plus grande habitude que nous avons de voir la neige en opposition avec des objets qui relevent son éclat; une branche d'arbre, examinée avec soin, donnera une idée juste de cet effet. Quelquefois dans l'espace de quelques piés, elle se détachera plusieurs fois, alternativement en clair & en brun; ce sont ces variétés fondées sur la nature, qui prêtent leur secours au peintre, lorsqu'il veut chercher dans les oppositions des ressources pour l'harmonie; il reconnoîtra, en examinant ce jeu, des couleurs causées par les fonds , qu'il peut à son gré distinguer plus ou moins les objets par des combinaisons d'oppositions qui sont absolument à sa disposition. Il trouvera aussi, pour rendre son coloris plus brillant, que certaines couleurs se détruisent, tandis que d'autres se font valoir; l'incarnat devient pâle sur un fond rouge, le rouge pâle paroît vif & ardent sur un fond jaune; la décoration des fonds étant au choix de l'artiste, il est autorisé à donner aux objets de ses premiers plans & aux draperies de ses figures principales, les fonds qui doivent leur être les plus favorables. Cette réflexion conduit naturellement à parler de ce qu'on appelle fonds , lorsqu'on entend par-là les derniers plans d'une composition. Les differentes modifications qu'on ajoûte ordinairement à ce terme, lorsque l'on s'en sert dans ce sens, indiquent ce que l'artiste doit observer. On dit d'un tableau de paysage, qui représente un site très-étendu dans lequel une dégradation de plans insensible & multipliée se fait appercevoir, que le fond de ce tableau est un fond vague . L'artiste qui peint l'etendue des mers, doit par un fond aérien faire sentir cette immensité de lieu dont la distance n'est pas désignée par des objets successifs qui la font concevoir dans la représentation des objets terrestres. Un fond agréable est celui qui nous offre l'image d'un lieu où nous souhaiterions nous trouver. Un fond devient picquant par le choix de la couleur du ciel & de l'instant du jour. Il est frais, s'il représente le ton de l'air au matin; il est chaud, si le coucher du soleil lui donne une couleur ardente. Le fond pittoresque est celui dans lequel un choix ingenieux rassemble des objets favorables au peintre, & agréables au spectateur. Il faut dans certains sujets d'histoire des fonds riches: telle est une partie des actions tirées de la Fable; tels sont les traits que fournissent les histoires asiatiques, les triomphes, les fêtes, &c. La simplicité, l'austérité même, conviennent aux fonds des tableaux qui représentent les objets de notre culte; ils sont favorables aussi à la plûpart des objets pathétiques: rien ne doit détourner de l'intérêt qu'ils font naître; c'est à l'ame qu'il faut parler principalement. Cependant toutes ces qualités différentes, que la raison & le goût distinguent, sont renfermées dans celle-ci. Les fonds doivent être toûjours convenables au sujet qu'on traite. Voyez le mot Fabrique , dans l'explication duquel il y a plusieurs choses qui ont rapport au mot Fond . Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Fond Fond , en Architecture , se dit du terrein qui est estimé bon pour fonder. Le bon & vif fond est celui dont la terre n'a point été éventée, & qui est de bonne consistance: on appelle aussi fond une place destinée pour bâtir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond d'ornemens Author=Blondel Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fond Fond d'ornemens , se dit du champ sur lequel on taille ou on peint des ornemens, comme armes, chiffres, bas-reliefs, trophées, &c. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Diderot Normalized Classification=Batteur d'or Part of Speech=NA Fond * Fond , en terme de Batteur d'or; c'est une liqueur composée de vin blanc & d'eau-de vie en quantité proportionnée; un demi-septier d'eau-de-vie, par exemple, sur trois pintes de vin; de deux onces de poivre; de deux gros de muscade, autant de gérofle & de cannelle; enfin de la meilleure colle de poisson. Quand tout cela s'est réduit en bouillant à une certaine quantité dépendante de celle de tous ces ingrédiens, on en enduit les feuilles des outils avec une éponge sur une planche de bois, & on les fait sécher sur des toiles neuves; les vieilles étant remplies d'un duvet avec lequel le fond s'incorporeroit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=unknown Normalized Classification=Bijoutier Part of Speech=NA Fond Fond , en terme de Bijoutier; c'est proprement la partie plate inférieure d'une boîte, qui jointe à la bate, forme la cuvette. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Diderot Normalized Classification=Blondier Part of Speech=NA Fond * Fond , en terme de Blondier; c'est proprement le réseau, ou ce qui sert d'assiette aux grillages & aux toiles. Nous avons dit que ces fonds étoient composés de points plus ou moins fins selon la qualité des blondes, tantôt de point d'Angleterre, tantôt de celui de Malines, &c. Voyez Grillages & Toiles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=unknown Normalized Classification=Ciseleur Part of Speech=NA Fond Fond , ( Cizelure. ) On dit mettre une médaille en fond. Voyez Gravure sur l'Acier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fond Fond , ( Jardin. ) se peut dire d'une terre: il se prend aussi pour la partie la plus basse d'une tulipe. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=unknown Normalized Classification=Marchand de modes Part of Speech=NA Fond Fond , en termes de Marchand de modes; est une piece de gaze, de mousseline, de dentelle, &c. dont deux angles sont arrondis, qui sert à couvrir le reste du bonnet piqué, sur lequel le bavolet & la piece de dessous n'étoient pas parvenues. Voyez Bavolet . On attache les fonds avec des épingles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=unknown Normalized Classification=Planeur Part of Speech=NA Fond Fond , en terme de Planeur; c'est cette partie plate qui fait le centre d'une assiete ou autre piece de vaisselle. Il se trace au compas, & se termine où le bouge commence. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond d'or ou Fond d'argent Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fond d'or * Fond d'or ou Fond d'argent , étoffe de soie en or ou argent. Cette étoffe est un drap dont le fond est toûjours tout or ou tout argent: on en fait aussi à ramages en argent sur l'or, & à ramages en or sur les fonds d'argent avec des nuances mêlées: il s'en fabrique aussi dont les desseins sont destinés à être tout or ou tout argent sans mélange d'or avec l'argent. Cette étoffe se fait avec deux chaînes; l'une pour le corps de l'étoffe qui se travaille en gros-de-Tours: l'autre, qu'on appelle poil , & qui sert à passer une soie avec laquelle on accompagne les dorures: ensuite, en faisant valoir ce même poil, on broche les dorures & les nuances, au moyen de l'armure qu'on a disposé selon qu'il convient pour le dessein. Cette étoffe à Lyon est toûjours de onze vingt-quatriemes d'aune. Voyez Étoffe de soie . Nous avons dit que les fonds d'or se travailloient communément en gros-de-Tours; mais il s'en fait plus souvent en fond de satin. Cet ouvrage demande un grand détail tant pour l'armure que pour le reste. Voyez ce détail à l' article Brocard . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Fond * Fond , ( Rubann. ) se dit des chaînes de la livrée qui forment le corps de cette sorte d'ouvrage. Il y a de deux sortes de fonds , l'un appellé gros fond , & l'autre fin fond: le gros fond & la figure levent ensemble sur le pié gauche, & le fin fond sur le pié droit alternativement: le gros fond étant trop épais, ne peut approcher par le coup de battant; & le coup de fin fond venant après, qui étant bien plus propre par la finesse des soies qui le composent, à recevoir l'impulsion du battant, rend la liaison plus facile que si les deux pas étoient de gros fond . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fond, (faux-) Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Fond * Fond , ( faux-) Serrurerie: c'est dans une serrure la piece où le canon est renfermé, comme on voit en RR, Planche de Serrurerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDALITÉ Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FONDALITÉ FONDALITÉ, ( Jurisp. ) est le droit de directe qui appartient au seigneur foncier & direct sur un héritage mouvant de lui. La coûtume de la Marche, art. 137. 411. & 415. appelle ainsi le droit de directe. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDAMENTAL Author=d'Alembert Normalized Classification=Musique moderne Part of Speech=adject FONDAMENTAL FONDAMENTAL, adj. terme fort usité dans la Musique moderne: on dit son fondamental, accord fondamental, basse fondamentale; ce qu'il est nécessaire d'expliquer plus en détail, afin d'en donner une idée précise. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Son fondamental Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Son fondamental Son fondamental . C'est une vérité d'expérience reconnue depuis long-tems, qu'un son rendu par un corps n'est pas unique de sa nature, & qu'il est accompagné d'autres sons, qui sont, 1°. l'octave au-dessus du son principal, 2°. la douzieme & la dixseptieme majeure au-dessus de ce même son, c'est-à-dire l'octave au-dessus de la quinte du son principal, & la double octave au-dessus de la tierce majeure de ce même son. Cette expérience est principalement sensible sur les grosses cordes d'un violoncelle, dont le son étant fort grave, laisse distinguer assez facilement à une oreille tant-soit-peu exercée, la douzieme & la dix-septieme dont il s'agit. Elles s'entendent même beaucoup plus aisément que l'octave du son principal, qu'il est quelquefois difficile de distinguer, à cause de l'identité d'un son & de son octave, qui les rend faciles à confondre. Voyez Octave . Voyez aussi le premier chapitre de la génération harmonique de M. Rameau, & d'autres ouvrages du même auteur, où l'expérience dont nous parlons est détaillée. On peut la faire aisément sur une des basses cordes d'un clavecin, en frappant fortement la touche, & en retirant brusquement le doigt. Car le son principal s'amortit presque tout d'un coup, & laisse entendre après lui, même à des oreilles peu musicales, deux sons aigus qu'il est facile de reconnoître pour la douzieme & la dix-septieme du son principal. Ce son principal, le seul qu'on entende quand on ne fait pas attention aux autres, mais qui fait entendre en même tems à une oreille un peu attentive son octave, sa douzieme & sa dix-septieme majeure, est proprement ce qu'on appelle son fondamental , parce qu'il est, pour ainsi dire, la base & le fondement des autres, qui n'existeroient pas sans lui. Voilà tout ce que la nature nous donne immédiatement & par elle-même dans la résonance du corps sonore; mais l'art y a beaucoup ajoûté; & en conséquence, on a étendu la dénomination de son fondamental à differens autres sons. C'est ce qu'il faut développer. Si on accorde avec le corps sonore deux autres corps, dont l'un soit à la douzieme au-dessous du corps sonore, & l'autre à la dix-septieme majeure au-dessous; ces deux derniers corps frémiront sans résonner, dès qu'on fera résonner le premier: de plus, ces deux derniers corps en frémissant, se diviseront par une espece d'ondulation, l'un en trois, l'autre en cinq parties égales; & ces parties dans lesquelles ils se divisent, rendroient l'octave du son principal, si en frémissant elles résonnoient. Ainsi supposons qu'une corde pincée ou frappée rende un son que j'appellerai ut , les cordes à la douzieme & à la dix-septieme majeure au-dessous frémiront. Or ces cordes sont un fa & un la bémol : de sorte que si ces cordes résonnoient dans leur totalité, on entendroit ce chant, ou plûtôt cet accord, la bémol, fa, ut , dont le plus haut ton ut est à la dixseptieme majeure au-dessus de la bémol , & à la douzieme au-dessus de fa . Ainsi il résulte des deux expériences que nous venons de rapporter; 1°. qu'en frappant un seul son quelconque, ut , par exemple, on entendra en même tems sa douzieme au-dessus sol , & sa dix-septieme majeure au-dessus, mi ; 2°. que les cordes la bémol & fa , qui seront à la dix-septieme majeure au-dessous d' ut , & à la douzieme au-dessous, frémiront sans résonner. Or la douzieme est l'octave de la quinte, & la dixseptieme majeure l'est de la tierce majeure: & comme nous avons une facilité naturelle à confondre les sons avec leurs octaves ( voyez Octave ), il s'ensuit 1°. qu'au lieu des trois sons ut fondamental, sol douzieme, & mi dix-septieme majeure, qu'on entend en même tems, on peut substituer ceux-ci, qui n'en différeront presque pas quant à l'effet, ut, mi tierce majeure, sol quinte: ces trois sons forment l'accord qu'on nomme accord parfait majeur , & dans lequel le son ut est encore regardé comme fondamental, quoiqu'il ne le soit pas immédiatement, & qu'il ne le devienne que par une espece d'extension, en substituant à la douzieme & à la dix-septieme les octaves de ces deux sons; 2°. de même, au lieu des trois sons, ut son principal, la bémol dix-septieme majeure au-dessous d' ut , & fa douzieme au-dessous, qu'on entendroit si les cordes fa & la bémol résonnoient en totalité, on peut imaginer ceux-ci (en mettant la quinte & la tierce majeure, au lieu de la douzieme & de la dix-septieme) fa quinte au dessous d' ut, la bémol , tierce majeure au dessous, ut fondamental. Or la bémol faisant une tierce majeure avec ut , fait une tierce mineure avec fa; ce qui produit un autre accord appellé accord parfait mineur; voyez Accord & Mineur . Dans cet accord, il n'y a proprement aucun son fondamental: car fa ne fait point entendre la bémol , comme ut sait entendre mi . De plus, si on regardoit ici quelque son comme fondamental , quoiqu'improprement, ce devroit être le son le plus haut ut: car c'est ce son qui fait frémir fa & la bémol; ; & c'est du frémissement de fa & de la bémol , occasionnés par la résonnance d' ut , qu'on a tiré l'accord mineur fa, la bémol, ut . Cependant comme la corde fa en résonnant fait entendre ut , quoiqu'elle ne fasse ni entendre ni frémir la bémol , on regarde le son le plus bas fa , comme fondamental dans l'accord mineur fa, la bémol, ut , comme le son le plus bas ut est fondamental dans l'accord majeur ut, mi, sol . Telle est l'origine que M. Rameau donne à l'accord & au mode mineur; origine que nous pourrons discuter à Mode mineur , en examinant les objections qu'on lui a faites ou qu'on peut lui faire sur ce sujet, & en appréciant ces objections. Quoi qu'il en soit, il est au moins certain que dans tout accord parfait, soit majeur soit mineur, formé d'un son principal, de sa tierce majeure ou mineure, & de sa quinte, on appelle fondamental le son principal, qui est le plus grave ou le plus bas de l'accord. Quelques physiciens ont entrepris d'expliquer ce singulier phénomene de la résonnance de la douzieme & la dix-septieme majeure conjointement avec l'octave: mais de toutes les explications qu'on en a données, il n'y en a que deux qui nous paroissent mériter qu'on en fasse mention. La premiere est de M. Daniel Bernoulli. Ce grand géometre prétend dans les mém. de l'acad. des Sciences de Prusse, pour l'année 1753 , que la vibration d'une corde est un mélange de plusieurs vibrations partielles; qu'il faut distinguer dans une corde en vibration différens points, qui sont comme des especes de noeuds ou points fixes, autour desquels oscille la partie de la corde comprise entre deux de ces points voisins l'un de l'autre: je dis comme des especes de noeuds ou points fixes; car ces points ne sont pas véritablement immobiles; ils ne le sont, ou plûtôt ils ne sont considérés comme tels, que par rapport à la partie de la corde qui oscille entre deux; & d'ailleurs ils font eux-mêmes des vibrations par rapport aux deux extrémités véritablement fixes de la corde. Or dans cette supposition, M. Daniel Bernoulli prouve que tous les points de la corde ne sont pas leurs vibrations en même tems; mais que les uns font deux vibrations, les autres trois, &c. pendant que d'autres n'en font qu'une; & c'est par-là qu'il explique la multiplicité de sons qu'on entend dans le frémissement d'une même corde: car on sait que la différence des sons vient de celles des vibrations. Comme M. Daniel Bernoulli attaque dans ce mémoire la théorie que j'ai donnée le premier de la vibration des corps sonores, voyez l'article Corde , j'ai crû devoir répondre à ses objections par un écrit particulier, que j'espere publier dans une autre occasion: mais cette discussion n'étant point ici de mon sujet, je me borne à la question présente. J'accorde d'abord à M. Bernoulli ce que je ne crois pas, & ce que M. Euler me paroît avoir très-bien réfuté dans les mémoires de l'acad. de Berlin 1753; savoir, qu'une corde en vibration décrit toûjours ou une trochoïde simple, ou une courbe, qui n'est autre chose que le mélange de plusieurs trochoïdes. En admettant cette proposition, j'observe d'abord que dans les cas où la courbe décrite sera une trochoïde simple (ce qui peut & doit arriver souvent, & ce que M. Bernoulli semble supposer lui-même), tous les points feront leurs vibrations en même tems, & que par conséquent il n'y aura point de son multiple: or cela est contraire à l'expérience; puisque toute corde mise en vibration fait entendre plusieurs sons à-la-fois. Je demande de plus, 1°. ce que M. Daniel Bernoulli n'a point expliqué, quelle sera la cause qui déterminera la corde vibrante à être un mélange de plusieurs trochoïdes: 2°. ce qu'il a expliqué encore moins. quelle sera la cause qui déterminera constamment ces trochoïdes à être telles qu'on entende l'octave, la douzieme, & la dix-septieme, plûtôt que tout autre son. On concevroit aisément comment la corde feroit entendre, outre le son principal, l'octave, la douzieme, & la dix-septieme, si les points de la corde qui forment les extrémités des trochoïdes partielles, étoient de véritables noeuds ou points fixes, tels que les parties de la corde comprises entre ces noeuds, fissent dans le même tems, la premiere une vibration; la seconde, deux; la troisieme, trois; la quatrieme, quatre; la cinquieme, cinq, &c. En ce cas, on pourroit regarder la corde comme composée de cinq parties différentes placées en ligne droite, immobiles chacune à leurs deux extrémités, & formant par leurs différentes longueurs cette suite ou progression, 1 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, &c. Mais l'expérience démontre que cela n'est pas ainsi. Dans une corde qui fait librement ses vibrations, on ne remarque point d'autres noeuds ou points absolument fixes, que les extrémités; & M. Bernoulli paroît admettre cette vérité. Il est vrai qu'en regardant les noeuds comme mobiles, & en supposant d'ailleurs que la corde vibrante soit un mélange de plusieurs trochoïdes, les différens points de cette corde font leurs vibrations en différens tems. Mais il est aisé de voir que cette différence de vibrations ne peut servir à expliquer la multiplicité des sons. En effet, supposons pour plus de simplicité, & pour nous faire plus facilement entendre, que la corde vibrante forme uniquement deux trochoïdes égales, ensorte que le point de milieu de la corde soit l'extrémité commune des deux trochoïdes; nous convenons que tandis que ce point de milieu de la corde fera une vibration, le point de milieu de chaque trochoïde en fera deux: mais il est aisé de faire voir, & je l'ai démontré dans l'écrit dont j'ai fait mention plus haut, que ces deux vibrations ne se feront pas chacune dans un tems égal, & qu'ainsi la réunion de ces deux vibrations ne doit point produire l'octave du son principal, donné par le point de milieu de la corde: car pour qu'on entende cette octave, il faut non-seulement que l'oreille soit frappée par deux vibrations dans le même tems, il faut de plus que ces deux vibrations soient chacune d'égale durée. C'est pour cela qu'une corde qui est la moitié d'une autre, tout le reste d'ailleurs égal, fait entendre l'octave du son que cette autre produit; parce que non seulement la petite corde fait deux vibrations pendant que la grande en fait une, mais qu'elle fait une vibration pendant que la grande en fait la moitié d'une: autrement, si les vibrations de la petite corde ne se faisoient pas dans le même tems, elle feroit entendre successivement plusieurs sons dont le mélange ne formeroit qu'un bruit confus. Concluons donc de ces réflexions, que les vibrations différentes des différens points de la corde, ne suffisent pas pour expliquer la multiplicité de sons qu'elle produit. Ce n'est pas tout: si le point de milieu de la corde fait une vibration, tandis que le point de milieu de chaque trochoïde en fait deux, il est aisé de voir que les autres points participeront plus ou moins de la loi du mouvement de ces deux-là, selon qu'ils en seront plus ou moins proches. Ainsi à proprement parler, la loi des vibrations de chaque point sera différente, & chacun devroit produire un son particulier, qui, par son mélange avec les autres, ne devroit former qu'une harmonie confuse & une espece de cacophonie. Pourquoi cela n'arrive-t-il pas? & pourquoi l'oreille ne distingue-t-elle dans le son de la corde, que ceux qui forment l'accord parfait? Il me semble donc que la théorie de M. Bernoulli que je viens d'exposer, ne suffit pas pour expliquer le phénomene dont il est question; quoique cette théorie ingénieuse ait obtenu le suffrage de M. Euler lui-même, peu d'accord d'ailleurs, ainsi que moi, avec M. Daniel Bernoulli sur la nature des courbes que forme une corde vibrante. D'autres auteurs expliquent ainsi la multiplicité des sons rendus par une même corde. Il y a, disent-ils, dans l'air des parties de différent ressort, différemment tendues, & qui par conséquent doivent faire leurs vibrations les unes plus lentement; les autres plus vîte. Quand on met une corde en vibration, cette corde communique principalement son mouvement aux parties de l'air qui sont tendues au même degré qu'elle, & qui par conséquent doivent faire leurs vibrations en même tems; de maniere que ces vibrations commencent & s'achevent avec celles de la corde, & par conséquent les favorisent entierement & constamment, & en sont favorisées de même. Après ces parties de l'air, celles dont les vibrations peuvent le moins troubler celles de la corde, & en être les moins troublées, sont celles qui font le double de vibrations dans le même tems, parce que ces vibrations recommencent de deux en deux avec celles de la corde. Le mouvement que ces parties de l'air reçoivent par le mouvement de la corde doit donc y persévérer aussi quelque tems, quoique moins fortement que dans les premieres. Par la même raison, les parties de l'air qui feroient trois, quatre, cinq, &c. vibrations dans le même tems, doivent aussi participer un peu au mouvement de la corde: mais ce mouvement doit toûjours aller en diminuant de force, jusqu'à ce qu'enfin il soit insensible. Cette hypothèse est ingénieuse: mais je demande 1°. pourquoi on n'entend que des sons plus aigus que le son principal: pourquoi on n'entend point l'octave au-dessous, la douzieme au-dessous, la dix-septieme majeure au-dessous? Il semble qu'on devroit dans cette hypothèse les entendre du moins aussi distinctement que les sons au-dessus. Car les parties d'air qui font, par exemple, une vibration pendant trois vibrations de la corde principale, sont dans le même cas par rapport à la concurrence de leurs mouvemens, que celles qui sont trois vibrations tandis que la corde en fait une. D'ailleurs l'expérience prouve que si on fait résonner une corde, & qu'on ait en même tems près d'elle quatre autres cordes tendues, dont la premiere soit le tiers, la seconde le cinquieme de la grande, la troisieme triple, la quatrieme quintuple; les deux premieres de ces cordes résonneront au bruit de la principale; les deux autres ne feront que frémir sans résonner, & se diviseront seulement en frémissant l'une en trois, l'autre en cinq parties égales à la premiere. Or dans l'hypothese présente, il semble que ces deux dernieres cordes devroient résonner bien plûtôt que les deux autres. En effet, celles-ci sont principalement ébranlées & forcées à resonner par des parties d'air dont les vibrations se font en trois fois, en cinq fois moins de tems que celles de la corde principale; les deux autres qui se divisent en parties égales à la corde principale, sont évidemment ébranlées (je parle dans l'hypothese dont il s'agit) par les parties d'air dont la vibration est la plus sorte, par celles qui sont à l'unisson de la corde principale. Pourquoi donc ne font-elles que frémir, tandis que les autres résonnent? Enfin, il me semble que la concurrence plus ou moins grande des vibrations est ici un principe absolument illusoire. Pour le montrer, supposons d'abord qu'une corde fasse deux vibrations pendant qu'une corde double en fait une. Je remarque, ce qu'il est très-aisé de voir, que les vibrations ne seront réellement concourantes, c'est-à-dire commençantes en même tems, & se faisant dans le même sens , qu'après deux vibrations de la grande corde & quatre de la petite: ainsi dans le tems que la grande corde fait deux vibrations, les vibrations de cette grande corde seront moitié troublées par des vibrations contraires, moitié favorisées par des vibrations dans le même sens. Prenons maintenant une corde qui fasse cinq vibrations pendant que la grande en fait une: il est encore aisé de voir que les vibrations seront vraiment concourantes à la fin d'une vibration de la grande corde; & que pendant cette vibration, elle aura été troublée par deux vibrations contraires de la petite corde, & favorisée par trois vibrations dans le même sens, & en général troublée pendant la plus petite moitié des vibrations, & favorisée durant la plus grande moitié. Donc une corde qui fait une vibration pendant le tems qu'une autre en fait un nombre complet quelconque, est (exactement ou à très-peu près) également troublée & également favorisée par celle-ci, quel que soit ce nombre. Il n'y a donc pas de raison, ce me semble, pour que certaines parties d'air soient plus ébranlées que d'autres par le mouvement de la corde, à l'exception de celles qui seroient à l'unisson. Ainsi, ou les autres ne seront point ébranlées, ou elles le seront toutes à-peu-près de même; & il n'en résultera qu'un son simple ou une cacophonie-Enfin, quand il y a plusieurs cordes tendues, & qu'on en fait résonner une, il semble que suivant cette hypothèse, celles qui sont à l'octave devroient moins frémir & moins résonner que celles qui sont, par exemple, à la douzieme ou à la dix-septieme au-dessus; puisque les vibrations de celles-ci sont plus souvent concourantes avec les vibrations de la corde principale, qu'elles ne lui sont contraires; au lieu que les vibrations des cordes à l'octave sont aussi souvent contraires que concourantes avec les vibrations de la corde principale. Cependant l'expérience prouve que l'octave résonne davantage: donc tout ce système porte à faux. J'ai supposé jusqu'ici, avec les physiciens dont je parle, qu'en effet les parties de l'air étoient différemment tendues. Il ne s'agit pas ici d'examiner si cette hypothèse est fondée; sur quoi voyez l'article Son : il suffit d'avoir montré qu'elle ne peut servir à expliquer d'une maniere satisfaisante le phénomene de la multiplicité des sons rendus par une même corde. Quoi qu'il en soit, outre l'accord de la douzieme & de la 17 e majeure donné par la nature, on a formé d'autres accords principaux qui entrent aussi dans la Musique, & qui y produisent même beaucoup d'effet & de variété. On a donné en général à tous ces accords le nom de fondamentaux , parce que tous les autres accords en dérivent, & n'en sont que des renversemens. Voyez Accord , Basse continue, & Renversement : & dans chacun de ces accords fondamentaux , on a appellé son fondamental le son le plus grave de l'accord. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Accords fondamentaux Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Accords fondamentaux Accords fondamentaux . M. Rousseau en a donné la liste au mot Accord , sur lequel il ne faut pas manquer de consulter l' errata du premier vol. imprimé à la tête du second. Sans rien répéter de ce qu'il a dit à cet article, nous y ajoûterons qu'il n'y a proprement que trois sortes d'accords fondamentaux; accord parfait, accord de sixte, accord de septieme. Accord parfait . Il est de deux sortes, majeur ou mineur, selon que la tierce est majeure ou mineure. L'accord majeur est donné immédiatement ou presque immédiatement par la nature; immédiatement, quand il renferme la douzieme & la dix-septieme; presque immédiatement, quand il ne renferme que la tierce & la quinte, qui en sont les octaves ou repliques. Voyez Octave & Replique . Quand cet accord est exactement conforme à celui que la nature donne, c'est-à-dire quand il renferme le son principal, la douzieme & la dix septieme majeure, alors il produit l'effet le plus frappant dont il soit susceptible; comme dans le choeur l' amour triomphe de Pigmalion. L'accord mineur, quoiqu'il ne soit pas donne immédiatement par la nature, & qu'il paroisse plûtôt l'ouvrage de l'art, est cependant tort agréable, & souvent même plus propre que le majeur à certaines expressions, comme celle ce la tendresse, de la tristesse, &c. Accord de sixte . Il y en a de trois sortes. Les deux premiers s'appellent accords de sixte ajoutée; ils se pratiquent sur la sous-dominante du ton. Voy. Sous-dominante . La sixte y est toûjours majeure. & la tierce majeure ou mineure, selon que le mode est majeur ou mineur. Ces deux accords ne different donc que par leur tierce. Ainsi dans le ton majeur d' ut , on pratique sur la sous-dominante fa l'accord fa la ut ré , dont la tierce est majeure & sa sixte majeure; & dans le ton mineur de la , on pratique sur la sous-dominante ré l'accord ré fa la si , dont la tierce est mineure, la sixte étant toûjours majeure. Outre ces deux accords, il y en a un autre qui produit en plusieurs occasions un très-bon effet, & qui est pratiqué sur-tout par les Italiens. On l'appelle accord de sixte superflu: , ou de sixte italienne . Il est composé d'une tierce majeure, d'une quarte superflue ou triton, & d'une tierce majeure, en cette sorte fa la si ré # . Ce n'est pas proprement un accord de sixte; car du fa au re diese, il y a une vraie septieme; mais l'usage l'a ainsi nommé, en désignant seulement la sixte par l'épithete de superflue. Voyez Superflu & Intervalle . Il paroit très-difficile de déterminer d'une façon bien nette & bien convaincante l'origine de cet accord: en effet comment assigner d'une maniere satisfaisante l'origine d'un accord fondamental qui renferme tant de dissonances, fa si, fa ré #, la si, la ré # , & qui pourtant n'en est pas moins employé avec succès, comme l'oreille peut en juger? Ce qu'on peut imaginer de plus plausible là dessus ne l'est guere. Voyez Sixte super- flue . On peut regarder cet accord comme renversé de si ré # fa la , qui n'est autre chose que l'accord si ré fa la , usité dans la basse fondamentale, en conséquence du double emploi ( Voyez Double Emploi ), & dont on a rendu la tierce majeure pour produire l'impression du mode de mi par sa note sensible ré # ; ensorte que l'on a pour ainsi dire à-la-fois l'impression imparfaite de deux modes, de celui de la par le double emploi, & de celui de mi par la note ré # substitué au ré? Mais pourquoi se permet-on de rendre majeure la tierce de si à ré? Sur quelles raisons cette transformation est-elle appuyée, sur tout lorsqu'elle produit deux dissonances de plus? D'ailleurs, si on en croit M. Rousseau au mot accord , l'accord fondamental fa la si ré # ne se renverse point: peut-on donc le regarder comme renversé de si ré # fa la? Je m'en rapporte sur cette question à des lumieres supérieures aux miennes. On pourroit peut-être dire aussi que l'accord si ré # fa la n'est autre chose que l'accord de dominante tonique si ré # fa # la , dans le mode de mi , accord dont on a rendu le fa naturel. Cette origine me paroît encore plus forcée que la précédente. Mais soit qu'on assigne à cet accord une origine, soit qu'on ne lui en assigne point, il est certain qu'on doit le regarder comme un accord fondamental , puisqu'il n'a point de basse fondamentale: ainsi M. Rousseau, au mot Accord , a eu très-grande raison de placer parmi les accords fondamentaux, cet accord de sixte superflue, dont les autres auteurs françois n'avoient point fait mention, au moins que je sache, & dont j'avoue que j'ignorois l'existence, quand je composai mes élémens de Musique, quoique M. Rousseau en eût déjà parlé. M. de Bethizy, dans un ouvrage sur la théorie & la pratique de la Musique, publié en 1754, dit qu'il ne se souvient point que M. Rameau ait parle de cet accord dans ses ouvrages, quoiqu'il l'ait employé quelquefois, par exemple dans un choeur du premier acte de Castor & Pollux. M. de Bethizy donne des exemples de l'emploi de cet accord dans la basse continue; mais il laisse en blanc l'accord qui lui répond dans la basse fondamentale. Accords de septieme . Il y a plusieurs sortes d'accords de septieme fondamentaux. Le premier est formé d'une tierce majeure & de deux tierces mineures, comme sol si ré fa; il se pratique sur la dominante des tons majeurs & mineurs. Voyez Dominante , Mode , Harmonie , &c. Le second est formé d'une tierce mineure, d'une tierce majeure & d'une tierce mineure, comme ré fa la ut; il se pratique sur la seconde note des tons majeurs: sur quoi voyez l'article Double Emploi . Le troisieme est formé de deux tierces mineures & d'une tierce majeure, comme si ré fa la; il se pratique sur la seconde note des tons mineurs: sur quoi voyez aussi Double Emploi . Le quatrieme est forme d'une tierce majeure, d'une tierce mineure & d'une tierce majeure, comme ut mi sol si; il se pratique sur une tonique ou autre note, rendue par-là dominante imparfaite. Le cinquieme est appellé accord de septieme diminuée; il est formé de trois tierces mineures, sol # si ré fa , il se pratique sur la note sensible des tons mineurs. Cet accord n'est qu'improprement accord de septieme; car du sol # au si il n'y a qu'une sixte. Cependant l'usage lui a donné le nom de septieme, en y ajoûtant l'epithete de diminuée. Voyez Diminué & Intervalle . On peut, avec M. Rameau, regarder cet accord comme dérivé de l'accord de la dominante du mode mineur, réuni à celui de la sous-dominante. Voyez mes Elémens de Musique , & la suite de cet article. Mais qu'il soit dérivé ou non de ces deux accords, il est certain qu'il a lieu dans la basse fondamentale, suivant M. Rameau lui-même; ainsi M. Rousseau a eu raison de dire au moi Accompagnement , que l'accord parfait peut être précédé non-seulement de l'accord de la dominante & de celui de la sous-dominante, mais encore de l'accord de septieme diminuée, & même de celui de sixte superflue. Soit qu'on regarde ces accords comme dérivés de quelque autre ou non, il est certain qu'ils entrent dans la basse fondamentale, & que par conséquent l'observation de M. Rousseau est très-exacte. Nous avons expliqué au mot Dissonance , l'origine la plus naturelle des accords fondamentaux de la dominante & de la sous-dominante, sol si ré fa, fa la ut ré; & si en cet endroit nous n'avons point cité le chapitre jx. de la Génération harmonique de M. Rameau, comme on nous l'a reproché, c'est qu'il nous a paru que dans ce chapitre l'auteur insistoit préférablement sur une autre origine de la dissonance; origine fondée sur des proportions & progressions, dont la considération nous semble entierement inutile dans cette matiere. Les remarques que fait M. Rousseau, au mot Dissonance , sur cet usage des proportions, nous ont paru assez justes pour chercher dans les principes même de M. Rameau une autre origine de la dissonance; origine dont il ne paroît pas savoir senti tout le prix, puisqu'il ne l'a tout-au-plus que legerement indiquée. Ce que nous disons ici n'a point pour objet de rien ôter à M. Rameau; mais de faire voir que dans l' article Dissonance , nous nous sommes très-exactement exprimés sur la matiere dont il étoit question. Il est essentiel à l'accord de septieme qui se pratique sur la dominante tonique, de porter toûjours la tierce majeure. Cette tierce majeure est la note sensible du ton ( Voyez Note sensible ); elle monte naturellement à la tonique, comme la dominante y descend: ainsi elle annonce le plus parfait de tous les repos appellé cadence parfaite. Voyez Cadence . Telles sont en substance les raisons qui font porter la tierce majeure à l'accord dont il s'agit, soit que le ton soit d'ailleurs majeur ou mineur. Voyez mes Elémens de Musique, art. 77. & 109 . Il n'en est pas de même de l'accord de sixte, pratiqué sur la sous-dominante; la tierce est majeure ou mineure, selon que le mode est majeur ou mineur: mais sa sixte est toûjours majeure, parce qu'elle est la quinte de la dominante qu'elle représente dans cet accord, comme on l'a expliqué au mot Dissonance , à la fin . Les accords de septieme, tels que ut mi sol si , ne sont autre chose que l'accord de dominante tonique, ut mi sol sib du mode de fa , dans lequel on a changé le sib en si naturel, pour conserver l'impression du mode d' ut . Sur quoi voyez mes Elémens de Musique, art. 115 . & l' article Dominante . A l'égard de l'accord de septieme diminuée, tel que sol # si ré fa ( Voyez Septieme diminuée ), nous en avons indiqué l'origine ci-dessus. On peut le regarder comme formé des deux accords mi sol # si ré & ré fa la si , de la dominante tonique & de la sous-dominante dans le mode de la , qu'on a réunis ensemble en retranchant d'un côté la dominante mi , dont la note sensible sol # est censée tenir la place; & de l'autre la note la , qui est sousentendue dans la quinte ré . On peut voir au mot Enharmonique , l'usage de cet accord pour passer d'un ton dans un autre qui ne lui est point relatif. Il nous reste encore un mot à dire sur l'origine que nous avons donnée à la dissonance de la sous-dominante, au mot Dissonance . Nous avons dit que dans l'accord fa la ut on ne pouvoit faire entrer la dissonance sol , parce qu'elle dissoneroit doublement avec sol & avec la . M. Rousseau, un peu plus haut & dans le même article, se sert d'une raison semblable pour rejetter le la ajoûté à l'accord sol si ré . En vain objecteroit-on qu'on trouve au mot Accord cette double dissonance dans certains accords, pag. 78 . Nous répondrions que ces accords, quelqu'origine qu'on leur donne, n'appartiennent point à la basse fondamentale, que ce ne sont point des accords primitifs, qu'ils sont pour la plûpart si durs, qu'on est obligé d'en retrancher différens sons pour en adoucir la dureté. Ainsi les dissonances tolérées dans ces accords, ne doivent point être permises dans des accords primitifs & fondamentaux, dans lesquels si on altere par des dissonances l'accord parfait, afin de faire sentir le mode, on ne doit au moins altérer l'harmonie de cet accord que le plus foiblement qu'il est possible. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Basse fondamentale Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Basse fondamentale Basse fondamentale . On a déjà vû au mot Basse sa définition; elle ne renferme que les accords fondamentaux dont nous venons de parler, & qui sont au nombre de dix; savoir les cinq accords de septieme, l'accord de sixte superflue, les deux accords parfaits, & les deux accords de sous-dominante. On a vû dans le même article qui vient d'être cité, les principales regles sur lesquelles on doit former la basse fondamentale , & on peut les voir expliquées plus en détail, d'après M. Rameau, dans mes Elémens de Musique . On trouvera au mot Septieme diminuée les regles particulieres de cet accord. Mais on nous permettra de faire ici aux Musiciens une question: pourquoi n'a-t-on employé jusqu'ici dans la basse fondamentale que les dix sortes d'accords dont nous venons de parler? Nous avons vû avec quel succès les Italiens font usage de l'accord de sixte superflue, que la basse fondamentale ne paroît pas donner; nous avons vû comment on a introduit dans cette même basse les différens accords de septieme: est-il bien certain qu'on ne puisse employer dans la basse fondamentale que ces accords, & dans la basse continue que leurs dérivés? L'oreille est ici le vrai juge, ou plûtôt le seul; tout ce qu'elle nous présentera comme bon, devra sans doute ou pourra du moins être employé quelquefois avec succès: ce sera ensuite à la théorie à chercher l'origine des nouveaux accords, ou si elle n'y réussit pas, à ne point lui en donner d'autres qu'eux-mêmes. Je crains que la plûpart des Musiciens, les uns aveuglés par la routine, les autres prévenus par des systèmes, n'ayent pas tiré de l'harmonie tout le parti qu'ils auroient pû, & qu'ils n'ayent exclu une infinité d'accords qui pourroient en bien des occasions produire de bons effets. Pour ne parler ici que d'un petit nombre de ces accords; par quelle raison n'employe-t-on jamais dans l'harmonie les accords ut mi sol # ut, ut mi sol # si , dont le premier n'a proprement aucune dissonance, le second n'en contient qu'une, comme l'accord usité ut mi sol si? N'y a-t-il point d'occasions où de pareils accords ne puissent être employés, ne fût-ce que par licence, car on sait combien les licences sont fréquentes en Musique? Et pour n'en donner ici qu'un seul exemple analogue à l'objet dont il s'agit, M. Rameau n'a-t-il pas fait chanter dans un air de trompette des Fêtes de l'hymen, pag. 233. les deux parties supérieures à la tierce majeure l'une de l'autre, quoique deux tierces majeures de suite, & à plus forte raison une suite de tierces majeures, soient interdites par lui-même? Pourquoi donc ne pourroit on pas quelquefois faire entendre dans un même accord deux tierces majeures ensemble? & cela ne se pratique-t-il pas en effet dans l'accord ut mi sol # si ré , nommé de quinte superflue , & qui étant pratiqué dans l'harmonie, semble autoriser à plus forte raison les deux dont nous venons de parler? Si ces accords ne peuvent entrer dans la basse fondamentale , ne pourroient-ils pas au moins entrer dans la basse continue? Si l'oreille les jugeoit trop durs en les rendant complets, ne pourroit-on pas les adoucir par le retranchement de quelques sons, pourvû qu'on laissât toûjours subsister le sol #, qui constitue la différence essentielle entre ces accords, & les mêmes accords tels qu'on les employe d'ordinaire en y mettant le sol au lieu de sol #? Ce n'est pas tout. Imaginons cette liste d'accords, terminés tous ou par l'octave ou la septieme majeure, & dont les trois premiers sons forment des tierces. ut mi sol # ut. ut mi sol # si. ut mi b sol si. ut mi b sol b ut. ut mi b sol b si . Pourquoi ces accords, dont aucun, excepté le dernier, ne renferme pas plus d'une ou de deux dissonances, sont-ils proscrits de l'harmonie? Est-il bien certain par l'expérience (car encore une fois l'expérience est ici le grand juge) qu'aucun d'eux ne puisse être employé en aucune occasion, en les considérant soit en eux-mêmes, soit par rapport à ceux qui peuvent les précéder ou les suivre? Je ne parle point d'une infinité d'autres accords, sur lesquels je pourrois faire une question semblable; accords qu'il est aisé de former par des combinaisons qu'on peut varier en un grand nombre de manieres, qui ne doivent être ni admis, ni aussi rejettés sans épreuve, & sur lesquels on n'en a peut-être jamais fait aucune: tels que ceux-ci. ut mi sol # si b. ut mi b sol # ut. ut mi b sol # si. ut mi b sol # si b. ut mi sol la b. ut mi sol # la. ut mi b sol # la. ut mi sol b si. ut mi sol b la b. &c. &c. Il est aisé de voir qu'on peut rendre cette liste beaucoup plus longue. Je sens toute mon insuffisance pour décider de pareilles questions: mais je desirerois que quelque musicien consommé (& sur-tout, je le répete, non-prévenu d'aucun système) voulût bien s'appliquer à l'examen que je propose. Dira-t-on que ces accords n'ont point d'origine dans la basse fondamentale? C'est ce qu'il faudroit examiner. Si l'accord de sixte superflue n'en a point, pourquoi ceux-ci en auroient-ils? & si cet accord en a, pourquoi ceux-ci ne pourroient-ils pas en avoir? Ne pourroit-on pas par exemple trouver une origine à l'accord ut mi sol # ut , fondée sur ce que la corde mi doit faire résonner sa dix-septieme majeure double octave de sol #, & faire frémir sa dix-sept me majeure en descendant, double octave d' ut? & ainsi du reste? Quoi qu'il en soit, & pour le dire en passant, il se présente ici une question bien digne d'être proposée à ceux qui prétendent expliquer la raison physique du sentiment de l'harmonie: pourquoi l'accord ut mi sol # ut , quoiqu'il soit proprement sans dissonances, est-il dur à l'oreille, comme il est aisé de s'en assûrer? Par quelle fatalité arrive-t-il que des accords, qui nous flateroient étant séparés, nous paroissent peu agréables étant réunis? Je l'ignore, & je crois que c'est la meilleure réponse. Passons maintenant à quelques autres remarques, relatives à la basse fondamentale . La basse continue, qui forme ce qu'on appelle accompagnement , n'est proprement que le renversement de la basse fondamentale , & contient beaucoup d'autres accords, tous dérivés des fondamentaux: ainsi l'accompagnement représente vraiment la basse fondamentale , puisqu'il n'en est qu'un renversement & pour ainsi dire une espece de modification. Mais est-il vrai, comme le prétendent quelques musiciens, que l'accompagnement représente le corps sonore? La question se réduit à savoir si la basse fondamentale représente le corps sonore. Or de tous les accords employés dans la basse fondamentale , il n'y en a qu'un seul qui représente vraiment le corps sonore; savoir l'accord parfait majeur; encore ne représente-t-il véritablement & exactement le corps sonore, que quand cet accord contient la douzieme & la dix-septieme majeure; parce que le corps sonore ne sait entendre que ces deux sons, sans y comprendre son octave. Tous les autres accords, soit consonans, soit dissonans, sont absolument l'ouvrage de l'art, & d'autant plus l'ouvrage de l'art, qu'ils renferment plus de dissonances. On doit donc, ce me semble, rejetter ce principe, que l'accompagnement représente le corps sonore, & regarder au-moins comme douteuses des regles qu'on appuieroit sur ce seul fondement: par exemple, que dans l'accompagnement on doit completer tous les accords, même ceux qui renfermant le plus de dissonances, comme les accords par supposition, seroient les plus durs à l'oreille. M. Rameau a déduit sans doute avec vraissemblance de la résonnance du corps sonore, les principales regles de l'harmonie; mais la plûpart de ces regles sont uniquement l'ouvrage de la réflexion qui a tiré de cette résonnance des conclusions plus ou moins directes, plus ou moins détournées, plus ou moins rigoureuses ( V. Gamme ), & nullement l'ouvrage de la nature: ainsi ce seroit parler très-incorrectement, pour ne rien dire de plus, que de prétendre que l'accompagnement représente le corps sonore, sur-tout quand l'accord est chargé de dissonances. Dira-t-on qu'il y a des corps qui en résonnant, produisent des sons dissonans avec le principal, comme l'avance M. Daniel Bernoulli, dans les mémoires de l'acad. de Berlin 1753. pag. 153? En supposant même la vérité de cette expérience, que nous n'avons point faite, nos adversaires n'en pourroient tirer aucune conclusion, puisque cette expérience iroit à infirmer toute la théorie sur laquelle la basse fondamentale est appuyée. Aussi M. Daniel Bernoulli prétend-il dans le même endroit déjà cité, qu'on ne peut tirer de la résonnance du corps sonore aucune théorie musicale. Je crois cependant cette conclusion trop précipitée: car en général les corps sonores rendent très sensiblement la douzieme & la dix-septieme, comme M. Daniel Bernoulli en convient lui-même au même endroit. S'il y a des exceptions à cette regle (ce que nous n'avons pas vérifié), elles sont apparemment fort rares, & viennent sans doute de quelque structure particuliere des corps, qui les empêche de pouvoir être véritablement regardés comme des corps sonores. Le son d'une pincette, par exemple, peut renfermer beaucoup de sons discordans: mais aussi le son d'une pincette n'est guere un son harmonique & musical; c'est plûtôt un bruit sourd qu'un son. D'ailleurs M. Rameau, à l'oreille duquel on peut bien s'en rapporter sur ce sujet, nous dit dans la génération harmonique, p. 17. que si on frappe une pincette, on n'y apperçoit d'abord qu'une confusion de sons qui empêche d'en distinguer aucun; mais que les plus aigus venant à s'éteindre insensiblement à mesure que la résonnance diminue, alors le son le plus pur, celui du corps total, commence à s'emparer de l'oreille, qui distingue encore avec lui sa douzieme & sa dix-septieme. La question si l'accompagnement représente le corps sonore , produit naturellement celle ci, si la mélodie est suggérée par l'harmonie . Voici quelques réflexions sur ce sujet. 1°. Quel parti qu'on prenne sur la question proposée, nous croyons (& sans doute il n'y aura pas là-dessus deux avis) que l'expression de la mélodie dépend en grande partie de l'harmonie qui y est jointe, & qu'un même chant nous affectera différemment, suivant la différence des basses qu'on y adaptera: sur quoi voyez la suite de cet article . M. Rameau a prouvé que ce chant sol ut peut avoir vingt basses fondamentales différentes, & par conséquent un nombre beaucoup plus grand de basses continues. 2°. Il paroît que le chant diatonique de la gamme ut ré mi fa sol la si ut , nous est suggéré par la basse fondamentale , ainsi que je l'ai expliqué, d'après M. Rameau, dans mes Elémens de Musique . En effet c'est une vérité d'expérience, que quand nous voulons monter ou descendre on partant de ut par les moindres degrés naturels à la voix, nous entonnons naturellement & sans maître cette gamme, soit en montant, soit en descendant: or pourquoi la voix se porte-t-elle naturellement & d'elle-même à l'intonnation de ces intervalles? Il me semble que l'on ne sauroit en donner une raison plausible, qu'en regardant ce chant de la gamme comme suggéré par la basse fondamentale . Cela paroît encore plus sensible dans la gamme des Grecs, si ut ré mi fa sol la . Cette gamme a une basse fondamentale encore plus simple que la nôtre; & il paroît que les Grecs en disposant ainsi leur gamme, en avoient senti la basse fondamentale sans l'avoir peut-être suffisamment developpée: du moins il ne nous en reste rien dans leurs écrits. Voyez sur tout cela mes Elémens de Musique, art. 45. & 47. & l' article Gamme . Les consonances altérées qui se trouvent dans ces deux gammes, & dont l'oreille n'est point choquée, parce que les consonances avec la basse fondamentale sont parfaitement justes, semblent prouver que la basse fondamentale est en effet le vrai guide secret de l'oreille dans l'intonation de ces gammes. Il est vrai qu'on pourroit nous faire ici une difficulté. La gamme des Grecs, nous dira-t-on, a une basse fondamentale plus simple que la nôtre: pourquoi la nôtre nous paroît-elle plus facile à entonner que celle des Grecs? Celle-ci commence par un semi-ton; au lieu que l'intonation naturelle semble nous porter à monter d'abord d'un ton, comme nous le faisons dans notre gamme. Je répons que la gamme des Grecs est à la verité mieux disposée que la nôtre pour la simplicite de la basse; mais que la nôtre est disposée plus naturellement par la facilité de l'intonation. Notre gamme commence par le son fondamental ut , & c'est en effet par ce son qu'il faut commencer; c'est celui d'où dépendent tous les autres, & pour ainsi dire, qui les renferme: au contraire la gamme des Grecs, ni la basse fondamentale de cette gamme, ne commencent point par ut; mais c'est de ce ut qu'il faut partir pour diriger l'intonation, soit en montant, soit en descendant. Or en montant depuis ut , l'intonation dans la gamme même des Grecs donne ut ré mi fa sol la; & il est si vrai que le son fondamental ut est ici le vrai guide secret de l'oreille, que si, avant d'entonner ut , on veut y monter en passant par le ton de la gamme le plus immédiatement voisin de cet ut , on ne peut y parvenir que par le son si & par le semi-ton si ut . Or pour passer du si à l' ut par ce demi-ton, il faut nécessairement que l'oreille soit déjà préoccupée du mode d' ut , sans quoi on entonneroit si ut # , & on seroit dans un autre mode. Ce n'est pas tout; en montant diatoniquement depuis ut , on entonne naturellement & facilement les six notes, ut, ré, mi, fa, sol, la; c'étoient même ces six notes seules qui composoient la gamme de Gui d'Arezzo. Si on veut aller plus loin, on commence à rencontrer un peu de difficulté dans l'intonation du si qui doit suivre le la: cette difficulté, comme l'a remarqué M. Rameau, vient des trois tons de suite, fa, sol, la, si; & si on veut l'éviter, on ne le peut qu'en faisant ou en supposant une espece de repos entre le son fa & le son sol , & en partant du sol pour recommencer une autre demi-gamme sol la si ut , toute semblable à ut ré mi fa , & qui est réellement dans un autre mode. Voyez Mode & Gamme . Or cette difficulté d'entonner trois tons de suite sans un repos exprimé ou sousentendu du fa au sol , s'explique naturellement, comme nous le ferons voir au mot Gamme , en ayant recours à la basse fondamentale naturelle de notre échelle diatonique. Tout semble donc concourir à prouver que cette basse est la vraie boussole de l'oreille dans le chant de notre gamme, & le guide secret qui nous suggere ce chant. 3°. Dans tout autre chant que celui de la gamme, comme ce chant sera absolument arbitraire, puisque les intervalles, soit en montant, soit en descendant, y sont au gré de celui qui chante, on pourroit être moins porté à croire que ce chant soit suggéré par la basse fondamentale , que les Musiciens même ont quelquefois peine à trouver. Cependant on doit faire ici trois observations. La premiere, c'est que dans la mélodie on ne peut pas aller indifféremment, & par toutes sortes d'intervalles, d'un son à un autre quelconque; il y a des intervalles qui rendroient le chant dur, escarpé & peu naturel: or ces intervalles sont précisément ceux qu'une bonne basse fondamentale proscrit. Tout chant paroît donc avoir un guide secret dans la basse fondamentale . La seconde observation, c'est qu'il n'est pas rare de voir des personnes qui n'ont aucune connoissance en musique, mais qui ont naturellement de l'oreille, trouver d'elles-mêmes la basse d'un chant qu'elles entendent, & accompagner ce chant sans préparation: n'est-ce pas une preuve que le fondement de ce chant est dans la basse, & qu'une oreille sensible l'y démêle? La troisieme observation consistera à demander aux Musiciens si un chant est susceptible de plusieurs basses également bonnes. S'il y en a plusieurs, il est difficile de soûtenir que la mélodie est toûjours suggérée par l'harmonie, du-moins dans les cas où la basse ne sera pas unique. Mais s'il n'y a qu'une seule de toutes les basses possibles qui convienne parfaitement au chant, comme on peut avoir d'assez bonnes raisons de le croire, ne peut-on pas penser que cette basse est la basse fondamentale qui a suggéré le chant? Il me semble que cette question sur laquelle je n'ose prononcer absolument, mais que tout musicien habile & impartial doit être en état de décider, peut conduire à la solution exacte de la question proposée. Peut-être quelques musiciens prétendront-ils que ces deux questions sont fort différentes, & qu'il pourroit n'y avoir qu'une bonne basse possible à un chant, sans que le chant fût suggéré par cette basse; mais pour leur repondre, je les prierai d'écouter avec attention un chant agréable dont la basse est bien faite, tel que celui d'un grand nombre de beaux airs italiens; de remarquer en l'écoutant, combien la basse paroît favorable à ce chant pour en faire sortir toute la beauté, & d'observer qu'elle ne paroît faire avec le chant qu'un même corps; ensorte que l'oreille qui écoute le chant est forcée d'écouter aussi la basse, même sans aucune connoissance en Musique, ni aucune habitude d'en entendre: je les prierois enfin de faire attention que cette basse paroit contenir tout le fond &, pour ainsi dire, tout le vrai dessein du chant, que le dessus ne fait que développer; & je crois qu'ils conviendront en consequence, qu'on peut regarder un chant qui n'a qu'une basse, comme étant suggéré par cette basse. Je dirai plus: si, comme je le crois, il y a un grand nombre de chants qui n'ont qu'une seule bonne basse fondamentale possible, & si, comme je le crois encore, ce sont les plus agréables, peut-être en devra-t-on conclure que tout chant qui paroîtra également susceptible de plusieurs basses, est un chant de pure fantaisie, un chant métif, si on peut parler ainsi. Mais dans la crainte d'avancer sur cette matiere des opinions qui pourroient paroître hasardées, je m'en tiens à la simple question que j'ai faite, & j'invite nos célebres artistes à nous apprendre si un même chant peut avoir plusieurs basses également bonnes. S'ils s'accordent sur la négative, il restera encore à expliquer pourquoi cette basse fondamentale (la seule vraiment convenable au chant, & qu'on peut regarder comme l'ayant suggéré), pourquoi, dis-je, cette basse échappe souvent à tant de musiciens qui lui en substituent une mauvaise? On pourra répondre que c'est saute d'attention à ce guide secret, qui les a conduits, sans qu'ils s'en apperçussent, dans la composition de la mélodie. Si cette réponse ne satisfait pas entierement, la difficulté sera à-peu-près la même pour ceux qui nieroient que l'harmonie suggere la mélodie. En effet dans la supposition présente qu'un chant donné n'admet qu'une seule bonne basse, il faut nécessairement de deux choses l'une, ou que le chant suggere la basse, ou que la basse suggere le chant; & dans les deux cas il sera également embarrassant d'expliquer pourquoi un musicien ne rencontre pas toûjours la véritable basse. La question que nous venons de proposer sur la multiplicité des basses, n'est pas décidée par ce que nous avons dit plus haut d'après M. Rameau, que le chant sol ut peut avoir vingt basses fondamentales différentes: car ceux qui croiroient qu'un chant ne peut avoir qu'une seule basse fondamentale qui soit bonne, pourroient dire que de ces vingt basses fondamentales il n'y en a qu'une qui convienne au chant sol ut, relativement à ce qui précede & à ce qui suit . Mais, pourroit-on ajoûter, si l'on n'avoit que ce seul chant sol ut , quelle seroit la vraie basse fondamentale parmi ces vingt? C'est encore un probleme que je laisse à décider aux Musiciens, & dont la solution ne me paroît pas aisée. La vraie basse fondamentale est-elle toûjours la plus simple de toutes les basses possibles, & quelle est cette basse la plus simple? quelles sont les regles par lesquelles on peut la déterminer (car ce mot simple est bien vague)? En conséquence n'est-ce pas s'écarter de la nature, que de joindre à un chant une basse différente de celle qu'il présente naturellement, pour donner à ce chant par le moyen de la nouvelle basse, une expression singuliere & détournée? Voilà des questions dignes d'exercer les habiles artistes. Nous nous contentons encore de les proposer, sans entreprendre de les résoudre. Au reste, soit que l'harmonie suggere ou non la mélodie, il est certain au moins qu'elle est le fondement de l'harmonie dans ce sens qu'il n'y a point de bonne mélodie, lorsqu'elle n'est pas susceptible d'une harmonie réguliere. Voy. Harmonie , Liaison , &c. M. Serre, dans son essai sur les principes de l'harmonie, Paris 1753 , nous assûre tenir du célebre Geminiani le fait suivant: que lorsque ce grand musicien a quelque adagio touchant à composer, il ne touche jamais son violon ni aucun autre instrument; mais qu'il conçoit & écrit d'abord une suite d'accords; qu'il ne commence jamais par une simple succession de sons, par une simple mélodie; & que s'il y a une partie qui dans l'ordre de ses conceptions ait le pas sur les autres, c'est bien plûtôt celle de la basse que toute autre; & M. Rameau remarque que l'on a dit sort à-propos, qu' une basse bien chantante nous annonce une belle musique . On peut remarquer en passant par ce que nous venons de rapporter de M. Geminiani, que non-seulement il regarde la mélodie comme ayant son principe dans une bonne harmonie, mais qu'il paroit même la regarder comme suggérée par cette harmonie. Une pareille autorité donneroit beaucoup de poids à cette opinion, si en matiere de science l'autorité étoit un moyen de décider. D'un autre côté il me paroît difficile, je l'avoue, de produire une musique de génie & d'enthousiasme, en commençant ainsi par la basse. Mais parce que la mélodie a son fondement dans l'harmonie, faut-il avec certains auteurs modernes donner tout à l'harmonie, & préférer son effet à celui de la mélodie? Il s'en faut bien que je le pense: pour une oreille que l'harmonie affecte, il y en a cent que la mélodie touche préférablement; c'est une vérité d'expérience incontestable. Ceux qui soûtiendroient le contraire, s'exposeroient à tomber dans le défaut qui n'est que trop ordinaire à nos musiciens françois, de tout sacrifier à l'harmonie, de croire relever un chant trivial par une basse fort travaillée & fort peu naturelle, & de s'imaginer, en entassant parties sur parties, avoir fait de l'harmonie, lorsqu'ils n'ont fait que du bruit. Sans doute une basse bien faite soûtient & nourrit agréablement un chant; alors, comme nous l'avons déjà dit, l'oreille la moins exercée qui les entend en même tems, est forcée de faire une égale attention à l'un & à l'autre, & son plaisir continue d'être un, parce que son attention, quoique portée sur différens objets, est toûjours une: c'est ce qui fait surtout le charme de la bonne musique italienne; & c'est-là cette unité de mélodie dont M. Rousseau a si bien établi la nécessité dans la lettre sur la Musique françoise. C'est avec la même raison qu'il a dit au mot Accompagnement : Les Italiens ne veulent pas qu'on entende rien dans l'accompagnement, dans la basse, qui puisse distraire l'oreille de l'objet principal, & ils sont dans l'opinion que l'attention s'évanoüit en se partageant . Il en conclut très-bien, qu'il y a beaucoup de choix à faire dans les sons qui forment l'accompagnement, précisément par cette raison, que l'attention ne doit pas s'y porter: en effet parmi les différens sons que l'accompagnement doit fournir en supposant la basse bien faite, il faut du choix pour déterminer ceux qui s'incorporent tellement avec le chant, que l'oreille en sente l'effet sans être pour cela distraite du chant, & qu'au contraire l'agrément du chant en augmente. L'harmonie sert donc à nourrir un beau chant; mais il ne s'ensuit pas que tout l'agrément de ce chant soit dans l'harmonie. Pour se convaincre bien évidemment du contraire, il n'y a qu'à joüer sur un clavecin la basse du chant bien chiffrée, mais denuée de son dessus; on verra combien le plaisir sera diminué, quoique le dessus soit réellement contenu dans cette basse. Concluons donc contre l'opinion que nous combattons, que l'expérience lui est absolument contraire; & en convenant d'ailleurs des grands effets de l'harmonie dans certains cas, reconnoissons la mélodie dans la plûpart comme l'objet principal qui flate l'oreille. Préférer les effets de l'harmonie à ceux de la mélodie, sous ce prétexte que l'une est le fondement de l'autre, c'est à peu-près comme si on vouloit soûtenir que les fondemens d'une maison sont l'endroit le plus agréable à habiter, parce que tout l'édifice porte dessus. Nous prions le lecteur de regarder ce que nous venons dire sur l'harmonie & sur la mélodie, comme un supplément au dernier chapitre du premier livre de nos Elémens de Musique; supplément qui nous a paru nécessaire pour démêler ce qu'il peut y avoir de problématique dans la question, si la mélodie est suggérée par l'harmonie? Que dirons-nous de ce qu'on a avancé dans ces derniers tems, que la Géométrie est fondée sur la résonnance du corps sonore; parce que la Géométrie est, dit-on, fondée sur les proportions, & que le corps sonore les engendre toutes? Les Géometres nous sauroient mauvais gré de refuter sérieusement de pareilles assertions: nous nous permettrons seulement de dire ici, que la considération des proportions & des progressions est entierement inutile à la théorie de l'art musical: je pense l'avoir suffisamment prouvé par mes élémens même de Musique, où j'ai donné, ce me semble, une theorie de l'harmonie assez bien déduite, suivant les principes de M. Rameau, sans y avoir fait aucun usage des proportions ni des progressions. En effet, quand les rapports de l'octave, de la quinte, de la tierce, &c. seroient tout autres qu'ils ne sont; quand ces rapports ne formeroient aucune progression; quand on n'y remarqueroit aucune loi; quand ils seroient incommensurables, soit en eux-mêmes, soit entre eux, la résonnance du corps sonore, qui produit la douzieme & la dix-septieme majeures, & qui fait frémir la douzieme & la dix-septieme majeures au-dessous de lui, suffiroit pour fonder tout le systeme de l'harmonie. M Rousseau a très-bien prouvé, au mot Consonance , que la considération des rapports est tout-à-fait illusoire pour rendre raison du plaisir que nous font les accords consonans; la considération des proportions n'est pas moins inutile dans la théorie de la Musique. Les géometres qui ont voulu introduire le calcul dans cette derniere science, ont eu grand tort de chercher dans une source tout-à-fait étrangere, la cause du plaisir que la Musique nous procure; le calcul peut à la vérité faciliter l'intelligence de certains points de la théorie, comme des rapports entre les tons de la gamme, & du tempérament; mais ce qu'il faut de calcul pour traiter ces deux points est si simple &, pour tout dire, si peu de chose, que rien ne mérite moins d'étalage. Combien donc doit-on desapprouver quelques musiciens qui entassent dans leurs écrits chiffres sur chiffres, & croyent tout cet appareil nécessaire à l'art? La fureur de donner à leurs productions un faux air scientifique, qui n'en impose qu'aux ignorans, les a fait tomber dans ce défaut, qui ne sert qu'à rendre leurs traités beaucoup moins bons & beaucoup plus obscurs. Je crois qu'en qualité de géometre, on me pardonnera de protester ici (si je puis m'exprimer de la sorte) contre cet abus ridicule de la Géométrie dans la Musique, comme j'ai déjà reclamé ailleurs contre l'abus de la même science dans la Physique, dans la Métaphysique, &c. Voyez Application , &c. Qu'il me soit encore permis d'ajoûter (car une vérité qu'on a dite, conduit bien-tôt & comme nécessairement à une autre) que les explications & les raisonnemens physiques ne sont pas plus utiles à la théorie de l'art musical, ou plûtôt le sont encore moins que les calculs géométriques. Nous savons, par exemple, & nous le disons ici par l'intérêt que nous prenons aux ouvrages de M. Rameau, que cet artiste célebre se reproche avec raison d'avoir mêlé dans le premier chapitre de sa Génération harmonique, aux expériences lumineuses qui font la base de son système, l'hypothèse physique dont nous avons parlé sur la differente élasticité des parties de l'air, par le moyen de laquelle il prétend expliquer ces expériences; hypothèse purement conjecturale, & d'ailleurs insuffisante pour rendre raison des phénomenes. Ceux qui ont les premiers proposé cette hypothèse (car M. Rameau convient qu'il n'en est pas l'auteur), ont pû la donner comme une opinion; mais jamais on n'a dû en faire la base d'un traité de l'harmonie. Des faits, & point de verbiage; voilà la grande regle en Physique comme en Histoire. Tenons-nous-en donc aux faits; & pour finir ce long article par quelque chose qui intéresse véritablement les artistes & les amateurs, entretenons ici nos lecteurs d'une belle expérience du célebre M. Tartini, qui a rapport à la basse fondamentale . Voici cette experience telle qu'elle est rapportée par l'auteur même, dans son ouvrage qui a pour titre, Trattato di Musica, secundo la vera scienza dell' armonia , imprimé à Padoue 1754; ouvrage qui n'est pas également lumineux par-tout, mais qui contient d'excellentes choses, & dont nous pourrons faire usage dans la suite pour enrichir plusieurs articles de l'Encyclopédie. Etant donnés à-la-fois (c'est M. Tartini qui parle) deux sons produits par un même instrument capable de tenue, c'est-à-dire qui puisse faire durer & soûtenir le son, comme trompette, hautbois, violon, cor-de-chasse, &c. ces deux sons en produiront un troisieme très-sensible. Ainsi, qu'on tire en même tems d'un violon deux sons forts & soûtenus en tel rapport l'un à l'autre qu'on voudra, ces deux sons en produiront un troisieme, que nous assignerons tout-à-l'heure. La même chose aura lieu, si au lieu de tirer les deux sons à-la-fois d'un même violon, on les tire séparément de deux violons éloignés l'un de l'autre de cinq ou six pas; placé dans l'intervalle des deux violons, on entendra le troisieme son, & on l'entendra d'autant mieux, qu'on sera plus près du milieu de cet intervalle, & d'autant moins, qu'on se rapprochera davantage d'un des deux violons. La même expérience aura lieu, & même plus sensiblement encore, si on se sert de hautbois au lieu de violons. Voici maintenant quel est ce troisieme son dans tous les cas. Deux sons à l'unisson ou à l'octave, ne donnent point de troisieme son. Deux sons à la quinte, comme ut sol , donnent pour troisieme son l'unisson ut du son le plus grave. Cet unisson se distingue difficilement, mais il se distingue. Deux sons à la quarte, comme ut, fa , donnent la quinte fa au-dessous du son le plus grave ut . Deux sons à la tierce majeure, comme ut, mi , donnent l'octave ut au-dessous du son le plus grave ut . Deux sons à la tierce mineure, comme ut #, mi , donnent la dixieme majeure la , au-dessous du son le plus grave ut # . Deux sons à l'intervalle d'un ton majeur, ut ré , donnent la double octave au-dessous du son le plus grave ut . Deux sons à l'intervalle d'un ton mineur, ré, mi , donnent l' ut qui est à la seizieme au-dessous du son le plus grave ré . Deux sons à l'intervalle d'un semi-ton majeur, si, ut , donnent l' ut à la triple octave au-dessous du son le plus aigu ut . Deux sons à l'intervalle d'un demi-ton mineur, sol, sol # , donnent l' ut qui est à la vingt-sixieme au-dessous du son le plus grave sol . La tierce majeure renversée en sixte mineure, donne le même troisieme son qu'auparavant. Ainsi on a vû ci-dessus que la tierce majeure ut mi donnoit l'octave au-dessous d' ut . La sixte mineure mi ut , dans laquelle ut est monté à l'octave, mi restant sur le même degré, donnera donc la double octave au-dessous de ce dernier ut . La tierce mineure renversée en sixte majeure, donne le même son qu'auparavant, mais une octave plus haut: la tierce mineure ut # mi donne, comme on l'a vû, le la qui est à la douzieme au-dessous de mi; laissez mi sur le même degré, & substituez à l' ut # son octave à l'aigu pour avoir la sixte majeure mi ut #; le troisieme son sera la , quinte au-dessous de mi , c'est-à-dire une octave plus haut que le la du premier cas. M. Tartini ajoûte que le troisieme son résultant de la quarte, des deux tierces, des deux sixtes, soit majeures, soit mineures, est le plus facile à distinguer; parce que ce son est toûjours plus grave qu'aucun des deux qui le produisent: que le troisieme son produit par la quinte se distingue plus difficilement, parce qu'il est à l'unisson du son le plus grave; qu'il se distingue plus difficilement dans les tons majeurs & mineurs, parce que ces tons différant peu l'un de l'autre, l'intonation les confond aisément, & très difficilement dans les demi-tons majeurs & mineurs, à cause de la grande difficulté de les distinguer dans l'intonation. Cependant la petite différence de 80 à 81 qui est entre le ton majeur & le ton mineur ( Voyez Comma ), & celle de 125 à 128 qui est entre le demi-ton majeur & le mineur ( Voyez Apotome & Enharmonique ), produisent, comme on l'a vû, un troisieme son fort différent dans les deux cas. M. Tartini ne nous apprend point quel son résulte du triton & de la fausse quinte. Nous invitons les Musiciens à le chercher. Mais l'auteur observe qu'à l'exception de l'unisson & de l'octave, il n'est point d'intervalle commensurable ou non, appréciable ou non, réductible ou non aux intervalles connus, qui ne produise un troisieme son, lequel sera aussi commensurable ou non, appréciable ou non. réductible ou non aux intervalles connus, mais qui sera toûjours très-aisé à distinguer des deux autres. Il faut de plus que les intervalles dont on a parlé ci-dessus, soient parfaitement justes pour produire le troisieme son qui leur a été assigné; car pour peu qu'on altere l'intervalle, le troisieme son change: par exemple, l'intervalle de sol à si b n'étant point une tierce mineure juste, ne produira point pour troisieme son la douzieme mi b , au-dessous de si b , mais la quatorzieme ut au-dessous; & ainsi des autres. M. Tartini, après avoir rapporté ces différentes expériences, suppose un chant compose de deux parties; il trouve par le moyen des deux sons qui se répondent en même tems, le troisieme son qui en resulte: ce troisieme son, dit-il, est la vraie basse du chant, & toute autre basse sera un paralogisme; expression énergique & remarquable. Il remarque aussi une conséquence assez singuliere qui suit de ses expériences: soient les sons ut, sol, ut, mi, sol , en cette progression, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, le son troisieme résultant de deux sons consécutifs quelconques de cette progression, sera toûjours le son le plus bas, ut ou 1/2: c'est une suite des expériences qu'on vient de rapporter. Si on continue la progression 1/6, 1/7, 1/8, 1/9, 1/10, on verra par ces mêmes expériences que 1/8, 1/9 qui forment le ton majeur, & 1/9, 1/10 qui forment le ton mineur ( Voyez Ton & mes Elémens de Musique ), donnent aussi le même ut ou 1/2 que les sont précédens ont donné. Par les mêmes expériences, 1/15, 1/16 qui forment le demi-ton majeur, donnent 1/2 ou le son ut; & enfin 1/24, 1/25 qui forment le demi-ton mineur, donnent encore 1/2 ou le son ut . En général soit imaginée cette suite de sons en montant, & soit mise au-dessous de chaque son sa valeur par rapport au premier que je nommerai 1/2, Ut sol ut mi sol ut ré mi sol si ut sol sol # 1/2 1/3 1/4 1/5 1/6 1/8 1/9 1/10 1/12 1/13 1/16 1/24 1/25; Deux sons voisins quelconques de cette suite, dont le dénominateur ne différera que de l'unité, rendront toûjours pour troisieme son le son grave 1/2, suivant les expériences de M. Tartini. Or de-là ce grand musicien conclut, soit par pure analogie, soit qu'en effet (ce qu'il ne nous dit pas) il ait poussé sur ce sujet l'expérience plus loin; il conclut, dis-je, que si on complete cette suite & qu'on l'étende à l'infini en cette sorte, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, 1/7, 1/8, 1/9, 1/10, 1/11, 1/12, 1/13, &c. 1/100 &c. deux sons voisins quelconques de cette suite rendront toûjours le son ut; ce qui paroît en effet assez probable. Nous avons crû devoir nous presser de faire part à nos lecteurs d'une si belle expérience, qui jusqu'à présent est à-peu-près tout ce que nous connoissons de l'ouvrage de M. Tartini. Nous tâcherons d'extraire du reste de son livre pour les mots Harmonie , Mélodie , Mode , &c. & autres semblables, ce que nous y trouverons de plus remarquable & de plus utile. Nous nous bornerons ici à une observation. L'expérience qu'on vient de voir, donne la basse qui doit résulter de deux dessus quelconques; mais elle ne donne pas, du-moins directement, celle qu'il faut joindre à un dessus seul: cependant ne pourroit-on pas en tirer quelque parti pour la solution de ce dernier problème? Il s'ensuit d'abord, ce me semble, de l'expérience qu'on vient de rapporter, que si on a fait un second dessus à un chant quelconque, & que la basse jointe à ces deux dessus, suivant les regles de M. Tartini, produise un tout desagréable à l'oreille, c'est une marque évidente que le second dessus a été mal fait. Cela posé, quand on aura fait un premier dessus quelconque, & qu'on lui aura donné une basse, cette basse doit nécessairement par les regles de M. Tartini, donner le second dessus, qu'il faut joindre au premier. Or ce second dessus étant ainsi fait, si les trois parties forment un ensemble desagréable, c'est une marque que la basse étoit mal faite. Au reste nous devons avertir ici que dans l'ouvrage de M. Serre, intitulé Essai sur les principes de l'harmonie, Paris 1753 , il est fait mention de cette expérience de M. Tartini, comme d'une chose dont plusieurs musiciens reconnoissent la vérité: l'auteur ajoûte même qu'on peut faire avec deux belles voix de femme, cette expérience que M. Tartini dit n'avoir faite que sur des instrumens; mais M. Serre ne parle que du troisieme son produit par la tierce majeure, & de celui que produit la tierce mineure. Il y a même cette différence entre M. Tartini & M. Serre, que selon le premier les deux sons d'une tierce majeure, comme ut mi , produisent l'octave ut au-dessous de ut; & selon le second, c'est la double octave: de même selon le premier, les deux sons d'une tierce mineure la ut , produisent la dixieme majeure fa au-dessous de la; & selon le second, c'est la dix-septieme majeure au-dessous de la , ou l'octave au-dessous de la dixieme fa . M. Serre ne parle point du troisieme son produit par deux autres sons quelconques, & paroît d'ailleurs n'avoir fait aucun usage de cette expérience. Je finirai ici cet article, que je prie les artistes de lire & de juger dans le même esprit dans lequel je l'ai composé. Je serois très-flaté qu'ils y trouvassent des vûes utiles pour le progrès de la théorie & de la pratique de l'art. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDAMENTAUX (Articles) Author=Morellet5 Normalized Classification=Théologie Part of Speech=NA FONDAMENTAUX FONDAMENTAUX, ( Articles ) Théolog . ce mot reçoit dans la Théologie catholique, un sens différent de celui qu'on lui donne parmi les Hétérodoxes. Les théologiens catholiques ont entendu sous le nom d' articles fondamentaux , ceux dont la foi explicite est nécessaire au salut; ensorte qu'on ne peut pas même les ignorer sans être hors de l'Eglise & de la voie du salut: & par opposition ils reconnoissent aussi des articles non-fondamentaux qu'on peut ignorer, ou, ce qui est la même chose, croire de foi implicite sans être en danger de salut. Les Protestans ont appellé articles fondamentaux , généralement ceux dont la foi, soit explicite, soit implicite, est nécessaire au salut; & non-fondamentaux , ceux qu'on peut, disent-ils, se dispenser de croire, ou même nier expressément, malgré l'autorité des différentes sociétés chrétiennes qui voudroient en prescrire la croyance. On pourroit encore appeller articles fondamentaux , les dogmes principaux de la doctrine chrétienne, ceux qui tiennent plus fortement à tout l'édifice de la religion; & quelques-uns ont ces qualités-là, sans être de foi explicite. Mais la distinction des articles fondamentaux & non-fondamentaux expliquée ainsi, ne souffre aucune difficulté en Théologie. Ces définitions une fois établies, je dis 1°. il y a dans la doctrine catholique des dogmes fondamentaux en ce sens, qu'on est obligé de les croire de foi explicite; & d'autres qu'on peut ignorer sans danger pour le salut. Toutes les sociétés chrétiennes conviennent de ce principe. Cependant l'Eglise catholique n'a pas déterminé bien précisément quels sont les dogmes fondamentaux en ce sens-là. On ne peut pas regarder les symboles comme ne contenant que des dogmes de cette nature. Voyez dans l'article Foi , foi explicite & foi implicite , & l'article Symbole . 2°. La distinction des articles fondamentaux & non-fondamentaux dans le deuxieme sens, n'est pas recevable; parce que tous les dogmes définis par l'Eglise catholique sont fondamentaux ; au moins est-ce en ce sens, qu'on ne peut en nier aucun, lorsqu'on conçoit la définition sur laquelle il est appuyé, sans être hors de la voie du salut. Cela suit des principes de l'autorité & de l'unité de l'Eglise. Voyez Eglise . C'est dans ce dernier sens que les théologiens conciliateurs, Erasme, Cassander, Locke, dans l'ouvrage qui a pour titre, le Christianisme raisonnable , ont employé la distinction des articles fondamentaux & non-fondamentaux . Le ministre Jurieu s'en est aussi servi dans son système de l'Eglise , pour prouver que les églises protestantes d'Angleterre, d'Allemagne, de France, de Danemark, &c. ne sont qu'une même Eglise universelle. Il se fonde sur ce que ces églises conviennent dans la même profession de foi générale sur les articles fondamentaux , quoique divisées entr'elles sur quelques points qui ne ruinent pas le fondement: à quoi il ajoûte quelques regles, pour discerner ce qui est fondamental de ce qui ne l'est pas. En combattant les théologiens conciliateurs qui ont voulu rapprocher les sociétés séparées entr'elles & même avec la catholique, on n'a pas, ce me semble, distingué avec assez de soin les sens différens du mot fondamental . Par exemple, M. Nicole dans son livre de l' unité de l'Eglise , en attaquant Jurieu, s'arrête seulement à lui prouver que les églises réformées ne peuvent regarder ce qui les unit comme fondamental , & ce qui les divise comme non fondamental , qu'elles n'ayent une idée distincte de ce qu'on appelle un article fondamental , & que cela est impossible. Il semble , dit-il, que ce soit la chose du monde la plus claire & la plus commune, la plus uniformément entendue; cependant la vérité est qu'on ne sait ce qu'on dit, qu'on n'a aucune notion distincte de ce qu'on appelle article fondamental, & que ce qu'on se hasarde quelquefois d'en dire, est étrangement confus & rempli d'équivoque , &c. Il prouve ensuite que les regles que donne Jurieu pour le discernement des vérités fondamentales , sont absolument insuffisantes. Cette méthode d'argumenter de l'auteur de l'unité de l'Eglise, fournissoit au ministre une réponse assez plausible. Il auroit pû dire que les articles fondamentaux étoient ceux que les théologiens catholiques regardent comme de foi explicite; qu'il distingueroit ceux-là par les mêmes caracteres que les Catholiques employeroient pour ceux-ci; que l'autorité de l'Eglise ne donnoit aucun moyen de plus pour faire ce discernement, puisqu'elle ne décide pas quels sont précisément & uniquement les dogmes qu'il faut croire explicitement, & quels sont ceux pour lesquels la foi implicite suffit. A quoi il auroit ajoûté, que ces dogmes de foi implicite pouvoient être niés sans danger pour le salut, quoique définis par quelques sociétés chrétiennes. Pour enlever absolument aux Réformés cette ressource, & rappeller la question à son véritable état, il falloit tout de suite les obliger de prouver qu'ils ont pû nier sans danger pour le salut un dogme reçû dans l'Eglise universelle, dans l'Eglise qu'ils ont quitté par un schisme; prétention absolument insoûtenable, & que nos théologiens ont suffisamment combattue. Voyez Eglise . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondant de Rotrou Author=Villiers Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Fondant de Rotrou Fondant de Rotrou , ( Chimie. ) chaux absolue d'antimoine faite avec son régule & le nitre, non lavée, & édulcorée avec l'eau de canelle spiritueuse qu'on brûle dessus. Cette préparation est une des cinq qui composent le remede de Rotrou. La description s'en trouve particulierement dans deux auteurs célebres. Le premier est M. Astrue, qui l'a donnée à la fin de son traité des maladies vénériennes , imprimé pour la premiere fois en 1736: le second est M. Col de Villars, dans le tome II. de sa chirurgie , qui parut en 1738. Nous allons transcrire celle de M. Astruc, & indiquer les différences qui se trouvent dans celle de M. Col de Villars: nous décrirons ensuite les différens procédés par lesquels on fait en Chimie de l'antimoine diaphorétique; afin d'indiquer les sources dans lesquelles Rotrou a puisé; de faire voir que ce fondant ne mérite de porter son nom, que parce qu'il a conservé ou ajoûté des points dont il n'a certainement pas entendu la raison; & de suppléer aux défauts d'un manuel dont il n'a donné qu'une description trés-imparfaite. Fondant de Rotrou , empyrique de ce nom. Prenez de régule d'antimoine bien préparé & réduit en poudre; de nitre purifié & pulvérisé séparément, de chaque une livre & demie: mêlez ces deux poudres bien intimement; projettez-les, selon l'art, par cuillerées dans un creuset rougi au feu. Les projections étant achevées, vous calcinerez la matiere pendant six heures. Retirez votre matiere du creuset, & la réduisez en poudre avant qu'elle soit refroidie; passez la par un tamis de crin, & la mettez sur le champ dans un vaisseau de verre, que vous boucherez exactement, pour empêcher qu'elle ne s'imbibe de l'humidité de l'air. Faites chausser legerement cette poudre; versez dessus peu-à-peu six onces d'eau de canelle spiritueuse, par livre de matiere; remeuz-la continuellement, jusqu'à ce que l'eau de canelle soit entierement dissipée. Cette préparation differe très-peu de l'antimoine diaphorétique non lavé. Astruc, édit. de 1736 & de 1740 . Dans la recette de M. Col de Villars, on met une livre & demie de nitre contre une demi-livre de régule. On couvre le creuset après la détonation; on calcine la matiere au grand feu; on la laisse refroidir; on passe cette matiere qui est blanche, à-travers un tamis fin. On observe d'ailleurs que cette préparation y est intitulée, grand fondant de Paracelse; ce qui indique, à la vérité, que Rotrou n'a pas prétendu donner ce remede comme de lui, mais a voulu néanmoins s'autoriser du nom d'un grand homme, dont les écrits n'étoient pas assez à sa portée pour qu'il pût le deviner parmi ses énigmes, p. 284. on y ajoûte aussi, p. 281. que le remede du sieur Rotrou, chirurgien de Saint-Cyr, dont on fait beaucoup de cas pour la guérison des écroüelles, consiste dans sa teinture aurifique de Basile Valentin, autre nom supposé, l'élixir aurifique, le grand fondant de Paracelse, l'alkali de Rotrou, & sa pâte en pilules purgatives, & qu'on en donne la description telle qu'elle a été communiquée, pour ne rien omettre de ce qui peut contribuer à la guérison d'une maladie aussi rébelle. M. Astruc les a décrits aussi. Voyez Remede de Rotrou, & Ecrouelles L'antimoine diaphorétique se fait ou avec l'antimoine crud, ou avec le régule d'antimoine; ou à sa place, avec quelques autres préparations du même demi-métal. Le premier porte particulierement le nom d' antimoine diaphorétique; & le second, celui de céruse d'antimoine , chez les chimistes modernes. Antimoine diaphorétique . Prenez une partie d'antimoine, & trois parties de nitre bien seché. Réduisez-les séparément en poudre bien fine, & les mêlez bien intimement. Ayez un creuset de sept ou huit pouces de diametre, sur environ autant de hauteur, dont le fond soit hémisphérique: placez ce creuset sur une tourte de deux doigts d'épaisseur, dans un fourneau à capsule ( Voyez nos Planches de Chimie , leur explication; & l'article Fourneau ): ajustez-lui un couvercle; entourez-le de charbons ardens jusqu'au haut, ou du moins à fort peu près; découvrez-le de tems en tems, pour savoir s'il est rouge; quand il le sera, projettez-y une cuillerée de votre mélange: il s'en fait sur le champ une détonation assez vive, pendant laquelle il s'éleve une fumée noirâtre & épaisse mêlée de quelques étincelles: la détonation cessée, projettez-y en une autre cuillerée, puis une troisieme, & ainsi de suite, jusqu'à ce que vous en ayez employé cinq ou six; observant toûjours de laisser finir la détonation, avant que de jetter une nouvelle cuillerée de matiere: au bout de ces cinq ou six cuillerées, que vous aurez dans votre creuset un volume de matiere égal à celui d'un oeuf à-peu-près, remuez-la avec une large spatule de fer. Ce résultat sera un peu pâteux, ressemblant en quelque sorte à du plâtre frais gâché; retirez-le incontinent du creuset: vous le donnerez à un aide, qui le recevra sur un couvercle renversé: la main qui doit tenir le couvercle sera garantie de la chaleur par une poignée épaisse; & l'autre sera occupée à racler avec une spatule de fer la spatule chargée de la matiere: au sortir du creuset, elle est rouge, & garde quelque tems cet état sur le couvercle. peu-à-peu elle paroît sous sa couleur naturelle, qui est un blanc sale ou jaunâtre: quand elle a perdu sa rougeur, on la jette dans une grande terrine de grais remplie d'eau chaude, par parties & au bord de la terrine. Pendant que l'aide est occupé à jetter ainsi la matiere dans l'eau, on ne cesse de projetter le mélange avec les précautions que nous avons mentionnées: on racle bien le creuset chaque fois qu'on en retire une mise, afin de n'y en rien laisser, si cela se peut. On continue de la sorte, jusqu'à ce que tout le mélange soit employé, détonné, & jetté dans l'eau. Après l'y avoir laissé un certain tems, décantez cette premiere eau; édulcorez encore votre chaux 7 ou 8 fois avec de l'eau bouillante; laissez-l'y quelques heures chaque fois: quand vous aurez décanté l'eau du dernier lavage, mettez votre chaux sur un filtre, ou tout simplement sur un papier gris, pour en essuyer la plus grande humidité. Achevez de la sécher à une chaleur douce, ou à un air chaud. Il y a des substances métalliques qui ne perdent les dernieres portions de leur phlogistique, que bien difficilement, & qui demandent des calcinations longues, quand elles sont seules: pour vaincre la difficulté & abréger les peines, on a recours à des moyens étrangers: tel est le nitre, dans l'opération dont il s'agit; par son intermede, on vient à bout de réduire l'antimoine crud en une chaux absolue, en suivant le manuel qne nous venons de détailler. Si on prend l'eau du premier lavage, & qu'on la fasse évaporer & crystalliser, on a 1°. du tartre vitriolé: 2°. du nitre non décomposé, en poussant l'évaporation un peu plus loin; c'est la quantité surabondante à ce qu'il en faut pour enlever le phlogistique à l'antimoine employé: 3°. enfin un alkali fixe en desséchant la matiere. On a donné le nom de nitre antimonié à tous ces sels confondus ensemble. Mais il est aisé de voir que cette dénomination est absolument fausse, & ne convient à aucun de ces trois sels: tous contiennent une portion de la chaux la plus subtile de l'antimoine: l'alkali fixe qui en tient le plus, en devient plus caustique, voyez Pierre a Cautere, & Nitre : on ne l'en sépare que par un acide, voyez Matiere perlée . Voici donc comment la chose s'est passée. Une portion de nitre détonne avec le soufre, dont le phlogistique embrasé enflamme & décompose l'acide nitreux qu'il dégage de sa base: cette base constitue une partie de l'alkali fixe qu'on trouve dans le lavage. Mais le phlogistique du soufre n'est pas plûtôt séparé de l'acide vitriolique, que cet acide devenu libre trouvant du nitre près de lui, chasse son acide, & s'introduit à sa place. L'acide nitreux s'enflamme encore ou se dissipe; & la nouvelle combinaison forme du tartre vitriolé. Le soufre en se dégageant du régule d'antimoine ( voyez la calcination de l'antimoine crud ), emporte aussi avec lui une partie de son phlogistique, tant par son phlogistique que par son acide. Mais le nitre détonne encore en même tems avec le régule d'antimoine, dont le phlogistique agité par le feu produit sur ce sel le même effet que celui du soufre: d'où résulte une nouvelle portion d'alkali five, qui agit encore sur le régule, s'il en reste de non décomposé, voyez plus bas céruse-d'antimoine; en sorte que ce régule est réduit par cette action à l'état d'une pure terre ou chaux absolue. Voyez Nitre , Nitre alkalisé par le charbon , & Sel polychreste de Glaser . Telle est la méthode que donne M. Roüelle; cette correction se publie aussi en Allemagne. En suivant celles qui se trouvent décrites dans les auteurs, on avoit beaucoup de peine à faire l'antimoine diaphorétique bien blanc: il étoit presque toûjours jaune; & il étoit impossible de lui faire perdre ce défaut. Cet inconvénient venoit de ce qu'on le laissoit trop longtems dans le creuset après la détonation: on avoit beau le laver, jamais on ne réparoit ce défaut qu'il avoit contracté par une trop longue calcination: c'est en partie pour ce motif, qu'il faut retirer la matiere du creuset à différentes reprises. Si l'antimoine diaphorétique se trouvoit brun, alors ce défaut ne viendroit plus de la longueur de la calcination, mais de l'antimoine qui se trouve quelquefois mêlé de fer & d'autres métaux, sur-tout à la base du cône. Voyez Saffran de Mars antimonié Ce premier inconvénient en entraînoit un second. La matiere calcinée pendant deux, quatre, & même six heures, comme quelques chimistes l'ont demandé, devenoit dure comme une pierre: elle adhéroit si fortement au creuset, qu'il falloit souvent le casser pour l'en tirer: en sorte qu'elle étoit mêlée de quelques morceaux du creuset, ou qu'il en falloit perdre beaucoup pour l'en séparer: & avec quelques soins qu'on la pulvérisât, ce qui exigeoit beaucoup de tems & de peines, elle n'étoit jamais si bien divisée qu'elle le devient par le lavage qui succede à une calcination presque momentanée. En effet, il est aisé de concevoir qu'il se faisoit pendant ce tems une espece de deni-vitrification, par laquelle l'alkali fixe s'unissoit assez intimement avec la chaux de l'antimoine, pour lui rester combiné en grande partie malgré le lavage. C'est de cette union que naissoit l'accrétion considérable de poids que l'antimoine diaphorétique avoit acquise. On suppose ici que le lavage ne fût point employé, comme il paroît par quelques descriptions. On craindra peut-être qu'une calcination si legere en apparence ne remplisse pas les vûes de cette opération, dans laquelle on a pour but de réduire l'antimoine en une chaux pure & dégagée de tout phlogistique. Mais on sera convaincu qu'une pareille crainte ne porte que sur un fondement illusoire, quand on aura fait attention qu'il reste dans l'eau du lavage du nitre non décomposé; parce qu'il ne s'est point trouvé de phlogistique qui ait pû le faire détonner; & que dans la circonstance présente, au lieu de deux parties de ce sel, on en employe jusqu'à trois, pour n'avoir aucun soupçon qu'il puisse rester dans l'antimoine diaphorétique la moindre molécule de régule ou de chaux non absolue qui ait échappé à son action. On ne nie pourtant pas qu'il se trouve dans l'antimoine diaphorétique des parties régulines en nature, & sous leur forme métallique, en même tems qu'il s'y trouve du nitre non décompose: mais ce défaut provient souvent de l'inexactitude du mélange, dans lequel plusieurs molécules régulines ne sont pas assez enveloppées de nitre pour en être totalement décomposées; pendant que d'un autre côté, ce sel en masse ne trouve point de phlogistique embrasé qui puisse lui procurer la détonation. Dans cette circonstance, l'alkali forme par la détonation imparfaite de l'antimoine, met une barriere entre le nitre & ce demi metal: mais cet inconvenient sera moins considérable avec trois parties de nitre qu'avec deux, en supposant la même inexactitude dans le mélange, que l'on conseille cependant d'éviter. C'est encore pour la même raison que nous avons prescrit de remuer sans cesse la matiere dans le creuset: ce seroit peut-être assez de deux parties de nitre; mais celui qui est en excès n'est pas perdu; il se retrouve dans l'eau du lavage, dont on le sépare en évaporant & crystallisant. Il résulte que la méthode des chimistes qui projettent l'antimoine crud en poudre sur le nitre, doit être proscrite. Dans cette opération on employe un creuset large & à fond même presque plat, afin que la petite quantité de mélange qu'on y a mise, détonne à-la-fois, ou le plus promptement qu'il est possible, & sur-tout pour avoir la commodité de l'en retirer. On attend qu'il soit rouge, pour que la détonation se fasse sur le champ; il seroit inutile d'y rien mettre avant ce tems. Le couvercle sert à le garantir de la chûte des charbons. On sait que ces sortes de corps portent avec eux un principe inflammable, qui ne manqueroit pas de réduire en régule une partie de chaux proportionnelle; inconvénient diamétralement opposé aux fins qu'on se propose: il s'y trouve, à la vérité, du nitre qui pourroit le consumer; mais il peut se faire aussi qu'il ne s'y en trouve point dans l'endroit où tombera la molécule de charbon: c'est pour la même raison qu'on ne garnit pas le creuset de charbons ardens au-dessus de ses bords. La précaution de projetter par cuillerées, & d'attendre que la premiere soit détonnée avant que d'en projetter une seconde, a pour but de rendre la calcination plus lente & plus complete, & d'éviter la perte de matiere que l'adhésion des vapeurs poussées par le feu ne manqueroit pas d'occasionner dans la méthode contraire. Cette perte d'ailleurs n'est pas le seul inconvénient qui soit la suite du choc des vapeurs; il arrive encore qu'une molécule réguline poussée hors du creuset vers la fin de la détonation n'y retombe que quand elle est tout-à-fait cessée, & ne se calcine point-du-tout. Si l'on ne suit pas les mêmes voies pour le foie de Rullandus ( V. Antimoine ), c'est qu'il n'y importe pas comme ici, que la chaux antimoniale soit absolue. Un autre inconvénient qui résulte de la détonation d'une grande quantité de matiere à-la-fois, c'est que le feu y est si vif qu'il la vitrifie; & ainsi au lieu d'une chaux d'antimoine bien divisée, qui est ce qu'on se propose, on auroit cette même chaux vitrifiée avec l'alkali fixe du nitre. On attend que la matiere du creuset ait perdu à-peu-près son ignition, pour la jetter dans l'eau: sans cela elle éclabousseroit & feroit explosion; parce que l'eau déjà chaude étant tout-à-coup frappée & mise en expansion par un corps embrasé, ne manqueroit pas de le faire sauter de toutes parts, au danger de l'artiste: c'est pour la même raison qu'on n'en jette dans l'eau que peu-à peu & aux bords de la terrine. Une petite quantité présente plus de surface à l'eau, à proportion de son volume; & s'il arrive qu'elle soûleve l'eau qui la couvre, elle en fait moins jaillir aux bords de la terrine, où elle est moins profondement plongée. La chaux de l'antimoine sortant du creuset est, abstraction faite de la grande quantité du tartre vitriolé & de la petite portion du nitre, un alkali sive rendu caustique par la chaux demi-metallique de l'antimoine. Voyez ci-dessous ceruse d'antimoine . C'est à-dessein de lui enleve: ces différens sels qu'on repete les lavages, & de favoriser par-là la division des molécules d'antimoine diaphoretique, que ces sels interposés tenoient unis par leur intermede. C'est encore pour la même raison qu'on sait ces sortes de lavages en grande eau; car plus il y en a, plus les molécules ont dequoi s'étendre, & plus elles sont divisées; sans compter que les sels en sont mieux dissous. De huit onces d'antimoine & de vingt-quatre de nitre, Lemery a eu onze onces un gros d'antimoine diaphorétique: les calculs de Mender se trouvent à-peu-près les mêmes. Comme cette accrétion de poids vient, selon toute apparence, des debris des sels, au moins pour la plus grande partie, il n'est pas étonnant qu'on n'en retire pas autant de régule à proportion, si on réduit l'antimoine diaphoretique. Voyez Réduction . Selon la doctrine commune des chimistes, si au lieu d'employer un creuset, on projette la matiere en de très-petites quantités dans une cornue de terre tubulée & rougie au feu, & laquelle on adapte plusieurs ballons enfilés dont le dernier est ouvert, les vapeurs noirâtres & épaisses dont nous avons parlé, passent dans les récipiens, & s'y condensent. On y trouve un antimoine diaphorétique très-divisé, & un phlegme legerement acide & alkali volatil, ainsi qu'on peut s'en convaincre par l'expérience : c'est la petite portion de l'acide nitreux, qui ayant été dégagée par l'acide vitriolique du soufre, est échappée à l'embrasement. Le phlegme est de l'acide vitriolique & de l'acide nitreux décomposés: ces vapeurs ainsi retenues reçoivent le nom de clyssus simple d'antimoine . Quelques auteurs prétendent aussi qu'il y a de l'acide vitriolique; & en ce cas elles doivent prendre celui de clyssus composé, selon Mender. On fait encore, selon Lemery, l'antimoine diaphorétique dans les vaisseaux fermés, en se servant d'un pot ou d'une cucurbite de terre, surmontée de trois aludels aussi de terre, & d'un chapiteau de verre, auquel on adapte un récipient. Voyez Aludel , Fleurs de soufre , Fleurs d'Antimoine . La cucurbite est fenêtrée, pour qu'on y puisse projetter le mélange, dont les doses sont toûjours les mêmes. On trouve dans la cucurbite une masse semblable à celle que l'on a retirée du creuset: mais les parois des aludels sont tapissées de fleurs blanches d'autant plus émétiques qu'elles sont plus élevées: en sorte qu'il n'y a guere que les plus basses, ou celles que la trusion a élevées, qui soient assez dépouillées de leur phlogistique, pour n'être que diaphorétiques. L'adepte Geber n'a parlé de l'antimoine qu'en passant. Le moine anonyme qui vivoit au douzieme siecle, & qui est connu sous le nom emblématique de Basile Valentin ( voyez Chimie ), est le premier qui ait traité des préparations de l'antimoine. On y trouvera le diaphorétique minéral, sous le nom de poudre blanche d'antimoine , dans le petit nombre d'opérations positives qu'il a données parmi les secrets d'Alchimie, sous le nom de ce demi-métal: en voici la traduction. Prenez de bon antimoine de Hongrie, ou de tout autre pays, pourvû qu'il soit bien pur: réduisez-le en poudre fine; mêlez-le avec parties égales de nitre purifié de la troisieme cuite. Projettez & faites détonner ce mélange peu-à-peu dans un creuset neuf vernissé, entouré de charbons ardens........ mettez en poudre fine la masse dure qui est restée dans le creuset; mettez cette poudre dans un vase vernissé; versez dessus de l'eau commune tiede; décantez cette eau après l'avoir laissée rasseoir. Répétez ce lavage jusqu'à ce que vous ayez emporté tout le nitre: séchez votre matiere; faites-la détonner de nouveau avec son poids égal de nitre: lavez & détonnez une troisieme fois: enfin réduisez en poudre subtile la masse résultant de cette troisieme opération: mettez-la dans une cucurbite; versez dessus de bon esprit de vin: bouchez-bien exactement votre vaisseau: pendant l'espace d'un mois que vous le tiendrez en digestion, vous y mettrez de nouvel esprit-de-vin neuf ou dix fois, & ferez brûler celui qui aura digéré dessus: séchez len ement votre préparation; calcinez-la ensuite pendant un jour entier dans un creuset rouge: portez cette poudre dans un lieu humide, où vous la laisserez tomber en défaillance sur me table de pierre ou de verre, ou dans des blancs d'oeufs durcis: il s'en fait une liqueur qu'on seche & convertit de nouveau en poudre. Voilà certainement une préparation qui coûte bien du tems, des peines, & de l'esprit-de-vin: mais que résulte-t-il de tout ce merveilleux appareil? On entrevoit à-travers l'obscurité de cette description, que la premiere détonation donne un foie (faux) de Rullandus, que les lavages dépouillent du tartre vitriolé, & de son foie d'antimoine: ensorte que le soufre grossier reste avec une matiere vitreuse que Kerkringius appelle la poudre de Rullandus. Voyez son foie à l'art . Antimoine . La seconde fournit après le lavage une céruse d'antimoine, selon les modernes, ou antimoine diaphorétique, qui ne sont autre chose qu'une chaux absolue d'antimoine; & la troisieme, qu'on ne lave point cette même chaux d'antimoine privée des dernieres parties régulines qui pouvoient n'être pas encore décomposées, quoiqu'on la regarde communément comme chaux absolue, après la seconde détonation, & de l'alkali fixe, ou nitre alkalisé, & peut-être du nitre; à moins que la calcination n'ait été très-long-tems soûtenue. L'esprit-devin digéré dessus ne peut donner qu'une teinture de tartre qu'on décompose en le brûlant ( voyez Teinture de Tartre ), & en calcinant la matiere. Cette poudre mise dans un lieu frais, n'est susceptible de défaillance que par son alkali fixe, qui doit être en petite quantité: c'est cette liqueur seule qu'on prend pour évaporer. Il reste donc après tant de travaux un peu d'alkali fixe mêlé d'une petite quantité de terre provenant de ses débris, & d'une moindre quantité encore de la chaux la plus subtile de l'antimoine, qu'il a pû tenir suspendue & entraîner avec lui, quoique l'acide de l'esprit-de-vin ait pû en précipiter une partie. Voyez Matiere perlée . Aussi ne faut-il pas s'étonner que Basile Valentin ait attribué des vertus miraculeuses à sa poudre blanche: nous en ferons grace au lecteur. Il est bon de remarquer que c'est la préparation que les anciens chimistes appelloient céruse d'antimoine . Le compilateur Libavius n'entend pas mieux la préparation d'antimoine diaphorétique, qu'il décrit aussi mal. Calcinez, dit-il, de l'antimoine crud & du nitre, jusqu'à ce qu'ils ne donnent plus de vapeurs: faites bouillir cette chaux dans plusieurs eaux ferrées; macérez la pendant un mois dans de l'esprit-de-vitriol, que vous changerez toutes les semaines: faites la rougir plusieurs fois dans un creuset, & l'éteignez dans du vinaigre à chaque fois: enfin mettez-la digérer dans de l'esprit de-vin ou de l'eau de chardon-bénit. Il faut avoüer cependant qu'il en résulte vraiment de l'antimoine diaphorétique, où il y aura peut-être un atome de fer qu'y aura porté l'eau ferrée, qui a dû emporter l'alkali fixe, ce nitre, & le tartre vitriolé. L'esprit-de-vitriol digéré sur la matiere; le vinaigre, en supposant qu'on ait employé assez de nitre pour la réduire en une chaux absolue; l'esprit-de-vin, & l'eau de chardon-bénit, n'y font ni bien ni mal: & si la préparation lui coûte plus de tems & autant de peines à-peu-près que celle de Basile Valentin, au moins n'en perd-il pas les fruits, comme ce moine qui réduit tout à rien. Libavius, lib. II. alchem. tract. ij. de extract. pp. 188. 1606 . Lemery, Boerhaave, Mender, & Geoffroy, employent également trois parties de nitre. Le premier laisse calciner la matiere pendant deux heures; le second, pendant un quart-d'heure, & reproche à Basile Valentin qu'il se donne bien des peines pour dépouiller son antimoine diaphoretique du nitre fixant, pendant qu'il ne lui reste presque autre chose que du nitre fixé. Il croit que le nitre fixe la chaux d'antimoine, comme Lemery s'est imaginé que le soufre de ce demi-métal en étoit fixé; erreur que son savant critique a relevée d'une façon qui ne laisse rien à desirer; ainsi que les reproches que Mender fait mal-à-propos à Boerhaave, sur ce que cet auteur regarde l'antimoine diaphorétique comme insipide & sans vertu. On observe encore que Mender fait fondre la matiere détonnée, & renchérit conséquemment sur la mauvaise méthode des deux premiers. Enfin Geoffroy veut aussi que le soufre de l'antimoine soit fixé par l'acide du nitre, & confond les noms de céruse d'antimoine , & d' antimoine diaphorétique . On fait encore de l'antimoine diaphorétique avec l'antimoine crud, toutes les fois qu'on traite ce demi-métal de maniere qu'il soit converti en une chaux absolue blanche & divisée; soit que l'action du feu aidée de celle de l'air, dissipe tout son phlogistique sans intermede; soit qu'elle se trouve mêlée de matieres hétérogenes: car il peut se trouver encore quelques molécules d'antimoine diaphorétique parmi la chaux qui reste sur le filtre à-travers lequel on passe la dissolution du régule d'antimoine par les sels, sitôt après la détonation de ses scories, & du faux foie de Rullandus. Enfin par la propriété qu'a l'acide nitreux d'enlever le phlogistique à la plûpart des substances métalliques, il réduit l'antimoine en chaux absolue, si on y fait dissoudre ce demi-métal. Dépouillé de son principe inflammable, il tombe au fond du vase où se fait l'expérience; il n'est qu'une terre insipide, pourvû toutefois qu'on l'ait préalablement lavé avec exactitude. Une petite portion d'antimoine reste dissoute dans la liqueur, & forme les deux sels de M. Roüelle, l'une en plus & l'autre en moins d'acide qu'il soit possible. Le soufre surnage sous la forme d'une matiere jaunâtre pultacée. Basile Valentin fait aussi une poudre fixe d'antimoine avec l'eau forte: mais il ne faut pas regarder son procédé comme positif. Voyez Nitre . L'eau régale produit le même phénomene en conséquence de ce que l'acide nitreux y domine. Voyez Nitre . L'acide nitreux & l'eau régale attaquent l'antimoine crud avec rapidité: l'effervescence est vive & produit de la chaleur. Ces deux procédés donnent de l'antimoine diaphorétique par la voie humide, & sournissent les moyens de connoître au juste la quantité de soufre que contient l'antimoine crud. Céruse d'antimoine . Réduisez en poudre fine séparément une partie de régule d'antimoine & trois parties de nitre; mêlez-les intimement: faites-les détonner dans un creuset: jettez la matiere dans l'eau bouillante: décantez; lessivez sept ou huit fois, & faites secher votre résultat. Ce procédé exige les mêmes précautions que celui de l'antimoine diaphorétique. Cette chaux d'antimoine n'est ni plus blanche ni plus divisée que celle que nous avons faite par la précédente méthode: ce procedé n'est donc pas préférable au premier, sans compter qu'il est dispendieux & exige plus de tems. On retire aussi la masse du creuset, si-tôt que la détonation est achevée: sans quoi elle ne manqueroit pas de jaunir, de même que dans la précédente préparation. Si l'on fait évaporer & crystalliser l'eau du premier lavage, on a 1°. du nitre qui est la quantité exécdante celle qu'il a fallu pour décomposer le régule employé: 2°. en poussant l'évaporation jusqu'à siccité, de l'alkali fixe rendu caustique par une petite portion de chaux antimoniale, avec laquelle il fait union, qu'il tenoit suspendue dans la liqueur: c'est encore de la matiere perlée. S'il ne s'y treuve point de sel polychreste, c'est que le régule d'antimoine ne contenoit pas la substance nécessaire à sa formation; savoir l'acide vitriolique du soufre, qui dans l'antimoine diaphorétique, s'est uni à l'alkali fixe du nitre décompose. Ainsi dans cette opération, le phlogistique du régule produit le même, ou à-peu-près le même phénomene que celui du charbon. Voyez Nitre alkalisé par le charbon . Si-tôt que ce principe inflammable est mis en agitation, & dégagé par l'action du feu, il degage l'acide nitreux de sa base, lequel se consume & dissipe en partie. Il suit que le régule doit rester dans le creuset avec l'alkali, sour la forme d'une chaux blanche dépouillée de son phlogistique en entier. Mais il ne faut pas croire que le nitre alkalise le régule par son acide seul: son alkali produit le même phénomene, indépendamment du concours de son acide. La calcination n'en va donc que plus vite, quand on employe le nitre; & cela par deux raisons: la premiere, c'est que l'acide nitreux dégagé de sa base, rencontrant quelques portions régulines, doit certainement leur enlever une partie de leur phlogistique, avant que de se consumer ou de se dissiper; & la preuve que la chose se passe de la sorte, c'est qu'il y a une legere détonation qui est certainement dûe à l'acide nitreux, & non à sa base alkaline: la seconde, c'est qu'avec l'alkali fixe seul, il faut aller assez lentement, pour que ce sel ne se fonde point avec le régule. Si l'on donnoit le feu trop fort, surtout au commencement de l'opération, il en résulteroit d'abord une matiere vitreuse très-foncée, qu'il faudroit réduire en poudre, pour lui enlever plus promptement les dernieres portions du principe du feu; & sur la fin, un verre peu coloré, dont le lavage ne pourroit séparer les substances qui entrent dans sa composition. Voyez Réduction . Si l'on a entretenu le feu par degrés, on a un alkali fixe rendu caustique par la chaux d'antimoine avec laquelle il est combiné. C'est une des raisons pour lesquelles on employe le lavage: mais il est d'autant plus nécessaire en pareil cas, qu'il sert encore à séparer de la chaux les dernieres portions de régule qui ont pû échapper à la détonation; comme plus pesantes & moins divisées, elles gagnent le fond, sur-tout quand on a la précaution d'agiter la lessive. Cette considération porte également sur la préparation de l'antimoine diaphorétique. Si au lieu de trois parties de nitre, c'en seroit assez de deux pour la préparation de l'antimoine diaphorétique; à plus forte raison suffiroient-elles pour la céruse. Mais on agit encore de la sorte pour n'avoir aucun soupçon qu'il puisse rester la moindre molécule de régule sans être décomposée; le nitre excédent se retrouve par la crystallisation. Il s'en trouve une beaucoup plus grande quantité en nature dans la préparation de la céruse d'antimoine, que dans celle de l'antimoine diaphorétique, proportion gardée; parce qu'il n'en a pas fallu pour détonner avec le soufre, & que l'acide vitriolique de ce minéral n'en a point converti en tartre vitriolé. Mais il faut observer que la longueur de la calcination de la céruse doit changer ces phénomenes: outre cela, la présence du soufre peut non-seulement accélérer la calcination, mais encore la rendre plus complete avec la même quantité de nitre. On peut encore, si l'on veut, faire la céruse d'antimoine avec les chaux non-absolues & les verres d'antimoine, en les faisant également détonner avec le nitre; on pourroit pour lors se dispenser d'employer une aussi grande quantité de ce sel: parties égales suffiroient pour avoir une belle céruse d'antimoine. Mender . C'est la méthode des anciens à-peu-près. Nous avons dit que l'alkali se combinoit avec le régule pendant la calcination; mais il ne faut pas s'imaginer, comme Hoffman, que c'est cette union qui empêche que le régule ne se dissipe presque tout en fleurs par le feu, comme il arrive quand il est seul: cette fixité vient de la perte du phlogistique, qu le volatilisoit auparavant. Dans ce procédé, la détonation est moins vive que dans le précédent, & il y a même telles proportions de nitre qui n'en donnent point-du-tout, soit parce qu'il n'y a point de soufre, soit parce que les molécules de l'antimoine étant par-là moins divisées, il se dégage une moindre quantité de phlogistique dans un seul & même instant, sans compter que le soufre peut favoriser ce dégagement; ce qui est confirmé par la lenteur de cette calcination. Il y a d'autant moins d'alkali fixe, & il est d'autant moins caustique, qu'on y employe davantage de nitre, & qu'on calcine moins long-tems. Ainsi donc il faut bien peser toutes ces circonstances avant que d'avancer s'il se fait plus de nitre fixe dans cette préparation, que dans celle de l'antimoine diaphoretique. Lémery ayant fait détonner seize onces de régule avec quarante-huit de nitre, on a retiré vingt-quatre onces & demie de céruse bien lavée & bien séchée, & il lui est resté vingt-cinq onces de sel. Libavius donne la préparation suivante de la céruse d'antimoine. Calcinez le régule avec le nitre dans un vaisseau de verre, que vous échaufferez par degré; lavez-en le sel, & répétez cette opération encore deux fois, pour fixer & blanchir l'antimoine. Exposez-le ensuite à un feu de reverbere pendant trois jours. Si les anciens qui la pratiquoient prenoient beaucoup de peine, au moins étoient-ils très assûrés d'avoir réduit le régule en une terre insipide & inerte. Le même Libavius donne le nom de turbith à la chaux d'antimoine faite avec le régule, dissous par l'acide nitreux, qu'on faisoit bouillir après cela dans du vinaigre, & ensuite dans de l'eau de roses: mais il est évident que ces deux décoctions deviennent inutiles. Page 188 . Si l'on fait digérer de l'esprit-de-vin sur la céruse d'antimoine non-lavée, il se fait une teinture rouge. Voyez Teinture de Tartre . Si on allume cet esprit-de-vin dessus, & qu'on l'y fasse brûler tout entier, il reste une liqueur lixivielle très-âcre. Cette liqueur étant évaporée sur un feu leger, donne un alkali d'un rouge jaunâtre, caustique & tout soluble dans l'eau. La lessive qui en résulte est rougeâtre & fort âcre. La poudre réguline qu'on sépare de cette teinture est absolument dépouillée de causticité; elle ne purge ni par le haut ni par le bas, & n'est que diaphorétique. Fred. Hossman, observat. physico-chim. select. p. 254 . 4°. Quand on verse le verre d'antimoine sur une plaque métal ique, il s'éleve des fleurs blanches qu'il ne faut pas prendre pour de la céruse d'antimoine, c'est un verre très-divisé. Il faut en dire autant dans la préparation de la neige d'antimoine, des fleurs qui se trouvent entre les deux couvercles du pot. Le régule d'antimoine donne à-peu-près le même produit, toutes les fois qu'on le fond à l'air libre. Les fleurs qui s'élevent dans la préparation du soie de Rullandus, sont encore de même nature, quoique quelques auteurs ayent regardé tous ces produits comme une chaux absolue d'antimoine. On fait encore une céruse d'antimoine, en dissolvant son régule dans l'eau-forte & l'eau régale, & en versant de l'acide nitreux sur le beurre d'antimoine. Voyez Bézoard minéral . Dans ces trois mélanges, il s'excite une forte esservescence; il n'est pas plus étonnant que l'eau regale agisse sur le régule, que sur l'antimoine crud: l'acide nitreux en constitue environ les trois quarts. C'est cet acide qui produit tous ces phénomenes; du moins l'acide marin ne pareit-il y avoir aucune part; & quand bien même il dissolveroit une partie de régule, il seroit toûjours chasse par l'acide nitreux, comme il arrive dans le bézoard mincral. Par ces trois procédés, on fait une chaux d'antimoine insipide; mai, il n'en est pas de même du beurre d'antimoine, ou de la poudre d'Algaroth, ni de la dissolution du régule d'antimoine par l'acide vitriolique: ces deux sels sont âcres & caustiques. Voyez tous ces articles, & Nitre . Le bézoard minéral en particulier, est une céruse très-divisée: & comme ce n'est qu'en conséquence de sa grande division que la chaux absolue d'antimoine peut produire quelque effet, le bézoard comme plus atténué que les autres chaux absolues, en produit par-là de beaucoup plus considerables, étant donné même en moindre quantité. Il est évident par tout ce qui précede, que la chaux absolue d'antimoine, par quelle des méthodes décrites qu'elle soit faite, est toûjours la même quant au fond. Quand elle est bien faite, c'est une pure terre insipide, insoluble dans quelque liqueur que ce soit, non-absorbante, & absolument dépouillée de toute éméticité & de toute autre action. Ainsi l'on peut reconnoître celle qui a été falsifiée avec de la craie, ou toute autre terre absorbante, par l'effervescence qu'elle fait pour lors avec les acides. Il suit donc que l'esprit-de-vin ou toute autre liqueur, soit acide, soit spiritueuse ou huileuse, n'occasionneront aucun changement dans les parties de la chaux antimoniale; puisque les acides minéraux les plus corrosifs ne peuvent l'altérer en aucune façon, ou bien ont déjà exercé toute leur action sur elle. Ainsi c'est se repaître de chimeres, que de croire augmenter ou changer sa vertu par les édulcorations & digestions merveilleuses, que les differens auteurs ont prescrites. Les changemens de couleurs qui arrivent pour lors, sont dus a l'alkali fixe ou nitre décomposé ( Voyez Teinture de Tartre ); & la preuve, c'est que ces phénomenes cessent des qu'on a dépouillé la chaux antimoniale de ce sel. En brûlant l'esprit-de-vin, &c. desséchant, calcinant & filtrant, on détruit tout ce que l'alkali en a pû retenir. Si, à ce que nous avons détaillé jusqu'ici sur les propriétés de l'antimoine diaphorétique & de la céruse d'antimoine, on joint la connoissance des phénomenes de la teinture du tartre, de la déflagration de l'esprit-de-vin & des huiles essentielles, on aura une critique raisonnée du fondant de Rotrou . On fait un antimoine diaphorétique martial, connu sous le nom de safran de Mars, antimoine de Stahl. Voyez cet article . Nous avons dit que la terre de l'antimoine par sa simple qualité de substance métallique, absolument privée de son principe inflammable, n'étoit point emétique. Cette opinion est assez généralement reçûe, & même il y a des auteurs qui soûtiennent qu'elle n'a aucune vertu. Boerhaave est de ce nombre: mais il se combat lui-même en la regardant comme nuisible, & en avançant dans un autre endroit qu'elle aiguise la vertu des purgatifs. Il cite pour exemple la poudre cornachine, dans laquelle elle entre pour un tiers. On conçoit à la vérité qu'une matiere qui n'est ni émétique ni diaphorétique, parce qu'elle est une terre inerte, peut être inutile, mais non nuisible, ni capable d'augmenter la vertu des médicamens. Cependant Boerhaave s'explique là-dessus bien clairement: après avoir dit que l'antimoine diaphoretique non-lavé est un leger irritant, il ajoûte que la chaux pure produit plus de mal; qu'en la lavant, on lui enleve tout ce qu'elle avoit de ben, & qu'il n'en conseille l'usage qu'en la laissant avec ses sels, ou bien en l'employant dans la poudre cornachine; que l'expérience confirme avoir plus d'activité en conséquence de l'antimoine diaphorétique, qui n'agit sensiblement que dans ce cas. Ainsi donc Boerhaave doit reconnoître forcément que l'antimoine diaphorétique n'a d'inertie que pour le bien, & point du tout pour le mal. Nous n'entreprenons cependant pas de soûtenir son sentiment; il avoit l'observation pour lui à la vérité, mais elle ne peut avoir été faite qu'en conséquence d'une préparation susceptible de quelques changemens. Mender, qui est du sentiment contraire, a bien senti la contradiction évidente qui étoit échappée à Boerhaave; mais il le combat avec des raisonnemens si peu concluans, qu'on seroit tenté de croire qu'il a tort, pendant que l'expérience a décidé en sa faveur. Avec un pareil garant, nous ne citerons aucune autoriré, quoiqu'il y en ait pour lui de très respectables & en fort grand nombre, comme Frédéric Hoffman, &c. mais il y en a aussi contre lui. Il avance donc 1°. qu'il ne faut pas croire qu'une terre insipide n'ait plus de vertu; puisqu'on voit le contraire de la part du verre d'antimoine & du mercure de vie. 2°. Que d'ailleurs il y a dans l'antimoine diaphorétique, la partie principale du régule: mais on peut répondre à cela que Boerhaave n'attribue aucune vertu à l'antimoine diaphorétique, non-seulement parce qu'il n'a aucune saveur, mais encore parce qu'il est dépouillé de tout principe actif; ce qui n'est pas également vrai du verre d antimoine & du mercure de vie, quoique insipides. En second lieu, l'antimoine diaphorétique n'est pas plus actif pour contenir la partie principale du regule, puisque cette même partie est absolument dépouillée du principe du feu qui lui donnoit toute son activité. Voyez à ce sujet les excellentes notes de M. Baron sur Lémery, où les raisons de Mender sont exposées avec netteté, & combattues avec force. Mais si Boerhaave s'est contredit en soûtenant qu'une terre inactive étoit nuisible, & avoit la faculté d'aiguiser la vertu des purgatifs, on peut le concilier avec lui-même, quand il dit que cette terre qui est nuisible, aiguise; parce qu'il la considere d'abord seule, & ensuite mêlée avec d'autres substances. Ce point a échappé à Mender. Nous n'irons pas plus loin sans prévenir les objections qu'on pourroit nous faire contre notre opinion, afin d'empêcher qu'on ne tourne contre nous les armes que nous venons de manier contre les autres. On pourroit s'autoriser de l'aveu que nous avons fait, que l'expérience parle pour Mender, pendant que nous convenons que l'antimoine diaphorétique est une terre inerte; mais on conclura facilement que ces deux propositions n'ont rien qui répugne, si l'on se rappelle que nous avons particulierement insisté sur le lavage à grande eau, comme favorisant la division, & que nous avons avancé que c'étoit cette division qui faisoit tout le mérite de la chaux de l'antimoine. En effet il est aisé de sentir que cette chaux flotera par ce moyen dans les humeurs de nos premieres voies, enfilera l'orifice des veines lactées à la faveur de ce véhicule, & passera dans le sang, où elle produira tous les effets d'un corps dur & inaltérable: ceux de rompre, diviser & atténuer les molécules sanguines & lymphatiques qui pourront s'être réunies pour quelle cause que ce soit, & de procurer aux molécules morbifiques qu'elles en auront détachées, la facilite de parcourir les couloirs qui ne pouvoient les admettre avant ce tems; ensorte qu'elles pourront être évacuées par les voies ouvertes, comme les vaisseaux perspiratoires, &c. Mais il n'y a peut-être point de question qui ait été plus agitée, & sur laquelle les sentimens soient plus partagés, que sur l'éméticité du régule d'antimoine, combiné avec les acides végétaux & minéraux. Tout le monde convient que l'antimoine privé de soufre, n'est émétique qu'à proportion de ce que sa partie réguline contient de phlogistique; puisque l'antimoine diaphorétique qui l'a tout perdu quand il est bien fait, n'est plus émétique. Nous croyons qu'on ne nous taxera pas de supposer ce qui est en question, au sujet de l'antimoine diaphorétique: mais il y a des auteurs qui veulent que l'éméticité de la partie réguline, ou de la chaux non-absolue de l'antimoine, soit augmentée par les acides végétaux, & diminuée ou détruite par les acides minéraux. D'autres prétendent le contraire exactement. Les premiers avancent pour soûtenir leur sentiment, que la poudre cornachine vieille est émétique; parce que la creme de tartre a eu le tems de se combiner avec l'antimoine diaphorétique, qui n'étoit pas émétique avant; que le sirop de limon, mêlé avec le même antimoine diaphoretique, lui donne de l'éméticité. Ils disent, au contraire, qu'on arrête les effets violens de l'émétique par les acides minéraux. Leurs antagonistes disent pour raison, que les acides végétaux donnés intérieurement, arrêtent tout aussi bien que les minéraux, les effets de l'émétique; & que ces mêmes acides minéraux produisent un émétique beaucoup plus violent que l'ordinaire, qui est fait avec la creme de tartre, comme cela est évident par le mercure de vie. Je crois qu'on peut concilier l'un & l'autre parti sans coup férir. Il est d'expérience que le régule & le verre d'antimoine donnés en substance, à plus grande dose que le tartre stibié, sont moins émétiques que lui, quoiqu'il n'ait peut-être pas la moitié de son poids de parties-régulines: mais celui-ci n'est plus émétique que parce qu'il est dissous, selon l'union. Il faut donc que le régule & le verre pris intérieurement, subissent une dissolution préalablement à toute action, comme il paroit par les pilules perpétuelles. Peu importe par quel acide que ce soit, minéral, animal ou végétal; mais il ne faut pas que l'acide végétal soit sur-abondant, car il émane pour lors la vertu émétique. On entend ici par sur-abondant , non-seulement une plus grande quantité d'acide combinée avec la partie réguline, mais encore la présence de cet acide à nud dans l'estomac, qui calme vraissemblablement les convulsions de ce viscere. Il ne faut pas non plus que l'acide minéral enleve tout le phlogistique du régule; il en fait une terre diaphorétique, comme l'acide nitreux: mais on ne peut pas prendre intérieurement l'acide nitreux, assez concentré pour réduire le régule d'antimoine en chaux. Ce n'est donc pas par cette qualité qu'il agit, non plus que les deux autres, mais en fournissant un acide sur abondant à l'émétique déjà dissous par un acide, de même que cela se passe de la part des acides végétaux, qu'on donne pour le même sujet. Ainsi donc les acides, quels qu'ils soient, développeront l'éméticité de la partie réguline, en la dissolvant & s'y combinant à un juste point de saturation: plus loin, ils l'affoibliront, & calmeront le spasme de l'estomac; & l'acide nitreux ne fait pas même d'exception ici, parce qu'il faut qu'il soit assez affoibli pour tenir en dissolution cette partie réguline, & être donné intérieurement. Voy. aux articles Fer & Nitre , la dissolution de ce métal par l'acide de ce sel. Quant à l'antimoine diaphorétique, qui devient émétique parce qu'il se trouve uni à la creme de tartre, ou au sirop de limon, c'est qu'il est mal fait, & contient encore quelques parties régulines, qui ont été dissoutes par ces acides; s'il n'étoit pas émétique avant, c'est parce que les parties régulines n'étoient pas dissoutes, & qu'elles ne pouvoient agir sans cela. Or que l'antimoine diaphorétique, même le mieux fait, recele encore quelques particules régulines, qui auront échappé à l'embrasement; c'est ce qui paroîtra prouvé par la considération suivante. Il reste ordinairement parmi la chaux de l'antimoine diaphorétique, des grains de régule, qui ne sont nullement calcinés, & qui ressemblent à du plomb granulé; il peut donc bien y avoir, à plus forte raison, des particules de régule qui se trouvent dans le cas de toutes les nuances de calcination, qui s'étendent depuis le régule jusqu'à la chaux absolue d'antimoine inclusivement. S'il ne se trouvoit point de régule d'antimoine en nature, après la calcination de l'antimoine diaphorétique, notre opinion porteroit à faux, ou du moins ne pourroit pas se prouver, mais elle est pleinement confirmée par son existence; car si l'opération est insuffisante pour commencer à calciner une portion de régule entier, il suit qu'elle le sera encore plus pour achever de calciner celles auxquelles elle a déjà fait perdre une portion de phlogistique, puisqu'il est plus difficile de détruire ces dernieres portions qui sont les plus tenaces & les plus profondément cachées, que de dissiper les premieres qui sont plus superficielles. Cette derniere considération sert de complément à la preuve de la nécessité du lavage en grande eau, & avertit qu'il ne faut prendre qu'environ la moitié de l'antimoine diaphorétique qu'on a fait; c'est celle-là seule qui flote par le lavage, comme la litharge broyée à l'eau. Quant au reste qui est composé de parties régulines & de chaux dans différens degrés de calcination, il les faut soûmettre de nouveau à la détonation. Il résulte donc de tout ce que nous avons dit, que pour avoir l'antimoine diaphorétique bien blanc, bien divisé, & dans l'état d'une pure terre, il faut ne lui faire subir qu'une calcination instantanée, mais le laver en grande eau, pour séparer ce qui est diaphorétique d'avec les parties régulines que cette legere calcination n'a pû détruire. Antimoine diaphorétique , ( Pharmacie. ) Comme la distinction entre céruse d'antimoine & antimoine diaphorétique , ne consiste guere qu'en une différence de noms, & que les artistes habiles font indifféremment l'un ou l'autre, on les confond & on ne les connoît que sous celui d' antimoine diaphorétique . On a coûtume de garder cette préparation dans les boutiques sous la forme de trochisques. Cette chimérique élégance coûte deux peines, celles de les faire & de les réduire en poudre au besoin; elle doit être proscrite pour les raisons alléguées. L' antimoine diaphorétique entre dans la poudre cornachine & la poudre absorbante. L' antimoine diaphorétique ne devient point émétique en vieillissant, comme quelques auteurs l'ont avancé. Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDANT Author=d'Holbach Normalized Classification=Métallurgie Part of Speech=NA FONDANT FONDANT, en Métallurgie , on donne en général le nom de fondans dans les travaux de la Docimasie & de la Métallurgie, à des substances que l'on joint à d'autres corps pour les faire entrer en fusion, afin que par ce moyen la partie métallique puisse s'en dégager. Tous les sels alkalis, les sels neutres, tels que le nitre, le tartre, le borax, le sel ammoniac, le flux blanc & le flux noir, doivent être regardés comme de très-bons fondans, voyez Flux ; mais on ne peut en faire usage que dans les essais ou dans les opérations de la Docimasie, qui se font en petit, & dans lesquelles on opere sur une matiere d'un petit volume; il seroit trop coûteux de se servir de ces sels lorsqu'il s'agit des travaux en grand de la Metallurgie, dans lesquels on veut traiter de grandes masses de substances minérales, pour en degager la partie métallique qui est quelquefois très-petite, eu égard aux substances terreuses, pierreuses, &c. qui l'accompagnent. Il faut donc pour lors avoir recours à d'autres substances que l'on puisse se procurer à peu de frais, & qui soient propres à produire les effets que l'on se propose. On prend pour cela tantôt des pyrites, tantôt des cailloux; du quartz, du spath, ce qu'on appelle fluors , des terres argilleuses, tantôt des pierres ou terres calcaires, &c. & sur-tout des scories qu'on a obtenu par les opérations précédentes; & l'on joint suivant l'exigence des cas une ou plusieurs de ces matieres avec la mine que l'on veut traiter dans le fourneau de fusion, & elles facilitent la séparation du métal. La castine employée dans la fonte du fer ou sans fourneau de grosses forges, est un vrai fondant. Voy . Castine , Forge , Fer . Le plomb employé dans l'opération de la coupelle, hâte la fusion des substances métalliques auxquelles il est appliqué à la façon des fondans. Voyez Essai . Les Chimistes employent des sels, & sur-tout l'alkali fixe ordinaire, pour procurer de la fusibilité à des corps rebelles; au tartre vitriolé, par exemple, dans la préparation du soufre, à divers résidus terreux dans lesquels on veut rechercher l'acide vitriolique par l'épreuve de la production du soufre, voyez Soufre . Les sels fusibles, tels que l'alkali fixe, le borax, & même le sel marin, favorisent bien la fusion des substances pierreuses & terreuses, avec lesquelles on les traite & les dispose à la vitrification, voyez Vitrification . Il y a cependant à cet égard des raretés dont l'observation est dûe à M. Pott. Voyez Terre , Pierre , Lithogeognosie , &c. Mais quant aux substances métalliques, rien n'est plus heureux que quand une mine porte son fondant avec elle, c'est-à-dire quand elle se trouve jointe dans le filon avec des substances propres à faciliter sa fusion. Il est impossible de donner des regles générales sur les fondans qu'il faut employer dans les travaux de la Métallurgie; on sent aisément que cela doit nécessairement varier en raison de la nature des substances qui servent de miniere, d'enveloppe, ou de matrice à la partie métallique; & l'on voit clairement qu'une substance qui sera un très-bon fondant pour le traitement d'une mine, deviendra nuisible pour le traitement d'une autre. Il est donc très-important de connoître d'abord la nature de ces substances, en suite de quoi il faut que l'expérience ait appris les effets que produisent dans le feu avec ces mêmes substances, d'autres matieres que l'on peut y joindre. En effet les fondans n'agissent point de la même maniere, & il est très-essentiel de ne point prendre le change sur la façon dont ils operent. Il y a des corps qui facilitent la fusion, soit parce que par eux-mêmes ils sont propres à y entrer par l'action du feu, soit parce qu'étant unis avec d'autres corps infusibles, ils les rendent fusibles; cela se fait ou parce que ces corps absordent les acides & les soufres qui s'opposent à la fusibilité; ou ils agissent comme phlogistique, en fournissant lorsqu'il en est besoin le principe inflammable au métal qui l'avoit perdu, & qui étoit dans un état de chaux; ou ils se combinent avec les substances nuisibles dont il faut dégager le métal, qui par-là est mis en liberté. Il y a des substances qui prises séparément, ne peuvent point entrer en fusion: mais qui mêlées avec d'autres substances aussi peu propres qu'elles à se fondre, deviennent par ce mélange propres à devenir des fondans . C'est ainsi que la craie seule ne se fond point: mais si l'on y joint de l'argille, le mélange se fond & fait du verre. En général la même chose arrive par le mélange des terres argilleuses & gypseuses, argilleuses & calcaires, de l'argille & des cailloux, du gypse & des cailloux, &c. Un phénomene non moins digne de remarque, c'est qu'il y a des substances qui n'ayant point la propriété d'être fusibles, ni par elles-mêmes ni mélées avec d'autres substances, deviennent cependant fusibles par l'addition d'une troisieme substance aussi peu fusible qu'elles, qu'on leur ajoûtera. C'est ainsi que les pierres calcaires & les pierres gypseuses mêlées ensemble sont infusibles; mais elles entreront en fusion si on leur joint de l'argille, qui cependant par elle-même n'est pas plus propre qu'elles à entrer en fusion. On voit par-là que la connoissance des fondans est une des choses les plus importantes dans les travaux de la Métallurgie, & qui demande le plus de soin & d'attention; d'ailleurs elle suppose une connoissance étendue de la Chimie, attendu que pour opérer avec succès, il faut savoir les différens effets qui résultent de la combinaison des corps quand on les expose à l'action du feu. C'est à l'étude & à l'expérience à instruire sur ces choses. On pourra sur-tout tirer beaucoup de lumiere de l'ouvrage de M. Pott, de l'académie de Berlin, qui a pour titre litogeognosie ou examen chimique des terres & des pierres; de la Métallurgie de Stahl, & de l' introduction à la Minéralogie de M. Henkel. Voyez Fusion , Métallurgie & Flux . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondant Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Métallurgie Part of Speech=NA Fondant Fondant , ( Métall. ) c'est la partie d'un fourneau à manche où le feu est le plus violent. On conçoit que ce doit être celle où le vent des soufflets agit avec le plus d'impétuosité; mais elle ne se trouve pas immédiatement dans l'endroit du fourneau le plus voisin de la tuyere. Ce n'est qu'un peu plus avant & dans une certaine étendue de la masse du charbon & de la mine: car le souffle refroidit la matiere qu'il frappe la premiere; ce qui oblige de faire le nez. Voyez ce mot. Schluter. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondant Author=Venel Normalized Classification=Thérapeutique Part of Speech=adject Fondant Fondant , adj. ( Thérapeutique. ) terme fort usité dans le langage de la théorie moderne, pour exprimer une propriété de certains remedes assez mai determinée, comme toutes les vertus altérantes. Celle-ci ressemble assez à la qualité atténuante, incisive, apéritive. Voyez Incisif , Apéritif , Atténuant Les remedes désignés spécialement par le nom de fondant , sont tous des presens de la Chimie; ce font 1°. l'un & l'autre alkali fixe; 2°. plusieurs sels neutres, tels que le sel végétal; le sel de Seignette, le sel fixe ammoniac, les sels d'Epsom & de Seidlitz, le sel de Glauber, mais principalement le tartre vitriolé & ses diverses especes: savoir le sel polichreste de Glaser, le sel de duobus , & le nitre antimonié, 3°. Les teintures antimoniales tirées avec les esprits ardens ou avec les acides végétaux. Voyez Antimoine . Le fameux fondant de Rotrou est de l'antimoine diaphorétique non lavé, & qui a été préparé avec l'antimoine crud ou entier. 4°. Plusieurs préparations mercurielles: savoir le mercure sublimé doux, la panacée, le précipité blanc, le précipité jaune, l'aethiops minéral, & même le mercure coulant. 5°. Enfin le savon ordinaire. On peut grossir cette liste de fondans en ajoûtant aux remedes chimiques que nous venons de nommer, l'aloës & les gommes résines qui sont des produits naturels. Tous ces remedes donnés en dose convenable, sont des purgatifs; mais quand les Medecins les employ ent à titre de fondans , c'est toûjours en une dose trop foible pour qu'ils puissent produire une purgation pleine & entiere. Cependant on estime leur action, même dans ce cas, par des legeres évacuations qu'ils ne manquent pas de procurer ordinairement. Un gros de sel de Glauber ou un demi-gros de tartre vitriolé pris le matin dans un bouillon, procure communément une ou deux selles dans la matinée. La dose moyenne de mercure doux ou de panacée, une pilule aloétique fondante , vingt gouttes de teinture des scories succinées de Sthal, &c. produisent le même effet dans le plus grand nombre de sujets. On pourroit peut-être déduire de ces évacuations l'action médicinale des fondans; cette théorie paroitroit très-raisonnable à ceux qui pensent que toute action médicamenteuse véritablement curative, se borne à exciter des évacuations, & qui ne croyent point à la plûpart des altératious prétendues procurées au corps même des humeurs par des remedes. Mais ce sentiment, tout plausible qu'il pourra paroître à quelques medecins, n'est pas celui du grand nombre. Selon la théorie régnante, les fondans agissent sur la substance même des humeurs, les divisent, les brisent, les mettent dans une sonte réelle. On ordonne les fondans contre le prétendu épaississement des humeurs, leur disposition aux concrétions, aux hérences; que cette disposition le trouve ou non dans les sujets attaqués des maladies suivantes, les fondans sont toûjours leur véritable remede. Leur bon effet est constaté par l'observation toûjours supérieure aux lumieres théoriques, & peut-être suffisante sans elles. Les maladies dont nous voulons parler, sont le obstructions proprement dites des glandes & des vis ceres, les tumeurs écroüelleuses & vénériennes, les concrétions & les dépôts laiteux; certaines hydropisies & bouffissures des parties extérieures; certaines suppressions de regles, &c. Voyez les articles particuliers de ces maladies . Les fondans sont contre indiqués dans tous les cas où les humeurs sont censées en dissolution ou en fonte; tous ces cas sont compris dans l'extension qu'on donne aujourd'hui à la classe des affections scorbutiques. Voyez Scorbut . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondant Author=unknown Normalized Classification=Peinture en émail Part of Speech=NA Fondant Fondant , ( Peinture en émail. ) matiere servant pour les émaux. Voyez Peinture en Email ; voyez aussi les articles Porcelaine & Fayence . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDATEUR Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FONDATEUR FONDATEUR, s. m. ( Jurispr. ) est celui qui fait construire ou qui a doté quelque église, collége, hôpital, ou fait quelqu'autre établissement; comme des prieres & services qui doivent s'acquitter dans une eglise. Voyez ci-après Fondation . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDATION Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. FONDATION FONDATION, s. f. ( Arch. ) ce mot dans son sens primitif, s'applique à la construction de cette partie des édifices qui leur sert de base ou de fondement, & qui est plus ou moins enfoncée au-dessous du sol, suivant la hauteur de l'édifice, ou la solidité du terrein. Quoique le mot de fondation , suivant l'analogie grammaticale, ne doive signifier que l'action de poser les fondemens d'un édifice, il a cependant passé en usage parmi les Architectes & les Maçons, de donner le nom de fondations aux fondemens eux-mêmes: ainsi l'on dit, ce bâtiment a douze piés de fondation . Malgré cet usage, je crois qu'on doit préférer en écrivant le mot de fondement , plus conforme à l'analogie. Voyez Fondement ( Architect. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation Author=Turgot5 Normalized Classification=Politique | Droit naturel Part of Speech=NA Fondation Fondation , ( Politique & Droit naturel. ) Les mots fonder, fondement, fondation , s'appliquent à tout établissement durable & permanent, par une métaphore bien naturelle, puisque le nom même d' établissement est appuyé precisément sur la même métaphore. Dans ce sens on dit, la fondation d'un empire, d'une république . Mais nous ne parlerons point dans cet article de ces grands objets: ce que nous pourrions en dire, tient aux principes primitifs du Droit politique, à la premiere institution des gouvernemens parmi les hommes. Voyez Gouvernement , Conquète, & Législation . On dit aussi fonder une secte. V. Secte . Enfin on dit fonder une académie, un collége, un hôpital, un couvent, des messes, des prix à distribuer, des jeux publics , &c. Fonder dans ce sens, c'est assigner un fond ou une somme d'argent, pour être employée à perpétuité à remplir l'objet que le fondateur s'est proposé, soit que cet objet regarde le culte divin ou l'utilité publique, soit qu'il se borne à satisfaire la vanité du fondateur, motif souvent l'unique véritable, lors même que les deux autres lui servent de voile. Les formalités nécessaires pour transporter à des personnes chargées de remplir les intentions du fondateur la propriété ou l'usage des fonds que celui ci y a destinés; les précautions à prendre pour assûrer l'exécution perpetuelle de l'engagement contracté par ces personnes; les dédommagemens dûs à ceux que ce transport de propriété peut intéresser, comme, par exemple, au suzerain privé pour jamais des droits qu'il percevoit sur le fond donne à chaque mutation de propriétaire; les bornes que la politique a sagement voulu mettre à l'excessive multiplication de ces libéralités indiscretes; enfin differentes circonstances essentielles ou accessoires aux fondations , ont donné lieu à différentes lois, dont le détail n'appartient point à cet article, & sur lesquelies nous renvoyons aux articles Fondation , ( Jurispr. ) Main-morte , Amortissement , &c. Noire but n'est dans celui-ci que d'examiner l'utilité des fondations en général par rapport au bien public, ou plûtôt d'en montrer les inconvéniens: puissent les considérations suivantes concourir avec l'esprit philosophique du siecle, à dégoûter des fondations nouvelles, & à détruire un reste de respect superstitieux pour les anciennes! 1°. Un fondateur est un homme qui veut éterniser l'effet de ses volontés: or quand on lui supposeroit toûjours les intentions les plus pures, combien n'a-t-on pas de raisons de se defier de ses lumieres? combien n'est-il pas aisé de faire le mal en voulant fire le bien? Prévoir avec certitude si un établissement produira l'effet qu'on s'en est promis, & n'en aura pas un tout contraire; démêler à-travers l'illusion d'un bien prochain & apparent, les maux réels qu'un long enchainement de causes ignorées amenera à sa suite; connoître les véritables plaies de la société, remonter à leurs causes; distinguer les remedes des palliatifs; se défendre enfin des prestiges de la séduction; porter un regard sévere & tranquille sur un projet au milieu de cette atmosphere de gloire, dont les éloges d'un public aveugle & notre propre enthousiasme nous le montrent environné: ce seroit l'effort du plus profond génie, & peut-être la politique n'est-elle pas encore assez avancée de nos jours pour y réussir. Souvent on présentera à quelques particuliers des secours contre un mal dont la cause est générale; & quelquefois le remede même qu'on voudra opposer à l'effet, augmentera l'influence de la cause. Nous avons un exemple frappant de cette espece de mal-adresse, dans quelques maisons destinées à servir d'asyle aux femmes repenties. Il faut faire preuve de debauche pour y entrer. Je sais bien que cette précaution a dû être imaginée pour empêcher que la fondation ne soit détournée à d'autres objets: mais cela seul ne prouve-t-il pas que ce n'étoit pas par de pareils etablissemens étrangers aux véritables causes du libertinage, qu'il falloit le combattre? Ce que je dis du libertinage, est vrai de la pauvreté. Le pauvre a des droits incontestables sur l'abondance du riche; l'humanité, la religion nous sont également un devoir de soulager nos semblables dans le malheur: c'est pour accomplir ces devoirs indispensables, que tant d'etablissemens de charite ont été élevés dans le monde chrétien pour soulager des besoins de toute espece; que des pauvres sans nombre sont rassemblés dans des hôpitaux, nourris à la porte des couvens par des distributions journalieres. Qu'est-il arrivé? c'est que précisément dans les pays où ces ressources gratuites sont les plus abondantes, comme en Espagne & dans quelques parties de l'Italie, la misere est plus commune & plas générale qu'ailleurs. La raison en est bien simple, & mille voyageurs l'ont remarquée. Faire vivre gratuitement un grand nombre d'hommes, c'est soudoyer l'oisiveté & tous les desordres qui en sont la suite; c'est rendre la condition du faineant préférable à celle de l'homme qui travaille; c'est par conséquent diminuer pour l'état la somme du travail & des productions de la terre, dont une partie devient necessairement inculte: de-là les disettes fréquentes, l'augmentation de la misere, & la dépopulation qui en est la suite; la race des citoyens industrieux est remplacée par une populace vile, composée de mendians vagabonds & livrés à toutes sortes de crimes. Pour sentir l'abus de ces aumônes mal dirigées, qu'on suppose un état si bien administre, qu'il ne s'y trouve aucun pauvre (chose possible sans doute, pour tout état qui a des colonies à peupler, voy. Mendicité .); l'établissement d'un secours gratuit pour un certain nombre d'hommes y créeroit tout-aussi-tôt des pauvres, c'est-à-dire donneroit à autant d'hommes un intérêt de le devenir, en abandonnant leurs occupations: d'où résulteroient un vuide dans le travail & la richesse de l'état, une augmentation du poids des charges publiques sur la tête de l'homme industrieux, & tous les desordres que nous remarquons dans la constitution presente des sociétés. C'est ainsi que les vertus les plus pures peuvent tromper ceux qui se livrent sans précaution à tout ce qu'elles leur inspirent: mais si des desseins pieux & respectables démentent toutes les espérances qu'on en avoit conçûes, que faudra-t-il penser de toutes ces fondations qui n'ont eu de motif & d'objet véritable que la satisfaction d'une vanité frivole, & qui sont sans doute les plus nombreux? Je ne craindrai point de dire que si on comparoit les avantages & les inconvéniens de toutes les fondations qui existent aujourd'hui en Europe, il n'y en auroit peut-être pas une qui soûtînt l'examen d'une politique éclairée. 2°. Mais de quelque utilité que puisse être une fondation , elle porte dans elle-même un vice irremédiable, & qu'elle tient de sa nature, l'impossibilité d'en maintenir l'exécution. Les fondateurs s'abusent bien grossierement, s'ils imaginent que leur zele se communiquera de siecle en siècle aux personnes chargées d'en perpétuer les effets. Quand elles en auroient été animées quelque tems, il n'est point de corps qui n'ait à la longue perdu l'esprit de sa premiere origine. Il n'est point de sentiment qui ne s'amortisse par l'habitude même & la familiarité avec les objets qui l'excitent. Quels mouvemens confus d'horreur, de tristesse, d'attendrissement sur l'humanité, de pitié pour les malheureux qui souffrent, n'éprouve pas tout homme qui entre pour la premiere fois dans une salle d'hôpital! Eh bien qu'il ouvre les yeux & qu'il voye: dans ce lieu même, au milieu de toutes les miseres humaines rassemblées, les ministres destines à les secourir se promenent d'un air inattentif & distrait; ils vont machinalement & sans intérêt distribuer de malade en malade des alimens & des remedes prescrits quelquefois avec une négligence meurtriere; lem ame se prête à des conversations indifférentes, & peut-être aux idees les plus gaies & les plus folles; la vanité, l'envie, la haine, toutes les passions, regnent-là comme ailleurs, s'occupent de leur objet, le poursuivent; & les gémissemens, les cris aigus de la douleur ne les detournent pas davantage, que le murmure d'un ruisseau n'interromproit une conversation animée. On a peine à le concevoir; mais on a vû le même lit être à-la-fois le lit de la moit & le lit de la debauche. Voyez Hopital . Tels sont les effets de l'habitude par rapport aux objets les plus capables d'émouvoir le coeur humain. Voilà pourquoi aucun enthousiasme ne se soùtient; & comment sans enthousiasme, les ministres de la fondation la rempliront-ils toùjours avec la même exactitude? Quel interêt balancera en eux la paresse, ce poids attaché à la nature humaine, qui tend sans cesse à nous retenir dans l'inaction! Les précautions même que le fondateur a prises pour leur assurer un revenu constant, les dispensent de le mériter. Fondera t il des surveillans, des inspecteurs. pour faire executer les conditions de la fondation? Il en sera de ces inspecteurs comme de tous ceux qu'on établit pour maintenir quelque regle que ce soit. Si l'obstacle qui s'oppose à l'exécution de la regle vient de la paresse, la même paresse les empêchera d'y veiller; si c'est un intérêt pécuniaire, ils pourront aisément en partager le profit. Voyez Inspecteurs . Les surveillans eux-mêmes auroient donc besoin d'être surveillés, & où s'arrêteroit cette progression ridicule? Il est vrai qu'on a obligé les chanoines à être assidus aux offices, en réduisant presque tout leur revenu à des distributions manuelles; mais ce moyen ne peut obliger qu'à une assistance purement corporelle: & de quelle utilité peut il être pour tous les autres objets bien plus importans des fondations? Aussi presque toutes les fondations anciennes ont-elles dégénéré de leur institution primitive: alors le même esprit qui avoit fait naître les premieres. en a fait etablir de nouvelles sur le même plan, ou sur un plan différent; lesquelles, après avoir degénéré à leur tour, sont aussi remplacées de la même maniere. Les mesures sont ordinaitement si bien prises par les fondateurs, pour mettre leurs établissemens à l'abri des innovations extérieures, qu'on trouve ordinairement plus aisé, & sans doute aussi plus honorable, de fonder de nouveaux établissemens, que de réformer les anciens; mais par ces doubles & triples emplois, le nombre des bouches inutiles dans la société, & la somme des fonds tirés de la circulation générale, s'augmentent continuellement. Certaines fondations cessent encore d'être exécutées par une raison différente, & par le seul laps du tems: ce sont les fondations faites en argent & en rentes. On sait que toute espece de rente a perdu à la longue presque toute sa valeur, par deux principes. Le premier est l'augmentation graduelle & successive de la valeur numéraire du marc d'argent, qui fait que celui qui recevoit dans l'origine une livre valant douze onces d'argent, ne reçoit plus aujourd'hui, en vertu du même titre, qu'une de nos livres, qui ne vaut pas la soixante-treizieme partie de ces douze onces. Le second principe est l'accroissement de la masse d'argent, qui fait qu'on ne peut aujourd'hui se procurer qu'avec trois onces d'argent, ce qu'on avoit pour une once seule avant que l'Amérique fût découverte. Il n'y auroit pas grand inconvénient à cela, si ces fondations étoient entierement anéanties; mais le corps de la fondation n'en subsiste pas moins, seulement les conditions n'en sont plus remplies: par exemple, si les revenus d'un hôpital souffrent cette diminution, on supprimera les lits des malades, & l'on se contentera de pourvoir à l'entretien des chapelains. 3°. Je veux supposer qu'une fondation ait eu dans son origine une utilité incontestable; qu'on ait pris des précautions suffisantes pour empêcher que la paresse & la négligence ne la fassent dégénérer; que la nature des fonds les mette à l'abri des révolutions du tems sur les richesses publiques; l'immutabilité que les fondateurs ont cherché à lui donner est encore un inconvenient considérable, parce que le tems amene de nouvelles révolutions, qui font disparoître l'utilité dont elle pouvoit être dans son origine, & qui peuvent même la rendre nuisible. La société n'a pas toûjours les mêmes besoins; la nature & la distribution des propriétés, la division entre les différens ordres du peuple, les opinions, les moeurs, les occupations générales de la nation ou de ses différentes portions, le climat même, les maladies, & les autres accidens de la vie humaine, éprouvent une variation continuelle: de nouveaux besoins naissent; d'autres cessent de se faire sentir; la proportion de ceux qui demeurent change de jour en jour dans la société, & avec eux disparoît ou diminue l'utilité des fondations destinées à y subvenir. Les guerres de Palestine ont donné lieu à des fondations sans nombre, dont l'utilité a cessé avec ces guerres. Sans parler des ordres de religieux militaires, l'Europe est encore couverte de maladreries, quoique depuis long-tems l'on n'y connoisse plus la lepre. La plûpart de ces établissemens survivent long-tems à leur utilité: premierement, parce qu'il y a toûjours des hommes qui en profitent, & qui sont intéressés à les maintenir: secondement, parce que lors même qu'on est bien convaincu de leur inutilité, on est très-long-tems à prendre le parti de les détruire, à se décider soit sur les mesures & les formalités nécessaires pour abattre ces grands édifices affermis depuis tant de siecles, & qui souvent tiennent à d'autres bâtimens qu'on craint d'ébranler, soit sur l'usage ou le partage qu'on fera de leurs débris: troisiemement parce qu'on est très-longtems à se convaincre de leur inutilité, ensorte qu'ils ont quelquefois le tems de devenir nuisibles avant qu'on ait soupçonné qu'ils sont inutiles. Il y a tout à présumer qu'une fondation , quelque utile qu'elle paroisse, deviendra un jour au-moins inutile, peut-être nuisible, & le sera long-tems: n'en est-ce pas assez pour arrêter tout fondateur qui se propose un autre but que celui de satisfaire sa vanité? 4°. Je n'ai rion dit encore du luxe, des édifices, & du faste qui environne les grandes fondations: ce seroit quelquefois évaluer bien favorablement leur utilité, que de l'estimer la centieme partie de la dépense. 5°. Malheur à moi, si mon objet pouvoit être, en présentant ces considerations, de concentrer l'homme dans son seul intérêt; de le rendre insensible au malheur & au bien-être de ses semblables; d'eteindre en lui l'esprit de citoyen; & de substituer une prudence oisive & basse à la noble passion d'être utile aux hommes! Je veux que l'humanité, que la passion du bien public, procurent aux hommes les mêmes biens que la vanité des fondateurs, mais plus sûrement, plus complettement, à moins de frais, & sans le mélange des inconveniens dont je me suis plaint. Parmi les différens besoins de la société qu'on voudroit remplir par la voie des établissemens durables ou des fondations , distinguons-en deux sortes; les uns appartiennent à la société entiere, & ne sont que le résultat des intérêts de chacune de ses parties en particulier: tels sont les besoins généraux de l'humanite, la nourriture pour tous les hommes; les bonnes moeurs & l'éducation des enfans, pour toutes les familles; & cet intérêt est plus ou moins pressant pour les différens besoins: car un homme sent plus vivement le besoin de nourriture, que l'intérêt qu'il a de donner à ses enfans une bonne éducation. Il ne faut pas beaucoup de reflexion pour se convaincre que cette premiere espece de besoins de la société n'est point de nature à être remplie par des fondations , ni par aucun autre moyen gratuit; & qu'à cet égard, le bien général doit être le résultat des efforts de chaque particulier pour son propre intérêt. Tout homme sain doit se procurer sa subsistance par son travail; parce que s'il étoit nourri sans travailler, il le seroit aux dépens de ceux qui travaillent. Ce que l'état doit à chacun de ses membres, c'est la destruction de obstacles qui les gêneroient dans leur industrie, ou qui les troubleroient dans la joüissance des produits qui en sont la récompense. Si ces obstacles subsistent, les bienfaits particuliers ne diminueront point la pauvreté générale, parce que la cause restera toute entiere. De même, toutes les familles doivent l'éducation aux enfans qui y naissent: elles y sont toutes intéressées immédiatement; & ce n'est que des efforts de chacune en particulier que peut naître la perfection générale de l'éducation. Si vous vous amusez à fonder des maîtres & des bourses dans des colléges, l'utilité ne s'en fera sentir qu'à un petit nombre d'hommes favorisés au hasard, & qui peut-être n'auront point les talens nécessaires pour en profiter: ce ne sera pour toute la nation qu'une goutte d'eau répandue sur une vaste mer; & vous aurez fait à très grands frais de très-petites choses. Et puis faut-il accoûtumer les hommes à tout demander, à tout recevoir, à ne rien devoir à eux-mêmes? Cette espece de mendicité qui s'étend dans toutes les conditions, dégrade un peuple, & substitue à toutes les passions hautes un caractere de bassesse & d'intrigue. Les hommes sont-ils puissamment intéressés au bien que vous voulez leur procurer? laissez-les faire: voilà le grand, l'unique principe. Vous paroissent-ils s'y porter avec moins d'ardeur que vous ne desireriez? augmentez leur intérêt. Vous voulez perfectionner l'éducation; proposez des prix à l'émulation des peres & des enfans: mais que ces prix soient offerts à quiconque peut les mériter, du-moins dans chaque ordre de citoyens; que les emplois & les places en tout genre deviennent la récompense du mérite, & la perspective assûrée du travail; & vous verrez l'émulation s'allumer à-la-fois dans le sein de toutes les familles: bien-tôt votre nation s'élevera au-dessus d'elle-même, vous aurez éclairé son esprit; vous lui aurez donné des moeurs; vous aurez fait de grandes choses; & il ne vous en aura pas tant coûté que pour fonder un collége. L'autre classe de besoins publics auxquels on a voulu subvenir par des fondations , comprend ceux qu'on peut regarder comme accidentels; qui bornés à certains lieux & à certains tems, entrent moins immédiatement dans le système de l'administration générale, & peuvent demander des secours particuliers. Il s'agira de remédier aux maux d'une disette, d'une épidémie; de pourvoir à l'entretien de quelques vieillards, de quelques orphelins, à la conservation des enfans exposés; de faire ou d'entretenir des travaux utiles à la commodité ou à la salubrité d'une ville; de perfectionner l'agriculture ou quelques arts languissans dans un canton; de récompenser des services rendus par un citoyen à la ville dont il est membre; d'y attirer des hommes célebres par leurs talens, &c. Or il s'en faut beaucoup que la voie des établissemens publics & des fondations soit la meilleure pour procurer aux hommes tous ces biens dans la plus grande étendue possible. L'emploi libre des revenus d'une communauté, ou la contribution de tous ses membres dans les cas où le besoin seroit pressant & général; une association libre & des souscriptions volontaires de quelques citoyens généreux, dans les cas où l'intérêt sera moins prochain & moins universellement senti; voilà dequoi remplir parfaitement toute sorte de vûes vraiment utiles; & cette méthode aura sur celle des fondations cet avantage inestimable, qu'elle n'est sujette à aucun abus important. Comme la contribution de chacun est entierement volontaire, il est impossible que les fonds soient détournés de leur destination; s'ils l'étoient, la source en tariroit aussitôt: il n'y a point d'argent perdu en frais inutiles, en luxe, & en bâtimens. C'est une société du même genre que celles qui se font dans le commerce, avec cette différence qu'elle n'a pour objet que le bien public; & comme les fonds ne sont employés que sous les yeux des actionnaires, ils sont à portée de veiller à ce qu'ils soient employés de la maniere la plus avantageuse. Les ressources ne sont point éternelles pour des besoins passagers: le secours n'est jamais appliqué qu'à la partie de la société qui souffre, à la branche du Commerce qui languit. Le besoin cesse-t-il? la libéralité cesse; & son cours se tourne vers d'autres besoins. Il n'y a jamais de doubles ni de triples emplois; parce que l'utilité actuelle reconnue est toûjours ce qui détermine la générosité des bienfaiteurs publics: enfin cette méthode ne retire aucun fond de la circulation générale; les terres ne sont point irrévocablement possédées par des mains paresseuses; & leurs productions, sous la main d'un propriétaire actif, n'ont de bornes que celles de leur propre fécondité. Qu'on ne dise point que ce sont-là des idées chimériques: l'Angleterre, l'Ecosse, & l'Irlande sont remplies de pareilles sociétés, & en ressentent depuis plusieurs années les heureux effets. Ce qui a lieu en Angleterre peut avoir lieu en France: & quoi qu'on en dise, les Anglois n'ont pas le droit exclusif d'être citoyens. Nous avons même déjà dans quelques provinces des exemples de ces associations qui en prouvent la possibilité. Je citerai en particulier la ville de Bayeux, dont les habitans se sont cottisés librement, pour bannir entierement de leur ville la mendicité; & y ont réussi, en fournissant du travail à tous les mendians valides, & des aumônes à ceux qui ne le sont pas. Ce bel exemple mérite d'être proposé à l'émulation de toutes nos villes: rien ne sera si aisé, quand on le voudra bien, que de tourner vers des objets d'une utilité générale & certaine, l'émulation & le goût d'une nation aussi sensible à l'honneur que la nôtre, & aussi facile à se plier à toutes les impressions que le gouvernement voudra & saura lui donner. 6°. Ces réflexions doivent faire applaudir aux sages restrictions que le Roi a mises par son édit de 1749 à la liberté de faire des fondations nouvelles. Ajoûtons qu'elles ne doivent laisser aucun doute sur le droit incontestable qu'ont le gouvernement dans l'ordre civil; le gouvernement & l'Eglise dans l'ordre de la religion, de disposer des fondations anciennes, d'en diriger les fonds à de nouveaux objets, ou mieux encore de les supprimer tout-à-fait. L'utilité publique est la loi suprème, & ne doit être balancée ni par un respect superstitieux pour ce qu'on appelle l' intention des fondateurs , comme si des particuliers ignorans & bornés avoient eu le droit d'enchaîner à leurs volontés capricieuses les générations qui n'étoient point encore; ni par la crainte de blesser les droits prétendus de certains corps, comme si les corps particuliers avoient quelques droits vis-à-vis l'état. Les citoyens ont des droits, & des droits sacrés pour le corps même de la société; ils existent indépendamment d'elle; ils en sont les élémens nécessaires; & ils n'y entrent que pour se mettre, avec tous leurs droits, sous la protection de ces mêmes lois auxquelles ils sacrifient leur liberté. Mais les corps particuliers n'existent point par eux-mêmes ni pour eux; ils ont été formés pour la société; & ils doivent cesser d'être au moment qu'ils cessent d'être utiles. Concluons qu'aucun ouvrage des hommes n'est fait pour l'immortalité; puisque les fondations toûjours multipliées par la vanité, absorberoient à la longue tous les fonds & toutes les propriétés particulieres, il faut bien qu'on puisse à la fin les détruire. Si tous les hommes qui ont vécu avoient eu un tombeau, il auroit bien fallu pour trouver des terres à cultiver, renverser ces monumens stériles, & remuer les cendres des morts pour nourrir les vivans. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fondation Fondation , ( Jurisprud. ) les nouveaux établissemens que l'on considere dans cette matiere, sont ceux des évêchés, abbayes, & autres monasteres, églises, chapelles, hôpitaux, colléges; les fondations de messes, obits, services, & autres prieres. Aucune fondation ecclésiastique, telle que celle d'un évêché, monastere, paroisse, chapelle, &c. ne peut être faite sans l'autorité du supérieur ecclésiastique; il faut aussi des lettres patentes du roi, dûement enregistrées au parlement, ce qui est toûjours précédé d'une information de commodo & incommodo . Il faut aussi des lettres patentes pour autoriser les fondations séculieres, telles que sont les hôpitaux, colléges, & autres communautés séculieres. On appelle fondateur celui qui a fait la fondation , soit qu'il ait donné le fond ou terrein pour y construire une église ou autre édifice, soit qu'il y ait fait construire l'édifice de l'église, monastere, hôpital ou collége, ou que l'édifice ayant déjà été construit, & depuis tombé en ruine, il l'ait fait relever; ou bien qu'il ait doté l'église ou maison de deniers & revenus destinés à l'entretenement d'icelle: chacune de ces différentes manieres de fonder une église acquiert au fondateur le droit de patronage. Il faut neanmoins l'avoir réservé spécialement par la fondation; autrement le fondateur n'a simplement que la préséance, l'encens, la recommandation aux prieres nominales, & autres droits honorifiques; mais non pas la collation, présentation ou nomination des bénéfices: pour ce qui est des droits honorifiques, le fondateur en joüit dans les églises conventuelles comme dans les paroissiales. Un fondateur peut être contraint de redoter l'église par lui fondée, lorsquelle devient pauvre, à moins qu'il ne renonce à son droit de patronage. S'il étoit prouvé par le titre de la fondation que le fondateur eût renoncé au droit de patronage, la possession même immémoriale de présenter aux bénéfices, ne lui acquerroit pas ce droit. Les héritiers ou successeurs des fondateurs étant tombés dans l'indigence, sans que ce soit par leur mauvaise conduite, doivent être nourris aux dépens de la fondation . L'évêque ne peut pas autoriser une fondation ecclésiastique, à moins que l'église ne soit dotée suffisamment par le fondateur, tant pour l'entretien des bâtimens, que pour la subsistance des clercs qui doivent desservir cette église; c'est ce qu'enseignent plusieurs conciles & autres réglemens rapportés par Ducange, en son glossaire , au mot dot . La surintendance des fondations ecclésiastiques appartient à l'évêque diocésain, ensorte qu'il a droit d'examiner si elles sont exécutées suivant l'intention des fondateurs; il peut aussi en changer l'usage, les unir & transférer lorsqu'il y a utilité ou nécessité. Le concile de Trente ne permet à l'évêque de réduire les fondations que dans les synodes de son diocèse, mais il y a des arrêts qui ont autorisé ces réductions, quoique faites par l'évêque seul; quand il n'y a point d'opposition, c'est un acte qui dépend de la jurisdiction volontaire; s'il y a des opposans, on fait juger leurs moyens à l'officialité, avant que l'évêque fasse son decret. Maîs ils ne peuvent changer les fondations séculieres faites pour l'instruction de la jeunesse, & les rendre ecclésiastiques. On ne peut pas non plus appliquer une fondation faite pour une ville à une autre ville. Le grand vicaire de l'évêque ne peut pas homologuer une fondation sans un pouvoir spécial. Philon, juif, enseignoit que le gain fait par une courtisanne ne pouvoit être reçû pour la fondation d'un lieu saint; on n'a cependant pas toûjours eu la même délicatesse; & M. de Salve, part. II. tract. quoest. 5. n. soûtient au contraire que la fondation d'une église est valable, quoiqu'elle ait eté faite par une femme publique, des deniers provenans de sa débauche. Une église ne peut prétendre avoir acquis une possession contraire à sa fondation . Elle n'est point non plus présumée avoir les biens qu'elle possede, sans qu'il y ait eu quelque charge portée par la fondation; c'est pourquoi Henri II. en 1556, voulant amplifier le service divin & procurer l'accomplissement des fondations , c'est-à-dire des messes, services, & prieres fondées dans les églises, ordonna que tous héritages & biens immeubles tenus sans charge de service divin ou d'office égal, ou revenu d'iceux, par les églises, prélats. & bénéficiers, à quelque titre que ce fût, seroient censés vacans & réunis à son domaine. Les biens d'église ne peuvent être aliénés même par decret, si ce n'est à la charge de la fondation , quand même on ne se seroit pas opposé au decret. Pour accepter une fondation faite dans une église paroissiale, il faut le concours du curé & des marguilliers. Dans les fondations faites par testament ou codicile, c'est aux héritiers à payer les droits d'amortissement & d'indemnité, parce que l'on présume que l'intention du défunt a été de faire joüir l'église pleinement de l'effet de ses libéralités, au lieu que dans les fondations faites par actes entre vifs, les heritiers ne sont pas obligés de payer ces droits, parce que ces sortes de donations ne reçoivent point d'extension; & l'on présume que si le fondateur avoit voulu payer les droits d'amortissement & d'indemnité, il l'ausoit fait lui-même, ou l'auroit dit dans l'acte. Le docteur Rochus dit que les fondations doivent être accomplies au moins dans l'année du décès du fondateur; que si ce qu'il a donné n'est pas suffisant pour accomplir les charges de la fondation , les heritiers ne sont pas tenus de fournir le surplus, mais la fondation est convertie en quelqu'autre oeuvre pie, du consentement de l'évêque. Lorsque les fondations sont exorbitantes, & qu'il y a contestation sur l'exécution du testament où elles sont portées, le juge peut les réduire ad legitimum modum , eu égard aux biens du desunt, à la qualité & à la fortune du défunt, & autres circonstances. Les arrérages des fondations pour obits, services, & prieres, se peuvent demander de puis 29 années, en affirmant par les ecclésiastiques qu'ils ont acquitte les charges, & qu'ils n'ont pas été payés. Pour ce qui est du fond, si c'est une somme à une fois payer, qui est donnée à l'église, elle est sujette à prescription; mais les fondations qui consistent en prestations annuelles, sont imprescriptibles quant au fond; la prescription ne peut avoir lieu que pour les arrérages antérieurs aux 29 dernieres années. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation ecclésiastique Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation ecclésiastique Fondation ecclésiastique , est celle qui a pour objet l'utilité de quelque ecclésiastique: comme la fondation d'un canonicat, ou autre bénéfice. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation laîcale Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation laîcale Fondation laîcale , est celle qui est en faveur de personnes laïques, comme des bourses dans un collége, lorsqu'elles sont affectées à des écoliers laiques. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation obituaire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation obituaire Fondation obituaire , est celle qui est faite pour un obit, c'est-à-dire qui a pour objet des messes, services, & prieres, qui doivent être dites pour le repos de l'ame de quelqu'un qui est décédé. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation pie ou pieuse Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation eie Fondation eie ou pieuse , est celle qui s'applique à quelques oeuvres de prété, comme de faire dire des mesles, services, & prieres; de faire des aumones, de toul ger les malades, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation royale Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation royale Fondation royale , est celle qui provient de la libéralité de nos rois. Les évéchés & la plupart des abbayes sont de fondation royale; dans le doute à l'égard des abbayes, on presume en saveur du Roi. Il y a aussi des collégiales & autres églises de fondation royale; pour la fondation des chapelles & autres bénéfices simples, le Roi n'a pas besoin de recourir à la jurisdiction ecclésiastique pour les autoriser; il en seroit autrement s'il s'agissoit d'établir des bénéfices ayant charge d'ame ou jurisdiction spirituelle: il faudroit en ce cas l'autorité de l'église & l'institution de l'évêque. Bibliot. can. tom. I. p. 280 . Il y a aussi des colléges & autres établissemens séculiers qui sont de fondation royale . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation sacerdotale Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation sacerdotale Fondation sacerdotale , se dit en matiere bénéficiale, de celle qui est affectée à des ecclésiastiques ayant l'ordre de prêtrise. Un bénéfice peut être sacerdotal à lege , comme un curé, ou sacerdo al à fundatione , lorsque le fondateur a voulu que le bénéfice ne pût être possédé que par des prêtres, quoique la nature du bénéfice ne le demandât pas. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation séculiere Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation séculiere Fondation séculiere , est celle qui est affectée à des séculiers. On entend aussi quelquefois par-là une fondation qui n'est point applicable à aucune église ni au service divin, quoique des eccléstastiques puissent être l'objet de la fondation , aussi-bien que des laïcs; par exemple, les bourses des colléges ne sont point des bénéfices, & sont considérées comme des fondations séculieres , lors même qu'elles sont affectées à des ecclésiastiques. Les fondations séculieres sont opposées aux fondations ecclésiastiques. Les colléges, les académies, les hôpitaux, sont des fondations séculieres . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondation Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondation Fondation , se dit aussi figurément du commencement d'une ville, d'un empire, &c. Les Romains comptoient leurs années depuis la fondation de Rome, ab urbe conditâ , que les écrivains expriment quelquefois par ab urbe . Les Chronologues comptent 779 ans depuis la sortie de l'Egypte jusqu'à la fondation de Rome. Voy. Epoque . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDEMENT Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FONDEMENT FONDEMENT, s. m. ( Architect. ) c'est la maçonnerie enfermée dans la terre jusqu'au rez-de-chaussée, qui doit être proportionnée à la charge du bâtiment qu'elle doit porter. Fonder , c'est construire de maçonnerie les fondations dans les ouvertures & les tranchées des terres. Voyez Fondation . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondement, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie | Chirurgie Part of Speech=NA Fondement Fondement , ( le ) Anatom. & Chirurg . c'est l'orifice de l'intestin rectum, par lequel se déchargent les excrémens hors du corps. On l'appelle en termes d'art anus , mot préférable dans une Encyclopédie à celui du discours ordinaire, quoiqu'on ait fait le renvoi de ce terme au mot fondement . Le fondement donc, c'est-à-dire l'extrémité inférieure du rectum, est principalement formé par trois muscles considérables, qui sont le sphincter & les releveurs. Le sphincter est un anneau irrégulier de fibres charnues, qui embrasse l'extrémité du boyau. Voyez Sphincter de l'anus . Les releveurs, un de chaque côté, naissent des os du bassin, pour se terminer en partie au sphincter & en partie à une ligne tendineuse, qui s'étend depuis la pointe du coccyx jusqu'à la partie postérieure & inférieure du rectum. Voyez Rectum & Releveurs de l'anus . On voit des enfans qui viennent au monde sans ouverture au fondement , & sans aucun vestige de cette ouverture. Il y en a auxquels on reconnoit seulement l'endroit précis de l'anus qui se trouve clos. Il y en a d'autres dans lesquels on peut introduire un stilet plus ou moins avant, comme à deux, trois & quatre lignes, & même davantage; & dans ceux-là, quoique leur anus paroisse très-bien formé, le vice de conformation se trouve plus ou moins avant dans l'intérieur. Ces sortes de jeux de la nature sont si fréquens, qu'on en lit des exemples dans plusieurs livres de chirurgie & d'observations chirurgicales; dans Hilden, par exemple, Roonhuysen, Saviard, Scultet, &c. & sur-tout dans les traités d'accouchemens, comme dans Mauriceau, Deventer, la Motte, &c. On s'apperçoit aisément de ce défaut, lorsque les enfans ne rendent point leurs excrémens le lendemain du jour qu'ils sont nés. On peut encore s'en appercevoir plûtôt, lorsque les sages-femmes visitent cette partie, comme elles le devroient toûjours faire, après avoir nettoyé chaque enfant nouveau-né, pour voir si sa conformation est telle qu'elle doit être. La nature indique souvent par quelqu'éminence ou par quelque creux le lieu où doit être l'ouverture du fondement . Quelquefois néanmoins on n'apperçoit aucune marque semblable. Quelquefois la partie est couverte par une chair solide dont l'épaisseur varie, & d'autres fois par une membrane déliée. Quelle que puisse être la cause de ce mal, si l'on n'a soin d'ouvrir promptement l'anus, il arrive que le trop long sejour du méconium cause à l'enfant des tranchées violentes, la jaunisse, des convulsions, l'épilepsie, un vomissement d'excrémens, & pareils accidens qui se terminent par la mort. Lorsque le vestige du fondement est bien marqué, & qu'il n'est bouché qne par une membrane mince, on découvre l'endroit où doit être l'ouverture par une espece de cicatrice, ou par la saillie que les excrémens font faire à cette membrane. Dans ce cas la guérison n'est pas difficile; elle étoit connue d'AEginete aussi-bien que des modernes: il ne s'agit que d'inciser la membrane avec un bistouri, & de consolider la plaie. On connoîtra que l'opération est bien faite à la sortie du méconium. Si la premiere ouverture n'est pas assez grande, on l'augmentera par une nouvelle incision en longueur, en haut, en bas ou en-travers. On introduira dans la plaie une tente trempée dans quelqu'onguent vulnéraire, pour empêcher que l'anus ne se ferme de nouveau, en observant d'attacher cette tente avec un gros fil, afin que si elle venoit à glisser dans le rectum on puisse la retirer. Quand le passage des excrémens est fermé par un morceau de chair ou par une membrane épaisse, on tâchera de découvrir le rectum, en le pressant avec le doigt; & lorsqu'on l'aura trouvé, on percera l'anus en dirigeant la pointe de l'instrument du côté de l'os sacrum, pour ne pas courir le risque de blesser la vessie dans les garçons, ou le vagin dans les filles. Après avoir percé l'anus, on se conduira comme dans le cas précédent. Dans la plûpart des autres cas, & même dans ce dernier, l'opération est très-difficile, & souvent malheureuse: elle requiert non-seulement de la sagacité jointe à la main d'un artiste qui ait fréquemment disséqué ces parties affligées de mauvaises conformations, parce que la pratique les lui montre toutes différentes que dans un sujet bien conformé: mais de plus elle exige, suivant l'occasion, de la variété dans la maniere d'opérer, & dans les instrumens à imaginer ou à perfectionner pour cette besogne. Roonhuysen rapporte qu'une fille de quatre mois avoit l'orifice du fondement si étroit, que sa mere étoit obligée de lui tirer les excrémens de ses propres mains avec beaucoup de peine: l'anus étant enfin venu à s'enfler, à cause de la fréquente compression, le passage des excrémens se ferma tout-à-fait, ce qui obligea le chirurgien de percer l'anus avec une lancette, d'aggrandir l'incision de tous côtés avec des ciseaux, & sinalement de guérir la plaie suivant la méthode prescrite. Scultet rapporte un exemple semblable. On voit d'autres jeux de la nature encore plus rares sur cette partie, que ne sont ceux dont nous venons de parler. Il y a des enfans à qui le rectum se termine dans la vessie. Roonhuysen en cite un exemple. M. Petit assûre avoir vû ce jeu de conformation plus d'une fois. A d'autres enfans l'anus s'ouvre dans la vulve. M. de Jussieu raconte dans le recueil de l'acad. des Scienc. ann. 1719 . l'histoire d'une fille de sept ans dont le fondement étoit fermé de naissance, & qui rendoit ses excrémens par le vagin. A d'autres enfans l'anus sans être ouvert forme une tumeur en maniere d'hernie, & quelquefois un noeud semblable à celui de l'ombilic d'un adulte. M. Engerrand, chirurgien de S. Côme, a eu occasion de voir ces deux derniers cas. Enfin quelquefois l'intestin rectum est fermé jusqu'au colon, ou jusqu'à la partie supérieure de l'os sacrum. Quelquefois même il manque tout-à-fait, en sorte que les intestins finissent avec la partie inférieure des lombes ou du sommet de l'os sacrum. Il faut renoncer alors à tout espoir de guérison. M. Jamisson, chirurgien écossois, appelle dans son pays pour secourir un enfant nouveau-né qui n'avoit aucun vestige d'anus, chercha sans succès l'intestin après son incision, & employa le trois-quarts inutilement: il ne sortit de la plaie que quelques gouttes de sang. A l'ouverture du cadavre M. Jamisson découvrit que le gros boyau manquoit totalement, & que le colon rempli de méconium étoit un vrai coecum flottant dans la cavité du bas-ventre. Essais d'Edimbourg, tome IV. p. 557 . M. Heister a vû le cas mentionné par Jamisson, & M. Petit a vû presque tous ceux dont nous avons parlé, comme il paroît par son mémoire sur cette matiere, inséré dans le recueil de l'académie de Chirurgie de Paris. J'y renvoye le lecteur. Le fondement est non-seulement sujet à des jeux de la nature dans les nouveaux-nés, mais il est exposé dans l'homme à plusieurs maladies, comme à des tubercules & excroissances charnues, à des hémorrhoïdes, des fistules, des abcès, & des corps étrangers qui s'y arrêtent. Les tubercules qui se forment au fondement sont internes ou externes. Quoique l'on divise ces tubercules en différentes especes, eu égard à leur grandeur & à leur figure, & qu'on leur donne le nom de condylomes, de crêtes, de fics & de fungus: ils ont cependant cela de commun, qu'ils doivent d'ordinaire leur origine à la surabondance & à la stagnation du sang dans ces parties, & sur-sout dans les petites glandes, dont la grosseur augmente peu-à-peu, ainsi qu'il arrive aux tubercules du vagin. Ils surviennent encore fréquemment à ceux qui sont sujets aux hémorroïdes. Pour les guérir, il faut les extirper au moyen d'une ligature, ou les couper avec un bistouri ou des ciseaux; ensuite on continuera le traitement avec des baumes vulnéraires, des onguens dessicatifs, & sinalement avec de la charpie seche, pour hâter la consolidation de la plaie. L'intestin rectum sort quelquefois hors du fondement de quelques personnes, enfans ou adultes, de la longueur de deux à six pouces, & même davantage. Saviard rapporte l'exemple d'un enfant à qui cette partie sortoit de la longueur d'un pié: la cause de cet accident est sans doute la trop grande foiblesse de l'intestin rectum, que plusieurs autres causes contribuent à augmenter: tels sont les cris violens, le tenesme, les douleurs des hémorrhoïdes, la constipation, la dyssenterie, la pierre, les accouchemens laborieux, &c. La methode curative demande, après avoir fomenté l'intestin avec une liqueur convenable, de le remettre dans sa place ordinaire & de l'y maintenir. Si la partie de l'intestin sortie est extremement enflée, on doit employer préalablement la saignée, & ensuite des fomentations digestives, jusqu'à ce que la tumeur soit dissipée, & que la partie soit en état d'être replacée. Il y a des personnes qui éprouvent souvent cet accident lorsqu'elles vont à la selle: le remede est de commencer par remettre elles-mêmes l'intestin avec leurs doigts, & puis de recourir au chirurgien pour qu'il l'empêche par les secours de l'art de tomber de nouveau. Quelques auteurs assûrent que le malade pent prévenir une nouvelle chûte de cet intestin, pourvû qu'il ait soin toutes les fois qu'il va à la garderobe, de s'asseoir sur un siége qui ait une ouverture d'environ deux travers de doigt: mais si la maladie est invétérée, il faut des compresses & des bandages pour retenir l'intestin dans sa place naturelle. Une maniere bien simple de préserver les enfans des chûtes de fondement auxquelles ils sont sujets, est de les asseoir dans des fauteuils de paille ou de jonc, dont le milieu soit relevé & ne puisse s'enfoncer. Pour cet effet on met sous le milieu du siége une vis de bois qui monte & descende, sur laquelle soit posée une petite planche, en sorte qu'en tournant la vis selon un certain sens elle pousse la planche, & fasse monter en-haut la paille qui est sous la chaise. Comme cette vis doit porter sur quelque chose qui lui serve d'appui, on la pose sur une petite traverse de bois dont on cloue en-bas les deux bouts aux bâtons de la chaise: il n'y a jamais de creux aux siéges faits de cette maniere, & la vis qui empêche le creux ne paroît point, à moins qu'on ne renverse la chaise. Les siéges dont je parle ont un second avantage, c'est d'empêcher les enfans de se gâter la taille; parce qu'étant assis dans ces sortes de chaises, ils sont obliges de tenir leur corps droit, au lieu qu'ils le voûtent toûjours dans les fauteuils de paille ou de jonc, qui font un enfoncement au milieu. L'anus est sujet aux hémorrhoïdes ( voyez Hémorrhoïdes ), à des fistules ( voyez Fistule ), & par conséquent à divers abcès dont on a dû parler au mot Fistule de l'anus , puisque la fistule à l'anus ne semble devoir pour l'ordinaire son origine qu'à un abcès qui se forme auprès de cette partie. Il y a un cas bien singulier en ce genre, que M. Destendau, chirurgien de la Haye, a eu occasion de voir en faisant l'opération d'un abcès au fondement dont il ignoroit la cause. Il trouva sous la lancette un corps étranger fort dur, qui ne plioit ni ne cédoit. Il prit le parti de dilater le fond de la plaie, pour connoître ce corps & le tirer dehors. C'étoit un éclat d'os de la longueur de deux travers de doigt, un peu plus large & plus épais que la lame d'un canif, & pointu à chaque bout. Voici comment la chose peut arriver. Les personnes qui mangent avidement, avalent quelquefois sans s'en appercevoir de petits os couverts de viande; alors quand la viande est digérée dans l'estomac, si ces petits os s'arrêtent au fondement sans en pouvoir sortir, ils causeront quelque tems après en piquant l'intestin, l'irritation de cette partie, l'inflammation, & des abcès qui dégénerent en fistule. On verra la conduite qu'un chirurgien doit tenir en pareil cas, dans les observations chirurgicales de Saviard. Lisez l'observation lxvj. page 293 . Il est encore bon que l'on sache ici que le fondement donne souvent passage à des concrétions calculeuses, & même à des pierres considérables. Les Transactions philosophiques citent l'exemple d'une pierre pesant plus de deux onces, qui sortit par le fondement après des douleurs excessives. Enfin pour comble de singularités, le lecteur trouvera dans le même ouvrage ou dans l'abregé, tome. VIII. le fait détaillé de la sortie du foetus par cet orifice; & c'est un fait qui a été communiqué à la société royale par M. Giffard, célebre accoucheur anglois. ( D.J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondement Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Fondement Fondement , ( Manége & Maréchal. ) On appelle de ce nom, dans le cheval ainsi que dans l'homme, l'extremité du canal intestinal, ou l'orifice qui permet les déjections, c'est-à-dire la sortie des excrémens. Des tenesmes, une toux longue & violente, la foiblesse des muscles qui dans le corps de l'animal répondent aux releveurs de l'anus du corps humain, l'abondance des humeurs qui abreuvent ces parties, peuvent en occasionner la chûte. Cet évenement, qui est néanmoins assez rare, arrive encore ensuite de la trop fréquente introduction de la main & du bras du maréchal qui n'agit point avec toute la précaution qu'exige l'action de vuider le cheval pour le disposer à recevoir un lavement. La cure de cette maladie consiste non-seulement à remettre l'intestin, mais à le maintenir dans sa place. La réduction en doit être tentée sur le champ-Bassinez-le d'abord avec du vin chaud, faites ensuite avec un linge trempé dans ce même vin des compressions legeres sur les côtés de la portion qui se trouve près de l'anus, & soûtenez-le toûjours avec attention en le repoussant doucement, pour le rétablir peu-à-peu dans sa situation naturelle. Cette opération ne présente pas beaucoup de difficulté, lorsque l'enflure & l'inflammation ne sont pas considérables: mais dans le cas où elles s'opposeroient au replacement, saignez l'animal, & employez des fomentations digestives jusqu'à ce que l'intestin soit disposé à la réduction. Aussi-tôt qu'elle sera faite, appliquez des compresses trempées dans du vin astringent composé avec les racines de bistorte, de tormentille, l'écorce de grenade, de chêne, les noix de galle, l'alun, les balaustes, &c. Si l'intestin retomboit conséquemment aux efforts auxquels l'animal qui se décharge de ses excrémens est obligé, bassinez-le avec ce vin composé; saupoudrez-le même avec parties égales de bitume & de noix de galle pulvérisées: réduisez-le de nouveau; appliquez encore des compresses trempées dans le même vin, & soûtenues par un bandage en T double, non moins praticable relativement au cheval que relativement à l'homme. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDERIE Author=d'Holbach Normalized Classification=Minéralogie | Métallurgie Part of Speech=s.f. FONDERIE FONDERIE, s. f. ( Métallurgie & Minéralogie. ) On nomme fonderie dans les travaux des mines, le bâtiment dans lequel se font toutes les opérations pour fondre, purifier, & raffiner les métaux. La fonderie est ordinairement un grand hangard ou bâtiment de bois ou de mâçonnerie, couvert de tuile, sous lequel sont placés les différens fourneaux, & les autres choses nécessaires pour l'exploitation de mines. La grandeur du bâtiment doit être proportionnée à la quantité de mine qui doit y être exploitée, & à celle de bois & de charbons qui est nécessaire pour cette exploitation, qu'il convient de mettre à couvert dans la fonderie même. Cet avis, quelque peu important qu'il paroisse, est bon à suivre, sur-tout en France, où J'on n'est que trop disposé à faire dans les commencemens d'un établissement, de grandes dépenses, sans être assûré si le succès répondra aux espérances qu'on a formées. Pour que la situation d'une fonderie soit avantageuse, il faut, autant que cela est possible, qu'elle soit proche de la mine, afin d'éviter aux cessionnaires les frais du transport. Il faut pour la même raison qu'elle soit à portée d'une forêt, afin d'avoir commodément du bois & du charbon. Il est à-propos de placer, autant qu'on peut, la fonderie de façon que le vent emporte facilement la fumée qui s'en éleve, & qui, si elle étoit rabattue, pourroit nuire à la santé des ouvriers, & même quelquefois les faire périr, attendu que souvent elle est dangereuse par les parties arsénicales dont elle est remplie. C'est à quoi il faut sur tout avoir égard, lorsqu'il s'agira d'exploiter des mines de plomb, d'étain, de cobalt, &c. Ainsi avant que de construire une fonderie , il convient d'observer les vents qui regnent dans l'endroit où l'on veut la placer. Il est encore très-important que la fonderie soit à portée d'une riviere, d'un ruisseau, ou d'un étang, parce que l'eau est absolument nécessaire pour faire aller les soufflets. Il seroit à souhaiter même que cette eau ne gelât poine en hyver; parce qu'alors on est obligé de cesser le travail: rien ne seroit plus avantageux pour cela que le voisinage d'une source d'eau chaude. Il faut avoir soin de construire la fonderie dans un endroit sec, parce que l'humidité est très-nuisible aux travaux qui se font dans les fourneaux qui peuvent en être endommagés malgré les évents & soupiraux qu'on pourroit faire. Pour remedier à ces inconvéniens, on aura soin que les fourneaux dans lesquels on grillera la mine, si elle a besoin d'être grillée, soient très-proches de la fonderie , afin de ne pas multiplier les voyages & transports inutiles. Il en doit être de même du boccard, c'est-à-dire de l'endroit où sont les pilons qui servent à écraser la mine, & des lavoirs où on la sépare des parties terreuses & pierreuses qui peuvent y être attachées. Ceux qui voudront un plus grand détail sur les fonderies , pourront consulter le second volume du traité de la fonte des mines de Schlutter, publié par M. Hellot de l'académie royale des Sciences de Paris. Voyez les articles Grillages , Lavoir , Boccard , Mine , Métallurgie &c. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonderie Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fonderie * Fonderie . On trouvera à l' art . Bronze , la fonderie des statues équestres; à l' article . Caractère , la fonderie des caracteres; la fonderie des canons, à l' article Canon ; la fonderie des cloches, à l' article Cloche ; à l' article Dragée , la fonderie des balles de plomb & du petit plomb; à l' article Forges , la fonderie des différens ouvrages que l'on fait avec le fer fondu; à l' article Monnoie , la fonderie du monnoyage; la fonderie en sable, à l' article Sable ; & ainsi de la plûpart des autres fonderies , aux articles des substances qu'on fond. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonderie Author=Diderot Normalized Classification=Blanchisserie Part of Speech=NA Fonderie * Fonderie , en terme de Blanchisserie , est le lieu où l'on fond la cire. La fonderie d'Antoni est au bout à gauche d'une grande piece à-peu-près quarrée. On monte aux chaudieres an nombre de trois, par un escalier de dix piés ou environ. Elles sont placées sur la même ligne, au-dessus chacune de son fourneau, & derriere une cheminée qui regne sur toute leur longueur, n'ayant qu'un foyer un peu enfoncé dans le mur au milieu de la cheminée. Ces chaudieres qui tiennent un millier, sont séparées les unes des autres par trois especes de portes ceintrées, par lesquelles les ouvriers vont & viennent pour veiller au feu, ou pour échauffer le robinet des chaudieres, qui, quoique la matiere soit fort chaude, ne laisse pas de se refroidir à la longue; ensorte qu'elle s'y fige quelquefois. Au-dessous des chaudieres sont les cuves: au-dessous de celles-ci, sont les baignoires. Voyez Cuves & Baignoires . Aux parties latérales de la fonderie se trouvent des chassis en charpente, sur lesquels on dresse des tables pour y appuyer des planches à peints. Voyez Planches _A_Points"> Planches A Points . L'eau qui tombe des baignoires se perd dans un puisard couvert d'une grille de fer, & pratiqué au milieu de la fonderie. Voyez la vignette de la Planche de la blanchisserie des cires , & l'article Blanchir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDEUR Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. FONDEUR * FONDEUR, s. m. ( Arts méch. ) c'est un artiste qui fond ou qui jette les métaux, en leur donnant différentes formes, suivant les différens usages que l'on en veut faire: tels que des canons, des cloches, des statues, des bombes, des caracteres d'imprimerie; & d'autres petits ouvrages, comme chandeliers, boucles, &c. Ce mot vient du mot fondre : dans la loi romaine, les Fondeurs sont appellés statuarii . Les Fondeurs ont différens noms, suivant leurs différentes productions ou leurs différens ouvrages; comme Fondeurs de petits ouvrages, Fondeurs de cloches, Fondeurs de canons, Fondeurs de caracteres d'Imprimerie, Fondeurs de figure, &c. Voyez ce qui regarde chaque espece de Fondeurs , à l' article Fonderie . Fourneau de Fondeur. Voyez Fourneau . Moules de Fondeur. Voyez Moules . Presse de Fondeur. Voyez Presse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondeur de petit Plomb Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondeur de petit Plomb * Fondeur de petit Plomb , est un ouvrier qui fait le plomb à tirer de toutes les especes, les balles de toutes les grosseurs, les plombs des manches des dames, &c. Ils ne peuvent vendre leurs plombs eux-mêmes, à moins qu'ils n'en ayent acheté le privilége, en se faisant passer marchand. Ils sont du corps des Miroitiers, & suivent les statuts & les réglemens de cette communauté, comme ces derniers. Voyez l'article Dragée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondeur Author=Diderot Normalized Classification=Grosses forges Part of Speech=NA Fondeur * Fondeur , ( Grosses Forges. ) ouvrier important dans les grosses forges; c'est celui qui conduit la fonte de la mine au fourneau. Voyez ci-après Grosses Forges . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FONDI FONDI, ( Géog. ) en latin Fundi; petite ville de la terre de Labour dans le royaume de Naples en Italie, avec un évêché suffragant de Capoue. Elle est dans une plaine fertile, mais en mauvais air, auprès du petit lac de même nom, à 5 lieues de Terracine; 15 lieues N. O. de Capoue; 18 N. O. de Naples; 20 S. E. de Rome. Longit. 31. 3. latit. 41. 25 . Fundi étoit une ancienne ville municipale de Latium dans le canton des Ausones, dont Strabon, liv. III . Silius Italicus, liv. VIII. v. 530 . Martial, liv ; XIII. épigramm. 114. & Horace, serm. l. III. sat. V. v. 34. ont parlé. Vitruve, suivant quelques-uns, naquit dans cette ville. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDIQUE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. FONDIQUE FONDIQUE, s. f. ( Commerce. ) maison commune où les Marchands s'assemblent pour leur commerce, & où ils déposent l'argent & les marchandises de leur compagnie. Les auteurs du Dictionnaire de Trévoux disent que ce mot vient de fundus , qui signifioit autrefois une bourse , & que c'est de-là qu'on dit encore à-présent la bourse d'Anvers, la bourse d'Amsterdam . Mais quelque vraissemblable que soit cette étymologie, il est certain que dans l'usage présent, fondique n'a plus précisément la même signification, & qu'il signifie simplement un magasin ou dépôt pour les marchandises étrangeres, encore ne se dit-il guere que des dépôts des douanes d'Espagne & de Portugal, ou de celles que les Espagnols ont dans l'Amérique, & les Portugais dans l'Orient. Dictionn. de Commer. Trév. & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDIS Author=Blondel Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FONDIS FONDIS, s. m. espece d'abysme causé par la consistance peu solide du terrein, ou par quelque source d'eau au-dessous des fondemens d'un bâtiment. On appelle aussi fondis ou fontes un éboulement de terre causé dans une carriere, pour n'y avoir pas laissé suffisamment des piliers, & fondis à jour , celui qui a fait un trou, par où l'on peut voir le fond de la carriere. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondis Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fondis Fondis , ( Jardinage. ) terme de Terrassier, pour exprimer une gorge, une vallée, ou quelqu'endroit de terre un peu bas qu'on a dessein de remplir. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDRE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. FONDRE * FONDRE, v. act. ( Gram. ) c'est l'action de mettre en fusion ou sous une forme fluide, par l'action du feu, un minéral, du verre, une pierre, ou un autre corps solide. Ce mot se prend au simple & au figuré. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre des Actions, des Billets Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Fondre des Actions, des Billets Fondre des Actions, des Billets , ( Commerce. ) expression assez récente parmi nous, introduite dans le commerce du papier presqu'en même tems que la compagnie des Indes & la banque royale ont été établies en France. Elle signifie se défaire de ses billets, vendre ses actions pour de l'argent comptant; & comme pour l'ordinaire cette vente ne se fait qu'avec perte de la part du vendeur, cette expression se prend plûtôt en mauvaise qu'en bonne part. Dictionn. de Commerce, Trév. Chamb. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondre Fondre , c'est l'action de liquéfier la cire par le moyen du feu. Le point essentiel de cette opération est de donner le degré de chaleur convenable, de connoître, & de saisir l'instant où la fonte est parfaite. Cet instant n'est pas d'une minute, & d'une minute dépend la perte de plusieurs milliers de cire: de la chaudiere où elle a été fondue , elle tombe par un robinet dans une cuve, où elle refroidit pendant trois heures, après lesquelles on la met en rubans. Voyez Rubans & l' article Blanchir , où toutes ces opérations sont détaillées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre Author=unknown Normalized Classification=Fauconnerie Part of Speech=NA Fondre Fondre , en Fauconnerie , se dit du faucon, lorsque soûtenu sur ses aîles à une grande élévation, il vole en descendant avec impétuosité pour se saisir d'un oiseau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fondre Fondre , ( Jardinage. ) se dit d'une plante qui périt, ou qui pourrit en pié; ce qui arrive souvent quand on lui donne trop d'eau ou trop de soleil; si étant enfermée dans la serre, elle n'a pas eu assez d'air, ou qu'elle n'ait pas joüi d'un air nouveau, il n'en faut pas davantage pour la suffoquer. On peut s'il y a une autre chambre à la serre, l'ouvrir de tems en tems: ce lieu se remplit d'air extérieur, & refermant ensuite la porte, & ouvrant celle qui se communique avec la serre, l'air extérieur y entrera sans risquer que les arbres en souffrent. En fait de légumes, fondre , est périr faute d'eau; pour les melons, c'est devenir à rien. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre Author=Diderot Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=NA Fondre * Fondre , ( à la Monnoie. ) c'est jetter le métal en fusion dans les moules formés par les planches gravées. Voy. les Planches gravées de Monnoyage . Comme la maniere de fondre à la Monnoie ne differe en rien de celle que l'on suit dans les atteliers des Fondeurs; on renvoye à l' article Monnoie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre Author=Landois Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Fondre Fondre , en Peinture , c'est bien mêler les couleurs. Des couleurs bien fondues; fondre les bruns avec les clairs, de façon que le passage des uns aux autres soit insensible. On dit: il y a une belle fonte de couleur dans ce tableau: il faut fondre ses couleurs avant de donner les dernieres touches. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre Author=unknown Normalized Classification=Fondeur de petit plomb Part of Speech=NA Fondre Fondre , en terme de Fondeur de petit plomb , c'est liquéfier le plomb par le moyen du feu sur lequel on l'expose dans un vase pour le couler, & lui faire prendre la forme qu'on veut dans le moule. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondre l'Étain et le jetter en moule Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fondre l'Étain et le jetter en moule * Fondre l'Étain et le jetter en moule . Lorsqu'un potier d'étain veut mettre l'étain en oeuvre, il le fait d'abord fondre ; il faut avoir une chaudiere de fer qui tienne à proportion de ce qu'on a à fondre . Ceux qui fondent des saumons ont des fosses; c'est une sorte de trou plus long que large, bâti en brique sous une cheminée; on met le feu dedans la fosse & les lingots sur la flamme du bois qu'on y allume, & à l'aide d'un soufflet à main, pareil à celui dont se servent les Orfévres, ils fondent plus aisément & plus promptement. A mesure que l'étain fond , la braise & la cendre nagent sur l'étain, & on les dérange avec la cuilliere de fer avec laquelle on jette en moule, pour prendre l'étain net. De tems en tems, on retire les cendres qui s'amassent sur l'étain, c'est ce qu'on appelle déchet: on les réserve à part; & quand on en a une quantité, on les lave d'une maniere qui sépare la cendre & le charbon qui se trouvent mêlés d'étain, & cet étain se fond dans une chaudiere le feu dessous; & par le moyen de la graisse & du suif qu'on y met dedans, on réduit l'étain. Il y en a qui pour fondre , ont une chaudiere qui est massonnée tout-autour, & le feu est sur l'étain comme dans la fosse. Enfin d'autres (& c'est assez l'usage en province, où on ne fond pas souvent des saumons) mettent la chaudiere sur un trépié le feu dessous. Il faut préparer ses moules avant de jetter dedans; on sait que les moules sont ordinairement de cuivre ou potin; les moules de vaisselle sont de deux pieces, la chape qui forme le dessous de la piece, soit plat, assiette, écuelle ou bassin, & le noyau qui forme le dedans. ( Voyez la description aux figures. ) Cette préparation est de les écurer, puis d'y répandre dans tous les endroits où l'étain doit couler, avec un pinceau de crin, de la ponce en poudre délayée dans du blanc d'oeuf, ce qui s'appelle poteyer les moules: après quoi on met chauffer le moule en-dehors sur le feu, afin qu'il soit assez chaud pour recevoir l'étain; on met quelques morceaux de fer en-travers sur la fosse pour supporter les moules. Il faut observer que la science pour bien jetter, consiste à conserver le degré de chaleur tant de l'étain fondu que du moule; si l'étain chauffe trop, il s'aigrit, il faut y mettre quelque piece qu'on réserve pour le rafraîchir ou diminuer le feu. Si le moule s'échauffe trop, ce qui arrive ordinairement aux endroits où l'étain tombe en jettant, & où il revient; on le rafraîchit avec de l'eau qu'on y applique par-dehors avec un bâton entortillé de linge mouillé par un bout qu'on nomme patroüille . On connoît que le moule ou l'étain sont trop chauds quand les pieces viennent grumeleuses. Les grumelures sont des petits trous sans nombre, qui ne percent pas la piece, mais la gâtent fort, parce qu'ils paroissent après le tour & la forge; ainsi on aime mieux jetter un peu plus froid que trop chaud; car s'il vient quelques trous aux pieces on les reverche. Voyez Revercher . Il est vrai que la vaisselle d'étain fin doit être jettée plus chaude que le commun, parce qu'on la paillonne pour remplir les grumeaux, & qu'elle en sonne mieux. Voyez Paillonner . Voici la façon de jetter la vaisselle. Quand le moule est chaud comme il faut, on le prend avec des morceaux de chapeau, qu'on appelle des feutres; on porte le noyau sur la selle à jetter, & on le pose sur la tenaille ( selle & tenaille a jetter , voyez aux figures ). Ensuite on le ferme avec la chape; & posant un morceau de bois de travers sous la tenaille, on la serre avec un anneau de fer qui presse les dents de la queue de la tenaille. On dresse le moule le jet en-haut; & puisant de l'étain d'une main dans la fosse ou chaudiere, on jette sa piece tout d'un jet, & dès qu'elle est prise, on abaisse le moule, on frappe sur le côté de la chape avec un maillet de bois de la main droite en enlevant la chape par la poignée de la gauche, le moule s'ouvre, & on dépouille la piece avec un couteau de dessus le noyau où elle tient ordinairement; & de la sorte on jette successivement autant de pieces qu'on a besoin. Les moules de poterie sont de quatre pieces pour un bas & autant pour un haut, savoir deux chapes qui forment le dehors de la piece, & deux noyaux pour le dedans; ces noyaux ont un cran qu'on nomme portée , qui tiennent les chapes en place, & le jet tient aux chapes. On les prépare comme ceux de vaisselle; il y en a qui les poteyent d'ocre ou de suye, chacun à sa maniere; mais on jette entre ses genoux, sur lesquels on a la précaution de mettre de vieux chapeaux forts; les noyaux ont des queues où on met des manches de bois qui servent à les manier, & pour les chapes on les met & on les ôte avec des feutres; quand on a emboîté ses quatre pieces, on couche le moule de côté le jet en-haut entre ses genoux, & on dépouille en frappant avec un maillet de bois sur la portée des noyaux chaque piece de moule l'une après l'autre, les noyaux les premiers, & ensuite les chapes. Quand la chaudiere ou fosse ne peuvent tenir tout l'étain qu'on a à fondre & jetter en un jour, il y en a qui interrompent de jetter lorsqu'un moule est fini pour fondre d'autre étain, & d'autres qui fondent & jettent en même tems, parce qu'ils y proportionnent leur feu. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDRIER Author=Diderot Normalized Classification=Fontaines salantes Part of Speech=s.m. FONDRIER * FONDRIER, s. m. ( Fontaines salantes. ) c'est ainsi qu'on appelle le mur qui termine le foyer du fourneau de ces usines. Voyez à Sel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fondrier Author=unknown Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=s.m. Fondrier Fondrier , s. m. terme de Riviere , se dit d'un train qui a flotté trop long-tems, & qui ayant amassé de la mousse & de la terre, devient si lourd qu'il ne peut plus flotter. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDRIERE Author=Diderot Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. FONDRIERE * FONDRIERE, s. f. ( Physiq. ) on donne ce nom en général à toutes les profondeurs répandues sur la surface de la terre qui se sont faites par des affaissemens ou éboulemens de terreins que le feu, l'eau, ou d'autres causes naturelles ont minés. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONDU Author=Diderot Normalized Classification=Raffinage de sucre Part of Speech=adject FONDU * FONDU, adj. pris subst. en terme de Rafineur de sucre , & dans d'autres atteliers de la même espece. C'est ainsi qu'on appelle le sucre provenant des vergeoises que l'on fond jusqu'à un certain degré de chaleur avec de l'eau de chaux dans une quantité que la bonté ou la foiblesse des fondus exige; quand ils sont ainsi fondus , on les traite comme les batardes, & on les rafine avec les sucres fins. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONGIBLE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FONGIBLE FONGIBLE, ( Jurisprud. ) se dit d'une chose qui ne forme pas un corps certain, mais qui peut être supplée par une autre de même nature & de même qualité, qui consiste en quantité, & se regle par poids & mesure, comme du blé, du vin, de l'huile, & autres choses semblables. Voyez au mot Chose . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONGUEUX Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=adject FONGUEUX FONGUEUX, adj. terme de Chirurgie . On appelle chairs fongueuses , des chairs mollasses, baveuses, superflues, qui s'élevent en maniere de champignons dans les parties ulcérées. Voyez Hypersarcose . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONGUS, ou FUNGUS Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. FONGUS, ou FUNGUS FONGUS, ou FUNGUS, s. m. terme de Chirurgie , excroissance en forme de champignon qui vient dans toutes les parties du corps, mais plus particulierement au fondement. On donne aussi le nom de fic à cette maladie. Voyez Fic . Le fongus devient souvent skirrheux, & quelquefois carcinomateux. Voyez Skirrhe & Carcinome . La cure des fongus consiste à en faire l'extirpation avec l'instrument tranchant, les caustiques, ou par la ligature. Voyez Excroissance , Loupe , Condylome , Sarcome , Fic Dionis dit qu'on entretient à Rome un hopital pour traiter ceux qui sont attaqués d'un fongus malin au fondement. « J'ai vû, dit-il, panser ces malheureux à qui on n'épargne ni le fer ni le feu; & les cris qu'ils font quand on les panse, ne touchent point de pitié ni les chirurgiens ni les assistans, parce que ce mal est une suite du commerce infâme qu'ils ont eu avec des hommes, de même que les maux vénériens en sont une des caresses qu'on a faites à des femmes débauchées; & que ces tumeurs rébelles sont regardées comme un effet de la justice divine qui punit ceux qui commettent de tels péchés. Mais comme heureusement ces sortes de maux ne sont point connus en France, je n'en parlerai pas davantage ». ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONING Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FONING FONING, ( Géog. ) cité de la Chine dans la province de Fokien. Long. 4. 0. latit. 26. 33. suivant le P. Martini qui place le premier méridien au palais de Peking. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTAINE Author=Desmarest Normalized Classification=Géographie physique Part of Speech=s.f. FONTAINE FONTAINE, s. f. ( Géog. phys. ) est une quantité d'eau, qui en sortant de certaines couches de la terre entr'ouvertes, se trouve recueillie dans un bassin plus ou moins considérable, dont l'écoulement perpétuel ou interrompu fournit à une partie de la dépense des différens canaux distribués sur la surface des continens & des îles. Je crois qu'il est à-propos de fixer ici les acceptions précises suivant lesquelles il paroît que sont employés les termes de fontaine & de source. Source semble être en usage dans toutes les occasions où l'on se borne à considérer ces canaux naturels qui servent de conduits soûterreins aux eaux, à quelque profondeur qu'ils soient placés, ou bien le produit de ces especes d'aqueducs. Fontaine indique un bassin à la surface de la terre, & versant au-dehors ce qu'il reçoit par des sources ou intérieures ou voisines. Exemples . Les sources du Rhône, du Pô, du Rhin, sont dans le mont S. Gothard; la fontaine d'Arcueil est à mi-côte; la source de Rungis fournit environ 50 pouces d'eau: les sources des mines sont très-difficiles à épuiser; les sources des puits de Modene sont à 63 piés de profondeur. La plûpart des lacs qui versent leurs eaux dans les fleuves sont entretenus par des sources intérieures. Dans le bassin de cette fontaine on apperçoit l'eau des sources qui en jaillissant écarte les sables d'où elle sort. Après les pluies, & à l'entrée de l'hyver, les sources qui inondent les terres donnent beaucoup. La premiere question qui se présente à ceux qui ont consideré avec attention ces sources perpétuelles & abondantes, est de demander quelle peut être la cause du cours perpétuel de ces fontaines , qui par la réunion de leurs eaux servent à entretenir le Rhône, le Rhin, le Danube, le Volga, les fleuves S. Laurent, de la Plata, des Amazones; quels sont les réservoirs invisibles qui remplissent les canaux multipliés des rivieres & les vastes lits des fleuves; par quel méchanisme enfin ces réservoirs réparent abondamment leurs pertes journalieres. Ensuite à mesure qu'on étudie plus en détail les fontaines , on y observe plusieurs singularités très frappantes, tant dans leur écoulement que dans leurs eaux; & ces discussions sont par leurs objets aussi agréables qu'utiles. D'après ces considérations, nous croyons devoir nous attacher dans cet article à deux points de vûe intéressans sur les fontaines : leur origine & leurs singularités . Origine des Fontaines . L'origine des fontaines a de tout tems piqué la curiosité des Philosophes. Les anciens ont leurs hypothèses sur ce méchanisme, ainsi que les modernes. Mais ce sont pour la plûpart des plans informes, qui sur-tout dans les premiers, & même dans certains écrivains de nos jours, ont le défaut général que Séneque reprochoit avec tant de fondement aux physiciens de son tems, dont il connoissoit si bien les ressources philosophiques. Illud ante omnia mihi dicendum est, opiniones veterum parùm exactas esse & rudes: circa verum adhuc errabatur: nova omnia erant primò tentantibus. Quoest. nat. lib. VI. c. jv. Les anciens, en parlant de l'origine des fontaines , ne nous présentent rien de précis & de fondé; outre qu'ils n'ont traité cette question qu'en passant, & sans insister sur ses détails, ils ne paroissent s'être attachés ni aux faits particuliers ni à leur concert; ces raisons sont plus que suffisantes pour nous déterminer à passer legerement sur leurs hypothèses. Quel fruit peut-on retirer pour l'éclaircissement de la question présente, en voyant Platon ou d'autres anciens philosophes au nom desquels il parle, indiquer pour le reservoir commun des fontaines & des sources , les gouffres du Tartare, & faire remonter l'eau par cascades de ce gouffre à la surface de la terre? Peut-être que des érudits trouveront dans ces réveries populaires l'abysme que Woodward prétend faire servir à la circulation des eaux souterraines. Nous ne croirons pas au reste devoir revendiquer pour notre siecle cette derniere hypothese comme plus appuyée que l'ancienne. Quelles lumieres & quelles ressources trouve-t-on dans le systeme embrassé par Aristote & par Séneque le naturaliste? Ces philosophes ont imaginé que l'aire se condensoit & se changeoit en eau par la stagnation & l'humidité qu'il éprouvoit dans les soûterrains. Ils se fondoient sur ce principe, que tout se fait de tout; ainsi, selon eux l'air se change en eau & l'eau en air par des transmutations, au milieu desquelles la nature sait garder une juste compensation qui entretient toûjours l'équilibre entre les élémens. Ces transmutations livreroient toute l'économie admirable de la nature à une confusion & à une anarchie affreuse. L'eau considérée sans mélange sera toûjours eau & inaltérable dans ses élémens. Voyez Eau , Elément . Il est vrai qu'on a observé de nos jours un fait qui sembleroit autoriser ces prétentions. L'eau la plus pure laisse après plusieurs distillations réitérées quelques principes terreux au fond de la cucurbite. Ce fait remarqué par Boyle & par Hook avoit donné lieu à Newton de conclure que l' eau se changeoit en terre . Mais Boerhaave qui a vérifié effectivement ce résultat, prétend avec beaucoup plus de raison que les molécules de l'eau sont inaltérables, & que le résidu terreux est le produit des corps legers qui flottent dans l'air, ou la suite d'une inexactitude indispensable dans la manipulation. Ainsi les anciens n'étoient autorisés à supposer ces transmutations que par le besoin qu'ils en avoient. Si après cela nous voyons Aristote avoir recours aux montagnes qui boivent les eaux soûterraines comme des éponges ou d'autres agens, ces secours subsidiaires ne nous offrent aucune unité dans ses idées. Pline nous rapporte quelques faits, mais donne peu de vûes. Vitruve a entrevû le vrai en s'attachant au produit des pluies. Saint Thomas & les Scholastiques de Conimbre tranchent plûtôt la question qu'ils ne la résolvent, en admettant ou l'ascendant des astres, ou la faculté attractive de la terre qui rassemble les eaux dans son sein par une force que la Providence lui a départie suivant ses vûes & ses desseins. Van-Helmont prétend que l'eau renfermée dans les entrailles de la terre n'est point assujettie aux regles de l'hydrostatique, mais qu'elle dépend alors uniquement de l'impression que lui communique cet esprit qui anime le monde soûterrain, & qui la met en mouvement dans les abysmes profonds qu'elle remplit. En conséquence de ces idées il met en jeu ce qu'il appelle la propriété vivifiante du sable pur , & la circulation animée qui en résulte des eaux de la mer visible dans une mer invisible, qu'il s'efforce de prouver par l'Ecriture. Cet abus n'est pas particulier à ce fameux medecin: plusieurs autres écrivains ont cru décider la question par des passages des livres sacrés qu'ils interprétoient selon leurs caprices, ou se sont servi de cette autorité respectable comme de preuve subsidiaire. On ne peut trop s'élever contre ce procédé religieux en apparence, mais qui aux yeux d'un physicien éclairé & chrétien, n'est que l'emploi indécent d'un langage sacré fait pour diriger notre croyance & notre conduite, & non pour appuyer des préjugés, des préventions, & des inductions imaginaires, en un mot des systèmes. Ces especes de théologies physiques dérogeant à la majesté de l'Ecriture & aux droits de la raison, ne laissent appercevoir qu'un mélange toûjours ridicule de faits divins & d'idées humaines. L'érudition de Scaliger ne nous présente que des discussions vagues sur ce que les autres ont pensé & sur ce qu'il se croit en droit d'y ajoûter, mais ne nous offre d'ailleurs aucun fait décisif. Cardan après avoir examiné d'une vûe assez générale les deux principales hypothèses qui étoient en honneur de son tems, & avoir grossi les difficultés de chacune, finit par les embrasser toutes les deux en assignant à l'une & à l'autre ses opérations particulieres. Dans l'une on attribuoit l'origine des fontaines uniquement aux pluies; dans l'autre on prétendoit qu'elles n'empruntoient leurs eaux que de la mer. Ces deux opinions sont presque les seules qui ayent partagé les Physiciens dans tous les tems. Plusieurs écrivains depuis Cardan ont adopté l'une des deux; mais la plûpart se sont bornés à des moyens très-imparfaits. Tels sont Lydiat, Davity, Gassendi, Duhamel, Schottus, & le pere François. On peut consulter sur ces détails le traité de Perrault de l' origine des fontaines; on y trouvera vingt-deux hypotheses, qui toutes se rapportent aux deux principales dont nous venons de parler. On ajoûtera aux auteurs qui y figurent, Plot, dont l'ouvrage est une espece de déclamation où l'on trouve beaucoup de crédulité, peu de raisons, & encore moins de choix & de certitude dans les faits. Cet anglois adopte les canaux soûterreins. Bernard Palissy qui avoit plus vû & mieux vû que tous ces savans, étoit si persuadé que les pluies formoient les fontaines , & que l'organisation des premieres couches de la terre étoit très-favorable à l'amas des eaux, à leur circulation, & à leur émanation, qu'il publioit hautement être en état de les imiter. Il auroit organisé un petit monticule suivant la distribution des couches qu'il avoit remarquées à la surface de la terre dans les lieux qui lui avoient offert des sources . On verra par la suite que cette promesse n'étoit point l'effet de ces charlatanismes dont les Savans ne sont pas exempts, & que les ignorans qui s'en plaignent & qui en sont les dupes, rendent souvent nécessaires. La premiere chose qui se présente dans cette question, est que les fleuves & les rivieres vont se rendre dans des golphes ou dans de grands lacs où ils portent continuellement leurs eaux. Or depuis tant de siecles que ces eaux se rassemblent dans ces grands réservoirs, l'océan & les autres mers auroient débordé de toutes parts & inondé la terre, si les vastes canaux qui s'y déchargent y portoient des eaux étrangeres qui ajoûtassent à leur immense volume. Il faut donc que ce soit la mer qui fournisse aux fontaines cette quantité d'eau qui lui rentre; & qu'en conséquence de cette circulation les fleuves puissent couler perpétuellement, & transporter une masse d'eau considérable, sans trop remplir le vaste bassin qui la reçoit. Ce raisonnement est un point fixe auquel doivent se réunir toutes les opinions qu'il est possible d'imaginer sur cette matiere, & qui se présente d'abord dès qu'on se propose de discuter celles qui le sont déjà. Mais comment l'eau va-t-elle de la mer aux fontaines ? Nous savons bien la route qu'elle tient pour retourner des fontaines à la mer, parce que les canaux de conduite sont pour la plûpart exposés à la vûe du peuple comme des Physiciens: mais ces derniers ne sont pas d'accord sur le méchanisme qui reporte l'immense quantite d'eau que les fleuves charrient, dans les réservoirs de leurs sources . Je considere en second lieu que l'eau de la mer est salée, & que celle des fontaines est douce, ou que si elle est chargée de matieres étrangeres, on peut se convaincre aisément qu'elle ne les tire pas de la mer. Il faut donc que le méchanisme du transport, ou que nos tuyaux de conduite soient organisés de façon à faire perdre à l'eau de la mer, dans le trajet, sa salure, sa viscosité, & son amertume. En combinant les moyens que les auteurs qui ont écrit avec le plus de lumieres & de sagesse sur l' origine des fontaines , ont essayé d'établir pour se procurer ce double avantage, on peut les rappeller à deux classes générales. Dans la premiere sont ceux qui prétendent que les vapeurs qui s'élevent par évaporation de dessus la surface de la mer, emportées & dissoutes dans l'atmosphere, voiturées ensuite par les vents sous la forme de nuages épais & de brouillards, arrêtées par les sommets élevés des montagnes, condensées en rosée, en neige, en pluie, saisissant les diverses ouvertures que les plans inclinés des collines leur offrent pour s'insinuer dans les corps des montagnes ou dans les couches propres à contenir l'eau, s'arrêtent & s'assemblent sur des lits de tuf & de glaise, & forment en s'échappant par la pente de ces lits & par leur propre poids, une fontaine passagere ou perpétuelle, suivant l'étendue du bassin qui les rassemble, ou plûtôt suivant celle des couches qui fournissent au bassin. Dans la seconde classe sont ceux qui imaginent dans la masse du globe des canaux soûterreins, par lesquels les eaux de la mer s'insinuent, se filtrent, se distillent, & vont en s'élevant insensiblement remplir les cavernes qui fournissent à la dépense des fontaines . Ceux qui soûtiennent cette derniere opinion, l'exposent ainsi. La terre est remplie de grandes cavités & de canaux soûterreins, qui sont comme autant d'aqueducs naturels, par lesquels les eaux de la mer parviennent dans des cavernes creusées sous les bases des montagnes. Le feu soûterrein fait éprouver aux eaux rassemblées dans ces especes de cucurbites, un degré de chaleur capable de la faire monter en vapeurs dans le corps même de la montagne, comme dans le chapiteau d'un alembic. Par cette distillation, l'eau salée dépose ses sels au fond de ces grandes chaudieres; mais le haut des cavernes est assez froid pour condenser & fixer les vapeurs qui se rassemblent & s'accrochent aux inégalités des rochers, se filtrent à-travers les couches de terres entr'ouvertes, coulent sur les premiers lits qu'elles rencontrent, jusqu'à ce qu'elles puissent se montrer en-dehors par des ouvertures favorables à un écoulement, ou qu'après avoir formé un amas, elles se creusent un passage & produisent une fontaine . Cette distillation, cette espece de laboratoire soûterrein, est de l'invention de Descartes ( Princip. IV. part. §. 64.), qui dans les matieres de Physique imagina trop, calcula peu, & s'attacha encore moins à renfermer les faits dans de certaines limites, & à s'aider pour parvenir à la solution des questions obscures de ce qui étoit exposé à ses yeux. Avant Descartes, ceux qui avoient admis ces routes soûterreines, n'avoient pas distillé pour dégager les sels de l'eau de la mer; & il faut avoüer que cette ressource auroit simplifié leur échafaudage, sans le rendre néanmoins plus solide. Dans la suite, M. de la Hire ( Mém. de l'acad. an. 1703. ) crut devoir abandonner les alembics comme inutiles, & comme un travail imité de l'art toûjours suspect de supposition dans la nature. Il se restreignit à dire, qu'il suffisoit que l'eau de la mer parvînt par des conduits soûterreins, dans de grands réservoirs placés sous les continens au niveau de la mer, d'où la chaleur du sein de la terre, ou même le feu central, pût l'élever dans de petits canaux multipliés qui vont se terminer aux couches de la surface de la terre, où les vapeurs se condensent en partie par le froid & en partie par des sels qui les fixent. C'est pour le dire en passant, une méprise assez singuliere de prétendre que les sels qui se dissolvent dans les vapeurs, puissent les fixer. Selon d'autres physiciens, cette même force qui soûtient les liqueurs au-dessus de leur niveau dans les tubes capillaires, ou entre des plans contigus, peut faciliter considérablement l'élévation de l'eau marine adoucie. Voyez Capillaire , Tube , Attraction . On a fait joüer aussi par supplément, l'action du flux & reflux; on a cru en tirer avantage, en supposant que son impulsion étoit capable de faire monter à une très-grande hauteur, malgré les lois de l'équilibre, les eaux qui circulent dans les canaux soûterreins; ils ont cru aussi que le ressort de l'air dilaté par la chaleur soûterreine, & qui soûleve les molécules du fluide parmi lesquelles il est dispersé, y entroit aussi pour beaucoup. La distillation imaginée par Descartes, avoit pour but de dessaler l'eau de la mer, & de l'élever au-dessus de son niveau: mais ceux qui se sont contentés de la faire filtrer au-travers des lits étroits & des couches de la terre, comme M. de la Hire, ont cru avec l'aide de la chaleur, obtenir le même avantage, & ils se sont fait illusion. 1°. L'eau de la mer que l'on veut faire monter par l'action des canaux capillaires formés entre les interstices des sables ou autres terres, ne produit jamais aucun écoulement; parce que les sables & les terres n'attirent point les eaux douces ou salées en assez grande quantité pour produire cet effet. M. Perrault ( orig. des font. pag. 154. ) prit un tuyau de plomb d'un pouce huit lignes de diametre, & de deux piés de long; il attacha un reticule de toile par le bas, & l'emplit de sable de riviere sec & passé au gros sas. Ce tuyau ayant été placé perpendiculairement dans un vase d'eau, à la profondeur de quatre lignes, le liquide monta à 18 pouces dans le sable. Boyle, Hauksbée & de la Hire, ont fait de semblables expériences, & l'eau s'est élevée de même à une hauteur considérable: mais M. Perrault alla plus loin. Il fit à son tuyau de plomb une ouverture latérale de sept à huit lignes de diametre; & à deux pouces au-dessus de la surface de l'eau du vase à cette ouverture, il adapta dans une situation inclinée un tuyau aussi plein de sable, & y plaça un morceau de papier gris qui débordoit vers l'orifice inférieur. L'eau pénétra dans cette espece de gouttiere & dans le papier gris; mais il n'en tomba aucune goutte par ce canal; on n'en put même exprimer en pressant avec les doigts, le papier gris mouillé. Tout cet équipage tiré hors du vase, ne produisit aucun écoulement; il n'avoit lieu que lorsqu'on versoit de l'eau par le haut du tuyau; & le tuyau ayant été rempli de terre au lieu de sable, on n'apperçut aucun écoulement, & la terre absorboit plus d'eau que le sable, quand on en versoit par le haut; ce qui a été observé depuis par M. de Reaumur. Il paroît qu'il faut pour pénétrer la terre, une quantité d'eau égale au tiers de sa masse. M. Perrault soûmit à la même expérience de l'eau salée; les sables contractoient d'abord un certain degré de salure, & l'eau diminuoit un peu son amertume: mais lorsque les couloirs s'étoient une fois chargés de sels, l'eau qui s'y filtroit n'en déposoit plus. Et d'ailleurs des percolations réitérées au travers de cent différentes matieres sabloneuses, n'ont point entierement dessalé l'eau de la mer. Voilà des faits très-destructifs des suppositions précédentes. On peut ajoûter à ces expériences d'autres faits aussi décisifs. Si l'eau se dessaloit par filtration, moins elle auroit fait de trajet dans les couches terrestres, & moins elle seroit dessallée: or on trouve des fontaines & même des puits d'eau douce, sur les bords de la mer, & des sources même dans le fond de la mer, comme nous le verrons par la suite. Il est vrai que quand les eaux de la mer pénetrent dans les sables en se réunissant aux pluies, elles produisent un mélange saumache & salin; mais il suffit qu'on trouve des eaux douces dans des fontaines abondantes & dans des puits voisins de la mer, pour que l'on puisse soûtenir que les eaux de la mer ne peuvent se dessaler par une filtration soûterreine. On n'alléguera pas fans doute les eaux salées, puisqu'il s'on trouve au milieu des terres, comme en Alsace, en Franche-Comté, à Salins; & d'ailleurs il est certain que cette eau n'est salée, que parce qu'elle dissout des mines de sel. En général, on peut opposer à l'hypothèse que nous venons de décrire, plusieurs difficultés très fortes. 1°. On suppose fort gratuitement des passages libres & ouverts, depuis le lit de la mer jusqu'au pié des montagnes. On n'a pû prouver par aucun fait l'existence de ces canaux soûterreins; on a plûtôt prouvé le besoin que l'on en a, que leur réalité ou leur usage. Comment concevoir que le lit de la mer soit criblé d'ouvertures, & la masle du globe toute percée de canaux soûterreins? voyons-nous que la plûpart des lacs & des étangs perdent leurs eaux autrement que par des couches de glaise? Le fond de la mer est tapissé & recouvert d'une matiere visqueuse, qui ne lui permet pas de s'extravaser aussi facilement & aussi abondamment qu'il est nécessaire de le supposer, pour disperser avec autant de profusion les fontaines sur la surface des iles & des continens. Quand même la terre pénétreroit certaines couches de son fond à une profondeur assez considérable, on ne peut en conclure la filtration de ses eaux dans la masse du globe. Prétendre outre cola, que les gouffres qui paroissent absorber l'eau de la mer, soient les bouches de ces canaux soûterreins, c'est s'attacher à des apparences pour le moins incertaines, comme nous le verrons par la suite. On n'a pas plus de lumieres sur ces grands réservoirs ou ces immenses dépôts, qui, selon quelques auteurs, fournissent l'eau à une certaine portion de la surface du globe; sur ces lacs soûterreins décrits dans Kircher ( mund. subterr. ) sous le nom d' Hydrophilacia , & dont il a eru devoir donner des plans pour rassûrer la crédulité de ceux qui seroient portes à ne les pas adopter sur sa parole. 2°. Quand leur existence seroit aussi certaine qu'elle est douteuse à ceux qui n'imaginent pas gratuitement, il ne s'ensuivroit pas que ces lacs eussent une communication avec la mer. Les lacs soûterreins que l'on a découverts, sont d'eau douce: au surplus ils tirent visiblement leurs eaux des couches supérieures de la terre. On observe constamment toutes les fois qu'on visite des soûterreins, que les eaux se filtrent au-travers de l'épaisseur de la croûte de terre qui leur sert de voûte. Lorsqu'on fait un étalage de ces cavernes fameuses, par lesquelles on voudroit nous persuader l'existence & l'emploi de ces réservoirs soûterreins, on nous donne lieu de recueillir des faits très-décisifs contre ces suppositions: car la caverne de Baumannia située dans les montagnes de la forêt d'Hircinie, celle de Podpetschio dans la Carniole, celles de la Kiovie, de la Podolie, toutes celles que Scheuchzer a eu lieu d'examiner dans les Alpes, celles qu'on trouve en Angleterre, sont la plûpart à sec, & l'on y remarque tout-au-plus quelques filets d'eau qui viennent des voûtes & des congélations, formées par les dépôts successifs des eaux qui se filtrent au travers des couches supérieures. La forme des fluors, la configuration des stalactites en cul-de lampe, annonce la direction des eaux gouttieres. Les filets d'eau & ces especes de courans, tarissent par la sécheresse, comme on l'a remarqué dans les caves de l'observatoire & dans la grotte d'Arcy en Bourgogne, dans laquelle il passe en certain tems une espece de torrent qui traverse une de ses cavités. Si l'on examine l'eau des puits & des sources, on trouvera qu'elle a des propriétés dépendantes de la nature des couches de terre superieures au bassin qui contient les eaux. Dans la ville de Modene & à quatre milles aux environs, en quelqu'endroit que l'on fouille, lorsqu'on est parvenu à la profondeur de 63 piés, & qu'on a percé la terre, l'eau jaillit avec une si grande force, qu'elle remplit les puits en peu de tems, & qu'elle coule même continuellement par-dessus ses bords. Or cet effet indique un réservoir supérieur au sol de Modene, qui éleve l'eau de ses puits au niveau de son terrein, & qui par conséquent doit être placé dans les montagnes voisines. Et n'est-il pas plus naturel qu'il soit le produit des pluies qui tombent sur les collines & les montagnes de Saint-Pelerin, que de supposer un effort de filtration ou de distillation des eaux de la mer qui ait guindé ces eaux à cette hauteur, pour les faire remonter au niveau du sol de Modene? Ainsi on n'a aucun fait qui établisse des évaporations, des distillations, ou des percolations du centre du globe à la circonférence; mais au contraire, toutes les observations nous font remarquer des filtrations dans les premieres couches du globe. 3°. Les merveilleux alembics, la chaleur qui entretient leur travail, le froid qui condense leurs vapeurs, la direction du cou du chapiteau ou des aludels d'ascension, qui doit être telle qu'elle empêche les vapeurs de retomber dans le fond de la cucurbite, & de produire par-là une circulation infructueuse; combien de suppositions pour réunir tous ces avantages; comment le feu seroit-il assez violent pour changer en vapeurs cette eau salee & pesante qu'on tire de la mer, & la faire monter ju qu'aux premieres couches de la terre? Le degré de chaleur qu'on a eu lieu d'observer dans les soûterreins, n'est pas capable de produire ces effets. Quelle accélération dans le travail, & quelle capacité dans l'alembic n'exigeroit pas la distillation d'une source aussi abondante que celles qu'on rencontre assez ordinairement! L'eau réduite en vapeur à la chaleur de l'eau bouillante, occupant un espace 14000 sois plus grand, les eaux réduites en vapeurs & comprimées dans les cavernes, sont plus capables de produire des agitations violentes, que des distillations. D'ailleurs si le feu est trop violent dans les soûterreins, l'eau sortira salée de la cucurbite, &c. 4°. Après une certaine interruption de pluies, la plûpart des fontaines ou tarissent ou diminuent considerablement; & l'abondance réparoit dans leur bassin, après des pluies abondantes, ou la fonte des neiges. Or si un travail soûterrein fournit d'eau les réservoirs des sources, que peut opérer la température extérieure pour en rallentir ou en accélérer les opérations? Il est vrai que certains physiciens ne disconviennent pas que les eaux pluviales ne puissent, en se joignant au produit des canaux souterreins, former après leur réunion une plus grande abondance d'eau dans les réservoirs, & y faire sentir un déchet considérable par leur soustraction: mais après cet aveu, ils ne peuvent se dissimuler que les eaux de pluies n'influent très-visiblement dans les écoulemens des fontaines , & que cet effet ne soit une présomption très-forte pour s'y borner, si le produit des pluies suffit à l'entretien des sources, comme nous le ferons voir par la suite. Voodward prétend qu'il y a, lors des pluies, moins de dissipation dans les couches du globe, où se rassemblent les eaux évaporées de l'abysme par leur feu central, & que la secheresse fournit une transpiration abondante de ces vapeurs. Ceci seroit recevable, si la circulation des eaux dans les couches qui peuvent ressentir les différens effets de l'humidité & de la sécheresse, ne se faisoit pas de la circonférence au centre, ou dans la direction des couches qui contiennent les eaux. 5°. Pourquoi l'eau de la mer iroit-elle chercher le centre, ou du moins les endroits les pius élevés des continens, pour y entretenir les fontaines? Descartes nous répondra qu'il y a sous ces montagnes & sous ces endroits élevés, des alembics: mais de la mer à ces prétendus alembics, quelle correspondance a-t-il établi? Ne seroit-il pas plus naturel que les sources fussent plus abondantes sur les bords de la mer, que dans le centre des terres; & dans les plaines, que dans les pays montueux? Outre cu'on ne remarque pas cette disposition dans les sources, la grande quantité de pluie qui tombe sur les bords de la mer, seroit la cause naturelle de cet effet, si le terrein étoit favorable aux sources. 6°. Il reste enfin une derniere difficulté. 1°. Le résidu des sels dont l'eau se dépouille, ou par distillation, ou par filtration, ne doit-il pas avoir formé des obstructions dans les canaux soûterreins, & avoir enfin comblé depuis long-tems tous les alembics? 2°. La mer par ces dépôts n'a-t-el'e pas dû perdre une quantite prodigieuse de ses sels? Pour donner une idée de ces deux effets, il faut apprétier la quantité de sel que l'eau de la mer au'est déposée dans les cavités, & dont elle se seroit réellement appauvrie. Il paroît par les expériences de M. le comte de Marsigly, de Halley & de Hales, qu'une livre d'eau de la mer tient en dissolution quatre gros de sel, c'est-à dire un trente-deuxieme de son poids: ainsi trente-deux livres d'eau produisent une livre de sel, & soixante quatre en donneront deux. Le pre-cube d'eau pelant 70 livres, ou peut pour une plus grande exactitude compter deux livres de sel dans ces 70. Nous partirons donc de ce principe, qu'un pie-cube d'eau douce doit avoir déposé deux livres de sel avant que de parvenir à la source d'une riviere. Or s'il passe lous le pont royal, suivant la détermination de M. Mariotte, 288, 000, 000 de pies-cubes d'eau en 24 heures, cette quantité d'eau aura déposé sous terre 576, 000, 000 de livres de sel. Cependant comme ceux qui admettent la circulation intérieure de l'eau de la mer conviennent que les pluies grossissent les rivieres, nous réduisons ce produit à la moitié: ainsi l'eau de la Seine laisse chaque jour dans les entrailles de la terre 288 millions de livres de sel, & nous aurons plus de cent milliards de livres pour l'année: mais qu'est-ce que la Seine comparée avec toutes les rivieres de l'Europe, & enfin du monde entier? quel amas prodigieux de sel aura donc formé dans des canaux souterreins, la masse immense d'eau que les fleuves & les rivieres déchargent dans la mer depuis tant de siecles! Voyez Salure & Mer . On peut réduire à trois classes les physiciens qui ont essayé de répondre à ces difficultes. I. M. Gualtieri ( Journ. des Sçav. an. 1725. Juin ) dans des réflexions adressées à M. Valisnieri, exige seulement qu'on lui accorde deux propositions. La premiere, qu'il se trouve au fond de la mer une terre particuliere ou un couloir, au-travers duquel l'eau de la mer ne peut passer sans se dépouiller de son sel. La seconde, que l'eau de la mer fait équilibre à une colonne d'eau douce, qui s'insinue dans l'intérieur du globe à une hauteur qui est en raison inverse de sa pesanteur spécifique, c'est-à-dire dans le rapport de 103 à 100. Pour établir sa premiere proposition, il allegue l'analogie des filtrations des sucs dans les animaux & dans les végétaux, & enfin l'adoucissement de l'eau de la mer par évaporation. Ce qui embarrasse d'abord, c'est de savoir ou les sels se déposeront dans le filtre particulier qui aura la vertu d'adoucir l'eau de la mer. Dans les animaux, les sucs qui n'entrent point dans certains couloirs, sont absorbés par d'autres; sans cela il se formeroit des obstructions, comme il doit s'en former au fond de la mer. En second lieu, si la colonne d'eau soûterreine est en équilibre avec celle de l'eau marine, par quelle force l'eau pénétrera-t-elle les couloirs? D'ailleurs si l'on suppose que la mer est aussi profonde que les montagnes sont élevées, le rapport de pesanteur spécifique de 100 à 103, qui se trouve entre l'eau douce & l'eau salée, ne peut élever l'eau douce qu'au 3/100 de la hauteur des montagnes; ainsi elle ne parviendra jamais au sommet même des collines de moyenne grandeur. II. D'autres physiciens n'ont pas été allarmés des blocs de sels aussi enormes que la mer doit deposer dans les entrailles de la terre; leur imagination a été aussi féconde pour creuser des alembics & des canaux soûterreins, que l'eau salee peut être active pour combler les uns & boucher les autres; elle a formé un échaffaudage de nouvelles pieces, qui jouent selon ses voeux & selon les besoins du systeme. Voyez Méditations sur les fontaines, de Kuhn. On a rencontré dans l'Ocean & dans certains détroits ou mers particulieres, des especes de goufres où les eaux sont violemment agitées, & paroissent s'engloutir dans des cavités soûterreines qui les rejettent avec la même violence. Le plus fameux de ces goufres est près des côtes de la Laponie, dans la mer du Nord; il engloutit les baleines, les vaisseaux, &c. & rejette ensuite les debris de tout ce qu'il paroît avoir absorbé. On en place un auprès de l'ile d'Eubée, qui absorbe & rend les eaux sept fois en vingt-quatre heures: celui de Charibde près des côtes de la Calabre absorbe & vomit trois fois le jour; ceux de Sylla dans le détroit de la Sicile, du détroit de Babelmandel, du golfe Persique, du détroit de Magellan, ne sont qu'absorbans. On soupçonne outre cela que sous les bancs de sable, sous les roches à fleur d'eau, & dans la mer Caspienne en partieulier, il y a beaucoup de ces goufres tant absorbans que vomissans. Comme ils sont près des iles & des continens, on en conclut que les eaux absorbées sont englouties dans les soûterreins de la terre-ferme; & que réciproquement, les eaux rejettées sortent de dessous les continens. Ces goufres ne sont que les larges orifices des canaux soûterreins: l'eau de la mer engloutie d'abord dans ces grandes bouches, se distribue ensuite par les branches principales des conduits soûterreins, & se porte jusqu'au-dessous des continens. Elle parvient ensuite par des ramifications qu'on multiplie à l'infini, sous les montagnes, les cavernes, & les autres cavités de la terre: en vertu de la grande division qu'elle éprouve pour lors, elle se trouve plus exposée à l'action de la chaleur soûterreine: elle est réduite en vapeurs, & s'éleve dans les premieres couches de la terre, où elle forme des réservoirs qui fournissent à l'écoulement des sources & des fontaines . Mais ce qu'il faut bien remarquer, l'eau, a l'extrémité des branches principales, perd par évaporation à chaque instant une si grande quantité d'eau douce, qu'elle acquiert une salure & une gravité spécifique plus considérable que celle qui remplit les goufres: en conséquence, cette eau plus salée est déterminée par son poids à refluer par les ramifications qui aboutissent aux branches principales, parce que le sel ne se dépose que dans les ramifications où l'évaporation commence; & ces ramifications par lesquelles l'eau salée coule, s'abouchent ordinairement aux branches principales d'un autre goufre vomissant. L'eau se décharge par ce moyen dans la mer, en y reportant à chaque instant le résidu salin des eaux évaporées & dulcifiées. Ainsi les conduits soûterreins se débarrassent du sel qui pourroit s'y accumuler par l'évaporation de l'eau douce; & la mer répare la salure qu'elle perdroit insensiblement. A mesure que l'évaporation s'opere à l'extrémité des branches principales des goufres absorbans, le produit de cette distillation trouve des conduits prêts à le recevoir pour le décharger dans un goufre vomissant. Quelquefois les résidus salins prendront la route des branches principales du goufre absorbant; & alors ce goufre sera absorbant & vomissant en même tems. Mais le plus souvent, le goufre vomissant sera distingué de l'absorbant. Ainsi les fontaines de la Sicile & du royaume de Naples sont entretenues par le goufre absorbant de Sylla, qui porte ses eaux dans les soûterreins de l'île & de la pointe de l'Italie; le résidu salin de l'évaporation est reporté à la mer par Charibde, goufre vomissant, & par quelque autre ouverture. Les courans que l'on observe assez ordinairement dans les détroits, sont produits par la décharge des eaux salées qui refluent des soûterreins: tels sont les courans du Bosphore de Thrace, produits par les eaux qui se déchargent des soûterreins de l'Asie mineure, & qui se jettent dans le Pont-Euxin, pour réparer la quantité de salure qu'il perd en coulant dans la Méditerranée par l'Hellespont, & ne réparant cette eau salée que par l'eau douce des fleuves qu'il reçoit. De même la mer Caspienne ayant de ces goufres absorbans qui lui enlevent de l'eau salée, répare cette perte par des goufres vomissans qui lui viennent des soûterreins de la Russie & de la Tartarie. Les goufres absorbans de l'Océan septentrional forment les fleuves de la Russie, de la Tartarie; & d'autres goufres vomissans déchargent une partie de leurs sels dans la mer Caspienne. Il est aisé de faire voir que cette complication de nouveaux agens introduits par M. Kuhn dans l'hypothèse cartésienne, les rend suspects d'avoir été enfantés par le besoin. Car ces goufres absorbans & vomissans, dont on croit reconnoître & indiquer les bouches dans le Maelstroom de Norwege, dans Sylla, dans Charibde, &c. ne sont rien moins que des ouvertures de canaux soûterreins, dont les conduits se continuent dans la solidité du globe, & sous la masse des continens. La tourmente qu'y éprouve l'eau de la mer est dépendante des marées; & ces mouvemens réguliers qui balancent les eaux de l'Océan, n'ont aucune correspondance avec les besoins des cucurbites soûterreines. D'ailleurs après le calme on voit voltiger sur la surface de l'eau les débris de ce qu'il a absorbé. Il en est de même de tous les autres, qui ne sont pas placés au hasard dans les détroits, ou pour répandre les eaux de la mer sous les continens voisins: mais parce que dans ces parages le fond de la mer étant parsemé de rochers & creusé inégalement, présente à la masse des eaux resserrées dans un canal étroit, des obstacles qui les agitent & les bouleversent; Struys & le P. Avril avoient prétendu avoir découvert des goufres dans la mer Caspienne, où les eaux de ce grand lac s'engloutissoient pour se rendre ou dans le Pont-Euxin, ou dans le golfe Persique: mais les savans envoyés par le Czar, qui nous ont procuré la véritable figure de cette mer, n'en ont pas même trouvé les apparences. On a trouvé des eaux chaudes & douces dans le goufre de Charibde. Enfin tous les courans d'eau qu'on a découverts dans des canaux soûterreins, sont dirigés vers la mer, & ne voiturent absolument que des eaux douces. Les eaux qui sortent du fond de la mer dans les golfes Arabique & Persique, sont douces. Ainsi tous les faits semblent détruire les suppositions des goufres absorbans & vomissans. J'observe d'ailleurs qu'en supposant la réalité de ces goufres, leur travail soûterrein est contraire aux principes de l'Hydrostatique. Ces goufres ont été formés avec le globe: car il ne faudroit rien redouter dans le genre des suppositions, si l'on chargeoit les eaux de produire de telles excavations. Je dis donc que les extrémités intérieures de ces canaux absorbans & vomissans sont inférieures au niveau du fond de la mer; puisque le vomissant prend l'eau où l'absorbant la quitte, c'est-à-dire dans le lieu où la distillation s'opere. Or ces deux canaux ont dû d'abord être absorbans, puisque l'eau de la mer a dû d'abord tir également dans leur capacité, en vertu de la même pente. De ce que les deux goufres s'abouchent l'un à l'autre, leurs branches principales peuvent être considérées comme des tuyaux communiquans qui sont adaptés à un bassin commun, & remplis d'une liqueur homogene. Il est donc constant que les liquides ont dû y rester en équilibre, jusqu'à ce qu'une nouvelle cause vînt le troubler; & cette cause est l'évaporation de l'eau douce destinée à former les fontaines . Mais l'on suppose bien gratuitement que l'évaporation ne s'opere qu'à l'extrémité du goufre absorbant. Pourquoi la chaleur soûterreine qui en est la cause, n'agira-telle pas également à l'extrémité des branches principales de ces deux goufres, puisqu'elles sont également exposées à son action; car elles se réunissent l'une à l'autre, l'une reportant à la mer le résidu salin des eaux que l'autre absorbe? S'il n'y a plus d'inégalité dans la pression, le jeu alternatif des goufres absorbans & vomissans est entierement déconcerté & réduit à la seule action d'absorber. Malgré ces difficultés, nous supposerons que tout le méchanisme que nous avons décrit ait pû recevoir de l'activité par des ressources que nous ignorons dans la nature, mais qu'on imaginera, le travail de la distillation étant une fois commencé, les canaux absorbans seront toûjours pleins: à mesure que l'eau douce s'évaporera, une égale quantité d'eau salée succédera sans violence; & de même, le goufre vomissant rejettera insensiblement ses eaux salées. On ne doit donc pas remarquer des agitations aussi terribles à l'embouchure des conduits soûterreins; & les agitations des goufres de la mer prouveroient trop. A-t-on au surplus pensé à nous rassûrer sur des obstacles qu'on doit craindre à chaque instant pour la circulation libre des eaux? L'eau évaporée doit être dégagée de toute sa salure avant que de s'insinuer dans les ramifications étroites: car si elle en conserve, & qu'elle la perde en route, voilà un principe d'obstruction pour ces petits tuyaux capillaires. Comment le résidu salin est-il déterminé à se porter dans les ramifications des goufres vomissans? Comment l'eau devenue plus salée conserve-t-elle une fluidité assez grande pour refluer avec une célérité & une facilité qui n'interrompra pas le travail de cette circulation continuelle? Comment l'eau divisée dans ces cavités très-étroites n'y dépose-t-elle pas des couches de sel qui les bouchent; ou ne s'évapore-t-elle pas entierement, de telle sorte que le sel se durcisse en masse solide: car elle est exposée à un feu capable d'agir sur des volumes d'eau plus considérables? Pourquoi enfin toute l'eau ne se sépare-t-elle pas des sels lors de la premiere distillation; de sorte que le résidu salin soit une masse solide & incapable d'être entraînée par des canaux étroits? Combien d'inconvéniens & d'embarras n'éprouvent pas ceux qui veulent compliquer leurs ressources à mesure que de nouveaux faits font naître de nouvelles difficultés? Ces supplémens, ces secours étrangers, bien loin de soulager la foiblesse d'une hypothèse, la montrent dans un plus grand jour, & la surchargent de nouvelles suppositions, qui entraînent la ruine d'un tout mal concerté. III. Ceux que je place dans cette troisieme classe ont tellement réduit leurs prétentions d'après les faits, qu'elles paroissent être les seules de toutes celles que j'ai exposées, qui puissent trouver des partisans parmi les personnes raisonnables & instruites. Pour jetter du jour sur cette matiere, ils distinguent exactement ce qui concerne l'origine des fontaines d'avec l'origine des rivieres. Les fontaines proprement dites sont en très-petit nombre, & versent une quantité d'eau peu considérable dans les canaux des rivieres: le surplus vient 1°. des pluies qui coulent sur la terre sans avoir pénétré dans les premieres couches; 2°. des sources que les eaux pluviales font naître, & dont l'écoulement est visiblement assujetti aux saisons humides; 3°. enfin des sources insensibles qui doivent être distribuées le long du lit des rivieres & des ruisseaux. Perrault, quoiqu'opposé aux physiciens de cette classe, a remarqué que quand les rivieres sont grosses, elles poussent dans les terres, bien loin au-delà de leurs rivages, des eaux qui redescendent ensuite quand les rivieres sont plus basses; & ce dernier observateur, qui a beaucoup travaillé à détruire les canaux soûterreins, & à établir l'hypothèse des pluies, va même jusqu'à prétendre que les eaux des rivieres extravasées remontent jusqu'au sommet des collines & des montagnes, entre les couches de terre qui aboutissent au canal des rivieres, & vont former par cette ascension soûterreine les réservoirs des fontaines proprement dites: c'est ce qui fait le fond de tout son système, qu'il suffira d'avoir exposé ici. Guglielmini, dans son traité des rivieres , a distingué toutes les choses que nous venons de détailler. Il a de plus observé plus précisément que Perrault ces petites sources qui se trouvent le long des rivieres; il a remarqué que si l'on creusoit dans le lit des ruisseaux qui sont à sec, plusieurs trous, on y trouvoit de l'eau à une petite profondeur, & que la surface de l'eau de ces trous suivoit la pente des ruisseaux; ensorte que les especes de fontaines artificielles font des vestiges encore subsistans des sources qui donnoient dans le tems que les ruisseaux couloient à plein canal. On conclut de tous ces faits, que la plûpart des eaux qui remplissent les canaux des rivieres, proviennent des pluies; & que les sources insensibles & passageres prises dans la totalité, ont pour principe de leur entretien les eaux pluviales, comme les observations constantes le prouvent à ceux qui examinent sans préjugés. Mais on se retranche à dire qu'une partie de l'eau des fontaines , ou de quelques-unes des fontaines proprement dites, est élevée de la mer par des conduits soûterreins. On insinue que la mer peut bien ne transmettre dans leurs réservoirs que le tiers ou le quart des eaux qu'elles versent dans les rivieres. Ces physiciens se sont déterminés à un parti aussi modéré, par l'évidence des faits, & pour éviter les inconvéniens que nous avons exposés ci-dessus: nous adoptons les faits qu'ils nous offrent; mais certains inconvéniens restent dans toute leur étendue: car 1°. l'obstruction des conduits soûterreins par le sel est toûjours à craindre, si leur capacité est proportionnée à la quantité d'eau qu'ils tirent de la mer; un petit conduit doit être aussi-tôt bouché par une petite quantité d'eau salée qui y circule, qu'un grand canal par une grande masse: 2°. la difficulté du dessallement par les filtrations, &c. subsiste toûjours. On ne peut être autorisé à recourir à ce supplément, qu'autant qu'on seroit assûré, 1°. que les pluies qui produisent si manifestement de si grands effets, ne seroient pas assez abondantes pour suffire à tout: 2°. que certaines sources ne pourroient recevoir de la pluie en vertu de leur situation, une provision suffisante pour leur entretien: c'est ce que nous examinerons par la suite. Pourquoi percer à grands frais la masse du globe entier, pour conduire une aussi foible provision? Seroit-ce parce qu'on tient encore à de vieilles prétentions adoptées sans examen? Après l'exposition de tout ce qui concerne cette hypothèse, il se présente une réflexion à laquelle nous ne pouvons nous refuser. En faisant circuler, à force de suppositions gratuites, les eaux salées dans la masse du globe, & en tirant ces eaux d'un réservoir aussi immense que la mer, on a été séduit sans doute par l'abondance & la continuité de la provision: mais on a perdu de vûe un principe bien important: la probabilité d'une circulation libre & infaillible, telle qu'on a dû la supposer d'après l'expérience, décroît comme le nombre des pieces qui jouent pour concourir à cet effet, & comme le nombre des obstacles qui s'opposent à leur jeu. Il n'y a d'avantageux que le réservoir: mais combien peu de sûretés pour la conduite de l'eau? Cette défectuosité paroîtra encore plus sensiblement, lorsque nous aurons exposé les moyens simples & faciles de l'hypothèse des pluies. Dans le choix des plans physiques, on doit s'attacher à ceux où l'on employe des agens sensibles & apparens dont on peut évaluer les effets & apprétier les limites, en se fondant sur des observations susceptibles de précision. N'est-on pas dans la regle, lorsqu'on part de faits, qu'on combine des faits pour en expliquer d'autres, sur-tout après s'être assûrés que les premiers faits sont les élémens des derniers? D'ailleurs, c'est de l'ensemble de tous les phénomenes du globe, c'est de l'appréciation de tout ce qui se rencontre en grand dans les effets surprenans qui piquent notre curiosité, qu'on doit partir pour découvrir les opérations compliquées, où la nature étale sa magnificence en cachant ses ressources; où elle présente, il est vrai, assez d'ouvertures pour la sagacité & l'attention d'un observateur qui a l'esprit de recherche, mais assez peu de prise pour l'imagination & la legereté d'un homme à systèmes. Il y a certaines expériences fondamentales sur lesquelles toute une question est appuyée; il faut les faire, si l'on veut raisonner juste sur cet objet: autrement tous les raisonnemens sont des spéculations en l'air. Du nombre de ces expériences principales est l'observation de la quantité de pluie qui tombe sur la terre; & celle de la quantité d'évaporation. Delà dépend la théorie des fontaines , celle des rivieres, des vapeurs, & de plusieurs autres sujets aussi curieux qu'intéressans, dont il est impossible de rien dire de positif, sans les précisions que les seuls faits peuvent donner: la plûpart de ceux qui ont travaillé sur cette partie de la Physique, se sont attachés à ces déterminations fondamentales. Le P. Labée, jésuite, tourna ses vûes de ce côte-là. Wren, au commencement de l'établissement de la Société royale, pour faire ces expériences imagina une machine qui se vuidoit d'elle-même lorsqu'elle étoit pleine d'eau, & qui marquoit, par le moyen d'une aiguille, combien de fois elle se vuidoit. MM. Mariotte, Perrault, de la Hire, & enfin toutes les académies & les divers physiciens, ont continué à s'assûrer, suivant la diversité des climats & la différente constitution de chaque année, de la quantité d'eau pluviale. Il ne paroît pas qu'on se soit attaché à mesurer avec autant d'attention celle de l'eau évaporée, ou celle de la dépense des rivieres en différens endroits. Au défaut de ces déterminations locales, nous pouvons nous borner à des estimes générales, avec les restrictions qu'elles exigent. Ces réflexions nous conduisent naturellement à l'hypothèse qui rapporte l'entretien des fontaines aux pluies. Pour établir cette opinion, & prouver que les pluies, les neiges, les brouillards, les rosées, & généralement toutes les vapeurs qui s'élevent tant de la mer que des continens, sont les seules causes qui entretiennent les fontaines , les puits, les rivieres, & toutes les eaux qui circulent dans l'atmosphere, à la surface, & dans les premieres couches du globe; toute la question se réduit à constater 1°. si les vapeurs qui s'élevent de la mer & qui se résolvent en pluies, sont suffisantes pour fournir d'eau la superficie des continens & le lit des fleuves. 2°. si l'eau pluviale peut pénétrer les premieres couches de la terre, s'y rassembler, & former des réservoirs assez abondans pour entretenir les fontaines . Toutes les circonstances qui accompagnent ce grand phénomene du commerce perpétuel de l'eau douce avec l'eau de la mer, s'expliqueront naturellement après l'établissement de ces deux points importans. §. I. Pour mettre la premiere proposition dans tout son jour, il ne faut que déterminer par le calcul la quantité d'eau qui peut s'élever de la mer par évaporation, celle qui tombe en pluie, en neige, &c. & enfin celle que les rivieres déchargent dans la mer: & au cas que les deux premieres quantités surpassent la derniere, la question est décidée. La quantité de vapeurs qui s'élevent de la mer a été appréciée par M. Halley, transact. philosophiq. n°. 189 . Il a trouvé par des observations assez précises, que l'eau salée au même degré que l'est ordinairement l'eau de la mer, c'est-à-dire celle qui a dissous une quantité de sel égale à la trente-deuxieme partie de son poids, & exposée à un degré de chaleur égal à celle qui regne dans nos étés les plus chauds, perd par évaporation la soixantieme partie d'un pouce d'eau en deux heures. Ainsi la mer perd une superficie d'un dixieme de pouce en douze heures. Nous devons observer ici que plus l'eau est profonde, plus est grande la quantité de vapeurs qui s'en éleve, toutes les autres circonstances restant les mêmes. Ce résultat établi par des expériences d'Halley, de MM. Kraft & Richman ( Mém. de Petersbourg 1749. ), détruit absolument une prétention de M. Kuhn, qui soûtient sans preuve que le produit de l'évaporation diminue comme la profondeur de l'eau augmente. En nous attachant aux résultats de M. Halley, & après avoir déterminé la surface de l'Océan ou de quelques-uns de ses golfes, ou d'un grand lac comme la mer Caspienne & la mer Morte, on peut connoître combien il s'en éleve de vapeurs. Car une surface de dix pouces quarrés perd tous les jours un pouce cubique d'eau, un degré quarré trente-trois millions de tonnes. En faisant toutes les réductions des irrégularités du bassin de la mer Méditerranée, ce golfe a environ quarante degrés de longueur sur quatre de largeur, & son étendue superficielle est de cent soixante degrés quarrés; par conséquent toute la Méditerranée, suivant la proportion ci-devant établie, doit perdre en vapeurs pour le moins 5, 280, 000, 000 tonnes d'eau en douze heures dans un beau jour d'été. A l'égard de l'évaporation des vents qui peut entrer pour beaucoup dans l'élévation des vapeurs & leur transport, il n'y a rien de fixe; & nous pécherons plûtôt par défaut que par excès, en ne comprenant point ces produits dans notre évaluation. En donnant à la mer Caspienne trois cents lieues de longueur & cinquante lieues de largeur, toute sa superficie sera de quinze mille lieues quarrées à vingt-cinq au degré, & par conséquent de vingt-quatre degrés quarrés. On aura sept cents quatre-vingt-douze millions de tonnes d'eau qui s'évaporent par jour de toute la surface de la mer Caspienne. Le lac Aral qui a cent lieues de longueur sur cinquante de largeur, ou huit degrés quarrés, perd deux cents soixante-quatre millions de tonnes d'eau. La mer Morte en Judée qui a 72 milles de long sur 18 milles de large, doit perdre tous les jours près de neuf millions de tonnes d'eau. La plûpart des lacs n'ont presque d'autres voies que l'évaporation pour rendre l'eau que des rivieres très-considérables y versent: tels sont le lac de Morago en Perse, celui de Titicaca en Amérique, tous ceux de l'Afrique qui reçoivent les rivieres de la Barbarie qui se dirigent au sud. Voyez Lac . Pour avoir une idée de la masse immense du produit de l'évaporation qui s'opere sur toute la mer, nous supposerons la moitié du globe couverte par la mer, & l'autre partie occupée par les continents & les îles; la surface de la terre étant de 171, 981, 012 milles quarrés d'Italie, à 60 au degré, la surface de la mer sera de 85990506 milles quarrés, ce qui donnera 47, 019, 786, 000, 000 de tonnes d'eau par jour. En comparant maintenant cette quantité d'eau avec celle que les fleuves y portent chaque jour, on pourra voir quelle proportion il y a entre le produit de l'évaporation & la quantité d'eau qui rentre dans le bassin de la mer par les fleuves. Pour y parvenir nous nous attacherons au Pô, dont nous avons des détails assûrés. Ce fleuve arrose un pays de 380 milles de longueur; sa largeur est de cent perches de Boulogne ou de mille piés, & sa profondeur de 10 piés. (Ricciol. Géog. réformat. page ...) Il parcourt quatre milles en une heure, & il fournit à la mer vingt mille perches cubiques d'eau en une heure, ou 4800000 en un jour. Mais un mille cubique contient 125000, 000 perches cubiques; ainsi le Pô décharge en vingt-six jours un mille cubique d'eau dans la mer. Resteroit à déterminer quelle proportion il y a entre le Pô & toutes les rivieres du globe, ce qui est impossible: mais pour le savoir à-peu-près, supposons que la quantité d'eau portée à la mer par les grandes rivieres de tous les pays, soit proportionnelle à l'étendue & à la surface de ces pays; ce qui est très vraissemblable, puisque les plus grands fleuves sont ceux qui parcourent une plus grande étendue de terrein: ainsi le pays arrosé par le Pô & par les rivieres qui y tombent de chaque côté, viennent des sources ou des torrens qui se ramifient à 60 milles de distance du canal principal. Ainsi ce fleuve & les rivieres qu'il reçoit arrosent ou plûtôt épuisent l'eau d'une surface de 380 milles de long sur 120 milles de large; ce qui forme en tout 45, 600 milles quarrés. Mais la surface de toute la partie seche du globe est, suivant que nous l'avons supposé, de 85990506 milles quarrés; par conséquent la quantité d'eau que toutes les rivieres portent à la mer sera 1874 fois plus considérable que la quantité d'eau fournie par le Pô. Or ce fleuve porte à la mer 4800, 000 perches cubiques d'eau; la mer recevra donc de tous les fleuves de la terre 89, 952, 00000 perches cubiques dans le même tems: ce qui est bien moins considérable que l'évaporation que nous avons déduite de l'expérience. Car il résulte de ce calcul que la quantité d'eau enlevée par évaporation de dessus la surface de la mer, & transportée par les vents sur la terre, est d'environ 245 lignes ou de vingt pouces cinq lignes par an, & des deux tiers d'une ligne par jour; ce qui est un très-petit produit en comparaison d'un dixieme de pouce que l'expérience nous donne. On voit bien qu'on peut la doubler pour tenir compte de l'eau qui retombe sur la mer, & qui n'est pas transportée sur les continents, ou bien de celle qui s'éleve en vapeurs de dessus la surface des continents, pour retomber en pluie dans la mer. Toutes ces raisons de compensation mettront entre la quantité d'eau que la mer perd par évaporation, & celle qui lui rentre par les fleuves, une juste proportion. Hist. nat. tome I. Si nous faisons l'application de ces calculs à quelques golfes particuliers, on peut approcher encore plus de cette égalité de pertes & de retours: la Méditerranée, par exemple, reçoit neuf rivieres considérables, l'Ebre, le Rhône, le Tibre, le Pô, le Danube, le Neister, le Boristhène, le Don, & le Nil. Nous supposerons, après M. Halley, chacune de ces rivieres dix fois plus forte que la Tamise, afin de compenser tous les petits canaux qui se rendent dans le bassin de ce golfe: or la Tamise au pont de Kingston, où la marée monte rarement, a cent aulnes de large & trois aulnes de profondeur; ses eaux parcourent deux milles par heure: si donc on multiplie cent aulnes par trois, & le produit trois cents aulnes quarrées par quarante-huit milles, ou 84480 aulnes quarrées que la Tamise parcourt en un jour, le produit sera de 25344 000 aulnes cubiques d'eau, ou 203 00000 tonnes que la Tamise verse dans la mer. Mais si chacune des neuf rivieres fournit dix fois autant d'eau que la Tamise, chacune d'elles portera donc tous les jours dans la Méditerranée deux cents trois millions de tonnes par jour. Or cette quantité ne fait guere plus que le tiers de ce qu'elle en perd par l'évaporation. Bien loin de déborder par l'eau des rivieres qui s'y déchargent, ou d'avoir besoin de canaux soûterreins qui en absorbent les eaux, cette mer seroit bien-tôt à sec, si les vapeurs qui s'en exhalent n'y retomboient en grande partie par le moyen des pluies & des rosées. Comme la mer Noire reçoit elle seule presqu'autant d'eau que la Méditerranée, elle ne peut contenir toute la quantité d'eau que les fleuves y versent; elle en décharge le surplus dans la mer de Grece, par les détroits de Constantinople & des Dardanelles. Il y a aussi un semblable courant dans le détroit de Gibraltar; ce qui compense aussi en bonne partie ce que l'évaporation enleve de plus que le produit des fleuves. Comme la mer Noire perd insensiblement plus d'eau salée qu'elle n'en reçoit, en supposant que les fleuves y en portent une certaine masse, cette déperdition successive doit diminuer la salure de la mer Noire, à moins qu'elle ne répare cette perte en dissolvant quelques mines de sel. Il est aisé de faire voir que les grands lacs, comme la mer Caspienne & le lac Aral, ne reçoivent pas plus d'eau qu'il ne s'en évapore de dessus leur surface. Nulle nécessité d'ouvrir des canaux soûterreins de communication avec le golfe Persique. Le Jourdain fournit à la mer Morte en viron six millions de tonnes d'eau par jour; elle en perd neuf par évaporation; les trois millions de surplus peuvent lui être aisément restitués par les torrens qui s'y précipitent des montagnes de Moab & autres qui environnent son bassin, & par les vapeurs & les pluies qui y retombent. Il est donc prouvé par tous ces détails, que l'Océan & ses différens golfes, ainsi que les grands lacs, perdent par évaporation une plus grande quantité d'eau que les fleuves & les rivieres n'en déchargent dans ces grands bassins; maintenant il ne nous reste qu'à fortifier cette preuve, en comparant ce qui tombe de pluie sur la terre avec les produits de l'évaporation & avec la dépense des fleuves. Il résulte des observations faites par l'académie des Sciences pendant une suite d'années considérable, que la quantité moyenne de la pluie qui tombe à Paris est de dix-huit à dix-neuf pouces de hauteur chaque année. La quantité est plus considérable en Hollande & le long des bords de la mer; & en Italie elle peut aller à quarante-cinq pouces. Nous réduisons la totalité à trente pouces, ce qui se trouve excéder la détermination de la dépense des fleuves, que nous avons déduite ci-devant d'une évaluation assez grossiere. Mais nous remarquerons qu'il tombe beaucoup plus de pluie qu'il n'en entre dans les canaux des rivieres & des fleuves, & qu'il ne s'en rassemble dans le réservoir des sources, parce que l'évaporation agit sur la surface des terres, & enleve une quantité d'eau assez considérable qui retombe le plus souvent en rosées, ou qui entre dans la dépense des végétaux. Pour grossir cette dépense des végétaux, on allegue une expérience de M. de la Hire ( Mém. de l'Académ. ann. 1703. page 60. ) par laquelle il paroît constant que deux feuilles de figuier de moyenne grandeur absorberent deux gros d'eau depuis cinq heures & demie du matin jusqu'à onze heures du matin; on objecte de même les expériences de Hales, qui présentent des résultats capables d'appuyer les mêmes inductions. Mais j'observe d'abord que l'imbibition de ces expériences est forcée, & ne se trouve pas à ce degré dans le cours ordinaire de la végétation. D'ailleurs, s'il paroît par des expériences de M. Guettard, ann. 1752. que les feuilles de végétaux ne tirent pas pendant la chaleur les vapeurs de l'atmosphere, ou que les végétaux peuvent subsister sans ce secours; tout se réduira donc à considérer la dépense que les végétaux font de la pluie, comme une espece d'évaporation, puisque tout ce qui entre dans la circulation est fourni par les racines. Ainsi l'on doit entendre que les végétaux tirent de la terre plus ou moins humide par leurs racines, de l'eau qui s'évapore pendant le jour par les pores des feuilles. Cette dépense est considérable, mais il ne faut pas en abuser pour en conclure l'insuffisance des pluies; car quand un terrein est couvert de plantes, il ne s'évapore que très-peu d'eau immédiatement du fond de la terre; tout s'opere par les végétaux: d'ailleurs cette évaporation ne dure qu'une petite partie de l'année, & dans un tems où les pluies sont plus abondantes. Au surplus, il pleut davantage sur les endroits couverts de végétaux, comme de forêts; ainsi ce que les végétaux évaporeroient de plus que ce qui s'éleve de la terre immédiatement, peut leur être four ni par les pluies plus abondantes: le surplus sera donc employé à l'entretien des sources, à-peu-près comme dans les autres cantons nuds. Tous les observateurs ont remarqué que l'eau évaporée dans un vase étoit plus considérable que l'eau pluviale, & cela dans le rapport de 5 à 3. Si la surface de la terre étoit par-tout unie, sans montagne & sans vallons, & que la pluie demeurât au même endroit où elle tombe, la surface de la terre seroit seche une grande partie de l'année, au moins à Paris: mais parce que cette surface est inégale, une partie de l'eau s'imbibe dans les terres, comme nous le verrons par la suite, & s'y conserve sans s'évaporer; l'autre partie se rassemble dans les lieux bas, où étant fort haute, & n'ayant que peu de surface par rapport à son volume, elle n'éprouve qu'une évaporation peu sensible. Cette distribution des eaux fait que la somme de la pluie, quoiqu'inférieure à l'évaporation possible, fournit aisément au cours perpétuel des fontaines. D'un autre côté, les lieux élevés moins imbibés d'eau, ramassent les rosées, les brouillards, &c. En second lieu, si nous comparons la quantité de l'eau pluviale avec celle qui est nécessaire pour fournir le lit des rivieres, nous trouverons que l'eau pluviale est plus que suffisante pour perpétuer le cours des fontaines & des eaux qui circulent sur la surface des continens. M. Perrault ( voyez p. 198 de l'origine des fontaines ) est le premier qui ait pensé à recourir à cette preuve de fait capable d'imposer silence à ceux qui ne veulent qu'imaginer pour se dispenser d'ouvrir les yeux sur les détails qu'offre la nature. Il établit pour principe, qu'un pouce d'eau douce donne en vingt-quatre heures 83 muids d'eau à 240 pintes par muid; ou ce qui est la même chose, huit piés cubes d'eau; il se restreint à dix-neuf pouces un tiers pour la quantité moyenne de pluie qui tombe aux environs de Paris. D'après ces principes, il a évalué la quantité d'eau que la Seine charrie depuis sa source jusqu'à Arnay-le-Duc; & il donne trois lieues de long sur deux lieues de large, à la surface du terrein qui peut décharger dans le canal de la Seine les eaux que la pluie peut verser. Si sur cette étendue de six lieues quarrées, qui font un million 245144 toises quarrées, il est tombé dix-neuf pouces un tiers de pluie, ce sera une lame d'eau de dix-neuf pouces un tiers qui recouvrira tout le terrein; en supposant que toute cette eau y soit retenue, sans pouvoir s'écouler. Si on en calcule le total, on trouvera que cette grande quantité d'eau monte à deux cents vingt-quatre millions 899 942 muids, qui peuvent se jetter dans le canal de la Seine, au-dessus d'Arnay-le-Duc, pendant l'année, en retranchant ce qui est enlevé par évaporation. M. Perrault s'est assûré ensuite que le canal de la Seine ne contenoit que douze cents pouces d'eau courante, qui produisent, suivant ses principes, 36 millions 453 600 muids d'eau pendant un an; laquelle somme étant soustraite de 224 millions 899 942 muids, produit total de la pluie, donne pour reste 188 millions 446 342 muids: ensorte que la Seine ne dépense pas la sixieme partie de l'eau qui arrose le terrein qu'elle parcourt. A ce calcul Plot oppose le produit des sources de Willow-Bridge, qui est de 33 millions 901 848 muids; pendant que le terrein qui pourroit rassembler les eaux de pluie dans les réservoirs de ces sources, ne donne sur le pié de 19 pouces un tiers, que 29 millions 89 994 muids, ce qui fait 4 millions 811 854 muids de moins que la quantité produite par les sources; sans y comprendre ce que l'évaporation, les torrens, & les plantes peuvent soustraire aux réservoirs des sources. Nous répondrons que dans certains endroits de l'Angleterre, suivant des observations faites avec précision, il tombe jusqu'à quarante pouces d'eau. Suivant Derham, il tombe 42 piés de pluie dans la province de Lancastre. Hales a trouvé 3 pouces de rosée & 22 pouces de pluie; ce qui fait 25 pouces. Statiq. des vég. exp. 19 . Il ne paroît pas que Plot, qui a diserté si longuement sur les fontaines , ait fait aucune observation sur le produit des pluies à Willow-Bridge; ni qu'il se soit assûré de la plus grande étendue des couches qui pouvoient verser de l'eau dans leur réservoir. M. Mariotte, en suivant le plan de M. Perrault, a embrassé par ses calculs une plus grande étendue de terrein; il a trouvé, en estimant le produit de la pluie à 15 pouces, qu'il formoit en un an sur toute la superficie que traversent l'Armanson, l'Yonne, le Loin, l'Aube, la Marne, & les autres rivieres qui grossissent la Seine, une masse de 714 milliards 150 millions de piés cubes. Le total eût été d'un quart plus fort, s'il eût fait l'évaluation sur le pié de vingt pouces. Ensuite M. Mariotte ayant mesuré la quantité de l'eau de la Seine qui passe sous le pont-royal, il la trouva seulement de douze millions de piés cubes par heure, c'est-à-dire, de 5 milliards 120 millions de piés cubes par an. L'eau pluviale se trouve être sextuple de la dépense de la Seine; proportion déjà rouvée à-peu-près par Perrault, au-dessus d'Arnay-le-Duc. Je ne dois pas dissimuler ici que M. Gualtieri a trouvé des rapports bien différens, en comparant l'eau de pluie qu'il suppose tomber en Italie, avec la quantité que les fleuves & tous les canaux portent à la mer. Il réduit toute la surface de l'Italie en un parallélogramme rectangle, dont la longueur est de 600 milles & la largeur de 120: ensuite il trouve deux trillions sept cents billions de piés cubes d'eau pour le produit de la pluie évaluée sur le pié de 18 à 19 pouces; évaluation trop peu considérable pour l'Italie: car, suivant des observations faites avec soin pendant dix ans par M. Poleni, à Padoue, il paroît que la quantité moyenne de la pluie dans cette partie de l'Italie, est de 45 pouces, & 43 pouces un quart à Pise; il est vrai qu'il n'en tombe que dix-sept à Rome: mais en se restraignant à 40 pouces, on trouve un résultat fort approchant de la quantité d'eau que portent dans la mer toutes les rivieres de l'Italie pendant un an, suivant des déterminations trop vagues ou trop visiblement forcées pour être opposées à celles de Mariotte: car M. Gualtieri, pour déterminer la quantité d'eau que toutes les rivieres de l'Italie portent à la mer pendant un an, la suppose, sans aucun fondement, égale à celle que verseroit un canal de 1250 piés de largeur, & de 15 piés de profondeur, qu'il trouve de 5 522 391 000 000 000 piés cubes; ce qui fait 2 trillions 822 billions 391 millions de plus que n'en peut fournir la pluie. Il en est de même du calcul de M. Gualtieri sur la comparaison de la quantité d'eau évaporée de dessus la surface de la Méditerranée, avec celle que les fleuves y portent: nous croyons qu'il n'ébranle point celui que nous avons donné plus haut, ses apprétiations étant dirigées sur les prétentions d'un système pour la défense duquel nous l'avons vû figurer assez foiblement. Après la discussion dans laquelle nous venons d'entrer, on peut puiser de nouveaux motifs qui en appuyent les résultats, dans la considération générale de la distribution des sources & de la circulation des vapeurs sur le globe. Voyez Source , Vapeurs , Pluie , Rosée , Fleuve . On trouve que ces deux objets sont liés comme les causes le sont aux effets. Nous observerons ici qu'il y a une très-grande différence entre les estimes de Riccioli sur la quantité d'eau que le Pô décharge dans la mer; & celles de MM. Perrault & Mariotte par rapport à la Seine. Le terrein qui verse ses eaux dans le Pô doit lui en fournir à raison de 20 pouces & demi de hauteur; & suivant les déterminations de Perrault, le terrein qui environne le canal de la Seine au-dessus d'Arnay-le-Duc, lui en fournit seulement trois pouces trois quarts ce qui est la sixieme partie de dix-neuf pouces quelques lignes à quoi on évalue le produit moyen de la pluie aux environs de Paris; & le terrein qui décharge ses eaux dans la Seine au-dessus de Paris, n'en fournit, suivant Mariotte, qu'à raison de deux pouces & demi de hauteur. En prenant un milieu entre les deux estimes de Perrault & de Mariotte, la quantité d'eau que la Seine recevroit de tous les pays qui épanchent leurs eaux dans son canal, se réduiroit à une couche de trois pouces d'épaisseur. Or cette quantité n'est que la septieme partie ou environ, de celle que reçoit le Pô au terrein qu'il parcourt. Le Piémont paroît, il est vrai, plus abondant en eau que la Bourgogne & la Champagne; & d'ailleurs étant couvert de neiges pendant plusieurs mois de l'année, il y a moins d'évaporation: cependant il semble que l'estime de Riccioli est trop forte; & Guglielmini l'insinue assez clairement. Cette discussion nous donne lieu de remarquer que quelque probabilité que les résultats locaux puissent avoir, on ne doit pas s'en appuyer pour en tirer des conséquences générales. On ne peut être autorisé par les déterminations de MM. Mariotte & Perrault à conclure, par exemple, qu'il n'entre dans le canal des rivieres que la sixieme partie de l'eau des pluies: car, suivant celles de Riccioli sur le Pô, on trouveroit que les rivieres entraîneroient tout le produit des eaux pluviales, en l'estimant à vingt pouces: plusieurs raisons peuvent contribuer à ces variations. Il tombe une plus grande quantité d'eau dans un pays que dans un autre: les canaux qui rassemblent les eaux peuvent les réunir plus favorablement. Une surface, quoique peu étendue, se trouve coupée par des ruisseaux fort multipliés; dans d'autres, les canaux sont plus au large; & suivant qu'on opérera sur un terrein ou sur un autre, on en tirera des conclusions plus ou moins défavorables au système des pluies. On pourra conclure quelque chose de plus certain & de plus décisif pour les inductions générales, si au lieu d'un terrein arbitraire que l'on suppose fournir de l'eau à une riviere, on s'attachoit à un pays pris en totalité, comme à l'Angleterre, à l'Italie. Mais alors si la variété des terreins se fait moins sentir, il y a plus de difficulté d'apprétier d'une vûe générale & vague, comme M. Gualtieri, la masse totale que les rivieres charrient dans la mer. On ne peut tirer parti de ces généralisations, qu'autant qu'on a multiplié les observations dans un très grand nombre d'endroits particuliers, sur le produit de la pluie & la quantité d'eau que les rivieres charrient: ensorte que ces observations scrupuleuses sont les élémens naturels d'un calcul général, qui se trouve assujetti à des limites précises. Si l'on prouve constamment que ce que chaque pays verse dans une riviere peut lui être fourni par la pluie, outre ce qui circule dans l'atmosphere en vapeurs, on sera en état de tirer des conclusions générales. Ainsi MM. Perrault & Mariotte ont travaillé sur un bon plan; & il doit être suivi, quoi qu'en dise M. Sedileau, t. X. mém. de l'acad. ann. 1699 . Au reste, les calculs généraux que nous avons donnés, d'après M. Halley, tout incertains qu'ils sont, portent sur des observatious fondamentales, & doivent satisfaire davantage que la simple négative de ceux qui décident généralement que les pluies sont insuffisantes pour l'entretien des fontaines & des rivieres. J'avoue cependant que ceux qui réduiroient le produit des canaux soûterreins à un vingtieme ou à un dixieme du produit des rivieres, ne pourroient être convaincus par les déterminations que nous avons données, puisqu'elles ne vont pas à ce degré de précision. Mais il est d'autres preuves qui doivent les faire renoncer à un moyen aussi caché que la distillation soûterraine, dont le produit est si incertain, pour s'attacher à des opérations aussi évidentes que celles des pluies, & dont les effets sont si étendus & peuvent se déterminer de plus en plus avec précision. Nous avons vû plus haut que ceux qui se restraignoient à dire que les canaux soûterreins fournissoient seulement à une petite partie des sources, alléguoient quelques observations pour se maintenir dans leurs retranchemens. Ainsi M. de la Hire prétend, ( mém. de l'acad. ann. 1703. ) que la source de Rungis près Paris, ne peut venir des pluies: cette source fournit 50 pouces d'eau ou environ, qui coule toûjours, & qui souffre peu de changemens: or selon cet academicien, tout l'espace de terre dont elle peut tirer ses eaux, n'est pas assez grand pour fournir à ces écoulemens. M. Gualtieri objecte de même que les sources du Modenois ne peuvent tirer assez d'eau des montagnes de S. Pélerin. Guglielmini assûre qu'il y a plusieurs sources dans la Valteline, &c. qui ne peuvent provenir des eaux pluviales. Mais comme tous ces physiciens n'alleguent aucun fait précis, & ne donnent que des assertions très-vagues, nous croyons devoir nous en tenir à des déterminations plus précises. Qu'on compare exactement l'eau de pluie, le produit d'une fontaine , & l'espace de terrein qui y peut verser ses eaux; & alors on pourra compter sur ces résultats. Voilà les seules objections qu'on puisse adopter. Par ce qu'on a déjà fait dans ce genre, on peut présumer que l'eau de pluie ne se trouvera jamais au-dessous du produit d'une fontaine quelconque. §. II. Il nous reste à établir la pénétration de l'eau pluviale dans les premieres couches de la terre. Je conviens d'abord qu'en général les terres cultivées ou incultes, les terreins plats & montueux, ne s'imbibent d'eau ordinairement qu'à la profondeur de deux piés. On observe aussi la même impénétrabilité sous les lacs ou sous les étangs dont l'eau ne diminue guere que par évaporation. Mais cependant quelque parti que l'on prenne sur cette matiere, on est forcé par des faits incontestables d'admettre cette pénétration. Car les pluies augmentent assez rapidement le produit des sources, leurs eaux grossissent & se troublent; & leur cours se soûtient dans une certaine abondance après les pluies. Ainsi il faut avoüer que l'eau trouve des issûes assez favorables pour qu'elle parvienne à une profondeur égale à celle des réservoirs de ces sources: ce qui établit incontestablement une pénétration de l'eau de pluie capable d'entretenir le cours perpétuel ou passager de toutes les fontaines , si la quantité d'eau pluviale est suffisante, comme nous l'avons prouvé d'après les observations. Combien de fontaines qui coulent en Mai & tarissent en Septembre au pié de ces montagnes couvertes de neiges? Certains amas de neiges se fondent en été, quand le soleil darde dessus ses rayons; & on remarque alors sur les croupes des écoulemens abondans dans certaines sources pendant quelques heures du jour; & même à plusieurs reprises, si le soleil ne donne sur ces neiges qu'à quelques heures différentes de la journée. Le reste du tems, ces neiges étant à l'ombre des pointes de rochers qui interceptent la chaleur du soleil, elles ne fondent point: ces alternatives prouvent une pénétration prompte & facile. Combien de puits très-profonds tarissent ou diminuent par la sécheresse? Les eaux de pluies pénetrent donc les terres assez profondément pour les abreuver; & il ne paroît pas que les fontaines qui tarissent, ou qui soient sensibles à la sécheresse & aux pluies, ayent un réservoir moins profond, ou un cours moins abondant que celles qui coulent perpétuellement sans altération. J'ai été long-tems à portée d'observer ces effets d'une maniere sensible dans une fontaine très-abondante située à Soulaines, au nord de Bar-sur-Aube, & à trois lieues de cette ville. Suivant des déterminations qui sont susceptibles d'une très-grande justesse, cette sour, ce jette par minute, dans les basses eaux, 1550 piés cubes, & dans les grandes eaux, ou ses accès d'augmentation, 5814. Cette fontaine sort d'une roche entrouverte, & dont l'ouverture est dans une situation horisontale. Le fond où elle est placée est l'extrémité d'une gorge formée par deux revers de collines, qui à deux lieues au-dessus vers le midi, vont se réunir à quelques montagnes d'une moyenne grandeur. Cette disposition forme un cul de sac, & leur aspect présente une espece d'amphithéatre dont la pente est favorable à l'écoulement des eaux, & les dirige toutes vers le bourg au milieu duquel la source est placée. C'est une observation constante, que s'il pleut dans l'etendue de cet amphithéatre, à la distance d'une ou de deux lieues & demie, la source augmente, & acquiert une impétuosité qui lui fait franchir les bords d'un bassin en mâçonnerie qui a 82 piés de longueur 63 de largeur, sur 10 d'élévation au-dessus du sol de la place où cette cage de pierre est construite. L'eau devient trouble, & prend une teinture d'une terre jaune, que les torrens entraînent dans son réservoir; & cette couleur se soûtient pendant plusieurs jours, suivant l'abondance ou la continuité de la pluie: ces effets sont des signes certains pour les habitans du bourg, qu'il y a eu quelques orages entre Bar-sur-Aube & le bourg, supposé qu'ils n'en ayent pas eu connoissance autrement. La teinture jaune s'annonce dans la source trois ou quatre heures après la chûte de la pluie. Nous observerons que cette source, malgré cette dépendance si marquée qu'elle a avec les pluies, n'a jamais éprouvé d'interruption dans les plus grandes sécheresses; & les autres sources voisines présentent le même changement de couleur après les pluies, & sur-tout après les pluies d'orages. Les observations de M. de la Hire faites pendant 17 ans, prouvent que l'eau de pluie ne peut pas pénetrer à 16 pouces en assez grande quantite pour former le plus petit amas d'eau sur un fond solide. ( ann. 1703. mém. de l'acad. ) Mais ces expériences ne sont pas contraires à la pénétration de la pluie; puisqu'au même endroit où cet académicien les a faites, (à l'Observatoire), il y a dans les caves, à une profondeur considérable, un petit silet d'eau qui tarit pendant la grande sécheresse, & qui tire par conséquent ses eaux des pluies qui doivent pénétrer autravers de l'épaisseur de la masse de terre & de pierres qui est au-dessus des caves. On peut voir le détail des observations de M. Pluche, sur la maniere dont l'eau pluviale pénetre dans les premieres couches de la montagne de Laon, & fournit à l'entretien des puits & des fontaines; tome III. du spectacle de la nature . De tous ces détails nous concluons, qu'on doit partir de la pénétration de l'eau pluviale, comme d'un sait avéré, quand même on ne pourroit en trouver le dénouement: mais il s'en faut bien que nous en soyons réduits à cette impossibilité. La surface du globe me paroît être organisée d'une maniere très-favorable à cette pénétration. Dans le corps de la terre nous trouvons des couches de terre glaise, des fonds de tuf, & des lits de roches d'une étendue de plusieurs lieues: ces couches sont sur-tout paralleles entr'elles, malgré leurs différentes sinuosités; ces lits recouvrent les collines, s'abaissent sous les vallons, & se portent sur le sommet des montagnes; & leur continuité se propage au loin par la multiplicité de plusieurs lits qui se succedent dans les différentes parties des continens. Tout le globe en général est recouvert à sa surface de plusieurs lits de terre ou de pierre, qui en vertu de leur parallélisme exact, font l'office de siphons propres à rassembler l'eau, à la transmettre aux réservoirs des fontaines , & à la laisser échapper au-dehors. Il faut sur-tout observer que ces couches éprouvent plusieurs interruptions, plusieurs crevasses dans leurs sinuosités; & que ces prétendues défectuosités sont des ouvertures favorables que les eaux pluviales saisissent pour s'insinuer entre ces couches: on remarque ordinairement ces especes d'éboulemens sur les penchans des vallons ou sur la croupe des montagnes. Ensorte que les différens plans inclinés des masses montueuses ne sont que des déversoirs qui déterminent l'eau à se précipiter dans les ouvertures sans lesquelles la pénetration ne pourroit avoir lieu: car j'avoue que l'eau de la pluie ne peut traverser les couches de la terre suivant leur épaisseur; mais elle s'insinue entr'elles suivant leur longueur, comme dans la capacité cylindrique d'un aqueduc naturel. Parmi les interruptions favorables & très-fréquentes, on peut compter les fentes perpendiculaires que l'on remarque non-seulement dans les rochers, mais encore dans les argilles; V. Fentes perpendiculaires . Ces couches étant fendues de distance en distance, les pluies peuvent s'y insinuer, augmenter la capacité des fentes, & s'ouvrir vers les côtés des passages qui procurent leur écoulement: elles pénetrent même le tissu serré de la pierre, criblent les lits, imbibent, dissolvent les matieres poreuses, & forment différens dépôts, & des crystallisations singulieres dans le sein des rochers ou aux voûtes des cavernes. Ainsi la pluie qui tombe sur le rocher de la Sainte-Baulme en Provence, pénetre en très-peu d'heures à 67 toises au-dessous de la superficie du rocher par les fentes, & y forme une très-belle citerne, qui fourniroit à un écoulement, si la citerne pouvoit couler par-dessus ses bords. Mém. de l'académie, année 1703 . Les sommets élevés des montagnes principales, les croupes de celles qui sont adossées à la masse des premieres, présentent plus que tout le reste du globe, des surfaces favorables à la pénétration des eaux. Les Alpes, les Pyrénées offrent à chaque pas des couches interrompues, des débris de roches entr' ouvertes, des lits de terre coupés à-plomb; ensorte que les eaux des pluies, les brouillards, les rosées, se filtrent aisément par toutes ces issues, & forment des bassins, ou se portent dans toute l'étendue des couches; jusqu'à ce qu'une ouverture favorable verse cette eau. Ainsi les sources ne seront proprement que les extrémités d'un aqueduc naturel formé par les faces de deux couches ou lits de terre. Si ces couches sont plus intérieures, & qu'elles aillent aboutir au-dessous du niveau des plaines, en suivant les montagnes adossées aux principales, comme dans la plaine de Modene, elles forment des nappes d'eau qui entretiennent les puits ou des sources qui s'échappent au milieu des pays plats. Comme ces couches s'étendent quelquefois jusques sous les eaux de la mer, en s'abaissant insensiblement pour former son bassin; elles y voiturent des eaux douces qui entretiennent des puits sur ses bords, ou des sources qui jaillissent sous l'eau salée, comme dans la mer Rouge, dans le golfe Persique, & ailleurs. Linschot rapporte que dans la mer Rouge, près de l'île de Bareyn, des plongeurs puisent de l'eau douce à la profondeur de 4 à 5 brasses; de même aux environs de l'île de Baharan dans le golfe Persique, on prend de l'eau douce au fond. Les hommes se plongent avec des vases bouchés, & les débouchent au fond; & lorsqu'ils sont remontés, ils ont de l'eau douce, (Gemelli Carreri, tome II. p. 453 .) Le fond de la mer laissé à sec près de Naples, lors des éruptions du Vésuve, a laissé voir une infinité de petites sources jaillissantes; & le plongeur qui alla dans le goufre de Charibde, a prétendu avoir trouvé de l'eau douce. De même, en creusant les puits sur le rivage de la mer, les sources y apportent l'eau, non du côté de la mer, mais du côté de la terre; ce qui se voit aux Bermudes. César, dans le siége d'Alexandrie, ayant fait creuser des puits sur le bord de la mer, ils se remplirent d'eau douce. Hirt. Pans. comment. cap. jx. Cette correspondance des couches s'est fait sentir à une très-grande distance. M. Perrault rapporte ( traité de l'origine des fontaines, p. 271. ) un fait très propre à en convaincre. Il y avoit deux sources dans un pré, éloignées l'une de l'autre d'environ cent toises. Comme on vouloit conduire leurs eaux dans un canal au bas d'un pré, on fit une tranchée pour recevoit l'eau d'une des deux sources, & la contenir: mais à peine l'eau de cette source fut arrêtée, qu'on vint avertir que l'autre source inférieure à la premiere étoit à sec: on rétablit les choses dans le premier état, & l'eau reparut à cette source. Enfin on remarqua ces effets plusieurs fois; & l'eau de la source insérieure étoit aussi régulierement assujettie à l'état de la source supérieure, que si elle s'y fût rendue par un tuyau de conduit fait exprès: de même, il y a des communications aussi sensibles des montagnes entr'elles. Les eaux des vallons ou des plaines s'élevent ordinairement par un canal naturel, & franchissent des collines & des montagnes assez élevées, si une des jambes du siphon renversé, dont la courbure est dans les vallons qui séparent les montagnes, se trouve adossée le long d'une croupe plus élevée que les autres, & qui fournisse des eaux en assez grande abondance pour donner une impulsion successive aux eaux qui remplissent les couches courbées en siphon. La fontaine entretenue par ce méchanisme, paroîtra sur les revers de quelques collines où les couches souffriront interruption. On conçoit ainsi que les réservoirs des fontaines ne sont pas toûjours des amas d'eaux rassemblées dans une caverne dont la capacité seroit immense, vû la grande dépense de certaines sources. Il seroit à craindre que ces eaux forçant leurs cloisons, ne s'échappassent au-dehors par des inondations subites, comme cela est arrivé dans les Pyrénées on 1678. Voyez Inondation . L'eau d'ailleurs se trouvant distribuée le long de certaines couches propres à la contenir, coulant en conséquence d'une impulsion douce qui en ménage la sortie, & en vertu de l'étendue des branches de ces aqueducs qui recueillent les eaux, il n'est pas difficile de concevoir comment certaines sources peuvent en verser une si grande quantité; & cette distribution qui demande quelque tems pour s'exécuter, contribue à la continuité de l'écoulement des rivieres. Ces canaux soûterreins sont d'une certaine résistance, & des eaux peuvent se faire sentir contre leurs parois avec une force capable d'y produire des crevasses. On doit sur-tout ménager leur effort; car souvent par des imprudences on force les canaux dans des endroits foibles, en retenant les eaux des fontaines; & ces interruptions en ouvrant un passage à l'eau, diminuent d'autant la principale fontaine vers laquelle ce petit canal entr'ouvert portoit ses eaux, ou souvent font disparoître une source entiere. Ces effets doivent rendre circonspects ceux qui sont chargés de la conduite des eaux. On en a vû des exemples en plusieurs endroits. Je puis en citer un fort remarquable. La fontaine de Soulaines dont j'ai parlé ci-devant, dépose dans son bassin des terres fort compactes qui la teignent d'une couleur jaune, après les pluies abondantes. Lorsque la masse des dépôts est considérable, on vuide le bassin. Pour expédier cette besogne, les ouvriers imaginerent de jetter ces terres grasses dans l'ouverture de la source, au lieu de les jetter au-dehors; il s'y fit une obstruction si complete, que l'eau refoulée dans son aqueduc naturel soûleva à cent pas au-dessus une roche fort épaisse, & s'extravasa par cette ouverture en laissant le bassin de la fontaine à sec. On n'a pû l'y faire rentrer qu'en couvrant d'une masse de maçonnerie cette large ouverture, & laissant un puits d'environ 15 piés de diametre, dont on a élevé les bords au-dessus des murs de la fontaine . Malgré cette précaution, l'eau sort par ce puits, & entre-ouvre la maçonnerie qui menace ruine dans les grandes eaux. Ces effets sont une suite du parti que l'on a pris d'élever l'eau dans le bassin de la fontaine , pour le service des moulins qui sont construits sur un côté de son bassin; ce qui tient la source dans un état forcé. De toute cette doctrine, nous tirerons quelques conséquences que l'expérience confirme. 1°. Ce n'est point en traversant l'épaisseur des couches de la terre & en les imbibant totalement, que l'eau pluviale pénetre dans les conduits & les réservoirs qui la contiennent, pour fournir aux écoulemens successifs: ainsi les faits qu'on allegue contre la pénétration, ne détruisent que la premiere maniere, & ne donnent aucune atteinte à la seconde. 2°. C'est dans les montagnes ou dans les gorges formées par les vallons, que se trouvent le plus ordinairement les sources; parce que les conduits & les couches qui contiennent les eaux, s'épanoüissent sur les croupes des montagnes pour les recueillir, & se réunissent dans les culs-de-sac pour les verser. 3°. Les fontaines nous paroissent en conséquence de cette observation, occuper une position intermédiaire entre les montagnes ou collines qui reçoivent & versent les eaux dans les couches organisées, & entre les plaines qui présentent aux eaux un lit & une pente facile pour leur distribution réguliere. Quinte-Curce remarque ( lib. VII. cap. iij. ) que tous les sommets des montagnes se contiennent dans toute l'Asie par des chaînes alongées, d'où tous les fleuves se precipitent ou dans la mer Caspienne, &c. ou dans l'Océan indien. On ne peut objecter les sources du Don ou Tanais & du Danube près d'Eschinging, qui sont dans des plaines: car qu'est-ce que cette derniere source en comparaison de toutes celles qui se jettent dans le Danube, tant des montagnes de la Hongrie, que du prolongement des Alpes vers le Tirol? & de même les Cordelieres donnent naissance à plusieurs sources qui se jettent dans la riviere des Amazones, en suivant la pente du terrein: les autres qui sont sur les croupes occidentales, se jettent dans la mer du Sud. Il y a sur le globe des points de distribution; en Europe au mont Saint-Gothar; vers Langres en Champagne, &c. Voyez Source . 4°. Si l'on voit quelquefois des sources dans des lieux élevés, & même au haut des montagnes, elles doivent venir de lieux encore plus élevés, & avoir été conduites par des lits de glaise ou de terre argilleuse, comme par des canaux naturels. Il faut faire attention à ce méchanisme, lorsqu'on veut évaluer la surface d'un terrein qui peut fournir de l'eau à une source; on est quelquefois trompé par les apparences. M. Mariotte observe que dans un certain point de vûe une montagne près de Dijon sembloit commander aux environs; mais dans un autre aspect il découvrit une grande étendue de terrein qui pouvoit y verser ses eaux. Voilà la seule réponse que nous ferons à ceux qui alleguent des observations faites par des voyageurs sur des montagnes élevées. Il n'est pas étonnant que les voyageurs ayent pû découvrir, en passant leur chemin, d'où des sources abondantes tiroient leurs eaux. Si entre une montagne du haut de laquelle il part une source, & une autre montagne plus élevée qui doit fournir de l'eau, il y a un vallon, il faut imaginer la source comme produite par une eau qui d'un réservoir d'une certaine hauteur, a été conduite dans un canal soûterrein & est remontée à une hauteur presque égale à son réservoir. Souvent l'eau des sources qui paroissent sur des croupes ou dans des plaines, peut remonter au-dessus des couches entr'ouvertes qui la produisent. A Modene certains puits coulent par-dessus leurs bords, quoique leurs sources soient à 63 piés de profondeur; on peut même élever l'eau à 6 piés au-dessus du terrein, par le moyen d'un tuyau. Près de Saint-Omer on perce ainsi des puits, dont l'eau remonte au-dessus du niveau des terres. Tous ces effets supposent des siphons, dont une partie est un conduit naturel depuis les réservoirs jusqu'aux sources: l'autre partie est la capacité cylindrique des puits. En même tems que ces faits rétablissent l'usage des siphons renversés qui communiquent dans une certaine étendue de terrein, l'inspection des premieres couches rend sensible leur existence. On nous objecte que cette communication ne peut s'étendre aux îles de l'Océan, & sur-tout à celles où il ne pleut pas & où l'on trouve des fontaines perpétuelles. Je ne vois pas d'impossibilité que l'eau soit conduite dans quelques-unes de la terre-ferme, par des canaux qui franchissent l'intervalle par-dessous les eaux. Pietro della Valle rapporte que dans les îles Strophades, selon le récit que lui en firent les religieux qui les habitent, il y a une fontaine qui doit tirer ses eaux de la Morée, parce qu'il sort souvent avec l'eau de la source des choses qui ne peuvent venir que de-là: ces iles sont cependant éloignées considérablement de la terre-ferme, & toutes imbibées d'eau. Par rapport aux autres iles, les rosées y sont abondantes, & les pluies dans certains tems de l'année; ce qui suffit pour fournir à l'entretien des fontaines . Halley remarque qu'à l'ile de Sainte-Hélene, le verre de sa lunette se chargeoit d'une lame de rosée très-épaisse, dans un très petit intervalle; ce qui interrompoit ses observations. 5°. Lorsque les premieres couches de la terre n'admettent point l'eau pluviale, il n'y a point de fontaines à espérer, ou bien l'eau des pluies s'évapore & forme des torrens, ou bien il n'y pleut plus, comme en certains cantons de l'Amérique. Il y a de grands pays où l'eau manque par cette raison, comme dans l'Arabie pétrée, qui est un desert, & dans tous ceux de l'Asie ou de l'Amérique; les puits sont si rares dans l'Arabie, que l'on n'en compte que cinq depuis le Caire jusqu'au mont Sinaï, & encore l'eau en est-elle amere. 6°. Lorsque les premieres couches admettent les eaux, & qu'il ne se trouve pas des lits d'argille ou de roche propres à les contenir, elles pénetrent fort avant & vont former des nappes d'eau, ou des courans soûterreins. Ceux qui travaillent aux carrieres des pierres blanches près de la ville d'Aire en Artois, trouvent quelquefois des ruisseaux soûterreins qui les obligent d'abandonner leur travail. Il y a des puits dans plusieurs villages des environs d'Aire, au fond & au-travers desquels passent des courans qui coulent avec plus de rapidité que ceux qui sont à la surface de la terre; on a remarqué qu'ils couloient de l'orient d'été au couchant d'hyver, c'est-à-dire qu'ils se dirigent du continent vers la mer; ils sont à 100 & 110 piés de profondeur. Journ. de Trév. an. 1703, Mars . 7°. Les secousses violentes des tremblemens de terre sont très-propres à déranger la circulation intérieure des eaux soûterreines. Comme les canaux ne sont capables que d'une certaine résistance, les agitations violentes produisent, ou des inondations particulieres, en comprimant par des soûlevemens rapides les parois des conduits naturels qui voiturent secretement les eaux, & en les exprimant pour ainsi dire par le jeu alternatif des commotions; ou bien un abaissement & une diminution dans le produit des sources. Après un tremblement de terre, une fontaine ne recevra plus ses eaux à l'ordinaire, parce que ses canaux sont obstrués par des éboulemens intérieurs; mais l'eau refoulée se porte vers les parties des couches entr'ouvertes, & y forme une nouvelle fontaine . Ainsi nous voyons ( Hist. de l'ac. ann. 1704. ) qu'une eau soufrée qui étoit sur le chemin de Rome à Tivoli, baissa de deux piés & demi en conséquence d'un tremblement de terre. En plusieurs endroits de la plaine appellée la Testine , il y avoit des sources d'eau qui formoient des marais impraticables: tout fut séché, & à la place des anciennes sources, il en sortit de nouvelles à environ une lieue des premieres; & dans le dernier tremblement de terre de 1755 & 1756, nous avons été témoins de ces effets en plusieurs endroits. Voyez Tremblement de Terre . Si les eaux se trouvent entre des couches de sable rouge, ou bien entre des marnes ou d'autres matieres colorées, les eaux des sources salies & imprégnées de ces corps étrangers qu'elles entraînent, changent de couleur très-naturellement: mais le peuple effrayé voit couler du sang ou du lait; parce que dans cet état de commotion qui se communique de la terre aux esprits, rien ne doit paroitre que sous les idées accessoires les plus terribles, & un rien aide l'imagination à réaliser les chimeres les plus extravagantes. Singularités des fontaines . On peut considérer les singularités des fontaines sous deux points de vûe généraux; par rapport à leur écoulement, & par rapport aux propriétés & aux qualités particulieres du fluide qu'elles produisent. Quant à ce qui concerne ce dernier objet, voyez Hydrologie , où cette matiere sera discutée. Nous allons traiter ici de ce qui regarde les variations régulieres ou irrégulieres de l'écoulement des fontaines . En les considérant ainsi, les fontaines peuvent être divisées en trois classes: les uniformes , les intermittentes , & les intercalaires . Les uniformes ont un cours soûtenu, égal & continuel, & produisent du-moins dans certaines saisons la même quantité d'eau. Les intermittentes sont celles dont l'écoulement cesse, & reparoît à différentes reprises en un certain tems. Les anciens les ont connues. Voyez Pline, lib. II. cap. 103 . Les intercalaires sont celles dont l'écoulement sans cesser entierement, éprouve des retours d'augmentation & de diminution qui se succedent après un tems plus ou moins considérable. Les fontaines des deux dernieres classes se nomment en général périodiques . Dans les intermittentes la période se compte du commencement d'un écoulement ou d'un flux, à celui qui lui succede; de sorte qu'elle comprend le tems du flux & celui de l'intermission. La période des intercalaires est renfermée dans l'intervalle qu'il y a entre chaque retour d'augmentation, que l'on nomme accès: ensorte qu'elle comprend la durée de l'accès & le repos ou l'intercalaison dans laquelle l'écoulement parvient quelquefois à une uniformité passagere. Quelquefois aussi on n'y remarque aucun repos ou intercalaison, mais leur cours n'est proprement qu'une augmentation & une diminution successive d'eau. Si l'interruption dure trois, six ou neuf mois de l'année, les fontaines qui l'éprouvent se nomment temporaires ( temporales ou temporariae ) & en particulier maïales ( majales ), lorsque leur écoulement commence aux premieres chaleurs, vers le mois de Mat , à la fonte des neiges, & qu'il finit en automne. Les fontaines véritablement intermittentes qui ont attiré l'attention du peuple & des Philosophes, sont celles dont l'intermission ne dure que quelques heures ou quelques jours. Je crois qu'on peut rapporter à la classe des intercalaires les fontaines uniformes qui éprouvent des accroissemens assez subits & passagers après de grandes pluies, ou par la fonte des neiges. Enfin plusieurs fontaines présentent dans leurs cours des modifications qui les font passer successivement de l'uniformité à l'intermittence, & de l'intermittence à l'intercalaison, & revenir ensuite à l'uniformité par des nuances aussi marquées. Nous expliquerons tous ces différens phénomenes: & nous tâcherons de donner les dénoüemens de ces bisarreries apparentes. Nous ne parlons pas ici des fontaines à flux & reflux , qui avoient été imaginées avoir quelque rapport dans leur écoulement & leur intermission avec les marées. Après des examens refléchis, on a vû disparoître la prétendue analogie qu'on avoit cru trouver entre leurs accès & l'intumescence de la mer, & tomber totalement la correspondance imaginaire de leur réservoir avec le bassin de l'Océan. Nous ne croyons donc pas devoir nous astreindre à l'ancienne distribution des Géographes sur cet article. C'est une supposition révoltante que d'attribuer aux mouvemens des marées les accès des fontaines que l'on trouve au milieu des continens. Cependant il est très-possible que certaines sources situées à une très-petite distance des bords de la mer, ayent avec ses eaux une communication soûterreine; & pour lors je conçois que l'intumescence produira un refoulement jusque dans le bassin de ces sources, assez semblable à celui que les fleuves éprouvent à leur embouchure lors du flux. Mais cette cause n'agit point sur le méchanisme intérieur de l'écoulement des fontaines . On doit expliquer ainsi ce que Pline rapporte ( hist. nat. lib. II. cap. ciij. & lib. III. cap. xxvj. ) que dans une petite île de la mer Adriatique, près de l'embouchure de la riviere du Timavo, on trouve des fontaines d'eau chaude qui croissent & décroissent avec le flux & le reflux qui est sensible au fond du golfe. On les nomme bagni di monte falcone Cluvier en a fait une description exacte, & observe qu'ils ne sont qu'à deux traits d'arbalête de la mer. Il assûre qu'ils sont assujettis à des retours d'intumescence & de détumescence dépendans de ceux de la mer. Les sources mêmes du Timavo plus éloignées dans les terres, éprouvent, suivant le même historien, de semblables variations. Cluvier, Italia antiqua, lib. I. cap. xx. Kircher, mund. subt. lib. V. cap. vj. & Fallope, de aquis Therm. cap. iij. nous assûrent que ces mouvemens ont lieu, parce qu'un gouffre soûterrein dans lequel il s'engloutit une grande quantité d'eau, communique avec la mer qui reflue jusque-là, ou du moins soûtient les eaux de ce gouffre, & enfle par-là celles du bassin des sources du Timavo, avec lequel le gouffre s'abouche. Pour expliquer le méchanisme des fontaines périodiques, soit intermittentes, soit intercalaires, on a supposé des réservoirs & des siphons dans les entrailles de la terre. Et ces suppositions sont fondées sur l'inspection attentive de l'organisation que le globe présente en plusieurs endroits à sa surface. On rencontre dans les provinces de Derby & de Galles, en Angleterre, dans le Languedoc, dans la Suisse, des cavernes dont les unes donnent passage aux eaux qui y abordent de toutes parts, & d'autres les rassemblent & ne les versent qu'après avoir été remplies. Les coupes de ces cavernes qui s'offrent à découvert aux yeux des observateurs dans les pays montueux, nous autorisent à en placer au sein des collines, où se trouvent les fontaines périodiques. Quant aux siphons dont le jeu n'est pas moins nécessaire, nous les admettons avec autant de fondement. Dans les premieres couches de la terre, on observe, comme nous l'avons remarqué ci-devant, des courbures très-propres à donner aux couches qui contiennent les eaux pluviales, la forme d'un siphon; & d'ailleurs certaines lames de terres étant facilement emportées par des filtrations réitérées, les parois des couches supérieures & inférieures formeront une cavité ou un tuyau de conduite qui voiturera l'eau comme les branches d'un siphon cylindrique. De cette sorte le siphon sera un assemblage de petits conduits recourbés, pratiqués entre les couches de glaises, ou bien entre des rochers fendus & entre-ouverts, suivant une infinité de dispositions. Je conçois même que les siphons doivent se rencontrer précisément dans un endroit rempli de cavernes propres à faire l'office de réservoir. Supposons que les couches inclinées A B , ( Pl. Phys . fig. 78 . ) n'étant point soûtenues depuis C jusqu'en D , parce qu'il y a au-dessous une caverne C E D , se soient affaissées insensiblement, & qu'elles ayent quitté leur premiere direction & pris la situation C F; alors les couches inférieures A C avec C F forment un siphon dont les parties C F n'atteignent pas le fond de la caverne; & les autres vers A descendent plus bas que ce fond. Mais les portions supérieures des couches vers B conservant leur situation inclinée, & leur ouverture en D , formée par l'interruption des couches C F affaissées, pourront verser de l'eau dans la caverne. On voit par-là que la courbure du siphon en C , est moins élevée que l'ouverture des couches qui fournissent l'eau, ce qui est essentiel pour le jeu du siphon. Maintenant donc la cavité C E D recevant l'eau qui coule entre les couches entr'ouvertes en D , & qui s'y décharge avec plus ou moins d'abondance, se remplira jusqu'à ce qu'elle soit parvenue à la courbure du siphon en C . Alors le siphon joüant commence à épuiser l'eau de la caverne, & il cesse lorsque l'eau est descendue au-dessous de l'orifice de la plus courte jambe en F . Le jeu du siphon recommencera dès que l'eau fournie par les couches D , aura rempli la cavité au niveau de la courbure C . Cet écoulement sera suivi d'une intermission, & l'intermission d'un nouvel écoulement qui se succederont toûjours dans le même ordre périodique, tant que le canal d'entretien D fournira la même quantité d'eau. Ensorte que si le siphon décharge son eau dans des couches qui soient interrompues en A , ou dans un réservoir à cet endroit de la surface de la terre, il se formera une fontaine périodique. Voyez Siphon . On conçoit aisément que de la combinaison des siphons, des réservoirs, & des canaux d'entretien, il doit résulter des variations infinies dans l'écoulement des fontaines périodiques dont il suffit d'indiquer ici les plus singulieres; en un mot, celles que la nature nous offre en plusieurs endroits. Fontaines intermittentes . Pour qu'une fontaine soit intermittente, il est nécessaire que le siphon A C F entraîne plus d'eau que n'en fournit le canal d'entretien D . Car si ce dernier canal en décharge dans le réservoir autant que le siphon en peut vuider, l'écoulement du siphon sera continuel, parce que l'eau se soûtiendra dans la caverne toûjours à la même hauteur; & la fontaine formée par le produit du siphon en A , aura un cours uniforme. De ce principe & de la supposition du méchanisme précédent, nous tirons plusieurs conséquences capables de nous guider dans l'apprétiation des différentes variétés des fontaines intermittentes. 1°. Le tems de l'intermission ou de l'intervalle de deux écoulemensest toûjours égal à celui qu'employe le canal d'entretien à remplir le bassin de la caverne depuis l'orifice de la petite jambe du siphon F , jusqu'à sa courbure C . 2°. L'écoulement est composé de la quantité d'eau contenue dans le réservoir, laquelle s'y étoit amassée pendant l'intermission, & de celle que produit le courant d'entretien D pendant tout le tems que le siphon joüe. 3°. Ainsi connoissant le tems précis de l'écoulement & de l'intermission, on en tirera le rapport du produit du canal intérieur à la dépense du siphon. On voit effectivement que l'eau étant supposée couler avec une égale vitesse par le canal d'entretien & par le siphon, le calibre du siphon est à celui du canal d'entretien, comme le tems de la période entiere est à celui de l'écoulement; car ( n°. 2. ) le siphon vuide pendant le seul tems de l'écoulement, l'eau que le canal d'entretien fournit pendant l'intermission & l'écoulement. Or il est évident que les calibres de deux canaux par lesquels l'eau coule avec la même vîtesse, & qui versent la même quantité d'eau en tems inégaux, sont entr'eux dans le rapport renversé des tems. 4°. Le tems de l'écoulement & celui de l'intermission formant la période, la connoissance de la période & de l'écoulement donnera l'intermission; & de même la détermination de la période & de l'intermission décide la durée de l'écoulement. 5°. Si le canal d'entretien augmente son produit après des pluies abondantes ou pendant la fonte des neiges, il est clair que l'intermission sera plus courte & l'écoulement plus long que pendant la sécheresse où les couches de terre en D fournissent moins d'eau. Car le siphon employera plus de tems pour vuider la quantité d'eau qui coule en plus grande abondance dans le réservoir pendant le tems qu'il l'épuiseroit, si aucun canal ne s'y déchargeoit. A mesure que l'abondance de l'eau croîtra dans le canal d'entretien, l'intermission diminuera toûjours, & l'écoulement augmentera jusqu'à ce que le produit du canal étant précisement égal à la dépense du siphon, l'intermission disparoîtra, & la fontaine sera uniforme. Mais si la sécheresse vient à diminuer la quantité d'eau fournie par le canal d'entretien, la fontaine éprouvera des intermittences très-courtes & des écoulemens fort longs d'abord; & à mesure que l'eau diminuera dans le canal intérieur, l'intermission croîtra, & l'écoulement décroîtra proportionnellement. On voit par-là que lorsqu'une fontaine commence à être intermittente par la sécheresse, ou qu'elle cesse de l'être par le retour des pluies, elle doit éprouver des intermissions très-courtes & des écoulemens fort longs. 6°. Le rapport de l'intermission à l'écoulement est difficile à fixer; & il est visible qu'il ne peut être constant, & qu'il n'est pas aisé de limiter la période d'une fontaine , puisqu'elle peut éprouver des variations par la sécheresse ou par les pluies. C'est à ces variations que l'on doit principalement attribuer les différences qui se trouvent dans les descriptions que différens auteurs nous ont données de la même fontaine . Car alors ils peuvent l'avoir observée dans des circonstances capables de faire varier sensiblement les résultats dont ils ont déterminé l'étendue. Fontaines intermittentes composées . Les fontaines intermittentes éprouvent quelquefois une suite de petites intermittences & d'écoulemens, interrompue par une intermission considérable; & il est aisé d'en rendre raison. Soit ( Pl. Phys . fig. 79 . ) le réservoir ABC qui se décharge dans la cavité FKI d'une moindre capacite par le siphon DCE d'un calibre plus petit cue le siphon GFH , qui épuise l'eau de la cavité FKI . Je dis que la fontaine formée en H par le siphon GFH , éprouvera des intermittences & des écoulemens successifs qui dépendront en grande partie du rapport qu'il y aura entre le produit du siphon GFH & celui de DCE . Enfin tout le jeu de repos & d'accès se terminera par une interruption egale au tems employé par le canal A d'entretien, à remplir le reservoir ABC . Si le canal A devient assez abondant pour fournir à la dépense continuelle du siphon DCI , la grande interruption n'aura point lieu; les intermittences & les écoulemens se succéderont assez régulierement Ces accès de repos & de flux peuvent être considérés comme l'écoulement d'une fontaine à simple réservoir, & la longue interruption comme son repos. Et comme dans les fontaines à simple reservoir ( n°. 5. ) l'écoulement est tantôt plus long, tantot plus court, de même aussi la suite des intermittences & des flux, qui tient lieu d'écoulement dans les fontaines composées, doit varier par les mêmes causes. Si le petit réservoir IKF se vuidoit neuf fois pendant que le grand ne se vuide qu'une seule, & qu'il restât encore outre cela à moitié plein, la fontaine en H auroit alternativement neuf intermittences & dix intermittences par acces, entre chaque interruption considérable, suppose que le produit de la source A fut toûjours le même. En général le dernier réservoir étant dans un certain rapport de capacité avec le plus interieur, le nombre des intermittences & des écoulemens successifs sera égal à celui qui exprime combien de sois le plus petit est contenu dans le plus grand; & s'il y avoit une fraction, les retours auroient une intermittence & un écoulement de plus, après un nombre d'accès égal au numérateur de la fraction. 7°. Ces especes de fontaines ont encore cela de particulier, qu'à chaque accès d'écoulement & d'intermittence, le premier flux est plus long que le second, & le second plus long que le troisieme. On voit que c'est tout le contraire par rapport aux intermittences. Car le siphon DCE coulant plus vite dans le commencement de son acces que vers la fin, le réservoir IKF doit être par conséquent moins de tems à se remplir, & plus de tems à se vuider ( n°. 1. ) la premiere fois que la seconde. 8°. Fontaines intercalaires . Les fontaines intercalaires sont le produit d'un courant d'eau continuel & uniforme, combiné avec celui d'un siphon qui joue à plusieurs reprises. Soit la caverne DEC ( fig. 78 . ) qui a une ou plusieurs ouvertures par le bas en E , il est visible que l'eau coulera par ces ouvertures tant que le courant d'entretien D en déchargera dans le réservoir. Si le canal d'entretien est assez abondant pour le remplir jusqu'à la courbure du siphon malgré l'écoulement continuel du canal E , la source en A aura un cours uniforme en vertu de cet écoulement, & éprouvera de tems en tems des accès d'intumescence lorsque le siphon coulera, & des repos lorsqu'il cessera de jouer. Les deux canaux venant à se rencontrer à la surface de la terre vers A , la fontaine qui sera formée par leur concours sera intercalaire. Il est aisé de se convaincre que l'intercalaison ou l'intervalle qu'il y a entre les accès, dépend du tems qu'employe le courant d'entretien à remplir la caverne jusqu'à la courbure du siphon, en fournissant outre cela à la dépense du canal en E . C'est donc l'excès du produit du courant d'entretien D sur la décharge continuelle du canal E , qui fournit au jeu du siphon & à l'accès des intercalaires. Les retours de l'accès dépendent donc de l'abondance de l'eau dans le courant d'entretien, de la hauteur de la courbure du siphon FC , & de la capacité de la caverne DEC . Ainsi la période des intercalaires ne doit pas être plus constante que celle des intermittentes, parce que la sécheresse ou les pluies peuvent y causer plusieurs variations considérables: l'intercalaison sera sort longue & l'acces fort court, si l'eau produite par le canal d'entretien est peu abondante, que le réservoir ait peu de capacité, & que le calibre du siphon soit considerable. A mesure que l'eau augmentera dans la source intérieure, toutes choses restant d'ailleurs les mêmes, l'intercalaison sera plus courte & l'accès plus long; ensorte que le cours de la fontaine sera précisement une augmentation & une diminution successive d'eau sans aucune uniformité interposée. Si l'eau augmente de telle sorte dans le courant d'entretien, qu'il puisse fournir en même tems à la dépense continuelle du canal E , & à l'écoulement soûtenu du siphon FCA , la fontaine sera uniforme. En supprimant l'ouverture E ( fig. 78 . ) & supposant qu'il y en eût une autre G dans la cavité DGEC plus elevée que F , orifice de la courte jambe du siphon, & au-dessous de sa courbure en C , il résultera differens effets. Si le courant d'entretien peut seulement fournrir à ce canal en G , sa décharge produira une source continuelle & uniforme; si le courant d'entretien augmente, la cavité se remplira jusqu'à la courbure du siphon en C , qui coulera pour lors; & son produit se combinant avec celui du canal G , la fontaine qui en résultera, & qui aura d'abord été uniforme , éprouvera dans la suite des accès d'écoulement. Mais lorsque le siphon aura épuisé l'eau du réservoir jusqu'au niveau de l'orifice G , la fontaine perdra le produit de ce canal. Elle sera intercalaire, & lorsque le siphon aura cessé de couler, il y aura une intermittence jusqu'à ce que le courant d'entretien ait rempli le réservoir au niveau de l'ouverture G , & pour lors l'eau commencera à paroître dans le bassin de la fontaine . Après que le siphon & la décharge de l'ouverture G auront fait baisser l'eau au-dessous de G , si le siphon FGA entraine autant d'eau que la source intérieure D en peut fournir, la fontaine entretenue par G , en supposant qu'elle ait un bassin éloigné de la source que le siphon fournit, sera à sec, & l'eau n'y reparoîtra que lorsque le courant d'entretien D produira moins que la dépense du siphon. C'est par ce méchanisme que l'on peut expliquer pourquoi certaines fontaines , telles qu'il y en a plusieurs en Angleterre & ailleurs, coulent tout l'été ou dans la sécheresse, & sont à sec en hyver ou depuis les pluies. On voit que ces fontaines augmentent précisément lorsqu'elles sont sur le point de tarir, c'est-à-dire lorsque l'eau dans la caverne approche plus de la courbure C du siphon; elles seront plûtôt à sec si l'été est humide, & elles couleront plus tard après un hyver pluvieux. Toutes circonstances avérées par les observations. La marche contraire des autres sources vient aussi de la même cause différemment combinée. Tous ces effets dépendent, comme nous l'avons vû, des pluies: on ne peut donc en tirer aucune conséquence défavorable au système que nous avons embrassé sur la cause de l'entretien des sources, comme l'ont prétendu Plot & quelques autres Physiciens, aussi peu capables d'apprétier les faits que de les combiner. 9°. Lorsque les fontaines intermittentes cessent de l'être; elles éprouvent un peu après l'instant où l'intermittence devroit avoir lieu, une espece d'intercalaison, & leur cours ne consiste, comme nous l'avons vû, que dans un accroissement & une diminution successive d'eau, ce qui forme un accès sensible. Fontaines intercalaires composées . Ces sortes de fontaines ne sont précisément que les intermittentes composées, dont le jeu ( fig. 79 . ) se trouve combiné avec le produit d'un courant en L continuel & soûtenu, qui se réunit en H ; leur explication dépendra donc des principes que nous avons établis ci-devant ( n°. 7. ) Quoique nous ayons déjà vû comment les différens produits du courant d'entretien peuvent modifier les phénomenes des fontaines , il est aisé de faire voir comment un même méchanisme peut offrir successivement les différens caracteres que nous y a vons distingués, c'est-à-dire l' intercalaison , l' intermittence , & l' uniformité . Soient les deux reservoirs ABC , & IKF ( fig. 79 . ) qui communiquent par un siphon DC E . Le second reservoir a une ouverture par le bas en K . Si le canal d'entretien A fournit plus d'eau qu'il n'en faut pour faire couler continuellement le siphon DCE , le canal K versera continuellement de l'eau, & le surplus se déchargera par le siphon GFH , ensorte que la fontaine qui recevra le produit de ces deux courans, sera intercalaire. Mais si le courant A est assez abondant pour fournir à la dépense du canal K & du siphon GFH , ou même à la seule dépense de K , la source aura pour lors un cours uniforme; & si l'eau diminue de telle sorte qu'elle ne puisse fournir à l'entretien du siphon GF H , la fontaine en H sera intermittente. D'après le méchanisme que nous venons de développer, on a réalisé aisément le cours de ces sources, & rendu sensibles leurs effets par des fontaines artificielles, dont on peut voir les modeles dans un mémoire du pere Planque, & dans ceux que le savant M. Astruc a publiés sur l'histoire naturelle de Languedoc, page 283. dans les Transactions philosophiques, n°. 423 , & dans la Physique de Desaguliers, & dans nos figures qui en présentent les coupes. Nous observerons ici que ces machines présentent un moyen très-naturel de varier les effets des eaux jaillissantes ou courantes de nos jardins. L'art n'est jamais sans agrémens lorsqu'il imite la nature. En consequence de ces inventions par lesquelles on est parvenu à rendre trait pour trait les operations de la nature, on peut assurer que la structure intérieure des fontaines est telle qu'on l'avoit supposée d'abord. Car en remontant des effets à la cause avec tant de succès, on est tenté d'admettre pour vrai, après une discussion & une explication exacte des phénomenes, ces agens & cet échafaudage qui n'avoient été d'abord admis que comme possibles, & d'une maniere purement précaire. Quoi qu'il en soit, cette explication se trouve dans les pneumatiques de Heron d'Alexandrie, qui vivoit 120 ans avant l'ere chrétienne, sur-tout dans les premieres propositions de cet ouvrage. Pline le jeune, epistolar. lib. IV. epistol. xxx. après avoir parcouru plusieurs moyens assez peu raisonnables, tels que les vents soûterreins, le balancement des réservoirs, des mouvemens analogues aux marées pour expliquer les écoulemens singuliers de la fontaine de Côme, située près du lac de ce nom dans le duché de Milan, ajoûte: « N'y auroit-il pas plûtôt, dit-il, une certaine capacité dans les veines qui fournissent cette eau, de telle sorte, que lorsqu'elles sont épuisées, & qu'elles en rassemblent de nouvelles, le courant est moindre & plus lent, & devient plus considérable & plus rapide lorsque ces veines peuvent verser l'eau qu'elles ont recueillies ». An latentibus venis certa mensura, quoe dum colligit quod exhauserit, minor rivus & pigrior; cum collegit, agilior majorque prosertur? On voit que Pline a senti ce que les Physiciens modernes ont développé avec plus de précision. On peut consulter Kircher, mund. subterran. lib. V. sect. 5. cap. jv. le cursus mathematicus de Dechalles, le voyage des Alpes de Scheuchzer, en 1723. tome II. page 404. les Trans. philos. n°. 204. & 423. enfin les mémoires sur l'histoire du Languedoc . Opinions populaires sur les fontaines périodiques , Quoiqu'il se trouve parmi les auteurs une certaine tradition assez suivie, qui a transmis ces explications de phénomenes singuliers, le peuple pour qui les Philosophes n'écrivent guere, a toûjours été livré à la vûe de ces vicissitudes dont il ignoroit la cause, à des croyances superstitieuses, qui dans les matieres physiques, sont toûjours son partage. Quand même il pourroit saisir la simplicité du méchanisme caché qui produit à ses yeux ces effets, il ne s'y attachera jamais, parce que ce méchanisme ne peut pas tenir lieu dans son imagination de ces idées merveilleuses dont il aime à se repaître. Pline, lib. XXXI. cap. ij. observe que les Cantabres tiroient des augures de l'état où ils trouvoient les sources du Tamaricus, (aujourd'hui la Tamara dans la Galice). Dirum est non profluere, eos aspicere volentibus . Il appuie même ces prétentions sur un fait: Sieut proximè Lartio Licinio legato post praeturam, post septem enim dies occidit . Le propre de l'esprit de superstition est de réunir en preuves de ses pretentions des circonstances qui n'ont aucune liaison. Combien de gens n'avoient pas vû couler les sources du Tamaricus, sans éprouver le sort du préteur romain? Mais un seul fait éclatant tient lieu de toutes les petites circonstances où la vertu de la fontaine auroit paru se démentir: & d'ailleurs les impressions funestes sont pour les grands. Les prêtres des dieux qui tenoient registre des tems où ces sources couloient, pouvoient moyennant des salaires honnêtes procurer la satisfaction & l'assûrance de voir couler les sources; & cette cause a de tout tems contribué à entretenir des dupes. Voyez Augure , Aruspices , Miracle , Oracle , &c. Dans des tems moins reculés, nous retrouvons ces préventions répandues parmi les habitans des cantons qui avoisinent certaines sources singulieres. Le pere Dechalles rapporte qu'on croit en Savoie que la fontaine de Haute-combe ne coule point en presence de certaines personnes; & M. Atwell a trouvé les mêmes idees dans les habitans de Brixam au sujet de la source périodique de Lawyell, dont nous parlerons dans la suite. Scheuchzer assûre de même que les habitans du mont Eng. Shen tiennent pour certain que la fontaine périodique qui y prend sa source, cesse de couler lorsqu'on y lave quelque chose de sale, &c. Scheuchzer lui-même qui s'étoit élevé dans son second voyage contre cette crédulité, y revient dans son cinquieme, & paroît ébranlé par le témoignage constant des habitans du voisinage qu'il a pu consulter. Une autre espece de propriété qu'on a plus constamment attribuée aux fontaines , est celle de prédire l'abondance ou la stérilité. Pierre Jean Fabre, medecin de Castelnaudari, prétend que les habitans de Bellestat en Languedoc pouvoient juger des années par le cours de Fontestorbe; il ajoûte même que le cours continuel & uniforme de cette fontaine en 1624 & 1625 annonçoit la conversion des Prétendus-Réformés. C'est ainsi que Séneque nous assûre que deux années de basses eaux du Nil avoient présagé la défection d'Antoine & les malheurs de Cléopatre, lib. III. quoest. natur . Plot, dans son discours sur l'origine des fontaines , fait mention à chaque page de ces prédictions d'années stériles ou abondantes: ces présages, au reste, peuvent avoir une cause physique aisée à saisir. On sçait que certaines années pluvieuses ou seches, sont stériles ou abondantes. Une fontaine qui éprouvera dans son cours des variations qui seront dépendantes de la sécheresse ou des pluies, sera une espece de météorometre qui la plûpart du tems rendra des réponses assez justes. Application de nos principes à un exemple . Il ne nous reste maintenant qu'à faire l'application des principesque nous venons de développer, aux résultats des observations exactes & précises que l'on a faites sur une de ces fontaines singulieres: nous nous attacherons à celle de Fontestorbe, sur laquelle nous avons des détails assez circonstanciés pour y essayer une méthode de calculs, & en tracer le modele aux observateurs qui auront quelques-unes de ces fontaines à examiner. Fontestorbe, c'est-à-dire, suivant la langue du pays, fontaine interrompue ou intermittente , est près de Bellestat dans le diocese de Mirepoix: à ce village une chaîne de montagnes assez élevées qui occupe l'espace d'une lieue, vient se terminer par des rochers escarpés qui forment un antre spatieux & profond de quatre à cinq toises, & dont l'ouverture est de quarante piés de large sur trente de haut: c'est de cet antre que sort Fontestorbe. Cette fontaine est intermittente pendant la sécheresse en Juin, Juillet, Août & Septembre, tantôt plûtôt, tantôt plûtard, suivant que ces mois sont plus ou moins pluvieux. Si le printems ou le commencement de l'été ont donné beaucoup de pluies, l'écoulement de Fontestorbe est plus long qu'à l'ordinaire, & son intermission plus courte. On observe même que dans le tems que cette fontaine a repris son intermittence en été, son cours devient soûtenu & uniforme après deux ou trois jours de pluies abondantes; & l'intermittence ne reparoît que dix ou douze jours après. Si l'automne est seche, l'intermittence se prolonge au-delà de Septembre; & même paroît encore en Novembre, Décembre, & Janvier, si les neiges qui tombent sur les montagnes ne se fondent pas: mais lorsque cette fonte a lieu, ou que ces mois sont pluvieux, Fontestorbe coule uniformément & plus abondamment que dans le plus fort de ses écoulemens périodiques. Elle suffit malgré cela dans ses accès, après avoir mêlé ses eaux à celles de la petite riviere de Lers, à la dépense d'un moulin à soie & d'un autre à forge qui se trouvent à quelque distance au-dessous. Le tems de son intermittence est ordinairement en été, suivant M. Astruc, de 32'. 30". l'écoulement dure 36'. 35". & par conséquent sa période est de 69'. 5". Selon les observations du P. Planque de l'Oratoire, qui considere cette fontaine comme intercalaire, l'accès est de 44'. l'intercalaison ou diminution de 17'. ce qui donne 61'. pour sa période: mais ce pere l'a observée en Octobre, où la source est plus abondante; car les pluies & la sécheresse dérangent considérablement les proportions de ses intermittences & de ses écoulemens. Ainsi lorsque la fontaine commence à devenir intermittente, ou qu'elle cesse de l'être (n°. 5.), le tems de l'intermission est beaucoup plus court, & celui de l'écoulement beaucoup plus long que nous ne l'avons indiqué ci-devant. Ce qui fait considérer cette fontaine comme intercalaire par le P. Planque, c'est qu'il coule continuellement au-dessous de son bassin des filets d'eau. Avant que l'eau commence à couler dans le bassin extérieur de la fontaine , on entend un bruit sourd; & ce bruit précede l'écoulement d'environ douze minutes. Tels sont les principaux faits auxquels nous allons appliquer notre théorie. Si l'on suppose maintenant dans l'intérieur de la montagne deux réservoirs à différente hauteur qui communiquent par le moyen d'un siphon, dont la plus courte jambe réponde vers le fond du réservoir supérieur; on a toutes les pieces nécessaires pour la solution des phénomènes dont nous venons de voir le détail. Cet antre, ces rochers escarpés, le bruit sourd de l'eau qui tombe dans des cavités, autorisent la supposition des réservoirs & des siphons. Je considere d'abord que l'écoulement du siphon commence environ douze minutes avant que l'eau parvienne à la fontaine; & de même, le siphon a cessé de joüer avant que l'eau cesse de couler dans le bassin extérieur: j'évalue ce tems à huit minutes, parce que l'eau coule plus lentement sur la fin qu'au commencement de l'accès. Par conséquent, pour avoir le tems de l'écoulement vrai, il faut ajoûter 12'. moins 8'. à 36'. 35". ce qui produit 40'. 35". De même l'intermission vraie ne sera plus de 32'. 30". mais de 28'. 30". & la période entiere de 69'. 5". ainsi le siphon verse en 40'. 35". l'eau fournie par le canal intérieur pendant le même tems, & pendant l'intermission de 28'. 30". (n°. 2.) Son calibre est à celui du courant d'entretien environ comme 829 à 486. (n°. 3.) mais s'il arrive que l'eau abondante se décharge par d'autres canaux dans le réservoir, l'intermission vraie durera moins que 28'. 30". & l'écoulement vrai plus que 40'. 35". L'écoulement augmentera jusqu'à ce qu'il devienne continuel (n°. 5.), c'est-à-dire lorsque l'eau fournie au réservoir supérieur égalera la dépense du siphon: & alors le cours de Fontestorbe est uniforme, comme les observations nous l'indiquent en hyver, ou dans des circonstances qui nous font envisager une augmentation d'eau. Mais si la sécheresse se fait sentir dans les couches qui fournissent au bassin, l'intermission commencera à paroître, ira toûjours en croissant, & l'écoulement en décroissant. Quand Fontestorbe commence ou qu'elle cesse d'être intermittente, ses intermissions (n°. 4.), sont si peu considérables que les eaux du bassin inférieur où se décharge le siphon, ne sont pas encore écoulées & parvenues au bassin de la fontaine , avant que le siphon recommence à en verser de nouveau, surtout si l'interruption est moindre que huit minutes. Ainsi l'eau diminuera un peu dans la fontaine , & éprouvera incontinent une certaine augmentation; ce qui fera paroître Fontestorbe intercalaire (n°. 10). Détail des principales fontaines périodiques . Nous allons maintenant parler plus succinctement des autres fontaines périodiques dont les détails nous semblent les plus assurés, sans donner pour certains les faits qui n'ont pas pour garans des observateurs exacts. Pline, lib. II. cap. ciij. parle d'une fontaine qui étoit à Dodone, dont l'écoulement cessoit tous les jours à midi, & reparoissoit avec abondance à minuit; ce qui lui faisoit donner le nom de fontaine intermittente , telle qu'elle étoit en effet. Le même historien rapporte que dans l'île de Ténédos une fontaine débordoit tous les jours après le solstice d'été, depuis neuf heures du soir jusqu'à minuit; elle étoit temporaire & intercalaire. Trois des sources du Tamaricus, riviere de la Cantabrie, aujourd'hui la Tamara en Galice, sont à sec, suivant Pline, lib. XXXI. cap. ij. pendant douze ou même vingt jours; tandis qu'une autre source près de-là coule avec abondance & sans interrupruption. Nous avons parlé ci-devant du mauvais présage qu'on tiroit de leur intermittence. Josephe, lib. VII. c. xxjv. de la guerre des Juifs , rapporte qu'en Syrie entre les villes d'Arce & de Raphanées, une riviere appellée Sabbatique étoit à sec pendant six jours, & couloit le septieme. Pline, lib. XXXI. cap ij. dit au contraire qu'elle couloit pendant six jours, & qu'elle étoit à sec le septieme. Dominique Magrius, suivant Kircher, mundi subterran. lib. V. sect. 4. cap. jv. a été témoin de ce phénomene. Brynolphe Suénon dit avoir vû en Islande, à deux milles & demi de Skalholt, capitale de l'île, une fontaine périodique d'eau chaude. Elle annonce son accès par des bouillons qui s'élevent du fond de son bassin, le remplissent, & s'élancent enfin par-dessus les bords. La fontaine se soûtient une heure dans cet état; après quoi elle baisse & laisse à sec le bassin: son intermission est de 23 heures. Voyez ce détail dans les ouvrages de Saxon. Childrey fait mention de plusieurs sources intermittentes dans son traité des curiosités d'Angleterre; il en place une près de Buxton dans la province de Derby, qui coule chaque quart-d'heure, page 190. Le même auteur parle aussi, page 160. d'une autre qui présente à-peu-près les mêmes variations. Elle est située à Giggleswich, à un mille de Settle dans la province d'Yorck; & page 296. d'une troisieme située dans la province de Westmorland, près du fleuve de Loder, laquelle coule plusieurs fois par jour. Mais la plus singuliere de toutes celles de l'Angleterre, est la source de Lawyell près de Brixam, dans la province de Devonshire, à un mille de la mer. Elle est adossée au revers d'une chaîne de montagnes assez considérable, & sort du pié d'une colline; elle est proprement intercalaire composée (n°. 11). Il y a un courant d'eau qui se décharge continuellement dans le bassin principal: lorsque l'accès s'y fait sentir, de petites sources voisines éprouvent un écoulement qui dure autant que l'accès. On remarque dans ces instans, à différentes reprises, une augmentation d'eau considérable dans le bassin, suivie alternativement d'une diminution aussi sensible. Ces flux & ces repos intercalaires se répetent, & même seize fois pendant une demie-heure; c'est-à-dire que chaque flux & chaque repos dure environ deux minutes. Cependant sur la fin de l'accès, le flux produit moins d'eau, & il dure moins qu'au commencement (n°. 8). Il y a même beaucoup de variations dans le nombre de ces révolutions périodiques & dans leur durée; variations toûjours dépendantes de la pluie ou de la sécheresse. Ces phénomenes s'expliquent, comme nous avons vû aux fontaines intercalaires composées (n°. 9.), par deux courans, dont l'un traverse deux siphons & deux réservoirs, & l'autre coule immédiatement & continuellement dans le bassin de la fontaine; c'est le courant qui enfile les deux réservoirs, qui produit cette suite de flux & du repos; & l'autre le cours uniforme. Voyez Transact. philosophiq. n°. 423 . Près de Paderborn en Westphalie, une fontaine intermittente appellée Bolderborn , c'est-à-dire bruyante , coule & est à sec deux fois le jour: ses accès s'annoncent par un grand bruit. Transact. philos. 1665. n°. 7. & Varen. Géog. gen. cap. xvij. propos. 18 . Dans le palatinat de Cracovie, on trouve sur le sommet élevé d'une montagne adossée à celles de Hongrie une fontaine qui sort de son bassin avec impétuosité par des secousses continuelles qui la font monter en certains tems & baisser en d'autres. On avoit crû remarquer que ces accroissemens & décroissemens étoient dépendans des phases de la Lune, mais sans un examen assez approfondi. Voyez la relation qu'en a publiée le P. Denis; & le P. Rzeczinski, hist. natur. Polon . Dans le royaume de Cachemire, on voit une fontaine qui au mois de Mai, tems où les neiges fondent, coule & s'arrête régulierement trois fois en 24 heures, au commencement du jour, sur le midi, & à l'entrée de la nuit: son écoulement est pour l'ordinaire de trois quarts d'heure, & son produit assez abondant pour remplir un réservoir en quarré de 10 à 12 piés de large, & d'autant de profondeur: après les quinze premiers jours, son cours n'est plus si régulier ni si abondant. Elle tarit enfin, & reste à sec le reste de l'année. Cependant après de longues pluies elle coule sans intermittence & sans ordre, comme les autres fontaines : ainsi elle est maïale, intermittente, & uniforme. Bernier, voyage de Cachemire, p. 160. Varenius place au Japon une fontaine thermale & périodique. Ses écoulemens se répetent deux fois par jour, & durent une heure; l'eau en sort avec impétuosité, & forme près de-là un lac brûlant. Son eau est, dit-il, plus chaude que l'eau bouillante. Varenius, cap. xvij. prop. 18. rapporte ces details sur la foi d'un certain Caron, qui a été à la tête de la compagnie des Indes d'Hollande. Près du lac de Côme dans le duché de Milan, à sept milles de la ville de Côme, est une fontaine que Pline le jeune a décrite au long, lib. IV. epistol. 30. elle hausse & baisse trois fois le jour par des retours périodiques. Deux historiens de la ville de Côme, Thomas Porcacchi & Benoît Jove, confirment ce qu'en dit Pline. Ils ajoûtent que près de celle ci que l'on nomme fontaine de Pline , est une autre source sujette aux mêmes variations; elle est intermittente & uniforme, suivant les tems de secheresse ou de pluie. La fontaine des merveilles près de Haute-Combe en Savoie, presque sur les bords du lac Burges, coule & cesse de couler deux fois par heure. Ses écoulemens sont précédés d'un grand bruit; l'eau en est si considerable, qu'elle fait tourner un moulin. Le P. Dechalles qui l'a vûe, assûre qu'elle tarit entierement par la secheresse; que pendant les pluies elle coule douze fois par heure. Ce même pere parle aussi d'une autre, située au village de Puis-Gros, à deux milles de Chamberi, qui est quelquefois entierement à sec. Après les plures, elle coule par intervalles quelquefois dix & vingt fois de suite, de forte qu'à peine le tems d'un ecoulement à l'autre suffit pour laisser vuider son bassin. Elle éprouve beaucoup de variations dans ses intermittences. Scheuchzer, dans ses itinera alpina , fait mention de trois fontaines périodiques La premiere ( tome II. pag. 401. ) nommée andem Burgenberg , coule du pié d'une montagne dans le canton d'Underwald; elle est non seulement maïale, mais encore périodique intermittente. Ses écoulemens paroissent huit ou dix fois par jour. La seconde ( tom. I. pag. 27. ) est la fontaine d'Hen Shen dans le comté de Berne, au bailliage de Thun; elle est maïale & intermittente comme la premiere. Il n'y a rien de constate sur ses périodes, ainsi que sur celles de la troisieme nommée Lugibacq , c'est-à-dire menteuse , qui est située près d'une glaciere dans le canton d'Underwald; elle est temporaire & intermittente, tom. II. pag. 485 . Nous ferons observer ici que ces fontaines prennent leur source dans les croupes de montagnes, aux sommets desquelles les neiges forment des réservoirs & des lacs, dont les eaux se filtrent dans les cavernes intérieures des collines, qui présentent partout au-dehors des antres, des ruptures, des rochers entr'ouverts, & tout ce qui annonce la grande possibilité des réservoirs & des siphons que nous avons supposés d'abord. Piganiol de la Force ( Descrip. de la France, tome VIII. pag. 480. ) parle d'une fontaine périodique, située sur le chemin de Touillon à Pontarlier, en Franche-Comté. Quand le flux va commencer, on entend un bouillonnement, & l'eau sort aussitôt de trois côtés en formant plusieurs petits jets arrondis, qui s'elevent peu-à peu jusqu'à la hauteur d'un pié. Ensuite ces jets diminuent en aussi peu de tems qu'ils ont mis à s'élever, & tout ce jeu dure environ un demi-quart d'heure. Le repos de l'intermission est de deux minutes. Au reste rien de fixe dans ses variations. Il est parlé fort succinctement dans l'ancienne histoire de l'académie des Sciences, lib. III. cap. iij. de deux sources périodiques situées en Franche Comté, dont l'une est salée & l'autre douce, & dont les écoulemens n'étoient assujettis à aucune regle. Celle que nous venons de déduire, sera probablement une des deux. On trouve près de Colmar, dans le diocèse de Senes en Provence, une fontaine qui coule huit fois dans une heure, & qui s'arrête autant de sois. Un leger murmure annonce ses accès. Gassendi assure que sa période est assez constante dans tout le cours de l'année. La seule inégalité qu'on y ait observée, est que l'intermission dure huit, sept ou six minutes; variations qui ont pour principe les pluies. Gassendi, physic. sect. 3. lib. I. cap. vij . Fonsanche dans le diocese de Nîmes, entre Sauve & Quissac, sort de terre à l'extrémité d'une pente assez roide, adossée à une longue chaine de montagnes nommée Coutach; elle coule assez régulierement deux fois dans vingt-quatre heures, & eprouve deux intermissions dans le même tems. Chaque écoulement est de sept heures vingt-cinq minutes, & chaque intermission de cinq heures. Les écoulemens & les intermissions retardent environ cinquante minutes chaque jour, par rapport aux mêmes effets du jour précédent. Ce qui est très-evident, puisque le tems des deux ecoulemens & des deux intermissions surpasse vingt-quatre heures de cinquante minutes. Ces deux ecoulemens en vingt-quatre heures & le retard de cinquante minutes, si conformes aux variations des marées, ont fait illusion, & on a regardé long-tems Fonsanche comme une fontaine à flux & reflux: mais comment aller chercher la mer de Gascogne à 130 lieues, la mer Méditerranée ne produisant point sensiblement ces effets sur les côtes de Languedoc? D'ailleurs ceux qui cherchent des analogies entre des effets qui n'en ont point, doivent être déconcertés par une observation constante: c'est que Fonsanche, après de grandes pluies, a un cours uniforme, & qu'elle ne reprend son intermittence qu'après que les pluies ont eu leur écoulement. M. Astruc, ( mem. pour servir à l'hist. de Languedoc ) a vû & observe cette fontaine . Catel, dans ses mémoires sur l'histoire du Languedoc, pag. 171. parle d'une espece de fontaine périodique appellée Vieissan , dans le diocese de Beziers, laquelle sort d'une montagne du même nom, à une demi-lieue de Rochebrune, & se rend dans la riviere d'Orb. Cette fontaine est intermittente, & dans ses flux jette de l'eau comme la jambe d'un homme su vant Catel. On en place une aussi en Poitou près du village de la Godiniere; une autre au village de Dorgues, à deux lieues & demie de Castres en Languedoc; une à Marsac près de Bordeaux, & une quatrieme à Varins près de Saumur. Nous ne les rappellons ici, ainsi que quelques autres qui précedent, que pour engager des observateurs exacts de constater leur état qui paroît incertain, lorsqu'ils se trouveront à portée de le faire. J'ajoûterai ici comme un phénomene analogue, celui que la source de la Reinette à Forges offre vers les six à sept heures du soir & du matin. L'eau de cette source se trouble, devient rougeâtre, & se charge de floccons roux, sans être plus abondante dans ces changemens. Je serois porté à croire que cette eau se charge des sédimens qui se sont amassés au fond d'un reservoir, qu'un siphon a puisé deux fois en vingt-quatre heures; & comme l'ouverture de la source n'est pas assez considérable pour épuiser l'eau du siphon à mesure qu'elle coule, elle n'éprouve ni intermittence ni accès. Il suffit de supposer pour cela, que l'intermittence & l'écoulement du siphon soient de douze heures, & que le réservoir immédiat de la source vuide le produit du siphon pendant le tems de son intermittence & de son écoulement. On peut rapporter au même méchanisme les singularités de quelques étangs; les uns situés au milieu des continens, sont pleins pendant la sécheresse, & presqu'à sec pendant les pluies; d'autres assez près de la mer ou des rivieres qui ont flux & reflux, baissent quand la marée est haute, & montent quand la marée est basse. Pour le premier cas, il suffit de supposer que pendant la sécheresse l'eau ne s'éleve pas assez dans ces étangs pour parvenir jusqu'au coude d'un siphon, par lequel ils communiquent à quelque caverne inférieure, où le siphon décharge leurs eaux, lorsque par l'abondance qui est la suite des pluies, elle s'éleve jusqu'au coude du siphon: en conséquence de cette évacuation, l'étang est moins plein que pendant la sécheresse. Tel est l'étang de Lamsbourne dans le Berskshire en Angleterre. Transact. philosoph. 1724, n°. 384; & Desagul. phys. expérim. pag. 180. II. vol. Pour le second cas, il est aisé de supposer que quand la mer est haute, elle se décharge dans quelque réservoir qui communique par des canaux ou siphons soûterreins à ces étangs singuliers; & comme l'eau ne commence à couler dans le siphon que dans le tems de la haute mer, elle ne produit d'effet sensible dans l'étang que lorsque la mer s'est retirée; ensuite quand la mer monte, le siphon est arrêté; & l'étang ayant répandu ses eaux dans des soûterreins, il est presqu'à sec quand la marée est arrivée à son plus grand degré de hauteur. Tel est l'étang de Greenhive, entre Londres & Gravesand; tel est probablement le puits singulier de Landerneau. Hist. de l'académie, 1717, pag. 9. Nous ne parlerons pas ici des fontaines simplement temporaires & maïales; on en trouve par-tout, surtout dans des endroits où les glaises & les roches recueillent les eaux de l'hyver, ou bien dans les montagnes couvertes de neiges: leur écoulement au reste n'a d'autre principe que l'eau des pluies, qui s'insinue entre les premieres couches de la terre, & dont l'écoulement n'est pas assujetti au jeu d'un siphon, ni à celui des autres pieces compliquées, dont nous avons donné le détail & l'application. On peut expliquer par le méchanisme des fontaines périodiques, un phénomene singulier que présentent certaines cavernes. Près de Salfedan dans les montagnes des environs de Turin, on trouve un rocher entr'ouvert par une fente, perpendiculairement à l'horison; pendant un certain tems il en sort un courant d'air assez rapide pour repousser au-dehors les corps legers qu'on expose à son action; ensuite l'air y est attiré, & il absorbe les pailles & ce qu'il peut entraîner. Un semblable rocher dans la Thuringe aspire l'air & l'expire aussi sensiblement: je dis donc que cette espece de respiration a pour principe le mouvement d'un siphon. Tandis que l'eau soûterreine qui se décharge dans la caverne, n'est pas parvenue au niveau de l'orifice inférieur du siphon, l'air s'échappe de la caverne par le siphon, à mesure que la caverne se remplit; mais il sort ensuite par la fente du rocher, lorsqu'il n'a plus l'issûe du siphon, & que l'eau d'ailleurs versée par le canal d'entretien, le comprime. Il y rentre lorsque l'eau coule abondamment par le siphon, & que la cavité se vuide. Cet article est de M. Desmarest . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaine artificielle Author=d'Alembert Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Fontaine artificielle Fontaine artificielle , ( Hydr. ) on appelle ainsi une machine, par le moyen de laquelle l'eau est versée ou lancée. De ces machines, les unes agissent par la pesanteur de l'eau, les autres par le ressort de l'air. Du nombre des premieres sont les jets d'eau, qui tirant l'eau d'un réservoir plus élevé, & la recevant par le moyen des tuyaux pratiqués sous terre, élevent cette eau à une hauteur à-peu-près égale à celle du réservoir. Voyez Jet-d'eau & Ajutage . En disposant les ajutages selon différentes directions, on aura une fontaine ou jet-d'eau, qui lancera l'eau suivant des directions différentes. Voyez fig. 18 . Hydrodyn . On peut même, au lieu de différens ajutages, se contenter de pratiquer des ouvertures différentes à un même tuyau, comme on le voit fig. 19 . Ouvrant le robinet qui est en C , l'eau s'échappera par ces ouvertures & couvrira les spectateurs qui ne s'y attendent pas. Si on place sur l'orifice de l'ajutage une petite boule A ( fig. 21 . ), elle sera élevée par l'eau qui monte, & se soûtiendra toûjours en l'air pourvû qu'on soit dans un lieu où il ne fasse point de vent. Si à l'orifice de l'ajutage on ajuste une espece de couvercle lenticulaire AB ( fig. 22 . ) percé d'un grand nombre de petits trous, l'eau jaillira en forme de petits filets, & s'éparpillera en gouttes très-fines. Enfin si on soude au tube AB ( fig. 23 . ) deux segmens de sphere séparés, mais assez proches l'un de l'autre, & qu'on puisse éloigner ou rapprocher par le moyen d'une vis, l'eau sortira en forme de nappe. Construction d'une fontaine qui joue par le ressort de l'air. DDBB ( fig. 17 . Hydrauliq. ) est un vaisseau cylindrique, percé en-bas dans le fond BB , d'un petit trou, par lequel on verse l'eau dans la fontaine , & que l'on peut fermer à l'aide d'une vis-Il y a en-haut sur le couvercle DD un robinet E , par le moyen duquel on peut ouvrir ou fermer ce vase. A ce robinet tient un tuyau KC , qui pénetre le milieu du vase & va se rendre jusqu'au fond où il s'ouvre en C . On enchâsse au-haut du robinet un petit tuyau M , qui a une petite ouverture par laquelle l'eau jaillit. On met de l'eau dans ce vase, sans l'emplir entierement, mais seulement jusqu'à la hauteur AA ; on presse ensuite l'air par le tuyau KC dans le vase. par le moyen d'une pompe foulante, attachée proche du robinet en M ; l'air qui est beaucoup plus leger que l'eau, passe à-travers en montant en-haut, & remplit l'espace ADDA . Lorsqu'on a ainsi pressé une grande quantité d'air dans ce vase, on le ferme avec le robinet E; & après en avoir retiré la pompe foulante, on y met le petit tuyau. L'air enfermé dans l'espace DA, DA , comprimant l'eau proche de AA , il la pousse en-bas, & la fait entrer & monter ensuite dans le tuyau CK ; lors donc qu'on tourne le robinet E , l'eau sort par la petite ouverture, & forme un jet qui s'éleve avec beaucoup de rapidité, mais qui va toûjours en diminuant de hauteur & de force, à mesure que l'eau du vase baisse & que l'air en se dilatant la comprime moins. Quand toute l'eau est sortie, l'air s'élance lui-même avec bruit & sifflement par le tuyau. Mussch. Essai de Phys. §. 1386 . La figure 20 . représente une machine à-peu-près semblable, mais en petit. Cette boule se remplit d'eau jusqu'à la moitié, & fait entrer dans la partie vuide de la boule de l'air comprimé, qui oblige l'eau à monter par le tuyau DAC , & à jaillir par l'extrémité C . Fontaine qui commence à joüer dès que l'on allume des bougies, & qui cesse quand on les éteint . Prenez un vase cylindrique CD ( fig. 25 . ); appliquez-y des tubes AC, BF, &c. ouverts par en-bas dans le cylindre, de maniere que l'air puisse y descendre. Soudez à ces tubes les chandeliers H, &c. & ajustez au couvercle creux du vase inférieur CF un petit tube ou ajutage FE , avec un robinet G , qui aille presque jusqu'au fond des vases. Il y a en G une ouverture, garnie d'une vis, afin que par cet orifice l'on puisse verser l'eau en CD . Dans cet état, si l'on allume les bougies H, &c. leur chaleur raréfiant l'air contenu dans les tubes contigus, l'eau renfermée dans le vase commencera à jaillir par EF. Wolf & Chambers . Fontaine de Heron , ainsi nommée de son inventeur Heron d'Alexandrie, & qui a été perfectionnée ensuite par Nieuwentit. AB ( fig. 24 . ) est un tuyau par lequel on verse de l'eau dans le bassin inférieur C , lequel étant plein de même que le tuyau AB , l'air est poussé du bassin C par le tuyau DE dans le bassin F; cet air est par conséquent comprimé par le poids de l'eau AB , de sorte que sa force élastique pousse en-bas par le tuyau GL l'eau, qui se trouve dans le bassin F. L'eau coulant alors par le tuyau GL dans le second bassin inférieur M (qui est séparé du bassin C par une cloison OQ , placée entre les deux tuyaux), pousse en-haut l'air qu'il contient par le tuyau NP; cet air passe dans le second bassin supérieur, & étant alors comprimé par l'eau, qui est dans le tuyau GL , il pousse l'eau par sa force élastique dans le tuyau RS , en forme de jet. Mussch. §. 1387. Fontaine ou vase dont on tire autant de vin que l'on y verse d'eau, de sorte que l'eau paroit changée en vin . Le petit vase BM ( fig. 25 . n°. 2. ) a une cloison CD . On emplit d'abord la cavité inferieure avec du vin par un petit trou qui est dans le fond, & que l'on ferme à l'aide d'une vis N . Le tuyau supérieur ABP , s'étend jusqu'à la cloison CD; on y verse de l'eau, qui comprime par son poids l'air renfermé dans cette cavité supérieure, & le force de passer par l'autre petit tuyau SR , qui pénetre à-travers la cloison jusqu'à la cavité inferieure; cet air comprime par conséquent le vin de la cavité inférieure, lequel il fait monter dans le petit tuyau GC , & couler ensuite par le petit robinet O . Mussch. §. 1388 . Fontaine de Sturmius, laquelle joue ou s'arrête à la volonté de celui qui la fait aller. ABB ( fig. 25 . n° 3. ) est un vase exagone, haut & creux, fermé en-haut & en-bas: il y a au milieu un tuyau DC , ouvert de chaque côté, & qui monte presque jusqu'en-haut dans le vase proche de C: on voit au-bas sur les côtés six petits tuyaux fort menus KK , qui sortent hors du vase, & par lesquels l'eau s'écoule. Le bout inferieur du tuyau proche de D , s'ajuste exactement en E dans un autre tuyau EF , fermement attaché au bassin M; ce tuyau EF est percé en-bas & de côté proche de F: il se trouve encore dans le bassin, directement au-dessous du tuyau EF , une autre ouverture comme G , par laquelle l'eau qui est tombée dans le bassin, après s'etre écoulée par le trou F , commence à se dégorger dans un autre vaisseau N: on peut fermer exactement cette ouverture G à l'aide d'une longue coulisse GL . Lorsqu'on veut emplir d'eau cette fontaine , on la tire du tuyau EF , en ôtant le tuyau EC de l'ouverture E , &, après l'avoir renversée, on y verse de l'eau par le tuyau DC jusqu'à ce qu'elle soit pleine: on la retourne ensuite, & on la remet dans le tuyau EF ; le poids de l'eau la fait alors couler par les petits tuyaux KK . Lorsqu'on tire la coulisse GL dehors, de sorte que le trou de la coulisse & le trou G s'ajustent l'un sur l'autre, alors l'eau qui vient des tuyaux KK peut passer librement par ces trous & tomber dans le bassin N , & la fontaine continuera de couier aussi longtems que le bassin ABB peut fournir de l'eau. Mais quand on bouche un peu le trou G par la coulisse L , en sorte que l'eau qui tombe par KK ne puisse passer en même quantité par G , le trou F se trouve enfin bouché par l'eau, ce qui empêche en même tems que l'air ne puisse pénétrer dans le tuyau DC , ni dans le vase ABB; l'eau cependant ne cesse de s'écouler par les tuyaux KK , jusqu'à ce que l'eau du vase ABB , avec l'élasticité de l'air raréfié dans ce vase, se trouve en équilibre avec la pression de l'atmosphere, qui agit contre les ouvertures des tuyaux KK , & empêche alors l'eau de s'en écouler: durant ce tems, l'eau continue de s'écouler par les ouvertures F, G , dans le tuyau N; aussi-tôt que l'eau du bassin MM commence à devenir si basse, qu'il peut s'introduire de nouvel air par l'ouverture F dans le tuyau DC & dans le vase ABB , il agit de nouveau sur l'eau qui s'écoule par les petits tuyaux KK , comme auparavant, en plus grande quantité que les ouvertures G & F n'en peuvent absorber, ce qui est cause qu'elles se bouchent une seconde fois, & ainsi de suite, de sorte que le tarissement & l'écoulement de l'eau se font ainsi alternativement. Mussc. §. 1390 . La description de la plûpart de ces fontaines , est tirée soit en entier, soit par extrait, de l'Essai de physique de M. Muslchenbrock. Nous ne parlons point des fontaines intermittentes artificielles; on a suffisamment vû à l' article Singularités des Fontaines , comment l'art peut les imiter à l'exemple de la nature. Les propriétés des syphons fournissent aussi des fontaines curieuses. Soit par exemple un vase AGBF ( fig. 25 . n°. 5. Hydraul. ), dans lequel on ait ajusté un syphon ou tuyau recourbe à branches inégales, dont la plus longue branche DE sorte du vase, & dont l'autre soit ouverte en C près du fond du vase sans toucher à ce fond; qu'on verse de l'eau dans ce vase, elle montera en même tems dans le syphon CD par l'ouverture C ; & des que l'eau en s'elevant sera arrivée dans le syphon & dans le vase au niveau du point D , alors par la proprieté du syphon toute l'eau du vase s'écoulera par la jambe la plus longue DE . Si donc on place sur le haut du vase une figure dont les levres soient au niveau du coude D , il est evident que l'eau s'ecoulera dès qu'elle sera arrivée à la hauteur des levres de cette figure: ainsi la figure pourra representer une espece de Tantale. Voilà le principe général, dont on peut varier l'application en autant de manieres qu'on voudra, entre autres par celle qui est expliquée dans l'Essai de physique de M. Musschenbroek, §. 1376 . Il est facile par la construction de la fontaine , de derober le jeu du syphon aux spectateurs. On peut voir dans les livres de Physique, différentes autres especes de fontaines artificielles; mais voilà les principales. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaines artificielles Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fontaines artificielles Fontaines artificielles , ( Jard. ) sont aussi nécessaires à l'entretien des jardins qu'à leur embellissement. Elles forment des jets, des gerbes, des pyramides, des nappes, des cascades, des buffets, & les morceaux de sculpture qui les accompagnent ordinairement, en font à nos yeux des objets enchanteurs. On les distribue en fontaines jaillissantes, en eaux plates, en fontaines rocaillées en bassins, à l'italienne, à l'égyptienne, & autres. Voyez l'article suiv . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaines Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Fontaines Fontaines , ( Architect. ) sous ce nom on entend aussi-bien la source qui produit l'eau que le monument qui la reçoit; mais par rapport à l'art de bâtir, & aux diverses formes & situations de ces monumens, on les appelle fontaines couvertes, découvertes, jaillissantes, pyramidales, rustiques, en grottes, en buffets, isolées, adossées, engagées, flanquées, angulaires , &c. Communément le sculpteur a autant de part que l'architecte à la composition de ces sortes d'édifices, principalement lorsqu'il s'agit d'une ordonnance allegorique où symbolique; à l'usage de la decoration des jardins de propreté, comme il s'en voit à Versailles, ou à celle des fontaines jaillissantes destinées à l'embellissement des places publiques; telles qu'il s'en voit dans presque toutes les villes d'Italie, & dont l'énumération, le goût du dessein, & la perfection de l'exécution sont connus de tous. En France, il semble que nous ayons pris soin d'ignorer ces derniers genres de monumens; car, à l'exception des fontaines qui parent nos maisons royales, & dont les desseins sont de la composit on de le Brun, & de plusieurs sculpteurs habiles du dernier siecle, toutes celles qui décorent cette capitale, prouvent notre insuffisance à cet egard. Il semble même que nos architectes ayent négligé cette partie de leur art, au point d'avoir abandonné aux entrepreneurs le dessein de ces sortes d'édifices, le plus grand nombre des fontaines qui se voyent à Paris dans ce dernier genre, étant d'une composition triviale, d'une construction très-négligée, & d'une ordonnance au-dessous du médiocre. Ce qui est certain, c'est que les deux seuls monumens de cette espece, qui soient dignes de quelque considération, sont la fontaine des saints Innocens rue S. Denis, & celle de la rue de Grenelle fauxbourg S. Germain; encore faut-il convenir que la premiere a été exécutée par Jean Goujon , & la seconde par Edme Bouchardon , dont les noms seuls font l'éloge. Nous observerons néanmoins que le mérite essentiel de ces deux ouvrages, consiste dans la perfection de la Sculpture, & non dans l'ordonnance de l'Architecture; en effet, que signifient l'application de l'ordre corinthien dans la décoration de celle des saints Innocens, & l'ordre ionique employé dans la fontaine de Grenelle? Jusqu'à quand se croira-t-on permis de négliger l'esprit de convenance, dans l'ordonnance de nos édifices? Pourquoi des ouvrages qui intéressent la gloire de la nation, le progrès des Arts, & la splendeur des regnes de nos rois, ne sont-ils pas jugés, avant leur exécution, par les académies rassemblées? Quel bien ne résulteroit-il pas, pour la perfection des monumens qui ornent la capitale, si nos architectes, nos sculpteurs, nos peintres, les amateurs, les hommes à talens dans chaque genre, se communiquoient leurs productions, certains jours de l'année, pour y délibérer sur les avantages, le choix, la forme, & la composition de nos bâtimens? En un mot tous les hommes habiles ne devroient former qu'un corps. Cette réunion d'avis, de sentimens importe plus qu'on ne s'imagine. Tout ouvrage public intéresse les Artistes. C'est par ce moyen seul que la France peut se signaler, & que les soins, la vigilance de notre directeur général peuvent être secondés utilement, & tourner au profit de la société. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaine domestique Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fontaine domestique * Fontaine domestique ; il y en a de plusieurs especes: nous allons décrire les principales. Toutes se peuvent définir, un vaisseau qui contient l'eau destinée à la boisson & aux autres usages d'une maison. Il y a d'abord les fontaines simples: ce sont des vases de cuivre rosette, étamés en-dedans. On y distingue trois parties; celle d'en-bas, ou le pié; celle qui s'éleve au-dessus, ou la cuve de fond; & celle qui est au-dessus de la cuve de fond, à laquelle on adapte le couvercle, & qu'on appelle gorge . Elles sont chacune d'une seule piece, sans soudure sur la hauteur; le chauderonnier qui les travaille les a embouties ou retreintes selon la forme qu'elles exigent. Le pié est bordé à la partie insérieure d'un ourlet qui couvre une baguette de cuivre, & non de plomb ou de fer: c'est un réglement général pour toutes les parties couvertes d'un ouvrage de chauderonnerie: le bord supérieur du pié formé en drageoir, reçoit la cuve de fond. La cuve de fond entre dans le drageoir du pié; elle est d'une seule piece, fond & parois: elle a donc été prise dans une plaque, emboutie, retreinte, & réduite par ce travail à la forme d'un cylindre, qui a un peu plus de hauteur que de base. A un pouce & demi, plus ou moins du fond, on pratique une ouverture; on y releve un ornement extérieur quelconque: cet ornement s'appelle la bosse; & c'est à l'ouverture que cet ornement entoure, qu'on adapte le robinet. On conçoit que la partie supérieure de la cuve de fond est en drageoir, afin de recevoir la gorge. La gorge peut être regardée comme prise dans une cuve de fond dont on auroit percé le fond. Sa partie inférieure doit entrer juste dans le drageoir de la piece précédente: cette partie est emboutie, retreinte, & bordée d'un ourlet semblable à celui du pié; cet ourlet est reçû dans le couvercle. Le couvercle est un dôme dont la forme varie selon le goût de l'ouvrier: il est bordé par en-bas d'un ourlet, & il porte à sa partie supérieure une poignée qu'on appelle pommelle . La pommelle est au centre du dôme, à l'extérieur, & sert à prendre & à placer le couvercle. Aux côtés de la fontaine , vers sa partie supérieure, proche la gorge, à droite & à gauche, sont rivées à clous deux plaques de cuivre qu'on appelle porte-mains; ces plaques retiennent deux anneaux qu'on appelle mains , & qui servent à porter la fontaine . Voilà la fontaine simple. Elle est placée sur un pié de bois. La cuve de fond est soudée au pié, & la gorge à la cuve de fond. La soudure est d'étain: on se sert de la même soudure pour fixer à demeure le robinet dans le trou de la bosse. On voit par-là que l'intérieur d'une fontaine pareille ne peut être étamé avec trop de soin: mais jamais l'étamage ne préviendra tout le danger; parce que, quelque parfait qu'il soit, c'est toûjours un crible, dans les petits trous duquel le verd-de-gris se forme imperceptiblement: & que l'étain lui-même n'est pas un métal tout-à-fait innocent. Voyez les articles Étamer , Cuivre, & Étain : & d'ailleurs, si vous mettez de l'eau bourbeuse dans ces fontaines simples, elle n'en sortira jamais bien claire. La salubrité a fait d'abord imaginer des fontaines de cuivre sablées, qui clarifiassent l'eau; & ensuite des fontaines de plomb, à sable & à éponge, qui eussent l'avantage des donner des eaux limpides, & d'obvier au danger du cuivre & de l'étain. Pour se faire une idée juste de la fontaine de cuivre sablée, il faut imaginer une fontaine simple, telle que nous venons de la décrire, dont l'intérieur soit partagé en trois espaces différens par deux diaphragmes; ces diaphragmes que le chauderonnier appelle pannaches , sont des limbes du diametre de la fontaine , à l'endroit où ils doivent être fixés: ils sont percés au centre d'un trou circulaire; & les bords de ce trou sont relevés, & peuvent recevoir un couvercle. Le premier diaphragme est soudé un peu au-dessous de la jonction de la gorge & de la cuve de fond; il est traversé d'un tuyau placé à son bord; ce tuyau est d'un pouce de diametre, ou environ; il est soudé au diaphragme; il se rend au second diaphragme; il le traverse pareillement, & lui est soudé comme au premier: ce tuyau se nomme ventouse; il s'éleve jusqu'à l'ourlet de la gorge, où il est arrêté par une soudure. Son usage est de donner sortie à l'air contenu dans la partie inférieure de la fontaine , à mesure que cette cavite se remplit d'eau filtrée. Le diaphragme supérieur doit avoir son ouverture plus grande que l'inférieur, afin que le couvercle de celui-ci puisse passer par l'ouverture de celui-là. Le diaphragme ou pannache inférieur est soudé à la cuve de fond, comme le supérieur; sa distance au premier est d'environ cinq à six pouces: il a aussi son couvercle. Il faut que toutes ces pieces, tuyau, pannache, couvercle, soient bien étamées. On remplit de sable l'intervalle compris entre les deux diaphragmes; l'inferieur est fermé de son couvercle. Le sable placé, on ferme le supérieur du sien; on met encore une certaine hauteur de sable sur celui-ci, & l'eau réside sur le sable. L'eau se filtre à-travers le premier sable, s'insinue entre le joint du couvercle du diaphragme supérieur & le rebord de ce diaphragme; descend dans la cavité comprise entre les deux diaphragmes; se filtre une seconde fois en passant à-travers le sable qui la remplit; s'insinue pareillement entre le couvercle du diaphragme inférieur & son rebord; tombe dans la partie inférieure de la fontaine , la remplit, & en chasse l'air par le canal appellé ventouse: l'eau clarisiée sort de cette partie par le robinet, & sert aux usages de la maison. On voit que le sable se chargeant de toutes les impuretés de l'eau, il vient un tems où il est tellement envasé, que la filtration se fait lentement & mal: alors il faut laver le sable en plusieurs eaux, & le replacer dans la fontaine. Voyez cette fontaine dans nos Planches de Chauderonnerie . Voici maintenant la description des fontaines de plomb, sablées & à éponge. Imaginez une caisse de bois de chêne plus ou moins grande, selon la quantité d'eau qu'on veut avoir en reserve. Que cette caisse soit quarrée, mais un peu plus longue que haute; & que toute la capacité en soit doublée de plomb, & divisée en quatre parties par des séparations aussi de plomb. C'est dans la partie ou division ABCD , la plus grande de toutes, qu'on met l'eau comme elle vient de la riviere. Cette division communique avec la division ACFE par des trous t, t, t, t , pratiqués à la partie supérieure de la cloison AC , & par d'autres petits trous u, u, u, u , pratiqués dans une petite gouttiere fort étroite & assez élevée. On voit en IK , à la partie inférieure de la même cloison, AC , une division qui ne s'éleve pas à la hauteur du côté BD , ni de la cloison EF; elle ne forme, avec la partie inferieure du diaphragme EF , qu'un coffret a c IK , qui a à-peu-près la moitié de la hauteur de la cloison EF , & qui est beaucoup plus étroit que la division ABCD . Ce coffret est rempli de sable bien fin, & couvert de deux couvercles percés de quelques grands trous. Le premier couvercle pose & pese sur le sable; le second ferme le coffre: on en a mis deux, parce que la partie de la vase & des ordures de l'eau qui se déposent sur ces couvercles, n'étant pas retenue dans le sable, le sable en demeure plus long tems pur & moins sujet à être lavé. Ce coffret communique avec la division FHNO , par des trous coniques x, x, x, x . Ces trous coniques sont remplis d'eponges très-fines & pressées fortement dans ces trous: ces trous sont pratiqués à sa partie superieure, comme on voit. La division FHNO communique avec la division GNOE par d'autres trous coniques y, y, y, y , pareillement remplis d'éponges fines & forcées. Ainsi l'eau en passant de la division ABDC dans le coffret a c IK , se filtre dans le sable qui remplit le coffret; en passant du coffret a c IK dans la division FHNO , se filtre à-travers les éponges x, x, x, &c. & en passant de la division FHNO dans la division GNOE , se clarifie encore à-travers les éponges y, y, y, y . Il y a trois robinets; le robinet L qui donne l'eau la plus claire, de la division GNOE; le robinet M , qui donne une eau moins claire, de la division FHNO; & un robinet Q , qui donne l'eau de la division AB CD , comme elle vient de la riviere. Les trous coniques sont formés dans des bossages de plomb, tels qu'on les voit dans la figure; & la petite goutiere avec ses trous u, u, u, u , sert à soutenir le sable & à le soulever un peu contre l'effort de l'eau supérieure au coffret. On a pratiqué aux bords supérieurs de la caisse des trous par où l'air peut entrer dans la fontaine , & éventer l'eau. Ces fontaines sont excellentes; nous ne pouvons trop en recommander l'usage; & M. Ami qui les a inventées, a rendu un service important à la société, qui ne peut trop lui en marquer sa reconnoissance. Il a varié son invention en plusieurs manieres différentes & toutes ingénieuses. Voyez les ouvrages qu'il a publiés Il faut avoir deux soins assez legers; l'un de nettoyer le sable & les eponges de tems en tems, de mois en mois; & l'autre, de ne point laisser tarir sa fontaine: sans quoi les premieres eaux qui viendront après la dessication, tiendront des éponges un petit goût d'amertume & de marécage, mais ne seront jamais mal saines. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaine de la Tête Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Fontaine de la Tête Fontaine de la Tête , ( Anat. ) Voyez Fontanelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaines de vin Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Fontaines de vin Fontaines de vin , ( Hist. mod. ) L'usage de distribuer du vin au peuple, dans les occasions de réjouissances, est fort ancien. Alain Chartier raconte dans son histoire de Charles VII. que parmi les joies du peuple de Paris, lorsque ce roi y entre, « devant les Filles-Dieu étoit une fontaine , dont l'un des tuyaux jettoit lait, l'autre vin vermeil, l'autre vin blanc, & l'autre eau ». Monstrelet, en parlant de l'entrée que Charles V. fit aussi dans Paris, remarque « qu'il y avoit dessous l'échaffaut une fontaine jettant hypocras, & trois sirenes dedans, & étoit ledit hypocras abandonné à chacun ». Lorsque le roi Charles VI. la reine Isabelle de Baviere, & le roi Henri d'Angleterre avec sa femme madame Catherine de France, vinrent à Paris, « tout le jour, dit encore Monstrelet, & toute la nuit, découloit vin en aucuns carrefours abondamment par robinets d'airain, & autres conduits ingénieusement faits, afin que chacun en prinst à sa volonté ». Enfin le même historien rapporte que lors de l'entrée du roi Louis XI. dans la rue S. Denis, « étoit une fontaine qui donnoit vin & hypocras à ceux qui boire en vouloient ». Voyez le détail des autres réjouissances à l'article Entrée . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaine de feu Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Fontaine de feu Fontaine de feu , ( Artificier. ) Si l'on varie un peu la couleur du feu de l'artifice appellé pot à aigrette , & sa figure extérieure, par différens arrangemens, on en forme des apparences de fontaines de feu . Pour changer sa couleur, il n'y a qu'à substituer de la limaille de cuivre ou de la poudre qu'on trouve chez les Epingliers: elle donne à ce feu une couleur verdâtre différente de celle de la limaille de fer, qu'on met dans les aigrettes. A l'égard du changement de la figure extérieure, & de l'arrangement des cartouches pour représenter des jets, des gerbes, ou des cascades, il n'y a qu'à imiter l'arrangement des tuyaux de plomb qui produisent toutes les différences des fontaines , par une semblable position des cartouches remplis de ces compositions, qui ne produisent que des étincelles sans flamme, comme sont celles où dominent les charbons de bois dur un peu grossierement pilés, la limaille de fer ou de cuivre, sans matieres onctueuses ou huileuses. En effet, il n'y a point tant d'opposition entre l'apparence du feu & de l'eau, qu'on se l'imagine du premier: car les gouttes d'eau des jets saillans éclairés par le Soleil ou quelque lumiere qui s'y réfléchit, ne ressemblent pas mal à des étincelles. Il ne s'agit donc pour représenter une gerbe d'eau, que de rassembler plusieurs cartouches pleins de matieres combustibles de cette matiere, & de les allumer en même tems. Si l'on range ces tuyaux en deux lignes paralleles, posés en situation un peu inclinée entre eux, ils produiront, lorsqu'ils seront allumés, l'effet d'un berceau d'eau tel qu'on en voit à Versailles, sous lequel on pourra passer sans se brûler, pour peu qu'ils soient éloignés. Si on les range comme les raies d'une roue, du centre à la circonférence sur le même plan, ils produiront une apparence de Soleil. Si partant du même centre ils sont également inclinés à l'horison de bas en haut, ils formeront un cone droit semblable à une cloche de fer. Si on les range sur des formes pyramidales, ils formeront une pyramide de feu. Si on les couche horisontalement par lits d'inégale hauteur inégalement avancés, & que la matiere dont ils sont pleins soit lente, ensorte que les étincelles retombent sans être poussées loin, leur feu représentera une cascade. Si les dégorgemens sont des ouvertures larges & plates, & que les tuyaux se touchent, leur feu représentera une nappe d'eau dont le bassin pourra être figuré comme l'on voudra, pour faire retomber les étincelles en rond ou de toute autre figure; auquel cas les charbons qui les produisent doivent être grossierement pilés pour retomber avant que d'être consumés. Tous les tuyaux de ces artifices peuvent être faits de poterie de terre ordinaire, plûtôt que de toute autre matiere; parce qu'ils peuvent être consumés par le feu, s'ils sont de bois; ils se fondroient, s'ils étoient de plomb ou de fer, par l'action du soufre & du salpetre, qui sont des fondans; & ils coûteroient beaucoup, s'ils étoient de cuivre. Au reste, on ne peut les faire bien longs; 1°. parce que le feu les feroit crever, ou s'étoufferoit s'il étoit trop éloigné de l'embouchure de leur dégorgement; 2°. il resteroit en partie caché dans la longueur de son étendue; 3°. enfin, on ne pourroit aisément comprimer les matieres, lorsqu'elles doivent être foulées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontaine Author=Diderot Normalized Classification=Raffinerie en sucre Part of Speech=POS Fontaine * Fontaine , ( Raffinerie en sucre. ) c'est une cavité qui se forme le plus souvent dans la pâte du pain: quelquefois elle est pleine de sirop; d'autres fois, on est obligé de l'ouvrir pour la remplir. On se sert pour l'ouvrir de la pointe de la truelle; & l'on y porte de la matiere, comme dans l'opération que l'on appelle foncer. Voyez l'article Foncer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTAINE-BLEAU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FONTAINE-BLEAU FONTAINE-BLEAU, ( Géog. ) Fons Bleaudi , bourg de l'Isle de France dans le Gâtinois, remarquable par le palais des rois de France, dont Louis le Jeune peut passer pour le premier fondateur, & François I. pour le second. Henri III. y naquit. Il est à quatorze lieues de Paris; la forêt qui l'environne s'appelloit anciennement la forêt de Bievre. Long. suivant Cassini, 20. 12. 30. latit. 48. 24. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTAINIER Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.m. FONTAINIER FONTAINIER, s. m. ( Hydraul. ) est celui qui par des principes certains & des expériences réitérées, fait la recherche des eaux; les jauge pour en connoître la quantité; les amasse dans des pierrées pour les conduire dans un regard de prise ou dans un réservoir; sait relever leur pente; les conduit au lieu destiné; connoît la force & la vîtesse des eaux jaillissantes; les calcule, pour en savoir la dépense; sait donner une juste proportion aux tuyaux, pour former de beaux jets bien nourris, & qui s'élevent à la hauteur requise; & par une sage oeconomie, les distribue dans un jardin, de maniere qu'ils jouent tous ensemble sans s'altérer l'un l'autre. Voyez ci-devant Depense , &c. & les autres articles relatifs à l'Hydraulique. Outils de fontainier . 1°. Une poesle de fonte qui sert à faire fondre la soudure. 2°. Un porte-soudure est un morceau quarré de coutil cousu en double ou triple, que l'on graisse de suif pour porter la soudure. 3°. Un compas, instrument de fer à deux branches qui se joignent en haut par un charnon, s'ouvrent par en-bas, & sont terminées en pointe, pour prendre telle mesure que l'on veut. 4°. Un marteau un peu long, dont une des branches est coupante; il sert à forger le plomb; le bas du manche est rayé, pour être plus ferme dans la main. 5°. Un maillet plat par le côté pour battre le plomb. 6°. Un boursault est une batte toute ronde, qui est plus à la main pour les petits ouvrages de plomb. 7°. Une serpette, outil de fer acéré & tranchant d'un côté, qui a une poignée de bois, pour couper quelque chose: il y en a de courbées par le bout, & d'autres qui se ferment. 8°. Une gratoire sert à nettoyer les soudures & à les raviver: elle se releve en pointe, & coupe des deux côtés. 9°. Une gouge, outil de fer fait en demi-canal, lequel est taillant de tous côtés, pour travailler les petites pieces, & y former des cavités. 10°. Un couteau; il est en tout semblable à l'outil des Maréchaux, ne coupant que d'un côté avec un dos de l'autre: on le mouille pour couper le plomb, en frappant dessus avec le marteau. 11°. Un niveau est le même instrument dont se servent les Mâçons pour tracer une ligne parallele à l'horison, ou pour poser de niveau quelque ouvrage de plomberie. Voyez Niveau . 12°. Des fers ronds à souder; ce sont des morceaux de fer formant une poire arrondie; d'autres triangulaires, que l'on fait chauffer pour manier la soudure chaude, la faire fondre ensemble, & la coler aux tables de plomb par des noeuds & des traînées, où le fer chaud passe en y faisant des arrêtes. 13°. Des atelles; ce sont deux petits morceaux de bois creusés, qui étant mis l'un contre l'autre, forment une poignée pour prendre le manche chaud des fers à souder. 14°. Une rape, sorte de lime, pour user les parties trop grasses du plomb. 15°. Une cueilliere servant à puiser la soudure dans la poesle, & à la porter jusques sur la partie que l'on soude. Les figures du niveau, de la jauge, & de la quille, dont les Fontainiers se servent journellement, sont dans les Planches de l'Hydraulique . Nota , qu'on ne comprend point dans les outils du Fontainier ceux du Plombier, qui se trouveront dans les Arts & Metiers. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTANELLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. FONTANELLE FONTANELLE ( la ), s. f. ( Anatomie. ) dans nos auteurs, fontanella, fons pulsatilis . La grande ouverture en forme de lozange située entre le coronal & les pariétaux, au centre de la croix qui est formée par l'engrenure sagittale, la ligne de division de l'os frontal, & l'engrenure coronale, est ce qu'on nomme sontanelle dans le foetus. Comme cette place n'est presque pas membraneuse dans les enfans nouveaux-nés, l'on y sent alors avec la main le battement des arteres de la dure-mere & du cerveau. Cet endroit reste aussi durant quelque tems cartilagineux après la naissance: quelquefois même les enfans attaqués du rachitis, ont cette partie très-tendre dans un âge assez avancé, parce que leurs os conservent longtems leur mollesse. Enfin, par un évenement fort ra re, on a vû des sujets en qui cette partie n'a pas été ossifiée pendant toute leur vie. Cependant d'ordinaire les os du crane deviennent si compactes avec l'âge, qu'ils sont même quelquefois plus épais à la fontanelle que par-tout ailleurs. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fontanelle Author=unknown Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.f. Fontanelle Fontanelle s. f. ( Chirurg. ) ulcere artificiel; voyez Fonticule . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTARABIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FONTARABIE FONTARABIE, ( Géog. ) Fons rapidus; les Espagnols disent Fuenterabia; petite, mais forte ville d'Espagne dans la province de Guipuscoa en Biscaye, avec un bon château. Elle est regardée comme la clé d'Espagne de ce côté-ci, & est proche la mer, à l'embouchure de Bidassoa ou Vidouze, à 9 lieues S. O. de Bayonne, 25 E. de Bilbao, 175 S. O. de Paris. Long. 15. 51. 53. latit. 43. 23. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTANGE Author=Anonymous woman5 Normalized Classification=Mode Part of Speech=s.f. FONTANGE FONTANGE, s. f. ( Modes. ) Ce fut dans le dixseptieme siecle, je ne dirai pas une parure, mais un édifice de dentelles, de cheveux, & de rubans à plusieurs étages, que les femmes portoient sur leurs têtes. On voyoit sur une base de fil-de-fer s'élever la duchesse, le solitaire, le chou, le mousquetaire, le croissant, le firmament, le dixieme ciel, & la souris. Aujourd'hui c'est un simple noeud de rubans qui sert d'ornement à leur coëffure: il porte le nom de celle qui a imaginé la fontange ancienne; comme palatine , parure de cou, celui de la princesse qui en a introduit l'usage en France. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTE Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.f. FONTE * FONTE, s. f. ( Arts méchaniq. ) il se dit des métaux, des pierres, en un mot de tous les corps dans lesquels on parvient à rompre par le moyen du feu, la cohésion des petites masses aggrégatives qui les composent, & de les réduire ainsi sous une forme liquide. Voilà l'acception générale: il en est une particuliere. Fonte se dit chez chaque artiste, de l'emploi actuel d'une certaine quantité plus ou moins grande d'une substance fusible exposée sur le feu pour être employée. Si l'on dit, il a écrit un ouvrage sur la fonte des métaux, fonte sera pris généralement: si l'on dit, il a fait une belle fonte aujourd'hui , il sera pris particulierement. On dit métaphoriquement, une fonte d'humeurs , dans l'hypothèse peut-être vraie, peut-être fausse, qu'une masse d'humeurs qu'on imaginoit auparavant sous une forme épaisse, visqueuse, naturelle ou non, ait acquis subitement un certain degré de fluidité, en conséquence duquel il s'en fait une évacuation abondante. Voyez à l'art . Fondre , & ci-après , les autres significations du mot fonte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonte Author=unknown Normalized Classification=Fonderie en caracteres Part of Speech=NA Fonte Fonte , ( Fonderie en caracteres. ) On entend par ce mot, un assortiment complet de toutes les lettres majuscules, minuscules, accentuées, points, chiffres, &c. nécessaires à imprimer un discours, & fondues sur un senl corps. Voyez Corps . On dit, une fonte de cicéro, de petit-romain, lorsque ces fontes sont fondues sur le corps de cicéro ou petit-romain; & ainsi des autres corps de l'Imprimerie. Les fontes sont plus ou moins grandes suivant le besoin ou le moyen de l'imprimeur, qui demande par cent pesant ou par feuilles; ce qui revient au même. On dit une fonte de cinq cents, de six cents plus ou moins; c'est-à-dire qu'on veut que cette fonte bien assortie de toutes ses lettres, pese cinq cents ou six cents livres, &c. On dit aussi, une fonte de tant de feuilles, ou de tant de formes, pour faire entendre que l'on veut qu'avec cette fonte on puisse composer de suite tant de feuilles ou tant de formes, sans être obligé de distribuer. En conséquence, le fondeur prend ses mesures, & compte pour la feuille cent vingt livres pesant de caracteres, y compris les cadrats & espaces; & soixante livres pour la forme, qui n'est que la moitié de la feuille. Ce n'est pas que la feuille pese toûjours cent vingt livres, ni la forme soixante, étant plus grandes ou plus petites: mais comme il n'entre pas dans toutes les feuilles le même nombre ni les mêmes sortes de lettres, il faut qu'il en reste toûjours dans la casse pour suppléer au besoin Voyez Casse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonte Author=unknown Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=NA Fonte Fonte , ( à la Monnoie. ) est la conversion des monnoies de cours en d'autres nouvelles, que le prince ordonne être fabriquées. Les dernieres sont, après le délai porté par les édits & ordonnances, seules reçûes dans le Commerce, les premieres devenant alors vieilles especes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonte, ou Fondre Author=unknown Normalized Classification=Orfévrerie Part of Speech=NA Fonte Fonte , ou Fondre , en terme d'Orfevre , se dit de l'action de liquéfier le métal en poudre, en piece, ou autrement, en l'exposant dans un creuset à différens feux: car la fonte demande divers degrés de feu. On doit le modérer d'abord, pour ne pas exposer les creusets qui sont de terre, à être cassés par la violence du premier feu: il faut le pousser avec vigueur sur la fin de l'opération, selon les différentes matieres du mélange. Lorsque la matiere est en poudre, il faut un feu violent pour l'assembler; & de même, lorsqu'elle a besoin d'être affinée, en y ajoûtant les intermedes nécessaires, comme le salpetre & le borax. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fonte Author=Jaucourt Normalized Classification=Sellier Part of Speech=s.f. Fonte Fonte , s. f. terme de Sellier . Des fontes au nombre de deux, sont des faux-fourreaux de cuir fort, fixément attachés à l'arçon de la selle, pour y mettre les pistolets dans l'occasion. Il ne faut pas confondre, comme font quelques personnes, les fontes avec les faux-fourreaux. Ces derniers sont faits ou d'étoffe, ou de cuir pliant & maniable, pour y tenir chez soi les pistolets dans un lieu sec & ferme, afin de les préserver des ordures & de la rouille. C'est dans les faux-fourreaux & avec eux, qu'on met les pistolets dans les fontes . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTENAY-LE-COMTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FONTENAY-LE-COMTE FONTENAY-LE-COMTE, ( Géog. ) petite ville de France, capitale du bas Poitou, située sur la Verdée, à environ 6 lieues de la mer, à 4 lieues N. E. de la Rochelle, à 5 N. de Marans. Long. 15. 42. latit. 46. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTENOY Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FONTENOY FONTENOY, ( Géog. ) village des Pays-Bas près de Tournay, célebre par la victoire que l'armée de France y remporta le 11 Mai 1745, sur l'armée combinée des Autrichiens, des Anglois, & des Hollandois. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTEVRAUD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie | Histoire monastique Part of Speech=NA FONTEVRAUD FONTEVRAUD, ( Géog. & hist. monast. ) Font-Evraud , & suivant Ménage, Fontévaux, Font-Ebraldi , est un bourg en Anjou à trois lieues de Saumur. Long. 17. 41. 54. latit. 47. 10. 47 . Ce bourg n'est cependant connu que par une célebre abbaye de filles, chef d'ordre érigée par le bienheureux Robert d'Arbrissel, né en 1047, & mort en 1117; personnage trop singulier, pour ne pas rappeller dans cette occasion un pétit mot de sa mémoire & de l' ordre qu'il fonda. Après avoir fixé ses tabernacles à la forêt de Fontevraud , il prit l'emploi de prédicateur ambulant, & parcourut nuds-piés les provinces du royaume, afin d'exhorter principalement à la pénitence les femmes débauchées, & les attirer dans son cloître de Marie-Magdeleine. Il y réussit merveilleusement, fit en ce genre de grandes conversions, & entr'autres celle de toutes les filles de joie qu'il trouva dans un lieu de débauche à Rouen, où il étoit entré pour y annoncer la parole de vie. On sait encore qu'il persuada à la reine Bertrade, si connue dans l'histoire, de prendre l'habit de Fontevraud , & qu'il eût le bonheur d'établir son ordre par toute la France. Le pape Paschal II. le mit sous la protection du saint siége en 1106, le confirma par une bulle en 1113, & ses successeurs lui ont accordé de magnifiques priviléges. Robert d'Arbrissel en conféra quelque tems avant sa mort le généralat à une dame nommée Pétronille de Chemillé; mais il ne se contenta pas seulement de vouloir que son ordre pût tomber en quenouille, il voulut de plus qu'il y tombât toûjours, & que toûjours une femme succédât à une autre femme dans la dignité de chef de l' ordre , commandant également aux religieux comme aux religieuses. Il n'y a rien sans doute de plus singulier dans le monde monastique, que de voir tout un grand ordre composé des deux sexes, reconnoître une femme pour son général; c'est néanmoins ce que font les moines & les nones de Frontevraud , en vertu de l'institut du fondateur. Ses volontés ont été exécutées, & même avec un éclat surprenant; car parmi les trent-quatre ou trente-cinq abbesses qui ont succédé jusqu'à ce jour (1756) à l'heureuse Pétronille de Chemillé , on compte quatorze princesses, & dans ce nombre, cinq de la maison de Bourbon. L'ordre de Fontevraud est divisé en quatre provinces, qui sont celles de France, d'Aquitaine, d'Auvergne, & de Bretagne. Il y a quinze prieurés dans la premiere, quatorze dans la seconde, quinze dans la troisieme, & treize dans la quatrieme. C'est sur cet ordre , si l'on veut satisfaire pleinement sa curiosité, qu'il faut lire Sainte-Marthe dans le IV. vol. du Gallia christiana , & sur-tout l'ouvrage du P. de la Mainferme, religieux de Fontevraud , intitulé Clypeus ordinis Fontebraldensis . Le premier volume fut imprimé en 1684, le second en 1688, le troisieme en 1692; & il faut joindre à cette lecture, celle de l'article de Fontevraud dans la derniere édition du Dictionnaire de Bayle. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTICULE Author=Jaucourt Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. FONTICULE FONTICULE, s. m. ( Chirurgie. ) petit ulcere artificiel pratiqué par le Chirurgien en différens endroits du corps, soit pour prévenir une maladie qu'on prévoit avec certitude, soit pour rétablir la santé. Le mot de cautere dont on se sert communément dans le même sens, est bien moins propre que celui de fonticule , parce qu'il est équivoque, & qu'il signifie généralement ou un fer rouge , ou un remede corrodant & caustique . Les Chirurgiens en pratiquant un fonticule , se proposent d'imiter la nature qui produit quelquefois d'elle-même des ulceres de cette espece, par lesquels elle chasse comme par des égouts les matieres surabondantes ou viciées, qui ne manqueroient pas sans ce secours de causer des maladies fâcheuses. Les parties du corps où l'on ouvre le plus communément & le plus commodément ces ulceres artificiels, sont 1°. la partie supérieure de la tête; 2°. le cou; 3°. les bras sur lesquels on choisit la partie la plus basse, ou l'extrémité du muscle deltoïde & du biceps; 4°. les parties inférieures du corps, particulierement le genou, le côté intérieur de la cuisse, à l'endroit où il y a une cavité qu'on apperçoit au doigt; 5°. enfin le dessous du genou, c'est-à-dire le côté intérieur de la jambe où l'on remarque une espece de cavité. La plus courte méthode de former un fonticule , un ulcere artificiel, est celle où après avoir marqué l'endroit qu'on veut cautériser, on tient la peau élevée avec les doigts, & on fait avec le bistouri une incision dans laquelle on puisse aisément introduire un pois. Lorsque le pois est placé, on le couvre d'un emplâtre; ensuite on leve cet appareil soir & matin, on nettoye l'ulcere, on introduit un nouveau pois, & l'on applique de-rechef l'emplâtre & le bandage. En peu de jours le petit ulcere se trouve formé, & jette une humeur purulente. Une autre maniere de former un fonticule , est d'ouvrir la peau avec un fer rouge: cette seconde méthode est effrayante, mais elle produit surement quand elle est nécessaire, une révulsion considerable. Une troisieme maniere de cautériser, c'est de se servir d'une substance rongeante & caustique. Voyez Cautere & Caustique . De quelque maniere que le petit ulcere ait été pratiqué, il en faut faire le pansement tous les jours, & quelquefois deux fois par jour. En même tems à chaque pansement on nettoyera toûjours soigneusement la plaie avec un linge propre. On substituera un nouveau pois à celui qu'on aura ôté; on appliquera un emplâtre à-peu-près de la largeur de la paume de la main, ou au lieu d'emplâtre un morceau d'étoffe de soie couvert de cire, ou même une feuille de lierre qu'on fixera par un bandage. M. Heister trouve que les bandages de linge sont moins commodes que ceux de cuir, ou qu'une plaque de cuivre, à laquelle sont ajustés des cordons ou des agraffes, de maniere qu'un malade peut se les appliquer sans aucune incommodité. Voyez-en la machine dans cet auteur . On tiendra le fonticule ouvert, jusqu'à ce que la maladie pour laquelle on l'avoit pratiqué soit radicalement guérie. Les adultes attaqués de maux invétérés, feront sagement de garder ces petits ulceres jusqu'à la mort, s'ils veulent éviter de s'exposer aux accidens qu'ils avoient éloignés par ce moyen. Les avantages principaux que l'on attend des fonticules , c'est la guérison ou l'affoiblissement de plusieurs maladies de la tête, des yeux, des oreilles, des mammelles, & d'autres parties, comme aussi des douleurs de la sciatique. Comme dans tous ces cas, on a quelquefois inutilement recours à ce remede, alors il faut promptement refermer l'ulcere; & pour cet effet il ne s'agit que d'ôter le pois. S'il se forme à la partie qui a été ulcérée des excroissances fongueuses, on les emportera avec un peu de poudre d'alun brûlé. Si les fonticules cessent de suppurer dans les vieillards, & que les bords de l'ulcere deviennent secs, livides, ou noirs; cet état est très-dangereux; il menace d'une maladie violente, & même d'une mort prochaine. Il est donc à propos de recourir promptement aux remedes capables de prévenir l'un ou l'autre de ces accidens. Comme cette matiere est d'une grande importance, différens auteurs en ont traité expressément. Voyez entr'autres. Galvani (Dominici) trattato delle fontanelle. In Padoua, 1620. 4°. c. f. aeneis . Wolter (Gualther Ambros.) Pyrotechnicum opusculum de cauteriorum, seu fonticulorum usu . Vratiflaviae, 1672. in-8°. Glandorpius (Matth. Lud.) Gazophylacium fonticulorum & setonum reseratum . Bremae, 1632. 4°. editio prima. Hoffmanni (Frederici) de vesicantium & fonticulorum circonspecto in medicina usu . vol. VI. de l'édit. de Geneve, 1740. Pour ce qui regarde en particulier la maniere de pratiquer un cautere ou un ulcere artificiel à la suture coronale, voyez la dissert . d'Hoffman que nous venons de citer; & sur les avantages de cette opération, consultez Marc Donatus, liv. II. hist. estiral. cap. jv. M. A. Severinus, Pyroth. Chirurg. liv. II. part. I. cap. vj. Riviere, cent. ij. obs. 93 . Aquapendente, operationes chirurgicae, cap. j. Claudinus, respons. de cauterio in sutura coronali . Heister, Chirurgie , &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTINALES Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie | Antiquité romaine Part of Speech=s.f. FONTINALES FONTINALES, s. f. plur. ( Mythol. & antiquit. rom. ) Fontinalia , fête que les Romains célebroient à l'honneur des nymphes qui présidoient aux fontaines & aux sources. Les payens accoûtumés à se faire des dieux de toutes choses, ne manquerent pas d'en imaginer, auxquels ils attribuerent un pouvoir sur les fleuves & sur les fontaines. Ils appellerent ces dieux, les dieux des eaux, dii aquatiles , comme on le voit par une inscription rapportée par Reinésius; mais ils mirent ces divinités dans le rang des demi-dieux qu'ils distinguerent par des noms différens. Les nymphes marines furent nommées néréides , parce qu'elles étoient filles de Nérée. On donna le nom de nayades à celles qui présidoient aux fontaines. On appella potamides , les nymphes des fleuves & des rivieres, & limmades , les nymphes des lacs & des étangs: enfin le mot de nymphes, nymphae , signifioit souvent les seules divinités des fontaines. Voyez Nereides , Nymphes , &c. On étoit si fort persuadé de l'existence de ces nymphes, que l'on faisoit des fêtes tous les ans à leur honneur; le jour en étoit fixé au 13 Octobre, qui étoit le troisieme jour devant les ides; pour lors on jettoit des fleurs dans les fontaines, & l'on en couronnoit les puits. Festus nous apprend que ces fêtes étoient célebrées à une des portes de Rome que l'on nommoit fontinalis porta. Voyez Festus, Varron, Struvius, & autres auteurs de ce genre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FONTS Baptismaux, ou simplement FONTS Author=Mallet Normalized Classification=Théologie | Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA FONTS FONTS Baptismaux , ou simplement FONTS, s. m. pl. ( Théolog. & Hist. Eccl. ) c'est un vaisseau de pierre ou de marbre, qui est à l'entrée intérieure des églises paroissiales, où l'on conserve l'eau dont on se sert pour baptiser. Voyez Baptême . Les fonts baptismaux étoient autrefois la marque d'une église paroissiale. Voyez les articles Paroisse & Église . Les fonts baptismaux sont aujourd'hui auprès de la porte en-dedans de l'église, ou dans une chapelle de l'église. Mais autrefois ils étoient dans un bâtiment séparé, différent de la basilique, mais voisin: & qu'on nommoit baptistere. Voyez Baptistere . Si l'on en croit certains historiens, il étoit assez ordinaire dans les premiers siecles de l'église, que les fonts baptismaux se remplissent miraculeusement à Pâques, qui étoit le tems où l'on baptisoit le plus. Baronius rapporte divers exemples de ces fonts miraculeux aux années 417. 554 . & 555 . Possevin, évêque de Lilybée, qui écrivoit en 443, observe qu'en 417, sous le Pontificat de Zozime, il y eut erreur par rapport au tems de la célébration de la fête de Pâques; qu'on la célebra le 22 de Mars, au lieu qu'elle devoit l'être le 22 d'Avril, qu'on la fit à Constantinople. Il ajoûte que Dieu fit voir cette erreur en un village, où les fonts qui avoient accoûtumé de se remplir miraculeusement à Pâques, ne se trouverent pleins que la nuit du 22 d'Avril; mais cette histoire n'est pas de foi. Voyez Tillemont, Hist. eccles. tome X. pag. 678. & 679 . Gregoire de Tours, pag. 320. 516. 746. 950. 1063. & le Diction. de Trévoux. Chambers . Dans l'Eglise romaine on fait solemnellement deux fois l'année la bénédiction des fonts baptismaux; savoir la veille de Pâques, & la veille de la Pentecôte. On bénit ces jours-là l'eau destinée pour le baptême. Les cérémonies & les oraisons qu'on y employe, sont toutes relatives à l'ancien usage de baptiser en ces jours-là les Catéchumenes. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOORAHA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA FOORAHA FOORAHA, ( Hist. nat. bot. ) arbre de l'île de Madagascar, qui fournit un baume ou une résine de couleur verte très-aromatique, qui passe pour un grand remede dans les plaies & contusions. Les femmes du pays en mêlent avec l'huile dont elles frotent leurs cheveux. Cet arbre porte outre cela un fruit assez gros. Hubner, diction. univers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOQUES DE BEAUPRÉ & DE MISENE Author=Diderot Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA FOQUES * FOQUES DE BEAUPRÉ & DE MISENE, s. f. ( Marine. ) voiles à trois points qu'on met en-avant, avec une espece de boute-hors. On s'en sert sur de petits bâtimens, quand le vent est foible. Celles de misene servent séparément, selon le vent. Elles sont soûtenues par le mât où est la grande voile, pardevant, vis-à-vis la foque de beaupré . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOR Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FOR FOR, s. m. ( Jurisp. ) du latin forum , qui signifie marché, place publique, barreau , se dit en notre langue pour jurisdiction . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=For-l'Eveque Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA For-l'Eveque For-l'Eveque , étoit anciennement le lieu où se tenoit la jurisdiction temporelle de l'évêque de Paris, dont le siége a depuis été transféré dans la premiere cour de l'archevêché; ce lieu sert présentement de prison, & a toûjours conservé le même nom de l'évêque. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=For extérieur Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA For extérieur For extérieur , signifie en général l'autorité de la justice humaine, qui s'exerce sur les personnes & sur les biens avec plus ou moins d'étendue, selon la qualité de ceux qui exercent cette justice. Car la justice séculiere a un pouvoir plus étendu que la justice ecclésiastique. Le for extérieur est opposé au for intérieur; on entend par celui-ci dans la morale, la voix de la conscience, qui ne fait qu'indiquer ce que la vertu prescrit ou défend. Quelquefois aussi par for intérieur; on entend le for pénitenciel, ou le tribunal de la pénitence. L'Eglise a deux sortes de for; l'un extérieur, l'autre intérieur. Le for extérieur de l'Eglise est la jurisdiction qui a été accordée par nos rois aux évêques & à certains abbés & chapitres, pour l'exercer sur les ecclésiastiques qui leur sont soûmis; & pour connoître de certaines matieres ecclésiastiques. Le for interieur de l'Eglise est la puissance spirituelle que l'Eglise tient de Dieu, & qu'elle exerce sur les ames & sur les choses purement spirituelles. C'est improprement que l'on qualifie quelqufois cette puissance de jurisdiction; car l'Eglise n'a par elle-même aucune jurisdiction proprement dite, m aucun pouvoir coercitif sur les personnes ni sur les biens. Son pouvoir ne s'étend que sur les ames, & se borne à imposer aux fideles des pénitences salutai res, & à les ramener à leur devoir par des censures ecclésiastiques. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=For intérieur Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA For intérieur For intérieur , est opposé à for extérieur. Voy. ci-devant For extérieur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=For pénitenciel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA For pénitenciel For pénitenciel , qu'on appelle aussi improprement tribunal de la pénitence , est la puissance que l'Eglise a d'imposer aux Fideles des pénitences salutaires pour les ramener à leur devoir. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=For Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA For For signifie aussi quelquefois coûtume , ou privilége accordé à quelque ville ou communauté; ce qui vient soit du mot sorum , en tant qu'il signifie place publique; soit du mot foras , qui signifie dehors; parce que ces fors & coûtumes sont des lois qui se publient ordinairement dans la place publique. Voyez M. de Marca dans son hist. liv. V. ch. ij . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=For de Bearn, ou Fors Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA For de Bearn For de Bearn , ou Fors , ce sont les coûtumes de ce pays. Le for général de Bearn fut confirmé en 1088 par Gaston IV. en la même année où il succéda à Centule son pere. Ainsi c'est par erreur que la confirmation de ce for est communément attribuée à Gaston VII. troisieme seigneur de la maison de Moncade. C'est ce que remarque M. de Marca. Il y avoit aussi en Béarn des fors particuliers, tel que celui de Morlas, capitale de Béarn, celui d'Oleron, & le for des deux vallées d'Ossan & d'Aspe. Les sujets des différentes parties du Béarn étoient distingués par ces fors; les uns étoient appellés Béarnois , les autres Mortanois , les autres Ossalois & Aspois . Marguerite de Béarn ordonna en 1306 que le for général de Béarn, & les autres fors particuliers seroient rédigés en un corps; que les établissemens & réglemens faits par les seigneurs & leur cour majeure avec les arrets de cette cour, ceux de la cour souveraine de Morlas, & les usages observés dans tout e pays, seroient compris dans ce volume. Il fut ensuite augmenté des réglemens faits par les comtes Matthieu, Archambaud, Jean & Gaston; & les praticiens ayant distribué ce livre en titres, & ayant fait une mauvaise conférence d'articles tirés tant du for général que de celui de Morlas, des jugemens & usages, ils le rendirent si obscur qu'Henri d'Albert, II. du nom, roi de Navarre, & seigneur de Béarn, ordonna en 1551 que ces lois ou fors seroient corrigés & rédigés en meilleur ordre, du consentement des états du pays. Voyez M. de Marca, hist. de Béarn, liv. V. ch. j. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FORAGE FORAGE, s. m. ( Jurispr. ) appelle dans la basse latinité foragium, seu foraticum , est un droit qui se paye au seigneur pour le vin ou autres liqueurs que l'on met en perce, & que l'on vend en detail. Quelques-uns veulent que ce terme vient de forare , qui signifie percer; & que le forage soit dû au seigneur pour la permission de percer le vin; d'autres avec plus de raison soûtiennent que ce n'est pas seulement pour cette permission, mais aussi pour avoir la liberté de vendre publiquement du vin en broche & en détail. Ce droit est quelquefois appellé afforage . L'édition de la coûtume de Bethune faite en 1589, nomme af forage ce que l'édition de 1553 appelloit forage . Quelquefois afforage a une signification un peu différente. Voyez Afforage . En certains pays ce droit s'appelle allage , comme en Berry. La coûtume d'Amiens, art. 183. & celle de Beauquesne, art. 2. attribue ce droit au seigneur haut, moyen ou bas justicier. Celle de Ponthieu l'attribue au seigneur féodal qui n'a que justice fonciere. La coûtume d'Artois le donne aussi au seigneur foncier. Dans quelques coûtumes il se prend en nature; en d'autres il se perçoit en argent. Dans la coûtume d'Amiens, il est pour chaque piece de vin de deux lots; ailleurs il est plus ou moins considérable, ce qui dépend de la coûtume, des titres, & de la possession. Quelques coûtumes attribuent au seigneur le droit de forage pour le vin & autres liqueurs vendus en piece. Par l' art. 7. de la coûtume de Téroanne, le droit de forage de vins, cervoise, & autres breuvages qui se vendent en la ville à bloc & en grosse, appartient à l'évêque du lieu. L'évêque & comte de Beauvais a aussi droit de forage , & prétend que les chevaux, chariots & vin lui sont acquis à faute de payement; & par arrêt du Parlement de Paris du 9 Mars 1533, ce droit leur fut adjugé à raison de 16 deniers pour le vin vendu en détail en la ville, & de 20 deniers pour celui vendu en gros. Voyez le gloss. de Ducange, au mot foragium; celui de Lauriere, au mot forage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORAIN Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORAIN FORAIN, ( Jurisprud. ) se dit d'une personne ou d'une chose qui vient de dehors. On comprend quelquefois sous le terme de forains , les aubains. Voyez Aubain . Mais on entend plus communément par forains , ceux qui ne sont pas du lieu dont il s'agit; comme les débiteurs forains que le créancier peut faire arrêter dans les ville d'arrêt. Voyez Arrét , Débiteur , Ville d'Arrêt . Les marchands forains sont ceux qui fréquentent les foires. Traites foraines sont les droits qui se payent sur les marchandises qui entrent dans le royaume ou qui en sortent. Prevôt forain , est un juge dont la jurisdiction ne s'étend que sur les personnes qui sont hors de la ville, ou est son siége. Voyez Prevôt & Prevôté . Official forain , est celui qui est délégué par l'évêque hors du lieu où est le siége de son évêché. Voyez Official . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forain Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=adject Forain Forain , adj. pris subst. ( Commerce. ) on appelle marchand forain un marchand étranger qui n'est pas du lieu ou il vient faire son négoce Marchand forain signifie aussi un marchand qui ne fréquente que les foires; qui va revendre dans l'une les marchandises qu'il a achetées dans l'autre. Voyez Foire . On appelle marchandises foraines , celles qui sont fabriquées hors des lieux où l'on vient en faire la vente. Elles sont sujettes à confiscation, & les marchands forains à une amende fixée par les statuts des corps & communautés, ou par les officiers de police, lorsqu'elles n'ont pas les qualités requises par les ordonnances Dict. de Comm. de Trév. & Chamb . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORAINE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=adject FORAINE FORAINE, adj. pris subst. ( Commerce. ) droit qu'on paye à Bordeaux sur les marchandises qui viennent de la province de Languedoc, du Roüergue, Querci, Armagnac, Comminge, & Riviere de Verdun. On le nomme autrement patente de Languedoc. Dictionn. de Comm. de Chamb . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORBAN Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FORBAN FORBAN, s. m. ( Jurisprud. ) se dit en quelques coûtumes pour bannissement . L'ancienne coûtume du Perche chap. jv. appelle droit de forban , ce que la nouvelle coûtume appelle bannir . La coûtume de Bretagne art. xj. appelle sentence de forban celle qui prononce un bannissement. V. Bannissement . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forbans Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Forbans Forbans , pl. ( Marine. ) on donne ce nom à ceux qui courent les mers sans commission, & qui attaquent & pillent indistinctement tous ceux qu'ils rencontrent, amis ou ennemis. Les forbans n'ont point de pavillon particulier, mais arborent indifféremment ceux de toutes les nations, pour se mieux déguiser, suivant les circonstances; aussi lorsqu'on les prend, ils sont traités comme des voleurs publics, & pendus tout de suite. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forban Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA Forban * Forban , ( terme de Pêche. ) petit bateau pêcheur du Marbian, ou baic de Vannes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORBANNI Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject FORBANNI FORBANNI, adj. ( Jurisprud. ) forbannitus quase Foras bannitus , c'est celui qui a été banni d'un certain lieu. Les bannis sont ainsi appellés en la coûtume de Normandie, chap. xxiij. lxxvj. lxxx. c. cxxj. au style du pays de Normandie; en la coûtume de Bearn, tit. xvj. art. 1. & au livre de l'établissement du roi pour les plaids des prevôts de Paris & d'Orléans. La coûtume d'Anjou, art. xlviij. & celle de Normandie, ch. xxjv. se sert du terme de forbannir , pour bannir; & celle de Normandie, ibid. dit forbannissement pour bannissement . Voyez les conslit. de Sicile, lib. I. tit. l. lxxij. & lib. II. tit. x. xx. Leg. ripuar. tit. lxxxjx. & lib. III. Leg. francicae, cap. xljx. l. lib. IV. cap. lxxj. & ci-devant Forran . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORBANNISSEMENT Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORBANNISSEMENT FORBANNISSEMENT, ( Jurisp. ) bannnissement, voyez ci-devant Forban & Forbanni . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORBISHER, (Détroit de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORBISHER FORBISHER, ( Détroit de ) Géog. en anglois Forbisher's streight , détroit de l'Océan septentrional, entre la côte maritime de Groënlande, & une île à laquelle on ne donne point de nom sur les cartes. Martin Forbisher, natif de la Province d'Yorck, fameux par ses courses & par ses exploits sur mer, fit trois differens voyages en 1576, 1577, & 1578, pour découvrir une route au N. O. afin de passer s'il étoit possible, par le Nord de l'Amérique dans les mers des Indes. Il ne trouva point ce qu'il cherchoit; mais il découvrit en échange plusieurs grands bras de mer, des baies, des îles, des caps, & des terres qui formoient un grand détroit auquel il a donné son nom. Notre anglois trouva le détroit dont il s'agit ici, dans le 69 d de latitude. Les habitans du lieu sont basanés, ont des cheveux noirs, le nez écrasé, & s'habillent de peaux de veaux marins; la plûpart des femmes se font des découpures au visage, & y appliquent pour fard, une couleur bleue & ineffaçable. Les montagnes de glace & de neige empêcherent le chevalier Forbisher de pénétrer dans le pays, & de pouvoir le décrire. Personne depuis ce tems-là n'a été plus heureux. Voyez sur la vie de ce grand navigateur Heroologia anglica . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORÇAGE Author=unknown Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=s.m. FORÇAGE FORÇAGE, s. m. ( à la Monnoie. ) c'est l'excédent que peut avoir une piece au-dessus du poids prescrit par les ordonnances. Lorsque cela arrive par la faute sans doute des ajusteurs ou tailleresse, c'est toûjours au détriment ou perte du directeur. Le forçage est appellé, par l'ordonnance de 1554, largesse: ce mot est assez bien placé, car c'est un don que le directeur fait au public; il est rare. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCALQUIER Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORCALQUIER FORCALQUIER, Forum calcorium , ( Géog. ) petite ville de Provence, capitale du comté de même nom. Elle est sur une hauteur, à six lieues de Manosque, 8 S. O. de Sisteron, 12 N. E. d'Aix. Lon. 23 d . 32 l . latit. 43 d . 58 l . Le comté de Forcalquier avoit autrefois ses comtes particuliers, qui dans les anciens titres sont aussi appellés comtes d'Arles, comites Arelatensium; parce qu'Arles étoit la capitale de leurs états. Le roi prend le titre de comte de Provence , de Forcalquier , &c. dans les actes qui concernent la province. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORÇAT Author=Diderot Normalized Classification=Jurisprudence | Marine Part of Speech=s.m. FORÇAT * FORÇAT, s. m. ( Jurisprud. & Marine. ) homme qu'on a condamné aux galeres pour quelque crime. Voyez Galerien . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCE Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire | Littérature Part of Speech=s.f. FORCE FORCE, s. f. ( Gramm. & Littér. ) ce mot a été transporté du simple au figuré. Force se dit de toutes les parties du corps qui sont en mouvement, en action; la force du coeur, que quelques-uns ont fait de quatre cents livres, & d'autres de trois onces; la force des visceres, des poumons, de la voix; à force de bras. On dit par analogie, faire force de voiles, de rames; rassembler ses forces; connoître, mesurer ses forces; aller, entreprendre au-delà de ses forces; le travail de l'Encyclopédie est au-dessus des forces de ceux qui se sont déchaînés contre ce livre. On a long-tems appellé forces de grands ciseaux ( Voyez Forces , Arts méch. ); & c'est pourquoi dans les états de la ligue on fit une estampe de l'ambassadeur d'Espagne, cherchant avec ses lunettes ses ciseaux qui étoient à terre, avec ce jeu de mots pour inscription, j'ai perdu mes forces . Le style très-familier admet encore, force gens, forces gibier, force fripons, force mauvais critiques. On dit, à force de travailler il s'est épuisé; le fer s'affoiblit à force de le polir. La métaphore qui a transporté ce mot dans la Morale, en a fait une vertu cardinale. La force en ce sens est le courage de soûtenir l'adversité, & d'entreprendre des choses vertueuses & difficiles, animi fortitudo . La force de l'esprit est la pénétration, & la profondeur, ingenii vis . La nature la donne comme celle du corps; le travail modéré les augmente, & le travail outré les diminue. La force d'un raisonnement consiste dans une exposition claire, des preuves exposées dans leur jour, & une conclusion juste; elle n'a point lieu dans les théorèmes mathématiques, parce qu'une démonstration ne peut recevoir plus ou moins d'évidence, plus ou moins de force; elle peut seulement procéder par un chemin plus long ou plus court, plus simple ou plus compliqué. La force du raisonnement a sur-tout lieu dans les questions problématiques. La force de l'éloquence n'est pas seulement une suite de raisonnemens justes & vigoureux, qui subsisteroient avec la sécheresse; cette force demande de l'embonpoint, des images frappantes, des termes énergiques. Ainsi on a dit que les sermons de Bourdaloue avoient plus de force , ceux de Massillon plus de graces. Des vers peuvent avoir de la force , & manquer de toutes les autres beautés. La force d'un vers dans notre langue vient principalement de l'art de dire quelque chose dans chaque hémystiche: Et monté sur le faîte, il aspire à descendre . L'éternel est son nom, le monde est son ouvrage . Ces deux vers pleins de force & d'élégance, sont le meilleur modele de la Poésie. La force dans la Peinture est l'expression des muscles, que des touches ressenties font paroître en action sous la chair qui les couvre. Il y a trop de force quand ces muscles sont trop prononcés. Les attitudes des combattans ont beaucoup de force dans les batailles de Constantin, dessinées par Raphael & par Jules romain, & dans celles d'Alexandre peintes par le Brun. La force outrée est dure dans la Peinture, empoulée dans la Poésie. Des philosophes ont prétendu que la force est une qualité inhérente à la matiere; que chaque particule invisible, ou plûtôt monade , est doüée d'une force active: mais il est aussi difficile de démontrer cette assertion, qu'il le seroit de prouver que la blancheur est une qualité inhérente à la matiere, comme le dit le dictionnaire de Trévoux à l'article Inhérent . La force de tout animal a reçu son plus haut degré, quand l'animal a pris toute sa croissance; elle décroît, quand les muscles ne reçoivent plus une nourriture égale, & cette nourriture cesse d'être égale quand les esprits animaux n'impriment plus à ces muscles le mouvement accoûtumé. Il est si probable que ces esprits animaux sont du feu, que les vieillards manquent de mouvement, de force , à mesure qu'ils manquent de chaleur. Voyez les articles suivans. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force Author=unknown Normalized Classification=Iconologie Part of Speech=NA Force Force , ( Iconolog. ) On représente la force sous la figure d'une femme vêtue d'une peau de lion, appuyée d'une main sur un bout de colonne, & tenant de l'autre main un rameau de chêne. Elle est quelquefois accompagnée d'un lion. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force Author=d'Alembert2 Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=NA Force Force , terme fort usité en Méchanique , & auquel les Méchaniciens attachent différens sens, dont nous allons detailler les principaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force d'inertie Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Force d'inertie Force d'inertie , est la propriété qui est commune à tous les corps de rester dans leur état, soit de repos ou de mouvement, à moins que quelque cause étrangere ne les en fasse changer. Les corps ne manifestent cette force , que lorsqu'on veut changer leur état; & on lui donne alors le nom de résistance ou d' action , suivant l'aspect sous lequel on la considere. On l'appelle résistance , lorsqu'on veut parler de l'effort qu'un corps fait contre ce qui tend à changer son état; & on la nomme action , lorsqu'on veut exprimer l'effort que le même corps fait pour changer l'état de l'obstacle qui lui résiste. Voyez Action , Cosmologie , & la suite de cet article . Dans la définition de la force d'inertie , je me suis servi du mot de propriété , plûtôt que de celui de puissance; parce que le second de ces mots semble désigner un être métaphysique & vague, qui réside dans le corps, & dont on n'a point d'idée nette; au lieu que le premier ne désigne qu'un effet constamment observé dans les corps. Preuves de la force d'inertie . On voit d'abord fort clairement qu'un corps ne peut se donner le mouvement à lui-même: il ne peut donc être tiré du repos que par l'action de quelque cause étrangere. De-là il s'ensuit que si un corps reçoit du mouvement par quelque cause que ce puisse être, il ne pourra de lui-même accélérer ni retarder ce mouvement. On appelle en général puissance ou cause motrice , tout ce qui oblige un corps à se mouvoir. Voyez Puissance , &c. Un corps mis une fois en mouvement par une cause quelconque, doit y persister toûjours uniformément & en ligne droite, tant qu'une nouvelle cause différente de celle qui l'a mis en mouvement, n'agira pas sur lui, c'est-à-dire qu'à moins qu'une cause étrangere & différente de la cause motrice n'agisse sur ce corps, il se mouvra perpétuellement en ligne droite, & parcourra en tems égaux des espaces égaux. Car, ou l'action indivisible & instantanée de la cause motrice au commencement du mouvement, suffit pour faire parcourir au corps un certain espace, ou le corps a besoin pour se mouvoir de l'action continuée de la cause motrice. Dans le premier cas, il est visible que l'espace parcouru ne peut être qu'une ligne droite décrite uniformément par le corps mû: car ( hyp. ) passé le premier instant, l'action de la cause motrice n'existe plus, & le mouvement néanmoins subsiste encore: il sera donc nécessairement uniforme, puisqu'un corps ne peut accélérer ni retarder son mouvement de lui-même. De plus, il n'y a pas de raison pour que le corps s'écarte à droite plûtôt qu'à gauche; donc dans ce premier cas, où l'on suppose qu'il soit capable de se mouvoir de lui-même pendant un certain tems, indépendamment de la cause motrice, il se mouvra de lui même pendant ce tems uniformément & en ligne droite. Or un corps qui peut se mouvoir de lui-même uniformément & en ligne droite pendant un certain tems, doit continuer perpétuellement à se mouvoir de la même maniere, si rien ne l'en empêche: car supposons le corps partant de A , ( fig. 32 . Méchan. ) & capable de parcourir de lui-même uniformément la ligne AB; soient pris sur la ligne AB deux points quelconques C, D , entre A & B ; le corps étant en D est précisément dans le même état que lorsqu'il est en C , si ce n'est qu'il se trouve dans un autre lieu. Donc il doit arriver à ce corps la même chose que quand il est en C . Or étant en C , il peut ( hyp. ) se mouvoir de lui-même uniformément jusqu'en B . Donc étant en D , il pourra se mouvoir de lui-même uniformément jusqu'au point G , tel que DG = CB , & ainsi de suite. Donc si l'action premiere & instantanée de la cause motrice est capable de mouvoir le corps, il sera mû uniformément & en ligne droite, tant qu'une nouvelle cause ne l'en empêchera pas. Dans le second cas, puisqu'on suppose qu'aucune cause étrangere & différente de la cause motrice n'agit sur le corps, rien ne détermine donc la cause motrice à augmenter ni à diminuer; d'où il s'ensuit que son action continuée sera uniforme & constante, & qu'ainsi pendant le tems qu'elle agira, le corps se mouvra en ligne droite & uniformément. Or la même raison qui a fait agir la cause motrice constamment & uniformément pendant un certain tems, subsistant toûjours tant que rien ne s'oppose à son action, il est clair que cette action doit demeurer continuellement la même, & produire constamment le même effet. Donc, &c. Donc en général un corps mis en mouvement par quelque cause que ce soit, y persistera toûjours uniformément & en ligne droite, tant qu'aucune cause nouvelle n'agira pas sur lui. La ligne droite qu'un corps décrit ou tend à décrire, est nommée sa direction. Voyez Direction . Nous nous sommes un peu étendus sur la preuve de cette seconde loi, parce qu'il y a eu & qu'il y a peut-être encore quelques philosophes qui prétendent que le mouvement d'un corps doit de lui-même se ralentir peu-à-peu, comme il semble que l'expérience le prouve. Il faut convenir au reste, que les preuves qu'on donne ordinairement de la force d'inertie , en tant qu'elle est le principe de la conservation du mouvement, n'ont point le degré d'évidence nécessaire pour convaincre l'esprit; elles sont presque toutes fondées, ou sur une force qu'on imagine dans la matiere, par laquelle elle résiste à tout changement d'état, ou sur l'indifférence de la matiere au mouvement comme au repos. Le premier de ces deux principes, outre qu'il suppose dans la matiere un être dont on n'a point d'idée nette, ne peut suffire pour prouver la loi dont il est question: car lorsqu'un corps se meut, même uniformement, le mouvement qu'il a dans un instant quelconque, est distingué & comme isolé du mouvement qu'il a eu ou qu'il aura dans les instans précédens ou suivans. Le corps est donc en quelque maniere à chaque instant dans un nouvel état; il ne fait, pour ainsi dire, continuellement que commencer à se mouvoir, & on pourroit croire qu'il tendroit sans cesse à retomber dans le repos, si la même cause qui l'en a tiré d'abord, ne continuoit en quelque sorte à l'en tirer toûjours. A l'égard de l'indifférence de la matiere au mouvement ou au repos, tout ce que ce principe présente, ce me semble, de bien distinct à l'esprit, c'est qu'il n'est pas essentiel à la matiere de se mouvoir toûjours, ni d'être toûjours en repos; mais il ne s'ensuit pas de cette loi, qu'un corps en mouvement ne puisse tendre continuellement au repos, non que le repos lui soit plus essentiel que le mouvement, mais parce qu'il pourroit sembler qu'il ne faudroit autre chose à un corps pour être en repos, que d'être un corps, & que pour le mouvement il auroit besoin de quelque chose de plus, & qui devroit être pour ainsi dire continuellement reproduit en lui. La démonstration que j'ai donnée de la conservation du mouvement, a cela de particulier, qu'elle a lieu également, soit que la cause motrice doive toûjours être appliquée au corps, ou non. Ce n'est pas que je croye l'action continuée de cette cause, nécessaire pour mouvoir le corps; car si l'action instantanée ne suffisoit pas, quel seroit alors l'effet de cette action? & si l'action instantanée n'avoit point d'effet, comment l'action continuée en auroit-elle? Mais comme on doit employer à la solution d'une question le moins de principes qu'il est possible, j'ai cru devoir me borner à démontrer que la continuation du mouvement a lieu également dans les deux hypothèses: il est vrai que notre démonstration suppose l'existence du mouvement, & à plus forte raison sa possibilité; mais nier que le mouvement existe, c'est se refuser à un fait que personne ne révoque en doute. Voyez Mouvement . Voilà, si je ne me trompe, comment on peut prouver la loi de la continuation du mouvement, d'une maniere qui soit à l'abri de toute chicane. Dans le mouvement il semble, comme nous l'avons déja observé, qu'il y ait en quelque sorte un changement d'état continuel; & cela est vrai dans ce seul sens, que le mouvement du corps, dans un instant quelconque, n'a rien de commun avec son mouvement dans l'instant précédent ou suivant. Mais on auroit tort d'entendre par changement d'état , le changement de place ou de lieu que le mouvement produit: car quand on examine ce prétendu changement d'état avec des yeux philosophiques, on n'y voit autre chose qu'un changement de relation, c'est-à-dire un changement de distance du corps mû aux corps environnans. Nous sommes fort enclins à croire qu'il y a dans un corps en mouvement un effort ou énergie, qui n'est point dans un corps en repos. La raison pour laquelle nous avons tant de peine à nous détacher de cette idée, c'est que nous sommes toûjours portés à transférer aux corps inanimés les choses que nous observons dans notre propre corps. Ainsi nous voyons que quand notre corps se meut, ou frappe quelque obstacle, le choc ou le mouvement est accompagné en nous d'une sensation qui nous donne l'idée d'une force plus ou moins grande; or en transportant aux autres corps ce même mot force , nous appercevrons avec une legere attention, que nous ne pouvons y attacher que trois différens sens: 1°. celui de la sensation que nous éprouvons, & que nous ne pouvons pas supposer dans une matiere inanimée: 2°. celui d'un être métaphysique, différent de la sensation, mais qu'il nous est impossible de concevoir, & par conséquent de définir: 3°. enfin (& c'est le seul sens raisonnable) celui de l'effet même, ou de la propriété qui se manifeste par cet effet, sans examiner ni rechercher la cause. Or en attachant au mot force ce dernier sens, nous ne voyons rien de plus dans le mouvement, que dans le repos, & nous pouvons regarder la continuation du mouvement, comme une loi aussi essentielle que celle de la continuation du repos. Mais, dira-t-on, un corps en repos ne mettra jamais un corps en mouvement; au lieu qu'un corps en mouvement meut un corps en repos. Je réponds que si un corps en mouvement meut un corps en repos, c'est en perdant lui-même une partie de son mouvement; & cette perte vient de la résistance que fait le corps en repos au changement d'état. Un corps en repos n'a donc pas moins une force réelle pour conserver son état, qu'un corps en mouvement, quelque idée qu'on attache au mot force. Voyez Communication de mouvement , &c. Le principe de la force d'inertie peut se prouver aussi par l'expérience. Nous voyons 1°. que les corps en repos y demeurent tant que rien ne les en tire; & si quelquefois il arrive qu'un corps soit mû sans que nous connoissions la cause qui le meut, nous sommes en droit de juger, & par l'analogie, & par l'uniformité des lois de la nature, & par l'incapacité de la matiere à se mouvoir d'elle-même, que cette cause, quoique non apparente, n'en est pas moins réelle. 2°. Quoiqu'il n'y ait point de corps qui conserve éternellement son mouvement, parce qu'il y a toûjours des causes qui le rallentissent peu-à-peu, comme le frotement & la résistance de l'air; cependant nous voyons qu'un corps en mouvement y persiste d'autant plus long-tems, que les causes qui retardent ce mouvement sont moindres: d'où nous pouvons conclure que le mouvement ne finiroit point, si les forces retardatrices étoient nulles . L'expérience journaliere de la pesanteur semble démentir le premier de ces deux principes. La multitude a peine à s'imaginer qu'il soit nécessaire qu'un corps soit poussé vers la terre pour s'en approcher; accoûtumée à voir tomber un corps dès qu'il n'est pas soûtenu, elle croit que cette seule raison suffit pour obliger le corps à se mouvoir. Mais une réflexion bien simple peut desabuser de cette opinion. Qu'on place un corps sur une table horisontale; pourquoi ce corps ne se meut-il pas horisontalement le long de la table, puisque rien ne l'en empêche? pourquoi ce corps ne se meut-il pas de bas en-haut, puisque rien n'arrête son mouvement en ce sens? Donc, puisque le corps se meut de haut en-bas, & que par lui-même il est évidemment indifférent à se mouvoir dans un sens plûtôt que dans un autre, il y a quelque cause qui le détermine à se mouvoir en ce sens. Ce n'est donc pas sans raison que les Philosophes s'étonnent de voir tomber une pierre; & le peuple qui rit de leur étonnement, le partage bien-tôt lui-même pour peu qu'il refléchisse. Il y a plus: la plûpart des corps que nous voyons se mouvoir, ne sont tirés du repos que par l'impulsion visible de quelque autre corps. Nous devons donc être naturellement portés à juger que le mouvement est toûjours l'effet de l'impulsion: ainsi la premiere idée d'un philosophe qui voit tomber un corps, doit être que ce corps est poussé par quelque fluide invisible. S'il arrive cependant qu'après avoir approfondi davantage cette matiere, on trouve que la pesanteur ne puisse s'expliquer par l'impulsion d'un fluide, & que les phénomenes se refusent à cette hypothèse; alors le philosophe doit suspendre son jugement, & peut-être même doit-il commencer à croire qu'il peut y avoir quelque autre cause du mouvement des corps que l'impulsion; ou du moins (ce qui est aussi contraire aux principes communément reçûs) que l'impulsion des corps, & sur-tout de certains fluides inconnus, peut avoir des lois toutes différentes de celles que l'expérience nous a fait découvrir jusqu'ici. Voyez Attraction . Un savant géometre de nos jours ( Voyez Euleri opuscula , Berlin, 1746.) prétend que l'attraction, quand on la regarde comme un principe différent de l'impulsion, est contraire au principe de la force d'inertie , & par conséquent ne peut appartenir aux corps; car, dit ce géometre, un corps ne peut se donner le mouvement à lui-même, & par conséquent ne peut tendre de lui-même vers un autre corps, sans y être déterminé par quelque cause. Il suffit de répondre à ce raisonnement, 1°. que la tendance des corps les uns vers les autres, quelle qu'en soit la cause, est une loi de la nature constatée par les phénomenes. Voyez Gravitation . 2°. Que si cette tendance n'est point produite par l'impulsion, ce que nous ne décidons pas, en ce cas la présence d'un autre corps suffit pour altérer le mouvement de celui qui se meut; & que comme l'action de l'ame sur le corps n'empêche pas le principe de la force d'inertie d'être vrai, de même l'action d'un corps sur un autre, exercée à distance, ne nuit point à la vérité de ce principe, parce que dans l'énoncé de ce principe, on fait abstraction de toutes les causes (quelles qu'elles puissent être) qui peuvent altérer le mouvement du corps, soit que nous puissions comprendre ou non la maniere d'agir de ces forces . Le même géometre va plus loin; il entreprend de prouver que la force d'inertie est incompatible avec la faculté de penser, parce que cette derniere faculté entraîne la propriété de changer de soi-même son état: d'où il conclut que la force d'inertie étant une propriété reconnue de la matiere, la faculté de penser n'en sauroit être une. Nous applaudissons au zele de cet auteur pour chercher une nouvelle preuve d'une vérité que nous ne prétendons pas combattre: cependant à considérer la chose uniquement en philosophes, nous ne voyons pas que pas cette nouvelle preuve il ait fait un grand pas en Métaphysique. La force d'inertie n'a lieu, comme l'expérience le prouve, que dans la matiere brute, c'est-à-dire dans la matiere qui n'est point unie à un principe intelligent dont la volonté la meut: ainsi soit que la matiere reçoive par elle-même la faculté de penser (ce que nous sommes bien éloignés de croire), soit qu'un principe intelligent & d'une nature différente lui soit uni, dès-lors elle perdra la force d'inertie , ou, pour parler plus exactement, elle ne paroîtra plus obéir à cette force . Sans doute il n'est pas plus aisé de concevoir comment ce principe intelligent, uni à la matiere & différent d'elle, peut agir sur elle pour la mouvoir, que de comprendre comment la force d'inertie peut se concilier avec la faculté de penser, que les Matérialistes attribuent faussement aux corps: mais nous sommes certains par la religion, que la matiere ne peut penser; & nous sommes certains par l'expérience, que l'ame agit sur le corps. Tenons-nous-en donc à ces deux vérités incontestables, sans entreprendre de les concilier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force vive, ou Force des Corps en mouvement Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Force vive Force vive , ou Force des Corps en mouvement ; c'est un terme qui a été imaginé par M. Leibnitz, pour distinguer la force d'un corps actuellement en mouvement, d'avec la force d'un corps qui n'a que la tendance au mouvement, sans se mouvoir en effet: ce qui a besoin d'être expliqué plus au long. Supposons, dit M. Leibnitz, un corps pesant appuyé sur un plan horisontal. Ce corps fait un effort pour descendre; & cet effort est continuellement arrêté par la résistance du plan; de sorte qu'il se réduit à une simple tendance au mouvement. M. Leibnitz appelle cette force & les autres de la même nature, force mortes . Imaginons au contraire, ajoûte le même philosophe, un corps pesant qui est jetté de bas en haut, & qui en montant ralentit toûjours son mouvement à cause de l'action de la pesanteur, jusqu'à ce qu'enfin sa force soit totalement perdue, ce qui arrive lorsqu'il est parvenu à la plus grande hauteur à laquelle il peut monter; il est visible que la force de ce corps se détruit par degrés & se consume en s'exerçant. M. Leibnitz appelle force vive cette derniere force , pour la distinguer de la premiere, qui naît & meurt au même instant; & en général, il appelle force vive la force d'un corps qui se meut d'un mouvement continuellement retardé & rallenti par des obstacles, jusqu'à ce qu'enfin ce mouvement soit anéanti, après avoir été successivement diminué par des degrés insensibles. M. Leibnitz convient que la force morte est comme le produit de la masse par la vîtesse virtuelle , c'est-à-dire avec laquelle le corps tend à se mouvoir, suivant l'opinion commune. Ainsi pour que deux corps qui se choquent ou qui se tirent directement, se fassent équilibre, il faut que le produit de la masse par la vîtesse virtuelle soit le même de part & d'autre. Or en ce cas, la force de chacun de ces deux corps est une force morte, puisqu'elle est artêtée tout-à-la-fois & comme en son entier par une force contraire. Donc dans ce cas, le produit de la masse par la vîtesse doit représenter la force . Mais M. Leibnitz soûtient que la force vive doit se mesurer autrement, & qu'elle est comme le produit de la masse par le quarré de la vîtesse; c'est-à-dire qu'un corps qui a une certaine force lorsqu'il se meut avec une vîtesse donnée, aura une force quadruple, s'il se meut avec une vîtesse double; une force neuf fois aussi grande, s'il se meut avec une vîtesse triple, &c. & qu'en général, si la vitesse est successivement 1,2,3, 4, &c. la force sera comme 1, 4, 9, 16, &c. c'est-à-dire comme les quarrés des nombre 1, 2, 3, 4: au lieu que si ce corps n'étoit pas réellement en mouvement, mais tendoit à se mouvoir avec les vitesses 1, 2, 3, 4, &c. sa force n'étant alors qu'une force morte, seroit comme 1, 2, 3, 4, &c. Dans le système des adversaires des force vives , la force des corps en mouvement est toûjours proportionnelle à ce qu'on appelle autrement quantité de mouvement , c'est-à-dire au produit de la masse des corps par la vitesse; au lieu que dans le système opposé, elle est le produit de la quantité de mouvement par la vîtesse. Pour réduire cette question à son énoncé le plus simple, il s'agit de savoir si la force d'un corps qui a une certaine vitesse, devient double ou quadruple quand sa vîtesse devient double. Tous les Méchaniciens avoient crû jusqu'à M. Leibnitz qu'elle étoit simplement double: ce grand philosophe soûtint le premier qu'elle étoit quadruple; & il le prouvoit par le raisonnement suivant. La force d'un corps ne se peut mesurer que par ses effets & par les obstacles qu'elle lui fait vaincre. Or si un corps pesant étant jetté de bas en haut avec une certaine vîtesse monte à la hauteur de quinze piés, il doit, de l'aveu de tout le monde, monter à la hauteur de 60 piés, étant jetté de bas en haut avec une vîtesse double, voyez Accélération . Il fait donc dans ce dernier cas quatre fois plus d'effet, & surmonte quatre fois plus d'obstacles: sa force est donc quadruple de la premiere. M. Jean Bernoulli, dans son discours sur les lois de la communication du mouvement , imprimé en 1726, & joint au recueil général de ses oeuvres, a ajoûté à cette preuve de M. Leibnitz une grande quantité d'autres preuves. Il a démontré qu'un corps qui ferme ou bande un ressort avec une certaine vîtesse, peut avec une vîtesse double, fermer quatre ressorts semblables au premier; neuf avec une vîtesse triple, &c. M. Bernoulli fortifie ce nouvel argument en faveur des forces vives , par d'autres observations très curieuses & très-importantes, dont nous aurons lieu de parler plus bas, à l' article Conservation des Forces vives . Cet ouvrage a été l'époque d'une espece de schisme entre les savans sur la mesure des forces . La principale réponse qu'on a faite aux objections des partisans des forces vives, voyez les mém. de l'académie de 1728 , consiste à réduire le mouvement retardé en uniforme, & à soûtenir qu'en ce cas la force n'est que comme la vitesse: on avoue qu'un corps qui parcourt quinze piés de bas en haut, parcourra soixante piés avec une vîtesse double: mais on dit qu'il parcourra ces soixante piés dans un tems double du premier. Si son mouvement étoit uniforme, il parcourroit dans ce même tems double cent vingt piés, voyez Accélération . Or dans le cas où il parcourroit quinze piés d'un mouvement retardé, il parcourroit trente piés dans le même tems, & soixante piés dans un tems double avec un mouvement uniforme: les effets sont donc ici comme 120 & 60, c'est-à-dire comme 2 & 1; & par conséquent la force dans le premier cas n'est que double de l'autre, & non pas quadruple. Ainsi, conclut-on, un corps pesant parcourt quatre fois autant d'espace avec une vîtesse double, mais il le parcourt en un tems double; & cela équivaut à un effet double & non pas quadruple. Il faut donc, dit-on, diviser l'espace par le tems pour avoir l'effet auquel la force est proportionnelle, & non pas faire la force proportionnelle à l'espace. Les défenseurs des forces vives répondent à cela, que la nature d'une force plus grande est de durer plus longtems; & qu'ainsi il n'est pas surprenant qu'un corps pesant qui parcourt quatre fois autant d'espace, le parcoure en un tems double: que l'effet réel de la force est de faire parcourir quatre fois autant d'espace: que le plus ou moins de tems n'y fait rien; parce que ce plus ou moins de tems vient du plus ou moins de grandeur de la force; & qu'il n'est point vrai de dire, comme il paroît résulter de la réponse de leurs adversaires, que la force soit d'autant plus petite, toutes choses d'ailleurs égales, que le tems est plus grand; puisqu'au contraire il est infiniment plus naturel de croire qu'elle doit être d'autant plus grande qu'elle est plus long-tems à se consumer. Au reste, il est bon de remarquer que pour supposer la force proportionnelle au quarré de la vîtesse, il n'est pas nécessaire, selon les partisans des forces vives , que cette force se consume réellement & actuellement en s'exerçant; il suffit d'imaginer qu'elle puisse être consumée & anéantie peu-à-peu par degrés infiniment petits. Dans un corps mû uniformément, la force n'en est pas moins proportionnelle au quarré de la vîtesse, selon ces Philosophes, quoique cette force demeure toûjours la même; parce que si cette force s'exerçoit contre des obstacles qui la consumassent par degrés, son effet seroit alors comme le quarré de la vîtesse. Nous renvoyons nos lecteurs à ce qu'on a écrit pour & contre les forces vives dans les mémoires de l'acad. 1728 , dans ceux de Petersbourg, tome I. & dans d'autres ouvrages. Mais au lieu de rappeller ici tout ce qui a été dit sur cette question, il ne sera peut-être pas inutile d'exposer succinctement les principes qui peuvent servir à la résoudre. Quand on parle de la force des corps en mouvement, ou l'on n'attache point d'idée nette au mot que l'on prononce, ou l'on ne peut entendre par-là en général que la propriété qu'ont les corps qui se meuvent, de vaincre les obstacles qu'ils rencontrent, ou de leur résister. Ce n'est donc ni par l'espace qu'un corps parcourt uniformément, ni par le tems qu'il employe à le parcourir, ni enfin par la considération simple, unique, & abstraite de sa masse & de sa vîtesse, qu'on doit estimer immédiatement la force; c'est uniquement par les obstacles qu'un corps rencontre, & par la résistance que lui font ces obstacles. Plus l'obstacle qu'un corps peut vaincre, ou auquel il peut résister, est considérable, plus on peut dire que sa force est grande; pourvû que sans vouloir représenter par ce mot un prétendu être qui réside dans le corps, on ne s'en serve que comme d'une maniere abrégée d'exprimer un fait; à-peu-près comme on dit, qu'un corps a deux fois autant de vîtesse qu'un autre, au lieu de dire qu'il parcourt on tems égal deux fois autant d'espace, sans prétendre pour cela que ce mot de vîtesse représente un être inhérent au corps. Ceci bien entendu, il est clair qu'on peut opposer au mouvement d'un corps trois sortes d'obstacles; ou des obstacles invincibles qui anéantissent tout-à-fait son mouvement, quel qu'il puisse être; ou des obstacles qui n'ayent précisément que la résistance nécessaire pour anéantir le mouvement du corps, & qui l'anéantissent dans un instant, c'est le cas de l'équilibre; ou enfin des obstacles qui anéantissent le mouvement peu-à-peu; c'est le cas du mouvement retardé. Comme les obstacles insurmontables anéantissent également toutes sortes de mouvemens, ils ne peuvent servir à faire connoître la force: ce n'est donc que dans l'équilibre, ou dans le mouvement retardé, qu'on doit en chercher la mesure. Or tout le monde convient qu'il y a équilibre entre deux corps quand les produits de leurs masses par leurs vîtesses virtuelles, c'est-à-dire par les vîtesses avec lesquelles ils tendent à se mouvoir, sont égaux de part & d'autre. Donc dans l'équilibre, le produit de la masse par la vîtesse, ou, ce qui est la même chose, la quantité de mouvement peut représenter la force . Tout le monde convient aussi que dans le mouvement retardé, le nombre des obstacles vaincus est comme le quarré de la vîtesse: en sorte qu'un corps qui a fermé un ressort, par exemple, avec une certaine vîtesse, pourra avec une vîtesse double fermer, ou tout-à-la-fois ou successivement, non pas deux, mais quatre ressorts semblables au premier, neuf avec une vîtesse triple, & ainsi du reste. D'où les partisans des forces vives concluent que la force des corps qui se meuvent actuellement, est en général comme le produit de la masse par le quarré de la vîtesse. Au fond, quel inconvénient pourroit-il y avoir à ce que la mesure des forces fût différente dans l'équilibre & dans le mouvement retardé, puisque si on veut ne raisonner que d'après des idées claires, on doit n'entendre par le mot de force , que l'effet produit en surmontant l'obstacle, ou en lui résistant? Il faut avoüer cependant, que l'opinion de ceux qui regardent la force comme le produit de la masse par la vîtesse, peut avoir lieu non seulement dans le cas de l'équilibre, mais aussi dans celui du mouvement retardé, si dans ce dernier cas on mesure la force , non par la quantité absolue des obstacles, mais par la somme des résistances de ces mêmes obstacles. Car cette somme de résistances est proportionnelle à la quantité de mouvement, puisque, de l'aveu général, la quantité de mouvement que le corps perd à chaque instant, est proportionnelle au produit de la résistance par la durée infiniment petite de l'instant; & que la somme de ces produits est évidemment la résistance totale. Toute la difficulté se réduit donc à savoir si on doit mesurer la force par la quantité absolue des obstacles, ou par la somme de leurs résistances. Il me paroîtroit plus naturel de mesurer la force de cette derniere maniere: car un obstacle n'est tel qu'en tant qu'il résiste; & c'est, à proprement parler, la somme des résistances qui est l'obstacle vaincu. D'ailleurs en estimant ainsi la force , on a l'avantage d'avoir pour l'équilibre & pour le mouvement retardé une mesure commune: néanmoins, comme nous n'avons d'idée précise & distincte du mot de force , qu'en restraignant ce terme à exprimer un effet, je crois qu'on doit laisser chacun le maître de se décider comme il voudra là-dessus; & toute la question ne peut plus consister que dans une discussion métaphysique très-futile, ou dans une dispute de mots plus indigne encore d'occuper des Philosophes. Ce que nous venons de dire sur la fameuse question des forces vives , est tiré de la préface de notre traité de Dynamique , imprimé en 1743, dans le tems que cette question étoit encore fort agitée parmi les Savans. Il semble que les Géometres conviennent aujourd'hui assez unanimement de ce que nous soûtenions alors, que c'est une dispute de mots: & comment n'en seroit-ce pas une, puisque les deux partis sont d'ailleurs entierement d'accord sur les principes fondamentaux de l'équilibre & du mouvement? En effet, qu'on propose un problème de Dynamique à résoudre à deux géometres habiles, dont l'un soit adversaire & l'autre partisan des forces vives , leurs solutions, si elles sont bonnes, s'accorderont parfaitement entre elles: la mesure des forces est donc une question aussi inutile à la Méchanique, que les questions sur la nature de l'étendue & du mouvement: sur quoi on peut voir ce que nous avons dit au mot Elémens des Sciences , tome V. pag. 493. col. 1. & 2. Dans le mouvement d'un corps nous ne voyons clairement que deux choses; l'espace parcouru, & le tems qu'il employe à le parcourir. C'est de cette seule idée qu'il faut déduire tous les principes de la Méchanique, & qu'on peut en effet les déduire. Voyez Dynamique . Une considération qu'il ne faut pas négliger, & qui prouve bien qu'il ne s'agit ici que d'une question de nom toute pure; c'est que soit qu'un corps ait une simple tendance au mouvement arrêtée par quelque obstacle, soit qu'il se meuve d'un mouvement uniforme avec la vîtesse que cette tendance suppose, soit enfin que commençant à se mouvoir avec cette vîtesse, son mouvement soit anéanti peu-à-peu par quelque obstacle; dans tous ces cas, l'effet produit par le corps est différent: mais le corps en lui même ne reçoit rien de nouveau; seulement son action est différemment appliquée. Ainsi quand on dit que la force d'un corps est dans certains cas comme la vîtesse, dans d'autres comme le quarré de la vîtesse; on veut dire seulement que l'effet dans certains cas est comme la vîtesse, dans d'autres comme le quarré de cette vîtesse: encore doit on remarquer que le mot effet est ici lui-même un terme assez vague, & qui a besoin d'être défini avec d'autant plus d'exactitude, qu'il a des sens différens dans chacun des trois cas dont nous venons de parler. Dans le premier, il signifie l'effort que le corps fait contre l'obstacle; dans le second, l'espace parcouru dans un tems donné & constant; dans le troisieme, l'espace parcouru jusqu'à l'extinction totale du mouvement, sans avoir d'ailleurs aucun égard au tems que la force a mis à se consumer. On peut remarquer par tout ce que nous venons de dire, qu'un même corps, selon que sa tendance au mouvement est différemment appliquée, produit différens effets; les uns proportionnels à sa vîtesse, les autres au quarré de sa vîtesse. Ainsi ce prétendu axiome, que les effets sont proportionnels à leurs causes , est au moins très-mal énoncé, puisque voilà une même cause qui produit différens effets. Il faudroit mettre cette restriction à la proposition dont il s'agit, que les effets sont proportionnels à leurs causes, agissantes de la même maniere . Mais nous avons déjà fait voir aux mots Accélératrice & Cause , que ce prétendu axiome est un principe très-vague, très-mal exprimé, absolument inutile à la Méchanique, & capable de conduire à bien des paralogismes, quand on n'en fait pas usage avec précaution. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Conservation des forces vives Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Conservation des forces vives Conservation des forces vives . C'est un principe de Méchanique que M. Huyghens semble avoir apperçû le premier, & dont M. Bernoulli, & plusieurs autres géometres après lui, ont fait voir depuis l'étendue & l'usage dans la solution des problèmes de Dynamique. Voici quel est ce principe; il consiste dans les deux lois suivantes. 1°. Si des corps agissent les uns sur les autres, soit en se tirant par des fils ou des verges inflexibles, soit en se poussant, soit en se choquant, pourvû que dans ce dernier cas, ils soient à ressort parfait, la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses fait toûjours une quantité constante. 2°. Si les corps sont animés par des puissances quelconques, la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses à chaque instant, est égale à la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses initiales, plus les quarrés des vîtesses que les corps auroient acquises, si étant animés par les mêmes puissances, ils s'étoient mûs librement chacun sur la ligne qu'il a décrite. Nous avons dit soit en se poussant, soit en se choquant , & nous distinguons la pulsion d'avec le choc , parce que la conservation des forces vives a lieu dans les mouvemens des corps qui se poussent, pourvû que ces mouvemens ne changent que par degrés insensibles, ou plûtôt infiniment petits; au lieu qu'elle a lieu dans les corps élastiques qui se choquent, dans le cas même où le ressort agiroit en un instant indivisible, & les feroit passer sans gradation d'un mouvement à un autre. M. Huyghens paroît être le premier qui ait apperçu cette loi de la conservation des forces vives dans le choc des corps élastiques. Il paroît aussi avoir connu la loi de la conservation des forces vives dans le mouvement des corps qui sont animés par des puissances. Car le principe dont il se sert pour résoudre le problème des centres d'oscillation, n'est autre chose que la seconde loi exprimée autrement. M. Jean Bernoulli dans son discours sur les lois de la communication du mouvement dont nous avons parlé, a développé & étendu cette découverte de M. Huyghens, & il n'a pas oublié de s'en servir pour prouver son opinion sur la mesure des forces , à laquelle il croit ce principe très-favorable, puisque dans l'action mutuelle de deux corps, ce n'est presque jamais la somme des produits des masses par les vîtesses qui fait une somme constante, mais la somme des produits des masses par les quarrés des vîtesses. Descartes croyoit que la même quantité de force devoit toûjours subsister dans l'univers, & en conséquence il pretendoit faussement que le mouvement ne pouvoit pas se perdre, parce qu'il supposoit la force proportionnelle à la quantité de mouvement. Ce philosophe n'auroit peut-être pas été éloigné d'admettre la mesure des forces vives par les quarrés des vîtesses, si cette idée lui fût venue dans l'esprit. Cependant si on fait attention à ce que nous avons dit ci-dessus sur la notion qu'on doit attacher au mot de force , il semble que cette nouvelle preuve en faveur des forces vives , ou ne présente rien de net à l'esprit, ou ne lui présente qu'un fait & une vérité avoués de tout le monde. Dans mon traité de Dynamique imprimé en 1743, j'ai démontré le principe de la conservation des forces vives dans tous les cas possibles; & j'ai fait voir qu'il dépend de cet autre principe, que quand des puissances se font équilibre, les vîtesses virtuelles des points où elles sont appliquées, estimées suivant la direction de ces puissances, sont en raison inverse de ces mêmes puissances. Ce dernier principe est reconnu depuis long-tems par les Géometres pour le principe fondamental de l'équilibre, ou du moins pour une conséquence nécessaire de l'équilibre. M. Daniel Bernoulli dans son excellent ouvrage intitulé Hydrodynamica , a appliqué le premier au mouvement des fluides le principe de la conservation des forces vives , mais sans le démontrer. J'ai publié à Paris en 1744, un traité de l'équilibre & du mouvement des fluides , où je crois avoir démontré le premier la conservation des forces vives dans le mouvement des fluides. C'est aux savans à juger si j'y ai réussi. Je crois aussi avoir prouvé que M. Daniel Bernoulli s'est servi quelquefois du principe de la conservation des forces vives dans certains cas où il n'auroit pas dû en faire usage. Ce sont ceux où la vîtesse du fluide ou d'une partie du fluide change brusquement & sans gradation, c'est-à-dire sans diminuer par des degrés insensibles. Car le principe de la conservation des forces vives n'a jamais lieu lorsque les corps qui agissent les uns sur les autres passent subitement d'un mouvement à un mouvement différent, sans passer par les degrés de mouvement intermédiaires, à-moins que les corps ne soient supposés à ressort parfait. Encore dans ce cas le changement ne s'opere-t-il que par des degrés infiniment petits; ce qui le fait rentrer dans la regle générale. Voyez Hydrodynamique & Fluide . Dans les mém. de l'académie des Sciences de 1742 , M. Clairaut a démontré aussi d'une maniere particuliere le principe de la conservation des forces vives; & je dois remarquer à ce sujet, que quoique le mémoire de M. Clairaut soit imprimé dans le vol. de 1742, & que mon traité de Dynamique n'ait paru qu'en 1743, cependant ce mémoire & ce traité ont été présentés tous deux le même jour à l'académie. On peut voir par différens mémoires répandus dans les volumes des académies des Sciences de Paris, de Berlin, de Petersbourg, combien le principe de la conservation des forces vives facilite la solution d'un grand nombre de problemes de Dynamique; nous croyons même qu'il a été un tems où on auroit été fort embarrassé de résoudre plusieurs de ces problemes sans employer ce principe; & il me semble, si une prévention trop favorable pour mon propre travail ne m'en impose point, que j'ai donné le premier dans mon traite de Dynamique une méthode générale & directe pour résoudre toutes les questions imaginables de ce genre, sans y employer le principe de la conservation des forces vives , ni aucun autre principe indirect & secondaire. Cela n'empêche pas que je ne convienne de l'utilité de ces derniers principes pour faciliter, ou plûtôt pour abréger en certains cas les solutions, sur-tout lorsqu'on aura eu soin de démontrer auparavant ces mêmes principes. Du rapport de la force vive avec l'action . Nous avons vû au mot Cosmologie , que les partisans modernes des forces vives avoient imaginé l'action comme le produit de la masse par l'espace & par la vîtesse, ou ce qui revient au même, comme le produit de la masse par le quarré de la vîtesse & par le tems, car dans le mouvement uniforme tel qu'on le suppose ici, l'espace est le produit de la vîtesse par le tems. Voyez Vîtesse . Nous avons dit aussi aux mots Action & Cosmologie , que cette définition de l'action prise en elle-même, est absolument arbitraire; cependant nous craignons que les partisans modernes des forces vives n'ayent prétendu attacher par cette définition quelque réalité à ce qu'ils appellent action . Car selon eux la force instantanée d'un corps en mouvement, est le produit de la masse par le quarré de la vîtesse; & ils paroissent avoir regardé l'action comme la somme des forces instantanées , puisqu'ils font l'action égale au produit de la force vive par le tems. On peut voir sur cela un mémoire, d'ailleurs assez médiocre, du feu professeur Wolf, inséré dans le I. volume de Petersbourg; & l'on se convaincra que ce professeur croyoit en effet avoir fixé dans ce mémoire la véritable notion de l'action; mais il est aisé de voir que cette notion, quand on voudra la regarder autrement que comme une définition de nom, est tout-à-fait chimérique & en elle-même & dans les principes des partisans des forces vives; 1°. en elle-même, parce que dans le mouvement uniforme d'un corps, il n'y a point de résistance à vaincre, ni par conséquent d'action à proprement parler; 2°. dans les principes des partisans des forces vives , parce que selon eux, la force vive est celle qui se consume, ou qu'on suppose pourvoir se consumer en s'exerçant. Il n'y a donc proprement d'action que lorsque cette force se consume réellement en agissant contre des obstacles. or dans ce cas, selon les défenseurs même des forces vives , le tems doit être compté pour rien, parce qu'il est de la nature d'une force plus grande d'être plus long-tems à s'anéantir. Pourquoi donc veulent-ils faire entrer le tems dans la considération de l'action? L'action ne devroit être dans leurs principes que la force vive même en tant qu'elle agit contre des obstacles; & cette maniere de la considérer ne doit rien changer à sa mesure, puisque selon eux cette force n'est regardée comme proportionnelle au quarré de la vîtesse, qu'autant qu'on suppose cette force anéantie insensiblement par des obstacles contre lesquels elle agit. Reconnoissons donc que cette définition de l'action donnée par les partisans des forces vives est purement arbitraire, & même peu conforme à leurs principes. A l'égard de ceux qui comme M. de Maupertuis, n'ont point pris de parti dans la dispute des forces vives , on ne peut leur contester la définition de l'action, sur-tout lorsqu'ils paroissent la donner comme une définition de nom; M. de Maupertuis dit lui-même à la page 26 du premier volume de ses nouvelles oeuvres imprimés à Lyon; Ce que j'ai appellé action, il auroit peut-être mieux valu l'appeller force; mais ayant trouvé ce mot tout établi par Leibnitz & par Wolf, pour exprimer la même idée, & trouvant qu'il y répond bien, je n'ai pas voulu changer les termes . Ces paroles semblent faire connoître que M. de Maupertuis, quoiqu'il croye que l'action peut-être représentée par le produit du quarré de la vîtesse & du tems, croit en même tems qu'on pourroit attacher à ce mot une autre notion; à quoi nous ajoûterons relativement aux articles Action & Cosmologie , que quand il regarde l'action envisagée sous ce point de vûe, comme la dépense de la nature, ce mot de dépense ne doit point sans doute être pris dans un sens métaphysique & rigoureux, mais dans un sens purement mathématique, c'est-à-dire pour une quantité mathématique, qui dans plusieurs cas est égale à un minimum . Par les mêmes raisons, je crois qu'on peut adopter également toute autre définition de l'action, par exemple celle que M. d'Arcy en a donnée dans les Mém. de l'acad. des Sciences de 1747 & 1752, pourvû (ce qui ne contredit en rien les principes de M. d'Arcy) qu'on regarde aussi cette définition comme une simple définition de nom. On peut dire dans un sens avec M. d'Arcy, que l'action d'un système de deux corps égaux qui se meuvent en sens contraire avec des vîtesses égales, est nulle, parce que l'action qui feroit équilibre à la somme de ces actions seroit nulle; mais on peut aussi dans un autre sens regarder l'action de ce système comme la somme des actions séparées, & par conséquent comme réelle. Ainsi on peut regarder comme très-réelle l'action de deux boulets de canon qui vont en sens contraires. Au reste M. d'Arcy remarque avec raison que la conservation de l'action, prise dans le sens qu'il lui donne, a lieu en général dans le mouvement des corps qui agissent les uns sur les autres, & il s'est servi avantageusement de ce principe pour faciliter la solution de plusieurs problemes de Dynamique * . Comme l'idée qu'on attache ordinairement au mot action suppose de la résistance à vaincre, & que nous ne pouvons avoir d'idée de l'action que par son effet, j'ai cru pouvoir définir l' action dans l'Encyclopédie, en disant qu'elle est le mouvement qu'un corps produit, ou qu'il tend à produire dans un autre corps. Un auteur qui m'est inconnu prétend dans les mém. de l'acad. de Berlin de 1753, que cette * Je crois m'être expliqué avec beaucoup d'exactitude sur la question de la moindre action à l' article Cosmologie . L'espece de reproche qu'on semble m'avoir fait du contraire dans les mém. de l'Académie de 1752, disparoîtra entierement si on veut bien lire avec attention cet article & le mot Causes finales . Par exemple, en parlant du levier dans cet article Cosmologie , je me suis exprimé ainsi, l'application & l'usage du principe ne comportent pas une généralité plus grande; & au mot Causes finales , j'ai remarqué que le chemin de la réflexion est souvent (& non pas toûjours ) un maximum dans les miroirs concaves. définition est vague . Je ne sai s'il a prétendu m'en faire un reproche; en tout cas, je l'invite à nous donner une définition mathématique de l'action qui représente d'une maniere plus exacte & plus précise, non la notion métaphysique du mot action , qui est une chimere, mais l'idée qu'on attache vulgairement à ce mot. Tout ce que nous venons de dire sur l'action avoit un rapport nécessaire au mot force , & peut être regardé comme un supplément aux mots Action & Cosmologie , auxquels nous renvoyons. Réflexions sur la nature des forces mortes, & sur leurs différentes especes . En adoptant comme une simple definition de nom l'idée que les défenseurs des forces vives nous donnent de la forces morte , on peut distinguer deux sortes de forces mortes; les unes cessent d'exister dès que leur effet est arrêté, comme il arrive dans le cas de deux corps durs égaux qui se choquent directement en sens contraires avec des vîtesses égales. La seconde espece de forces mortes renferme celles qui périssent & renaissent à chaque instant, ensorte que si on supprimoit l'obstacle, elles auroient leur plein & entier effet; telle est celle de deux ressorts bandés, tandis qu'ils agissent l'un contre l'autre; telle est encore celle de la pesanteur. Voyez la fin de l'article Equilibre , ( Méchan. ) où nous avons remarqué que le mot équilibre ne convient proprement qu'à l'action mutuelle de cette derniere sorte de forces mortes . Cette distinction entre les forces mortes nous donnera lieu d'en faire encore une autre: ou la force morte est telle qu'elle produiroit une vîtesse finie, s'il n'y avoit point d'obstacle; ou elle est telle que l'obstacle ôté, il n'en résulteroit d'abord qu'une vîtesse infiniment petite, ou pour parler plus exactement, que le corps commenceroit son mouvement par zéro de vîtesse, & augmenteroit ensuite cette vîtesse par degrés. Le premier cas est celui de deux corps égaux qui se choquent, ou qui se poussent, ou qui se tirent en sens contraire avec des vîtesses égales & finies; le second est celui d'un corps pesant qui est appuyé sur un plan horisontal. Ce plan ôté, le corps descendra; mais il commencera à descendre avec une vîtesse nulle, & l'action de la pesanteur fera croître ensuite à chaque instant cette vîtesse; c'est du moins ainsi qu'on le suppose. Voyez Accélération & Descente . De-là les Méchaniciens ont conclu que la force de la percussion étoit infiniment plus grande que celle de la pesanteur, puisque la premiere est à la seconde comme une vîtesse finie est à une vîtesse infiniment petite, ou plûtôt à zéro; & par-là ils ont expliqué pourquoi un poids énorme qui charge un clou à moitié enfoncé dans une table ne fait pas avancer ce clou, tandis que souvent une percussion assez legere produit cet effet. Sur quoi voyez l'article Percussion . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces accélératrices Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forces accélératrices Forces accélératrices . Les forces mortes prises dans le dernier sens, deviennent des forces accélératrices ou retardatrices , lorsqu'elles sont en pleine liberté de s'exercer; car alors leur action continuée, ou accélere le mouvement, ou le retarde, si elle agit en sens contraire. V. Accélératrice . Mais cette maniere de considérer les forces accélératrices paroît sujette à de grandes difficultés. En effet, pourra-t-on dire, si le mouvement produit par une forces accélératrice quelconque, comme la pesanteur, commence par zéro de vîtesse, pourquoi un corps pesant soûtenu par un fil fait-il éprouver quelque résistance à celui qui le soûtient? Il devroit être absolument dans le même cas qu'un corps placé sur un plan horisontal, & attaché à un fil aussi horisontal à l'extrémité duquel on placeroit une puissance. Cette puissance n'auroit aucun effort à faire pour retenir le corps, parce que ce corps est en repos, ou ce qui revient au même, parce que la vîtesse avec laquelle il tend à se mouvoir est zéro. Or si la premiere vîtesse avec laquelle un corps pesant tend à se mouvoir est aussi égale à zéro comme on le suppose, pourquoi l'effort qu'il faut faire pour le retenir n'est-il pas absolument nul? Ce corps en descendant prendra sans doute une vîtesse finie au bout d'un tems quelconque, mais l'effort qu'on fait pour le soûtenir n'agit pas contre la vîtesse qu'il prendra, il agit contre celle avec laquelle il tend actuellement à se mouvoir, c'est-à-dire contre une vîtesse nulle. En un mot, un corps pesant soûtenu par un fil tend à se mouvoir horisontalement & verticalement avec zéro de vîtesse; d'où vient donc faut-il un effort pour l'empêcher de se mouvoir verticalement, & n'en faut-il point pour l'empêcher de se mouvoir horisontalement? On ne peut répondre à cette objection que de deux manieres, dont ni l'une ni l'autre n'est capable de satisfaire pleinement. On peut dire en premier lieu que l'on a tort de supposer que la vîtesse initiale d'un corps qui descend soit zéro absolu; que cette vîtesse est finie quoique très-petite, & aussi petite qu'on voudra le supposer; qu'il paroît difficile de concevoir comment une vîtesse qui a commencé par zéro absolu deviendroit ensuite réelle; comment une puissance dont le premier effet est zéro de mouvement, pourroit produire un mouvement réel par la succession du tems; que la pesanteur est une force du même genre que la force centrifuge, ainsi qu'on le verra dans la suite de cet article; & que cette derniere force telle qu'elle a lieu dans la nature, n'est point une force infiniment petite, mais une force finie très-petite, les corps qui se meuvent suivant une courbe, ne décrivant point réellement des courbes rigoureuses, mais des courbes polygones, composées d'une quantité finie , mais très grande, de petites lignes droites contigues entr'elles à angles très-obtus. Voilà la premiere réponse. Sur quoi je remarque, 1°. que s'il est difficile & peut-être impossible de comprendre comment une force qui a commencé par produire dans un corps zéro de vîtesse, peut par des corps successifs & réitérés à l'infini, produire dans ce corps une vîtesse finie, on ne comprend pas mieux comment un solide est formé par le mouvement d'une surface sans profondeur, comment une suite de points indivisibles peut former l'étendue, comment une succession d'instans indivisibles forme le tems, comment même des points & des instans indivisibles se succedent, comment un atome en repos dans un point quelconque de l'espace peut être transporté dans un point différent; comment enfin l'ordonnée d'une courbe qui est zéro au sommet, devient réelle par le seul transport de cette ordonnée le long de l'abscisse: toutes ces difficultés & d'autres semblables, tiennent à l'essence toûjours inconnue & toûjours incompréhensible du mouvement, de l'étendue & du tems. Ainsi, comme elles ne nous empêchent point de reconnoître la réalité de l'étendue, du tems & du mouvement, la difficulté proposée contre le passage de la vîtesse nulle à la vîtesse finie, ne doit pas non plus être regardée comme décisive. 2°. Sans doute la force centrifuge, soit dans les courbes rigoureuses, soit dans les courbes considérées comme des polygones infinis , est comparable, quant à ses effets, à la pesanteur: mais pourquoi vent-on-qu'aucune portion de courbe décrite par un corps dans la nature, ne soit rigoureuse, & que toutes soient des polygones d'un nombre de côtés fini, mais très grand? Ces côtés en nombre fini, & très-petits, seroient des lignes droites parfaites. Or pourquoi trouve-t-on moins de difficulté à supposer dans la nature des lignes droites parfaites très-petites, que des lignes courbes parfaites aussi très-petites? Je ne vois point la raison de cette préférence, la rectitude absolue étant aussi difficile à concevoir dans une portion d'étendue si petite qu'on voudra, que la courbure absolue. 3°. Et c'est ici la difficulté principale à la 1 re réponse, si la nature de la force accélératrice est de produire au 1 er instant une vîtesse très-petite, cette force agissant à chaque instant pendant un tems fini, produiroit donc au bout de ce tems une vîtesse infinie; ce qui est contre l'expérience. On dira peut-être que la nature de la pesanteur n'est point d'agir à chaque instant, mais de donner de petits coups finis qui se succedent comme par secousses dans des intervalles de tems finis, quoique très-petits: mais on sent bien que cette supposition est purement arbitraire; & pourquoi la pesanteur agiroit-elle ainsi par secousses & non pas par un effort continu & non-interrompu? On ne pourroit tout-au-plus admettre cette hypothèse que dans le cas où l'on regarderoit la pesanteur comme l'effet de l'impulsion d'un fluide; & l'on sait combien il est douteux que la pesanteur vienne d'une pareille impulsion, puisque jusqu'ici les phénomenes de la pesanteur n'ont pû s'en déduire, ou même y paroissent contraires. Voyez Pesanteur , Gravité & Gravitation . On voit par toutes ces réflexions, que la premiere réponse à la difficulté que nous avons proposée sur la nature des forces accélératrices, est elle-même sujette à des difficultés considérables. On pourroit dire en second lieu pour répondre à cette difficulté, qu'à la vérité un corps pesant, ou tout autre corps mû par une force accélératrice quelconque, doit commencer son mouvement par zéro de vîtesse: mais que ce corps n'en est pas moins en disposition de se mouvoir verticalement si rien ne l'en empêche; au lieu qu'il n'a aucune disposition à se mouvoir horisontalement; qu'il y a par conséquent dans ce corps un nisus , une tendance au mouvement vertical, qu'il n'a point pour le mouvement horisontal; que c'est ce nisus , cette tendance qu'on a à soûtenir dans le premier cas, & qu'on n'a point à soûtenir dans le second; qu'elle ne peut être contre-balancée que par un nisus , une tendance pareille; que l'effort que l'on fait pour soûtenir un poids, est de même nature que la pesanteur; que cet effort produiroit, à la vérité, au premier instant une vîtesse infiniment petite, mais qu'il est très différent d'un effort nul, parce qu'un effort nul ne produiroit aucun mouvement, & que l'effort dont il s'agit en produiroit un fini, au bout d'un tems fini. Cette seconde réponse n'est guere plus satisfaisante que l'autre; car qu'est-ce qu'un nisus au mouvement, qui ne produit pas une vîtesse finie dans le premier instant? Quelle idée se former d'un pareil effort? D'ailleurs pourquoi l'effort qu'il faut faire pour soûtenir un grand poids, est-il beaucoup plus considérable que celui qu'il faut faire pour arrêter une boule de billard qui se meut avec une vîtesse finie? Il semble au contraire que ce dernier devroit être beaucoup plus grand, si en effet la force de la pesanteur étoit nulle par rapport à celle de la percussion. Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que la difficulté proposée mérite l'attention des Physiciens & des Géometres. Nous les invitons à chercher des moyens de la résoudre plus heureusement que nous ne venons de faire, supposé qu'il soit possible d'en trouver. Lois des forces accélératrices, & maniere de les comparer . Quoi qu'il en soit de ces réflexions sur la nature des forces accélératrices , il est au-moins certain dans le sens qu'on l'a expliqué au mot Accélératrice , que si on appelle φ la force accélératrice d'un corps, dt l'élément du tems, du celui de la vîtesse, on aura φ dt = du; si la force est retardatrice, au lieu d'être accélératrice, on aura φ dt =-du , parce qu'alors t croissant, u diminue; sur quoi voyez mon traité de Dynamique, articles 19 & 20 . Or nommant e l'espace parcouru, on a u=(d e)/(d t) ( voyez Vitesse ); donc l'équation φ d t=± d u , donne aussi celle-c i φ d t 2 = ± d d e; c'est-à-dire que les petits espaces que fait parcourir à chaque instant une force accélératrice ou retardatrice, sont entr'eux comme les quarrés des tems. Cette équation φ d t 2 = ± d d e , ou, ce qui revient au même, l'équation φ d t=± d u n'est point un principe de méchanique, comme bien des auteurs le croyent, mais une simple définition; la force accélératrice ne se fait connoître à nous que par son effet: cet effet n'est autre chose que la vitesse qu'elle produit dans un certain tems; & quand on dit, par exemple, que la force accélératrice d'un corps est réciproquement proportionnelle au quarré de la distance, on veut dire seulement que d u/d t est réciproquement proportionnel à ce quarré; ainsi φ n'est que l'expression abregée de (d u)/(d t) , & le second membre de l'équation qui exprime la valeur de (d u)/(d t). Voyez l'article Accélératrice & mon traité de Dynamique déjà cités. L'équation (d d e)/(d t 2 )= φ fait voir que pendant un instant l'effet de toute force accéleratrice quelconque est comme le quarre du tems; car la quantité variable φ pouvant être censée constante pendant un instant, (d d e)/(d t 2 ) est donc constant pendant cet instant, & par conséquent d d e est comme d t 2 . Ainsi pendant un instant quelconque les petits espaces qu'une force accélératrice quelconque fait parcourir, sont entr'eux comme les quarrés des tems ou plûtôt des instans correspondans; toute cause accélératrice agit donc dans un instant de la même maniere & suivant les mêmes lois que la pesanteur agit dans un tems fini; car les espaces que la pesanteur fait parcourir sont comme les quarrés des tems. Voyez Accélération & Descente . Donc si on nomme a l'espace que la pesanteur p feroit parcourir pendant un tems quelconque θ , on aura , & par conséquent ; formule générale pour comparer avec la pesanteur p une force accélératrice quelconque φ . Mais il y a sur cette formule une remarque importante à faire; elle ne doit avoir lieu que quand on regarde comme courbe rigoureuse la courbe qui auroit les tems t pour abscisses & les espaces e pour ordonnées; ou, ce qui revient au même, qui représenteroit par l'équation entre ses coordonnées l'equation entre e & t. Voyez Equation . Car si on regarde cette courbe comme polygone, alors d d e prise à la maniere ordinaire du calcul différentiel aura une valeur double de celle qu'elle a dans la courbe rigoureuse, & par conséquent il faudra supposer , afin de conserver à φ la même valeur. Voyez sur cela les mots Courbe polygone & Différentiel , page 988. col. 1. C'étoit faute d'avoir fait cette attention, que le célebre M. Newton s'étoit trompé sur la mesure des forces centrales dans la premiere édition de ses Principes; M. Bernoulli l'a prouvé dans les mémoires de l'académie des Sciences de 1711; on faisoit alors en Angleterre une nouvelle édition des principes de M. Newton; & ce grand homme se corrigea sans répondre. Pour mieux faire sentir par un exemple simple combien cette distinction entre les deux équations est nécessaire, je suppose φ constante & égale à p; on aura donc par la premiere équation; & en intégrant . Donc si t est= θ , on auroit e=a/2 ; ce qui est contre l'hypothèse, puisqu'on a supposé que a est l'espace decrit dans le tems θ , & que par conséquent si t = θ , on aura e=a; au contraire en faisant , on trouvera, comme on le doit, e=a . Cette remarque est très-essentielle pour éviter bien des paralogismes. L'équation φ d t=d u , donne φ d e=u d u , à cause de d t=(d e)/u; donc u u =2 s φ d e; autre équation entre les vitesses & les espaces pour les forces accélératrices. Donc si, par exemple, φ est constant, on aura u u =2 φ e; c'est l'équation entre les espaces & les vîtesses, dans le mouvement des corps que la pesanteur anime. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces centrales & centrifuges Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forces centrales & centrifuges Forces centrales & centrifuges . Nous avons donné la définition des forces centrales au mot Central * , & nous y renvoyons, ainsi qu'à la division des forces centrales en centripetes & centrifuges , selon qu'elles tendent à approcher ou à éloigner le corps du point fixe ou mobile auquel on rapporte l'action de la force centrale . Ce même mot de force centrifuge signifie encore plus ordinairement cette force par laquelle un corps mu circulairement tend continuellement à s'eloigner du centre du cercle qu'il décrit. Cette force se manifeste aisément à nos sens dans le mouvement d'une fronde; car nous sentons que la fronde est d'autant plus tendue par la pierre, que cette pierre est tournée avec plus de vîtesse; & cette tension suppose dans la pierre un effort pour s'eloigner de la main, qui est le centre du cercle que la pierre décrit. En effet la pierre mue circulairement tend continuellement à s'échapper par la tangente, en vertu de la force d'inertie, comme on l'a prouvé au mot Centrifuge . Or l'effort pour s'échapper par la tangente, tend à éloigner le corps du centre, comme cela est évident, puisque si le corps s'échappoit par la tangente, il s'éloigneroit toûjours de plus en plus de ce même centre. Donc l'effort de la pierre, pour s'échapper par la tangente, doit tendre la fronde. Veut-on le voir d'une maniere encore plus distincte? Le corps arrivé au point A ( fig. 24 . Méchaniq. ) tend à se mouvoir par la tangente ou portion de tangente infiniment petite A D . Or par le principe de la décomposition des forces ( voyez Décomposition & Composition ), on peut regarder ce mouvement suivant A D comme composé de deux mouvemens, l'un suivant l'arc A E du cercle, l'autre suivant la ligne E D , qu'on peut supposer dirigée au centre. De ces deux mouvemens, le corps ne conserve que le mouvement suivant A E; donc le mouvement suivant E D est détruit; & comme ce mouvement est dirigé du centre à la circonférence, c'est en vertu de la tendance à ce mouvement que la fronde est bandée. Un corps qui se meut sur toute autre courbe que sur un cercle, fait effort de même à chaque instant pour s'échapper par la tangente; ainsi on a nommé en général cet effort force centrifuge , quelle que soit la courbe que le corps décrit. Pour calculer la force centrifuge d'un corps sur une courbe quelconque, il suffit de la savoir calculer dans un cercle; car une courbe quelconque peut être regardée comme composée d'une infinité d'arcs de cercle, dont les centres sont dans la développée. Voyez Développée & Osculateur . Ainsi connoissant la loi des forces centrifuges dans le cercle, on connoîtra celle des forces centrifuges dans une courbe quelconque. Or il est facile de calculer la force centrifuge dans un cercle; car suivant ce que nous avons * N. B. Dans cet article, N°. 12. au lieu de raison inverse de la triplée, il faut lire raison sous-doublee de la triplée; & N°. 13. à la tin, il faut lire sinus pour cosinus . dit ci-dessus, si on nomme φ la force centrifuge , & d t le tems employé à parcourir A E ou D E ( fig. 24 . Méchaniq. ), on aura en regardant le cercle comme rigoureux. Or dans cette hypothèse on a par la propriété du cercle; donc . Dans le cercle polygone on a ; parce que regardant A D comme le prolongement d'un petit côté du cercle, on a D E : A E :: A E est au rayon ( A B /2; & dans cette même hypothèse on a φ : ; donc on aura ; équation qui est la même que la précédente. On voit donc qu'en s'y prenant bien, la valeur de la force centrifuge se trouve la même dans les deux cas. Si on appelle u la vîtesse du corps, & si on suppose u égale à la vitesse que le corps auroit acquise en tombant de la hauteur h , en vertu de la pesanteur p , on aura u u =2 p h. Voyez Accélération , Pesanteur , & ce que nous avons dit ci-dessus à l'occasion de l'équation φ d e=u d u . De plus on aura par la même raison pour la vîtesse que le corps acquerroit en tombant de la hauteur a pendant le tems θ ; & comme cette vîtesse feroit parcourir uniformément l'espace 2 a pendant le même tems θ ( voyez Accélération & Descente ), on aura donc ; donc ; & voilà la démonstration du théorème que nous avons donné d'après M. Huyghens au mot Central ; car on aura . On peut voir les consequences de ce théorème au même mot Central . On lit dans certains ouvrages que la force centrifuge est égale au quarré de la vîtesse divisé par le rayon, & dans d'autres qu'elle est égale au quarré de la vîtesse divisé par le diametre: cette différence d'expressions ne doit point surprendre; car le mot égale ne signifie ici que proportionnelle , comme on l'a expliqué dans l'article Equation ; cela signifie donc seulement que les forces centrifuges dans deux cercles différens sont comme les quarrés des vîtesses divisés par les rayons, ou ce qui est la même chose, par les diametres. Voyez le mot Equation à la fin . Au reste la raison de cette différence apparente de valeur que les auteurs de Méchanique ont donnée à la force centrifuge , vient de ce qu'ayant pris la ligne D E pour représenter la force centrifuge , le tems d t étant constant, les uns ont considéré D E dans la courbe polygone, les autres dans la courbe rigoureuse. Dans le premier cas D E=A E 2 divisé par le rayon; & dans le second D E=A E 2 divisé par le diametre. Or A E est ici comme la vîtesse, puisqu'on suppose d t constant; donc au lieu de A E 2 , on peut mettre la quarré de la vîtesse. Donc, &c. Ces différentes observations contribueront beaucoup à éclaircir ce que les différens auteurs ont écrit sur les forces centrales & centrifuges. Puisque 2 p h=u u , & que A B/2 est le rayon du cercle, il s'ensuit que si on fait ce rayon= r , on aura , soit que u & r soient constans, ou non; c'est-à-dire que l'équation , ou , aura lieu dans toutes les courbes, u étant la vîtesse en un point quelconque, & r le rayon de la developpée. Remarquez que la force centrifuge φ est ici supposée dirigée par rapport au centre du cercle osculateur, qui est le point où le rayon osculateur touche la développée. Si on veut que la force, centrifuge ou centrale , soit dirigée vers un autre point quelconque, soit F cette nouvelle force , soit κ le cosinus de l'angle que le rayon mené à ce point fait avec le rayon osculateur; alors regardant la force φ comme composée de la force F , & d'une autre force dirigée suivant la courbe, on trouvera facilement par le principe de la décomposition des forces, F : φ ::1: κ , en prenant 1 pour le sinus total; donc ; donc : c'est la formule générale des forces centrales & centrifuges dans une courbe quelconque. Qu'on nous permette à ce sujet une réflexion philosophique sur les progrès de l'esprit humain. Huyghens a decouvert la loi des forces centrales dans le cercle; le même géometre a découvert la théorie des développées. L'on vient de voir qu'en réunissant ces deux théories, on en tiroit par un corollaire très-facile la loi des forces centrales dans une courbe quelconque: cependant Huyghens n'a pas fait ce dernier pas qui paroit aujourd'hui si simple; & cela est d'autant plus étonnant, que les deux pas qu'il avoit faits étoient beaucoup plus difficiles. Newton, en généralisant la théorie de Huyghens, a trouvé le théorème général des forces centrales qui l'a conduit au vrai système du monde; comme il a trouvé le calcul différentiel, en ne faisant que généraliser la méthode de Barrow pour les tangentes; méthode qui étoit, pour ainsi dire, infiniment proche du calcul différentiel. C'est ainsi que les corollaires les plus simples des vérités connues, qui ne consistent qu'à rapprocher ces vérités, échappent souvent à ceux qui sembleroient avoir le plus de facilité & de droit de les déduire; & rien n'est plus propre que l'exemple dont on vient de faire mention, pour confirmer les réflexions que nous avons faites sur ce point au mot Découverte . Dans la formule que nous avons donnée ci-dessus pour les forces centrales , nous faisons abstraction de la masse du corps; & si on veut faire attention à cette masse, il est évident qu'il faudra multiplier l'expression de la force centrale par la masse du corps; ou ce qui peut-être est encore plus simple, au lieu de regarder p comme la pesanteur, on regardera cette quantité comme le poids du corps, qui n'est autre chose que le produit de la pesanteur ou gravité par la masse. Nous faisons cette remarque, afin qu'on ne soit point embarrassé à la lecture de l'article Central , par la considération de la masse que nous avons fait entrer dans le calcul des forces dont il s'agit. Ajoûtons que si on veut une autre expression de la force centrifuge φ , que celle que nous avons donnée. on peut se servir de celles-ci qui seront commodes en plusieurs cas. On a trouvé ; or comme le cercle est supposé décrit uniformément, on peut, au lieu de A E/d t , mettre un arc quelconque fini A divisé par le tems t employé à le parcourir; donc on aura . Si on fait t = θ , ce qui est permis, on aura . De plus, si on nomme l la longueur d'un pendule qui fait une vibration dans le tems θ , & 2 π le rapport de la circonference au rayon, on aura . Voyez Pendule & Vibration . Donc φ ; & si on supposoit de plus ), ce qui est permis, on auroit . C'est par ces formules qu'on trouve le rapport de la force centrifuge à la pesanteur sous l'équateur. Voyez Pesanteur & Gravité . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force motrice Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Force motrice Force motrice , est la cause qui meut un corps. Après tout ce que nous avons dit dans cet article sur la notion du mot force , il est évident que la force motrice ne peut se définir que par son effet, c'est-à-dire par le mouvement qu'elle produit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force mouvante Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Force mouvante Force mouvante , est proprement la même chose que force motrice; cependant on ne se sert guere de ce mot que pour désigner des forces qui agissent avec avantage par le moyen de quelque machine. Ainsi on appelle parmi nous forces mouvantes , ce que d'autres appellent puissances méchaniques . Ce sont les machines simples dont on fait mention dans les élémens de Statique, & de la combinaison desquelles on compose toutes les autres machines; savoir le levier, le plan incliné, la vis, le coin, la poulie. On peut même les réduire à deux, le levier & le plan incliné; car la vis se réduit au plan incliné & au levier, la poulie & le coin au levier. Voyez Vis , Coin , Poulie , &c. Ces différentes machines facilitent l'action des puissances pour mouvoir des poids, soit parce qu'elles diminuent en effet l'action que la puissance seroit obligée d'exercer pour mouvoir le poids immédiatement, soit parce que la maniere dont la puissance est appliquée favorise son action. Ainsi dans la poulie, par exemple, la puissance doit être égale au poids; cependant la poulie aide la puissance, parce que la maniere dont la puissance y est appliquée facilite son action, & la met en état d'agir commodément & sans gêne. Voyez Poulie , &c. A ces cinq forces mouvantes ou machines simples, M. Varignon dans son projet de Méchanique , en ajoûte une sixieme qu'il appelle la machine funiculaire , & qui n'est qu'un assemblage de cordes par le moyen desquelles différentes puissances tirent un poids. Voyez Funiculaire . Pour connoître l'effet de ces différentes machines, il faut le calculer dans le cas de l'équilibre; car dès qu'on a la puissance capable de soûtenir un poids, alors en augmentant tant-soit-peu cette puissance, on fera mouvoir le poids. Or pour calculer le cas de l'équilibre, il suffit d'employer le principe de la composition & de la décomposition des forces . Il faut pour cela prolonger d'abord, s'il est nécessaire, les directions de deux forces quelconques, & chercher celle qui en résulte; ensuite chercher la résultante de cette derniere & d'une troisieme force , & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on soit arrivé à une derniere force , qui doit ou être = o, ou au moins passer par un point fixe, pour qu'il y ait équilibre. En effet, si cette derniere force qui résulte de la réunion de toutes les autres, n'étoit pas égale à zéro, ou ne passoit pas par un point fixe dont la résistance anéantît son action, il n'y auroit pas d'équilibre, comme on le suppose, puisque cette force produiroit alors quelque mouvement. Ce principe de la réduction de toutes les forces à une seule, renferme toute la Statique, & on peut en voir l'application aux articles des différentes machines. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force résultante Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Force résultante Force résultante . C'est ainsi que quelques auteurs ont nommé la force unique qui résulte de l'action de plusieurs autres. Cette force résultante se trouve par le principe de la diagonale du parallélogramme. Voyez Composition . Quand deux ou plusieurs forces sont paralleles, on suppose que leurs directions concourent à l'infini, & par ce moyen on trouve toûjours la résultante; car deux paralleles peuvent être censées concourir à l'infini. Voyez Parallele . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force des Eaux Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Force des Eaux Force des Eaux , ( Hydraul. ) Sans entrer ici dans le détail des forces mouvantes, que l'on renvoye à la Méchanique ou à la Géométrie, nous ne parlerons que de la force des eaux . La force , la dépense & la vîtesse des eaux sont souvent confondues chez les auteurs; c'est l'effort que fait l'eau pour sortir & s'élancer contre la colonne d'air qui résiste & pese dessus; elle dépend donc de deux choses, de la colonne d'eau, & de la colonne d'air. Voyez Colonne . Les vîtesses sont entre elles comme les racines quarrées des hauteurs, ou en raison soudoublée des hauteurs. Soit la hauteur d'un réservoir supposée de 16 piés, & une autre de 25, les vîtesses de ces deux réservoirs sont entr'elles comme 4 est à 5, parce que 4 est racine de 16, & 5 est racine de 25. On évalue la force d'un homme qui sert de moteur à une pompe à bras, environ à 25 liv. quand il fait marcher cette pompe sans effort; celle d'un cheval qui fait tourner la manivelle, suivant l'expérience qu'on en a faite, est estimée valoir la force de sept hommes: ainsi elle vaut sept fois 25 livres, qui font 175 livres. Voyez l'article suivant . On sait de plus que 10 livres de force soûtiennent en équilibre 10 livres d'eau, & qu'il faut un degré de force de plus pour l'entraîner & la faire monter, Sur ce principe, un homme qui est la force motrice d'une pompe à bras, & qui en fait aller la manivelle; s'il employe 11 livres de force , enlevera 10 liv. d'eau en l'air, en supposant qu'il n'y a point de frotemens, pour lesquels on ajoûte toûjours un tiers en sus dans le calcul. Si, par exemple, la pesanteur du corps que l'on veut élever pese 90 livres, il faut ajoûter à cette somme son tiers, qui est 30, pour l'élever & surmonter la résistance des frotemens; ce qui fait en tout 120 livres de force , pour faire monter une colonne d'eau de 90 livres pesant. On évalue la force ou la vîtesse d'un courant, d'une riviere, d'un ruisseau, d'un aqueduc, en déterminant sur son bord une base à discrétion, & par le moyen d'une boule de cire mise sur l'eau, & d'une pendule à secondes, on sait combien de tems la boule entraînée par le courant, a été à parcourir l'espace de la base supposée de 20 toises. Si la boule a été 30 secondes, moitié d'une minute, dans sa course, ce seroit 20 toises ou 120 piés en 30 secondes, & 4 piés par seconde; vous multiplierez cette vîtesse de 4 piés par la largeur du ruisseau, qu'on suppose ici de 12 piés, ce qui donnera 48 piés quarrés par seconde pour la superficie du canal. Prenez la profondeur de ce canal ou ruisseau, par exemple de 2 piés, qui en multipliant les 48 piés de la superficie, vous donneront 96 piés pour la solidité de l'eau qui s'écoulera dans l'espace d'une seconde: ces 96 piés cubes multipliés par 35 pintes valeur du pié cube, font 3360 pintes, qui s'écouleront par seconde. Il y a une autre méthode que la boule de cire, pour connoître la vîtesse d'une riviere; on la trouvera dans les mémoires de l'académie des Sciences, année 1733, page 363 . Voyez aussi le mot Fleuve . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force des Animaux Author=Barthez/Barthès Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Force des Animaux Force des Animaux . Le premier auteur qui ait examiné la force de l'homme avec quelque précision, & qui l'ait comparée avec celle des autres animaux, c'est sans doute M. de la Hire, dont l'écrit sur ce sujet est imprimé parmi les mémoires de l'académie des Sciences, année 1699. M. Desaguliers a traduit & critiqué plusieurs endroits de ce mémoire, dans les notes sur la quatrieme leçon de la physique expérimentale, pag. 246 & suiv. de l'original anglois . Je vais donner un résultat des observations de ces deux célebres méchaniciens. M. de la Hire suppose qu'un homme ordinaire, mais fort, pese 140 livres. Cet homme ayant les jarrets un peu pliés, peut se redresser, quoique chargé d'un poids de 152 livres. Les muscles des jambes & des cuisses élevent donc un poids de 290 liv. mais seulement de deux ou trois pouces. M. Desaguliers trouve cette estimation fautive & trop médiocre, puisqu'il est ordinaire de voir des portefaix monter un escalier, ayant un fardeau de 250 livres. Ils ne peuvent le descendre à la vérité étant chargés d'un aussi grand poids. La livre averdupois des Anglois est entre un onzieme & un douzieme moindre que la nôtre. Dans un homme chargé qui marche, le centre de gravité de son corps & du fardeau réunis, décrit un arc de cercle, qui a pour centre le pié immobile; & la jambe mobile qui pousse en avant ce centre de gravité, décrit aussi un arc de cercle de même étendue. M. de Fontenelle ( Hist. de la même année, pag. 97. ) a très-bien remarqué, que plus cet arc est grand par rapport au sinus verse de sa moitié, plus la force mouvante a d'avantage à cause de sa vîtesse & du peu d'élévation du poids. C'est ce qui a fait penser à M. de la Hire, qu'un homme chargé de 150 liv. ne pourroit monter un escalier dont les marches seroient de cinq pouces, comme elles sont ordinairement; ce qu'on a déjà vû être contraire à l'observation de M. Desaguliers. Si un homme qui pese 140 livres saisit un point fixe placé sur sa tête, il peut par l'effort des muscles des bras & des épaules, élever tout son corps, & même un poids de 20 livres, dont il seroit chargé. Suspendu alors à une corde, qui passant sur une poulie soûtient par son autre extrémité un poids de 160 livres, il fait équilibre avec ce poids, & le surmonte, si l'on augmente un peu son fardeau de 20 livres. Ce même homme prenant avec les mains un poids de 100 livres, placé entre ses jambes, l'éleve en se redressant. Comme les muscles des lombes soûtiennent la moitié supérieure de son corps, on peut évaluer leur effort à 170 liv. Mais M. Desaguliers assûre que les travailleurs en général élevent avec leurs mains un poids de 150, & quelquefois de 200 liv. Un homme, le corps panché & les genoux pliés, ne pourra lever de terre un poids de 160 liv. que ses bras soûtiennent d'ailleurs; les muscles des jambes & des cuisses devroient alors soûtenir le poids de 160 liv. & celui de tout le corps. Or ils ne le peuvent pas, suivant M. de la Hire, parce que dans cette disposition de tout le corps, la force se distribue par la distribution des esprits dans toutes les parties. Cette raison n'éclaire pas l'esprit; il semble que pour se former une idée plus nette des résistances immenses que la nature auroit à surmonter dans cette situation, il faut rappeller les propositions de Borelli sur une suite d'articulations fléchies. Je me contenterai de citer la proposition 54, I. part. du traité de motu animal . où Borelli prouve que dans un portefaix panché en-avant, qui auroit les jarrets pliés & qui s'appuyeroit sur la pointe d'un pié (ce qui est leur attitude ordinaire en marchant); l'effort combiné de tous les muscles qui concourent à soûtenir son fardeau, feroit cinquante fois plus grand que ce fardeau. Voyez l'article Mouvement des Animaux . M. de la Hire avoit vû à Venise un homme jeune & foible, qui soûtenoit un âne en l'air par un moyen singulier. Ses cheveux étoient liés de côté & d'autre par des cordelettes, auxquelles on attachoit par des crochets les deux extrémités d'une sangle large qui passoit par-dessous le ventre de cet âne. Monté sur une petite table, il se baissoit pendant qu'on attachoit les crochets à la sangle; il se redressoit ensuite & élevoit l'âne en appuyant ses mains sur ses genoux. Il élevoit de même des fardeaux qui paroissoient plus pesans, & il disoit qu'il y trouvoit moins de peine, à cause que l'âne se débattoit en perdant terre. M. de la Hire a considéré dans ce jeune homme la grande force des muscles des épaules & des lombes. M. Desaguliers prétend, avec beaucoup de vraissemblance, que les muscles des lombes sont incapables d'un pareil effort; il aime mieux avoir recours à la force des extenseurs des jambes, qu'il dit être six fois plus considérable. Il assûre que ce jeune homme avoit le corps droit & les genoux pliés; de sorte qu'il mettoit les tresses de ses cheveux dans le même plan que les têtes des os des cuisses, & les chevilles. La ligne de direction du corps & de tout le poids passoit ainsi entre les plus fortes parties des piés, qui supportoient la machine; alors il se relevoit sans changer la ligne de direction. La raison pour laquelle l'âne en se débattant, rendoit le fardeau plus incommode, c'est qu'il faisoit vaciller la ligne de direction. Quand elle étoit portée en-avant ou en-arriere, les muscles des lombes se mettoient en jeu pour la rétablir dans sa premiere situation. M. Desaguliers raconte des tours d'adresse, qu'un allemand montroit à Londres pour des tours de force , & dont il fut spectateur avec MM. Stuart, Pringle, & milord Tullibardin. Cet homme assis sur une planche horisontale (inclinée en-arriere elle l'auroit situé plus avantageusement), & appuyant ses piés coutre un ais vertical immobile, avoit un peu au-dessous des hanches une forte ceinture, terminée par des anneaux de fer; à ces anneaux étoit attachée par un crochet une corde, qui passant entre ses jambes, sortoit par une ouverture pratiquée dans l'appui vertical. Plusieurs hommes, ou deux chevaux même, en tirant cette corde, ne pouvoient l'ébranler. Il se plaçoit encore dans une espece de chassis de bois, préparé pour cet effet, & prétendoit élever, quoiqu'il ne fit réellement que soûtenir, un canon de deux ou trois mille liv. pesant, porté sur le plat d'une balance, dont les cordes étoient attachées à la chaîne qui pendoit de sa ceinture. Les cordes étant bien tendues & ses jambes bien affermies, on poussoit les rouleaux qui supportoient le plat de balance, & le canon restoit suspendu. M. Desaguliers fit une semblable expérience devant le roi Georges I. & plusieurs la répéterent après lui. Tout cela s'explique aisément par la résistance des os du bassin, qui sont arcboutés contre un appui vertical ou horisontal; par la pression de la ceinture qui affermit les grands trochanters dans leurs articulations; par la force des jambes & des cuisses, qui, lorsqu'elles sont parfaitement droites, présentent deux fortes colonnes capables de soûtenir au-moins quatre ou cinq mille livres. On sait qu'une puissance est inefficace, quand son action se dirige par le centre du mouvement; & M. Desaguliers fait une application ingénieuse de la ceinture dont nous avons parlé plus haut, dont un ou plusieurs hommes pourroient se servir pour hausser ou abaisser le grand perroquet d'un navire, en s'appuyant contre les échelons d'une forte échelle couchée sur le tillac. Les autres détails du docteur Desaguliers sur les tours d'adresse, qui passent pour des tours de force extraordinaires, sont assez curieux; mais je les supprime, de crainte d'être trop long. Pour donner une idée de la force des extenseurs des jambes, M. Desaguliers dit qu'on voit à Londres les fiacres s'élancer hors de leurs siéges dans un embarras, & soûlever leur voiture avec leur dos sans le secours de qui que ce soit, quoiqu'ils ayent quatre personnes dans leur carrosse, & le train chargé de trois ou quatre coffres. Nos fiacres font de même à Paris, & appellent cela porter leur derriere . Les porte faix en Turquie portent sept, huit, & jusqu'à neuf cents livres pesant. Ils s'appuient sur un bâton quand on les charge: on prend soin aussi de les décharger. M. Desaguliers croit que c'est à une situation semblable qu'étoit dûe la résistance étonnante de cette fameuse tortue, que formoient les soldats romains avec leurs boucliers. V. Fortice . Il doit paroître surprenant que des charges de 8 ou 9 quintaux n'écrasent pas le dos des porte-faix de Constantinople; sans doute les vertebres se soûtiennent mutuellement, & leurs muscles se roidissent chez eux, pour assujettir l'épine à une courbure constante: mais cette force paroît bien médiocre, & il faut avoir recours à une troisieme espece de résistance qu'on n'a pas encore appliquée ici, je veux dire à la résistance des cartilages intermédiaires des vertebres. Je crois que tous ceux qui ont lû Borelli & Parent sur la force de ces cartilages, seront de mon avis; & je remarquerai seulement que les auteurs n'ont pas fait assez d'attention aux poids immenses que peut soûtenir la résistance des ligamens & des cartilages. En calculant d'après la proposition 61 de Borelli, l'imagination seroit effrayée de la force prodigieuse que la nature employe pour la résistance de ces cartilages dans les porte-faix de Constantinople. Tout le monde connoît la résistance des os du crane aux fardeaux qu'on lui fait supporter. M. Hunauld a expliqué cette résistance très-méchaniquement, dans les Mém. de l'ac. 1730; mais il ne savoit peut-être pas qu'un poids de 9 quintaux ne suffit point pour la vaincre: or c'est ce qu'on observe tous les jours à Marseille. Les porte-faix y soûtiennent à quatre un poids de 36 quintaux; ils ont la tête enveloppée d'une espece de sac qui leur ceint les tempes, & qui se termine en un bourrelet qui tombe sur les épaules; sur ce bourrelet portent de longues perches, où sont suspendues les cordes qui élevent le plan sur lequel est le fardeau. Ainsi non-seulement la résistance de la voûte du crane, mais même celle de l'atlas & des autres cartilages du cou, est supérieure à l'effort d'un poids de 900 liv. agissant par un levier assez long. Desaguliers, qui ne considere que le travail des muscles dans un homme qui supporte un poids sur ses épaules, remarque que les porte-faix de Londres qui travaillent sur les quais, & qui chargent ou déchargent des navires, portent quelquefois des fardeaux qui tueroient un cheval. Il n'en donne point la raison; elle suit de ce que nous venons de dire, & il ne faut considérer que la situation perpendiculaire, ou du-moins peu inclinée à l'horison dans les vertebres de l'homme, & la situation horisontale des vertebres du cheval, qui rend leur luxation beaucoup plus facile. Desaguliers raconte des tours de force prodigieux que faisoit un nommé Topham, sans employer aucun art pour les rendre étonnans. Je l'ai vû, dit-il, lever un rouleau du poids de 800 livres, étant debout dans un chassis au-dessus, saisissant avec ses mains une chaîne qui y étoit attachée. Comme il se courboit un peu en-avant pour cette opération, il faut ajoûter le poids du corps au poids élevé, & considérer ici principalement les muscles des lombes: d'où il suit que ce Topham étoit presque une fois aussi fort, à cet égard, que les hommes qui le sont le plus, ceux-ci n'élevant guere plus de 400 liv. de cette maniere. Je dis à cet egard , car les différentes parties du corps peuvent avoir des proportions de force très-peu semblables, suivant le genre de travail & d'exercice auquel chaque homme est habitué. M. George Graham a eu la premiere idée d'une machine, que Desaguliers a perfectionnée, & qui sert à mesurer dans chaque homme la force des bras, du cou, des jambes, des doigts & des autres parties du corps. Un cheval est égal en force , pour tirer, à cinq travailleurs anglois, suivant les observations de Jonas Moore; à six ou sept françois, suivant nos auteurs; ou à 7 hollandois, selon Desaguliers: mais pour porter une charge sur le dos, deux hommes sont aussi forts, & quelquefois plus qu'un cheval. Un porte-faix de Londres transportera 200 liv. allant assez vîte pour faire trois milles par heure: les porteurs de chaise, en portant 150 livres chacun, marchent fort vîte, & sur le pié de quatre milles par heure; tandis qu'un cheval de messager, qui fait environ deux milles par heure, porte seulement 224 liv. ou 270 liv. quand il est vigoureux, & que les chemins sont bons. Le cheval est plus propre pour pousser en avant; l'homme, pour monter. Un homme chargé de 100 livres montera plus vîte & plus facilement une montagne un peu roide, qu'un cheval chargé de 300 livres ne les tire. Les parties du corps de l'homme sont mieux situées pour grimper, que celles du cheval. On voit à Londres des chevaux de haute taille, lorsqu'ils sont attachés à des charrettes portées sur des roues fort hautes, traînes jusqu'à deux milles en montant la rue de S. Dunstan's Hill; mais le charretier épaule la voiture dans les pas difficiles. L'application aux différentes machines fait extrèmement varier la comparaison de la force des hommes & des chevaux. M. de la Hire détermine d'une maniere très-juste & très-ingénieuse, l'effort de l'homme pour tirer ou pousser horisontalement: il considere sa force comme appliquée à la manivelle d'un rouleau dont l'axe est horisontal, & sur lequel s'entortille une corde qui soûtient un poids: il fait abstraction de l'avantage méchanique qu'on peut donner à ce cabestan, des frotemens, & de la difficulté qu'a la corde à se ployer. Si le coude de la manivelle est placé verticalement à la hauteur des épaules; si la direction des bras est horisontale, & fait un angle droit avec la position du corps, il est clair qu'on ne peut faire tourner la manivelle: mais si la manivelle est au-dessus ou au-dessous des épaules, la direction du bras & celle du tronc feront ensemble un angle obtus ou aigu; & l'homme aura pour tirer ou pour pousser la manivelle, cette force qui dépend de la seule pesanteur du corps. On doit considérer cette pesanteur comme réunie dans le centre de gravité, qui est à-peu-près à la hauteur du nombril au-dedans du corps. Si le coude de la manivelle est placé horisontalement à la hauteur des genoux, l'homme qui la releve en tirant, peut élever le poids de 150 livres, qui sera attaché à l'extrémité de la corde, en prenant tous les avantages possibles, puisque son effort est le même que pour élever ce poids ( voyez ci-dessus ): mais pour abaisser la manivelle, il ne peut y appliquer qu'un effort de 140 livres, qui est le poids de tout son corps, à moins qu'il ne soit chargé. Si le corps étant fort incliné vers la manivelle, elle est à la hauteur des épaules, il faudra considérer 1°. le bout des piés comme le point d'appui d'un levier, qui passant par le centre de gravité de tout le corps, se termine à la ligne des bras, prolongée s'il est nécessaire: 2°. que le centre de gravité étant chargé du poids de tout le corps, de 140 livres, avec sa direction naturelle, l'extrémité du levier supposé est soûtenue dans la ligne horisontale des bras. Cela posé: Soit ce levier de 140 parties, & la distance du point d'appui au centre de gravité, de 80; l'effort de tout le corps à l'extrémité du levier, sera le même que si un poids de 80 livres y étoit suspendu avec sa direction naturelle & perpendiculaire à la ligne des bras: donc si l'on mene du point d'appui une perpendiculaire sur la ligne des bras, cette perpendiculaire sera à la coupée depuis l'extrémité du levier, comme le poids de 80 livres avec sa direction naturelle, est à son effort sur la manivelle, suivant la direction horisontale: donc si le levier fait un angle de 70 degrés avec la ligne des bras, la position du corps sera inclinée à l'horison d'un angle de plus de 60 degrés, qui est tout au plus l'inclinaison où un homme peut marcher: le sinus de 70 degrés sera au sinus de son complément comme 3 à 1, à très-peu-pres; & par consequent, l'effort du poids de 80 livres, selon la direction horisontale, sera un peu moins de 27 liv. L'effort ne sera pas plus grand dans la même inclinaison, soit que la corde soit attachée vers les épaules ou au milieu du corps, le rapport des sinus demeurant le même. Si le levier supposé faisoit avec la ligne des bras un angle de 45 degrés, on voit que le poids du corps soûtiendroit 80 livres: mais la ligne du corps étant alors beaucoup plus inclinée à l'horison, que de 45 degrés, un homme pourroit à peine se soûtenir. Un homme panché en arriere tire avec bien plus de force que lorsqu'il est courbé en avant: le levier suppose dans le cas précédent est au contraire dans celui-ci plus incliné à l'horison que la ligne du corps: c'est pour cette raison que les rameurs tirent les rames de devant en arriere. M. de la Hire n'a pas remarqué qu'ils ne se renversent qu'après s'être panchés en avant: le poids de leur corps acquiert plus de force par cette espece de chûte. D'ailleurs l'homme en voguant agit avec plus de muscles à-la-fois pour surmonter la résistance, que dans aucune autre position. Après avoir égalé l'effort continuel d'un homme qui pousse, a 27 livres, M. de la Hire remarque qu'un cheval tire horisontalement autant que sept hommes; & en consequence il estime la force d'un cheval à 189 livres, ou un peu moins de 200 livres: les chevaux charges peuvent tirer un peu plus, cet effet dépendant en partie de leur pesanteur. Cependant il faut prendre garde dans les machines, que si on combine l'effet de la pesanteur du cheval avec l'effet de son impulsion, on rallentira sa vîtesse, puisqu'à chaque pas il est obligé de monter effectivement. Desaguliers divise le cercle que decrit la manivelle d'un vindas en quatre parties principales; il donne 160 livres de force à un homme qui la fait tourner lorsqu'elle est à la hauteur de ses genoux; 27 livres, lorsqu'elle est plus élevée; 130 livres lorsqu'il l'oblige à descendre, en y appuyant le poids de son corps; & 30 livres, lorsqu'elle est au point le plus bas. Ces forces font 347 liv. qui divisées par 4, donnent 86 3/4; c'est le poids qu'un homme pourroit élever continuellement, s'il n'étoit oblige de s'arrêter pour prendre haleine: ce qui fait que le poids l'emporte au premier point foible, sur-tout quand la manivelle se meut lentement, comme cela doit être si l'homme veut employer toute sa force dans toute la circonférence du cercle qu'il décrit. Il faudroit encore qu'il agît toûjours par la tangente de ce cercle; ce qui n'arrive point. Il faut de plus que la vîtesse soit assez grande pour que la force appliquée aux points avantageux ne soit pas éteinte avant que d'arriver aux points foibles; ce qui rendroit ce mouvement irrégulier & difficile à continuer. De-là Desaguliers conclut qu'un homme appliqué à la manivelle d'un vindas, ne peut surmonter plus de 30 livres, travaillant dix heures par jour, & élevant le poids de trois piés & demi par seconde: ce qui est la vîtesse ordinaire des chevaux. Il veut qu'on augmente cette vîtesse d'un sixieme, & même d'un tiers, si l'on se sert du volant, & qu'on diminue le poids à proportion. On suppose toûjours que le coude de la manivelle ne décrive pas un cercle plus grand que la circonférence du rouleau; ce qui donneroit à l'homme un avantage méchanique. Dans cette supposition, si deux hommes travaillent aux extrémités d'un treuil horisontal, ils soûtiendront plus aisément 70 livres, qu'ils n'en auroient porté 30 chacun séparément, pourvû que le coude de l'une des manivelles soit à angles droits avec l'autre. On se contente de placer les manivelles dans une direction opposée: mais on sent que la compensation qui résulte de cette coûtume est bien moins avantageuse que l'arrangement proposé par Desaguliers: ce physicien célebre corrige les inégalités de la révolution du treuil, quand le mouvement est rapide, comme de 4 ou 5 piés par seconde, par l'application d'un volant, ou plûtôt d'une roue pesante qui fasse des angles droits avec l'essieu du vindas. Par-là un homme pourra quelque tems surmonter une résistance de 80 livres, & travailler un jour entrer, quand la resistance est seulement de 40 livres. La plus grande force des chevaux & la moindre force des hommes, est lorsqu'ils tirent horisontalement en ligne droite. M. de la Hire nous apprend, mém. acad. des Sciences, ann. 1702, p. 261. que les chevaux attachés aux bateaux qui remontent la Seine, lorsqu'ils ne sont point retardés par plusieurs empêchemens qui surviennent dans la navigation, soûtiennent chacun 158 livres, en faisant un pié & demi par seconde, & travaillant dix heures par jour. M. Amontons rapporte des observations curieuses dans son mémoire sur son moulin à feu , parmi ceux de l'academie des Sciences, ann. 1699, p. 120-21. expérience sixieme . Les ouvriers qui polissent les glaces se servent pour presser leurs polissoirs, d'une fleche ou are de bois dont un bout arrondi pose sur le milieu du polissoir; l'autre qui est une pointe de fer, presse contre une planche de chêne arrêtée au-dessus de leur travail. Par des expériences faites avec des polissoirs de différentes grandeurs pressés par des fleches de différentes forces , il a trouvé que la force moyenne nécessaire pour les tirer, est de 25 liv. que par contéquent la volée de leur fleche étant d'un pié & demi, & le tems qu'ils employent à pousser & à retirer leur polissoir étant d'une seconde, leur travail équivaut à l'élévation continuelle d'un fardeau de 25 liv. à 3 piés par seconde; il ne faut guere compter que sur dix heures de leur travail. On lit dans les réflexions de M. Couplet sur le tirage des charretes & des traineaux, mém. acad. p. 63-4. que les charretes ordinaires attelées de trois chevaux, menent habituellement sur le pavé une charge de pierres de taille d'environ 50 piés cubiques, & par conséquent de près de 7 milliers. Il remarque aussi que nos haquets de brasseur à Paris, attelés d'un seul cheval grand & fort, & à Rome, les charretes montées sur leurs roues de six piés de diametre, attelées d'un seul cheval, portent des charges qu'un effort moyen de 200l.ne pourroit pas surmonter. M. Couplet entend ici l'essort moyen des chevaux, qu'il a supposé plus haut, d'après la détermination de M. de la Hire: mais il est etonnant qu'il n'ait pas pris garde que M. de la Hire ne parle point des charrois, où l'on n'a que les frotemens à surmonter: ensorte qu'un cheval de taille médiocre tirera souvent plus de mille livres, s'il est attaché sans desavantage à une charrete. M. de la Hire, & Desaguliers après lui, considerent l'action des chevaux qui élevent un fardeau hors d'un puits, par exemple, par le moyen d'une poulie ou d'un cylindre qui a le moindre frotement possible. C'est dans ce cas que les chevaux tireront environ 200 livres l'un dans l'autre, en travaillant huit heures par jour, & faisant à-peu-près deux milles & demi par heure, c'est-à-dire environ trois piés & demi par seconde. Le même cheval, s'il tire 240 livres, ne peut travailler que six heures par jour, & ne va pas tout-à-fait aussi vite dans les deux cas: s'il porte quelque poids, il tirera mieux que s'il n'en porte point. On doit estimer de meme le travail des chevaux dans les moulins & les machines hydrauliques. Il faut donner au troitoir des chevaux qui font mouvoir les cabestans de ces machines, un assez grand diametre, parce que dans des cercles trop petits, la tangente suivant laquelle le cheval devroit tirer, fait un trop grand angle avec ces cercles; & le cheval pousse le rayon suivant la corde du cercle: il fait avec le rayon des angles si aigus par derriere, que dans un trotoir de 19 pies de diametre, Desaguliers a éprouvé qu'un cheval perd les deux cinquiemes de la force qu'il auroit eue dans un troitoir de 40 piés de diametre; ce qui le détermine à lui donner au moins cette étendue. Les Meûniers s'imaginent qu'il suffit de conserver la proportion des vîtesses de la puissance & du poids qui a lieu dans les plus grands trotoirs; ou que diminuant le diametre de la roue en couteau, de même qu'on diminue la distance du cheval au centre, la difficulte du tirage sera la même, n'ayant point égard à l'entortillement du cheval: mais ces ouvriers ne prennent pas garde à l'effort qu'ils font faire au cheval par cette disposition. Desaguliers croit que la maniere la plus efficace d'employer les hommes à des machines qui produisent leur effet par le jeu des pompes qu'elles renferment, est de faire agir ces hommes en marchant, tout le poids du corps étant successivement appliqué aux pistons des pompes, &c. M. Daniel Bernoulli, p. 181-2. de son hydrodynamique , regarde comme le plus avantageux de tous l'effet que produit dans les machines la pression d'un homme qui marche, vû que c'est le genre de travail auquel nous sommes le plus accoûtumés. Il croit, ibid. p. 198. que cet avantage peut augmenter l'effet du double. Desaguliers, à la fin du II. tome , détermine ainsi le maximum de la perfection des machines hydrauliques. Un homme, dit-il, avec la meilleure machine hydraulique, ne peut pas élever plus d'un muid d'eau par minute à dix piés de hauteur, en travaillant tout le jour; mais il peut en élever presque le double en ne travaillant qu'une ou deux minutes. M. Dan. Bernoulli établit qu'un homme, avec la machine la plus parfaite, pourra élever à chaque seconde un pie cubique d'eau à la hauteur d'un pié. Il n'en est pas des forces des animaux comme des forces des corps inanimés. Une force animale donnée ne peut produire tous les mouvemens où le poids & la vîtesse sont en raison réciproque. Un homme ne peut parcourir qu'un certain espace dans un certain tems, quand même il ne tireroit aucun poids. Celui qui éleve 100 livres à dix piés de hauteur, ne pourroit élever dans le même tems une livre à 1000 piés de hauteur. Si deux hommes également robustes font d'abord le même effort avec la même vîtesse; que l'un des deux ensuite double son effort, & l'autre sa vîtesse; l'effet produit sera toûjours le même: mais la difficulté qu'éprouvera le second pourra être beaucoup plus considérable. Cette remarque de M. Dan. Bernoulli éclaircit ce que nous venons de dire touchant la différence des forces animées & inanimées. S'Gravesande a très-bien vû, physices elementa mamathematica, tom. I. n°. 1856. que si on cherche le maximum de l'effet qu'un animal peut produire, il faut d'abord déterminer un degré de vitesse avec laquelle il puisse agir commodément: il faut ensuite chercher le maximum d'intensité d'une action qui puisse étre continuée un tems assez long. M. Bouguer dit fort bien, dans son traité du navire, p. 109. qu'il seroit de la derniere importance dans plusieurs rencontres, de connoître combien la force des hommes diminue, lorsqu'ils sont obligés d'agir avec plus de promptitude: c'est ce que l'Anatomie, quoique extrémement aidée de la Géométrie dans ces derniers tems, ne nous a point encore appris. On peut exprimer, poursuit-il, cette relation par les coordonnées d'une ligne courbe, dont quelques-uns des symptomes se présentent: mais cela n'empêche pas qu'elle ne soit également inconnue. Voyez Mouvement des Animaux . M. Martine, prop. 24 & 25 de son livre de similibus animalibus , assûre que les forces contractives des muscles, & les forces absolues des membres mis en mouvement dans des animaux semblables, sont comme les racines cubes des quatriemes puissances de leurs masses. Il me paroît que l'auteur sonde ses preuves sur un grand nombre d'hypothèses douteuses, ou qui n'ont point d'application dans la nature ( voyez Application de la Géométrie à la Physique ), mais je crois qu'il reussit très-bien à détruire la prétendue demonstration de Cheyne, dont l'opinion adoptée par Freind & par Wainewright, est que les forces des animaux de la même espece ou du même animal, en différens tems, sont en raison triplée des quantités de la masse du sang. ( g ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces vitales Author=Jaucourt Normalized Classification=Thérapeutique médicinale Part of Speech=NA Forces vitales Forces vitales , ( Thérapeut. Médicinale. ) ce sont dans les malades quelques actions qui accompagnoient auparavant la santé, & qu'on peut pour cette raison regarder comme des restes de l'état sain qui précédoit & des effets de la vie présente: c'est pourquoi on leur donne le nom de forces: elles dépendent du mouvement qui reste aux humeurs dans la circulation par les vaisseaux. Or ce mouvement, si petit qu'il puisse être, suppose du-moins encore une circulation par le coeur, les poumons, & le cervelet, dans laquelle conséquemment consiste la moindre force de la vie, qui est susceptible d'acquérir divers degrés d'augmentation. L'etat de la vie se connoît donc par ces forces: celles-ci se manifestent par les effets qu'elles produisent dans le malade; ces effets sont l'exercice qui se fait des fonctions encore permanentes. Ces fonctions consistent en ce que les humeurs sont poussées par les vaisseaux & les visceres. Pour que cela se fasse, il faut une certaine quantité d'humeurs bien conditionnées, & une continuité de mouvement de ces humeurs par les vaisseaux mêmes. L'action des vaisseaux dépend uniquement de la contraction des fibres, au moyen de laquelle contraction les fibres tiraillées & distendues en arc par la liqueur qui circule, se racourcissent, se disposent en ligne droite, s'approchent vers l'axe de leur cavité, & poussent les humeurs qu'elles contiennent: telles sont par conséquent, à proprement parler, les forces des vaisseaux. Voyez Fibre . Mais il est évident que ces forces viennent d'une vertu de ressort & de contraction, par laquelle la fibre résiste à sa distraction: elles requierent en même tems dans les membranes vasculeuses des grands vaisseaux, deux sortes d'humeurs alternativement poussées; l'une très-tenue, dans les plus petits vaisseaux nerveux; l'autre plus épaisse, dans les grands vaisseaux. L'art de prédire l'évenement d'une maladie, est principalement fondé sur la connoissance de la comparaison des causes dont dépend ce qui reste en core de forces vitales au malade, avec les causes qui ont produit sa maladie actuelle. On connoit l'efficacité de la cause qui entretient encore la vie, par les fonctions qui restent principalement vitales, ensuite animales & naturelles: ce qui s'énonce ordinairement par deux axiomes. 1°. Plus il y a de fonctions semblables aux mêmes fonctions qui ont coûtume de se faire dans la santé, & plus elles leur sont semblables, plus les forces de la nature sont grandes & efficaces, & plus il y a d'apparence de recouvrer une santé parfaite. 2°. Plus est saine dans le malade cette fonction dont plusieurs autres dépendent comme de leur cause, plus les affaires du malade sont en bon train; & l'on tire des conséquences opposées des propositions contraires, ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Force, grande force, petite-force Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Force Force , grande force, petite-force , ( Jurisprud. ) La coûtume de Bar commence ainsi: « Premierement, la coûtume est telle, que tous fiefs tenus du duc de Bar, en son bailliage dudit Bar, sont fiefs de danger, rendables à lui, à grande & petite-force » ... M. le Paige, commentateur de cette coûtume, dit sur grande & petite-force: « La coûtume de S. Mihiel, tit. ij. art. 5. nous découvre le sens de ces mots, lorsqu'elle dit que tous châteaux, maisons, forteresses, & autres fiefs, sont rendables au seigneur, à grande & petite-force , pour la sûreté de sa personne, défense de ses pays, & pour la manutention, exécution, & main-forte de sa justice; en telle sorte que le vassal commettroit son fief, s'il étoit refusant ou dilayant de ce faire. La grande force , continue M. le Paige, se fait avec artillerie & canon, même avec gens de guerre: & la petite-force , par les voies ordinaires de la justice, par saisie & commise ». -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=NA Forces * Forces , ( Arts méchan. ) ciseaux qui n'ont point de clous au milieu, mais qui sont joints par un demi-cercle d'acier qui fait ressort, & qui en approche ou éloigne les branches. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces Author=Diderot Normalized Classification=Gantier Part of Speech=NA Forces * Forces , ( Gantier. ) ce sont des especes de ciseaux à ressort d'un pié de long, qui servent pour tailler la peau propre à faire des gants. Voyez Gantier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces Author=Diderot Normalized Classification=Gazier Part of Speech=NA Forces * Forces , ( Gazier. ) ce sont de petits ciseaux à ressort d'environ un demi-pié de longueur: on s'en sert pour découvrir le brocher des gazes à fleur. Voyez Gaze . Celles des manufactures en soie sont de la même espece. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces Author=Diderot Normalized Classification=Chandelier Part of Speech=NA Forces * Forces , ( Chandelier. ) espece de ciseaux dont se servent les Chandeliers pour couper le bout des meches, & pour les egaliser. Voyez Chandelier . C'est le taillandier qui fait toutes ces sortes de grands ciseaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces, ou Jambes de force Author=Diderot Normalized Classification=Charpenterie Part of Speech=NA Forces, ou Jambes de force * Forces , ou Jambes de force , ( Charpent. ) sont des pieces de bois qui servent à soûtenir l'entrait dans lequel elles sont à tenons & mortaises, avec goussets. Voyez nos Planches de Charpenterie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forces, (Faire les-) Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Forces Forces , ( Faire les-) Manége . L'action de faire les forces consiste de la part du cheval dans celle de mouvoir sans cesse de côté & d'autre la mâchoire postérieure. Par ce mouvement continuel & desagréable, le point d'appui varie toûjours; & les effets de main ne peuvent jamais être justes & certains. Puisque ce n'est que dans les instans où cette même main veut agir, que l'animal se livre à cette action, il me paroît que l'on doit conclure qu'il cherche alors à dérober les barres, ou les autres parties de sa bouche qui se trouvent exposées à l'impression du mors, fans doute à raison de la douleur que lui suscite cette impression, ou d'une incommodité quelconque qu'elle lui apporte. Or cette douleur ou cette incommodité me met en droit de supposer trop de sensibilité dans ces mêmes parties, de l'irrésolution, de la lenteur, de la dureté, & de l'ignorance des mains auxquelles il a d'abord été soûmis. On peut encore chercher l'origine de ce défaut dans la mauvaise ordonnance des premieres embouchures, dans le peu de soin que l'on a eu d'en faire polir & d'en faire joindre exactement les pieces, & plus souvent encore dans le peu d'attention de l'éperonnier à fixer le canon avec une telle précision dans son juste lieu, qu'il ne repose point immediatement sur la portion tranchante de la barre, & qu'il ne trébuche pas sur la gencive. Des mors trop étroits qui serreront les levres; des gourmettes trop corutes qui comprimeront la barbe, occasionneront aussi ce vice, auquel on ne peut espérer de remédier qu'autant que l'on substituera, dans de semblables circonstances, des embouchures appropriées à la conformation de la bouche du cheval; & qu'autant que dans les autres cas, une main habile en ménagera la délicatesse, & entreprendra de corriger l'animal d'une mauvaise habitude qu'il ne perd que difficilement. Du reste, si quelques parties telles que les levres, les barres, la langue, le palais, ou la barbe, sont blessées ou entamées, il n'est pas douteux que le moindre contact qu'elles souffriront sera toûjours suivi & accompagné d'une douleur plus ou moins vive: on aura recours aux médicamens par le moyen desquels ces parties peuvent être rappellées à leur état naturel. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCÉ Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FORCÉ FORCÉ, Voyez Forcer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forcé Author=Landois Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Forcé Forcé , se dit, en Peinture , d'une figure dont l'attitude & l'expression sont contraintes: ce peintre ne donne que des tours, des expressions forcées à ses figures. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCEAU Author=Diderot Normalized Classification=Chasse Part of Speech=s.m. FORCEAU *FORCEAU, s. m. terme de Chasse; c'est un piquet sur lequel un filet est entierement appuyé, & qui le retient de force. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCENÉ Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FORCENÉ *FORCENÉ, adj. ( Gramm. ) qui a l'esprit troublé par quelque passion violente; il ne se doit dire que de l'homme: cependant le blason l'a transporté aux animaux; & l'on dit, un cheval forcené , pour un cheval qui paroît emporté & furieux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCEPS Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA FORCEPS FORCEPS , en Chirurgie , mot latin qui signifie littéralement une paire de tenailles: il convient génériquement à toutes les especes de pincettes, ciseaux, cisoires, tenettes, & autres instrumens avec lesquels on saisit & l'on tire les corps étrangers. Voyez Corps étranger , Exérese On a conservé particulierement le nom de forceps à une espece de tenette destinée à faire l'extraction d'un enfant dont la tête est enclavée au passage. Cet instrument a été appellé long-tems le tire-tête de Palfin , du nom de cet auteur, chirurgien & lecteur d'anatomie à Gand. Nous avons peu d'instrumens qui ayent souffert plus de changemens dans leur construction. On peut lire avec fruit l'histoire très-détaillée des différens forceps , dans un traité de M. Levret, de l'académie royale de Chirurgie, intitulé observations sur les causes & les accidens de plusieurs accouchemens laborieux , Paris 1747, & dans la suite de ces observations données au public en 1751. Cet instrument est composé de deux branches, auxquelles on considere un corps & deux extrémités; l'une antérieure, pour saisir la tête de l'enfant; & l'autre postérieure, qu'on peut appeller le manche . La jonction des deux branches à l'endroit du corps se fait par entablement. A l'une des branches, il y a un bouton conique qui entre dans une ouverture pratiquée dans le corps de l'autre branche, & on les assujettit par le moyen d'une coulisse à mortaise, laquelle engage le collet qui est à l'extrémité du bouton. M. Smellié, célebre praticien de Londres, se sert d'un forceps dont les deux pieces se joignent par encochure; on les fixe par un lac ou lien qu'on noue sur les manches. M. Levret avoue que cette jonction par deux coches profondes qui se reçoivent mutuellement, est plus commode dans l'usage que la jonction par l'entablement à mi-fer: mais il ne la croit pas si stable, non-seulement par le défaut d'opposition exacte des parties supérieures de l'instrument, mais encore par le vacillement des branches, que le lien ne peut empêcher. L'extrémité anterieure de chaque branche est une cuillere fenêtrée; la tête s'engage naturellement dans ces vuides, & donne par-là une bonne prise à l'instrument. Dans les forceps anglois le plein de la partie intérieure étoit demi-rond sur sa largeur. M. Levret y a fait pratiquer une petite cannelure bordée d'une petite levre le long du bord interne le plus éloigné du vuide des branches, afin que l'instrument pût s'appliquer encore plus intimement sur les parties latérales de la tête de l'enfant, & que la prise fût plus solide. Les manches ou parties postérieures de l'instrument n'ont pas besoin de description: la figure 1 . Planche XV . de Chirurgie , représente cet instrument à la moitié du volume naturel. Le forceps est un instrument indispensable dans la pratique des accouchemens. Il est fort avantageux pour tirer un enfant dont la tête est enclavée au passage, ou lorsque l'accouchement traîne en longueur, & qu'il devient impossible par l'épuisement des forces de la mere. Son usage n'est point dangereux; on tire par son moyen des enfans vivans sans aucune impression funeste. On ne doit pas toûjours se proposer d'amener la tête en-dehors par l'usage du forceps: il peut servir avec succès à la repousser en-dedans lorsqu'elle n'est pas trop avancée; ce qui se fait en donnant à l'instrument qui embrasse la tête des petits mouvemens en-haut, en-bas, & latéralement; & lorsqu'on est parvenu à faire rentrer la tête, on peut porter la main dans la matrice pour aller saisir les pieds de l'enfant, & terminer l'accouchement suivant la méthode ordinaire en pareil cas. Les anciens accoucheurs, faute de cet instrument, attendoient tout des forces de la nature dans les accouchemens, jusqu'à ce que le foetus étant mort ils se servoient du crochet. Voyez Crochet . Souvent même à raison du péril où la mere se trouvoit, ils étoient forcés d'avoir recours à ce dernier instrument, & de sacrifier l'enfant vivant; procédé généralement condamné par les modernes, qui préviennent tous les desordres qui peuvent suivre de l'enclavement de la tête de l'enfant, en se servant du forceps . Le signe le plus positif qui doit déterminer l'accoucheur à employer promptement le forceps , c'est la formation d'une tumeur sur la tête enclavée de l'enfant, qui n'avance plus quoique le travail ne soit point interrompu, mais seulement ralenti. La circonstance la plus ordinaire, & dans laquelle on se sert le plus utilement du forceps sur une femme bien conformée, c'est lorsque la base du crane est encore placée au-dessus du détroit supérieur des os du bassin, pendant que le casque osseux est dans le vagin, & que l'orifice de la matrice est presqu'entierement effacé par sa grande dilatation: il est bon d'observer qu'à quelque degré que la tête soit enclavée, elle permet toujours l'introduction des branches du forceps , parce qu'elle se prête suffisamment à leur passage, sans qu'il soit besoin d'user d'aucune violence capable de nuire à la mere ni à l'enfant. Aussi se sert on fort utilement de cet instrument dans les cas où la difficulté de l'accouchement vient du volume trop considérable de la tête de l'enfant sans hydrocéphale; car au moyen du forceps on facilite peu-à-peu son alongement, & l'on procure enfin sa sortie. Pour faire usage du forceps , il faut d'abord placer convenablement la malade sur le bord de son lit, les cuisses élevées & écartées, les piés rapprochés des fesses, & maintenus en cette situation par des aides. On tâche ensuite de reconnoître dans l'intervalle de deux douleurs, s'il y en a encore, avec l'extrémité des doigts, dans quel point de sa circonférence la tête de l'enfant paroît le moins serrée; c'est ordinairement la partie latérale du bassin; & par ce même endroit on introduit la branche du forceps qui porte l'axe, si c'est du côté gauche, en l'appuyant plus sur la tête de l'enfant que contre le bassin de la mere, afin de conduire cette branche entre ces parties sans les blesser. Il faut pour cet effet tenir obliquement la branche qu'on veut introduire, & la diriger de bas en haut jusqu'à ce que son extrémité supérieure se trouve placée dans l'échancrure de l'os des îles de ce côté: alors il faut faire décrire à cette branche un demi-cercle, en la faisant passer en côté opposé par le dessus ou par le dessous, suivant qu'il y aura moins de résistance. Un aide doit soûtenir cette branche. L'opérateur introduit la seconde par le même endroit que la premiere; & lorsqu'elle est à une égale profondeur, on les croise pour les joindre solidement par le moyen de l'axe & de la piece à coulisse destinés à cet usage. Lorsque la tête est bien saisie, il faut en faire l'extraction: premierement il faut tirer vers le bas pour faire descendre la tête dans le vagin; & lorsqu'elle y est descendue presqu'entierement, on doit tirer horisontalement; & sur la fin il faut relever les mains. Ces trois mouvemens sont indiqués par la direction du chemin que la tête doit parcourir depuis le détroit du bassin jusqu'au dehors de la vulve. Mais outre ces mouvemens principaux il faut encore, pour faciliter l'opération, en faire de petits en tous sens pendant tout le tems de l'extraction. Mais lorsque la face de l'enfant est tournée en-dessus, il est rare, pour ne pas dire impossible, suivant M. Levret, que le forceps droit puisse saisir la tête, parce que ses branches sont dirigées vers la saillie de l'os sacrum; ensorte que lorsqu'on croit tenir avec cet instrument la tête dans l'un de ses diametres, on ne tient qu'une portion de sa circonférence près du cou; de maniere qu'il est alors absolument impossible d'en faire l'extraction, parce que l'instrument, faute d'une prise convenable, s'échappe entre la tête de l'enfant & le rectum de la mere. Ce defaut de succès a suggéré à M. Levret une correction du forceps : il a donné à ses branches une courbure, au moyen de laquelle on peut saisir la tête de l'enfant au-dessus des os pubis. Voyez Plan. XV. fig. 2 . Et comme ce nouveau forceps peut servir dans tous les cas, M. Levret a proscrit le droit de sa pratique. Un homme intelligent sentira assez la précaution que la courbure exige pour l'introduction de l'instrument, & dans les mouvemens pour l'extraction de la tête. Le forceps courbe peut aussi être d'un grand secours pour extraire la tête d'un enfant restée dans la matrice & séparée du corps. En général on ne doit se servir du forceps que dans les cas où il est impossible que la tête sorte du couronnement sans son secours: ainsi il ne doit avoir lieu que quand la tête y est si serrée qu'elle peut être dite enclavée. On pourroit quelquefois prévenir ces enclavemens par des manoeuvres particulieres dirigées avec intelligence, différemment suivant les cas: par exemple, quand le visage de l'enfant se présente avec le menton ou le front contre l'os pubis, on essaye de faire remonter l'enfant assez haut pour que la tête se présente directement au passage. Si l'on ne peut y réussir, il semble d abord qu'il n'y auroit point d'autre moyen que de recourir au forceps ; cependant on parvient à faire descendre aisément le front dans le vagin, en faisant mettre la femme sur les genoux & les coudes, & en appliquant dans cette posture une main sur le pubis. Il y a des cas où il suffiroit pour déclaver la tête d'un enfant, d'introduire entre elles & les parties de la mere qui s'opposent à la sortie de l'enfant, un instrument fait en levier. Tel est le fameux instrument de Roonhuisen, qui a été si long-tems un secret en Hollande, où l'on assûre que ce célebre praticien terminoit presque tous les accouchemens laborieux par ce moyen si simple. Voyez Pl. XV . fig. 3 . Il paroît qu'on peut dégager avantageusement par ce levier la tête retenue par l'os pubis, ou la tête qui dans une disposition oblique de la matrice arc bouteroit contre une des tubérosités de l'os ischion. Voyez sur l'usage des forceps , les ouvrages de M. Levret & ceux de M. Smellié, accoucheurs à Paris & à Londres; la matiere y est traitée d'une maniere très-instructive, toutes les difficultés y sont éclaircies; l'expérience & la théorie s'y prêtent un appui mutuel. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCER Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. FORCER * FORCER, v. act. ( Gramm. ) ce mot pris au simple a un grand nombre d'acceptions différentes. C'est surmonter une résistance par un emploi violent des forces du corps: c'est ainsi qu'on force une porte, un retranchement, &c. Forcer un cerf , c'est l'épuiser par une longue poursuite, afin de le prendre vif. On force une clé ou une serrure , quand on en dérange par effort le méchanisme. On force de voiles, de rames , en les multipliant autant qu'il est possible pour augmenter la vîtesse d'un bâtiment. On force à la paume, au billard, à beaucoup de jeux de cette nature , en déployant à un coup toute sa force. On force à un jeu de cartes , en obligeant certaines cartes à paroître, ou un joüeur à joüer en certaines circonstances déterminées. Forcer se dit au figuré d'une détermination de la volonté par des motifs qui donnent quelque chagrin, & sans lesquels elle se seroit autrement déterminée. Il me forcera quelques jours, par le trouble qu'il me cause, à lui parler durement. Forcer son esprit, son génie, son talent , c'est s'appliquer à des choses pour lesquelles on n'étoit point né. Un style est forcé par une singularité de constructions ou d'expressions qui a peiné l'auteur, & qui peine le lecteur. Forcer la recette , c'est passer en recette plus qu'on n'a reçû. Voyez dans les articles suivans d'autres acceptions du même mot. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forcer un Cheval Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Forcer un Cheval Forcer un Cheval , ( Manége. ) c'est en outrer l'exercice; c'est le surmener; c'est l'estrapasser; c'est exiger de lui des actions au dessus de sa capacité & de ses forces; c'est le solliciter encore durement & rigoureusement à des mouvemens dont l'exécution ne lui coûte ou ne lui est impossible, que parce que le moment où on l'y invite est précisément l'instant où ses membres ne sont en aucune maniere disposés à l'action à laquelle on voudroit le conduire. Voyez Tems . ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forcer la main Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Forcer la main Forcer la main , ( Manége. ) c'est de la part de l'animal en fuir non-seulement l'obéissance, mais chercher à se soustraire entierement à ses effets, & en vaincre réellement la puissance. Cette action peut être placée au rang des plus dangereuses défenses, sur-tout lorsque le cheval en a contracté l'habitude. La trop grande sensibilité d'une bouche importunée & même offensée, une sujétion ou excessive ou trop constante, des entreprises peu réfléchies & au-dessus des forces & de la capacité de l'animal, un caractere & une nature rébelle, des sentimens rigoureux, mérités en apparence, mais plus propres à irriter & à révolter qu'à produire un changement qu'on ne devoit attendre que de la patience & de la douceur; telles sont les causes ordinaires du vice dont il s'agit. Tout cheval qui force la main , tire communément ou en s'encapuchonnant, ou en roidissant le cou & en portant au vent. Celui qui s'arme peche le plus souvent par le défaut de legereté, par le défaut de bouche, par la mauvaise conformation de son devant presque toûjours foible, bas & chargé; & celui qui porte au vent, par la trop grande délicatesse des parties exposées à l'impression du mors. Ce n'est pas dans une allure extrèmement prompte & pressée que l'un & l'autre forceront la main: il est même assez rare que dans l'action du pas ils tâchent de se rédimer ainsi de toute contrainte; mais le trot & le galop semblent leur en faciliter plus particulierement les moyens. Toutes les leçons que j'ai prescrites en parlant du cheval qui fuit avec fougue & avec impétuosité, malgré les efforts que l'on fait pour le retenir, voyez Emporter ( s' ) tous les principes que j'ai établis relativement à celui qui s'arme, voyez Encapuchonner ( s' ) & relativement à des bouches égarées ( voyez Egarée ) doivent être ici mis en usage pour corriger l'animal de cette défense. Je ne conseillerai point de recourir, à l'exemple de quelques écuyers, à toutes les voies de rigueur, de solliciter des chevaux vifs & vigoureux à des courses longues & furieuses, de les pousser jusqu'à perte d'haleine, de les extrapasser entre des piliers ou vis-à-vis d'un mur quelconque, de leur lier les testicules avec un ruban de laine ou de soie auquel on a pratiqué un noeud coulant, & de tirer ce même ruban avec force au moindre mouvement qui annonce leur desobéissance, &c. de pareils préceptes, dont l'exécution est infiniment périlleuse, sont écrits, il est vrai, dans des ouvrages qui ont jour de la plus grande réputation, mais ils ne sauroient en imposer qu'à des hommes dépourvûs de toute lumiere, & ils confirment ceux qui sont éclairés dans la persuasion où ils sont que le plus beau nom n'est souvent dû qu'à la fortune de celui qui l'acquiert, & qu'à l'aveuglement d'une multitude d'ignorans qui décident. Les seules ressources que se permet un véritable maître, sont celles qui émanent du fond de l'art, que le raisonnement suggere, & dont l'expérience garantit toûjours le succès. Nul cheval ne peut forcer la main , si elle n'est dans une certaine opposition avec sa bouche: ainsi une main extrèmement legere, & qui à peine imprimera sur cette partie une sorte d'appui, ne fournira certainement à l'animal aucun prétexte à la résistance. Je conviendrai néanmoins que le vice dont il est question peut être tellement enraciné, que le cheval qui ne se sentira, pour ainsi dire, ni captive ni retenu, profitera peut-être de l'espece de liberté qu'on lui laisse pour se déplacer de l'une ou de l'autre maniere, & pour se dérober ou pour fuir; mais si le cavalier d'ailleurs instruit de la justesse des proportions qui constituent la science & l'habileté de la main, est attentif à prévenir cette action, ou plûtôt s'il en saisit subtilement le moment précis, en élevant & en éloignant sa main de son corps dans le cas où le cheval voudra s'armer, ou en la mettant près de soi & en la baissant dans celui où il entreprendra de sortir de la ligne perpendiculaire en-avant, il rendra incontestablement la tentative de l'animal inutile. Nous devons encore supposer que ce tems si nécessaire à rencontrer lui a échappé: le cheval s'encapuchonne, il fuit: alors on ne doit pas le renfermer sur le champ; il importe au contraire de diminuer promptement le point d'appui leger que l'on tenoit, pour en revenir ensuite au mouvement de la main que je viens de prescrire, & pour rendre & reprendre de nouveau: car le passage subit de ce même point d'appui à un autre qui contraindroit davantage l'animal, lui présenteroit une occasion de faire effort contre la main, de la forcer , & d'en détruire les effets. Il en est de même du cheval qui s'emporte en tendant le nez; si le cavalier ne rend dans le moment, l'animal fuira toûjours, il résistera sans cesse & de plus en plus; tandis que s'il n'est d'abord en aucune façon captivé, il se replacera de lui-même; & si dans cet instant le cavalier renferme le cheval, cette action seule faite à propos suffira pour l'arrêter. Tout dépend donc ici du tems où l'on doit agir, & non d'une force d'autant plus mal-à-propos employée, qu'elle ne peut jamais être supérieure, & qu'elle ne sert qu'à accroître la défense, bien loin de la réprimer; & c'est ainsi que l'homme de cheval en triomphe, sauf à châtier d'ailleurs l'animal colere qui s'élance avant de s'abandonner, & à se conformer encore aux maximes déduites dans les articles auxquels j'ai renvoyé. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forcer la terre Author=Diderot Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=NA Forcer la terre * Forcer la terre , ( Agriculture. ) c'est pousser le labour trop profondément, & amener en-dessus une mauvaise terre qui se trouve en quelques cantons sous la bonne terre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCHEIMB Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORCHEIMB FORCHEIMB, ( Géog. ) en latin Vorchemium , ville d'Allemagne fortifiée, en Franconie, dans l'évêché de Bamberg, sur la riviere de Rednitz, à six lieues S. E. de Bamberg, huit de Nuremberg. Voyez Zeyler, Francon. topograp. Long. 28 d . 40. lat. 49 d . 44 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCIERES Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.f. FORCIERES * FORCIERES, s. f. ( Péche. ) on appelle ainsi les petits étangs où on met du poisson, principalement des carpes mâles & femelles pour peupler. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCLOS Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject FORCLOS FORCLOS, adj. ( Jurispr. ) signifie exclus ou déchû . Il se dit de ceux qui ont laissé passer le tems de produire ou de contredire; ils en demeurent forclos , c'est-à-dire déchûs. Voyez Forclusion . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCLUSION Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FORCLUSION FORCLUSION, s. f. ( Jurisp. ) quasi à foro exclusio , est une déchéance ou exclusion de la faculté que l'on avoit de produire ou contredire, faute de l'avoir fait dans le tems prescrit par l'ordonnance, ou par le juge. Juger un procès par forclusion , c'est le juger sur les pieces d'une partie, sans que l'autre ait écrit ni produit, quoique les délais donnés à cet effet soient expirés. La forclusion n'a pas lieu en matiere criminelle. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. xxiij. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forclusion Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Succession Part of Speech=NA Forclusion Forclusion , en matiere de succession , signifie, dans quelques coûtumes, exclusion d'une personne par une autre qui est appellée par préférence; comme cela a lieu dans la coûtume de Nivernois pour les successions collatérales immobiliaires, dont les soeurs sont forcloses par les freres. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCOMMAND Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FORCOMMAND FORCOMMAND, s. m. ( Jurisprud. ) terme usité dans certains pays en matiere réelle & de révendication, pour exprimer une ordonnance ou mandement de justice, qui dépouille un possesseur de son indûe détension. On appelle héritages ou biens forcommandés , ceux qui sont ainsi revendiqués. Voyez au style du pays de Liége, chap. jv. art. 20. 21. 22. 24. chap. xxv. art. 5 & 6. & ch. xxvj . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORCULE Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.m. FORCULE * FORCULE, s. m. ( Mythol. ) Les divinités s'étoient multipliées chez les Romains au point, que la garde d'une porte en occupoit trois: l'une présidoit aux battans, c'étoit Forcule; une autre aux gonds, c'étoit Cardea; & la troisieme au seuil de la porte. Voilà trois dieux, où il falloit à peine un homme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORDICIDES Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f. FORDICIDES * FORDICIDES, s. f. ( Myth. ) fêtes que les Romains célébroient le cinquieme d'Avril, & dans lesquelles ils immoloient à la terre des vaches pleines. Fordicide vient de forda , vache pleine, & de caedo , je tue; & forda de φoράς, φοράδος . Chaque curie immoloit sa vache. Ce qui n'est pas inutile à remarquer, c'est que ces sacrifices furent institués par Numa, dans un tems de stérilité commune aux campagnes & aux bestiaux. Il y a de l'apparence que le législateur songea à affoiblir une de ces calamités par l'autre, & qu'il fit tuer les vaches pleines, parce que la terre n'avoit pas fourni dequoi les nourrir & leurs veaux: mais la calamité passa, & le sacrifice des vaches pleines se perpétua. Voilà l'inconvénient des cérémonies superstitieuses, toûjours dictées par quelque utilité générale, & respectables sous ce point de vûe; elles deviennent onéreuses pendant une longue suite de siecles à des peuples qu'elles n'ont soulagés qu'un moment. Si l'intervention de la divinité est un moyen presque sûr de plier l'homme grossier à quelque usage favorable ou contraire à ses intérêts actuels, à sa passion présente, en revanche c'est un pli dont il ne revient plus quand il l'a pris; il en a ressenti une utilité passagere, & il y persiste moitié par crainte, moitié par reconnoissance: plus alors le législateur a montré de sagesse dans le moment, plus le mal qu'il a fait pour la suite est grand. D'où je conclus qu'on ne peut être trop circonspect, quand on ordonne aux hommes quelque chose de la part des dieux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORLACHURE Author=Diderot Normalized Classification=Ourdissage Part of Speech=s.f. FORLACHURE * FORLACHURE, s. f. ( Art d'ourdissage. ) défaut qu'on remarque dans les ouvrages de haute-lisse, qui provient ou d'une corde mal tirée, ou d'un lac mal pris. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORLANCURE Author=Diderot Normalized Classification=Ourdissage Part of Speech=s.f. FORLANÇURE * FORLANÇURE, s. f. ( Art d'ourdissage. ) c'est un défaut qu'on remarque dans toute étoffe, & qui y provient de la mal-adresse de l'ouvrier à faire courir sa navette, ou aller ses marches. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORER Author=Diderot Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=v.act. FORER * FORER, v. act. ( Arts méchan. en fer, en bois, en cuivre & en métaux. ) c'est percer un trou dans une piece. Pour forer , l'ouvrier prend un foret ( Voyez l'article Foret ); il le choisit selon le trou & la matiere qu'il doit percer. Il prend la palette ( Voyez l'article Pallette ); il monte le foret sur l'arson ( Voy. l'article Arson ); il place le bout arrondi du foret dans une des petites cavités pratiquées au morceau de fer qui occupe le milieu de la palette. Il appuie la pointe du foret contre la piece à percer, qui doit être arrêtée dans un étau. Il fait mouvoir ou tourner sur lui-même le foret, dont il a soin de tremper de tems en tems la pointe dans l'huile, pour empêcher qu'elle ne se détrempe, & le trou se fait. Lorsqu'il est sur le point d'être achevé, ce qui se reconnoît à une petite bosse ou lentille qui se forme au côté de la piece opposé à celui que l'on perce, l'ouvrier tourne le foret moins vîte, & le presse moins fort contre la piece: sans cette précaution, la pointe du foret venant à traverser la piece subitement & avec violence, le foret pourroit être cassé. On appelle cette maniere de forer, forer à la palette; mais on fore à la machine. Substituez à la palette un morceau de fer coudé des bouts en équerre; imaginez sur ces deux bouts coudés perpendiculairement, un foret arrêté & mobile, précisément de la même maniere que l'arbre d'un tour ordinaire l'est sur le tour; faites passer la corde de l'arson sur la boîte du foret; faites tourner le foret, & appliquez fortement la piece à percer contre la pointe du foret. Ainsi en forant à la palette, on presse le foret contre la piece; au contraire en forant à la machine, on presse la piece contre le foret. Voyez, dans nos Planches de Serrurerie , une machine à forer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORESTAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORESTAGE FORESTAGE, ( Jurisprud. ) etoit un droit que le forestier d'un seigneur étoit obligé de lui payer à titre de redevance. En Bretagne, ce droit consistoit en tasses ou écuelles, que les officiers des forêts du seigneur lui présentoient lorsqu'il tenoit sa cour pleniere. Voyez ci-après Forestier . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORESTIER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORESTIER FORESTIER, ( Jurispr. ) forestarius , officier des forêts, dont il est fait mention dans une ordonnance de Philippe-le-Bel au parlement de la Toussaint 1291. Dans plusieurs coûtumes, comme Meaux, Sens, Langres, Vitri, les deux Bourgognes, Nivernois, Mons, Bretagne, les forestiers sont les sergens ou gardiens des forêts. L'ordonnance de 1669 les appelle sergens à garde . Les gouverneurs de Flandres ont été appellés forestiers , à cause que ce pays étoit alors appellé la forêt Chambroniere . Ces forestiers avoient le commandement sur mer comme sur terre: ils furent ainsi nommés jusqu'à Charlemagne, ou, selon d'autres, jusqu'à Charles-le-Chauve, tems auquel la Flandre ayant été érigée en comté, le titre de forestier de Flandres fut changé en celui de comte de Flandres. Voyez du Tillet, liv. I. de ses mém, de la seconde bran- che de Bourg. & Pasquier, en ses recherches, liv. II. chap. xjv. Les Italiens appellent les étrangers forestiers, quasi qui sunt extra fores . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORÊT Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Economie | Botanique Part of Speech=s.f. FORÊT FORÊT, s. f. ( Botan. & Econom. ) On entend en général par ce mot, un bois qui embrasse une fort grande étendue de terrein: cependant cette dénomination n'est pas toûjours déterminée par la plus grande étendue. On appelle forêt dans un lieu, un bois moins considérable que celui qui ne porteroit ailleurs que le nom de buisson. Voyez Bois . Une grande forêt est presque toûjours composée de bois de toute espece & de tout âge. On les nomme taillis depuis la premiere pousse jusqu'à vingt-cinq ans; & gaulis , depuis vingt-cinq jusqu'à cinquante ou soixante: alors ils prennent le nom de jeune-futaye ou de demi-futaye , & vers quatre-vingts-dix ans celui de haute-futaye . Ce dernier terme est celui par lequel on désigne tous les vieux bois. Il paroît que de tout tems on a senti l'importance de la conservation des forêts; elles ont toûjours été regardées comme le bien propre de l'état, & administrées en son nom: la religion même avoit consacré les bois, sans doute pour défendre, par la vénération, ce qui devoit être conservé pour l'utitilité publique. Nos chênes ne rendent plus d'oracles, & nous ne leur demandons plus le gui sacré; il faut remplacer ce culte par l'attention; & quelque avantage qu'on ait autrefois trouvé dans le respect qu'on avoit pour les forêts , on doit attendre encore plus de succès de la vigilance & de l'économie. L'importance de cet objet a été sentie de tout tems; cela est prouvé par le grand nombre de lois forestieres que nous avons: mais leur nombre prouve aussi leur insuffisance; & tel sera le sort de tous les réglemens économiques. Les lois sont fixes de leur nature, & l'économie doit continuellement se prêter à des circonstances qui changent. Une ordonnance ne peut que prévenir les délits, les abus, les déprédations; elle établira des peines contre la mauvaise foi, mais elle ne portera point d'instructions pour l'ignorance. Ce n'est donc pas sans raison que, malgré nos lois, on se plaint que nos forêts sont généralement dégradées; le bois à brûler est très-cher; le bois de charpente & celui de construction deviennent rares à l'excès. M. de Reaumur en 1721, & M. de Buffon en 1739, ont consigné, dans les mémoires de l'académie, des réclamations contre ce dépérissement qui étoit déjà marqué. En fait de bois, & sur-tout de grands bois, lorsqu'on s'apperçoit de la disette, elle est bien-tôt extrème. Les réparations sont très-longues; il faut cent cinquante ans pour former une poutre: d'ailleurs celui qui porte les charges de ces réparations n'etant pas destiné à en joüir, elles se font toûjours avec langueur. Cette partie de l'économie rustique est aussi la moins connue; les bois s'appauvrissent & se réparent par degrés presque insensibles. On n'y voit point de ces prompts changemens de scene, qui excitent la curiosité & animent l'intérêt. On ne pourroit être instruit que par des expériences traditionnelles bien suivies, & on n'en a point, ou par des observations faites dans beaucoup de bois & de terreins différens; & le tems, le courage ou les moyens manquent au plus grand nombre. Si les bois doivent être regardés comme le bien de l'état, à cause de leur utilité générale, une forêt n'est souvent aussi qu'un assemblage de bois dont plusieurs particuliers sont propriétaires. De ces deux points de vûe naissent des intérêts différens, qu'une bonne administration doit concilier. L'état a besoin de bois de toute espece, & dans tous les tems; il doit sur tout se ménager de grands bois. Si l'on en use pour les besoins présens, il faut en conserver & en préparer de loin pour les générations suivantes. D'un autre côté, les propriétaires sont pressés de joüir, & quelquefois leur empressement est raisonnable. Des motifs tirés de la nature de leurs bois & de celle du terrein, peuvent les exclure du cercle d'une loi générale; il faut donc que ceux qui sont chargés de veiller pour l'état à la manutention des forêts , ayent beaucoup vû & beaucoup observé; qu'ils en sachent assez pour ne pas outrer les principes, & qu'ils connoissent la marche de la nature, afin de faire exécuter l'esprit plus que la lettre de l'ordonnance. Cela est d'autant plus essentiel, que la conservation proprement dite tient précisément à cette partie de l'administration publique, qui prescrit le tems de la coupe des bois. On sait que la coupe est un moyen de les rajeunir; mais pour recueillir de ce rajeunissement tout le fruit qu'on en peut attendre, il faut faire plusieurs observations. Les bois nouvellement coupés croissent de plus en plus chaque année jusqu'à un certain point: ainsi à ne considérer que le revenu, on doit les laisser sur pié tant que dure cette progression. Mais l'avantage devient plus considérable, si l'on regarde la conservation du fonds même. Le rajeunissement trop souvent répété altere la souche, épuise la terre, & abrege la durée du bois. M. de Buffon a observé en faisant receper de jeunes plants, que la seve se trouvant arrêtée par la suppression de la tige dans laquelle elle devoit monter, agit fortement sur les racines, & les enfonce dans la terre, où elles trouvent une nourriture nouvelle qui fait pousser des rejettons plus vigoureux. La même chose arrive toutes les fois qu'on coupe un bois qui n'est pas trop vieux: mais cette ressource de la nature est nécessairement bornée. Chaque terrein n'a qu'une certaine profondeur, au-delà de laquelle les racines ne pénétreront point: ainsi couper trop souvent un taillis, c'est hâter le moment auquel il doit commencer à dépérir; c'est consumer en efforts toutes les forces de la nature. La vigilance publique est donc obligée de s'opposer à l'avidité mal entendue des particuliers qui voudroient sacrifier la durée de leurs bois à la joüissance du moment; elle est dépositaire des droits de la postérité; elle doit s'occuper de ses besoins & ménager de loin ses intérêts: mais il seroit dangereux d'outrer ce principe, & il faut bien distinguer ici entre l'usage des taillis & la réserve des futaies. Les taillis étant un objet actuel de revenu, on ne doit en prolonger la coupe qu'autant que dure, d'une maniere bien marquée, la progression annuelle dont nous avons parlé: par-là on rend également ce qui est dû à la génération présente & à celle qui doit suivre. Le propriétaire est dédommagé de l'attente qu'on a exigée de lui, & le fonds des bois est conservé autant qu'il peut l'être. On a déjà fait sentir dans ce Dictionnaire combien il seroit important de fixer le point auquel on n'a plus rien à gagner en reculant la coupe des bois. Voyez Bois . On pourroit appliquer aux taillis la méthode qu'a suivie M. de Buffon en examinant les futaies, & déterminer par la profondeur du terrein le dernier degré du plus grand accroissement, comme il a fixé celui où le dépérissement pourroit être à craindre. En conséquence de ces regles, nous pourrions n'avoir de taillis que dans les terreins pierreux, secs, & peu profonds; nous aurions des gaulis vigoureux dans les terres moyennes, & de belles futaies dans celles qui sont bonnes. Mais le chêne n'est pas le seul bois dont nos forêts soient composées. Pour completer cette théorie de la coupe des bois, il y auroit encore bien des expériences à faire & des problèmes à resoudre; il faudroit déterminer la progression de chaque espece de bois utile à chaque degré de profondeur. Il y en a pour qui la profondeur n'est presque rien; parce que leurs racines s'étendent, au lieu de s'enfoncer: tel est l'orme, & tels sont en général tous les bois blancs. Il y en a qui n'étant encore qu'à la moitié de leur accroissement, ne sont point rajeunis par la coupe: tel est le hêtre, & souvent le charme; leur souche ne repousse point, ou ne peut repousser que foiblement. Quelque bien faites que fussent ces observations, il y auroit encore beaucoup d'exceptions aux regles, & il sera toûjours difficile de se dispenser de la connoissance de coup-d'oeil qui trompe rarement les gens exercés. Au reste ce terme qu'il est important de saisir pour la coupe des bois, n'est pas le point mathématique entre le dernier degré du plus grand accroissement, & le premier de l'inaction; il y a toûjours plusieurs années. Cet intervalle, qu'on peut regarder comme presque indifférent, est plus ou moins long pour chaque espece de bois, en proportion de sa durée naturelle: mais il vaut mieux prendre un peu sur ce qu'on pourroit encore espérer, que de trop attendre. C'est ainsi que doivent être conduits les taillis, & en général tous les bois qu'on regarde comme en coupe ordinaire. A l'égard de ceux qui sont en réserve, l'économie publique peut se régler sur d'autres principes, parce qu'elle a d'autres intérêts; quoique passé un certain point le bois n'augmente plus chaque année que de moins en moins, cependant il augmente, & l'état a besoin de tout l'accroissement qu'il peut prendre. Il faut des bois de charpente & de construction; & c'est en conséquence de ces besoins que la coupe des reserves doit être prolongée: il faut seulement une égale attention à laisser le bois sur pié tant qu'il peut croître, & à le couper avant que le dépérissement commence; si l'on attendoit plûtard, le bois seroit moins bon pour l'usage, sa souche ne repousseroit plus, & le propriétaire seroit contraint à la dépense rebutante d'une plantation nouvelle. On a voulu sans doute concilier l'intérêt de l'état avec celui des particuliers, lorsqu'on a imaginé la réserve des baliveaux; l'avarice des propriétaires a dû en être moins effrayée qu'elle n'auroit été de la réserve entiere d'une partie de leurs bois. Malheureusement il est prouvé que ce ménagement ne produit aucun des effets qu'on a pû s'en promettre. M. de Reaumur & M. de Buffon ont montré que le bois des baliveaux est moins bon qu'aucun autre; que leurs graines ne resement point les bois d'une maniere utile; que les taillis qui en sont couverts sont plus sensibles à la gelée ( V. Baliveau & Bois ): à cela on peut ajoûter que le fonds même de nos forêts est étrangement altéré par cette réserve, contre laquelle on ne sauroit trop reclamer. Lorsqu'on coupe un taillis, les baliveaux qui restent à découvert poussent des branches qui emportent la seve destinée à faire croître & grossir la tige. Ces branches étouffent le taillis renaissant, ou lorsqu'il est vigoureux, elles sont étouffées par lui. La même chose se répete à chaque coupe, jusqu'à ce que les baliveaux épuisés par cette production latérale meurent en cime sans avoir pû s'accroître: alors on les coupe inutilement; leur souche altérée ne pousse que de foibles rejettons; les placés qu'ils occupoient restent vuides; le jeune bois des environs languit; en un mot on ne peut se promettre de la réserve des baliveaux, que des taillis dépérissant par la gelée, l'ombre, ou le défaut d'air, & de petits chênes contrefaits, mourant d'une vieillesse prématurée. Ce qui n'arrive que par succession & à différentes reprises dans les bois qu'on coupe jeunes, on en est frappé tout-d'un-coup dans ceux de moyen âge. M. de Reaumur a pensé le contraire, & son opinion est vraissemblable; mais elle est desavouée par l'experience. J'ai vû couper des bois de soixante & dix ans, dont l'essence étoit de charmes mélés d'un assez grand nombre de chênes très-vivaces. On réserva les plus beaux de ces chênes qui, vû le terrein, devoient profiter encore pendant cinquante ans: mais leur tige exposée à l'air s'étant couverte de branches des la premiere année, ils étoient morts en cime à la quatrieme, & presqu'aucun n'a pû resister à cette forte d'épuisement. La reserve des baliveaux est donc un très-grand obstacle à la conservation des forêts : mais cette réserve préscrite par les lois, ne peut être abrogée que par elles. On aura, comme l'a remarque M. de Reaumur, du bois de service de toute espece, en obligeant les particuliers à laisser croître en futaie une partie de leurs taillis, & en augmentant les réserves des gens de main morte. On ne croit plus que les futaies doivent être composées d'arbres de brins; l'expérience nous a même appris que les bois ne s'élevent d'une maniere bien décidée, qu'après avoir été recépés ou coupés en taillis deux ou trois fois: au lieu de baliveaux laissés pour la plûpart dans des terreins dont l'ingratitude ne permet aucune espérance, nous aurions des réserves pleines, choisies dans les meilleurs terreins, & par-là bien plus propres à fournir à tous nos besoins. On pourroit accélérer l'accroissement des brins les plus vigoureux, des maîtres-brins, en coupant de dix ans en dix ans ceux qui plus foibles sont destinés à mourir. Leur suppression, en éclaircissant un peu les futaies, mettroit les principaux arbres dans le cas de devenir plus gros, plus hauts, & plus utiles. Les fonds qui ne sont point humides, sont à préférer à tous les autres lieux pour les réserves. Où la nature n'offre que des terreins médiocres, on ne peut que choisir les moins mauvais, & regler en conséquence le tems de la coupe. Cette attention est, comme nous l'avons dit, de la plus grande importance. Ici le bois ne repoussera plus, si vous ne le coupez pas à cinquante ans: là si vous le coupez à cent, vous perdez ce qu'il auroit acquis encore pendant cinquante. C'est en ce point seul que réside toute la partie de l'économie forestiere qui concerne la conservation. Nous disons la conservation prise dans le sens le plus étroit, car il est certain que les bois vieillissent, quelle que soit leur durée. Un chêne en bon fonds subsiste environ trois cents ans: une souche de chêne, rajeunie de tems en tems par la coupe, va plus loin; mais enfin elle s'épuise & meurt. Si l'on veut donc avoir toûjours des taillis pleins & garnis, il faut réparer par degrés ces pertes successives, & remédier aux ravages du tems par une attention continuelle. Pour y parvenir facilement & sûrement, observons la maniere dont la nature agit, & suivons la route qu'elle même nous aura tracées. Si l'on regarde bien les bois très-anciens, on verra qu'à mesure que la premiere essence dépérit, de nouvelles especes s'emparent peu-à-peu du terrein, & qu'après un certain nombre de coupes elles deviennent les especes dominantes; souvent le progrès en est très-rapide, & c'est lorsque l'espece subjuguée est très-vieille. Cette tendance au changement qui paroît être une disposition assez générale dans la nature, est moins remarquée dans les bois qu'ailleurs, parce qu'il faut toûjours un grand nombre d'années pour qu'il y ait. une altération sensible: mais on supplée à cette lente expérience en voyant beaucoup de bois différens, & en comparant les degrés de facilité qu'ont les especes nouvelles à s'y introduire. Dans les anciens bois de chêne on verra des bouleaux, des coudres & d'autres bois blancs remplir peu-à-peu les vuides, & même étouffer les rejettons de chêne qui y languissent encore. Dans un terrein long-tems occupé par des bois blancs, de jeunes chênes vaincront l'ascendant ordinaire que donne à ceux-ci la promptitude avec laquelle ils croissent; loin d'en être étouffés, on les verra s'élever à leur ombre & s'emparer enfin de la place. Il est visible que l'ancienne production manque de nourriture, ou la nouvelle en trouve une abondante. Je connois des coudraies assez étendues, dans lesquelles on trouve quelques chênes anciens & des cepées de châtaigners, dont la souche décele la vieillesse, & qui sont-là comme témoins de l'ancienne essence. On ne peut pas soupconner nos peres d'avoir planté des coudres: vraissemblablement ce bois méprisable par son peu d'utilité & sa lenteur à croître, s'est introduit à mesure que les chênes & les châtaigners ont dépéri, parce qu'on a négligé d'introduire une espece plus utile. Ces observations sont confirmées par l'expérience. Tous les gens qui ont beaucoup planté, savent combien il est difficile d'élever quelque sorte de bois que ce soit, dans un terrein qui en a été long-tems fatigué; la resistance qu'on y trouve est marquée & rebutante. Il faut donc, lorsqu'un taillis commence à dépérir, y favoriser quelque espece nouvelle, & l'on peut dire qu'ordinairement la nature en offre un moyen facile. Il est rare que l'essence des bois soit entierement pure: ici c'est un frêne dont la tige s'éleve au milieu d'une foule de chênes qu'il surmonte, là c'est un hêtre, un orme, &c. ils y prennent un accroissement d'autant plus prompt, qu'ils ne sont point incommodés par des voisins de leur espece. Il faut choisir quelques-uns de ces arbres, & les laisser sur pié lorsqu'on coupe le taillis dépérissant. Leurs fruits portés çà & là par les oiseaux, ou leurs graines dispersées par les vents germeront bientôt, & l'on verra une espece nouvelle & vigoureuse succéder à celle qui languissoit: ainsi la terre réparera ses forces sans l'inconvénient d'une inaction totale; & dans la suite cette essence subrogée venant à dépérir, elle sera peu-à-peu remplacée par des chênes. Il est aisé de sentir que le choix de l'espece qu'on favorise n'est pas indifférent; ordinairement on doit préférer celle qui sera d'une utilité plus grande, eu égard aux besoins du pays: mais si on veut que l'essence dépérissante renaisse plûtôt, il faut lui substituer celle qui par sa nature doit occuper le terrein moins long-tems qu'aucun autre. Un taillis subsiste plus long-tems, à proportion que le bois dont il est composé enfonce plus avant ses racines: par cette raison, le bouleau, le tremble, &c. ne devant pas occuper long-tems le même terrein, sont propres à devenir especes intermédiaires. Au moyen de cette succession de bois différens, on n'appercevra jamais dans les taillis un dépérissement marqué par des vuides; les pertes qui n'arrivent que par degrés, se répareront de même: mais si le terrein n'offroit point d'arbres propres à resemer, il faudroit avoit recours à la plantation; il faudroit aller chercher dans les bois voisins quelque espece propre à remplir cet objet, & en regarnir les places vuides. Cette maniere de réparer demande plus de soins que de dépense. Dans les futaies qu'on aura abattues, il faudra se régler par les mêmes principes; replanter, s'il n'y a pas assez d'arbres d'une autre espece pour attendre de la nature toute seule un prompt rétablissement. Il faut cependant distinguer ici entre les vieilles futaies celles qui le sont à l'excès, & qui depuis long-tems ne font que dépérir: dans celles-là le changement d'espece devient beaucoup moins nécessaire, & cette remarque de fait est une nouvelle conséquence de notre principe. Dans une futaie qui dépérit, les arbres sont dans le cas d'une végétation si languissante, qu'ils n'ont presque rien à demander à la terre; ce qu'elle leur fournit tous les ans pour entretenir leur foible existence, ils le lui rendent par la chûte de leurs feuilles; ce tems est pour elle un véritable repos qui rétablit ses forces. Lors donc qu'on abat une telle futaie, on doit trouver & on trouve en effet moins de résistance à y réhabiliter la même espece de bois. Voilà pourquoi on ne remarque point de changement dans les grandes forêts éloignées des lieux où le bois se consomme; les bois y vieillissent jusqu'au dernier degré, la terre se répare pendant leur long dépérissement, & devient à la fin en état de reproduire la même espece. Quelque simple que soit le moyen que nous avons proposé pour rétablir continuellement les bois, il réussira surement lorsque la nature sera laissée à elle-même, ou du-moins lorsque ses dispositions seront secondées. Il n'en sera pas ainsi lorsqu'on voudra multiplier à un certain point le gibier, bêtes fauves, lapins, &c. Ces ennemis des bois qu'ils habitent, dévorent les germes tendres destinés au rétablissement des forêts . Chaque fois qu'on coupe un taillis, il est dans un danger évident, si on ne le préserve pas pendant deux ans de la dent des lapins, & pendant quatre de celle du fauve. Quelques especes même, comme sont le charme, le frêne, le hêtre, sont en danger du côté des lapins pendant six ou sept ans. Si l'on veut donc avoir en même tems & des bois & du gibier, il faut une attention plus grande, & plus que de l'attention, des précautions & des dépenses. Il faut enfermer les taillis jusqu'à ce qu'ils soient hors d'insulte; il faut arracher les futaies pour les replanter, & préserver le plant de la même maniere pendant un tems beaucoup plus long. On ne peut plus s'en fier à la nature, lorsqu'on a une fois rompu l'ordre de proportion qu'elle a établi entre ses différentes productions. En extirpant les beletes, on croit ne détruire qu'un animal malfaisant: mais outre que les beletes empêchent la trop grande multiplication des lapins, elle sont ennemies des mulots, & les mulots multipliés dévorent le gland, la châtaigne, la faine, qui repeupleroient nos forêts . Au reste si les dépenses & les soins sont nécessaires, il est sûr aussi qu'en n'épargnant ni les uns ni les autres, on peut conserver en même tems & des bois & du gibier: mais il faut sur-tout les redoubler, pour faire réussir les plantations nouvelles. Par-tout où la quantité de gibier ne sera pas trop grande, les plantations, que les écrivains économiques rendent si effrayantes, deviennent très-faciles, & se font à peu de frais. La méthode conforme à la nature qu'a suivie M. de Buffon, & dont il a rendu compte dans un mémoire à l'académie, réussira presque toûjours; elle se borne à enterrer legerement le gland après un assez profond labour, & à ne donner de soin au plant que celui de le récéper lorsqu'il languit. Voyez Bois . Cette méthode est par sa simplicité préférable à toute autre, par-tout où le bois ne sera pas fort cher, & où la terre un peu legere ne poussera pas une grande quantité d'herbe. Dans une terre où l'herbe croîtra avec abondance, il sera difficile de se passer de quelque leger binage au pié des jeunes plants. il leur est aussi desavantageux d'être pressés par l'herbe, qu'utiles d'en être protégés contre la trop grande ardeur du soleil. Il arrivera peut-être aussi que dans un terrein très-ferme, le gland étant semé, comme le dit M. de Buffon, les jeunes chênes ne croîtront que lentement, malgré les effets du recépage. C'est ce qu'il faut éviter dans les lieux où le bois est cher. Une joüissance beaucoup plus prompte y dédommage d'une dépense un peu plus grande: je conseillerois alors de se servir de plant élevé en pépiniere; mais le défoncement entier du terrein dont parlent les écrivains, n'est qu'une inutilité dispendieuse. Faites des trous de quinze pouces en quarré & de la même profondeur; mettez le gason au fond, & la terre meuble par-dessus; plantez quand la terre est saine; mettez deux brins de plant dans chaque trou, pour être moins dans le cas de regarnir; binez legerement une fois chaque année pendant deux ans, ou deux fois si l'herbe croît avec trop d'abondance; choisissez pour biner un tems sec, après une petite pluie; recépez votre plant au bout de quatre ans: vous aurez alors un bois vigoureux & déjà en valeur. A l'égard de la distance qu'il faut mettre entre les trous, elle doit être décidée par l'objet qu'on se propose en plantant. Si on veut un taillis à couper tous les quinze ans, il faut planter à quatre piés: on mettra cinq piés de distance, si l'on se propose de couper les bois à trente ou quarante ans, & plus encore si on le destine à devenir une futaie. Nous traiterons ailleurs cette matiere avec plus d'étendue. Voy. Pépiniere & Plantation . Quant au choix de l'espece de bois, on peut être déterminé raisonnablement par différens motifs. Le chêne méritera toûjours une sorte de préférence par sa durée & la diversité des usages importans auxquels il est propre: cependant plusieurs autres especes, quoique inférieures en elles-mêmes, peuvent être à préférer au chêne, en raison de la consommation & des besoins du pays. Depuis que les vignes se sont multipliées, & que le luxe a introduit dans nos jardins une immense quantité de treillages, le châtaigner est devenu celui de tous les bois dont le taillis produit le revenu le plus considérable. Nous voyons par d'anciennes charpentes, qu'on en pourroit tirer beaucoup d'utilité en le laissant croître en futaie; mais l'hyver de 1709 ayant gelé une partie des vieux châtaigners, a dû rallentir les propriétaires sur le dessein d'en faire cet usage. En général, le bois qui croît le plus vîte est celui qui produit le plus, par-tout où la consommation est considérable. Les blancs-bois les plus décriés n'y sont pas à négliger: le bouleau, par exemple, devient précieux par cette raison, & parce qu'il croît dans les plus mauvaises terres, dans celles qui se refusent a toutes les autres especes. Le hêtre, le frêne, l'orme, ont des avantages qui leur sont propres, & qui dans bien des cas peuvent les faire préférer au chêne. Voyez tous ces differens arbres , chacun à son article: vous y trouverez en détail leurs usages, leur culture, le terrein où ils se plaisent particulierement. Les terres moyennes conviennent au plus grand nombre; on y voit souvent plusieurs especes mêlées, & ce mélange est favorable à l'accroissement du bois & à sa vente. Finissons par quelques observations particulieres. Les terres crétacées sont de toutes les moins favorables au bois, les terres glaiseuses ensuite; & par degré, les composées de celles-là. Il est beaucoup plus difficile de faire venir du bois dans les terres en train de labour, que dans celles qui sont en friche. La difficulté double encore, si ces terres ont été marnées, même anciennement. Si un taillis est mangé par les lapins à la premiere pousse, il ne faut point le recéper. Les rejettons dépouillés meurent; mais il en revient un petit nombre d'autres qui sont plus vigoureux que ceux qui repousseroient sur les jeunes tiges. Si le taillis a deux ans lorsqu'il est mangé, & qu'il soit entierement dépouillé, il faut le recéper. Article de M. le Roy , Lieutenant des Chasses du parc de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forêt Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Forêt Forêt , ( Jurisprud. ) ce terme pris dans sa signification propre ne s'entend que de bois d'une vaste étendue: mais en matiere de Jurisprudence, quand on parle de forêts , on entend tous les bois grands & petits. Anciennement, le terme de forêt comprenoit les eaux aussi-bien que les bois. On voit en effet dan; de vieux titres, forêt d'eau pour vivier où l'on garde du poisson, & singulierement parmi ceux de l'abbaye de Saint-Germain-des Prés, on trouve une donation faite à ce monastere de la forêt d'eau , depuis le pont de Paris jusqu'au rû de Sevre, & de la forêt des poissons de la riviere: ainsi la concession de forêt étoit également la permission de pêcher, & d'abattre du bois. C'est sans doute de-là qu'on n'a établi qu'une même jurisdiction pour les eaux & forêts . On appelloit aussi droit de forêt le droit qu'avoit le seigneur d'empêcher qu'on ne coupât du bois dans sa futaie, & qu'on ne pêchât dans sa riviere. Les coûtumes d'Anjou, Maine, & Poitou, mettent la forêt au nombre des marques de droite baronie: ces coûtumes entendent par forêt un grand bois où le seigneur a le droit de chasse défensable aux grosses bêtes. Selon ces coûtumes, il faut être au moins châtelain pour avoir droit de forêt , ou en avoir joüi par une longue possession. Les forêts , aussi-bien que les eaux, ont mérité l'attention des lois & des ordonnances; & nos rois ont établi différens tribunaux pour la conservation tant de leurs forêts que de celles des particuliers; tels que des tables de marbre des maîtrises particulieres, des gruries. Il y a aussi des officiers particuliers pour les eaux & forêts; savoir les grands-maîtres, qui ont succédé au grand forestier, les maîtres particuliers, des gruyers, verdiers, des forestiers, & autres. Les ordonnances anciennes & nouvelles, & singulierement celle de 1669, contiennent plusieurs réglemens pour la police des forêts du roi par rapport à la compétence des juges en matiere d'eaux & forêts , pour l'assiette, balivage, martelage, & vente des bois, les recollemens, vente des chablis & menus marchés; les ventes & adjudications des panages, glandées, & paissons; les droits de pâturage & panage; les chauffages, & autres usages du bois, tant à bâtir qu'à réparer; pour les bois à bâtir pour les maisons royales & bâtimens de mer; pour les forêts , bois & garennes tenus à titre de doüaire, concession, engagement & usufruit; les bois en grurie, grairie, tiers, & danger, ceux appartenans aux ecclésiastiques & gens de main-moite, communautés d'habitans, & aux partieuliers; poür les routes & chemins royaux ès forêts; la chasse dans les bois & forêts; enfin pour les peines, amendes, restitutions, dommages, intérêts, & confiscations. Voyez Eaux et Forêts , Bois , Chasse , &c. En Angleterre, lorsque le roi établit quelque nouvelle forêt , on ordonne que quelques terres seront comprises dans une forêt déjà subsistante: on appelle cela enforester ces terres. Voyez Desenforester & Enforester . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forêt-Hercynie Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Forêt-Hercynie Forêt-Hercynie , ( Géog. ) en latin hercinia sylva , vaste forêt de la Germanie, dont les anciens parlent beaucoup, & qu'ils imaginoient traverser toute la Celtique. Plusieurs auteurs frappés de ce préjuge, prétendent que les forêts nombreuses que l'on voit aujourd'hui en Allemagne, sont des restes dispersés de la vaste forêt Hercynienne: mais il faut remarquer ici que les anciens se sont trompés, quand ils ont cru que le mot hartz étoit le nom particulier d'une forêt; au lieu que ce terme ne désignoit que ce que désigne celui de forêt en général. Le mot arden , d'où s'est formé celui d' Ardennes , & qui n'est qu'une corruption de hartz , est pareillement un terme générique qui signifie toute forêt sans distinction. Aussi Pomponius Mela, Pline, & César se sont abusés dans leurs descriptions de la forêt Hercynienne . Elle a, dit César, 12 journées de largeur; & personne, ajoûte-t-il, n'en a trouvé le bout, quoiqu'il ait marché 60 jours. A l'égard des montagnes d' Hercynie , répandues dans toute la Germanie, c'est pareillement une chimere des anciens, qui a la même erreur pour fondement. Diodore de Sicile, par exemple, liv. V. ch. xxj. regarde les montagnes d'Hercynie comme les plus hautes de toute l'Europe; les avance jusqu'à l'Océan; & les borne de plusieurs iles, dont la plus considérable est, selon lui, la Bretagne. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forêt-Noire Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Forêt-Noire Forêt-Noire , ( Géog. ) grande forêt ou grand pays d'Allemagne, appellé par les Romains sylva Martiana . Elle est dans le cercle de Soüabe, entre le comté de Furstemberg & le duché de Wirtemberg; elle a vers l'orient, le Brisgaw; & l'Ortnaw, vers le couchant: on lui a donné en allemand le nom de Schwartz-Wald , c'est-à-dire forêt noire , à cause de l'épaisseur de ses bois. Elle s'étendoit autrefois jusqu'au Rhin; & les villes de Rinfeld, de Seckingen, de Lauffembourg, & de Valdshut, ne se nomment les quatre villes forestieres , que parce qu'elles étoient renfermées dans la forêt-noire . Cette forêt faisoit anciennement portion de la forêt Hercynie, comme on le juge par le nom du village de Hercingen , proche du bourg de Waldsée. Peucer & autres croyent que c'est le pays que Ptolomée appelle le desert des Helvétiens . Quoi qu'il en soit, ce pays est plein de montagnes, qui s'avancent jusqu'au Brisgaw. Ces montagnes sont couvertes de grands arbres, sur-tout de pins; & les vallées sont seulement fertiles en pâturages. On prétend que le terroir gâte les semences; à-moins qu'on n'ait soin de le brûler auparavant. Voyez le liv. III. de Rhénanus, rer. germ. nov. antiq. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. Forêt * Forêt , s. m. ( Arts méchaniq. ) Les ouvriers en fer font eux-mêmes leurs forets . S'il arrive au foret d'un horloger de se casser, il en refait la pointe; il la fait rougir à la chandelle, & il la trempe dans le suif: quand elle est trempée, il la recuit à la flamme de la chandelle. C'est en général un outil d'acier dont on se sert pour percer des trous dans des substances dures: d'où l'on voit que sa grosseur & la forme de sa poin'e varient selon le corps à percer & la grandeur du trou. Il faut y distinguer trois parties; une des extrémités ordinairement aiguë, & toûjours tranchante, qu'on appelle la pointe; le milieu, qui est renflé & plat; & la queue, qui est arrondie. Les Serruriers en ont de 9 à 10 pouces de long; ils s'en servent pour percer à froid toutes les pieces qui n'ont pû l'être à chaud: ils ont la pointe aiguë & à deux biseaux tranchans. La trempe du foret varie selon la matiere à percer: on en sait la pointe droite pour le fer; en langue de serpent, pour le cuivre. On ajuste au milieu du foret , sur sa partie renflée & plate, une espece de poulie à gouttiere, qu'on appelle une boite: c'est dans la gouttiere de cette poulie qu'est reçûe la corde de l'arc qui fait tourner le foret , soit avec la palette ou le plastron, soit avec la machine à forer. Voyez l'article Forer ; & dans les articles suivans , des exemples & des usages des forets . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret Author=Diderot Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Foret * Foret , outil d'Arquebusier . Les forets des Arquebusiers sont de petits morceaux d'acier trempés, de la longueur de deux ou trois pouces, assez menus, dont un des bouts est fort aigu & tranchant: ces ouvriers en ont de plats, de ronds, & à grains d'orge; ils s'en servent pour former des trous dans des pieces de fer, en cette sorte: ils passent le foret au milieu de la boîte, & l'assujettissent dedans; ensuite ils mettent le bout qui n'est point aigu dans un trou du plastron, presentent la pointe sur le fer qu'ils veulent percer; & puis avec l'archet dont la corde entoure la boîte, ils font tourner le foret , qui perce la piece de fer en fort peu de tems. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret en bois Author=Diderot Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Foret en bois * Foret en bois , outil d'Arquebusier , c'est une espece de poinçon, long de 6 à 8 pouces, fort menu, & un peu plat, emmanché comme une lime, aigu par la pointe, avec lequel les Arquebusiers percent des petits trous dans le bois des fusils, pour y poser les goupilles qui passent dans les tenons du canal, & qui l'attache sur le bois. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret Author=unknown Normalized Classification=Bijoutier Part of Speech=NA Foret Foret , ( Bijoutier. ) est un instrument de fer long & aigu par un bout, qui a quelquefois plusieurs carnes tranchantes, ayant à l'autre extrémité un cuivrot. Voyez Cuivrot . Les forets ont différentes formes, selon les usages auxquels ils sont destinés; leur tranchant fait quelquefois le demi-cercle, ou bien il est exactement plat, & continue d'un angle à l'autre: on se sert de ceux de cette forme pour forer les goupilles dans les charnieres de tabatieres, ou bien encore il forme le chevron. L'ouvrier intelligent leur donne la forme la plus convenable au besoin qu'il en a: mais la condition essentielle de tout bon foret , est d'être bien évuidé, & d'une trempe ni trop seche ni trop molle. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret Author=Le Roy Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foret Foret , outil dont la plûpart des artistes qui travaillent les métaux, se servent pour percer des trous; c'est une longue branche d'acier, A B , ( voyez nos Planches d'Horlogerie . ) dont une des extrémités, B , qu'on nomme la meche , est trempée & un peu revenue. Cette meche est applatie & tranchante par les deux côtés qui forment l'angle B ; l'autre extrémité du foret est pointue en P , & porte un cuivrot A , sur lequel passe la corde de l'archet. Pour s'en servir, on met un archet sur le cuivrot A; on place la pointe P dans une cavité qui, pour l'ordinaire, est au côté de la mâchoire de l'étau: on appuye la piece à percer contre la meche B; & on tourne le foret au moyen de l'archet, après avoir mis de l'huile en B & en P . L'huile que l'on met à la meche B n'est souvent pas tant pour percer plus vîte, que pou: l'empêcher de s'engager dans les parties du métal: ce que l'on appelle en terme de l'art, gripper . Quand cela arrive, cela fait souvent casser le foret , pour peu qu'il soit menu ou délié. On a des forets assortis comme des cuivrots, de toutes sortes de grosseurs. Quelquefois on a une espece de manche rond K X Y ( voyez les mêmes Planches . ), dans lequel on peut ajuster & faire tenir différens forets K: par ce moyen, un seul cuivrot Y & un manche x , servent pour un grand nombre de forets . Foret à noyon , est un foret R S ( figure de la même Planche . ), dont les Horlogers se servent pour faire des noyures circulaires & plates dans le fond, & percées à leur centre. Les forets sont percés pour recevoir le petit pivot S , qui se met dans le trou autour duquel on sait la creusure: du reste, on s'en sert de la même maniere que des précédens. On fait souvent la tige de ce foret d'égale grosseur & bien ronde, depuis I jusqu'en sa partie R . On y ajuste alors un canon, au bout duquel est réservée une assiette; & l'on met une vis dans le milieu de ce canon; de telle sorte qu'après l'avoir vissée à un certain degré, elle puisse presser la tige du foret . Cette vis sert à arrêter l'assiette dont nous venons de parler, à différentes distances de la meche ou du tranchant, selon que les cas l'exigent. Au moyen de la piece précédente, qu'on appelle support , on est sûr de faire le fond des noyures beaucoup plus paralleles au plan de la platine ou de la piece dans laquelle on la fait; & l'on est en même tems plus certain de la hauteur qu'on leur donne. ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forêt Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Forêt Forêt ; on nomme ainsi, dans l'Imprimerie , une tablette divisée en différentes cellules, dans lesquelles on serre les bois qui servent à garnir les formes pour l'imposition; tels que les biseaux, les têtieres, bois de fond, & autres. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret Author=unknown Normalized Classification=Tonnelier Part of Speech=NA Foret Foret , est un outil dont les Tonneliers se servent pour percer une piece de vin: c'est une espece de vrille ou instrument de fer pointu qui se termine en meche par un bout; & de l'autre est emmanché par le travers d'un morceau de bois qui tient lieu de marteau pour frapper le fausset dans le trou qu'on a fait avec le foret . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foret Author=Diderot Normalized Classification=Tonderie de draps Part of Speech=NA Foret * Foret , est parmi les Tondeurs de drap , un instrument grand & en forme de ciseaux, dont ils se servent pour couper le superflu du poil qui se trouve sur une étoffe. Cet instrument est composé de deux branches tranchantes; celle qui est tournée vers le tondeur s'appelle femelle , l'autre mâle . A l'endroit où commence le tranchant de la femelle, il y a un poids qui la charge, & qui aide à tondre le drap de plus près; & un tasseau ou morceau de bois qui s'arrête dessous la femelle par une petite verge de fer, & qu'on relâche ou serre à discrétion par le moyen d'une petite vis. Au haut de ce tasseau est attachée une croix ou bande de cuir croisée qui répond à la mailloche, qui appuyée sur le mâle, tire la femelle à soi, & fait ainsi courir le foret sur toute la piece d'étoffe. Voyez l'article Manufacture en Laine , à l'article Laine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOREZ (le-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOREZ FOREZ ( le-), Géog. province de France qui a titre de comté, & qui est l'ancien pays des Ségusiens, plaga Segusianorum . On borne le Forez au midi par le Vélay & le Vivarez; au nord, par le duché de Bourgogne & le Bourbonnois; au couchant, par l'Auvergne; & au levant, par le Lyonnois propre, & le Beaujolois. Le Forez est baigné d'un assez grand nombre de rivieres, qui font de cette province un pays fertile. Il y a des mines de fer, d'acier, de charbon & de pierre; ce qui fait que l'on y travaille beaucoup en arquebuserie. François I. a réuni par succession ce comté à la couronne. On divise le Forez en haut, qui est au midi; & en bas, qui est au nord. Le haut Forez a pour villes Feurs, Saint-Etienne, & Saint-Chaumont: le bas Forez a Roüanne & Montbrison. Voyez l'histoire univers. civile & ecclés. du pays de Forez, par Jean Marie de la Mure, Lyon , 1674, in-4°. Ce pays a produit des gens de lettres de mérite, comme Jean Papon, Papyre Masson, Antoine du Verdier, Jacques-Joseph Duguet, &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORFAIRE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=v.n. FORFAIRE FORFAIRE, v. n. ( Jurisprud. ) foris facere , signifie délinquer, faire quelque chose hors de la regle & contre la loi . Forfaire son fief, sa seigneurie, ou justice , dans les coûtumes de Vitry, Sens, Haynault, & Cambray, signifie le commettre ; c'est-à-dire que le vassal encourt la commise de son fief. Forfaire signifie aussi quelquefois confisquer , comme forfaire le doûaire, dans les coûtumes de Clermont, Mons, &c. Forfaire l'amende , dans les coûtumes de Béthune, de Lille, & de Namur; c'est encourir l'amende. Se forfaire , signifie délinquer; coût. de Bretagne, art. 450 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORFAIT Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire | Synonymes Part of Speech=s.m. FORFAIT * FORFAIT, s. m. ( Gramm. & synon. ) On distingue les mauvaises actions des hommes relativement au degré de leur méchanceté. Ainsi faute, crime, forfait , désignent tous une mauvaise action: mais la faute est moins grave que le crime; le crime , moins grave que le forfait . Le crime est la plus grande des fautes; le forfait , le plus grand des crimes . La faute est de l'homme; le crime , du méchant; le forfait , du scélérat. Les lois n'ont presque point décerné de peines contre les fautes; elles en ont attaché à chaque crime: elles sont quelquefois dans le cas d'en inventer, pour punir le forfait . La faute , le crime , le forfait , sont des péchés plus ou moins atroces. Dans une mauvaise action, il y a l'offense faite à l'homme, & l'offense commise envers Dieu: la premiere se désigne par les mots de faute, crime , & forfait; la seconde, en général par le mot de péché . Le prêtre donne l'absolution au pécheur; & le juge fait pendre le coupable. La medisance est une faute; le vol & la calomnie sont des crimes; le meurtre est un forfait . Il y a des fautes plus ou moins graves; des crimes plus ou moins grands; des forfaits plus ou moins atroces. Si le méchant qui attenteroit à la vie de son pere commettroit un horrible forfait , quel nom donnerons-nous à celui qui assassineroit le pere du peuple? Voyez Crime . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forfait Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Forfait Forfait , ( Commerce. ) vente en gros de plusieurs marchandises pour un prix convenu, sans entrer dans le détail de la valeur de chacune en particulier. Forfait se dit aussi des entreprises ou fournitures que des ouvriers & artisans s'engagent de faire pour une certaine somme, sans mettre prix sur les pieces en particulier. On dit en ce sens: j'ai fait un forfait avec mon menuisier & mon serrurier pour les ouvrages de ma maison. Dictionn. du Comm . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORFAITURE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FORFAITURE FORFAITURE, s. f. ( Jurisprud. ) forisfactum ou forisfactura , est la transgression de quelque loi pénale. La félonie du vassal envers son seigneur, est quelquefois qualifiée de forfaiture . Mais on entend plus communément par forfaiture , une prévarication commise par un officier public dans l'exercice de sa charge, & pour laquelle il mérite d'être destitué: on ne peut cependant obtenir aucun brevet ou provisions sur la forfaiture de l'officier, qu'elle n'ait été jugée. Forfaiture , en matiere d'eaux & forêts, est un délit commis dans les bois, comme larcin ou dégât, &c. ces sortes de forfaitures sont punies de peines plus ou moins graves, suivant la nature du délit & les circonstances. Voyez le titre dernier de l'ordonnance de 1669 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORFEX Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. FORFEX FORFEX, s. m. terme de Chirurgie , qui signifie une paire de ciseaux dont on se sert pour couper quelque chose. Voyez Ciseaux . On se sert aussi quelquefois de ce mot pour signifier pince ou pincette: il est souvent confondu avec forceps . Blancard, & après lui Quincy, donnent ce nom à un instrument propre à arracher les dents. Voy. Forceps . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGAGE, FORGAGEMENT, ou FORGAS Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORGAGE, FORGAGEMENT, ou FORGAS FORGAGE, FORGAGEMENT, ou FORGAS, s. m. ( Jurisprud. est le droit que le débiteur a, dans la province de Normandie, de retirer son gage qui a été vendu par autorité de justice, en rendant le prix à l'acquéreur dans la huitaine à compter du jour qu'il a été vendu. Forgager est la même chose que retirer son gage . Terrier fait mention de ce droit au chap. x. du liv. VII. & au chap. vij. du liv. X. ce qui est conforme à l'usage de plusieurs autres provinces de ce royaume, où le débiteur discuté peut, dans un certain tems, retirer son gage, en payant ou rendant le prix qu'il a été vendu par le sergent, ainsi que l'observe Ragueau, sur l' art. 3. du tit. jx. de la coûtume de Berry . Le droit de forgage peut être cédé par le débiteur à qui bon lui semble. Voyez les commentateurs de la coûtume de Normandie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGAGNER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=v.n. FORGAGNER FORGAGNER, v. n. ( Jurisprud. ) c'est lorsque le bailleur rentre dans son héritage, faute de payement de la rente à la charge de laquelle il l'avoit cédé. Voyez la coûtume de Namur, art. 16. & la coûtume des fiefs de ce comté. Celle de Tournay, tit. viij. art. 17. appelle forgagnement l'éviction ou espece de retrait dont use le bailleur. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGE Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. FORGE * FORGE, s. m. ( Arts méchaniq. ) Il y a un grand nombre de forges différentes: on en trouvera les descriptions aux differens articles des arts & métiers qui s'en servent; mais en général, c'est un fourneau où l'on fait chauffer les métaux, pour les travailler ensuite. Il faut distinguer dans une forge le massif de la forge , sur lequel l'âtre est placé, la cheminée, la tuyere, l'auge, &c. Voyez ci-après l'article Grosses Forges . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forges (grosses) Author=Bouchu Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forges Forges , ( Grosses-) c'est ainsi qu'on appelle les usines où l'on travaille la mine du fer. La manufacture du fer, le plus nécessaire de tous les métaux, a été jusqu'ici négligée. On n'a point encore cherche à connoitre & suivre une veine de mine; à lui donner ou ôter les adjoints nécessaires ou contraires à la fusion; & la façon de la convertir en fers utiles au public. Les fourneaux & les forges sont pour la plûpart à la disposition d'ouvriers ignorans. Le point utile seroit donc d'apprendre à chercher la mine, la fondre, la conduire au point de solidité & de dimension qui constituent les différentes especes de fer; à le travailler en grand au fortir des forges , dans les fonderies, batteries, & fileries; d'où il se distribueroit aux differens besoins de la société. Le fer remue la terre; il ferme nos habitations; il nous défend; il nous orne: il est cependant assez commun de trouver des gens qui regardent d'un air dédaigneux le fer & le manufacturier. La distinction que meritent des manufactures de cette espece, devroit être particuliere: elles mettent dans la société des matieres nouvelles & nécessaires; il en revient au roi un produit considérable, & à la nation un accroissement de richesses égal à ce qui excede la consommation du royaume, & passe chez l'étranger. Pour mettre cette partie sous les yeux, en attendant de plus amples connoissances, on a suivi l'ordre du travail & des opérations. La premiere regarde les qualités du maitre, commis, & principaux ouvriers. La seconde, la recherche des minieres, & disposition des mines. La troisieme, la maniere de tirer les mines. La quatrieme, les réglemens à ce sujet. La cinquieme, la façon d'en séparer les corps étrangers. La sixieme, les réservoirs & dépense de l'eau. La septieme, l'achat, l'exploitation, l'emploi des bois. La huitieme, le service qu'on tire de l'air. La neuvieme, le fourneau pour gueuse, & pour marchandises. La dixieme, la forge . La onzieme, la fonderie. La douzieme, la batterie. La treizieme, la filerie. On n'entreprend pas de détailler chaque forge en particulier; il n'est question que d'une description générale d'un travail susceptible de modifications, suivant les circonstances particulieres. Article I. Du maître . La probité & l'honneur sont les premieres choses que tout homme, dans toutes sortes d'états, ne doit jamais perdre de vûe. Dans les forges , le danger est prochain. Communément au milieu des campagnes, souvent au milieu des bois, nécessairement environné d'un grand nombre d'ouvriers & domestiques; il faut veiller pour se garantir des vices qu'engendrent la solitude, la grossiereté des ouvriers, le maniement de l'argent. Soyez bon voisin, confrere sans jalousie, ami avec discernement; faites vos achats & vos ventes sans mensonge; vendez vos denrées en bon citoyen; distribuez votre argent en bon économe; veillez au travail; faites vos fournitures de bonne heure; ne laissez pas manquer votre caisse. Il faut à un maître de forges la connoissance de son état, de la santé, de l'ordre, & de l'argent. Comme le gouvernement d'une forge s'étend à beaucoup d'objets différens, un petit détail fera voir les soins & les démarches qu'il demande. Vous proposez-vous de bâtir, acheter, ou prendre à bail une forge? Combinez votre santé, votre argent, avec la connoissance du terrein, des héritages voisins, du cours d'eau, des bois, des mines, de la qualité du fer, du débit: voilà le premier pas. Je dis votre santé , par le travail attaché à cet état: votre argent , pour ne pas trop entreprendre: la connoissance du terrein & des héritages voisins , tant pour la dépense & la solidité de la construction, que pour le danger de se jetter dans des dédommagemens; du cours d'eau , pour lui opposer une force capable de la retenir, ménager des sorties pour l'excédent, & des réservoirs pour le nécessaire: des bois , tant d'affoüages qu'en traite, pour savoir sur quoi vous pouvez compter: la connoissance des mines, leur traite, leur produit, la qualité du fer, le débit . Déterminé sur cette premiere combinaison, ne perdez point de tems à faire les apprêts nécessaires. Les bois veulent être coupés dans un certain tems, d'une certaine mesure, séchés, dressés, cuits, hébergés dans certaines saisons. Le travail des mines doit être suivi avec la même exactitude: l'intelligence doit sur tout s'exercer au fourneau & à la forge , qu'il faut pour cela bien connoitre. La vente des fers, ainsi que des autres parties, consiste en trois choses; à qui, combien, & comment. Je veux dire, connoitre les marchands, pour ne point exposer sa fortune; la valeur des choses & des tems, pour ne point être la dupe; & prendre garde à ses engagemens, qu'on doit remplir en quantité. qualité, tems, & lieu, & aux payemens qui doivent être combinés avec le courant des affaires, afin que la caisse ne manque pas. Une bonne réputation, ce qu'en terme d'art on appelle bon crédit , est bien nécessaire: elle vous donne le choix dans les ouvriers, la préférence dans les bois des seigneurs, souvent dans les usines qui leur appartiennent. Vous aurez ce crédit parmi les ouvriers, par l'égalité entre ceux de la même valeur, le retranchement sans retour & avec éclat des vitieux, la fidélité dans les comptes & payemens; vous l'acquerrez des marchands, par le soin de remplir vos traités: vos voisins de quelque état qu'ils soient, ne pourront vous le refuser, par l'habitude où vous les aurez mais de vous voir remplir votre travail sans ostentation & sans détour. Il y a entr'autres trois ouvriers auxquels il ne faut donner sa confiance qu'après les avoir bien connus; le charbonnier, le fondeur, & le marteleur. Comment juger de leurs talens, si on ignore le travail du charbon, de la fonte, & du fer? Voyez les articles Fer & Charbon . Quelquefois une affaire est trop considérable par les fonds qu'elle demande; c'est le cas de choisir un ou plusieurs associés. Les sociétés bien composées sont le nerf, le soûtien, l'agrément du commerce: mais nous voyons mille exemples funestes des sociétés où plusieurs gouvernent les mêmes parties, pour une qui finit en paix. Comment trouver dans plusieurs personnes la même exactitude, pour ne pas dire fidélité? Dans le cas de société, partagez l'affaire; & que chacun régisse une partie pour son compte. Il y a des forges auxquels sont joints des domaines qui fournissent beaucoup de denrées: nous voyons aussi des maîtres qui en achetent pour remettre à leurs ouvriers: ceux qui le font dans l'idée d'entretenir l'abondance & le bon marché, font bien; mais le droit de garde & de déchet décele un peu l'envie de gagner. Il est commun que ceux qui fournissent des denrées perdent par la mort ou la fuite des ouvriers: ne pourroit-on pas en soupçonner la raison & la punition? Je ne puis finir les qualités d'un maître de forges , sans faire remarquer que celles de sa femme sont essentielles à cet état, & en font souvent le bien ou le mal. Si la paix & l'ordre ne regnent pas dans l'intérieur de la maison, il est impossible de réussir. La paix demande de bonnes moeurs, de la douceur, de la simplicité, de l'ordre, de l'intelligence, du travail, du bon exemple. Des commis . Avoir une fidélité à toute épreuve; se connoître bien en bois, en mines; mieux aux exploitations, au travail des forges & fourneaux; visiter souvent les denrées, les domestiques, les écuries, les chevaux, les harnois; savoir tenir les livres, & rendre compte de son travail. Pour tout dire, il faut qu'un commis soit en état de remplacer un maître. Comment espérer de trouver un pareil homme? Vous aurez plus aisément pour le fait des mines un principal ouvrier, qui content d'une moyenne rétribution, vous rendra compte du travail; il faut qu'il soit homme connu, auquel vous donniez l'autorité nécessaire; & vous veillerez qu'il n'en prenne au-delà. Pour les bois, élevez vous-même un domestique en qui vous découvrirez quelques dispositions. Une condition avantageuse entretient les gens dans le bien. Si le maître fait ses payemens, & qu'il ait des yeux un peu clair-voyans, il est difficile qu'il soit trompé long-tems, & dans des choses essentielles. Un homme aux mines, un dans les bois, ne vous coûteront pas moitié d'un commis. Tenez vous livres, & faites les payemens vous-même: si vous ne pouvez, ayez un troisieme éleve qui remplisse cette partie sous vos yeux. Des charbonniers . Le devoir particulier d'un charbonnier est de veiller au dressage, tant pour le nettoyement des places à fourneaux, que pour l'arrangement du bois; faire fouiller & couvrir ses fourneaux dans les tems convenables à la quantité qu'il doit fournir; ne point manquer à cette fourniture, sans presser aucune piece; faire la provision de clayes dans la saison, & relativement à son travail; savoir gouverner le feu; le conduire également partout; se souvenir que jour & nuit, & à proportion des mauvais tems & changemens de vent, le travail augmente: point de retard à s'y transporter; & pour cet effet, tenir le soir ses lanternes prêtes, ses outils toûjours en bon état; avoir de bons compagnons, de bons valets. Un charbonnier chasseur, ou, pour mieux dire, braconnier, est un ouvrier dont il faut se défaire. Des fondeurs . Les fondeurs sont ordinairement fort mystérieux sur leurs ouvrages; par-là ils obvient aux questions qu'ils ne peuvent résoudre: ils ne savent que méchaniquement telle ou telle dimension; ils craignent de multiplier les gens de leur espece. Il est rare de voir le fondeur d'une province qui employe certaines especes de mines réussir dans une autre province avec des mines différentes: il faudroit donc qu'un fondeur connût parfaitement les dispositions de chaque mine, le nettoyement, le mélange, l'arbuë, la castine, & les opérations intérieures des fourneaux. Les mines, au sortir des lavoirs, doivent spécialement regarder le fondeur; elles devroient être préparées d'avance pour qu'il pût régler son ouvrage en conséquence: c'est à lui à présider au bâtiment des parois & de l'ouvrage; examiner les matériaux qu'on y employe; connoître ceux qui résistent au feu; dresser les soufflets; être instruit de la quantité des charbons; bien diriger & entretenir sa thuyere; distinguer aux crasses & au feu les altérations ou indigestions de l'intérieur; & savoir les remedes convenables. Ils ont ordinairement sous eux des garde-fourneaux, dont le métier est de conduire le sondage, & qui, à l'ouvrage près, qu'ils ne sont pas censés savoir, doivent avoir toutes les connoissances d'un fondeur, & y joindre beaucoup de soin & d'activité. Il est étonnant qu'on ne se soit pas encore avisé d'établir une école de fondeurs: d'habiles maîtres, avec la dépense des expériences, rendroient un service essentiel, en diminuant la consommation des bois; & on joüiroit de fondeurs qui sauroient les raisons de leur travail. Des marteleurs . Les marteleurs sont une classe d'ouvriers qui devroient être instruits, laborieux, fideles & doux. L'ouvrage particulier d'un marteleur regarde les foyers; ce qui suppose la connoissance de la fonte qu'il a à employer: il doit aussi bien connoître l'équipage du marteau, parce que cette partie le regarde seul, & que les autres ne sont que comme des bras qu'il fait mouvoir. Dans les forges où l'on se sert de marteaux & hurasses de fer, il doit en savoir la fabrication, en préparer ou réparer dans les eaux basses, pour ne pas retarder le travail. Chargé de tous les outils, il doit les entretenir, les renouveller & n'en jamais manquer. Sa fidélité doit être grande, par le maniement des matieres fabriquées; qu'il réponde à sa supériorité sur les autres, à l'exemple qu'il leur doit, à la confiance que le maître a nécessairement en lui; il doit sur-tout entretenir le bon ordre & une sévere discipline dans son attelier. Il lui faut beaucoup de douceur & de fermeté dans le besoin. Article II. De la recherche des mines & de leur disposition . Rien de si commun que les mines de fer, & de si varié: figure, couleur, mélange, profondeur, inégalité presque par-tout différentes; elles feront toûjours un sujet nouveau de recherches. Rien n'est d'un usage si nécessaire que le fer: tout le monde s'en sert: tout le monde croit le connoître, nous le voyons journellement naître & périr; & quand il est question d'approfondir ce que c'est que mines, ce que nous faisons constamment avec certaines méthodes, devient par sa constitution élémentaire, impénétrable. Quand nous comparons quelques livres de mine brute avec un ressort de montre; que nous considérons toutes les opérations que ce ressort a dû essuyer, la combinaison & l'industrie dont ces opérations ont été accompagnées, qui ne croiroit que l'homme connoît l'essence de la mine? Cependant il n'en est rien; c'est une des effets ordinaires de la Providence, qui laisse à notre portée ce qui est nécessaire à nos besoins, & qui dérobe à nos recherches le principe des choses. Le philosophe & l'artiste en sont réduits à quelques raisonnemens & expériences, desquelles ils déduisent la maniere la plus utile d'employer les choses. Voyez à l'article Fer , ce que c'est que la mine de fer. Nous ne connoissions pas la façon de convertir tous les fers en acier du dernier degré. Les fers different entre eux; ce seroit un grand malheur qu'ils fussent tous égaux; nos besoins ne le sont pas. Bien des gens étonnés de la prodigieuse quantité de fer qui se fabrique annuellement dans les mêmes endroits, demandent si les mines se reproduisent. Cela arrive dans le sens que des particules de mines en poussiere, rassemblées par toutes les causes qui mettent le corps en mouvement, les dirigent en un même lieu, les appliquent les unes aux autres, en forment de petites masses, peuvent être rassemblées, & avec le tems donner des morceaux ou grains assez pesans pour être employés. Il est encore commun, proche & dans les minieres, de trouver des pierres remplies de parties de mines qu'on abandonne à cause de la solidité & de la quantité de corps étrangers. La gelée dans les corps solides comprime si fort les ressorts de l'air qui cherchent à se détendre, que les matieres très-compactes ne peuvent y résister. La chaleur dilatant les mêmes ressorts, occasionne le même effet: d'où il s'ensuit que ces pierres qui ne sont qu'un mélange de mines & castine, jointes par une partie d'argile, sont aisément mises en poussiere par la compression ou dilatation de l'air. Les parties de mines qui ont résisté à cette dissolution appellée macération , sont d'un bon service. Par-tout où il y a des mines en poussiere, ou des pierres exposées à l'air, remplies de parties de mines, le tems peut renouveller une miniere utile. On trouve des parties de mine répandues partout, même jusqu'au sommet des plus hautes montagnes, toûjours du côté du midi, aux environs des minieres & des fourneaux, quoique la fouille dans l'intérieur n'en donne point. C'est un phénomene qui demande des éclaircissemens, & qui a souvent occasionné bien de la dépense & du travail, à des gens qui n'ont jamais voulu comprendre que l'air seul peut en porter beaucoup en petites parties, & que ces petites parties peuvent être rassemblées par des agens naturels en une ou plusieurs fort grosses. Ces parties de mine que j'appelle accidentelles peuvent se connoître de plusieurs façons. La premiere, c'est de se rencontrer dans des lieux élevés & disposés à ne pouvoir être regardés comme l'écoulement d'une miniere. La seconde, c'est que les morceaux en paroissent purs ou mélangés: purs , la couleur en est d'un rouge foncé ou noirâtre; la figure extrèmement rameuse, plate ou anguleuse, ce qui fait voir qu'ils n'ont pas fait beaucoup de chemin; la masse très-souvent creuse, ou avec quelques marques d'ébullition, parce que n'ayant pû se rassembler que par le mouvement & dépôt de l'air, & la jonction de l'eau, il y a dilatation, boursoufflement, quand la contexture est solide; ou crevasse, quand la liaison n'est pas assez nerveuse: mélangés , les corps qui feront l'alliage seront semblables à ceux du terrein où on les trouvera. Ces parties de mine accidentelles peuvent encore venir des orages qui laissent le terrein à découvert, & de la sublimation que la chaleur peut faire; ce qui fortifie cette conjecture, c'est que nous voyons des sommets de montagnes sur lesquels on ne trouve des parties de mine rassemblées, que du côté le plus exposé au soleil, & des campagnes entieres qui en sont couvertes. La connoissance des mines de fer qui sont à l'a surface de la terre, ou qui en sont proches, est chose aisée à des yeux exercés & clairvoyans. Quant à celles qui s'éloignent de la surface de la terre, il faut user de grandes précautions pour ne pas courir les risques d'une infructueuse dépense. Mais on sera éclairé par la force de l'eau qui entraîne, un tremblement de terre qui détache, un feu soûterrein qui se fait jour, l'examen des autres matieres concomitantes, & la ressemblance des terreins qui fournissent des minieres connues. L'eau, l'air & le feu sont les agens qui donneront des idées sur l'intérieur de la terre. L'eau entre autre peut nous découvrir des mines de plusieurs façons; par une éruption violente qui entraîne des parties de montagnes, des rochers; qui creuse des profondeurs, des abysmes; qui dans la force de son courant, mêle & confond tout ce qu'elle charrie; qui en se ralentissant dépose suivant certaines lois; qui coulant sous la terre, quoique quelquefois assez tranquillement, mais pendant des siecles, ronge & entraîne des parties de mine qu'elle met à découvert; ou qui après s'être excavé un bassin plus grand, fait perdre l'équilibre à la voûte, & occasionne un effondrement. L'air extérieur en déposant, le feu en soûlevant, donnent aussi lieu à la découverte de matieres nouvelles. Si l'on rencontre quelques parties de mine, la premiere attention est de bien examiner si ce ne sont point des mines accidentelles; ensuite voir si par la forme du terrein elles peuvent être venues de loin; leur figure, la matiere qui les accompagne, doivent vous décider. Si vous prévoyez qu'elles ne soient pas venues de loin, faites une ouverture proche le premier enfoncement, & du côté du nord; pour en regler la profondeur, voyez si la couche des pierres & des autres matieres indique quelque dérangement; poussez tant que vous aurez lieu d'en soupçonner un, puisque nous disons que ces parties de mine doivent venir d'une éruption ou d'une excavation, quoique tout paroisse presque rempli: mais quand vous trouverez les choses gissantes dans un état naturel, sans rencontrer ni l'espece de glaise qui accompagne ordinairement la mine, ni aucunes parties de mine mêlées avec les pierres ou autres matieres, abandonnez le travail, du moins dans nos contrées. Pour trouver la miniere dont l'eau aura entraîné des parties, représentez-vous par l'inspection du terrein, le cours que l'eau a dû faire naturellement: dans un coude vous en trouverez de l'entassée, mais selon la position conforme à l'angle qu'a décrit l'eau; concluez des couches de différentes matieres, que ce n'est qu'une alluvion; suivez, & de tems en tems vous rencontrerez de petits puits remplis de mines mêlées avec d'autre matiere; plus loin des amas plus gros; & à la fin, & sur-tout par l'inspection des lieux, vous déterminerez de quel côté vient l'écoulement, ou lequel a essuyé l'écoulement. Arrivé à ce point, ne vous flatez encore de rien: l'eau a peut-être entraîné toute la veine de mine, ou la partie qui reste se trouvera défendue par des rochers, ou engloutie dans les eaux. Ces observations au moins vous mettront à l'abri d'un travail inutile ou mal entendu. Dans le cas où vous aurez lieu d'espérer que vous êtes arrivé à la miniere, & qu'elle peut être ouverte sans trop grands frais, employez d'abord la sonde; si elle ne suffit ou ne convient pas, il ne faut pas hésiter de travailler plus haut, en tirant au nord, que le dérangement que vous entrevoyez: ne faites d'abord qu'un trou cylindrique; un tour enleve les déblais: examinez si vous êtes bien au-dessus des eaux; avec deux bons ouvriers, en peu de tems & sans grande dépense, vous devez trouver la mine. Enlevez le matin les eaux que la suinte de la terre aura rassemblées pendant la nuit. Si l'excavation vous occasionne une plus grande abondance d'eaux, vous trouverez à la traite des mines, la façon de vous en débarrasser. La recherche que nos besoins nous font faire de toutes especes de matieres, a quelquefois fait découvrir des mines de fer; mais on en a plus communément l'obligation à la ressemblance d'un terrein qu'on voit, qu'à celui où il y a déjà des minieres ouvertes: mais pour cela il faut des yeux accoûtumés & intelligens. De-là on peut conclure que l'incertitude & la dépense de pareilles recherches, doivent engager un maître qui veut prendre une forge , à bien savoir où il trouvera des mines. Je conseillerai toûjours les tentatives faites avec réflexion; mais elles ne doivent aller qu'au mieux de la chose. Réussissez-vous, vous êtes récompensé; ne réussissez-vous pas, vous avez recours aux minieres, sur lesquelles vous deviez compter. Comme il seroit avantageux pour la société, que les traces de mines fussent suivies quand on les découvre, & que l'on prît des précautions pour qu'on pût toûjours les retrouver, le plus expédient seroit que les maîtres de forges fissent toutes les tentatives convenables selon une grande probabilité, & que sur leurs mémoires les seigneurs fissent les tentatives coûteuses: mais où trouver un maître de forge qui pense au bien public, & un seigneur qui tente un bien à venir? Nous devons toûjours être étonnés de voir en combien de façons la nature s'est diversifiée dans la partie des mines de fer. Sans entrer dans le détail des variétés infinies qui naissent des différens alliages, nous chercherons à nous en faire une distinction par les combinaisons des choses que nous y connoissons, & qui peuvent nous diriger dans leur travail. Il y a des pierres, des terres & du fer pur, avec son phlogistique. Les pierres & les terres sont ou apyres, ou calcaires, ou vitrescibles. Combinez toutes ces substances de toutes les manieres possibles avec le fer pur, & vous aurez autant de mines à traiter diversement. Ces corps joints à la mine sont ou terre seule, ou terre & pierre également; ou beaucoup de terre & peu de pierres accrochées foiblement; moins de terre & plus de pierres liées très-étroitement; ou pierre très-solide, jointe très-fortement à la mine. La distance de chaque degré est remplie d'une infinité de modifications, par les différentes especes de terre, de pierre, leur mélange, leur adhésion, leur figure: de-là les différentes couleurs, formes, difficulté à la fusion. La terre qui fait ordinairement corps avec une mine propre à la fusion, est communément remplie de parties calcaires ou argilleuses; la pierre, de parties vitrescibles & apyres: les unes & les autres combinées sont fusibles. Nous appellons arbue & castine , les deux substances ou fondans que nous employons spécialement à la fusion des mines. Vous discernerez l'arbue du meilleur usage, lorsque l'espece d'argile, connue dans les forges sous ce nom, n'est point mélangée d'autres corps; qu'au toucher elle est douce; que la couleur n'en est point d'un rouge trop foncé; que pétrie avec peu d'eau elle devient bien compacte, seche à l'ombre sans crevasse, & résiste long-tems au feu. L'arbue que la charrue a travaillée est la plus nerveuse, la plus douce & huileuse, soit parce que les plantes ont pompé une partie des sels, soit que le soleil & la végétation ne laissent que les parties les plus nerveuses des engrais, comme moins propres à la sublimation. L'attraction des parties de certains fumiers la rendent plus grasse, plus compacte, plus tenue, & par conséquent plus en état de résister au feu. La bonne castine se connoît aisément au microscope, par toutes les parties qui en sont transparentes & propres à la calcination. Ne vous y trompez pas, & ne prenez pas pour de la castine des pierres qui portent des grains brillans, & réfléchissant la lumiere comme le grès. L'arbue qui, mêlée à la mine, résiste le plus long-tems au feu, & la castine qui cause le plus aisément la fusion, sont de la meilleure espece; l'arbue se connoît à sa vitrescibilité; la castine, à sa nature calcaire. Il est innombrable de voir combien il y a de diversité dans l'arbue & dans la castine; elle est aussi grande, que la possibilité d'être mélangée avec différentes matieres. Dans un siecle où tous les Arts sont honorés, enrichis des lumieres des savans, ne s'en trouva-t-il point un qui daigne tourner son travail sur les manufactures des fers, où il y a tant à rectifier? C'est une vieille matiere toute neuve à traiter; ce qui seroit peut-être déjà arrivé, si le fer ne naissoit que dans le Pérou. Que d'obligations n'auroi-on pas à une analyse des différentes mines, arbue & castine, qui déterminât exactement les degrés de chaleur & de mélange? Nous sommes réduits à aller en tâtonnant; si chaque pays produisoit également & séparément la mine, l'arbue & la castine, on pourroit établir par les faits connus, des regles fondées sur des mélanges uniformes ou gradués. Mais une observation importante, soit pour l'éclaircissement de cet article, soit pour l'intelligence des maîtres de forge, qu'on sera dans le cas de consulter; c'est que la nature des matieres, telles que la castine & l'arbue qu'on mêle aux mines, soit pour les rendre fusibles, soit pour donner de la qualité aux fers, peut varier à l'infini; & que par conséquent le seul moyen d'avoir des idées réelles, c'est de prendre ces substances, & d'en faire l'analyse chimique: c'est ainsi que nous nous sommes assûrés que la castine dont on parle dans cet article est une pierre calcaire; & l'arbue un mélange vitrescible d'argille, de glaise, de terre calcaire, & d'un peu de fer. Art. III. Maniere de tirer les mines . Nous avons dit que les corps joints à la mine étoient terre seule, premiere espece; terre & pierre en petits volumes également, deuxieme; beaucoup de terre & peu de pierre accrochées foiblement, troisieme; moins de terre & plus de pierre liées plus étroitement, quatrieme; pierre très-solide jointe très-fortement à la mine, cinquieme: ces différentes especes sont ou sur la surface, ou dans certaine profondeur de la terre, ou exposées à beaucoup d'eau. Si elles sont proches la surface de la terre, la traite en est aisée; & pour les trois premieres especes, il n'y a autre chose qu'à les séparer en les tirant des terres qu'on voit n'en être point imprégnées, & à les voiturer sur les atteliers destinés à les nettoyer. La quatrieme espece demande plus de précaution, soit en laissant sur l'attelier les plus grosses pierres, détachant les parties de mine mêlées de terre, ou laissant le tout ensemble. Si les pierres sont fort chargées de mine, ou que ces pierres soient en grande quantité, sans être en trop gros volume, elles seront portées à l'attelier convenable. La cinquieme espece sera tranchée dans les bancs comme la pierre dans les carrieres, cassée à bras d'homme & coups de masse en morceaux de trois ou quatre livres, & de-là voiturées à l'attelier destiné à faire le reste de la division. Il y en a d'assez riches dont il ne faut que réduire les morceaux en d'autres morceaux plus petits, & qu'on porte ainsi au fourneau. Quand les bancs sont extrèmement solides, ainsi que nous le supposons; comme il n'est pas essentiel d'avoir des morceaux tranchés nettement, & d'une telle dimension, vous avancerez l'ouvrage en vous servant, lorsque le banc sera découvert au-delà d'un déjoint, s'il y en a, d'un morceau de fer rond d'environ un pouce de diametre, finissant en langue de serpent, bien acéré, aiguisé, & trempé, de la longueur d'un pié. Il faut être muni d'un compagnon, d'un maillet de bois, de sable en poudre & d'eau; l'un tient le foret, verse un peu d'eau & de sable; & l'autre touche à petits coups, ayant soin de changer la position du tranchant, en se relayant l'un l'autre: en très-peu de tems vous aurez un trou cylindrique de la profondeur que vous souhaitez. Ce trou ou plusieurs, pour un plus grand effet, s'emplissent de poudre à canon au tiers, l'ouverture se ferme avec une cheville de bois chassée fortement, dans laquelle on perce un petit trou pour loger une meche lente à brûler, ou de la poudre humectée, pour avoir le tems de se retirer: bien-tôt vous aurez une grande quantité de quartiers détachés, & deux hommes en fourniront ainsi plus que dix à trancher. Si les mines sont à plusieurs degrés de profondeur, pour tirer celles des trois premieres especes, pratiquez des trous cylindriques de quatre piés de diametre; ayez un tour, un cable, des paniers, & deux hommes à chaque ouverture, ils viendront aisément à-bout de ce travail; ils changeront d'occupation une ou deux fois le jour, & en peu de tems ils arriveront à la mine. Si le banc est assez épais, pour y entrer, ils feront plusieurs galeries, laissant de bons & forts piliers; iront au loin chercher la mine avec des brouettes, & la conduiront au milieu du puits pour la tirer avec le tour, jettant dans les galeries vuides les pierres & autres corps étrangers. Il y a des minieres où au bout de quelques années, toutes les galeries vuides s'effondrent, ce qui est aisé à connoître; alors il n'y a aucun danger de tirer les piliers qui deviendront alors galeries. Quand les mines ne sont pas bien à sond, on se contente de faire une ouverture quarrée fort large; descendu de quelques piés, on ménage un repos; arrivé à la mine, l'ouvrier du bas jette la mine sur le repos, & son compagnon du repos la jette sur le sol. Les minieres en roches solides demandent une ouverture beaucoup plus grande pour la commodité du travail, il faut armer le cylindre du tour d'une roue très-élevée, afin de se procurer de plus longs leviers, & enlever les plus gros quartiers, qu'on travaille plus aisément dehors. On conçoit que dans les mines en roche, l'effondrement est moins à craindre que dans les autres, & que la solidité doit regler la largeur des galeries & l'épaisseur des piliers. Il est difficile dans les mines à fond de n'avoir pas à vuider au moins les eaux de la suinte de la terre; mais il peut arriver qu'en n'y travaillant que dans les saisons les plus seches, le tour & les seaux suffisent pour en débarrasser: sinon il n'y a pas à hésiter, il faut établir une ou plusieurs pompes. Voyez Pompe . Pour cet effet vous serez un puits assez large pour la placer, & pour travailler sans être gêné: si le bassin de la pompe est beaucoup plus profond que la miniere, les eaux s'y rendront de toutes les galeries. Quand on en est réduit-là, il ne faut pas espérer de travailler, ni pendant les pluies & les fontes de neiges, ni pendant les fortes gelées: choisissez le tems le plus sec, moitié de l'eté & moitié de l'automne, & assûrez-vous d'un assez grand nombre d'ouvriers pendant ce tems, pour faire vos provisions pour l'année. N'oublions pas de dire qu'il y a des minieres, au fond desquelles il se trouve un banc de marne, sous lequel passe l'eau, que la marne t'ent si fort comprimée; que si vous avez l'imprudence de le percer, vous vous jetterez dans un épuisement dont vous ne pourrez venir à-bout qu'à grands frais, ou qui vous forcera à abandonner le travail. il faut alors examiner si on ne pourroit pas ouvrir une galerie de côté, qui par sa pente débarrasât de toutes les eaux. Art . IV. Droits sur la mine & réglemens . On distingue le droit sur les mines & celui sur la traite, parce que le premier appartient au domaine de la couronne, & le second aux propriétaires des héritages où se trouvent les minieres. La confusion que mettent ceux-ci dans leurs prétentions à ce sujet, donne lieu journellement à des contestations, & occasionne des décisions de cours souveraines opposées entr'elles: quelques-unes même paroissent s'éloigner des intérêts du roi & du bien public. Pour jetter quelque lumiere sur cette partie, il faut jetter l'oeil sur les ordonnances qui distinguent clairement le droit du roi, celui du public, & celui du propriétaire. Le réglement au sujet des mines, de Charles VI. du 30 Mai 1413, rappellant ceux des rois prédécesseurs, confirmé par Louis XII. le 20 Novemb. 1498, & par François premier en Décembre 1515, est conçû en ces termes: « Avons, par maniere d'édit, statut, loi ou ordonnance royale, irrévocable, dit, décerné & déclaré.... que nul seigneur spirituel ou temporel, de quelque état, dignité ou prééminence, condition ou autorité, quel qu'il soit, en notredit royaume, n'en aura ne doit avoir, à quelque titre, cause, occasion quelle qu'elle soit, pouvoir ne autorité de prendre, reclamer ne demander esdites mines, ni en autres quelconques, assises en notredit royaume, la dixieme partie, ni autre droit de mines, mais en seront par notredite ordonnance & droit, forclos; car à nous seuls, & par le tout à cause de nos droits & majesté royaux, appartient la dixieme & non à autres...... Voulons.... que les hauts-justiciers, moyens & bas, sous quelque jurisdiction & seigneurie que lesdites mines soient situées & assises, baillent & délivrent auxdits ouvriers, marchands & maîtres desd, mines, moyennant & par payant juste & raisonnable prix, chemins & voies, entrées, issues, par leurs terres & pays, bois, rivieres, & autres choses nécessaires auxdits faisants l'oeuvre & ouvriers, lieux plus profitables pour l'ouvrage faire, & le moins dommageable pour lesdites seigneuries..... Voulons........que tous mineurs & autres, puissent querir, ouvrer & chercher mines par tous les lieux où ils penseront en trouver, & icelles traire & faire ouvrer, payant à nous notre dixieme franchement, & en faisant certification ou contenter à celui ou à ceux que lesdites choses seront ou appartiendront au dire de deux prudhommes....Que dorénavant les marchands, maîtres faisant l'oeuvre, & lesdits ouvriers qui esdites mines ouvrent & s'occupent, & font résidence sur le lieu du martinet, ou mines, ou leurs députés pour eux, auroient....un juge, bon & convenable commissaire, & tel comme nous leur ordonnerons, lequel connoîtra & déterminera de tout cas mû & à mouvoir, qui esdits marchands, maîtres & ouvriers pourra toucher, & auxquels seront baillé nos ordonnances » ...... S'ensuit la franchise des tailles & autres subsides, avec défenses de molester les mineurs du royaume ........ « Considérez qu'ils vaquent continuellement au bien de nous & de la chose publique »..... Ordonnance d'Henri II. du 30 Septembre 1548... « Avons aussi permis & permettons, qu'il puisse prendre aux lieux plus prochains qui lui sembleront être propres à ce, tant terres, héritages, ruisseaux, en les payant raisonnablement aux propriétaires, ou le dommage & intérêt qui leur seroit fait pour le regard de la valeur desdites terres seulement, & non des mines y étant ».... Dans celle donnée à Reims le 10 Octob. 1552.... « N'entendons ni ne voulons, les ouvrages desdites mines ou minieres, être retardés, ains continués, & notre droit de dixieme être mis à part.....de la recette duquel ils seront crûs sur leur livre ordinaire, & serment sur ce fait » .... Ces ordonnances regardent entr'autres le fer, puisque plus bas il est dit: ... « Quant aux autres métaux, comme cuivre, étain, plomb, potin & fer en fontes communes, duquel fer ne prendront qu'un dixieme de celui qui sera tiré sur nos terres & seigneuries..... sans que lesdits propriétaires puissent prétendre aucun droit esdites mines, & demander autres intérêts que la récompense des terres, superficie ou incommodité d'icelles; encore qu'en icelles lesdites mines soient tirées......quoique soit après que par-devant notaire ou justice, il aura actuellement & à deniers découverts, fait offre aux propriétaires de leur récompense, telle qui sera arbitrée par gens à ce connoissans, à faute d'accorder par eux & icelle consignée »..... Extrait de l'ordonnance de François II. du 29 Juillet 1560.... « En s'accommodant avec ceux à qui appartiendront lesdits héritages, & les satisfaisant de gré à gré suivant l'avis & estimation de gens experts & arbitres de juges, sans toutefois que ledit prix s'en puisse aucunement augmenter pour raison de l'utilité qui se pourra tirer à cause desdites mines ».... Autres ordonnances de Charles IX. du 6 Juillet 1561, 26 Mai & 25 Septembre 1563, de Henri III. du 20 Octobre 1574, confirmative des précédentes. Edit d'Henri IV. du mois de Juin 1601. Article I . « Nous avons confirmé & approuvé, & par ces présentes confirmons & approuvons lesdits édits & déclarations de point en point, selon leur forme & teneur, pour, suivant iceux, notredit droit être payé franc & quitte, pur & affiné en toutes lesdites mines ». Article II . « Sans toutefois comprendre en icelles les mines de soufre, salpetre, de fer, lesquelles, pour certaines bonnes & grandes considérations, nous en avons excepté, & par grace spéciale exceptons en faveur de notre noblesse, & pour gratifier nos bons & fidels sujets, propriétaires desdits lieux ».... Ordonnance de Louis XIV. du mois de Juin 1680, qui évalue les droits du roi à 3 sols 6 d. par quintal de mine de fer, 8 s. 9 d. par quintal de fonte en gueuse, & à raison de 13 s. 6 d. par quintal de fer. L'article 9. dit « que ceux qui ont des mines de fer dans leurs fonds, seront tenus à la premiere sommation qui leur sera faite par les propriétaires des fourneaux voisins, d'y établir des fourneaux pour convertir la matiere en fer; sinon permettons au propriétaire du plus prochain fourneau, & à son refus aux autres propriétaires des fourneaux de proche en proche, & à ceux qui les font valoir, de faire ouvrir la terre & d'en tirer la mine de fer, en payant aux propriétaires des fonds, pour tout dédommagement, un sou par chaque tonneau de mine de cinq cens pesant ».... De cette succession d'édits, réglemens, ordonnances, il est aisé de conclure, 1°. Que le premier mobile du coeur des rois est le bien de leurs sujets. Charles VI. VII. VIII. Louis XII. François I. Henri II. François II. n'ont fait qu'augmenter les priviléges, quitter une partie des droits de leur domaine, établir des jurisdictions particulieres, des exemptions, immunités, pour la fouille des mines: consideré que les entrepreneurs & ouvriers vaquent continuellement au bien de nous & de la chose publique . Le public est préféré à leur intérêt particulier, puisqu'ils quittent partie de leurs droits. Henri IV. confirme & approuve les déclarations de ses prédécesseurs; l'exception qu'il fait des mines de fer & quelques autres, est fondée sur de bonnes & grandes considérations, c'est une grace spéciale reservée pour sa noblesse & ses bons sujets, propriétaires des lieux . Le manufacturier & ses ouvriers sont toûjours dans les mêmes priviléges; il n'y a que l'emploi des revenus du roi de changé. Louis XV. n'a-t-il pas de nos jours gratifié des revenus de cette partie de son domaine, par ses lettres patentes du 6 Août 1719, le sieur Marcin de Saint-Germain, par un privilége de vingt années d'exploitation de mines de fer, dans une certaine étendue? avec quelle confiance les manufacturiers, qui cherchent le bien public dans leur travail, ne peuvent-t-ils pas après cela espérer le renouvellement des priviléges, & une disposition favorable aux plaintes qu'ils sont en droit de faire, tant contre certains propriétaires qui amplifient leurs droits, qu'à l'occasion de certains arrêts de cours souveraines, qui n'ont pû être uniformes, l'art. 9 de l'ordonnance de 1680 n'ayant point prévû les abus survenus depuis? 2°. Les déclarations & édits prouvent que les minieres de fer appartiennent au domaine du roi; que le droit est d'un dixieme, qui se perçoit actuellement sur les fontes en gueuse ou travaillées, suivant l'évaluation qui en a été faite au conseil. Il ne convient pas à un bon citoyen de raisonner sur un tarif que le roi a lui-même rédigé; & si je fais la réflexion que le droit du domaine stant du dixieme, la marque des fontes valant aujourd'hui cinq livres cinq sons par mille, il s'ensuivroit que les fontes devroient valoir 52 livres 10 sous le mille; c'est pour blâmer hautement ceux qui ne regardent que leur intérêt particulier, sans entrer dans ceux de l'état. N'est on pas en droit de leur répéter les raisons d'Henri IV? 3°. Toutes les anciennes ordonnances disent que les propriétaires des fonds doivent être dédommagés. Charles VI. VII. VIII. Louis XII. François I. « faisant certification ou contenter à celui ou à ceux à qui les choses seront & appartiendront, au dire de deux prudhommes ». Henri II. « sans que les propriétaires puissent prétendre aucun droit esdites mines, & demander autre intérêt que la récompense des terres, superficie, ou incommodité d'icelles, lesdites mines soient tirées...... François II. en satisfaisant les propriétaires de gré à gré, suivant l'avis & estimation de gens experts & arbitres de juges, sans toutefois que le prix s'en puisse aucunement augmenter pour raison de l'utilite qui se pourra tirer à cause desdites mines ». Confirmation pareille d'Henri II. & d'Henri III. celle d'Henri IV. ne regarde que son droit personnel, que sa conduite ordinaire lui fait réserver pour faire le bien, confirmant les autres dispositions. L'ordonnance de 1680 parle bien aussi de la traite des mines & du dédommagement des propriétaires, mais en fixe le prix d'une maniere si concise, qu'elle ne tire pas les propriétaires & les manufacturiers de bien des inconvéniens; je pourrois même dire les juges. La preuve en est acquise par les arrêts souvent opposés entre eux & à l'ordonnance. Si l'article neuvieme n'est pas rédigé suivant l'intention du roi; ou bien, & c'est la même chose, s'il nous jette dans des embarras dont les juges mêmes ont peine à nous tirer d'une facon uniforme, ne pouvons-nous pas dire que cet article a besoin d'interprétation, explication, ou reformation? Ne perdons pas de vûe que le bien public & l'intention du roi sont la même chose, sauf son droit & celui d'autrui. Le droit du roi ne fait aucune équivoque; celui d'autrui n'est pas de même. L'article neuvieme dir que ceux qui auront des mines de fer dans leurs fonds seront tenus, à la premiere sommation qui leur sera faite par les propriétaires des fourneaux voisins, d'y établir des fourneaux pour convertir la matiere en fer. Ne croiroit-on pas de-là pouvoir conclure que dans le cas où le propriétaire bâtiroit un fourneau en vertu de sommation, il faudroit qu'il le bâtit sur son propre fonds, même sur la miniere, & que cet article seul lui donneroit le droit de bâtir, pendant que le roi s'est réservé de donner des lettres patentes à ce sujet? Ne croiroit-on pas encore que plusieurs fourneaux voisins seroient en droit, en vertu de sommation, de tirer concurremment? mais la suite de l'article donne le privilége au plus prochain fourneau: comme si la bonté du roi & le bien public pouvoient être mesurés par l'éloignement d'un terrein. Voilà la source d'une infinité de procès, au moyen desquels les fourneaux les mieux approvisionnés de bois ont manqué de mines. Cette clause fait encore dépendre deux ou trois bons fourneaux d'un seul médiocre & chétif, qui ouvrira plusieurs minieres pour faire valoir son droit, n'en tirera que la partie la moins coûteuse, & privera le public de l'abondance. En payant, dit la fin de l'article, aux propriétaires des fonds, pour tout dédommagement, un sou par chaque tonneau de mine de cinq cents pesant. Ces derniers mots sont totalement contraires aux droits du roi, & font la seconde source des contestations. Ne sommes-nous pas convaincus que les minieres appartiennent au roi, & que le droit sur les mines est un droit de son domaine? N'avons-nous pas prouvé que les rois ne l'ont jamais abandonné que pour un tems, & comme une récompense aux entrepreneurs, ou reservé pour la noblesse, ou leurs bons & fideles sujets? De faire payer la traite de mines au poids, n'est-ce pas faire payer conséquemment à l'épaisseur de la miniere? c'est donc aller contre le droit domanial, qui d'ailleurs est payé sur les fontes. La mine n'appartenant poine à un particulier, qu'il n'apparoisse une concession faite par le roi, son héritage ne peut donc être mesuré que par la superficie & non la profondeur de la mine, sans que le prix, dit François II. s'en puisse aucunement augmenter pour raison de l'utilite qui se pourra tirer à cause desdites mines. Henri II. « sans que les propriétaires puissent prétendre & demander autre intérêt que la récompense des terres, superficie ou incommodité d'icelles ». Le payement au tonneau tombe précisément sur la miniere, & en cela est contraire aux droits du roi; & le payement relatif à la superficie est vraiment le droit du propriétaire. Avec une preuve si décisive, examinons les abus dans lesquels précipite cette façon de payer. Comment s'arranger pour le poids? Sont-ce les mines qu'on doit peser? Sont-ce les terres à mines, sur lesquelles il y a un déchet de plus de deux tiers? Le propriétaire se fait payer sur les terres à mines, malgré un arrêt du conseil du 6 Septembre 1727, qui ordonne que le droit de 3 s. 4 den. par quintal de mine, ne sera levé à la sortie du royaume que sur les mines lavées & préparées; & au cas de sortie de mines brutes & terres, que le droit en sera payé sur le pié de l'estimation qui en sera faite de gré à gré, ou par experts ou gens à ce connoissans, dont les parties conviendront, ou qui seront nommés d'office par le juge de la marque des sers, auquel la connoissance en appartient. Qui fournira les poids, mesures, & gens nécessaires pour un travail inutile? Perdra-t-on un beau tems précieux pour l'approvisionnement d'un fourneau, en s'amasant à remuer & peser un monceau de mines? En payant relativement à la mine, les maîtres des forges les tirent très-superficiellement; au lieu qu'ils feroient la dépense d'excavation & d'épuisement, s'ils ne payoient que relativement à la superficie du terrein. Cette façon de travailler leur fait boucher des trésors, qu'il faut des siecles & des dépenses extrèmes pour retrouver. Il seroit aisé de prouver que tel journal a produit au propriétaire vingt fois la valeur du fonds, dont il a toûjours la possession... Qui osera dire que ce soit-là l'intention du roi? Le parlement de Bourgogne, pays où il y a beaucoup de forges , a bien senti l'embarras du pavement au poids, & a pris sur lui de rendre un arrêt contradictoire qui détermine une façon encore plus préjudiciable aux maîtres des forges , contre la disposition de l'ordonnance. Le voici:...... « maintient le sieur Boyer, & quelques-autres maitres de forges , qui étoient parties intervenantes, dans le droit & la possession de tirer des mines de fer dans les fonds & héritages où il s'en trouvera, en payant pour tout dédommagement un sol par tonneau de mines brutes & non lavées, pour le payement desquelles les propriétaires des fonds à mines & les maitres des forges se régleront de gré à gré entre eux; sinon qu'à l'avenir les parties conviendront d'experts, pour reconnoître au pié cube la quantité de mines brutes & non lavées qui aura été tirée dans lesdits creux; pour quoi lesdits maîtres des forges ne pourront faire aucun changement dans lesdits creux, jusqu'à ce que ladite reconnoissance ait été été faite; après laquelle ils seront tenus de rejetter dans lesdits creux les terres qui en auront été tirées, après que toute la mine en aura été enlevée; sauf auxdits propriétaires des fonds d'achever de remplir lesdits creux, & de remettre leurs héritages en culture, sans que les maîtres des forges puissent être tenus à aucun dédommagement, soit de rétablissement en état de culture, ou par non-jouissance des fonds, que le sol par tonneau de mines brutes & non lavées; sans cependant qu'il leur soit permis de préjudicier à la culture des terres ». Dans cet arrêt on a perdu de vûe 1°. que les minieres appartiennent au roi. 2°. Que l'arrêt du conseil du 6 Septembre 1727 décide que les droits du roi ne seront payés que sur les mines censées lavées: peut-on espérer que des particuliers puissent être dans un cas plus privilégié? 3°. A ne supposer des bancs de mines que de trois piés d'épaisseur en mines brutes, un journal de terre, au desir de l'arrêt, seroit payé 16 fois sa valeur, & appartiendroit toûjours au propriétaire. 4°. Cet arrêt laisse la traite des mines libre, sans avoir la liberté de jetter derriere soi les matieres étrangeres qui embarrassent: c'est occasionner une double dépense. 5°. A ajoûté à la déclaration les mots de brutes & non lavées . 6°. Dit que les maîtres des forges donneront un sou pour tout dédommagement, conséquemment à l'ordonnance, & les oblige néanmoins, au-delà des termes mêmes de l'ordonnance, de rejetter dans les creux les terres qu'il oblige à laisser sur les bords par une disposition particuliere. 7°. Dit que les maîtres des forges ne seront point tenus de mettre les héritages en culture; ce qui suppose que la traite des mines y préjudicie: leur défendant néanmoins d'y préjudicier. Cet arrêt, comme plusieurs de la cour des aides, montre évidemment que l'article neuvieme de l'ordonnance de 1680, a besoin d'être reformé & rédigé differemment. Comme nous vivons sous un regne où les gens attachés aux intéréts du Roi & du bien public, peuvent mettre leurs idées aujour, de ce que nous avons dit on pourroit conclure: 1°. Que sans faire sommation de bâtir fourneau à un particulier qui ne possédant ni eaux ni bois, ne peut obtenir des lettres-patentes, les fourneaux voisins seroient les maîtres de tirer des mines, chacun à leur proximité, ou concurremment ou séparément, & ce à proportion de leur travail; sauf aux propriétaires qui obtiendroient des lettres-patentes à les faire signifier; l'exclusion n'étant que pour la propriété. 2°. Que les maîtres des forges seroient les maîtres de prendre l'eau nécessaire pour laver lesdites mines, en dédommageant les propriétaires à dire d'experts nommés par le juge de la marque des fers, sans néanmoins pouvoir préjudicier aux usines nécessaires & établies. 3°. Que les propriétaires des champs où il y a des minieres seroient dédommagés au prorata de la superficie, qui est leur bien, en payant la portion d'héritage, suivant l'arpentage qui en seroit fait aux frais du manufacturier, conformément au tarif du pays; sauf après la traite, à remettre au propriétaire gratuitement son héritage dans l'état qu'il se trouvera: c'est rendre au Roi, au public, aux manufacturiers, aux propriétaires ce qui leur appartient. Art . V. De la maniere de nettoyer les mines . Ayons devant les yeux les différens genres de mines; celles jointes à de la terre seule, premier genre; terre & pierre en petits volumes, second genre; beaucoup de terre, & peu de pierres accrochées foiblement, troisieme genre; moins de terre & plus de pierres liées plus étroitement, quatrieme genre; pierre très-solide jointe très-fortement, cinquieme genre. L'attelier propre à nettoyer celles du premier genre, s'appelle patouillet. Voyez les Pl. de grosses forges , parmi celles de métallurgie . Le patouillet est composé de deux chassis en bois FF , éloignés de six, sept, ou huit piés, sur trois ou quatre piés de hauteur, arrêtés par le bas par de fortes traverses G , & terminés aussi par le bas en plein ceintre H . On ménage une feuillure profonde au-dedans des chevalets, pour y attacher ou des membrures bien jointes H , ou des plaques de fonte coulées dans les fourneaux: on garnit de même les côtés L L; ce qui forme la huche. Au-dessus de la huche, du côté de la riviere, vous ajustez un canal A , tout près le côté opposé à la roue: ce canal formé de bois ou pierres, quarré ou rond, de quatre pouces de largeur, sur autant de hauteur, fournit l'eau du réservoir. Au milieu du bas de la huche, du côté opposé à ce canal, vous ménagez une ouverture C de six pouces en quarré, ferme en-dehors par sa pelle de bois C à longue queue, & appuyée par un morceau de bois traversant le dessus d'un petit canal M , qui sert de déchargeoir. Du côté du coursier, tout au-dessus de la huche, vous ménagez une ouverture E deux fois plus large & moins haute que l'entrée de l'eau, afin qu'il puisse en sortir autant qu'il en entre, sur moins de profondeur. La huche est traversée par un cylindre de bois N , qu'on appelle l' arbre , garni aux deux bouts de tourillons O de fer ou fonte, portant sur des empoisses P , traverse des bras d'une roue qui tombe exactement dans un coursier, & garni dans l'intérieur de l'étendue de la huche, de trois barreaux R coudés à deux branches, enclavés les uns dans les autres à tiers points, de la profondeur de la huche; de façon que quand un barreau finit de travailler, le voisin commence, & de même le troisieme; ils entretiennent alternativement le mouvement dans la mine, au fond & sur les côtés de la huche. L'ouverture du bas de la huche servant de déchargeoir, est garnie en-dehors d'un canal en bois Q , de la même dimension que l'ouverture, sur la longueur de quatre piés, garni des deux côtés d'un hérisson en pierre, ou affermi par du bois: il faut que ce canal aille un peu en pente, & aboutisse à un lavoir S de dix piés en quarré, au-dessus duquel, du côté opposé au canal, il y a une ouverture très-large sans être profonde, suffisante pour passer l'eau de la huche, quand il est nécessaire. Au bas de ce lavoir, & du même côté dans un coin, vous ménagez une ouverture fermée par une pelle T qui coule entre deux rainures. Il est avantageux ensuite de ce lavoir, d'en avoir un second V , qui recueille la mine que la force de l'eau pourroit faire échapper du premier. Le jeu de cette machine consiste à laisser entrer l'eau par le canal A; l'ouverture B étant fermée de la pelle C , la huche s'emplit d'eau jusqu'à la hauteur D; la huche s'emplit de terre aux deux tiers; la roue mise en mouvement par l'eau du coursier, le premier barreau souleve la terre proportionnément à son étendue, puis le deux & troisieme. L'eau bourbeuse s'échappe par l'ouverture E , pendant qu'elle se renouvelle par l'ouverture A; & en très-peu de tems, on est débarrassé de la terre qui se mêle perpétuellement à l'eau, pendant que la mine plus lourde gagne toûjours le fond. Vous connoissez avec un peu d'habitude quand la terre est lavée; mais elle l'est certainement, quand vous voyez que le mouvement de la roue est retardé au point qu'elle s'arrêteroit; parce que quand la mine est bien nettoyée, elle s'entasse si fort, que les barreaux ont grande peine à y entrer: d'où il est avantageux pour les soulager, ainsi que la roue, de les tailler en prisme, présentant un angle au travail. Alors vous tirez la pelle C , ayant soin que les pelles des lavoirs de dessous soient baissées: l'eau & la mine de la huche aidées par l'eau nouvelle & par le mouvement des barreaux, descendent dans le premier lavoir, & l'eau s'échappe par l'ouverture du dessus, faisant la même manoeuvre dans le second. Quand la mine de la huche est coulée, vous fermez la pelle C; & pendant qu'un ouvrier va remplir la huche, l'autre nettoye avec un riaule le devant des pelles des lavoirs, & les leve. Comme elles tirent l'eau du fond, la mine reste seule & à sec; de-là il va aider à emplir la huche, afin que le lavage s'opere pendant qu'ils viendront achever l'opération: pour cet effet, à quatre ou cinq piés de distance du premier lavoir, il faut en avoir un qui tire l'eau directement du réservoir. Les ouvriers tirent la mine patouillée, & la posent sur le bord de ce dernier lavoir, dans lequel un ouvrier plonge le pannier X , & le second jette la mine dedans: en remuant continuellement le papier, la mine passe au fond du lavoir, & les morceaux mal nettoyés se mettent à côté de la huche; ils ramassent la mine criblée, la tirent d'un côté du lavoir, pour la mettre en tas à côté: quand elle est égouttée, elle est prête à être mise au fourneau; pendant cette opération, celle de l'intérieur de la huche est faite. On place le canal A tout contre le côté opposé à l'ouverture D , afin que l'eau soit obligée de faine tout le tour de l'intérieur de la huche, avant de sertir; ce qui donne le tems à la mine de gagner le fond; on place l'ouverture D du côté de la roue, tout contre le dessus; & on la fait plus large & moins profonde, pour la même raison D'ailleurs les barreaux poussant toûjours la mine du côté du devant, il n'est pas possible qu'il s'en échappe, à moins que ce ne soient des minos legeres, qu'on appelle folles , qu'il est plus avantageux de perdre à l'eau que de brûler. L'arbre d'un patouillet peut être garni de six barreaux au lieu de trois, ou de cuillieres qui se succedent. Plus vous opposerez de résistance, plus il faut de force, conséquemment plus d'eau: faites établissement après calcul. Les patouillets supposent de la mine qui ne se mette pas en poussiere, & qui soit plus chargée de terre que de pierre; sans quoi le frotement useroit la mine, sans diminuer la pierre: c'est une faute dans laquelle bien des gens sont tombés, & ont en conséquence décrié la machine. Il faut avoir soin de beaucoup éloigner la huche du réservoir, afin que cette étendue donne lieu à une ample provision. Il faut, pour servir un patouillet, deux ouvriers exacts, parce que s'ils retardent quand la mine est nettoyée, elle s'use par le frottement: il faut que ces ouvriers soient munis de pelles A , de pics B , de riaules, de bons paniers. Nous avons dit que les morceaux de terre qui avoient résisté à l'opération, se jettoient à côté du panier, au sortir de la huche: quand les ouvriers quittent le soir l'ouvrage, & même pendant leurs repas, ils jettent ces morceaux dans la huche. La nuit, ou plus de tems, leur fait prendre l'eau; & frottés les uns contre les autres, la mine reste au fond de la huche. Le patouillet est excellent pour les mines du premier & du troisieme genre; & des paniers bien serrés d'osier ou d'autre bois, suffisent, & ne sont pas d'une grande dépense. Les mines du second genre veulent des lavoir & égrapoirs: les lavoirs ne sont autre chose qu'un trou quarré A , dont le fond B est garni de planches enterrées d'un pié de profondeur, sur six à sept piés d'étendue, garni de quatre costieres C de bois de trois à quatre pouces d'épaisseur, sur un pié d'élévation; elles se joignent par des encoches D , & sont serrées en-dehors par des pierres. On échancre les costieres du dessus & dessous E E de la largeur de six pouces, sur la profondeur detrois ou quatre; & vous tirerez un petit courant F d'eau, qui entre dans le lavoir, le remplit, & sort par l'échancrure du bas. Vous emplissez un des côtés de terre à mine; & un ou deux ouvriers sont munis de riaules. Un riaule G est un morceau de fer battu, de la largeur de six à huit pouces, recourbé H de cinq à six, pour prendre aisément le fond du lavoir sans gêner l'ouvrier, finissant dans la partie supérieure par un tuyau en écrou K , propre à recevoir un long manche de bois L . Les ouvriers se campent du côté que vient l'eau; & ayant tiré au courant la terre la plus proche de la sortie, achevent de la faire passer de l'autre côté, en changeant de position, de-là, la reconduisent d'où elle est venue: chaque changement s'appelle un demi-tour . Suivant la connoissance que l'on acquiert aisément à l'inspection, on décide qu'une telle mine est à deux, trois, quatre, &c. demi-tours: quand elle est nettoyée suffisamment, ils la tirent avec leurs pelles, & la mettent en monceaux à côté d'eux, avec les pierres ou sable que l'eau n'a pû enlever, jusqu'à ce qu'il y en ait en assez grande quantité pour être porté à l'égrapoir; nom qui vient de ce que l'on appelle grapes les petites pierres ou sables mêlés avec la mine; ce qui est une espece de castine: autrement ce seroient des mines qu'il faudroit abandonner. Les lavoirs peuvent encore se faire en quarrés longs O O , ce qui donne de la force au courant; c'est l'affaire des yeux intelligens à voir & disposer suivant le besoin. Plusieurs pour égraper les mines, se servent de paniers M de taule ou de cuivre percés de l'échantillon de la mine, attachés par l'anse N à une corde attachée à une perche flexible O . Ce travail est gênant & long. L'égrapoir A ( v. les Pl. ) du meilleur service est composé de deux membrures B B de six piés de longueur sur six pouces de hauteur: ces membrures sont tenues par deux traverses C C , d'un pié de longueur dans l'intérieur, passant par des mortaises D D , emmortaisées elles-mêmes E en-dehors, pour être serrees par des clefs F : dans les membrures, à un pouce de hauteur, on pratique une rainure G G; vous a rangez dans ces rainures des baguettes de fer fondu H , d'un pié de longueur, dressées à la lime, & écrasées par-dessous. Vous arrêtez & séparez les baguettes par de petits morceaux de bois qui laissent des intervalles propres à laisser passer les grains de mine. Le total A A fait un grillage dont les côtés depuis les baguettes, ont quatre pouces & demi de hauteur: vous posez ce grillage sur le côté d'un lavoir I , de façon que le bas soit au-delà de la costiere L; & vous élevez le dessus M où aboutit le courant d'eau, de façon que cela fasse un plan incliné de 18 ou 20 degrés. L'eau du reservoir arrive au-dessus du grillage par un canal N , auquel vous ajustez une trémie O , dans laquelle vous jettez la mine, afin qu elle ne tombe que successivement. La mine entraînée par l'eau passe à-travers les baguettes, tombe dans le lavoir; & les sables plus gros que le grain de mines, sont chassés au-delà: il faut pour cette opération deux ouvriers, dont l'un jette la mine dans la trémie, & l'autre la tire de l'autre côté du lavoir: quand ce côté est plein, les ouvriers se joignent pour la tirer & la mettre en tas; par cette manoeuvre, qui va très-vîte, vous êtes au-moins assûrés que les sables qui restent dans la mine, ne sont que du même échantillon. Les pierres qui sont dans les mines du quatrieme genre, ou sont par bancs dans les minieres, un de pierre, un de mines; ou sont pele mêle en gros volumes, dont on peut avec pics & marteaux séparer la mine; cette separation faite, vous les passez au lavoir, de là à l'égrapoir, abandonnant les pierres, si la miniere peut fournir d'ailleurs; sinon mettez-les à part, pour les travailler comme celles qui suivent. Les mines en roches, ou sont assez riches pour être brûlées sans separation de la pierre, ou demandent à en être separées. Dans le premier cas, il ne s'agit que de les mettre en plus petits volumes; ce que feront bien des boccards. Voyez Boccard . J'ajoûterai seulement que les pilons doivent être coulés en plusieurs pointes, pour diviser au lieu de mettre en poussiere; que les pilons frappent sur une taque de fonte; & que le derriere soit garni de barreaux de fer qui ne laissent passer que ce qui est assez divisé. Dans le second cas, les lavoirs simples ne feront rien; le patouillet usera sans séparer; le boccard écrasera la mine comme la pierre; & ce qui restera sera toûjours dans la même proportion de mine & de pierre. Pour ces mines, il faut recourir à la macération; il y a la naturelle & l'artificielle: la naturelle s'opere en exposant en peu d'épaisseur les pierres à mines ou mines en roche déjà brisées au marteau, aux grandes chaleurs & aux gelées: cela demande bien du tems & de l'espace. L'artificielle va plus vîte, & ne consiste que dans un certain degré de chaleur: pour cet effet, ayez proche vos minieres ou vos bois des trous prépares, comme pour la calcination des pierres; ayez-en plusieurs, & conséquemment à votre travail. Vos tours dressés avec les pierres à mines, comme les fours à chaux, faites mettre en fagots les restes des exploitations, & chauffez. Comme il y a des pierres à mines qui se fendent avec éclat au premier degré de chaleur, il faut les faire porter sur des griilages de fer, ou voûte faite de pierres calcaires: la cuisson faite, ainsi que l'expérience l'aura bien-tôt appris, vous transporterez sur les lavoirs; à la premiere eau, tout sera dessoudé. La chaux coulera avec l'eau; le grain ou les lames tomberont au fond du lavoir: si il reste beaucoup de pierres, l'égrapoir vous en débarrassera; s'il y en a qui ne soient pas assez calcinées, laissez-les à la macération naturelle, qui en peu de tems achevera la séparation. Comme l'eau qui sort de ces mines est dangereuse pour les ruisseaux ou rivieres où elle se décharge, vous ferez faire au bas des lavoirs plusieurs grand, & spatieux trous, qui s'empliront les uns après les autres de votre eau de mine; ce qui donnera le tems à la transpiration, l'évaporation, & au dépôt. Quand vous reprendrez le travail le matin, vous acheverez de vuider ces réceptacles avec une pelle & par un petit déchargeoir qui tire l'eau. Quand ils seront remplis, vous les ferez vuider à la pelle, & conserverez cette espece de marne pour engraisser les terres; ce qui vous dédommagera d'une partie de la dépense, moins effrayante au fond que par la nouveauté. Le reste sera amplement payé par le produit du fourneau, avec moins de charbon. Un point essentiel pour un manufacturier, est de connoître ses mines, de les mêlanger conséquemment à leur qualité, dans la proportion convenable. On a l'expérience, que les mines venues dans l'arbue portent avec elles un degré, soit de réfraction, soit de facilité à la fusion, proportionné à l'arbue dont elles restent pénétrées ou imprégnées; & celles nees dans la castine ont les mêmes qualités dans un degré proportionné aux parties de castine que vous n'aurez pû leur ôter. Nous avons encore observé que l'emploi de l'arbue repondoit assez à celui du soufre dans la poudre-à-canon, quatre parties sur une livre; & la castine à celui du salpetre, dix parties sur une livre. Pour connoître ce que les mines portent d'arbue & de castine dans nos cantons, on peut se servir de la méthode suivante. Ayez une mesure d'un pié cube A: il faut, autant qu'on peut, faire les épreuves sur le plus grand volume: vous emplirez cette mesure de mine, en la coulant par un entonnoir B , pour l'entasser également. Supposons mine du second genre, telle que vous l'avez préparée pour la mettre au fourneau, vous raclerez la mesure, & peserez; vous prendrez assez de tems pour mettre à part les grains de mine & les pierres que vous mesurerez & peserez séparement; vous ferez griller la mine, pour aider la séparation de l'arbuë; laverez, laisserez sécher, mesurerez, & peserez: donc il y avoit tant d'arbue. Vous calcinerez les pierres, laverez, mesurerez, & peserez: donc il y avoit tant de castine. Vous ferez de même l'épreuve des différentes mines, pour les mélanger ou y joindre arbue ou castine; posant pour regle, qu'il faut un dixieme d'arbue & un vingt-cinquieme de castine: ainsi, si dans cent livres de mines il y a vingt livres d'arbue, ajoûtez cent livres de mines qui portent huit livres de castine; cet exemple doit suffire pour faire entendre le mélange de toutes les especes de mines. Ne regardez néanmoins ceci que comme une approximation; joignez l'expérience; ajoûtez ou retranchez; & au lieu de faire le mélange au fourneau, faites-le dans les apprêts. On est sûr de l'uniformité, & d'avoir obvié à la négligence & l'oubli des ouvriers, quand les mines sont separées: le mélange, pour certaines mines, ne peut être fait avec plus d'exactitude que par le patouillet. Quant à celles, par exemple, que l'éloignement ou autres raisons vous auront fait passer au lavoir, & qui auront besoin d'être passées une seconde fois au panier; ayez au-dessus du patouillet un plancher en pente, garni de costieres, où passera l'eau qui arrive à la huche, & dans laquelle vous criblerez la mine, qui, à l'aide de l'eau, descend naturellement dans la huche. Il est assez inutile de parler de la façon de voiturer & mesurer les mines; chaque pays ayant sa méthode & sa mesure pour les recevoir des ouvriers. On dit ordinairement une queue de mines , ce qui devroit naturellement être de la même dimension qu'une queue de vin, divisée en muids & feuillettes. La feuillette à mine A , est de bois de fente, reliée en cercles de fer B , avec des poignées extérieures C C , attachées au cercle du milieu, sans fond, pour que les ouvriers, quand elle est pleine, puissent aisément l'enlever. Art . VI. Des réservoirs & de la dépense de l'eau . L'eau est pour les forges une puissance nécessaire, dont on ne tire pas tout l'avantage possible sans beaucoup d'intelligence, de travail, & de dépense. La premiere attention, quand vous voulez bâtir une forge , est de bien connoître si vous en pouvez rassembler assez, à quelle hauteur; & vous débarrasser de l'excédent. Chacun sait que pour donner de la force aux liqueurs, il faut les ramasser en grands volumes; & que pour fournir à une grande dépense, il faut des réservoirs spacieux. Pour joindre la hauteur & l'espace, on cherche l'endroit le plus favorable pour établir une chaussée; & cette chaussée est percée de deux ouvertures: la premiere est distribuée en plusieurs cases, fermées de pelles ou pales, qu'on leve ou qu'on baisse pour donner une quantité déterminée d'eau; cela s'appelle l' empalement du travail: la seconde est distribuée également, pour servir de décharge à l'excédent de l'eau, & s'appelle l' empalement de décharge . Il n'est pas nécessaire de dire qu'il ne faut pas entreprendre la construction d'une forge , si par le calcul fait d'avance, il est clair qu'on ne puisse pas ramasser assez d'eau, & à une telle hauteur; la hauteur de la chaussée décide de la hauteur de l'eau: quant à l'espace, il faut être bien assûré que cette élévation ne pourra préjudicier aux héritages voisins. Une chose essentielle à savoir, c'est que les eaux retenues contre un empalement de travail, en plus grande abondance qu'il n'en laisse échapper, obligées par conséquent de retourner à l'empalement de décharge, pour trouver une sortie proportionnée à leur quantite, s'élevent en reculant, d'environ un pouce pour dix toises. Tirons de cette expérience, que le plus avantageux pour augmenter la force de l'eau, est d'avoir un empalement de décharge très éloigné de celui du travail; puisque l'eau sera pressée de l'élévation d'environ un pouce par dix toises. Pour cet effet, quand vous voudrez ramasser toutes les eaux des petits ruisseaux, fontaines, étangs, riviere peu considérable, pour la dépense de votre travail; au point de la jonction de plusieurs eaux, établissez l'empalement de décharge; & de ce même point, faites creuser un canal le plus long que vous pourrez, au bout duquel vous établirez l'empalement de travail: vous gagnerez de la hauteur d'eau relativement à la pente du terrein & à son éloignement de l'empalement de décharge. Comme l'empalement de décharge tire l'eau du fond, il y a lieu de penser qu'il pourroit faite perdre une partie du fruit qu'on attend de son éloignement de celui du travail, quand une petite crue d'eau le fait lever: pour prévenir cet inconvénient, on laisse l'empalement pour les grandes crues d'eau, & à côté on bâtit un roulis qui débarrasse du superflu de l'ordinaire. Quand vous voulez bâtir une forge sur une riviere abondante, & que vous n'avez besoin que d'une partie de l'eau, il faut, le plus loin que vous pourrez de l'empalement de travail, faire un arrêt qui traverse la riviere, & qui tourne l'eau dans un canal creusé & alongé; le reste doit passer sur l'arrêt. On peut ménager des portes pour le passage des grandes eaux & usages de la riviere. Si l'empalement de travail donne assez de hauteur à l'eau pour faire travailler les roues par-dessus, vous ferez une huche qui la distribuera sur des roues à seaux: si vous n'avez pas assez de hauteur, vous prendrez l'eau du fond, qui, distribuée dans des coursiers, fera mouvoir des roues à aubes. Quoique ces parties soient détaillées chacunes à leurs articles; pour mettre le tout sous les yeux, nous allons les parcourir, sans entrer dans de trop grands détails. Il ne faut rien ménager ni oublier, quand il est question de faire des fondations d'empalemens, de roulis, d'arrêts, &c. détournez les eaux autant qu'il est possible; excavez; cherchez le terrein ferme; ou servez-vous de pilots ou de grillages, & employez de bons matériaux. Nous donnerons un exemple de fondation à l' article des Fourneaux . Pour un empalement de décharge, quand vous serez élevé à un pié près du fond de l'eau, établissez un bon grillage qui avance de dix à douze piés dans l'eau, & soit assez grand pour garnir tout l'intérieur des bajoyers, & entrer sous la mâçonnerie qui s'éleve à chaque bout du seuil. Le seuil ou sous-gravier sera encoché dans le grillage, & arrêté à ses extrémités sous la mâçonnerie: dans le dessus, vous emmortaiserez des bois de séparation, dans lesquels vous ménagerez des feuillures du côté de l'eau, pour y couler les pelles: ces bois de séparation s'appellent potilles: les potilles sont emmortaisées par en haut dans une forte piece de bois, qu'on appelle chapeau . Les potilles seront soûtenues dehors par des bras arrêtés dans les traversines du chassis: ces bois posés & arrêtés, vous élevez une mâçonnerie assez forte pour résister à la poussée de l'eau; laquelle embrasse aux deux-tiers le potille des bouts: cette mâçonnerie s'élargit du côté du bas, pour diminuer la force de l'eau, en lui donnant plus d'espace; on remplit les vuides du grillage avec pierre, chaux, & sable, ou de glaise bien corroyée; & en cloue dessus des planches bien dressées & épaisses; pour plus grande sureté, on garnit le devant & le derriere du grillage de preux très proches, bien enracinés, & sciés à fleur. Les pelles sont des planches clouées ou chevillées sur deux traverses, & une piece de bois de trois à quatre pouces d'équarrissage, qui lui sert de queue. On coule les pelles dans les rainures de deux potilles; & la queue est arrêtée dans une encoche, ou une mortaise pratiquée dans le chapeau. Quand l'empalement n'est pas assez large pour demander plusieurs pelles, & qu'une seule seroit trop difficile a lever, vous y mettez une queue à chaque côté, passant par le chapeau, finissant en vis: les écrous commençant à travailler contre le dessus du chapeau, font lever la pelle sans grand effort. L'empalement de travail se fabrique comme celui de décharge; il faut seulement observer que les potilles sont divisées, pour que leurs ouvertures ne donnent que l'eau dont on a besoin: le dehors de chaque potille sera garni de madriers d'épaisseur, entasses & brochés les uns sur les autres, portant sur de bons chassis, & faisant les coursiers proportionnés aux roues qu'ils reçoivent pour leur communiquer l'eau: le fond des coursiers est garni de planches épaisses clouées sur les chassis. On a soin dans les coursiers, de ménager une pente qu'on appelle saut , dans l'endroit où l'eau commence à travailler sur les aubes des roues: au milieu de la roue, le coursier sera élargi de moitie, afin que l'eau qui a passé le travail, trouvant un plus large espace, s'échappe plus vite, & ne retarde point le mouvement de la roue, en touchant le derriere des aubes. Quand or pose le seuil d'un empalement de travail, il faut savoir ce qu'il restera de pente pour le coursier, le saut, & la fuite de l'eau dans le sousbisf. Le sousbisf est un canal qui va rejoindre celui de décharge, dans le point qu'on aura mesuré n'être plas par sa pente exposé au regonflement de l'eau: comme l'eau perd de sa force par ces frottemens, au prorata de la longueur des coursiers, vous les disposerez proche de l'empalement, suivant le plus ou moins de travail: par exemple, celui du marteau sera le plus proche; ensuite ceux des fonderies, des chaufferies, &c. il faut encore prendre garde que ces coursiers passant les uns à côté des autres, on est nécessité d'avoir des arbres plus longs les uns que les autres; par consequent les plus courts doivent être ceux du plus grand travail. Puisqu'il est avantageux de prendre l'eau près des empalemens, il le seroit donc, dans une grande usine, de multiplier les empalemens: pour cet effet, on en pourroit ménager un de chaque côté du corps de la forge , & un de l'autre côté du corps de la fonderie. Par le moyen de ces trois empalemens, on pourroit, dans l'intérieur de la forge , avoir deux marteaux, & le nombre de feux nécessaires pour les assortir, des autres côtés des deux empalemens; d'une part le fourneau, d'autre une roue de fonderie; & de l'autre côté de la fonderie, la deuxieme roue sur le troisieme empalement, Quand on a assez d'hauteur d'eau pour la faire tomber sur les roues, alors au lieu de l'empalement à potilles & pelles, on pratique une huche qui vient aboutir sur la roue du plus grand travail, & distribue l'eau à celles du moindre, par des coursiers soûtenus sur des chevalets. Une huche est un coffre de bois servant d'alongement au réservoir d'eau, du côté duquel elle est ouverte: ce coffre est soûtenu sur des chevalets, sous lesquels sont les roues, auxquelles on donne de l'eau par le fond de la huche, au moyen de pelles qu'on baisse ou qu'on leve suivant le besoin. Il me paroit qu'en raisonnant bien, on trouveroit que la dépense d'une huche est inutile, en tirant directement l'eau du réservoir conduite sur les roues par un coursier. La structure des roues vient des deux manieres de prendre l'eau, ou par dessus ou par-dessous: il semble que dans les forges on affecte de ne point la prendre de côté dans des roues à seaux; il ne seroit peut-être pas impossible de prouver que ce seroit la maniere la plus avantageuse: celles qui reçoivent l'eau par-dessus, s'appellent des roues a seaux; elles marchent suivant la poussée & la pesanteur de l'eau dans les seaux. Les roues à aubes prennent l'eau par-dessous; recevant leur mouvement de l'impulsion de l'eau, elles ne peuvent l'avoir que conséquemment à la force de l'eau, laquelle force dépend du poids & de la chûte. Les roues à aubes sont composées d'une grande quantité de séparations beaucoup plus larges que les aubes, faisant un total fort pesant: il n'est pas si clair que bien des gens se l'imaginent, que les roues à seaux, pour les forges , soient d'un meilleur service que celles à aubes; il y en a qui demandent de la force & de la vitesse: je n'entends parler que relativement à des chûtes de huit à neuf piés & au-dessous. Si sous huit piés j'établis une roue à seaux de cinq piés de diametre, il est clair que j'ai des leviers très-courts; que je perds la hauteur & l'étendue d'eau de cinq piés; que la force de l'eau diminue à proportion: d'ailleurs ces roues demandent beaucoup d'entretien; ainsi je crois que la perte de la hauteur de l'eau & l'entretien préjudicient & retardent le travail autant qu'une plus grande dépense d'eau dans les roues à aubes, dont je puis dans le besoin alonger les leviers, dont l'entretien est facile, & qui tirent l'eau du fond. Delà je concluerois volontiers, que quand on n'est pas dans le cas de manquer d'eau relativement à un travail bien entendu, ou que les chûtes ne sont pas au delà de neuf piés, le meilleur est de s'en tenir aux roues à aubes. Art . VII. Des bois . Les bois faisant la plus grande dépense des forges , font un objet très-intéressant; cette partie consiste dans l'achat, l'exploitation & l'emploi. L'achat doit être reglé par la qualité du terrein, l'espece de bois, l'âge, l'épaisseur, la hauteur, & la traite. Ne peut-on pas assûrer que le bois est rempli de parties sulphureuses ou nitreuses, en plus ou moins grande quantité, selon la nature du sol; que ces parties y sont serrées à proportion du nombre des couches que chaque année accumule, & de la solidité de la partie nerveuse? Un bois venu dans l'arbue, suivant ce que nous avons dit, ne doit-il pas être regardé comme un bois nerveux; celui venu dans la pierre, la castine, comme un bois aisé à séparer? notre proportion ne pourroit-elle pas être ici appliquée comme dans la mine? Un bois venu dans l'arbue ne pourroit-il pas être deux fois & demi plus difficile à réduire en cendres, que celui venu dans la castine, à pareil degré de siccité? Un pié cube de bois nourri dans l'arbue, pese au moins moitié plus qu'un nourri dans la castine: donc la contexture en est plus ferme; donc le remplissage est de parties plus tenues & plus serrées. La chaleur du charbon venu dans l'arbue est fort concentrée; il veut être bien soufflé: celui venu dans la castine fuse, s'évapore aisement. Le coeur & le pié du bois sont plus durs que l'extérieur & le dessus: le coeur est serré par les couches qui l'environnent; les tuyaux de l'extérieur sont remplis de beaucoup d'eau, qui sert de véhicule aux parties plus lourdes, mais divisées pour être transportées. N'est-il pas naturel que les parties plus lourdes & plus embarrassées restent au bas de l'arbre, tandis que les plus legeres & les plus aigues montent? le dessus de l'arbre n'est-il pas aussi abreuvé & entretenu par les parties que l'air dépose? Ces parties sublimées sont censées legeres: de-là nous voyons que le coeur du bois & le pié tiennent le feu beaucoup plus long-tems que l'exterieur & le dessus. On pourroit donc par le poids seul, faire la différence du bois qui résiste le plus long-tems au feu. Ne pouvant douter que les bois ne soient en relation exacte avec le terrein, la premiere regle pour l'achat doit donc être la connoissance du terrein, d'autant que c'est ce qui regle l'espece: les unes par leur constitution veulent des nourritures solides, d'autres plus legeres; quelques-unes ont de larges tuyaux, &c. Il seroit à souhaiter d'avoir l'analyse de tous les différens bois: mais en général au poids on ne sera point trompé. La seconde regle est l'âge du bois; on le connoît aux cercles que vous voyez quand le bois est coupé. On compte dans un arbre un peu âgé le coeur pour trois ans; chaque cercle pour une seve, & l'écorce pour trois ans. Si le coeur & le pié ont des parties plus solides, comme on n'en peut douter, quand le bois a atteint un certain âge: cet âge est donc d'une extrème conséquence. Il faut mettre en compte la hauteur & l'épaisseur du bois: c'est ce qui donne la quantité. Par la traite , j'entends l'éloignement & la qualité du trajet . Un manufacturier qui a mis en compte l'entretien, le cours d'eau, la mine, la main d'oeuvre, l'exploitation, la traite, voit d'un coup-d'oeil ce qu'il peut donner de la superficie d'un bois, & sait qu'un autre en pareille traite & du même âge, par le terrein seul, peut valoir le double & jusqu'à trois cinquiemes, le bénéfice restant plus grand: la preuve en résulte de ce qu'ayant sous un même volume de bois dequoi faire un plus grand travail, l'exploitation & transport sont moins coûteux. Il seroit à souhaiter que les propriétaires & manufacturiers voulussent se rendre à ces vérités; on n'entendroit pas les uns se plaindre de l'inégalité du prix de bois qui leur semblent de la même valeur, & les autres exposer leur fortune par des achats mal combinés. De ce que nous avons dit il ne faut pas inférer que plus un bois seroit vieux, meilleur il seroit; soit taillis, soit futaye, attendez tant qu'ils profitent beaucoup; quand vous entrevoyez de la langueur, coupez. Pour l'exploitation des bois en général, voyez Bois & Forêt . Pour l'usage particulier des forges , il convient qu'elle soit faite pendant que le bois est défeuillé: il faut se pourvoir d'un nombre d'ouvriers suffisant; la méthode la plus ordinaire est de couper le bois de deux piés & demi; le fendre en morceaux de trois à quatre pouces de diametre; & le mettre en cordes entre deux piquets, suivant les étendues & conventions arbitraires. Veillez aux coupeurs, qu'ils ne touchent point à ce qui est reservé; laissant le nombre & la qualité des baliveaux; coupant proche de terre; brûlant, si on n'a pas lieu d'en faire autre usage, les petites branches inutiles; empilant leurs bois sans fraude: il faut se conformer aux clauses des marchés, sans jamais anticiper ni retarder les coupes; se servir des anciennes places à charbon, des anciens chemins; & ne jamais traiter avec les propriétaires qu'on sait être trop scrupuleux & intéressés: les recollemens alors, avec toute la bonne foi & le soin qu'on a pû apporter, deviennent des sources de procès & de ruine. L'accident le plus à craindre pour les exploitations, est le feu. Si à l'exploitation des taillis on a joint la coupe de quelque futaie, il sera avantageux de faire travailler le tout ensemble. Il est bien entendu que les corps d'arbres seront débités suivant leurs qualités, fente, sciage, charpente, charronnage; le reste, qui est de notre objet présent, sera scié de deux piés quatre pouces de longueur, fendu en morceaux de trois à quatre pouces, & dressé en cordes, comme les branches & taillis: ces gros bois, que nous supposons n'être point viciés, doivent naturellement résister au feu, mieux que les taillis: au mois de Mars, il faut avoir soin de faire ramasser de la feuille pour faire couvrir les fourneaux dans le tems. Quand tous les bois seront en cordes, ce qui doit être fini pour le mois d'Avril, on les laisse sécher jusqu'en Septembre: alors il ne faut point perdre de tems à les faire dresser, voyez Charbon . Ce n'est que dans le dernier besoin, qu'il faut faire de nouvelles places à charbon. Cette partie demande toute l'attention possible. Où le fond est arbue & plein, alors les nettoyer & battre suffit; où le fond est en côteau, le mieux est de prendre des pionniers pour les unir, & de bons bras pour les battre; où le fond est pierraille ou sable, quelquefois avec des crevasses, le mieux est d'y faire conduire de l'arbue, & de la faire battre. Les aires préparées, les dresseurs auront soin de mettre une partie de petits bois pour commencer, c'est ce qu'on appelle l' alume; ensuite les plus gros dans le foyer, & les plus petits à mesure qu'on s'éloigne du centre: par ce moyen, tout se trouve dans la place qui lui convient. Le grand point est que le bois ne soit point trop couché en-dedans ni sur les côtés; sans quoi au moindre affaissement, tout se dérange & cause un desordre préjudiciable. Le dressage doit laisser une égale liberté au feu de circuler de tout côté: si une partie est trop garnie, le feu pénetre avec peine: ne l'étant pas assez, il se jette tout-d'un-coup où il trouve moins de résistance: si le gros bois tient une place séparée du petit, l'un brûle, l'autre ne cuit pas; si la place n'est pas ferme, tout le bois qui entre en terre ne deviendra jamais charbon; s'il s'y trouve des fentes; si elles communiquent à l'air extérieur, elles soufflent; si elles ne communiquent pas, & qu'il y ait beaucoup d'humidité, la raréfaction peut faire culebuter une piece entiere; si le bois est mal arrangé & garni, il s'y forme des entonnoirs, qu'on ne bouche & remplit jamais sans perte. Quand les fourneaux sont dressés, on les couvre de feuilles, d'un peu de terre & fasins, pour concentrer la chaleur: si on a affaire à un terrein pierre, je le répete encore, voiturez de la terre & des fasins, vous serez dédommagé de cette dépense. La regle pour l'épaisseur de la terre qui couvre les fourneaux, n'est point arbitraire; il faut que la fumée & la flamme ne puissent passer que dans les endroits qu'on le souhaite. Trop de terre empêchera la cuisson de la partie qui lui est contiguë: il y a des sels qui s'évaporent avec les fumées; ne seroit-ce point ces sels qui les rendent si dangereuses? Quand le feu est dans un fourneau, il faut veiller s'il marche également; s'il se jette d'un côté, couvrez-le de fasins, & donnez jour dans le voisinage. Quand le milieu commence à s'affaisser, couvrez-le bien, & piquez dans des environs & au bas; si une partie paroît résister au feu, tan dis que le reste passe, ouvrez, & laissez-la s'enflammer à l'air libre; quand le feu y aura bien mordu, couvrez. Ne pressez jamais un fourneau. Comme il ne peut aller vîte qu'en prenant beaucoup d'air: outre une grande diminution, le charbon qui reste a beaucoup perdu de ses parties inflammables, comme on le voit à sa grande division & legereté. Le charbon doit naturellement rester pénétré des qualités du bois. Aussi voyons nous que celui venu & cuit dans l'arbue résiste long tems au feu; & celui venu dans la castine s'évapore aisément: la pesanteur est une regle aussi assûrée pour le charbon que pour le bois. Il est aisé de se convaincre que deux morceaux de bois sec de même dimension, l'un venu dans l'arbue, l'autre dans la castine, pesent, après leur réduction bien faite en charbon, dans la même proportion qu'ils étoient avant: le charbon le plus lourd tient le feu le plus long-tems. On sent bien que le bois de pié & du dessus étant dans les fourneaux, c'est avoir mélangé le fort & le foible: il est rare, avec cela, de n'avoir pas, dans de grosses exploitations, quelques especes de bois leger; en tout cas, quand vous aurez des bois différens par la nature du fond, le plus expédient est de mélanger les charbons dans la proportion du mélange des mines; dix parties du charbon venu dans l'arbue, quatre de celui venu dans la castine, cela réussit bien à l'expérience & au travail. Le charbon vigoureux convient bien aux fourneaux dans lesquels on cherche à concentrer la chaleur, & où on employe la force de l'air; il convient encore à la macération des fontes, &c. Pour les fours des fonderies qui se chauffent avec du bois, je n'ai pas besoin de dire que ceux venus dans la pierraille donnent une flamme plus passagere, mais plus vive & plus prompte, & consequemment conviennent mieux. Il est aisé de conclure qu'ayant besoin pour cuire le charbon, d'une certaine épaisseur de terre & de fasins, soûtenue par la feuille sur les fourneaux; les grandes pluies, qui entassent, battent, & entraînent; les gelées, qui soûlevent; les grandes chaleurs, qui raréfient; les vents qui dérangent, y sont très-préjudiciables: le plus expédient est de choisir le tems qui paroît le moins sujet à ces inconvéniens; Mars, Avril, Septembre, & Octobre, paroissent les plus propres; il faut en profiter, pour faire la provision nécessaire: pour cet effet, il faut des voituriers, des releveurs de charbon. En général, les halles doivent être au vent du nord des usines: cette exposition est moins dangereuse pour le feu; les uns les font bâtir solidement & à demeure; les autres ont une carcasse en bois, dont les côtés ont des coulisses qu'on garnit de planches, ainsi que le dessus, à mesure que le charbon arrive: par ce moyen, on les alonge tant qu'on juge à-propos. Le charbon craint sur toutes choses l'humidité: ainsi il ne faut point tarder, quand il est cuit, à le voiturer & le mettre à l'abri; plus il est brisé, plus à l'air seul il perd de ses parties inflammables. Le charbon récent donne de la chaleur; mais il est bien-tôt consumé: la raison est qu'ayant tous les pores ouverts, il est plus disposé à une prompte dissolution par une inflammation totale. Il est utile que le refroidissement ait fermé ses pores, pour ne se prêter qu'à une inflammation successive: sur toutes choses, garantissez-le de l'humidité. La façon de voiturer les charbons n'est pas égale par-tout; les uns se servent de voitures à quatre roues, qu'on renverse; mauvaise méthode, qui en écrase une grande quantité: d'autres se servent de bennes sur deux roues, avec des claies par-dessous, qu'on ouvre pour le laisser couler: d'autres se servent de sacs qu'ils chargent sur des bêtes de somme; la meilleure maniere est celle qui brise moins; la façon de mesurer le charbon est aussi différente: on parle de muid, de van, de basche, &c. Quand nous aurons besoin d'une dimension, nous la déterminerons par piés; par ex. un van de Bourgogne équivaut à 5 piés cubes. La regle pour la mesure des bois, est, par l'ordonnance, fixée à cent perches de vingt-deux piés de roi pour un arpent. Les arpenteurs sont joints aux corps des maîtrises, pour travailler dans l'étendue de leurs ressorts. Je ne puis passer sous silence un abus prodigieux: les bois sont communément dans de grandes inégalités, hauteurs, & profondeurs: on traîne la chaîne en montant, on la traîne en descendant dans une surface convexe; c'est la demi-circonférence, ou autre courbe qui est mesurée, pendant que ce devroit être la base. Art . VIII. De l'air . L'air absolument nécessaire pour la fusion des mines dans les fourneaux, l'est de même pour les forges , fonderies, &c. il est simplement question d'en proportionner la force & la direction suivant le genre de travail. On communique l'air à des foyers par le moyen de l'eau, ou de soufflets, ou d'ouvertures exposées à l'air libre. Le premier moyen veut une chûte considérable, quoique d'une petite quantité d'eau. Supposons deux ou trois pouces tombans de douze ou quinze piés; vous aurez sur le sol du fourneau ou de la forge , du côté & au bas de la thuyere, un bassin percé pai le fond d'une ouverture proportionnée à l'eau qui doit tomber: le dessus de ce bassin sera encore percé vis-à-vis le trou de la thuyere; à cette ouverture il faut adapter un robinet qui étant ouvert laisse entrer l'air par la thuyere, & ferme le jet de côté. Au-dessus de ce bassin sera adapté & scellé un tuyau perpendiculaire de la hauteur de la chûte, au-dessus duquel il y a un entonnoir qui reçoit l'eau à l'air libre; cette eau est amenée par une conduite, qui ne laisse passer qu'une quantité déterminée & exacte. L'eau entrant dans le tuyau avec beaucoup d'air, & tombant perpendiculairement, est déterminée par son poids à s'échapper par l'ouverture d'en-bas; l'air moins pesant trouvant une issue ouverte du côté de la thuyere, s'échappe avec une force proportionnée à la hauteur & largeur du tuyau. La difficulté d'avoir de pareilles chûtes & une quantité réguliere d'eau, les gelées, & autres inconvéniens, n'ont pas donné à une machine si simple tout le crédit qu'elle devroit avoir; l'habitude ne laissant pas même entrevoir les ressources des différentes positions. Le second moyen a été d'employer des soufflets: d'abord on les a fait de cuir, plus grands, mais de la même forme que ceux des petites boutiques, ils étoient mûs par l'eau & rabaissés par des contrepoids. Depuis peu on a trouvé une maniere plus ingénieuse & sujette à moins d'entretien, en les faisant de bois; en voici là construction, tant pour les fourneaux que les forges; ils ne different que par la grandeur: ceux des fourneaux ont depuis quinze jusqu'à vingt piés de longueur; & ceux des forges , depuis sept jusqu'à neuf piés, sur la largeur proportionnée. M. de Réaumur a calculé qu'un soufflet de forge de sept piés & demi de longueur jusqu'à la tête, de quarante-deux pouces de largeur, finissant à quatorze sur l'élévation de la caisse, de quatorze pouces à sa plus grande portion de cercle, donne 20151 pouces & un tiers en bas, pour le volume d'air poussé par chaque coup de soufflet; qu'un soufflet de fourneau de 14 piés de longueur donne 98280 pouces en bas. Les soufflets sont composés du fond & de la caisse; ( Voy. les Pl. ) le fond d'un soufflet de fourneau est une table de bois M , de quinze piés de longueur jusqu'à la tête R , sur cinq piés de largeur dans le dessus, finissant à 18 pouces vers la tête; prolongée de 18 pouc. finissant à 1 pié de largeur, pour faire le fond de la tête S. Sur cette table seront fermement attachés tout autour, jusqu'à la tête, des rebords de six pouces de hauteur sur trois à quatre pouces d'épaisseur, bien dressés: sur ces rebords vous appareillerez des tringles de bois h , aussi-bien dressées, enclavées par leurs extrémités les unes dans les autres, par une encoche & un tenon mobile 9, 10, 11, 12, 13; & dans les coins, par des encoches sur le plat à mi-bois. CC , trois ou quatre litteaux de chaque côté, deux au-dessus, 3, 4, 5, 6, deux vers la tête 9, 10, 12, 13: ces tringles CC s'appellent litteaux: ces litteaux seront affermis par des mentonnets Z: le mentonnet est composé de la racine 1, qui se cloue en-dedans des rebords YS , formant un angle droit avec le menton 2, & tenus ensemble par un tenon & une mortoise: on arrache & place les mentonnets suivant le besoin; il faut que le menton serre les liteaux de façon qu'ils puissent se mouvoir sans se déranger. Entre le mentonnet & les liteaux, on passe dans un trait de seie pratiqué dans la racine du mentonnet u , des ressorts xx , qui poussent les liteaux en-dehors d'environ un pouce. On engraisse de bonne huile d'olive le dessus des rebords, liteaux, & mentons; & on serre les lit eaux contre les ressorts avec des tourniquets de bois attachés en-dehors des rebords. On décloue ces tourniquets à mesure que la caisse emboîte les liteaux. Dans le fond, à un pié du dessus, on fait un trou quarré m , de quinze pouces de diametre, pour qu'un ouvrier puisse y passer dans le besoin: on couvre cette ouverture d'un morceau de bois à charnieres, d'un côté garnie en-dessous de peau de mouton en poil, & retenu en-dessus par une courroie lâche de cuir, de façon qu'il puisse lever & baisser & fermer exactement; cela fait l'office d'une soupape, & s'appelle le venteau . Le fond du soufflet, depuis le rebord r , du côté de la tête, est alongé, comme nous l'avons dit, de dix-huit pouces, finissant à douze: cet excédent, dans sa longueur, sert à loger l'épaisseur d'un tuyau de fer couché dessus; ce tuyau a quatre pouces de diametre, finissant à deux; & deux piés & demi de longueur au-delà de l'alongement: ce tuyau s'appelle bure ou beuse, F. La tête S est un morceau de bois excavé pour emboîter la beuse, bien attaché à l'alongement qui fait le fond, finissant de même à un pié d'épaisseur; le tout bien lié en fer. Dans le dessus de la tête, à sept ou huit pouces des liteaux, on fait une encoche terminée en demi-cercle de deux pouces de profondeur sur un pouce de diametre, propre à recevoir une cheville de fer P P : vers les liteaux de la tête, vous ôtez assez de bois pour placer librement le bout de la caisse, contre lequel ces litteaux doivent frotter. La caisse est un coffre de bois O O P P , de trois ou quatre pouces d'épaisseur, de la même figure que le fond: les côtés qu'on appelle panne , servent à emboîter le fond, sur le jeu de deux ou trois lignes. Les bouts des deux côtés de la panne P P sont prolongés d'un pié, & à quatre pouces de l'extrémité, traverses d'une cheville de fer qui se place naturellement dans l'encoche qui lui est préparée: en dehors de chaque côté de cette cheville, entre la tête & la panne, il y a des clés de fer qui la reçoivent pour être arrêtée en-dessous; ce qui rend cette cheville assez ferme pour n'avoir de mouvement que sur elle-même. Cette cheville doit être regardée comme le centre du mouvement de la caisse, dont le bout d'en-haut doit être taillé en portion de cercle B D partant du centre: voilà le grand mystère des Souffletiers. Quand la caisse monte & baisse, elle décrit plus d'espace à-mesure qu'elle s'éloigne du centre du mouvement; c'est ce qui doit faire la regle pour la hauteur des côtés, qui, dans le soufflet que nous décrivons, pourroient avoir trois piés & demi dans le bout d'en-haut, finissant à huit ou dix pouces. Pour loger la caisse, vous la placez sur un levier qui traverse le milieu du fond, portant sur les liteaux; vous placez la cheville ouvriere, & l'arrêtez: la caisse commençant à emboiter partie des liteaux, vous éloignez le levier du centre; & à-mesure que la caisse se loge, vous arrachez les tourniquets qui tenoient les liteaux. Il est inutile de dire avec quelle exactitude les côtés de la caisse doivent être joints, polis, & graissés, puisque tour l'effet de la machine dépend de la précision, qui doit être assez grande pour ne laisser d'autre sortie à l'air que l'ouverture de la bure. Les caisses des soufflets, ainsi que les fonds, se sont avec du bois leger & sec, de trois ou quatre pouces d'épaisseur. Quand les soufflets ne font plus le travail nécessaire, par la perte du vent, on les releve en desserrant la cheville, ôtant la caisse, nettoyant & visitant tous les joints & les liteaux, & collant sur les endroits qu'on entrevoit donner passage à l'air, des bandes de basanne. C'est une fort bonne méthode que de garnir le fond du soufflet proche la tête avec des lames de fer blanc ou fer battu. Le devant de la tête exposé à gerser, se remplit avec colle & coins de bois, & s'enduit de bourre détrempée dans de la colle de farine de seigle. Le fond des soufflets vers le venteau est soûtenu sur des chevalets I G , qui y sont attachés; & la tête porte sur un banc de pierre L , qui est placé devant & sous la thuyere. On a encore soin de les appuyer dans le milieu sur des blocs de bois K , qu'on place où ou juge à-propos: les soufflets sont bandés contre les marastres par des morceaux de bois qui appuyent sur la tête E , afin de rendre le fond immobile. La caisse des soufflets est armée par-dessus de deux anneaux de fer, dans lesquels on passe un double crochet de fer plié par le dessus, répondant à un autre crochet mobile enclavé dans le fond des bascules. La bascule est un levier dont le point d'appui est environ aux deux cinquiemes de sa longueur; un bout répondant aux crochets du soufflet, & l'autre chargé de pierre, pour faire le contre-poids. Le dessus de la caisse est aussi garni de deux boîtes de fer N N , dans lesquelles passe & est arrêtée une lame épaisse de fer M X , débordant le dessus de la caisse de quatre ou cinq pouces, finissant en portion de cercle M; cela s'appelle baliscorne ou basseconde . Pour donner le mouvement aux soufflets, soit de fourneaux, soit de forges , vous avez un coursier ( V. les Pl. & leur explic . ) qui communique à l'empalement du travail ou une huche avec roüet & lanterne M N K C G: dans l'un & l'autre cas, l'eau fait mouvoir une roue qui donne le mouvement à un gros cylindre de bois, passant & tournant devant les bassecondes; cet arbre est armé de six cames à tiers-point, trois pour chaque soufflet. Une came est un morceau de bois debout enclavé & serré dans des mortoises pratiquées à cet effet: les cames doivent être bien évuidées du talon, & arrondies comme les bassecondes, afin que quand elles travaillent, elles tendent à abaisser la caisse, & non à la pousser. Quand une came a fait baisser un soufflet, elle échappe; & le contre-poids le fait relever pendant que l'autre soufflet baisse: moyennant quoi, pour avoir le vent sans relâche, il faut deux soufflets; le soufflet leve, le venteau s'ouvre & laisse entrer l'air: quand la came le presse, le venteau se ferme par son propre poids, & l'air est obligé de sortir par la bure. Comme les soufflets de forge demandent par leur étendue moins de force; au lieu de contrepoids, leurs crochets ou chaînes répondent aux extrémités d'un balancier en bois D , ou de fer, appellé courbotte: ce balancier est attaché par le milieu à une perche flexible F; l'un par conséquent ne peut baisser que l'autre ne leve; & la perche, par son élasticité, se prête aux différens mouvemens. En général soit fourneau ou forge , le fond des soufflets doit être mis en ligne parallele à celle du fond de l'ouvrage; & la véritable direction est celle selon laquelle le souffle des deux soufflets se rencontre au milieu de l'ouvrage. A l' article Fonderie , on trouvera la façon d'y communiquer l'air; les autres atteliers se servent de soufflets, & il y en a en bois à double vent pour les martinets. Art. IX. Des fourneaux . Pour se former une idee utile d'un fourneau à fondre la mine de fer, il faut voir les différentes parties qui le composent, & ne pas oublier qu'il doit résister à trois agens, l'eau, l'air & le feu, dont le dernier degré de force n'est peut-être pas bien connu. Un fourneau doit être composé d'une fondation solide ( Suivez les Pl. ) B B C C , de conduits voûtés Q sous le massif & sous l'ouvrage, d'un massif P S P S , de fausses parois I G , de parois & de l'ouvrage I K ; le tout sur le bord d'un courant d'eau, ou sous la chûte d'un petit courant. Nous trouverons l'épaisseur du total en donnant au massis 8 piés, un pié aux fausses parois, laissant dans l'intérieur un vuide de six à sept piés pour construire les parois & l'ouvrage; ce qui fera en tout vingt-quatre à vingt-cinq piés. Il faut commencer par excaver cette partie, connoissant le terrein, les déblais serviront à renforcer une chaussée, &c. Si vous pouvez trouver aisément un fonds solide, bâtissez en gros matériaux, avec chaux & sable, autant que vous le pourrez; pratiquez des conduits dans l'épaisseur du massif, dont le dessus excede les plus grandes eaux. Faites de même une croisée voûtée dans le milieu, qui se trouvera sous l'ouvrage, sans néanmoins monter les voûtes trop haut; cela influeroit sur la hauteur des roues & autres équipages, parce que sur la voûte il faut l'épaisseur d'un pié pour placer le fond. Si après une excavation de six piés plus bas que le commencement des voûtes, & après avoir sondé le terrein, vous ne pouvez trouver le solide sans aller plus bas, élargissez l'excavation de deux piés tout autour, prenez des bois de huit jusqu'à douze pouces d'équarrissage (supposons-les de douze) & sur la totalité du vuide vous établirez des longrines à douze pouces de distance, dans les encoches desquelles vous établirez des traversines de pareil échantillon, ce qui produira une grille moitié bois & moitié vuide; vous remplirez les vuides de bons matériaux. Sur ce premier grillage vous en établirez un second avec une recoupe autour d'un pié; & plaçant en longrines ce qui tenoit lieu de traversines avec pareil remplissage, il résultera que sur les six piés d'excavation, il y a deux piés d'élévation; que ces deux piés peuvent être regardés comme un total de char pente; que le plus fort poids ne peut qu'affermir; & que recoupant encore un pié tout-autour pour commencer un massif total en maçonnerie, l'excédent peut être regardé comme autant de points d'appui. Vous serez de même pour les chaufferies, fonderies, &c. Quand sur ces grillages le total de maçonnerie sera élevé de quatre piés, il faut distribuer l'ouvrage pour ménager les conduits dont nous avons parlé. Les conduits voûtes à un demi-pié au-dessus des plus grandes eaux, & de l'épaisseur d'un pié de voûte, vous éleverez tout-autour le massif seul, de 9 piés d'épaisseur sur 4 piés d'hauteur. Comme sur le devant & le côté de la thuyere, la maçonnerie est diminuée d'épaisseur du haut en-bas, & que le travail y est grand, il faut que la maçonnerie des angles qu'on appelle piliers G G , soit des plus solidement bâties, & ces parties garnies de plaques de fonte B B B , fortes & épaisses, tenant tout l'espace entre les piliers, dans lesquels il faut ménager à cinq piés d'hauteur, une naissance de ceintre pour renforcer & fermer le dessus du devant & de la thuyere, ayant soin de ménager en-devant une ouverture pour les fumées. Le mieux seroit encore, que de ces mêmes piliers sortissent deux autres ceintres, pour voûter tant sur le moulage que les soufflets. Ces voûtes bandées contre de bons murs d'appui, affermissent toute la maçonnerie. Sur le massif élevé de quatre piés, ce qui ne doit être regardé que comme trois, en en supposant un pour l'épaisseur du sond, vous ferez une recoupe intérieure d'un pié, ce qui réduira le massif à huit piés d'épaisseur, que vous éleverez de douze piés; ce qui joint aux trois ci-dessus & trois piés de banc, fera une élévation de 18 piés: elle peut être poussée à vingt & vingt-quatre. Sur cette recoupe, vous éleverez en bonne maçonnerie, pierre ou brique, un mur d'un pié d'épaisseur, qu'on nomme fausses parois . Il faut remarquer que ces fausses parois du côté du devant, ne sont quelquefois pas disjointes, mais font un total avec le massif, que la nécessité du travail fait beaucoup diminuer par le bas dans cette partie. Ces fausses parois seront élevées à la hauteur du massif. Il ne faut pas négliger de pratiquer des ventouses provenant du fond, sans quoi la maçonnerie se fendra en plusieurs endroits. Ces ventouses sont de petits soupiraux ménagés, & circulant dans la maçonnerie. Comme les fumées qui en sortiront seront dangereuses, il faut en placer l'ouverture dans les endroits que les ouvriers ne fréquentent pas. Ces soupiraux font un effet plus assûré que les liens de fer ou grosses pieces de bois D D , que plusieurs employent pour tenir la maçonnerie en respect, & qui ne résistent jamais à la raréfaction. Donnez jour à l'évaporation, & l'ouvrage est sauvé. On ne pratique des fausses parois, que parce qu'il arrive communément que le feu ne se contentant pas de détruire les parois, il perce souvent & ronge une partie des fausses parois, quelquefois même du massif. Le cas arrivant, il est aisé de les réparer, ou en partie, ou même de les refaire en entier sans toucher au massif. Dans les six à sept piés de vuide qui restent dans l'intérieur des fausses parois, on établit les parois. C'est ici que commence la science du fondeur. Nous supposons les soufflets N N , posés ou imaginés dans une ligne parallele au fond de l'ouvrage R , & dont le vent doit se croiser dans le milieu R ; nous supposerons encore les parois à monter pour des mines mêlées, ni trop chaudes ni trop froides, en termes d'art; la construction que nous allons décrire étant donnée, il sera aisé de diminuer, augmenter, varier les dimensions, suivant la qualité des mines, quand on en saura bien les raisons. Du milieu de l'entre-deux des soufflets posés ou imaginés, vous tirez avec un cordeau une ligne droite, qui traverse le vuide que les fausses parois ont laissé. Du milieu de chaque soufflet, vous tirez deux autres lignes. Le point où elles se croisent sur la premiere, doit faire le milieu R. Du fourneau, du point de chaque côté de la premiere ligne, vous tirerez deux perpendiculaires, ou une prolongée qui traverse le point milieu; ce qui formera une croix à angles droits. Vous terminerez les extrémités des lignes du côté de la thuyere & du contrevent, à compter du point milieu, à deux piés trois pouces, & celles du côté du devant & de la rustine, a deux piés & demi. Au bout de chacune de ces lignes, vous ferez avec une équerre des retours, & vous aurez formé un quarré de cinq piés sur quatre & demi. Les fondeurs se servent ordinairement de baguettes, dont l'une a cinq piés, & l'autre quatre piés & demi dans notre hypothese; & en les couchant l'une sur l'autre, ils les alongent pour avoir la diagonale, qui est d'environ six piés neuf pouces; ce qu'ils font méchaniquement, se réglant seulement à vûe d'oeil sur l'ouverture destinée à placer la thuyere: de-là les abus immenses dont on rejette l'évenement sur des choses qui n'y ont aucune part. De dessus la voûte du côté du contrevent & de la rustine, vous réglant sur les marastres du devant & du dessus de la thuyere, vous éleverez dans les dimensions ci-dessus perpendiculairement les parois M I , dont vous prendrez la naissance pour le devant, & la thuyere sur les marastres, & les pousserez tout autour à environ deux piés plus haut que la véritable position de la thuyere. Il faut au-dessus du massif deux chevalets, ou autres points d'appui mobiles, à la hauteur de six piés, avec une traverse qui porte un plomb tombant sur le point du milieu, afin qu'avec cette ligne vous soyez assûré de faire un quarré au-dessus E , répondant à celui du bas. Dans les dimensions dont nous allons parler, & qui seront désignées par les cordeaux, qui partiront des angles de la maçonnerie du bas du côté de la thuyere, & passeront sur les points d'appui; & de même des angles du côté du contrevent, vous arrêterez ces cordeaux aux points d'appui par des clous plantés de chaque côté; de façon néanmoins qu'ils puissent se mouvoir aisément de haut en-bas, & seront arrêtés aux angles du bas par des coins percés & fourrés entre les pierres, dans le trou desquels vos cordeaux passés, ils seront tendus par des pierres attachées à leurs extrémités, de façon que l'ouvrier puisse les remuer de tems-en-tems, pour les faire suivre exactement à sa maçonnerie. Vous terminerez le dessus G G à trois piés plus haut que le massif P , & les fausses parois (cet excédent s'appelle la bune ), dont la hauteur est marquée à un des cordeaux par une épingle qui le traverse. Dans notre hypothèse, l'ouverture du dessus répondant à celle d'en-bas, formera un quarré, dont les côtés de la thuyere & du contrevent auront vingt-six pouces, & la rustine vingt-deux. Nous aurons donc un vuide pyramidal de quinze piés d'élévation, sans compter les trois du bas montés perpendiculairement, dont la base a de deux côtés soixante pouces terminés à vingt-six, & des deux autres cinquante-quatre terminés à vingt-deux. Suivant cette proportion, les parois auront la pente rentrante d'un peu plus de treize lignes par pié de deux côtés, & d'un peu moins de treize lignes des deux autres. Les fourneaux se chargent par l'ouverture de dessus E , du côté de la rustine; & c'est la raison pour laquelle en élevant ces parois, on tient ce côté droit & uni, pendant qu'on ceintre les autres de deux à trois pouces de profondeur, à commencer au-dessus des échelages, & finissant insensiblement au-dessous de la charge. La charge est l'espace supérieur d'environ trois piés & demi de profondeur, qu'on remplit de nouveaux alimens, quand les précédens sont descendus à cette diminution. Les parois élevées jusqu'à la hauteur prescrite, on fait l'ouvrage. Le fond E est la premiere pierre qui se pose bien de niveau, & capable seule de remplir l'étendue de l'ouvrage & du devant. Nous avons dit que le fond seroit à un pié au-dessus de la voûte de la croisée; mais négligeant le plus ou le moins en cette partie, le fond doit être posé treize pouces sous la véritable position de la thuyere. Le fond posé, du milieu des dessus vous laissez tomber un plomb, & vous tracez un point sur le fond. Du milieu du dessus du côté de la rustine, vous laissez encore tomber le plomb, & du point qu'il donnera avec celui que vous avez, vous ferez une ligne droite qui fait l'angle du reste. A six pouces & demi de cette ligne, du côté de la thuyere & du contrevent, vous en tracez deux autres paralleles C C . Vous avez deux blocs de pierre préparés, de la longueur de trois piés & demi ou quatre piés, sur douze à treize pouces de hauteur appellés costieres , que vous placez de chaque côté à fleur de ces deux dernieres lignes qui laissent entr'elles un espace E de treize pouces; à six pouces & demi du milieu vous placez une autre pierre D ou plusieurs, bien maçonnées faisant une pareille épaisseur, terminant le quarre du côté opposé au-devant, & qui s'appelle la rustine . Sur les costieres qui doivent affleurer le devant du fourneau, à treize pouces du point du milieu, vous tracez une ligne pour placer une pierre taillée qu'on appelle tympe . Avant de la poser, vous placez à l'extrémité des costieres, sur le devant, un morceau de fer D de quatre pouces en quarré, qu'on nomme aussi tympe; & sur ce morceau de fer, une plaque de fonte qu'on appelle taqueret , qui termine le dessus de l'ouvrage en-dehors; ce qui doit aller jusqu'à la premiere marastre B , contre laquelle il appuie: vous posez ensuite la tympe en pierre qui doit exactement remplir l'espace depuis les treize pouces jusqu'à la tympe en fer. Vous renforcez extérieurement le bout des costieres de deux petits murs C C , de façon que vous avez à découvert le devant de l'ouvrage. La thuyere M se pose sur sa costiere répondant précisément au point du milieu, & sur une plaque de fer battu mise bien de niveau; c'est à cette partie qu'il faut employer les meilleurs matériaux, & faire une maçonnerie qui indépendamment de la thuyere se trouve à treize pouces du fond. Depuis la thuyere on éleve la maçonnerie M K tout-autour également d'environ deux piés de hauteur; puis on travaille en retraite K P en plan incliné, pour joindre les parois à la hauteur de six piés P , à compter du fond L ; à cette hauteur on a soin de tracer une ligne pour servir de regle. Cette maçonnerie se nomme étalage ou échelage . Toute la partie dont nous venons de parler L M K P se nomme l' ouvrage , terminé en-devant de la largeur de sept pouces, par de l'arbue pétrie qu'on appelle bouchage C ; & le reste est fermé d'une grosse pierre F , ou ancienne enclume de forge qu'on nomme la dame . La position de la dame est bonne quand entre elle & les tympes C D , on peut commodément travailler avec des ringards dans toutes les parties inférieures de l'ouvrage & supérieures, jusqu'au-devant de la thuyere. On éleve ou baisse la dame suivant le besoin. La thuyere est un morceau de fer battu comme de la tole, recourbé en demi-cercle concentrique, dont celui de dehors donne quinze à vingt pouces d'ouverture, & celui contre l'ouvrage deux pouces: cela est assez ressemblant à une hure de sanglier. Cette partie pose sur une plaque de fer battu, le tout scellé dans la maçonnerie; de façon néanmoins que dans un besoin extrème, on peut le réparer sans endommager la maçonnerie, que pour cet effet nous avons dit devoir se soûtenir par elle-même. Au-dessus & sur le bord extérieur des trois côtés du massif, on bâtit de la hauteur de sept à huit piés, un mur de dix-huit ou vingt-quatre pouces d'épaisseur, qui s'appelle bataille A A A: le quatrieme côté P est pour le passage des ouvriers. Les batailles set vent à rompre l'effort des vents, & à en mettre à l'abri la bune & les ouvriers. Quelques-uns profitent de ces murs pour élever une espece de lanterne de pierre choisie ou de brique en façon de dôme: la méthode en est très-bonne. Il faut que les chargeurs puissent passer commodément dessous; & que le milieu répondant à la bune, laisse libre sortie à la flamme & aux vapeurs. A ce défaut on éleve sur la moitié de la bune un mur de garantie pour les ouvriers. Les outils pour le travail sont de gros & petits ringards, des crochets T pour le devant, un plus petit & une spatule V de fer à longue queue pour la thuyere; des paniers pour porter le charbon & la mine; des pelles de fer; un bout de planche triangulaire S , avec un manche dans le milieu appellé charrue , pour tracer le moule de la gueuse; une plaque de fer & un marteau pour sonner les charges, afin d'avertir le maître ou commis; une romaine X , avec ses crochets Z , & un pié de chevre r; des roulets pour transporter les gueuses. Avant de mettre le fourneau en feu, il faut veiller à ce que tout soit en bon état; que le charbon, la mine, l'arbue, la castine, le sable pour le moulage, ne puissent manquer. Dans les pays de marque on est obligé d'avertir le directeur du département du jour qu'on met en feu, & de celui qu'on tire la palle, en cette forme: « Je soussigné . . . . propriétaire, régisseur, ou maître du fourneau de . . . . sis à . . . . demeurant à . . . . déclare à M. . . . . directeur de la marque des fers au département de . . . . que le . . . . mois . . . . année . . . . je ferai mettre le feu audit fourneau pour y tirer faire palle, le . . . . afin qu'il ait à y faire trouver les commis qu'il jugera à propos; declarant que ledit jour je serai proceder à la coulée des gueuses ou marchandises, tant en absence que presence, à ce que ledit sieur . . . . n'en ignore, dont acte. A . . . le..& signer ». Ces actes se font sur papier simple. Les droits de marque pour fontes ou gueuses sont de cinq livres cinq sous par mille, payables tous les trois mois au domicile du receveur. L'ordonnance de 1680 vous dira l'obligation de numéroter les gueuses. 1. 5. 10. 20. 100. &c. Il faut être muni pour le service d'un fourneau, au-moins de trois ouvriers, un fondeur ou garde-fourneau, & deux chargeurs. Les fourneaux se bâtissent de pierre ou de brique. Quand vous faites le corps de la maçonnerie & les fausses parois en brique, il faut qu'elle soit cuite. Pour les parois, vous vous servez de terre à brique, moulée, séchée & liée; en bâtissant avec de la même terre pétrie, la chaleur du fourneau les aura bien-tôt cuit. Les briques sont les meilleurs matériaux pour les fourneaux; des parois peuvent durer plusieurs fondages, au lieu qu'avec de la pierre à chaque feu il faut les rebâtir: on les trouve calcinées, & souvent même une partie des fausses parois. L'ouvrage se fait avec des pierres qui n'éclatent point au feu & qui se calcinent le moins; mais cela dépend de ce que fournit le pays. Il est commun pour les usines d'un grand travail, d'aveir deux fourneaux accotés; ils travaillent alternativement ou tous deux ensemble, quand on a besoin de beaucoup de matiere: quand il n'est question que de fonte en gueuses, il suffit d'avoir depuis le bouchage I , un assez grand espace pour faire le moule long de 18 à 20 pies. Le moule I L consiste en du sable humecte à un certain degré, dans lequel on passe la charrue, pour former un vuide triangulaire; on bat les côtés avec une pelle de fer; on y imprime le n°. M. on perce le bas du bouchage, & la fonte en fusion y coule. Les marchandises sont à la fin de cet article. Quand il est question de mettre en travail un fourneau bâti & muni de charbon, & mines mêlées ou disposées naturellement, on commence par bien nettoyer l'intérieur, & les chargeurs avec leurs paniers l'emplissent de charbon. On met le feu par le bas; on le laisse de lui-même gagner le dessus: quand le charbon est baisse de trois piés & demi, ce qu'on appelle une charge , ou un vuide équivalent environ à vingt piés, ce qu'on connoit avec la mesure X X , on le remplit de charbon, & sur ce charbon on met un panier de mines. Un panier a mines n'a point de dimension sive, les unes étant plus lourdes que les autres; c'est ce qu'un chargeur peut commodément porter & lever sur la bune. Le fourneau encore baisse d'une charge, on le remplit de charbon. On met du côté de la thuyere un peu d'arbue seche & en poussiere, & deux paniers de mines; puis on commence à faire des grilles par le bas. Les grilles consistent à garnir l'intérieur de l'ouvrage, par le dessus de la dame, de ringards, à assez peu de distance les uns des autres, pour empêcher les charbons de tomber; on tire par la coulée ceux qui sont dans l'ouvrage, & on laisse reverbérer la chaleur pour échauffer le sond. On sait & recommence des grilles, jusqu'à ce qu'on voye que le fond est assez enflammé, pour paroitre tout en feu & jetter des étincelles. Ce tems se trouve ordinairement proportionné à celui qu'il faut à la premiere mine, pour. venir à la thuyere: alors avant que d'oter la derniere grille, vous garnissez le fond, le devant & les coins de fasins, pour empécher que la premiere fonte ou fusion ne s'attache aux parois ou au fond, qui n'ont pas encore un assez grand degré de chaleur; vous pétrissez de l'arbue, & vous l'employez à fermer l'ouverture de la coulée jusqu'à la hauteur de la dame; vous faites marcher les soufflets, pour donner a l'intérieur le degré de chaleur propre à la fusion. Avec la spatule on garnit le bout de la thuyere d'arbue, & à chaque charge on augmente le degré de la mine, jusqu'à ce qu'on voye que les charges n'en peuvent porter davantage. Il faut beaucoup d'attention sur cette partie. Vous connoissez que le fourneau n'a pas assez de mine, à la grande facilité qu'a la flamme de s'éclapper par le dessus, la couleur extrèmement blanche, les charges qui descendent très-vite, la fonte qui noircit en refroidissant. Vous pourrez augmenter la mine jusqu'à ce que les fontes commencent à blanchir & soient très-coulantes; ce que l'on appelle vives . Le trop de mine rend les fontes bourbeuses, peu coulantes, cassant aisément, chargées de crevasses, aisées d'ailleurs à travailler à la forge , mais avec grand déchet. Le man que de mine ou le trop de chaleur, les rend très grises, même noires, dures, difficiles à travailler, mais avec peu de déchet. La qualité de la fonte dépend beaucoup de la façon de la travailler au fourneau. Quand un fourneau est trop chargé de mines, avec bon vent & charbon, il est tout simple que la dépuration du métal n'ait pas eu le tems de se faire, sur-tout si le travail y a manqué, ou n'a pû y suffire, comme il arrive dans les barbouillages. Les corps étrangers, l'abondance des corps étrangers se trouvant mêlés avec le métal, il est clair qu'il ne coule point avec facilité; & qu'obligé, d'en faire la séparation à la forge , le déchet doit être très-grand & le travail aisé, puisque ces adjoints se dissolvent aisément. Quand un fourneau manque de mines, & que par la qualité des charbons, ou autres raisons, elles sont très-longues à descendre, il faut beaucoup de tems pour en ramasser une quantité. L'ouvrier cherche naturellement à avancer la fusion des charges supérieures, par le travail du ringard & l'augmentation du vent. La chaleur & le travail donnent le tems & l'aide à un plus grand dépouillement; ce qui approche le métal de la qualité de fer, puisqu'il est constant que le changement de la fonte en fer se fait par le dépouillement jusqu'à un certain degre, & le travail bien entendu aux foyers des forges: delà il est clair que ces fontes doivent changer de couleur; qu'elles doivent être d'autant plus dures & moins coulantes, qu'elles approchent plus de la nature du fer, conséquemment sujettes à moins de dechet, & plus difficiles à travailler. Cette difficulté oblige quelquefois à jetter dans le foyer des crasses de forges pilées, qui servent de fondant. Il est aisé de sentir pourquoi les fontes bourbeuses sont fort cassantes: les corps dont elles sont mêlées en trop grande abondance gonflent les nerfs, les éloignent, les séparent; de-là le fer qui par la qualite de la mine seroit doux & nerveux, s'il ne tombe pas entre les mains d'un ouvrier intelligent qui sache lui ôter ce qu'il a de trop, se ressent de la mauvaise constitution de la fonte. Les fontes bien grises se mettent en grains, qui résistent au ciseau, mais qui se détachent les uns des autres. L'aire d'une enclume de forge , par exemple, au travail seul s'égrenera; ne pourroit-on pas en trouver la raison dans le degré de chaleur qu'elle a essuyé au fourneau? La plupart des fondeurs font diminuer la quantité de mines, quand ils veulent couler des enclumes ou autres agrès de forge: les charges alors produisent moins de sonte. Dans la nécessite d'en amasser assez pour couler une masse de 2 à 3000, il faut beaucoup de tems; la chaleur augmente par ce tems, & par la quantité de métal en bain. Pour mettre au jour cette partie essentielle, distinguons cinq degrés de chaleur, abstraction faite pour un moment du plus ou moins de mines, ce qui y contribue beaucoup; & disons que les nerfs des mines en fusion au premier degré, seront gonfles, éloignés les uns des autres, par le remplissage, fontes bourbeuses, cassantes & blanches. Au deuxieme, le dépouillement sera fait de façon qu'il reste assez de matiere pour remplir les vuides des nerfs sans les gonfler ni séparer; fontes solides, d'un blanc un peu mêlé, & coulantes; ce sont celles qu'on appelle vives . Au troisieme, les nerfs restent joints les uns aux autres; mais le remplissage nécessaire est beaucoup detruit. Fontes grises, cette couleur venant des vuides qui paroissent noirs, & de la cassure des parties nerveuses qui paroît blanche. Au quatrieme, les nerfs recourbés par la violence du feu, feront des grains très-durs, mais aises à séparer les uns des autres; le remplissage brûlé, couleur noire & fontes point coulantes. Plus de chaleur acheve de détruire le grain, rend la matiere spongieuse, aisée à casser, les debris friables, comme on le voit au fer brûlé: de-là on peut conclure que les fontes vives sont de la meilleure qualité. Nous sommes entrés dans ce détail pour faire entendre que la qualité du fer vient de l'espece de mine; que quand un fer est doux de sa nature, il peut néanmoins être cassant, ou par le trop de remplissage qui gonfle & eloigne les nerfs, ou par la forme circulaire qu'un trop grand degre de chaleur ou la trempe lui aura fait prendre. Otez au premier ce qui l'embarrasse; au second rendez l'extension & la souplesse par le mélange de nouveaux fondans; & à la trempe, par un refroidissement naturel, vous aurez du fer doux relativement à la qualité de la mine. Employez tout ce que vous voudrez; d'un fer cassant par la nature de la mine, vous n'en ferez jamais un fer doux. L'exactitude du produit d'un fourneau dépend de l'égalité du vent, de la régularité des charges, de l'uniformité des mines & des charbons, & de l'intelligence du fondeur dans son travail. Le travail consiste à garantir du feu toutes les parties du bas, mais principalement la thuyere. Pour cet effet il faut y veiller, en ôter ce qui s'y attache ou l'embarrasse, & ne pas la laisser échauffer faute d'arbue. Avec les matériaux que nous avons supposé, un fourneau échauffé peut, à vingt charges, produire cinq milliers de fonte en vingt-quatre heures, & soûtenir un an & plus de travail. On dit qu'il y a des especes de mines qui produisent, à travail égal, jusqu'à six & sept milliers: en tout cas la qualité des mines, des charbons, le manque de soin ou d'intelligence, en reduisent souvent le produit à moins quelquefois de trois milliers. Quand les charges rendent moins, sans qu'il y ait de dérangement dans un fourneau, il est bien clair que cela vient de la qualité de la mine. Il y a plusieurs choses essentielles; les dimensions qu'on donne à un fourneau, l'inclinaison des parois, le foyer qui est le plus grand espace au-dessus des échalages, la position de la thuyere, l'ouverture du dessus. L'inclinaison des parois facilite la descente de la mine; donc si vous en avez qui descende plus difficilement, qui se mettent en masses, vous pourrez augmenter l'inclinaison; si elle s'attache aux angles, vous pouvez les arrondir; si le degré de chaleur n'est pas assez grand au foyer, outre qu'une plus grande inclinaison des parois donnera un plus grand espace, vous l'aggrandirez encore en le ceintrant ou en élevant la tour & la bune. La thuyere doit être posée de façon qu'elle distribue le vent egalement: c'est à son passage que les mines en dissolution sont forcées de se séparer des corps étrangers, par la violence & le rafraichissement subit du vent. En l'examinant un peu de tems, ou voit cette séparation par le produit des étincelles, qu'une seule ou plusieurs parties de mines accrochees jettent en forme d'étoiles. Cette séparation est aussi sensible & brillante à la coulée des gueuses, la fraîcheur de l'air ou du moule comprimant les ressorts des parties extérieures, les fait eclater, & ce à proportion du degré de froid. Bien plus sensible encore, si vous jettez en l'air de la fonte liquide: mieux enfin à la compression du gros marteau sur les loupes ou renards, dont on rapproche les parties étendues par la chaleur, quand il se trouve des parties de fontes mal travaillées dans les foyers de la forge . Nous n'avons cessé de répéter le mélange de l'arbue & de la castine avec la mine. La raison est que la castine fondant la premiere, chaque partie se grossit de sa voisine, & en tombant laisse des vuides qui donnent entree à la chaleur. L'arbue résiste plus long-tems, & tient toute cette matiere liée & criblée dans le foyer, jusqu'à ce que la mine en fondant l'entraîne elle même, à quoi contribue beaucoup la pesanteur des charges qui se renouvellent par le dessus. Si vous mettez separément la castine, la mine, l'arbue; l'une fond d'abord, la mine tombe toute crue, & l'arbue reste: au lieu que dans le mélange tout descend uniformément. Comme la matiere de fer en fusion pese davantage, elle se précipite dans le creux & sous le vent, ou elle en trouve déjà en bain, & ou les scories en si sion plus legeres surnagent: quand elles ont le degré de liquidité convenable, aidées du vent, elles sortent par le dessus de la dame, & ce à mesure que le creuset se remplit. Quand les crasses commencent à vouloir sortir, l'ouvrage du fondeur ou de celui qui le remplace, est de remuer avec un ringard la fonte en fusion dans le creuset, ce qui aide la dépuration du métal; cela desserre le des ant du fourneau & donne liberté aux crasses de sortir. Il verra aussi si la thuyere n'est point embarrassée; & dans le cas où les matieres qui viennent du dessus l'échaufferoient ou en boucheroient l'ouverture, d'un coup de ringard par le dessus de la dame il la débarrassera & la rafraichîra de pate d'arbue. Les crasses trop liquides annoncent une trop grande quantité de castine; les tenaces & gluantes trop d'arbue. L'ouverture du dessus trop étroite, défaut où tombent les fondeurs qui cherchent à augmenter le degré de chaleur, fait brûler l'ouvrage: la raison en est sensible; il faut une ouverture proportionnée à une circulation d'air convenable, & on a vû combien il entre d'air dans un four neau. Les fourneaux sont sujets à beaucoup d'accidens. Les plus communs sont la déflagration de la thuyere, de la tympe, de toute une partie de l'ouvrage, les barbouillages, les éruptions. La déflagration peut venir 1°. d'une mauvaise construction, ou fausse direction du total; 2°. d'une partie de l'ouvrage mal jointe; 3°. d'une fausse position des soufflets; 4°- de mines attachées au-dessus du foyer; 5°. de la qualité de la mine. Dans le premier cas il n'y a point de remede, il faut mettre hors; c'est arrêter le fourneau: dans le second, à force de rafraîchir d'arbue les parties attaquées du feu, on parvient à y faire fondre des parties qui remplissent les vuides; c'est ce qu'on appelle plombage: dans le troisieme il n'y a pas à hésiter à rectifier la position des soufflets: dans le quatrieme il faut, avec de longs ringards du dessus de la bune, détacher les parties accrochées aux angles, & pendant quelques charges augmenter la castine & le vent. Ces morceaux seront aisément criblés par la fusion de la castine, & fondus par une augmentation de chaleur, sinon ils occasionneront un barbouillage, comme nous le dirons dans le cinquieme cas. Ou mêlez différentes mines, ou si vous ne pouvez, ajoûtez-y les parties d'arbue convenables. Ces accidens n'arrivent jamais sans faute. Dans le cas où la thuyere seroit bien endommagée du feu, il faut arrêter les soufflets, défaire le moins de maçonnerie qu'on pourra, y en substituer une nouvelle, & la réparer avec pierre & arbue le mieux que vous pourrez; & du dessus mettant de l'arbue de ce côté-là, vous pouvez parvenir à la plomber & à continuer utilement votre ouvrage. Si c'est la tympe qui est brûlée, il faut arrêter les soufflets, boucher le feu avec de la terre, ouvrir le mur aux deux bouts, & y en mettre une autre, que vous maçonnerez avec pierre & arbue. Comme avec l'alongement qu'on fait à la thuyere avec de l'arbue, on peut tourner le vent plus d'un côté que d'un autre, c'est à un fondeur à se servir de ce remede quand il voit quelques parties attaquées, jusqu à ce qu'il soit parvenu à les plomber. Les barbouillages viennent des mines mal nettoyées, mal mélangées, & en conséquence mal dirigées, tombant dans l'ouvrage quelquefois en gros volumes, provenans ou des morceaux détachés, comme nous l'avons dit, ou des mines gelées, ou trop humides, ou trop chargées d'arbue, ou des mines trop seches qui coulent à-travers les charbons, ou de la qualité des charbons, ou de l'inégalité des charges ou de trop de mines. Dans tous ces cas, le remede est d'augmenter le vent, de soigner que les morceaux ne bouchent la thuyere, en les divisant à coups de ringard sans relâche: faites aider les ouvriers, multipliez-les; le moindre retard est capable d'arrêter le vent: rectifiez vos charbons & les mines dans les charges qui suivent. Il est avantageux d'avoir des halles qui garantissent vos matériaux des gelées & de la pluie. Dans les grandes sécheresses on humecte les mines, pour les empêcher de couler trop vîte. Quand malgré le travail des ringards, qui doit principalement avoir la thuyere pour but, vous avez lieu de craindre que la quantité ou la qualite des matieres qui tombent dessus, n'infirment l'ouverture; insinuez-y des charbons forts, qui entretiendront un degré de chaleur dans cette partie. En général quand un dérangement viendra de manque de chaleur, gardez-vous bien de faire comme la plûpart des fondeurs qui diminuent la quantité de mines, au contraire entretenez le même degré tout-au-moins, mais choisissez celles qui fondent le mieux, ou joignez-y de la castine. Ces accidens sont toûjours très-mauvais; le moins est la perte de bien des matériaux, souvent d'une tympe, d'une thuyere, & la fin est quelquefois la mise-hors. Un fourneau est vraiment un estomac qui veut être rempli avec égalité, uniformité & sans relâche; sujet à des altérations par le défaut de nourriture, à des indigestions & crudités par la qualité ou l'excès, & veut des remedes prompts. Vous connoissez le mal aux scories. Les mines chargées d'arbue les rendent si tenaces, qu'il faut les tirer avec les crochets, les vuider à la pelle; de sorte qu'il en reste beaucoup qui n'ont pû se séparer de la fonte: le trop de castine les rend trop fluides, & dégraisse, pour ainsi parler, le métal. Les crasses des premieres sont boursoufflées, rapeuses, couleur de peau de crapaud; les crasses des secondes sont blanchâtres & legeres. Les digestions loüables sont d'un beau noir poli, mêlé de verdâtre. Il arrive encore qu'il s'attache dans l'ouvrage & le creuset même, des morceaux qu'il est difficile de détacher; quand c'est du côté de la rustine, il n'y a rien à craindre: le travail du ringard, quand il y aura beaucoup de matiere en bain, en viendra à bout: si c'est devant la coulée, & que les ringards n'ayent pû les détacher, le plus expédient est de lever la pierre qui est sous le bouchage, qu'on nomme aussi coulée , & d'y en substituer une beaucoup plus élevée. Cette opération laissant au fond du creuset toûjours de la fonte en bain, ce qui est attaché se dissoudra, aidé de la pointe du ringard, sur-tout si, après avoir coulé, vous y jettez des crasses de forges pulvérisées, & y tournez le vent de la thuyere. On entend que quand le fourneau est en feu, il faut qu'il soit servi nuit & jour & sans relâche, puisque le moindre refroidissement coagule les matieres en fusion: quand néanmoins il arrive quelque réparation à faire, comme aux soufflets, on prend le parti de le boucher. Quand les parois sont de brique, & l'ouvrage de grès, & qu'il n'y a rien d'endommagé, vous pouvez le vuider entierement, boucher le dessus avec une plaque de fonte garnie d'arbue, pour ôter la communication à l'air; fermer la thuyere & le devant avec de l'arbue, achevant de couvrir le devant par une grande quantité de fasins secs. Quand les parois & l'ouvrage sont de pierre calcaire, que la moindre fraîcheur mettroit en dissolution, vous laissez fondre toute la mine qui est dans le fourneau, ne faisant les charges que de charbon, & vous bouchez exactement; s'il ne prend point d'air, vous trouverez au bout de plusieurs jours le charbon à la même hauteur. En recommençant le travail, vous ne lui donnerez de la mine que par gradation. Un fourneau bien fermé peut attendre dix ou douze jours, quelquefois vingt à vingt-cinq: quand vous ne l'arrêtez que pour un jour ou deux, vous ne faites que trois charges sans mine; & quand elles arriveront à l'ouvrage, vous coulez: nettoyez bien sur-tout le devant, & bouchez. Quand l'ouvrage est bien dérangé par le feu, vous pouvez dans les mêmes parois de pierre calcaire en faire un autre: pour cela vous tiendrez tous vos matériaux prêts, nettoyerez bien le dedans, ferez souffler pour rafraîchir; pendant que vous ouvrirez le devant & débarrasserez, garantissez les parois de l'humidité; en deux ou trois jours un ouvrage peut & doit être en état de travailler. Comme l'humidité n'attaque pas la brique, il est avantageux sur-tout dans ces occasions, que les parois en soient construits. Les éruptions sont pour les ouvriers & bâtimens voisins l'accident le plus terrible; elles portent la mort au proche, & le feu au loin. C'est une explosion subite qui jette hors & très-loin toutes les matieres, fondues ou non, qui sont dans un fourneau; c'est un volcan qui lance par toutes les ouvertures, & de toutes sortes de volumes, des morceaux enflammés: on a vû des charbons voler jusqu'à cinquante toises. L'éruption, ou n'a lieu que dans le bas d'un fourneau, ou dans le dessus, ou elle est totale. Des morceaux attachés tombant tout-à-coup en gros volumes dans l'ouvrage où il y a déjà des matieres en fusion, font sortir ces matieres par le devant de la thuyere: c'est ce qu'on appelle cracher . Des mines liées d'arbue, attachées au-dessous de la charge, ayant laissé un vuide entre elles, & les matieres qui descendent venant à tomber sur les matieres inférieures, la rapidité de l'air qui s'échappe & la prodigieuse & subite expansibilité de l'humidité, jettent hors la derniere charge. On connoît la proximité de ces accidens, par la flamme qui concentrée se jettoit fort en-devant, & y manque tout-à-coup quand il se trouve un passage libre pour la chûte des matieres. Quand les ouvriers s'en apperçoivent, la fuite est le plus expédient. L'éruption générale ne peut venir que de la raréfaction de l'eau, quand les conduits se trouvent bouchés. La preuve négative est que dans les fourneaux bien voûtés dont on a soin de nettoyer les conduits & dont le fond est bien au-dessus des eaux, jamais cet accident n'est arrivé. Parvenu à acquérir quelques connoissances sur le mélange le plus avantageux pour la fusion des mines, je suis obligé d'avouer qu'on n'est point parvenu à savoir ce qui, à travail égal, distingue les fers entre eux. On se contente de dire en général que les mines sont de différentes especes, & que conséquemment leur produit doit être différent. Je ne croirois rien hasarder de dire que les mines ont entre elles une qualité de configuration distinctive, qu'elles ne perdent pas même dans le rafinement du fer. Un ouvrier, dit-on, fait du fer cassant; un autre le fait doux: disons de bonne-foi, qu'un ouvrier ne change point la qualité du fer; mais qu'avec un tel degré de chaleur ou de travail, le fer peut s'épurer ou s'altérer. Travaillez également les différentes especes de mines; réduites en fontes, elles produiront toûjours suivant leur nature, les unes des grains, les autres des prismes, des lames plus ou moins fines & longues, &c. En fer les mêmes qualités se trouvent. Le travail peut affermir ou appauvrir le nerf, la liaison, y laisser trop ou pas assez de remplissage, comme nous l'avons détaillé; poussez le feu & le travail trop loin, vous détruisez. On diroit que ce ne sont pas les particules de mines qui ont été en fusion, mais les corps qui les rassemblent, ou qui y sont mêlés; & que purifier ce métal, n'est proprement, comme nous le verrons au travail de la forge , que lui laisser les parties convenables de nerf & de remplissage, & cela suivant la qualité de chaque espece de mines. Planches . Des fourneaux, figure 1 . ouvrier qui travaille à son fourneau: 2. 3. & 4. ouvriers qui mettent hors une gueuse, à l'aide de roulets: 5 e fondeur qui pese une gueuse: I pié de chevre: X romaine: λ la gueuse: 6 e , chargeur qui avec une broüette voiture les scories sur le crassier u u: o est le pont pour arriver à la halle: q bêtes chargées de sacs de charbon: p halle. Fig. 2. ouvrier qui casse la mine riche en roche: 2 e , ouvrier passant avec un panier de mine ou charbon sur le pont KK , pour arriver à la bune GG , & charger le fourneau par l'ouverture E: AAA sont les batailles: HSS la couverture sur les soufflets: P la roue qui fait mouvoir les soufflets R R: T massif en maçonnerie, sous lequel passe l'eau de la roue, & s'échappe par l'ouverture C: Q chevalet du tourillon de l'arbre des soufflets: DD liens de fer ou bois qui embrassent le dessus du massif M: L halle à charbon. Planches suivantes . Total d'un devant de fourneau, avec ses murs extérieurs. Fig. 1 . le fondeur après avoir coule une gueuse: 2 e , un chargeur qui a apporté l'arbue pour le bouchage: 3 e , autre chargeur qui apporte un panier de menus charbons pour garnir le devant, & sous la tympe. Fig. 2 . A A les piliers: B B B les marastres: D le taqueret: C C la tympe en fer: G le bouchage: F la dame: H la gueuse: I K un tuyau d'évaporation. Fig. 3 . représente la position des soufflets: 99 les piliers: 6 le pont pour aller à la bune. Des fontes marchandes . On appelle fontes marchandes , toutes celles qu'on dispose à rendre d'autres services, que celui d'être converties en fer: pour cet effet aulieu de les forger on se sert de leur état de liquidité, dans la fusion, pour les jetter en moule. Les services que les fontes nous rendent dans cette partie, sont d'autant plus précieux qu'ils sont en grand nombre, d'un usage ordinaire, & d'un prix médiocre. La premiere maniere de couler les fontes a été de faire les moules de terre, la plus industrieuse de les faire en sable. Sans entrer dans l'énumération de tous les ouvrages qu'on peut faire en sonte, nous nous contenterons d'en décrire quelques-uns, qui mettront à portée d'imaginer ce qu'on peut faire de mieux & de nouveau. Les canons principalement pour la marine, de petites cloches, des bombes, se coulent en terre dans des moules préparés, & amplement détaillés aux articles Canon , Cloche , Bombe . Nous observerons qu'on ne fait point de cloches de fonte au-dessus de deux cents livres. On s'est imaginé qu'elle ne vaudroit rien que pour les grosses pieces, comme les canons. On a deux fourneaux accolés & en travail, pour ne pas manquer de métal. Les bombes qui peuvent se couler en sable, valent beaucoup mieux en terre. C'est encore en terre que se coulent les gros mortiers, & de gros tuyaux pour la conduite des eaux. Pour faire le moule en terre d'un tuyau, ce qui servira à faire entendre ceux des autres pieces, il faut une table de bois solide, du dessus de laquelle partent deux barres de fer entaillées de distance en distance, pour recevoir une broche de fer débordant la table: cette broche équarrie dans un des bouts pour recevoir une manivelle, au moyen de laquelle, de la corde, & du marche-pié, l'ouvrier peut faire tourner la broche. Pour de grosses pieces il faut un compagnon. On corroie fortement de l'arbue, mélée avec de la fiente de cheval, & on en environne la broche. Cette premiere couche séchée, on y en met une seconde, & ainsi jusqu'à la grosseur nécessaire. Cette partie s'appelle le noyau , qui doit être de la dimension du vuide intérieur du tuyau. Pour lui donner cette exactitude & la forme nécessaire, l'ouvrier a son échantillon, qui n'est autre chose qu'un morceau de planche entaillé, qu'il laisse frotter contre le noyau. Ce noyau fait & séché, ou le faupoudre par-tout de cendres, & on le couvre de terre preparée de l'epaisseur que doit être le metal: cette partie dressée a l'échantillon, séchée & saupoudrée de cendres, est couverte d'une couche de terre préparée, épaisse, relativement à la grosseur du tuyau. Cette partie s'appelle la chape . La chape pour être enlevée, se coupe longitudinalement en deux avec le couteau; on casse & détache la part que le métal doit occuper, & ayant resserre & affermi la chape autour du noyau, on ensable un ou plusieurs moules à portée de la coulée du fourneau. Dans les grosses pieces on ménage un évent, dont on casse la bavure au sortir du moule. Pour un moule de marmite à piés & oreilles, le noyau se bâtit sur une planche, tant pour le corps du pot que les oreilles; s'enduit de la partie que le metal doit occuper, & de la chape. Au dessus du cul du pot dans la chape, on ménage l'ouverture de la coulée, & dequoi loger les moules des piés qui sont à part; on coupe en deux la chape, &c. si ce sont des pieces auxquelles on veuille joindre quelque ornement. Voyez Canon , Cloche . Ces exemples doivent suffire pour faire entendre la fabrique des fontes moulées en terre: nous ajoûterons seulement que pour les grosses pieces, on tire la fonte directement du fourneau, & pour les autres on les coule à la poche, comme celles en sable. Les moules en terre demandent beaucoup de tems & de travail; on a imaginé d'y substituer le sable, qui dans peu de tems est rassemblé & desuni. Les grosses pieces auxquelles il ne faut qu'une ouverture, comme les marteaux pour les forges; les pieces solides, comme les enclumes, les contre-coeurs de cheminées, & toutes autres plaques qui ne demandent des ornemens que d'un côté, se moulent à découvert. Pour une enclume, &c. proche la coulée du fourneau, vous faites une excavation convenable pour enterrer la moule de la piece: ce moule est de bois; vous battez en fond du sable; posez le moule sur ce sable, qui reçoit & conserve l'empreinte, & battez du sable tout-autour. Le moule ou modele enlevé, vous débouchez la coulée du fourneau, & laissez emplir de fonte le moule: quand il est plein, vous arrêtez la fonte avec un morceau de pâte d'arbue, & la tournez dans un ou plusieurs moules autant que le fourneau en peut fournir. Pour faire l'oeil des marteaux; quand le modele de bois est enlevé, vous avez un chassis monté à crochets, que vous placez où l'oeil doit être; vous emplissez l'intérieur du chassis du sable bien battu; vous décrochez, & retirez les pieces; le sable reste; & la fonte tournant autour, laisse le vuide de l'oeil. Pour les pieces autres que les plates ou solides, il faut qu'un attelier soit fourni de modeles de toutes façons, 2, 3, de sable extrèmement fin & gras; de tamis 21, pour le passer; de pelles & de rabots 17, 18, 19, 20, pour le remuer; de battes 14, 19, 16; de maillet 7, pour le battre; de rappes 8, 9, pour le détacher des pieces; d'un ecouvillon 12, 13, pour l'humecter; d'un sac de toile 10, rempli de poussiere; de charbon tendre pour saupoudrer les chappes & noyaux, pour que la fonte ne s'attache point au sable; de plusieurs chassis, suivant les différens ouvrages; de la poche 4, pour couler; de la manche 5, pour garnir le bras gauche, pour le garantir du feu. Un sableur qui veut faire le moule d'une marmite ( V. la Pl. ), ayant sur son banc pour travailler à son aise, son sable humecté & tamise, y pose sa planche AA , & sur cette planche le chassis G; ce chassis doit être précisément de la hauteur du corps de la marmite, garni des piés dont les empreintes se font séparément, comme nous le dirons; il renverse dans le chassis le corps de marmite H , met du sable autour, & le consolide avec ses battes; place la monture des piés, les patins, & la partie de la coulée qui est de la hauteur du chassis; emplit le tout de sable bien battu: le total doit se trouver au niveau du chassis. L'ouvrier prend & renverse la partie du chassis m m , mettant les crochets en en-haut; emplit toute l'épaisseur du quadre de sable bien battu au tour d'un morceau de bois figuré, pour faire le reste de la coulée, comme on le voit en X; cette partie posée sur une planche A A , on la saupoudre de blanc; le blanc est le sable sans être humecté, que les rappes ont détaché des pieces moulées: on renverse dessus la partie G H , aussi saupoudrée de blanc; en la renversant, la partie de la coulée & les patins tombent. On poudre les empreintes de poussiere de charbon; cette partie se rapatronne exactement par les guides m m , qui traversent les ouvertures pratiquées dans le corps du chassis, pour les loger; & on arrête ces deux pieces par des crochets. T V X Y représentent cette partie moulée. La monture des pieces & le corps de la marmite restant dans le chassis, la marmite se trouve alors les piés en-bas; elle doit bien affleurer le chassis, comme en a b . On emplit l'intérieur de sable bien battu; on le rase avec le reglet au niveau du chassis; & on renverse le tout sur la troisieme partie du chassis, dont le quadre est exactement rempli de sable battu, comme en Z : en soûlevant les deux premieres parties accrochées ensemble, on laisse à découvert le noyau Y; on frappe sur le modele avec une batte pour le desserrer, & on le retire; le modele des piés tombe ensuite. La place des anses se fait en perçant le sable dans l'endroit qui leur est destine, y insinuant deux morceaux de bois recourbés qui se rencontrent dans le milieu; le sable affermi autour de ces morceaux de bois, on les retire, & le vuide reste. On saupoudre tant le noyau que la chappe de poussiere de charbon, dont on les enduit exactement avec les cuillieres, qui sont des morceaux de fer plat & courbé, pour passer sur toutes les parties plates & cintrées, & y comprimer la poussiere du charbon: ensuite on renverse la chappe sur la partie du chassis qui soûtient le noyau: on accroche les pièces ensemble; elles se trouvent nécessairement dans la précision convenable, au moyen de la justesse du chassis & des guides: on porte le moule en cet état proche la gueule du fourneau pour les emplir de fonte, quand il y a le nombre de moules suffisans. Tout cette manoeuvre demande de l'adresse & de l'habitude: il y a, comme vous le voyez aux différens chassis, des poignées pour que l'ouvrier puisse les tourner commodément. Quand les pieces sont considérables, ils se mettent plusieurs: si la marmite avoit un gros ventre, comme il s'en fait quelques unes, & comme il pourroit arriver pour d'autres pieces, il ne s'agit que d'avoir un corps de chassis de deux pieces, qui se joindront à la plus grande circonférence; le modele sera de deux pieces coupées de même; chaque piece ensablée séparément & rejointe quand les modeles seront retirés. Les couvercles se moulent dans deux pieces de chassis rapprochées; une porte la coulée, elle se fait dans l'intérieur du couvercle; & l'autre, l'anneau qui se moule avec deux morceaux de bois courbés qui se joignent au milieu, pour qu'on puisse les retirer aisément. Quatre sableurs peuvent desservir un fourneau qui produiroit deux milliers en vingt-quatre heures. Quand les sableurs ont la quantité de moules relative à la fonte qui est en fusion, ils enduisent leurs poches d'arbue pétrie avec fiente de cheval, pour que la sonte ne s'y attache pas, & les font chauffer. La poche est composée d'une queue de fer que le sableur embrasse de deux morceaux de bois excavés & arrêtés par un anneau de fer, met la manche à son bras gauche, & va puiser de la fonte dans l'ouvrage. La poche est appuyée sur le bras gauche, tenue & tournée par la main droite pour verser dans les moules, par la coulée. Comme il faut que les pieces soient faites d'un seul jet, quand elles sont considérables, pendant qu'un sableur coule, les autres entretiennent le métal dans sa poche, en y versant les leurs: toutes les pieces en sable se moulent de même. Quand ce sont des pieces solides, comme une hurasse, vous faites l'empreinte moitié sur une partie de chassis, moitié sur l'autre; en les fermant, vous avez une hurasse entiere: le sable se soûtient dans tout ce travail, quand il est fin, gras, humecté à-propos, & bien battu. Il faut que le fondeur entretienne la fonte toûjours vive; une fonte bourbeuse ou approchante du fer feroit manquer toutes les pieces, ou les rendroit d'une mauvaise qualité: il faut pour cela des mines convenables. La tympe, dans ces fourneaux, doit être un peu plus éloignée de la dame, que dans ceux à gueuse, afin que les poches paissent y entrer: une poche peut porter quarante à cinquante livres de métal. Le bouchage ne se perce que les fêtes & dimanches, jours de repos pour les sableurs: on coule alors des gueuses qui se portent à la forge avec les coulées, les bavûres, les pieces manquées. On fait des marmites de toute sorte d'échantillon, de deux livres communément jusqu'à trente, des chaudieres jusqu'à cinquante: on fait même, dans le besoin, de plus grosses pieces. Le poids est ordinairement marqué sur la piece, & leur nom vient de-là; on dit, des marmites de quatre, de dix , &c. Les modeles se font d'etain, pour être coulés en cuivre ou fonte: l'étain, à cause de son peu de fermeté, ne convient que pour tirer d'autres modeles. Les tuyaux ordinaires pour les eaux, se moulent en deux parties de chassis rapprochées, dans lesquelles on a renferme le noyau de terre monté sur la broche. Les boulets se moulent dans deux coquilles; les coquilles se font de fonte: chaque coquille est creuse de l'étendue de la moitié du boulet; en les rapprochant, elles forment le boulet entier. On place les coquilles entre deux madriers: on les serre à force de coins, la coulée en en-haut, & on en coule tant qu'il y a de la fonte dans l'ouvrage. Au sortir du chassis, on casse la coulée & les bavures des pieces montées; on en ôte le sable, en passant dessus les nappes 8, 9, qui sont des morceaux de fonte coulés avec des entailles pour enlever le sable, qu'on appelle le blanc , servant à saupoudrer: on acheve de les perfectionner avec des marteaux à chapeler, des rapes plus fines, du grais, &c. La grande attention pour les pieces considérables, est de ménager des soupiraux, pour que l'air puisse s'échapper quand on les coule; les ouvriers sont payés à la piece, tant par douzaine de chaque échantillon, quelquefois au poids. Les droits du roi se payent comme par fonte en gueuse dans les pays de marque, ou à la sortie de la province. On a vû en France une manufacture qui avoit poussé la solidité, la précision, & l'ornement jusqu'à couler des balcons, des rampes d'escalier, des lustres, des bras, des feux, &c. & au moyen du recuit, à mettre ces ouvrages en état d'être recherchés avec netteté, & polis au dernier brillant. Cette manufacture n'a pas eu toute la satisfaction qu'elle méritoit, parce qu'elle ôtoit tout-d'un-coup le crédit aux ouvrages de fer, de cuivre, de bronze, extrèmement coûteux: c'est ce qui m'a été raconté par un des interesses à cette manufacture, actuellement vivant, & qui m'a ajoûté que le prétexte qui en a imposé au public, a été le manque de solidité; pendant qu'à l'épreuve, deux balcons ont soûtenu la pesanteur de deux milliers à laquelle ils servoient de point d'appui, à douze piés l'un de l'autre; & pendant que nous voyons une enclume de forge essuyer pendant dix ans les coups d'un marteau de onze à douze cents pesant, au milieu de l'eau & du feu. Je conviens qu'il faut des fontes nerveuses: mais puisqu'il y en a des minieres dans le royaume, le public n'a-t-il pas perdu au discrédit d'une manufacture peu coûteuse? c'est ce qu'a bien senti M. de Réaumur, qui, dans son art d'adoucir le fer fondu , dit, parlant de cet établissement, qu'un particulier a eu en France quelque chose de fort approchant du véritable secret d'adoucir du fer fondu qui a été jetté en moule; qu'il entreprit d'en faire des établissemens à Cosne & au faubourg S. Marceau à Paris; qu'il rassembla une compagnie qui fit des avances considérables; qu'il fit exécuter quelques beaux modeles, qui furent ensuite jettés en fer; qu'il y eut divers ouvrages de fer fondu adouci; que cependant l'entreprise échoüa; & que l'entrepreneur disparut sans avoir laissé son secret. M de Réaumur ajoûte qu'il a trouvé ce secret, & en fait part au public. Mouler le fer avec précision & ornement, étoit une partie connue; l'adoucir pour le rechercher & polir, est un bien recouvré par son travail. Sans nous jetter dans tout le détail des fontes convenables à ces ouvrages, nous nous en tiendrons aux fontes vives & provenant d'une mine qui donne du nerf. Pour la fusion, si on n'a pas recours aux fourneaux ordinaires, on peut la faire, ainsi que le détaille M. de Réaumur, dans de plus petits fourneaux, même dans des poches, comme quelques coureurs en usent pour empoisonner certaines provinces de fontes à giboyer. Le grand secret est de faire recuire les pieces sans évaporation dans des creusets bien clos, avec une partie de poussiere, de charbon, & deux parties d'os calcinés. Une pareille manufacture peut remplacer toutes les pieces qui demandent des sommes immenses pour être coulées en cuivre ou en bronze; des grilles, des balcons, des rampes ornées de fleurons & feuillages, des garnitures de portes cocheres, des feux pour les cheminées, des palastres de serrure avec ornemens, platines, targettes, verroux, fiches, gardes d'épées, boucles de souliers, de ceintures, des étuis, des cles de montre, des crochets: l'Eperonnerie, l'Arquebuserie trouveront aussi dans cette manufacture des avantages considérables; elle sera même utile au roi pour les canons. Ces avantages infinis sont tirés de l' art d'adoucir le fer, de M. de Réaumur, où on peut les voir exposés d'une maniere plus brillante. Art. X. Des forges . L'attelier pour convertir les fontes en gueuse, en fer, se nomme forge , dont les parties sont les cheminées & équipage du marteau; le tout renfermé dans un bâtiment spacieux, proche la halle à charbon, le logement des ouvriers, l'empalement du travail, & sur le bord des coursiers. Les cheminées sont appellées chaufferies, affineries , ou renardieres , suivant l'espece de travail, construites de differentes formes, quarrées, rondes, plus ou moins spacieuses & hautes, sans que dans ces differentes dimensions on ait consulté que la fantaisie. Les cheminées en genéral doivent être solidement fondées sur le bord d'un coursier qui donnera le mouvement à la roue qui fera marcher les soufflets; elles seront toûjours bien quand elles auront six piés quarrés dans oeuvre sur le sol, finissant en pyramide, dont le dans-oeuvre de l'ouverture du dessus, aura vingt pouces en quarré; la mâçonnerie de vingt pouces d'épaisseur, si c'est en pierre; & de quinze, si c'est en brique, à compter du dessus des piliers; ces piliers s'établissent sur le sol, pour laisser un espace vuide convenable au travail: l'espace du devant sera de toute la longueur du dans-oeuvre, du côté des soufflets; deux pies & demi en quarré, pour loger commodément la thuyere, à compter depuis la mâçonnerie qui doit porter les beuses ou bures des soufflets, sous laquelle on a logé un tuyau de fer pour rafraîchir le dessous du fond de l'ouvrage: du côté du courant l'ouverture sera de quinze ou dix-huit pouces en quarré, pour que les gueuses puissent entrer & être mûes librement, & du côté opposé à la thuyere, d'une hauteur & largeur convenable pour entrer aisément dans la cheminee. Cette partie, ainsi que celle sur l'eau, seront terminées par des ceintres en pierre ou brique, ou des marastres, que nous avons dit être des plaques de fonte. Le devant & le côté de la thuyere seront nécessairement renforcés chacun de deux marastres, à deux piés environ de distance l'une de l'autre: le devant sera à encore garni d'une troisieme marastre, qui sera à quinze ou dix huit pouces d'élévation du côté du pilier de la thuyere, & trois piés à l'autre bout. La raison de cette position est de retenir la flamme & d'en garantir les ouvriers, en laissant à l'autre bout vers le basche, un vuide nécesiaire pour le service du feu. Les piliers du devant doivent être d'un bon quartier de tailles, mieux encore de plaques de fonte coulées d'echantillon, mâçonnées les unes sur les autres jusque sous les premieres marastres. La hauteur du comble du toit doit regler celle des cheminées, qui doivent être de cinq ou six piés plus élevées, à cause des étincelles qu'elles jettent perpetuellement: cette construction convient à tout travail. L'interieur des cheminées sur le sol doit contenir l'ouvrage & le basche. Le basche est un auge de bois d'un pié de vuide, sur six pies de longueur, garni en-dedans & sur les côtés de fer, à cause du frottement des outils, placé à rez-de-chaussée en-dedans de la cheminée, du côté opposé à la thuyere, abreuvé d'un petit courant d'eau venant du réservoir, ou jettée par des sabots attachés à la roue, sur une chanlatte qui y aboutit. Le basche est nécessaire pour le raffraîchissement des outils, & pour arroser le feu. L'ouvrage est un creuset auquel la thuyere communique, construit de plaques de fonte dans lesquelles se fait le travail du fer. Il y a quatre plaques pour faire les côtés du creuset; la varme sous la thuyere; du côté opposé le contre vent; l'aire au dessus; le chio sur le devant, percé d'une ouverture à la hauteur de la thuyere, pour servir d'issue aux scories, & d'une à-fleur du fond, dont on se sert dans la macération des fontes: le bas de ce quarré est garni d'une plaque qu'on appelle fond , parce qu'il en fait l'office. Depuis le chio, le devant est couvert d'une grande plaque de fonte portée sur deux autres, afin de laisser vuide l'espace du chio, pour recevoir les crasses qui en découlent. La grande plaque est percée du cote du basche pour recevoir la racine d'un morceau de fer fendu par le dessus en forme d' Y , pour ôter des ringards & fourgons le fer qui s'y attache dans le travail. Dans les chaufferies & renardieres, on met encore une plaque sur le contre-vent pour retenir les charbons; on la nomme contre-vent du dessus . Toutes ces plaques, à la varme près, ont pris leur nom de leur service, le contre vent, le fond, l'aire, à cause qu'elle sert d'appui à la gueuse dans le foyer; le chio, à cause de l'ouverture excrétoire, &c. Faire un ouvrage n'est autre chose que donner un certain arrangement à ces taques, relativement à la thuyere & à l'espece de fonte & de travail; d'où affineries de deux especes, chaufferie, renardiere. L'affinerie est un creuset qui ne sert qu'à dissoudre une portion de la gueuse, la travailler pour la porter au gros marteau: au sortir de l'affinerie, c'est une loupe; du gros marteau, c'est une piece. La chaufferie est un creuset destiné à recevoir les pieces, pour les chauffer à-mesure qu'on acheve de les battre. La renardiere fait l'office des deux, fond la gueuse, & pousse les pieces à leur perfection. Le creuset d'une affinerie de la premiere espece, est moins large, n'a point de contre-vent du dessus, & est moitié plus profond, à compter depuis la thuyere, que celui des chaufferies & renardieres: dans ces dernieres, le travail de la fonte, comme dans les affineries de la seconde espece, se fait sur le fond; dans les affineries de la premiere espece, sur la sorne. Quand on aura vû ces deux manieres détaillées, on laissera à décider à ceux que les préjugés n'empêchent pas de voir le vrai, lequel est le plus avant geux. En général, pour une renardiere & une affinerie de la seconde espece, il faut un creuset de quinze pouces de largeur, trente de longueur, cinq seus la thuyere pour l'affinerie, cinq, six, & six & demi pour la renardiere, suivant la qualité des fontes; le fond baissant un peu du côté du contre-vent; le trou du chio à la hauteur de la thuyere; la thuyere bien au milieu sur la varme; son museau avançant dans le creuset de trois pouces; l'aire, le contre-vent, & le chio élevés de onze pouces sur le fond pour les redieres, & de sept pouces pour les affineries de la seconde espece; les soufflets se croisant bien dans le milieu, distribuant le vent également: voilà ce qui peut convenir à la plus grande partie des fontes; sauf à un maître & ouvrier intelligent à augmenter ou diminuer, suivant que certaines fontes peuvent le demander; ayant pour principe que la gueuse est au-dessus du vent, & le travail au-dessous. Pour donner certainement à un ouvrage les dimension, & relations ci-dessus; du milieu de l'intervalle des soufflets tirez un cordeau passant par l'ouverture supposéee de la thuyere, qui fasse une ligne parallele avec le milieu du fond: du milieu des caisses des soufflets poses à égale distance de cette ligne, tirez-en deux secondes: le point où elles se couperont à angles égaux sera le milieu de l'ouvrage; l'égalité des angles certifie celle des soufflets. Le total ayant quinze pouces de largeur, à sept pouces & demi du point du milieu du côté de la thuyere, posez la varme perpendiculairement, quarrément, & précisément sous la premiere ligne: vous continuerez à poser l'aire & le contre-vent qui excederont la hauteur de la varme de six pouces & demi; vous poserez deux morceaux de fontes, pour servir de chantier au fond, qui sera placé à quatre pouces & demi plus bas que le dessus de la varme. Le vuide de dessous le fond répond au tuyau qui doit le rafraichir: vous tiendrez le fond un peu en penchant sur le devant & le contre-vent, pou-attirer les laictiers dans cette partie; puis vous placerez le chio & la grande taque: posez ensuite la thuyere, dont vous réglerez la direction sur la position de la varme dont elle doit occuper le milieu, & entrer de trois pouces dans l'ouvrage. Rangez les barres des soufflets selon les lignes répondantes au milieu; affermissez-les, & faites mâçonner les côtés & le dessus de la thuyere jusqu'aux marastres; c'est l'ouvrage des goujats; de la pierre & de l'arbue détrempées, font la solidité & la liaison: cela s'appelle faire le mureau , qui se renouvelle toutes les fois qu'il est nécessaire de toucher à la thuyere. Si c'est une chaufferie destinée à chauffer sans fondre la gueuse, la quantité de fers qu'on y met à-la-fois demandant plus d'espace, il faut tenir le creuset plus large & les barres des soufflets plus éloignées l'une de l'autre, pour éloigner le centre. Si c'est une affinerie, le foyer doit être plus proche; le fond consequemment moins large, & à neuf pouces sous la thuyere, quelquefois à dix & onze, suivant l'idée de certains ouvriers, qui n'ont d'autres raisons pour se faire valoir, que la singularité. Les thuyeres sont de cuivre battu tout d'une piece; le museau bien épais, pour résister au feu; poli, pour que rien ne s'y accroche; quinze lignes d'ouverture sur douze, pour la partie qui communique le vent; s'élargissant sur la longueur de quinze à dix huit pouces en une ouverture de vingt pouces sur dix à douze; cet évasement est nécessaire pour placer commodément les barres des soufflets, qui doivent être de façon que le vent se croise au milieu de l'ouvrage; ce qui le distribue également par-tout. Le vent doit passer sous la gueuse & sur le travail qui se fait dans le creuset. Il faut que les cheminées soient fournies d'ouvriers & d'outils: pour une renardiere ou autre qui va sans relâche, il faut six ouvriers, le marteleur, trois chauffeurs, deux goujats; à l'affinerie, le maître affineur & trois valets; le marteleur est chargé de l'équipage de sa renardiere ou chaufferie, de l'entretien des outils, & doit travailler à son tour avec un chauffeur; deux ouvriers font ordinairement six, quelquefois huit renards par tournées; la tournée finie, ils sont relevés par deux autres chauffeurs & un goujat, & ainsi de suite. L'affinerie va de même par tournée; & le maitre affineur est spécialement chargé de l'entretien de son ouvrage & des outils de son affinerie. Ces outils consistent en un gros ringard, deux moyens, deux fourgons, une pelle de fer, une écuelle à mouiller, des tenailles à cingler, à chauffer avec leurs clés ou clames, à forger avec leur anneau, un crochet, & plusieurs masses. Un ringard est un barreau de fer dont les angles sont abattus; le bout destiné au travail finissant en coin. Le grand ringard se passe sous la gueuse qui est au feu, & sert au goujat de levier, pour l'avancer ou le reculer suivant le besoin. Les ringards ordinaires servent à détacher des côtés & du fond de l'ouvrage la fonte en fusion, & la ramasser en un volume. Les fourgons moins gros que les ringards, sont arrondis, & servent à être passés à-travers la fonte en fusion dans l'ouvrage; tant pour joindre un morceau à l'autre, que pour faire jour à la chaleur & aux scories en fusion. Dans les tenailles, on distingue les branches & le mord. Le mord est la partie depuis le clou qui sert à serrer: dans les tenailles à cingler, les branches sont arrondies & les mords unis, rentrant seulement un peu en-dedans à l'extrémité; dans celles à chauffer, les branches sont plus fortes & mi-plates, les angles abattus, les mords très-gros, longs, & forts pour embrasser les pieces. Les branches se serrent avec des clés ou clames: une clame est un morceau de fer plat & étroit, courbé aux deux extremités, faisant précisement une S , qu'on tire en en-haut des branches pour serrer, & que le chauffeur desserre d'un coup de pié, quand la piece est hors du feu sur la grande ta que, pour être reprise par une tenaille à forger; la tenaille à forger est la même que la tenaille à cingler, à cela près qu'un des mords est large & arrondi pour embrasser plus fortement la piece; d'où on les appelle tenailles à coquille . Les branches se serrent par un anneau de fer mobile, que l'ouvrier pousse tant qu'il est nécessaire, en serrant de la main le bout des branches. La pelle de fer avec un manche de bois pour être plus legere, sert à ramasser les charbons autour du feu, les morceaux de fer autour de l'enclume; enlever les crasses du chio, &c. L'écuelle à mouiller est une calotte de fer battu, d'un pié de diametre, avec une douille de fer qui lui sert de manche; sa place est proche le basche; elie sert à arroser le feu, rafraichir la partie forgée des maquettes, jetter de l'eau sous le marteau quand on pare le feu, &c. Le crochet sert à tirer les loupes ou renards du feu, les masses; à les battre & y pratiquer une place pour la tenaille: elles servent aussi à l'entretien des équipages, où il y a souvent à serrer & desserrer, &c. il y a encore le hacheret qui est un double ciseau avec un manche de bois; il sert à couper les pailles qui se levent sur le fer en le forgeant; des ciseaux de toute espece, à chaud, à froid, pour tailler les enclumes & marteaux de fonte, &c. des marteaux à chapeler, qui sont des doubles ciseaux à froid, dont l'usage est de dresser les aires des enclumes & marteaux, en frappant de tous sens; ils servent à enlever une bosse: le trait du ciseau & autres traces s'effacent par le frottement d'un morceau de pierre de meule & du grais. Il faut encore qu'une forge soit munie ou d'une pompe qui puisse jetter l'eau par-tout, ou au-moins d'une seringue de cuivre tenant beaucoup d'eau. L'équipage du marteau consiste en pieces cachées & en pieces vûes. Les pieces cachées sont les grillages servant de fondation; les longrines, qui emboîtent le bas des attaches, la croisée, le pié d'écrevisse, le stoc: les pieces vûes sont l'arbre, le court-carreau, les attaches, les bras-boutans, le drosme, les jambes, le ressort, l'enclume, le marteau. Comme il est question d'une grande solidité, il faut que toutes ces pieces se soûtiennent mutuellement avec une fondation ferme: le tout sur le bord de l'eau qui doit mettre la roue en mouvement. Pour cet effet, excavez l'espace nécessaire pour loger toutes les pieces: il faut vingt piés sur quinze pour donner dix-huit pouces d'épaisseur à la grande attache, deux piés & demi d'intervalle de la grande attache au court-carreau; deux piés d'épaisseur au court-carreau; du court-carreau au stoc, sept piés; trois piés d'épaisseur au stoc, & quatre piés devant le stoc, pour placer & affermir les chassis qui doivent l'embrasser: pour la largeur, le court-carreau devant être au milieu, on aura pour un côté un pié de court-carreau; du court-carreau à l'arbre, pour placer la jambe, dix-huit pouces; l'épaisseur de l'arbre, de deux piés & demi; le petit bras-boutant de l'attache à un pié au-delà de l'arbre; & un pié & demi de vuide pour le passage. L'excavation faite, si le terrein n'est pas solide, bâtissez en grillages, comme à la fondation des fourneaux; & quand vous aurez trois grillages d'établis & garnis, placez le stoc, & le faites embrasser par le bas d'un chassis en bois à encoches, dont les longrines & traversines doivent tenir un grand espace, & être enfermées dans la mâçonnerie. Le stoc est communément un bloc de fort bois de chêne, de 7, 8, ou 9 piés de longueur sur au-moins trois piés de diametre, posé debout pour recevoir l'enclume. Quand vous serez au milieu du stoc, vous l'affermirez encore d'un pareil chassis enfermé dans le massif avec un troisieme chassis au-dessus, dont les côtés passeront sous la croisée & les traversines de la grande attache: le dessus du stoc se garnit de trois ou quatre forts cercles de fer; & on pratique dans le milieu une ouverture quarrée propre à recevoir l'enclume & l'y affermir: cette ouverture s'appelle la chambre de l'enclume . Comme un morceau de bois de cette grosseur est rare & coûteux dans certaines provinces, quelques-uns se servent de quatre morceaux bien joints & liés en fer; cela ne dure guere: le plus expédient est, depuis la fondation, d'élever chassis sur croix alternativement jusqu'au dernier, que vous ferez le plus épais, & qui formera la chambre de l'enclume: il doit être cramponne & broché en fer dans celui de dessous, qui est arrêté dans la mâçonnerie, & dont les côtés passent sous la croisée: des bois de 7 à 8 pouces pour le fond, & de 12 pour le de nier, font un excellent ouvrage. Le dessus, en cas de vétusté, est aisé à renouveller; au lieu que c'est un ouvrage pénible & coûteux, quand il faut déraciner un stoc: dans le cas qu'un stoc debout périt par la chambre, comme cela arrive toûjours, on peut achever de raser les bords, & établir des chassis pour remplacer le dessus. Quand la totalité du massif sera près du sol, vous établirez quatre longrines depuis le bord sur le coursier qui remplissent la longueur du total, posées un peu en pente pour ne pas gêner les bouts de la roue; une à chaque bout, une de chaque côté, & à deux pies du stoc, arrêtées par trois traversines à encoches & broches, une devant & à deux pies du stoc; une devant & derriere le court-carreau. L'encoche de la tête des longrines sur l'eau est en-dessous, & porte sur deux fortes traversines, dans le milieu desquelles traversines on a ménagé une ouverture pour recevoir la grande attache & lui servir de collier. La grande attache est une piece de bois de dix-huit pouces d'équarrissage, sur douze ou quinze piés de hauteur, mortaisée par le devant d'une ouverture qui la traverse, de six pouces de largeur sur trois piés de longueur, pour recevoir le tenon du drosme & le monter & descendre suivant le besoin: derriere & sur les côtés de l'attache, il y a des mortaises plus hautes que celle ci-dessus, lesquelles sont destinées à recevoir les tenons des bras-boutans: ceux des côtés portent sur les traversines, & celui de derriere sur un chassis, placé en terre, d'où il a pris le nom de taupe: au devant de la grande attache & vis-à-vis l'ouverture du court carreau qui reçoit le ressort, on fait encore une ouverture à mi-bois pour en recevoir la queue: au bas de cette ouverture est une petite recoupe avec une mortaise pour recevoir & porter le culard, porté de l'autre bout par le court-carreau: le bas de la grande attache est entaillé devant & derriere, laissant une grosse tête d'un pié d'épaisseur sous l'entaille, & se place dans l'ouverture des deux traversines qui lui servent de collier: ces traversines sont affermies par de fortes broches de fer qui percent dans les longrines; elles le sont encore par le pié d'écrevisse. La petite attache porte l'autre extrémité du drosme; est taillée de même que la grande, & ne se pose & enclave dans ses chassis & colliers, que quand le drosme est posé. Il est essentiel d'affermir le bas des attaches, parce que tout l'effort se fait en en-haut: elles sont soûtenues & affermies par le bras-boutant: celui de dehors de la grande attache doit être long & fort. A quatre piés & demi de la grande attache élevée & affermie, on pose la croisée. La croisée est une piece de bois de dix-huit pouces d'équarrissage sur sept piés de longueur, entaillée par-dessous aux extrémités, pour entrer & être serrée dans les encoches ménagées dans les longrines du milieu. Le dessus & le milieu de la croisée sont encochés d'un pié de largeur sur huit pouces de profondeur; & à dix-huit pouces du point du milieu, on pratique des mortaises qu'on appelle mortiers , de dix pouces de profondeur, dix pouces de largeur & douze de longueur, du côté de l'arbre, & dix-huit de l'autre côté: ces mortiers servent à recevoir le pié des jambes. Chaque extrémité des mortiers doit être liée d'un bon cercle de fer; les côtés de l'intérieur, garnis de plaques aussi de fer, passant sous les cercles & le fond de fer battu. Cette partie fatigue beaucoup. Le pié d'écrevisse est une forte piece de bois, fourchu, dont le pié aussi encoché entre dans l'encoche du milieu de la croisée avec un fort menton en-dehors; cette piece appuye sur les traversines de la grande attache dont elle embrasse le pié exactement avec ses fourches bien brochées en fer. A fleur de la croisée, le pié d'écrevisse doit être assez large pour l'étendue du court-carreau qa'il porte, & doit avoir une mortaise pour recevoir le tenon du bas. Le court-carreau ou poupée est un bloc de bois de deux piés d'équarrissage sur sept piés de longueur, réduits à six par les tenons de chaque bout, qui s'emboîtent dans les mortaises du pié d'écrevisse & du drosme: le milieu est traversé d'une ouverture d'un pié en quarré, baissant du côté de la grande attache, pour recevoir le ressort & en élever la tête: les côtés sont aussi traversés d'une mortaise de six pouces de largeur sur huit ou neuf de hauteur, empiétant un peu sur l'ouverture du ressort qu'elle traverse par le bas: elle sert à passer sous le ressort une clé de bois qu'on serre contre le dessus par des coins qu'on chasse sous cette clé. Derriere le court-carreau on ménage une petite recoupe & mortaise au bas du passage du ressort, pour placer & recevoir un bout du culart. Le culart est un morceau de bois de sept à huit pouces d'équarrissage, portant la queue du ressort. L'intervalle se garnit de coins pour serrer le ressort contre le dessus de la chambre de la grande attache qui en reçoit l'extrémité. Le drosme est un morceau de bois d'une piece, de deux ou de quatre; de deux piés d'équarrissage sur au moins 30 piés de longueur: il a à chaque bout un tenon qui entre dans les mortaises des attaches, dessous une mortaise qui reçoit le tenon du court-carreau, sur lequel il porte. L'excédent des mortaises des attaches sous les tenons du drosme se remplit de clés & de coins de bois, qui chassés avec force serrent le drosme contre le court-carreau: cette opération fatiguant beaucoup les tenons du drosme, qui est une piece à ménager, il est utile d'en garnir le dessus d'un faux tenon de bois; quand il est usé, on desserre les broches qui le tiennent, & on en substitue un autre. Il est encore prudent de garnir le dehors des tenons, ainsi que le dessus de la grande attache, de taule ou fer blanc, pour les garantir de l'humidité de l'air. Il faut au drosme de la force & de la pesanteur, pour tenir tout l'équipage ferme & de longueur, pour que les ouvriers puissent se tourner avec les bandes de fer, pour les parer sans toucher à la petite attache. On ménage deux encoches dans les côtés du drosme, de quinze pouces de largeur sur six pouces de profondeur, répondantes aux mortiers, pour recevoir la tête des jambes, qu'on avance ou recule suivant le besoin dans ces encoches, & qu'on arrête par des coins chassés de chaque côté à coups de masses. Quand le travail a fort endommagé les côtés des encoches, au lieu de mettre un drosme au rebut, on enleve ce qui est endommagé; & dans le vif on fait une entaille finissant en pointe, pour que la piece qu'on y appareille ne puisse se déranger. Cette piece doit être bien brochée, & se renouvelle dans le besoin. Les jambes sont deux morceaux de bois de dix pouces d'équarrissage vers les boîtes, finissant à six ou sept au pié & à la tête; un bout porte dans le mortier, l'autre dans l'encoche du drosme: celle qui est proche de l'arbre s'appelle la jambe sur l'arbre , l'autre, la jambe sur la main . Sous le drosme, chaque jambe est percée d'une ouverture quarrée de trois pouces sur huit, lesquelles se répondent, pour passer un morceau de bois qu'on nomme la clè tirante , de l'échantillon de la mortaise sur six pouces de hauteur, laissant une tête à un bout. On passe la clé par la mortaise de la jambe sur larbre, à laquelle elle est arrêtée par la tête, traversant celle sur la main: dans ce qui déborde, on fait de côté une mortaise, dans laquelle chassant des clés & des coins, elle rapproche les jambes l'une contre l'autre, les serrant contre le drosme. Pour empêcher la clé de vaciller, entre elle & le drosme on pose un morceau de bois qui embrasse la clé par une encoche; & en chassant des coins sous la clé par les mortaises des jambes, ce morceau de bois appellé tabarin , se serre contre le drosme, & tient la clé ferme. Les jambes en-dedans & vis-à-vis l'une de l'autre, à huit pouces de hauteur depuis le dessus des mortiers, sont emmortaisées d'une ouverture de cinq pouces de largeur, quinze de hauteur, & quatre de profondeur pour recevoir les boîtes. Les jambes sont bien serrées dessus & dessous les boîtes, & les côtés de la mortaise garnis de lames de fer. Une boîte est un morceau de fonte ou de fer, long de neuf à dix pouces, large & épais de quatre, qui se place dans les mortaises, & y est arrêté par des coins dans le point convenable: on en change la position de haut & bas, devant & arriere, suivant la portée de la mortaise. Dans les boîtes de fer, on fait plusieurs excavations rondes d'un pouce de diametre, sous six ou sept lignes de profondeur, pour recevoir les bouts de la hurasse. Un morceau d'acier trempé & froid sur lequel on frappe quand la boîte est rouge, fait promptement ces excavations; dans les boîtes de fonte, on les ménage en les moulant. Les jambes sont affermies à la tête dans les encoches du drosme; sous le drosme, par la clé tirante; au pié, par les mortiers. Le ressort est une piece de bois de hêtre, ou autre souple & ferme, d'environ neuf pouces d'équarrissage, de la longueur convenable, pour du fond de la mortaise qui lui est destinée dans la grande attache, en passant par le court-carreau, aboutir proche le marteau. On distingue dans le ressort la tête & la queue: la tête est le bout proche le marteau, plus gros que le reste, évuidé à la distance d'un pié jusqu'à son entrée au court-carreau: la queue est la partie qui porte sur le culart, & s'insinue dans la mortaise de la grande attache où elle est serrée: le ressort est encore serré dans le court-carreau par la clé qui est dessous. Il faut, pour qu'un ressort joue bien, qu'il ne soit ni trop rude ni trop foible, suivant la force de l'attelier; que depuis le court-carreau, il soit choisi & taillé de façon à tourner la tête du côté de l'arbre sans toucher la jambe: la position de l'enclume le veut ainsi, pour que les bandes de fer ne donnent pas dans les bras de l'arbre. L'enclume est un bloc de fonte quarré par le bas, de seize à dix sept pouces de diametre, sur la hauteur d'environ vingt-quatre; & depuis ces vingt-quatre pouces venant insensiblement de deux côtés en diminuant se terminer à quatre pouces d'épaisseur sur la hauteur de seize; ce qui fait une hauteur totale de trois piés quatre pouces, & peut peser environ deux mille cinq cents: le bas de l'enclume s'appelle le bloc; & le dessus où on bat le fer s'appelle l' aire: l'aire d'une enclume se taille au ciseau, au marteau à chapeler, & se polit avec la pierre de meule & le grais. Il y a des fontes qui souffrent la lime. Il faut que l'aire de l'enclume soit bien dressée, inclinée du côté du court-carreau: il faut aussi que le dessus de l'enclume soit plus tourné vers l'arbre que la partie qui regarde les jambes; de façon qu'une bande de fer, en suivant l'aire de l'enclume, puisse passer entre le court-carreau & la jambe sur la main: cette direction empêche que les barres de fer qu'on pare ne donnent dans les bras de l'arbre. L'enclume ainsi disposée dans la chambre du stoc, de la profondeur d'un pié, se serre avec des morceaux de bois de chêne posés debout, & farcis de coins chassés à force. On ménage dans un coin la place d'un morceau de bois qu'on place du sens contraire, qui s'appelle la clé; c'est ce qui s'enleve d'abord, quand il faut débloquer une enclume. Le marteau doit se poser bien à-plomb sur l'enclume, & son aire doit avoir les mêmes dimensions; cette partie comprend le manche, la hurasse, la brée, & le marteau. Le manche est une piece de bois de hêtre ou charme, de neuf jusqu'à douze pouces d'équarissage; les arrêtes abattues tenant depuis le derriere des boîtes jusqu'au-devant de l'enclume. La partie qui répond à l'aire de l'enclume est taillée à entrer dans l'oeil du marteau, & s'appelle l' emmanchure; la queue est la partie qui répond aux boîtes, & qui est garnie de la hurasse. La hurasse est un anneau d'un pouce & demi d'épaisseur sur cinq à six pouces de largeur, de fer ou de fonte, propre à recevoir la queue du manche. La hurasse est terminée du côté de la jambe sur l'arbre, par un bouton de trois pouces de longueur, qu'on place dans l'excavation de la boîte, & qui s'appelle le court-bouton: l'autre côté est alongé d'environ vingt pouces, & aboutit à l'excavation de la jambe sur la main; cette partie s'appelle la grande branche . La queue du manche est bien serree dans la hurasse par des coins de fer chassés dans le bois pour le renfler. La brée est un morceau de fer battu, embrassant le manche du marteau vis-à-vis les bouts de l'arbre, s'élargissant à la partie exposée au frotement des sabots qui levent le manche. C'est pour le garantir de ce frotement qu'on se sert de brée. Des bouts de la-brée, l'un finit en anneau, & l'autre en pointe, elle se pose à chaud: quand la pointe est entrée dans la boucle, on la courbe pour l'arrêter, & on refroidit. Le marteau est de fer ou de fonte, de deux piés & demi de hauteur, sur un pié de largeur jusqu au-dessous de l'oeil, & plus ou moins d'epaisseur, suivant le poids qu'on veut lui donner, & la longueur de l'aire de l'enclume. Depuis l'oeil le bloc s'épaissit, ensuite diminue, pour être réduit aux mêmes dimensions que l'aire de l'enclume. Un marteau pese depuis six cents jusqu'à un millier. L'oeil a cinq ou six pouces de largeur, sur quinze à dix-huit de hauteur. La tête doit avoir une epaisseur proportionnée, environ deux pouces. L'oeil est pour recevoir l'emmanchure du manche, garni de sa hurasse, placée dans les boîtes. Le manche est arrêté au marteau par une clé & coins de bois, chassés à force sous l'emmanchure. Par la disposition des pieces, il est aisé de mettre le marteau bien sur l'enclume. La jambe sur l'arbre ne se remue du pié que le moins qu'il est possible; le bout du court-bouton est comme le centre des mouvemens. La jambe sur la main avance, recule aisément dans le mortier, & l'encoche; & conséquemment avance ou recule la grande branche & le marteau. La boîte se leve ou baisse suivant le besoin. Quand on est parvenu à bien placer le marteau, on serre toutes les pieces. Le ressort ne s'arrête que quand le marteau est fixé. Le manche doit le frapper entre le marteau & la brée; la distance du manche au ressort est environ de seize à dix-huit pouces. L'on donne le mouvement au marteau par le moyen d'une roue placée dans un coursier, proche l'empalement du travail, si c'est une roue à aubes, ou sous la huche, si c'est une roue à seaux. Les bouts de la roue traversent, & font mouvoir un cylindre de bois, qu'on appelle l' arbre du marteau . L'arbre du marteau doit être de la longueur convenable à l'espace, qui est depuis l'enclume jusqu'au de là du coursier; il s'arrondit pour être plus propre au mouvement circulaire, & doit porter trente pouces au-moins de diametre au gros bout vers l'enclume, finissant à vingt quatre. A chaque bout on ménage une ouverture pour placer les tourillons. Un tourillon est une piece de fonte, dans laquelle on distingue la meche & les ailes. La meche est la partie arrondie qui tourne sur l'empoise; & les ailes la partie large & applatie, qui entre & est serrée dans les bouts de l'arbre. La meche doit-être précisément au milieu; plus sont diametre est perit, plus l'arbre tourne aisément. La meche peut être solide, étant de trois pouces de diametre, sans la faire de sept ou huit. Les ailes doivent être larges pour être mieux serrées, sans être trop profondes, parce que cela éloigneroit les bras du bout de l'arbre; dix pouces suffisent. L'empoise est un morceau de fonte plat, creusé par le dessus pour recevoir la meche. L'empoise du tourillon de la roue peut avoir six pouces de hauteur, douze de longueur, trois d'épaisseur. Pour la reculer ou avancer, suivant le besoin, on la pose dans une entaille d'un chevalet de bois, beaucoup plus longue que l'empoise; on l'arrête avec clé & coins par les bouts. Celle du tourillon des bras est beaucoup plus haute, & a son pié de la largeur du diametre de l'arbre. En la coulant, on a ménagé deux trous dont on se sert pour la mouvoir, à l'aide de deux ringards; elle porte sur une enclume qui sert de chevalet. Le chevalet doit être plus bas que l'aire de l'enclume au stoc, pour ne pas gêner le forgeage du fer. L'arbre vis-à-vis le coursier ou sous la huche, est percé pour recevoir les bras de la roue; il est aussi percé à dix pouces de bord de l'autre extrémité pour recevoir les bras. Les bras sont deux morceaux de bois de hêtre ou chêne, encochés en croix par le milieu & à mi-bois, de neuf pouces d'équarrissage, traversant l'arbre dans lequel ils sont serrés avec clé & coins. Chaque extrémité des bras déborde l'arbre de douze pouces, réduits par-derriere à six pour l'échappement du manche. L'arbre étant proche le manche & les bras sous la brée, il ne peut tourner que les bras ne fassent lever le manche: quand le bras est passé, le manche tombe par le poids du marteau; le second bras le releve, & ainsi de suite: la violence du mouvement s'exerce aux boutons de la hurasse contre les jambes. Le marteau leve & baisse quatre fois à chaque tour d'arbre; & sur un bon courant, l'arbre peut faire vingt-cinq tours par minute. Cette vîtesse jetteroit le marteau bien haut, s'il n'êtoit arrêté & renvoyé par le ressort, ce qui augmente la force des coups de marteau, & les distribue également. On donne par le moyen de la palle, l'eau qu'on juge à propos; pour la lever où baisser on a un levier qui lui est attaché, un point d'appui, & une petite perche pendante à l'autre extrémité du levier proche le marteau. Comme on ne peut renouveller les bras que le frotement use sans y employer bien du tems & fatiguer l'arbre, on les garnit par-dessus d'un morceau de bois de hêtre de la même forme que le bras, bien taillé pour poser sur l'arbre auquel on laisse des bosses pour cette raison. Ce morceau de bois s'appelle sabot; il est arrêté intérieurement contre le bras par des boulons de fer, & serré par le bas d'un sort lien de fer qui enveloppe le sabot & le bras: quand les sabots sont usés, on leve les liens & on y en substitue d'autres; c'est l'affaire de deux ou trois heures. L'arbre est relié en fer depuis le tourillon des bras jusqu'aux sabots, huit ou dix liens derriere les sabots, autant derriere les bras de la roue, sur le tourillon en plein. L'arbre doit aller en diminuant, afin qu'en enfilant les liens par le plus petit diametre on puisse les serrer en les chassant à force. Il n'est pas toûjours possible de trouver des pieces pour faire un arbre d'une seule; alors on peut en employer quatre ou neuf. L'attention qu'il faut avoir en pareil cas, est d'employer du bois sec, bien dressé & venu dans le même terrein, pour qu'un côté ne soit pas sensiblement plus lourd qu'un autre. Un arbre plus pesant d'un côté, soit par la qualité du bois, soit par la fausse position des tourillons, ou faute d'être bien dressé, est un arbre qui périt nécessairement en peu de tems par l'inégalité du travail. Quand un arbre est de plusieurs pieces, il faut multiplier les liens de fer. Plusieurs choses diminuent l'effort des bras pour lever le marteau; la petitesse des tourillons, la moindre longueur des bras & du manche, la proximité des bras de la tête du marteau, le moindre diametre des boutons de la hurasse, un peu d'inclinaison de l'arbre du côté de la roue; il vaut mieux que ce tourillon soit plus chargé que l'autre: le frotement échauffant prodigieusement les tourillons, les boîtes, la hurasse, on a soin de ramasser dans de petites chanlates l'eau que la roue jette très-haut, pour en conduire partout. Les bras sont rafraîchis & alaisés par l'eau qu'ils rencontrent en-dessous. Pour ne point retarder le travail, il faut qu'une forge soit munie de clés, de coins, de sabots, de bras, de manches, de plusieurs boîtes, hurasses, marteaux, enclumes, &c. Les hurasses se font de fonte ou de fer: de fonte, elles se moulent en sable: de fer, elles se fabriquent dans les forges , ajoûtant, ainsi que pour la fabrication des marteaux, plusieurs mises de fer sur un bloc préparé sous le gros marteau. Pour fabriquer les marteaux, il faut deux foyers, un pour chauffer le bloc, l'autre pour chauffer les mises; il faut être muni d'un nombre de bons bras armés de masses pesantes, pour souder à grands coups & promptement les mises au bloc. Tout dépend d'un degré de chaleur convenable. On en fait de même quand il y a une réparation à faire. La soudure n'est autre chose que la compression vive & prompte d'un morceau de fer bien chaud, sur un autre morceau de fer bien chaud. L'ouvrage se polit par le ciseau, dont les traces s'effacent par des coups de marteau polis, ou par la lime. On n'a qu'à consulter nos Planches & leur explication , pour prendre des notions justes de toutes les pieces qu'on vient de détailler, de leur position, de leur figure, de leur usage, &c. Dans les renardieres, le travail du fer se fait en avançant la gueuse dans l'ouvrage contre le contrevent, la couvrant de charbons & faisant marcher les soufflets; bien-tôt cette partie de la gueuse qui est au-dessus du vent, se met en dissolution & tombe par morceaux, quelquefois assez gros, dans l'ouvrage. L'office du goujat est d'entretenir le charbon, de le bien retrousser sur le foyer, & de l'arroser souvent d'eau pour concentrer la chaleur. Celui du chauffeur est, à mesure que la gueuse se dissout, d'éloigner les parties de fontes du contrevent & de la thuyere, avec la pointe du ringard: quand il sent qu'il a assez de fontes, il pique avec le ringard sur le fond & les côtés, pour détacher & ramasser sa matiere en un volume; il acheve d'épurer le métal, & de joindre une partie à l'autre en y insinuant de toutes parts le fourgon. Le vuide du fourgon fait entrée à la chaleur, & sortie aux corps étrangers en fusion. Toute cette opération se fait sous le vent. Par les parties que rapportent les ringards & fourgons, l'ouvrier connoît l'abondance, ou la rareté, ou la qualité des scories dites laictiers; il n'en faut qu'une certaine quantité, le chio débarrasse l'excédent, un coup de ringard en débouche l'ouverture. La tenacité des scories se corrige en jettant dans le foyer des scories, & la trop grande fluidité en y jettant de l'arbue: cette pâte, ainsi travaillée dans le creuset, s'appelle renard . Il faut qu'un renard soit bien ramassé & pétri. De-là il est clair que c'est l'application du phlogistique, & le travail des ringards & des fourgons, qui changent la fonte en fer. Ce travail ne consistant qu'à donner lieu à la sortie des scories, & à joindre & broyer les parties: le changement ne s'opere donc que par une espece de trituration & séparation faite sous le vent. S'il étoit possible de joindre à une espece de fer des corps qui en changeassent la qualité, ce feroit-là sûrement le tems. Quand le renard est travaillé, le goujat jette dessus une pelletée de battitures de fer mouillées, qui se ramassent autour de l'enclume. Ce rafraîchissement durcit le dessus du renard, & concentre la chaleur. Pour le tirer du foyer, un chauffeur le soûleve avec un ringard, du côté de la thuyere, & l'autre du côté du contrevent. Quand il a fait un demi-tour, on le tire avec le crochet, & le roule sur une plaque de fonte mise à fleur de terre, qu'on appelle refouloir . Quand le renard tombe de la grande taque, il est à craindre qu'il n'y ait de l'eau. L'eau comprimée par la chûte & raréfiée par la chaleur, jette le renard en éclats au risque des ouvriers. On obvie à cet inconvénient, en le laissant couler doucement à l'aide d'un ringard. Le renard sur le refouloir est battu à coups de masse pour l'affermir, & faire la place de la tenaille à cingler. Cingler est porter le renard sous le gros marteau: cette opération demande de l'adresse & de la promptitude, & le réduit en un quarré long d'environ quatre pouces d'épaisseur, ayant soin de faire battre les angles. Le renard change de nom, & s'appelle alors la piece . Pendant qu'un chauffeur cingle son renard, l'autre a fait avancer la gueuse pour en obtenir un autre. La piece se porte sur la grande taque; le second chauffeur la serre dans les tenailles à chauffer, & la fourre dans le foyer. Quand elle est chaude au fondant, elle est reprise par des tenailles à coquille, portée au marteau, auquel on fait battre le milieu pour la réduire dans les dimensions qu'on donnera au reste; c'est alors une encrenée. Chaussée du bout opposé à la tenaille, & battue comme l'encrenée, elle devient maquette, qu'on refroidit dans le basche pour faire chauffer la tête, qui acheve de se forger à une, deux, trois chaudes, pour enfin prendre le nom de bande ou barreau . Dans un feu bien servi, quatre ouvriers peuvent faire douze à quinze cents de fer en vingt-quatre heures. Un seul marteau peut desservir deux renardieres. Le sond, dans les affineries, de la premiere espece est éloigné de la thuyere de neuf à dix pouces. On ne se sert point de contrevent de dessus: quand il est question d'y faire du feu, on avance la gueuse, on garnit le fond de fasins; & quand la gueuse est en dissolution, on ramasse & presse la matiere, en tirant le ringard appuyé aux angles de l'aire. Le travail se fait à plus de quatre pouces de hauteur du fond. Les scories coulent sur le fond; & à mesure que les fasins se consomment, elles en occupent la place; ce qui en refroidissant s'appelle sorne , sur laquelle le travail se fait. Quand il y a trop de laictiers, on leve des morceaux de la sorne dans les coins pour leur faire place. Dans les renardieres il y a aussi des scories en fusion qui forment une sorne, quand on arrête le vent & qu'on met hors, quand on recommence le travail. La matiere pétrie & ramassée sur la sorne, s'appelle loupe , qu'on tire, refoule, cingle comme les renards, & porté à la chaufferie pour être chauffées & battues. Les affineurs n'ont d'autre occupation que de faire des loupes & les cingler. Pour servir une chaufferie, il faut au moins deux affineries: quand on n'en a qu'une, on fait aller la chaufferie en affinerie, & on amasse un nombre suffisant de pieces pour monter une chaufferie. Pour voir l'avantage des renardieres ou affineries, il n'y a qu'à en considérer les opérations; l'une & l'autre en travail dépense autant de charbon. Dans la renardiere, tout l'ouvrage se fait dans un même foyer; dans une affinerie, on ne fait que des pieces; il faut un second foyer pour les achever, d'autant dispendieux, qu'il faut réchauffer tout ce qui ne vient pas de dessous le marteau. Il est vrai que les pieces sont plûtôt faites aux affineries qu'aux renardieres, parce que le foyer & l'ouvrier n'ont qu'une occupation: mais dans une manufacture y at-il à balancer entre l'abondance & l'épargne? Vous aurez un quart d'ouvrage de plus (c'est porter la chose trop loin), & sur le total vous dépenserez un quart de charbon de plus. Entrant dans l'intérieur des deux foyers, la sorne ne fait-elle pas vraiment l'office du fond? A l'élévation de la sorne, pourquoi ne pas substituer un fond? la sorne n'absorbe-t-elle pas elle-même beaucoup de parties de fer? Passez au bocard les scories des renardieres & les sornes des affineries, pour en être convaincu. Le fer, dit-on, s'engraisse, s'adoucit dans les laictiers: cela est vrai quand le fer en a manqué; mais dans tous les cas y en ayant toûjours en fusion sur le fond des renardieres, le fer est plus à portée de s'en abreuver que sur la sorne des affineries: l'expérience ne nous dit-elle pas que le fer des renardieres, à fontes égales, est le meilleur? Les affineries ont été en vigueur tant que dans certains cantons on n'a point connu les renardieres, dans des tems où les bois étoient en abondance, & consequemment de peu de valeur. Qu'importoit la dépense d'un quart de plus de charbon, pour avoir plus d'ouvrage? La coûtume pour des gens qui en respectent jusqu'aux abus, la prévention, le manque de fermeté, sont aujourd'hui le soûtien des affineries. D'honnêtes manufacturiers de dessus la Marne m'ont dit qu'ils n'avoient pû déterminer les ouvriers à les quitter, qu'il y auroit même du danger à les vouloir forcer. Le travail, dans les affineries de la seconde espece, se fait comme dans les renardieres, sur le fond à cinq pouces, sous la thuyere. La multiplicité des pieces ou la qualité des fontes oblige dans les renardieres à mettre le fond à six & quelquefois à sept sous la thuyere, ayant chio pour vuider les laictiers, contre-vent pour conserver les charbons, &c. le bien qui résulte de cette façon de travailler, c'est de faire plus d'ouvrage; & que le fer porté à la chaufferie soit moins exposé à brûler que dans les renardieres, le forgeage étant la seule occupation des chauffeurs. On peut donc travailler utilement dans les renardieres & affineries de la seconde espece, avec chaufferie. Pour les affineries de la premiere espece, il faut les abandonner. Bien des gens voudroient trouver ici le moyen de faire des fers doux ou cassans avec les mêmes fontes, par le seul moyen des foyers. Je le répete encore, les qualités essentielles du fer viennent de l'espece de la mine; les qualités relatives viennent du travail, qui peut purifier, rectifier, diminuer, ajouter, altérer, mais ne peuvent jamais changer la nature. Ne pouvant parler qu'en général d'une matiere si diversifiée, possédant la position des soufflets, de la thuyere, la distribution du vent entre la gueuse & le travail, son égalité dans tout l'ouvrage, est-il si difficile de faire, suivant le besoin, des mutations dans le foyer? Eloigner, rapprocher, aggrandir, retrécir, &c. sont des choses auxquelles un maître devroit présider, & avec lesquelles il trouveroit aisément le degré convenable à ses matériaux. Un maître devroit dire aux ouvriers les raisons de leur travail; par exemple, que les coups de ringard des côtés sont pour ramasser la fonte en dissolution sur le fond, pour la soûlever à un certain degré, pour la serrer & pétrir; que trop soûlevée, elle se remet en dissolution comme la fonte; que le charbon bien ramassé & arrosé, concentre la chaleur; que le plus grand degré de chaleur est au milieu de l'ouvrage sur le vent, &c. Il y a des fontes cuivreuses dont le fer, à cause de ce mauvais alliage, est d'un très-mauvais usage. On le corrige par la macération. La macération est la dissolution & fusion de la fonte dans un foyer, qu'on lâche sans travail par le trou du chio qui est contre le fond; de-là elle est portée dans un second foyer pour y être travaillée en fer. Cette opération brûle les parties cuivreuses qui résistent moins à un grand degré de chaleur, sur-tout quand il est multiplié. On se sert encore de la macération pour les gros blocs de fontes, comme les enclumes, quand on veut les réduire en fer. Les parties fondues se mettent dans les renardieres, à côté de la gueuse, proche le contrevent, & se mêlent & travaillent avec les parties de la gueuse en dissolution. On employe de même les vieilles ferrailles, abandonnant celles où on a employé du cuivre; les morceaux de fontes ou fers tirés des scories par les boccards; la vieille poterie, &c. Forger le fer est quand il est chaud le porter entre l'enclume & le marteau dans leur sens étroit; le remuer & tourner à-propos pour le souder; ramasser, alonger & le mettre à-peu-près de l'échantillon qu'on veut donner à la barre. Le parer est placer ce même fer ainsi battu, sur la longueur des aires de l'enclume & du marteau, en commençant par l'extrémité; ce qui abat les inégalités & les empreintes du marteau. En retour on acheve de le polir, en y jettant de l'eau. Les fers doivent être bien travaillés, également battus, sans pailles; ce qui dépend du degré de chaleur, de la justesse du marteau & de l'enclume, & de l'adresse des ouvriers. Quand il reste quelques pailles, le goujat les coupe avec l'acherot, & le marteau en efface les marques. Le fer en forgeant se couvre d'une espece de peau, provenant des matieres que le coup du marteau en fait sortir. L'eau jettée sur le fer quand on le pare, fait sauter avec éclat cette sueur & les petites pailles. Quand dans une piece il se trouve quelque corps étranger d'enfermé, le fer se crevasse & ne soudra jamais: alors si vous prévoyez qu'une chaude donnée à cet endroit ne puisse fondre ce corps; quand la barre d'ailleurs sera finie, vous la coupez à cet endroit & chauffez les deux bouts, les rengraissant d'un peu de fer dans le foyer, les appliquant l'un sur l'autre sous le marteau; la soudure est faite au premier coup; vous achevez de battre & parer. Il ne faut faire cette opération que quand le fer du foyer est travaillé. On en fait de même pour ajoûter du fer nouveau à un ringard, &c. Les fers se distinguent en fers fins, channins, & cassans. Les especes intermédiaires sont appellées fers bâtards . Les fers se fabriquent en marchands, de fanderie, de batterie; les marchands sont en lames, en barreaux. Les lames sont depuis 14 à 15 lignes de largeur, jusqu'à 40 & 45; de 15 à 20 lignes s'appellent petits fers; de 20 à 30, fers larges; de 30 & au-delà, petits & grands larges . Les barreaux ordinaires sont depuis 9 lignes jusqu'à 12. On en peut faire jusqu'à 4 pouces d'épaisseur; mais passé deux pouces, c'est un prix différent du courant. On fait aussi des demi-barreaux, qu'on appelle mi-plats . Les barreaux au-dessous de neuf lignes, & les barres au-dessous de 15, se battent au martinet, dont on donnera un petit détail à la fin de cet article. Les fers de fenderie se fabriquent de 25 à 30 lignes de largeur, sur 6 à 9 lignes d'épaisseur, & se transportent aussi dans les fenderies. Ceux des batteries se divisent en barres & souchons; les barres sont d'un pouce sur un & demi; les souchons d'un pouce & demi sur quatre. Le déchet ordinaire de la fonte réduite en fer, est au moins d'un tiers, quinze cents de fonte pour un mille de fer. Le poids diminuant au prorata du nombre des chaudes & des coups de marteau, il n'est pas étonnant que la diminution soit plus grande dans les fers marchands, que dans les autres. Une piece pour être mise en barre de fer marchand, se bat à quatre ou cinq chaudes, en fenderie & batterie à trois chaudes, en souchons à deux; ainsi quelquefois il faudra plus de 1500 de fonte au fer marchand, & moins aux autres especes. Le poids de forge est de quarante livres par mille. Les fers fins que fournissent plus abondamment le Berri & la Comté, sont spécialement destinés pour la marine & les armes; les fers approchant du fin, se fondent pour les clous des chevaux; les cassans, pour les clous à ardoise. Les fers fins composés de beaucoup de nerfs longs, forts & déliés, se battent & polissent bien; ceux qui s'en éloignent, ayant les nerfs plus gros & moins longs, sont sujets à être pailleux; les cassans ne sont point sujets aux pailles, étant composés de molécules qui se prêtent & s'arrangent suivant les coups de marteau. Le grand débit des fers se fait à Paris & à Lyon, d'où ils se distribuent aux autres provinces. Lyon fournit les manufactures de Saint Etienne & la foire de Beaucaire. La France étant fournie de manufactures de fer bien au-delà de sa consommation, & comme il est vrai d'ailleurs que la multiplicité des forges est une des causes de la diminution des bois de chauffage & d'autres services; cette diminution étant la cause de leur cherté, & relativement de celle du fer, ne seroit-ce pas rendre service au public de faire détruire les usines qui n'ont point d'affoüages par elles-mêmes, puisque c'est un moyen d'épargner les bois, de le vendre à un moindre prix, & conséquemment le fer? Quelques propriétaires de forges pourroient perdre à cet arrangement. Ceux qui pensent bien, sacrifieroient volontiers une petite partie de leur revenit en faveur du public: il ne faut guere s'inquieter de ceux qui pensent mal. Des martinets . Les martinets sont composés d'un foyer & d'un ou plusieurs marteaux mis en mouvement par l'eau. Le foyer d'un martinet est élevé pour l'aisance de l'ouvrier; l'aire est de terre battue comme un foyer d'une forge de maréchal; le devant garni d'une grande taque, sous laquelle on place en pente un chio, dont le trou est à fleur du foyer; la thuyere est aussi à fleur du foyer. Il n'y a qu'un soufflet double de cuir ou de bois, pour communiquer le vent; le soufflet est mis en mouvement par ses cammes ou une manivelle, répondant de l'arbre au soufflet par des leviers multipliés, ce qui fait lever le soufflet; il est rabaissé par un contre-poids. Devant le foyer il y a un chevalet de bois pour soûtenir le bout des bandes. Le marteau pese depuis 50 jusqu'à 150 livres. La hurasse est au tiers du manche. Les branches de la hurasse sont d'égale longueur. Les boîtes sont dans de fortes jumelles de bois, arrêtées en-dessous dans un fort chassis & au-dessus, par une traverse. L'ouverture pour placer les boîtes est à jour, & elles se montent, baissent, reculent, ou avancent par des coins qu'on chasse en-dehors. L'arbre du martinet doit être le plus gros qu'il est possible, pour y loger beaucoup de cammes, qui doivent répondre à la queue du manche. Quand une camme vient à appuyer sur sa queue, le marteau leve; pour qu'il soit leve & rabaissé également, sous la queue on place une taque de fonte à assez de distance pour laisser échapper la camme. Cette taque renvoye le manche; il est rabaissé par une autre camme, &c. L'arbre peut porter de douze jusqu'a vingt cammes, & conséquemment dans un tour, le marteau frappera de douze jusqu'à vingt coups. Un même arbre peut faire marcher plusieurs martinets. Le marteau est de fer; l'enclume est aussi un morceau de fer enchâssé dans un bloc de fonte servant de stoc, dans lequel elle est serrée par des coins. L'enclume & le marteau se dressent à la lime. L'objet du martinet est d'étirer le fer de forges , & de le réduire en plus petits volumes, bien dresse & poli pour différens ouvrages de serrurerie. Pour servir un martinet, il faut deux ou quatre ouvriers; ordinairement ils ne sont que deux, le martineur & le chauffeur. On coupe le fer de forge de deux à trois piés de longueur; on en met dix, douze morceaux à la-fois au feu: on commence par faire chauffer le milieu. Le martineur est assis proche le marteau sur un banc, tenant d'un bout dans un crochet de fer où il est mobile, & suspendu de l'autre par une chaine, a in de pouvoir avancer & reculer sans se déplacer. Le chauffeur porte une piece quand elle est chaude; le martineur la fait battre sur le travers de l'enclume & du marteau, pour l'étirer. Il ne se leve que pour parer, & arrose lui-même le fer en tournant un petit robinet répondant au-dessus du marteau. Quand la premiere est battue d'une étendue convenable à la chaude, le chauffeur en apporte une seconde, & successivement, jusqu'à ce qu'ils en ayent ce qu'ils peuvent forger en un jour; puis on recommence à chauffer une autre partie de la barre, & ainsi jusqu'à ce qu'elles soient finies. Le marteau n'arrête que pour les repas & le soir, qu'on employe à botteler la journée. Les bottes sont de cinquante livres poids de marc. Les fers se battent en barreaux de cinq, six, à sept lignes; en mi-plats, en ronds, en bandes de deux à trois lignes d'epaisseur, pour cercles de foudre, &c. On y bat & arrondit du fer pour les fileries; dans ce cas le martineur ne le pare jamais, mais se contente de l'étirer sur le travers, crainte de déranger le fil des nerfs. Deux ouvriers peuvent forger cinq cents de fer par jour. On voit dans nos Planches un martinet: m n le soufflet: k un morceau de fer tenant au soufflet, & répondant au levier g h , qui répond par les leviers n c aux cammes de l'arbre, pour donner le mouvement au soufflet: S est un ouvrier qui a débouché le chio. Figure 3 . autre ouvrier qui acheve de nettoyer son foyer: I le bout de la thuyere. La figure 1 . est le martineur, avec sa bande sous le marteau: a l'enclume: n le marteau, &c. La vûe seule indique toutes les autres pieces. Art. XI. Les fenderies . Le but des fenderies est de diviser une lame en plusieurs baguettes, suivant l'échantillon qu'on juge à-propos. Pour faire cette division avec exactitude, il faut que les barres de fer soient de la même épaisseur; ce qui se sait dans des cylindres. Voyez nos Planches . AB est une barre de fer qu'on applatit dans les cylindres, espatards ou applatissoirs CD , qu'on passe ensuite dans les taillans ou ciseaux, représentés ailleurs de différens échantillons. Il ne seroit pas possible d'applatir & fendre une barre de fer, si elle n'étoit adoucie au feu; ce qui donne lieu à une espece de construction de fours, pour les chauffer en grand nombre & à peu de frais. Pour profiter de la chaleur donnée au fer, qui, quoique adouci, occasionne un violent travail aux applatissoires & aux taillans, on employe la puissance de l'eau d'une chûte, ou de rouets, ou lanternes, pour avoir un grand mouvement. Un coup-d'oeil fait voir que tout dépend de la solidité & de l'exactitude des pieces d'une fenderie. On les fait simples ou doubles; les simples sont celles dans lesquelles, comme on voit d'abord. On ne monte que les espatards pour applatir une quantité de fer; ensuite on démonte les espatards, & on substitue les taillans: cette espece a le desavantage qu'il faut chauffer deux fois le fer; mais il faut moins d'eau, & on peut en espérer plus d'exactitude. Pour faire les deux ouvrages à-la-fois, on établit l'équipage des applatissoirs, & dans la meche MO du cylindre du dessus, à la partie O , & en continuant la meche du cylindre du bas, on ajuste l'équipage des taillans de façon que le travail se fait sur la même ligne & par le même mouvement. La barre au sortir du four est présentée aux applatissoirs CD , reçûe en B par un ouvrier qui la tire avec des tenailles pour l'entretenir, & la passe par-dessus l'équipage à un ouvrier qui la présente aux taillans: toute cette opération va assez vîte pour n'être point obligé de chauffer le fer deux fois: mais l'inconvénient de ces fenderies est, qu'étant obligé de serrer & desserrer souvent les tourillons des cylindres, il n'est pas possible que cela n'influe sur les taillans, puisque le mou vement est commun: cette espece de fenderie est très commune. La troisieme espece est celle que vous voyez, où les espatards sont devant & les taillans derriere, le tout dans un mouvement uniforme, par la distribution des rouets & lanternes: figure 1 . un ouvrier qui tire le fer du four; 2. & 3. ouvriers qui le presentent aux espatards, & le presentent aux taillans 5. & 6. qui reçoivent la verge au sortir des taillans. Pour donner une idée claire des fenderies, nous dirons qu'il faut une assez grande quantité d'eau, pour donner le mouvement aux applatissoirs & taillans de dessus, & à ceux du dessous en sens contraire, afin qu'ils mordent & attirent ce qu'on leur presente, & assez de vitesse pour qu'une barre soit tirée du four, passe sous les espatards, & soit fendue dans les taillans en une minute. Il faut que l'intérieur des bâtimens soit spatieux pour loger les deux équipages l'un derriere l'autre & sur la même ligne; le four à la tête, avec un espace au moins de quinze piés pour manier les bandes de fer; derriere l'équipage, dequoi les tirer, placer la verge; les bancs pour l'embottelage, les romaines; la petite boutique pour la construction des outils, & le magasin. Comme il faut que les deux roues de chaque côté qui reçoivent l'eau du même réservoir, tournent en sens contraire, s'il y a assez de hauteur, l'eau prendra l'une par-dessus & l'autre par-dessous; sinon, à un côté on ajoûtera un roüet & une lanterne. Les roues traverseront un cylindre de bois, qu'on appelle arbre de fenderie , avec tourillons ordinaires de fonte ou de fer, du côté du coursier; & dans l'intérieur, au lieu de tourillon, un morceau de fer quarré F , de trois pouces & demi de diametre, faisant crosse dans l'interieur du bout de l'arbre E où il est serre, arrondi contre l'arbre pour porter sur une empoisse, & du reste équarri pour recevoir une boue: ce morceau de fer s'appelle la meche F . Une boîte G ou N , est un morceau de fer ou de fonte d'environ neuf pouces de longueur sur sept pouces de diametre ou équarrissage, dans le milieu duquel il y a une ouverture quarrée propre à recevoir le bout de la meche F , d'environ quatre pouces de longueur: le reste de l'intérieur de la boite est pour recevoir le bout quarré de l'espatard H , ou le bout quarré de la meche qui a traverse les taillans. L'espatard RQST est simple; le double consiste en ce que contre la partie R il faut ajoûter encore une partie quarrée comme T , pour recevoir une boîte à chaque extrémité. Un espatard est un morceau de fonte moulé composé de cinq parties, la bosse Q de sept pouces de diametre; les deux parties arrondies RS , servant de tourillon, de cinq a six pouces de diametre; & la partie quarrée T avec sa correspondante supposée pour le tourillon double. L'arbre & l'espatard du bas portent, sur une empoise mise sous la meche vers l'arbre, & sur les empoises retenues dans les côtés des chassis AA, BB , & l'arbre & l'espatard du dessus portent sur une empoise posée sur un chevalet supposé sous le tourillon O , & sont retenus par les empoises renversées & serrées dans les chassis AB . Quand c'est une fenderie double, il en est de même pour les taillans, dont la meche excedant le chassis, est cousue avec le quarré débordant de l'espatard, par une boite. Supposons, pour ne pas multiplier les figures, que le bout de l'arbre T fût une trousse de taillans. Dans une fenderie double, sur la même ligne, l'équipage des espatards & celui des taillans sont environ à six piés de distance l'un de l'autre pour l'aisance du travail. Leur solidité dépend de la plate-forme & des montans. La plate-forme est un morceau de bois de douze piés de longueur sur deux pies d'équarrissage, enclavé dans les encoches d'un fort chassis sur lequel il porte, de façon à pouvoir être reculé ou avancé par des coins qu'on chasse contre les parois des encoches. A trois piés du milieu de la plate-forme, partent quatre montans EE pour les espatards; autant de l'autre côté, pour les taillans. Tout ceci sera bien aisé à appliquer aux autres especes de fenderies. Ces montans sont des pieces de fer de trois pouces d'épaisseur réduites en-dedans sur un pouce en un demi-cercle de dix-huit lignes de diametre, pour recevoir les extrémités des empoises, qui excavées dans la même dimension, sont rendues inebranlables. Les montans traversent la plate-forme, & sont arrêtés en-dessous par des clés de fer. Le devant & derriere sont arrêtés en-dessus par les traverses aussi de fer GG . Les empoisessont des morceaux de fonte moulés en terre comme les espatards, ayant le milieu excavé en ceintre pour recevoir les tourillons VXY : les bouts des empoises XY sont aussi excavés pour entrer & être affermis dans le demi-cercle des montans. Quand on veut monter un espatard ou trousse de taillans, on commence par poser l'empoise d'en-bas sous les tourillons de l'espatard D , ensuite le second espatard C , & l'empoise renversée dessus; tout son effort se faisant en en-haut. Le dessus des côtés des montans est arrêté par de fortes traverses HH , au milieu desquelles il y a un écrou traversé d'une vis HK , portant sur le milieu de l'empoise I , pour la serrer ou la desserrer d'un coup de main, en maniant la partie coudée K; par ce moyen, on approche les espatards l'un de l'autre, tant qu'on juge à-propos pour l'espece de fer qu'on applatit: il en est de même pour les taillans, comme il est facile de voir par les figures; d'autres au lieu de vis pratiquent des mortaises dans les montans ( voyez les fig. ); & au moyen des clés AA , serrent & desserrent les espatards ou taillans. Les taillans sont composés de rondelles O de fer battu, bien aciérées & trempées, de même dimension & diametre, percées dans le milieu d'une ouverture quarrée & exacte, pour recevoir la meche que nous avons dit être de trois pouces & demi d'épaisseur: il y a les grandes rondelles O , & les petites N ; les grandes peuvent avoir dix à onze pouces de diametre, & les petites, deux pouces & demi de moins: les unes & les autres sont également percées de quatre trous de huit lignes de diametre, à un pouce des bords de l'ouverture quarrée. Quand on veut monter une trousse, ce qui est une quantité de taillans, on pose pour la trousse du bas une grande rondelle, puis une petite, autant que l'espace du travail le demande, en mettant toujours une de plus dessous que dessus: on fait de même pour celle de dessus; on fait traverser les trousses par quatre broches de fer qu'on insinue par les trous que vous voyez en O & N , & on les enfile dans les meches. Les taillans du dessus & du dessous doivent s'insinuer réciproquement & exactement, de la profondeur d'environ six lignes, dans les vuides que laissent le moindre diametre des petites rondelles; ainsi qu'on le voit à toutes les figures de nos Planches de Fenderies . Quand les taillans sont ainsi bien dirigés, on les serre & tient en respect par des morceaux de fer qu'on place entre eux & les côtés des montans. On met un taillant de plus dessous que dessus, parce que ceux des côtés du dessous entretiennent le reste: c'est de-là qu'on les fait plus sorts & qu'ils ont pris le nom de guides ou faux-taillans . Pour obvier à ce que le fer fendu ne suive le tour des taillans, dans chaque montant de derriere on pratique des mortaises, dans lesquelles mortaises sont arrêtées, à la distance de trois pouces l'une de l'autre, deux lames de fer qui affleurent le derriere des taillans. Sur ces lames, à chaque séparation de taillans, on pose un morceau de fer d'échantillon dont le bout qui est poussé contre la lame de fer, est taillé en Y , pour ne pouvoir reculer: l'autre bout déborde, en rasant, l'autre côté des taillans, pour laisser libre entrée au fer, qui est contraint de suivre la direction de ces dents, & de venir passer entre les lames: toute cette partie s'appelle le peigne . Le devant des taillans est garni d'un morceau de fer arrêté dans les montans, dans lequel on pratique une ouverture pour passer le bout de la barre, qu'on présente aux taillans pour l'empécher de se dévoyer; ce qui s'appelle le guide . Il y a aussi un guide pour les espatards. On trouvera dans nos Planches les différentes trousses de taillans représentées. Les baguettes de fer fendu s'appellent verge: la verge a differens noms, & se fend en plus ou moins de taillans. La cloutiere, sans compter les gardes, se fend à onze taillans de quatre lignes d'épaisseur; la soliere, à neuf taillans de cinq à six lignes; la moyenne, à sept taillans de six à sept lignes; le fanton, à cinq taillans de neuf à dix lignes; le petit feuillard, pour le fer applati, à trois taillans douze lignes; la vitriere, pour le fil-de-fer, à onze taillans trois lignes. On tient la grosse verge moins épaisse que large, pour faciliter la fente: on se sert aussi des espatards pour passer l'embattage des roues, qui se fait d'une seule piece. Le four doit avoir la gueule vis-à-vis & à la distance d'environ quinze piés des équipages: pour être chauffé en bois, il sera bati sur un massif de trois piés de hauteur, de huit pies de longueur dans oeuvre, deux piés de largeur, & dix-huit pouces de hauteur, sous voute; en-devant & au milieu, on laisse une ouverture qu'on appelle la gueule , de huit pouces de largeur, sur quinze à seize pouces de hauteur: la gueule se fait d'une seule piece de fonte, à cause du frottement du fer. A un des côtés dufour on fait une maçonnerie quarrée de six piés de hauteur, dont quatre piés sous l'aire du four, & deux piés au-dessus; le tout de deux piés dans oeuvre, à l'exception du dernier pie du dessus qui se termine en une ouverture quarrée d'un pié. Dans l'intérieur, à deux piés au-dessous de l'aire du four, on fait un grillage en fer pour soûtenir le bois qu on jette par le dessus; le dessous du grillage s'appelle le cendrier , & est ouvert par-devant. L'ouverture supérieure est garnie d'une plaque de fonte, pour en préserver les bords; elle se bouche d'un morceau de fer battu, pour ne pas laisser évaporer la flamme: cette partie, jusqu'au grillage, s'appelle la toquerie; c'est où on jette le bois. La flamme communique au four par une ouverture, à compter de l'aire du four, de dix pouces de hauteur sur sept à huit de largeur. Il faut toujours entretenir dans la toquerie un feu vif & clair; c'est l'ouvrage d'un ouvrier, qui n'a pour se reposer que le tems qu'on met à passer chaque fournée, une heure environ dans trois. Le fer se fourre par la gueule, & se range dans le four en croix de saint André ou en grillage, afin que la chaleur le pénetre par-tout. On trouvera dans nos Planches deux parties de four. P est l'ouverture qui communique au four; R est le grillage: dans l'autre, F est la toquerie; E est le cendrier; BBCD , deux barres de fer en croix de saint André; A la voûte du four. Nous avons dit qu'ordinairement le four avoit huit piés de profondeur: quand c'est pour passer des bandages qui demandent une grande longueur, on peut lui donner jusqu'à quatorze ou quinze piés. Pour l'ordinaire, on casse le fer de six à sept piés de longueur pour l'enfourner; on en met jusqu'à un millier, quand le fer est chauffé: il faut environ deux heures pour chauffer une fournée à blanc; c'est le degre qu'il faut. Une corde de bois de saison de quatre pies de hauteur sur huit piés de couche, & le bois de trois piés & demi de longueur, peut faire quatre fournées à bon vent. Le vent influe prodigieusement sur cette partie; le bon est celui qui passant par l'ouverture du devant du cendrier, pousse la flamme dans le four; le mauvais est celui qui passant par la gueule, la repousse dans la toquerie: le seul remede employe jusqu'ici, mais insuffisant, a ete de boucher la gueule d'une plaque de fer. Ne pourroit-on pas en employer deux? le premier en faisant une toquerie à chaque côté, bouchant l'ouverture de communication de celle en mauvais vent, suivant le besoin. L'ouverture étant de dix pouces sur sept, dans un mur de séparation, ne pourroit-on pas monter les côtés de ce mur en briques, & y menager des coulisses, pour laisser descendre & elever, suivant le besoin, un morceau de terre à brique d'echantillon; le second en opposant le vent au vent, avec des tuyaux répondans au grillage, & à une large ouverture extérieure & mobile, qu'on pourroit tourner au vent. Le fer, dans les fenderies ou on se sert de charbon de terre, comme celles qui sont dans le Forez sur la riviere de Gier & sur quelques ruisseaux, & qui refendent six à sept millions ce fer, se chauffe dans des cheminées bâties comme une chaufferie avec soufflets; le fer s'y place par barres de deux pies & demi, à trois pies de longueur, dans la quantité de trois à quatre cents petant à-la fois, qu'il faut environ une heure pour chauffer. Il y a un ouvrier chauffeur qui doit veiller à l'arrangement du fer, qui le place par trois barres l'une dessus l'autre, & travaille à ce que ce qui est exposé au vent ne fonde pas, pendant que les bouts n'ont pas le degré de chaleur convenable. Il faut environ pour six francs de charbon pour fendre un mille de fer, &c. Pour desservir une fenderie, il faut cinq ouvriers; le maître fendeur, qui doit entretenir le bon ordre, tous les outils, dresser les équipages, regler le tems de tirer le fer, &c. le second, pour tirer le fer du tour & le présenter aux espatards; un pour le recevoir, & le remettre au maître, qui le présente aux taillans, desquels le quatrieme le reçoit pour porter la verge à la pile de son échantillon; le cinquieme est celui qui met le bois dans la toquerie. Une fournée d'un mille peut être fendue en une heure. Celui qui défourne a soin de la toquerie pendant la fente; la fente faite, on enfourne de nouveau; c'est alors l'affaire du maitre fendeur, de visiter & rétablir ce qui pourroit être dérangé. Il ne faut pas laisser manquer les espatards & les taillans de rafraîchissement & de graisse. Le rafraîchissement se donne perpétuellement par de l'eau conduite par des chanlates: les taillans s'engraissent de suif fondu à toutes bandes, & les espatards cinq ou six fois à chaque fournée. La verge se met en bottes de cinquante livres, poids de marc: pour cet effet, les embotteleurs ont un établi CD ( voyez les Pl. ), garni de demi-ronds de fer ed , pour placer la verge après l'avoir redressée, & la lier en trois endroits, après qu'elle aura été pesée, en la serrant avec la chaine & l'étrier 9. a est la tenaille pour serrer la verge de la main droite, & b le crochet, pour en supporter l'extrémité de la main gauche. l est une cisaille; hi , les demi-ronds, pour recevoir la verge; KK , des bottes de verges. Le moulin établi à Essonne pour profiler le fer, appartient de droit aux fenderies, dont il n'est qu'une espece particuliere; c'est, suivant le rapport de MM. les commissaires de l'académie des Sciences, du 23 Décembre 1752, un laminoir ( voyez nos Pl. ) composé de deux cylindres de fer CD , dont l'un, que nous supposerons C , est profilé sur sa circonférence, pour imprimer sur les plates-bandes AB les moulutes qu'on veut leur donner. Les deux cylindres de ce laminoir, sont menes par deux roues à l'eau; le cylindre inferieur D est mené immédiatement par le tourillon E , dont le bout qui se termine par un quarré F se joint au quarré H du cylindre, par le moyen d'une boîte de fer G ; l'autre roue est menée au moyen de renvois de roues dentées & lanternes, qui font tourner le cylindre de dessus G en sens contraire. Ces deux cylindres étant en mouvement, on présente la bande de fer rouge au profil qu'on veut y imprimer; saisie entre les deux cylindres, & entraînée par leur mouvement, elle s'alonge & se profile d'une seule opération sur toute sa longueur, en très-peu do tems. Pour empêcher que la bande de fer qu'on profile ne s'enveloppe autour du cylindre profilé, un ouvrier la saisit avec la pince aussi-tot qu'elle commence à passer de l'autre côté du cylindre, jusqu'à ce qu'elle soit entierement sortie. Pour connoître, disent les commissaires, si le laminage ne change point la qualité du fer, nous avons fait rompre une barre de fer avant & après l'experience faite à Essonne le 28 Janvier 1751; avant l'expérience, le fer étoit aigre; les deux bouts rompus sembloient se toucher par des facettes, dans toute l'epaisseur de la bande; on n'y voyoit point de parties saillantes dans les bouts rompus. Après l'expérience, on voyoit de part & d'autre, dans toute l'epaisseur des filamens, des parties saillantes en forme de lames plates & alongées; c'est ce que les ouvriers appellent le nerf , dans les fers doux; & c'est à cette marque qu'on le reconnoît pour être de bonne qualite. Il paroît donc que le fer acquiert de la qualité par le laminage: ce qu'on savoit d'ailleurs par les expériences faites dans les fabriques de fil-d'archal. Malgré un témoignage aussi respectable, la verité m'oblige de dire que le laminage ne peut changer la qualite du fer; du fer cassant de sa nature en faire du er doux. Convenons qu'un fer dont le nerf est gonfle de trop de remplissage, peut casser comme celui ce l'épreuve, sans laisser beaucoup de parties saillantes, ou que trempé il peut faire le même effet; ayant lieu de croire que le grand & subit degré de fraîcheur fait retirer & courber les nerfs; puisque le même fer étant chauffé à blanc & refroidi naturellement, les nerfs reprennent leur souplesse: mais ce phénomene aura lieu sur-tout, en conséquence de la compression des cylindres qui leur fait dégorger une partie de ce qui les gonfloit. Cette espece de croute qui tombe devant les cylindres en est une preuve; c'est ce qui occasionne la différence du poids du fer en barres au fer laminé: de-là on peut conclure que le fer cassant par accident a été rendu à sa nature par une opération; mais non pas que le laminage d'un fer aigre de sa nature en puisse faire un fer doux. Ne pourroit-on pas encore soupçonner que les entrepreneurs du moulin d'Essonne ne se contentant pas de l'avantage réel de la machine, ayent cherché à y joindre du merveilleux, & à surprendre l'attention de MM. les commissaires, par le changement impossible du fer cassant en fer doux? Nous avons l'expérience constante de la diversité de fers entr'eux. Ces fers, après le travail des applatissoires, restent chacun dans leur nature, mais seulement plus épurés. On a tenté plusieurs fois de filer le fer dans les cylindres: on doit être convaincu que sur-tout pour dégrossir, il n'a manqué que l'exactitude & la précision. Art. XII. Batterie . L'équipage d'une forge & d'une batterie est le même; une cheminee, deux soufflets flets mûs par l'eau, un attelier de marteau: la différence est qu'au foyer d'une batterie, il n'y a point de contre-vent du dessus, ni d'aire; que le fond est à environ sept pouces de la thuyere, le trou du chio à la hauteur de la thuyere; le basche dans l'intérieur de la cheminée couvert: c'est par son côté que se met le charbon. Les marteaux sont de la même forme que ceux de forge ; ils ne pesent que quatre à cinq cents. L'objet des batteries est de rendre le fer de forge propre à différens usages, par son étendue, son peu d'épaisseur, sa souplesse; il prend alors le nom général de taule , & les surnoms particuliers de rangette à étrille, à serrure, à crie, palastre, ronde, couvercle, de four, enseignes, fers de charrue . La différence de ces especes consiste dans l'étendue & l'épaisseur; ce qui les fait chauffer & battre différemment. Pour faire la rangette, on coupe le fer, qui au fortir des forges est d'environ trente lignes de largeur sur douze d'épaisseur, en morceaux pesans environ huit livres: chaque morceau se chauffe à blanc, & se bat en deux chaudes, puis on le plie en deux, & s'appelle doublon: & en deux autres chaudes, on lui donne la largeur d'environ quatre pouces, sur douze à treize de longueur; ce qu'on appelle arbelage . De-là, on prend quatre doublons ensemble, trempés en eau d'arbue, pour empêcher les feuilles de se souder les unes aux autres: on les chauffe couleur de cerise, & bat à quatre chaudes; ce qui leur donne environ dix pouces de largeur, & dix-neuf à vingt de longueur. On y joint quatre autres doublons en pareil état, & on bat les huit doublons en deux chaudes couleur de cerise qui les réduisent à leur derniere perfection. La rangette porte quatorze à quinze pouces de largeur sur vingt-an à vingt-deux de longueur: il entre ordinairement huit doublons dans un paquet pesant cinquante livres, poids de marc; les paquets se lient en deux endroits avec des bandes de taule coupées à la cisaille. Quand les feuilles sont plus larges ou plus longues les unes que les autres, on les égalise avec les cisailles; quand il y en a de percées, crevassées, ou mal fabriquées, on les coupe pour faire les liens; ces liens servent à la ferrure des seaux & autres; on en fait même quelques paquets. La taule à étrille de dix à onze pouces sur trente à trente-deux, se bat en six doubles, avec autant de chaudes que la rangette: huit à neuf doublons au paquet de cinquante livres. La taule à serrure de différens échantillons, se bat en un doublon à différentes chaudes, suivant la largeur & épaisseur. Le palastre se bat en feuilles de neuf à quatorze pouces de largeur sur quatre à dix piés de longueur, & de différentes épaisseurs: c'est avec le palastre qu'on garnit le bas des portes cocheres, les bornes, &c. La taule à réchaud, de six à sept pouces sur vingt-un à vingt-deux, se bat à huit doublons: 20 à 21 au paquet de cinquante livres. La taule à cric pour les équipages, de six à sept pouces de largeur, sur quatre à cinq lignes d'épaisseur, & quatre piés environ de longueur, se bat en feuilles. La taule à enseigne se bat en feuille à quatre ensemble, portant treize à quatorze pouces de largeur sur dix-huit de hauteur, une ligne d'épaisseur; on peut en battre de plus grandes. Les taules rondes pour poesles & poeslons, se battent en deux feuilles, ménageant un endroit plus étroit au milieu de la feuille; c'est où on les plie: cet excédent est pour souder la queue; elles se finissent en les élargissant à deux doublons. Les couvercles de four se battent en feuilles à demi-rond en quatre chaudes; & on acheve de les battre quatre ensemble. Dans toutes les taules, les feuilles du milieu s'élargissent toûjours plus que les autres; c'est pour cela qu'aux deux dernieres chaudes on les change. C'est aussi dans les batteries qu'on prépare les taules pour le fer-blanc; elles se battent à plusieurs doublons, entre un marteau & une enclume bien dressés. Les feuilles se coupent d'échantillon à la cisaille, & se vendent au cent pour être blanchies & étamées. Les fers de charrue se battent seuls à différentes chaudes, suivant leur force & étendue; on en fabrique de huit jusqu'à quinze livres. Pour fabriquer un millier de taule assorti de plusieurs échantillons, on passe au maître batteur 1060 jusqu'à 1100 de fer, & 30 ou 35 vans de charbon; le van équivalant à cinq piés. Le maître batteur doit avoir soin du foyer, de l'équipage du marteau, qu'il doit bien dresser, & de tous les outils. Dans les batteries où l'eau & les matériaux ne manquent pas, les ouvriers se relayent, comme dans les forges: quatre ouvriers peuvent faire cinq à sept cents de taules en vingt-quatre heures; cela dépend beaucoup du fer, du charbon, de l'espece de marchandise, & de l'adresse des ouvriers. On fait aller une batterie en grosses-forges , quand on le juge à propos; il n'y a que le foyer à changer. Art. XIII. La filerie . L'objet de la filerie est de donner au fer, par la figure ronde, la surface polie & égale; la diversité, la flexibilité, un degré d'utilité qui s'étend de puis les baguettes de dix lignes de diametre, en nuances infiniment multipliées, jusqu'à nous procurer les plus fines cordes des tympanons, même de remplacer la finesse des cheveux: nous n'entendons ici que donner l'explication de la manufacture, sans indiquer tous les ouvrages auxquels le fer filé s'employe. Filer le fer , est l'obliger de passer par des ouvertures dont il prend le diametre: comme ce travail demande beaucoup de force, on a eu recours à l'eau pour faire mouvoir une roue. A. Pl. XII . est un cylindre de bois tournant sur ses empoises, ce cylindre est armé de cammes BC , qui appuyant sur la queue Z , la fait baisser; elle est relevée après le passage de la camme, par la perche élastique X , tenant à la queue par la chaîne Y . La queue Z ne peut baisser que le montant F , auquel elle est attachée, ne soit tiré en-arriere; & ce à proportion de la longueur de la camme: ce montant a un mouvement libre de devant en-arriere, par une cheville de fer qui le traverse dans la piece de bois K . Au-devant du montant F il y a un anneau de fer dont la racine est arrêtée de l'autre côté par une clé; cet anneau s'appelle davier; il reçoit le crochet C de l'anneau de la grosse tenaille; cet anneau, avec son prolongement & son crochet, s'appelle chaînon . L'anneau du chaînon enferme les bouts ceintrés de la tenaille A; le montant F ne peut être tiré, que le chaînon ne le soit, ainsi que la tenaille, dont les mâchoires serrent à proportion que les branches sont serrées, & décrivent en reculant autant d'espace que le montant F; la perche élastique faisant remonter la queue Z . Le montant & le chaînon sont également renvoyés: le chaînon ne peut être repoussé qu'il ne desserre les branches, & conséquemment les mords de la tenaille. Si nous imaginons que la tenaille tienne-un morceau de fer, elle le serrera & tirera en reculant. Quand elle sera desserrée, elle reprendra sa place par son propre poids, qui la fait couler le long d'un plan incliné; étant retirée, elle mordra & tirera, & ainsi de suite. Voilà ce que c'est qu'une filerie. Il y a des montans auxquels le mouvement est donné de côté. Imaginons, pour ne pas multiplier les figures, que le montant F est prolongé en en-bas; & que la camme, au lieu d'en abaisser, en pousse la queue, pour que l'ouvrier soit le maître d'arrêter le mouvement de la tenaille: la partie qui est exposée au frottement de la camme, est garnie d'une fausse queue bien coulante entre deux anneaux de fer; à la tête de la fausse queue, prend une corde qui passant sur une poulie attachée au-dessus de l'attelier, vient se rendre à un morceau de bois flexible attaché par une de ses extrémités au plancher, vers le pié de l'ouvrier, élevé de l'autre de la hauteur de la camme; l'ouvrier mettant le pié sur ce morceau de bois, le fait baisser, & consequemment fait lever la fausse queue; moyennant quoi, les cammes passent sans rien rencontrer. La tenaille est de fer, & pour dégrossir peut peser jusqu'à deux cents livres; le chaînon de cinquante à soixante; il y en a de différentes grosseurs. La tenaille peut avoir deux pies de longueur: la force doit être aux branches depuis le clou aux mords. Cette partie porte quatre à cinq pouces de largeur, sur trois à quatre pouces d'epaisseur: le derriere des mords est évuidé pour le passage du fer, qui doit se tirer à côté. L'interieur des mords est entaillé, pour que le fer ne puisse s'échapper quand il est serré. L'équipage est monté sur un chassis élevé, pour que l'auge logé en-dessous puisse être dirigé & réparé commodément; sur ce chassis est fortement attachée en plan incline une piecede bois de 18 à 20 pouces d'équarrissage, nommée attelier; le reste du chassis est garni de planches. Le montant F est rendu mobile par une mortaise pratiquée dans l'attelier, & ne peut se dévoyer, au moyen d'une broche de fer qui traverse la partie enfermée dans l'attelier. Quand la queue est en retour, comme en Z , l'extremite de l'attelier est encochée. Quand la queue n'est qu'un prolongement du montant, l'attelier est perce à jour. pour que la tenaille descende aisément par son propre poids, on en éleve les branches, comme vous voyez en I & G; & le dessous est garni d'une plaque de fer. Contre les mords de la tenaille, de l'attelier portent quatre montans de fer de deux pouces d'équarrissage sur six pouces d'hauteur, bien clavetés en-dessous, mortaisés en-dessus: ces montans N N se répondent deux à deux à la distance de quinze à vingt lignes; une paire éloignée de l'autre d'environ un pie: c'est dans ces montans que se placent les filieres. Une filiere est un morceau d'acier de trois pouces de largeur sur un pouce d'epaisseur, & deux à trois près de longueur. Le morceau d'acier se perce en echiquier de deux rangs de trous de différens diametres, moitie plus large en-devant que contre la tenaille, pour l'entrée du fer, & pour que le frottement se fasse sur une moindre étendue. Pour faire un trou, il faut trois poinçons. Quand le morceau d'acier est chauffe, on frappe sur le plus gros poinçon pour l'enfoncer jusqu'au tiers, ensuite un de moindre diametre, & finalement le plus petit. On n'attend point que le troisieme poinçon perce à jour: quand on voit l'empreinte de l'ouverture, on laisse refroidir l'acier, pour l'achever à froid. Les trous se placent a un pouce de bord & à un pouce de distance les uns des autres: quand ils sont tous recherchés, on trempe la filiere, & on la place dans les montans de fer NN , où elle est arrêtée en-dessus par les clés O , en-dessous & des côtés par des coins. Il faut que le milieu de la tenaille soit vis-à-vis les trous du bas. Quand on veut faire travailler ceux du dessus, on ne fait que mettre sous la tenaille une lame de fer d'un pouce d'épaisseur. Le fer le plus doux est le meilleur pour la filiere; on se sert de celui qui a passé à la fenderie, ou qu'on a battu sous le martinet, choisissant celui-ci qui par sa grosseur approche le plus de l'épaisseur qu'on veut donner au fil. L'ouvrier fait chauffer le bout des baguettes, afin de les arondir & diminuer sur la longueur d'environ six pouces; ce qui s'appelle amorcer . Il presente à la plus grosse filiere la partie amorcée, & dirige la tenaille, dans les mords de laquelle il en fait recevoir l'extrémité, & donne l'eau a la roue: l'ouvrier est assis à côté, tenant d'une main un linge trempé dans l'huile autour du fer Q , & de l'autre main reçoit le fil au sortir des mords I . Pour dégrossir du gros fil, il n'y a que deux ou trois cammes à la roue; pour du fil plus petit, il peut y en avoir davantage, sur-tout si l'arbre est gros. Un même arbre peut faire marcher plusieurs atteliers, comme vous le voyez à la Pl. XII . quand le fer est ébarbé à la premiere filiere, l'ouvrier le présente à un de moin dre diametre, & ainsi de suite. Pour le plus gros fer, il faut dix à quinze filieres; pour le moyen, vingt à trente; le plus petit, trente à quarante: cette opéra tion va très-vite; chaque coup de tenaille pouvant tirer 2 pouces. L'arbre monté à deux cammes peut fai re 10 tours par minute; conséquemment tirer quarante pouces; plus le fer est fin, plus l'arbre peut aller vite, & être chargé de cammes: deux ouvriers en gros fil peuvent fabriquer cent cinquante pesant par jour; en moyen, quatre-vingt ou cent au dessous: le plus ou le moins dépend de la finesse. Quand on veut filer extrèmement fin, comme le frottement n'est pas violent, on peut le tirer à bras d'hommes, comme vous le voyez à la Pl. XI . Pour un mille de fer filé gros & moyen, il faut environ trois pintes d'huile & qutre vans de charbon. Il y a un dechet d'environ cinquante liv. par mille. Les fils-de-fers gros & moyens se mettent dans les manufactures en bottes de vingt cinq livres, liées en quatre endroits: pour le fil fin les bottes sont depuis cinq à quinze. Voyez à l'article Trifilerie , toutes les especes différentes de fil & leur emploi. Cet article est de M. Bouchu , maitre de forges à Veuxsaules, proche Chateau-vilain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FORGER * FORGER, v. act. c'est battre sur l'enclume un métal avec un marteau. On forge à froid & à chaud, mais plus souvent à chaud. Ce mot varie d'acception. Voici, par exemple, un cas ou il est presque synonyme à planer; c'est chez les Potiers-d'étain. Forger , c'est, après que la vaisselle est tournée, la battre, avec differens marteaux, sur le tas. Pour cet effet on a des morceaux de cuivre jaune en plaques de largeur, longueur & épaisseur convenables, bien écroüies ou serrees & polies au marteau; on les nomme platines . Les platines sont planes pour les fonds des vaisselles, contournées pour les côtés. On commence par frotter legerement sa piece de vaisselle, avec un linge enduit de suif en-dedans & en-dehors: cela s'appelle ensuifer . On pose ensuite une platine sur l'enclume, qui est couverte d'une peau de castor gras. On fait tenir la platine sur la peau, avec une colle faite de poix-resine grasse & de suif; on frappe là-dessus sa piece à coups de marteau, & on lui fait prendre une forme plus réguliere que celle qu'elle a reçue des moules; on atteint les inégalités du tour; on rend l'ouvrage compact, uni, brillant, & d'un meilleur service; on le dégraisse & on le polit avec un linge & du blanc d'Espagne en poudre. Mais ce travail n'a lieu que sur l'étain fin. L'etain commun se forge autrement. On ensuife sa piece; on la monte, c'est-à-dire qu'on la bat sur l'enclume hue, Les coups de marteau paroissent en-dedans & en-dehors; ils s'étendent du milieu en ligne spirale, mais empiétant toûjours les uns sur les autres. jusqu'à la circonférence de l'ouvrage: c'est pourquoi à chaque coup de marteau que donne l'ouvrier d'une main, de l'autre il fait un peu tourner sa piece sur elle-même. Cette opération s'appelle monter . Après avoir monté une piece, on la renfonce; la renfoncer, c'est avec le marteau frapper le fond à faux sur les genoux, afin de rendre à l'ouvrage sa concavité. On finit en couvrant l'enclume de peaux de castor gras, & en repassant le marteau sur tous les coups qui paroissent au-dedans & au-dehors de la piece. Cette opération les efface en-dedans, mais non en-dehors. C'est sur la différence du forger & du planer . On dégraisse de même: dans ce travail, l'ouvrier est assis devant son enclume, le billot de l'enclume est entre ses jambes, l'enclume n'est guere qu'à la hauteur de ses genoux; il tient son marteau de la main droite, sa piece de la main gauche: cette main fait tourner la piece à mesure qu'elle est frappée; elle est aidée dans cette action par le genou qui soûtient la piece toutes les fois que la main est obligée de la quitter pour la reprendre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forger un Fer Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Forger un Fer Forger un Fer , ( Manége & Maréch. ) action du maréchal qui donne à du fer quelconque la forme qu'il doit avoir, pour être placé sous le pié du cheval. Le fer que les Maréchaux doivent employer, doit être doux & liant; un fer aigre soûtiendroit avec peine les épreuves qu'ils lui font subir à la forge, & ne resisteroit point à celles auxquelles le met le travail de l'animal. Ces ouvriers nomment loppin , un bout coupé d'une bande de fer, ou un paquet formé de morceaux de vieux fers de cheval. Celui qu'ils coupent à la bande en est séparé au moyen de la tranche. Un compagnon prend un loppin de l'une ou de l'autre espece, proportionné aux dimensions qu'il prétend donner à son fer, & le chauffe jusqu'à blanc tout-an-plus, à moins que la qualité du fer dont il se sert lorsqu'il est question d'en souder les parties, n'exige qu'il pousse la chaude au-delà. Le fer ainsi chauffé, il le prend avec les tenailles les plus appropriées à la forme actuelle du loppin; les tenailles dont sa forge doit être abondamment pourvue, devant être de différentes grandeurs & de différentes figures. Il le présente à plat sur la table de l'enclume. Un apprenti ou un autre compagnon armé du marteau à frapper devant, frappe toûjours de maniere à alonger & à élargir le loppin, & chacun de ses coups est suivi de celui du premier forgeur, dont la main droite saisie du ferretier ne frappe que sur l'épaisseur du fer. Pour cet effet, comme leurs coups se succedent sans interruption, celui-ci après avoir posé le loppin à plat pour l'exposer au marteau de l'apprenti, le retourne promptement de champ pour l'exposer à son ferretier; & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'une des branches soit suffisamment ebauchée: du reste les coups du ferretier tendent comme ceux du marteau au prolongement du loppin, mais ils le retrécissent en même tems, & lui donnent la courbure qui caractérise le fer du cheval; c'est ce que les Maréchaux appellent dégorger . Pour la lui procurer plus promptement, le forgeur adresse quelques-uns de ses coups sur la pointe non-chauffée du loppin, tandis que l'autre porte sur l'enclume; car il doit avoir eu l'attention de ne faire chauffer de ce même loppin qu'en viron les deux tiers, afin que la partie saisie par la tenaille ait assez de solidité pour rejetter sur la partie chauffée tout l'effet des coups de ferretier qui sont diriges sur elle. Cette branche dans cet état, le forgeur quitte son ferretier & prend le refouloir, avec lequel il la refoule à son extrémité, pour commencer à en façonner l'éponge. Il remet au feu; & par une seconde chaude conduite comme la premiere, il ébauche au même point la seconde branche & la courbure, ou la tournure, pour me servir de l'expression du Maréchal; après quoi lui seul façonne le dessus, le dessous, les côtés extérieurs & intérieurs des branches, en se servant au besoin de l'un & de l'autre bras de la bigorne, pour soûtenir le fer lors des coups de ferretier qu'il adresse sur l'extérieur, ce fer étant tenu de champ sur le bras rond, quand il s'agit de former l'arrondissement de sa partie antérieure, & sur le bras quarré, quand il est question d'en contourner les branches. Il employe de même que ci-devant le refouloir. Il seroit à souhaiter que tous les Maréchaux s'en tinssent à ces opérations, jusqu'à ce que l'inspection du pié auquel le fer sera destiné, les eût déterminés sur le juste lieu des étampures. Ce n'est qu'alors qu'ils devroient passer à la troisieme chaude, & profiter des indications qu'ils auroient tirées. Cette chaude donnée, le forgeur, à l'effet d'étamper, pose le fer à plat sur l'enclume, ce fer étant retourné de maniere que sa face inférieure est en-dessus; il tient l'étampe de la main gauche; il en place successivement la pointe sur tous les endroits ou il veut percer, sans oublier que l'une de ses faces doit être toûjours parallele au bord du fer; & le compagnon ou l'apprenti frappe sur la tête de cet outil, jusqu'à ce qu'il ait pénétré proportionnément à l'épaisseur de ce même fer. L'étampure faite, le forgeur le rapproche avec son ferretier de la forme que ce dernier travail a altéré; & après l'avoir retourné, il applique la pointe du poinçon sur les petites élévations apparentes à la face supérieure; & frappant du ferretier sur la tête de ce poinçon, il chasse en dedans & détache par les bords la feuille à laquelle le quarré de l'étampe a réduit l'épaisseur totale du fer. Cette action avec le poinçon se nomme contre-percer . Enfin il refoule & il rétablit dans ce premier contour, avec ce même ferretier, les bords que l'étampure a forcés, & il porte l'ajusture du fer à sa perfection. Ces trois seules chaudes seroient insuffisantes dans le cas où il s'agiroit de forger un fer à crampons, & à plus forte raison dans celui où le fer seroit plus composé. Lorsque l'ouvrier se propose de former des crampons quarrés, il a soin de refouler plus fortement les éponges, & de tenir les branches plus longues de tout ce qui doit composer le crampon. La propreté de l'ouvrage exige encore deux chaudes, une pour chaque branche. Le forgeur doit commencer à couder celle qui est chauffée avec le ferretier sur la table de l'enclume, ou sur le bras rond de la bigorne; sur la table de l'enclume, en portant un coup de son outil sur le dessous de l'éponge à quelques lignes de distance de sa pointe, qui seule repose sur la table, tandis que le reste de la branche est soûtenu par la tenaille dans une situation oblique, ou inclinée; sur le bras rond, en posant cette même face inférieure de façon que le bout de l'éponge déborde la largeur de ce bras, & en addressant son coup sur l'extrémité saillante. Il s'aide ensuite du bras quarré de la bigorne pour façonner les côtés du crampon. C'est par la différente maniere dont l'ouvrier présente son fer sur les différentes parties de la bigorne, & dont il dirige ses coups, qu'il parvient à former exactement un crampon quarré, ou un crampon à oreille de lievre ou de chat: celui-ci ne differe du premier, que parce qu'il diminue à mesure qu'il approche de son extremité, & qu'il est tellement tordu dans sa longueur & des sa naissance, qu'il présente un de ses angles dans la direction de la longueur de la branche dont il émane. Il est encore des crampons postiches, terminés supérieurement en une vis, dont la longueur n'excede pas l'épaisseur de l'éponge. Cette partie du fer est percee d'un trou taraudé, qui comme écrou reçoit cette vis. Par ce moyen le crampon est assez fermement assemblé avec le fer, & facilement mis en place quand il est utile. On l'en sépare aussi sans peine en le dévissant: mais comme l'écrou qui resteroit vuide lorsqu' jugeroit à-propos de supprimer le crampon, ne pourroit que se remplir de terre ou de gravier qui s'opposeroient à une nouvelle introduction de la vis du crampon, on substitue toûjours à cette vis une autre vis semblable, à cela près qu'elle ne déborde aucunement l'épaisseur du fer dans laquelle elle est noyée, & qu'elle est refendue pour recevoir le tourne-vis, au moyen duquel on la met en place ou on l'ôte avec aisance. Quant aux pincons, on les tire de la pince sur la pointe de la bigorne, au moyen de quelques coups de ferretier. S'il est question d'appliquer aux fers quelques pieces par soudure, il faut de nouvelles chaudes. Les encoches se travaillent à la lime, &c. Un ouvrier seul pourroit forger un fer; mais ce travail coûteroit plus de peine, & demanderoit plus de tems. Il est nombre de boutiques ou de forges où l'on en employe deux, & même quelquefois trois, à frapper devant, sur-tout quand les loppins font d'un volume énorme. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forger Author=unknown Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Forger Forger , ( Manége & Maréch. ) Cheval qui forge , cheval qui dans l'action du pas, & le plus souvent dans celle du trot, atteint ou frappe avec la pince des piés de derriere les éponges, le milieu, ou la voûte de ses fers de devant. Ce défaut que l'on distingue aisément à l'oüie d'une infinité de heurts répétés, est d'autant plus considérable, que communément il annonce la foiblesse de l'animal: aussi ne doit-on pas être étonné de rencontrer des poulains qui forgent . Il provient aussi de la ferrure, quelquefois de l'ignorance du cavalier, qui, bien loin de soûtenir son cheval, le précipite indiscretement en-avant & sur les épaules, & le met par conséquent dans l'impossibilité de lever les piés de devant assez tôt, pour qu'ils puissent faire place à ceux de derriere qui les suivent. La premiere de ces causes ne nous laisse l'espoir d'aucune ressource: l'art en effet ne nous en offre point, quand il s'agit d'un vice qui procede de la débilité naturelle de la machine. A l'égard de ceux que notre impéritie occasionne, il est aisé d'y remédier. Voyez Soûtenir & Ferrure . ( e ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGERON Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FORGERON *FORGERON, s. m. on ne donne guere ce nom qu'aux Serruriers, Taillandiers, Couteliers, & quelques autres ouvriers qui travaillent le fer à la forge & au marteau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORGES FORGES, ( Géog. ) bourg de France dans la haute Normandie, uniquement connu par ses eaux minérales. Voyez la descrip. géog. & histor. de la haute Norm . Piganiol de la Force, descript. de la France, tom. V. Hist. de l'acad. des Sc. 1708. Forges est dans le petit pays de Bray, à neuf lieues N. O. de Roüen, quatre de Gournai, trois de Neufchâtel, vingt-cinq N. O. de Paris. Long. 19 d . 15'. lat. 49 d . 38' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGETTER, (se) Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA FORGETTER FORGETTER, ( se ) en Architecture; on dit qu'un mur se forgette , lorsqu'il se jette en-dehors. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORGEUR Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FORGEUR *FORGEUR, s. m. c'est ainsi qu'on appelle dans plusieurs atteliers, l'ouvrier qui préside à la forge & qui conduit l'ouvrage, pendant qu'il chauffe & quand il est sous le marteau. Voyez Grosses-Forges . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORHUS Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=s.m. FORHUS FORHUS, s. m. ( Vén. ) ce sont les petits boyaux du cerf que l'on donne aux chiens au bout d'une fourche émoussée, durant le printems & l'été, après qu'ils ont mangé la moüée & le coffre du cerf. Il se dit aussi de la carcasse dont on fait la curée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORHUIR Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=v.n. FORHUIR FORHUIR, v. n. ( Vénerie. ) c'est sonner la trompe de fort loin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORJUGER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=v.n. FORJUGER FORJUGER, v. n. ( Jurispr. ) signifie quelquefois déguerpir un héritage , quelquefois adjuger . Dans les preuves de l'histoire de Guines, page 191. des terres forjugées sont des terres confisquées. Une ancienne chronique dit, que fut forjugée au roi d'Angleterre toute la Gascogne, & toute la terre qu'il avoit au royaume de France. Dans le ch. clxxxxv. des assises de Jérusalem, les forjugés sont des condamnés. Forjuger l'absent , dans le style du pays de Normandie, est quand le juge forclôt le défendeur défaillant & contumax, & le condamne en l'amende: & dans l'ancienne coûtume de Boulenois, art. 120 & 121. forjuger , c'est lorsque le seigneur féodal retire l'héritage mouvant de lui, faute par son vassal d'acquitter les droits & devoirs. Cette même coûtume & le style de Normandie que l'on vient de citer, usent aussi indifféremment du terme forjurer. Voyez l'auteur de la vieille chronique de Flandres, ch. xxxviij. & lxviij. les constitutions de Sicile, vulgo Neapolitanae, lib. I. tit. liij. & lib. II. tit. iij. & seq . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORJUR ou FORJUREMENT Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FORJUR ou FORJUREMENT FORJUR ou FORJUREMENT, s. m. ( Jurisprud. ) c'est en Normandie une espece d'abdication & de délaissement que l'on fait de quelque chose. Forjurer le pays , c'est abandonner le pays & se retirer ailleurs, comme font les forbannis & forjugés. Dans les anciens arrêts du parlement, il est souvent fait mention de forjurer , lorsqu'il est traité des assûremens. Forjurer les facteurs en Hainaut, signifie renier les criminels , & abjurer tellement leur parenté qu'on ne prenne plus de part à leurs différends. Cet usage avoit pris son origine des guerres privées, dans lesquelles les parens entroient de part & d'autre en faveur de leur parent; & quand une fois on avoit forjuré un parent, on ne lui succédoit plus, comme il se voit dans le ch. lxxxviij. des lois d'Henri I. roi d'Angleterre, publiées par Lambard: Si quis propter foridiam vel causam aliquam de parentelâ, se velit tollere & eam fori juraverit, & de societate & hereditate & totâ illius ratione se separet . Il étoit autrefois d'usage en Hainaut, que quand un meurtre avoit été commis, ou qu'il y avoit eu quelqu'un blessé grievement jusqu'à perdre quelque membre, si les auteurs du délit ou leurs assistans s'absentoient ou se tenoient dans des lieux francs, les parens du côté du pere comme de la mere, étoient tenus de forjurer les accusés: mais la coûtume de Hainaut, ch. xlv. abolit ce forjur , & défend aux sujets de ce pays d'user dorénavant de cette coûtume. Forjurer son héritage , dans l'ancienne coûtume de Normandie, ch. x. c'est le vendre & aliéner. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORJUREMENT Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORJUREMENT FORJUREMENT, ( Jurisprud. ) est la même chose que forjur. Voyez ci-devant Forjur . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORLANE Author=Rousseau Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FORLANE FORLANE, s. f. sorte de danse commune à Venise, sur-tout parmi les gondoliers. Sa mesure est à 6/8; elle se bat gaiement, & la danse est aussi fort gaie. On l'appelle Forlane , parce qu'elle a pris naissance dans le Frioul dont les habitans s'appellent Forlans . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORLI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORLI FORLI, ( Géog. ) Forum Livii , sur la route que les Romains nommoient voie flaminienne; ancienne petite ville d'Italie dans la Romagne, avec un évêché suffragant de Ravenne. Cette ville fut appellée Forum Livii , parce qu'elle fut fondée 208 ans avant J. C. par Marcus Livius Salinator, après avoir vaincu Asdrubal sur le Metauro. Elle fut aggrandie par Livie femme d'Auguste; d'où vient qu'elle est souvent nommée Livia dans les auteurs. Après la chûte de l'empire romain, elle se gouverna en république, & a eu ensuite divers maitres, selon les révolutions de l'Italie. Enfin cette ville est revenue au saint-siége sous le pontificat de Jules II. On y comptoit en 1579 plus de vingt mille habitans; à-présent elle n'en a pas dix mille. Elle est située dans un terrein sain & fertile, à quatre lieues S. E. de Faenza, huit N. de Ravenne, dix-huit N. E. de Florence. Longit. 36 d . 10'. lat. 44 d . 17'. suivant le P. Riccioli. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORLONGER Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=v.n. FORLONGER FORLONGER, v. n. ( Vénerie. ) prendre un grand pays & sortir du canton: on dit le cerf forlonge; quand il a bien de l'avance sur les chiens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMALISTES Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m.pl. FORMALISTES * FORMALISTES, s. m. pl. ( Gram. ) on donne ce nom à des hommes minutieux dans leurs procédés, qui connoissent toutes les petites lois de la bienséance de la societé, qui y sont séverement assujettis, & qui ne permettent jamais aux autres de s'en écarter. Le formaliste sait exactement le tems que vous pouvez laisser entre la visite qu'il vous a faite, & celle que vous avez à lui rendre; il vous attend tel jour, à telle heure: si vous y manquez, il se croit négligé & il s'offense. Il ne faut qu'un homme comme celui-là pour embarrasser, contraindre & refroidir toute une compagnie. Il est toujours sur le qui vive, & il y tient les autres; il a tant de petits jougs qu'il porte avec une espece de soumission religieuse, que j'ai de la peine à comprendre qu'il ait la moindre notion des grandes qualités sociales. Il n'y a rien qui répugne tant aux ames simples & droites, que les formalites; comme elles se rendent à elles-mêmes un témoignage de la bienveillance qu'elles portent à tous les hommes, elles ne se tourmentent guere à montrer ce sentiment qui leur est habituel, ni à le démêler dans les autres. Les formalités en quelque genre que ce soit, donnent, ce me semble, un air de méfiance, & à celui qui les observe, & à celui qui les exige. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMALITE Author=unknown Normalized Classification=Logique Part of Speech=NA FORMALITE FORMALITE, ( Logique. ) Voyez & Modification">Mode & Modification . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMALITÉ Author=unknown Normalized Classification=Morale Part of Speech=NA FORMALITÉ FORMALITÉ, subst. f. ( Morale. ) Voyez ci-dessus Formalistes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formalites Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f.pl. Formalites Formalites , s. f. pl. ( Jurispr. ) sont de certaines clauses ou certaines conditions, dont les actes doivent être revêtus pour être valables. Les actes sous seing privé ou devant notaires, entrevifs on à cause de mort, les procédures & jugemens, sont chacun sujets à de certaines formalites . On en distingue de quatre sortes; savoir celles qui habilitent la personne, comme l'autorisation de la femme par son mari, & le consentement du pere de familie dans l'obligation que contracte le fils de familie; celles qui servent à rendre l'acte parfait, probant & authentique, qu'on appelle formalités extérieures , comme la signature des parties, des témoins & du notaire; d'autres aussi extérieures qui servent à assurer l'exécution d'un acte, lequel quoique parfait d'ailleurs, ne seroit pas exécuté sans ces formalites , comme sont l'insinuation & le contrôle: enfin il y en a d'autres qui sont intérieures, ou de la substance de l'acte, & sans lesquelles on ne peut disposer des biens, comme l'institution d'un héritier dans un testament en pays de droit écrit, l'obligation où sont les peres dans ces mêmes pays, de laisser la légitime à leurs enfans à titre exprès d'institution. Les formalités qui touchent la personne se reglent par la loi ou coutume du domicile: celles qui touchent l'acte se reglent par la loi du lieu où il est passé, suivant la maxime locus regit actum: celles qui touchent les biens se reglent par la loi du lieu où ils sont situés; on peut mettre l'insinuation dans cette derniere classe. Il y a des formalités essentielles & de rigueur, dont l'observation est prescrite par la loi à peine de nullité de l'acte, comme la signature des parties, des témoins & du notaire. Mais il y a aussi d'autres formalités ou formes qui, quoique suivies ordinairement, ne sont pas absolument nécessaires, à peine de nullité; telles que sont la plûpart des clauses de style des greffiers, notaires, huissiers, qui peuvent être suppléées par d'autres termes équipolens, & même quelques-unes être entierement omises sans que l'acte en soit moins valable. Voyez ci-après Forme . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOR-MARIAGE ou FEUR-MARIAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FOR-MARIAGE ou FEUR-MARIAGE FOR-MARIAGE ou FEUR-MARIAGE, ( Jurisp. ) est le mariage qu'un homme ou femme de condition servile, contracte sans la permission de son seigneur, ou même avec sa permission, lorsque le mariage est contracté avec une personne franche, ou d'une autre seigneurie & justice que celle de son seigneur, ou hors la terre sujette à son droit de main-morte. Ce mariage est ainsi appellé en françois & dans la basse latinité, foris maritagium, co quod fit foras vel foris . Quelquefois par le terme de for-mariage on entend l'amende pécuniaire que le serf ou main-mortable doit à son seigneur pour s'être ainsi marié. Voyez Ducange, au mot Foris-maritagium . En certains lieux le seigneur a droit de prendre pour for-mariage , la moitié, le tiers, ou autre portion des biens de celui qui s'est marié à une personne d'une autre condition, ou d'une autre seigneurie & justice. Ce droit est dû au seigneur, quoique son serf ou main-mortable lui ait demandé congé & permission pour-se marier; il évite seulement par ce moyen l'amende de soixante sous ou autre somme, suivant l'usage qu'il auroit été obligé de payer pour la peine du for-mariage contracté sans le congé du seigneur. Ce droit seigneurial paroît tirer son origine des Romains, chez lesquels ceux qu'on appelloit gentiles , c'est-à-dire régnicoles , défendoient à leurs esclaves de se marier avec des étrangers, dans la crainte qu'ils n'abandonnassent leurs offices, ou qu'ils ne détournassent les effets de leur maître pour les donner à des etrangers: ceux qui persistoient à demeurer en la compagnie d'un esclave, malgré l'avertissement que leur avoient donné leurs maîtres, devenoient aussi ses esclaves. Les filles régnicoles ( gentiles ) qui se marioient à des étrangers, perdoient pareillement leur liberté. Voyez Tertul. lib. II. ad uxorem; l'auteur du grand coûtum. liv. II. c. xvj. à la fin. Bacquet, en son traité du droit d'aubaine, ch. iij. rapporte un ancien mémoire tiré des registres de la chambre des comptes, concernant les droits & seigneuries appartenans au roi, à cause du gouvernement & administration générale du royaume, & par souveraineté & ancien domaine, à cause des morte-mains & for-mariage par-tout le royaume de France, & spécialement au bailliage de Vermandois; lesquels droits devoient être cueillis par le collecteur d'iceux & par ses lieutenans & sergens, que pour ce faire il devoit commettre & ordonner. L' article 2 de ce mémoire porte, que le roi, en érigeant les duchés & comtés pairies qui sont au bailliage de Vermandois, retint les morte-mains & for-mariages des bâtards, espaves, aubains & manumis, & qu'il en a joüi paisiblement jusqu'à ce que les guerres & divisions sont venues en ce royaume. L' article 7 porte que nuls bâtards, espaves, aubains, ni manumis, ne se peuvent marier à personne autre que de leur condition, sans le congé du roi ou de ses officiers, qu'ils ne soient tenus payer soixante sous parisis d'amende, lesquelles amendes ont été souvent supportées pour la pauvreté du peuple, vû les guer:es & stérilités du pays; que quand ils demandent congé, ils se montrent obéissans au roi comme ses personnes liges, & que nul n'en doit être éconduit; qu'en ce faisant ils échevent l'amende; mais que nonobstant ce ils doivent for-mariage , pour avoir pris parti qui n'est de condition pareille à eux; que ce for-mariage s'estime à la moitié des biens en la prevôté de Ribemont & en celle de Saint-Quentin; à Péronne & à Soissons, au tiers; & aux autres lieux dudit bailliage, selon l'usage de chaque lieu. Suivant l' article 8 , ceux qui se marioient à leurs semblables & de condition pareille à eux, ne devoient amende ni for-mariage , parce qu'ils ne forlignoient point. Enfin l' article 11 porte que si des hommes de condition servile, sous quelque seigneurie, se sont affranchis de servitude, quand ils sont for-mariés ils doivent for-mariage au roi, comme il a été dit; mais que les femmes n'en doivent point, parce que si elles ont lignée en mariage d'homme franc, la lignée sera de condition servile à cause du ventre. Dans le chapitre suivant, Bacquet remarque que ces droits de for-mariage étoient anciennement recueillis au profit du roi par un collecteur, qui étoit comptable en la chambre des comptes; que depuis, ces droits comme domaniaux ont été reçus par les receveurs ordinaires des lieux. On tient présentement pour maxime, qu'en formariage le pire emporte le bon, c'est-à-dire que la personne franche, soit la femme ou le mari, qui epouse une personne serve, devient de même condition. Loysel, liv. I. tit. j. régl. 25 . & Lauriere, ibid . Dans les lieux où l'on a coûtume de prendre formariage , le seigneur de la main-morte prend pour le for-mariage de la femme main-mortable, les héritages qu'elle a sous lui, & dans le lieu de sa mainmorte, ou la valeur de ce qu'elle emporte en mariage; ce qui est au choix de ladite femme. Le for-mariage n'a pas lieu en main-morte, quand la femme n'a point d'héritage; comme il fut jugé au parlement de Dijon, le 7 Décembre 1606. Taisand sur la coûtume de Bourgogne, tit. jx. artic. 21. note 3. observe que cet arrêt jugea tacitement, que quand une fille est mariée par mariage divis, & qu'on ne lui a point constitué d'héritage en dot, le seigneur ne peut prétendre le droit de for-mariage , parce qu'il est au choix de la femme d'abandonner au seigneur les heritages qu'elle a dans le lieu de la main-morte, ou autant qu'elle a eu en mariage. Le for-mariage a encore lieu dans quelques coûtumes de main-morte. Voyez l'article 144. de celle de Vitri; Meaux, art. 5. & 78; Troyes, art. 3; Chaumont, art. 3; & le chap. viij. de la coûtume de Nivernois, art. 22. & 23; & Auzanet, pag. 8. de ses mémoires . Ce droit avoit lieu autrefois dans la coûtume de Reims; mais il a été aboli. Voyez Pithou sur la coûtume de Troyes, art. 4; Taisand sur la coûtume de Bourges, tit. jx. art. 21 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMAT Author=unknown Normalized Classification=Librairie Part of Speech=s.m. FORMAT FORMAT, s. m. terme de Librairie; c'est la forme du livre. La feuille de papier pliée seulement en deux feuillets pour être ajustée avec d'autres, est le format in-folio; la feuille pliée en quatre feuillets, fait le format in-4°; & la feuille in-4° étant pliée en deux, fait le format in-8°. Il y a aussi une maniere de plier la feuille de papier en douze feuillets; ce qui fait l' in-12. Il y a encore l' in-16, l' in-18, l' in-24, &c. Observez que dans les formats dont nous venons de parler, il y a grand & petit format; ensorte qu'on dit grand in-folio, petit in-folio; grand in-quarto, petit in-quarto; grand in-octavo, petit in-octavo; & de même grand in-douze, petit in-douze . La grandeur ou la petitesse de ces formats dépend de la grandeur ou de la petitesse du papier que l'on a choisi pour l'impression du livre; car il y a du papier de bien des sortes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMATION Author=Beauzée et Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. FORMATION FORMATION, s.f. terme de Grammaire , c'est la maniere de faire prendre à un mot toutes les formes dont il est susceptible, pour lui faire exprimer toutes les idées accessoires que l'on peut joindre à l'idée fondamentale qu'il renferme dans sa signification. Cette définition n'a pas dans l'usage ordinaire des Grammairiens, toute l'étendue qui lui convient effectivement. Par formation , ils n'entendent ordinairement que la maniere de faire prendre à un mot les différentes terminaisons ou inflexions que l'usage a établies pour exprimer les différens rapports du mot à l'ordre de l'énonciation. Ce n'est donc que ce que nous désignons aujourd'hui par les noms de déclinaison & de conjugaison ( Voyez ces deux mots ), & que les anciens comprenoient sous le nom général & unique de déclinaison . Mais il est encore deux autres especes de formation , qui méritent singulierement l'attention du grammairien philosophe; parce qu'on peut les regarder comme les principales clés des langues: ce sont la dérivation & la composition . Elles ne sont pas inconnues aux Grammairiens qui dans l'énumération de ce qu'ils appellent les accidens des mots , comptent l'espece & la figure: ainsi, disent-ils, les mots sont de l'espece primitive ou dérivée, & ils sont de la figure simple ou composée. Voyez Accident . Peut-être se sont-ils crus fondés à ne pas réunir la dérivation & la composition avec la declinaison & la conjugaison, sous le point de vûe général de formations; car c'est à la Grammaire, peut-on dire, d'apprendre les inflexions, destinées par l'usage à marquer les diverses relations des mots à l'ordre de l'énonciation, afin qu'on ne tombe pas dans le défaut d'employer l'une pour l'autre: au lieu que la dérivation & la composition ayant pour objet la génération même des mots, plûtôt que leurs formes grammaticales, il semble que la Grammaire ait droit de supposer les mots tout faits, & de n'en montrer que l'emploi dans le discours. Ce raisonnement qui peut avoir quelque chose de spécieux, n'est au fond qu'un pur sophisme. La Grammaire n'est, pour ainsi dire, que le code des décisions de l'usage sur tout ce qui appartient à l'art de la parole: par-tout où l'on trouve une certaine uniformité usuelle dans les procédés d'une langue, la Grammaire doit la faire remarquer, & en faire un principe, une loi. Or on verra bien-tôt que la dérivation & la composition sont assujetties à cette uniformité de procédés, que l'usage seul peut introduire & autoriser. La Grammaire doit donc en traiter, comme de la déclinaison & de la conjugaison; & nous ajoûtons qu'elle doit en traiter sous le même titre, parce que les unes comme les autres envisagent les diverses formes qu'un même mot peut prendre pour exprimer, comme on l'a déjà dit, les idées accessoires, ajoûtées & subordonnées à l'idée fondamentale, renfermée essentiellement dans la signification de ce mot. Pour bien entendre la doctrine des formations , il faut remarquer que les mots sont essentiellement les signes des idées, & qu'ils prennent différentes dénominations, selon la différence des points de vûe sous lesquels on envisage leur génération & les idées qu'ils expriment. C'est de-là que les mots sont primitifs ou dérivés, simples ou composés . Un mot est primitif relativement aux autres mots qui en sont formés, pour exprimer avec la même idée originelle quelque idée accessoire qui la modifie; & ceux-ci sont les dérivés , dont le primitif est en quelque sorte le germe. Un mot est simple relativement aux autres mots qui en sont formés, pour exprimer avec la même idée quelqu'autre idée particuliere qu'on lui associe; & ceux-ci sont les composés, dont le simple est en quelque sorte l'élément. On donne en général le nom de racine , ou de mot radical à tout mot dont un autre est formé, soit par dérivation, soit par composition; avec cette différence néanmoins, qu'on peut appeller racines génératrices les mots primitifs à l'égard de leurs dérivés; & racines élémentaires , les mots simples à l'égard de leurs composés. Eclaircissons ces définitions par des exemples tirés de notre langue. Voici deux ordres differens de mots dérivés d'une même racine génératrice, d'un même mot primitif destiné en général à exprimer ce sentiment de l'ame qui lie les hommes par la bien veillance. Les dérivés du premier ordre sont amant, amour, amoureux, amoureusement , qui ajoûtent à l'idée primitive du sentiment de bienveillance, l'idée accessoire de l'inclination d'un sexe pour l'autre: & cette inclination étant purement animale, rend ce sentiment aveugle, impétueux, immodéré, &c. Les dérivés du second ordre sont ami, amitié, amical, amicalement , qui ajoûtent à l'idée primitive du sentiment de bienveillance, l'idée accessoire d'un juste fondement, sans distinction de sexe; & ce fondement étant raisonnable, rend ce sentiment éclairé, sage, modéré, &c. Ainsi ce sont deux passions toutes différentes qui sont l'objet fondamental de la signification commune des mots de chacun de ces deux ordres: mais ces deux passions portent l'une & l'autre sur un sentiment de bienveillance, comme sur une tige commune. Si nous les mettons maintenant en parallele, nous verrons de nouvelles idées accessoires & analogues modifier l'une ou l'autre de ces deux idées fondamentales: les mots amant & ami expriment les sujets en qui se trouve l'une ou l'autre de ces deux passions. Amour & amitié expriment ces passions mêmes d'une maniere abstraite, & comme des êtres réels; les mots amoureux & amical servent à qualifier le sujet qui est affecté par l'une ou par l'autre de ces passions: les mots amoureusement, amicalement , servent à modifier la signification d'un autre mot, par l'idée de cette qualification. Amant & ami sont des noms concrets; amour & amitié des noms abstraits; amoureux & amical sont des adjectifs; amoureusement & amicalement sont des adverbes. La syllabe génératrice commune à tous ces mots est la syllabe am , qui se retrouve la même dans les mots latins amator, amor, amatorius, amatoriè , &c... amicus, amicè, amicitia , &c. & qui vient probablement du mot grec ἅμα , una, simul; racine qui exprime assez bien l'affinité de deux coeurs réunis par une bienveillance mutuelle. Les mots ennemi, inimitié , sont des mots compo sés, qui ont pour racines élémentaires les mots ami & amitié , assez peu altérés pour y être reconnoissables, & le petit mot in ou en , qui dans la composition marque souvent opposition, voyez Préposition . Ainsi ennemi signifie l'opposé d' ami; inimitié exprime le sentiment opposé à l' amitié . Il en est de même & dans toute autre langue, de tout mot radical, qui par ses diverses inflexions, ou par son union à d'autres radicaux, sert à exprimer les diverses combinaisons de l'idée fondamentale dont il est le signe, avec les différentes idées accessoires qui peuvent la modifier ou lui être associées. Il y a dans ce procédé commun à toutes les langues un art singulier, qui est peut-être la preuve la plus complette qu'elles descendent toutes d'une même langue, qui est la souche originelle: cette souche a produit des premieres branches, d'où d'autres sont sorties & se sont étendues ensuite par de nombreuses ramifications. Ce qu'il y a de différent d'une langue à l'autre, vient de leur division même, de leur distinction, de leur diversité: mais ce qu'on trouve de commun dans leurs procédés généraux, prouve l'unité de leur premiere origine. J'en dis autant des racines, soit génératrices soit élémentaires, que l'on retrouve les mêmes dans quantité de langues, qui semblent d'ailleurs avoir entre elles peu d'analogie. Tout le monde sait à cet égard ce que les langues greque, latine, teutone, & celtique, ont fourni aux langues modernes de l'Europe, & ce que celles-ci ont mutuellement emprunté les unes des autres; & il est constant que l'on trouve dans la langue des Tartares, dans celle des Perses & des Turcs, & dans l'allemand moderne, plusieurs radicaux communs. Quoi qu'il en soit, il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'il y a deux especes générales de formations qui embrassent tout le système de la génération des mots; ce sont la composition & la dérivation. La composition est la maniere de faire prendre à un mot, au moyen de son union avec quelqu'autre, les formes établies par l'usage pour exprimer les idées particulieres qui peuvent s'associer à celle dont il est le type. La dérivation est la maniere de faire prendre à un mot, au moyen de ses diverses inflexions, les formes établies par l'usage pour exprimer les idées accessoires qui peuvent modifier celle dont il est le type. Or deux sortes d'idées accessoires peuvent modifier une idée primitive: les unes, prises dans la chose même, influent tellement sur celle qui leur sert en quelque sorte de base, qu'elles en font une toute autre idée; & c'est à l'egard de cette nouvelle espece d'idées, que la premiere prend le nom de primitive; telle est l'idée exprimée par canere , à l'égard de celles exprimées par cantare, cantitare, canturire: canere présente l'action de chanter, dépouillée de toute autre idée accessoire; cantate l'offre avec une idée d'augmentation; cantitare , avec une idée de répétition; & canturire présente cette action comme l'objet d'un desir vis. Les autres idées accessoires qui peuvent modifier l'idée primitive, viennent non de la chose même, mais des différens points de vûe qu'envisage l'ordre de l'énonciation; ensorte que la premiere idée demeure au fond toûjours la même: elle prend alors à l'égard de ces idées accessoires, le nom d' idée principale: telle est l'idée exprimée par canere , qui demeure la même dans la signification des mots cano, canis, canit, canimus, canitis, canunt: tous ces mots ne different entre eux que par les idées accessoires des personnes & des nombres; voyez Personne & Nombre . Dans tous, l'idée principale est celle de l'action de chanter présentement: telle est encore l'idée de l'action de chanter attribuée à la premiere personne, à la personne qui parle; laquelle idée est toûjours la même dans la signification des mots cano, canam, canebam, canerem, cecini, cecineram, cecinero, cecinissem; tous ces mots ne different entr'eux que par les idées accessoires des tems. Voyez Tems . Telle est enfin l'idée de chanteur de profession , qui se retrouve la même dans les mots cantator, cantatoris, cantatori, cantatorem, cantatore, cantatores, cantatorum, cantatoribus; lesquels ne different entre eux que par les idées accessoires des cas & des nombres. Voyez Cas & Nombre . De cette différence d'idées accessoires naissent deux sortes de dérivation; l'une que l'on peut appeller philosophique , parce qu'elle sert à l'expression des idées accessoires propres à la nature de l'idée primitive, & que la nature des idées est du ressort de la Philosophie; l'autre, que l'on peut nommer grammaticale , parce qu'elle sert à l'expression des points de vûe exigés par l'ordre de l'énonciation, & que ces points de vûe sont du ressort de la Grammaire. La dérivation philosophique est donc la maniere de faire prendre à un mot, au moyen de ses diverses inflexions, les formes établies par l'usage pour exprimer les idées accessoires qui peuvent modifier en elle-même l'idée primitive, sans rapport à l'ordre de l'énonciation: ainsi cantare, cantitare, canturire , sont dérivés philosophiquement de canere; parce que l'idée primitive exprimée par canere y est modifiée en elle-même, & sans aucun rapport à l'ordre de l'énonciation. Felicior & felicissimus sont aussi dérivés philosophiquement de felix , pour les mêmes raisons. La dérivation grammaticale est la maniere de faire prendre à un mot, au moyen de ses diverses inflexions, les formes établies par l'usage pour exprimer les idées accessoires qui peuvent présenter l'idée principale, sous différens points de vûe relatifs à l'ordre de l'énonciation: ainsi canis, canit, canimus, canitis, canunt, canebam, canebas , &c. sont dérivés grammaticalement de cano; parce que l'idée principale exprimée par cano y est modifiée par différens rapports à l'ordre de l'énonciation, rapports de nombres, rapports de tems, rapports de personnes: cantatoris, cantatori, cantatorem, cantatores, cantatorum, &c. sont aussi dérivés grammaticalement de cantator , pour des raisons toutes pareilles. Pour la facilité du commerce des idées, & des services mutuels entre les hommes, il seroit à desirer qu'ils parlassent tous une même langue, & que dans cette langue, la composition & la dérivation, soit philosophique soit grammaticale, fussent assujetties à des regles invariables & universelles: l'étude de cette langue se réduiroit alors à celle d'un petit nombre de radicaux, des lois de la formation , & des regles de la syntaxe. Mais les diverses langues des habitans de la terre sont bien éloignées de cette utile régularité: il y en a cependant qui en approchent plus que les autres. Les langues greque & latine, par exemple, ont un système de formation plus méthodique & plus fécond que la langue françoise, qui forme ses dérivés d'une maniere plus coupée, plus embarrassée, plus irréguliere, & qui tire de son propre fonds moins de mots composés, que de celui des langues greque & latine. Quoi qu'il en soit, ceux qui desirent faire quelque progrès dans l'étude des langues, doivent donner une attention singuliere aux formations des mots; c'est le seul moyen d'en connoître la juste valeur, de découvrir l'analogie philosophique des termes, de penétrer jusqu'à la métaphysique des langues, & d'en démêler le caractere & le génie; connoissances bien plus solides & bien plus précieuses que le stérile avantage d'en posséder le pur matériel, même d'une maniere imperturbable. Pour faire sentir la vérité de ce qu'on avance ici, nous nous contenterons de jetter un simple coup-d'oeil sur l'analogie des formations latines; & nous sommes sûrs que c'est plus qu'il n'en faut, non-seulement pour convaincre les bons esprits de l'utilité de ce genre d'étude, mais encore pour leur en indiquer en quelque sorte le plan, les parties, les sources même, les moyens, & la fin. Il faut donc observer, 1°. que la composition & la dérivation ont également pour but d'exprimer des idées accessoires; mais que ces deux especes de formations employent des moyens différens & en un sens opposé. Dans la composition, les idées accessoires s'expriment, pour la plûpart, par des noms ou des prépositions qui se placent à la tête du mot primitif; au lieu que dans la dérivation elles s'expriment par des inflexions qui terminent le mot primitif: fidi-cen, tibi-cinium, vati-cinari, vati-cinatio, ju-dex, ju-dicium, ju-dicare, ju-dicatio; parti-ceps, parti-cipium, parti-cipare, parti-cipatio; ac-cinere, con-cinere; in-cinere, inter-cinere; ad-dicere, con-dicere, in-dicere, inter-dicere; ac-cipere, con-cipere, in-cipere, intercipere: voilà autant de mots qui appartiennent à la composition. Canere, canax, cantio, cantus, cantor, cantrix, cantare, cantatio, cantator, cantatrix, canti- tare, canturire, cantillare; dicere, dicax, dicacitas, dictio, dictum, dictor, dictare, dictatio, dictator, dictatrix, dictatura, dictitare, dicturire; capere, capax, capacitas, capessere, captio, captus, captura, captare, captatio, captator, captatrix , &c. ce sont des mots qui sont du ressort de la dérivation. Il faut observer, 2°. qu'il y a deux sortes de racines élémentaires qui entrent dans la formation des composés; les unes sont des mots qui peuvent également paroître dans le discours sous la figure simple & sous la figure composée, c'est-à-dire seuls ou joints à un autre mot: telles sont les racines élémentaires des mots magnanimus, respublica, senatusconsultum , qui sont magnus & animus, res & publica, senatus & consultum: les autres sont absolument inusitées hors de la composition, quoiqu'anciennement elles ayent pû être employées comme mots simples: telles sont jux & jugium, ses & sidium, ex & igium, plex & plicium, spex & spicium, stes & stitium , que l'on trouve dans les mots conjux, conjugium; praeses, proesidium; remex, remigium; supplex, supplicium; extispex, frontispicium; antistes, solstitium . Il faut observer, 3°. qu'il y a quantité de mots réellement composés, qui au premier aspect peuvent paroître simples, à cause de ces racines élémentaires inusitées hors de la composition; quelque sagacité & un peu d'attention suffisent pour en faire démêler l'origine: tels sont les mots judex, justus, justitia, juvenis, trinitas, oeternitas; & une infinité d'autres. Judex renferme dans sa composition les deux racines jus & dex: cette derniere se trouve employée hors de la composition dans Cicéron; dicis gratiâ , par maniere de dire: judex signifie donc jus dicens , ou qui jus dicit; & c'est effectivement l'idée que nous avons de celui qui rend la justice: ce qui prouve, pour le dire en passant, que la définition de nom, comme parlent les Logiciens, differe assez peu, quand elle est exacte, de la définition de chose. Il en est de même de la définition étymologique de justus & de justitia: le premier signifie in jure stans , & le second, in jure constantia; expressions conformes à l'idée que nous avons de l'homme juste & de la justice. Quant à juvenis , il paroît signifier juvando ennis; & cet ennis est un adjectif employé dans bi-ennis, tirennis , &c. pour signifier qui a des années: perennis paroît n'en être que le superlatif, tant par sa forme que par sa signification: ainsi juvenis veut dire juvando ennis , qui a assez d'années pour aider; cela est d'autant plus probable, que juvenis est effectivement relatif au nombre des années; & que tout homme parvenu à cet âge, est dans l'obligation réelle de mériter par ses propres services les secours qu'il tire de la société. Au reste la suppression d'une n dans juvenis ne le tire pas plus de l'analogie, que le changement de cette lettre en m n'en tire le mot de solemnis , qui semble être formé de solitò ennis , & signifie solitus quot annis, qui fieri solet quot annis; & de fait, dans plusieurs bréviaires on trouve le mot d' annuel pour celui de solemnel , dans la qualification des fêtes. Les mots trinitas & oeternitas sont également composés: trinitas n'est autre chose que trium unitas; expression fidele de la foi de l'Eglise catholique sur la nature de Dieu; trinus & unus; trinus in personis, unus in substantia . Pour ce qui est du mot oeternitas , il signifie avi-trinitas , ou avi triplicis unitas , la trinité du tems qui réunit & embrasse tout à la fois le present, le passé, & le futur. Il faut observer, 4°. que la composition & la dérivation concourent souvent à la formation d'un meme mot; ensorte que l'on trouve des primitifs simples & des primitifs composés, comme des dérivés simples & des dérivés composés. Capio est un primitif simple; particeps est un primitif compose; capax est un dérivé simple; participare est un dérivé composé. Les uns & les autres sont également susceptibles des formes de la dérivation philosophique & de la dérivation grammaticale: capio, capis, capit; particeps, participis, participi; capax, capacis, capaci; participo, participas, participat . Il faut observer, 5°. que les primitifs n'ont pas tous le même nombre de dérivés, parce que toutes les idées primitives ne sont pas également susceptibles du même nombre d'idées modificatives; on que l'usage n'a pas établi le même nombre d'inflexions pour les exprimer. D'ailleurs un même mot peut être primitif sous un point de vûe, & dérivé sous un autre: ainsi amabo est primitif relativement à amabilis, amabilitas , & il est dérivé d' amo: de même affectare est primitif relativement à affectatio, assectator , & il est dérivé du supin, qui en est le générateur immédiat. Ainsi un même primitif peut avoir sous lui differens ordres de dérivés, tirés immédiatement d'autant de primitifs subalternes & dérivés eux-mêmes de ce premier. Il faut observer, 6°. que comme les terminaisons introduites par la dérivation grammaticale forment ce qu'on appelle déclinaison & conjugaison , on peut regarder aussi les terminaisons de la dérivation philosophique comme la matiere d'une sorte de declinaison ou conjugaison philosophique. Ceci est d'autant mieux fondé, que la plûpart des terminaisons de cette seconde espece sont soûmises à des lois générales, & ont d'ailleurs, dans la même langue ou dans d'autres, des racines qui expriment fondamentalement les mêmes idées qu'elles désignent comme accessoires dans la dérivation. Nous disons en premier lieu, que ces terminaisons sont soûmises à des lois générales , parce que telle terminaison indique invariablement une même idée accessoire, telle autre terminaison une autre idée; de maniere que si on connoit bien la destination usuelle de toutes ces terminaisons, la connoissance d'une seule racine donne sur le champ celle d'un grand nombre de mots. Posons d'abord quelques principes usuels sur les terminaisons; & nous en ferons ensuite l'application à quelques racines. 1°. Les verbes en are , dérivés du supin d'un autre verbe, marquent augmentation ou répétition; ceux en essere , ardeur & célérité; ceux en urire , desir vif; ceux en illare , diminution. 2°. Dans les noms ou dans les adjectifs dérivés des verbes, la terminaison tio indique l'action d'une maniere abstraite; celle entus ou entum en exprime le produit; celle en tor pour le masculin, & en trix pour le féminin, désigne une personne qui fait profession ou qui a un état relatif à cette action; celle en ax , une personne qui a un penchant naturel; celle en acitas marque ce penchant même. On pourroit ajoûter un grand nombre d'autres principes semblables; mais ceux-ci sont suffisans pour ce que l'on doit se proposer ici: un plus grand detail appartient plûtôt à un ouvrage sur les analogies de la langue latine, qu'à l'Encyclopédie; & il est vraissemblable que c'étoit la matiere des livres de César sur cet objet. Eprouvons maintenant la fecondité de ces principes. Des que l'on sait, par exemple, que canere signifie chanter , on en conclut avec certitude la signification des mots cantare , chanter à pleine voix; cantitare , chanter souvent; canturire , avoir grande envie de chanter; cantillare , chanter bas & à différentes reprises; cantio , l'action de chanter; cantus , le chant, l'effet de cette action; cantor & cantrix , un homme ou une femme qui fait profession de chanter, un chanteur, une chanteuse; canax , qui aime à chanter. Pareillement, de capere , prendre, on a tiré par analogie captare, capessere , faisir ardemment, se hâter de prendre; captio, captus, captatio, captator, captatrix, capax, capacitas . De la différente destination des terminaisons d'une même racine, naissent les différentes dénominations des mots qu'elles constituent: de-là les diminutifs, les augmentatifs, les inceptifs, les inchoatifs, les fréquentatifs, les desidératifs, &c. selon que l'idée primitive est modifiée par quelqu'une des idées accessoires que ces dénominations indiquent. Nous disons en second lieu, que ces terminaisons ont dans la même langue, ou dans quelqu'autre, aes racines qui expriment fondamentalement les mêmes id�es, qu'elles désignent comme accessoires dans la dérivation; nous allons en faire l'essai sur quelques-unes, où la chose sera assez claire pour faire présumer qu'il peut en être ainsi des autres dont on ne connoitroit plus l'origine. 1°. Dans les noms, les terminaisons men & mentum signifient chose, signe sensible par lui-même ou par ses effets: l'une & l'autre paroissent venir du verbe minere dont Lucrece s'est servi, & qu'on retrouve dans la composition des verbe, eminere, im-minere, pro-minere , & qui tous renferment la signification que nous prêtons ici à men & à mentum; la voici justifiée par l'explication étymologique de quelques noms: Flumen , ( men ou res quoe fluit. ) Fulmen , ( men quod fulget. ) Lumen , ( men quod lucet. ) Semen , ( men quod seritur. ) Vimen , ( men vinciens, quod vincit. ) Carmen , peigne à carder, ( men quod carpit. ) Il est vraissemblable que les Romains donnerent le même nom à leurs poëmes; parce que les premiers qu'ils connurent étoient satyriques & picquans comme les dents du peigne à carder, & avoient une destination analogue, celle de corriger. Armentum , ( mentum quod arat , ou arare potest. ) Jumentum , ( mentum quod juvat , ou mentum jugatorium. ) Monumentum , ( mentum quod monet. ) Alimentum , ( mentum quod alit. ) Testamentum , ( mentum quod testatur. ) Tormentum , ( mentum quod torquet. ) La terminaison culum semble venir de colo , j'habite, & signifie effectivement une habitation, ou du moins un lieu habitable: Cubiculum , ( cubandi locus. ) Coenaculum , ( coenandi locus. ) Habitaculum , ( habitandi locus. ) Propugnaculum , ( pro-pugnandi locus. ) Il faut cependant observer, pour la vérité de ce principe, que cette terminaison n'a le sens & l'origine que nous lui donnons ici, que quand elle est adaptée à une racine tirée d'un verbe: car si on l'appliquoit à un nom, elle en feroit un simple diminutif; tels sont les mots corculum, opusculum, corpusculum , &c. 2°. Dans les adjectifs, la terminaison undus désigne abondance & pléritude , & vient d' unda , onde, symbole d'agitation; ou du mot undare , d'où abundare, exundare . Ordinairement cette terminaison est jointe à une autre racine par l'une des deux lettres euphoniques b ou c . Cogita-b-undus , ( cogitationibus undans. ) Furi-b-undus , ( furore ou furiis undans. ) Foe-c-undus , ( foetu abundans. ) Fa-c-undus , ( fandi copiâ abundans. ) La terminaison stus venue de sto , marque stabilité habituelle. Justus , ( in jure constans. ) Modestus , ( in modo constans. ) Molestus , ( pro mole stans. ) Moestus , ( in moerore constans. ) Honestus , ( in honore constans. ) Scelestus , ( in scelere constans. ) 3°. Dans les verbes, la terminaison scere ajoûtée à quelque radical significatif par lui-même, donne les verbes inchoatifs, c'est-à-dire ceux qui marquent le commencement de l'acquisition d'une qualité ou d'un état; cette terminaison paroît avoir été prise du vieux verbe escere, esco , dont on trouve des traces dans le II. livre des lois de Cicéron, dans Lucrece, & ailleurs. Ce verbe, dans son tems, signifioit ce qu'a signifié depuis esse, sum , & a été consacré dans la composition à exprimer le commencement d' être . Selon ce principe, Calesco , je commence à avoir chaud, je m'échauffe, équivaut à calidus esco. Frigesco , je commence à avoir froid, ( frigidus esco. ) Albesco , ( albus esco. ) Senesco , ( senex esco. ) Duresco , ( durus esco. ) Dormisco , ( dormiens esco. ) Obsolesco , ( obsoletus esco. ) Une observation qui confirme que le vieux mot escere est la racine de la terminaison de cette espece de verbes, c'est que comme ce verbe n'avoit ni prétérit ni supin ( voyez l'article Prétérit , où nous en ferons voir la cause), les verbes inchoatifs n'en ont pas d'eux-mêmes: ou ils les empruntent du primitif d'où ils dérivent, comme ingemisco , qui prend ingemui de ingemo; ou ils les forment par analogie avec ceux qui sont empruntés, comme senesco qui fait senui; ou enfin ils s'en passent absolument, comme dormisco . Cette petite excursion sur le système des formations latines, suffit pour faire entrevoir l'utilité & l'agrément de ce genre d'étude: nous osons avancer que rien n'est plus propre à déployer les facultés de l'esprit; à rendre les idées claires & distinctes; & à étendre les vûes de ceux qui voudroient, si on peut le dire, étudier l'anatomie comparée des langues, & porter leurs regards jusque sur les langues possibles. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formation Author=d'Alembert Normalized Classification=Philosophie | Géométrie | Algèbre Part of Speech=NA Formation Formation , en terme de Philosophie; c'est l'action par laquelle une chose est produite: ainsi on dit, la formation du foetus, ( voyez Foetus ); la formation des pierres, des métaux dans le centre de la terre. Voyez Pierre , Métal , &c. Formation s'employe aussi, en Géométrie , dans le même sens que le mot génération , pour désigner la maniere dont une courbe, une surface, un corps est engendré. Voyez Engendrer . Ainsi on dit, la formation des sections coniques dans le cone se fait par un plan qui coupe le cone de différentes manieres , &c. Enfin formation se dit aussi en Algebre; on dit la formation d'une équation , pour désigner la suite des opérations qui conduisent à cette équation: on dit dans le même sens, la formation des puissances de tel ou tel nombre, telle ou telle quantité, &c. voyez Puissance . On dit aussi, former une table de nombres, de quantités qui ont rapport à quelque objet, pour dire, calculer & construire cette table . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORME Author=unknown Normalized Classification=Métaphysique Part of Speech=s.f. FORME FORME, s. f. ( Métaphysique. ) on définit ordinairement la forme, ce qui est de moins commun & de plus particulier ou de plus distingué dans un être . Quoique par cette définition, la forme semble pouvoir convenir aux esprits aussi-bien qu'aux corps, néanmoins, dans l'usage ordinaire, la forme , aussi-bien que la matiere , s'attribue aux seuls corps. Je définirois volontiers la forme des corps (laquelle est à la portée de notre esprit, & dont nous pouvons juger), la mesure ou portion de mouvement & d'arrangement , qui nous détermine à donner à certaine partie de la matiere une dénomination particuliere, plûtôt que toute autre dénomination. Je ne parle pas ici de cette forme qu'on supposeroit consister dans un germe ou un atome particulier; elle surpasseroit la sagacité de nos sens, puisque nous n'avons rien à dire de ce que nous ne pouvons connoître, & que nous ne connoissons rien dont l'idée primitive ne nous soit venue par la voie de l'expérience & des sensations. Au reste, ce que nous avons dit de la forme ordinaire des corps, suffit pour nous donner distinctement à entendre tout ce que nous comprenons sous le nom de forme purement corporelle. Il ne faut pourtant pas croire que par-là nous puissions discerner toûjours en quoi consiste précisément la forme de chaque corps, c'est à-dire en quel degré de mouvement, d'arrangement, de situation, & de configuration de ses parties les plus petites, consiste la forme de chaque corps; c'est de quoi s'occupe la Physique, & souvent avec assez peu de succès. Cependant l'analogie d'une forme à l'autre, & celle des corps que nous connoissons à ceux que nous ne connoissons pas, nous donne en général quelque idée de la forme des corps. Ainsi il arriveroit à tout homme sensé, qui n'auroit jamais vû de la farine & du pain, d'y trouver d'abord à-peu près la même différence de forme & même de substance, qu'entre du cuivre & de l'or: mais quand nous lui aurons fait connoître que la substance du pain n'est autre chose que de la farine dont les parties se sont rapprochées par la conglutination de l'eau, qui l'a rendue pâte, & ont encore été serrées par la cuisson qui l'a fait devenir pain, il jugera bientôt que l'eau & le feu n'y ont apporté d'autre changement, sinon celui qui s'est fait par les qualités que nous nommons couleur & dureté . Nous jugerons de même qu'avec un changement pareil, dans un degré plus ou moins considérable, & avec plus ou moins de tems, ce qui est aujourd'hui du plomb ou du cuivre pourroit bien devenir tout autre métal, & peut-être de l'or. Article tiré des papiers de M. Formey . Les philosophes scholastiques distinguent la figure de la forme , en ce que la premiere est la disposition des parties extérieures du corps; & la seconde, celle des parties intérieures: c'est ce qui donne lieu à cette scène si plaisante du mariage forcé , où Pancrace, docteur péripatéticien, soûtient qu'on doit dire la figure d'un chapeau, & non la forme , & croit que l'état est renversé par l'usage contraire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme substantielle Author=d'Alembert Normalized Classification=Métaphysique Part of Speech=NA Forme substantielle Forme substantielle , ( Métaphysique. ) terme barbare de l'ancienne philosophie scholastique, dont on s'est principalement servi pour désigner de prétendus êtres matériels qui n'étoient pourtant pas matiere. Nous ne nous chargeons pas d'expliquer ce que cela signifie: nous dirons seulement, que la question si épineuse de l'ame des bêtes a donné occasion à cette opinion absurde. Voici, selon toutes les apparences, par quels degrés les Scholastiques y ont été conduits, c'est-à-dire par quelle suite de raisonnemens ils sont parvenus à déraisonner. Si les bêtes sentent, pensent, & même raisonnent, comme l'expérience paroît le prouver, elles ont donc en elles un principe distingué de la matiere: car ce seroit renverser les preuves de la spiritualité de l'ame, que de croire que Dieu puisse accorder à une substance étendue le sentiment & la pensée. Or si l'ame des bêtes n'est point matiere, pourquoi s'éteint-elle à la destruction de leur corps? Pourquoi l'Etre suprème ayant mis dans les animaux un principe de sentiment semblable à celui qu'il a mis dans l'homme, n'a-t-il pas accordé à ce principe l'immortalite qu'il a donnée à notre ame? La philosophie de l'école n'a pû trouver à cette difficulté d'autre réponse, sinon que l'ame des betes étoit matérielle sans être matiere; au lieu que l'ame de l'homme étoit spirituelle: comme si une absurdité pouvoit servir à résoudre une objection; & comme si nous pouvions concevoir un être spirituel sous une autre idée que sous l'idée négative d'un étre qui n'est point matiere . Les philosophes modernes, plus raisonnables, conviennent de la spiritualité de l'ame des bêtes, & se bornent à dire qu'elle n'est pas immortelle, parce que Dicu l'a voulu ainsi. Mais l'experience nous prouve que les bêtes souffrent; que leur condition sur ce point est à-peu-près pareille à la nôtre, & souvent pire. Or pourquoi Dieu, cet être si bon & si juste, a-t-il condamné à tant de peines des êtres qui ne l'ont point offensé, & qu'il ne peut même dédommager de ces peines dans une vie future? Croire que les bêtes sentent, & par contéquent qu'elles souffrent, n'est-ce pas enlever à la religion le grand argument que saint Augustin tire des souffrances de l'homme pour prouver le péché originel? Sous un Dieu juste , dit ce pere, toute créature qui souffre doit avoir péché . Descartes, le plus hardi, mais le plus conséquent des Philosophes, n'a trouvé qu'une réponse à cette objection terrible: ç'a été de refuser absolument tout sentiment aux animaux; de soûtenir qu'ils ne souffrent point; & que destinés par le créateur aux besoins & au service de l'homme, ils agissent en apparence comme des êtres sentans, quoiqu'ils ne soient reellement que des automates. Toute autre réponse, de quelques subtilités qu'on l'enveloppe, ne peut, selon lui, mettre à couvert la justice divine. Cette metaphysique est spécieuse sans doute. Mais le parti de regarder les bêts comme de pures machines, est si révoltant pour la raison, qu'on l'a abandonné, nonobstant les conséquences apparentes du système contraire. En effet comment peut-on espérer de persuader à des hommes raisonnables, que les animaux dont ils sont environnés, & qui, à quelques legeres différences près, leur paroissent des êtres semblables à eux, ne sont que des machines organisées? Ce seroit s'exposer à nier les verites les plus claires. L'instinct qui nous assûre de l'existence des corps, n'est pas plus fort que celui qui nous porte à attribuer le sentiment aux animaux. Quel parti faut-il donc prendre sur la question de l'ame des bêtes? Croire, d'après le sens commun, que les bêtes souffrent; croire en même tems, d'après la religion, que notre ame est spirituelle & immortelle, que Dieu est toujours sage & toûjours juste; & savoir ignorer le reste. C'est par une suite de cette même ignorance, que nous n'expliquerons jamais comment les animaux, avec des organes pareils aux nôtres, avec des sensations semblables, & souvent plus vives, restent bor nés à ces mêmes sensations, sans en tirer, comme nous, une foule d'idees abstraites & réfléchies, les notions metaphysiques, les langues, les lois, les Sciences, & les Arts. Nous ignorerons du-moins jusqu'où la reflexion peut porter les animaux, & pourquoi elle ne peut les porter au-delà. Nous ignorerons aussi toujours, & par les mêmes raisons, en quoi consiste l'inégalité des esprits; si cette inégalité est dans les ames, ou depend uniquement de la disposition du corps, de l'éducation, des circonstances, de la societé; comment ces différentes causes peuvent influer si différemment sur des ames qui seroient toutes egales d'ailleurs; ou comment des substances simples peuvent être inégales par leur nature. Nous ignorerons si l'ame pense ou sent toûjours; si la pensée est la substance de l'ame, ou non; si elle peut subsister sans penser ou sentir; en quel tems l'ame commence à être unie au corps, & mille autres choses semblables. Les idées innées sont une chimere que l'expérience réprouve: mais la maniere dont nous acquérons des sensations & des idées réfléchies, quoique prouvée par la même expérience, n'est pas moins incompréhensible. Toute la Philosophie, sur une infinité de matieres, se borne à la devise de Montagne. L'intelligence supreme a mis au-devant de notre vûe un voile que nous voudrions arracher en vain: c'est un triste sort pour notre curiosité & notre amour-propre; mais c'est le sort de l'humanité. Au reste, la définition que nous avons donnée du mot forme substantielle , ne doit pas s'appliquer à l'usage qui est fait de ce même mot dans le premier canon du concile général de Vienne, qui décide contre le cordelier Pierre Jean d'Olive, que quiconque osera soûtenir que l'ame raisonnable n'est pas essentiellement la forme substantielle du corps humain, doit étre tenu pour héretique . Ce decret, qu'on auroit peut-être dû énoncer plus clairement, ne prouve pas, comme quelques incrédules l'ont prétendu, que du tems du concile de Vienne, on admettoit la matérialité de l'ame, ou du-moins qu'on n'avoit pas d'idée distincte de sa spiritualité: car l'Eglise ne peut ni se tromper, ni par conséquent varier sur cette matiere importante. Voyez Ame . Voyez aussi l'abregé de l'Histoire ecclésiastique , Paris 1751, sous l'année 1312 . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=NA Forme Forme , en Théologie , est une partie essentielle des sacremens. La forme , selon les Théologiens, est tout ce qui signifie plus clairement ou plus distinctement la grace , ou ce qui determine la matiere à l'être sacramentel, suivant cette parole de S. Augustin ( tract. 80. in Joan. n°. 3. ): accedit verbum ad elementum, & fit sacramentum . En genéral la forme est une parole ou une priere qui exprime la grace & l'effet du sacrement; & on l'appelle ainsi, parce qu'elle détermine la signification plus obscure de ce qui sert de matiere. Ce mot de forme aussi-bien que celui de matiere , étoit inconnu aux peres & aux anciens théologiens, qui disoient que les sacremens consistoient en choses ou en élémens, & en paroles: rebus seu elementis, & verbis . Vers le milieu du treizieme siecle, Guillaume d'Auxerre, théologien scholastique, imagina les mots de matiere & de forme , suivant le gout de la philosophie péripatéticienne, fort à la mode en ces tems là, & suivant la quelle on disoit que la forme déterminoit la matiere à constituer tel ou tel être, plûtôt que tel ou tel autre être. Les modernes adopterent ces expressions, & l'Eglise elle-même s'en est servi. Le pape Eugene IV. dans son decret donné à Florence après le départ des Grecs, reunit l'ancienne & la nouvelle maniere de s'exprimer sur ce point: Omnia sacramenta , dit-il, tribus persiciuntur; videlicet rebus tanquam materia, verbis tanquam formâ, & personâ ministri conferentis sacramentum . L'essence & la validité de tout sacrement demande donc qu'il y ait une forme particuliere & propre, relative à sa nature & à la grace qu'il signifie & qu'il confere. Les Théologiens sont partagés pour savoir si Jesus-Christ a déterminé seulement en général ou en particulier les formes des sacremens. Chacun de ces sentimens a ses défenseurs; mais le premer paroit d'autant plus probable, qu'il suppose que J. C. a laissé à son Eglise la liberté & le pouvoir de determiner les formes des sacremens; & qu'à l'exception de la forme du baptême & de celle de l'eucharistie, on ne trouve point exprimées dans l'Ecriture les formes des autres sacremens, telles qu'elles sont usitées dans l'eglise greque & latine. La maniere dont la forme est concûe, se réduit en général à deux especes: elle peut être conçue, ou en termes indicatifs, ou en maniere de priere; d'où l'on distingue forme absolue & forme indicative . Ainsi la forme du sacrement de pénitence est absolue chez les Latins, qui l'expriment ainsi, ago te absolvo; & elle est déprécative chez les Grecs, qui la commencent par cette priere: Domine J. C. condona, dimitte, relaxa peccata , &c. On distingue encore la forme en absolue & conditionnelle: elle est absolue, quand le ministre du sacrement n'y joint aucune condition, comme dans ces paroles, ago te baptiso; & conditionnelle, lorsqu'il y appose une condition qui emporte avec elle un doute, comme dans celle-ci, si non es baptisatus, ego te baptiso . On ne trouve point d'exemple de la forme conditionnelle avant le huitieme siecle. La forme des sacremens peut être altérée principalement de six manieres; 1°. par simple changement, soit d'idiome, soit de termes synonymes, soit de mode; 2°. par simple corruption; 3°. par addition; 4°. par détraction ou retranchement; 5°. par transposition ou par inversion; 6°. par interruption. Le principe général à cet égard est, que quand quelqu'une de ces différentes altérations est notable, ensorte qu'il en résulte une erreur ou un changement substantiel qui détruise le sens de la forme , alors le sacrement est nul; mais une mutation accidentelle dans la forme n'ôte rien au sacrement de sa validité. Quelle que soit la créance ou la foi du ministre, pourvû qu'il prononce la forme prescrite par l'Eglise & dans les circonstances convenables, le sacrement est valide: aussi l'Eglise n'a-t-elle jamais rejetté le baptême conféré par les hérétiques, excepté par ceux qui en altéroient la forme. Voyez Intention & Sacrement . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Forme Forme , ( Jurispr. ) est la disposition que doivent avoir les actes; c'est un certain arrangement de clauses, de termes, de conditions & de formalités. La forme des actes se rapporte, ou à leur rédaction simplement, & à ce qui peut les rendre probans & authentiques; ou à ce qui habilite les personnes qui disposent, comme l'autorisation; ou à la disposition des biens, comme l'institution d'héritier qui est nécessaire en pays de droit écrit pour la validité du testament. Ce qui concerne la forme extérieure des actes se regle par la loi du lieu où ils sont passés; c'est ce que signifie la maxime locus regit actum . La forme qui tend à habiliter les personnes, dépend de la loi de leur domicile. Enfin celle qui concerne la disposition des biens, dépend de la loi du lieu où ils sont situés. On confond souvent la forme d'un acte avec les formalités; cependant le terme de forme est plus général, car il embrasse tout ce qui sert à constituer l'acte; au lieu que les formalités proprement dites ne s'entendent que de certaines conditions que l'on doit remplir pour la validité de l'acte, comme l'insinuation, le contrôle. On distingue cependant aussi plusieurs sortes de formalités. Voyez ci-devant Formalités . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forme Forme est quelquefois opposée au fond ; la forme alors se prend pour la procédure , & le fond est ce qui en fait l'objet. Il y a des moyens de forme , & des moyens du fond. Les moyens de forme sont ceux qui se tirent de la procédure, comme les nullités, les fins de nonrecevoir; au lieu que les moyens du fond se tirent du fait & du droit. On dit communément que la forme emporte le fond, c'est-à-dire que les moyens de forme prévalent sur ceux du fond; comme il arrive, par exemple, lorsque l'on a laissé passer le tems de se pourvoir contre un arrêt; la fin de non recevoir prévaut sur les moyens de requête civile ou de cassation que l'on auroit pû avoir. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme authentique Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forme authentique Forme authentique , est celle qui fait pleine foi tant en jugement que dehors. Les actes sont revêtus de cette forme , lorsqu'ils sont expédiés & signés par une personne publique; comme les jugemens qui sont signés du greffier, les expéditions des contrats signés de deux notaires, ou d'un notaire, & de deux témoins. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme exécutoire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forme exécutoire Forme exécutoire , est celle qui donne aux actes l'exécution parée, paratam executionem , c'est-à-dire le droit de les mettre directement à exécution par voie de contrainte, sans être obligé d'obtenir pour cet effet aucun jugement ni commission. Les jugemens & les contrats sont les seuls actes que l'on mette en forme exécutoire . Cette forme consiste à être expédiés en parchemin, & intitulés du nom du juge; & si c'est un arrêt, du nom du roi. Cette expédition est ce que l'on appelle la grosse d'un acte . L'usage n'est pourtant pas par-tout uniforme à ce sujet; & il y a des pays où la forme exécutoire est différente: par exemple, dans quelques endroits on ne met point les sentences en grosse ni en parchemin, c'est la premiere expédition en papier qui est exécutoire. Dans d'autres les grosses des contrats sont intitulées du nom du roi, comme les arrêts. Mettre un acte en forme , c'est le mettre en forme exécutoire . Quand les actes sont revêtus de cette forme , on peut directement en vertu de ces actes faire un commandement, & ensuite saisir & exécuter, saisir réellement, même procéder par emprisonnement, si c'est un cas où la contrainte par corps ait lieu. Voy. Exécution parée , Exécutoire, & Grosse ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme judiciaire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forme judiciaire Forme judiciaire , c'est l'ordre & le style que l'on observe dans la procédure ou instruction, & dans les jugemens. Voyez Instruction & Procédure . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme probante Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forme probante Forme probante , est celle qui procure à l'acte une foi pleine & entiere, & qui le rend authentique. Un jugement & un contrat devant notaire sont des actes authentiques de leur nature; mais l'expédition que l'on en rapporte pour être en forme probante , doit être sur papier ou parchemin timbré, & signé du greffier, si c'est un jugement; ou des parties & des notaires & témoins, si c'est un contrat, testament, ou autre acte public. La forme probante rend l'acte authentique; c'est pourquoi l'on joint ordinairement ces termes, forme probante & authentique. Voyez ci-devant Forme authentique . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Matiere bénéficiale Part of Speech=NA Forme Forme , en matiere bénéficiale , est la maniere dont les provisions de cour de Rome sont conçûes. Le pape a coûtume de pourvoir en deux manieres; en forme commissoire, & en forme gracieuse. La forme gracieuse, in formâ gratiosâ , est lorsqu'il pourvoit lui-même sur l'attestation de l'ordinaire, sans lui donner aucune commission pour procéder à l'examen de l'impétrant, lequel peut se faire mettre en possession, autoritate propriâ . La forme commissoire, qu'on appelle aussi le committatur du pape, est lorsqu'il mande à l'ordinaire de pourvoir; ce committatur se met en trois formes différentes, savoir in formâ dignum anti quâ, in formâ dignum novissimâ , & in formâ juris . La forme dignum antiquâ n'est autre chose que la maniere, en laquelle le pape ordonne que les bulles soient expédiées tant par rapport à l'examen des capacités de l'impétrant, que pour la conservation des droits de ceux qui pourroient avoir quelque intérêt à l'établissement & à la possession du bénéfice dont il s'agit. Cette clause a été appellée in formâ dignum , parce que la bulle commence par ces mots: Dignum arbitramur, ut illis se reddat sedes apostolica gratiosam, quibus ad id propria virtutum merita laudabiliter suffragantur , &c. Mandamus quatenus, si post diligentem examinationem dictum N..... repereris. .... eidem..... conferas , &c. Elle est surnommée l'ancienne antiquâ , parce que c'étoit autrefois la seule forme usitée avant les reservations qui ont donné lieu a la forme appellée novissimâ: c'est pourquoi à Rome on met souvent in formâ dignum simplement, sans ajoûter antiquâ; ce qui est la même chose. Les provisions expédiées in forma dignum novissimâ , sont pour les bénéfices dont la collation est reservée au saint-siége. Cette forme n'accorde aux commissaires que trente jours pour l'exécution des provisions; passé lequel tems, on peut recourir a l'ordinaire le plus voisin. Cette forme a été surnommée novissimâ , pour la distinguer de l'ancienne. La clause in formâ juris se met dans les dévolus & les vacances, qui emportent privation du bénéfice. La forme de cette commission est la clause d'un rescrit de justice; mais cette forme est abusive, & n'est point reçûe dans le royaume. Pour connoîre plus à fond les effets de ces différentes formes , il faut voir le traité de l'usage & pratique de cour de Rome de Castel, avec les notes de Noyer, tom. I. pag. 395. & suiv . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme de Pauvreté Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Forme de Pauvreté Forme de Pauvreté , in formâ pauperum , c'est la maniere dont on expédie en cour de Rome les dispenses de mariage entre personnes qui sont parentes en degre prohibé, lorsque ces personnes ne sont pas en état de payer les droits que l'on a coûtume de payer aux officiers de cour de Rome pour ces sortes de dispenses. Pour en obtenir une en la forme de pauvreté , il faut avoir une attestation de l'ordinaire, de son grand-vicaire ou official, portant que les parties sont si misérables, qu'elles ne peuvent vivre & subsister que de leur industrie & du travail de leurs bras seulement, quod labore & industritâ tantum vivunt. Voyez Castel, loc. cit. tom. II. pag. 228 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Forme Forme , en Architecture , espece de libage dur, qui provient des ciels de carriere. Forme de pavé , c'est l'etendue de sable de certaine épaisseur, sur laquelle on assied le pavé des cours, des ponts, chaussées grands chemins, &c. en latin statumen . Forme d'église: on appelle ainsi les chaises du choeur d'une église. Il y a les hautes & les basses. Les hautes sont adossées ordinairement contre un riche lambris, couronné d'un petit dôme ou dais continu, comme celles des grands Augustins, qui ont été faites pour les cérémonies de l'ordre du Saint-Esprit. Les hautes & basses formes qui portent sur des marche-piés, sont séparées par des museaux ou accoudoirs assemblés avec les dossiers; ainsi chaque place avec sa sellette, soûtenue d'un cul-de-lampe, est renfermée de son enceinte appellée parclose . Il s'en voit qui n'ont d'autre dossier que celui de leur parclose, comme celles de Saint Eustache & de quelques paroisses de Paris, où la clôture du choeur est à jour. Les basses formes ne devroient pas être vis-à-vis les hautes, comme on le pratique; mais au contraire le dossier d'une basse devroit repondre au museau de la parclose d'une haute, afin que le vuide fût vis-à-vis de ceux à qui on annonce quelque antienne, ou qu'on encense, ainsi qu'elles sont en partie à Notre Dame de Paris. Les formes de l'abbaye de Pontigny près d'Auxerre, sont des plus belles; celles des PP. Chartreux de l'atis, des plus propres & des mieux travaillées. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Forme Forme , ( Marine. ) c'est un petit bassin revêtu de maçonnerie, ayant en-dedans des degrés pour descendre sur des banquettes de pierre, disposées en amphithéatre, pour faciliter aux ouvriers le moyen de manoeuvrer autour du navire qu'on y a introduit à marée haute, & qu'on y maintient ensuite à sec quand la mer s'est retirée, en fermant l'écluse qui est à son entrée; ce qui se pratique avec assez d'aisance dans les ports où le flux & le reflux ont lieu: ou bien si ces formes sont sur la Méditerranée, l'on en puise l'eau avec des machines. Architecture hydraulique, tome II. liv. III. ch. xij . Mais pour prendre une idée juste de ce qu'on appelle forme , il faut avant d'entrer dans un plus grand détail, jetter les yeux sur la Planche IX . figure 1 . & suiv. qui représente le plan & les profils de la forme construite à Rochefort, pour la bâtisse & le radoube des vaisseaux du roi, dont le dessein est ici d'un plus grand détail & d'une plus grande précision que celui qu'on a inséré dans l' Architecture hydraulique; excellent ouvrage dont on ne peut assez faire l'eloge, & dont j'extrairai ce dont j'aurai besoin pour celui-ci. On place les formes dans l'arsenal, ou le plus près qu'il est possible; mais dans quelqu'endroit qu'on les place, il faut qu'elles ayent beaucoup d'espace tout autour pour la facilité du travail. Voyez la Pl. VII . dans le plan d'un arsenal de Marine, la situation des formes . Lorsque le terrein ne permet pas de placer plusieur, formes de front, l'on en bâtit deux au bout l'une de l'autre qui ont une entrée commune; telle est la double forme de Rochefort, qui passe pour la plus belle qu'il y ait en Europe. La premiere de ces formes , qui est la plus profonde & la plus grande, sert pour les vaisseaux du premier rang: aussi a-t-elle un plus grand nombre de rampes & de banquettes que la seconde, destinée pour ceux du second & du troisieme rang. Il faut avoir la Planche IX . sous les yeux. La premiere est appellée forme inferieure , & l'autre forme supérieure . La différence de l'élévation de leur plate-forme est de sept piés; ce qu'on a fait dans la vûe qu'on seroit moins incommodé des eaux de sond. L'on voit qu'ayant fait entrer à marée haute un vaisseau dans chacune de ces formes & fermé les portes de l'écluse, aussi-tôt que la mer en se retirant les a laisses à sec, on peut les radouber tous deux en même tems. On les fait sortir lorsqu'ils sont réparés, en profitant d'une marée favorable. Il faut renfermer la capacité des formes dans de justes boines. La longueur la plus raisonnable qu'on paisse donner à celles destinées pour les vaisseaux du premier rang, est de cent quatre-vingts-dix pies depuis le bord supérieur du fond jusqu'à l'angle du buse de l'écluse. A l'égard de la largeur des mêmes formes , comprise entre le bord des ailes, il faut la régler sur celle qu'il conviendra de donner à l'écluse, parce qu'elle est la même qu'aura la plate-forme; à quoi il faut ajoûter l'espace qu'occuperont les banquettes: par exemple, si l'on donne quarantehuit piés à l'écluse, & que l'on fasse trois banquettes, chacune de cinq piés, elles en occuperont ensemble trente, qui étant ajoûtés à la largeur de l'écluse, donnent soixante dix-huit piés pour toute la largeur de la forme . Le fond d'une forme doit être plancheyé avec autant de soin que le radier d'une écluse. Il faut apporter beaucoup d'attention pour établir solidement le massif de maçonnerie qui doit régner sur toute l'etendue de la plate-forme, & se régler sur la nature du terrein que l'on rencontrera après avoir fouillé jusqu'à la profondeur convenable. Le plancher du fond doit former un plan incliné de six pouces, depuis le fond de la forme jusqu'aux bords des heurtois de l'écluse, afin de faciliter l'écoulement des eaux. Comme le principal mérite de ces sortes de bassins est de pouvoir y travailler à sec dans quelque tems que ce soit, que cependant il est bien difficile que l'eau ne s'y introduise tant de la part des portes de l'écluse, que des sources qui transpirent dans le fond, malgré les précautions que l'on prend pour s'en garantir; il est d'une extrème conséquence de faire ensorte que les eaux qui s'y amasseront s'écoulent d'elles-mêmes au tems des basses-marées ordinaires, sans être obligé d'employer continuellement des machines pour les puiser; ce qui coûte beaucoup. Pour éviter cet inconvénient, il faut établir la surface du fond environ à un pié au-dessus du niveau des basses eaux dans le port; au cas que cela se puisse sans anticiper trop sur le tirant d'eau des plus grands vaisseaux qu'on pourra y faire entrer non-lestés: autrement il faudroit faire de son mieux pour concilier ces deux objets. Il est bon d'observer que les vaisseaux du premier rang qui tirent avec leur charge ordinaire 25 à 26 piés d'eau, n'en exigent que 16 à 17 quand ils ne sont pas lestés, après qu'on a un peu chargé l'avant, ou soulagé l'arriere avec des coffres pour diminuer la différence du tirant-d'eau: ainsi voilà un point fixe, d'où l'on pourra partir pour se régler en conséquence; & comme le tirant-d'eau des navires que l'on fait passer dans une forme , doit se mesurer au-dessus du chantier qui a environ 3 piés de relief, il suffit, quand on y est contraint par le défaut de profondeur d'eau, de ne lui en donner que deux seulement, pour pouvoir encore travailler commodément aux parties du vaisseau qui répondent à la quille. Lorsqu'on ne peut empêcher que la plate-forme ne soit inondée, soit de la part des sources du fond, soit des pluies, ou de l'eau de la mer qui filtre par les portes de l'écluse, on y remédie par des machines pour épuiser ces eaux, dont on peut voir la conduite & le dessein rendu dans toutes ses parties, tant en plan qu'en profil, dans la Planche IX . à laquelle nous renvoyons pour éviter un plus long détail. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Forme Forme , dans l'art de Peinture , est un terme dont le sens ne paroît être autre chose que l'apparence des objets: en conséquence prescrire aux artistes de regarder comme l'objet principal de leur étude de bien imiter les formes , ne seroit que leur recommander de dessiner exactement la nature; cependant comme dans l'explication que je cherche à donner des termes qu'on employe dans l'art dont il s'agit, j'embrasse ordinairement & les significations simples & celles qui sont plus recherchées, je crois devoir joindre ici à l'occasion de ce mot, quelques idées intéressantes. Je suppose à plusieurs artistes le projet de représenter un objet qui s'offriroit à leur vûe; il arriveroit qu'ils pourroient le représenter d'une façon différente les uns des autres, & que cependant tout le monde reconnoîtroit dans chacune des copies l'objet qu'ils auroient imité: ainsi s'ils avoient eu le but, par exemple, de dessiner un homme qu'ils auroient tous regardé du même point de vûe, le dessein de chacun de ces artistes donneroit à ceux qui le verroient l'idée générale d'un homme, quoique les formes des parties qui composent cet homme pussent étre différentes, à plusieurs égards, dans chaque dessein. Mais si l'on donnoit à ces mêmes artistes deux hommes à-peu-près semblables à représenter, chacun d'eux seroit excité à les comparer & à démêler dans des parties, qui à la premiere vûe leur auroient paru semblables, les différences de formes qui pourroient les distinguer; la représentation de plusieurs hommes de même âge & de même taille, les conduiroit enfin à un examen plus détaillé, plus réfléchi; & pour lors ceux qui auroient un discernement plus délicat & un sentiment plus fin, parviendroient plus aisément à discerner & à saisir ce qui fait le caractere distinctif des formes . Il résulte de ce développement; que les objets ont des formes générales & des formes caractéristiques; & que la finesse & la sensibilité avec lesquelles l'artiste découvre & exprime ces différences particulieres & caractéristiques, sont une source de supériorité dans son talent: peut-être ce talent est-il un don de la nature; mais il a besoin d'être développé & cultivé; les connoissances de toute espece l'augmentent. Je vais faire encore une supposition pour le prouver. Un artiste à qui l'on donneroit à imiter un objet qui lui seroit totalement inconnu, & dont il n'auroit jamais approché qu'à la distance nécessaire pour le voir distinctement, l'imiteroit sans doute avec une exactitude apparente, qui paroîtroit devoir suffire à la représentation: cependant il est certain que cette représentation ne rendra l'objet parfaitement, que pour ceux qui n'en auront pas approché de plus près que l'artiste dont il s'agit. Ceux qui l'auront touché exigeront davantage dans l'imitation; & l'artiste, après avoir connu en partie sa nature, par exemple sa dureté ou sa mollesse, sa legereté même ou sa pesanteur, rendra le portrait de cet objet plus relatif aux desirs de ces spectateurs plus instruits; il opérera encore différemment, s'il a plus de connoissance de la contexture & de l'usage de l'objet supposé, & satisfera alors pleinement ceux à qui il est intimement connu. Un peintre qui voudra représenter des arbres ou des plantes, ne laissera donc pas échapper, s'il est instruit, certaines formes caractéristiques, qui indiqueront aux Botanistes mêmes les différences apparentes qui leur sont connues. Qu'on s'éleve de cette imitation de plantes à celle des hommes, & qu'on ait pour objet de les représenter aux yeux d'un peuple instruit, agités des mouvemens que les passions occasionnent, avec les nuances d'expressions que répandent sur eux les âges, les états, les tempéramens; quel discernement naturel ne faudroit-il pas? par combien de connoissances ne sera-t-il pas nécessaire d'éclairer le talent, & que des réflexions profondes & justes devront être employées à le guider? Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Diderot Normalized Classification=Cartonnier Part of Speech=NA Forme * Forme , ( Cartonnier. ) espece de chassis de bois fait d'un quadre & de traverses, & couvert de fils de laiton. Il n'est pas fort différent de la forme des Papetiers; le laiton en est seulement plus fort, & la forme du Papetier a un rebord. La forme du Cartonnier sert à lever les feuilles de carton. Voyez les Pl. du Cartontonnier , & les articles Carton & Papeterie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=NA Forme * Forme , terme de Chapelier , gros cylindre de bois, arrondi par le haut & tout-à-fait applati par le bas, dont on se sert pour dresser & enformer les chapeaux, après qu'ils ont été foulés & feutrés. C'est dans ce sens qu'on dit mettre un chapeau en forme , ou l' enformer. Voyez les Planches du Chapelier . Les Chapeliers appellent aussi forme , la tête du chapeau, ou plûtôt la cavité du chapeau, destinée à recevoir la tête de celui qui s'en sert. C'est dans ce sens qu'on dit communément: ce chapeau est trop haut, trop bas, trop large, trop étroit de forme . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Diderot Normalized Classification=Cordonnerie Part of Speech=NA Forme * Forme , ( Cordonnerie. ) c'est le morceau de bois qui a à-peu-près la figure d'un pié, sur lequel on monte le soulier pour le faire. Voyez la Planche du Cordonnier . Il y a la forme simple, & la forme brisée: celle-c i est composée de deux demi-formes; à chacune est une coulisse, entre laquelle on fait entrer à force une clé ou espece de coin de bois, qui écarte les deux demi-formes. Voyez la Planche du Cordonnier-Bottier . L'usage de cette forme est d'élargir les souliers quand ils sont trop étroits. On appelle Formiers , ceux qui sont les formes pour les Cordonniers & Bottiers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Forme Forme , dans l'usage de l'imprimerie , désigne une quantité de composition mise dans le format décidé, & enfermée dans un chassis de fer, où elle est maintenue par le secours des bois de garniture, de biseaux & des coins. Voyez les Planches d'Imprimerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=NA Forme Forme , ( Manége & Maréchall. ) tumeur calleuse, indolente, de la nature de celle qui dans l'homme est connue sous le nom de ganglion . Son siége est fixé dans les ligamens même de l'articulation du pié ou de la couronne, avec le pâturon; aussi se montre-t-elle toûjours sur un des côtés, ou sur les deux côtés de cette derniere partie, soit qu'elle attaque le devant, soit qu'elle attaque le derriere de l'animal. Les causes en sont ordinairement externes; elle peut être l'effet d'une constitution, d'une piquûre: elle est le plus souvent la suite des efforts, auxquels le cheval a été contraint dans des courses violentes, ou en maniant à des airs qui exigent beaucoup de force. Tout ce qui peut insulter les fibres ligamenteuses en les tirant, en les alongeant, en les meurtrissant, en les dilacérant, doit nécessairement produire ou une dilatation, ou une obstruction des vaisseaux qui charrient la lymphe dans ces ligamens, ou une extravasion de cette humeur: de-là une tumeur legere & molle dans son origine, mais qui augmente insensiblement en volume & en consistance au point d'offenser d'une part les ligamens en les gênant, & de rendre de l'autre la circulation difficile dans les vaisseaux qui l'avoisinent: c'est ainsi que le desséchement de l'ongle & la claudication, deviennent des accidens inséparables de cette maladie. On la reconnoît à la présence de la tumeur, & le signe univoque est l'indépendance totale de cette même tumeur qui ne tient en aucune façon au tégument, sous lequel elle est située. Je ne proposerai pour la détruire ni l'opération de dessoler, ni l'application inutile d'un cautere actuel, dort l'effet ne s'étend pas au-delà de la peau; j'indiquerai des topiques capables de la résoudre, tels que la pommade mercurielle, que l'on doit faire succéder à des frictions seches. On peut encore, après avoir froissé la tumeur & l'avoir fortement comprimée sous le doigt, dans l'intentior de briser l'humeur qui la forme, y placer un emplâtre d'onguent de vigo au triple de mercure, ou du diabotanum mercurisé, & recouvrir le tout d'une plaque de plomb, que l'on assujettira sur la partie par le moyen d'un bandage. Il est même à-propos, lorsque la tumeur est très-considérable, de la battre avec une petite palette de bois avant de tenter de la dissiper par ces résolutifs, que l'on employera toûjours avec succès, sur-tout s'ils sont accompagnés des médicamens internes, qui peuvent atténuer & liquéfier la lymphe. Ces médicamens sont le crocus metallorum , donné à la dose d'une once chaque jour; l'aquila alba, à la dose d'une dragme & plas; la poudre de vipere, &c. Si les frictions, les frotemens, les compressions occasionnent une inflammation, on ne continuera pas les applications des emplâtres prescrits; on recourra à des topiques émolliens, qui seront suivis de l'usage de ces mêmes emplâtres, lorsque la partie cessera d'être enflammée. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=Diderot Normalized Classification=Papeterie Part of Speech=NA Forme * Forme , ( Papeterie. ) chassis sur lequel la feuille de papier prend sa forme; il est composé d'un quadre de bois AA, BB ( voyez les Planc. de Papeterie . ) de figure quadrilatere, mais plus long que large: le vuide de ce quadre est de la grandeur dont on veut la feuille; il est traversé par de petits barreaux de bois, ou des fils de laiton, qu'on appelle verjures . Les verjures ont une arrête assez tranchante ( voyez les figures K & I ): la premiere représente la partie interieure d'une verjure qui est arrondie; & l'autre, la partie supérieure. Sur les arrêtes des verjures DD , qui sont assemblées dans les longs côtés du chassis, & qui viennent presque à son affleurement, on étend des fils de laiton BBB , que l'on fixe les uns auprès des autres par d'autres fils encore plus fins qui font le tour des verjures, comme le filet d'une vis sur son noyau; de maniere que le vuide du chassis soit entierement rempli. Ces lignes droites que l'on remarque au papier en le regardant au jour, sont les impressions des verjures: quant aux écritures & marques du manufacturier, elles se font par l'impression d'un fil de crin cousu sur la forme , suivant le dessein qu'on veut avoir. En général, la feuille prend la trace de toutes les parties éminentes de l'intérieur du quadre de la forme . On voit, fig. 1 . la forme par-dessus; fig. 2 . la forme par-dessous; & fig. 3 . le cadret que l'on tient sur la forme , pour lui servir de rebord. On conçoit qu'en plongeant la forme dans une chaudiere pleine d'eau & de pâte à faire du papier; la faisant entrer de champ; la tenant horisontalement sons l'eau, ensorte qu'il y ait, par exemple, six pouces depuis la surface de la forme jusqu'à la surface de l'eau; la levant ensuite parallelement à la surface de l'eau, on emportera sur la forme toutes les parties de pâte qui se trouveront au-dessus; que l'eau s'échappera à-travers le réseau de la forme; & que les parties de pâte retenues s'affaissant les unes sur les autres, formemeront une feuille. Voyez l'article Papeterie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formes Author=Diderot Normalized Classification=Raffinage de sucre Part of Speech=NA Formes * Formes , en terme de Raffineur de sucre; ce sont des moules de terre cuite, de figure conique, dans les quels on coule & on fait le sucre: la figure leur est nécessaire, pour que les sirops ne trouvent point de retraite où séjourner. Avant de se servir des formes neuves, on les met en trempe pendant vingt-quatre heures, pour les dégraisser: mais quand elles ont déjà servi, elles n'y restent que douze heures, après lesquelles on les lave & on les prépare pour l'empli, voyez Empli . Il y en a d'autant de sortes qu'il y a de différens poids dans les pains de sucre, ou plûtôt de degrés de finesse, voyez Sucre . Il faut encore que toutes les formes soient humides avant de les employer, excepté celles que l'on prépare pour les vergeoises & les verpuintes Voyez Vergeoises & Verpuintes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Forme Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Forme Forme , ( Vénerie. ) s'entend d'un espace de terre sur lequel un filet est etendu, en la couvrant lorsqu'on le fait agir. Formes se dit des femelles des oiseaux de proie, qui donnent le nom à l'espece; au lieu que les mâles s'appellent tiercelets; parce qu'en général, la femelle de l'oiseau de proie est plus grande, plus hardie, & plus forte que son mâle. Les formes ne sont point propres à la volerie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA FORMÉ FORMÉ, en terme de Blason . Une croix formée est une croix étroite au centre & large aux extrémités; c'est ainsi que l'appellent Leigh & Morgan, quoique la plûpart des auteurs la nomment patée. Voyez Patée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMÉE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject.f. FORMÉE FORMÉE, adj. f. pris substantivement, ( Jurispr. ) ce terme s'applique à plusieurs objets différens. Dans l'ancienne coûtume de Chauny, art. 17. les formées sont les services que l'on fait pour un défunt; ce qui vient sans doute de ce qu'il n'y a que la forme ou représentation d'un défunt. Partie formée , dans quelques coûtumes, signifie partie civile en matiere criminelle. Voyez Haynaut, ch. xxj . Larue d'Indre, art. 35 . Bourdelois, art. 79 . Office formé , c'est-à-dire qui est créé pour subsister à perpétuité, avec tous les caracteres d'un véritable office. Voyez Office . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formées, (Lettres) Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Formées, (Lettres Formées, (Lettres ) litterae formatae; on appelloit ainsi des lettres dont l'usage a été commun parmi les Chrétiens dans les premiers siecles de l'Eglise, parce qu'on y mettoit, au commencement ou à la fin, certains caracteres particuliers & convenus entre les églises particulieres, pour donner confiance à ce qu'elles contenoient & à ceux qui en étoient porteurs. Les évêques donnoient de ces lettres formées aux voyageurs, afin qu'ils fussent reconnus pour Chrétiens, & reçûs dans les autres églises: on les appelloit aussi lettres canoniques de paix, de recommandation, de communion: il en est souvent parlé dans les anciens conciles, où il est défendu de recevoir un clere dans une église, s'il n'est muni d'une lettre de son évêque; & c'est l'origine des dimissoires encore en usage aujourd'hui. Voyez Dimissoire . Le concile d'Elvire, tenu vers l'an 305, en parle ainsi, canon 25: « On donnera seulement des lettres de communion à ceux qui apporteront des lettres de confession, de peur qu'ils n'abusent du nom glorieux de confesseurs , pour exercer des concussions sur les simples ». Sur quoi M. Fleury remarque que les Chretiens en voyage prenoient ces lettres de leurs évêques, pour témoigner qu'ils étoient dans la communion de l'Eglise. S'ils avoient confessé la foi devant les persécuteurs, on le marquoit; & quelques-uns en abusoient. Par ces mêmes lettres les Eglises pouvoient être informées de l'état les unes des autres. Il étoit defendu aux femmes de donner de ces lettres en leur nom, ni d'en recevoir adressées à elles seules. Hist. eccles. tom. II. liv. IX. n°. xv. pag. 553 . Le pere Thomassin, discipl. ecclésiastiq. part. I. liv. I. ch. xl. remarque que dans les premiers tems les evêques des Gaules eux-mêmes ne pouvoient voyager sans avoir de ces lettres formées , qui leur étoient données par les métropolitains; mais on supprima cet usage au concile de Vannes, tenu en 442, parce qu'alois les évêques étoient censés se connoître suffisamment. Le P. Sirmond nous a conservé des formules de ces lettres formées . On appelloit aussi une loi formée , celle qui étoit scellée du sceau de l'empereur. Et enfin les Grecs modernes ont donné à l'eucharistie le nom de formée , parce que les hosties portoient empreinte la forme d'une croix. Ducange, glossar. latinit . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMEL Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FORMEL * FORMEL, adj. ( Gram. ) qui est revêtu de toutes les formes nécessaires; c'est en ce sens qu'on dit un démenti formel: qui ordonne ou qui défend une action de la maniere la plus exacte & la plus précise; c'est en ce sens qu'on dit la loi est formelle: qui n'a de rapport qu'à la forme ou à la qualité; c'est en ce lens qu'on dit que l'objet formel de la Logique, c'est la conduite de l'esprit dans la recherche de la vérité, &c. Voyez l'article suivant . Les Théologiens distinguent encore le formel & le matériel des actions; ainsi ils assûrent qu'on n'est point auteur d'un péché où l'on n'a mis que le matériel, mais non le formel; d'où l'on voit que le formel d'une action en est la malice. De formel , on a fait l'adverbe formellement , qui a toutes les acceptions de l'adjectif. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formel Author=d'Alembert Normalized Classification=Philosophie scholastique Part of Speech=NA Formel Formel , ( Philosophie scholast. ) on appelle dans l'école distinction formelle , celle qui est entre des choses réellement différentes, par opposition à la distinction virtuelle qui se fait par une simple opération de l'esprit. On demande, par exemple, si les degrés qu'on appelle dans l'école métaphysiques , sont distingués formellement ou virtuellement . Nous avons apprétié au mot Degré cette frivole & ridicule question. Les Scholastiques font encore d'autre usage du mot formel; ainsi ils distinguent l'objet matériel de l'objet formel. Voyez Objet . Ils font aussi grand usage dans leur argumentation des termes matériellement & formellement; c'est-à-dire qu'ils embrouillent par des mots barbares des choses déjà inintelligibles par elles-mêmes, & qui ne méritent pas que nous nous y arrêtions. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Formel Formel , ( Jurisprud. ) ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes. Ajournement formel dans quelques coûtumes, est différent de l'ajournement simple, comme dans celle de la Marche, art. 16 . Il est aussi parlé d'ajournement formel dans la coûtume de Poitou, art. 327. & 366 . & Angoumois 56. & 77 . On appelle contradiction formelle , celle qui est expresse sur le cas ou fait dont il s'agit; coût. de Berry, tit. xj. art. 2 . Garant formel , est celui qui est tenu de prendre le fait & cause du garanti. Voyez Garant . Partage formel , se dit dans la coûtume d'Auvergne pour exprimer un partage réel & effectif. Chap. xxvij. art. 7. & 8 . Partie formelle , est la même chose que partie formée ou partie civile; Nivernois, tit. j. art. 20. & suiv . Solle, tit. xxxv. art. 1 . Ordonnances du duc de Bouillon, art. 276 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FORMER FORMER, voyez ci-devant Formation . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Former, Dresser Author=Liebaut Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=v.act. Former, Dresser Former, Dresser , ( Art milit. ) v. act. on dit former des soldats, dresser des troupes . Le premier de ces deux mots exprime les soins que l'on prend pour accoûtumer le soldat à la discipline, le plier à l'obéissance, & lui inspirer l'esprit de son état. L'autre indique aussi l'éducation militaire qu'on donne à une troupe, mais ne tombe que sur la partie qui a rapport au maniment des armes, aux manoeuvres, aux evolutions, & autres détails du service. Enfin le terme former est restreint à un certain nombre d'hommes, qui ne composent pas encore un tout, & désigne un acte purement moral. Dresser s'étend à une troupe complette, telle qu'une compagnie, un bataillon, un régiment, & porte uniquement sur le physique des instructions qu'on leur donne. Former , en Tactique, se prend dans une acception différente, qui le rapproche des mots ordonner, disposer. Former dans ce cas signifie l'action de ranger des soldats dans un certain ordre, & annonce que cet ordre est leur état habituel, c'est-à-dire celui dans lequel il est convenu qu'on mettra toûjours une troupe, à moins que des circonstances particulieres n'obligent ceux qui la commandent, à l'ordonner suivant une autre méthode. Ce mot ordonner , bien plus générique que le premier, tient à tous les ordres de bataille possibles, & peut également s'entendre du bataillon quarré, de la colonne, du coin, &c. Voyez Ordre de Bataille . Disposer exprime l'opération générale par laquelle on distribue les différens corps d'une armée dans les postes qu'ils doivent occuper, suivant un plan de bataille qui aura été déterminé; ou celle par laquelle on leur fait prendre le rang qu'ils doivent tenir dans une marche ou dans un campement. Exemple . Les troupes prendront les armes à quatre heures. Tous les régimens se formeront à la tête de leur camp. Ils se porteront en ordre de bataille (c'est aujourd'hui en France être formés sur trois de hauteur, & cette ordonnance doit être appellée l'état habituel ); ils se porteront, dis-je, six cents pas en-avant des faisceaux, où chaque bataillon sera ordonné en colonne. Les lieutenans-généraux & maréchaux - de-camp disposeront alors leurs divisions, suivant l'ordre de marche ou de bataille, dont la veille on leur aura remis une copie. Article de M. Liebaut , chargé du dépôt de la guerre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMERET Author=Blondel Normalized Classification=Architecture gothique Part of Speech=s.m. FORMERET FORMERET, s. m. en Architecture gothique , ce sont les arcs ou nervures des voûtes gothiques, qui forment les arcades ou lunettes par deux portions de cercle, qui se coupent à un point. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMI Author=unknown Normalized Classification=Fauconnerie Part of Speech=s.m. FORMI FORMI, s. m. ( Fauconnerie. ) espece de maladie qui survient au bec de l'oiseau de proie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMIER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FORMIER FORMIER, s. m. ouvrier qui fait & vend des for mes de bois, sur lesquelles on bâtit des souliers. Il y a peu de ces sortes d'artisans à Paris. Ils ne font point un corps de jurande, & n'ont ni statuts ni jures; mais ils travaillent librement sans qualité & sans maitrise. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMORT, FORMORTURE, FORMOTURE, FORMOUTURE, ou FREMETURE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORMORT, FORMORTURE, FORMOTURE FORMORT, FORMORTURE, FORMOTURE, FORMOUTURE, ou FREMETURE, ( Jurisprud. ) terme usité dans quelques coutumes pour exprimer l' échoite ou droit de succession , qui appartient a quelqu'un par le décès d'un autre. Dans la coûtume de Hainaut, ch. x. art. 5. c'est la moitié des meubles que le survivant de deux conjoints entre roturiers doit donner en nature ou equivalant aux enfans issus d'un premier lit, lorsqu'il passe à des secondes nôces. Voyez la jurisprudence de Hainaut, pag. 29 . En la coutume de Cambrai, tit. vij. art. 11. de Lalleue sous Arras, de Namur, art. 80. c'est l'échoite ou droit successif qui appartient à quelqu'un, ou bien qui est dû au seigneur quand quelqu'un non marié, ni bourgeois, est décédé en sa seigneurie & justice, soit à l'égard des meubles ou autres biens. La coûtume de Mons, ch. xxxvj. se sert du terme fremeture . Pinault des Jaunaux sur Cambrai, loc. cit. prétend que le mot formouture tire son étymologie de formé le moitie; mais cette idée est refutée avec raison par le commentateur d'Artois sur l' art. 153. où il observe que la préposition for est fréquente & ajoutée à plusieurs dictions pour exprimer davantage , comme formariage forban . Il semble néanmoins que toutes ces dictions soient d'abord dérivées de foras ou foris , qui signifie dehors , & que formoture soit une abréviation de foris-motura , c'est-à-dire les choses que l'en emporte hors la maison mortuaire. Tout ce qui est acquis à quelqu'un par mort, soit à titre de communauté, de succession ou de legs, peut être nommé formoture . Les immeubles & les meubles échus par mort à ces différens titres, sont également compris sous le nom de formoture . Il y a cependant des coûtumes où le terme de formoture est restreint à la portion mobiliaire prise à titre de communauté, de succession, ou de legs. L'usage certain du pays d'Artois, est que le mot pur & simple de formoture ou formouture ne comprend que la portion, l'échoite, ou l'échéance mobiliaire, & non l'immobiliaire. Ainsi une veuve qui renonce à la formouture de son mari, un enfant qui renonce à la formouture de son pere ou de sa mere, ne sont pas exclus pour cela de la faculté de demander leurs parts & portions des immeubles de la communauté ou de la succession. Voyez la somme rurale, liv. I. tit. lxxvj. art. 2. & 4 . Carondas eodem , & Ducange en son gloss. latin , aux mots mortalagium, mortalitas, mortuarium . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMOSE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORMOSE FORMOSE, ( Geog. ) selon le P. Duhalde, grande île de la mer de la Chine, à l'orient de la province de Fokien, & qui s'étend du nord au sud 22 d . 8'. de lat. septentrionale jusqu'au 25 d . 20'. Une chaîne de montagnes la sépare dans cette longueur, en orientale & occidentale. La partie orientale n'est habitée que par les naturels du pays. La partie occidentale est sous la domination des Chinois, qui la cultivent avec soin; ils en ont chassé les Hollandois en 1661, & y ont nommé un viceroi en 1682. Voyez le P. Duhalde, descript. de la Chine , & le P. Charlevoix, hist. du Japon . Le Tai-Ouang-Fou est la capitale de cette île. Long. 139. 10-141. 28. lat. 22.8-25. 20 . ( D.J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMULAIRE Author=d'Alembert Normalized Classification=Théologie | Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m. FORMULAIRE FORMULAIRE, s. m. ( Théol. & Hist. ecclés. ) on appelle ainsi en général toute formule de foi qu'on propose pour être reçûe ou signée; mais on donne aujourd'hui ce nom (comme par excellence) au fameux formulaire dont le clergé de France a ordonné la signature en 1661, & par lequel l'on condamne les cinq propositions dites de Jansénius. Ce formulaire , auquel un petit nombre d'ecclésiastiques refuse encore d'adhérer, est une des principales causes des troubles dont l'église de France est affligée depuis cent ans. La postérité aura-t-elle pour les auteurs de ces troubles de la pitié ou de l'indignation, quand elle saura qu'une dissension si acharnée se réduit à savoir, si les cinq propositions expriment ou non la doctrine de l'évêque d'Ypres? car tous s'accordent à condamner ces propositions en elles-mêmes. On appelle (très-improprement) Jansénistes , ceux qui refusent de signer que Jansénius ait enseigné ces propositions. Ceux-ci de leur côté qualifient (non moins ridiculement) leurs adversaires de Molinistes , quoique le Molinisme n'ait rien de commun avec le formulaire; & ils appellent athées les hommes sages qui rient de ces vaines contestations. Que les opinions de Luther & de Calvin ayent agité & divisé l'Europe, cela est triste sans doute; mais du-moins ces opinions erronées rouloient sur des objets réels & importans à la religion. Mais que l'Eglise & l'Etat ayent été boulversés pour savoir si cinq propositions inintelligibles sont dans un livre que personne ne lit; que des hommes, tels qu'Arnauld, qui auroient pu éclairer le genre humain par leurs écrits, ayent consacré leur vie & sacrifie leur repos à ces querelles frivoles; que l'on ait porte la démence jusqu'à s'imaginer que l'Être supreme ait decide par des miracles une controverse si digne des tems barbares: c'est, il faut l'avoüer, le comble de l'humiliation pour notre siecle. Le seul bien que ces disputes avent produit, c'est d'avoir été l'occasion des Provinciales; modele de bonne plaisanterie dans une matiere qui en paroissoit bien peu susceptible. Il ne manqueroit rien à cet immortel ouvrage, si les fanatiques * des deux partis y étoient également tournés en ridicule: mais Pascal n'a lancé ses traits que sur l'un des deux, sur celui qui avoit le plus de pouvoir, & qu'il croyoit mériter seul d'être immole à la risée publique. M. de Voltaire dans son chapitre du Jansénisme , qui fait partie du siecle de Louis XIV. a sû faire de la plaisanterie un usage plus impartial & plus utile; elle est distribuée à droite & à gauche, avec une finesse & une legereté qui doit couvrir tous ces hommes de parti d'un mépris ineffaçable. Peut-être aucun ouvrage n'est-il plus propre à faire sentir combien le gouvernement a montré de lumieres & de sagesse en ordonnant enfin le silence sur ces matieres, & combien il eût été à desirer qu'une guerre aussi insensée eût été étouffée dès sa naissance. Mais le cardinal Mazarin qui gouvernoit alors, pouvoit-il prévoir que des hommes raisonnables s'acharneroient pendant plus de cent ans les uns contre les autres pour un pareil objet? La faute que ce grand ministre fit en cette occasion, apprend à ceux qui ont l'autorité en main, que les querelles de religion, même les plus futiles, ne sont jamais à mépriser; qu'il faut bien se garder de les aigrir par la persécution; que le ridicule dont on peut les couvrir dès leur origine, est le moyen le plus sûr de les anéantir de bonne-heure; qu'on ne sauroit sur-tout trop favoriser les progrès de l'esprit philosophique, qui en inspirant aux hommes l'indifférence pour ces frivoles disputes, est le plus ferme appui de la paix dans la religion & dans l'état, & le fondement le plus sûr du bonheur des hommes. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMULE Author=d'Alembert Normalized Classification=Algèbre Part of Speech=s.f. FORMULE FORMULE, s. f. ( Algebre. ) est un résultat général tiré d'un calcul algébrique, & renfermant une infinité de cas; ensorte qu'on n'a plus à substituer que * Nous disons les fanatiques ; car en tout genre le fanatisme seul est condamnable. des chiffres particuliers aux lettres, pour trouver le résultat particulier dans quelque cas propose que ce soit. Une formule est donc une méthode facile pour opérer; & si l'on peut la rendre absolument générale, c'est le plus grand avantage qu'on puisse lui procurer; c'est souvent réduire à une seule ligne toute une science. Mais pour qu'une formule génerale soit vraiment utile, & qu'il y ait du mérite à l'avoir trouvée, il faut que la formule générale soit plus difficile à trouver que la formule particuliere, c'est-à-dire que le probleme énoncé généralement renferme des difficultés plus grandes que le probleme particulier qui a donne occasion de chercher la méthode génerale. Feu M. Varignon, géometre de l'académie des Sciences, aimoit à généraliser ainsi des formules; mais malheureusement ses formules générales etoient presque toûjours privées de l'avantage dont nous parlons: & dans ce cas une formules génerale n'est qu'une puérilité ou une charlatanerie. M. Bernoulli, ou un autre géometre, résolvoit il un probleme difficile? M. Varignon aussi-tôt le généralisoit, de maniere que l'énoncé plus général renfermoit en apparence plus de difficultés, mais en effet n'en avoit aucune de plus, & n'exigeoit pas qu'on ajoûtât la moindre chose à la méthode particuliere: aussi M. Bernoulli disoit-il quelquefois après avoir résolu un problème, qu' il le laissoit à généraliser à M. Varignon . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formule Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire romaine Part of Speech=NA Formule Formule ( Hist. rom. ) regle prescrite par les lois de Rome, dans des affaires publiques & particulieres. La république romaine avoit établi pour l'administration des affaires, certaines formules dont il n'étoit pas permis de s'écarter. Les stipulations, les contrats, les testamens, les divorces, se faisoient par des formules prescrites, & toûjours en certains termes dictés par la loi, dont la moindre omission ou addition étoit capable d'annuller les actes les plus importans. La même chose avoit lieu pour les affaires publiques religieuses & civiles, les expiations; les déclarations de guerre, les dévoüemens, &c. avoient leurs formules particulieres, que l'histoire nous a conservées. Enfin il y avoit dans quelques conjonctures éclatantes, certaines formules auxquelles on attachoit des idées beaucoup plus vastes, que les termes de ces formules ne sembloient désigner. Ainsi quand le sénat ordonnoit par un decret que les consuls eussent à pourvoir qu'il n'arrivât point de dommage à la république, ne quid respublica detrimenti caperet , c'etoit une formule des plus graves, par laquelle les magistrats de Rome recevoient le pouvoir le plus étendu, & qu'on ne leur confioit que dans les plus grands périls de l'état. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formules des Actions ou Formules romaines Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Formules des Actions Formules des Actions ou Formules romaines ( Jurilp. ), legis actiones; c'étoit la maniere d'agir en conséquence de la loi, & pour profiter du bénéfice de la loi; c'étoit un style dont les termes devoient être suivis scrupuleusement & à la rigueur. C'étoit proprement la même chose que les formalités établies parmi nous par les ordonnances & l'usage, pour le style des actes & la procédure. Ce qui donna lieu à introduire ces formules , fut que les lois romaines faites jusqu'au tems des premiers consuls, ayant seulement fait des réglemens sans rien prescrire pour la maniere de les mettre en pratique, il parut nécessaire d'établir des formules fixes pour les actes & les actions, afin que la maniere de procéder ne fût pas arbitraire & incertaine. Il paroit que ce fut Appius-Claudius Caecus, de l'ordre des patriciens, & qui fut consul l'an de Rome 446, qui fut choisi par les patriciens & par les pontifes, pour rédiger les formules & en composer un corps de pratique. Ces formules furent appellées legis actiones , comme qui diroit la maniere d'agir suivant la loi; elles servoient principalement pour les contrats af franchissemens, émancipations, cessions, adoptions, & dans presque tous les cas où il s'agissoit de faire quelque stipulation, ou d'intenter une action. L'effet de ces formules étoit 1°. comme on l'a dit, de fixer le style & la maniere de procéder; 2°. que par ce moyen tout se faisoit juridiquement & avec solennité, tellement que le défaut d'observation de ces formules emportoit la nullité des actes; & l'omission de quelques-uns des termes essentiels de ce formules , faisoit perdre irrévocablement la cause à celui qui les omettoit; au lieu que parmi nous on peut en certain cas revenir par nouvelle action. 3°. Elles ne dépendoient d'aucun jour ni d'aucune condition, c'est-à-dire qu'elles avoient lieu indistinctement tous les jours, même dans ceux que l'on appelloit die, festos , & elles ne changeoient point suivant les conventions des parties. 4°. Chacune de ces formules ne pouvoit s'employer qu'une fois dans chaque acte ou contestation. Enfin il falloit les employer ou prononcer soi-même, & non par procureur. Les patriciens & les pontifes qui étoient dépositaires de ces formules , de même que des fastes, en faisoient un mystere pour le peuple; mais Cnaeus-Flavius secrétaire d'Appius, les rendit publiques; ce qui fut si agréable au peuple, que le livre des formules lut appellé droit flavien , du nom de celui qui l'avoit publié; & Flavius fut fait tribun du peuple. Les fastes & les formules furent proposés au peuple sur des tables de pierre blanche; ce qu'on appelloit in albo . Autant le peuple fut satisfait d'être instruit des formules , autant les patriciens en furent jaloux; & pour se conserver le droit d'être toûjours les dépositaires des formules , ils en composerent de nouvelles qu'ils cacherent encore avec plus de soin que les premieres, afin qu'elles ne devinssent pas publiques; mais Sextus-AElius-Poetus Catus etant édile-curule, l'an de Rome 553, les divulga encore, & celles-ci furent nommées droit aelien . Ces nouvelles formules furent comprises dans un livre d'AElius, intitulé tripertita . Les jurisconsultes ajoûterent dans la suite quelques formules aux anciennes; mais tout cela n'est point parvenu jusqu'à nous. Les formules commencerent à être moins observées sous les empereurs. Les fils de Constantin rejetterent celles qui avoient rapport aux testamens; Théodose le jeune les abrogea toutes, & depuis elles ne furent plus de vigueur, ni même usitées: cependant l'habitude où l'on étoit de s'en servir, fit qu'il en demeura quelques restes dans la plûpart des actes. Plusieurs savans ont travaillé à rassembler les fragmens de ces formules , dispersés dans les lois & dans les auteurs. L'ouvrage le plus complet en ce genre est celui du président Brisson, de formules & solemnibus populi romani verbis . Il est divise en huit livres, qui contiennent les formules des actes & de la procédure, & même celles touchant le religion & l'art militaire. Le célebre Jerôme Bignon, qui publia en 1613 les formules de Marculfe, avec des notes, y a joint quarante-six anciennes formules selon les lois romaines. M. Terrasson a aussi très bien expliqué l'objet de ces formules , dans son histoire de la jurisprudence romaine, part. II. §. 16. pag. 207 . & à la fin de l'ouvrage parmi les anciens monumens qu'il nous a donnés de la jurisprudence romaine, il a aussi rapporté plusieurs formules des contrats & actions. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formules de Marculfe Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Formules de Marculfe Formules de Marculfe , sont des modeles d'actes & de procédures, recueillis par le moine Marculfe qui vivoit vers l'an 660. On presume qu'il avoit été chapelain de nos rois avant de se retirer dans une solitude. Son recueil de formules est divisé en deux livres. Le premier contient des formules des lettres qui s'expédioient aux palais des rois, chartae regales . L'autre livre contient celles qui étoient données devant le comte ou les juges des lieux, appellées chartae pagenses . Cet ouvrage est nécessaire pour bien entendre l'histoire de nos rois de la premiere race, & la jurisprudence qui avoit lieu alors. Jerôme Bignon dont on a parlé ci-dessus, publia cet ouvrage en un volume in-8°. qu'il enrichit de savantes remarques. Il y a joint des formules romaines, & d'autres anciennes formules françoises dont l'auteur est incertain. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formules des Actes Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Formules des Actes Formules des Actes , qu'on appelle aussi formules simplement, se prennent en plusieurs sens différens. On entend quelquefois par-là le style uniforme que l'on avoit projetté d'établir pour les actes & procédures; quelquefois la marque & inscription qui est au-haut du papier & du parchemin timbrés: quelquefois par formule on entend le papier même ou parchemin qui est timbré. L'origine des formules en France vient des ordonnances que Louis XIV. fit faire pour la réformation de la justice, & notamment celles des mois d'Avril 1667, Août 1669 & 1670. Aussi-tôt que la premiere de ces ordonnances parut, le roi crut que pour rendre à ses sujets l'exécution des ordonnances plus facile, & afin qu'il y eût à l'avenir un style uniforme dans toutes les cours, il devoit faire dresser des formules tant des exploits que des autres procédures, actes & formalités nécessaires dans la poursuite des procès. On commença donc par dresser des formules pour l'exécution de l'ordonnance de 1667, lesquelles furent vûes & examinées dans le conseil de réformation, & arrêtées pour servir de regle & de modele à tous les praticiens & autres sujets du roi. Le recueil de ces formules fut imprimé en un volume in-4°. en 1668. Il ne paroît pas que l'on ait fait le même travail sur les autres ordonnances. Cependant par un édit du mois de Mars 1673, le roi annonça encore qu'il avoit estimé nécessaire de faire dresser en formules les actes & procédures les plus ordinaires, en conformité des nouvelles ordonnances, pour être lesdites formules portées dans chaque siége, & y être observées sans aucun changement; & pour faciliter l'observation de ces formules & ôter tout prétexte de s'en écarter, il ordonna que ces formules seroient imprimées, & que les officiers publics se serviroient de ces imprimés, tant pour les originaux que pour les copies de leurs actes, dans lesquelles formules ils rempliroient à la main les blancs de ce qui seroit propre à chaque acte. Les motifs allégués dans cet édit, étoient de rendre le style uniforme dans tous les tribunaux; de prévenir les fautes où tombent souvent des copistes peu intelligens; de rendre l'instruction des procès plus prompte & plus facile, & de diminuer les frais. Ces formules imprimées avoient paru si commodes, que l'on s'en servoit déjà dans l'instruction de différentes affaires & procès, & que néanmoins les parties n'en tiroient point d'avantage, vû qu'on leur faisoit toûjours payer les mêmes droits, que si les actes étoient entierement écrits à la main. L'édit ordonna en conséquence que les huissiers, sergens, procureurs, greffiers & autres officiers ministres de justice des conseils de S. M. parlemens, grand-conseil & autres cours, siéges & justices royales, & ceux des justices des seigneurs, mêmes des officialités & autres jurisdictions tant ordinaires qu'extraordinaires, seroient tenus, chacun à leur égard, de se servir, tant pour originaux que pour copies, des formules d'exploits, procédures & autres actes judiciaires, pour être les blancs des imprimés remplis, & par eux employés à leurs usages; qu'à cet effet il seroit dressé un recueil de ces formules , qui seroit arrêté par S. M. & envoyé dans toutes les cours premieres & principales, pour y avoir recours & servir de modele aux imprimés des formules . Qu'il seroit fait un autre recueil des formules des contrats, obligations & autres actes les plus communs & usités, & qui sont journellement passés par les notaires & tabellions, soit royaux, apostoliques ou des seigneurs; comme aussi des lettres de mer, connoissemens, chartes parties, & autres actes & contrats maritimes, pour servir aux écrivains de vaisseau. Qu'il seroit pareillement fait un recueil des lettres les plus ordinaires de justice, finance & de grace, tant de la grande chancellerie, que de celles qui servent près les cours & présidiaux, & des provisions des bénéfices & offices, des lettres des Arts & Métiers, & autres de toute nature. Que l'on feroit pareillement un recueil des formules des lettres de provisions, présentations & nominations de bénéfices des archevêques, évêques, chapitres, abbés, & autres collateurs & patrons ecclésiastiques, & généralement de toutes les lettres qui sont données par les archevêques & évêques; comme aussi des lettres de maître-ès-arts, de bachelier, de licentié & de docteur en toutes les facultés des universités, & de toutes les autres lettres qui s'expédient dans les secrétariats des universités, & de celles qui sont données par toutes autres communautés ecclésiastiques & séculieres. Enfin qu'il seroit aussi fait un recueil des formules des quittances, qui s'expédient annuellement pour les revenus casuels de S. M. marc-d'or, recette générale des finances & particulieres des tailles, payeurs des rentes sur la ville de Paris, & généralement par tous les officiers comptables; ensemble par les rentiers & autres parties prenantes; comme aussi des acquits, certificats, passeports, passavants & autres actes qui servent à la régie de nos fermes & perception de nos droits, même des commissions des tailles des paroisses. Que sur les modeles de ces formules seroient imprimés les exemplaires, qui seroient employés par ceux qui s'en devoient servir, soit en parchemin ou en papier, suivant l'usage; & que toutes ces formules imprimées seroient marquées en tête d'une fleur-de-lis, & timbrées de la qualité & substance des actes. On devoit, sous peine de nullité des actes, se servir des exemplaires imprimés, trois mois après que les recueils de formules auroient été mis au greffe des cours. Cet édit fut registré au parlement, le roi y séant en son lit de justice, le 23 Mars 1673. Il fut registré le même jour en la chambre des comptes, de l'ordre de S. M. porté par Monsieur, son frere unique, assisté du maréchal du Plessis-Praslin & des conseillers d'état. Par une déclaration du 30 Juin suivant, le roi ordonna que les recueils de formules & le tarif arrêté en son conseil le 22 Avril précédent, seroient enregistrés dans toutes ses cours. Cette déclaration fut portée au parlement de Paris, avec les recueils de formules & le tarif des droits; mais elle n'y fut point enregistrée, à cause de l'inconvénient que l'on trouva dans les formules , qui ne pouvoient servir à tous les divers actes dont la disposition est différente, selon les personnes, les lieux & les choses. Le roi voulant accélérer la perception des droits portés par le tarif des formules , pour fournir aux dépenses de la guerre qu'il faisoit en personne, donna une autre déclaration le 2 Juillet 1673, par laquelle il ordonna que le travail commencé pour dresser les formules seroit continué & achevé, pour être ensuite procédé à l'enregistrement de tous les recueils; & cependant que les commis préposés pour la distribution desdites formules , pourroient vendre & distribuer à tous officiers ministres de justice & autres qu'il appartiendroit, le papier & parchemin qu'il conviendroit, marqué en tête d'une fleur-de-lis, & timbré de la qualité & substance des actes, avec mention du droit porté par le tarif; le corps de l'acte entierement en blanc, pour être écrit à la main, &c. le tout seulement jusqu'à ce que les recueils de formules fussent achevés; après quoi les officiers publics seroient tenus de se servir des formules en la maniere portée par les recueils. C'est de-là que le papier & le parchemin timbrés tirent leur origine; on a cependant conservé le nom de formule au timbre, & quelquefois on donne aussi ce nom au papier même ou au parchemin timbrés, à cause que dans les commencemens ils étoient destinés à contenir les formules des actes, au lieu desquelles on s'est contenté de mettre en tête un timbre ou marque, avec le nom des actes; le projet des formules imprimées ayant été totalement abandonné, à cause des difficultés que l'on a trouvé dans l'exécution. La formule ou timbre que la ferme générale fait apposer au papier & parchemin destinés aux actes publics, change ordinairement à chaque bail. Il y a une formule particuliere pour chaque generalité. Outre la formule commune qui est apposée sur tous les papiers & parchemins de chaque generalité, il y en a encore de particulieres pour les actes reçus par certains officiers, comme pour les expeditions des greffiers, pour les actes des notaires, pour les lettres de chancellerie, les quittances de finance, les quittances de ville, &c. Le bail des formules fait partie de la ferme des aides. Aussi ce qui concerne la perception des droit, du Roi pour les formules , est-il traite dans l'ordonnance des aides de 1680; sous le titre dernier, des droits sur le papier & le parchemin timbré . Il y a un recueil des réglemens faits pour l'usage du papier & parchemin timbres, que l'on appelle communément le recueil des formules , par le sieur Deniset, où l'on trouve tout ce qui concerne cette matiere. Il y a aussi un mémoire instructif sur les droits de la formule , qui est à la fin du dictionnaire des aides, par le sieur Brunet de Grand-maison. Voyez Papier timbré & Parchemin . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Formule Author=Venel|Jaucourt Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=NA Formule Formule , ( Pharm. ) prescription, ordonnance, recette , & quelquefois même recipe , est une exposition par écrit de la matiere & de la forme d'un médicament quelconque, de la maniere de le préparer, de la quantité ou dose à laquelle on doit le faire prendre au malade, & de toutes les différentes circonstances qui peuvent varier son administration. L'art de dresser des formules ou de formules , est plus essentiel au medecin qu'on ne le pense communément, & il suppose plusieurs connoissances très-utiles, ou dont il est au-moins honteux de manquer: rien n'est si ordinaire cependant que de voir des medecins de la plus haute reputation, commettre les fautes les plus grossieres en ce genre; fautes qui à la vérité sont ignorées du public, mais qui exposent l'art à la dérision des garçons apothicaires, & très-souvent les malades à ne point éprouver le bien que le medecin avoit en vûe, & même à essuyer de nouveaux maux. Pour l'honneur de l'art donc, & même pour le falut des malades, le medecin praticien doit être en état de formuler selon toutes les regles, auxquelles il n'est dispensé de se conformer scrupuleusement, que quand il est en état de bien discerner ce qui est d'appareil & d'élégance, d'avec ce qui est de nécessité absolue. M. Jerôme David Gaubius professeur de Leyde, a donné sur l'art de dresser des formules , un ouvrage qui peut être regardé comme achevé. Les gens de l'art doivent l'étudier tout entier. Le lecteur non-medecin sera très-suffisamment instruit sur cette matiere, par la connoissance abregée que nous allons lui en donner ici. On doit avoir deux vûes générales dans la prescription des remedes; de soulager le malade, & de lui épargner le desagrément du remede autant qu'il est possible. Le premier objet est en partie entre les mains de la nature; le second est entierement en nos mains. On doit pour remplir la premiere vûe, pourvoir à la guérison du malade par le remede le plus simple qu'il est possible. Les formules très-chargees de divers matériaux, sont le plus souvent des productions de la charlatanerie ou de la routine: le dessein d'ajoûter à la drogue qui fait la base du remede, un adjuvant & un dirigent, selon l'idée des anciens, ce dessein, dis-je, est absolument chimérique. Nous avons dit ailleurs ce qu'il falloit penser de l'emploi des correctifs, qui étoit encore un des ingrédiens essentiels des compositions pharmaceutiques anciennes. Celui des materiaux que Gaubius appelle constituans , est le même que notre excipient. Voyez Excipient . Mais si par les considérations que nous avons exposées au mot Composition , on se determine à prescrire des remedes magistraux composés, il faut que les divers ingrédiens de ces remedes n'agissent pas les uns sur les autres, qu'il ne se de composent pas, ou qu'ils ne se combinent pas diversement contre l'intention du medecin, & même qu'ils ne se déparent point réciproquement, ou n'acquierent point un goût desagréable par leur mélange. C'est ainsi qu'il ne faut point mêler les sels ammoniacaux avec les alkalis fixes, ou les terres absorbantes; les acides avec les alkalis, en comptant un la vertu médicinale de chacune de ces substances cai ces corps sont absolument dénaturés par la combinaison, ou par la précipitation. Voyez Menstrue & Précipitation . Les altérations de ce genre produisent aussi des changemens considérables dans les odeurs & dans les saveurs. Le vinaigre mêle au foie de soufre, produit une odeur detestable, dont chacun des réactifs étoit exempt; les huiles par expression, mêlées ou plutôt confondues avec des corps doux, comme le miel ou la manne, ont une saveur très-desagréable &c. Une attention moins essentielle, mais qu'il ne faut pas négliger dans les formules composées, c'est de prescrire ensemble les drogues de la même espece, les racines avec les racines, les feuilles avec les feuilles, &c. & de les arranger dans le même ordre que l'apothicaire doit les employer. Il faut connoitre nécessairement les rapports des différentes substances qu'on veut employer, entre elles & avec l'excipient qu'on veut leur donner, aussi-bien que la consistance de chacun de ces ingrédiens, afin qu'on ne s'avise pas de vouloir dissoudre un sel avec de l'huile, ou un baume avec de l'eau, & de vouloir faire une poudre avec six grains d'un sel lixiviel & huit gouttes d'une huile essentielle, comme je me souviens de l'avoir vû ordonner une fois. Il faut encore savoir les différens noms que porte quelquefois dans les boutiques une même drogue simple, ou une même préparation, afin de ne pas risquer d'ordonner plusieurs fois dans la même formule , la même drogue sous des noms différens; ne pas prescrire, par exemple, dans un julep syruporum de diacodio, de meconio & de papavere albo ana dragmam unam , &c. On commettroit une faute du même genre, si l'on ordonnoit en même tems diverses préparations parfaitement semblables en vertu, de la même substance; par exemple la décoction, l'extrait ou le sirop simple de chicorée, &c. Ou si ayant prescrit une composition officinale, on demande d'ailleurs la plûpart des ingrédiens de cette composition. Il faut être instruit encore des tems de l'année où l'on peut avoir commodément certaines substances, comme les plantes fraîches, les fruits récens, &c. Les différens ingrédiens des formules se déterminent par poids & par mesure. Voyez Poids & Mesure . Le modus pharmaceutique, ou la maniere de préparér la formule ou de la réduire sous la forme prescrite, termine ordinairement la formule & en constitue proprement la souscription, qui comprend aussi le tems & la maniere de faire prendre le remede au malade. Cette derniere partie de la souscription qui est appellée signature , doit dans la grande exactitude être séparée du corps de la formule , & être écrite en langue vulgaire (le corps de la formule s'écrit ordinairement en latin), avec ordre de l'appliquer ou de la transcrire sur le vaisseau, la boîte, ou le paquet, dans lequel l'apothicaire livrera le médicament. Il n'est personne qui n'apperçoive l'utilité de cette pratique, qui peut seule empêcher les gardes malades, les domestiques, & en général les assistans de confondre les différens remedes qu'on fait prendre quelquefois aux malades dans le même jour, ou de les donner hors de propos. Les regles que nous venons d'exposer sont absolument générales, & conviennent aux médicamens préparés sous les diverses formes qui sont en usage. Voyez l'article Médicament . On use dans les formules ordinaires de divers caracteres & de diverses abréviations, pour désigner les poids, les mesures, certains ingrédiens très-ordinaires, les noms génériques des drogues, & certains mots d'usage & de style qui reviennent dans presque toutes les formules . On trouvera les caracteres des poids & mesures, aux articles généraux Poids & Mesure , & aux articles particuliers Once , Grain , Faisceau , Goutte , &c. Voici la liste des abréviations les plus usitées. Aq. C. aqua communis . Q. S. quantum sufficit . S. A. secundum artem . a a. ana , de chacun. M. misce . F. fiat . M. F. pulvis. Misce fiat pulvis . S. signatur . D. detur . Rad. radices . Fol. folia . Fl. flores . &c. Les abréviations du genre de ces trois dernieres s'entendent assez sans explication. Au reste on trouvera des exemples de formules régulieres, & revêtues de tout leur appareil, l'inscription, le commencement, l'ordre, la souscription, la signature, aux articles Opiate , Potion , Poudre , Tisane , &c. ( b ) On ne peut s'empêcher d'ajoûter ici d'autres considérations importantes sur les qualités qui résultent du mélange des drogues dans les formules composées, soit magistrales, soit officinales, & l'on empruntera ces considérations du même ouvrage de M. Gaubius. Les qualités qui résultent du mélange des drogues, & qui sont souvent très-différentes de celles de chacune prise séparément, méritent une attention particuliere; parce que le changement qui arrive après le mélange est si notable, qu'il attaque même la vertu médicinale des remedes & leur nature: ce qui prouve assez combien on a tort de préférer les composés aux simples, quand il n'y a pas de nécessité absolue qui l'exige. Les qualités auxquelles on doit avoir égard dans les formules composées, sont sur-tout la consistance, la couleur, l'odeur, la saveur, & la vertu médicinale. Les vices de la consistance sont l'inégalité du mélange, quand elle est trop seche ou trop épaisse, trop fluide ou trop molle. Pour éviter cet inconvénient, il faut connoître la consistance propre à chaque formule , & la consistance de chaque ingrédient prise séparément. Rien n'est si changeant que la couleur, sur-tout si on mêle des matieres différentes. On voit bien des gens sur qui cet objet fait grande impression, & qui aiment mieux les compositions d'une couleur diaphane, blanche, dorée, rouge, bleue, que celles qui en ont une jaune, verte, noire, opaque. On ne peut pas néanmoins déterminer physiquement en général, quelle sera la couleur résultante des différentes couleurs mélangées. La Chimie par le mélange des matieres sans couleur, en produit une blanche, jaune, rouge, bleue, brune, noire, &c. elle tire même toutes sortes de couleurs de toutes sortes de matieres; elle est presque ici la seule science qui donne les exemples & les regles dont le medecin a un besoin essentiel. Les odeurs ne changent pas moins que les couleurs dans le mélange des remedes différens; mais leur efficacité est bien plus grande & plus réelle. Ainsi remarquez 1°. qu'il y a peu de regles pour rendre les odeurs agréables; que ces regles sont très-bornées & très-incertaines; que les odeurs qui plaisent à quelques personnes, déplaisent à beaucoup d'autres. 2°. Que l'agréable & l'utile ne vont point ici de pair; les hypocondriaques & hystériques se trouvent quelquefois ne pouvoir pas supporter ce qui sent très-bon; souvent les odeurs fortes, foetides ou suaves, font de grandes impressions en bien & en mal. 3°. Qu'en général on aime davantage ce qui n'a point d'odeur, ou ce qui ne sent ni bon ni mauvais. 4°. Que souvent toute la vertu des remedes dépend de leurs odeurs, ou du principe qui les produit. De plus, on ne peut pas prévoir toûjours l'odeur du mixte par celle des ingrédiens. Voici cependant ce que nous apprend la Chimie, & qui prouve combien il est utile de la savoir quand on commencera à formuler . 1°. Il y a des matieres sans odeur, que le mélange rend très-odoriférantes. Quand on mêle, par exemple, le sel alkali fixe ou la chaux vive qui sont l'un & l'autre sans odeur, avec le sel ammoniac; quelle odeur forte ne sent-on pas tout-à-coup? La même chose arrivera, si on verse l'acide vitriolique sur le nitre, le sel marin, le sel ammoniac, le tartre régénéré, & autres semblables. 2°. Il y a des ingrédiens très-odoriférans, qui après le mélange n'ont plus d'odeur: l'esprit de sel ammoniac, joint à l'acide du nitre ou du sel marin, en est un exemple. 3°. Il résulte quelquefois une odeur extrèmement fétide, du mélange d'odeurs, ou suaves, ou médiocrement fétides: pareillement des matieres très-fétides mêlées ensemble, donnent des odeurs très agréables. Quand on verse du vinaigre sur une dissolution de soufre par les alkalis fixes, on sent l'odeur d'oeuf pourri. Des sucs très-puans que M. Lemery avoit mis dans un petit sac, rendirent une odeur de musc. Hist. de l'acad. roy. ann. 1706. pag. 7 . Les saveurs demandent les mêmes précautions & les mêmes connoissances chimiques, que les odeurs. Les saveurs naturelles, douces, acides, ameres, un peu salées, &c. sont les meilleures. Les plus desagréables sont celles qui sont putrides, rances, urineuses. La Chimie apprend qu'il y en a d'autres bien différentes, & souvent très-extraordinaires, qui naissent du mélange de différentes matieres. Les acides & les alkalis mêlés ensemble, se détruisent. Rien n'est plus desagréable que le goût salé que contractent les acides par le mélange des yeux d'écrevisses qui sont naturellement fades, & de tous les autres absorbans marins. Les terres grasses, insipides, jointes à un acide, deviennent alumineuses; le plomb uni aux acides, acquiert une douceur de sucre; le fer de doux devient stiptique. On sait quel goût affreux ce même mélange donne aux autres métaux. Quelquefois même il arrive des choses qu'on n'attendoit pas naturellement dans le mélange. En voici quelques exemples. Les acides & les alkalis mêlés ensemble, perdent leurs forces particulieres, & deviennent un sel neutre. Les terres bolaires, médicinales, jointes aux acides, acquierent une force astringente plus considérable, & même alumineuse. Un acide joint à la scamonée, la rend aussi peu active que le sable; au lieu qu'un alkali fixe en aide l'action. Le sel de tartre adoucit la force du jalap & de la coloquinte. Le sucre affoiblit les mucilagineux & les astringens. Le mercure mêlé au soufre & changé en aethiops ou en cinnabre, cesse d'être salivant. Si vous le broyez bien exactement avec le double de sucre ou d'yeux d'écrevisse, vous produirez un aethiops blanc qui n'aura que peu d'action. Remarquez néanmoins que le turbith minéral, mêlé avec les pilules de duobus & le camphre, d'évacuant qu'il étoit devient altérant. Le mercure doux joint au soufre d'antimoine, a de la peine à exciter le ptyalisme, le vomissement, à pousser par les selles & les urines. Le sublimé corrosif devient doux, quand on y mêle une quantité de mercure crud. Plusieurs chaux de mercure où l'acide se fait sentir par son âcreté, s'adoucissent en les broyant avec des alkalis ou des absorbans terreux. L'aethiops ou le cinnabre mêlé avec les alkalis fixes, ne se change-t-il pas? Les alkalis dissous par les acides, & les acides par les alkalis, font ordinairement une effervescence & perdent beaucoup de leurs forces. Le vitriol de Mars mêlé avec les alkalis, se change en une espece de tartre vitriolé & d'ochre. Il en est de même dans les autres métaux & demi-métaux, excepté le cuivre. Les alkalis précipitent l'alun en une chaux morte; ce qui fait connoître la nature des magisteres alumineux. Le soufre dissous par un sel alkali, est chassé de cet alkali par un acide, &c. Si donc dans une formule l'on joint sans précaution les acides, surtout les fossiles, aux métaux ou aux minéraux de quelque espece qu'ils soient, il en peut résulter des changemens étonnans, souvent même de violens poisons. Le mercure sublimé, le précipité rouge, la pierre infernale, le beurre d'antimoine & plusieurs autres, en sont des preuves. Enfin les vertus médicinales d'un corps dissous ou extrait par tel & tel menstrue, sont fort différentes. La plûpart des purgatifs végétaux extrait par un menstrue aqueux, réussissent fort bien. Ceux qui l'ont été par un menstrue spiritueux, donnent des tranchées, & purgent moins. Le verre d'antimoine, ou le safran des métaux, communique au vin une vertu émétique; ce qu'il ne fait point à l'eau, au vinaigre distillé, à l'esprit-de-vin, ou à son alcohol. Le cuivre dissous par un acide est très-émétique; par un alkali volatil, il pousse efficacement par les urines; par le sel ammoniac, il devient cathartique, &c. Boerhaave, elem. chim. vol. II. pag. 475. & seq. Il seroit aisé de citer beaucoup d'autres exemples, & je voudrois pouvoir les rapporter tous: mais comme il n'y a point de bornes dans les compositions & les mélanges, il s'en faut de beaucoup que nous connoissions au juste les altérations qui en résultent; on n'y parviendra que quand on aura découvert les principes naturels des simples, les rapports réciproques qu'ils ont chacun entr'eux, & la véritable maniere dont ils agissent. Cependant un homme instruit de la Chimie, s'il veut mêler plusieurs drogues dans ses formules , sera toûjours sur ses gardes; parce qu'il fait mieux que personne que de certains mélanges il résulte des changemens prodigieux, & qu'il y en a sans doute une infinité qu'on ne connoît pas: car on n'a point encore ni fait les mélanges possibles de tous les corps, ni bien examiné les produits de ceux qui ont été mêlés. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORMULÉ Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject FORMULÉ FORMULÉ, adj. ( Jurisprud. ) Papier formulé . On appelle quelquefois ainsi le papier timbré, à cause que dans l'origine il étoit destiné à contenir des formules imprimées de toutes sortes d'actes; & comme on a confondu les termes de timbre & de formule , on dit aussi indifféremment papier timbré ou formulé . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORNACALES ou FORNICALES Author=Mallet Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA FORNACALES ou FORNICALES FORNACALES ou FORNICALES, ( Mytholog. ) nom propre d'une fête que les Romains célébroient en l'honneur de la déesse Fournaise. Voyez Fête . On y faisoit des sacrifices devant une fournaise ou devant le four, où l'on avoit coûtume de brûler le blé ou de cuire le pain, &c. C'étoit une fête mobile que le grand Curion indiquoit tous les ans le 12 des calendes de Mars. Elles furent instituées par Numa. Les Quirinales étoient pour ceux qui n'avoient pas célébré les fornacales. Voyez Quirinales . Trév. & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORNICATION Author=Voltaire|d'Alembert Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. FORNICATION FORNICATION, s. f. ( Morale. ) Le dictionnaire de Trévoux dit que c'est un terme de Théologie. Il vient du mot latin fornix , petites chambres voûtées dans lesquelles se tenoient les femmes publiques à Rome. On a employé ce terme pour signifier le commerce des personnes libres . Il n'est point d'usage dans la conversation, & n'est guere reçu aujourd'hui que dans le style marotique. La décence l'a banni de la chaire. Les Casuistes en faisoient un grand usage, & le distinguoient en plusieurs especes. On a traduit par le mot de fornication les infidélités du peuple juif pour des dieux étrangers, parce que chez les prophetes ces infidélités sont appellées impuretés, souillures . C'est par la même extension qu'on a dit que les Juifs avoient rendu aux faux dieux un hommage adultere. Article de M. de Voltaire . La fornication , entant qu'union illégitime de deux personnes libres, & non parentes, est proprement un commerce charnel dont le prêtre n'a point donné la permission. L'ancienne loi condamne celui qui a commis la fornication avec une vierge , à l'épouser, ou à lui donner de l'argent, si son pere la refuse en mariage. Exode 22 . Elle ne paroît pas avoir imposé de peine pour la fornication avec une fille publique, ou même avec une veuve. Ce n'est pas que cette fornication fût permise; nous voyons par un passage des actes des apôtres, xv. 20. 29. qu'on prescrivoit aux Juifs nouvellement convertis, de conserver entr'autres observations légales, l'abstinence de la fornication & des chairs étouffées . Cette attention à faire marcher de pair deux abstinences si différentes, paroit prouver, ou que la manducation des chairs étouffées (indifférente en elle-même) étoit traitée par la loi des Juifs comme un grand mal, ou que la fornication étoit regardée comme une simple faute contre la loi, plûtôt que comme un crime. La loi nouvelle a été plus sévere & plus juste. Un chrétien regarde comme un plus grand mal de joüir d'un commerce charnel, qui n'est pas revêtu de la dignité de sacrement, que de manger de la chair de cochon ou de la chair étouffée. Mais la simple fornication , quoique péché en matiere grave, est de toutes les unions illégitimes celle que le Christianisme condamne le moins; l'adultere est traité avec raison par l'Evangile comme un crime beaucoup plus grand. Voyez Adultere . En effet, au péché de la fornication il en joint deux autres: le larcin, parce que l'on dérobe le bien d'autrui; la fraude, par lequel on donne à un citoyen des héritiers qui ne doivent pas l'être. Cependant, abstraction faite de la religion, de la probité même, & considérant uniquement l'économie de la société, il n'est pas difficile de sentir que la fornication lui est en un sens plus nuisible que l'adultere; car elle tend, ou à multiplier dans la société la misere & le trouble, en y introduisant des citoyens sans état & sans ressource; ou ce qui est peut-être encore plus funeste, à faciliter la dépopulation par la ruine de la fécondité. Cette observation n'a point pour objet de diminuer la juste horreur qu'on doit avoir de l'adultere, mais seulement de faire sentir les différens aspects sous lesquels on peut envisager la Morale, soit par rapport à la religion, soit par rapport à l'état. Les législateurs ont principalement décerné des peines contre les forfaits qui portent le trouble parmi les hommes; il est d'autres crimes que la religion ne condamne pas moins, mais dont l'Être suprème se réserve la punition. L'incrédulité, par exemple, est pour un chrétien un aussi grand crime, & peut-être un plus grand crime que le vol; cependant il y a des lois contre le vol, & il n'y en a pas contre les incrédules qui n'attaquent point ouvertement la religion dominante; c'est que des opinions (même absurdes) qu'on ne cherche point à répandre, n'apportent aux citoyens aucun dommage: aussi y a-t-il plus d'incredules que de voleurs. En général on peut observer, à la honte & au malheur du genre humain, que la religion n'est pas toûjours un frein assez puissant contre les crimes que les lois ne punissent pas, ou même dont le gouvernement ne fait pas une recherche sévere, & qu'il aime mieux ignorer que punir. C'est donc avoir du Christianisme une très-fausse idée, & même lui faire injure, que de le regarder, par une politique toute humaine, comme uniquement destiné à être une digue aux forfaits. La nature des préceptes de la religion, les peines dont elle menace, à la vérité aussi certaines que redoutables, mais dont l'effet n'est jamais présent, enfin le juste pardon qu'elle accorde toûjours à un repentir sincere, la rendent encore plus propre à procurer le bien de la société, qu'à y empêcher le mal. C'est à la morale douce & bienfaisante de l'Evangile qu'on doit le premier de ces effets; des lois rigoureuses & bien exécutées produiront le second. On a remarqué avec raison ci-dessus, que la fornication se prend dans l'Ecriture non-seulement pour une union illégitime, mais encore pour signifier l' idolâtrie & l' hérésie , qui sont regardées comme des fornications spirituelles , comme une espece de copulation, s'il est permis de parler de la sorte, avec l'esprit de ténebres. Cette distinction peut servir à expliquer certains passages de l'Ecriture contre la fornication , & à les concilier avec d'autres. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORT Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FORT FORT, adj. voyez les articles Force . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORT Author=Le Blond Normalized Classification=Art Militaire Part of Speech=s.m. FORT FORT, s. m. c'est dans l'Art militaire , un lieu ou un terrein de peu d'étendue fortifié par l'art ou par la nature, ou par l'un & l'autre en même tems. Les forts different des villes fortifiées, non-seulement parce qu'ils renferment un espace plus petit, mais encore parce qu'ils ne sont ordinairement occupés ou habités que par des gens de guerre. Ce sont des especes de petites citadelles destinées à garder des passages importans, comme le fort des Barraux. Ils servent encore à occuper des hauteurs sur lesquelles l'ennemi pourroit s'établir avantageusement, à couvrir des écluses, des têtes de chaussées, &c. Tel est le fort de Scarpe auprès de Doüay, celui de Nieulay à Calais, de saint François à Aire, &c. Lorsque la ligne de défense de ces forts a 120 toises, ou environ, on les appelle forts royaux . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort de Campagne Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fort de Campagne Fort de Campagne ; c'est une espece de grande redoute dont les côtés se flanquent réciproquement, & qui ne se construit que pendant la guerre. On s'en sert alors pour couvrir & garder des postes ou des passages importans. Lorsque les forts de campagne sont triangulaires ou quarrés, & qu'ils sont ouverts d'un côté, on leur donne le nom de redoutes. Voyez Redoute . Mais quand ils sont fermés de tous côtés, & qu'ils donnent des feux croisés, c'est alors qu'ils portent proprement le nom de forts . La grandeur des forts de campagne varie suivant l'usage auquel on les destine; mais leur ligne de défense doit toûjours être plus petite que celle des villes fortifiées. On peut la fixer entre 40 & 60 toises au plus, ce qui est à-peu-près la plus grande longueur que l'on peut donner aux côtés de ces forts . Ils sont formés d'un fossé de 10 ou 12 piés de profondeur sur 15 ou 18 de largeur; d'un parapet de huit ou neuf piés d'épaisseur & de sept de hauteur, & assez ordinairement d'un chemin couvert, palissadé lorsqu'on a la commodité de le faire. Pour construire un fort de campagne triangulaire, décrivez d'abord un triangle équilatéral. Divisez chacun de ses côtés en trois parties égales; prolongez une de ces parties au-delà du triangle, & faites ce prolongement égal à cette partie. Tirez ensuite de son extrémité au sommet de l'angle opposé au côté prolongé, la ligne de défense. Faites la gorge égale au tiers du côté, & élevez le flanc de maniere qu'il fasse un angle à-peu-près de 100 degrés, avec les deux autres tiers du même côté. Faites après cela la même chose sur les autres côtés du triangle; & il sera fortifié par trois demi-bastions. Il y a des auteurs qui fortifient le triangle avec des bastions entiers; mais les angles de ces bastions se trouvent alors si aigus, qu'ils n'ont aucune solidité. La fortification du quarré avec des demi-bastions se fait de la même maniere que celle du triangle; excepté qu'au lieu de diviser le côté en trois parties égales, on le partage en quatre, & que le prolongement de chaque côté est pris du quart de ce côté, de même que la gorge du demi-bastion. Cette sorte de fortification donne des angles morts ou rentrans, qui ne sont pas défendus; mais le peu d'élévation des forts de campagne rend ces angles bien moins défectueux ou préjudiciables que dans les villes de guerre, parce que l'espace qui n'est pas défendu se trouve alors beaucoup plus petit. Parmi les forts de campagne , il y en a qu'on nomme forts à étoile , parce qu'ils en ont à-peu-près la figure. Ils sont formés de quatre, cinq, ou six côtés qui donnent autant d'angles saillans & rentrans. Pour faire un fort en étoile qui soit exagonal ou qui ait six angles rentrans, il faut d'abord décrire un triangle équilatéral, diviser chaque côté en trois parties égales des deux extrémités de la partie du milieu de chaque côté & de son intervalle, décrire deux arcs qui se coupent dans un point en-dehors le triangle; tirant de ce point des lignes aux centres de ces arcs, on aura le fort tracé. Si l'on veut un fort pentagonal à étoile, on commencera par décrire un pentagone de la grandeur qu'on jugera nécessaire; on divisera ensuite chaque côté en deux également, & du point du milieu on élevera une perpendiculaire en-dedans le pentagone. On donnera à cette perpendiculaire le quart du côté; & par son extrémité on tirera aux angles du pentagone des lignes qui formeront les angles rentrans de ce polygone. Si l'on trouve que cette construction donne les angles saillans trop aigus, on les augmentera en diminuant un peu la grandeur de la perpendiculaire, qui peut être réduite à la cinquieme ou à la sixieme partie du côté du pentagone. On construira de la même maniere un quarré en étoile, en donnant environ la septieme ou la huitieme partie du côté du quarré à la perpendiculaire élevée en-dedans sur le milieu de chaque côté. Si l'on veut faire un fort à étoile à huit angles, il faut commencer par en construire un à quatre, de la maniere qu'on vient de l'enseigner; ensuite, de l'extrémité du tiers de chaque côté, pris de part & d'autre du sommet des angles rentrans, & de l'intervalle de ces deux extrémités, décrire deux arcs qui se couperont dans un point; tirant de ce point des lignes au centre de ces arcs, on aura l'étoile à huit angles. Les angles rentrans des forts à étoiles ne sont pas propres à être défendus ( voyez Angle mort ); & cette considération a fait dire à quelques auteurs que ces forts étoient des cometes fatales à ceux qui les construisoient. Mais ce jugement est un peu rigoureux; car il est certain qu'on peut s'en servir assez avantageusement pour garder différens postes à la guerre. Ils étoient autrefois en usage dans les lignes de circonvallation; on s'en sert plus rarement aujourd'hui. M. de Clairac dit dans son livre de l'ingénieur de campagne , qu'il en fit construire un de cette espece sur la Queich en 1743, qui fut approuvé. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort à Etoile Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fort à Etoile Fort à Etoile , voyez ci devant Fort de Campagne . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort Royal Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fort Royal Fort Royal ; c'est celui dont la ligne de défense a environ 120 toises. Voyez Ligne de Défense & Fort . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort & Forts Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. Fort & Forts Fort & Forts , s. m. nom donné à une espece de monnoie d'or, frappée par les ordres de Charles de France, duc d'Aquitaine, fils de Charles VII. & frere de Louis XI. Ce prince y étoit représenté d'un côté la couronne en tête, déchirant un lion, avec ces mots: Karolus Francor um Regis filius Acquitanor um dux . On voit au revers une croix fleurdelisée & cantonnée de lis & de léopards; au milieu est l'écu du prince, qui porte écartelé au 1 et & au 4 e de France, au 2 e & 3 e d'Aquitaine, qui est d'or au léopard de gueules; on lit autour: Tu es Domi ne Deus meus , fortitu do mea et laux mea . Le nom de cette monnoie se trouve conservé dans le traité de Budé, de asse & partibus ejus , où en parlant en général des monnoies d'Angleterre, & en particulier de celle qu'on appella des nobles à la rose , qu'Edoüard prince de Galles & duc d'Aquitaine fit faire en grande quantité, il dit qu'elles étoient moins pesantes que celles de Charles d'Aquitaine, qu'on appelloit des forts. Rosatos, Edoüardeosque pondere superant Carolei Aquitaniae nummi qui fortes appellantur . Il est aisé de comprendre pourquoi on donna le nom de fort à cette monnoie. Elle étoit plus forte que celle des ducs prédécesseurs de Charles de France; d'ailleurs l'action dans laquelle ce prince étoit représenté, avoit pû contribuer à cette dénomination qui s'accorde encore avec le mot fortitudo qu'on lit dans l'inscription du revers. Enfin ce nom pouvoit avoir été pris par opposition à celui de hards , qu'on avoit donné aux monnoies des princes anglois, derniers ducs d'Aquitaine, & prédécesseurs de Charles de France, qui y étoient représentés tenant une épée nue. Ce nom qui se communiqua aux petites especes de cuivre & de billon, a formé selon toutes les apparences celui de liard , dont nous nous servons, comme qui diroit li hardi , c'est-à-dire en vieux françois le hardi. Mém. de l'acad. des Belles-Lettres, tom. I . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort, Denier fort Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fort, Denier fort Fort, Denier fort , prêter son argent au denier fort , c'est le prêter sur un pié au-delà du taux ordonné par le prince, ou le donner à un plus haut prix que celui qui est reglé par le courant de la place. Ceux qui prêtent leur argent au denier fort , sont réputés usuriers. Voyez Usure . Diction. du Comm. & Chamb . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fort Fort se dit des poids & des mesures. On dit qu'une mesure est plus forte dans un endroit que dans un autre, pour faire entendre qu'elle contient davantage dans un lieu que dans l'autre; qu'une balance est trop forte , lorsqu'elle ne trebuche pas avec facilité; qu'un poids est trop fort , lorsqu'il n'est pas juste, & qu'il est plus pesant qu'il ne faut. On appelle le fort de la balance romaine , le côté le moins éloigné du centre de la balance, qui sert à peser les marchandises les plus pesantes. Diction. de Comm. & Chamb. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Fort Fort , parmi les Commerçans , & sur-tout à Paris, signifie un porte-faix , un crocheteur , un gagne denier qui travaille à la décharge ou au transport des marchandises. Les principaux lieux de Paris où il y a des forts établis, sont la douane, la halle aux draps, la halle aux toiles, le port Saint-Paul, & le port Saint-Nicolas. Les forts de la douane dépendent des fermiers-généraux: ceux de la halle aux draps sont préposés par les maîtres & gardes-drapiers & merciers: ceux de la halle aux toiles sont placés par les officiers de cette halle; & ceux des ports sont autorisés par les prevôt des marchands & échevins. Dans chacun de ces endroits, il n'y a qu'un certain nombre de forts reglé, n'étant pas permis à d'autres personnes de la ville d'y venir travailler à leur préjudice. Voyez Gagne-denier . Dictionnaire de Commerce . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=adv. Fort Fort , adv. en Musique , s'écrit dans les parties pour marquer qu'il faut forcer le son avec véhémence, mais sans le hausser; chanter à pleine voix, tirer beaucoup de son de l'instrument; ou bien, pour détruire le mot doux sur les notes où l'on veut faire cesser de chanter ou joüer doux. Voyez Doux . Les Italiens ont encore le superlatif fortissimo , dont on n'a guere besoin dans la Musique françoise: car on y chante ordinairement très-fort . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort de bouche Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Fort Fort de bouche , ( Manége. ) cheval dont la bouche est forte , cheval qui a de la gueule. Voy. Mors . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fort Fort , on dit volée de poing fort , c'est quand on jette les oiseaux de poing après le gibier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort Author=unknown Normalized Classification=Botanique | Art méchanique Part of Speech=NA Fort Fort , ( Bot. & Arts méch. ) est l'épaisseur du bois. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort-Dauphin Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fort-Dauphin Fort-Dauphin , ( Géog. ) fort de l'île de Madagascar, sur la pointe méridionale de la province d'Anossi. Il a été bâti par les François, présentement abandonné, & est à 1 d . 37'. 20". au-delà du tropique du Capricorne. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort de l'Ecluse Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fort Fort de l' Ecluse , ( Géog. ) arx clausulae; fort de France sur un grand rocher, & à quelques lieues de Genêve, à la droite du Rhône. Long. 23. 48. lat. 46. 12 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fort-Louis, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fort-Louis Fort-Louis , ( le ) Géog. Arx Ludovicia; place forte de France, en Alsace, bâtie par Louis XIV. dans une île formée par le Rhin, à 8 lieues de Strasbourg & de Landau, 12 de Philisbourg, 5 de Weissenbourg. Longit. 25 d . 44'. 0". latit. 48 d . 48'. 0". ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTAGE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FORTAGE FORTAGE, s. m. ( Commerce. ) on appelle en France droit de fortage , ce qu'on paye aux seigneurs des rochers ou pierres de grès qui servent à faire des pavés. Ce droit va environ à cent sous pour 100 de pavé. Voyez Pavé . Dict. de Comm . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTE CLAMEUR Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FORTE CLAMEUR FORTE CLAMEUR, ( Jurisprud. ) voyez au mot Clameur . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTERESSE Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=s.f. FORTERESSE FORTERESSE, s. f. ( Fortificat. ) c'est un nom général dont on appelle toutes les places fortifiées, soit par la nature, soit par l'art. Ainsi les villes fortifiées, les châteaux, les citadelles, &c. sont des forteresses . M. Maigret a donne un traite de la sureté & conservation des états par le moyen des forteresses , dans lequel il explique leur utilité, leur nombre, & leur situation, pour assûrer les frontieres & l'intérieur d'un etat. « Si l'on ne connoit pas bien, dit cet auteur, l'utilité, ou pour mieux dire tous les differens usages des forteresses , on peut négliger d'en faire dans des endroits ou on en pourroit tirer de grands avantages. Si on ignore la quantité précisement necessaire, on se jettera dans des dépenses inutiles, & quelquefois préjudiciables; ou pour épargner on laissera un passage ouvert à l'ennemi: si on ne sait pas blen distinguer la force que la nature a donnée a de certains lieux, on en méprisera ou avec peu de depense on feroit une place plus forte que ne pourroient faire tous les ouvrages inventés par les plus habiles ingénieurs; ou bien on entreprendra d'en fortifier que l'art ne peut jamais mettre en état de faire une bonne défense. Si on peche dans la grandeur d'une forteresse , dans la figure, dans la solidité & dans la construction de ses ouvrages, elle ne produira jamais tout l'effet qu'on auroit pû s'en être promis ». Preface du livre de M. Maigret. On peut appliquer à la situation & au nombre des forteresses nécessaires pour la défense des états, la premiere maxime de la Fortification, c'est-à-dire qu'elles doivent être disposées de maniere qu'elles ferment tous les passages par ou l'ennemi pourroit faire entrer ses armées dans le pays. Il faut beaucoup de connoissances du pays, pour juger de la situation la plus avantageuse des forteresses; & des differens interêts des princes, pour n'en point construire dans des lieux ou il est à présumer qu'on ne les laissera point subsister, & où elles donneroient trop de jalousie aux puissances voisines. A peine la forteresse de Montroyal étoit-elle construite, qu'il fallut la raser, en conformité du traité de Riswick en 1697. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTEVENTURA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORTEVENTURA FORTEVENTURA, ( Géog. ) île d'Afrique dans l'Océan Atlantique, l'une des Canaries, de couverte en 1417. Elle appartient aux Espagnols, & est à 36 lieues de Tenériffe. Long. 4. lat. 28. 35-29. 15 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTFUYANCE, ou plûtôt FORFUYANCE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FORTFUYANCE FORTFUYANCE, s. f. ( Jurisp. ) ou plûtôt FORFUYANCE, quasi foris-fuga , est une espece de droit d'aubaine dont le duc de Lorraine joüit dans ses duchés. Il en est fait mention en un vidimus de l'an 1577, dans lequel on voit que le duc Charles accorde a un particulier d'acquérir dans ses états, jusqu'à huit cents livres de rente, nonobstant qu'il eût son domicile à Verdun; & que ses héritiers ou ayans cause puissent lui succéder & jouir paisiblement de ces rentes, nonobstant le droit de fort-fuyance , qui appartient au duc, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTH (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FORTH FORTH ( le ) Géog. grande riviere de l'Ecosse méridionale, qui a sa source près du lac de Tay, baigne la ville de Sterling, & se décharge au fond du golfe d'Edimbourg, auquel il donne aussi le nom de golfe de Forth . La riviere de Forth a environ 30 lieues de longueur, Voyez sa description dans Salmonet, hist. des troubles de la G. B. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTIFICATION, (la) ou l'ART DE FORTIFIER Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=s.f. FORTIFICATION FORTIFICATION, ( la ) s. f. ou l' ART DE FORTIFIER ( Ordre encycl. Entend. Raison. Philosoph . ou Science. Géomét. Arch. milit. Fortification. ), consiste à mettre une place ou tout autre lieu qu'on veut défendre, en état de résister avec peu de monde aux efforts d'un ennemi supérieur en troupes, qui veut s'en emparer. Les ouvrages qu'on construit pour cet effet sont appellés fortifications; tels sont nos bastions, demi-lunes, ourages-à-corne , &c. Les fortifications sont de differentes especes, c'est-à-dire qu'elles sont relatives à l'objet auquel on les destine, & aux machines avec lesquelles on peut les attaquer. Ainsi si l'on n'attaquoit les places qu'avec le fusil, de simples murailles seroient une fortification suffisante pour y résister. Si l'ennemi n'avoit aucun expédient pour parvenir au haut de ces murailles, il seroit inutile de leur donner d'autre élévation que celle qui seroit necessaire pour n'être pas franchie aisément. On voit par-là qu'un lieu n'est fortifié que par rapport aux differentes attaques qu'il peut avoir à soutenir. Un château, par exemple, est fortifie lorsqu'il est entoure de fossés & de murailles qui le mettent en etat de resister à un parti qui n'a point de canon: mais ce même château devient sans défense contre une armée qui a un équipage d'artillerie, parce qu'elle peut le détruire sans que ceux qui sont dedans puissent en empécher. Les premieres fortifications furent d'abord très simples; elles ne consistoient que dans une enceinte de pieux ou de palissades. On les forma ensuite de murs, avec un fosse devant, qui empêchoit d'en approcher. On ajoûta depuis à ces murs des tours rondes & quarrées, placées à une distance convenable les unes des autres, pour défendre toutes les parties de l'enceinte des places. Car comme le dit Vegece, « les anciens trouverent que l'enceinte d'une place ne devoit point être sur une même ligne continue, à cause des béliers qui battroient trop aisément en breche; mais par le moyen des tours placées dans le rempart assez près les unes des autres, leurs murailles présentoient des parties saillantes & rentrantes. Si les ennemis veulent appliquer ces échelles, ou approcher des machines contre une muraille de cette construction, on les voit de front, de revers, & presque par-derriere; ils sont comme enfermés au milieu des batteries de la place qui les foudroyent ». Nouv. trad. de Vegece. Pour defendre encore plus sûrement le pié du mur de l'enceinte & celui des tours, les anciens faisoient le haut de la muraille en massocoulie ou machicoulis. Voyez Bastion . Ils se servoient des intervalles des machicoulis pour jetter des pierres, du plomb fondu, de l'huile bouillante, & différentes sortes de matieres propres à eloigner l'ennemi du pie des murailles. On y faisoit aussi couler des masses fort pesantes, qui par leur chûte & rechûte retardoient beaucoup le progres de ses travaux. Les anciens ne terrassoient pas toûjours leurs murailles; & M. de Folard prétend qu'ils en usoient ainsi pour se mettre à l'abri de l' escalade . Car l'ennemi etant parvenu au haut de la muraille, n'etoit pas pour cela dans la place; il lui falloit des échelles pour y descendre, & pendant cette longue operation, ceux qui étoient dans la ville pouvoient s'assembler pour les repousser. Cependant Vitruve remarque qu'il n'y a rien qui rende les remparts plus fermes, que quand les murs sont soutenus par de la terre; & du tems de Vegece on les terrassoit. On pratiquoit vers le haut une espece de petit terreplein de 3 ou 4 piés de largeur, duquel on tiroit sur l'ennemi pai les crenaux du parapet. Les tours dominoient sur ce terre-plein, & par-là elles avoient l'avantage de découvrir une plus grande étendue de la campagne, & de pouvoir defendre les courtines ou les parties de l'enceinte qui étoient entr'elle. Pour defendre encore plus facilement ces parties, on observoit en bâtissant les places, de couper le terre-plein en-dedans vis-à-vis les tours. On substituoit à cette coupure une espece de petit pont de bois qu'on pouvoit ôter très-facilement dans le besoin. Telle étoit la fortification ordinaire de l'enceinte des places chez les anciens. Cette enceinte étoit environnée du côté de la campagne, d'un fossé large & profond, qui retardoit l'approche des machines dont on se servoit alors pour battre les places, & qui rendoit l'accès du rempart plus difficile & moins propre à l' escalade. Voyez Escalade . Cette fortification a subsisté sans changement considérable, jusqu'à l'usage du canon dans les siéges. Il fallut abandonner alors les machicoulis, qui en étoient d'abord ruinés, & augmenter l'épaisseur du parapet. Comme on diminuoit par-là la capacité des tours, on songea à les aggrandir; mais leur partie extérieure n'étant plus défendue des machicoulis, donnoit au pié un lieu sûr à l'ennemi, pour travailler à ruiner la tour, & à la faire sauter par la mine. Voyez Mine . En effet l'epaisseur du parapet de cette partie extérieure empêchoit que les soldats qui y étoient placés, ne pussent en decouvrir le pié, & à l'égard des flancs des tours voisines, ils ne pouvoient voir que les extrémites de ce même côté extérieur des tours quarrées, devant lequel il restoit un espace triangulaire qui n'etoit point vû de la place. Cet espace étoit plus petit dans les tours rondes que dans les tours quarrées, mais il étoit toûjours plus que suffisant pour y attacher un mineur qui pouvoit y travailler tranquillement. Cet inconvénient fit penser à renfermer dans les tours l'espace qu'elles laissoient sans défense. On les termina pour cela par deux lignes droites, formant ensemble un angle saillant vers la campagne. Par cette correction les tours furent composées de quatre lignes, savoir de deux faces, & de deux flancs. Voyez Face & Flanc ; & elles prirent alors le nom de bastions triangulaires , ou simplement de bastions. Voyez Bastion . Il n'est pas aisé de fixer l'époque précise de l'invention des bastions, mais l'usage paroît s'en être établi à-peu-près vers l'an 1500. Quelques auteurs en attribuent l'honneur à Zisca, chef des Hussites en Bohème, & ils prétendent qu'il s'en servit à la fortification de Tabor. M. le chevalier de Folard croit que le premier qui s'en servit, fut Achmet Bassa, qui ayant pris Otrante en 1480, fit fortifier cette ville avec les bastions qu'on y voit encore aujourd'hui. Mais M. le marquis Maffei, dans sa Verona illustrata , en donne la gloire à un ingénieur de Verone, nommé San-Micheli , qui fortifia cette ville avec des bastions triangulaires, à la place des tours rondes & quarrées qui etoient alors en usage. Comme cet ingénieur n'est connu par aucun ouvrage de sa façon, M. Maffei allegue deux raisons qui le portent à lui attribuer l'invention de nos bastions. La premiere, c'est l'autorité de George Vasari, qui dans ses vitae excellentium architectorum , imprimées en italien à Florence en 1597, dit en termes formels qu'avant San-Micheli, on faisoit les bastions ronds, & que ce fut lui qui les construisit triangulaires . L'autre raison est tirée des bastions qu'on voit à Verone, & qu'on croit les plus anciens. On voit sur ces bastions des inscriptions qui portent 1523, 1529, & les années suivantes. Les murs en sont très-solidement bâtis. Ils ont 24 piés d'épaisseur, & ils sont encore en bon état, quoiqu'ils ayent plus de 200 ans de construction. M. le Marquis Maffei prétend que les premiers livres qui ont parlé des bastions, n'ont paru que depuis l'an 1500 en Italie, & depuis 1600 dans les autres pays de l'Europe, ce qui n'est pas entierement exact; car Daniel Specle, ingénieur de la ville de Strasbourg, qui mourut en 1589, publia avant sa mort un livre de fortification qu'on estime encore aujourd'hui, dans lequel il se regarde comme le premier allemand qui ait écrit des bastions triangulaires. Le premier qui ait écrit en France sur cette fortification , est Errard de Bar-le-Duc, ingénieur du roi Henri IV. Son ouvrage est postérieur à ceux de plusieurs italiens, & à celui de Specle. On trouvera sa methode de fortifier à la suite de cet article, avec celle des principaux auteurs qui ont écrit sur la fortification moderne, ou avec des bastions. Cette fortification est toûjours composée d'un rempart avec son parapet, d'un fossé, & d'un chemin-couvert. Voyez ces mots aux articles qui leur conviennent . Les maximes ou préceptes qui servent de base à la fortification , peuvent se réduire aux quatre suivans. 1°. Qu'il n'y ait aucune partie de l'enceinte d'une place, qui ne soit vûe & defendue de quelqu'autre partie. 2°. Que les parties de l'enceinte qui sont défendues par d'autres parties de la même enceinte, n'en soient éloignées que de la portée du fusil, c'est-à-dire d'environ 120 toises. Voyez Ligne de défense . 3°. Que les parapets soient à l'épreuve du canon. Voyez Parapet . 4°. Que le rempart commande dans la campagne tout-autour de la place, à la portée du canon. Voyez Commandement . Outre ces quatre principes généraux, il y en a d'autres qui en sont comme les accessoires, & auxquels on doit avoir égard autant qu'il est possible. Tels sont ceux ci. 1. Que la défense soit la plus directe qu'il est possible; c'est-à-dire que les flancs soient disposés de maniere que les soldats placés dessus puissent défendre les faces des bastions sans se mettre obliquement; parce que l'expérience a fait remarquer que dans l'attaque, le soldat tire vis-à-vis de lui, sans prendre la peine de chercher à découvrir l'ennemi. Suivant cette maxime, l'angle du flanc doit être un peu obtus. On peut le regler a 98 ou 100 degrés. 2. Que les parties qui défendent les centres, comme par exemple les flancs, ne soient pas trop exposées aux coups de l'ennemi. 3. Que la place soit également forte par-tout; car il est évident que si elle a un endroit foible, ce sera celui que l'ennemi attaquera; & qu'ainsi les autres parties plus exactement fortifiées, ne procureront aucun avantage pour la défense de la ville. 4. Que les bastions soient grands & capables de contenir un nombre suffisant de soldats, pour soûtenir long-tems les efforts de l'ennemi. Errard prétendoit qu'un bastion étoit assez grand lorsqu'il pouvoit contenir deux cents hommes: mais ce nombre se trouveroit trop foible aujourd'hui pour soûtenir un assaut; il faut au moins cinq ou six cents hommes. Au reste la fixation exacte de la grandeur de toutes les parties du bastion, n'est ni fort aisée ni fort importante; parce que quelques toises de plus ou de moins ne peuvent produire aucun effet sensible sur la force ou la bonté du bastion. Voyez Bastion . La fortification se divise ordinairement en réguliere & irréguliere, & en fortification durable & passagere. La fortification réguliere est celle dans laquelle tous les bastions sont égaux, & qui appartient à une figure ou un polygone régulier. Voyez Polygone . Elle a toutes ses parties semblables, égales entr'elles, & qui forment les mêmes angles; c'est-à-dire par exemple, que dans la fortification réguliere les faces des bastions sont égales entr'elles, les flancs aussi égaux entr'eux, les angles du flanc de même nombre de degrés, &c. La fortification irréguliere est celle dans laquelle les parties semblables de chaque côté de l'enceinte ne sont pas toutes égales entr'elles: ainsi dans cette fortification on les flancs des bastions ne sont pas tous égaux, non plus que les faces, les courtines, les différens angles des bastions, &c. Cette fortification est presque la seule d'usage; parce qu'il est rare de trouver des places dans un terrein uni, & dont l'enceinte forme un polygone régulier qui ait ses côtés de la grandeur nécessaire pour être fortifiée. Comme dans la fortification réguliere on n'est gêné par aucune circonstance ni du terrein ni de l'enceinte, on dispose l'arrangement de toutes les parties de la fortification de la maniere la plus avantageuse pour la défense: c'est pourquoi les regles qu'on suit alors, servent de principes pour la fortification irréguliere qui se trouve d'autant plus parfaite, que ces regles y sont plus exactement observées. La fortification réguliere est préférable à l'irréguliere; parce que tous ses côtés opposent la même résistance, & qu'elle n'a point de parties foibles dont l'ennemi puisse profiter. La fortification irréguliere n'a pas le même avantage; la nature du terrein de la place, la bisarrerie de son enceinte jointe à l'inégalité de ses côtés & de ses angles, rendent souvent cette fortification très-difficile. On fait ensorte de rendre tous les côtés ou les fronts également forts; mais malgré l'habileté des Ingénieurs, on ne peut presque jamais y parvenir. Les places les mieux fortifiées en Europe en fournissent plusieurs exemples. La fortification durable est celle qu'on employe aux villes & aux lieux qu'on veut mettre en état de résister en tout tems aux entreprises de l'ennemi; c'est celle de nos places de guerre, & de tous les autres lieux qu'on dit être fortifiés. La fortification passagere , qu'on appelle aussi fortification de campagne , est celle qu'on employe dans les camps & les armées, & dont les travaux se font & ne subsistent que pendant la guerre: telle est celle qu'on fait pour assûrer la tête des ponts à la guerre, pour couvrir des quartiers, retrancher & fortifier un camp, assûrer des communications, &c. Dans cette fortification l'on n'a nul égard à la solidité & à la durée. « Il faut se déterminer sur le champ, dit M. de Clairac dans son livre de l' ingénieur de campagne , & tracer de même; il faut régler l'ouvrage sur le tems & sur le nombre des travailleurs; ne compter que sur les matériaux que l'on a sous la main, & n'employer que la pelle, la pioche & la hache. C'est plus particulierement en campagne que par-tout ailleurs, qu'un ingénieur doit avoir le coup-d'oeil juste, savoir prendre un parti & saisir ses avantages, être fertile en expédiens, inépuisable en ressources, & faire paroître une activité infatigable ». On divise encore la Fortification en naturelle, artificielle, ancienne, moderne, offensive, & défensive. La fortification naturelle est celle dans laquelle la situation propre du lieu en empêche l'accès à l'ennemi: telle seroit une place sur le sommet d'une montagne, dont les avenues ou les chemins pourroient être fermés facilement: telle seroit encore une place entourée de marais inaccessibles, &c. Ces obstacles & ceux de pareille espece que le terrein fournit, sont des fortifications naturelles. La fortification artificielle est celle dans laquelle on employe le secours de l'art pour mettre les places & les autres lieux qu'on veut conserver à l'abri des surprises de l'ennemi. C'est proprement notre fortification ordinaire, dans laquelle on tâche par différens travaux d'opposer à l'ennemi les mêmes obstacles & les mêmes difficultés qu'on éprouve dans la fortification naturelle. La fortification ancienne est celle des premiers tems, laquelle s'est conservée jusqu'à l'invention de la poudre à canon; elle consistoit en une simple enceinte de muraille flanquée de distance en distance par des tours rondes ou quarrées. Voyez le commencement de cet article . La fortification moderne est celle qui s'est établie depuis la suppression de l'ancienne, & dans laquelle on employe les bastions au lieu de tours. Lorsqu'un château, une ville, ou quelque autre lieu est fortifié avec des tours, on dit qu' il est fortifié à l'antique; & lorsqu'il l'est avec des bastions, on dit qu' il est fortifié à la moderne . La fortification offensive a pour objet toutes les précautions nécessaires pour attaquer l'ennemi avec avantage; elle consiste principalement dans les différens travaux de la guerre des siéges. La fortification défensive est celle qu'on employe pour résister plus avantageusement aux attaques & aux entreprises de l'ennemi. On peut dire qu'en général toutes les fortifications sont défensives, car leur objet est toûjours de mettre un petit nombre en état de résister & de se défendre contre un plus grand. Un général qui a en tête une armée ennemie beaucoup plus nombreuse que la sienne, cherche à suppléer au nombre qui lui manque par la bonté des postes qu'il lui fait occuper, ou par les différens retranchemens dont il sait se couvrir. On ne fortifie les places, qu'afin qu'une garnison de cinq, six, huit ou dix mille hommes, puisse résister pendant quelque tems à une armée, quelque nombreuse qu'elle puisse être. S'il falloit pour défendre les places des garnisons beaucoup plus fortes, capables de se soûtenir en campagne devant l'ennemi, la fortification deviendroit non-seulement inutile, mais onéreuse à l'état par les grands frais qu'exigent sa construction & son entretien. Il est dangereux par ces deux considérations, de multiplier le nombre des places fortes sans grande nécessité, & sur-tout, dit un auteur célebre, « de n'entreprendre pas aisément d'en fortifier de nouvelles; parce qu'elles excitent souvent la jalousie des états voisins, & qu'elles deviennent la source d'une longue guerre, qui finit quelquefois par un traité, dont le principal article est leur démolition ». Depuis l'établissement de la fortification moderne, les Ingénieurs ont proposé différentes manieres de fortifier, ou, ce qui est la même chose, différens systèmes de fortification . Bien des gens en imaginent encore tous les jours de nouveaux; mais comme il est fort difficile d'en proposer de plus avantageux moins dispendieux que ceux qui sont en usage, la plûpart de ces idées nouvelles restent dans les livres, & personne ne se met en devoir de les faire exécuter. Ce qu'on peut desirer dans un nouveau système de fortification , peut se réduire à quatre points principaux. 1°. A donner à l'enceinte des places une disposition plus favorable, pour que toutes les parties en soient moins exposées au feu de l'ennemi, & particulierement au ricochet. 2°. Que le nouveau système puisse s'appliquer également aux places régulieres & irrégulieres, & se tracer aisément sur le papier & sur le terrein. 3°. Qu'il n'exige point de dépense trop considérable pour la construction & l'entretien de la fortification . Et 4°. que cette fortification n'ait pas besoin d'une garnison trop nombreuse pour être défendue. V. Garnison . Ce point est un des plus importans; car outre l'inconvénient de renfermer dans des places des corps de troupes, qui serviroient souvent plus utilement à grossir les armées, il faut des magasins considérables de guerre & de bouche, pour l'approvisionnement de ces places. Or si une longue guerre vous en ôte le pouvoir, les villes ne peuvent plus faire qu'une médiocre résistance, quelle que soit l'excellence de de leur fortification . « Les remparts sont admirables; mais le soldat est mal payé; l'artillerie est inutile faute de poudre; les armes sont mauvaises, & l'on en manque; les magasins sont épuisés; & de braves gens rendent une place qu'on estimoit imprenable, parce qu'ils sont hors d'état de la défendre: au lieu que des places sans nom sont capables d'arrêter une armée, quand elles sont bien munies ». Il est sans doute très-difficile de changer la forme de notre fortification actuelle en une autre plus avantageuse; mais l'impétuosité & la violence de nos siéges, demandent que l'on fasse les plus grands efforts pour mettre un peu plus d'équilibre entre l'attaque & la défense des places. Voyez Défense . Les principales méthodes de l'art de fortifier dont on fait le plus de cas en Europe, sont celles du comte de Pagan, du baron de Coehorn, de Scheiter, & sur-tout du maréchal de Vauban. C'est de ces différentes méthodes qu'il importe d'être instruit, parce qu'elles ont été exécutées dans plusieurs places, particulierement celle de M. de Vauban, qui a fait travailler à 300 places anciennes, & qui en a sait 33 neuves. Les autres systèmes ne peuvent guere servir qu'à l'histoire du progrès de la fortification . On donnera néanmoins ceux des ingénieurs les plus célebres dans cet article, afin de mettre sous les yeux ce qu'il y a de plus intéressant sur ce sujet, dans les meilleurs auteurs qui ont écrit sur la Fortification . On commencera par le système d'Errard de Bar-leduc, ingénieur du roi Henri IV. dont nous avons déjà parle. On prétend que la citadelle d'Amiens est fortifiée à sa maniere, & qu'il a construit aussi plusieurs ouvrages au château de Sedan. Systeme d'Errard . Cet auteur ayant remarqué quelle étoit l'importance du flanc des bastions dans les sieges, pour défendre le pié des breches & le passage du fossé, s'appliqua à chercher une construction qui le cachât à l'ennemi; il la trouva, en imaginant de faire le flanc perpendiculaire à la face du bastion: de cette maniere il rentre en-dedans le bastion, & il se dérobe à l'ennemi. Mais il a aussi l'inconvénient de ne pouvoir rien découvrir, & par consequent de ne contribuer, pour ainsi dire, en rien à la défense de la place. Ce defaut, qui a été remarqué de tous les ingénieurs qui sont venus ensuite, a fait abandonner la construction d'Errard. Cette construction n'est pas fort utile à connoître aujourd'hui: cependant on la joint ici en faveur de ceux qui sont bien-aises de voir d'une maniere sensible les différens degrés par lesquels la fortification est parvenue dans l'état où elle est actuellement. Construction d'Errard de Bar-le-due . Soit AB le côté d'un exagone ( Planc. II . de la Fortifie. fig. 1 . ), dont le centre est O : tirez les rayons obliques OA, OB , & les lignes AC, BD , qui fassent avec ces rayons les angles OAC, OBD , chacun de 45 degrés: divisez l'un de ses angles, comme OAC , en deux parties égales, par la ligne droite AD , qui terminera la ligne de défense AD , au point D : prenez la grandeur de cette ligne BD , & portez-la sur AC : par les points C & D , tirez la courtine DC ; & enfin des points D & C , tirez les perpendiculaires DE, CF , sur les lignes de défense AC, BD , elles seront les flancs des demi-bastions du front AB . Faisant les mêmes opérations sur les autres côtés de l'exagone, il sera fortifié à la maniere d'Errard. Comme il n'y a aucune ligne dont la quantité soit déterminée par cette construction, on peut supposer la ligne de defense BD de 120 toises: ainsi faisant une échelle de cette quantité de toises avec cette ligne, on connoîtra par son moyen la valeur de toutes les autres lignes de cette fortification . Errard ne prend point la ligne de défense pour l'échelle de sa construction, mais le flanc de chacun de ses polygones. Dans l'exagone il suppose son flanc de 16 toises, de 19 dans l'eptagone, & de 21 dans l'octogone. Il est plus commode de supposer tout-d'un-coup la ligne de défense de 120 toises, pour éviter ces différentes suppositions. Pour décrire le fossé dans ce système, on prend la grandeur du flanc CF ; puis du point B & de l'inter valle CF , on menera également une parallele à la face du bastion BF ; on menera également une parallele à la face AE , & l'on aura le fossé tracé; après lequel on construira le chemin-couvert & le glacis. Voyez Chemin-couvert . Errard enseigne aussi à construire des orillons sur les flancs; il leur en faisoit occuper les deux tier, ce qui achevoit d'anéantir, pour ainsi dire, tout son flanc déjà trop petit & trop rentrant dans le bastion, pour s'opposer efficacement au passage du fossé. Systeme de Marolois, appellé communément le système des Hollandois . Marolois a été fort célebre chez les Hollandois. Sa méthode a été regardée comme celle qu'ils avoient adoptée particulierement. On trouve dans cette méthode les flancs d'Errard corrigés. L'auteur, pour leur faire découvrir plus facilement le fossé, les fait perpendiculaires à la courtine. Il a pour principe de conserver du feu de courtine, c'est-à-dire de faire ses lignes de defense fichantes, & de former autour du rempart de la place & sur le bord intérieur du fossé, une basse enceinte appellée fausse braie. Voyez Fausse Braie . Pour fortifier un exagone à sa maniere, on commencera par tirer une ligne indéfinie AB ( Plan. II. de la Fortification, fig. 2 . ); on fera au point A l'angle BAO égal à la moitié de j'angle de la circonférence de l'exagone, c'est-à-dire de 60 degrés; & comme, suivant Marolois, l'angle flanqué de l'exagone doit avoir 80 degrés, le demi-angle flanque en aura 40: on fera donc l'angle diminué BAD de 20 degrés. On prendra sur AD, AE , de 48 toises ou de 24 verges, la verge valant 12 piés ou deux toises. Du point E , on menera sur AB la perpendiculaire EN ; on portera, si l'on veut avoir une fausse braie à la place, 64 toises de N en I , & 72, si l'on ne veut point de cette basse-enceinte, pour la longueur de la courtine. On prendra après cela IB égale à AN ; on élevera au point I la perpendiculaire IL , égale à NE ; & menant la ligne LB , elle fera la face du demi-bastion opposé à AE . On tirera ensuite OB , qui fasse avec AB l'angle ABO de 60 degrés. Au point E & sur NE prolongée, on fera l'angle BEF de 55 degrés; le côté EF de cet angle coupera OA dans un point F , duquel on menera FM parallele à AB . On prolongera les perpendiculaires NE, II , jusqu'à la ligne FM , & l'on aura EG & LH pour les flancs des demi-bastions construits sur le côté extérieur AB, GH , en sera la courtine. On achevera ensuite le principal trait de la fortifie tion proposée, en décrivant un cercle du centre O & du rayon OA ou AB , dans lequel on inscrira l'exagone; on en fortifiera chaque côté de la même maniere que le côté AB ; ou si l'on veut plus facilement, en se servant de toutes les mesures déterminées sur le front AB . La ligne magistrale de cet auteur étant ainsi tracée, on lui menera en-dedans & à la distance de 20 piés, une parallele pour terminer la largeur du parapet. On menera aussi une parallele à la même du tance, mais en-dehors du polygone; elle donnera la largeur du terre-plein de la fausse braie. Et enfin une autre parallele à cette ligne & en-dehors à la même distance de 20 piés, elle terminera le parapet de la fausse braie. Le fossé se mene parallelement aux faces des bastions, & à la distance de 25 toises. Cette maniere de fortifier de Marolois donne un moyen facile de travailler sur le terrein, où l'on ne peut guere décrire exactement un polygone régulier par le moyen d'un cercle. On trace le polygone, le premier trait des courtines & des bastions, en faisant premierement sur terre l'angle du polygone égal à celui qui est décrit sur le papier, & achevant le reste comme il vient d'être enseigné. Il faut observer que Marolois donne 60 degrés à l'angle flanqué de son quarré, 72 au pentagone, 80 à l'exagone, 85 à l'eptagone, & 90 à l'octogone & aux autres polygones. Il y a d'autres manieres de fortifier à la hollandoise, comme celle d'Adam Fritach polonois, qui a donné un traité sur la Fortification , traduit en françois en 1640; de Dogen, &c. mais comme les principes de ces auteurs ne different pas beaucoup de ceux de Marolois; qu'ils font comme lui le flanc perpendiculaire à la courtine; qu'ils construisent des fausses braies à leurs places, & que leurs lignes de défense sont fichantes, il paroît assez inutile de s'arrêter à donner leurs constructions, qui sont absolument hors d'usage: car, comme le dit Ozanam dans son traité de Fortification , elles n'en valent pas la peine. « En effet, bien que plusieurs ayent cru, dit cet auteur, que la fortification des Hollandois etoit la meilleure, à cause de la longue durée des guerres de ce pays-là qui devoit les avoir rendus savans dans cet art par une longue expérience, & que pour résister à un grand prince ils ayent tâché d'y renchérir par-dessus les autres nations; néanmoins la même expérience a fait voir dans les guerres de 1672, 1673, &c. que la plûpart de leurs meilleures places ont été emportées en trois semaines de tems, & qu'elles l'auroient été plûtôt sans le nombre de leurs dehors; ce qui depuis ce tems-là a diminué beaucoup la réputation où elles étoient, & que nous méprisons entierement les manieres dont elles ont été fortifiées. Comme dans toutes ces manieres de fortifier on a affecté d'avoir un second flanc sur la courtine, & qu'on y a fait la contrescarpe parallele aux faces des bastions, il arrive ce défaut considérable, savoir que le flanc qui est la principale partie de la défense, ne découvre point tout le fossé, à cause que la contrescarpe étant parallele à la face du bastion, lorsqu'il y a un second flanc, le prolongement du bord extérieur du fossé va bien souvent recontrer la courtine, au lieu qu'il devroit aboutir à l'angle de l'épaule; ce qui fait que les ennemis peuvent être logés dans le fossé sans craindre les coups du flanc, parce que la contrescarpe les couvre contre ce flanc, & qu'ils sont seulement vûs du second flanc, qui étant bientôt ruiné, l'entrée du fossé est rendue facile aux assiégeans ». Ozanam, traité de Fortification . Du système de Stevin de Bruges . On pourtoit encore dans la classe des ingénieurs hollandois, mettre le savant Stevin, dont on a un système qui n'est pas plus d'usage aujourd'hui que les précédens. Cet auteur étoit fort estimé de Maurice prince d'Orange. Les états de Hollande lui avoient donné la charge de castramétateur, ou la fonction de marquer & distribuer leurs camps. Il a donné aussi é cette occasion un traité de la Castramétation . Il commence sa fortification par l'exagone, lui donnant 1000 piés de Delft pour côté (qui est sensiblement égal au pié françois). Il donne à la demi-gorge 180 piés, grandeur plus petite que la 5 e partie du côté, au flanc 140, qui differe de peu de la 7 e partie du même côté. Il fait ce flanc perpendiculaire à la courtine; puis de son extrémité & de l'angle du flanc opposé, il tire la ligne de défense, qui se termine par la rencontre du rayon oblique du polygone prolongé. De cette maniere les faces sont extrèmement longues; son angle flanqué est obtus, & il augmente selon le nombre des côtés du polygone. Cet auteur fait aussi des places basses & des places hautes à tous les flancs. Il employe les fausses braies à-peu-près comme Marolois & Fritach, & il éleve de plus un cavalier dans le centre de chacun de ses bastions. Ses lignes de défense sont rasantes. Son flanc est couvert par un orillon, ou plûtôt un épaulement formé par le prolongement de la face du bastion; mais si cet épaulement couvre son flanc, il le rend aussi si petit, qu'il n'a presque plus aucune défense. Ceux qui voudront connoître le détail de cette construction, pourront consulter le livre de l'auteur, ou le second volume des travaux de Mars , par Allain Manesson Mallet, où elle est rapportée dans les propres termes de Stevin. Système ou construction du chevalier Antoine de Ville . Cet auteur étoit ingénieur en France sous le roi Louis XIII. On a de lui un excellent traité de Fortification , dans lequel il fait voir beaucoup de savoir & beaucoup d'intelligence dans cet art. Cet auteur a eu l'avantage de joindre la théorie à la pratique, & il dit lui-même qu'il n'a rien écrit que lui ou son frere n'ait vû ou pratiqué. Sa méthode est appellée dans la plûpart des auteurs, la méthode françoise , comme celle de Marolois est appellée la hollandoise Il a pour maximes particulieres de faire toûjours l'angle flanqué droit, & le flanc égal à la demi-gorge. Il fortifie extérieurement, c'est-à-dire en-dehors du polygone. Son flanc est perpendiculaire sur la courtine, & ses lignes de défense sont fichantes. Sa méthode ne peut commencer à se pratiquer qu'à l'exagone; parce que les autres polygones de moins de côtés ont leurs angles trop petits pour qu'elle puisse y convenir. Pour donner le détail de la construction de cet auteur, soit A B ( Plan. II. de la Fortification, fig. 3 . ) le côté d'un exagone. On divisera ce côté en six parties égales. On prendra A C & B D pour les demi-gorges des bastions du front A B , de la sixieme partie de ce côté. Des points C & D , on élevera sur A B les perpendiculaires C L & D H , égales chacune à A C ou B D ; elles seront les flancs des demi-bastions du front A B . On tirera ensuite les rayons obliques O A, O B , prolongés indéfiniment au-delà de A & de B . On abaissera du point L sur le prolongement de O A , la perpendiculaire LQ . On fera Q M égale à L Q , & l'on tirera la ligne ML , qui sera la face du demi-bastion M L C . On déterminera de même la face H N de l'autre demi-bastion. Si l'on répete ensuite les mêmes opérations sur tous les côtés du polygone, on aura le principal trait, ou la ligne magistrale de la construction du chevalier de Ville. Il est évident par la construction de cet auteur, que les angles flanqués sont droits, de même que ceux du flanc. Le chevalier de Ville prend le côté intérieur A B pour l'échelle de son plan; il lui donne cent vingt toises: ainsi les demi-gorges & les flancs qui sont la sixieme partie de ce côté, sont chacun de 20 toises. Le fossé de la place doit être mené parallelement aux faces des bastions, & à la distance de 20 toises. Si l'on veut couvrir le flanc H D par un orillon, on le divisera en trois parties égales. On prendra G D d'une de ces parties, par le point G & le point M , angle flanqué du bastion opposé; on tirera la ligne G M , sur laquelle on prendra G K égale à G D . On prolongera la face N H , jusqu'à ce qu'elle rencontre la ligne M G dans un point R . De ce point pris pour centre & de l'intervalle R K , on décrira un are qui coupera en I le prolongement de la face N H . On tirera après cela la ligne K I , & sur I K on construira l'orillon de cette maniere. On élevera au point I sur I N & en-dedans le bastion, une perpendiculaire indéfinie; puis sur le milieu de I K , & toûjours vers le bastion, une seconde perpendiculaire, qui rencontrera la premiere dans un point qui sera le centre de l'orillon, c'est-à-dire que de ce point pris pour centre, on ouvrira le compas jusqu'en I ou en K , & qu'on décrira l'arc de l'orillon. Si, au lieu d'arrondir l'orillon, on se contente de le laisser terminé par la droite I K , il sera nommé épaulement. Voyez Epaulement . Outre l'orillon, le chevalier de Ville faisoit une place haute à son flanc, c'est-à-dire qu'il n'élevoit guere la partie G D qu'au niveau de la campagne, & que derriere cette partie il pratiquoit un second flanc E F , beaucoup plus élevé que le premier. Pour avoir ce second flanc ou cette place haute, il faut prolonger K G de sept toises en-dedans le bastion, c'est-à-dire de G en F; du point F mener F E parallele à G D, F E sera la place haute & G D la basse, qu'on appelle aussi casemate. Voyez Casemate . Ce que l'on trouve à reprendre dans ce système, c'est principalement la défense oblique des flancs, comme dans celui de Marolois, lesquels étant perpendiculaires à la courtine, ne peuvent défendre directement les faces des bastions opposés. D'ailleurs les demi-gorges & les flancs sont trop petits. C'est ce que le comte de Pagan, qui est venu après le chevalier de Ville, a corrigé dans ses constructions. Il n'est pas inutile d'observer que cet auteur n'est pas favorable à ceux qui veulent se donner pour inventeurs de plusieurs systèmes; & en effet cette invention est fort facile, lorsqu'on la fait consister à changer quelque chose dans la mesure ou la disposition des parties de la fortification des autres auteurs. Un homme qui n'a point vû la guerre doit être extrèmement circonspect sur les corrections qu'il propose. Il est fort aisé de trouver à redire à ce que les autres ont fait, mais il ne l'est pas également de faire mieux. « J'avois imaginé, dit le chevalier de Ville, dans son traité de la charge d'un gouverneur , de mettre quelque douzaine de constructions de fortifications dans mon livre; mais j'ai après considéré que c'étoit une moquerie qui ne servoit à rien, & qu'il valoit bien mieux n'en mettre qu'une seule, celle qui me sembleroit la plus raisonnable, & montrer par les raisons & expériences en quoi consiste la perfection de la forme de la fortification , rapportant tout aux maximes générales dont tout le monde est d'accord, & par ce moyen desabuser plusieurs qui s'imaginent que cette science consiste à savoir précisément le nombre des degrés & des minutes des angles; & les mesures des parties, jusqu'aux piés & aux pouces. J'avertis ceux qui ne le savent pas, dit toûjours le même auteur, que tout cela n'est que pédanterie, qui ne sert qu'à faire perdre du tems, & qu'il n'est point nécessaire à un commandant de savoir ces petites ergoteries de calcul, non plus que des choses qui ne se mettent jamais en pratique ». Les gouverneurs des places peuvent tirer beaucoup de choses utiles du livre qu'on vient de citer. Il y a peu d'ouvrages où leurs devoirs soient traités avec autant de savoir & d'étendue. Ceux qui voudront s'en convaincre par eux-mêmes, seront fort aises qu'on leur ait donné occasion de l'étudier. Fortification à l'italienne ou de Sardi . Les Italiens ont un grand nombre d'auteurs qui ont très-bien écrit sur la fortification depuis l'invention des bastions. Il seroit assez inutile de parcourir toutes leurs différentes idées à ce sujet, & il seroit d'ailleurs trop long de le faire; car un seul de ces auteurs nommé le capitaine François de Marchi , bolonnois & gentilhomme romain, donne dans un gros in-folio italien imprimé à Bresse en 1599, & intitulé della architettura militare , 161 planches conçues sur des desseins différens, c'est-à-dire autant de systèmes qu'il proteste avoir tous inventés; encore se plaint-il, malgré cette abondance, qu'on lui a volé plusieurs autres desseins de même espece. Il est aisé de juger par la fécondité de cet auteur de l'immense détail dans lequel il faudroit entrer, si l'on vouloit examiner toutes ces différentes constructions; il y en a cependant un assez bon nombre de fort ingénieuses, & dans Marchi, & dans les autres italiens; mais on se bornera ici à dire un mot de la méthode de Sardi, laquelle paroît être une des plus simples & des meilleures. Cet auteur commence la description de ses figures par l'exagone. Il donne 800 piés géométriques du Rhin à son côté; & comme ce pié a onze pouces sept lignes & demie, suivant plusieurs auteurs, ce côté a environ 136 toises. Il le divise en 16 parties égales; il prend trois de ces parties pour la demi-gorge, qui a ainsi 25 toises trois piés. Il éleve son flanc perpendiculaire à la courtine, & il le fait égal à la demi-gorge. Il divise sa courtine en huit parties égales, il en laisse une pour le feu de courtine ou le second flanc; ensuite par l'extrémité de cette partie & celle du flanc, il tire la face de son bastion indéfiniment. En faisant la même opération sur tous les côtés du polygone, la rencontre des faces donne l'angle flanqué du bastion de cet auteur, & l'on a ainsi la ligne magistrale ou le principal trait de sa fortification . Sardi couvre aussi son flanc par un orillon ou un épaulement, c'est à-dire qu'il arrondit la partie du flanc proche l'épaule, ou qu'il la laisse en ligne droite. Il construit une place basse à son flanc, mais elle n'a de longueur que le tiers du flanc, les deux autres tiers sont pour l'orillon. Il fait des cavaliers à ses places, au milieu des courtines. Il leur donne la figure quarrée; les faces en sont paralleles au parapet du rempart, éloignées du même parapet à-peu-près de quatre toises trois piés. Il place sur ses cavaliers sept pieces d'artillerie, dont trois sont destinées à battre la campagne, & les quatre autres à tirer sur les bastions voisins pour en défendre les breches & détruire les logemens de l'ennemi. Il est évident par la construction qu'on vient d'expliquer, que Sardi fortifie à lignes de défense fichantes, que les flancs & les demi-gorges sont d'une grandeur raisonnable, & que sa fortification est plus parfaite que celles de tous les auteurs, dont on a donné ci-devant les constructions. On remarquera à l'occasion du système de Sardi, qu'Ozanam dans sa fortification donne 800 pas géométriques, au lieu de 800 piés, au côté de cet auteur, ce qui est évidemment une faute d'impression; car autrement, comme le pas géométrique vaut cinq piés communs, le côté du polygone de Sardi seroit de 4000 piés, c'est-à-dire de 666 toises: ce qui est une longueur exorbitante, & qui ne peut étre admise. D'ailleurs Sardi dans sa construction , fixe lui-même 800 piés géométriques pour son côté, & non 800 pas. Cependant M. l'abbé Deidier, dans son parfait ingénieur françois , où il rapporte le système de Sardi d'après Ozanam, bien loin de croire qu'il y a une faute dans cet auteur, cherche à rectifier Sardi, & il pense qu'il faut donner 160 toises à son côté intérieur: mais rectifier ainsi les auteurs, n'est pas donner leurs systèmes. Si M. l'abbé Deidier avoit consulté Sardi ou les travaux de Mars de Mallet, il auroit vû que sa correction étoit inutile, & que l'erreur venoit d'une méprise ou d'une faute d'impression du livre d'Ozanam. Fortification à l'espagnole . On donne ici cette méthode à l'espagnole, telle que la rapporte Ozanam dans son traité de fortification . Les Espagnols qui estiment que les angles flanqués obtus sont bons, négligent un second flanc sur la courtine, faisant leurs fortifications toûjours à défense rasante; c'est-à-dire n'ayant jamais aucune ligne de défense fichante, sans se mettre en peine si l'angle du bastion est aigu, droit, ou obtus. Leur maniere de fortifier, à l'exception de l'angle flanqué droit & du second flanc, est la même que celle du chevalier de Ville; laquelle, à cause de cela a été appellée trait composé , parce qu'elle est composée de l'italienne & de l'espagnole. Il s'agit donc, pour fortifier un polygone régulier selon cette méthode, de diviser le côté en six parties égales; de faire les demi-gorges d'une de ces parties; d'élever les flancs perpendiculairement sur les courtines, & de les faire égaux aux demi-gorges; enfin de l'angle du flanc & de l'extrémité des flancs, tirer les faces, qui en se rencontrant donneront l'angle flanqué des bastions. Après avoir exposé jusqu'ici les principales constructions des anciens ingénieurs les plus célebres, il faut avant de passer aux modernes, dire un mot de l'ordre renforcé, d'autant plus que plusieurs personnes s'imaginent que M. le maréchal de Vauban a suivi cette construction au neuf Brisack; il est important de la leur faire connoître, pour qu'ils puissent la comparer avec celle de ce célebre ingénieur, laquelle on donnera à la suite de cet article du mot fortification . Fortification selon l'ordre renforcé . Cette methode de l'ordre renforcé est attribuée à différens auteurs italiens, & particulierement au capitaine de Marchi, dont on a déjà parlé; mais on la trouve particulierement expliquée dans le livre de fortification du pere Bourdin jésuite, ouvrage imprimé en 1655. Ce pere donne cette méthode pour corriger l'irrégularité des polygones qui ont leurs côtés trop longs pou: être fortifiés selon la construction ordinaire; & c'est d'après lui que Mallet, Ozanam, &c. donnent l'ordre renforcé. Soit ( Planche II . de Fortification, figure 4 . ) un polygone régulier quelconque inscrit dans un cercle, par exemple un exagone. On supposera chacun de ses côtés A B, A C , de 160 toises; on divisera le côté A B en huit parties égales; on donnera une de ces parties aux demi-gorges des bastions construits en A & en B ; on élevera aux points D & E , qui terminent ces demi-gorges, les perpendiculaires indéfinies D K, E L pour les flancs des demi-bastions en A & en B . On prendra après cela D F & G E , chacune du quart de A B & des points F & G; on élevera en-dedans le polygone les perpendiculaires F H, G I , égales à la huitieme partie de A B; on tirera la courtine rentrante H I; ensuite par le point I & le point F , on menera la ligne I M terminée en M , par le prolongement du rayon oblique du polygone: cette ligne coupera la perpendiculaire D K en K , & l'on aura D K le flanc du demi-bastion A, K M la face, & H F le flanc rentrant ou le double flanc du front A B . On opérera de même pour avoir l'autre demi-bastion en B; & faisant après les mêmes opérations sur tous les côtés du polygone, on aura le principal trait de l'ordre renforcé. Il est aisé d'observer qu'on lui a donné ce nom, à cause des flancs saillans & rentrans dont chaque front est accompagné. Ce système peut servir, comme le pere Bourdin l'employe, aux côtés qui ont plus de 120 ou 140 toises. On peut le pratiquer jusqu'à un front de 200 toises. Comme le capitaine de Marchi, dont on a déjà parlé plusieurs fois, a donné différens desseins qui approchent de l'ordre renforcé, Manesson Mallet croit que les auteurs de cet ordre en ont pris les premieres pensées dans le livre de ce capitaine; & il représente à cet effet un plan de cet italien qui approche beaucoup de l'ordre renforcé. Voyez la seconde edition des travaux de Mars , par Allain Manesson Mallet, page 230 du II. Volume . Fortification suivant la méthode ou le système du comte de Pagan . Le comte de Pagan est un auteur également respectable par sa science, son expérience, & par la noblesse de sa maison. Le grand nombre de siéges où il avoit assisté du tems du roi Louis XIII. lui avoit donné lieu de remarquer la foiblesse des fortifications des anciens ingénieurs, & le peu de défense dont elles étoient susceptibles. Il s'appliqua à trouver le moyen de remédier à ce défaut, & surtout à la défense oblique des flancs perpendiculaires sur la courtine. C'est de tous les auteurs qui l'ont précédé, dit M. Hebert dans une espece de commentaire qu'il a donné de la fortification du comte de Pagan, celui qui a su le mieux réserver dans ses flancs du canon à couvert des batteries de l'ennemi, pour servir utilement à battre de revers dans la breche du bastion opposé. Enfin il est le premier qui ait su loger assez de canon pour faire une résistance considérable & pour défendre long-tems le passage du fossé. On peut dire, sans rien diminuer de l'estime qu'on a pour les illustres ingénieurs qui l'ont suivi, qu'ils n'ont presque fait que perfectionner sa construction, & corriger ce qu'il pouvoit y avoir de défectueux dans une premiere pensée, qu'il n'eut jamais le tems ni l'occasion de rectifier. Le comte de Pagan divise sa fortification en grande, moyenne, & petite. Pour construire la moyenne, soit ( Planche II . de Fortification, fig. 5 . ) A B le côté d'un polygone régulier quelconque, par exemple celui d'un exagone, on le supposera de 180 toises. Il faudra le diviser en deux également en D; on élevera de ce point, en-dedans le polygone, la perpendiculaire D C , à laquelle on donnera 30 toises. Des points A & B , on tirera par C les lignes de défense indéfinies A N & B M . On prendra les faces A E, B F de 55 toises, puis C M & C N chacune de 32. On tirera les lignes E M & F N , qui seront les flancs du front A B; M N en sera la courtine. On peut déterminer les flancs F N & E M , en faisant tomber des points F & E , des perpendiculaires sur les lignes de défense A N & B M . Pour construire la grande fortification du même auteur, on supposera le côté A B de 200 toises; on donnera de même 30 toises à la perpendiculaire D C , & 60 toises aux faces des bastions. Les flancs sont toûjours dans les différentes constructions de cet auteur les perpendiculaires abaissées des points E & F sur les lignes de défense B M & A N . Le côté extérieur de la petite fortification n'a que 160 toises; la perpendiculaire D C toûjours 30. A l'égard des faces, elles n'ont que 50 toises. Le comte de Pagan pour augmenter le feu de son flanc, fait trois flancs élevés les uns sur les autres en amphitéatre, & il construit un second bastion dans le premier. Pour construire ces places, ou comme on les appelle communément, ces casemates , on divisera le flanc F N en deux également en G; par le point A & le point G , on tirera la ligne A G , qu'on prolongera indéfiniment dans le bastion. On prolongera de même la ligne de défense A N . On prendra ensuite G H de cinq toises, & l'on menera par H , la ligne H I parallele à F N ou G N . On menera après cela L K parallele à H I , & à la distance de sept toises de cette ligne. On donnera 14 toises à LK , qui seront prises de K en L . Enfin à la distance de sept toises de KL , on lui menera la parallele OP , à laquelle on donnera de O en P , 14 toises 3 piés. On menera par le point P , la ligne PK , parallele à FB . Cette ligne sera la face du bastion intérieur dont OP sera le flanc. On donnera au parapet de trois toises d'épaisseur ou de largeur, aux trois flancs HI, LK , & OP , c'est-à-dire de la même épaisseur qu'à toute l'enceinte du polygone. Le fossé de la place est de 16 toises vis à-vis les angles flanqués des bastions. On le construit en l'alignant de l'arrondissement de la contrescarpe aux angles de l'épaule des bastions opposés. Voy. Fossé . Les remparts du comte de Pagan n'ont que quatre toises de largeur ou de terre-plein, non compris l'épaisseur du parapet, qui est, comme on vient de le dire, de trois toises. Cet auteur a des dehors qui lui sont particuliers, & qu'on peut voir dans son traité de fortification . Le premier qu'il appelle petit dehors , consiste en une demi-lune avec un réduit. Mais les bastions sont couverts par des especes de contre-gardes à flancs, lesquels flancs sont pris sur la contrescarpe de la demi-lune. Le second qu'il nomme grand dehors , consiste dans des especes de contre-gardes ou bastions détachés, dont il couvre les bastions de la place. Ces contregardes ont aussi trois flancs l'un sur l'autre comme ses bastions, & elles sont jointes ensemble par une espece de courtine qui forme un angle saillant vis-à-vis l'angle rentrant de la contrescarpe. Ces dehors ont un fossé comme celui de la place, avec une demi-lune vis-à-vis la courtine. La construction du comte de Pagan a beaucoup d'avantage sur celles des autres auteurs dont on a parlé. Les flancs de ses bastions sont plus grands; & comme ils sont perpendiculaires sur les lignes de défense, ils défendent directement le fossé des bastions opposés. Mais ils ont aussi cet inconvénient de se trouver trop exposés à l'ennemi. A l'égard de ses trois flancs placés les uns sur les autres, il est aisé de les rendre inutiles par le canon & par les bombes dont on fait bien plus d'usage aujourd'hui que du tems du comte de Pagan, où l'on ne faisoit que de commencer à s'en servir en France. Le système de ce comte a été rectifié dans la suite par M. le maréchal de Vauban. Allain Manesson Mallet, auteur des travaux de Mars , a corrigé aussi la grandeur des angles du flanc du comte de Pagan. On va donner un précis de sa construction, avant de passer à celle de M. de Vauban. Fortification de Manesson Mallet . Soit un polygone régulier quelconque X , ( Pl. II . de Fortification, fig. 6 . ) inscrit dans un cercle, par exemple, un exagone dont AB soit un des côtés, on tirera d'abord tous les rayons obliques de ce polygone, & on les prolongera indéfiniment au-delà des angles de la circonférence. On divisera ensuite le côté AB en trois parties égales. On portera une de ces parties de A en E , & de B en F , &c. sur le prolongement des rayons obliques. On prendra après cela les demi-gorges AG & BH , chacune de la cinquieme partie de AB . Aux points G & H , on fera avec le côté AB les angles du flanc BGI, GHM de 98 degrés; ensuite on tirera par H & par E la ligne de défense EH , qui coupera GI dans un point L , qui déterminera la longueur du flanc GL . On déterminera de même le flanc HM , & l'on aura le front AB fortifié, selon la méthode de l'auteur des travaux de Mars . On prendra pour l'échelle le côté AB , qu'on supposera de 100 toises. La méthode de cet auteur est la même pour le pentagone & les autres polygones d'un plus grand nombre de côtés. Il est évident par sa construction, que ses lignes de défense sont rasantes. Le même auteur enseigne aussi dans son livre la construction de casemates qui lui sont particulieres. Mais dans ce cas il donne 120 toises au côté de son polygone. Ces casemates sont composées de trois places, qui occupent ensemble la moitié du flanc vers la courtine. De ces places, la plus haute & la plus rentrante dans le bastion, est au niveau du terre-plein du même bastion. La seconde est plus enfoncée, & elle a les deux tiers de son étendue cachée à l'ennemi; la derniere ou la plus basse a de longueur environ la moitié de celle du flanc. Elle est couverte par un orillon en ligne droite, qu'on a appellé épaulement . Il construit encore un cavalier rond ou en forme de tour, au centre de son bastion. La construction de Manesson Mallet est une des plus parfaites qu'on ait encore aujourd'hui, & elle differe peu du premier système de M. le maréchal de Vauban. Les angles du flanc de ce fameux ingénieur sont d'environ 100 degrés, & ceux de Mallet sont de 98. Il croit être le premier qui les ait fixés à ce nombre, & qui ait ainsi corrigé la trop grande ouverture de ceux du comte de Pagan. Au reste Mallet joignoit comme ce comte la théorie à la pratique. Il avoit servi en qualité d'ingénieur en Portugal; il y avoit fait différens siéges, & travaillé à plusieurs places: comme Aronche, le château de Ferreira, Extremos, &c. dans lesquelles places les angles du flanc sont de 98 degrés. Fortification selon le système de M. le maréchal de Vauban . Soit décrit un cercle d'un rayon quelconque AB ( Pl. II . de Fortification, fig. 7 . ); dans lequel on inscrira tel polygone que l'on voudra, par exemple un exagone. Sur le milieu du côté BC on élevera une perpendiculaire ID , vers le centre du polygone à laquelle on donnera la huitieme partie du côté BC si le polygone est un quarré; la septieme si c'est un pentagone; & la sixieme si c'est un exagone ou un autre polygone d'un plus grand nombre de côtés . Par les extrémités B & C du côté BC & par le point D , on tirera les lignes de défense BD, CD prolongées indéfiniment vers F & vers E . On prendra deux septiemes du côté BC , & on les portera de B en H & de C en G sur les lignes de défense; BH & CG seront les faces des demi-bastions du front BC . Pour avoir les flancs, on posera une pointe du compas au point G; on ouvrira le compas jusqu'à ce que l'autre pointe tombe sur le point H; puls du point G comme centre & de l'intervalle GH , on décrira un are HE , qui coupera la ligne de défense CE en E: le compas gardant la même ouverture, on prendra le point H pour centre, & l'on décrira l'arc GF qui coupera la ligne de défense BF en F . Les lignes de défense étant ainsi terminées en E & en F , & les faces en H & en G , il ne reste plus pour avoir la ligne magistrale, qu'à joindre ces quatre points par trois lignes droites; savoir les extrémités des lignes de défense par FF , qui sera la courtine, & les extrémités des faces & de la courtine par HE & GF , qui seront les flancs des demi-bastions BHE, CGF . Si l'on fait les mêmes opérations sur tous les autres côtés du polygone, le principal trait de ce système sera tracé. M. de Vauban prend pour l'échelle de son plan le côté BC du polygone, qu'il suppose toûjours de 180 toises. Ainsi la perpendiculaire ID qui dans le quarré est de la huitieme partie de BC , est de 22 toises dans ce polygone; elle est de 25 toises dans le pentagone, & de 30 dans l'exagone & les autres polygones d'un plus grand nombre de côtés. A l'égard des faces qui sont toûjours les deux septiemes de BC ou de 180 toises, elles ont 50 toises. Telle est la premiere & la plus simple construction de M. de Vauban. Second système du même . Le second système de M. le maréchal de Vauban se nomme ordinairement le système de Landau , parce qu'il l'a employé à la fortification de cette ville. Soit AB le côté d'un exagone régulier ( Pl. II . de Fortification, fig. 8 . ) on le supposera de 120 toises. On prendra AM & BK chacune de quatre toises; des points M & K on élevera les perpendiculaires MN, KF de six toises. Du point N on abaissera sur le prolongement du rayon oblique, au-delà de A la perpendiculaire NT . On fera TG égale à TN , & on tirera NG . On tirera de même FL , & l'on aura les petits demi-bastions GNM, KFL , dont AM & KB sont les demi-gorges, MN & FK les flancs, & NG & FL les faces. Ces petits bastions sont nommés tours bastionnées . Pour décrire les bastions détachés vis-à-vis les tours bastionnées, on menera par l'angle de l'épaule N & par l'angle flanqué L de la tour opposée, la ligne NL . On menera de même FG . On prendra ensuite sur AB, AC & BD du quart de ce côté, c'est-à-dire de 30 toises; & des points C & D on élevera sur AB & en-dehors du polygone les perpendiculaires indéfinies CQ & DP . On prolongera la capitale BL en-dehors de la tour, ensorte que LR soit de 39 toises. On prendra aussi GI de la même quantité. Cela fait par le point M & le point R , on tirera MR , & par K & I , la ligne KI . Ces lignes couperont les perpendiculaires DP, CQ , dans les points P & Q . On prendra DV & CS chacune d'une toise, & l'on tirera les lignes PV & QS , que l'on terminera en Z & en H où elles rencontrent les lignes NL & FG . On aura alors les demi-bastions détachés IQH, RPZ dont IQ & PR seront les faces, & QH & PZ les flancs. Ces bastions détachés sont appellés contre-gardes , à cause de leur position vis-à-vis les tours bastionnées. Pour faire le fossé des tours bastionnées, on prendra du point H sur la ligne HG, HO de to toises; de l'angle flanqué G & de l'intervalle de sept toises, on décrira un arc vis-à-vis l'angle flanqué de la tour, & du point O on menera une tangente à cet arc, laquelle déterminera le fossé de la tour A; on décrira de même celui de la tour B . Le fossé des contregardes se construit comme celui des places ordinaires. On observera seulement de lui donner 15 toises de largeur vis-à-vis les angles flanqués des contregardes. On construit dans ce système des tenailles devant les courtines. Leur côté intérieur est pris sur la ligne HZ . Pour la demi-lune qui couvre la tenaille, on la construit en donnant 45 ou 50 toises à sa capitale, & alignant ses faces sur celles des contr-gardes à 10 toises des angles de l'épaule. On construit encore un réduit dans la demi-lune; sa capitale est de 15 ou 20 toises, & ses faces sont menées parallelement à celles de la demi-lune. Le rempart du corps de la place & celui des contre-gardes est de six toises de terre-plein; celui de la demi-lune de quatre, & celui du réduit de trois, non compris l'épaisseur du parapet. Le parapet des tours bastionnées est de pure maçonnerie. Il a neuf piés d'épaisseur. Celui des autres ouvrages est à l'ordinaire, de trois toises. L'angle flanqué des tours bastionnées est droit dans tous les polygones, excepté dans le quarré. On le détermine dans ce polygone par l'intersection de deux arcs décrits des angles de l'épaule pris pour centres, & d'un intervalle ou rayon de 12 toises. La ligne FG fait voir que le soldat qui est en F , peut défendre l'angle flanqué G de la tour GNM , & par conséquent que tout le flanc FK peut défendre la face de cette tour. On pratique dans l'intérieur des tours bastionnées un soûterrein voûté, à l'épreuve de la bombe. On perce aux flancs des tours, & dans le soûterrein deux embrasures, qui ne sont guere plus élevées que le niveau de l'eau du fossé. Le canon placé dans cette partie, ne peut être ni vû ni démonté par l'ennemi. Les soûterreins des tours bastionnées servent dans un tems de siége à mettre à couvert des bombes, les troupes & les munitions de guerre, & de bouche, & de la place. Le terre-plein ou la partie supérieure des tours, est élevé de 18 piés au-dessus du niveau de la campagne. Le rempart des contregardes est de 4 piés plus bas. Troisieme système de M. le maréchal de Vauban; ou de la fortification du Neus-Brisach . Le troisieme système de M. de Vauban n'est autre chose que le second qu'il a perfectionné dans la fortification du Neuf-Brisach. Soit pour le construire, AB ( Pl. II . de la Fortification, fig. 9 . ) le côté d'un polygone, par exemple, d'un octogone. Ce côté est toûjours de 380 toises dans tous les polygones. Sur le milieu de AB , on élevera en-dedans ce polygone une perpendiculaire CD , à laquelle on donnera 30 toises, ou la sixieme partie de AB . Par les points A & B & par le point D , on tirera les lignes de défense indéfinies ADM, BDL . On portera sur ces lignes, savoir de A en E , & de B en F , 60 toises pour les faces des contre-gardes. On posera ensuite une pointe du compas au point E , & on l'ouvrira jusqu'à ce que l'autre pointe tombe sur le point F; puis du point F pris pour centre, & de l'intervalle FE , on décrira un arc qui coupera la ligne de défense BL dans un point quelconque; on prendra sur cet are EG de 22 toises, & du point G on tirera en E la ligne EG qui sera le flanc de la contre-garde. On déterminera de même le flanc FH , puis l'on menera ensuite la ligne GH qu'on prolongera de part & d'autre jusqu'à la rencontre des rayons obliques du polygone en S & en T . On menera RQ parallele à ST , & à la distance de neuf toises, terminée aussi de part & d'autre par les rayons obliques du polygone. Cette ligne sera le côté intérieur sur lequel les tours bastionnées seront construites. Pour construire ces tours, on prendra les demi-gorges QL & MR de sept toises; aux points M & L on élevera perpendiculairement les flancs des tours auxquels on donnera cinq toises. De l'extrémité de ces flancs on menera des lignes droites aux points T & S; ces lignes seront les faces des tours bastionnées. On prolongera les flancs des tours de quatre toises 3 piés dans la place, & on joindra le prolongement des deux flancs de chaque tour par une ligne droite, dans le milieu de laquelle on laissera un passage de 9 piés pour entrer dans la tour. Cela fait, on prolongera la perpendiculaire CD vers la place, & du point K où elle rencontre le côté intérieur QR; on prendra KN de cinq toises. Par les points L & M & par le point N , on tirera des lignes indéfinies M1, L2 . On prolongera ensuite les flancs des contregardes vers l'intérieur de la place, jusqu'à ce qu'elles coupent les lignes M1, L2 aux points 1 & 2 . On tirera la ligne 2, 1 qui sera la partie rentrante de la courtine. MP & LZ seront le reste de la courtine, ou ses parties avancées; Z1, P2 les flancs de cette courtine. C'est dans ces flancs que ce système differe principalement du précédent. Ils servent à augmenter la defense des faces & du fossé des tours bastionnées. Le fossé des tours se décrit dans le système, de la même maniere que dans le précédent. Il en est de même de la tenaille qui est vis-à-vis la courtine, & du fossé des contre-gardes. M. le maréchal de Vauban donne 55 toises à la capitale de la demi-lune de cette troisieme construction, & les faces en sont alignées à 15 toises des angles de l'épaule. Chaque demi-lune a un réduit dont la capitale a 23 toises, & dont les faces sont paralleles à celles de la demi-lune. Les demi-lunes de cette fortification sont à flancs. On construit ces flancs en portant 10 toises sur les faces des demi-lunes, du point où elles rencontrent la contrescarpe de la place, & sept toises de ce même point sur la contrescarpe ou la demi-gorge de la demi-lune; la ligne qui joint le point extrème des 10 toises, & celui des sept, est le flanc de la demi-lune. On donne de même des flancs aux réduits, en portant de la même maniere quatre toises sur leurs faces, & trois toises sur la contrescarpe. Le terre-plein du rempart de la place & celui des contregardes, est de six toises, en y comprenant la largeur de la banquette. Celui des demi-lunes de quatre, & celui des réduits de trois. Pour le parapet il est de trois toises, à l'exception de celui des tours, qui est de maçonnerie, & qui a 8 piés d'épaisseur & 6 de hauteur. Le terre-plein des tours bastionnées est élevé de 16 piés au-dessus du niveau de la campagne; celui des contregardes de 12, de même que celui des courtines de la place. Le terre-plein de la tenaille est au niveau de la campagne. Celui du réduit est élevé de 9 piés, & celui de la demi-lune de 6 piés. Les contregardes, les tenailles & les demi-lunes sont à demi-revêtement. Dans la partie où se termine le revêtement, on laisse une berme de 10 piés de large; le rempart est revêtu de gason depuis le côté interieur de la berme, jusqu'à la partie supérieure du parapet. Sur le bord extérieur de la berme on plante une haie vive, & derriere cette haie un rang de palissade, afin qu'on ne puisse pas aisément de la partie supérieure du revêtement, s'insinuer dans le fossé: & que du fossé on ne puisse pas sans obstacle aller du bord extérieur de la berme au haut du parapet. On pratique des soûterreins dans les tours de ce systeme, comme dans celles du precedent, & comme elles ont plus d'espace, ces soûterreins sont aussi plus grands. Au centre des tours & un peu au dessus du niveau du fossé, on pratique un magasin à poudre voûté, à l'épreuve de la bombe. On construit à côté d'autres soûterreins le long des faces & des flancs de la tour; ceux des flancs sont percés de deux embrasures. A côté de l'angle du flanc, il y a des poternes pour communiquer avec les contregardes. Le passage pour entrer dans les soûterreins des tours, est au pié du rempart vis-à-vis le centre des tours. Il est voûté, & il a 12 piés de large. Dans le milieu des courtines où il n'y a point de portes, on fait une poterne pour communiquer aux tenailles. On y descend par un soûterrein voûté. On fait aussi des soûterreins dans les flancs de la courtine, percé chacun d'une embrasure; ce qui donne dans cette partie de l'enceinte un flanc supérieur & un inferieur. On construit aussi dans les flancs des contregardes des communications soûterreines avec la tenaille. Le front AB ( Pl. III . de la Fortification, fig. 4 . ) représente le plan des différens souterreins dont on vient de parler: de même que celui de la maçonnerie des revêtemens & des contrescarpes. Ceux qui voudront une description plus détaillée de ce systeme, pourront consulter le VI. livre de la science des Ingénieurs . Ce troisieme système de M. le maréchal de Vauban, de même que le précédent, donne une fortification susceptible d'une plus grande défense que les précédens. Ses contregardes, qui sont plus grandes que les bastions ordinaires, étant détachées de la place, peuvent être soûtenues jusqu'à la derniere extremité, sans qu'il en puisse résulter d'inconvénient pour la place. Mais elles ont comme presque tous les dehors de la fortification , assez de difficultés pour les communications. Il y a des ponts à-fleur d'eau le long de chacun des flancs des tours qui communiquent avec les contregardes. Ces ponts qui sont sans gardes-fou, sont fort faciles à manquer dans la nuit, lorsqu'on est pressé par l'ennemi de se retirer. D'ailleurs on ne peut faire cette retraite qu'en défilant, c'est-à-dire lentement; ce qui expose ceux qui défendent les contregardes ou à se noyer en se retirant, ou à se faire prendre prisonniers. Cependant malgré ce défaut qui est assez général dans la fortification moderne, on ne peut s'empêcher de convenir que la fortification de Landau & celle du Neuf-Brisach ne soient infiniment plus parfaites que les autres fortifications . Mais elles sont aussi d'une bien plus grande dépense, principalement celle du Neuf-Brisach. Cet objet qui mérite beaucoup d'attention ne permettra vraissemblablement pas de fortifier d'autres places de la même maniere. Au reste ceste fortification avec des tours bastionnées, paroît convenir aux villes qui sont commandées; parce que ces tours peuvent servir à parer des commandemens. C'est aussi la situation de Befort, commandée de toute part, qui a donné lieu à M. de Vauban de les imaginer; & elles le sont plus heureusement que les seconds bastions du comte de Pagan, qui ont peut-être donné à M. de Vauban la premiere idée des tours bastionnées. Observons à ce sujet que M. le maréchal de Vauban, dont on vient de donner les constructions, n'a rien écrit sur la fortification , qu'ainsi ces constructions ont été prises dans les ouvrages de ce grand homme, qui a toûjours dit & fait voir par sa pratique , dit M. de Fontenelle dans son éloge, qu'il n'avoit point de maniere partieuliere . « Chaque place différente lui en fournissoit une nouvelle, selon les différentes circonstances de sa grandeur, de sa situation, de son terrein. Les plus difficiles de tous les arts, ajoûte très-sensement à cette occasion le célebre historien de l'académie, sont ceux dont les objets sont changeans; qui ne permettent point aux esprits bornés l'application commode de certaines regles fixes, qui demandent à chaque moment les ressources naturelles & imprévûes d'un génie heureux ». Ce sont ces ressources qui caractérisent particulierement le mérite d'un bon ingénieur. Il doit posséder parfaitement toutes les regles générales & partieulieres de la fortification , & savoir les appliquer avec intelligence, pour corriger les défectuosités des lieux qu'il doit fortifier, & les rendre également susceptibles d'une bonne défense. Fortification du baron de Coehorn . Le baron de Coehorn, général d'artillerie, lieutenant-général d'infanterie, & directeur-général des fortifications des Provinces-unies, s'est rendu si recommandable par ses grandes connoissances dans l'art de fortifier, qu on croit ne devoir pas se dispenser de donner quelques idées de ses constructions à la suite de celles de M. le maréchal de Vauban, dont il étoit contemporain. Il propose trois differentes méthodes, mais toutes pour des terreins peu élevés au-dessus du niveau de l'eau. La premiere, pour un terrein élevé de 4 pies au-dessus de l'eau. La seconde, pour un terrein de 3, & la troisieme pour un terrein élevé en été de 5 piés au-dessus de la hauteur de l'eau. Ce qui fait voir que cet auteur a eu égard à la nature du terrein des Provinces unies, qui n'a guere que ces élévations au-dessus de l'eau, & qu'ainsi elles peuvent être particulierement convenables aux endroits bas & aqui tiques. Construction de la premiere méthode de cet auteur . 1°. Il faut décrire un cercle, & y inscrire un exagone, ensuite tirer les rayons droits & obliques de ce polygone, prolongés indéfiniment. 2°. Faire une échelle avec le côté A B ( Pl. III . de Fortification, fig. 1 .) du polygone, qu'on suppose de 150 toises. 3°. Prendre sur les rayons obliques prolongés les capitales AC & BD de 75 toises, ou de la moitié du côté du polygone. 4°. Faire les demi-gorges AG, BH de la quatrieme partie de AB , c'est-à-dire de 37 toises 3 piés, & tirer après cela les lignes de défense rasantes CH & DG . 5°. De l'angle flanqué C & de l'intervalle de la ligne de défense CH , décrivez l'arc HF , qui sera le flanc du demi bastion DFH . On aura de même l'autre flanc GE du même front. Pour la tenaille ou courtine basse . Des points C & D pris pour centre, & de l'intervalle de 140 toises, décrivez les arcs MK & LI , qui coupent les lignes de défense; tirant après cela les lignes LN & NM , on aura la tenaille, dont les faces seront déterminées après la construction de l'orillon. Pour l'orillon & bastion interieur . Menez MN parallele à la face DF du bastion, & à la distance de 20 toises quatre piés de cette ligne; puis de l'angle flanqué C du bastion opposé, décrivez l'arc NS , éloigné de 15 toises du flanc HF : ensuite du point N ou NM & ST , se rencontrent élevés sur NM la perpendiculaire NO de cinq toises. Menez OP parallele à MN , & longue de huit toises; divisez OP en deux également en Q , & élevez QT perpendiculaire à PO , prolongée jusqu'à ce qu'elle rencontre en T la face DF prolongée. Par P & par C angle flanqué du bastion oppose, tirez PC , sur laquelle prenez PY de 12 toises. Portez huit toises de T en G , & tirez GY . Divisez cette ligne en deux également en L ; élevez LI perpendiculaire à GY , & GI perpendiculaire à GT . Du point I où ces deux lignes se coupent, & de l'intervalle IG ou IY , décrivez l'arc GLY , qui sera l'arrondissement de l'orillon TGYPQ . Pour la demi-lune . Tracez du bord du fosse de la place parallelement aux faces des bastions, & à la distance de 24 toises. Prenez de part & d'autre de l'angle rentrant P de la contrescarpe, les demi-gorges PO & PQ de 55 toises. Tirez OQ , & faites sur cette ligne un angle OQR de 55 degrés. Prolongez le côté QR de cet angle, jusqu à ce qu'il rencontre en R le rayon droit, prolonge du polygone. Tirez RO , & vous aurez la demi-lune PQROP . L'auteur construit une autre demi lune dans cette premiere. Elle se fait en menant à la distance de 20 toises trois piés des faces de sa demi-lune, & en-dedans, les paralleles TS & TV . Le fossé de la demi-lune a 18 toises de largeur. Pour la contre-garde on couvre-face . Tirez une ligne XY parallele à la contrescarpe de la face du bastion, & qui en soit éloignée de 27 piés. Le fossé de cet ouvrage est parallele à ses faces, & il a 14 toises de largeur. Pour les chemins-couverts & places-d'armes . Menez le chemin-couvert parallelement aux fossés des demi-lunes & contre-gardes, & à la distance de 13 toises un pié, en y comprenant deux banquettes de trois piés chacune, & le talud intérieur du parapet du chemin-couvert qui est d'un pié. Pour les places-d'armes il faut prendre 25 toises de part & d'autre des angles rentrans du chemincouvert, par exemple AD & AB de cette quantité, élever aux points D & B les perpendiculaires DC, BC , de 30 toises, elles seront les faces des places-d'armes. Au centre de ces places il y a un réduit qui se construira de cette maniere. On prendra AE & AF de la même largeur que le chemin-couvert, c'est-à-dire de 13 toises un pié Des points E & F , on menera les lignes EG, FG , paralleles à DC & CB , & l'on aura le réduit AF, GEA , dont les faces sont GF & GE . Les gorges des réduits des places-d'armes sont couvertes par deux traverses. Pour les construire, il faut diviser l'espace ou la partie du chemin-couvert qui est entre l'extrémité de la demi-gorge du réduit, celle de la place-d'armes en trois parties égales; & des deux points qui terminent la partie du milieu, faire tomber deux perpendiculaires sur la contrescarpe opposée à la gorge du réduit. L'espace compris entre ces deux perpendiculaires, donnera la traverse. Telle est la construction générale de la premiere méthode de M. de Coëhorn. Il faut voir dans son livre le détail des différens ouvrages qu'il construit dans le massif de pieces de sa fortification , c'est-à-dire ses différens soûterreins, &c . On a fait trois éditions de cet ouvrage; il renferme d'excellentes observations sur la fortification . Fortification selon la méthode de Scheiter ou Scheiteer . Cet auteur établit trois sortes de fortifications , la grande, la moyenne, & la petite. Le côté extérieur de la grande est de 200 toises; celui de la moyenne de 180, & celui de la petite de 160. La ligne de défense dans la grande a 140 toises; 130 dans la moyenne, & 120 dans la petite: elle est toujours rasante-Toutes les autres lignes de la construction de cet auteur, sont fixées à une même grandeur dans tous les polygones. Pour faire cette construction, il suffit de connoitre le côté extérieur, la capitale, & l'angle flanqué; on acheve ensuite facilement tout le reste. On joint ici une table qui donnera ces connoissances. Table des Capitales & des Angles flanqués de Scheitéer . Cet auteur détache les bastions de la courtine, derriere laquelle il forme une espece de retranchement intérieur. Pour donner une idée plus particuliere de sa construction, soit supposé un octogone à fortifier selon sa grande fortification , c'est-à-dire dont le côté extérieur AB ( Pl. III . de la Fortificat. fig. 2 . ) est de 200 toises. On prendra sur les rayons les capitales AC, BD , de 46 toises; on tirera ensuite le côté intérieur CD . On prendra avec le compas 140 toises pour la grandeur de la ligne de défense; & mettant une pointe du compas sur l'angle flanqué A , on décrira avec l'autre pointe un arc qui coupera le côté intérieur en E ; on prendra ensuite CF égale à ED , & l'on tirera par F & par B la seconde ligne de défense FB . On élevera des points E & F sur les lignes de défense AE & FB , les perpendiculaires EL, FI , qui rencontrant les lignes de défense opposées, détermineront les faces des contre-gardes ou bastions détachés de Scheiter. Prolongez après cela les lignes de défense vers les capitales, & prenez les parties EH, FP , de 16 toises; & ayant divisé ces lignes en deux également, tirez les flancs hauts paralleles aux flancs bas. Faites la même chose sur les autres côtés. Prenez après cela la distance PQ ; & mettant une pointe du compas ainsi ouvert au point P , décrivez un arc avec l'autre pointe qui coupe la capitale au point N ; tirez ensuite NQ & NP , & la contre-garde sera achevée. Décrivez autour de la contre-garde du côté de la place, un fossé large de 18 toises, qui donnera le redan RST ; & comme l'escarpe de ce fossé feroit un angle saillant vers le milieu de la courtine, Scheiter, pour corriger cet inconvénient, y construit un petit bastion de cette maniere. Du point 3 où les lignes de défense se rencontrent, il abaisse la perpendiculaire 3 4, sur le côté intérieur; il porte de part & d'autre du point 4, les distances 4, 5 & 4, 6 égales chacune à 4, 3: après quoi il tire les faces 5, 3 & 3, 6 de ce bastion. Les flancs se menent parallelement à la perpendiculaire 4, 3, jusqu'à ce qu'ils rencontrent la parallele à PF & EH . Lors après qu'ils sont ainsi, tirez la ligne magistrale d'un front de cet auteur. Le fossé des contre-gardes se trace en prolongeant les faces de 20 toises, comme ZA en X , & tirant une ligne de X à l'angle de l'épaule L, &c. Sur l'angle rentrant du fossé, il décrit une espece de redoute K , dont la capitale est de 16 toises; il entoure ses contre-gardes de fausses braies, & tout l'intérieur de son enceinte, à l'exception des faces du petit bastion du milieu des courtines. Il ajoûte au chemin-couvert de la place un avant-chemin-couvert, construit au pié du glacis du premier. Quoique ce système differe essentiellement de celui que M. le maréchal de Vauban a exécuté au Neuf-Brisack, il s'est cependant trouvé un auteur qui a prétendu que cet illustre ingénieur n'étoit que le copiste de Scheiter, dans la fortification de cette ville: mais M. l'abbé Deidier a démontré l'injustice de cette prétention dans le livre intitulé le parfait ingénieur françois . On finira cet article par un précis de la fortification de M. Blondel. Le nom & la grande réputation de l'auteur est uniquement ce qui nous y engage; car la grande dépense qu'elle exige ne permet guere de penser qu'elle soit jamais exécutée. Cette considération nous dispensera d'entrer dans le détail de tous ses défauts; on se contentera d'observer les principaux. Fortification de M. Blondel . M. Blondel fortifie en-dedans « comme le comte de Pagan; mais il commence par l'angle diminué, qu'il trouve en ôtant un angle droit, ou 90 degrés de l'angle du polygone, & en ajoûtant toûjours 15 degrés au tiers du reste. Mais cet angle, selon ce principe, se peut trouver plus facilement, sans qu'il soit besoin de savoir l'angle du polygone, savoir en divisant 120 degrés par le nombre des côtés du polygone, & en ôtant le quotient toûjours de 45 degrés; ou bien encore plus facilement, en ôtant de 45 degrés le tiers de l'angle du centre. Ainsi cet angle diminué se trouvera de 15 degrés dans le quarré, de 21 dans le pentagone, de 25 à l'exagone, & il s'augmentera petit-à-petit dans les autres polygones jusqu'à la ligne droite, où il se trouvera de 45 degrés. Par le moyen de cet angle ainsi trouvé, on connoîtra que l'angle du bastion est au quarré de 60 degrés, au pentagone de 66, à l'exagone de 70, & qu'il s'augmente peu-à-peu dans tous les autres polygones jusqu'à la ligne droite, où il est de 90 degrés. L'angle flanquant est au quarré de 150 degrés, de 138 au pentagone, de 130 à l'exagone; & il diminue petit-à-petit dans tous les autres polygones jusqu'à la ligne droite, où il n'est que de 90 degrés. Comme l'auteur se persuade que la ligne de défense ne doit jamais être plus grande que de 140 toises, ni plus petite que de 120 aux places qu'on appelle royales , il a pour cette cause deux suppositions, qu'il appelle deux manieres , dont la premiere qui est la grande, fait son côté extérieur de 200 toises dans tous les polygones; ce qui donne par-tout 140 toises pour la ligne de défense, selon sa maniere générale de fortifier, qui est de donner sept dixiemes parties du côté extérieur à la ligne de la défense, & la moitié de la tenaille à la face. La seconde ou la petite fait par-tout le même côté extérieur de 170 toises; ce qui donne un peu moins de 120 toises pour la ligne de défense: dans lesquels termes il enferme tout ce qui se peut fortifier, parce qu'une plus grande étendue du côté extérieur rend la défense inutile par le trop grand éloignement des flancs, & qu'une plus petite diminue la longueur des flancs, augmente inutilement le nombre des bastions & la dépense. Soit ( Pl. III . de Fortificat. fig. 3 . ) AB le côté extérieur d'un exagone; faites à ces deux extrémités A, B , les deux angles diminués ABC, BAC , chacun de 25 degrés, tels qu'ils doivent être dans l'exagone, par les deux lignes de défense AG, BF , qui se termineront aux points F, G , en les faisant chacune de sept dixiemes parties du côté extérieur AB ; divisez les tenailles AC, BC , chacune en deux également aux points D, E , pour avoir les faces AD, BE , & tirez les flancs DF, EG , avec la courtine FG . Il est aisé de comprendre par cette figure, ce que l'auteur ajoûte à sa fortification pour la rendre dans une très-bonne defense. Il prend en premier lieu sur les flancs DF, EG , les lignes DH, EH , de chacune 10 toises, pour la grandeur de chaque orillon quarré, & il employe le reste au flanc couvert, qu'il retire en-dedans de cinq ou six toises, & cette retraite lui sert pour alonger les courtines aux bastions des polygones de plusieurs côtés, & pour en donner à ceux qui sont sur la ligne droite, parce qu'ils n'en ont point ou fort peu, & dans ce cas il retire ses flancs en-dedans jusqu'à 20 toises de chaque côté, afin d'avoir une courtine un peu plus longue que de 20 toises. La retirade du flanc se mesure sur une ligne droite, tirée par le point H à l'angle du bastion » opposé. Il fait, comme le comte de Pagan, trois batteries « au-dedans de la casemate, donnant trois toises de largeur à chaque parapet, & cinq à chaque plateforme. Le plan de la batterie basse est au-dessus du » « fond du fossé de neuf à 12 piés; celui de la moyenne de 18 à 24, & celui de la plus haute, qui est le même que le haut du rempart, de 27 à 36. Ces trois batteries sont terminées vers la demi-gorge, sur la ligne de défense prolongée, & vers l'orillon, sur la ligne tirée de l'angle du bastion opposé par l'extrémité du même orillon. Le parapet de la batterie basse est haut de neuf à 10 piés, de six à sept dans la moyenne, & de trois & demi à la plus haute des embrasures. Comme il reste beaucoup de vuide entre les deux places hautes de chaque côté d'un bastion, l'auteur ajoûte dans cet espace des cavaliers, dont la figure est telle que vous la voyez ici, & dont chacun sera capable de chaque côté au-moins de 12 pieces de canon. Ces cavaliers & les batteries se construiront de la terre qui se tire du fossé général, dont la largeur est égale à la longueur du flanc DE ou EG ; de sorte que l'angle de la contrescarpe se fait environ au milieu du côté extérieur A B . L'auteur fait une demi-lune ou contre-garde à la pointe de chaque bastion, qui est parallele à ses faces, de maçonnerie solide sans terrein, & contre-minée par-tout. Sa largeur est de trois ou quatre toises en tout, c'est-à-dire en y comprenant le parapet, qu'on ne fera large que de huit à 10 piés. On la fait dans le grand fossé, à la distance de 10 à 12 toises de la contrescarpe, & cette distance lui sert de fossé. Cette contre-garde sert principalement à ôter à la contrescarpe la vûe des batteries basses du flanc opposé, & son peu d'épaisseur doit encore empêcher les enemis d'y mettre leur canon après l'avoir forcée. En ligne droite de cet ouvrage, l'auteur ajoûte vis-à-vis l'angle de la contrescarpe, un ravelin, dont la pointe K se trouve par l'intersection de deux arcs de cercle, décrits des angles de l'épaule D E , à l'ouverture de la distance D E , & dont les faces tendent aux deux points I , éloignés des épaules D, E de six toises, & s'arrêtent sur la ligne de la contre-garde continuée. Le fossé de ce ravelin sera large de 10 toises; & afin qu'il soit bien défendu, l'auteur prend dans la face du bastion au-delà du point I , l'espace qui le peut voir, lequel par conséquent sera aussi de 10 toises, où il fait une batterie basse de quatre à cinq piés, & une autre en-dedans de la hauteur d'un parapet de la place. Le plan de la batterie basse sera au niveau de celui de la moyenne du flanc, c'est-à-dire de 18 à 24 piés de hauteur au-dessus du fond du fossé. Ce ravelin sert non-seulement à couvrir les épaules & les orillons de chaque bastion, mais encore à défendre le fossé de la contre-garde; parce que l'auteur prend dans sa face tout ce qui peut découvrir ce fossé, où il pratique deux batteries, l'une haute, & l'autre basse, de la même maniere qu'en celle des faces des bastions. Il ne donne de terre-plein à ce ravelin, qu'autant qu'il lui en faut pour le recul des pieces de batteries, & il laisse le reste du dedans tout vuide, pour faire plus aisément des contre mines dans le rempart, & pour ôter aux ennemis le moyen de s'y loger après l'avoir forcée. Outre cela l'auteur ajoûte dans son grand fossé une cunette, qu'il fait régner tout-à-l'entour, de la largeur de sept ou huit toises, pour se garantir de l'insulte qu'on peut craindre du côté des flancs bas, qui paroissent d'un accès facile. On pourroit encore faire une cunette plus étroite dans les fossés des dehors, s'ils ont huit ou 10 toises de largeur, & principalement aux endroits où l'on a pratiqué des batteries basses dans les faces de demi-lunes ou ravelins. Pour faire que les batteries de chaque bastion, qui défendent le fossé du ravelin, soient mieux couvertes, l'auteur ajoûte dans l'angle de la contrescarpe du ravelin une lunette LMNO , dont la figure est en losange, donnant environ 20 toises à chacun de ses côtés, &c. Quoique cette maniere de fortifier soit extrèmement bien inventée, néanmoins elle oblige à une trop grande dépense, tant pour la construction du fossé, que l'auteur est contraint de faire prodigieusement large & très-profond pour pouvoir fournir de la terre pour le rempart, & pour toutes les batteries des flancs & des faces des bastions, que pour la quantité des munitions & des canonniers & officiers d'Artillerie, dont une place fortifiée de la sorte doit être pourvûe, & des dehors qui doivent y être pour couvrir les flancs qui sont trop exposés. Outre cela, les quatre batteries du flanc sont si longues & si serrées, que l'ennemi les peut combler de bombes en peu de tems; & les ayant une fois rompues avec son canon, elles lui peuvent servir comme de marches pour monter plus facilement à l'assaut. De plus les cavaliers qui sont entre les deux places hautes du bastion, remplissent tellement ce bastion, qu'il est difficile de s'y pouvoir retrancher en cas de besoin ». Fortification d' Ozanam. On pourroit faire plusieurs autres observations sur les défauts de cette fortification: mais on se contentera de remarquer « que s'il ne s'agissoit que d'aggrandir & de multiplier les lieux d'où les bastions peuvent tirer leur défense, il seroit impossible de mieux réussir que M. Blondel: rien n'est plus capable d'ébloüir ceux qui recherchent l'augmentation du feu, que de voir des flancs longs de 50 ou même de 70 toises, quatre batteries de cette longueur exposées à une même face de bastion, & les deux premieres à la portée du mousquet. Mais si outre cet aggrandissement des flancs, on demande encore qu'ils soient à couvert des batteries éloignées, on n'en est pas quitte à bon marché en se servant des moyens que fournit M. Blondel ». Nouvelle maniere de fortifier les places , &c. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortification durable Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fortification durable Fortification durable , voyez l'article Fortification . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTIFIER EN-DEDANS Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=NA FORTIFIER FORTIFIER EN-DEDANS, ( Fortific. ) c'est prendre le côté du polygone pour le côté extérieur. Voy. Côté extérieur & Fortifier en-dehors . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortifier en-dehors Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=NA Fortifier en-dehors Fortifier en-dehors , ( Fortificat. ) c'est dans la Fortification faire servir le côté du polygone qu'on se propose de fortifier , de côté intérieur: on dit alors qu' on fortifie en dehors , parce que les bastions sont véritablement hors du polygone; on dit au contraire qu' on fortifie en-dedans , lorsque le côté du polygone sert de côté extérieur, les bastions étant alors en-dedans le polygone. On peut également fortifier les places en-dehors & en-dedans. Cette derniere méthode paroît mériter quelque préférence sur la premiere, parce qu'en la suivant on fixe les pointes des bastions où l'on veut, & qu'elle est plus propre à proportionner toutes les parties de la fortification aux côtés & aux angles des polygones qu'on fortifie . Lorsqu'on fortifie en-dehors, on a l'avantage de fixer les lieux où doivent être les courtines; ce qui peut servir lorsque la place a une vieille enceinte déterminée par un rempart, ou par des maisons qu'on veut conserver. Mais on peut indifféremment dans la fortification réguliere, se servir de l'une ou de l'autre de ces méthodes, suivant que le terrein & la situation de la place peuvent le demander. Car lorsque tous les côtés intérieurs se trouveront déterminés sur un plan bien exact, on peut en leur menant des paralleles, à la distance qui doit être entre le côté extérieur & l'intérieur, construire la fortification en-dedans sur ces paralleles; & après avoir calculé & trouvé la grandeur de toutes ses parties & de ses angles, il est aisé ensuite de construire la fortification sur le côté intérieur. Voyez chacune de ces constructions à la suite du mot Fortification , dans les systèmes du chevalier de Ville, de Pagan, de Vauban, de Mallet, &c . Si la place qu'on veut fortifier est irréguliere, & que les côtés intérieurs soient donnés de grandeur & de position, ou si elle a une vieille enceinte sur laquelle on doit prendre les courtines, il est fort difficile alors de parvenir par la fortification du polygone extérieur, à avoir pour côtés intérieurs les côtés de l'enceinte: car dans les polygones irréguliers, la distance du côté intérieur à l'extérieur n'est pas la même pour tous les côtés, comme dans les réguliers; l'inégalité des angles du polygone rend cette distance plus ou moins grande, suivant les variations de ces angles: c'est pourquoi si l'on mene des paralleles aux côtés intérieurs & à la distance qui leur convient à chacun, la grandeur de ces paralleles ne répondra point à celle des côtés intérieurs correspondans; ses paralleles qui seront les moins éloignés des côtés intérieurs, s'étendront sur celles qui le seront davantage, & elles en diminueront la grandeur. Mais comme les plus proches des côtés intérieurs se trouveront opposés aux plus petits de ces côtés, les côtés extérieurs qu'elles produiront se proportionneront en quelque maniere les uns & les autres, parce que les plus grands seront diminués par la rencontre des petits. C'est par cette espece de compensation de côtés, que quelques auteurs croyent qu'il est plus avantageux de fortifier par le polygone extérieur, que'par l'intérieur. Mais ces auteurs n'ont pas fait attention que par cette méthode les courtines du polygone extérieur ne tombent pas toûjours sur les côtés de l'intérieur; ce qui est un grand inconvénient, lorsque la ville a une enceinte sur laquelle on vent prendre les courtines. Dans la pratique des fortifications, on peut lorsque les places n'ont point d'enceinte déterminée, se servir du polygone extérieur pour la trace de la ligne magistrale; mais on doit préférer la méthode de tracer cette ligne par le polygone intérieur, s'il faut prendre nécessairement les courtines sur les côtés de l'enceinte. Voyez , dans la troisieme édition des élémens de fortification , l'examen du traité de la fortification par le polygone extérieur & par l'intérieur. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTIN Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FORTIN FORTIN, s. m. diminutif du mot fort . Un fortin est un petit fort fait à la hâte, pour défendre un passage ou un poste. On s'en servoit beaucoup autrefois dans les lignes de circonvallation; mais on leur a substitué les redoutes, qui sont plus faciles à garder, quoique leur feu soit moins avantageux que celui des forts. Voyez Fort de Campagne & Fort à Etoile . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortin Author=Diderot|Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Fortin * Fortin , ( Commerce. ) mesure de continence pour mesurer les grains, dont on se sert dans plusieurs échelles du levant. Quatre quillots font le fortin , & il faut quatre quillots & demi pour faire la charge de Marseille. Voyez Charge & Quillot . Dict. de Comm . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTRAIT Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=adject FORTRAIT FORTRAIT, adj. ( Manége, Maréchall. ) cheval fortrait, cheval extrèmement harassé, fatigué, efflanqué. Voyez ci-après Fortraiture . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTRAITURE Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=s.m. FORTRAITURE FORTRAITURE, s. m. ( Manége, Maréch. ) fatigue outrée & excessive, accompagnée d'un grand échauffement. Cette maladie est très-fréquente dans les chevaux de riviere, sujets à des travaux violens, & communément réduits à l'avoine pour toute nourriture. Elle s'annonce par la contraction spasmodique des muscles de l'abdomen, & principalement du muscle grand oblique, dans le point où ses fibres charnues deviennent aponévrotiques. Le flanc de l'animal rentre, pour ainsi dire, dans lui-même; il est creux; il est tendu; son poil est hérissé & lavé; & sa fiente est dure, seche, noire, & en quelque façon brûlée. La cure en est opérée par des lavemens émolliens & par un régime doux & modéré. Le son humecté, l'eau blanche dans laquelle on mêle une décoction de guimauve, de mauve, de pariétaire & de mercuriale, sont d'une efficacité singuliere. Il est quelquefois très-bon de pratiquer une legere saignée après avoir accordé quelques jours de repos à l'animal; & lorsque l'on s'apperçoit qu'il acquiert dos forces, on doit encore continuer l'administration des lavemens, & l'on pourroit même oindre ses flancs avec parties égales de miel rosat & d'althaea, pour diminuer l'éréthisme, si les remedes prescrits ne suffisoient pas à cet effet, ce qui est infiniment rare. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTUIT Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FORTUIT * FORTUIT, adj. ( Gramm. ) terme assez commun dans la langue, & tout-à-fait vuide de sens dans la nature. Voyez l'article suivant . Nous disons d'un évenement qu'il est fortuit , lorsque la cause nous en est inconnue; que sa liaison avec ceux qui le précedent, l'accompagnent ou le suivent, nous échappe, en un mot lorsqu'il est au-dessus de nos connoissances & indépendant de notre volonté. L'homme peut être heureux ou malheureux par des cas fortuits; mais ils ne le rendent point digne d'éloge ou de blâme, de châtiment ou de récompense. Celui qui refléchira profondement à l'enchaînement des évenemens, verra avec une sorte d'effroi combien la vie est fortuite , & il se familiarisera avec l'idée de la moit, le seul évenement qui puisse nous soustraire à la servitude générale des êtres. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortuit Author=d'Alembert Normalized Classification=Métaphysique Part of Speech=NA Fortuit Fortuit , ( Métaphys. ) Tout étant lié dans la nature, les évenemens dépendent les uns des autres; la chaîne qui les unit est souvent imperceptible, mais n'en est pas moins réelle. Voyez Fatalité . Supposez un évenement de plus ou de moins dans le monde, ou même un seul changement dans les circonstances d'un évenement, tous les autres se ressentiront de cette altération legere, comme une montre toute entiere se ressent de la plus petite altération essuyée par une des roues. Mais, dit-on, il y a des évenemens qui ont des effets, & d'autres qui n'en ont point; & ces derniers au-moins n'influent pas dans le système général du monde. Je répons 1°. qu'on peut douter s'il y a aucun évenement sans effet. 2°. Que quand même il y auroit des évenemens sans effet, si ces évenemens n'eussent pas existé, ce qui leur a donné naissance n'eût pas existé non plus; la cause qui les a produits n'eût donc pas été exactement telle qu'elle est, ni par conséquent la cause de cette cause, & ainsi en remontant. Il y a dans un arbre des branches extremes qui n'en produisent point d'autres; mais supposez une feuille de moins à l'une des branches, vous ôtez à la branche ce qu'elle avoit pour produire cette feuille; vous changez donc à certains égards cette branche, & par conséquent celle qui l'a produite, & ainsi de suite jusqu'au tronc & aux racines. Cet arbre est l'image du monde. On demande si la chaîne des évenemens est contraire à la liberté. Voici quelques réflexions sur cet important sujet. Soit que les lois du mouvement instituées par le Créateur, ayent leur source dans la nature même de la matiere, soit que l'Être suprème les ait librement établies ( voyez Equilibre ), il est constant que notre corps est assujetti à ces lois, qu'il en résulte dans notre machine depuis le premier instant de son existence une suite de mouvemens dépendans les uns des autres, dont nous ne sommes nullement les maîtres, & auxquels notre ame obéit par les lois de son union avec le corps. D'un autre côté, chaque évenement étant prévû par l'intelligence divine, & existant de toute éternité dans ses decrets, tout ce qui arrive doit infailliblement arriver; la liberté de l'homme paroit inconciliable avec ces vérités. Nous sentons néanmoins que nous sommes libres; l'expérience & une opération facile de notre esprit suffisent pour nous en convaincre. Accoûtumés à faire à plusieurs reprises, souvent même dans des occasions semblables en apparence, des actions directement opposées, nous séparons par abstraction le pouvoir d'agir d'avec l'action même; nous regardons ce pouvoir comme subsistant, même après que l'action est faite, ou pendant que nous faisons l'action contraire; & ce pouvoir oisif, quoique réel, est ce que nous appellons liberté . En vain la toute puissance du Créateur, en vain la sagesse de ses vûes éternelles, qui assujettit & qui regle tout, nous paroissent incompatibles avec cette liberté de l'homme; le sentiment intérieur, &, si on peut parler ainsi, l'instinct contraire doit l'emporter. Il en est ici comme de l'existence des corps, à laquelle nous sommes forcés de revenir, par quelque sophisme qu'on l'attaque. Nous sommes libres, parce que dans la supposition que nous le fussions réellement, nous ne pourrions pas en avoir une conscience plus vive que celle que nous en avons. D'ailleurs cette conscience est la seule preuve que nous puissions avoir de notre liberté; car la liberté n'est autre chose qu'un pouvoir qui ne s'exerce pas actuellement, & ce pouvoir ne peut être connu que par conscience, & non par l'exercice actuel, puisqu'il est impossible d'exécuter en même tems deux actions opposées. Supposons mille mondes existans à-la-fois, tous semblables à celui-ci, & gouvernés par conséquent par les mêmes lois; tout s'y passeroit absolument de même. Les hommes en vertu de ces lois feroient aux mêmes instans les mêmes actions dans chacun de ces mondes; & une intelligence différente du Créateur qui verroit à-la-fois tous ces mondes si semblables, en prendroit les habitans pour des automates, quoiqu'ils n'en fussent pas, & que chacun d'eux au-dedans de lui-même fût assûre du contraire. Le sentiment intérieur est donc la seule preuve que nous ayons & que nous puissions avoir d'être libres. Cette preuve nous suffit, & paroît bien supérieure à toute autre; car de dire avec quelques philosophes que les lois sont fondées sur la liberté, qu'il seroit injuste de punir les crimes s'ils étoient nécessaires, c'est établir une vérité bien claire par une preuve bien foible. Les hommes fussent-ils de pures machines, il suffiroit que la crainte fût un des mobiles principaux de ces machines, pour que cette crainte fût un moyen efficace d'empêcher un grand nombre de crimes. Il ne seroit alors ni juste ni injuste de les punir, parce que sans liberté il n'y a ni justice ni injustice; mais il seroit toûjours nécessaire d'arrêter la méchanceté des hommes par des châtimens, comme on oppose à un torrent funeste des digues puissantes qui le forcent à changer son cours. L'effet nécessaire de la crainte est d'arreter la main de l'automate réel ou supposé; supprimer ou arréter ce ressort, ce seroit en empècher l'effet; les supplices seroient donc dans une société même d'automates (qui n'existe pas) une roue nécessaire pour regler la machine. La notion du bien & du mal est donc une suite de la notion de la liberté, & non pas la notion de la liberté une suite de la notion du bien & du mal moral. A l'égard de la maniere dont notre liberté subsiste avec la providence éternelle, avec la justice par laquelle Dieu punit le crime, avec les lois immuables auxquelles tous les êtres sont soûmis, c'est un secret incompréhensible pour nous, dont il n'a pas plû au Créateur de nous révéler la connoissance; mais ce qui n'est peut-être pas moins incompréhensible, c'est la témérité avec laquelle certains hommes qui se croyent ou qui se disent sages, ont entrepris d'expliquer & de concilier de tels mysteres. En vain la révélation nous assûre que cet abysme est impénétrable *; la philosophie orgueilleuse a entrepris de le sonder, & n'a fait que s'y perdre. Les uns croyent avoir reussi par une distinction entre l'infaillible & le nécessaire; distinction qui pour être réelle, ne nous laissera pas des idées plus nettes, dès que nous voudrons l'approfondir de bonne foi: les autres, pour expliquer comment Dieu est l'auteur de tout sans l'être du peché, disent que Dieu en produit tout le physique sans en produire le moral, qui est une privation; comme si en leur accordant même cette distinction futile & chimérique, il ne restoit pas toûjours à expliquer comment la sagesse de Dieu peut concourir à un physique auquel le moral est nécessairement attaché, & comment sa justice punit ensuite ce même moral, suite nécessaire du physique qu'il a produit; ceux-ci, en faisant agir l'homme d'une maniere très-subordonnée à Dieu, & dépendante de decrets prédéterminans, sauvent réellement la puissance de Dieu aux depens de notre liberté; ceux-là au contraire plus amis de l'homme en apparence, croyent sauver la perfection & l'intelligence divine, en admettant en Dieu une science indépendante de ses decrets, & antérieure à nos actions. Ils ne s'appercoivent pas non-seulement qu'ils détruisent par ce système la providence & la toutepuissance de Dieu, en faisant la volonté de l'homme indépendante , mais qu'ils retombent sans y penser, ou dans le système de la fatalité, ou dans l'athéisme; car la science de Dieu ne peut être fondée que sur la connoissance qu'il a des lois immuables par lesquelles l'univers est gouverné, & de l'effet infaillible de ces lois, & Dieu ne peut devoir cette connoissance qu'à la dépendance où ces lois & leurs effets sont de lui. C'est ainsi qu'en voulant concilier (malgré l'oracle de Dieu même) les deux vérités dont il s'agit, on ne fait qu'anéantir l'une des deux, ou peut-être affoiblir l'une & l'autre: aussi n'y a-t-il aucune secte de scholastiques, qui après s'être épuisée en raisonnemens, en distinctions, en subtilités, & en systèmes sur cet important article, ne revienne enfin, pressée par les objections, à la profondeur des decrets eternels. Tous ces sophistes en avoüant leur ignorance un peu plûtôt, n'auroient pas eu la peine de faire tant de détours pour revenir au point d'où ils étoient partis. Le vrai philosophe n'est ni th miste, ni moliniste, ni congruiste; il reconnoit & voit partout la puissance souveraine de Dieu; il avoue que l'homme est libre, & se taît sur ce qu'il ne peut comprendre. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTUNE Author=d'Alembert Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.m. FORTUNE FORTUNE, s. m. ( Morale ) ce mot a différentes acceptions en notre langue: il signifie ou la suite des évenemens qui rendent les hommes heureux ou malheureux , & c'est l'acception la plus générale; ou un état d'opulence , & c'est en ce sens qu'on dit faire fortune, avoir de la fortune . Enfin lorsque ce mot est joint au mot bon , il désigne les faveurs du sexe; aller en bonne fortune, avoir des bonnes fortunes (& non pas, pour le dire en passant, de bonnes fortunes , parce que bonne fortune est traité ici comme un seul mot). L'objet de cette derniere acception est trop peu sérieux pour obtenir place dans un ouvrage tel que le nôtre; ce qui regarde le mot fortune pris dans le premier sens, a été suffisamment approfondi au * O altitudo! &c. Quam incomprehensibilia sunt jurdicia ejus, & quam inenarrabiles viae ejus! Ces paroles prouvent assez que, suivant l'Ecriture même, l'accord de la liberté avec la science & la puissance de Dieu, est un mystere. mot Fatalité ; nous nous bornerons donc à dire ici quelque chose sur le mot fortune , pris dans la seconde acception. Il y a des moyens vils de faire fortune , c'est-à-dire d'acquérir des richesses; il y en a de criminels, il y en a d'honnêtes. Les moyens vils consistent en général dans le talent méprisable de faire bassement sa cour; ce talent se réduit, comme le disoit autrefois un prince de beaucoup d'esprit, à savoir être auprès des grands sans humeur & sans honneur . Il faut cependant observer que les moyens vils de parvenir à l'opulence, cessent en quelque maniere de l'être lorsqu'on ne les employe qu'à se procurer l'étroit nécessaire. Tout est permis, excepté le crime, pour sortir d'un état de misere profonde; de-là vient qu'il est souvent plus facile de s'enrichir, en partant de l'indigence absolue, qu'en partant d'une fortune étroite & bornée. La nécessité de se délivrer de l'indigence, rendant presque tous les moyens excusables, familiarise insensiblement avec ces moyens; il en coûte moins ensuite pour les faire servir à l'augmentation de sa fortune . Les moyens de s'enrichir peuvent être criminels en morale, quoique permis par les lois; il est contre le droit naturel & contre l'humanité que des millions d'hommes soient privés du nécessaire comme ils le sont dans certains pays, pour nourrir le luxe scandaleux d'un petit nombre de citoyens oisifs. Une injustice si criante & si cruelle ne peut être autorisée par le motif de fournir des ressources à l'état dans des tems difficiles. Multiplier les malheureux pour augmenter les ressources, c'est se couper un bras pour donner plus de nourriture à l'autre. Cette inégalité monstrueuse entre la fortune des hommes, qui fait que les uns périssent d'indigence, tandis que les autres regorgent de superflu, étoit un des principaux argumens des Epicuriens contre la providence, & devoit paroitre sans réplique à des philosophes privés des lumieres de l'évangile. Les hommes engraissés de la substance publique, n'ont qu'un moyen de réconcilier leur opulence avec la morale, c'est de rendre abondamment à l'indigence ce qu'ils lui ont enlevé, suppose même que la morale soit parfaitement à couvert, quand on donne aux uns ce dont on a privé les autres. Mais pour l'ordinaire ceux qui ont causé la misere du peuple, croyent s'acquitter en la plaignant, ou même se dispensent de la plaindre. Les moyens honnêtes de faire fortune , sont ceux qui viennent du talent & de l'industrie; à la tête de ces moyens, on doit placer le Commerce. Quelle différence pour le sage entre la fortune d'un courtisan faite à force de bassesses & d'intrigues, & celle d'un négociant qui ne doit son opulence qu'à lui-même, & qui par cette opulence procure le bien de l'état! C'est une étrange barbarie dans nos moeurs, & en même tems une contradiction bien ridicule, que le commerce, c'est-à-dire la maniere la plus noble de s'enrichir, soit regardé par les nobles avec mépris, & qu'il serve néanmoins à acheter la noblesse. Mais ce qui met le comble à la contradiction & à la barbarie, est qu'on puisse se procurer la noblesse avec des richesses acquises par toutes sortes de voies. Voyez Noblesse . Un moyen sûr de faire fortune , c'est d'être continuellement occupé de cet objet, & de n'être pas scrupuleux sur le choix des routes qui peuvent y conduire. On demandoit à Newton comment il avoit pû trouver le système du monde: c'est , disoit ce grand philosophe, pour y avoir pensé sans cesse . A plus forte raison reussira-t-on par cette opiniâtreté dans des entreprises moins difficiles, sur-tout quand on sera résolu d'employer toutes sortes de voies. L'esprit d'intrigue & de manége est donc bien méprisable, puisque c'est l'esprit de tous ceux qui voudront l'avoir, & de ceux qui n'en ont point d'autre. Il ne faut d'autre talent pour faire fortune , que la résolution bien déterminée de la faire, de la patience, & de l'audace. Disons plus: les moyens honnétes de s'enrichir, quoiqu'ils supposent quelques difficultés réelles à vaincre, n'en presentent pas toujours autant qu'on pourroit le penser. On sait l'histoire de ce philosophe, à qui ses ennemis reprochoient de ne mépriser les richesses, que pour n'avoir pas l'esprit d'en acquérir. Il se mit dans le commerce, s'y enrichit en un an, distribua son gain à ses amis, & se remit ensuite à philosopher. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortune Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie | Littérature Part of Speech=NA Fortune Fortune , ( Mythol. Littér. ) fille de Jupiter, divinité aveugle, bisarre, & fantasque, qui dans le systeme du Paganisme presidoit à tous les évenemens, & distribuoit les biens & les maux selon son caprice. Il n'y en eut jamais de plus révérée, ni qui ait été adorée sous tant de differentes formes. Elle n'est pas cependant de la premiere antiquité dans le monde. Homere ne l'a pas connue, du moins il n'en parle point dans ses deux poëmes; & l'on a remarque que le mot τύχη ne s'y trouve pas une seule fois. Hesiode n'en parle pas davantage, quoiqu'il nous ait laissé une liste très-exacte des dieux, des déesses, & de leurs généalogies. Les Romains reçûrent des Grecs le culte de la Fortune , sous le regne de Servius Tullius, qui lui dédia le premier temple au marché public; & sa statue de bois resta, dit-on, toute entiere, après un incende qui brûla l'édifice. Dans la suite la Fortune devint à Rome la déesse la plus fêtée: car elle eut à elle seule plus de temples que les autres divinités réunies. Tels sont ceux de Fortune favorable, Fortune primigénie, bonne Fortune, Fortune virile, Fortune féminine, Fortune publique, Fortune privée, Fortune libre, Fortune forte, Fortune affermie, Fortune équestre, Fortune de retour, ou Réduce, redux; Fortune aux mammelles, mammosa; Fortune stable, manens; Fortune nouvelle, grande & petite Fortune, Fortune douteuse, & jusqu'à la mauvaise Fortune . La Fortune virile, virilis , etoit honorée par les hommes; & la Fortune féminine, muliebris , l'étoit par les femmes. Il ne faut pas s'étonner de ce grand nombre de temples consacrés à la Fortune sous divers attributs, chez un peuple qui la regardoit comme la dispensatrice des biens & des maux. Néron lui fit bâtir un temple. Elle en avoit un autre à Antium, patrie de cet empereur, aujourd'hui Anzo-Rovinato, petite place maritime auprès de Capo d'Auzo, à 7 lieues d'Ostie vers l'orient d'hyver, & à environ une demi-lieue de Nettuno. On appelloit ce temple, le temple des Fortunes , ou des soeurs Antiatines . L'église de sainte Marie égyptienne à Rome, étoit un des temples de la Fortune virile, dont Palladio a donné la description & les desseins. Mais le temple de la Fortune le plus renommé dans l'antiquité, étoit à Praeneste, la froide Praeneste d'Horace, aujourd'hui Palestrine, à 18 milles de Rome. Il ne reste plus de ce fameux temple, qui rendoit cette ville si célebre, que le seul premier mur inférieur, bâti de briques, où on voit une grande quantité de niches posées les unes sur les autres en deux lignes. Ce temple occupoit toute la partie de la montagne, dont les différentes terrasses étoient ornées de différens bâtimens à l'usage des prêtres & des filles destinées au service de la déesse. L'autel étoit presqu'au haut de la montagne, & il n'y avoit au-dessus qu'un bois consacré, & au-dessus du bois, un petit temple dédié à Hercule. C'est le palais Barbérin, peu digne d'attention, excepté par sa belle vûe, qui occupe aujourd'hui l'ancien temple de la Fortune de Praeneste, & qui est bâti, à ce qu'on prétend, dans l'endroit même où étoit la statue de cette divinité, & la cassette des sorts. Vossius a ramasse toute la mythologie de la Fortune dans son II. livre de idolol. cap. xlij. & xliij. & Struvius, dans son synt. antiq. rom. a recueilli tous les differens titres généraux & particuliers que les Romains donnoient à cette déesse. Les médailles, les inscriptions, & les autres monumens des Grecs sont remplis du nom & de l'effigie de la Fortune . On la voit tantôt en habit de femme, avec un bandeau sur les yeux & les piés sur une roue; tantôt portant sur sa tête un des pôles du monde, & tenant en main la corne d'Amalthée; ici Plutus enfant est entre ses bras; ailleurs elle a un soleil & un croissant sur le front; mais il est inutile d'entrer là-dessus dans un plus long détail. Les attributs de la Fortune sont trop clairs pour qu'on puisse s'y tromper. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortune de vent Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fortune de vent Fortune de vent , ( Marine. ) c'est-à-dire un gros tems où les vents sont forcés. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortune de Mer Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fortune de Mer Fortune de Mer , ( Marine. ) ce sont les accidens qui arrivent à la mer, comme d'échouer, de couler-bas d'eau, d'essuyer quelque violente tempête, &c . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fortune, Voile de Fortune Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fortune, Voile de Fortune Fortune, Voile de Fortune ; ( Marine. ) la voile de fortune est la voile quarrée d'une tartane ou d'une galere; car leurs voiles ordinaires sont latines, ou à tiers point; & elles ne portent la voile de fortune , qu'on nomme aussi treou , que pendant l'orage: les galiotes en ont aussi. Voyez Treou . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTUNÉ Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FORTUNÉ FORTUNÉ, adj. Voyez Fortune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORTUNÉES Isles- Author=unknown Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA FORTUNÉES FORTUNÉES, ( Isles-) Géog. anc . Les anciens décrivent ces iles comme situées au-delà du détroit de Gibraltar, dans l'Océan atlantique; on les regarde ordinairement chez les modernes comme les iles Canaries: & cette opinion est fondée principalement sur la situation & la température de ces iles, & sur l'abondance d'oranges, de limons, de raisins, & de beaucoup d'autres fruits délicieux qui y croissent Les oranges étoient sans doute les mala aurea qui croissoient, selon les anciens, dans les îles fortunées . Il est assez vraissemblable que ces iles sout le reste de la fameuse atlantique de Platon. Voyez Atlantique & Canaries . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA FORUM FORUM , ( Littérat. ) ce mot très-commun dans les auteurs, désigne plusieurs choses qu'il est bon de distinguer; il signifie 1°. les places publiques , dans lesquelles se tenoient les divers marchés à Rome pour la subsistance de cette ville; 2°. les places où le peuple s'assembloit pour les affaires, pour les élections, &c . 3° les places où l'on plaidoit, & qui étoient au nombre de trois principales; 4°. finalement une ville de la dépendance de l'empire romain, & dans laquelle l'on tenoit des foires: tels étoient le forum Livii, forum Julii, &c. comme il se trouvoit un grand concours de négocians qui venoient perpétuellement à ces foires, on fut obligé d'y construire plusieurs maisons & bâtimens pour la commodité du public; & dans la suite des tems, ces lieux s'aggrandirent, se peuplerent, & devinrent des villes assez considérables. Voyez Marché , Places de Rome , Comices , Foires . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FORURE Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=s.f. FORURE * FORURE, s. f. ( Serrureric. ) On entend en général par ce mot les trous percés au foret pour l'assemblage, tant des grands ouvrages de serrurerie que des petits; mais il se dit principalement du trou pratiqué à l'extrémité d'une clé, vers le panneton, qui reçoit une broche à son entrée dans la serrure. Il y a de ces forures d'une infinité de figures possibles. Les rondes sont les plus faciles; elles se font au foret, sans exiger d'autre attention de la part de l'ouvrier, que d'avoir un foret de la juste grosseur dont il veut percer sa forure , & de prendre bien le milieu de la grosseur de la tige. Cela fait, la broche entrera droit & juste dans la forure , & le bout de la clé ira bien perpendiculairement s'appliquer sur le palâtre, à l'origine de la broche, ce qui n'arriveroit pas si la broche ou la forure étoit un peu versée de côté; mais un autre inconvénient, c'est que pour peu que la forure fût commencée obliquement, ou la tige de la clé seroit percée en-dehors, avant que la forure eût la profondeur convenable, ou la broche, sur-tout si elle est juste, ne pourroit y entrer: ce qui l'empêcheroit encore, ce seroit le canon qui est monte sur la couverture ou le foncet de la serrure, & dont la broche occupe le centre sur toute sa longueur. Si l'on perce au bout de la tige huit petits trous de foret, & qu'on en pratique un neuvieme au centre de ces huit, qu'on évuide ce qui reste de plein, & qu'on finisse le tout ensuite avec un mandrin fait en croix de chevalier, on aura la forure en croix de chevalier . Si l'on perce au centre de la tige un trou de foret; & qu'en évuidant avec un burin, on pratique autour des petits rayons, & qu'on finisse le tout avec le mandrin en étoile, on aura une forure en étoile . Si l'ouvrier, après avoir bien dresse le bout de sa tige, y trace la forme d'une fleur-de-lis, & qu'aux centres des quatre fleurons les plus forts de la fleur-de-lis, il perce quatre trous de foret; qu'il évuide le reste avec de petits burins faits expres, & qu'il finisse le tout avec un mandrin en fleur-de-lis, qu'il fera entrer doucement dans la forure , de peur de l'y casser, il aura une forure en fleur de-lis . Il en est de même de la forure en tiers-point , de la forure en trefle , & d'une infinite d'autres qu'on peut imagine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSAIRE Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m. FOSSAIRE FOSSAIRE, s. m. ( Hist. ecclésiastiq. ) les fossaires étoient autrefois des officiers de l'eglise d'Orient, qui avoient soin de faire enterrer les morts. Ciaconius rapporte que Constantin créa neuf cents cinquante fossaires , qu'il tira de differens colléges ou corps de métiers; il ajoûte qu'ils étoient exempts d'impôts & de charges publiques. Le P. Goar insinue, dans ses notes sur l'eucologue des Grees , que les fossaires ont été établis dès le tems des apôtres; & que ces jeunes hommes qui emporterent le corps d'Ananie, & ces personnes remplies de la crainte de Dieu, qui enterrerent celui de S. Etienne, étoient des fossaires S. Jérome dit que le rang de fossaires est le premier parmi les clercs; ce qui doit s'entendre de ceux qui étoient préposés pour faire enterrer les fideles. Voyez Clerc ; voyez les dictionn. de Trévoux & de Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSANO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOSSANO FOSSANO, ( Géog. ) ville récente d'italie dans le Piémont, avec une citadelle & un évéché suffragant de Turin: elle est sur la Sture, à deux lieues E. de Savillan, quatre N. E. de Côni, dix S. de Turin, onze S. E. de Pignerol. Longit. 25 d . 23'. latit. 44 d . 25' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. FOSSE FOSSE, s. f. en Architecture , se dit de toute profondeur en terre, qui sert à divers usages dans les bâtimens, comme de citerne, de cloaque, &c. dans une fonderie, pour jetter en cire perdue des figures, des canons, &c. & dans un jardin, pour planter des arbres. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse d'aisance Author=Blondel Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fosse d'aisance Fosse d'aisance , lieu voûté au-dessous de l'aire des caves d'un bâtiment, le plus souvent pavé de grès, avec contre-mur, s'il est trop près d'un puits, de crainte que les excrémens qui sont reçûs dans la fosse ne le corrompent. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse à Chaux Author=Blondel Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fosse à Chaux Fosse à Chaux , cavité feuillée quarrément en terre, oû l'on conserve la chaux éteinte, pour en faire du mortier, à mesure qu'on éleve un bâtiment. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA Fosse * Fosse , ( Hist. ecclésiast. ) c'est un lieu creusé en terre, soit dans l'eglise soit dans le cimetiere, de la profondeur de quatre à cinq piés, & de la forme d'un quarré oblong, où l'on enfouit un corps mort. Voyez les articles Cimetiere , Eglise , Enterrement -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse aux Cables Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fosse aux Cables Fosse aux Cables , ( Marine. ) c'est un retranchement fait vers l'avant du vaisseau, sous le premier pont, dans lequel on place les cables. Voyez Marine, Pl IV. fig. 1 . n°. 42 . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse au Lion Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fosse au Lion Fosse au Lion , ( Marine. ) c'est un retranchement vers l'avant du navire, fait sous le premier pont, destiné à mettre le funin, les poulies, & les caps de mouton de rechange, & qui sert aussi de chambre au contre-maitre. La fosse au lion est à côté de la fosse aux cables, en avant d'icelle. Mar. Pl. IV . fig. 1 . n°. 40 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse aux Mats Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fosse aux Mats Fosse aux Mats , ( Marine. ) c'est un lieu rempli d'eau de la mer, dans lequel on met les mâts pour les conserver. Voyez Mats . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse marine Author=Bellin|Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fosse marine Fosse marine , ( Marine. ) On donne quelquefois ce nom à un endroit de la mer proche les côtes, dans lequel il y a bon fond, & où les vaisseaux peuvent mouiller un peu à l'abri. ( Z ) Fosse marine est encore un endroit qui se trouve sur un banc lorsqu'il est plus profond, & qu'il y a plus d'eau que sur le reste du banc. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=Diderot Normalized Classification=Fonderie Part of Speech=NA Fosse * Fosse , terme de Fonderie , est un espace profond entouré de murs, dans le milieu duquel est placé l'ouvrage à fondre: de façon qu'il y ait un pié de distance entre les parties les plus saillantes de l'ouvrage, & le mur de recuit. On fait cette fosse ronde, ovale, ou quarrée, selon que le travail de fonderie l'exige; les fosses rondes sont les plus usitées & les plus commodes: ordinairement on fait les fosses dans les terres à hauteur de rez-de-chaussée; de maniere que les terres qui l'environnent soûtiennent le mur de pourtour de la fosse: mais il faut prendre un terrein où l'incommodité de l'eau ne soit pas à craindre. Voyez l'article Equestre figure , & les figures des Planches de la Fonderie des figures équestres , & leur explication . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=unknown Normalized Classification=Monnoie Part of Speech=NA Fosse Fosse , en terme de Monnoie , signifie cette profondeur ou cavité qui est au-devant du balancier où se frappent les monnoies & les médailles; c'est dans cette fosse que se place le monnoyeur pour poser les flancs entre les coins, afin qu'ils en reçoivent l'empreinte, & pour les retirer quand ils l'ont reçûe. Trévoux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=Diderot Normalized Classification=Faïence | Poterie Part of Speech=NA Fosse * Fosse , les Fayenciers & Potiers de terre ont aussi leur fosse; voyez ce que c'est à ces articles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=Diderot Normalized Classification=Plombier Part of Speech=NA Fosse * Fosse , ( Plombier .) espece de chaudiere de grès ou de terre franche où l'on fond le plomb à mettre en tables ou à faire différens ouvrages: elle est pratiquée au-dessous du rez-de-chaussée de l'attelier; elle est revêtue en tout sens d'un massif de pierre qui la soûtient contre l'effort d'un métal fondu, dont le poids va quelquefois jusqu'à 3000. Il y a au fond de la fosse une poësle de fonte qui rassemble le plomb à mesure que la fosse s'épuise; sa partie supérieure est couverte d'une cheminée qui donne issue à la fumée & aux vapeurs. Quand on veut fondre, on commence par échauffer le fond de la fossé avec de la braise ardente: ensuite on la remplit de plomb & de charbon jettés pêle-mêle. On écume le métal a mesure qu'il se met en bain, on en puise avec la cuilliere, on remplit la poëfle à verser, & l'on jette l'ouvrage qu'on se propose de faire. Voyez l'article Plombier , & les Planches de Plomberie , avec leur explication . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=Diderot Normalized Classification=Potier d'étain Part of Speech=NA Fosse * Fosse , ( Potier d'étain. ) c'est un trou pratiqué sous une cheminée, & fait de brique: il est posé à niveau du plancher, & il s'éleve à la hauteur du genou: il est plus long que large. On y allume du feu, & l'on y jette l'étain qui s'y fond, voyez Fondre l'étain . Il y en a qui fondent dans une fosse , au lieu de fondre dans une chaudiere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fosse Author=Diderot Normalized Classification=Tannerie Part of Speech=NA Fosse * Fosse , ( Tanneur. ) grande cuve profonde faite de pierre ou de bois, mastiquée dans la terre, où le tanneur met le cuir, avec le tan imbibé d'eau, pour le faire tanner: on appelle cette manoeuvre faire prendre nourriture. Voyez l'article Tanneur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSÉ Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FOSSÉ FOSSÉ, s. m. en Architecture , espace creusé quarrément de certaine profondeur & largeur à-l'entour d'un château, autant pour le rendre sûr & en empecher l'approche, que pour en éclairer l'étage soû terrein. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé revêtu Author=Blondel Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fossé revêtu Fossé revêtu , est celui dont l'escarpe & la contrescarpe sont revêtus d'un mur de mâçonnerie en talud, comme au château de Maisons. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé sec Author=Blondel Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fossé sec Fossé sec , est celui qui est sans eau, avec une planche de gason qui regne au milieu de deux allées sablées, comme au château de Saint-Germain-en-Laye. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé Author=Jaucourt Normalized Classification=Droit françois Part of Speech=NA Fossé Fossé , ( Droit françois. ) On environne quelquefois en France les maisons de campagne de fossés , lort que l'assiette du lieu le permet, c'est-à-dire qu'elle est dans un fond: ces fossés sont le plus souvent rempils d'eau, & servent de défense aux châteaux qu'ils entourent, personne n'y pouvant entrer que par des ponts-levis. Quelquefois aussi ces fossés sont creuses exprès pour attirer les eaux, & dessécher par ce moyen le terrein qui est trop humide: on met, si l'on veut, du poisson dans ces sortes de fossés , & on les revêt de murs à chaux & à ciment. Mais quel qu'en soit l'usage, un noble ne peut pas faire des fossés autour de sa maison sans lettres-patentes du roi adressées à la chambre des comptes, qui ne les vérifie qu'information préalablement faite de la commodité ou incommodité, & à la charge d'un droit de reconnoissance. A l'égard du seigneur, son consentement est toûjours requis. Ainsi un censitaire ou un vassal ne peut faire fossés ni ponts-levis en sa maison, sans le consentement de son seigneur. Pour peu qu'on sache l'histoire de France, & qu'on remonte aux siecles précédens, on découvre aisement l'origine de ces sortes de servitudes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé (le) Author=unknown Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=NA Fossé Fossé , ( le ) dans la Fortification , est toûjours une profondeur qu'on pratique au pié du côte extérieur du rempart. La ligne qui le termine du côté de la campagne se nomme contrescarpe; il est ordinairement revetu de maçonnerie vers ce côté, afin que les terres ne s'éboulent point dans le fossé . Lorsque le rempart de la place est revêtu, son talud exterieur est continué jusqu'au fond du fossé ; & quand il ne l'est point, le talud extérieur se termine au bord du fossé , au niveau de la campagne: alors on laisse entre le pié du rempart & le fossé un chemin de dix ou douze piés, qu'on nomme berme ou relais; il sert à soûtenir les terres du rempart, pour qu'elles ne s'écroulent point dans le fossé . Le fossé des places fortes est sec ou plein d'eau; l'un & l'autre ont leurs avantages & leurs inconveniens. le fossé sec se défend mieux que le fossé plein d'eau; mais aussi met-il la place moins à l'abri ces surprises: le fossé plein d'eau est meilleur à cet égart, mais il ne donne pas la même facilité pour faire des sorties sur l'ennemi. Au reste, il ne dépend point de l'ingénieur qui fortifie une place, d'en faire les fossés secs ou pleins d'eau; il est obligé de se conformer à la nature des lieux où les places sont situées. Ainsi dans les lieux aquatiques le fossé est plein d'eau, & il est sec dans les autres. Les meilleurs fossés sont ceux qui sont secs, & qu'on peut remplir d'eau quand on le veut par le moyen des écluses; tels sont ceux de Landau, de Valenciennes, & de plusieurs autres places. La largeur & la profondeur de fossé se reglent sur le besoin qu'on a des terres pour la construction des ouvrages de la fortification: c'est pourquoi dans les terreins où il y a peu de profondeur, il faut donner plus de largeur au fossé: cette largeur doit toûjours être assez grande pour qu'on découvre le chemincouvert, lorsqu'on est placé sur la banquette; elle est ordinairement de quinze, dix-huit, ou vingt toises au fossé du corps de la place, & de douze à celui des dehors. Pour la profondeur, elle ne peut être moindre que la hauteur d'un homme: on la fait de trois toises ou dix-huit piés, si le terrein le permet. Pour tracer le fossé d'un front de fortification, il faut prendre avec le compas dix-huit ou vingt toises de l'échelle ( Pl. I . de Fortification, fig. 5 . ), mettre une de ses jambes sur le sommet A de l'angle flanqué, & décrire un arc EF vis-à-vis cet angle, en-dehors le bastion. Il faut du même intervalle de dix-huit ou vingt toises, & de l'angle flanqué B , décrire un arc CD; poser ensuite l'angle sur l'angle de l'épaule L & sur l'arc FE; en sorte que la ligne EML tirée le long de la regle, soit tangente à l'arc FE au point E , c'est-à-dire qu'elle touche cet arc sans le couper, & qu'elle aboutisse au sommet L de l'angle de l'epaule ILB . On tirera de même la ligne OG tangente à l'arc CD au point C , & aboutissant sur le point G . Ces deux lignes EL, CG se couperont dans un point M , qui sera le sommet de l'angle rentrant EMC de la contrescarpe: on tracera de la même maniere le fossé de tous les autres fronts. Par la construction qu'on vient de donner, le fossé est découvert des flancs dans toute son étendue. La partie qui est vis-à-vis la courtine est vûe & défendue par les deux flancs GH, IL . Le fossé vis-à-vis la face LB est defendu par tout le flanc GH , puisque la contrescarpe ou le bord extérieur du fossé CM étant prolongé, aboutit au sommet G de l'angle de l'epaule. Le fossé opposé au flanc IL vis-à-vis AG , est defendu de même par ce flanc Il en resulte que toutes les parties du fossé sont flanquées des plans. Si le prolongement de la contrescarpe donnoit sur le flanc à sept ou huit toises de l'angle de l'épaule, il est clair que cette partie du flanc deviendroit inutile à la defense du fossé , & que par là on seroit privé de l'avantage qu'on en peut tirer pour augmenter la défense du fossé des faces des bassions. Si la contrescarpe étoit parallele à la ligne magistrale, comme dans la fig. 6 . Pl. I . de Fortification , les flancs AB, CD ne pourroient defendre le fossé vis-à-vis les faces DE & AF , parce que la partie GH IK leur en cacheroit la vûe. D'ou l'on voit qu'il faut nécessairement couper cette partie, & donner beaucoup plus de largeur au fossé de la courtine qu'à celui des faces, afin que tout le fossé soit defendu des flancs Elémens de fortification . Lorsque la place est revêtue de gason de même que la contrescarpe, on est oblige de donner un assez grand talud aux deux côtés du fossé . Ce talud est ordinairement les deux tiers de sa profondeur: alors s'il est sec, on plante un rang de palissades dans le milieu du fossé , pour empêcher que l'ennemi ne puisse le franchir facilement. Les fossés taillés dans le roc ont cela de particulier, qu'on peut les escarper sans leur donner beaucoup de talud, & qu'on en peut tirer les matériaux nécessaires à la construction de la place. Ils ont d'ailleurs l'avantage de ne pouvoir être minés que très-difficilement. Il est vrai qu'ils coûtent beaucoup à creuser, mais ils épargnent aussi bien de la maçonnerie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé à fond de cuve Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fossé à fond de cuve Fossé à fond de cuve , est un fossé sec, escarpé ou avec peu de talud. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Fossé Fossé , ( Econ. rustiq. ) ouverture de terre étendue en longueur, qui sert à environner un champ pour en défendre l'entrée: c'est en cela que consiste la défense qu'on pratique souvent en Angleterre à la place des haies, particulierement dans les terreins marécageux; & l'on s'en trouve fort bien. Pour lors on fait ces fossés de six piés de large contre les grands chemins, & de cinq pies du côté des communes: mais les fossés qui sont pour tenir lieu d'enclos contre des voisins, n'ont d'ordinaire que deux piés de largeur dans le sond, & trois piés dans le haut. Un fossé de quatre piés de large en-haut, doit avoir deux piés & demi de profondeur; si l'on le fait de cinq piés de large, il doit en avoir trois de profondeur, & ainsi à proportion. On ne fait jamais ces fossés perpendiculairement, mais en talud, pour éviter que la terre ne s'eboule. D'ailleurs dans un fossé dont le fond est étroit, si les bestiaux s'y jettent, ils manquent d'espace pour s'y retourner; & au lieu de grimper en-haut, & en détacher la terre, ils vont chercher leur sortie au bout du fossé . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossé Author=Jaucourt Normalized Classification=Droit civil | Droit coutumier Part of Speech=NA Fossé Fossé , ( Droit civil & coûtumier. ) La loi sciendum, ff. finium regundor. veut qu'on laisse entre un fossé & le fonds de son voisin autant d'espace qu'il y a de profondeur. Il y a plusieurs observations à faire sur les fossés , qui sont souvent disputés entre deux voisins. 1°. Dans le doute, les fossés sont declares communs aux deux voisins: 2°. selon la coûtume d'Auxerre, art. 115. de Berri, art. 14. tit. jv. & de Rheims, art. 369. si la terre que l'on a jettée sur les bords est dans les deux côtés, le fossé est de même commun: 3°. le jet de la terre sert beaucoup à terminer la difficulté sur la propriété du fossé ; ainsi on presume que le fossé appartient au proprietaire du fonds sur le quel on jette la terre que l'on en tire: 4°. s'il est établi par de bons titres ou par des bornes, que le fossé appartient à un voisin, la coutume de jetter la terre du côté de l'autre voisin ne lui en attribue point le droit; & la prescription ne prevaut point aux titres ni aux bornes. Remarques de M. Aubri sur Richelet . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSEREE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FOSSERÉE FOSSERÉE, s. f. ( Jurisprud. ) dans le pays de Bugey & de Cex, est la même chose que ce qu'on appelle ailleurs une oeuvrée ou ouvrée , ou le travail d'un homme: on mesure les vignes par fosserées ou ouvrées. Voyez Collet, sur les statuts de Bresse, part. II. p. 79. col. ij & OEuvrée . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSET Author=Diderot Normalized Classification=Tonnelier | Economie rustique Part of Speech=s.m. FOSSET * FOSSET, s. m. ( Econom. rustiq. ou Tonnelier. ) petite cheville de trois à quatre lignes de diametre, d'un bois dur, & d'une figure conique, qui sert à boucher le trou qu'on pratique au-dessus des tonneaux, pour y donner entree à l'air, & en tirer le vin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSETTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s. FOSSETTE FOSSETTE, s. f ( Medecine. ) ulcere de l'oeil nommé par les Grecs βοθρίον , & par les Latins fossula, annulus . C'est un ulcere étroit, profond & dur, dont la cornée transparente (quand il est au-dessus de l'iris ou de la prunelle) ne paroît point changee de couleur, car elle ne blanchit que lorsque l'ulcere se cicatrise; mais quand il est sur la cornée opaque à l'endroit du blanc de l'oeil, il est fort rouge dans sa circonférence, & son milieu paroît noirâtre, à cause que la cornée est émincée dans cet endroit. Voyez son traitement au mot Ulcere de l'OEil , parce que le nom particulier qu'il porte ne change rien à la méthode curative générale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fossette Author=Diderot Normalized Classification=Chasse Part of Speech=NA Fossette * Fossette , ( Chasse. ) espece de chasse aux petits oiseaux, qui consiste à creuser des trous en terre le long des buissons, & à y attirer par de l'appât les oiseaux, qui, posant leurs pies sur la marche d'une fourchette qui soûtient une planche ou une piece de gason, font tomber la fourchette & se trouvent enfermés dans le trou. Cette chasse commence à la fin de Decembre, & dure jusqu'en Mars. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSILE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=sub.m FOSSILE FOSSILE, sub. m. ( Hist. nat. Minéralogie. ) On appelle fossiles en général toutes les substances qui se tirent du sein de la terre. Souvent on se sert indistinctement du nom de fossiles & de celui de minéraux , pour designer les mêmes substances. C'est ainsi que l'usage veut que l'on dise le regne minéral , & non pas le regne fossile . Cette derniere façon de parler seroit pourtant plus exacte, attendu que la signification du mot fossile est plus étendue, & comprend des substances dont les minéraux ne font qu'une classe. Voyez l'article Minéraux . On distingue deux especes de fossiles , 1°. ceux qui ont été formés dans la terre, & qui lui sont propres; on les appelle fossiles natifs . Tels sont les terres, les pierres, les pierres précieuses, les crystaux, les métaux, &c. 2°. ceux qui ne sont point propres à la terre, que l'on appelle fossiles étrangers à la terre . Ce sont des corps appartenans, soit au regne minéral, soit au regne végétal: tels que les coquilles, les ossemens de poissons & de quadrupedes, les bois, les plantes, &c. que l'on trouve ensevelis dans les entrailles de la terre où ils ont eté portés accidentellement. On se sert encore souvent du mot fossile comme d'un adjectif, en le joignant au nom de quelque matiere qui, sans devoir son origine à la terre, se trouve pourtant dans son sein; & alors l'épithete de fossile sert à la distinguer de celle qui est naturelle, & qui se trouve ailleurs que dans la terre. C'est ainsi que l'on dit de l'ivoire fossile , du bois fossile , des coquilles fossiles , &c. De tous les phénomenes que présente l'Histoire naturelle, il n'en est point qui ait plus attiré l'attention des Naturalistes, que la prodigieuse quantité de corps étrangers à la terre qui se trouvent ensevelis dans son sein & répandus à sa surface; ils ont donc fait des hypotheses & hasardé des conjectures, pour expliquer comment ces substances appartenantes originairement à d'autres regnes ont été, pour ainsi dire, dépaysées & transportées dans le regne minéral. Ce qui les a sur-tout frappés, c'est l'énorme quantité de coquilles & de corps marins, dont on rencontre des couches & des amas immenses dans toutes les parties connues de notre globe, souvent à une distance très-grande de la mer, depuis le sommet des plus hautes montagnes jusque dans les lieux les plus profonds de la terre. En effet, sans sortir de l'Europe, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, &c. nous en fournissent des exemples frappans. Les environs de Paris même nous présentent des carrieres inépuisables de pierres propres à bâtir, qui paroissent uniquement composées de coquilles. En genéral il y a tout lieu de croire que toutes les terres & pierres calcaires, c'est-à-dire qui sont propres à se changer en chaux par l'action du feu, telles que les marbres, les pierres à chaux, la craie, &c. doivent leur origine à des coquilles qui ont été peu à-peu détruites & décomposées dans le sein de la terre, & à qui un gluten a donné de la liaison, & fait prendre la dureté & la consistance plus ou moins grande que nous y remarquons. Voyez l'article Calcaire . Ces couches immenses de coquilles fossiles sont toûjours paralleles à l'horison; quelquefois il y en a plusieurs couches séparées les unes des autres par des lits intermédiaires de terre ou de sable. Il ne paroît point qu'elles ayent été répandues ni jettées au hasard sur les différentes parties de notre continent; mais il y en a qui se trouvent toûjours ensemble & forment des amas immenses. Il semble que les animaux qui les habitoient ayent vêcu en famille & formé une espece de société. Une chose très-digne de remarque, c'est que suivant les observations des meilleurs naturalistes, les coquilles & corps marins qui se trouvent dans nos pays ne sont point des mers de nos climats; mais leurs analogues vivans ne se rencontrent que dans les mers des Indes & des pays chauds. Quelques individus qui sont de tous les pays, & que l'on trouve avec ces coquilles, ne prouvent rien contre cette observation générale. Il y en a plusieurs dont les analogues vivans nous sont absolument inconnus: telles sont les cornes d'Ammon, les bélemnites, les anomies, &c. Il en est de même de beaucoup de plantes, de bois, d'ossemens, &c. que l'on trouve ensoüis dans le sein de la terre, & qui ne paroissent pas plus appartenir à nes climats que les coquilles fossiles . L'on avoit observé déjà dans l'antiquité la plus reculée, que la terre renfermoit un très-grand nombre de corps marins; cela donna lieu de penser qu'il falloit qu'elle eût autrefois servi de lit à la mer. Il paroît que c'étoit le sentiment de Xénophane fondateur de la secte éléatique; Hérodote observa les coquilles qui se trouvoient dans les montagnes de l'Egypte, & soupçonna que la mer s'en étoit retirée. Tel fut aussi, suivant le rapport de Strabon, le sentiment d'Eratosthene qui vivoit du tems de Ptolemée Philopator & de Ptolemée Epiphane. On croyoit la même chose du tems d'Ovide, qui dans un passage connu de ses metamorphoses, liv. XV. dit: Vidi ego, quod fuerat quondam solidissima tellus, Eise fretum. Vidi factas ex aequore terras, Et procul à pelago conchoe jacuêre marinae . &c. Ce sentiment fut aussi celui d'Avicenne & des savans arabes; mais quoiqu'il eût été si universellement répandu parmi les anciens, il fut oublie par la suite; & les observations d'Histoire naturelle furent entierement négligées parmi nous dans les siecles d'ignorance qui succéderent. Quand on recommença à observer, les savans à qui la philosophie péripatéticienne & les subtilités de l'ecole avoient fait adopter une façon de raisonner fort bisarre, pretendirent que les coquilles, & autres fossiles étrangers à la terre, avoient été formes par une force plastique ( vis plastica ) ou par une semence universellement repandue ( seminium & vis seminalis ). D'où l'on voit qu'ils ne regardoient les corp marins fossiles que comme des jeux de la nature, sans faire attention à la parfaite analogie qui se trouvoit entre ces mêmes corps tires de l'interieur de la terre, & d'autres corps de la mer, ou appartenans au regne animal & au regne végétal; analogie qui eût seule suffi pour les detromper. On sentit cependant qu'il y avoit des corps fossiles auxquels on ne pouvoit point attribuer cette formation, parce qu'on y remarquoit clairement une structure organique: de-là vint, par exemple, l'opinion de quelques auteurs qui ont regarde les ossemens fossiles que l'on trouve dans plusieurs endroits de la terre, comme ayant appartenu aux géans dont parle la Sainte-Ecriture; cependant un peu de connoissance dans l'Anatomie auroit suffi pour les convaincre que ces ossemens, quelquefois d'une grandeur demesurée, avoient appartenu à des poissons ou à des quadrupedes, & non à des hommes. Ces prétendues forces plastiques & ces explications, quelque absurdes & inintelligibles qu'elles fussent, ont trouvé & trouvent encore aujourd'hui des partisans, parmi lesquels on peut compter Lister, Langius, & beaucoup d'autres naturalistes, éclaires d'ailleurs. Cependant dès le xvj. siecle plusieurs savans, à la tête desquels on peut mettre Fracastor, en considérant les substances fossiles étrangeres à la terre, trouverent qu'elles avoient une ressemblance si parfaite avec d'autres corps de la nature, qu'ils ne douterent plus que ce ne fut la mer qui les eût apportes sur le continent; & comme on ne voyoit point de cause plus vraissemblable de ce phénomene que le deluge universel, on lui attribua tous les corps marins qui se trouvent sur notre globe, que ses eaux avoient entierement inondé. Burnet, en suivant le systeme de Descartes, prétendit expliquer comment cette grande révolution s'etoit faite, & d'où etoit venue l'immense quantité d'eau qui produisit cette catastrophe. L'hypothèse de Burnet, en rendant raison de la maniere dont le deluge avoit pu se faire, n'expliquoit point comment il avoit pu apporter les corps marins que l'on trouve si abondamment repandus sur la terre. Woodward crut remédier & suppléer à ce qui manquoit à la theorie de Burnet par une idée assez ingénieuse, mais qui par malheur ne s'accorde point avec les observations que l'on a eu occasion de faire. Il prétendit que toutes les parties non organisées du globe terrestre avoient été parfaitement détrempées & mises en dissolution par les eaux du déluge universel, & que toutes les substances organisées qui s'y trouvoient, après avoir eté quelque tems suspendues dans ces eaux, s'étoient affaissées peu à-peu, & enfin s'etoient précipitées chacune en raison de leur pesanteur spécifique. Ce sentiment fut adopte par un grand nombre de naturalistes, & entr'autres par le célebre Scheuchzer. Cependant il est difficile de concevoir que le tems de la duree du deluge ait suffi pour détremper une masse, telle que le globe de la terre, au point que Woodward le pretend. D'ailleurs l'expérience prouve que les corps marins que l'on trouve dans l'intérieur de la terre, n'y ont point ete jettés au hasard, puisqu'il y a des individus qui se trouvent constamment les uns avec les autres. Outre cela, ces corps ne se trouvent point disposes comme étant tombes en raison de leur pesanteur spécifique, puisque souvent on rencontre dans les couches superieures d'un endroit de la terre des corps marins d'une pesanteur beaucoup plus gran le que ceux qui sont au-dessous. Emin, des corps fort pesans se trouvent quelquefois mélés avec d'autres qui sons beaucoup plus legers. Plusieurs naturalistes, sans adopter les sentimens de Burnet sur la cause du deluge, ni l'hypothese de Woodward, n'ont point laisse que de regarder le déluge de Noé comme la cause qui avoit porte les corps étrangers sur la terre; ils ont cru que par un changement dans la position de l'axe de la terre, la mer pouvoit avoir ete jettée avec violence sur le continent qu'elle avoit entierement inonde. & que de cette maniere elle y ayoit apporte les productions & les animaux qui lui sont propres. On ne peut douter de la réalité du déluge, de quelque voie que Dieu se soit servi pour operer cette gran le révolution, mais ii paroit que, sans s'écarter du respect du au témoignage des saintes Ecritures, il est permis à un naturaliste d'examiner si le déluge a ete reellement cause des phénomenes dont nous parlons, sur-tout attendu que la Genese garde un silence profond sur cet article. D'ailleurs rien n'empéche de conjecturer que la terre n'ait, indépendamment du déluge, encore souffert d'autres revolutions. Cela pose, il y a lieu de croire que ce n'est point au deluge dont parle Moyse, qui n'a été que passager, que sont dus les corps marins que l'on trouve dans le sein de la terre. En effet l'enorme quantite de coquilles & de corps marins dont la terre est remplie, les montagnes entieres qui en sont presque uniquement composées, les couches immenses & toujours paralleles de ces coquilles, les carrieres prodigieuses de pierres coquillieres, semblent annoncer un sejour des eaux de la mer très long & de plusieurs siecles, & non pas une inondation passagere & de quelques mois, telle que fut celle du deluge, suivant la Genese. D'ailleurs si les coquilles fossiles eussent été apportées par une inondation subite & violente, comme celle du deluge, ou par des courans d'eaux, comme quelques auteurs l'ont prétendu, tous ces corps auroient eté jettés confusément sur la surface de la terre; ce qui est contraire aux observations, comme nous l'avons dejà remarque. Enfin s'ils avoient été apportés de cette maniere, on devroit plutôt les trouver dans le fond des vallees que dans les montagnes; cependant on trouve presque toûjours le contraire. On voit par tout ce qui vient d'être dit, que le sentiment le plus probable est celui des Anciens qui ont cru que la mer avoit autrefois occupé le continent que nous habitons. Tout autre systeme est sujet à des difficultés invincibles, & dont il est impossible de se tirer. Il seroit trop long d'entrer dans le détail des fossiles étrangers à la terre: les principaux sont, comme on l'a dejà remarqué, les coquilles de toute espece, qui sont quelquefois si bien conservées, que l'on y remarque un émail aussi brillant & la même vivacité de couleurs, que dans celles qu'on vient de tirer de la mer; d'autres fois elles sont plus ou moins détruites & décomposées: on en trouve qui sont comme rongees des vers & percées d'une infinité de trous; d'autres enfin sont si parfaitement détruites, qu'il est impossible d'y remarquer aucune trace de structure organique. Les ouvrages d'une infinité de naturalistes sont remplis de descriptions de ces corps marins, & plusieurs ont fait l'enumération de ceux qui se rencontroient dans les differens pays qu'ils habitoient. M. Rouelle, de l'académie royale des Sciences, fait esperer un ouvrage sur la matiere dont nous parlons: c'est le fruit de ses recherches & des observations qu'il a éu occasion de faire dans un grand nombre de voyages qu'il a entrepris dans le dessein de vérifier ses soupçons. Cet habile naturaliste ayant remarqué que certains corps marins se trouvent toûjours constamment ensemble dans de certains endroits, pense qu'il est plus naturel & plus commode de diviser les coquilles fossiles par familles ou par classes qu'il nomme amas; il compte donc décrire les individus qui se trouvent toùjours ensemble dans un même amas, & en donner les figures, & prouver que certains coquillages, quoique de différentes especes, vivent toûjours constamment ensemble dans certains endroits de la mer, & ferment une espece de société semblable à celle que l'on remarque dans quelques animaux terrestres, & dans un grand nombre de plantes qui croissent dans le voisinage les unes des autres. Cette méthode ne peut qu'être infiniment avantageuse, en ce qu'elle épargnera beaucoup de recherches inutiles, & facilitera la description des fossiles d'un district; puisque, sans entrer dans le détail minutieux de toutes les coquilles qu'on trouvera dans un tel district, & s'exposer par-là à redire ce qui a déjà cent fois été dit par d'autres, il suffira de connoître deux ou trois des individus qui s'y rencontrent, pour savoir quelles sont les autres coquilles qui s'y doivent encore trouver. Si par hasard il en etoit échappé quelques-unes à l'auteur, on pourroit aisément donner par supplement celles qu'il n'auroit point décrites, ou celles qui dans de certains pays feroient des exceptions à la regle générale. Ces avantages joints à un grand nombre d'autres observations intéressantes, doivent faire desirer à tous les curieux d'être bien-tôt mis en possession de l'ouvrage de M. Roüelle. Outre les corps marins, tels que les coquilles, madrépores, &c. il se trouve encore beaucoup d'autres fossiles étrangers dans les entrailles de la terre: tels sont les dents de poissons ou glossopetres, les ossemens d'animaux, soit pétrifiés, soit dans leur état naturel, c'est-à-dire sans avoir souffert de décomposition, des bois, des plantes, &c. Voyez Figurées ( pierres ), Pétrifications , Deluge , &c. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSOMBRONE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOSSOMBRONE FOSSOMBRONE, ( Géog. ) petite ville d'Italie dans l'Etat ecclesiastique, au duché d'Urbin, avec un évêché suffragant d'Urbin. Elle est bâtie des ruines de l'ancienne Forum Sempronii , près la riviere de Métro, à sept lieues S. O. de Pésaro, quatre S. E. d'Urbin. Long. 30 d . 28 '. lat. 43 d . 42 '. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOSSOYEURS Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. FOSSOYEURS * FOSSOYEURS, s. m. pl. ( Hist. eccl. ) ce sont aujourd'hui les mêmes hommes qu'on appelloit autrefois dans l'Eglise des fossaires. Voyez Fossaires . On leur donne le nom de corbeaux , parce qu'ils suivent les cadavres, & qu'ils en tirent leur subsistance. Les Quakers qui attachent à la sépulture des morts des idées de piété, ne cedent point cet emploi à des mercenaires; ils ferment les yeux à leurs parens, à leurs amis; ils les ensevelissent & les déposent eux-mêmes dans le sein de la mere commune. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTA Author=Diderot Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. FOTA * FOTA, s. m. ( Hist. mod. ) tablier rayé de bleu & de blanc, dont les Turcs se couvrent dans le bain. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTAS Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOTAS * FOTAS, parure des femmes de l'ile de Java. On nous apprend que les fotas s'apportent tout faits de la côte de Coromandel, de Surate, & de Bengale; mais on ne nous dit point ce que c'est, & heureusement cela n'est pas fort important à savoir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTCHÉOU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOTCHÉOU FOTCHÉOU, ( Géog. ) une des plus célebres villes de la Chine, capitale de la province de Fokien. Il y a un grand commerce, de beaux édifices publics & des ponts magnifiques. Elle est arrosée de la riviere de Min & des eaux de l'Océan. Son terroir abonde en litchi, lungyen & muiginli. Sa longitude suivant le P. Martini, qui place le premier méridien au palais de Pekin, est 2 d . 40 '. latit. 25 d . 58. orient. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTOK ou POUX DE MER Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA FOTOK ou POUX DE MER FOTOK ou POUX DE MER, ( Hist. nat. ) insecte qui se trouve dans la mer. Il a un pouce & demi de long, & un pouce de large; son corps est composé d'une écaille d'un jaune tirant sur le brun, & remplie de petits points ou taches blanches. Ceux d'Amboine sont petits, & ceux de Banda sont plus grands; on les mange. Hubner, dict. univ . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTOQUE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOTOQUE * FOTOQUE, s. m. nom des grands dieux des Japonois. Ces peuples ont deux ordres de dieux. les Fotoques , & les Camis. Ceux-ci accordent aux hommes des enfans, de la santé, des richesses, & tous les biens de cette vie. On obtient des autres les biens de la vie future; & ce sont ces derniers qu'on appelle Fotoques . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTTALONGE Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. FOTTALONGE * FOTTALONGE, s. f. ( Comm. ) étoffe des Indes rayée; elle se fabrique d'écorce d'arbres & de soie. Il faudroit savoir quel est cet arbre, & comment on prépare cette écorce. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOTTES Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. FOTTES * FOTTES, s. f. plur. ( Comm. ) toile de coton à carreaux, qui vient des Indes orientales, & surtout de Bengale. La piece a une aulne & demie de long, sur sept à huit de large. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOU Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FOU FOU, adj. pris subst. Voyez l'article Folie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fou Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Fou Fou , ( Hist. mod. ) société des fous. Voyez Merefolle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fou Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. Fou Fou , s. m. oiseau de mer des Antilles, qui ressemble pour la figure du corps à un grand corbeau; il a le dessus du dos gris-brun, le ventre blanc, & les piés comme les canes. Il vit de poisson. La chair a un goût de marécage. On l'appelle fou , parce qu'il va se poser sur les vaisseaux, & qu'il se laisse quelquefois prendre à la main. Il y a aussi dans les Antilles d'autres oiseaux auxquels on donne le même nom, quoiqu'ils soient plus défians; ils sont un peu plus gros que celui dont il vient d'être fait mention, & blancs comme des cignes: on les voit le long des terres. Histoire nat. des Antilles par le P. du Tertre, tom. II. pag. 275 . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fou Author=Diderot Normalized Classification=Jeu Part of Speech=NA Fou * Fou , ( Jeu. ) aux échets. Il y a deux pieces qu'on appelle de ce nom, presque égales aux chevaliers, mais de meilleur service à la fin du jeu qu'au commencement. Les fous sont toûjours placés immédiatement après le roi à droite, & après la dame à gauche. Le fou qui occupe la case noire, ne marche qu'obliquement, & toûjours sur les cases noires. Celui qui est sur les blanches, y marche toûjours aussi de biais. Les fous vont tous deux aussi loin qu'ils peuvent aller, c'est-à-dire tant qu'ils rencontrent des cases vuides. S'il se trouve une piece ennemie sur leur chemin, ils peuvent la prendre; alors ils se mettent à la place de la piece prise. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUAGE ou AFFOUAGEMENT Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FOUAGE ou AFFOUAGEMENT FOUAGE ou AFFOUAGEMENT, ( Jurisprud. ) appellé dans la basse latinité foagium & focagium , étoit un droit dû au roi par chaque feu ou menage. Ce droit est encore dû à quelques seigneurs. L'étymologie de foüage ou feu ne vient pas à feudo , comme quelqu'un l'a prétendu, mais du latin focus , feu, d'où l'on a fait focagium , & par corruption foagium , & en françois foüage . En quelques endroits ce même droit est appelle fournage , à cause du fourneau ou cheminée qui doit l'imposition; pourquoi on l'a aussi appellé fumarium tributum . Spelman l'appelle tributum ex foco , & dit qu'en Angleterre il est appellé cheminagium . Au pays de Forès on leve un droit semblable, appellé blande . En quelques endroits on l'appelle droit d'hostelag ou d' ostise . L'origine du foüage ou imposition qui se leve sur chaque feu ou chef de famille, est fort ancienne. Cedrenus & Zonare en font mention dans l'histoire de Nicéphore, où ils appellent ce droit fumarium tributum; & Landulphe, lib. XXIV. dit que cet empereur exigeoit un tribut sur chaque feu, per singulos focos census exigebat . Dans une constitution de Manuel Comnene il est parlé de la description des feux en ces termes, describere focos; ce qui est appellé focularia par Frédéne II. roi de Naples & de Sicile. Lib. I. tit. ult . Ce droit est aussi fort ancien en France; on en le voit au profit du roi des le tems de la premiere race, sous les rois de la seconde, & encore pendant long tems sous la troisieme race. Le foüage eut d'abord lieu principalement en Normandie; il appartenoit au roi comme duc de Normandie; on le lui payoit tous les ans, afin qu'il ne changeât point la monnoie: c'est pourquoi dans la coûtume de cette province il est nomme monnéage. Voyez Monnéage . Il est parlé du foüage dans la charte commune de Roüen, de l'an 1207, & dans une chronique de la même ville, de l'an 1227. Cette imposition par feux fut aussi établie dans plusieurs autres provinces, tant au profit du roi que de divers seigneurs particuliers qui s'attribuerent ce droit. Les priviléges manuscrits de Saint-Didier en Champagne, de l'an 1228, font mention que chaque personne mariée, ou qui l'avoit été, payoit au seigneur cinq sous pour le foüage . Une charte d'Alphonse comte de Poitou, de l'an 1269, justifie qu'on lui payoit tous les ans un diou de foüage . On en paya aussi en 1304 pour la guerre de Flandres, suivant un compte du bailli de Bourges de l'an 1306. Les foüages dont la levée étoit ordonnée par le ro pour fournir aux besoins extraordinaires de l'état, étoient d'abord quelquefois compris sous le terme général d' aide : telle fut l'aide établie en conséquence de l'assemblée des états tenus à Amiens en Décembre 1363, qui consistoit dans un droit de foüage ou imposition par feux. Il en fut de même de l'impoli tion qui fut mise sur chaque feu dans le Dauphiné, en 1367. Dans la suite les foüages furent distingués des aides proprement dites, qui se percevoient sur les denrées & marchandises, à cause que certaines personnes étoient exemptes des foüages , au lieu que personne n'étoit exempt des aides: c'est ce que l'on voit dans des lettres de Charles VI. du 24 Octob. 1383, portant que l'aide qui étoit alors établie, seroit payée par toutes sortes de personnes, & notamment par ceux des habitans de Languedoc qui s'en prétendoient exempts; & la raison qu'en donne Charles VI. est que ces aides n'avoient pas été établies seulement pour la defense de ceux qui n'étoient pas taillables, mais aussi de ceux qui étoient taiilables; & que lesdites aides n'étoient pas par maniere de foüage , mais par maniere d'imposition & de gabelle. Il y avoit des villes, bourgs & villages, qui étant dépeuplés, demandoient une diminution de feux, c'est-à-dire que l'on diminuât l'imposition qu'ils payoient pour le foüage , à proportion du nombre de feux qui restoit; & lorsque ces lieux ruinés se rétablissoient en tout ou en partie, on constatoit le fait par des lettres qu'on appelloit réparation de feux; on fixoit par des lettres le nombre des feux existans, pour augmenter le foüage à proportion du nombre de feux qui avoient été réparés, c'est-à-dire rétablis. Quelques auteurs disent que les tailles ont succédé au droit de foüage; ce qui n'est pas tout-à-fait exact: en effet des le tems de S. Louis & même auparavant, nos rois levoient déjà des tailles pour les besoins de l'état. Ces tailles n'étoient point ordinaires. Le roi & même quelques-uns des grands vassaux de la couronne, levoient aussi dès-lors un droit de foüage dans certaines provinces. Les ducs de Normandie, les comtes de Champagne & autres seigneurs, percevoient chacun dans leur territoire des droits de foüage . Ces droits cessoient néanmoins quelquefois, moyennant d'autres impositions; ainsi lorsque les communautés d'habitans de la sénéchaussée de Beaucaire se soumirent, le 18 Février 1357, à payer au comte de Poitiers, en qualité de lieutenant-général du royaume, un droit de capage ou capitation; ce fut à condition que tant qu'il percevroit ce capage, il ne pourroit exiger d'eux aucune autre imposition, soit à titre de foüage ou autrement. Charles V. fit lever un droit de foüage pour la solde des troupes: il étoit alors de quatre liv. pour chaque feu. Du tems de Charles VI. le prince de Galles voulut imposer en Aquitaine sur chacun feu un franc, le fort portant le foible; ce qui ne lui réussit pas. Charles VII. rendit le foüage perpétuel, & depuis ce tems il prit le nom de taille . Il n'y a donc plus présentement de foüage qu'au profit des seigneurs, qui sont fondés en titre ou possession suffisante pour lever ce droit sur leurs sujets. Quelques curés prétendent aussi droit de foüage sur leurs paroissiens le jour de Pâques. Voyez Spelman, en son gloss . les recherches de Pasquier, liv. II. ch. vij. le glossaire de Lauriere, au mot foüage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUANNE, FISCHURE, ou TRIDENT Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.f. FOUANNE * FOUANNE, s. f. FISCHURE, ou TRIDENT, ( Péche. ) instrument de pêcheur; c'est une espece de rateau de fer à grandes pointes droites, emmanché à l'extrémité d'une longue perche. On pique la foüanne à-plomb vers les embouchures des rivieres, pour prendre les flets ensablés. On ne se sert guere de la foüanne que quand on ne peut employer le filet. Voyez la foüanne dans nos Planches de Pêche . Les riverains de Port-Louis en Bretagne, pêchent à la foüanne . Cet instrument a, parmi eux, deux, trois, ou cinq tiges ou doigts, & sa gaule six à sept piés de long. Pour se soùtenir sur les vases, les pêcheurs attachent sous leurs piés des chanteaux de fond de barrique. Ils vont ainsi le long des rivages, lorsque la marée commence à perdre, ou qu'elle est retirée. Ils lancent de tems en tems la foüanne sur le poisson plat qui s'envase: ils prennent ainsi des anguilles de mer & des congres. La foüanne s'appelle ailleurs bout de quievre , ou bouteux; aux côtes de haute Normandie, haveneau ou petie haveneau . Le bout du manche en est arrêté dans un demi-cercle de bois ou de fer. A chaque côté de ce demi-cercle, joignant au manche, il y a un morceau de bois de dix-huit à vingt pouces de long. Cet assemblage sert à tenir l'instrument debout. Le pecheur lance cet instrument devant lui; il prend des chevrettes & d'autres poissons qui restent sur les sables, dans la basse marée, lorsqu'il y a encore un peu d'eau. Les anguilles se prennent à la foüanne; les pêcheurs sont dans de petits bateaux ou engins de bois qu'ils nomment tignolles . Un seul homme peut porter la tignolle sur ses épaules, & elie n'en peut tenir que deux. Ce sont trois planches liées; celle du fond est la plus large; les deux autres font avec celle-ci une espece de navette, de la forme des margotats qu'on voit sur la Seine. Ils vont dans ces tignolles à basse eau & à mi-marée; ils dardent leurs foüannes au hasard. Les branches de cet instrument ont treize à quatorze pouces de long, & sont au nombre de six ou sept; elles vont en se réunissant à une douille de fer, qui reçoit un manche de dix ou douze piés de long. Ils cessent la pêche aussi-tot que le flot commence à se faire sentir Le tems favorable est depuis le commencement de Dec. jusqu'à la fin de Février. Il y a une autre maniere de pécher l'anguille de mer, qui differe peu de la pêche à la foüanne . Quand il y a basse eau, le pêcheur se deshabille; il entre dans les vases; il a un bâton à la main; il cherche de l'oeil les trous où l'anguille s'est retirée. Ces trous sont en entonnoir. Quand il en apperçoit, il ébranle la vase avec ses piés; l'anguille sort, & il l'assomme avec son bâton: si elle résiste à sortir ou qu'elle soir peu enfoncée, il la tire avec la main, l'étourdit, & la tue. Cette pêche est abondante, sur-tout si les vases de la côte sont étendues. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUANG Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FOUANG FOUANG, s. m. ( Comm. ) poids dont on se sert dans le royaume de Siam. Il faut deux fouangs pour un mayon, & quatre mayons pour un tical, qui pese environ demi-once poids de marc. Le foüang se divise en deux sompayes, ou quatre payes, & la paye en deux clams. Le clam pese douze grains de ris. Voyez Mayon , Tical , Sompaye , Paye , Clam , Grain , &c. Dictionn. de Comm. de Trév. & de Chamb . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUDRE Author=d'Alembert Normalized Classification=Grammaire | Physique Part of Speech=NA FOUDRE FOUDRE, ( Gramm. & Physiq. ) matiere enflammée qui sort d'un nuage avec bruit & violence. Ce mot est masculin & féminin: on dit frappe de la foudre, & le foudre vengeur . Cependant on ne l'employe guere qu'au feminin dans les livres de physique: on dit la matiere de la foudre. Foudre au pluriel n'est guere que masculin: on dit les foudres vengeurs , plûtot que les foudres vengeresses . Foudre differe de tonnerre 1°. en ce que le premier ne se dit guere que de la matiere enflammée qui s'échappe des nues; au lieu que le second se dit aussi de cette même matiere, en tant qu'elle roule avec bruit au-dedans des nuages: ainsi on dit j'ai entendu plusieurs coups de tonnerre , plûtôt que j'ai entendu plusieurs coups de soudre . 2°. Foudre s'employe souvent au figuré, & tonnerre toûjours au propre: on dit un foudre de guerre, un foudre d'éloquence, les foudres de l'église , &c. La matiere de la foudre & celle du tonnerre sont donc la même chose: ainsi nous renvoyons au mot Tonnerre ce que nous avons à dire sur ce sujet. Nous nous contenterons de faire ici quelques observations. La matiere de la foudre paroît être la même que celle de l'électricité; sur quoi voyez les artie . Coup-foudroyant , Electricité , Feu electri- que , & sur-tout les mots Tonnerre & Météore . La foudre est beaucoup plus fréquente dans les endroits où le terrein exhale plus de soufre; au lieu qu'elle est rare dans les pays humides, froids, & couverts d'eau. Le terrein n'est pas sulphureux en Egypte, ni en Ethiopie: aussi la foudre est-elle rare dans ces pays. Les anciens disoient comme par une espece de proverbe: les Ethiopiens ne craignent point la foudre , ni les habitans de la Gaule les tremblemens de terre. Voyez Plutarque, traité de la superstition, chap. iij . Mais l'Italie est un pays très rempli de soufre; ce qui fait qu'il est très-sujet au tonnerre: c'est aussi pour cela qu'il tonne toute l'année à la Jamaïque. L'utilité de la foudre est 1°. de rafraichir l'athmosphere; en effet, on observe presque toùjours qu'il fait plus froid après qu'il a tonné: 2°. de purger l'air d'une infinite d'exhalaisons nuisibles, & peut-être même de les rendre utiles en les atténuant. On prétend que la pluie qui tombe lorsqu'il tonne, est plus propre qu'une autre à féconder les terres. Selon les observations de M. Musschenbroek, il tonne à Utrecht quinze fois par an année moyenne; il a remarqué aussi que la direction & la nature du vent ne fait en géneral rien à la foudre , mais qu'il tonne plus communément par un vent de sud. La foudre est plus fréquente l'éte que l'hyver, parce que les exhalaisons qui s'élevent de la terre par la chaleur, sont en plus grand nombre. Selon le même physicien, la matiere des globes de feu est la même que celle de la foudre. Voyez Globe de Feu . Il fait quelquefois des éclairs & du tonnerre en tems serein; ce que M. Musschenbroek attribue aux exhalaisons qui s'enflamment avant d'être montees assez haut pour produire des nuages. Une grande pluie diminue la foudre , ou même la fait cesser, parce que cette pluie emporte avec elle une grande partie de la matiere qui contribue à former la foudre . Quelquefois la nuée est si épaisse, qu'elle empéche de voir l'eclair, quoiqu'on entende la foudre . Pour juger de la distance de la foudre, voyez Éclair . Plusieurs liqueurs fermentent par l'action de la foudre; d'autres cessent de fermenter, comme le vin & la bierre; d'autres se gâtent, comme le lait. Ces phénomenes si simples sont très-difficiles à expliquer, & nous ne l'entreprendrons point. On peut detourner la foudre en tirant des coups de canon; le son des cloches est un moyen bien moins sûr; il produit quelquefois plus de mal que de bien, il fait crever la nue au-dessus de l'endroit oû l'on sonne, au lieu de la detourner. Voyez l'hist. de l'acad. de 1718 . Les Priscillianistes croyoient que la foudre étoit un effet du démon; mais leur opinion a eté condamnée dans un concile, qui, comme l'observe M. Musschenbroek, s'est conduit très-sagement en cela. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudre, pierres de Author=Diderot Normalized Classification=Histoire naturelle | Physique Part of Speech=NA Foudre * Foudre , pierres de ( Hist. nat. & Physiq. ) pierre dont le vulgaire pense que la chûte, ou même la formation du tonnerre est toûjours accompagnée. Leur existence est fort douteuse. M. Lemery croit pourtant qu'il n'est pas absolument impossible que les ouragans, en montant rapidement jusqu'aux nues, n'enlevent avec eux des matieres pierreuses & minerales, qui s'amollissant & s'unissant par la chaleur, forment ce qu'on appelle pierre de foudre . St cette idée de M. Lemery n'est pas une vision, il ne s'en manque guere. Ce qu'on a pris pour une pierre de foudre , est une matiere minérale, fondue & formée par l'action du tonnerre, ou peut-être même quelque substance, telle que la terre en renferme beaucoup dans les endroits ou elle a été fouillée par des volcans qui se sont éteints. Le tonnerre étant venu à tomber dans ces endroits, & le peuple y ayant ensuite rencontré ces substances qui portent extérieurement des empreintes évidentes de l'action du feu, il les aura prises pour ce qu'il a appellé des pierres de foudre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudre Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine | Anatomie Part of Speech=NA Foudre Foudre , ( Medec. & Anatom. ) Les Medecins recherchent très-curieusement quelle peut être la cause de la mort des hommes & des animaux qui périssent d'un coup de foudre , sans qu'on leur trouve aucun mal, ni aucune trace de ce qui peut leur avoir ôté la vie. Meurent-ils par la frayeur que leur fait le fracas horrible du tonnere, & le grand feu dont ils le voyent environnés? Sont-ils étouffés par la vapeur du soufre allumé, qui est le poison le plus prompt pour tous les animaux? Ou bien ne pourroit on pas croire aussi que lorsque la foudre eclate, & qu'elle chasse l'air de l'endroit ou elle agit, en lui faisant perdre en même tems son élasticite, les animaux se trouvent alors comme dans un vuide parfait, & meurent de la même maniere que ceux que l'on enferme sous le récipient d'une pompe pneumatique? Il est assez vraissemblable que ces trois causes separement ou conjointement, produisent la destruction de la machine. Scheuchzer raconte qu'une femme qui portoit son enfant sur ses bras, fut touchée d'un coup de foudre dont elle mourut, sans que l'enfant en reçut le moindre mal: on voit par cet exemple, que la frayeur seule peut avoir procuré la mort de cette femme, puisque les deux autres causes ne paroissent point avoir eu lieu dans cette occasion. Lower & Willis ayant ouvert un jeune homme qui avoit été frappé de la foudre , lui trouverent le coeur sain & les poumons très-gonflés; ce jeune homme n'étoit donc pas mort par la troisieme cause, mais par l'une des deux premieres. D'autres cas nous apprennent que les hommes peuvent mourir de frayeur, ou que la terreur peut les réduire à l'extrémité: deux exemples suffiront pour le prouver. Le tonnerre étant tombé en 1717 sur la tour de S. Pierre à Hambourg, un jeune garçon de quinze ans qui dormoit sur une chaise, en fut tellement saisi, qu'il demeura quelque tems sans mouvement & sans sentiment. La tour de ville d'Epéries, dans la haute Hongrie, ayant été frappée de la foudre la même année 1717, un étudiant qui se tenoit près d'une fenêtre, tomba par terre presque mort, & ne reprit ses esprits que par les secours de la Medécine. On dit que M M. du Verney, Pitcarn, & autres, ayant ouvert plusieurs personnes qui avoient eté frappées de la foudre , leur trouverent les poumons affaissés, comme ceux des animaux qu'on fait mourir dans le vuide. La cause de la mort de ces person ne sera donc ici la troisieme de celles que nous avons exposées. Enfin quelquefois la foudre opere sur le corps de ceux qu'elle fait perir, plusieurs phénomenes fort etranges; & les memoires de l'académie de Petersbourg m'en fournissent un exemple trop curieux pour le passer sous silence: ces mémoires rapportent, tom VI. pag. 383. que dans la dissection du cadavre d'un homme tué d'un coup de foudre à Petersbourg, le bas-ventre & la verge furent trouvés prodigieusement enflés. La peau, du côté gauche, ressembloit à du cuir brûlé; toutes les autres parties du corps avoient une couleur de pourpre, excepté le cou qui étoit rouge comme de l'écarlate: on appercevoit les marques d'une petite hémorrhagie à l'oreille droite: sur le dessus de la tête se voyoit une legere blessure, comme si le péricrane avoit été dechiré; & le crane n'avoit point souffert: le cerveau néanmoins étoit rempli de sang très-fluide, & l'étui des vertebres d'u ne grande abondance de sérosités: les poumons étoient noirâtres & tombés, le coeur privé de sang, de même que les vaisseaux qui l'entourent: la vésicule du fiel & la vessie urinaire etoient affaissés & entierement vuides, tandis que les ureteres se trouvoient extrèmement distendus par la quantité d'urine qu'ils contenoient. Toutefois, quand l'on rencontre de tels phénomenes, ou simplement des meurtrissures & des blessures à ceux qui sont morts de la foudre , ce n'est pas tant leur mort qui surprend que la route tout-à-fait singuliere que la foudre a prise, en causant les meurtrissures, les plaies, & les blessures des parties externes ou internes: mais il est vrai que ces sortes de singularités de la foudre ne sont pas particulieres aux corps animés. Voyez Foudre , ( Physique. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudre Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA Foudre Foudre , ( Mytholog. ) sorte de dard enflamme dont les Peintres & les Poetes ont armé Jupiter. Célus, dit la Fable, avant ete delivré par Jupiter de la prison où le tenoit Saturne, pour recompenser son libérateur, lui fit present de la foudre , qui le rendit maître des dieux & des hommes. Suivant les Poetes, ce sont les Cyclopes qui forgent les foudres du pere des immortels. Virgile ajoûte que dans la trempe des foudres les Cyclopes mêloient les terribles éclairs, le bruit affreux, les trainées de flammes, la colere de Jupiter, & la frayeur des humains. Fulgores nunc terrificos, sonitumque, metumque Miscebant operi, flammisque sequacibus iras . AEneid. VIII. 431. Stace est le seul des anciens qui ait donné la foudre à la déesse Junon; car Servius assure, sur l'autorite des livres étrusques, dans lesquels tout le cérémonial des dieux étoit reglé, qu'il n'y avoit que Jupiter, Vulcain, & Minerve, qui pussent la lancer. Chaque foudre renfermoit trois rayons de grêle, trois de pluie, trois de feu, & trois de vents. La foudre de Jupiter est figurée en deux manieres; l'une, en une espece de tison flamboyant parles deux bouts, qui ne montrent qu'une flamme; l'autre, en une machine pointue des deux côtés, armée de deux fleches. Lucien semble lui donner cette derniere forme, lorsqu'il nous represente fort plaisamment Jupiter se plaignant de ce qu'ayant depuis peu lancé sa foudre longue de dix pies contre Anaxagore, qui nioit l'existence des dieux, Pericles detour la le coup qui porta sur le temple de Castor & de Pollux, & le réduisit en cendres: par cet évenement, la foudre s'étoit presque brisée contre la pierre; & ses deux principales pointes avoient été tellement émoussées, que le maitre des dieux ne pouvoit plus s'en servir sans les racommoder. La principale divinité de Seleucie, selon Pausanias, etoit la foudre , qu'on honoroit avec des hymnes & des cerémonies toutes particulieres; peut-être étoit-ce Jupiter même qu'on honoroit ainsi sous le symbole de la foudre . Quoi qu'il en soit, on voit sur quelques medailles de cette ville un foudre posé sur une table que Tristan prend pour un autel; & il regarde ces médailles comme un monument de ce culte subsistant encore sous Eliogaballe & Caracalla, de qui sont les medailles. La foudre représentoit un pouvoir égal aux dieux; c'est pourquoi Apelles peignit Alexandre dans le temple de Diane d'Ephese, tenant la foudre à la main: c'est encore par cette raison qu'on trouve sur les médailles romaines, que la foudre y accompagne quelquefois la téte des empereurs, comme dans des médailles d'Auguste. La flaterie des peuples asservis s'est portée à des bassesses bien plus etranges. Icquez me paroit plus heureux que Menage dans l'etymologie du mot foudre; il le dérive de fudr , terme de la langue des Cimbres, qui signifie chaleur, brûlure, & mouvement rapide . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudre Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA Foudre Foudre , ( Littérat. ) les surprenans effets que produit la foudre , ont fourni de tout tems une ample matiere à la superstition des peuples. Les Romains serviront de preuve, & me dispensent d'en chercher ailleurs. Ils distinguoient deux sortes de foudre , celles du jour & celles de la nuit; ils donnoient les premieres à Jupiter, & les secondes au dieu Summanus; & si la foudre grondoit entre le jour & la nuit, ils l'appelloient fulgur provorsum , & l'attribuoient conjointement à Jupiter & à Summanus. Non contens de cette distinction générale, ils tiroient toutes sortes de présages de la foudre . Quand, par exemple, elle étoit partie de l'orient, & que n'ayant fait qu'effleurer quelqu'un, elle retournoit du même côté, c'étoit le signe d'un bonheur parfait, summae felicitatis praesagium , comme Pline le raconte a l'occasion de Silla. Les foudre qui faisoient plus de bruit que de mal, ou celles qui ne signifioient rien, étoient nommées vana & bruta fulmina; celles qui promettoient du bien & du mal s'appelloient fatidica fulmina; & la plupart des foudres de cette espece etoient prises pour une marque de la colere des dieux: telle fut la foudre qui tomba dans le camp de Crassus; elle fut regardee comme un avant-coureur de sa défaite; & telle encore, selon Ammien Marcellin, fut celle qui précéda la mort de l'empereur Valentinien. De ces foudres de mauvaise augure, il y en avoit dont on ne pouvoit eviter le prétage par aucune expiation, inexplabile fulmen; & d'autres, dont le malheur pouvoit être détourné par des ceremonies religieuses, piabile fulmen . La langue latine s'enrichit de la sotte confiance qu'on donnoit aux augures tires de la foudre . On appella conciliaria fulmina celles qui arrivoient lorsqu'on deliberoit de quelque affaire publique; auctorativa fulmina , celles qui tomboient après les délibérations prises, comme pour les autoriser; monitoria fulmina , celles qui avertissoient de ce qu'il falloit éviter: deprecaria fulmina , celles qui avoient apparence de danger, sans qu'il y en eut pourtant effectivement; postulatoria fulmina , celles qui demandoient le retablissement des sacrifices interrompus; familiaria fulmina , celles qui présageoient le mal qui devoit arriver à quelque famille; publica fulmina , celles dont on tiroit des predictions generales pour trois cents ans; & privata fulmina , celles dont les predictions particulieres ne s'étendoient qu'au terme de dix annees. Ainsi les Romains porterent au plus haut comble d'extravagance ces folies; ils vinrent jusqu'à croire que le tonnerre étoit un bon augure, quand on l'entendoit du côté droit, & qu'il etoit au contraire un signe fatal, quand on l'entendoit du côté gauche; il n'etoit pas même permis, suivant le rapport de Ciceron, de tenir les assemblees publiques lorsqu'il tonnoit, Jove tonante, fulgurante, comitia populi habere nesas . Les endroits frappés de la foudre étoient réputés sacres; & comme si Jupiter eut voulu se les approprier, il n'etoit plus permis d'en faire des usages prophanes. On y elevoit des autels au dieu tonnant, avec cette inscription, deo fulminatori . Les aruspices purifioient tout lieu sans exception sur lequel la foudre étoit tombée, & le consacroient par le sacrifice d'une brebis appellee bidens , c'est-à-dire à qui les dents avoient poussé en-haut & en bas; ce lieu separe de tout autre, s'appelloit bidental , du nom de la brebis qu'on avoit immolée, & on regardoit pour impies & pour sacrileges ceux qui le prophanoient ou en remuoient les bornes; c'est-là ce qu'Horace appelle quelque part movere bidental . Tout ce qui avoit ete brule ou noirci par la foudre étoit place sous un autel couvert, & les augures etoient chargés de ce soin. On employoit en particulier certains prêtres nommés par Festus strufertari , pour purifier les arbres foudroyés. Ils faisoient à ce sujet un sacrifice avec de la pate cuite sous la cendre, comme nous l'apprend l'inseription tirée d'une table de bronze antique trouvée à Rome, & citée par nos antiquaires. Avant cette purification, les arbres frappés de la foudre passoient pour être funestes, & personne n'osoit en approcher. Aussi dans le Trinummus de Plaute, act. iij. se. 2. un esclave voulant détourner un vieillard d'aller à une maison de campagne, il lui dit: gardez-vous-en bien; car les arbres y ont ete frappés de la foudre; les pourceaux y meurent; les brebis y deviennent galeuses, & perdent leur toison. Pline rapporte qu'il n'etoit pas permis de brûler le corps de ceux que la foudre avoit tues, & qu'il falloit simplement les inhumer, suivant l'ordonnance de Numa. En effet Festus, au mot occisum , cite deux lois à ce sujet: homo si fulmine occisus est, ei justa nulla fieri oportet; l'autre est conçûe en ces termes: si hominem fulminibus occisit, ne suprà genua tollito; au lieu que l'usage contraire se pratiquoit dans les funérailles ordinaires, où l'on mettoit les corps sur les genoux pour les baiser & pour les laver, comme il paroit par ces vers d'Albinovanus: At miseranda parens suprema neque oscula fixit, Frigida nec movit membra, tremente sinu . Il faut, pour le dire en passant, que ce point de religion n'en fût pas un chez les Grecs, puisque Capanée, après avoir été frappé du feu de Jupiter, reçut les honneurs du bucher, & qu'Evadné sa femme s'élança dans les flammes, pour confondre ses cendres avec celles de son cher époux. Mais les Romains s'éloignerent de cette idée & en prirent une autre, dans la persuasion que les personnes mortes d'un coup de foudre avoient été suffrsamment purifiées par le feu, qui les avoit privés de la vie. Enfin on regardoit généralement tous ceux qui avoient eu le malheur de périr par la foudre , comme des scélérats & des impies, qui aveient reçû leur châtiment du ciel; & c'est par cette raison que l'empereur Carus, qui fut plein de courage & de vertus, est mis au rang des mauvais princes par quelques auteurs. Ce détail suffit, sans doute, pour faire connoitre les égaremens de la superstition payenne; sur laquelle Séneque observe judicieusement, que c'est une marque d'un esprit foible que d'ajoûter foi à de pareilles sotises, & de s'imaginer que Jupiter lance les foudres , qu'il renverse les colonnes, les arbres, les statues, & même ses images; ou que laissant les sacriléges impunis, il s'amuse à brûler ses propres autels, & à foudroyer des animaux innocens. Le genre humain, quoiqu'aujourd'hui plus éclairé sur la nature & la formation de la foudre , n'est pas encore guéri de toutes ces vaines superstitions. Cependant le lecteur curieux de morceaux de littérature sur cet article, en trouvera beaucoup dans les savans commentateurs de Pline, de Perse, de Juvénal, & de Stace; dans Saumaise sur Solin, dans Josephe, dans Scaliger sur Varron; dans les dictionnaires & les auteurs d'antiquités romaines. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudre Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Foudre Foudre , en Architecture , ornement de sculpture en maniere de flamme tortillée avec des dards, qui servoit anciennement d'attribut aux temples de Jupiter, comme il s'en voit encore au plafond de la corniche dorique de Vignole, & aux chapiteaux du portique de Septime Sévere à Rome. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudres Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Foudres Foudres , ( Jardinage. ) ce sont des touffes très garnies qui viennent au pié des plantes qui portent des fleurs. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foudre Author=Diderot Normalized Classification=Tonnelier Part of Speech=NA Foudre * Foudre , ( Tonnelier. ) vaisseau de bois ou tonneau d'une capacité extraordinaire, & garni de cercles de fer, dont on se sert en plusieurs endroits de l'Allemagne pour renfermer le vin & le conserver plusieurs années. Voyez les art. Tonneau , Tonne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUDROYANTE Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=adject FOUDROYANTE FOUDROYANTE, adj. pris sub. les Artificiers appellent ainsi une espece de fusée qui imite la fondre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOUÉ FOUÉ, ( Geog. ) d'autres écrivent Foa, Fuoa, Fua , ancienne ville de la basse Egypte sur le Nil, dans un terroir agréable, à sept lieues de Rosette, & seize S. d'Alexandrie. Longit. 49. latit. 30. 40 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUET Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOUET * FOUET, s. m. se dit en genéral de tout instrument de correction; il y en a pour l'homme & pour les animaux. Les penitens se fouettent; on fouëtte les singes, les chiens, les chevaux. On fait donner le fouet aux enfans, dans l'âge où l'on ne peut encore se faire entendre à la raison. Fouet se dit alors & de l'instrument & du châtiment: il y a des fouets de toutes sortes de formes & d'un grand nombre de matieres: presque tous ceux dont on use pour les animaux sont terminés par une petite ficelle nouée en plusieurs endroits: c'est de cet usage que cette ficelle a pris le nom de fouet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouet Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fouet Fouet , ( Jurispr. ) est une des peines que l'on inflige aux criminels. L'usage en est fort ancien; il avoit lieu chez les Juifs, chez les Grecs & les Romains; & il en est souvent parlé dans les historiens du bas empire. Cette peine étoit reputée legere chez les Romains; elle n'emportoit aucune infamie, même contre des hommes libres & ingénus. En France elle est reputée plus legere que les galeres à tems, & plus rigoureuse que l'amende honorable & le bannissement à tems; ordonnance de 1670, tit. xxv. art. 13. elle emporte toûjours infamie. Le fouet se donne sur les épaules du criminel à nud; autrefois on le donnoit avec des baguettes, avec des escourgées ou fouets faits de courroies & lanieres de cuir avec des plombeaux, des scorpions ou lanieres garnies de pointes de fer comme la queue d'un scorpion; présentement on ne le donne plus qu'avec des verges, dont on frappe plusieurs coups & à differentes reprises, dans les places publiques & carrefours, suivant ce qui est ordonné. C'est l'exécuteur de la haute-justice qui foüette les criminels hors de la prison; mais lorsqu'un accuse detenu prisonnier n'a pas l'âge compétent pour lui infliger les peines ordinaires, ou lorsqu'il s'agit de quelque leger délit commis dans la prison, on condamne quelquefois l'accusé à avoir le fouet sous la custode, sub custodia , c'est-à-dire dans la prison. auquel cas ce n'est pas l'executeur de la haute justice qui doit donner le foüet , mais le questionnaire s'il y en a un, ou un geolier, ce qui est moins infamant. La Rocheslavin, liv. II. tit. x. rapporte un arrêt du parlement de Toulouse, du 6 Juillet 1563, portant qu'un prisonnier de la maison-de-ville seroit fustige avec des verges par un sergent, & non par l'executeur de la haute justice, & feroit un tour seulement dans la maison-de-ville. Autrefois en quelques endroits c'etoit une femme qui faisoit l'office de bourreau pour fustiger les femmes. Voyez ce qui en a eté dit au mot Exécuteur . Anciennement lorsque l'Eglise imposoit des pénitences publiques, le penitent étoit fouetté jusqu'au pié de l'autel. C'est ainsi que fut traite Raymond, comte de Toulouse, petit-fils du premier de ce nom ayant été soupçonne de favoriser les hérétiques, Innocent III. mit ses terres en interdit, & les abandonna au premier occupant; le comte implora la clemence du pape, & crut que c'etoit assez de s'etre humilié; mais le légat l'obligea de venir à la port de l'eglise, & l'ayant fait dépouiller de tous ses habits à la vue d'une nombreuse populace, il le foüet ta de verges jusqu'à l'autel, où il reçut l'absolution. Voyez les annales de Toulouse de la Taille. Le juge d'église, selon la disposition canonique, pouvoit condamner ses justiciables au foüet . Dans la primitivé Eglise les clercs souffroient la correction du foüet pour l'amendement de leurs fautes. Ils pouvoient y être condamnés judicio episcopali , comme on peut l'inférer du canon cum beatus distinct. 45. du canon non liceat distinct. 86. & autres; Hilarius sous-diacre ayant accusé faussement un diacre, & les juges s'étant contentés d'absoudre l'accusé, le pape ordonna que l'accusateur seroit dépouillé de son office, qu'il seroit foüetté de verges publiquement, & envoyé en exil; cap. j. de calumniat . Les canonistes ont tous conclu de-là que le juge d'église peut condamner au foüet , pourvû que ce ne soit pas jusqu'à effusion de sang; néanmoins les juges d'église ont rarement prononcé de telles condamnations. Bernard Diaz, dans sa pratique criminelle, chap. cxxxiij. prétend que les juges d'église peuvent sans encourir aucune irrégularité, condamner au foüet , quoiqu'il y ait communément effusion de sang; parce que, dit-il, cette effusion de sang n'est pas ordonnée, & ne procede pas principalement du jugement, mais d'accident, & ex post facto . Cette distinction paroîtra sans doute plus subtile que solide. Aussi Ignatius Lopez qui a commenté l'auteur que l'on vient de citer, observe que ce n'étoit guere qu'en Espagne où les juges d'église ordonnoient cette peine, & que depuis 21 ans il n'avoit point vû dans la ville de Alcala de Henares que les officiaux eussent condamné personne au foüet . Julius Clarus dit aussi que dans l'état de Milan, les juges d'église ne condamnoient point les coupables au foüet . En France autrefois, les juges d'église condamnoient quelquefois au fouet , mais c'étoit abusivement; & cela ne se pratique plus: l'église ne pouvant infliger aucune peine afflictive. Il a néanmoins été jugé par arrêt du 7 Août 1618, rapporté dans Bardet, qu'un bénéficier-juge n'avoit pas encouru d'irrégularité pour avoir condamné au foüet , parce que cette peine, quoiqu'afflictive, n'ôte point la vie, & n'est pas dans le cas de celles que l'Eglise abhorre. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foüet sous la custode Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foüet sous la custode Foüet sous la custode , c'est lorsqu'on le doune dans la prison; on condamne à cette peine les enfans au-dessous de l'âge de puberté, qui ont commis quelque delit grave. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouet de Mat Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fouet de Mat Fouet de Mat , ( Marine. ) on ne se sert de cette expression, un grand foüet de mât , que pour dire une grande longueur de mât . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouet Author=Diderot Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=NA Fouet * Fouet , ( Verrie. ) c'est ainsi qu'on appelle dans les Verreries, l'ouvrier qui arrange les bouteilles ou les plats dans les fourneaux à recuire, & qui a soin de les tenir dans une chaleur convenable. S'il donne trop de chaud, l'ouvrage s'applatit; trop de froid, il casse. Il est aidé dans sa fonction par les gamains. Voyez les articles Verreries & Gamains . Le foüet présente aussi la planche pour trancher les plats, & il aide l'ouvrier à les placer & arranger dans les fourneaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUETTER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FOUETTER FOUETTER, v. act. Punir par le foüet, voyez l'article Fouet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouetter Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=v.n. Fouetter Fouetter , v. n. ( Mar. ) on dit que les voiles foüettent contre le mât quand elles sont presqu'entierement sur le mât, & qu'elles battent contre lui un peu plus fort que lorsqu'elles ne sont qu'en ralingue. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouetter Author=Blondel Normalized Classification=Maçonnerie Part of Speech=NA Fouetter Fouetter , terme de Maçonnerie , c'est jetter du plâtre clair avec un balai, contre le lattis d'un lambris ou d'un plafond, pour l'enduire; c'est aussi jetter du mortier ou du plâtre par aspersion, pour faire les panneaux de crépi d'un mur qu'on ravale. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouetter Author=Diderot Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Fouetter * Fouetter , chez les Relieurs , c'est après qu'un volume est couvert, ou de veau, ou de maroquin, le placer entre deux ais qu'on serre fortement de haut en-bas avec de la ficelle cablée, & passer ensuite une autre ficelle sur le dos de nerf en nerf, ficelant des deux côtés. Les ficelles doivent se trouver croisées en tous sens. Voyez nos Planches de Relieure; voy . les articles Ais a Fouetter, & Relier -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouetter les Cocons Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fouetter les Cocons * Fouetter les Cocons , c'est une des préparations de l'art de tirer la soie . Voyez l' l'article Soie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUGADE ou FOUGASSE Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=s.f. FOUGADE ou FOUGASSE FOUGADE ou FOUGASSE, s. f. ( Fortification. ) c'est dans la guerre des siéges, une mine qui n'a que 6, 8, ou 9 piés de ligne, de moindre résistance, ou qui n'est enfoncée dans la terre que de cette quantité. V. Mine, & Ligne de moindre résistance . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougasse Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fougasse Fougasse , voyez l'article Fayence . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUGER Author=Diderot Normalized Classification=Chasse Part of Speech=v.neut. FOUGER * FOUGER, v. neut. ( Chasse. ) il se dit de l'action du sanglier, qui arrache des plantes avec son boutoir. La plante ou racine enlevée s'appelle fouge , & les troncs, affranchis. Fouger se dit aussi du cochon. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUGERE Author=unknown Normalized Classification=Botanique générale Part of Speech=s.f. FOUGERE FOUGERE, ( Botan. géner. ) s. f. filix , genre de plante qu'on peut nommer capillaire , & dont les feuilles sont composées de plusieurs autres feuilles rangées sur les deux côtés d'une côté, & profondément découpées. Ajoûtez aux caracteres de ce genre le port de la plante. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougere Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Fougere Fougere , ( Botan. ) c'est à M. William Cole en Angleterre, & à Swammerdam en Hollande, qu'on doit la découverte des semences de la fougere . M. Cole date la sienne de 1669, & Swammerdam de 1673. M. Cole remarque 1°. que dans ces sortes de plantes, les loges ou capsules des graines sont deux fois plus petites que le moindre grain de sable ordinaire. 2°. Que dans quelques especes, ces capsules n'égalent pas la troisieme, ni même la quatrieme partie d'un grain de sable, & paroissent comme de petites vessies entourées d'anneaux ou de bandelettes en forme de vers. 3°. Que néanmoins quelques-unes de ces petites vessies contiennent environ cent graines si petites, qu'elles sont absolument invisibles à l'oeil, & qu'on ne peut les distinguer qu'à l'aide d'une excellente lentille. 4°. Que l'osmonde ou la fougere fleurie, qui surpasse en grandeur les fougeres communes, a des capsules ou vésicules séminales d'une grosseur égale à celles des autres qui appartiennent au même genre. 5°. Enfin, que l'extrème petitesse de ces vésicules, étant comparées avec la grandeur de la plante, on n'y trouve pas la moindre proportion, ensorte qu'on ne pourroit s'empêcher d'admirer qu'une aussi grande plante soit produite d'une aussi petite graine, si on ne voyoit souvent de semblables exemples dans la nature. Les observations de Swammerdam sur les graines de la fougere , se trouvent dans son livre de la nature ( biblia naturoe ); nous y renvoyons le lecteur, parce qu'elles ne sont guere susceptibles d'un extrait. Il suffira de dire à leur honneur, que M. Miles reconnoît après les avoir vérifiées, qu'on ne peut trop admirer leur justesse & leur exactitude. Passons donc à celles de M. de Tournefort, qui ne sont pas moins vraies. La fougere , suivant cet illustre botaniste, porte ses fruits sur le dos des feuilles, où ils sont le plus souvent rangés à double rang, le long de leur découpures; ils ont la figure d'un fer à cheval, appliqué immédiatement sur les feuilles, & comme rivé parderriere; chaque fruit est couvert d'une peau relevée en bossette, & qui paroît comme écailleuse; cette peau se flétrit ensuite, se ride, & se réduit en petit volume au milieu du fruit; elle laisse voir alors un tas de coques ou de vessies presqu'ovales, entourées d'une cordon à grains de chapelet, par le racourcissement duquel chaque coque s'ouvre en travers, comme par une espece de ressort, & jette beaucoup de semences menues. Les graines de la fougere femelle sont placées différemment sur le dos des feuilles, que ne le sont les semences de la fougere mâle; car dans la fougere femelle elles sont cachées sur les bords des petites feuilles, qui se prolongent, se refléchissent tout-autour en automne, & forment des especes de sinuosités où naissent les feuilles. L'ingénieux M. Miles a observe de plus: 1°. que les capsules des graines de la fougere commune, de la rue de montagne, de la langue de cerf, de la diante, & autres capillaires, étoient toutes semblables dans leur forme générale, & que la seule différence consistoit dans la grosseur des graines, leur arrangement, & leur quantité. 2°. Que les especes où les graines sont en petit nombre, ont une substance spongieuse assez semblable à l'oreille de judas, & qui semble leur être donnée pour mettre les semences à couvert. 3°. Que lorsqu'elles sont tombées, on découvre sur la plante de petites membranes un peu frisées, qui paroissent comme si elles eussent été élevées adroitement de dessus la surface de la feuille avec une pointe de canif. 4°. Que le cordon élastique par lequel les coques s'ouvrent & jettent leurs graines, est composé de fibres annulaires, comme le gosier d'un petit oiseau. 5°. Qu'on peut voir le jet même de ces graines & l'opération de la natare, sous le microscope, en faisant les expériences avec la fougere fraîchement cueillie au commencement de Septembre. 6°. Que quand il arrive que la capsule est dans son juste point de maturité, le jet se fait insensiblement, & par degré. 7°. Qu'il s'écoule quelquefois un gros quart-d'heure avant que la capsule s'ouvre, & que la corde à ressort jette la graine, mais qu'alors on est dédommagé de son attente, parce qu'on voit distinctement & complettement le procédé de la nature. 8°. Enfin, que quand on frotte les feuilles de la plante pour en avoir les graines, elles s'envolent en forme de poussiere, qui entre souvent dans les pores de la peau, & y cause une espece de demangeaison, comme ces especes d'haricots des iles de l'Amérique, qu'on appelle pois grattés . Mais il faut lire les details de tous ces faits dans les Trans. philos. n°. 461. pag. 774. & suiv . où l'auteur indique la maniere de répéter ces expériences, & de les vérifier. On peut actuellement caractériser la fougere . Nous la nommerons donc une plante épiphyllosperme , c'est-à-dire portant ses graines sur le dos des feuilles, renfermées dans de petites vésicules, qui lors de leur maturité, s'ouvrent en-travers par une espece de ressort. Sa feuille cotonneuse, est composée d'autres feuilles attachées à une côte, de maniere qu'il y a des loges de l'un & de l'autre côté. Ses lobes sont découpés, & la découpure pénetre jusqu'à la côte principale; on n'a point encore découvert ses fleurs. Parmi la quantité de fougeres que nous présentent l'un & l'autre monde, il y en a trois principales d'usage dans les boutiques; savoir la fougere mâle , la fougere semelle , & la fougere fleurie . La fougere mâle s'appelle chez nos botanistes filix, filix mas , &c. sa racine est épaisse, branchue, fibreuse, noirâtre en-dehors, pâle en dedans, garnie de plusieurs appendices, d'une saveur d'abord douçâtre, ensuite un peu amere, un peu astringente, sans odeur. Elle jette au printems plusieurs Jeunes pousses, recourbées d'abord, couvertes d'un duvet blanc, lesquelles se changent dans la suite en autant de feuilles larges, hautes de deux coudées, droites, cassantes, d'un verd-gai, qui sont composées de plusieurs autres petites feuilles placées alternativement sur une côte garnie de duvet brun; chaque petite feuille est découpée en plusieurs lobes ou crêtes larges à leur base, obtuses & dentelées tout-autour. Il regne une ligne noire dans le milieu des feuilles, & chaque lobe est marqué en-dessus de petites veines, & en-dessous de deux rangs de petits points de couleur de rouille de fer. Ces points sont sa graine, qui croît en petits globes sur le revers de la feuille. Cette plante paroit n'avoir point de fleur, ou si elle en a, on ne les a pas encore découvertes. Elle croit à l'ombre des haies, dans les sentiers étroits, dans les forêts, & comme dit Horace dans les champs incultes. Neglectis urenda filix jam nascitur agris . La fougere commune ou la fougere femelle a dans nos auteurs les noms de filix famina, filix foemina vulgaris, filix non ramosa, thilypteris . Dilleu, &c. sa racine est quelquefois de la grosseur du doigt, noirâtre en-dehors, blanche en-dedans, rampante de tous côtes dans la terre, d'une odeur forte, d'une saveur amere, empreinte d'un sue gluant; & etant coupée à sa partie supérieure, elle représente une espece d'aigle à deux têtes. Sa tige, ou plûtôt son pédicule est haut de trois ou quatre coudées, roide, branchue, solide, lisse, & un peu anguleuse. Ses feuilles sont découpées en aîles: & ces ailes sont partagées en petites feuilles étroites, oblongues, pointues, dentelées quelquefois legerement, d'autres fois entieres, vertes en-dessus, blanches en-dessous. Ses fruits ou ses vésicules sont ovales comme celles de la fougere mâle , mais placées un peu différemment sur le dos des feuilles, comme nous l'avons dit ci-dessus, d'après les observations de Tournefort. Elle vient presque par-tout, principalement dans les bruyeres, dans les lieux incultes & stériles. Sa racine est la seule partie dont on se serve en Medecine. Elle est d'une odeur forte, différente de celle de la fougere male , & ne rougit point le papier bleu. Il y a apparence qu'elle contient un sel analogue, ou sel de corail, embarrassé dans un suc glaireux que le fruit détruit, & qui suivant Tournefort, est un mélange de phlegme, d'acide, & de terre. La fougere fleurie s'appelle plus communément osmonde; voyez-en l'article sous ce nom; & pour ce qui regarde les fougeres exotiques, voyez le P. Plumier, de filicibus americanis; l' hist. de la Jamaique du chevalier Hans-Sloane; Petiver, pterygraphia americana continens plusquam 400. filices varias , &c. Lond. 1695. fol. cum fig . Ce sont trois ouvrages magnifiques à la gloire des fougeres . Il n'y a point de plantes à qui l'on ait fait tant d'honneur. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougere Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=NA Fougere Fougere , ( Agriculture. ) la fougere femelle commune est pour les laboureurs une mauvaise herbe, qui leur nuit beaucoup, & qui est très-difficile à détruire quand elle a trouvé un terrein favorable pour s'y enraciner: car souvent elle pénetre par ses racines jusqu'à 8 piés de profondeur; & traçant au long & au large, elle s'éleve ensuite sur la surface de la terre, & envoye de nouvelles fougeres à une grande distance. Quand cette plante pullule dans les pacages, la meilleure maniere de la faire périr est de faucher l'herbe trois fois l'année, au commencement du printems, en Mai, & en Août. Les moutons que l'on met dans un endroit où il y a beaucoup de fougere , la détruisent assez promptement; en partie par leur fumier & leur urine, & en partie en marchant dessus. Mais la fougere qu'on coupe quand elle est en sêve, & qu'on laisse ensuite pourrir sur la terre, est une bonne marne pour lui servir de fumier, & pour l'engraisser considérablement. Les arbres plantes dans des lieux où la fougere croît, réussissent très bien, même dans un sable chaud; la raison est, que la fougere sert d'abri aux racines, & les conserve humides & fraîches. Enfin on répand de la cendre de fougere sur les terres pour les rendre plus fertiles. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougere Author=Venel|Jaucourt Normalized Classification=Matière médicale | Pharmacie Part of Speech=NA Fougere Fougere , ( Matiere médicale & Pharmacie. ) On distingue chez les Apothicaires deux especes de fou- gere , l'une appellée fougere mâle , l'autre fougere femelle; il y en a encore une troisieme qui est la fougere fleurie ou l' osmonde; mais on employe fort rarement cette derniere. Quant aux deux autres, on les confond assez souvent, & l'on prend sans scrupule l'une pour l'autre, c'est-à-dire que l'on employe celle qu'on se peut procurer le plus facilement. Les auteurs sont pourtant partagés au sujet de leurs vertus; les uns donnent la préférence à la fougere mâle , d'autres à la femelle . Il est fort peu important d'accorder ces diverses opinions, parce que cette plante qui étoit très-usitée chez les anciens, n'est presque plus employée dans la pratique moderne: peut-être par le dégoût qu'en ont pris les malades, selon l'idée de M. Geoffroi; peut-être par celui qu'en ont pris les Medecins, après l'avoir employée inutilement; peut-être aussi parce que nous avons restreint à un très-petit nombre de plantes nos remedes contre les maladies chroniques. Ce n'est presque plus que comme vermifuge que nous employons aujourd'hui cette racine dont nous faisons prendre la décoction, & plus ordinairement encore & avec plus de succès la poudre au poids d'un gros ou de deux. Cette poudre passe pour un spécifique contre les vers plats; & c'est-là le principal secret des charlatans qui entreprennent la guérison de ce mal. ( b ) Mais si les charlatans ont quelque succès dans ce cas, c'est qu'alors ils joignent adroitement & en cachette à la racine de fougere réduite en poudre le mercure, l'aethiops minéral, ou quelqu'autre préparation mercurielle, qui sont seules le vrai poison des vers. Les vertus de la fougere dépendent, les unes de son huile, les autres de son sel essentiel, qui est tartareux, austere, accompagné d'un sel neutre, lequel ne s'alkalise point. Elle agit en dissolvant les humeurs epaisses par son sel essentiel, & en resserrant les fibres solides par ses particules terreuses astringentes. On peut donc la prescrire utilement pour base des boissons apéritives & desobstruentes dans les maladies spléniques & hypochondriaques, pourvû que les malades soient capables d'en continuer l'usage quelque tems, sans le dégoût ordinaire, très difficile à surmonter. Le suc des racines de fougere mêlé avec de l'eau-rose, ou autre semblable, est un assez bon remede pour bassiner les parties legerement brûlées, à cause du suc visqueux & mucilagineux dont cette plante est empreinte. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougere Author=Jaucourt Normalized Classification=Arts Part of Speech=NA Fougere Fougere , ( Arts. ) On tire un grand parti de la fougere dans les Arts. Il est même arrivé quelquefois dans la disette de vivres, qu'on a fait du pain de la racine de fougere . M. Tournefort raconte qu'il en a vû à Paris en 1693, que l'on avoit apporté d'Auvergne; mais ce pain étoit fort mauvais, de couleur rousse, presque semblable aux mottes d'écorce de chêne, qui sont d'usage pour tanner le cuir, & qu'on appelle mottes-à-brûler . On employe la fougere dans le comté de Saxe pour chauffer les fours & pour cuire la chaux, parce que la flamme en est fort violente & très-propre à cet emploi. Le pauvre peuple en plusieurs parties du nord de l'Angleterre, se sert de cendres de fougere au lieu de savon pour blanchir le linge. Ils coupent la plante verte, la réduisent en cendres, & forment des balles avec de l'eau, les font sécher au soleil, & les conservent ainsi pour leurs besoins. Avant que d'en faire usage, ils les jettent dans un grand feu jusqu'à ce qu'elles rougissent; & étant calcinées de cette maniere, elles se réduisent facilement en poudre. Personne n'ignore qu'on employe les cendres de fougere à la place de nitre, que l'on jette ces cendres sur les cailloux pour les fondre & les réduire en verre de couleur verte; c'est-là ce qu'on nomme verres de fougere , si communs en Europe. V. Verre . Les cendres de la fougere femelle commune présentent un autre phénomene bien singulier, quand on en tire le sel suivant la méthode ordinaire, à la quantité de quelques livres; la plus grande partie de ce sel étant séchée, & le reste qui est plus humide étant exposé à l'air, pour en recevoir l'humidité, il devient promptement fluide, ou une huile, comme on l'appelle improprement, par défaillance: ensuite le reste du lixivium qui est très-pesant & d'un rouge plus ou moins foncé, étant mis à-part dans un vaisseau de verre qu'on tient débouché pendant cinq ou six mois, laisse tomber au fond de la liqueur une assez grande quantité de sel précipité, jusqu'à l'épaisseur d'environ deux pouces au fond du vaisseau. La partie inférieure de la liqueur est pleine de saletés, mais la partie du haut est blanche & limpide. Sur la surface de cette partie se forment des crystallisations de sel d'une figure réguliere, semblable à plusieurs plantes de fougere commune , qui jetteroient un grand nombre de feuilles de chaque côté de la tige; ces ramifications salines subsistent plusieurs semaines dans leur état, si l'on ne remue point le vaisseau; mais elles sont si tendres, que le moindre mouvement les détruit, & alors elles ne se réforment jamais. Voyez les Transact. philos. n°. 105 . Enfin les Chinois se servent dans leurs manufactures de porcelaine d'une espece de vernis qu'ils font avec de la fougere & de la chaux; ils y parviennent si aisément, qu'il ne seroit pas ridicule de l'essayer dans nos manufactures de porcelaine. Voici le procédé & la maniere. Ils prennent une quantité de fougere bien séchée qu'ils répandent par lits sur un terrein suffisant à la quantité de vernis dont ils ont besoin. Sur cette fougere ils font une autre couche de pierres de chaux fraîchement calcinées, sur laquelle ils jettent avec la main une petite quantité d'eau suffisante pour l'éteindre ou la délayer. Ils couvrent cette couche de chaux d'une troisieme couche de fougere , & multiplient toûjours alternativement ces couches jusqu'à la hauteur de huit ou dix piés; alors ils mettent le feu à la fougere qui se brûle en peu de tems, & qui laisse un mélange de chaux & de cendres. Ce mélange est porté de la même maniere sur d'autres couches de fougere qu'on brûle de même. Cette opération est répétée cinq ou six fois. Quand la derniere calcination est finie, ce mélange de chaux & de cendres est soigneusement rassemblé & jetté dans de grands vaisseaux pleins d'eau; & sur chaque quintal de poids, ils y mettent une livre de kékio. Ils remuent le tout ensemble; & quand la partie la plus grossiere est tombée au fond, ils enlevent la plus fine qui surnage au-dessus en forme de creme, qu'ils mettent dans un autre vaisseau d'eau, ils la laissent tomber au fond par le séjour; alors ils versent l'eau du vaisseau, & y laissent le résidu en forme d'une huile épaisse. Ils mêlent cette liqueur avec de l'huile de cailloux préparée, en pulvérisant & en blanchissant de la même maniere une sorte particuliere de pierre-à-caillou, & ils en couvrent tous les vaisseaux qu'ils ont intention de vernisser. Ces deux huiles, comme on les nomme, sont toûjours mêlées ensemble, & ils les font soigneusement de la même épaisseur, parce qu'autrement la vernissure ne seroit point égale. Les cendres de fougere ont une grande part dans l'avantage que cette huile a au-dessus de nos vernis communs. On dit que la manufacture de Bristol est parvenue à attraper la beauté du vernis qu'elle possede, par l'imitation des deux huiles dont les Chinois vernissent leurs porcelaines. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougere Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fougere Fougere , sorte d'agrémens dont les femmes ornent leurs ajustemens & leurs habits. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougeres Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fougeres Fougeres , ( Géog. ) petite ville de France en Bretagne sur le Coesnon, entre Rennes, Avranches, & Dole, aux confins de la Normandie & du Maine; son nom lui vient, selon M. de Valois, de ce que ses environs étoient autrefois remplis de fougere. Longit. 16. 22. latit. 48. 20 . Elle est la patrie de René le Païs, né en 1636, mort en 1690; c'étoit un écrivain très-médiocre, qui donnoit comme Voiture, dont il étoit le singe, sans avoir certaines graces de son modele, dans un mauvais goût de plaisanterie. On sait à ce sujet le vers ironique de Despréaux, sat. iij. Le Païs sans mentir est un bouffon plaisant . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUGON Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. FOUGON FOUGON, s. m. ( Marine. ) les matelots du levant se servent de ce mot pour signifier le lieu où l'on fait la cuisine dans certains petits vaisseaux. Le fougon des galeres est dans le milieu des bancs. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUGUE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. FOUGUE * FOUGUE, s. m. ( Gramm. ) mouvement de l'ame impétueux, court, & prompt; il s'applique à l'homme & aux animaux: l'homme & le cheval ont leur fougue . On l'employe pour désigner cet emportement si ordinaire dans la jeunesse; & c'est en ce sens qu'on dit, la fougue de l'âge: on dit aussi d'un poete, il est dans sa fougue . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougue Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fougue Fougue , ( Marine. ) mât de fougue ou foule , c'est le mât d'artimon. Voyez Mat . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougue, vergue de fougue ou foule Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fougue, vergue de fougue ou foule Fougue, vergue de fougue ou foule; c'est une vergue qui ne porte point de voiles, & qui ne sert qu'à border & étendre par le bas la voile du perroquet d'artimon. Voyez Vergue , Marine, Pl. I . n°. 42 . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougue, foule, perroquet de fougue Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fougue, foule, perroquet de fougue Fougue, foule, perroquet de fougue , c'est le perroquet d'artimon. Voyez Mat , & Marine, Pl. I . n°. 45 . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougue Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Fougue Fougue , ( Artificier. ) les Artificiers appellent ainsi des serpenteaux un peu plus gros que les lardons, qui ont un effet plus varié, changeant subitement de vitesse & de direction. Voyez Lardon . Ces variétés peuvent être causées de plusieurs manieres; 1°. par un changement de composition, en mettant alternativement une charge de matiere vive & une de lente, en les foulant également. 2°. En foulant la même matiere inégalement, & donnant plus de coups de maillets sur l'une que sur l'autre. 3°. En donnant du passage au feu dans une charge, & non point à l'autre; ce qui se fait en mettant un pouce, par exemple, de charge massive, & ensuite une autre charge bien foulée & percée d'un petit trou au milieu, avec une meche de vilbrequin: le feu s'insinuant dans le trou, pousse la fougue , & trouvant le massif, qu'il ne peut pénétrer que successivement, perd son mouvement, puis le reprend; & ainsi de suite. On voit que par ce moyen, en variant la longueur des parties percées & des massives, on peut varier l'action du feu comme l'on veut, & finir par un pétard, comme aux serpenteaux. La composition de cette espece de serpenteaux doit être un peu plus foible, c'est-à-dire plus mêlée de charbon que celle des petits, parce que les trous augmentent le feu par son extension sur une plus grande quantité de matiere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fougue, Fouanne, Anfou salin Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA Fougue, Fouanne, Anfou salin * Fougue, Fouanne, Anfou salin , termes synonymes de Pêche , usités dans le ressort de l'amirauté de la Rochelle. La péche à la fouanne, fougue, salin , se fait la nuit au feu sur les vases à la basse eau. Les Pêcheurs choisissent les nuits les plus sombres & les plus obscures; alors ils se munissent de torches ou bouchots & brandons de paille ou de bois sec qu'ils tiennent de la main gauche, & de la droite ils dardent avec la foüanne les poissons qu'ils apperçoivent: ils font aussi cette même pêche dans l'enceinte des pares de pierre ou écluses, & prennent ainsi les poissons que la marée y a laisses en se retirant. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUILLE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. FOUILLE FOUILLE, s. f. ( Architecture. ) se dit de toute ouverture faire dans la terre, soit pour une fondation, ou pour le lit d'un canal, d'une piece d'eau, &c. On entend par fouille couverte le percement qu'on fait dans un massif de terre, pour le passage d'un aqueduc ou d'une pierrée. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouille des terres Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=NA Fouille Fouille des terres , ( Agriculture. ) action de remuer les terres pour en connoitre le fond, le mettre en état d'y recevoir diverses plantes, & l'améliorer en y faisant des tranchées pour des palissades, des couches sourdes, ou autres projets d'agriculture. Voici comme on se conduit communément dans la pratique du jardinage pour fouiller les terres. On fait d'abord sur le terrein qu'on veut fouiller , une tranchée large de trois ou quatre piés pour un homme, profonde de deux piés & demi ou trois pies, selon que le terrein le demande, c'est-à-dire selon qu'il y a de bonnes terres. Dans les endroits où il n'y a qu'un pié & demi, on ôte cette terre de la tranchée, & on pioche dans le fond environ un demi-pié de la mauvaise terre, soit pierrotis, ou autre chose qu'on y laisse. Cela fait, & lorsque cette tranchée, qui doit avoir environ quatre piés de longueur, est vuidée, on la remplit d'autant de terre, qu'on prend en suivant toûjours son chemin; de sorte qu'on fait consécutivement une seconde tranchée, puis une troisieme, & ainsi du reste, jusqu'à ce qu'on soit au bout du morceau de terre qu'on veut fouiller . Si on est plusieurs, on se met tous de front, & chacun ouvre tout de suite une tranchée large, comme on l'a dit. On continue de même; & comme la derniere tranchee reste toûjours à remplir, on se sert pour cela de la terre qu'on a tirée de la premiere tranchée, & qu'on transporte dedans, ou dans des broüettes ou dans des hottes. La fouille des terres contribue à l'accroissement des plantes; les habiles jardiniers en sont assez convaincus par l'expérience. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUILLER Author=Le Blond Normalized Classification=Art Militaire Part of Speech=NA FOUILLER FOUILLER, se dit, dans l'art militaire , d'une recherche exacte faite dans une ville, un village, ou un bois dans lequel une armée ou un détachement de troupes doit passer, pour examiner s'il n'y a pas d'ennemis. Tout commandant de troupes prudent & expérimenté ne s'engage jamais dans aucun lieu couvert, sans l'avoir fait reconnoitre & fouiller auparavant. Les bois se fouillent en les parcourant exactement, en visitant les lieux creux & les ravins qui peuvent s'y trouver, & où l'ennemi pourroit se cacher. Pour les villages, on visite les maisons, les caves, les greniers, les granges, & enfin tous les lieux propres à le dérober à la vûe. On ne doit pas se contenter d'entrer simplement dans les granges & les greniers, il faut culebuter une partie du fourrage qui y est renfermé, & donner dedans des coups de bayonnette ou de hallebarde, afin de s'assûrer qu'il n'y a personne de caché. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouiller Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=v.neut. Fouiller Fouiller , v. neut. ( Hydrauliq. ) c'est chercher l'eau, la suivre quand on en trouve toûjours en remontant, afin de la prendre le plus haut qu'il se peut ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUINE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. FOUINE FOUINE, foyna , s. f. ( Hist. nat. ) animal quadrupede. La foüine, martes fagorum , & la marte, martes abietum , different l'une de l'autre en ce que la premiere est plus brune, & qu'elle a la queue plus grande & plus noire. Sa gorge est blanche, & celle de marte est jaune: les peaux des martes sont beaucoup plus cheres que celles des foüines; ces animaux sont gros comme des chats, mais ils ont le corps plus alongé, les jambes & les ongles plus courts. La foüine est carnaciere; elle tue les poules & mange leurs oeufs; elle est très-legere, & elle s'insinue, comme la belette, dans des ouvertures si étroites, que l'on ne croiroit pas qu'elle pût y entrer: aussi a-t-elle été mise par les nomenclateurs dans le genre des belettes, genus mustellinum vermineumve , avec le putois, le furet, la genette, &c. Les excrémens de la fouine ont une odeur forte & pénétrante, que l'on a comparée à celle du muse: cet animal est sauvage; cependant on l'apprivoise aisément lorsqu'on l'éleve dans les maisons. Raii synop. meth. animalium quadr. Voyez Quadrupede . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouine Author=unknown Normalized Classification=Pelletier Part of Speech=NA Fouine Fouine , ( Pelleterie. ) la peau de la foüine fait une partie du commerce de la Pelleterie; on l'employe à differentes sortes de fourrures, comme manchons, palatines, doublures d'habits, &c. on les met au nombre des pelleteries communes appellées sauvagines . On trouve dans la Natolie une sorte de foüine dont le poil est fin & très-noir; elles sont fort estimées pour les be les fourrures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FOULE FOULE, s. f. attelier & manoeuvre où passent les draps, après qu'ils ont été fabriqués au metier. Voy. à l'article Laine , Manufacture en Laine -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foules Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Foules Foules , ( Géog. ) peuples d'Afrique dont les voyageurs écrivent le nom diversement, Faluppos, Feruppes, Floupes , & par les François Foules . Ces peuples habitent au nord & au midi du Sénégal; mais d'ailleurs nous les connoissons si peu, que quelques voyageurs nous assurent qu'ils sont mahométans & assez civilisés, tandis que d'autres prétendent qu'ils sont payens & sauvages. On convient en general que le pays des Foules abonde en pâturages, en dattes, & mil, & que ces peuples tiennent le milieu pour la couleur entre les Maures & les Negres, moins noirs que ces derniers, & plus bruns que les premiers. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOULE FOULE, voyez l'article Fouler . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foulé Author=Diderot Normalized Classification=Raffinage de sucre Part of Speech=adject Foulé * Foulé , adj. pris subst. chez les Raffineurs de sucre; il se dit d'un pain, lorsque l'humidité de l'eau qu'on n'a pû suffisamment égoutter à cause des grandes chaleurs, en a fait affaisser & fondre la pâte sur les lattes de l'étuve. Voyez Pate & Etuve . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULEE Author=Diderot Normalized Classification=Chamoiseur Part of Speech=s.f. FOULÉE * FOULÉE, s. f. terme de Chamoiseur; il se dit d'une certaine quantité de peaux de chevre ou de mouton, passées en huile & mises en pelote, pour étre portées dans la pile du moulin. La foulée est communément ce soixante pelotes, & la pelote de quatre peaux. Voyez l'article Chamoiseur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foulée Author=Diderot Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Foulée * Foulée , ( Vénerie. ) c'est la trace legere que le pié de la bête a laissée sur l'herbe, les feuilles, le sable, ou la terre: on dit aussi foulure -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULER Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. FOULER * FOULER, v. act. ( Gram. ) au simple, presser fortement , soit avec les piés soit avec les mains, soit avec un instrument; ce verbe a un grand nombre d'acceptions différentes. On est foule dans un grand concours de monde; on foule le drap, la vendange, le chapeau, la terre: au figuré, en foule les peuples, lorsqu on les charge d'impôts excessifs; on foule la gloire aux piés, par l'extreme mépris qu'on en fait; il se dit aussi de la vertu, de ses devoirs, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouler Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=NA Fouler * Fouler , chez les Chapeliers , c'est presser le feutre sur une table de foule ou sur un fouloir avec le roulet, à l'eau chaude, chargée de la lie des Vinaigriers. On ajoûte à l'eau la lie exprimée des Vinaigriers, parce qu'il faut pour amollir les poils & d'autres substances animales, un degré de chaleur supérieur à l'eau bouillante, que la lie donne à l'eau. Il en est de cette manoeuvre ainsi que de toutes les dissolutions de sels dans l'eau. Voyez les articles Chapeau , Rouler . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouler le Cuir Author=Diderot Normalized Classification=Corroyerie Part of Speech=NA Fouler le Cuir * Fouler le Cuir , terme de Corroyeur , c'est une des préparations qui se réiterent souvent dans la fabrique des cuirs corroyés. On foule les cuirs une premiere fois avec les piés, après qu'ils ont séjourné pendant quelque tems dans une cuve pleine d'eau; cela s'appelle, en terme du métier, fouler pour amollir . On fait la même opération une seconde fois; ce qui se nomme fouler pour retenir; & enfin on foule les cuirs une troisieme fois, après leur avoir donne le suif; & c'est fouler pour crépir. Voyez la fig. A de la vignette du Corroyeur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouler le Cuir Author=Diderot Normalized Classification=Hongrieur Part of Speech=NA Fouler le Cuir * Fouler le Cuir , terme de Hongrieur , c'est agiter & presser le cuir en marchant dessus, dans un cuvier long fait en forme de baignoire, où l'on a mis de l'eau chaude imprégnée de sel & d'alun qu'on y a fait dissoudre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fouler le Drap Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fouler le Drap * Fouler le Drap , voyez à l'article Laine les ouvrages de manufacture en laine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULERIE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FOULERIE * FOULERIE, s. f. attelier où on foule & où l'on prépare des draps ou des étoffes. Voyez Foulon . Ce mot s'entend principalement du moulin à foulon: ainsi quand on dit, il faut porter un drap, une serge, &c. à la foulerie , on veut dire qu'il faut les envoyer au moulin, pour y être dégraissés, foulés , ou dégorgés. Voyez l'article Laine , Manufacture en Laine -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foulerie Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=NA Foulerie * Foulerie , chez les Chapeliers , c'est l'attelier où sont dressées les fouloires, & où le fourneau & la chaudiere à fouler sont placés. Au milieu de la foulerie est la chaudiere, qui contient jusqu'à quatre ou cinq seaux d'eau: il y a tout-autour des fouloires plus ou moins, selon le nombre des compagnons; enfin sous la chaudiere est le fourneau. Ces atteliers se nomment plus ordinairement batteries. Voyez Chapeau . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULOIR Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOULOIR * FOULOIR, s. m. instrument avec lequel on foule. Le fouloir des Chapeliers se nomme roulet. Voy . Roulet , & les figures des Planches du Chapelier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULOIRE Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=s.f. FOULOIRE * FOULOIRE, s. f. c'est ainsi que les Chapeliers appellent la table sur laquelle ils foulent leurs chapeaux; elle est faite comme un étau à boucher, c'est-à-dire arrondie par dessus; mais avec cette différence, qu'elle est élevée du côté de l'ouvrier qui foule, & en pente du côté de la chaudiere où elle est scellée, afin que la lie dont on se sert pour fouler les chapeaux, puisse retomber dans la chaudiere. Voyez l'article Chapeau , & les Planches du Chapelier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULON, ou FOULONIER Author=Diderot Normalized Classification=Draperie Part of Speech=s.m. FOULON, ou FOULONIER * FOULON, ou FOULONIER, s. m. ( Draperie. ) ouvrier que l'on employe dans les manufactures pour fouler, préparer, ou nettoyer les draps, ratines, serges, & autres étoffes de laine, par le moyen d'un moulin, pour les rendre plus épaisses, plus compactes, & plus durables. Voyez Fouler . La fonction des foulons , chez les Romains, étoit de laver, nettoyer, & de mettre les draps en état de rendre service; ils jugeoient ce métier d'une si grande importance, qu'il y avoit des lois formelles qui prescrivoient la maniere dont cette manufacture devoit s'executer: telle fut la loi metalla de fullonibus. Voyez aussi Pline, l. VII. cap. lvj . Ulpian, leg. xij. ff. de furtis, l. XIII. §. 6 . Locati, l. XII. §. 6. ff. &c. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foulon, terre à foulon Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Foulon * Foulon , terre à foulon , c'est ainsi que l'on appelle une terre fossile, grasse, & onctueuse, abondante en nitre, qui est d'un très-grand usage dans les manufactures d'étoffes de laine. Voyez Terre . Elle sert à nettoyer ou à écurer les draps, les étoffes, &c. à repomper toute la graisse & toute l'huile nécessaire à la préparation des étoffes de laine. Voy . Laine , Carder , Tistre , ou Fabriquer au Métier , Drap ou Etoffe , &c. On tire une grande quantité de terre à foulon de certaines fosses proche Brich-hill en Staffordshire, province d'Angleterre, de même que près de Riegata en Surry, proche Maidstone dans le comté de Kent; proche Nutley & Petworth, dans le comté de Sussex, & près de Wooburn en Bedfordshire. Cette terre est absolument nécessaire pour bien préparer les draps ou les étoffes de laine; c'est pourquoi les étrangers qui peuvent faire venir clandestinement des laines d'Angleterre, ne peuvent jamais atteindre à la perfection des draps d'Angleterre, &c. sans cette terre à foulon . C'est la raison qui a déterminé à en faire une marchandise de contrebande: il y a les mêmes peines établies contre ceux qui transportent de cette terre en pays étranger, que pour l'exportation des laines. Voyez Contrebande . Excepté en Angleterre, on fait par-tout un très grand usage d'urine, au lieu de terre à foulon; cette terre abonde en sel végétal, qui est fort propre à accélérer la végétation des plantes: c'est pourquoi M. Plat & quelques autres la regardent comme un des moyens les plus capables d'améliorer les terreins. Quand elle est dissoute dans le vinaigre, elle dissipe les boutons ou les pustules, les élevures; elle arrête les inflammations, & guérit les brûlures. Herbe à foulon, chardon à carder. Voyez Chardon . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULQUE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=s.f. FOULQUE FOULQUE, s. f. fulica , ( Hist. nat. Ornitholog. ) oiseau aquatique auquel on donne plus communément le nom de poule d'eau. Voyez Poule d'eau ; on l'a aussi appellé diable , parce qu'il est noir. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOULURE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FOULURE FOULURE, s. f. Voyez Entorse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foulure Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Foulure Foulure , ( Manége, Maréchall. ) terme qui dans notre art a plusieurs acceptions; il indique une extension violente & forcée des tendons, des ligamens, d'une partie, ou d'un membre quelconque; en ce cas, il a la même signification que les mots entorse, effort . On s'en sert encore pour désigner une contusion externe occasionnée par quelque compression; telle est, par exemple, celle qui résulte du frotement & de l'appui de la selle sur le garot, lorsque les arçons trop larges ou entr'ouverts ont permis à l'arcade de reposer sur cette partie, &c. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foulure Author=Diderot Normalized Classification=Corroyerie Part of Speech=NA Foulure * Foulure , terme de Corroyeur , il se dit de la façon que les cuirs reçoivent quand on les foule. Les Corroyeurs ont deux sortes de foulure , savoir la foulure à sec , & la foulure avec mouillage; mais toutes les deux se donnent avec les piés nuds. Voyez Corroyer , & la fig. A, Pl. du Corroyeur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUR Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FOUR FOUR, s. m. en Architecture , c'est dans un fournil ou cuisine, un lieu circulaire à hauteur d'appui, voûté de brique ou de tuileau, & pavé de grands carreaux, avec une ouverture ou bouche, pour y cuire le pain ou la pâtisserie. Voyez l'article suivant . On appelle four banal ou four seigneurial & public, celui où des vassaux sont obligés de faire cuire leur pain. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Four de Boulanger Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Four * Four de Boulanger; il se dit de tout le lieu où l'on fait cuire le pain, mais particulierement d'un ouvrage de maçonnerie composé de tuileaux ou de brique liés avec du plâtre ou de la chaux, & fermé par en-haut d'une voûte surbaissée, sous laquelle est un âtre ou aire plate où on range le pain. Le four n'a qu'une seule entrée par-devant, qu'on nomme proprement bouche de four. Voyez les fig. 1 & 2. Pl. du Boulanger . La fig. 1 . représente le four par-devant, où on voit la bouche & la plaque C D F E , qui la ferme, & la hotte G H de la cheminée M , par où s'échappe la fumée du bois que l'on fait brûler dans le four , pour le chauffer au point que la chaleur puisse faire cuire le pain qu'on y met, après avoir retiré la braise avec le rable & l'écouvillon. Voyez les figures de ces deux instrumens, fig. 6 & 8. Pl. du Boulanger . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Four à Chaux Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Four à Chaux Four à Chaux , voyez l'article Chaux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Four de Campagne Author=Diderot Normalized Classification=Confiseur Part of Speech=NA Four de Campagne * Four de Campagne , en terme de Confiseur , est un four de cuivre rouge portatif, long, & de trois ou quatre doigts de hauteur, un peu élevé sur ses piés, pour qu'on puisse y mettre du feu dessous selon le besoin, & garni d'un couvercle rebordé pour retenir le feu qu'il faut quelquefois mettre dessus. Voyez la fig. 5 . Pl. du Confiseur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Four des grosses forges Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Four Four des grosses forges, voyez Grosses Forges . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Four de Verrerie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Four Four de Verrerie, voyez Verrerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Four (le-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Four Four ( le-), Géog. écueil ou grande roche toûjours découverte, sur la côte de Bretagne, vis-à-vis du bourg d'Argenton: c'est à cause de cette roche, que l'on nomme le passage du Four la route que prennent les navires entre la côte de Bretagne & les iles d'Onessant, pour éviter le grand nombre de rochers dont cette côte est bordée. Les tables des Hollandois donnent à cet écueil 11 d . 54'. de longit. & 48 d . 35'. de latit . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURBER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FOURBER * FOURBER, v. act. c'est tromper d'une maniere petite, obscure, & lâche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURBERIE Author=unknown Normalized Classification=Iconologie Part of Speech=s.f. FOURBERIE FOURBERIE, s. f. ( Iconol. ) on la représente sous la figure d'une femme, tenant un masque dans une de ses mains, & ayant un renard à côté d'elle. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURBIR Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FOURBIR FOURBIR, v. act. nettoyer, rendre poli & luisant; ce mot se dit plus particulierement des armes: fourbir une cuirasse, un casque, & encore plûtôt des épées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURBISSEUR Author=Lucotte5 Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOURBISSEUR FOURBISSEUR, s. m. celui qui fourbit; il ne se dit plus que de l'artisan qui fourbit & éclaircit les épées, qui les monte & qui les vend. Voyez Fourbir . Les outils & instrumens dont se servent les maitres fourbisseurs , sont divers marteaux, toutes sortes de limes, des tenailles de fer, des cisailles, des rapes, des bigornes, des étaux, soit à main soit à établi; un tas, des grateaux, des brunissoirs, des forets avec la palette & leur archet, quantité de différens mandrins, comme ceux qu'ils nomment mandrin de plaque, mandrin de garde, mandrin de corps, mandrin de branche, & mandrin debout; une pointe, des pinces rondes, quarrées & pointues; une chasse-poignée, une boule au chasse-pommeau; des filieres à tirer l'or, l'argent, le cuivre: grand nombre de ciselets, entr'autres, des gouges, des feuilles, des rosettes, des perloirs, des frisoirs, des masques, des matoirs, des pointes, des grattoirs, des couteaux à refendre, des filieres, & quelques-autres qui servent à damasquiner & ciseler en relief les gardes, plaques, & pommeaux d'épée; enfin divers burins & instrumens de bois sans nom, pour soûtenir le corps de la garde en la montant. Voyez une grande partie de ces outils, Pl. du Fourbisseur . Les maîtres de cette communauté sont qualifiés, maitres jurés Fourbisseurs & Garnisseurs d'épées & autres batons au fait d'armes, de la ville de Paris . Ils ont droit de fourbir, monter, garnir, & vendre des épées, des lances, des dagues, des hallebardes, des épieux, des masses, des pertuisannes, des haches, & les armes qu'on a inventées de nouveau, & dont on se sert en la place des anciennes. Quatre jurés, dont deux sont élus tous les ans, veillent à l'observation des réglemens, & doivent faire les visites deux fois le mois; ils donnent le chef-d'oeuvre aux aspirans à la maitrise, & appellent quatre bacheliers de ceux qui sont les derniers sortis de jurande, pour juger si le chef-d'oeuvre est recevable. Pour être reçû au chef-d'oeuvre, il faut avoir fait apprentissage de cinq ans chez les maîtres de Paris. Les apprentis des autres villes y peuvent néanmoins être reçûs, en justifiant de trois années de leur apprentissage, & en le continuant encore trois autres à Paris. Les fils de maîtres, même des maîtres de lettres, ne sont point tenus au chef-d'oeuvre. Les veuves joüissent de tous les priviléges de leurs maris, à la reserve du droit de faire des apprentis: elles peuvent cependant achever celui qui est commencé. Aucune marchandise foraine ne peut être achetée par les maîtres, qu'elle n'ait été visitée des Jurés; & même après la visite, elle est sujette au lottissage. Les maîtres Fourbisseurs peuvent seuls dorer, argenter, & ciseler les montures & garnitures d'epées & autres armes; comme aussi y faire & mettre des fourreaux. Le bois qui sert à la monture des fourreaux se tire de Villers-Cotterets; on n'y employe guere que du hêtre qu'on achette en feuilles de quatre pouces de large, & de deux ou trois lignes d'épaisseur; & qu'après avoir dressé avec des rapes, on coupe le long d'une regle avec un couteau, pour les réduire & partager en une largeur convenable à la lame qui doit y être enfermée: ces feuilles de hêtre se vendent ordinairement au cent. On n'employe point d'autre moule pour faire ces fourreaux, que la lame même de l'épée, sur laquelle on place d'abord le bois, qu'on couvre ensuite de toile, & enfin d'un cuir bien passé qu'on coud par-dessus, après avoir collé le tout ensemble. On met un bout de métal à la pointe & un crochet au haut. Il y a des maîtres Fourbisseurs qui ne s'appliquent qu'à la fabrique des fourreaux; d'autres qui ne font que des montures; & d'autres qui montent les épées, c'est-à-dire qui y mettent la garde & la poignée. Les Fourbisseurs de Paris ne forgent point les lames qu'ils montent; ils les tirent d'Allemagne, de Franche-Comté, de S. Etienne en Forez; ces dernieres ne servent que pour les troupes; celles d'Allemagne sont les plus fines & les plus estimées, celles de Franche-Comté tiennent le milieu: elles se vendent toutes au cent, à la grosse, à la douzaine, & à la piece. Voy. les dict. de Chambers, de Trévoux, & du Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURBU Author=unknown Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=NA FOURBU FOURBU, ( Maréchallerie. ) cheval fourbu, voyez Fourbure . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURBURE Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=s.f. FOURBURE FOURBURE, s. f. ( Maréchall. ) maladie d'autant plus aisée à reconnoître, qu'elle se manifeste à tous les yeux par la roideur de l'animal, par la difficulté avec laquelle il manie ses membres, par la sorte de crainte & de peine qu'il témoigne quand il pose les piés sur le terrein, par l'attention avec laquelle il évite alors des appuyer sur la pince, par la foiblesse du train de derriere qui, lorsqu'il est entrepris, flote continuellement quand l'animal chemine; ses jambes postérieures s'entre-croisant alternativement à chaque pas, par le dégoût qui l'affecte, par une tristesse plus ou moins profonde, enfin par un battement de flanc & une fievre plus ou moins forte, selon les causes, les degrés, & les progrès du mal. Ces causes sont ordinairement un travail excessif & outré; un refroidissement subit, succédant à une violente agitation, soit que l'on ait imprudemment abreuvé le cheval au moment où il étoit en sueur, soit qu'on l'ait exposé dans cet état à un air vif & humide, soit qu'on l'ait inconsidérément conduit à l'eau; une douleur qui attaquant un des membres, & ne permettant à l'animal aucune espece d'exercice, le contraint de séjourner long-tems dans l'écurie; une nourriture trop abondante proportionnément au travail qu'on exige de lui, une trop grande quantité d'avoine; des alimens, tels que le verd de blé & même le verd d'orge quand ils sont épiés; des saignées copieuses; des flux violens spontanés, ou produits par des purgatifs forts & drastiques, &c. Lorsque l'on envisage les symptomes de la fourbure & tous les évenemens qui y donnent lieu, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle dépend principalement de l'épaississement de la partie blanche ou lymphatique du sang, ainsi que de l'irrégularité du mouvement circulaire, ou du vice de toute la masse, s'il y a fievre, oppression, dégoût, &c. Les vaisseaux destinés à charrier la lymphe, abondent & sont en un nombre infini dans toutes les parties membraneuses: or celles qui enveloppent les articulations éprouvant dès-lors un engorgement plus ou moins considérable, le jeu des membres s'exécutera avec moins de liberté & d'autant plus difficilement que la liqueur mucilagineuse répandue entre les pieces articulées à l'effet d'en favoriser les mouvemens, participera inévitablement du défaut de celle d'où naîtront les premiers obstacles, & que les nerfs étant infailliblement comprimés, l'animal ne pourra que ressentir lors de son action & même dans les instans de son repos, des douleurs plus ou moins vives, suivant l'exces & la force de la compression, & selon la quantité des particules âcres & salines, dont l'humeur se trouvera imprégnée. Tout ce qui pourra exciter une forte dissipation, ralentir, ou précipiter la marche des fluides, forcer les molécules lymphatiques à pénétrer dans les tuyaux trop exigus qu'elles engorgent nécessairement, susciter la constriction des petits vaisseaux, la coagulation, l'augmentation de la consistance naturelle des liqueurs, sera donc regardé, avec raison, comme la cause occasionnelle & évidente de la maladie dont il s'agit. Est-elle récente; ne provient-elle que de la constriction des canaux, ou d'un leger embarras; ne se montre-t-elle que comme un simple engourdissement dans les extrémités antérieures? elle cede facilement aux remedes: mais l'épaississement est-il à un certain degré; les fluides ont-ils contracté une certaine acrimonie; la fievre attaque-t-elle l'animal; l'humeur intestinale paroit-elle dans les excrémens comme un mucilage épais, ou sous la forme d'une toile graisseuse qui les enveloppe? elle sera plus rebelle & plus difficile à vaincre. Tout indique d'abord la saignée dans de pareilles circonstances. En desemplissant les vaisseaux, la masse acquierra plus de liberté, & les engorgemens diminueront. Cette opération sera réitérée, si la fourbure est accompagnée de la fievre; elle suffira même pour opérer l'entiere guérison de l'animal, lorsque les symptomes ne présageront rien de formidable, pourvû que l'on multiplie en même tems & promptement les bains de riviere, qui ne seroient pas convenables dans le cas où la maladie seroit ancienne, & où les fibres auroient perdu leur ressort. Les lavemens émolliens seront encore mis en usage, ainsi qu'un régime délayant & humectant; on retranchera entierement l'avoine; on promenera avec soin & en main le cheval, plusieurs fois par jour, mais on ne lui demandera qu'un exercice court & modéré; un mouvement trop long & trop violent fatigueroit incontestablement l'animal, & pourroit occasionner l'inflammation, la rupture des petits vaisseaux & des dépôts sur les parties. Les purgatifs seront encore administrés avec succès; on les fera succéder aux délayans & aux lavemens, & l'on passera ensuite aux médicamens propres à diviser & à atténuer la lymphe. Ceux qui ont le plus d'efficacité sont les préparations mercurielles. On ordonnera donc l'aethiops minéral, à la dose de quarante grains jusqu'à soixante, jettés dans une poignée de son; on pourra même humecter cet aliment avec une décoction de squine, de salsepareille, de sassafras, & terminer la cure par la poudre de viperes. Ces remedes internes ne suffisent point; il est à craindre que le séjour de l'humeur dans les vaisseaux qui sont fort éloignés du centre de la circulation, & que l'engorgement qui y augmente toûjours, produisent dans le pié les plus grands desordres. On s'efforcera de prévenir l'enflure de la couronne, les cercles de l'ongle, les tumeurs de la sole, la chûte du sabot, par des topiques repercussifs & resolutifs, tels que l'essence de terebenthine, dont on oindra exactement & sur le champ la couronne, sur la quelle on appliquera de plus un cataplasme de suie de cheminée, délayée & détrempée dans du vinaigre. On mettra aussi de cette même essence chaude, ou de l'huile de laurier, ou de celui de pétrole, ou de celui de romarin sur la sole; on y appliquera encore un cataplasme de fiente de vache bouillie dans du vinaigre: toutes ces précautions pourront garantir la partie des accidens qui sont à redouter. Le premier de ceux dont j'ai parle, survenu par la négligence ou l'ignorance du maréchal, on dégorgera la couronne par plusieurs incisions pratiquées avec le bistouri, & l'on en reviendra aux mêmes topiques prescrits; si le mal est tel que l'on entrevoit des difformités sensib es dans la sole, on doit conclure de l'inutilité des médicamens externes que j'ai indiqués, que les piés de l'animal seront à jamais douloureux, malgré toutes les ressources de l'art & les attentions qui suivront les opérations de la ferrure. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURCATS Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m.pl. FOURCATS FOURCATS, s. m. pl. ( Marine. ) quelques-uns les nomment aussi fourcals, fourques, fours, sanglons; ce sont des pieces de bois triangulaires, dont l'une des extrémités est posée sur la quille; à chaque bout vers l'arriere & vers l'avant, au lieu de varangues, les deux extrémités qui sont en-haut se joignent au bout des genoux appellés de revers . Elles sont fourchues, & se mettent après les varangues, acculées vers l'endroit où le vaisseau se retrécit le plus; elles sont bien plus ceintrées que les varangues acculées, & achevent de donner les façons au vaisseau. On leur donne les noms de fourques & de fourcats , à cause qu'elles sont fourchues. Voyez Marine, Planche IV . fig. 1 . n°. 16. les fourcats de l'avant; & n°. 17. les fourcats de l'arriere. Il y a encore des fourcats de liaison à l'avant & a l'arriere; voyez-les, dans la même figure , marqués du n°. 37. Voyez aussi, Planche VI . la forme particuliere des fourcats . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURCHE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. FOURCHE * FOURCHE, s. f. ( Gramm. ) instrument ou de bois, ou de fer, ou d'autre matiere, compose d'une tige, d'un manche ou fust, plus ou moins long, & terminé par une, deux ou trois pointes ou branches droites & aiguës, qu'on appelle des fourchons. Voy. dans les articles suivans , les différentes acceptions de ce mot. Les fourches de fer sont ordinairement à trois fourchons; elles servent à remuer le fumier & à le charger. Le taillandier les fait de quatre pieces; il forge la douille, puis le fourchon du milieu, ensuite les deux autres. Il les soude tous trois separément, les deux seconds à côté de celui du milieu. Voyez nos Planches de Taillanderie . 16 fourchon du milieu enlevé, 17 douille enlevée, 18 douille tournée & enlevée, 19 fourche avec deux fourchons reparés, & le troisieme prêt à être soudé; 20 la fourche entierement reparée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourches patibulaires ou Gibet Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fourches patibulaires Fourches patibulaires ou Gibet , ( Jurisp. ) sont des piliers de pierre, au haut desquels il y a une piece de bois posee en-travers sur deux de ces piliers, à laquelle piece de bois on attache les criminels qui sont condamnés à être pendus & étranglés, soit que l'exécution se fasse au gibet même, ou que l'exécution ayant été faite ailleurs, on apporte le corps du criminel pour l'attacher à ces fourches , & l'y laisser exposé à la vûe des passans. Ces fourches ou gibets sont toûjours placés hors des villes, bourgs & villages, & ordinairement près de quelque grand chemin, & dans un lieu bien exposé à la vûe, afin d'inspirer au peuple plus d'horreur du crime: c'est pourquoi ces fourches sont aussi appellées la justice , pour dire qu'elles sont le signe extérieur d'une telle justice. On appelle ces sortes de piliers fourches , parce qu'anciennement au lieu de piliers de pierre, ou posoit seulement deux pieces de bois faisant par en-haut la fourche , pour retenir la piece de bois qui se met en-travers, & à laquelle on attache les criminels. L'origine du terme de fourches patibulaires est même encore plus ancienne; elle remonte jusqu'aux premiers tems des Romains, chez lesquels, après avoir dépouillé le condamné à mort de tous ses habits, on lui faisoit passer la tête dans une fourche , & son corps attaché au même morceau de bois qui finissoit en fourche , étoit ensuite battu de verges jusqu'à ce que le condamné mourût de ses souffrances. Voyez Suetone, in Nerone, cap. xljx . Livius, lib. I. Seneca, lib. I. de ira, cap. xvj . Quelques-uns confondent les fourches patibulaires avec les échelles ou signes patibulaires, quoique ce soit deux choses différentes. L'echelle est bren aussi un signe de haute-justice, mais elle ne sert pas a mettre à mort; elle n'est destinée qu'à pilorier. A l'égard du simple signe patibulaire, ce nom se donne quelquefois au simple poteau ou carcan, qui est aussi une marque de haute-justice. Les simples seigneurs hauts-justiciers ne peuvent avoir que deux piliers. Peronne, art. 20 . Grand-Perche, 11. Blois, 20. Les châtelains en ont trois; les barons en ont quatre; les comtes en ont six. Tours, art. 74 . L'usage n'est cependant pas absolument uniforme à ce sujet; car il y a des coûtumes où les seigneurs châtelains peuvent avoir des fourches patibulaires à trois ou quatre piliers; celle de Blois, art. 24. permet au moyen-justicier d'en avoir à deux piliers: cela dépend aussi des titres & de la possession. Le roi comme souverain peut faire élever au-dedans de ses justices tel nombre de piliers que bon lui semble. Lorsque les fourches patibulaires des seigneurs sont tombées de vetusté ou autrement, elles doivent être rétablies dans l'an & jour de leur destruction; passe lequel tems elles ne peuvent être relevées sans lettres du prince, dont l'entérinement doit être fait au bailliage royal, sur les conclusions du procureur du roi & sur le vû de pieces: autrement les fourches patibulaires ne pourroient être élevées que pour le tems des exécutions seulement; & l'exécution faite, le seigneur seroit obligé de les faire abattre. Voyez Bacquet, des droits de justice, ch. jx. n. 10. 11. 12 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Fourche Fourche , ( Archit. ) Voyez Pendentif . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourches pour carener Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fourches Fourches pour carener , ( Marine ) ce sont de longues & menues fourches de fer, qu'on emmanche au bout d'une épave, pour prendre le chauffage dans la carene, & le porter au vaisseau ou en tel autre lieu qu'il est besoin. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche de potence de pompe Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fourche Fourche de potence de pompe , ( Marine. ) Voyez Potence . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourches Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.f.pl. Fourches Fourches , s. f. pl. ( Hydraul. ) sont des tuyaux de cuivre qui s'emboîtent & se brident sur le corps de pompe de même matiere, avec des brides qui se joignent par des écrous de cuivre & des rondelles de plomb ou de cuivre entre deux. Il est essentiel que ces fourches soient de même diametre que le corps de pompe, ainsi que le tuyau montant. Voyez Machines hydrauliques , Pompe On appelle encore fourche ou branche , le tuyau qui se soude sur un autre dans la conduite des eaux. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche Author=Diderot Normalized Classification=Blanchisserie de cire Part of Speech=NA Fourche * Fourche , chez les Blanchisseurs de cire , c'est un instrument de bois long de quatre ou cinq piés, terminé à un bout par deux branches qui sortent de la même tige, de la longueur d'un pié environ. La fourche sert à ôter les rubans de la baignoire, & les mettre dans la manne. Voyez ces mots . Il y a une autre fourche qui ne differe de la premiere, que parce qu'elle est bien plus petite; ce qui la fait appeller fourchette; elle sert à régaler les rubans. Voyez Régaler & Rubans , & l'article Blanchir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourches ou Arbalêtres Author=Diderot Normalized Classification=Ouvriers en gase Part of Speech=NA Fourches * Fourches ou Arbalêtres , terme d'ouvriers en gase; ce sont des ficelles qui tiennent les lissettes dans le métier à faire des gases. Voyez Gase . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourches ou Branches Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fourches Fourches ou Branches , ( Jardinage. ) Voyez Fourchons . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Fourche Fourche , ( Manege. ) outil assez connu & nécessaire dans une écurie. Il est des fourches de bois; il est des fourches de fer. Le palefrenier se sert des unes & des autres; des premieres pour faire, pour remuer, & pour enlever la litiere; des secondes pour distribuer le fourrage dans le ratelier, & pour remuer le fumier, ou pour le ranger dans la cour destinée à cet effet. Le peu de confiance que mérite cette espece de gens, devroit engager à bannir toute fourche de fer de nos écuries; souvent le defaut de zele ou la paresse, les portent à en faire usage dans le cas où il seroit de leur devoir de se servir de la fourche de bois, & un coup d'un des fourchons de fer est capable de blesser dangereusement l'animal: d'ailleurs une fourche de bois est aussi propre au transport de la paille & du foin, que celles que nous conseillons de proscrire. ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche Author=Diderot Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=NA Fourche * Fourche , ( Verrerie. ) tringle de fer d'environ six piés de long, sur dix lignes de diametre. On s'en sert pour avancer ou reculer une barre de la grille. Voyez l'article Verrerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Fourche Fourche , ( Vénerie. ) bâton à deux branches, qui reçoit le forhu dans la curée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourche, Montagne de la Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fourche Fourche , ( Montagne de la ) Géog. haute montagne de Suisse, à l'extrémité orientale du pays de Vallais, qu'elle separe du canton d'Uri; ou plûtôt, c'est une chaine de montagnes fort hautes & fort étendues, ainsi appellées à cause de deux grandes pointes fort élevées en guise de fourches qu'on y remarque. C'est dans cette montagne qui fait partie des Alpes lépontiennes, que le Rhone a sa source, dans les glacieres éternelles dont elle est couverte. On confond quelquefois cette montagne, nommée en latin Bicornis, Furca , ou Furcula , avec celle de Saint-Gothard: c'est ici le grand chemin pour passer du canton d'Uri dans le Vallais. Voyez Scheuchzer, itinera Alpina, pag. 264 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURCHE ou FOURCHU Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FOURCHE ou FOURCHU FOURCHE ou FOURCHU, adj. ( Gramm. ) qui est terminé en fourche, ou qui a la forme de fourche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourché Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=s.m. Fourche * Fourche , s. m. ( Rubanier. ) se dit d'un patron symmétrique dont les deux côtés se ressemblent si parfaitement en tout, qu'on est obligé de n'en passer que la moitié. Supposons qu'un patron soit de 80 rames de large, on n'en passera que quarante, parce que cette quarantieme s'attachera à deux lissettes; de façon que ces deux lissettes étant levées par la même rame, doivent nécessairement produire le même effet que si toutes les rames étoient passées. Un exemple éclaircira ceci. Il est bien sûr que la premiere rame du patron levant & sa propre lissette, & la quatre-vingtieme lissette que devroit lever la quatre-vingtieme rame, l'effet de ces deux lissettes doit produire la même chose que si elles étoient levées chacune par leur propre rame: ainsi des autres. On voit que la quarantieme rame portera avec sa lissette, la lissette de la quarante-unieme rame, en rétrogradant toûjours. Ces lissettes ainsi attachées doubles à chaque rame passée, sont mises sur les différentes brochettes d'un rateau, qui est attaché lui-même au porte-rames de devant. Ce double emploi est d'une grande ressource, en ce qu'il épargne du tems pour le passage des rames, & fait éviter l'embarras que toutes les rames produiroient dans les hautes lisses, si elles y étoient toutes passées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourché ou Fourchu Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Fourché Fourché ou Fourchu , en terme de Blason , se dit de ce qui est divisé en deux, & particulierement de la queue du lion renversée de cette maniere dans quelques écus. On appelle croix fourchée , celle dont les branches se terminent par trois pointes, qui forment deux angles rentrans. Voyez nos Planches de Blason . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURCHETE Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject FOURCHETÉ FOURCHETÉ, adj. terme de Blason: on appelle croix fourchetée , celle qui a ses branches terminées en ces sortes de fourchettes dont on se servoit pour porter les mousquets. Voyez nos Planches de Blason . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURCHETTE Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA FOURCHETTE FOURCHETTE, subst. f. ( Gramm. ) petit instrument en forme de fourche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Fourchette Fourchette , ( Anat. ) en latin fraenum vulvae; la partie inférieure de la vulve, & qui en fait la séparation d'avec l'anus. Parlons-en avec plus d'exactitude. La fourchette est proprement l'union des grandes levres par leur partie inférieure; l'on y remarque un ligament membraneux, qui se trouve tendu dans les filles, relâché dans celles qui ont souffert l'approche d'un homme, & presque toûjours déchiré dans les femmes qui ont eu des enfans. Ce déchirement de la fourchette (pour me servir du terme des Accoucheurs) est une suite ordinaire de l'excessive dilatation que souffre ce lien membraneux au passage du foetus. Il arrive même dans des accouchemens laborieux, que non-seulement la partie inférieure de la vulve se déchire par la sortie de l'enfant, mais encore l'espace qui est entre la partie inférieure de la vulve & l'anus: dans ce triste cas, l'ouverture du vagin & celle du fondement se joignent ensemble à l'extérieur, & ne forment plus qu'un seul conduit. Si on laissoit cette dilacération sans en procurer la réunion, il est bien vrai que la femme devenant une autre fois grosse, accoucheroit avec plus de facilité, & sans être en danger d'essuyer un nouveau délabrement dans sa couche; mais ces parties restant dilatées, la vulve est tellement salie par les excrémens, que la femme en devient dégoûtante & à son mari & à elle-même: c'est pour cette raison qu'il vaut beaucoup mieux réunir ce déchirement le plûtôt qu'il est possible, & même en cas de besoin par une forte suture qui engage toute la longueur de la division. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Fourchette Fourchette , instrument de Chirurgie dont on se servoit pour élever & soûtenir la langue des enfans, quand on leur coupe le filet. Elle est semblable à une fourchette ordinaire à deux fourchons, excepté que ces fourchons sont mousses & courts. Il n'est pas nécessaire d'avoir un instrument particulier pour élever & soûtenir la langue; l'extrémité qui sert de manche à une sonde cannelée ( Voyez la fig. 6 . Pl. II . ) pouvant servir beaucoup plus utilement à cet usage. Voyez Filet . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=NA Fourchette Fourchette , ( Maréchallerie. ) c'est ainsi que l'on nomme la portion qui plus ou moins élevée sous le pié du cheval & au milieu de la sole, présente la figure d'un cone, dont la pointe seroit tournée endevant, & dont la base échancrée répondroit aux talons. Voyez Ferrure . La fourchette doit être proportionnée au pié dont elle est une dépendance. Ceux qui ont prétendu qu'une fourchette petite & desséchée est le partage d'un pié encastelé, parce que le retrécissement du talon la prive de nourriture & l'affame, ont-ils refléchi que l'on peut répondre que le desséchement de cette partie, desséchement qui d'ailleurs annonce l'aridité de l'ongle, contribue au contraire à l'encastelure, & prouve que l'animal y a de la disposition? Son volume extreme est une imperfection considérable, à laquelle les chevaux dont les talons sont bas, sont fort sujets; elle est en eux une cause fréquente de claudication. Nous nommons ces sortes de fourchettes, fourchettes grasses; & les fourchettes trop petites, fourchettes maigres . Toute fourchette de l'une ou de l'autre nature, caractérise ordinairement un mauvais pié; il est rare en effet que le pié soit bon, & qu'il ne soit pas d'une difformité prejudiciable, lorsque la nourriture ne se distribue pas également dans toutes les parties qui le composent. Nous disons encore que le cheval fait fourchette neuve , lorsque cette portion du sabot se corrompt, conséquemment à des causes externes ou internes, & que par sa chûte elle fera place à une portion semblable produite au-dessous d'elle & qu'elle nous cache. Les fourchetes grasses, celles des piés plats & des chevaux épais & chargés d'humeurs, tombent fréquemment en pourriture; nous y entrevoyons une humidité très-fétide; & si des causes internes occasionnent cette corruption, selon le degré de l'âcreté de l'humeur qui y afflue, le mal est plus ou moins dangereux. Voyez Fic . Les fourchettes maigres n'en sont pas exemptes; il arrive très-souvent qu'elles pourrissent, lorsque nous laissons trop long-tems des chevaux sur leur vieille ferrure, & que nous en parons trop rarement le pié. L'expérience seule suffit pour prouver cette vérité, relativement même à des chevaux d'Espagne & des chevaux barbes. Quoi qu'il en soit, dans le cas où la chûte de la fourchette provient de la perversion & de l'affluence des humeurs sur cette partie, les médicamens intérieurs, tels que ceux que j'ai prescrits ( voy. Eaux ), sont absolument indispensables; on recourra ensuite à des topiques legerement rongeans, tels que l'onguent d'aegyptiac, que l'on assujettira & que l'on fixera sur la partie par le moyen des plumaceaux que l'on en aura chargé, & on peut encore employer l'eau de chaux, l'eau seconde, l'eau infernale faite avec la céruse à la dose double du verd-de gris & de cantharides, infusée dans l'esprit-devin pendant quarante-huit heures sur la cendre chaude, ou saupoudrer la fourchette avec l'alun de roche, ou le verd-de-gris, ou de la couperose verte ou blanche, ou de la céruse, ou de la thutie, & recouvrir dèslors le tout avec l'aegyptiac; la teinture de myrrhe & d'aloès produit encore d'admirables effets, &c. Les uns & les autres de ces remedes externes seront appropriés à l'état du mal, & seront suffisans pour en opérer la guérison, si néanmoins la source n'en est pas dans l'intérieur. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Fourchette Fourchette , en Architecture , c'est l'endroit où les deux petites noues de la couverture d'une lucarne se joignent à celle d'un comble. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Cardeur Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , chez les Cardeurs , c'est un morceau de bois presque quarré, de la forme d'une chaise avec son dossier. La parue évidée est presque remplie de vieux cuir; la surface qui a forme de dossier, garnie de deux aiguilles longues d'environ un demi-pouce. Cet outil sert à percer le feuillet. Voyez Feuillet & l'article Cardier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , terme de Charron , ce sont deux morceaux de bois de charronage qui sont posés & enchâssés dans le train de devant, & qui sortent en-dehors, & forment une fourchette. Voyez dans les Planches du Charron , la figure qui représente un avant-train . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette (entre-deux de fourchettes) Author=Diderot Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , ( entre-deux de fourchettes ), terme de Charron , ce sont deux morceaux de bois enchâssés dans les mortaises faites à la face de dessous du lissoir de devant. Ces entre-deux de fourchettes sont faites en gentes, & forment un rond. Voyez les Planches du Charron . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Outil d'ouvriers Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , terme & outil de différens ouvriers; c'est un morceau de fer fait en Y, qui est planté sur leur établi, qui leur sert à assujettir les cisailles, & à les élever un peu au-dessus de l'établi. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , ( Cuisine. ) diminutif de fourche; c'est un petit instrument, ou d'étain, ou d'acier, ou de bois, ou de fer, ou d'argent, dont l'extrémité est divisée en branches ou fourchons pointus; on enfonce les fourchons dans un mets, & on le porte de cette maniere d'un plat sur son assiette, ou de l'assiette dans la bouche. Il y a des fourchettes de de cuisine de différentes grandeurs. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Grosses forges Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , ( Grosses Forges. ) voyez cet article . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Outil d'ouvriers Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , outil commun à plusieurs ouvriers , ce sont deux morceaux de bois de la longueur de 4 piés, serrés à vis par en bas, où leurs surfaces sont en talud; ce qui les fait écarter par en haut, où ils ne sont point arrêtés: ils sont larges d'environ quatre doigts; & on les met entre les mâchoires de l'étau, pour empêcher que les dents de l'étau ne marquent sur l'ouvrage, par exemple, sur la lame d'une épée quand le fourbisseur la monte. Voyez les Plane. du Fourbisseur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Fourchette Fourchette , signifie en Horlogerie , une piece 444. fig. 2 . Pl. I . de l'Horloger , qui recevant la verge du pendule dans une fente située à sa partie inférieure recourbée à angle droit, lui transmet l'action de la roue de rencontre, & la fait mouvoir constamment dans un même plan vertical. Le plan de cette fente est représenté en P F, fig. 17 . La fourchette est enarbrée par sa partie supérieure C sur la tige qui porte les palettes ou l'anchre; elle n'est d'usage que pour les pendules suspendues par des soies ou par des ressorts. Voyez Coq , Verge , Anchre , Pendule , &c. ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchettes Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fourchettes Fourchettes , ( Jardinage. ) sont de petits bâtons de bois taillés à dents, que l'on enfonce autour des cloches de verre placées sur les couches, pour les élever, afin de donner de l'air aux plantes. Il y a plusieurs étages à ces fourchettes , qui peuvent aussi, étant plus fortes, soûtenir des paillassons & brise-vents. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchette Author=Diderot Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=NA Fourchette * Fourchette , ( Verrerie. ) voyez l'article Verrerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchon Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. Fourchon * Fourchon , s. m. ( Gramm. ) c'est une des branches ou pointes qui terminent la fourche ou la fourchette. On dit une fourche, une fourchette à deux ou trois fourchons . Le trident n'est proprement qu'une fourche à trois fourchons . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchon Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.m. Fourchon Fourchon , s. m. ( Jardinage. ) on entend par ce mot la rencontre de deux branches qui viennent en forme de fourches. Cette branche , dit-on, fait le fourchon . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourchons de la fourche de la potence Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fourchons Fourchons de la fourche de la potence , ( Marine. ) oreilles ou branches de la fourche. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUREUR ou PELLETIER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOUREUR ou PELLETIER * FOUREUR ou PELLETIER, Voyez Fourreur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURGAGNER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FOURGAGNER FOURGAGNER, ( Jurisprud. ) c'est rentrer de la part du propriétaire dans son héritage, faute de payement de la rente; coût. de Namur, art. 76. & en la coût. des fiefs du comté de Namur, Tournay, tit. viij. art. 17 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURGON Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=s.m. FOURGON FOURGON, s. m. ( Charron. ) espece de charrette dont on se sert pour porter du bagage & des munitions, soit à la campagne, soit à l'armée. Elle est ordinairement à quatre roues, & chargée d'un coffre couvert de planches en dos d'âne. Dict. de Trévoux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourgon Author=unknown Normalized Classification=Chauderonnerie Part of Speech=NA Fourgon Fourgon , les maîtres Chauderonniers appellent le fourgon de la forge, un fer long d'environ deux piés, un peu large & applati par le bout, dont ils se servent pour attiser le charbon de leur forge. Ils en ont encore un autre pour retirer la braise; mais ils le nomment plus ordinairement croissant , à cause de la figure courbée qu'il a par le bout. Dictionnaire de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURIERE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. FOURIERE FOURIERE, s. f. en Architecture , c'est un bâtiment destiné à mettre le bois, charbon, &c. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURMI Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. FOURMI FOURMI, s. f. ( Hist. natur. ) formica , insecte qui subit diverses transformations, & qui vit en société comme les abeilles. Suivant les observations de Swammerdam, il paroit d'abord sous la forme d'un petit oeuf qui est composé d'une membrane sort mince & du ver de la fourmi qui en est revêtu; cet oeuf est lisse, luisant, & si petit qu'on ne l'apperçoit que difficilement. Le ver sort de l'oeuf en se dépouillant de sa membrane, & il la roule de façon qu'elle devient presqu'in visible; alors il n'a point encore de jambes, mais on distingue les douze anneaux sur le corps, & on voit la bouche, la tête est panchée sur la poitrine, & reprend cette situation toutes les fois que l'on essaye de la relever; lorsqu'il a pris son accroissement, tous les membres de la fourmi y sont déjà formés, mais ils restent cachés sous une enveloppe. Quoique ce ver ait du mouvement & plusieurs caracteres propres aux animaux, & qu'il soit quelquefois plus gros qu'une fourmi , cependant on croit vulgairement que c'est l'oeuf de cet insecte; & on en vend dans les marchés sous ce nom pour la nourriture des rossignols & d'autres petits oiseaux. Ses membres paroissent à découvert après qu'il s'est dépouillé de son enveloppe, & dans cet état on lui donne le nom de nymphe . On voit dans cette nymphe les deux yeux & les dents de la fourmi; ses antennes sont étendues sur la poitrine: elle a six jambes, trois de chaque côté, &c. Enfin tous les membres de la fourmi sont formes dans la nymphe; mais leur consistence est très-molle, & ils sont recouverts par une membrane fort mince. Lorsque la nymphe s'en dépouille, la couleur des yeux qui étoit blanche devient noire, les antennes, les jambes, & tout le corps entier changent aussi de couleur; toute l'humidité superflue s'exhale, tous les membres commencent à se mouvoir, & se debarrassent de la membrane qui les enveloppoit; alors la nymphe devient une vraie fourmi , mais c'est toûjours le même insecte que l'on a vu successivement sous la forme d'un oeuf, d'un ver, & d'une nymphe. Dans l'oeuf il étoit enveloppé d'une peau luisante & unie: dans le ver il étoit recouvert d'une peau velue & sillonnée: dans la nymphe la peau enveloppoit chacune des parties de l'insecte; enfin cette troisieme peau étant tombée, la fourmi paroit à découvert, & sous une forme qui ne change plus dans le reste de sa vie; sa peau se durcit & prend une consistence approchante de celle de la corne. Biblia naturoe, p. 287. & suiv . Il y a diverses especes de fourmis , & dans chaque espece, outre les mâles & les femelles, il y a encore les fourmis ouvrieres . Swammerdam a donré la description de ces trois sortes de fourmis de l'espece la plus commune qui se trouve dans les jardins & dans les prés. La fourmi ouvriere a la mâchoire inférieure divisée en deux parties qui sont courbes, qui avancent au-dehors, & qui sont terminées chacune par sept petites pointes; ces deux portions de mâchoire sont mobiles, & servent comme des bras pour transporter différentes choses, sur-tout les jeunes fourmis qui sont sous la forme de vers; la tête est separée de la poitrine par un étranglement fort court; il y a une partie mince & assez longue entre la poitrine & le ventre; la tête est aussi grosse, mais moins alongée que la poitrine; le ventre est à-peu-près aussi long que la poitrine, mais plus gros; les yeux sont noirs; les antennes ont une couleur brune, & se trouvent placées au-devant des yeux, une de chaque côté: elles sont hérissées de petites soies, & composées de douze pieces, dont la premiere est la plus longue; la tête & la poitrine sont revêtues d'une peau dure & inégale; les lombes forment le second étranglement qui est entre la poitrine & le venue; les six jambes tiennent à la poitrine, trois de chaque côté, & ont chacune quatre parties, dont la derniere est le pied; celle ci est de quatre pieces, posées successivement les unes au bout des autres, & la quatrieme a deux petits angles; le venue est velu de même que les jambes & le reste du corps, mais il a une couleur roussâtre. Swammerdam croit que les fourmis ouvrieres n'ont aucune des parties qui caractérisent le sexe du mâle & de la femelle: que par conséquent elles ne contribuent en rien à la propagation de l'espece, & qu'elles nourrissent & soignent les jeunes fourmis qui ne sont pas encore parvenues à leur derniere transformation. Les fourmis mâles & les femelles ont les deux portions de la mâchoire inférieure un peu plus petites que les fourmis ouvrieres: mais les yeux des mâles sont plus grands que ceux des femelles & des ouvrieres; les mâles & les femelles ont sur la tête trois tubercules semblables à de petites perles qui manquent aux fourmis ouvrieres; il y a aussi des différences dans la forme & la couleur de la poitrine, mais le mâle est caractérisé d'une maniere bien plus apparente par quatre aîles qui tiennent à la poitrine, deux de chaque côté, dont la premiere est plus grande que la seconde; il a aussi une couleur plus foncée, & il est plus grand que la fourmi ouvriere. Les nymphes des fourmis mâles different aussi des autres en ce qu'elles ont des ailes. On ne trouve pas des fourmis mâles dans les fourmilieres en tout tems; il est à croire qu'ils ont le sort des abeilles mâles que les ouvrieres tuent après que les femelles sont secondées. Aussi Swammerdam a souvent observé des fourmis ouvrieres qui maltraitoient des mâles. Les fourmis semelles sont non-seulement plus longues que les mâles & les ouvrieres, mais encore plus grosses. En les disséquant on y apperçoit aisément de petits oeufs de couleur blanche; la poitrine est de couleur moins brune que celle du mâle, & plus rousse que celle de la fourmi ouvriere. Swammerdam a observé que parmi les fourmis les plus communes en Hollande, il ne se trouve qu'un petit nombre de mâles & quelques femelles, en comparaison du grand nombre des fourmis ouvrieres. Il a ramassé ces insectes dans la campagne & dans des jardins pour les nourrir dans sa maison; & pour les voir plus commodément, il les empêchoit de se disperser au loin, en leur opposant de toutes parts un petit fossé plein d'eau qu'elles ne pouvoient pas franchir, car les fourmis fuient l'eau: pour cet effet il appliquoit sur un grand plat de terre concave un rebord de cire, & il l'étendoit dans toute la circonférence du plat, à quelque distance des bords, de sorte qu'il restoit un petit canal circulaire entre le rebord de cire & les bords du plat; il remplissoit d'eau ce petit canal, & il plaçoit les fourmis sur l'aire du cercle formé par le rebord de cire: dès qu'elles y avoient passé quelques jours, il s'y trouvoit de petits oeufs dont il sortoit des vers tels qu'ils ont été décrits plus haut; alors il voyoit les fourmis ouvrieres occupées à soigner ces vers, à les nourrir, & à les transporter d'un lieu à un autre, les tenant entre les deux prolongemens de la mâchoire inférieure. Dès que la terre dans laquelle elles étoient logées sur le plat, se desséchoit à la superficie, elles transportoient les vers & les nymphes au-dedans, à l'endroit le plus profond; & lorsqu'on versoit assez d'eau dans le plat pour inonder des vers, bientôt les fourmis ouvrieres les remontoient au-dessus de l'eau; mais si on ne répandoit qu'une petite quantité d'eau pour humecter seulement une partie de la terre, c'étoit dans cet endroit humecté qu'elles apportoient les vers qui se trouvoient dans une portion de terre trop seche, ce qui prouve que la terre humectée leur convient mieux que celle qui est trop seche ou trop mouillée. Les soins des fourmis ouvrieres sont si nécessaires à ces vers & à ces nymphes, que Swammerdam a tenté plusieurs fois, mais toûjours inutilement, d'en élever sans leur secours. Il nourrissoit les fourmis qu'il observoit avec du sucre, des raisins, des poires, des pommes, & d'autres fruits; jamais il ne les a vû construire d'autres nids que de petites routes qu'elles pratiquoient sous terre; elles se placent toûjours du côté qui est échauffé par le soleil, & elles y déposent leurs vers & leurs nymphes. Il n'a jamais trouvé dans ces fourmilieres de provisions pour l'hyver, & il pense que ces insectes ne prennent aucune nourriture dans les tems froids. Biblia naturoe, pag. 292. & suiv . Outre l'espece de fourmi dont il vient d'être fait mention, Swammerdam en avoit vû six autres. La premiere venoit du cap de bonne Espérance: elle étoit de couleur brune foncée. Il paroît par la figure que l'auteur a fait graver, qu'elle étoit plus de trois fois aussi grande que celle qui a été décrite. La seconde espece se trouva en Hollande; la figure qui en a été gravée dans l'ouvrage de Swammerdam est à-peu-près de la même grandeur que celle de la fourmi mâle de l'espece ordinaire; l'auteur n'a pas pû reconnoître si c'étoit une femelle ou une ouvriere, mais cette fourmi n'avoit point d'aîles comme les mâles, qui étoient aussi un peu plus grands; elle avoit une couleur rougeâtre. Ce qu'il y a de plus singulier dans les fourmis de cette espece, c'est que les nymphes sont renfermées dans des coques tissues de fils, comme une sorte de toile; ces coques étoient beaucoup plus grosses que les fourmis ouvrieres qui les transportoient. Les fourmis de la troisieme espece étoient plus petites que les fourmis ordinaires, plus noires & plus luisantes: l'auteur les trouva sur des saules. Celles de la quatrieme espece étoient encore plus petites, mais plus épaisses, & de couleur roussâtre. Les fourmis de la cinquieme espece avoient le corps plus mince & plus alongé que celles de la quatrieme. L'auteur a vû les mâles: ils avoient les ailes; mais il n'a point apperçû de mâles parmi les fourmis de la troisieme & de la quatrieme espece. Celles de la sixieme étoient très-petites: l'auteur n'a point vû les mâles; il a fait graver une ouvriere dont la figure n'a qu'environ une ligne de longueur; ces fourmis étoient de couleur brune, & ressembloient aux autres par la figure du corps. On ne les voyoit que vers le milieu du mois de Juillet; il en venoit tous les ans dans ce tems quelques centaines qui se répandoient sur le pain & sur le fromage; passé le mois d'Octobre il n'en restoit aucune; ces fourmis sortoient de la cave: mais l'eau y ayant séjourné pendant quelques mois, elles ne reparurent plus dans la suite. Swammerdam ne doute pas qu'il n'y ait bien d'autres especes de fourmis ; il en donne pour exemple: 1°. des fourmis blanches qu'on lui a dit être dans les Indes orientales: elles sont plus petites que les fourmis ordinaires, & elles gâtent les provisions de bouche & les marchandises: 2°. des fourmis rouges à piés noirs qu'on lui avoit envoyées de l'île de Ternate; elles étoient un peu plus petites que celles de la seconde espece dont il a été fait mention. On lui a dit encore que l'on avoit vû dans les grandes Indes des fourmis longues comme la premiere phalange du pouce; que leurs fourmilieres avoient six piés de tour; qu'elles étoient divisées au-dedans en plusieurs cellules, & qu'elles paroissoient quelquefois en partie hors de terre, & étoient d'autres fois entierement enfoüies. Biblia naturoe, pag. 266. & suiv . Le P. du Tertre a vû dans les Antilles quatre sortes de fourmis: elles font, dit-il, des provisions dans le tems de la récolte, quoiqu'il n'y ait point d'hyver dans ce climat; souvent elles causent un grand dommage en enlevant les graines du tabac, ou d'autres plantes en une seule nuit, aussi-tôt qu'elles sont femées. Les fourmis qui emportent ainsi les semences, sont petites, noires, & assez semblables à celles que l'on voit le plus communément en Europe; elles sont en si grand nombre qu'elles infectent les provisions de bouche, telles que les confitures, les viandes, les graisses, les huiles, les fruits, &c. quelquefois elles couvrent les tables, de façon qu'on est obligé de les abandonner sans pouvoir manger de ce qui a été servi; on est aussi contraint de sortir de son lit lorsqu'elles y arrivent. Il y a deux sortes de fourmis rouges très-petites, qui ne sont pas si communes que les autres; les fourmis de l'une de ces especes ne mordent pas, mais elles entrent dans les coffres qui renferment du linge, en si grand nombre qu'elles le tachent & le gâtent entierement; les autres restent dans les bois sur les feuilles des arbres; lorsqu'il en tombe sur la chair, elles causent une demangeaison très-vive. Les fourmis les plus dangereuses sont celles que l'on appelle chiens , à cause de leur morsure qui est plus douloureuse que celle des scorpions; mais la douleur ne dure qu'une heure au plus; ces fourmis sont longues comme un grain d'avoine, & deux fois aussi grosses. On en trouve par-tout dans les îles, mais elles ne sont pas en si grand nombre que les autres. Hist. nat. des Antilles, tom. II. pag. 343 . Il y a au Sénégal des fourmis blanches de la grosseur d'un grain d'avoine; leurs fourmilieres sont élevées en forme de pyramide, unies & cimentées au dehors; elles n'ont qu'une seule ouverture qui se trouve vers le tiers de leur hauteur, d'où les fourmis descendent sous terre par une rampe circulaire. Hist. gen. des voyages, tom. II . A Batavia les fourmis font leurs nids ou fourmilieres sur des cannes, pour éviter les inondations; elles les construisent avec une terre grasse, & y forment des cellules. On voit sur la côte d'or en Guinée des fourmilieres au milieu des champs, qui sont de la hauteur d'un homme. Il y en a aussi de grandes sur des arbres fort élevés. Les fourmis sortent souvent de ces nids en si grand nombre, qu'il n'y a point d'animal qui puisse leur résister; elles dévorent des moutons & des chevres, en une seule nuit il n'en reste que les os. En une heure ou deux elles mangent un poulet; les rats ne peuvent pas les éviter; dès qu'une fourmi a atteint un de ces animaux, il s'en trouve plusieurs autres qui se répandent sur son corps tandis qu'il s'arrête pour se débarrasser de la premiere; enfin elles l'accablent par le nombre, & l'entraînent où elles veulent; on a remarqué que ces fourmis ont assez d'instinct pour aller chercher du secours dans la fourmiliere lorsqu'elles ne peuvent pas emporter leur proie: les unes la gardent pendant que les autres vont à la fourmiliere, & bien-tôt il en sort une multitude. On trouve à Madagascar des fourmis volantes qui ressemblent à celles de l'Europe; elles laissent sur les buissons épineux une humeur gluante, ou gomme blanche, qui sert de colle & de mastic aux habitans du pays, & qui est astringente. Voyez Laque . On appelle en Amérique fourmis de visite , celles qui marchent en grandes troupes, & qui exterminent les rats, les souris, & d'autres animaux nuisibles; lorsqu'on voit paroître ces fourmis , on ouvre les maisons, les coffres, & les armoires, afin qu'elles puissent trouver les rats & les insectes; elles ne viennent pas aussi souvent qu'on le voudroit, car il se passe quelquefois trois ans sans qu'il en arrive; lorsque les hommes les irritent, elles se jettent sur leurs souliers & leurs bas qu'elles mettent en pieces. Voy . Insecte . ( I ) Selon le rapport de personnes dignes de foi, il y a une espece de fourmi dans les Indes orientales qui ne marchent jamais à découvert, mais qui se font toûjours des chemins en galerie pour parvenir où elles veulent être. Lorsqu'occupées à ce travail elles rencontrent quelque corps solide qui n'est pas pour elles d'une dureté impénétrable, elles le percent, & se font jour au-travers. Elles font plus: par exemple, pour monter au haut d'un pilier, elles ne courent pas le long de la superficie extérieure; elles y font un trou par le bas, entrent dans le pilier même, & le creusent jusqu'à ce qu'elles soient parvenues au haut. Quand la matiere au travers de laquelle il faudroit se faire jour est trop dure, comme le seroit une muraille, un pavé de marbre, &c. elles s'y prennent d'une autre maniere; elles se frayent le long de cette muraille, ou ce pavé, un chemin voûté, composé de terre liée par le moyen d'une humeur visqueuse, & ce chemin les conduit où elles veulent se rendre. La chose est plus difficile lorsqu'il s'agit de passer sur un amas de corps détachés; un chemin qui ne seroit que voûté par-dessus, laisseroit par-dessous trop d'intervalles ouverts, & formeroit une route trop raboteuse: cela ne les accommoderoit pas; aussi y pourvoyent-elles, mais c'est par un plus grand travail; elles se construisent alors une espece de tube ou un conduit en forme de tuyau, qui les fait passer par-dessus cet amas, en les couvrant de toutes parts. Une personne qui a confirmé tous ces faits à M. Lyonnet, a dit avoir vû que des fourmis de cette espece ayant pénétré dans un magasin de la compagnie des Indes orientales, au bas duquel il y avoit un tas de clous de girofle qui alloit jusqu'au plancher, elles s'étoient faites un chemin creux & couvert qui les avoit conduites par-dessus ce tas sans le toucher au second étage, où elles avoient percé le plancher, & gâté en peu d'heures pour une somme considérable d'étoffes des Indes, au-travers desquelles elles s'étoient fait jour. Des chemins d'une construction si pénible, semblent devoir coûter un tems excessif aux fourmis qui les font; il leur en coûte pourtant beaucoup moins qu'on ne croiroit. L'ordre avec lequel une multitude y travaille, avance la besogne. Deux fourmis , qui sont apparemment deux femelles, ou peut-être deux mâles, puisque les mâles & les femelles sont ordinairement plus grandes que les fourmis du troisieme ordre, deux grandes fourmis , dis-je, conduisent le travail, & marquent la route. Elles sont suivies de deux files de fourmis ouvrieres, dont les fourmis d'une file portent de la terre, & celles de l'autre une eau visqueuse. De ces deux fourmis les plus avancées, l'une pose son morceau de terre contre le bord de la voûte ou du tuyau du chemin commencé: l'autre détrempe ce morceau, & toutes les deux le pétrissent & l'attachent contre le bord du chemin; cela fait, ces deux fourmis rentrent, vont se pourvoir d'autres matériaux, & prennent ensuite leur place à l'extrémité postérieure des deux files; celles qui après celles ci étoient les premieres en rang, aussitôt que les premieres sont rentrées. déposent pareillement leur terre, la détrempent, l'attachent contre le bord du chemin, & rentrent pour chercher dequoi continuer l'ouvrage. Toutes les fourmis qui suivent à la file en font de même, & c'est ainsi que plusieurs centaines de fourmis trouvent moyen de travailler dans un espace fort étroit sans s'embarrasser, & d'avancer leur ouvrage avec une vîtesse surprenante. Voyez M. Lyonnet sur les insectes . Les voyageurs parlent beaucoup de certaines fourmis blanches du royaume de Maduré, nommées par les Indiens carreyan , & qui sont la proie ordinaire des écureuils, des lésards, & autres animaux de ce genre; ces sortes de fourmis élevent leurs fourmilieres à la hauteur de cinq ou six piés au-dessus de terre, & les enduisent artistement d'un mortier impénétrable. Les campagnes du pays sont couvertes de fourmilieres de cette nature, que les habitans laissent subsister; soit par la difficulté qu'ils ont d'empêcher ces insectes de les rétablir promptement, soit par la crainte de les attirer dans leurs propres cabanes. Quoi qu'il en soit, on remarque en tous lieux que chaque espece de fourmi fait constamment bande à part, & qu'on ne les voit jamais mêlées ensemble; si quelqu'une par inadvertance se rend dans un nid de fourmi qui ne soit pas de son espece, elle perd nécessairement la vie, à moins qu'elle n'ait le bonheur de se sauver promptement. La fourmi vue au microscope, paroît curieuse par sa structure, qui est divisée en tête, corps, & queue, qu'un ligament très-délié joint ensemble. Ses yeux perlés sortent de la tête, qui est ornée de deux cornes ayant chacune douze jointures; ses mâchoires sont garnies de sept petites dents; la queue de quelques fourmis est armée d'un aiguillon creux, dont elles se servent quand elles sont irritées, pour jetter une liqueur acre & corrosive. Tout le corps est revétu d'une espece d'armure hérissée de soies blanches & brillantes; les jambes sont aussi couvertes de poils courts & bruns. Voyez Hook microsc. obs. 49 . Powers expér. phil. obs. 42 . & Bakers, microsc . &c. Mais le lecteur avide d'autres détails, peut consulter le traité des fourmis de M. Gould, Lond. 1747. in-8°. & à son defaut les Trans. philos. n°. 482. sect. 4 . Nous dirons seulement ici que cet habile homme détruit completement dans son ouvrage l'idée vulgaire de la prévoyance des fourmis & de leur approvisionnement pendant l'hiver. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourmi Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Fourmi Fourmi , ( Econom. rustiq. ) ces insectes préjudicient beaucoup aux arbres qui portent du fruit, particulierement aux poiriers & aux pêchers; ils mangent les jets de ce dernier arbre, & les font mourir: c'est pourquoi les Jardiniers cherchent tous les moyens possibles de détruire ces petits animaux nuisibles, & y travaillent sans cesle. Les uns, pour y parvenir, employent le fumier humain, que les fourmis ne peuvent supporter; & ils en mettent une petite quantité au pié des arbres qu'elles aiment davantage: d'autres, pour les en écarter, se servent de sciûre de bois qu'ils jettent autour du pié de l'arbre; de sorte que quand elles veulent y monter, elles sentent que le terrein n'est pas ferme sous leurs pattes, & elles se retirent ailleurs: on peut encore employer le mercure, qui est un poison pour ces insectes. On prend aussi des bouteilles à moitié pleines d'eau miellée; on en frotte un peu les goulots pour y attirer les fourmis ; quand il y en a beaucoup de prises, on les noye, & on répete le piége jusqu'à ce qu'on les ait détruites: d'autres frottent de miel des feuilles de papier, qu'ils étendent aux environs du passage des fourmis ; elles couvrent bien-tôt ces papiers qu'on leve par les quatre coins, & qu'on jette dans quelque baquet d'eau où elles périssent. Quelques-uns font un mélange de miel & d'arsenic en poudre dans des boites percées de petits trous de la grosseur d'une fourmi ; & ce moyen en détruit un grand nombre: mais il faut éviter do faire ces trous assez grands pour que les abeilles y puissent passer; car elles y entreroient avec les fourmis ; & alors elles pourroient par hasard, avant que de mourir, porter de ce miel empoisonné dans leurs ruches. Quelques jardiniers n'ayant pas le tems de s'occuper de ces minuties, prennent le parti d'entourer le bas des tiges de leurs arbres précieux, de rouleaux de laine de brebis nouvellement tondues: d'autres enduisent ces tiges de goudron; cependant comme le goudron nuit d'ordinaire aux arbres, je ne puis recommander cette derniere pratique. Mais un des bons moyens de chasser bien-tôt ou de faire périr les fourmis , est d'arroser fréquemment les piés d'arbres & tous les endroits où elles peuvent aborder, parce qu'il n'est rien qu'elles craignent plus que l'eau. Si par tous ces divers stratagèmes, & autres semblables, on ne détruit pas ces insectes, du-moins on en éclaircit beaucoup le nombre, ou on les éloigne des arbres dont la conservation est importante. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourmi, oeufs de Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA Fourmi Fourmi , oeufs de-( Hist. natur. ) c'est le nom populaire qu'on donne à ces petites boules blanches qu'on trouve dans les nids & cellules de fourmis , & qu'on suppose communément être les oeufs de cet insecte; faute d'avoir considéré que ces oeufs sont plus gros que l'animal même qui leur auroit donné naissance. Cette idée vulgaire n'est donc qu'une erreur grossiere. Aussi les naturalistes modernes ont démontré que ce ne sont pas là de purs & simples oeufs de fourmis , mais les jeunes fourmis même emmaillottées dans leur premier état d'accroissement; ou plûtôt ce sont tout autant de petits vers enveloppés dans une coque très-mince composée d'une espece de soie que les fourmis tirent de leurs corps, comme font les vers-à-soie & les chenilles. Ces vermisseaux semblent à-peine remuer dans ce premier état; mais au bout de peu de jours, ils montrent de foibles mouvemens de flexion & d'extension: alors ils commencent à paroître comme autant de fils jaunâtres, & croissent sous cette apparence, jusqu'à ce qu'ils ayent atteint la grosseur naturelle de la fourmi: ensuite lorsqu'ils ont subi leur métamorphose, ils se présentent sous la forme de fourmi , avec une petite tache noire près de l'anus. Leuwenhoek croit que cette tache est l'excrément que l'insecte a rendu par cette partie. Le docteur King a ou vert plusieurs de ces prétendus oeufs; & tantôt il a vû le vermisseau dans sa premiere origine, & tantôt il a trouvé que ce vermisseau avoit déjà commencé de revêtir la forme d'une fourmi , montrant sur la tête deux petites taches jaunes à l'endroit des yeux, & quelquefois ayant déjà ses yeux aussi noirs que du jayet. Enfin il a souvent trouvé sous l'enveloppe transparente les fourmis parvenues à leur état de perfection, & courant immédiatement après au milieu des autres fourmis . Les oeufs dont nous venons de faire l'histoire, sont portés par les fourmis chaque matin en été au haut de leurs fourmilieres, où les meres les laissent pendant la chaleur du jour à l'exposition du soleil: mais dans les nuits fraîches, ou lorsqu'elles craignent la pluie, elles les transportent au fond de la fourmiliere, & si avant, qu'on peut creuser jusqu'à la profondeur d'un pié sans les rencontrer. Quand on renverse ces fourmilieres, on voit toutes les fourmis occupées à pourvoir à la sûreté des oeufs qui renferment leurs petits; elles les emportent en terre hors de la vûe, & recommencent cet ouvrage tout autant de fois qu'on cherche à les déranger: ce sont-là les oeufs qui font la nourriture délicieuse de plusieurs oiseaux, entr'autres des rossignols, des jeunes faisans, & des perdrix. Les vrais oeufs de fourmi sont une substance blanche, tendre, délicate, douce au toucher, & qui en ouvrant leurs nids, brille à l'oeil comme les petits crystaux de sels, ou les brillans d'un sucre blanc rafiné. Cette substance vûe au microscope, paroît figurée comme de petits oeufs transparens, & formée de pellicules distinctes. On trouve cette même substance dans le corps des fourmis femelles qu'on disseque; & c'est proprement leur frai: quand ce frai est jetté sur terre, ce qui se fait par les meres à la maniere des mouches, on voit les fourmis accourir en nombre pour le couver; & au bout de quelques jours, il est changé en vermisseau de la grosseur d'une mite. Leuwenhoek a tracé le premier très-exactement le progrès de la génération, de l'accroissement, & de la metamorphose des fourmis . On en peut lire l'extrait dans la biblioth. univers. tome XI. Voyez aussi les Transactions philosophiques, n°. 23. p. 426 . Swammerdam biblia naturoe , & l' article Fourmi , ( Hist. nat. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourmi Author=Venel Normalized Classification=Chimie | Matière médicale Part of Speech=NA Fourmi Fourmi , ( Chimie & Mat. med. ) les fourmis méritent une considération particuliere dans l'analyse des substances animales, par l'acide connu sous le nom d' esprit de fourmi; l'huile essentielle, & l'huile par expression qu'elles fournissent. Voyez Substances animales . Les fourmis sont regardées comme portant singulierement aux voies urinaires & aux organes de la génération, & comme réveillant puissamment l'action des organes; c'est pourquoi elles passent pour un remede excellent dans la foiblesse des vieillards, dans la paralysie, la disposition à l'apoplexie, la foiblesse de la mémoire, l'impuissance, &c. & cela, soit employées intérieurement en substance, soit extérieurement sous forme de bain ou de fomentation. Tous ces secours sont fort peu usités parmi nous; on y employe plus souvent, quoiqu'assez rarement encore, l'esprit de fourmis distillé avec l'esprit-de-vin, qui est regardé comme un puissant remede contre la paralysie & contre le bourdonnement des oreilles. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourmi Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA Fourmi * Fourmi , ( Mythol. ) les Grecs en général étoient si vains de l'antiquité d'origine, qu'ils aimoient mieux descendre des fourmis de la forêt d'Egine, que de se reconnoître pour des colonies de quelque peuple étranger. Les Thessaliens entêtés apparemment du même préjugé, honoroient ces insectes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURMILIER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.m. FOURMILIER FOURMILIER, ursus formicarius , s. m. ( Hist. nat. Zoolog. ) tamandua guacu du Brésil; animal quadrupede qui a la tête fort alongée, avec une trompe longue d'un pié & plus; le museau est pointu, & il n'y a dans la bouche aucunes dents; la langue ressemble à un poinçon; sa longueur est d'environ deux piés; elle se replie en doublé dans la bouche: mais elle est étendue de toute sa longueur, lorsqu'elle en sort: l'animal la pose sur une fourmiliere, & lorsqu'il la voit couverte de fourmis, il la retire, & il avale ces insectes dont il fait sa nourriture; c'est pourquoi on lui a donné le nom de fourmilier . Il a les yeux petits & noirs, & les oreilles presque rondes; la queue est garnie de crins qui la rendent large d'environ un pie; de sorte que l'animal peut s'en couvrir lorsqu'il la redresse: la trompe a plus de quatre pouces d'épaisseur dans le milieu, mais elle est de plus en plus petite jusqu'à l'extrémité; le cou a cinq pouces de longueur & neuf pouces d'épaisseur: la longueur du corps jusqu'à l'origine de la queue, est d'environ deux piés, & l'épaisseur d'un pié huit pouces. La queue a deux piés trois ou quatre pouces de longueur; celle des jambes de derriere est d'onze pouces, & les jambes de devant ont un pouce de plus. Il y a dans les piés de derriere cinq doigts, & dans ceux de devant, quatre, dont les deux du milieu sont les plus longs, & ont des ongles de deux pouces & demi de longueur. Les poils du dos sont noirs; il s'en trouve aussi de blancs: ceux de la tête & du cou ont le moins de longueur; ils sont dirigés en-avant. Le poil des jambes de devant est blanc, & il y a une tache noire au-dessus de chaque pié, & sur la poitrine une large bande de la même couleur, qui s'étend de chaque côté jusqu'au milieu du corps: cette bande est terminée en haut par une ligne blanche. Les jambes de derriere sont noires: tous les poils de cet animal sont durs; un homme peut l'atteindre à la course. On l'a nommé ursus formicarius , parce qu'il ressemble à l'ours par les piés de derriere & par son poil long & hérissé. Raii synop. meth. anim. p. 241. Voyez Quadrupede . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURMILIERE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA FOURMILIERE FOURMILIERE, ( Hist. nat. ) lieu où les fourmis vivent en société; elles pratiquent de petites routes en terre, sous quelque abri: telle étoit la fourmiliere qu'a décrit Aldrovande, lib. V. de insect. p. 509 . & qu'il trouva sous une poutre. Des fourmis d'une autre espece entassent différentes matieres, & forment sur la terre une éminence qui a la forme d'un cône, & dans laquelle il se trouve diverses routes & des cellules où les fourmis habitent, où elles déposent leurs oeufs, leurs nymphes, & toutes les choses dont elles se nourrissent. D'autres fourmis construisent des nids sur des arbres, & les cimentent avec de la terre, pour se garantir de la pluie. Voyez ci-devant Fourmi . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourmiliere Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Fourmiliere Fourmiliere , ( Econom. rustiq. ) Ces petits monceaux de terre que les fourmis forment en cône pour leur demeure & la nourriture de leurs petits, causent un grand dommage aux prairies seches des pays chauds, & non-seulement en diminuant d'autant le fourrage qui y est précieux, mais encore en altérant la seve de l'herbe, & ne laissant qu'une nourriture pernicieuse au bétail affamé. La bonne méthode de ruiner toutes fourmilieres , consiste à les découper depuis le sommet en quatre parties, & ensuite à creuser dans chacune assez profondement pour détacher la racine de la fourmiliere: alors il faut en retourner la terre, & l'abaisser un peu plus que le niveau du reste du terrein: ce moyen rendra cette terre plus humide, & empêchera les fourmis de rebâtir leurs logemens dans la même place: la terre de la fourmiliere qu'on vient de détruire doit être jettée de toutes parts a une assez grande distance: sans quoi les fourmis ne manqueroient pas de se rassembler de nouveau, & de construire pour leurs besoins une autre habitation voisine. Le tems propre à l'opération dont il s'agit ici, est l'hyver, parce que la gelée & les pluies de cette saison contribuent beaucoup à la destruction des fourmis: mais alors il faut avoir soin de semer au printems de la graine de sain-foin ou de luzerne sur la terre qui est nue & pelée: autrement elle produiroit infiniment moins d'herbe que les autres endroits. Dans quelques pays, où le nombre des fourmilieres est sort nuisible, on se sert d'un instrument fait exprès pour les couper; c'est une bêche pointue & taillée en croissant, de maniere que tout le tranchant de la bêche fait plus que les trois quarts d'un cercle: aussi coupe-t-elle de tous côtes, & par conséquent expédie très-promptement: enfin on peut employer au même usage les instrumens particuliers qui ont été imaginés pour détruire les taupinieres. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourmiliere Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. Fourmiliere Fourmiliere , s. f. ( Méd. ) en latin formica , maladie des paupieres. C'est une petite excroissance charnue qui croit dans l'intérieur ou l'extérieur des paupieres: cette excroissance a la base large diminuant vers le haut, calleuse, quelquefois noirâtre, mais le plus souvent rougeâtre, blanchâtre, ou de la couleur de la peau, couverte de plusieurs tubercules semblables aux grains d'une mûre; d'où vient qu'on l'appelle encore verrue mûrale . On la nomme fourmiliere , parce que par le grand froid, ou dans certains tems, elle cause des douleurs qui imitent les picotemens des fourmis. Nous parlerons de la maniere de détruire les verrues mûrales, en traitant des autres verrues qui attaquent les paupieres, dont il importe de faire un article général. Ainsi voyez Verrue des Paupieres . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURMI-LION Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.m. FOURMI-LION FOURMI-LION, s. m. formica-leo , ( Hist. nat. ) insecte qui a beaucoup de rapport au cloporte pour la figure du corps, & à l'araignée non-seulement par la figure, mais encore par l'instinct, par sa maniere de filer, & par la mollesse du corps. Le fourmi-lion est d'un gris sale, avec des points noirs, qui sont de petites aigrettes composées de picquans qu'on ne distingue qu'avec la loupe. Le corps est entouré de plusieurs anneaux. Cet insecte a six jambes, dont quatre tiennent à la poitrine, & les deux autres à une partie placée au-devant de la poitrine, à l'endroit du cou. La tête est menue & plate; elle porte deux antennes ou cornes creuses, dures, longues de deux lignes, un peu plus grosses qu'un cheveu, & crochues par le bout: à la base de chacune de ces antennes, il y a des yeux. Le fourmi-lion ne vit que d'insectes; il ne marche qu'en reculant & par petites secousses, ainsi il ne peut pas aller chercher sa proie; il est obligé de l'attendre, & de dresser des embuches pour l'attirer à soi: c'est pourquoi il se place dans un sable fin & sec, contre un mur, à l'abri de la pluie; il y creuse une petite fosse ronde & concave; à cet effet, il commence par courber en-bas la partie postérieure de son corps, qui est pointue, & il l'enfonce dans le sable: il s'enfoüit de cette maniere jusqu'à une certaine profondeur, la tete en haut: alors il jette assez loin avec ses cornes, par des mouvemens prompts & réitérés, le sable qui se trouve sur sa tête; à mesure qu'il déplace ce sable, il en retombe de nouveau des alentours, il le jette encore; & enfin il forme une fosse concave qui ressemble à une trémie, au centre de laquelle il reste placé la tête & les cornes en-haut. Pour faire une fosse plus grande, il décrit un cercle avec la partie postérieure de son corps en reculant, & à chaque pas il jette au loin du sable avec ses cornes, ensuite il parcourt l'aire du cercle, en suivant une ligne spirale qui fait plusieurs tours jusqu'à ce qu'il soit arrivé au centre. Il reste-là continuellement pour attendre sa proie, & souvent il l'attend pendant long-tems avant qu'elle arrive; car il faut que quelque insecte passe sur les bords de la trémie. Comme ce terrein cede sous les piés de l'insecte, à cause de la pente & du sable mouvant, l'insecte tombe nécessairement dans la trémie, & fait rouler du sable qui va au centre sur la tête du fourmi-lion : ce mouvement l'avertit qu'il est tombé un insecte dans la trémie; aussi-tôt il l'apperçoit, & jette avec ses cornes du sable sur cet insecte, pour le faire descendre jusqu'au centre, malgré les efforts qu'il pourroit faire pour remonter: alors il le saisit avec les extrémités de ses cornes, & le tient long-tems de cette maniere à une distance considérable de la tête, sans que l'on apperçoive, même avec la loupe, aucun aiguillon qui sorte de la tête pour sucer l'insecte. Ainsi il est à croire qu'il le suce par le moyen de sos cornes, qui sont creuses, & dans lesquelles on a vû avec le microscope un corps transparent & membraneux qui s'étend d'un bout à l'autre de la concavité de la corne. Ainsi on a observé qu'une mouche que l'on avoit donnee à un fourmi-lion , & qu'il avoit tenue pendant deux ou trois heures entre les extrémites de ses cornes, étoit devenue seche, & qu'on l'avoit reduite en poudre en la froissant entre les doigts. Le fourmi-lion a été ainsi appellé, parce que les fourmis sont sa proie la plus ordinaire; cependant il ne peut que les sucer; & lorsqu'il n'en tire plus rien, il jette les restes hors de la trémie, & ensuite il se débarrasse du sable qui s'est écroulé, & il dispose de nouveau la trémie, pour v faire tomber un autre insecte: en l'attendant, le fourmi-lion se passe de nourriture. On en a garde pendant six mois dans une boîte, où ils ont vécu sans en prendre aucune. Lorsque le fourmi-lion est parvenu à un certain âge, il ne fait plus de trémie, parce qu'il n'a plus besoin de nourriture; il pratique alors plusieurs routes irreguileres dans le sable, & il s'y enfonce pour se métamorphoser: il s'enveloppe, sans changer de forme, dans une coque composée de soie très-fine, d'une sorte de colle, & de sable. La soie vient de la partie postérieure, comme celle de l'araignée. La coque est grosse & ronde; les parois interieurs sont revêtues, & pour ainsi dire, drapées d'un tissu de soie fort serré, qui ressemble à un petit satin couleur de perle. L'animal reste en repos dans cette coque, la tête entre les jambes, pendant six semaines plus ou moins avant de se changer en nymphe. Lorsque le tems de cette transformation arrive, l'insecte se dépouille de sa premiere peau, à laquelle les cornes, les yeux, & les poils restent attachés, & il paroît sous la forme d'une nymphe qui a environ trois lignes de longueur, quatre aîles membraneuses, six jambes, deux grosses cornes ou antennes molles & creuses, deux yeux noirs, & deux serres en forme de scies, qui lui servent de dents. Cette nymphe reste encore pendant quelque tems dans la coque: enfin l'insecte se transforme en une belle mouche que l'on appelle demoiselle . Il fait une petite ouverture dans la coque; & en s'insinuant dans cette ouverture, il y laisse la seconde peau. C'est un fourreau membraneux & transparent, qui a la forme des cornes ou antennes, des yeux, des dents, des aîles, des jambes, &c. de la mouche qui en est sortie. On trouve ainsi dans la coque la peau du fourmi-lion , qui est pelotonnée, & quelquefois un oeuf que la mouche y a fait avant d'en sortir: la longueur de cet oeuf est de deux lignes, & l'épaisseur d'une ligne; il a une coque semblable à celle des oeufs de poule; mais il n'est pas fécond, puisqu'il a été pondu avant l'accouplement du mâle avec la femelle. Cependant on n'a trouvé qu'un seul oeuf dans le corps de quelques-unes de ces femelles que l'on a ouvertes; elles sont infécondes, lorsqu'elles le pondent avant les approches du mâle: aussi les fourmi-lions sont assez rares. La demoiselle du fourmi-lion a quinze ou seize lignes de longueur: en sortant de son fourreau, ses ailes sont courtes & plissées; mais en deux minutes, elles se développent & deviennent plus longues que le corps. Elle reste d'abord pendant quelque tems sur ses piés sans mouvement, pour se secher, avant de prendre l'essor. Les demoiselles de cette espece ont deux antennes, qui sont menues près de la tête, & deviennent de plus en plus grosses jusqu'à l'extrémité. Le bout de la queue est hérissé de poils, & les ailes sont d'un blanc cendré, avec quelques points noirs, & sans aucune couleur vive. Elles ont deux gros yeux aux côtés de la tête, & elles different des autres insectes de ce genre, en ce qu'elles n'ont point d'yeux au-dessus de la tête, & que le ventre n'est pas cannelé tout du long. Mém. de l'acad. royale des Sciences, année 1704, p. 235 & suiv. Voyez les mém. pour servir à l'hist. des insectes, tom. VI. p. 333 & suiv. Voy. aussi les Transact. philosophiq. n°. 469. Voyez Demoiselle , insecte . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FOURNAGE FOURNAGE, s. m. ( Jurisprud. ) est le droit que le seigneur prend par chacun an, ou autrement, sur ceux qui sont obligés de faire cuire leur pain en son four bannal, ou pour la permission de le cuire en leurs maisons. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot fournage . Ce terme se prend aussi quelquefois pour foüage ou feu , à cause du fourneau ou cheminée. Voyez ci - devant Fouage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNAISE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. FOURNAISE * FOURNAISE, s. f. ( Gramm. ) espece de four où l'on pourroit allumer un grand feu. Nous ne connoissons plus de fournaise; & ce mot n'est guere employé que dans cette phrase, & quelques autres: L'ame s'épure dans l'adversité, comme le métal dans la fournaise; les trois enfans de la fournaise . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fournaise Author=unknown Normalized Classification=Monnoyage Part of Speech=NA Fournaise Fournaise , ancien terme de Monnoyage , étoit l'endroit où les ouvriers s'assembloient pour battre les carreaux sur le tas ou enclume, pour flatir & ré chauffer les flancs. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNALISTE Author=unknown Normalized Classification=Poterie de terre Part of Speech=s.m. FOURNALISTE FOURNALISTE, s. m. en terme de Potier de terre , est l'ouvrier qui fait toutes les grosses pieces comprises sous le nom général de fourneaux. Voy . Fourneaux à l'article Poterie , C'est encore un ouvrier qui fait tous les vaisseaux de Chimie en terre en usage dans les laboratoires, les atteliers des Artistes, & les cuisines. Les fournalistes ne sont point du corps des Potiers de-terre. Il n'appartient qu'aux fournalistes de faire les fourneaux de ciment, qui servent aux hôtels des monnoies, aux affinages & fontes de métaux, aux distillations; enfin à tous les ouvrages d'Orfévrerie, de Fonderie, & d'opérations de Chimie. C'est pareillement à eux seuls qu'il appartient de faire & vendre toutes sortes de creusets, de quelque forme & grandeur, & de quelque usage que ce soit. Outre les ouvrages de terre ordinaire pour lesquels ils dépendent de la communauté des Potiers, ils ne dépendent que de la cour des monnoies. C'est pardevant le procureur général de cette cour qu'ils font leur chef-d'oeuvre, sont reçus maîtres, & prêtent serment. Cette petite communauté n'a point de jurés; la cour des monnoies leur en tient lieu. L'apprentissage est de cinq ans; & le service chez les maitres après l'apprentissage, de deux autres années. Le fils de maître ne doit que la simple expérience, & l'apprentif étranger le chef-d'oeuvre. L'un & l'autre leur est donné à la cour des monnoies, où l'aspirant est reçu à la maîtrise; son brevet d'apprentissage & ses lettres de maîtrise enregistrés, aussi bien que la réception du serment qu'il y fait. Les veuves joüissent des priviléges de la maîtrise de leurs maris; elles ne peuvent cependant obliger de nouveau apprentif, mais seulement achever celui qui est commencé. Elles peuvent travailler par elles-mêmes ou faire travailler des compagnons. Les maîtres ne peuvent vendre des fourneaux & des creusets propres aux fontes des métaux ou aux distillations, qu'à gens connus, ou avec permission obtenue par écrit des officiers de la cour des monnoies. Ils ont liberté entiere pour la vente des autres ouvrages de terre ordinaire. La matiere dont on fait les fourneaux & les creusets, est partie de ciment & partie de terre glaise, bien courroyés ensemble. Le ciment ne doit être que de grès de pot-à-beurre pulvérisé & bien battu, le ciment de tuileau n'y étant pas propre. Les outils sont en petit nombre & simples. Un maillet ou masse de bois à long manche, dont la tête est armée de clous. Il sert à battre le ciment; un petit rabot aussi de bois, ou plus simplement une palette faite d'une douve, à le courroyer & le mêler avec la terre glaise. Les fourneaux se font à la main avec la seule palette que l'on poudre de sablon, afin qu'elle ne s'attache point à la terre. Les creusets ont des moules de bois plus ou moins grands, suivant l'ouvrage, & de la figure de l'ouvrage même. Ces moules se tiennent par une queue ou manche aussi de bois; & après les avoir saupoudrés d'un peu de sable, on les couvre à discrétion d'autant de terre bien courroyée qu'on le croit nécessaire, qu'on arrondit ensuite tout autour, & qu'on applatit par-dessous avec la palette. Il y a de grandes & de petites palettes, de quarrées, de longues, & en triangle. Ces dernieres sont un peu tranchantes, & servent comme de couteau pour enlever ce qu'il y a de trop de matiere, & reduire l'ouvrage à sa juste épaisseur. On les appelle palettes , parce qu'en effet les plus grandes ressemblent à celles dont les enfans se servent dans quelques-uns de leurs jeux. Des bâtons longs, ronds & pointus, de diverses longueurs & de différens diametres, servent à ouvrir les trous, qu' en terme de l'art on appelle des registres , qu'on laisse aux fourneaux pour, en les bouchant ou en les laissant ouverts, y entretenir le degré de feu convenable. Ces bâtons, à cause de leur figure, se nomment des fuseaux . Outre les fourneaux & les creusets, les Fournalistes ne sont guere que des réchaux & des especes de fourneaux quarrés, mais plus longs que larges, dont les blanchisseuses se servent pour chausser leurs sers-à-repasser. Ces sortes d'ouvrages sont aussi de gres de pot-à-beurre, de même que les fourneaux d'une nouvelle invention propres à faire du café. Dictionnaire & réglemens du Commerce . Cet état demanderoit beaucoup plus de connoissance d'Histoire naturelle, de Physique & de Chimie, que ces ouvriers n'en ont communément. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNEAU d'une mine Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=s.m. FOURNEAU FOURNEAU d'une mine , s. m. ( Fortificat. ) c'est une espece de cosse pratiqué à l'extrémité de la galesie pour mettre la poudre dont la mine doit etre chargée. On appelle aussi le fourneau la chambre de la mune Voyez Mine & Chambre . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau superficiel Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=NA Fourneau superficiel Fourneau superficiel , terme de Fortification qui signifie la même cho e que caisson . C'est une caisse remplie de trois, quatre, cinq ou six bombes, & souvent remplie simplement de poudre. On s'en est servi dans les sieges pour faire sauter les logemens du chemin couvert & du fosse sec; mais ces caissons ne sont plus guere d'usage. On leur a substitué les fougasses. Voyez ci-dev . Fougasse ou Fougade . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau , chez les Bimblotiers faiseurs de dragées pour la chasse ; c'est un massif de maçonnerie qui entoure une chaudiere de fer dans laquelle on fond le plomb dont on doit faire les bailes ou dragées. Voyez la Planche de la fonte des dragées . C'est le fourneau; A la chaudiere, autour de laquelle sont deux anneaux de fer qui garantissent la maçonnerie du fourneau du frottement des moules qui la détruiroit en peu de tems; D l'ouverture par laquelle on met le bois allumé sous la chaudiere; E la cheminee du fourneau par laquelle la fumée du bois qui est sous la chaudiere passe dans la grande cheminée F qui couvre tout le fourneau , d'ou elle se perd hors de l'attelier; B une ouvriere assise près du fourneau , & qui tient un moule dans ses mains qu'elle ouvre pour en faire sortir la branche ( voyez Branche ), qu'elle tire avec des béquettes, sorte de pinces plates: les branches sorties au moule sont posées à terre sur un ais placé en G à côté de l'ouvriere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau à fondre les caracteres d'Imprimerie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau Fourneau à fondre les caracteres d'Imprimerie ; il est sait de la teire dont se servent les Fournalistes pour la fabrique des creusets, mais moins fine. C'est un mélange de ciment de pot-à-beurre cassé & de terre glaise petris ensemble; sa grandeur ou hauteur est de 18 à 20 pouces, 10 à 12 de diametre, sur deux piés & demi de longueur. Il est séparé en deux dans la hauteur; on met le bois dans la partie supérieure, au bout de laquelle est une grille aussi de terre qui donne l'air qui est nécessaire pour faire allumer le bois. La partie inserieure est composée du cendrier & des ventouses pour l'air; on pose sur la partie supérieure dudit fourneau la cuilliere dans laquelle est le métal qui est toûjours en fusion par le feu continuel qui est dessous. Depuis la grille jusqu'à la partie supérieure, on ménage une ouverture sur laquelle on met un tuyau de tôle, qui sert de passage à la fumée qui s'echappe hors l'attelier. Voyez les Planches de la Fonderie en caracteres . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau , ( Chapelier. ) Ces ouvriers en ont de trois sortes: un qu'ils mettent sous les plaques, lorsqu'ils bâtissent & dressent; un plus grand dans la foulerie sous la petite chaudiere, qui contient l'eau chaude & la lie à fouler; un troisieme très-grand sous la chaudiere à teinture. Ces fourneaux n'ont rien de particulier, qu'on n'apperçoive d'un coup-d'oeil sur les Planches . Voyez les Planches de Chapellerie e & leur explication . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Diderot Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau , ( Cuisine. ) c'est un ouvrage de maçonnerie qui est fait de brique, qui a environ trois piés de haut, & sur lequel sont sceliés des réchaux qui déposent leurs cendres dans une espece de voûte pratiquée sous le fourneau , & à-peu-près vers le milieu. Le bâti qui soûtient cette maçonnerie est de pierre. Les contours de la partie supérieure sont garnis & liés de bandes de fer. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des grandes Fonderies Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau des grandes Fonderies Fourneau des grandes Fonderies ; voyez l'article Bronze . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des Usines en Cuivre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau des Usines en Cuivre Fourneau des Usines en Cuivre ; voyez l'article Cuivre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des Usines en Fonte Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau des Usines en Fonte Fourneau des Usines en Fonte ; voyez ci-devant à l'article Forge, Forges ( grosses ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des Usines en Fer Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau des Usines en Fer Fourneau des Usines en Fer ; voyez aussi ci-devant à l'article Forges ( grosses . ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des Tailleurs de limes Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau des Tailleurs de limes; c'est une espece de moufle faite de brique. Le tailleur de limes les y renferme avec la suie, & autres matieres de la trempe en paquet. Voyez l'article Trempe . Voyez aussi Planches de Taillanderie & Fourneau . 9 le fourneau , 5 son cendrier, l les supports de la grille qui porte le paquet. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=unknown Normalized Classification=Mégisserie Part of Speech=NA Fourneau Fourneau , chez les Mégissiers; voyez l'article Chamoiseur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des Fondeurs en sable Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau des Fondeurs en sable Fourneau des Fondeurs en sable ; voyez à l'article Sable , Fondeur en sable -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Diderot Normalized Classification=Plombier Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau , ( Plombiers. ) ils en ont trois; la fosse, la poesle, & le fourneau à étamer. Ils fondent dans la fosse le plomb destiné pour les prandes & petites tables; & c'est-là qu'ils jettent aussi d'autres ouvrages. Voyez l'article Fosse . La poesle est une partie de la fosse. Voyez le même article & l' article Poesle . Le fourneau à étamer est un chassis quarré de grosses pieces de bois ou massif de maçonnerie, sur lequel est un foyer de brique. Il est élevé de terre d'environ deux piés & demi, sur quatre piés de longueur, & presque la même largeur; il est bordé de brique ou de terre grasse tout-autour; mais le rebord est plus haut par-derriere & par devant, que par les côtés: c'est-là que les Plombiers étament. Voy. l'article Etamer . Leur étamage occupe deux ou trois ouvriers qui tiennent la piece à étamer élevée au-dessus du fourneau , jusqu'à ce qu'elle ait pris le degré de chaleur convenable. Voyez nos Planches de Plomberie & leur explication . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Diderot Normalized Classification=Potier d'étain Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau , ( Potier d'etain. ) il est comme le fourneau de cuisine, fait de brique, long d'environ huit à dix pouces, de la même profondeur, large de six à sept pouces, ouvert par-devant, coupé par une grille qui porte le charbon. On y met chauffer les fers à souder; fondre l'étain dans la cuillere à jetter les anses ou autres garnitures, &c. Les Potiers d'étain ont des fourneaux portatifs de fer, de tôle ou de brique, qui leur servent aux mêmes usages. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Diderot Normalized Classification=Raffinage de sucre Part of Speech=NA Fourneau * Fourneau , en termes de Raffineur de sucre , est un massif de brique à plusieurs feux, d'environ six piés de large sur quinze de long; il est ordinairement chargé de trois chaudieres, séparées par des élévations triangulaires, sous lesquelles sont les évents des fourneaux . Au-dessous des chaudieres qui y sont descendues jusqu'à un pié de leur bord, sont des grilles sur lesquelles on jette le charbon, & qui donnent passage aux cendres & au vent qui vient des aspiraux. Voyez Aspiraux . Ce fourneau est fermé sur le devant d'une porte de fer, couvert de plomb & garni de trois poeslettes. Voyez Poeslette & nos Planches . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=unknown Normalized Classification=Fontaines salantes Part of Speech=NA Fourneau Fourneau , ( Fontaines salantes. ) Voyez les articles Sel & Salines . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau des Teinturiers Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau Fourneau des Teinturiers. Voyez l'article Teinture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau de Verrerie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fourneau Fourneau de Verrerie; voyez l'article Verrerie . Il y a dans les Arts un beaucoup plus grand nombre de fourneaux; mais nous croyons devoir en renvoyer la construction & les usages aux articles principaux de ces Arts . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourneau Author=Villiers Normalized Classification=Chimie philosophique Part of Speech=NA Fourneau Fourneau , ( Chimie philosophique. ) furnus de furvus , c'est à-dire noir; in furnum calidum condito , Plaut. cal. act. II. scene v. vers l . Il se rend encore en latin par fornax & fornacula , qui ont de même été employés forcément pour signifier les fourneaux dont nous avons à parler, pendant qu'il est évident qu'ils ont toûjours désigné de grands fours ou fourneaux: quantis fluerent fornacibus aera effigies ductura tuas . Claud. &c. Les fourneaux sont des ustensiies destinés à contenir la pature du feu, & à appliquer cet élément comme instrument aux substances qu'on veut changer par son action: on peut les ranger parmi les vaisseaux. Nous allons proposer des exemples des differentes especes de ceux que des travaux assidus & une longue suite d'expériences ont perfectionnés, notre but n'étant point d'en donner un traité complet, c'est-à-dire une vaste compilation de tout ce qui a été fait de bon & de mauvais dans ce gente. La plûpart de ceux qui se trouvent dans nos Planches sont représentés avec les vaisseaux qu'on a coûtume de leur adapter, afin de donner une idée des différens appareils. Ici il ne sera question quant au fond que des fourneaux: si on y parle des vaisseaux, ce ne sera qu'en passant; réservant pour leur article le détail qu ils exigent chacun séparément, la maniere de les ajuster ensemble & avec leurs fourneaux; ensorte que par cette réunion qui porte le nom d' appareil , il y sera question des fourneaux , comme ici des vaisseaux. Pour observer quelqu'ordre, nous tirerons notre division des opérations. Des fourneaux à distiller par ascension . Ce sont ceux qui se trouvent representes dans nos Planches de Chimie , fig. 2 . 14. 76. 84. 96. & 123 . Du-moins ce dernier-ci l'est-il en partie; celui de la fig. 2 . est fait en terre. Il a un pié 10 pouces de haut, sur quatorze pouces de diametre à sa partie inferieure, & dixsept à la supérieure, hors d'oeuvre. Voyez son explication . On commence par faire une plaque circulaire de terre épaisse de deux pouces, & on éleve les parois de la même épaisseur. Il est divisé en trois corps; l'inférieur a sept pouces de haut: on l'appelle le cendrier, cinerarium, conisterium; on y ouvre une porte ou soupirail large de cinq pouces, & haute de trois. Cette porte est embrasée; on peut toutefois se dispenser de séparer ce corps du suivant: celui-ci s'appelle le foyer, focus, pyriaterium: il a huit pouces & demi de haut; à sa partie inférieure il a trois ou quatre pitons en terre pour soûtenir une grille de fer; ces pitons paroissent imités de ceux que le Fêvre met dans son fourneau à lampe. Immédiatement au-dessus de cette grille est la porte ou bouche du foyer; elle est large & haute de trois pouces & demi, & sémi-circulaire par sa partie supérieure; au milieu de ce corps extérieurement sont deux poignées ou anses de terre pour le manier aisément. Reste enfin le troisieme corps ou supérieur qu'on appelle l'ouvroir, le laboratoire, ergasterium: celui-ci n'a rien de particulier que trois ou quatre trous faits à sa partie supérieure pour servir de regîtres. Ces trous vont de bas en haut, & sont très-larges intérieurement. Au-dessus, dans le bord intérieur & supérieur de ce corps est un rebord de terre appliqué dans le tems qu'on a fait le fourneau , qui sert à éloigner le vaisseau distillatoire de ses parois: ce fourneau est donc conique. Il est mieux de le faire d'une seule piece que de trois; on le relie avec de gros fil d'archal pour le soutenir & empêcher qu'il ne se fende; on s'en sert pour distiller avec l'alembic de cuivre polychreste; on le monte ordinairement sur un pié-d'estal qui le met plus à portée des mains de l'artiste. La grille, craticula , doit être faite premierement d'un cercle de fer auquel on cloue de petites barres de cinq ou six lignes d'équarrissage, posées en losange, & éloignées de cinq ou six lignes aussi les unes des autres. Cette disposition a pour but de favoriser la chute des cendres & des petits charbons qui pourroient nuire au passage de l'air. C'est par la même raison qu'il faut que la grille soit de telle grandeur, qu'il y ait un bon doigt entre sa circonférence & les parois du fourneau . Nous parlerons plus particulierement dans la suite de la maniere dont on construit un fourneau en terre, & nous dirons les raisons de la plupart des faits que nous avons avancés. Ce fourneau doit être garni de ses portes pour le soupirail & la bouche du feu. On les trouve marquées lettres o p ; ces deux portes sont les mêmes pour le fourneau que nous venons de décrire, & pour celui de la fig. 1 . La porte o est creusée par deux petites fossettes faites de façon qu'on peut le prendre avec des pinces ou les doigts, & la porte a une petite poignée pour le même sujet. Il est bon de remarquer que cette poignée ne peut la faire tomber, par la raison qu'elle porte sur une mentonniere ou saillie extérieure qui est de niveau avec la bouche du feu. Nous n'avons point donné ici de grille en particulier; nous aurons assez occasion d'en voir dans la suite. Ce fourneau n'est que celui de la Pl. V . de Lémery, dont on a ôté le dôme. On le trouve communément chez les fournalistes de Paris. Le fourneau marqué fig. 14 . ne differe guere du précédent que par ses dimensions; il est destiné aux cucurbites de verre basses. Il est de terre & a treize pouces de haut sur dix & demi de diametre par le bas, & un pié par le haut hors d'oeuvre. Le sol du cendrier, ainsi que les autres parois, sont épais d'un pouce & demi; il est d'une seule piece; son soupirail est large de trois pouces & haut de deux; la bouche du feu est arquée & a les mêmes dimensions; la grille est éloignée de trois pouces du sol du cendrier; il a deux anses de terre extérieurement, quatre regîtres au haut comme la fig. 2 . & une grille de la même façon: mais à trois ou quatre pouc. au-dessus la grille, sont deux trous qui percent ses parois de part en part, destinés à recevoir une barre de fer capable de soûtenir le vaisseau qu'on y met; il lui faut aussi deux portes comme à la fig. 2 . Le fourneau de la fig. 76 . destiné à renfermer entierement une cucurbite, peut être considéré comme celui de la fig. 2 . à laquelle on a ajusté un dôme, fornix; il est de terre & conique également; il est haut de deux piés deux pouces; il a neuf pouces de diametre par le bas, & quatorze à la partie la plus large de son dôme hors d'oeuvre; il est communément divisé en quatre corps; le premier ou cendrier & les deux suivans sont hauts de sept pouces, & le dôme l'est de cinq; le sol du cendrier & les parois des autres corps ont deux pouces d'épais, excepté que le dôme est un peu aminci vers sa grande ouverture. La porte du cendrier est large de trois pouces & haute de deux; la grille ni ce qui la porte n'ont rien de particulier. La bouche du feu qui se trouve au second corps est large & haute de trois pouces, & demi-circulaire par le haut; il est comme les précédens muni de deux anses; le troisieme corps ou l'ouvroir n'a rien de particulier: ce n'est qu'un cercle de terre fait en cône renversé. Dans l'endroit ou il se joint avec le second, on a fait au bord supérieur & intérieur de celui-ci quatre échancrures pour loger deux barres de fer. Ces deux barres destinées à soûtenir la cucurbite, sont également éloignées entr'elles & des parois du fourneau; elles sont paralleles: ainsi on sait la situation des échancrures; on a soin de les creuser ou de choisir les barres, de façon que le second & troisieme corps du fourneau joignent bien ensemble. Au reste une seule barre peut suffire, quoique deux ne nuisent pas & fassent même mieux. Le quatrieme corps ou dome est une espece de voûte demi-circulaire, qui a au milieu de son élévation un trou assez grand pour passer le col d'une cucurbite de terre ou de verre. On voit dans sa partie intérieure quatre trous servant de regîtres. Il seroit mieux pour donner plus de chaleur, de les faire le plus près du grand qu'il seroit possible; mais alors le chapiteau en seroit échauffée. Les portes dont nous avons parlé, sont comme celles des fourneaux précédens, faites en embrasure & garnies chacune de leur fermeture. On met aussi ce fourneau sur un pié-d'estal convenable; ce pie-d'estal au reste ne sert pas plus pour l'élever que pour le garantir de l'humidité que les corps chauds ne manquent pas d'attirer, & des inégalités du pavé qui l'endommageroit. Il est le même que le fourneau de reverbere qu'on voit Pl. V . dans Lémery. On observera que les corps des trois fourneaux que nous venons de décrire s'agencent ensemble au moyen d'une languette qu'on pratique à la partie supérieure du corps inférieur, & d'une rainure faite à l'inférieure du supérieur. Ainsi placée elle ne se remplit pas d'ordures qui empêchent les deux corps de s'ajuster exactement ensemble, & font toujours perdre du tems. La languette & la rainure ont à peu-près le tiers de largeur de l'epaisseur des corps. La fig. 76 . n'est guere remarquable que par son vaisseau; le fourneau qui en fait partie ne differe de la fig. 14 . qu'en ce qu'il est cylindrique. On peut le faire en tôle comme en terre; mais on garnit la tôle comme nous le dirons des fourneaux de fusion. Le cendrier fait environ un tiers de sa hauteur totale, & est ouvert aux deux côtes par deux trous qui servent à transmettre le col de deux cornues qui reçoivent leur chaleur du foyer supérieur. Ainsi ce corps doit être separé du foyer; les portes n'ont rion de particuler, elles sont toûjours en proportior avec les regîtres, le diametre du fourneau , & ce qu'on doit y introduire. Les regîtres sont pratiqués un peu au-dessous du bord inférieur de la partie qu'on peut appeller l'ouvroir , quoiqu'elle ne soit pas séparée du reste; la grille est comme à l'ordinaire. Il faut pourtant remarquer que, comme la cucurbite ou vessie ne remplit pas exactement le fourneau par le haut, il est souvent nécessaire d'avoir un cercle de tôle ou de terre qui soit posé sur les bords supérieurs du fourneau pour boucher l'intervalle que laisse la cucurbite. Nous ne parlons point des soûtiens qu'on y voit attachés; peu importe qu'ils tiennent au fourneau , ou qu'ils en soient isolés. Les fermetures des portes sont de tôle, & roulent sur des gonds. Nous détaillerons dans la suite des fourneaux qui répandront beaucoup de clarté sur la construction de celui-ci qui se trouve page 316 . de Libavius. La fig. 96 . est un fourneau en briques; il est quarré extérieurement; il doit être rond interieurement; il a un cendrier, une grille, un foyer, un ouvroir, & quatre regîtres comme les précédens. La porte du foyer est quarrée, parce qu'il est plus aisé de lui donner cette figure avec des briques. Au reste, peu importe celle qu'elle aura, soit dans ce fourneau , soit dans ceux qui précedent; il faut des fermetures à l'ordinaire. Il est dans Manget, Pl. X . & en remontant dans Lémery, Pl. II . qui l'a pris dans la Pl. IV . de Charas, qui l'a pris dans la Pl. I . de le Fêvre, tome I . Ce dernier le tient de Béguin, p. 162 . La fig. 123 . represente un fourneau , au moyen duquel on peut distiller par en-haut & par le côté tout-à-la-fois. Comme cette espece de fourneau est mixte du côté de l'opération, & que les vaisseaux qu'il contient le sont aussi, nous n'en donnerons la description qu'à l' article Vaisseaux . Voyez Libavius, page 322 . On a vû que les fourneaux que nous venons de décrire ne different pas essentiellement entre eux; nous ajoûterons ici que quand ils sont extrèmement grands, & qu'ils doivent recevoir un alembic de cuivre de deux piés de diametre, par exemple; on les fait en briques, comme celui de la fig 96 . & l'on ne fait pas le foyer de toute la largeur de la cucurbite, parce qu'il se consumeroit trop de bois inutilement. Nous mettrons encore les fourneaux à lampe au rang de ceux qui servent à la distillation ascensoire. On en trouve deux dans nos Planches , marqués fig. 64 . & 65 . Le premier est un cylindre creux de tôle, de cuivre, ou de laiton, qui a environ neuf pouces de haut sur sept ou luit de large; il a une ouverture au-bas pour recevoir le canal d'une lampe à pompe qui brûle à trois ou quatre meches; on y brûle de l'huile d'olives à vil prix, ou de l'huile de navette; mais il vaut mieux, si l'on peut, n'employer que celle d'olives, parce que celle de navette donne une forte odeur qui incommode. D'ailleurs elle produit plus de champignons que l'autre, toutes choses egales d'ailleurs. On aura soin de faire les lumignons courts, terminés en un petit pinceau, & assez gros pour remplir exactement les petits tuyaux par lesquels ils passent: on allume le nombre de meches nécessaire au degré de feu qu'on veut donner. Ce fourneau se trouve dans Libavius, d'où il a passé successivement dans les ouvrages de Beguin, de Sgobbis, connu sous le nom de Montagrana sa patrie, de Lémery, & de M. l'abbé Nollet, t. IV. de ses leçons de Physiq. expérim . mais avec quelques accessoires différens. Le second, dont nous croyons le Fêvre l'inventeur, ou tout au-moins celui qui le premier en a donne la description, se trouve aussi tome II. de la bibliotheque pharmaceutique de Manget, Pl. XI . fig. 2 . On le voit dans la II. Planche de le Fêvre, & il est marqué fig. 65 . dans les nôtres. Ce fourneau , dit l'auteur où nous l'avons pris, peut servir à plusieurs opérations de chimie capables de satisfaire & de piquer les plus curieux. Il doit être fait d'une bonne terre bolaire, compacte, bien pétrie, bien liée, & bien cuite, afin que la chaleur de la lampe s'y conserve bien. Si l'on craignoit qu'elle ne transpirât, on pourroit enduire le dehors & le dedans du fourneau , après sa cuisson, avec des blancs-d'oeufs qu'on auroit reduits en eau par une continuelle agitation. Ce fourneau doit être de trois pieces, qui auront en tout 21 pouces de haut. Il sera épais d'un pouce, & en aura 8 de diametre dans oeuvre. La premiere piece ou base en aura huit de hauteur; son sol sera percé d'un trou de 4 pouces & demi de diametre. Cette ouverture est faite pour le passage de la lampe qui en aura 3 de diametre. & 2 de profondeur. Cette lampe sera ronde & couverte d'une platine ayant dans son milieu un trou environné de six autres également éloignés enti eux, & de celui du milieu. Chacun de ces trous sera assez grand pour admettre une meche de 12 fils au plus. Le second corps aura 7 pouces de haut; il faut qu'il s'emboîte juste dans le premier, & qu'il ait quatre pattes de terre qui ayent un pouce de saillie dans le fourneau, pour soûtenir un vaisseau de terre ou de cuivre qui aura six pouces de diametre & quatre de haut. Ce vaisseau de terre est une capsule dans laquelle on mettra a volonté de l'eau, des cendres, ou du sable, pour servir d'intermede & faire un bain qui en tirera son nom. Ce que nous disons ici, est une modification qui ne se trouve point dans la figure. Car on n'y voit qu'un petit rebord saillant d'un pouce tout-autour, qui soûtient un trépié; ainsi on pourra choisir. Il faut aussi que cette seconde piece ou corps soit percé de deux trous à l'opposite l'un de l'autre, d'un pouce & demi de diametre. On y ajustera deux crystaux de Venise. Ces deux trous doivent être pris à la hauteur de 4 pouces du second corps, & ne lui laisser conséquemment qu'un pouce & demi au-dessus d'eux. Tout vis-à-vis, dans le vaisseau qui enferme l'oeuf philosophique, seront ouvertes deux autres fenêtres, auxquelles on ajustera aussi deux verres pour voir le changement des couleurs, &c. dans l'opération, au moyen d'une chandelle qu'on mettra à la fenêtre opposée à celle à laquelle on regardera. La troisieme piece du fourneau doit être de 6 pouces, pour achever les 21 pouces de la hauteur entiere. Elle doit être faite en dôme ou en hémisphere, & avoir dans son milieu un trou d'un pouce de diametre. Il servira à recevoir plusieurs pieces pyramidales de trois lignes chacune, ayant un rebord qui s'appliquera sur le bord du trou, qu'on bouchera par ce moyen autant & aussi peu qu'on le voudra. On aura une autre piece aussi pyramidale, qui fermera le milieu s'il est nécessaire. Il faut qu'il y ait encore quatre autres trous faits comme le premier. Ils seront faits dans le troisieme & quatrieme pouce de la hauteur, & également éloignés les uns des autres. Ce sont ces trous qui servent de regitre au fourneau de lampe, c'est-à-dire au moyen desquels on gouverne la chaleur; sans compter qu'on remplit encore les mêmes vûes par l'éloignement ou l'approximation de la lampe. Cette lampe sera posée sur un rond de bois ajusté sur une vis qui l'élevera ou l'abaissera à volonté. On changera encore le degré de chaleur selon les différentes opérations, en allumant plus ou moins de meches, & les faisant avec plus ou moins de fils chacune. Mais on ne fixe guere bien le degré de chaleur au point où il convient, qu'au moyen d'un thermometre qui peut s'introduire aisement dans le fourneau . On pourra rectifier les huiles dont on se servira pour la lampe, sur de l'alkali fixe bien calciné. Par-là elles donneront moins de suie & plus de chaleur, parce qu'on leur enleve leur humidité & mucosité. Les meches doivent être d'or, ou d'alun de plume, ou d'amiante. On peut cependant leur substituer la moëlle de sureau ou de jonc bien desséchée, qu'on changera toutes les 24 heures; ce qui fait qu'il faut avoir deux lampes qu'on substituera l'une à l'autre, afin qu'il n'y ait aucune interruption dans la chaleur. Si on employe la moëlle de sureau, il faut qu'il y ait une petite pointe de fer aiguë, qui soit soudée au fond de la lampe, & qui reponde au milieu du trou du couvercle qui doit contenir la meche. Ce couvercle peut encore être flottant, au moyen de quelques petits morceaux de liege, selon une méthode qui est trop connue pour que nous en parlions davantage. Au reste, il est évident que ces fourneaux de lampe, particulierement ce dernier, & même tous ceux dont nous avons parlé jusqu'ici, sont employés à d'autres opérations. Nous en parlerons en son lieu. Les fourneaux à capsule qui sont indiqués dans les auteurs latins sous le nom de furni catinaii , doivent être aussi placés avec les fourneaux à distiller par ascension, soit parce qu'ils y servent souvent, soit parce qu'ils sont du genre des autres bains, qui trouveront ici leur place. Ces fourneaux sont principalement de deux especes; ou ils servent par emprunt aux capsules, ou bien ils y sont particulierement destinés; & cette seconde espece se trouve quelquefois comprise sous le nom d' athanor . Quant à la premiere, elle est composée d'individus semblables à quelques-uns de ceux que nous avons déjà mentionnés, & à d'autres que nous verrons dans la suite sous le nom de fourneau de distillation latérale, & même d' athanors . Aussi n'en avons-nous représenté qu'un, pour l'appareil dont il est suivi; c'est celui de la figure 13 . il ressemble parfaitement à la fig. 14 . ainsi nous n'en donnerons point de description. Nous dirons seulement un mot en passant du vaisseau d'ou ils tirent leur dénomination. Une capsule est un petit vaisseau hémisphérique de terre, de tôle, ou de fonte, & souvent ane poële dont on a coupé la queue, ou ce que les officiers appellent un diable , qui sert à contenir l'intermede sec dont on se sert quand on ne veut pas exposer un corps à feu nud. La seconde espece est un genre particulier, dont nous n'avons point encore vû d'exemple jusqu'ici. Nous renverrons à leur place ceux dont quelqu'accessoire a changé le nom. Ainsi nous ne parlerons ici que de la fig. 23 . qui est un fourneau à capsule propre, ou un bain de sable uniquement employé à ce dont il porte le nom. On l'a pris dans la Planc. IV . tom. I. de Schlutter, qui l'employoit à départir. On apprendra par la suite que l'usage du bain de sable est très-étendu. L'auteur en question s'en servoit à placer plusieurs matras ou cucurbites. Pour cet effet, on construira des murs de briques, dont la longueur en-dehors sera de 4 piés sur 2 piés de large, & la hauteur de 2 piés 3 pouces. Il aura en-dedans un pié de large sur 3 piés de long à l'endroit du foyer. Son soupirail sera de 9 pouces en quarré. Le cendrier regnant dans toute la longueur du fourneau , sera de même largeur. Au-dessus seront des barres de fer posées sur un petit mur d'appui qui se trouve tout fait par cette construction. Ces barres serviront de grille à la chauffe ou foyer. A quelques pouces au-dessus du foyer, seront maçonnées au même tems que la brique, des barres de fer pour soutenir une plaque de tôle épaisse, sur laquelle on mettra le sable. Au bout du fourneau est un regitre pour l'issue de la flamme & de la fumée. On lui ajuste un tuyau de poêle qu'on porte dans une cheminée, &c. Les différentes especes de bains ne sont que des fourneaux semblables à quelques-uns de ceux dont nous avons déjà parlé, mais qui portent des nom, différens, relativement à l'intermede qui constitue ce bain. Ainsi nous ne parlerons pour le moment que d'un seul fourneau particulierement destiné au bain-marie. Ce fourneau ne differe du précédent qu'en ce qu'au lieu d'une simple plaque de tôle ou de fonte, on y a encastré un chauderon de cuivre pour tenir de l'eau. Mais ce chauderon pourroit également contenir du sable, des cendres, &c. s'il se brûloit trop vîte, on le feroit de fonte. Ce fourneau est notre fig. 11 . On fait donc des murs de briques de telle épaisseur & longueur qu'on veut. La largeur est aussi indifférente; mais on ne donne que peu de largeur à l'endroit où l'on met le bois, pour l'épargner, & parce qu'il ne faut pas un grand feu. On lui donne, par exemple, un pié de large, & autant de haut, si ce fourneau est de la même grandeur que le précédent, & si on ne lui met point de grille comme à notre fig. 11 . & quand il est élevé à la hauteur convenable pour admettre un chauderon de 10 pouces de profondeur, par exemple, on l'y encastre en ménageant au bout opposé au soupirail un trou pour la fumée. On ajuste un tuyau de poêle à ce trou, & l'on couvre ce chauderon rond ou quarré, ou quarré-long, d'une plaque de cuivre ou de tôle, dans laquelle on fait des trous. Ces trous servent à passer les vaisseaux distillatoires, digestoires, &c. ou les plats, terrines, évaporatoires qu'on veut mettre au bain-marie. Le fourneau de la fig. 118 . sert au bain-marie ou diplome des anciens. Outre les bains dont on a parlé à leur article, nous dirons qu'il y en a encore d'autres, comme par ex. Le bain de limaille, où ce corps est employé à la place du sable. Le bain de fumier, ou celui qui se fait au moyen du fumier échauffé par sa seule fermentation, ou par l'eau chaude, comme nous le verrons en parlant des vaisseaux, & le bain de marc de raisin. Voy. Verdet . Le bain de sciure ou de rapure de bois dont parle Cartheuser, seconde édition de sa Chimie . Le bain sec qui est de deux especes: celui où il n'y a d'autre intermede qu'une capsule, & il est opposé à l'humide ou au bain-marie, & celui où le vaisseau contenant la liqueur à distiller, par exemple, est exposé au feu immédiat, ce qu'on appelle encore feu nud . Les fourneaux qu'on appelle de décoctions , sont encore des fourneaux de l'espece de ceux que nous avons vû. Dans ce rang nous placerons les fig. 12 . 69. 72. & 162 . La fig. 12 . est précisément la même que les 13. & 14. ainsi nous n'en donnerons point de description. On en voit un à-peu-près semblable dans la Pl. III . de Lémery, lettre s; il paroît que s'il lui manque un cendrier, c'est par la négligence du dessinateur. Les 69. & 72. n'en different que parce qu'elles représentent des fourneaux de fonte à piés, dont le premier est couvert; celui-ci est de Glauber, Part. I. de ses fourneaux , & celui-là de Lémery, Pl. VI . La 162. n'a rien qui demande une description particuliere quant au fourneau; il est dans Libavius, p. 331 . On employe encore d'autres fourneaux en Chimie, qui sont a peu de chose près les mêmes que la plûpart de ceux qui précedent. Je veux parler des fourneaux à aludels ou de sublimation, qui est à proprement parler une distillation ascensoire seche. Tels sont ceux qu'on a marqués fig. 5 . 66. 98. & 167 . Le premier est de l'adepte Géber. Il se trouve page 65. de la somme . Outre les fourneaux usités actuellement en Chimie, nous avons crû que nous devions exposer quelques figures des premiers qui ont été représentés, afin qu'on pût voir le point d'où l'on est parti, & sentir les additions & corrections qui ont été faites depuis. Géber, qu'on appelle le roi , à cause de son habileté en Chimie, est l'auteu le plus ancien qui les ait figurés, & qui y ait joint une description assez claire, & meilleure que ses figures qui n'y répondent pas trop exactement. Géber vivoit au vij. siecle, selon Boerhaave; au viij. selon Moreri, & au jx. selon son continuateur, qui parle d'après l'abbé Lenglet, fondé sur la même autorité que Boerhaave. Quoi qu'il en soit, il est très-certain que Géber est sort ancien, & se trouve cité dans Albert le grand & Arnaud de Villeneuve, qu'il n'a point cités. Avant cet artiste, l'ignorance & la mauvaise foi s'étoient toûjours enveloppées du voile de l'emblème & de l'énigme, même pour les plus petites choses, comme cela est encore arrivé depuis, & même de notre tems. Tout auteur qui écrivoit des choses inintelligibles, étoit un homme respectable, précisément parce qu'on ne l'entendoit point. Aujourd'hui la raison a repris le dessus; & tout homme qui voudroit ramener ces tems précieux où l'on ne parloit ni n'écrivoit pour se faire entendre, & où la crédulité étoit la dupe du jargon mystérieux, feroit croire qu'il auroit de bonnes raisons pour en user de la sorte. Si Géber est tombé dans cet inconvénient quant aux opérations, au moins a-t-il pû être de quelqu'utilité par la description de ses ustensiles. Il avertit que le fourneau qu'il décrit & destine aux aludels, doit être plus ou moins épais & plus ou moins grand, selon la grandeur des vaisseaux qu'on y veut mettre, & l'intensité du feu auquel on veut les exposer. On éleve des parois circulaires à la hauteur de 9 pouces, en pratiquant une porte pour le bois, dont la partie inférieure soit de niveau avec le sol ou pié-d'estal du fourneau . On assujettit pour lors une barre de fer grosse comme le doigt, pour soûtenir l'aludel. On donne à-peu-près autant de hauteur au fourneau au-dessus qu'au-dessous de la barre de fer; & au milieu de la partie du fourneau supérieure à cette barre, qu'on peut appeller le second corps , ou l'ouvroir du fourneau , on fait quatre trous ou regîtres, dont la grandeur doit être déterminée par celle du fourneau , & la vivacité nécessaire au feu. On couvre le tout d'un dôme un peu convexe, & ayant un grand trou au milieu pour recevoir l'aludel, quoique Géber & sa figure n'en disent rien. Entre ces vaisseaux & les parois du fourneau , il doit y avoir un espace de deux doigts, plus ou moins, selon le degré de chaleur nécessaire. On lutte l'aludel au fourneau . Ces deux vaisseaux ont la proportion qu'ils doivent avoir entre eux & avec le feu qu'on y tient, quand celui ci circule bien autour de l'aludel, que la matiere qui y est contenue reçoit le degré de feu convenable, & que la flamme & la fumée sortent bien par les regîtres. Si ces conditions ne se trouvent pas remplies, on diminue l'aludel, ou on aggrandit le fourneau: & on augmente ou retrécit les regîtres jusqu'à ce qu'on ait trouvé le juste point qu'on desire. Pour peu que l'on compare ce fourneau avec ceux qui ont été faits depuis, on y trouvera, je pense, assez de ressemblance pour conjecturer qu'il n'a pas peu servi à contribuer à leur perfection & aux avantages qu'on en retire. Au-moins voit-on que l'auteur a bien entendu la méchanique du feu. Le fourneau de la fig. 66 . est non-seulement un fourneau sublimatoire, mais encore un fourneau où la matiere est exposée à feu nud. Nous en parlerons en particulier dans la section des fourneaux à distiller par le côté, pour ne pas le séparer d'un autre de cette espece. La fig. 98 . représente encore un fourneau tiré de Géber, p. 72 . Il est destiné aux aludels dans lesquels on doit faire la sublimation de la marcassite, &c. Il dit que ce fourneau doit donner un degré de feu capable de fondre le cuivre ou l'argent, si cela est nécessaire. Le haut doit être fermé avec un disque percé pour recevoir la cucurbite, qu'on lutte à ce disque, pour empêcher que le feu ne vienne à échauffer l'aludel, & à fondre la matiere sublimée. On fait seulement quatre petits regîtres dans ce disque, avec autant de bouchons. C'est par-là qu'on met le charbon dans le fourneau . On en fait encore quatre autres dans les parois du fourneau , pour mettre également les charbons; sans compter qu'il en faut encore 7 ou 8 capables d'admettre le petit doigt. Ces derniers doivent être toûjours ouverts, pour que le fourneau puisse se délivrer de ses fumosités. Ils seront pratiqués dans l'endroit où le fourneau se joint avec son couvercle. Le fourneau qui donne un grand degré de feu, est celui dont les parois sont élevés de 3 piés, ayant dans leur milieu une grille de terre capable de soûtenir le grand feu, percée de quantité de petits trous en entonnoir renversé, afin que la cendre & les charbons puissent tomber aisément, & laisser une libre entrée à l'air C'est cette liberté qu'a l'air d'entrer en grande quantité par ces trous inférieurs, qui excite un grand feu dans ce fourneau . Ainsi il n'est que de s'exercer sur ce point de vûe, & l'on en viendra à son but. Il est aisé de voir que Géber vient de décrire un fourneau de fusion, quoiqu'il l'applique à ses aludels; en suivant sa description, on doit réussir presque comme aujourd'hui à en construire un, excepté qu'on y a ajoûté quelque chose; ainsi je ne vois pas pour quelle raison Glauber a eu tant de peine à trouver le sien, que nous décrirons à la section des fourneaux de fusion. On remarquera en passant qu'il semble que Géber n'ait pas dessiné lui-même ses figures, quoiqu'il en parle comme les ayant données. C'est une faute qu'on ne peut attribuer qu'au dessinateur ou graveur qui nous les a transmises. L'édition de Géber dont nous avons tiré ce que nous avons donné de lui, est celle de Dantzic, faite en 1682, d'après un manuscrit du Vatican. C'est la meilleure; elle est très-rare, comme l'a fort bien remarqué M. l'abbé Lenglet dans sa bibliotheque hermétique . Mais on la trouve imprimée en latin dans le vol. I. de la bibliotheque chimique curieuse de Manget, avec les planches fidelement copiées. Elle se trouve aussi, mais traduite en françois, dans le tom. I. de la philosophie chim. donnée par Salmon, en 4 vol. in-12. Enfin le quatrieme ou dernier fourneau sublimatoire est celui de la fig. 167 . Il ne se trouve dans nos Planches que pour l'élégance de l'appareil; car ce n'est au fond qu'un pur fourneau de décoction ou à capsule, qui a un rebord à sa partie supérieure, & une barre pour soûtenir un aludel. Cet appareil est de Manget, Pl. IX . qui l'a pris dans la Pl. III . de Charas, ou bien Pl. II . de le Fêvre, où Charas l'a pris. Mais nous nous appercevons qu'il ne suffit pas de donner des proportions pour les fourneaux; nous allons donc exposer la composition & la maniere de construire ceux qui sont en terre, avant que de passer à notre seconde section. Les Fournalistes de Paris font leurs fourneaux avec de l'argille qu'ils prennent à Gentilli ou à Vanvres, & avec les taissons des pots de grais élevés & cylindriques, où l'on apporte à Paris le beurre salé de Bretagne & de Normandie; ils font tremper pendant une nuit leur argille divisée en grosses pelotes, après quoi ils la corroyent & la pétrissent avec les piés, pour en écarter les corps étrangers, comme les pierres, les pyrites, &c. d'un autre côté, ils pilent les pots de grais & les passent par différens cribles pour en avoir des morceaux de même grosseur à-peu-près. La partie la plus fine est reservee pour les creusets, moufles, scorificatoires, &c. on employe pour les fourneaux celle qui est réduite en morceaux gros comme du millet, du chénevis, des lentilles, relativement à l'épaisseur de leurs murailles, quoiqu'une exactitude scrupuleuse ne soit pas nécessaire à cet égard. On met environ égales parties de ce ciment & d'argille préparée; on les mêle bien intimement: on garde cette composition à la cave pour la tenir fraiche jusqu'a ce qu'on la mette en oeuvre. Pour construire un fourneau , soit donné, par exemple, celui de la fig. 2 . l'artiste prend un morceau de sa composition qu'il juge assez volumineuse pour faire le sol du cendrier; il la pétrit & en fait une plaque qu'il pose sur une pierre plate saupoudrée de cendres criblées, & portée horisontalement sur un billot de hauteur convenable. Quand il lui a eu donné la même épaisseur par tout, & qu'il l'a eu arrondie à vûe d'oeil, il échancre ses bords en les pinçant, afin que l'argille qu'il doit ajoûter s'y incorpore: pour élever la paroi, il prend un autre morceau de sa pâte, le pétrit & le réduit en un cylindre long de trois ou quatre piés, suivant la quantité de cette pâte; il en applique une extrémité sur la circonférence du sol, la presse avec le pouce, & continue ainsi d'en imprimer les empreintes sur toute la longueur du cylindre qu'il applique au sol. Ainsi la grosseur de ce cylindre est déterminée par l'épaisseur qu'on veut donner aux parois du fourneau; non qu'il doive avoir un diametre égal à cette épaisseur, car il en faut retrancher ce qu'il peut acquérir étant applati. A ce premier cylindre en succede un second, & ainsi de suite, jusqu'à ce que les parois soient élevées jusqu'au foyer. Alors l'artiste donne le premier poli à son ouvrage, en ôtant l'excédent par-dehors avec un doigt qu'il passe à-peu-près perpendiculairement de bas-en-haut; il passe presque de la sorte sa main par-deg dans, pour voir s'il n'a rien à retrancher; car si son fourneau est trop épais, il passe un couteau tout-autour pour emporter l'excédent, & il polit ensuite avec la main, puis avec une petite palette ou pelle de bois qu'il trempe de-tems-en-tems dans l'eau: on conçoit bien que cette palette doit être convexe d'un côté. Pour lors il enleve son ouvrage de dessus la pierre pour le placer sur la planche sur laquelle il doit sécher. S'il veut faire le sol du foyer en terre, & qu'il veuille que ce sol soit fixe, il fait une plaque semblable à la premiere, mais convexe supérieurement, & en couvre les parois; il l'échancre aussi en la pinçant, & il continue d'appliquer ses cylindres. Mais s'il ne veut faire qu'un rebord, ou même que trois ou quatre mentonnets pour soûtenir une grille de terre ou de fer; il se contente d'appliquer en-dedans & à la hauteur requise, un cylindre qui parcoure la circonférence du cendrier une fois ou deux, suivant la saillie qu'il veut faire, ou bien il ne l'applique que dans trois ou quatre endroits, mais à diverses reprises, pour faire la saillie nécessaire; après quoi il continue comme auparavant, d'élever ses parois. Quand le fourneau est fini, il examine s'il est bien rond, s'il n'est point plus panché d'un côté que d'un autre, ou si un bord n'est point plus haut que l'autre: quant à la rondeur, elle se donne aisément en pressant avec les deux mains le grand diametre du fourneau . On ajoûte au bord qui n'est pas assez élevé, ou l'on diminue celui qui l'est trop; mais on ne corrige l'obliquité qu'en pressant avec les deux mains placées vis-à-vis l'une de l'autre, le côté qui rentre dans le fourneau , pour lui donner plus d'étendue & l'en faire sortir, & en frappant doucement avec la main le côté opposé qu'on doit refouler: on le polit ensuite comme avant, premierement avec les mains, & ensuite avec la palette, avec laquelle on le frappe d'abord également de toutes parts pour remplir les petits interstices qui peuvent y être restés. On fait tout-de-suite la mentonniere, les poignées du fourneau , & celles des parties qui doivent devenir les portes; après quoi on les met sécher à l'ombre. Telle est la pratique de l'artiste à qui un long exercice a donné le coup-d'oeil qui supplée aux instrumens nécessaires à arrondir un fourneau , ou qui se soucie peu d'une exactitude géométrique qui d'ailleurs ne subsiste pas toûjours. Il n'en est pas de même de ceux qui commencent & qui veulent travailler avec soin: les uns ont pour guide un petit bâton poli planté perpendiculairement dans la planche sur laquelle ils construisent leur fourneau tout-autour de cet axe, & ils l'arrondissent en le mesurant avec une ficelle qui joue aisément autour de l'axe passé dans son anneau; d'autres se servent d'une fausse équerre qu'ils ouvrent à angle droit, par exemple, quand c'est un fourneau cylindrique, & à angle aigu quand c'en est un en cone renversé qu'ils veulent faire. Quand il a essuyé sa plus grande humidité, on le frappe & on le polit encore; on coupe avec un couteau mince les portes en embrasure, on ouvre les regîtres, & on expose de nouveau le tout à l'air jusqu'à parfaite dessication; après quoi on fait cuire. Le four qui sert à cet usage est une cavité de cinq piés de profondeur sur quatre de large, cinq de haut dans le fond, & cinq & demi ou plus à l'embouchure; il est fait en-dehors d'une maçonnerie capable de soûtenir la poussée de la voûte, & revêtu en-dedans de briques de Bourgogne placées sur deux rangs, excepté à la voûte. Du fond à l'embouchure regnent des deux côtés deux petits murs de brique, épais & hauts de neuf pouces, appliqués aux murs du fourneau: sa porte est marquée par deux petits piés droits, de même largeur & épaisseur que les deux petits murs d'appui: ils s'étendent de bas en-haut. Quand on veut ranger les fourneaux dans ce four, on met pour les soûtenir, des barres de fer sur les petits murs d'appui, & on les place debout ou couchés; peu importe: c'est le sens qui permet qu'on en mette davantage, qui décide. Le four étant plein, on ferme le devant avec de grands carreaux ou de grandes pierres plates qui s'étendent d'un côté à l'autre de la porte, avec toutefois la précaution de le laisser ouvert en bas à la hauteur des petits murs d'appui, pour le passage du bois, & en haut d'environ autant dans toute la largeur de la porte, pour le passage de la flamme: on remplit de menu bois tout l'espace compris entre les petits murs, & on entretient le feu de la sorte pendant huit heures; on consume environ le quart d'une voie de bois. La cheminée de ce four est placée comme celle du four du boulanger, avec cette exception que la sabliere en est presque aussi basse que la partie inférieure de l'ouverture qu'on a laissée pour le passage de la flamme. L'endroit du four où le feu est le plus vif, c'est la partie de la voûte qui est près du passage de la flamme: le fournaliste met cependant au milieu les grosses pieces qu'il a à cuire, sans doute parce qu'elles sont environnées d'une plus grande masse de feu, & non pas parce que le feu y est plus actif. L'ouverture supérieure ne devroit avoir que la moitié ou les deux tiers tout-au-plus de l'inférieure. Si l'on examine ce qui se trouve dans la cheminée, on voit à la paroi antérieure quantité de cendres bien calcinées; & à celle qui est mitoyenne avec le four, un noir de fumée fort sec; ce qui indique que la matiere fuligineuse est mêlée en petite quantité avec beaucoup de cendres. L'argille de Gentilli est d'un bleuâtre assez foncé; ce qui, joint aux pyrites qui s'y trouvent fréquemment, peut faire soupçonner qu'elle contient du fer; aussi est-il inutile d'y ajoûter de la limaille, que quelques artistes regardent comme nécessaire à la composition de leur pâte. Toute argille s'amollit dans l'eau & y devient une pâte ténace & bien liée; elle se durcit quand on la seche à l'air: si on ne l'expose qu'à un feu médiocre, d'abord elle y devient dure; mais si on augmente son activité, elle se convertit en un verre demi opaque, d'un verd tirant sur le roux. C'est pour cette raison que les fournalistes ne donnent un feu ni trop long ni trop vif; car leur argille est d'autant mieux disposée à prendre la vitrification, qu'elle est mêlée d'une matiere (les pots de grais) qui la favorise. On fait par expérience qu'un corps vitrifié veut être échauffé & refroidi lentement; mais on ne peut pas observer ces précautions à l'égard des fourneaux , dans lesquels il faut pouvoir mettre le feu tout-d'un-coup, de même qu'il faut être le maître de l'en retirer de la sorte: ils ne doivent donc pas être vitrifiés; il y a plus, c'est qu'il faut qu'ils soient assez poreux pour soûtenir constamment sans altération les vicissitudes de chaleur & de refroidissement qu'exigent l'opération ou la commodité de l'artiste. On n'a pas encore trouvé de matiere qui remplît mieux ces vûes que l'argille mêlée d'un corps étranger tel que le grais. L'argille a assez de consistence pour se lier malgré les obstacles qu'elle trouve; mais en même tems ses parties ne s'unissent pas assez fortement pour former un corps qui ait les inconvéniens du verre: d'ailleurs le grais, quoique susceptible de se vitrifier avec cette terre, demande pourtant un feu assez vif; ensorte que celui qu'on donne aux fourneaux ne produit tout-au-plus qu'un petit commencement de liaison. On trouve différentes compositions pour les fourneaux dans les auteurs, qui mériteroient de trouver place ici, parce que ce sont des faits qui peuvent etre utiles & qui sont dûs à une longue expérience: mais comme le même lut est applicable à différentes circonstances qui ne se trouvent point dans cet article, nous en ferons un article particulier auquel nous renvoyons. Voyez Lut & Vaisseau . Des fourneaux à distiller par le cote . Tels sont ceux de nos fig. 1 . 3. 7. 67. 69. 73. 145. & 161. celui de la fig. 1 . est compose de quatre corps; il est cylindrique, haut de deux piés cinq pouces, & large de 14 pouces en-dehors: son épaisseur est de deux par tout, excepté vers le trou de son dôme ou il s'amincit; son cendrier est haut de six pouces, en comptant l'épaisseur du sol; le soupirail est large de quatre & haut de trois. Le second corps ou le foyer est hant de neuf pouces; dans sa partie inferieure, on laisse en le construisant trois ou quatre pitons pour soûtenir la grille; c'est pour cela que le second corps est plus élevé que le premier. La porte du foyer est haute & large de quatre ou cinq pouces, & demi-circulaire à sa partie supérieure. L'inserieure est élevée de deux pouces au-dessus de la grille: à la partie supérieure de ce corps, ou pratique quatre échancrures pour loger les barres de fer qui doivent soûtenir la cornue, ainsi que nous l'avons dit en parlant de la fig. 74 . au commencement de cet article. Ces barres de fer ont communément huit ou dix lignes d'équarrissage. le troisieme corps ou l'ouvroir est un cercle cylindrique dont le bord supérieur est échancré pour le passage du cou de la retorte: on sait toûjours cette échancrure demi-circulaire plus grande qu'il ne faut, parce qu'on bouche ce que la cornue laisse d'espace avec un lut convenable. Ce corps est haut de sept pouces; le dôme ou quatrieme corps a la même hauteur; il est, ainsi que le précédent, échancré demi-circulairement, avec cette différence que son échancrure est moins profonde que celle de l'ouvroir, quoique aussi large; enfin ces deux échancrures font à elles deux une ovale dont le grand diametre est perpendiculaire. on sent bien que cela étoit nécessaire pour loger commodement le cou de la retorte qui est incline pour l'ordinaire. Au milieu du dôme est un trou circulaire de deux pouces de diametre; on le garnit quelquefois de terre qu'on termine en une naissance de tuyau, au quel on en ajuste un autre: ce fourneau le met, ainsi que la plupart des précédens, sur un dez de hauteur convenable. Nous avons déjà parlé de ses portes de soupirail & de foyer, en décrivant la fig. 2 . Nous avons ajoûte une troisieme piece de terre tout-près de ces deux premieres; elle est marquée q: elle sert à boucher l'échancrure du cou de la cornue, du-moins celle de l'ouvroir; il en faut une seconde pour le dôme, de la grandeur requise: chacune de ces pieces s'emboîte dans son lieu au moyen d'une petite languette de chaque côté qui entre dans une petite rainure pratiquée dans l'échancrure, & elles ont outre cela la languette & la rainure qui se trouvent dans tous les corps de ce fourneau & des autres qui sont de même faits en terre. La grille est d'un fer de huit ou dix lignes d'équarrissage, & laisse entre elle & les parois du fourneau un espace d'un bon doigt, comme nous l'avons dejà dit. Ce fourneau est portatif, comme tous ceux que nous avons décrits, à l'exception de ceux qui sont en briques: on l'appelle aussi fourneau de réverbere; qualité qui lui est commune avec d'autres bien différens; il ressemble beaucoup à l'athanor de la Roquetaillade, que nous décrirons en son lieu. Il est le même que celui que Béguin a donné, p. 148. car celui-ci a 4 corps cylindriques & un seul trou au milieu du dôme: il a pourtant cette différence qui le met au-dessus du nôtre; c'est que son foyer est elliptique par le bas, ensorte que le diametre de la grille n'a que la moitié de celui du fourneau . La cornue y est encore appuyée sur une tourte; Béguin le chaussoit avec le bois de chêne ou de cornouiller, & s'en servoit aux mêmes usages qu'on l'employe aujourd'hui, c'est-à-dire à distiller les acides minéraux. Au reste, il ne faut pas confondre ce fourneau avec celui qu'il qualifie, pag. 80. servant à toutes les opérations de Chimie; nous en toucherons deux mots à la section des polychrestes. Nous avons figuré le couvercle dont on se sert quelquefois pour fermer en partie la naissance du tuyau & ralentir le feu. On voit dans le laboratoire chimique de Kunckel, un fourneau de distillation latérale dont le foyer est elliptique par le bas, comme ceux de Charas, Béguin, &c. mais la grille dans ces auteurs, est à-proportion plus grande que dans Teichmeyer. Le fourneau de distillation latérale marqué fig. 3 . differe du précédent en ce qu'il est fixe, construit en briques & d'une seule piece, quant à ce qui répond aux trois corps de la fig. 1 . Il se trouve dans la Pl. Il . de Glaser deux fois & dans la Pl. I . de Lemery, qui l'a mieux décrit qu'il ne l'a représenté; il y a toute apparence que lui & Manget le tiennent de Charas, au moins ces deux derniers se ressemblent ils parfaitement; mais ils différent de celui de Glaser en ce qu'ils ont la figure elliptique de celui de Béguin. Voy. Manget, Pl. XI . Charas, Pl. V . & Rhenanus, Pl. X . & XIII . Il est destiné aux mêmes opérations que le précédent, avec cette différence qu'on y fait celles qui demandent un feu violent & long-tems continué, comme le phosphore, par ex. on lui donne des dimensions qui varient à-proportion de la quantité de matiere qu'on y veut traiter. Cependant comme il faut y placer une grosse cornue, on agit en conséquence, & on le fait assez grand pour qu'il puisse la contenir: on commencera donc par élever des murs de briques à double rang, qu'on liera bien selon les moyens que nous dirons dans la suite; on lui donne de l'épaisseur afin que la chaleur s'y puisse conserver plus long-tems. On fera le cendrier haut d'un pié pour le moins, rond ou quarré, peu importe; on en tournera la porte, qu'on fera haute & large d'un demi-pié, du côté que vient l'air, s'il est possible: on posera dessus des barres de fer épaisses de cinq ou six lignes & larges de deux ou trois pouces, pour soûtenir les briques qu'on posera ensuite. Quelquefois au lieu de commencer tout-d'un-coup à élever son cendrier, on avance les deux premiers rangs de briques ou de grais, pour plus d'élégance, comme nous l'avons marqué dans notre fig. mais c'est un ornement qui ne sert qu'à embarrasser, & il n'en doit être guere question en Chimie. Ce que nous disons ici doit également s'entendre de tous les autres fourneaux massifs, comme de la forge, par exemple, pour laquelle on est encore dans l'usage d'entrer dans cette minutie. Après avoir élevé le cendrier de la hauteur convenable, & avant que d'élever le foyer, on pose deux grosses barres de fer, d'un pouce d'équarrissage au moins, qu'on scelle bien dans les murs: on ne les met pas en losange pour l'ordinaire, quoique ce n'en seroit que mieux d'observer cette position à leur égard. Ces barres sont destinées à soûtenir la grille qu'on peut faire d'une seule piece, comme celles dont nous avons parlé jusqu'ici, mais plus grosse & plus large, ou bien qui est brisée, c'est-à-dire composée de plusieurs morceaux de barres de fer qui ne tiennent point les uns aux autres: en ce cas on les lutte à chaque extrémité, pour les tenir en losange sur les deux premieres. Ces deux pratiques valent mieux que si on scelloit dans le mur du fourneau les différentes barres qui constituent la grille par leur réunion, parce qu'on n'est plus le maître de les changer quand elles sont usées, ou de les nettoyer quand elles s'obstruent. On éleve ensuite le foyer du même diametre que le cendrier, mais en rond; & si on ne lui donne pas cette figure avec les briques, on en remplit les coins d'un lut ordinaire, comme Charas le conseille pour presque tous ses fourneaux . Le foyer sera haut de huit ou neuf pouces environ, depuis la grille jusqu'à deux barres de fer qu'on scellera dans le fourneau pour soûtenir la cornue: ces barres seront encore de dix lignes ou d'un pouce d'équarrissage: au-dessus de ces barres, on élevera encore ce fourneau à la hauteur nécessaire, pour qu'il puisse cacher la retorte, d'un pié, par exemple, parce qu'il s'agit ici d'un vaisseau qui a quelquefois ce diametre; mais on laisse à côté une échancrure pour passer son cou, comme nous l'avons dit de la fig. 1 . telle est la construction du massif du fourneau . On couvre ce massif d'une piece de terre mobile pour réverbérer la flamme; c'est un dôme comme celui du fourneau de la fig. 1 . qui a un trou dans son milieu avec une naissance de tuyau à laquelle on en adapte quelquefois plusieurs piés. Ordinairement on ne fait point d'échancrure à ce dôme, parce que celle du corps du fourneau est assez profonde; & quand on veut l'employer à d'autres usages, comme par ex. au bain de sable, avant que d'y mettre une capsule, on a une piece qui remplit l'échancrure, comme nous l'avons dit de la fig. 1 . Ce dôme & cette piece sont faits de la même pâte que les autres fourneaux en terre. Il est bon d'observer que comme ce fourneau est sujet à se fendre en consequence de la violence du feu, on l'arme vis-à-vis de la grille & à sa partie supérieure, sous l'échancrure, de barres de fer larges d'environ deux pouces, & épaisses de cinq ou six lignes, pliées comme il convient. On les scelle dans le mur aupres duquel le fourneau est construit; ou elles sont le tour, s'il est isolé. On rentre quelquefois les briques qui doivent en être couvertes, afin que les barres soient au même niveau que le fourneau : il n'y a nul inconvénient à se permettre cette élégance, quand la chose est possible du côté de l'exécution. La porte du foyer est de même largeur que celle du cendrier, mais moins élevée; on les ferme l'une & l'autre avec des briques taillées exprès. Charas vouloit que la figure du foyer fût ronde non-seulement, mais encore elliptique par le bas, comme nous l'avons dit du fourneau de Béguin, pour épargner, disoit-il, le charbon, & pour que la chaleur pût se porter vers le haut. Boerhaave aussi fait son fourneau elliptique: mais Charas après avoir si bien dit, veut que les quatre regîtres qu'il fait à son fourneau , dans le cas où il l'employe au bain de sable, commencent dès la grille. Ces quatre trous, quand on les fait, doivent être placés de façon qu'ils puissent être recouverts par le dôme, sans quoi ils diminueroient la violence du feu. Pag. 77 . On multiplie, pour ainsi dire, ce fourneau , en le construisant assez grand pour qu'il puisse contenir plusieurs cornues; on en voit un Pl. I . de Lémery, qui en contient six; il ressemble assez à la galere des distillateurs de Paris: Charas en a représenté un à quatre cornues, qui a passé dans la Pl. IX . de Manget; mais nous allons décrire le plus grand de tous, c'est celui des distillateurs de Paris. On l'appelle la galere ( voyez notre fig. 7 . ) c'est un grand fourneau long, construit en briques qu'on joint ensemble à plusieurs rangs. On en éleve tout simplement sur le pavé deux murs paralleles de la longueur que demande la quantité de vaisseaux qu'on veut y placer, & à telle distance l'un de l'autre, que deux de ces vaisseaux puissent y aller de front: à un pié de haut, on scelle dans le mur du fourneau des barres de fer plates, de distance en distance, pour soûtenir les vaisseaux: on l'éleve encore de façon qu'il puisse cacher ces vaisseaux, & on fait le mur en talud extérieurement. La porte est de la largeur du fourneau; elle est couverte par un ou deux rangs de briques qui font une petite élévation par-dessus, qui se trouve précisément de niveau avec la partie supérieure des vaisseaux. A l'extrémité opposée est un tuyau de poêle de cinq ou six pouces de diametre. Quand on veut distiller, on met un double rang de cuines tout le long du fourneau ; on les ajuste à d'autres qui servent de récipient & qui portent sur le mur en talud. Nous proscrirons cette mauvaise pratique en parlant des vaisseaux. On couvre tous les vaisseaux qui sont dans le fourneau avec des tuiles & des carreaux dont on bouche les intervalles avec de la terre à four, & l'on allume le feu qu'on fait de bois; tel est l'appareil avec lequel les distillateurs font l'eau-forte à Paris. La fig. 67 . est non-seulement un appareil de distillation latérale, mais encore d'une distillation où l'on expose le corps à distiller au feu nud, sans l'intermede d'aucun vaisseau: nous avons promis, en parlant des fourneaux à aludels, de parler de la fig. 66 . en même tems; c'est aussi ce que nous allons faire, parce qu'elle est dans le même genre, quoiqu'elle soit pour la sublimation. Voyez Glauber, furn. nov. philosoph page 1 . La grandeur du fourneau, fig. 67 . n'est point fixée, on peut lui donner celle qu'on voudra; cela dépend encore de la quantite de matiere qu'on a à traiter; peu importe aussi qu'il soit rond eu quarré, en briques, ou en terre. Sur un pan de diametre, il doit en avoir quatre de haut; un depuis le sol jusqu'à la grille, un depuis la grille jusqu'au trou par où l'on jette le charbon, & les deux autres depuis ce trou jusqu'à celui qui est destiné au canal enfile par les vapeurs, qui doit sortir au moins d'un pan hors de la paroi, pour empêcher que les récipiens ne s'échauffent par la proximité du fourneau . Ce canal doit avoir à son extrémité le tiers du diametre du fourneau , sans compter que la partie qui y est scellée doit être plus large. Il faut que la grille soit telle qu'on ait la facilité de l'ôter au besoin pour la nettoyer; car comme elle est aisément obstruée dans la distillation des sels qui se fondent à-travers les charbons, il arrive que la communication de l'air avec le feu est interceptée, & conséquemment la distillation interrompue. Pour plus grande commodité, on peut la faire de quatre ou cinq barres de fer isolées, soûtenues par deux autres; il y aura entre elles un travers de doigt de distance, & elles sortiront du fourneau , afin qu'on ait la facilité de les en tirer avec une tenaille dans le cas où il faudra les nettoyer; ensuite de quoi on les remet en place: il est même à-propos que le fourneau soit ouvert vis-à-vis la grille, pour plus de facilité. Ce fourneau doit être couvert d'une pierre ou d'un carreau de terre ayant un trou au milieu, avec une rainure tout-autour pour recevoir ce couvercle & l'appliquer plus juste, à l'aide du sable ou des cerdres qu'on y mettra: par ce moyen, le cercle bouchera, & empêchera mieux la dissipation des esprits des corps qu'on jettera dans le fourneau; ainsi ils seront forcés de passer totalement dans les récipiens: nous ne parlerons point ici de ces vaisseaux, c'est à leur article qu'ils doivent être renvoyés, & qu'on doit voir ce que nous avons à dire du manuel général de la distillation dans ce fourneau . Après ce que nous avons dit de celui qui sert pour la distillation latérale, nous n'avons que peu de choses à ajoûter au sujet de celui qui sert à la sublimation: le trou du premier, qu'on ferme d'un couvercle, est dans la fig. 66 . fermé par le bas du premier aludel qui y entre; son dôme n'a point de regitre, les aludels en servent. Nous avons déjà parlé de la figure 69 : nous l'avons mise au nombre des fourneaux de décoctions; mais elle peut encore trouver sa place ici en qualité de fourneau servant aux distillations latérales, comme il paroit par le vaisseau dont elle est chargee. Nous ne nous étendrons sur cet article qu'en parlant des vaisseaux. La figure 73 n'est au fond que la répétition de la premiere, qu'on a mise ici plus pour l'appareil que pour l'utilité: nous en donnerons cependant les proportions, parce qu'elles sont un peu différentes. La figure en question a 22 pouces de haut, sur huit de diametre en-bas, & neuf & demi dans le haut, à la partie la plus large de son dôme, hors d'oeuvre. Son épaisseur est d'un pouce & demi. Le cendrier a cinq pouces de haut, y compris l'épaisseur du sol; le soupirail est large de trois pouces, & haut de deux & demi. Le foyer est haut de huit pouces, & a sa bouche arquée, ses pitons & sa grille, conme nous l'avons détaillé en parlant de la figure premiere: cette bouche est haute & large de trois pouces. L'ouvroir a son échancrure pour la cornue; il est haut de quatre pouces & demi. Le dôme est de même hauteur, & a un trou ou regître au milieu d'un pouce de diametre, qu'on diminue à volonté au moyen d'un couvercle. Les portes ont leur fermeture à l'ordinaire. La figure 145 . est dans Libavius, pag. 322. qui l'a prise dans Evonynus, pag. 90 . C'est un fourneau en briques quarré, pour distiller les acides minéraux à feu nud: on y voit deux matras posés horisontalement, dont l'un est le vaisseau distillatoire, & l'autre le récipient. Les barres sont courbées, pour s'ajuster au vaisseau qui passe par un treu, comme nous l'avons déjà vû fig. 69 . tirée de Glauber Le dôme a un trou ou regître au milieu, comme il convient; mais on voit encore quatre regîtres inutiles & nuisibles aux quatre coins. On a isolé exprès une des barres pour en donner l'idée. La même courbure se trouve aussi dans Dornaeus. Nous n'en dirons pas davantage sur ce fourneau; une plus longue explication seroit inutile. On en peut voir la figure. La figure 161 . est encore un fourneau dont nous avons parlé à la section des fourneaux à distiller par ascension, & dans ses subdivisions en fourneaux à capsule, à aludel; & elle n'est en effet autre chose que les ustensiles représentés fig. 12 , 13 & 14 . L'appareil, qui est de Glauber, en sait la différence: cet auteur n'y met pourtant qu'un gros balon; mais on sait depuis long-tems qu'on en a enfilé des centaines ensemble. Ainsi l'on voit de plus en plus qu'un même fourneau peut être employé à différentes opérations. C'est en partie pour cette raison que nous en avons présenté quelques-uns sous différens aspects. Nous examinerons pourtant, en parlant des polychrestes, jusqu'à quel point cela peut être vrai. On fait encore des distillations latérales dans les fourneaux dont nous parlerons dans la suite; comme aussi plusieurs des opérations auxquelles sont employés ceux de notre premiere section, nous en parlerons à-mesure que l'occasion s'en présentera. Des fourneaux à distiller par descension . Comme ces sortes de fourneaux ne sont pas d'un grand usage, & que d'ailleurs on y pent suppléer par d'autres appareils, nous n'en avons donné qu'un seul exemple: il est tiré de la pharmacopée italienne de M. de Sgobbis. On le construit en briques, de la hauteur nécessaire pour contenir les vaisseaux. On ouvre de plusieurs côtés le cendrier, qui n'en est point un au fond, & on ne lui laisse même la plûpart du tems que quatre piliers, qui font les quatre coins: ensuite on place une grille à un pié de haut environ du sol ou pavé. Cette grille a un trou au milieu assez grand pour admettre le cou du matras descensoire; il est même bon d observer qu'on n'y en met que pour employer ce fourneau à un autre usage; car dans le cas du descensoire il ne faut qu'un disque de terre cuite, au milieu duquel on introduit le vaisseau descensoire: ainsi on en met donc un de terre ou de tôle sur la grille. On place le vaisseau, & on allume le feu tout-autour: cet appareil ne peut donner qu'un feu doux. On pourroit toutefois l'augmenter si l'on vouloit; ce seroit de conserver la grille, & de garantir le récipient par un entonnoir métallique dont il seroit couvert; le sommet en seroit près de la grille, & la base environneroit le ventre du récipient. Nous avons ouvert tout le devant de ce fourneau , afin qu'on y vît la situation des vaisseaux; & nous y avons ajoûté un dôme en cas de besoin. On peut voir la figure 161 ; on y trouve le corps inférieur d'un fourneau descensoire soûtenant un tonneau. Des fourneaux à calciner . Ils peuvent encore être divisés en propres, & en impropres, ou qui sont particulierement destinés aux opérations en question, & qui peuvent y servir, quoiqu'ils soient construits pour d'autres. Dans ce second rang, on peut placer tous ceux dont nous avons parlé jusqu'ici & dont nous parlerons dans la suite, excepté les bains-marie propres, comme celui de la fig. 11 . &c. Dans le premier nous compterons celui qui est marqué figures 15 . & 16. nous en avons donné la coupe 15, avec l'elévation 16, pour en faciliter l'intelligence. Ce fourneau est construit en briques, est long de trois pies & demi, & haut de deux piés quatre pouces; il est large de deux piés en devant. Si on l'eleve davantage, ce n'en est que mieux; il est plus commode, mais cela ne change rien à sa construction: comme il seroit un peu bas, nous supposerons que nous allons le construire sur un foyer elevé d'un pié environ pour y manoeuvrer aisément. On commence par asseoir un lit de briques de six pouces d'épaisseur; on éleve ensuite deux murs à chaque côté de quatre pouces d'épais: le mur de derriere est de même épaisseur. La porte de ce foyer est large de 10 pouces & demi, & haute de sept en-dehors, réduite à un peu moins en-dedans: quand les murs ont cette hauteur, on met des barres de fer plates dessus en-travers, depuis la porte jusqu'à près de quatre pouces du fond; on les couvre d'une couche ou deux de briques, en laissant une ouverture au fond, comme nous l'avons marqué en d dans la coupe 15: on continue d'elever les murs à la hauteur de six pouces, après quoi on les couvre de barres de fer, qui soûtiennent les briques du dessus. La languette qui est entre le foyer a & l'ouvroir b , est en tout épaisse de trois pouces. La couche de briques qui couvre l'ouvroir est épaisse de six pouces; le mur de devant est épais de quatre pouces, comme les autres; la porte de l'ouvroir est de même grandeur, & un peu embrasée comme celle du foyer. Entre le mur du devant & la couverture du fourneau , regne dans toute la largeur du fourneau un espace, comme par derriere pour la languette ou plancher, mais qui n'est que de deux pouces de large, qui se termine en une petite cheminée c , épaisse de huit pouces & large de 14, hors d'oeuvre. La longueur intérieure de la cheminée & sa hauteur sont de huit pouces. A un mur latéral, on voit à l'ouvroir b deux portes marquées d, d, fig. 16 . en embrasure, hautes de cinq pouces, & larges de quatre en-dehors. Ces quatre portes doivent avoir leurs fermetures de briques cuites, & presque épaisses comme le mur dont elles ferment le trou. Ce fourneau sert à la calcination de la potasse, des cendres qu'on veut lessiver, & des métaux qu'on veut réduire en safran, en chaux: c'est celui de Glaser simplifié, c'est-à-dire qui n'a qu'un plancher, au lieu que Glaser en met deux; ensorte que le feu sort à la partie postérieure, qu'il y a trois portes en-devant, point de cheminée, & quatre portes latérales; Glaser dit qu'on y ajoûte un quatrieme, & même un sixieme étage & au-delà. Nous verrons dans la suite ou cette idée peut avoir été prise, ou du-moins quelque chose qui lui ressemble. Au reste le fourneau de Kunckel, aussi destiné à calciner la potasse, qu'on trouve Pl. XIII . pag. 311. de sa verrerie, ne differe du nôtre qu'en ce qu'il est rond, plus grand, & a un trou au milieu. Sa figure approche assez de celle d'un four de boulanger. On peut encore mettre au nombre des fourneaux de calcination ceux d'essais; parce qu'on n'essaye presque point de mines qu'on ne calcine, & cela dans ce fourneau sous la moufle. Des fourneaux de fusion . Cette section sera un peu plus nombreuse que les deux précédentes, & par le nombre de ses individus, & par leur importance. Nous y ferons entrer les figures 6 , 8-10, 25, 26-35, 36, 37 , n°. 1. & 37 , n°. 2. 38, 39-44, & 71 , sans compter que nous toucherons quelques mots d'une figure, qui est trop commune pour avoir eu place dans nos Planches , qui d'ailleurs s'y trouve assez bien sous un autre nom, & qu'on peut encore voir dans d'autres Planches . Je veux parler de la forge ou fourneau à soufflet. Le fourneau de la figure 6 . est dû à Glauber, du moins c'est lui qui en a tout l'honneur, puisqu'il lui a donné son nom. Nous verrons dans la suite ce qui peut l'y avoir conduit sans peine. C'est dans Boerhaave que nous avons pris celui que nous donnons. Nous y avons conservé le tuyau de Glauber, comme étant plus propre à en recevoir un autre, que la cheminée de Boerhaave, & nous avons mis à côté le dôme de ceux qui ont été faits d'après celui de Glauber, au lieu de la voûte qu'il a jointe ainsi que Boerhaave, à son fourneau . Tout le monde sait qu'un fourneau de fusion sert à fondre les metaux; son nom le porte. Celui de tous qui est le plus en usage, est celui dont il s'agit: on le voit dans Glauber, part. IV. de ses fourneaux . Sur le sol ou pavé du laboratoire, on commence par élever un massif de pierres ou de briques constituant le cendrier du fourneau , à la hauteur de 3 piés, & d'un pié de diametre dans oeuvre; on lui donne cette hauteur, afin que la bouche du feu soit à-portée des mains de l'artiste, & on laisse ce cendrier ouvert en-devant à la hauteur d'un pié, qui est plus que suffisante. On pose la grille; elle doit être faite de barres de fer qui ayent presque un pouce d'équarrissage, & qui soient éloignés d'a peu près autant; elle a le même diametre que le cendrier. Par dessus on éleve encore le fourneau cylindriquement comme d'abord, à la hauteur de six pouces; après quoi on lui donne intérieurement la forme d'un cone parabolique, dont l'axe est de huit pouces, l'ordonnée inférieure de six; ensorte que le côté droit est de quatre pouces & demi, & le foyer est à un pouce un huitieme du sommet. Quand cette figure parabolique a été élevée à la hauteur de six pouces au-dessus de sa base cylindrique, on construit par-dessus une cheminée cylindrique de trois pouces de diametre & de deux piés de haut, si l'on veut; mais nous aimons mieux, pour plus de commodité, faire au-dessus de ce trou de trois pouces de diametre, une naissance de tuyau de même diametre, à laquelle on en peut ajoûter un tant long qu'on voudra. A la partie antérieure du foyer à deux pouces au-dessus de la grille, il faut ouvrir une bouche de feu de cinq pouces de large, de six de haut, & arquée comme un arc de cercle de 12 pouces de diametre. Un pouce au-dessus de cette porte, on fera un trou conique d'un pouce de diametre, dont la direction soit telle qu'on puisse voir dans le creuset, pour examiner si la matiere est fondue ou non. Il faut un bouchon de même dimension pour le fermer. Les pierres ou les briques qu'on employe à ce fourneau , doivent être capables de résister au feu. Ses murailles sont épaisses de cinq pouces, bien maçonnées, & couvertes intérieurement de chaux bien polie. Ce four- neau donne un feu d'une vivacité prodigieuse, quand il est une fois échauffé, principalement au milieu de son axe, & dans sa hauteur supérieure. C'est ce que les Géometres sont en état de démontrer. On fermera la bouche du feu avec une porte de fer, qui remplira exactement la feuillure dans laquelle elle sera logée. Le sol du cendrier sera fait d'une plaque de fer, afin qu'on puisse recueillir le metal qui pourroit tomber d'un creuset cassé, ou qui flueroit. Quoique nous ayons préféré la figure & la description de Boerhaave à toutes les autres, nous ne laisserons pas d'ajoûter des traits de la description de Glauber, qui ne se trouvent point dans le premier. Il dit que son fourneau n'a point de grandeur fixe, & qu'elle est déterminée par la quantité de la matiere qu'on veut examiner, car il l'appelle son fourneau d'essai . Dans la supposition où on lui donnera un pié de diametre, on y pourra placer un creuset contenant deux ou trois livres de matiere. Sous la grille, qu'on peut faire brisée à l'imitation de celle du fourneau de la figure 67 , on place à l'un des côtés un regitre fait d'une lame de tôle, pour gouverner le feu. On fait la porte du foyer de six pouces de large, & d'un pié de haut ou à peu de chose près, pour introduire les creusets, les charbons & les autres ustensiles nécessaires, & cette hauteur est souvent indispensable: à la bonne-heure que la porte en soit de deux pieces pour contenir le charbon, dont il me paroit autrement fort difficile de mettre une suffisante quantité dans le fourneau . Cette porte doit fermer si exactement, que l'air n'y puisse entrer, car il faut qu'il vienne tout du cendrier. Par-dessus cette porte on éleve une voûte parabolique à la hauteur de huit pouces, terminée par un trou circulaire, dont le diametre soit le tiers du fourneau . A ce trou l'on ajuste un tuyau de tôle de cinq, six, & même de douze piés de haut, quand on veut un feu de la derniere violence. On peut, si l'on veut, construire au-dessus de la voûte, deux ou trois chambres garnies de leurs portes: c'est ainsi qu'on peut mettre à profit la flamme qui y entrera, pour diverses opérations, selon le degré de chaleur de chacune L'inférieure peut mettre en fonte les sels, les minéraux & les metaux qui prennent aisement cet état; elle peut servir aux calcinations, cémentations, réverbérations. à cuire & vitrifier les creusets & autres vaisseaux de terre, aux essais, grillages, &c. La seconde servira aux torré-factions des minéraux, & aux calcinations du plomb, de l'étain, du fer, du cuivre, du tartre, des os & des cendres du bois. La troisieme peut être employée à la dessication des vaisseaux de terre qu'on veut préparer à la cuisson. On peut encore se servir de ces chambres pour quantité d'autres usages, qu'il seroit trop long de détailler. Si l'on veut augmenter la vivacité du fou, on peut, au lieu d'ajuster une trompe au soupirail, bâtir ce fourneau dans une chambre haute, dont la cheminée ait pour contre-coeur la languette de la cheminée d'une chambre inférieure. On fera une ouverture à cette languette, qui percera dans le cendrier du fourneau , pour y dériver l'air de la chambre inférieure. Il faudra mettre un regître à ce trou pour gouverner le feu, & avoir soin de tenir la chambre inférieure ouverte: par ce méchanisme le feu sera plus violent que s'il étoit animé par les soufflets, & il le sera même au point, qu'on pourroit voir le fourneau se fondre lui-même, s'il n'étoit d'une terre bien fine; car il arrive souvent que les meilleurs creusets coulent: de-là la nécessite du regître, ou plûtôt d'avoir de meilleurs ustensiles. Avec un pareil fourneau l'on n'est point obligé de se fatiguer à souffler, & l'on n'a point à craindre de vapeurs empoisonnées, ni de chaleur excessive: toute la fumée s'échappe par le haut, & cela est si vrai que quand on ouvre la bouche du foyer, il tire une vapeur étrangere à la distance d'une coudée; & ainsi il n'y a rien a craindre de la part du feu, puisqu'il se concentre en lui même. Il faut cependant avoir soin de garantir la main qui tient la tenaille avec un gant mouillé fait de linge en trois doubles, & d'avoir un écran dans l'autre pour ménager ses yeux. Ces précautions indiquent tous les inconvéniens qui sont à craindre. L'écran dont il est ici question a été décrit en son lieu. Nous en avons donné plusieurs especes, & nous ajoûterons ici que celui qui a un verre se trouve en usage chez les Emailleurs, & est représenté Pl. XII . fig. 37 . de la méchanique au feu de Gauger; un peu de différence dans la figure ne rait rien au fond. Quand on se sert d'un fourneau à soufflet, il faut un second qui en tire la brimbale; d'ailleurs le vent venant à frapper le creuset, il le casse, surtout quand le charbon manque vis-à-vis; ce qui est fort sujet à arriver, parce qu'il se consume plus vite en cet endroit. Le creuset peut encore se renverser; & comme il faut qu'il soit tout couvert de charbons, ce qui n'est pas nécessaire dans le fourneau à vent, il peut y tomber quelques matieres étrangeres. Glauber met un regître à son fourneau , sous la grille immédiatement; mais il est mal placé, il doit retenir les cendres. Il vaut mieux le mettre dans le tuyau, comme dans la figure 8-10 . Ce fourneau n'est pas bien rendu dans Glaser; il n'a pas le sens commun dans Manget, qui en a pris la figure & la description de Barner. On le voit pag. 75. de celui-ci, & Pl. VI . de celui-là. Celui de Lémery en est une mauvaise imitation, comme on peut le voir dans sa Pl. I . d'ailleurs il est percé tout-autour. Au reste quoique nous n'approuvions pas les trous dans l'ouvroir, & qu'il y a toute apparence même qu'ils doivent être proscrits, nous croyons malgré cela qu'on n'a pas encore bien examiné jusqu'à quel point ils sont nuisibles, ou seroient peut-être utiles; la raison en est que celui de Glauber attire l'air, & qu'on ne sait pas encore ce que l'air, attiré avec la force dont il parle, apporte de changement au feu. Il est bien vrai que quand on ouvre la grande porte de celui de Glaser, le feu diminue de vivacité: mais pourquoi celui-ci n'attire-t il pas comme l'autre? Ce que j'improuve dans le fourneau à vent de Glaser, c'est que son dôme soit fait d'une autre piece que son foyer. Il est vrai que ce dôme revient en quelque sorte à cette voûte parabolique que Boerhaave & Glauber demandent; mais c'est une piece séparée qui ne peut pas s'échauffer aussi-bien que si elle étoit unie au foyer, comme dans ces deux derniers auteurs. Je sens bien que Glaser en a usé ainsi pour avoir un fourneau de réverbere: mais nous examinerons si l'on peut avoir beaucoup de fourneaux en un seul. Il paroît que Glauber est le premier qui ait introduit les tuyaux dans les fourneaux de la Chimie, car on n'en trouve point que je sache dans les chimistes qui ont écrit avant lui. On n'en voit point dans Libavius, &c. cependant il pouvoit y en avoir de son tems, & à plus forte raison de celui de Glauber, comme nous le dirons plus bas. Il est vrai qu'ils existoient dans l'économie domestique, où Glauber en a pû faire la conquête. Il n'en est pas de même des figures elliptique ou parabolique, que nous mettons ensemble parce qu'on les employe aussi souvent l'une que l'autre, & que l'une a nécessairement dû mener à l'autre presque dans le même instant. On voit, p. 107. de Libavius un fourneau de fusion elliptique, qu'il a pris dans Ercker; & pag. 252 du même auteur, un fourneau de fusion qui ressemble à notre fig. 1 . excepté qu'il n'a point de bouche du feu, & qu'il a trois regîtres dans son dôme. Le dedans en differe encore, en ce que la grille n'est qu'au-haut du deuxieme corps; ce qui n'est pas un défaut; & en ce que sur les bords du troisieme il y a deux barres de cuivre en croix, qui se fendent en deux à l'endroit où elles doivent se croiser, pour former un trou rond destiné à soûtenir les creusets. Le fourneau marqué fig. 8-10. differe de celui de fusion de Glauber, par quelques accessoires; il est fixe, construit en briques, haut de trois piés & demi, & large de 16 pouces, tant sur le devant que sur les côtés. On éleve le cendrier de 10 pouces & demi jusqu'à la grille, & on y laisse une porte de six pouces de large, qu'on discontinue à la hauteur de sept pouces: peu importe que l'intérieur du cendrier qui a neuf pouces de large, soit rond ou quarré; mais le foyer est rond, & a neuf pouces de diametre. La grille est faite de barres de fer de 10 lignes d'équarrissage, posées en losange, & est de la grandeur requise. Il faut observer les mêmes précautions que pour les grilles déjà mentionnées. Au-dessus de la grille, dont l'épaisseur est comptée pour un pouce, on éleve le foyer à la hauteur de treize; on continue encore à l'élever, mais on laisse une porte en-devant de sept pouces de large, & haute de dix & demi: cette porte est bordée par un cadre de fer, dont l'usage est de conserver les briques & de joindre mieux avec la porte brisée dont nous parlerons. Il est encore bon d'observer que dès le bas de la porte on diminue tout-d'un coup l'épaisseur du fourneau , de celle de son mur antérieur, ou de trois pouces & demi: outre cela, le cadre qui en fait les jambages n'est pas perpendiculaire, mais incliné, de façon que sa partie supérieure est de deux pouces de plus en-arriere que l'inférieure; ainsi, avec le secours de la figure que nous avons donnée, & en se la représentant de profil, on peut avoir une idée de l'effet que cela doit faire. Au-dessus de la porte, la paroi antérieure du fourneau s'approche insensiblement de la postérieure, & les deux latérales l'une de l'autre, de façon que le diametre du fourneau , qui n'étoit plus pour lors que de cinq ou six pouces, se trouve réduit à un rectangle de trois pouces & demi de large d'arriere en avant, & à quatre pouces & demi de long d'un côté à l'autre, à quatre pouces & demi au-dessus de la porte: c'est dans cet endroit qu'on a mis un regître. Il est fait d'une brique un peu plus large que le trou qu'elle couvre, & assez longue pour sortir encore quand le trou est tout fermé: cette brique est logée dans une coulisse; & elle est censée avoir un pouce ou un pouce & demi d'épais. Le fourneau se termine à deux pouces au-dessus, par une ouverture semblable aux dimensions qu'il a à l'endroit de son regitre: on y ajuste un petit dôme, qui n'est guere que la naissance d'un tuyau qu'on met de la longueur qu'on veut. C'est ce que nous avons marqué fig. 10 . La porte est brisée, c'est-à-dire qu'elle est faite de plusieurs pieces. C'est la fig. 9 . Elle est composée de trois barres de fer plates, épaisses de six lignes, longues de neuf pouces, & assez larges pour faire à elles trois la hauteur d'un pié environ quand elles sont posées: elles ont un crampon au milieu, pour avoir la facilité de les prendre. L'avantage de ce fourneau consiste en ce qu'on peut, au moyen de la construction de sa porte, regarder dans le creuset; car dans celui de Glauber, on auroit de la peine à y voir une petite quantité de matiere. Il est d'ailleurs construit selon les bons principes. Il n'y a à y ajoûter que ce qu'on peut ajoûter à tous les autres. Je veux parler d'une trompe au soupirail. Nous l'avons fait dessiner d'après nature dans le laboratoire de M. Rouelle. La fig. 25 . est un grand fourneau de fusion en briques, dont le devant est ouvert, pour avoir la facilité de puiser dans les grands creusets, qui sont chargés de quelques quintaux de métal. Quand on n'a besoin que d'un feu médiocre pour fondre une grande quantité de métal à-la-fois, on construit avec des pierres des grands fourneaux quadrangulaires, dont les plus considérables ont leurs côtés larges de 4 piés; ensorte qu'on y peut placer des creusets d'ipsen, capables de contenir ce qu'on a à fondre. Pendant la fusion on en tient le devant fermé avec des briques, qu'on ôte quand on veut puiser le métal. Par là on évite les efforts nécessaires à les élever, & le danger qui en résulteroit. Le sol du cendrier est en glacis, & incliné en-avant, pour déterminer le métal qui peut tomber des creusets fêlés, à couler dans un creux fait devant la porte du même cendrier. Il est bon de remarquer que cette fig. qui est la 17. de la Pl. IV . de M. Cramer, doit être élevée, & se terminer en une pyramide comme un fourneau d'essai. Nous comprendrons la forge, qui est un fourneau de fusion, au nombre des ustensiles nécessaires dans un laboratoire philosophique, quoique nous n'en ayons pas représenté, & cela par les raisons que nois avons alléguées. Mais nous croyons devoir avertir que la casse en doit être plus grande que trop petite. La casse est cette boîte ou foyer rond ou quarré, d'un pié de diametre, & profond d'à-peu-près autant, où les charbons allumés sont contenus autour du creuset, & reçoivent le vent d'un soufflet double qui vient par-dessous; elle est quarrée pour l'ordinaire. On donne encore ce nom à la boîte ou foyer d'un fourneau de fusion à vent. On fait communément la casse plus grande qu'il ne la faut pour l'ordinaire, parce qu'on la diminue avec des carreaux qu'on fait faire au fournaliste. On en ferme le dessus avec un carreau qu'on leur fait faire aussi, qui a dans le milieu un gros bouton servant de poignée, pour réverbérer la flamme & augmenter la vivacité du feu. Le soufflet en doit être fait comme celui du maréchal, à deux vents, & de cuir épais, afin qu'on puisse forcer le vent à volonté. Ceux qui ressemblent aux soufflets d'orgue, ont bien le vent plus égal, mais il est plus foible; & il ne s'agit pas ici d'une grande précision. C'est la coûtume de diviser en deux le tuyau descendant du soufflet à une certaine hauteur. On suppose que le soufflet soit plus élevé que la forge. Cette division se fait par un sommier à-peu-près semblable à celui de l'orgue; au moyen duquel on donne à volonté le vent au tuyau de la casse, ou à un autre tuyau qui va s'ouvrir sur le foyer de la forge, pour servir au petit fourneau de fusion de la fig. 37 . n°. 1. par exemple, mais quelques artistes y renoncent, par la raison que ce regître est sujet à se déjetter, en conséquence de la chaleur voisine, & perd le vent du soufflet. Je crois cependant que s'il étoit fait de bois de vauge ou de Hollande, la chose n'arriveroit pas. En voici la construction: le tuyau du soufflet porte son vent dans une petite chambre du sommier, que nous nommerons la laie . La paroi opposée à celle qui reçoit le tuyau du soufflet, est composée de trois petites planches couchées les unes sur les autres. Celle du milieu n'est pas si large que les deux autres, mais elle est plus longue; c'est celle qu'on appelle proprement regître . Elle n'a qu'un trou, & les deux autres en ont deux. Ce qui lui manque de largeur à chaque côté, est rempli par des liteaux ajoûtés à l'une des deux autres, ou bien pris sur leur épaisseur. Les trous de la planchette extérieure reçoivent les deux tuyaux qui vont à la casse & au foyer de la forge. Ces deux tuyaux sont bien étoupés comme ceux des portevents, pour boucher juste. Les trous de la planchette intérieure reçoivent le vent de la laie, & le communiquent au tuyau, vis-à-vis duquel se trouve le trou du regître. Ce trou se rencontre justement vis-à-vis l'un des deux tuyaux au moyen de deux arrêtes qu'il a à chaque extrémité. On conçoit que les deux planches entre lesquelles il glisse, sont garnies de peau blanche pour empêcher la dissipation du vent. Au reste, si l'on ne veut pas se donner la peine de construire ce sommier, ou si l'on craint d'en manquer le succès, on peut y suppléer par un autre moyen, qui n'est pas non plus sans inconvénient; c'est d'avoir un boyau de cuir qui établisse la communication entre le tuyau du soufflet & le tuyau de la casse, qui sont en droite ligne, ou qui doivent y être. Ce boyau de cuir sera attaché par ses deux bouts à deux cercles de fer-blanc fort, dont le supérieur recevra la partie du tuyau venant du soufflet, & l'inférieur sera reçu dans celle qui va à la casse: ensorte que quand on voudra appliquer le soufflet de la forge au petit fourneau de fusion placé sur son foyer ou en-dehors, on retirera la partie inférieure du boyau du tuyau allant à la casse, pour l'introduire dans le tuyau postiche représenté avec ce petit fourneau de fusion fig. 37 . n°. 1 . Ce boyau est sujet à dessécher, & à tirer à lui l'un de ses anneaux quand il est trop juste, ou bien à rapprocher ses parois quand il est trop long. Il est bon d'observer que ces sortes de tuyaux ne veulent pas être recourbés à angles droits. La vivacité du souffle en est amortie. Ainsi, au lieu d'un angle droit, il en faut faire deux ou trois obtus, ce qui approchera d'une courbe. Le soufflet doit être à deux vents, sans quoi il seroit bien-tôt brûlé. Les tuyaux de cuivre valent mieux que ceux de fer-blanc. On tient toûjours le soufflet tendu quand on ne s'en sert pas, pour empêcher le cuir de se couper, & on le frotte trois ou quatre sois l'année d'huile de baleine. On trouve une forge semblable à celle qui convient dans un laboratoire philosophique dans la Pl. X. de Manget, qui la tient de la Pl. XI . de Charas, ou de la page 6 de Rhenanus. Nous avons indiqué les corrections qu'il y faudroit faire. Il faut encore dans un laboratoire philosophique, un soufflet comme celui dont nous venons de parler, monté sur un chassis, afin de l'appliquer aux fourneaux où il est nécessaire. Ce chassis doit être construit de façon qu'on puisse monter le soufflet au point nécessaire. Nous n'en avons point représenté dans nos Planches; la chose se comprend assez aisément. Ceux qui voudront voir quelque détail là-dessus, peuvent consulter les docimastiques de Cramer & de Schlutter, ou le laboratoire portatif de Beccher. Au lieu d'un soufflet, on peut faire usage d'une éolipyle. C'est une sphere creuse de cuivre. On la fait de 16 pouces de diametre à-peu-près. On y soude un tuyau gros comme celui d'un soufflet, dans la direction d'une tangente; on la remplit d'eau jusqu'aux deux tiers: on la fait bouillir, & elle soufflet vivement le feu vers lequel on tourne son tuyau. Faute de cet instrument, on peut employer tout vaisseau qui en approchera, c'est-à-dire où l'on pourra faire bouillir de l'eau, & qui aura un bec à-peu-près dans le même goût. Cependant le soufflet double mérite la préférence, parce qu'on est mieux le maître de gouverner le feu quand on s'en sert, sans compter qu'il en est de l'éolipyle comme du chalumeau dans lequel on souffle. Il sort de l'un & de l'autre des gouttes d'eau qui peuvent troubler l'opération. Elle est malgré cela en usage depuis plus de cent ans pour les fourneaux & pour les lampes de l'émailleur, comme on peut le voir dans un livre anglois intitulé the art of distilation un peu postérieur à Glauber, qu'il a copié, & dans Libavius, page 107 . Vitruve l'a employée pour empêcher la fumée. La fig. 37 . n°. 1. représente le petit fourneau de fusion fait en terre des fournalistes de Paris. Il a 13 pouces de haut & 11 pouces de diametre hors d'oeuvre. Il est épais de 2 pouces, & d'une seule piece. Il a deux anses pour la facilité du transport. La porte du soupirail est large de trois pouces, & haute de deux. On la tient fermée & lutée quand on se sert du gros sousilet. A côté est un trou pour recevoir le tuyau qui en vient. La grille est forte, à trois pouces du sol, claire, & bien détachée des parois sur lesquelles elle porte au moyen des trois mentonnets. Quand on employe ce fourneau pour la fusion, on le couvre du dôme de Glaser, que nous avons représenté avec le fourneau de Glauber. fig. 6 . On en anime le feu au moyen du soufflet monté sur un chassis, ou bien avec celui de la forge, par les moyens que nous avons indiqués en en parlant; c'est pour cela qu'il a été représenté avec le tuyau qui doit communiquer avec son gros soufflet double. Ce fourneau est trait pour trait une petite forge portative ronde. On trouve encore chez les mêmes fournalistes d'autres fourneaux portatifs à vent; ce sont aussi des petites tours ou cylindres creux sans fond, qui se posent sur un trépié où l'on a mis une grille de fer. Ces especes de tours, qui sont quelquefois renflées vers le milieu, sont percées tout-autour de plusieurs trous: ainsi ce fourneau prend l'air par-dessous & par les côtés. On met dessus un dôme qui finit en-haut par un tuyau d'un demi-pié, qu'on peut alonger à volonté. A ce dôme il y a une porte par laquelle on introduit ce qui est nécessaire à l'opération. Cette notice est de M. Hellot; on ne l'a mise ici que pour en dissuader l'usage, comme cet illustre artiste, qui a reconnu qu'ils étoient peu propres à la fusion, & conséquemment aux essais, pag. 90 . Elle répond & à la description du petit fourneau de fusion qu'on voit Pl. I . de Lémery, & à celle du dôme de Glaser, dont nous avons dit qu'on appliquoit l'usage au petit fourneau fig. 37 . n°. 1. qu'on peut voir avec la fig. 6 . dans nos Planches . La fig. 36 . représente un petit fourneau quarré portatif pour les essais. Il a 7 ou 8 pouces d'ouverture, & 8 ou 9 de hauteur. On s'en sert à la place de la forge dont nous avons parlé. On y fait faire à un pouce au-dessus de son fond, deux trous opposés, ou vis-à-vis l'un de l'autre, dans lesquels on ajuste avec du lut deux goulots de bouteilles de grès pour servir de tuyere, & diriger le vent de deux soufflets, quand on a besoin d'un feu extrème, sur la partie de la tute où le bouton doit se rassembler. Dans le troisieme côté de ce fourneau quarré, M. Hellot a fait faire une porte qui lui sert, lorsqu'un essai est fini, à retirer la braise, pour pouvoir y placer le creuset d'un nouvel essai sans être exposé à la grande chaleur de cette braise; qu'il est difficile d'enlever entierement sans cette porte. Si l'on a à faire un essai de mine douce, comme le sont presque toutes les mines de plomb, on approche d'une seule tuyere le soufflet à deux vents, qu'on suppose monté pour cet usage sur un chassis de fer mobile. Si c'est une mine de cuivre jointe à une roche de fusion difficile, à laquelle il faille un feu plus fort que pour la mine-de plomb, on couvre le fourneau d'un couvercle aussi quarré, pour concentrer la flamme du charbon & la réverbérer sur le creuset. Dans l'un & dans l'autre cas, il faut boucher exactement d'un bouchon de terre enduit de lut, la tuyere qui est vis-à-vis celle par laquelle on introduit le vent du soufflet double. Enfin lorsqu'il s'agit de fondre une mine de fer, ou pour connoître la quantité de fer qu'elle peut rendre dans les travaux en grand, ou pour scorifier le fer avec du plomb, & introduire dans celui-ci l'argent & l'or que celui-là peut contenir, on se sert de deux soufflets qu'on applique aux deux tuyeres opposées. L'un est le soufflet double dont on vient de parler, l'autre peut être absolument un soufflet simple. Mais il faut que le canal de fer qu'on ajuste à son tuyau soit long de 2 piés au moins; sans quoi il pomperoit la flamme jusque dans son intérieur, & se brûleroit, pag. 88 . Mais il vaut mieux que les deux soufflets soient chacun à deux ames. Cela peut se trouver dans un laboratoire où il y a une forge & un soufflet monté sur un chassis. En mettant le fourneau sur l'aire de la forge, il n'est plus question que d'avoir un canal un peu recourbé, qui aille du soufflet mobile à la seconde tuyere du fourneau . La figure 26 . avec laquelle doivent aller les suivantes jusqu'à la 35 e inclusivement, est un fourneau de fusion en tôle, varié pour la facilité de l'appliquer à différentes opérations. C'est le second de ceux qui sont nécessaires à l'essayeur, celui de coupelle étant le premier. On le fait de tôle; on peut le construire à l'aide du moule elliptique, fig. 35 . Ainsi on fera une ellipse creuse, de façon que ses deux foyers soient éloignés l'un de l'autre de douze pouces, & les ordonnées soient de cinq pouces. On retranchera ensuite les deux extrémités comprises entre le foyer & le sommet de la figure: ensorte que celle qui en résultera, sera notre 26. 1°. On fera près de son bord inférieur quatre trous de 8 lignes de diametre, deux desquels seront vis-à-vis des deux autres c c. 2°. Les bords inférieur & supérieur de cette cavité elliptique seront garnis chacun d'un anneau de tôle d , large de près d'un pouce & demi, que l'on attachera en-dedans. On placera aussi intérieurement à 3 ou 4 pouces les uns des autres, de petits crochets de fer de la longueur de 6 lignes, pour tenir conjointement avec les anneaux, le garni qu'on y appliquera. Voyez cet article . Reste maintenant pour que le corps du fourneau soit achevé, à lui attacher supérieurement en-dehors deux anses de fer pour avoir la commodité de le transporter. 3°. Quant au dôme, fig. 27 . on pourra lui donner la figure des parties retranchées de l'ellipse, fig. 35 . a . On y fera une porte haute de 4 pouces, large de 5 par le bas, & de 4 par le haut, à laquelle on appliquera une fermeture convenable roulant sur des gonds, fig. 34 . Sa surface interne sera garnie d'un rebord qui remplira exactement l'ouverture de la porte; la largeur doit en être telle, que la saillie qu'il formera intérieurement, soit au niveau de la surface du lut, au soûtien duquel il est destiné. L'aire qu'il renferme sera aussi munie de quelques crochets de fer. L'on garantira également de l'action du feu le dôme, fig. 27 . dont on garnira le dedans de terre, après y avoir enfoncé des crochets de fer & ajusté un anneau de tôle pour le soûtenir, comme nous l'avons prescrit pour le corps du fourneau fig. 26 . On attachera en-dehors à la partie supérieure du dôme, fig. 27 . deux crochets de fer longs de six pouces, pour le prendre avec des �tenailles quand il sera chaud. On pratiquera à son sommet une ouverture circulaire de 3 pouces de diametre, à laquelle on attachera un bout de tuyau long de quelques pouces, presque cylindrique, destiné à être reçû dans un autre tuyau de tôle, semblable à celui de la fig. 38 . Ce fourneau exige encore deux pié-d'estaux mobiles: l'un pour recevoir les cendres & l'air qui doit animer le feu, l'autre destiné aux réductions & fusions des métaux qui se font en stratifiant avec les charbons les mines métalliques ou les chaux, ou scories métalliques. Le premier, fig. 28 . se fait de tôle & est cylindrique. On laisse la partie supérieure ouverte, mais on ferme l'inférieure avec une plaque de même matiere. On lui donne cinq pouces de haut, & un diametre tel qu'il puisse recevoir un demi-pouce du corps du fourneau fig. 26 . On est aussi obligé pour cet effet d'attacher à �la partie intérieure de ce pié-d'estal, à un demi - pouce de son bord supérieur, un cercle de fer large d'un demi pouce, pour soûtenir le corps du fourneau . Ce pié-d estal ou cendrier doit avoir un soupirail haut & large de 4 pouces, qui se ferme exactement avec une porte roulant sur deux gonds, afin de pouvoir à son aide augmenter ou diminuer le jeu de l'air, & conséquemment gouverner le feu. Au côté gauche de cette porte, environ à la moitié de la hauteur du cendrier, on fera un trou rond d'un pouce & demi de diametre, pour recevoir la tuyere d'un soufflet, en cas que les circonstances l'exigent. Le second cendrier, fig. 32 . sera semblable au premier pour la figure, la matiere & le diametre; mais il aura le double de hauteur. On y attachera pareillement un demi-pouce au-dessous de son bord supérieur, un anneau semblable à celui du premier cendrier, & destiné aux mêmes usages. Immédiatement au-dessous de cet anneau, on fera une ouverture arquée par sa partie supérieure, large de trois pouces & haute de deux. Au côté gauche de celle-ci, en commençant également tout-près de l'anneau, on en fera une seconde large de deux pouces, & s'étendant en hauteur jusqu'à la moitié de celle du cendrier. Cette ouverture est destinée à recevoir le cone 0 , qui doit lui-même admettre une tuyere de soufflet. A droite de la premiere, à 3 pouces du sol du cendrier, on en fera une troisieme circulaire, de deux pouces & demi de diametre. On appliquera dans tout l'intérieur de ce cendrier, excepté au-dessus de l'anneau, un garni composé de terre glaise préparée & mêlée d'une bonne quantité de sable & de petites pierres, qui fassent l'office d'un mur. On fera au fond du même cendrier un bassin ou catin, dont la figure sera celle qu'on voit décrite par la ligne f g h . Un bassin ou catin de réception est donc un accommodage qu'on fait dans un fourneau , ou par-dehors avec une matiere appropriée à l'opération. Cette matiere est ce qu'on appelle une brasque . La brasque est de deux especes; il y a la pesante & la legere . La brasque pesante est composée d'argille séchée & de charbon pilé & tamisé, mêlés à parties égales. On humecte le tout jusqu'à ce qu'on puisse le manier sans qu'il s'attache aux mains. Si l'argille étoit trop grasse & trop compacte, & conséquemment se fendoit aisément au feu, on en prendroit qui en eût déjà éprouvé l'action. On la pile, on la tamise, & on en ajoûte une moitié ou un tiers à celle qui n'a pas encore servi; car toute argille n'est pas propre à recevoir une quantité de charbon pilé qui réponde à toutes les circonstaces; n'en admettant que difficilement un volume qui excede le double du sien. La différente nature des substances qu'on a à fondre, celle de l'argille qui doit être combinée avec le charbon, empêchent qu'on ne puisse établir de proportion entre ces deux dernieres matieres. La brasque legere n'est autre chose que du frésil ou poussier de charbon; on en connoît les propriétés. Quand on réduit une mine de fer dans le fourneau dont il s'agit, elle est d'une nécessité absolue. Sans elle l'opération manqueroit. On met encore de la brasque legere entre la pierre de zinc & la chemise du fourneau , où l'on traite la mine de Rammelsberg. Voyez Schlutter, tome II. page 241. Planche XX . Il y a une chose à remarquer à l'égard de la préparation & de l'usage de la brasque pesante: c'est que plus on y fait entrer d'argille, plus elle est solide & durable, & par conséquent plus difficilement rongée par les matieres fondues qu'il reçoit. Mais aussi d'un autre côté, la quantité de scorie devient plus considérable; il faut pour lui donner le degré de chaleur nécessaire, avant qu'on puisse mettre dans le fourneau les matieres qu'on y doit fondre, un feu plus violent & plus long-tems continué. Lorsque c'est au contraire le charbon pilé qui excede la quantité de l'argille, le mélange est rongé plus aisément par les matieres en fonte, sur-tout si elles sont arsénicales, sulphureuses, ou demi-métalliques; pendant que le métal n'y déchoit pas tant, que le bassin se seche plus aisément, & exige pour être échauffé moins de tems & de feu. Le meilleur parti qu'il y ait à prendre en pareille occurrence, c'est de prendre le juste milieu en-deçà & au-delà duquel on seroit exposé aux inconvéniens en question. Il est bon d'observer en général que les effets du froid & de la chaleur ne se communiquent jamais avec plus de difficulté que quand ils ont à traverser des corps solides qui sont en même tems rares, caverneux, & spongieux. Ainsi on peut empêcher un corps fondu & qui a un grand degré de chaleur, de se refroidir promptement en le couvrant de charbon pilé; & l'on ne peut pas soupçonner que cette chaleur soit entretenue par le feu que ce corps embrasé peut avoir mis au corps, puisqu'il faut pour cela le contact de l'air, & qu'on ne voit point d'ailleurs de cendres qui en ayent été produites. Il s'ensuit que c'est autant pour conserver au métal l'état de fusion que l'état metallique par le phlogistique, qu'on mêle le poussier de charbon à l'argille. On peut se convaincre de la vérité de cette doctrine, si on examine la disposition des grands fourneaux des fonderies & des travaux qui s'y font; comme aussi les inconvéniens qui en naissent, & les remedes qu'on y apporte. Pour rendre notre bassin plus durable, on le saupoudrera avec des scories pilées, & on l'applanira avec une boule de laiton. On choisira celles qui ne peuvent plus donner rien de métallique par une réduction ordinaire, & qui ne contiennent ni soufre, ni arsénic. Si on n'en a point de semblables à celles qui doivent rester après la fusion qu'on est sur le point de faire, lesquelles sont préférables à toutes les autres, on leur substituera du verre pilé. On observera que le bassin en question doit avoir au milieu une petite cavité g , qui soit le segment d'une sphere creuse plus petite que celle qui auroit formé la cavité totale. Cette cavité exige les mêmes précautions que les grandes coupelles, c'est-à-dire qu'il en faut tasser la brasque avec un pilon à dents, l'applanir avec une boule de laiton, & y passer aussi un plane courbe. Le fourneau fig. 26 . est principalement destiné aux fusions: on les y peut faire avec des vaisseaux, ou même sans ce secours. Si l'on s'en sert, on mettra le corps du fourneau fig. 26 . sur le premier piédestal, fig. 28 . garni d'une porte roulant sur deux gonds; l'on introduira deux barres de fer dans les trous c c de la partie insérieure de la fig. 26 . pour soutenir la grille fig. 29 . qu'on y fera entrer par l'ouverture superieure. Au milieu de cette grille on placera une tourte ou culot de terre cuite, très-unie, & d'égale épaisseur; on la fera rougir pour la sécher; sans quoi l'on risqueroit de faire fêler les vaisseaux, les grands sur-tout qu'elle soûtiendroit, en conséquence des vapeurs humides qui s'en éleveroient pendant l'opération. Sa hauteur & son diametre doivent excéder un peu celui du fond du creuset qu'on veut mettre dessus, qui n'est convenablement échauffé qu'à la saveur de cette élévation, & suffisamment stable que par la largeur en question. On met ensuite sur cette tourte le creuset contenant la matiere à fondre; on l'entoure de toutes parts de charbons qu'on range avec les précautions que nous avons indiquées, en parlant du fourneau de coupelle à l' article Essai . On gouverne le feu en ouvrant ou fermant la porte du cendrier, fig. 28 . on l'augmente en mettant le dôme fig. 27 . & ensuite le tuyau de la fig. 38 . au moyen duquel on a un feu de fusion très-violent: mais l'on surpasse de beaucoup celui d'une fournaise ordinaire, si l'on introduit la tuyere d'un soufflet par le trou du cendrier, ( fig. 28 . ) destiné à cet usage d; après avoir préalablement luté exactement avec une fine pâte d'argille les jointures du corps du fourneau & du cendrier, & même celles de la porte, qui ne peut jamais fermer assez bien, pour qu'on puisse s'en dispenser. L'avantage qu'on retire de cette méthode consiste en ce que les creusets ne sont pas si sujets à se briser, le vent du soufflet ne donnant pas directement dessus, & animant également le feu de tous côtés. Ainsi voilà une expérience qui contredit celle de Glauber; mais il y a toute apparence que ce chimiste n'avoit pas la précaution de faire passer de même le vent de son soufflet par un cendrier, comme il passe aussi dans la forge dont nous avons parlé. Cet appareil peut servir a examiner les pierres, lorsqu'on veut savoir quel sera sur elles l'effet d'un feu extrème. Nous ne nous croyons pourtant pas dispensés pour cela de donner le fourneou de M. Pott; les effets en sont connus; au lieu qu'il n'est pas de même aussi évident que celui de la fig. 26 . donne les mêmes résultats. Mais si l'on veut fondre à feu une des mines de cuivre, de plomb, d'étain, de fer, ou réduire leurs chaux ou scories, on se servira du cendrier, ( fig. 32 . ) qui contient un catin ou accommodage, & l'on observera de déboucher d'abord avec un couteau les ouvertures e & d fermées par le garni, de retrancher proprement les bavûres, & de remplir d'argille les petites cavités. On assujettira dans l'ouverture d , à gauche du soupirail, le cône de tôle o destiné à recevoir la tuyere du soufflet à deux ames. On parlera de la disposition que doivent avoir le cone & le soufflet, quand on traitera les opérations qui exigeront cet appareil. Le trou arqué c du cendrier sert à différens usages; on connoît par-là, au moyen d'un crochet de fer, si la matiere contenue dans le bassin de réception est fondue ou non: par-là on a la facilité d'écarter les corps qui pourroient fermer le passage du vent du soufflet, comme aussi de retirer les scories qui s'y trouvent dans de certaines occasions. Il est à-propos de luter intérieurement la jointure qui résulte de l'assemblage du cendrier, & du corps du fourneau , afin de ne plus faire qu'une seule & même surface de ce qui étoit séparé avant. Avant que de mettre dans le fourneau la matiere qu'on a à fondre, on y jette du charbon de la hauteur d'un pan; on l'allume & on l'anime avec le soufflet, afin de rougir le bassin: saute de cette attention, ces scories se refroidissent & se congelent avant que la matiere réguline se soit précipitée & réunie. On fournit de nouveau charbon à mesure qu'il s'en consume; le bassin étant convenablement échauffé, on met du charbon de nouveau, puis de la matiere à fondre: mais il faut faire attention que la quantité n'en soit pas assez considérable pour empêcher l'action nécessaire du feu. On ne peut déterminer ici cette quantité, parce qu'il n'y a que l'expérience seule qui puisse l'apprendre. On met un nouveau lit de charbon, & par-dessus un lit de matiere à fondre; & ainsi successivement, en faisant plusieurs couches les unes sur les autres. Si la matiere fondue n'étoit pas capable de soûtenir un certain tems l'action du feu, ou que l'on en voulût fondre à-la-fois une plus grande quantité que le bassin n'en peut contenir ; on creuseroit pour lors dans le lut du bassin un canal, qui, commençant dès sa petite cavité g , iroit aboutir à l'ouverture circulaire ( fig. 32 . e ) du cendrier; & l'on recevroit dans un catin ou autre vaisseau garni d'un mélange d'argille & de charbon ( fig. 33 . i ), la matiere qui découleroit du premier. Nous avons déjà dit que ce ne seroit qu'en décrivant les opérations qui se font par cet appareil, qu'on pourroit détailler les précautions qu'elles exigent par leurs variétés. Le fourneau qui vient d'être décrit peut encore servir à d'autres opérations, soit en l'employant tel qu'il est, soit en y faisant des changemens. Nous en parlerons encore dans la section des polychrestes; il est tiré de Cramer, part. I. nous en allons décrire d'autres qui en approchent, & qui peuvent en avoir donné l'idée. Voyez celui de Beccher. Le fourneau de fusion qui doit être placé ici, est celui que nous a donné Beccher dans son laboratoire portatif, que nous avons marqué fig. 71 . mais comme cet auteur en a plus fait un polychreste que toute autre chose, & qu'il n'y a presque rien à en dire sur la fusion, que nous n'ayons dejà dit à l'occasion de celui qui précede, ou que nous ne soyons sur le point de dire au sujet de celui de M. Pott, dont nous allons parler, nous n'en ferons mention qu'à la section des polychrestes. Mais je crois devoir parler avant d'un fourneau qui mérite attention par sa singularité: il est tiré du commerc. litterar. de Nuremberg, ann. 1741. p. 224. & Pl. II . fig. 8 . On en parle comme d'un extrait des ouvrages de M. de Kramer de Vienne, qui s'exprime en ces termes: « Je serois fâché de passer sous silence que j'ai connu il n'y a pas long-tems une nouvelle espece de fourneaux chimiques. Voyez nos Planches de Chimie , fig. 37 . n°. 2 . Ces sortes de fourneaux sont portatifs, & propres à toutes sortes d'opérations chimiques; ils ne deviennent jamais rouges à l'extérieur, quoiqu'ils puissent donner intérieurement tous les degrés de chaleur: on peut même y pousser le feu au point d'y mettre en fonte toutes les terres connues; ils ne sont d'ailleurs aucun mal, pourvû qu'ils soient placés sous une cheminée. Ces propriétés sont particulierement fondées sur tiois conditions; la matiere dont on les fait, leur figure, & leur construction. On employe pour les faire une espece de pierre tendre & legere, qu'on appelle pierre ollaire; il est bon d'observer qu'ellé est plus legere que la pierre ollaire de Pline, à laquelle les Suisses donnent le nom latin d' appen-zellensis , ou de clarensis , que Scheuchzer a fait connoître dans sa description de la Suisse, & qu'elle est d'une nature bien différente. On en tire beaucoup à Hesse-Cassel, ou plûtôt dans la province de Nassau, & dans la Thuringe, tout près d'Ilmeneau, où on l'employe principalement à la construction des édifices, parce qu'on peut la tailler & la scier. Quand on veut l'employer au fourneau en question, on en façonne plusieurs segmens circulaires de la maniere que la figure du fourneau & la necessité de les maçonner exactement ensemble, l'indiquent. D'ailleurs, on arme ces segmens depuis le bas jusqu'au haut du fourneau de cercles de fer qui les empêchent de se désunir & de se briser. On en construit un fourneau cylindrique extérieurement à la hauteur d'environ trois piés; on le couvre d'un dôme fait de la même pierre, & dont la figure varie selon les différentes opérations; la grille peut se placer à différentes hauteurs. Pour donner accès à l'air; il n'est question que de déplacer un ou deux segmens circulaires, suivant le degré de feu qu'on veut donner. La cavité de ce fourneau est telle, que dans quelque point qu'on le coupe, pourvû que ce soit horisontalement, on aura une ouverture parfaitement ronde: mais si on l'examine de-haut en-bas, on trouvera qu'il est formé par deux demi-ellipses; au reste tout est dans l'exactitude. Je ne doute point qu'on ne puisse au moyen de ce fourneau séparer l'argent que je sais faire la moitié du plomb; car cette opération ne se fait qu'au moyen d'une vitrification excitée par un feu de la derniere violence, & de vaisseaux qui y résistent, qu'on doit faire de cette pierre ». On trouvera ce fourneau mieux figuré dans de Sgobbis, Pl. II . lettre Z , que dans nos Pl. parce que nous avons voulu prendre la figure trait pour trait, quoique la description la rectifie. Il n'est je crois pas besoin d'avertit que le dôme doit avoir un regitre au milieu, quoiqu'on n'en voye rien dans la figure . La fig. 38 . représente un fourneau de fusion qui produit des effets inconnus jusqu'ici: quoiqu'il soit imité de celui de Beccher, comme son auteur l'avance, nous avons cru que nous devions les prendre tous deux, parce qu'ils ont des différences considérables; nous les examinerons dans la suite: c'est M. Port qui parle. Lorsque j'ai dit dans mon traité de Lithogéognosie, que le feu des cuisines & des fonderies n'étoit pas assez fort pour les opérations & les fusions que j'ai décrites dans le cours de cet ouvrage, j'ai aussi au en vûe les fourneaux des Apothicaires, & même ceux des verreries & des manufactures de porcelaine, dans lesquels on ne mettra pas en fusion, quoiqu'à l'aide d'un feu de plusieurs jours, les matieres que je ferai fondre dans mon fourneau avec un feu de deux heures, comme les grenats orientaux, ceux de Bohème, & même les Hyacinthes. Mon fourneau est à-peu-près le même que celui dont Beccher a donné la description dans son laboratoire portatif, pag. 32. il sera facile d'en voir la différence. Le corps de mon fourneau A A est fait de lames de fer, afin qu'il soit en état de mieux résister à l'action du feu: le dedans est enduit d'argille blanche, crue, mêlée avec parties égales de la même argille, détrempée dans du sang de boeuf. B B est aussi couvert de lames de fer, & enduit de même en-dedans; il se met sur le corps AA , & contient la porte D , par laquelle on met le charbon, & le tuyau de fer A , dans lequel on emboîtera un autre tuyau H , qui ait au moins six piés de long. Plus ce tuyau sera long, & plus le feu agira avec force; il faut attacher ce tuyau dans la cheminée avec une chaîne de fer, de peur que par son poids il ne vienne à faire pencher le fourneau . Si on vouloit que ce fourneau augmentât encore plus la violence du feu, il faudroit ajoûter un tuyau C à l'ouverture B du cendrier, de façon que l'entonnoir C placé hors de la fenêtre, pût attirer de fort loin l'air extérieur dans le fourneau . On ne doit employer dans ce fourneau que des charbons de la grosseur d'un oeuf de poule ou d'oie; ceux qui se trouveront plus petits ou plus gros, doivent être rejettés; il faut emplir le fourneau de charbon presque jusqu'au haut, afin que le creuset soit toûjours couvert de charbon allumé, & le feu dans toute sa force. Il faut aussi avoir soin de mettre des charbons ardens dans le fourneau au-moins toutes les huit minutes: on doit ensuite fermer promptement & exactement la porte; par ce moyen tout ce qui est fusible dans la nature sera mis en fusion dans l'espace d'une heure ou deux. Pott, Lithogéognosie, part. I. pag. 421 . Nous n'avons point donné l'échelle de M. Pott, parce qu'elle est particuliere à son fourneau; mais en voici les rapports. Suivant cette échelle divisée en cinq piés, le cendrier de son fourneau est haut & large d'un pié; le corps est haut de deux piés deux pouces, & a un pié neuf pouces de diametre dans la plus grande capacité de son ventre. On sent bien que le bas a un pié de diametre, ainsi que le cendrier: son dôme BB , ainsi que l'ouverture supérieure du corps du fourneau , a seize pouces de diametre, & sept ou huit pouces de haut jusqu'à la naissance de son tuyau, qui a environ cinq pouces de diametre dans le bas. La porte du cendrier y est trop élevée, devant être de niveau avec le fol. L'on conçoit qu'elle doit être plus large que le tuyau supérieur. Si l'on prévoit que l'on soit obligé dans quelque cas d'appliquer le canal e , il faudra la faire ronde, ou boucher les vuides avec de l'argille & des platras. Ce fourneau , comme on le peut voir, a encore beaucoup de ressemblance avec celui de fusion de M. Cramer, fig. 26 . & suiv . Néanmoins il y a entre eux des différences essentielles qui nous les ont fait admettre tous les deux. Celui de M. Cramer est plus composé & plus varié, & conséquemment peut être appliqué à plus d'opérations; mais celui de M. Pott donne le plus fort degré de feu qui ait jamais été produit par aucun fourneau . La fig. 39-44. trouvera aussi sa place avec les fourneaux de fusion, quoiqu'elle serve plus particulierement à la vitrification des terres, pierres, &c. qui n'est au fond qu'une fusion de ces mêmes corps. Le fourneau nécessaire à ces sortes d'expériences, se trouve représenté dans la Pl. XI . de l'art de la Verrerie de Kunchel, mise en françois par M. le baron d'Holbach. Mais comme M. Cramer s'en est beaucoup servi pour les émaux, &c. il l'a corrigé de façon que le feu peut être donné plus fort aux vaisseaux, qu'on y peut introduire plus de choses, & que les torréfactions & calcinations nécessairement longues en pareil cas, peuvent se faire en même tems que le reste. Pour le construire, on employe des pierres capables de soûtenir la violence du feu. C'est ce qu'il est aisé de connoître, si l'on se sert d'une pierre pareille pour soûtenir un creuset dans lequel on fait une fusion qui demande un feu vif, telle que celle du cuivre; car si elle n'adhere pas au fond du creuset, quand on le retire; si elle ne prend point de vernis, à-moins que ce ne soit un très-leger enduit; si elle ne se gerse point, & si elle garde sa dureté étant refroidie, alors on peut être sûr qu'elle a toutes les qualités requises. Il faut rejetter comme mauvaises celles qui, après avoir soûtenu un grand feu, se fendent en refroidissant. On peut se servir pour mortier de la composition argilleuse dont on a fait les briques du fourneau , si c'en est qu'on employe, ou celle dont on a fait les moufles d'essai. On observera que les pierres joignent si bien entr'elles, que le trait de rustique soit très-petit, c'est-à-dire qu'une legere couche de mortier suffise pour les maçonner. Il faut qu'il y ait dans le lieu où l'on construira le fourneau en question une cheminée pompant bien la fumée; que toutes les grandes ouvertures qui s'y trouvent puissent être fermées exactement; & que le fourneau soit placé près de la cheminée. de façon que l'artiste puisse tourner librement autour. La figure extérieure d'un fourneau peut être celle d'un cylindre terminé par une voûte. Son diametre sera de 24 pouces, ou plus, selon la différence des pierres: sa hauteur de 48; l'épaisseur du mur dans les endroits les plus minces sera au-moins de quatre pouces ou de six: sa cavité intérieure sera divisée en chambres, dont la voûte doit suivre la direction d'une ligne parabolique. La plus basse qui sert pour le cendrier, sera haute de 12 pouces, & son plus grand diametre ou l'inférieur en aura 14, & ainsi l'on voit quelle est la direction de la ligne parabolique. On fera à sa voûte une ouverture de 10 pouces de diametre; en sorte qu'il ne restera sur son dos qu'un bord circulaire de deux pouces. Ce bord sert à soûtenir des barres de fer équarries que l'on met sur cette ouverture, au lieu d'une grille. On scelle ces barres à l'endroit du rebord d'une couche de lut de même épaisseur, qu'on applanit avec soin, pour qu'elle puisse recevoir les vaisseaux qu'on y place de toutes parts. On laisse à la base du cendrier une ouverture ou soupirail en quarré long, large de six pouces sur quatre de haut, qui se ferme avec une porte de fer roulant sur des gonds. La seconde chambre élevée sur la premiere, est le foyer ou lieu recevant l'aliment du feu. Elle est de même largeur & hauteur que la précédente, excepté que les pierres n'en soûtiennent pas si bien l'action du feu. C'est pour cette raison qu'on lui donne quelques pouces de plus en largeur, & qu'on remplit cet excédent d'un garni soûtenant la derniere violence du feu. Ce garni se fait, si l'on n'en a point d'autre, de creusets d'ipsen pilés, qu'on mêle avec l'argille la plus réfractaire qu'on peut trouver. Au milieu de la voûte est un trou circulaire de six pouces de diametre, dans la circonférence duquel la voûte n'a qu'un doigt d'épais. Sur le dos de cette voûte est un emplacement large de quatre pouces, servant à mettre les vaisseaux. Dans la circonférence de cette chambre on fait sept portes arquées, à égales distances les unes des autres, six desquelles sont larges & hautes de six pouces, & dont la septieme a deux pouces de plus. Leurs bases sont éloignées de deux pouces de la couche du lut qui assujettit les barres de fer, laquelle doit être regardée comme le pavé de cette chambre. Le mur du fourneau est diminué d'un tiers de son épaisseur, entre la base de chaque porte & le sol de la chambre. Toutes les portes sont garnies de fermetures roulant sur des gonds, faites ainsi que nous venons de le dire, en décrivant la fig. 26 . & couvertes d'un garni de deux doigts d'épais; elles seront reçues dans une feuillure large de quelques lignes, & de même profondeur que l'épaisseur du garni. Chaque fermeture a d'ailleurs à sa partie supérieure un petit trou, à-travers duquel on peut voir aisément ce qui se passe dans le fourneau . La troisieme chambre, supérieure à la seconde, est parfaitement semblable aux deux précédentes, si ce n'est que sa voûte est plus basse de deux pouces, & que le trou au moyen duquel elle communique avec la quatrieme chambre, est de quatre pouces en quarré seulement, & n'est pas dans le milieu. La quatrieme & derniere chambre est de même largeur que les autres; mais sa voûte n'est élevée que de huit pouces. A l'opposite du trou qui établit la communication de cette chambre-ci avec l'inférieure, & à deux pouces de son pavé, est un tuyau cylindrique de tôle de quatre pouces de diametre, servant à déterminer la fumée & la flamme dans cette chambre. Entre ce trou & ce tuyau ou cheminee, est une ouverture haute & large de six pouces, commençant dès le sol de la chambre. Elle est garnie d'une fermeture de fer, & sert à introduire & retirer les vaisseaux. Ce fourneau est exécuté dans le laboratoire de M. Roüelle. On se sert de ce fourneau de la maniere qui suit. On allume le feu dans la seconde chambre; il se fait de charbon ou de bois sec, & principalement de hêtre, qu'on y introduit par la maîtresse porte. Mais il est bon d'observer les choses suivantes, quant au choix d'une pâture propre à donner un feu violent en général. Si l'on veut donner la derniere violence du feu à un vaisseau absolument couvert de son aliment, il faut que les charbons soient petits ou d'une grosseur médiocre, & que les tourtes n'ayent pas plus de trois doigts de haut, si les vaisseaux sont grands, ni moins d'un, s'ils sont petits. Mais si l'on met les vaisseaux à côté ou dessus l'aliment du feu, comme il arrive d'ordinaire dans ce fourneau , pour leur donner la chaleur & la flamme la plus vive, il faut préférer en ce cas le bois & les gros charbons. Maintenant si l'on fait dans le mur du laboratoire une ouverture un peu grande, ou du moins égale au soupirail, qu'on établisse un canal de tôle ou de planches qui conduise de l'un à l'autre, & qu'on ferme d'ailleurs le laboratoire de tous côtés, pour qu'il n'y entre que peu d'air: alors son action est d'autant plus rapide par ce canal, que la cheminée du laboratoire est échauffée; de sorte qu'on parvient à donner au feu un degré de la derniere violence. Il sera si vif aux petites portes de la seconde chambre, que quelques onces de cuivre, jettées sans addition dans un creuset rougi, seront fondues au bout d'une minute, bouilliront, & seront beaucoup plus embrasées qu'il n'est nécessaire, pour lui faire prendre dans un moule la figure qu'on veut. On met les vaisseaux par ces petites portes, & on les place sur le lut servant à assujettir les barres de fer faisant l'office de grille. On place autant de vaisseaux dans le pourtour de la chambre, qu'il y a de portes. Les vaisseaux qu'on y introduit, avant que le fourneau soit parfaitement chaud, peuvent se poser sur une tourte épaisse d'un pouce, & difficile à vitrifier. On peut voir & examiner la matiere contenue dans les vaisseaux par le petit trou pratiqué dans cette porte. Comme le sol de la troisieme chambre est beaucoup plus large que celui de la précédente, il est capable de tenir un double rang de douze vaisseaux chaque, ou plus s'ils sont de médiocre grandeur. Le feu n'est pas si fort dans celle-ci que dans la précédente, & son degré n'est que celui d'une fonte médiocre. Enfin dans la quatrieme & derniere le feu est beaucoup plus doux. Il y est très-propre aux calcinations & grillages, qu'on doit faire à un feu leger; car les vaisseaux ne font qu'y prendre un commencement de rougeur. Si l'on veut les placer dans le fourneau déjà embrasé, on les chauffera bien d'abord; ensuite on les mettra dans la quatrieme chambre, après quoi ils seront en état, par le rouge médiocre qu'ils auront pris, de passer dans la troisieme ou seconde. Avant que d'allumer le feu, il faut avoir des appareils pour plusieurs opérations On fait ainsi quantité d'expériences avec très peu de peine, en peu de tems, & à peu de frais. Enfin M. Cramer assûre qu'il n'en a jamais fait qui lui ayent procuré autant de plaisir que celles qu'il a faites dans le fourneau en question, quoiqu'elles soient d'ailleurs très-ennuyeuses, parce que le feu doit y être très-fort & très long-tems soûtenu dans le même état; & il affirme qu'il avance peu, en disant que tout en est dix fois plus aisé, si on en sait tirer parti. Les vaisseaux qu'il employe pour son fourneau , sont des creusets & des tutes qu'on y place avec ou sans couvercle. Mais si l'on est obligé d'examiner ou d'agiter souvent la matiere qu'ils contiennent, & de les garantir en même tems de la chûte des cendres qui voltigent, il faut faire une échancrure à leur bord supérieur, puis y appliquer une fermeture qu'on assujettira avec du lut. On peut encore construire exprès des vaisseaux cylindriques fermés par le haut, n'ayant qu'une ouverture par le côté, qu'on aura soin de tourner vers la porte, enfin ce qu'on appelle des creusets de Verrerie . Si l'on se sert de creusets triangulaires, il faut que l'un des angles soit dirigé vers le centre du fourneau , & le côté opposé tourné du côté des portes. Faute de ces précautions, les vaisseaux sont sujets à se fendre. Au défaut de ce fourneau , M. Cramer s'est servi autrefois, avec assez de succès, de son athanor que nous avons marqué fig. 56 . & que nous décrirons plus bas. Il ajustoit une trompe à son cendrier comme au précédent; il plaçoit les vaisseaux sur des tourtes dans la chambre voisine de la tour; il levoit tout-à-fait la plaque de fer destinée à empêcher l'accès du feu de la tour dans la premiere chambre; il maçonnoit la porte de cette chambre avec des briques & du mortier, laissant pour introduire les vaisseaux deux petites portes qu'il fermoit avec des pistons; il plaçoit les vaisseaux qui demandoient le plus grand feu tout près de la fenêtre biaise, au moyen de laquelle le feu passe du foyer dans la premiere chambre; ceux à qui un feu plus doux suffisoit, au milieu de la chambre, & vis-à-vis la même fenêtre. Mais comme les pierres n'étoient pas des meilleures, & qu'il y avoit soûtenu pendant deux jours un feu de la derniere violence, le fourneau s'étoit tout détruit, & les tourtes s'étoient confondues avec les pierres vitrifiées, quoiqu'il ne se fût pas répandu de verre des vaisseaux; inconvénient qu'on doit prévenir avec tous les soins imaginables; car s'il arrive un certain nombre de fois, le fourneau est hors d'état de servir davantage. Des fourneaux d'essai . Ce sont ceux dont nous avons donné la description à l'article Essai , & qui dans nos Planch . de Chimie sont marqués fig. 45-48. 49-50-53. 54 & 55. leur place naturelle eût été celle-ci. Après les fourneaux de calcination & de fusion, doivent venir ceux qui sont cela tout-à-la-fois; mais nous nous contenterons d'y faire quelques additions. Voici les proportions que les fournalistes de Paris donnent à ceux qu'ils font en terre, fig. 54 . Ils font un sol de 18 ou 20 lignes d'épaisseur, de 12 ou 13 pouces de large, ou d'un côté à l'autre, & de 13 ou 14 pouces de devant en-arriere; quelquefois ils le font tout-à-fait quarré, & le fourneau en est tout aussi bon. Tantôt il est plus grand, & tantôt il l'est moins; cela dépend du nombre d'essais qu'on y veut faire à-la-fois, & de la quantité de matiere qu'on a à y traiter. Ils élevent ensuite des murailles à la hauteur de trois pouces ou trois pouces & demi; & c'est pour lors qu'ils pratiquent le petit rebord qui soûtient les barres faisant l'office de grille. Ces murailles ont aussi 18 ou 20 lignes d'épais. Ils pratiquent trois ouvertures ou soupiraux au cendrier, une endevant & une de chaque côté. Toutes trois ont en largeur quatre pouces & demi d'embrasure réduits à quatre pouces en-dedans sur trois de hauteur. Audessus des barres-grilles qui sont posées en losange, & qui, ayant huit lignes d'équarrissage, occupent environ un pouce d'épaisseur horisontale, ce qui fait quatre pouces & demi de haut, ils élevent encore les murailles de deux pouces, & quelquefois de trois ou quatre, avant que de faire les trous pour placer les barres soûtenant la moufle. Ces trous sont au nombre de quatre, deux devant & deux derriere. Ils ont huit ou neuf lignes de diametre pour recevoir des barres rondes de même grosseur à-peu-près. Comme ces barres terminent la couche de charbon placée entre la grille & la moufle, & que cette couche ne suffit pas à beaucoup près pour la plûpart des essais, nous avons déjà remarqué à leur article que c'étoit un inconvénient à corriger, & qu'il falloit quatre ou cinq pouces, au lieu de deux, entre la moufle & les barres-grilles. Cet espace doit même être plus considérable, quand on veut employer ce fourneau à l'émail, soit tel qu'il est, soit modifié de la façon particuliere qui convient à ce genre de travail. Voyez Email . Du-dessus des barres au haut du fourneau , il y a cinq ou six pouces d'espace. Deux ou trois lignes au-dessus de ces mêmes barres, on fait une ouverture demi-circulaire de cinq ou six pouces de large en-bas sur trois ou quatre de haut dans son milieu. C'est la porte de la moufle. Quand celle-ci est un peu longue, & qu'on y place des vaisseaux un tant-soit-peu grands, il manque de l'élévation à sa porte. Ainsi on ne risque rien de la faire d'un pouce ou d'un demi-pouce plus haute. Au-dessus de ce corps qui est en tout haut de quinze pouces, est le dôme en pyramide quarrée haute en tout de cinq pouces, & se terminant par une ouverture de quatre pouces aussi quarrée. Cette ouverture doit se terminer de façon qu'on y puisse ajuster la buse i ou naissance de tuyau qu'on voit au-dessus de la fig. 54 . pour augmenter le feu, & avoir la facilité de continuer cette cheminée. Ainsi la hauteur totale du fourneau est de vingt pouces sans sa cheminée. On fait encore des fourneaux d'essai sur le champ avec des briques & des barres de fer, ou bien une grille d'une seule piece. On leur laisse en côté une fenêtre pour observer si le charbon s'affaisse bien fous la moufle & à ses côtés: cette fenêtre est aussi nécessaire dans les autres especes de fourneaux d'essai . Le fourneau d'essai sans grille qu'on voit représenté Planche I . tome I. de Schlutter, & fig. 55 . de nos Planches , est celui de Fachs. Ercker en a senti les inconvéniens, & préfere celui qui a un cendrier. Le fourneau de Fachs se trouve dans Libavius & Glaser. Celui de Cramer est pris d'Ercker. Il est précisément le même, si on en excepte peut-être que les deux portes en coulisse du cendrier ont chacune, de même que celles de la bouche du foyer, un trou qui n'y est pas fort nécessaire. Celui qu'on voit dans Rhenanus est aussi le même que celui d'Ercker. Fachs a fait beaucoup de corrections aux fourneaux d'essai d'Agricola; mais il les a laissés sans grille. Ceux d'Agricola sont très-défectueux; ils ressemblent assez à certains fourneaux d'émail qui sont encore aujourd'hui en usage. Stahl me paroit être le premier qui ait demandé pour les fourneaux d'essai , comme pour ceux de reverbere, un tuyau ajusté à leur dôme, fund. chem. p. 44 . Il avance p. 157. que l'espece de fourneau en question ne demande pas, pour être construit, autant de précision qu'on l'a cru, & que c'est s'amuser à des inutilités & à des minuties; que les qualités que doit avoir un fourneau d'essai se réduisent à ce qu'il pompe bien l'air, & puisse fondre de l'argent. Ces vûes sont remplies par des regîtres placés à la partie supérieure du fourneau , un cendrier garni de sa porte, & un couvercle pour donner froid, par une juste proportion de la moufle & une distance de deux doigts entr'elle & les parois du fourneau . On verra par la lecture de cet article, si Stahl n'a pas pu se tromper. Le fourneau d'essai à l'angloise ( fig. 45-49. ) en brique, & celui qui est en terre, dont nous avons donné la description, ne se trouvent, que je sache, qu'une fois chacun à Paris. Le fourneau d'émail qu'on voit dans Haudicquer de Blancourt, est sans grille comme tous les autres. Il est plus que probable que l'émail qui doit son origine à la chimie, lui doit aussi le fourneau qui y est employé. C'est le fourneau d'essai qu'on a pris, mais le fourneau d'essai sans grille. Depuis ce tems les Chimistes ont corrigé ce defaut de grille; mais les Emailleurs qui en ont été séparés n'ont point profité de cette correction; & cela n'est point étonnant. La plûpart des essayeurs eux-mêmes ne l'ont pas encore admise; & l'on fait même encore des essais avec une moufle sans sol, comme celle des émailleurs ordinaires: construction qui peut avoir ses avantages pour les essais, mais qui me paroît n'avoir que des inconvéniens pour l'émail. Voyez Moufle . On n'a mis à l' article Essai que ce qui regardoit la construction du fourneau de la fig. 50-53. au-moins s'est-on peu étendu sur son usage général. Le voici. Pour faire usage de ce fourneau , l'artiste l'élevera de deux ou trois piés, de quelque façon qu'il le fasse, afin qu'il puisse voir commodément par l'embouchure de la moufle les progrès de l'opération, sans être obligé de se baisser. Il passera dans les quatre trous inférieurs qui répondent les uns aux autres, deux barres de fer épaisses d'un pouce, & de telle longueur que leurs extrémités débordent un peu les parois du fourneau de chaque côté. Ces barres sont destinées à soûtenir la moufle qu'on introduit par l'ouverture supérieure du fourneau , avant que d'y mettre le dôme pyramidal; on la place de façon que son embouchure ne semble faire qu'une seule & même piece avec le bord de la porte qu'on appelle de son nom: après quoi on la lute avec ce même bord, parce qu'il faut l'assujettir. La substance qui doit servir d'aliment au feu & la grille se mettent par le haut du fourneau , dont le dôme doit être conséquemment mobile encore pour cette raison, & assez leger. Les charbons faits de bois dur, & surtout ceux de hêtre, sont les plus propres pour ces sortes de circonstances. On les met par morceaux de la grosseur d'une noix, & l'on en couvre la moufle d'une couche de plusieurs pouces. Nous donnons l'exclusion aux charbons qui sont plus longs ou plus gros, parce qu'ils ne se rangent pas bien autour de la moufle, & ne remplissent pas exactement l'espace étroit qui est entr'elle & les parois du fourneau: d'où il arrive que le feu est, ou inégal, ou trop foible, à cause des vuides qui se rencontrent nécessairement pour lors. C'est pour cela que nous avons conseillé de faire une petite porte à côté du fourneau . Il est cependant un juste milieu duquel on ne peut s'écarter; car si l'on cassoit le charbon trop petit, la plus grande partie passeroit à-travers la grille, & tomberoit dans le cendrier; ou bien se réduisant trop promptement en cendres, elle boucheroit bien-tôt la grille par la quantité en laquelle elle s'y amasseroit, & empêcheroit le libre passage de l'air, qui est si nécessaire en pareille occasion. Comme les opérations qu'on fait avec ce fourneau exigent pour l'ordinaire un feu conduit avec exactitude, on fera attention aux circonstances suivantes. 1°. Le fourneau étant plein de charbons allumés, si l'on ouvre entierement la porte du cendrier, & qu'on approche l'une de l'autre les coulisses de la porte de la moufle, on augmente le feu. Son action deviendra plus forte, si on met le dôme, & qu'on lui adapte le tuyau de deux piés ( fig. 49 . ). 2°. Mais on aura un feu extrème, si, laissant le fourneau dans l'état dont nous venons de parler, excepté la bouche de la moufle qu'on ouvrira, on lui applique le canal de tôle rempli de charbons ardens. On est rarement obligé d'en venir à cet expédient pendant l'opération; on n'y a recours que quand on commence à allumer le feu, parce que ce seroit en pure perte qu'on attendroit patiemment pendant quelques heures qu'il eût acquis le degré d'activité convenable. On est encore obligé de recourir à cette disposition, quand on a à faire une opération qui exige un feu violent pendant un tems chaud & humide, l'air étant en stagnation, & n'étant plus capable par la diminution qu'il souffre de son ressort, de donner au feu l'activité nécessaire au succès de l'entreprise. On peut déduire de ce que nous avons dit, quels doivent être les moyens de diminuer le feu. Lorsqu'il a été poussé à la violence qu'il peut avoir dans le fourneau en question, elle devient moindre si l'on retire les charbons du canal de tôle, & si l'on ferme la porte de la moufle; on lui ôtera encore un degré d'activité en retranchant le tuyau du dôme; l'action du feu se ralentira encore, si on ne laisse la porte de la moufle fermée que par la coulisse qui a la plus petite ouverture: sa diminution sera plus considérable, si on lui substitue la seconde coulisse dont l'ouverture est plus grande. Le feu enfin sera encore affoibli si l'on ôte le dôme, & s'éteindra ensuite tout-à-fait, si l'on ferme en tout ou en partie la porte du cendrier, puisqu'on interdit par-là le passage à l'air, dont le jeu est nécessaire à l'entretien & à l'augmentation du feu. On a encore un moyen de diminuer l'ardeur du feu presque tout-d'un-coup si l'on veut, c'est d'ouvrir tout-à-fait la bouche du foyer; car l'air froid qui y entre pour lors avec impétuosité, raffraîchit tellement les matieres qui sont placées sous la moufle, qu'il n'est point d'opération qui demande un degré de feu si foible, puisque l'ébullition du plomb cesse même entierement. Si l'on voit que le teu commence à manquer, ou même à devenir inégal dans quelque endroit de la moufle, c'est une preuve que le charbon ne s'est pas affaissé à-mesure qu'il a brûlé, ou bien même avant qu'il fût allumé, & qu'il a laissé conséquemment des vuides entre la moufle & les parois du fourneau: ainsi on les fera tomber à l'aide d'une petite baguette de fer qu'on introduira par l'oeil du fourneau . S'il arrivoit que le feu fût plus fort d'un côté de la moufle que de l'autre, on pourroit le diminuer incontinent, si on le jugeoit à-propos, avec un instrument ou regître. On saura en général qu'on n'aura promptement un degré de feu égal & convenable, qu'autant qu'on aura la précaution d'ôter les cendres & de nettoyer le foyer avant que d'y mettre le charbon. Voyez Essai , Moufle , &c. Des fourneaux d'affinage & de raffinage . Les fourneaux qui servent à ces deux opérations sont exactement les mêmes; ce sont ceux que nous avons représentés fig. 17 . 18. 19. 20. 21. & 22 . Un fourneau d'essai est bien certainement un fourneau qui peut servir à l'affinage & au raffinage de l'argent; mais il n'est pas fait pour qu'on y en puisse traiter une grande quantité à-la-fois: ce n'est pas que notre dessein soit de parler de l'appareil en grand qui sert à ces sortes d'opérations; il n'entre point dans notre plan: mais nous allons donner les fourneaux qui peuvent être nécessaires au chimiste, qu'on trouve dans les monnoies & chez les Orfevres, & qu'un essayeur ne peut se dispenser d'avoir. Nous n'avons point parlé des fourneaux de liquation qui auroient dû précéder ceux-ci, non-seulement parce qu'ils demandent une grande suite de fourneaux , mais encore parce que cette opération regarde strictement les travaux en grand. On ne liquéfie l'oeuvre ou plomb chargé de l'argent du cuivre, qu'après l'avoir fondu avec ce cuivre dans un fourneau à raffraîchir; après quoi on le passe au fourneau de liquation, puis à celui de l'affinage; pendant que d'un autre côté on desseche les pieces de liquation dans un fourneau de ressuage: toutes opérations qui sont du ressort de la Métallurgie. Dans les essais on détruit le cuivre, & on a d'ailleurs tous les jours beaucoup d'argent allié, de la vaisselle, &c. à affiner & raffiner, comme à départir. Le fourneau ( fig. 17 & 18. ) est tiré de Schlutter: cet auteur rapporte qu'en Bohème, en Saxe, en Hongrie, & ailleurs, les fourneaux d'affinage sont construits à-peu-près comme une forge; mais cette forge est couverte d'une voûte au milieu de laquelle il y a une cheminée, au-dessous est un arceau sur lequel se trouvent deux foyers pour deux tests ou coupelles; chacun de ces foyers a quatre piés de long sur trois piés & demi de large: à côté est un mur à-travers lequel passent deux tuyaux de cuivre jaune, venant du soufflet, & c'est sur ce mur que la voûte est portée. Ce mur h, k ( voyez la coupe & l'élévation ) se fend en deux ou est creusé de chaque côté vis-à-vis les tuyaux du soufflet, pour pouvoir toucher à leurs robinets, & donner le vent du côté qu'il est nécessaire. Le soufflet qui est de bois, est monté sur son chassis; on en tire la brimbale avec le pié: le vent de ce soufflet entre dans un porte-vent ou boîte de bois qui reçoit les deux tuyaux qui vont aux deux foyers. Comme il n'y a qu'un test occupé à-la-fois, on ferme exactement le canal de l'autre. Les fig. 19-21. représentent un fourneau dont Schlutter se dit l'inventeur, & prétend n'en avoir pas vû de semblable; il est vrai qu'on n'avoit pas encore appliqué le fourneau à fondre les canons, ou prétendu anglois, à l'affinage de l'argent; mais il n'en existoit pas moins, & celui de Schlutter, à ce que je pense, n'en differe pas beaucoup, s'il n'est pas tout-à-fait le même, comme on va le voir. Ce fourneau se chausse avec le bois; il est construit en briques, & le sol en est élevé de trois piés, avec un cendrier de même hauteur à l'un de ses côtés: on place la grille au haut du cendrier, ou plûtôt un peu au-dessous du sol du fourneau , comme on peut la voir en b, fig. 19 . C'est sur cette grille qu'on fait le feu, qui par conséquent se trouve à l'un des côtés du fourneau , le test ou coupelle étant à l'autre. L'endroit où se met le bois, & qui est séparé du sol en-bas par un petit mur, s'appelle la chauffe . La chauffe & le sol ou coupelle sont couverts d'une voûte commune e, fig. 19 . Il y a devant le test une ouverture c ( fig. 21 . ), en-travers de laquelle on met quelques barres de fer qui servent à faire entrer & sortir le test: quand il est placé, on ferme cette ouverture avec des briques, & on n'y laisse qu'une petite embouchure, comme on le voit même fig. 21 . il y a pour mettre le bois dans la chauffe b, fig. 20 . une autre ouverture a , qu'on ferme avec une porte de fer chaque fois qu'on y a jetté du bois. On place une plaque de fer fondu e , au-devant de ce fourneau; & près du test d , ( fig. 20 .) on ménage dans l'intérieur du mur f , un tuyau pour la sortie de la flamme, f, fig. 21 . La maçonnerie extérieure du fourneau a cinq piés de long & trois piés quatre pouces de large, y compris la plaque de fer. Le fourneau anglois est aussi plus long que large, & cela avec d'autant plus de raison que le sol en est ovale, au lieu qu'ici le sol ou la coupelle sont ronds. Le dedans est de deux piés de long sur un pié & demi de large. La grille de la chauffe a neuf pouces de large sur un pié six pouces de long. Le petit mur c , ( fig. 19 . ) n'est guere élevé que de l'épaisseur d'une brique ou deux tout-au plus, parce que l'élévation de la chauffe doit se prendre sur le cendrier pour la place de la quantité de bois nécessaire: au reste, la grille b , ( fig. 20 . ) est composée de barres de fer isolées & portées sur deux autres plus grosses posées en-travers dans des mortaises qui doivent avoir huit ou dix pouces de haut, afin qu'on puisse élever la grille ou la baisser à volonté, suivant la quantité qu'il faudra d'aliment au feu, & la nature de cet aliment. La voûte qui couvre tout ce fourneau ne doit être élevée que de quinze pouces; mais cela doit s'entendre depuis la grille b , ( fig. 19 . ) jusqu'à la voûte qui est immédiatement au-dessus; car elle ne doit pas faire l'arc comme en e , mais aller toûjours en baissant jusqu'en f , commencement de la cheminée, pour rabattre la flamme & la déterminer sur le métal: ainsi la courbure de la voûte doit être prise dans un autre sens, c'est-à-dire que sa naissance ou chaque extrémité de son arc doit porter sur les murs des côtés, & non sur ceux g g , ( fig. 21 .) des extrémités; ce qui est encore indiqué par la situation de la cheminée. Le cendrier est, comme la grille, large de neuf pouces; son soupirail est de même largeur, & haut d'un pié: les poêles dont on se sert pour former avec des cendres le test où l'on met les matieres à affiner, sont de fer fondu. Voyez nos Planches & leur explication; voyez aussi le fourneau anglois . Ce fourneau doit être très-utile dans un laboratoire philosophique; il est meilleur que celui de nos fig. 15 & 16. qui pourtant peut avoir son utilité. Je dirai ici en passant, que les Anglois ont appliqué le fourneau qui porte leur nom à l'affinage; je ne sai point si c'est depuis Schlutter ou avant; mais ils y ont fait ce changement. Au lieu du massif qui porte le test dans notre fig. 19 . il y a un vuide; & la coupelle, qui est un cercle de fer de trois ou quatre piés de diametre, & haut de sept ou huit pouces, est soûtenue sur deux grosses barres de fer posées selon la longueur du fourneau . Il y a une petite ouverture au-dessus de la coupelle, comme en c , ( fig. 21 . ) pour laisser passer le vent d'un gros soufflet, & une autre à l'opposite pour la chûte de la litharge: c'est ainsi qu'on affine une grande quantité de plomb à-la-fois. J'observerai encore ici une chose que j'ai déjà dite ailleurs; c'est que Schlutter est tombé dans l'erreur sur l'origine du fourneau anglois: il rapporte, page 114 . de l'édition publiée par M. Hellot, qu'on prétend qu'il a été inventé vers l'an 1698 par un medecin chimiste nommé Wrigth: mais ce medecin n'en a pu faire qu'une application à la fonte des mines de plomb & de cuivre d'Angleterre; puisque le fourneau pour la fonte des cloches qui lui est absolument semblable, est très-ancien & remonte peut-être à quelques milliers d'années. Il est vrai qu'on n'en trouve point dans Agricola; mais Biringuccio, auteur italien traduit en françois par Vincent en 1572, l'a figuré & décrit de plusieurs façons. Voyez cet auteur, p. 121 . il l'appelle fourneau de réverbere . Wrigth tout au plus y a ajoûté la cheminée d'après les tuyaux des poêles & des fourneaux de fusion. La fig. 22 . représente un fourneau à vent à assiner l'argent dans un test sous une moufle; cette figure est de M. Cramer, & se trouve aussi dans Schlutter: on s'en sert au hartz. On construit plusieurs de ces fourneaux le long d'un mur sur un foyer commun qui non-seulement sert de support, mais encore de tuyaux pour le jeu de l'air: pour cela on y fait des fentes étroites, comme on voit en e pour le passage de l'air; ces fentes commencent des le pavé, & sont hautes de trois piés, comme le foyer ou support. Comme ces fourneaux sont à côté les uns des autres, l'air de chaque soupirail est conduit à leurs foyers par deux tuyaux tant d'un côté que de l'autre; de sorte qu'un fourneau reçoit par quatre tuyaux l'air de deux soupiraux. Du fond de chaque fourneau s'éleve un tuyau de respiration qui a sa sortie près du mur & par-dessus le fourneau , comme on le voit en f; à cela près que cette sortie est au milieu du dôme, & doit être par le côté; les bases de ces fourneaux sont construites en briques; ils le sont aussi en partie, & peuvent l'être en entier: mais on fait ordinairement leur dôme en terre, comme on le voit en B. Chacun d'eux a par le bas un pié huit pouces de large, & la même étendue en long, quand ils sont fermés par des briques; leur hauteur est de deux piés, & ils se resserrent vers le haut, où il ne reste qu'onze pouces de large sur quinze pouces de long. Le devant demeure ouvert jusqu'à ce que le test & sa moufle y soient placés, comme on le voit en A , qu'on a représenté ouvert: alors on le ferme avec de méchantes briques, & on ne laisse d'ouvert que l'embouchure; ou bien on y fait une très-grande porte en tôle g , comme en B , à laquelle on fait un petit guichet h pour le besoin. Le dôme est encore garni d'une autre porte i , roulant sur des gonds, comme la premiere, qui est l'oeil du fourneau & l'endroit par où l'on jette le charbon: on arme ces fourneaux de cercles de fer & de plaques; sans quoi il faudroit les rétablir souvent. Les poêles où l'on fait les tests sont de fer à l'ordinaire, & les moufles sont sans sol. Voyez ces articles . Des fourneaux de verrerie . Nous n'entendons par-là que ceux qui peuvent être de notre plan, ou entrer, comme nous l'avons déjà répété plusieurs fois dans d'autres occasions, dans le laboratoire du chimiste. Ces sortes de fourneaux ne sont, à proprement parler, que des fourneaux de fusion; la vitrification n'étant elle-même qu'une fusion, mais une fusion qui demande un degré de feu supérieur à celle des métaux. Cette nuance n'a pu nous déterminer à faire un article séparé des fourneaux de vitrification dont nous avions à parler; on les a trouvés à la fin de la section des fourneaux de fusion: ce sont ceux du commercium litterarium, fig. 37 . n°. 1. celui de M. Pott, fig. 38 . & celui de M. Cramer, fig. 39-44: on peut encore y ajoûter le fourneau de fusion, fig. 26 . Des athanors . Nous en avons représenté quatre dans nos Planches ; le premier est la fig. 56-60. celui de M. Cramer: le second est la figure 61 . qu'on voit chez M. Roüelle: le troisieme est la fig. 62 . dont M. Maloüin a donné la description, art. athanor: & le quatrieme, celui de Rupescissa, qui n'est qu'un fourneau philosophique: nous parlerons de celui-ci en son lieu, & nous donnerons en même tems quelques remarques sur le mot athanor . L'athanor, le fourneau de la paresse, acedia en latin, tiré du grec ἀκηδὴς , ou qui ne donne aucun soin, est un fourneau où l'on entretient du feu long-tems. On construit 1°. avec des pierres capables de résister à un violent feu de fusion, une tour quarrée, ( fig. 56 . a a a a ), dont les murailles épaisses chacune de six pouces, en doivent avoir dix de large dans oeuvre, b b b b . On la fait plus ou moins haute, suivant le tems qu'on veut que le feu dure sans être obligé de lui donner de nouvel aliment; on lui donne pour l'ordinaire cinq ou six piés de haut. 2°. Dans la partie la plus inférieure de cette tour, on fait une ouverture quarrée c , large & haute de six pouces, qu'on ferme exactement à l'aide d'une porte de fer roulant sur deux gonds, excédant le soupirail d'un pouce dans tout son contour, & reçûe dans une feuillure ou entaille à angles droits, large aussi d'un pouce, pratiquée tout-autour du bord extérieur du même soupirail. 3°. A dix pouces au-dessus du sol de la tour, on place une grille d , faite de plusieurs barres de fer d'un pouce d'équarrissage, & éloignées de trois quarts de pouce les unes des autres. On les dispose en losange, ou de façon que deux des angles d'une barre, sont opposés à ceux des deux autres barres au milieu desquelles elle est, & que les deux autres sont tournés l'un vers la partie supérieure de la tour, & l'autre vers l'inférieure. Cette disposition sert à favoriser la chûte des cendres. 4°. Immédiatement au-dessus de la grille on fait une autre ouverture e , arquée, large de sept pouces, & haute de six, garnie, comme le soupirail, d'une porte de fer suspendue sur deux gonds; cette porte sera munie intérieurement de crochets de fer & d'un rebord qui remplira exactement l'ouverture de la tour, afin qu'elle puisse soûtenir le lut qui la doit garantir de l'action du feu. 5°. On ferme le sommet de la tour avec un couvercle ou dôme de fer f , garni d'une anse, & excédant l'ouverture de la tour de deux pouces dans tout son contour. On fait ce dôme d'une tôle épaisse, dont on forme une pyramide creuse, quarrée, ouverte par sa base, & se terminant par un bord presque tranchant qui est reçû dans une feuillure ou rainure d'égal contour, pratiquée dans le bord intérieur de la partie supérieure de la tour: telle est la construction de la principale partie de ce fourneau . 6°. Un pouce & demi ou deux pouces au-dessus de la grille d , on fait à la muraille droite de la tour une ouverture rectangle biaise, c'est-à-dire allant en montant du dedans de la tour en-dehors, g g , haute de quatre pouces & demi sur dix de large. Cette ouverture est faite pour établir une communication entre la tour & la cavité dont nous allons parler. On construit donc cette cavité ou chambre tout contre la muraille percée de la tour: on la fait de pierre & de façon que sa partie inférieure est un prisme creux h h h h , haut de six pouces, long & large de douze, terminé par une voûte i i , décrivant un arc de cercle de six pouces de rayon; ensorte que la hauteur du milieu de la chambre est en tout de douze pouces; elle doit être totalement ouverte antérieurement, & garnie d'une porte de fer K , ( fig. 59 . ) au moyen de laquelle on la ferme exactement. La surface intérieure de cette porte sera couverte d'un garni de deux pouces d'épais, qui sera soûtenu, comme nous l'avons dit en parlant de la porte du fourneau de fusion, & même de celle de la bouche du feu de la tour. Au milieu de cette porte on fera un trou circulaire ou plûtôt ovale l , de quatre ou cinq pouces de diametre, à la circonférence duquel on attachera perpendiculairement au plan de la porte une bande de tôle saillant en-dedans, également pour contenir l'enduit qu'on y appliquera. L'embouchure de la chambre sera pourvûe d'une feuillure large d'un pouce & profonde de deux, pour recevoir la porte lutée. L'usage du trou circulaire l , qui est au milieu, est de donner passage au cou d'une retorte; & en cas qu'on n'en ait pas besoin, on la ferme à l'aide du piston A . Deux barres de fer horisontales n n , l'une en-haut & l'autre enbas, tiennent la grande porte en situation, au moyen de quatre crochets de fer o o o o , enclavés dans le mur près du bord de la même partie. 8°. Comme on doit être le maître de diminuer le feu, supposé que faute de l'avoir manié assez fréquemment, on lui ait laissé faire trop de progrès; il est à-propos d'établir entre la tour & la chambre que nous venons de décrire, une porte de fer qui ferme l'ouverture oblongue g g , & qui intercepte par conséquent la communication qu'elles avoient entr'elles. On aura donc soin, en construisant la voûte de la chambre, de laisser entre elle & la muraille de la tour une rainure longue d'onze pouces & large d'un demi, laquelle descendra aussi perpendiculairement le long des bords antérieur & postérieur de l'ouverture de la tour g g , & un demi-pouce au-dessous de son bord inférieur. Cette rainure servira à maintenir une plaque de fer ( fig. 58 . ) épaisse de six lignes, longue d'onze pouces & haute de cinq, & débordant par conséquent l'ouverture de toutes parts. A son bord supérieur seront attachées deux chaînes p p , pour l'élever ou l'abaisser. On les tiendra suspendues au moyen de deux clous à crochet * * , scellés dans le mur adjacent de la tour, & posés perpendiculairement sur chaque chaîne, dont on pourra varier l'élévation au moyen des différens chaînons qu'on accrochera. La plaque de fer étant mise en place, on bouchera la rainure par laquelle on l'aura introduite, avec des pierres & du mortier, & on ne laissera que les deux petits trous nécessaires pour le passage des chaînes. 9°. Au côté droit de la chambre, à huit pouces de son fond, on construira avec des briques une cheminée q q q q , quarrée, haute de quatre piés, large de trois pouces & demi par le bas, & de trois seulement par le haut; on la fermera avec une plaque de fer garnie d'un manche r r , ( fig. 57 . ) & encadrée dans une rainure de tôle, s s s s , qui l'assujettira de tous côtés, excepté par-devant, où les deux lames de tôle doivent s'ouvrir pour la laisser mouvoir, ou manquer tout-à-fait. On scelle cette plaque avec son cadre dans les murs de la cheminée, à la hauteur la plus commode. 10°. Sous cette cheminée on fera une ouverture en quarré long t t , semblable à la premiere g g , allant obliquement de bas en haut, & communiquant avec une autre cavité cylindrique haute de huit pouces u u u u , d'un pié de diametre, ouverte par sa partie supérieure, & garnie dans son bord intérieur d'un cercle épais d'un pouce & large d'un demi, destiné à soûtenir un chauderon de fer. A la partie antérieure de cette cavité, l'on fera une échancrure demi-circulaire, large de cinq pouces, & profonde de trois, allant en talus par-devant, v v , pour transmettre le cou d'une cornue. 11°. Cette cavité exige un chauderon de fer, ( figure 60 . ) de douze pouces de diametre, de dehors en-dehors, à-peu-près profond de neuf, entouré à un pouce & demi de son bord supérieur, d'un cercle de fer x x , large d'un pouce, qui y sera assujetti: ce cercle, au lieu de continuer sa route en ligne circulaire, comme il convient, l'interrompra pour accompagner le bord d'une échancrure aussi demi-circulaire y , large de cinq pouces & profonde de quatre & demi, faite au chauderon, la partie inférieure de laquelle doit être reçûe par celle du mur v v . 12°. Vis-à-vis l'ouverture tt , en quarré long, qui établit la communication entre la premiere cavité & la seconde, on en fera, à deux pouces du fond de celle-ci, une pareille z aux deux autres g g, t t , allant également en montant du côté d'une troisieme chambre i i i i , égale & semblable à la seconde u u u u; afin que le feu puisse passer de celle-ci dans celle-là. 13°. On élevera sur le mur, du côté postérieur de l'ouverture z , une cheminée semblable à la premiere q q q q , de même hauteur 2 2 2 2 , & pareillement garnie d'une plaque de fer, ( fig. 57 . ) pour la fermer. 14°. On fera enfin au côté droit de la cavité iiii , une troisieme ouverture semblable aux précédentes g g, t t, z , mais plus éloignée du fond, laquelle au lieu de communiquer par sa partie latérale droite avec une autre cavité, sera fermée par un mur, & ouverte par sa partie supérieure qui répondra à une troisieme cheminée 5 5 5 , semblable aux deux premieres q q q q, 2 2 2 2 . Telle est la construction de ce fourneau , qui est très-propre à un grand nombre d'opérations. Nous en allons détailler une partie, & parler de ses usages & du méchanisme du feu dans l'athanor. On peut introduire par la bouche du foyer de la tour qui est arquée e , une moufle longue de douze pouces, de même longueur & largeur que cette ouverture, épaisse de trois quarts de pouce, ouverte par-devant & par-derriere, supposé qu'elle puisse être fermée par la partie postérieure de la tour, jusqu'à laquelle elle doit s'étendre. On mettra sur la grille du cendrier d une plaque de terre cuite, pour servir de base à la moufle: cette moufle aura des trous près de son sol, ainsi que les moufles ordinaires; on y place des creusets de cémentation, ou d'autres corps, qui exigent pour être calcinés un feu long & violent: néanmoins ces sortes d'opérations peuvent se faire indépendamment de ce secours, quoiqu'avec moins de commodité & de facilité, pour voir ce qu'on fait & pour conduire le feu. 2°. On peut se servir de la premiere chambre pour faire des distillations, qui demandent un feu immédiat & violent; car on y peut mettre des retortes ou des cuines; mais il faut avoir soin de les placer de façon. soit qu'elles portent sur le sol de la cavité, soit qu'on les éleve sur des pié-d'estaux particuliers de différente hauteur, selon la grosseur du vaisseau, que leur cou puisse passer librement à-travers l'ouverture l , de la porte k k k . Lorsqu'elle est bien assujettie à la faveur de ses deux barres, on lute toutes les fentes qui se trouvent autour de la porte & du cou de la retorte; après quoi on lui ajuste une alonge, c'est-à-dire un fuseau ou espece de cone tronqué, long de dix pouces ou plus, par l'intermede duquel les vapeurs brûlantes ont le tems de se rafraîchir, avant que d'arriver au récipient, qui est toûjours de verre, & qui se casseroit sans cette précaution. Cette alonge qui embrasse par sa base le cou de la rétorte, est reçûe par son sommet dans celui du récipient, qu'on appuie ou sur le pavé, ou sur un trépié ou pié-d'estal, qu'on éleve ou abaisse à volonté, au moyen de trois vis. 3°. Cette même chambre peut encore servir à des cémentations, à des calcinations, & à d'autres travaux qui exigent un feu de reverbere; & pour lors on ferme le trou l circulaire de la porte avec son bouchon A , & on ne l'ouvre que quand on veut voir ce qui se passe dans la chambre. 4°. La seconde & la troisieme chambres sont employées principalement aux opérations qui se font avec le bain de sable, de cendre, ou de limaille. On introduit dans l'une des deux cavités le chauderon de fer fig. 60 , & on lute avec de la terre glaise un peu molle, la petite fente qui se trouve entre son cercle & le bord de la cavité sur lequel il est appuyé, ou bien on la bouche avec du sable mouillé qu'on presse bien tout-autour. C'est pour donner un exemple de cet appareil, qu'on a représenté la retorte 9, placée dans le chauderon & ajustée à son récipient. Dans l'autre chauderon de fer, on voit une cucurbite surmontée d'un chapiteau 11, adapté à un balon ou récipient à long cou 12.5°. Ces deux dernieres chambres peuvent encore servir, ainsi que la premiere, à des distillations au feu de réverbere; & quoique le feu n'y soit pas si actif, il ne laisse pourtant pas de faire passer l'eau-forte. Pour cette opération on renverse le chauderon de fer fig. 60 , & l'on introduit dans l'embouchure de la chambre son bord supérieur, saillant d'un pouce & demi au-delà de son cercle; ensorte qu'il résulte de l'assemblage de son échancrure y , & de celle du fourneau v v , un trou propre à transmettre le cou d'une cornue. 6°. L'appareil étant dressé, quel que soit celui qu'on aura choisi pour faire plusieurs opérations à-la-fois, on introduit d'abord par le haut de la tour quelques charbons allumés; puis on la remplit de charbons noirs, en tout ou en partie, à-proportion du tems qu'on veut faire durer le feu. On ajoûte incontinent son couvercle, & l'on répand tout-autour de son bord du sable, ou des cendres qui valent encore mieux, & on les comprime legerement. Si on n'avoit cette attention, tout l'aliment du feu contenu dans la tour flamberoit & brûleroit en même tems. Comme on ne peut avancer rien d'absolument particulier sur le régime du feu dans le fourneau dont il est question, nous ne toucherons ici que quelques généralités sur cette matiere: le reste s'apprendra aisément par la pratique, pour peu qu'on soit versé dans la Chimie. On rend très-violent le feu de la premiere chambre, si la porte du cendrier & la premiere cheminée sont entierement ouvertes, & si la plaque de fer est tout-à-fait levée: au contraire plus cette cheminée & la porte du cendrier sont fermées, plus on y diminue la chaleur; mais ce phénomene ne se passe jamais plus promptement que quand on abaisse en partie la plaque suspendue par les chaînes, car alors le feu contenu dans la tour ne brûle plus que de la hauteur comprise entre la grille du cendrier, & le bord inférieur de la plaque de fer. Si l'on a intention de diminuer un degré de feu trop violent, sans cependant que les vaisseaux cessent d'être rouges, on doit se procurer cet avantage, en fermant autant qu'il convient la porte du cendrier & l'ouverture de la cheminée, la plaque de fer demeurant suspendue aussi haut qu'elle le peut être, & totalement renfermée dans la muraille; parce que si l'on s'en servoit pour remplir ces vûes, l'activité du feu auroit bientôt détruit la partie de cette plaque qui lui seroit exposée: d'où il suit qu'elle ne doit jamais être employée que lorsqu'il s'agit de régir un feu médiocre ou bien d'en diminuer un grand, au point qu'il ne rougisse que médiocrement les vaisseaux. On observera aussi qu'on ne tiendra ouvert que le moins qu'il sera possible, le trou circulaire de la porte de la premiere chambre, dans les opérations qui ont besoin d'un grand feu; parce que l'air qui y entreroit avec impétuosité, auroit eu bien-tôt refroidi les corps qu'on y auroit placés. On peut faire en même tems dans la seconde & troisieme chambres les distillations latérales & ascensoires dont nous avons parlé, puisque le feu se communique de la premiere à la seconde, & qu'on l'augmente dans celle-ci en ouvrant sa cheminée; observant de diminuer l'ouverture de celle de la premiere, de la même quantité qu'on ouvrira celle de la seconde. Par la même raison, on peut déterminer l'action du feu sur des corps contenus dans la troisieme chambre, & même lui donner issue par sa cheminée seulement, lui interceptant tout passage par les deux premieres, ou bien ne lui en laissant par l'une des deux, ou par les deux ensemble, qu'autant qu'on lui en diminuera par la troisieme. Il suit évidemment qu'on ne peut avoir un grand feu dans la troisieme chambre, que les deux précédentes n'en ayent un semblable, & qu'on peut au contraire le diminuer dans celle-là, en fermant sa cheminée, sans changer son état dans celles-ci; ce qui s'exécute en donnant la plus grande ouverture à la seconde cheminée. Les phénomenes sont les mêmes pour la seconde chambre, respectivement à la premiere. Enfin l'on ne peut donner un grand feu à la moufle placée dans le foyer, que la premiere cavité n'y participe: ce feu s'augmente ou se diminue en fermant ou en ouvrant la porte de la bouche du foyer, changement qui n'empêche pas que les degrés des autres chambres ne soient constans relativement les uns aux autres, quoique susceptibles de différentes nuances. Le reste s'apprendra facilement par l'usage. Quoique la grandeur qui a été fixée pour l'athanor & les fourneaux d'essai fig. 50 , & de fusion fig. 26 & suiv. soit la plus avantageuse pour les expériences en petit & en grand, il n'est pas absolument nécessaire de s'y conformer; on peut l'augmenter selon le nombre & la nature des travaux qu'on y doit faire, en gardant toutefois les proportions que nous avons établies. On peut aussi faire l'athanor en tôle, si on veut l'avoir portatif. Il suit donc évidemment qu'un pareil fourneau doit être utile à un essayeur qui voudroit aller à l'épargne de ces sortes d'ustensiles, puisqu'on peut faire dans celui-ci quantité d'opérations qu'il est obligé de faire lui-même; il lui convient d'autant mieux que la plûpart d'entr'elles exigent un feu long-tems soûtenu. Si la quantité de charbon que peut contenir la tour ne suffit pas, on peut en remettre comme dans les autres fourneaux: d'ailleurs le degré de chaleur en est toûjours constamment le même, à-moins qu'on ne le change, & on a vû qu'il pouvoit se varier considérablement. Enfin ce fourneau est d'autant plus commode, qu'on peut appliquer facilement par son moyen tous les degrés de feu qu'il peut donner par différentes voies, & qu'on peut faire plusieurs travaux différens en même tems, & avec le même feu. L'athanor fig. 61 . se construit en briques, & reçoit les proportions qu'on lui donne, selon ce qu'on en veut faire. Celui-ci a trois piés de long, autant de haut, & 18 pouces de large. On éleve quatre petits murs de l'épaisseur d'une brique, & en même tems on en fait un qui va d'un côté à l'autre, entre les deux portes e & d . Il sert à séparer la cavité du cendrier d d'avec une autre cavité qui est en e , que nous appellerons l' étuve . Quand on a élevé en même tems ces cinq murs de briques à la moitié de la hauteur qu'on veut donner au fourneau , on couvre l'étuve qui occupe une moitié du bas, d'une plaque de tôle afin que la chaleur y pénetre. J'ai dit que les quatre murs du tour étoient épais de la largeur d'une brique, mais il est bon d'avertir què le mur latéral du cendrier est plein jusqu'à sa porte, comme la ligne ponctuée l'indique. Quand la plaque de tôle est posée, on continue tous les murs du contour jusqu'à la hauteur de quatre ou cinq pouces, excepté le mur de refend, qui ne passe pas la premiere plaque de tôle: d'ailleurs au lieu de continuer le mur à gauche du cendrier de la même épaisseur, on le fait en talud jusqu'au-haut que commence la tour, où il n'a d'épais que la largeur d'une brique. La ligne ponctuée indique ce trajet. On peut voir la même chose dans Charas & le Fêvre dont l'athanor est le double de celui-ci. Cet auteur couvre le talud d'une plaque de tôle unie, afin que le charbon coule mieux. La porte du foyer c ne s'ouvre qu'au besoin, mais celle du soupirail doit l'être continuellement, sans quoi le fourneau n'iroit pas. A 4 ou 5 pouces de la premiere plaque de tôle, on en met une autre aussi de tôle ou de fonte, qu'on encastre pareillement dans le mur: celle-ci est destinée à soûtenir le sable; on laisse cependant aux quatre coins la place de quatre regîtres, qui sont quatre tuyaux de tôle d'un pouce de diametre, qu'on diminue si l'on veut avec des bouchons percés de différente grandeur. On éleve ensuite les murs & le massif qui doit porter la tour à la hauteur d'un pié environ; ensuite de quoi on fait la tour en terre, ou en tôle, ou en briques, cela est indifférent: on lui fait aussi un couvercle, qui la ferme bien juste, comme nous l'avons déjà dit du précédent athanor, dont la description ne sera pas inutile pour celui-ci, quoique inapplicable dans bien des cas. La tour & son dôme dans notre figure 61 sont de terre. On conçoit aisément que la porte f de la chambre du feu, & la porte e de l'étuve, do vent être continuellement fermées, & particulierement la porte f , car la porte e s'ouvre de tems en tems pour ce qu'on a à faire sécher à l'étuve. Quoique l'invention des athanors, dont le feu brûle dans la tour, soit effectivement bien commode, on a inventé après eux une sorte de tour, de laquelle le charbon tombe dans le foyer des fourneaux qui lui sont joints, & qui contiennent les matieres, lesquelles par ce moyen en sont bien plus échauffées qu'elles le seroient par une chaleur qui ne viendroit que de la tour. Si après avoir allumé le feu dans les foyers des fourneaux de l'athanor de Charas (ce sont ses remarques), on remplit les canaux de la tour de charbon qui ne soit ni trop gros ni trop menu, & si ensuite on bouche les ouvertures de la tour & les portes des foyers des fourneaux , car la tour n'en a point du tout, non plus que de soupirail, on peut être sûr d'avoir un feu égal, qui continuera du-moins pendant vingt-quatre heures; ce feu chauffera très doucement, si on bouche encore les soupiraux des fourneaux adjacens, & qu'il n'y ait d'ouvert que leurs regîtres. Quelquefois on fait quarrée la tour de l'athanor, afin qu'elle communique sa chaleur à un plus grand nombre de fourneaux . On en voit un dans Libavius, dont la tour est hexagone; ensorte qu'elle est environnée de cinq fourneaux , & a ses portes à son sixieme côté. Ces sortes d'athanors se placent pour lors au milieu du laboratoire; mais ils doivent marcher difficilement. Le Fêvre & Glaser disent que le dôme de la tour de l'athanor peut être converti en un appareil utile, & qu'il suffit pour cela de mettre une terrine à sa place. L'intermede qu'on y mettra, déterminera la nature du bain auquel elle servira; mais je croi que la chaleur de ce bain doit être bien foible: au reste c'est un essai qu'on peut faire aisément d'après le Fêvre qui en parle comme par expérience; & peu importe que le dôme ferme la tour par sa partie convexe ou concave. Voyez-en l'appareil, page 144. de Biringuccio. Nous pourrions citer ici avec le Fêvre, Glaser & Charas, une foule d'auteurs qui ont toûjours mis quatre regîtres aux quatre coins de leur athanor, comme on le voit dans notre figure 61 . mais les deux regîtres voisins de la tour ne me paroissent faits que pour ralentir l'action du feu; & cela doit être évident pour ceux qui auront lû attentivement la description de l'athanor de Cramer, & qui considéreront le jeu du feu dans le grand fourneau anglois, ou dans notre figure 19-21. qui est la même chose, ou dans tous ceux qui approchent de leur structure. Outre la grille du foyer de la tour de l'athanor, fig. 61 , il faut qu'il y en ait encore une autre horisontale, comme celle des artistes qui font la cire d'Espagne. Charas n'en a rien dit, & il ne le pouvoit pas; il vouloit que le charbon de sa tour tombât dans le foyer des fourneaux adjacens, & les remplît: mais il n'en est pas de même de notre figure 61 , le charbon ne doit pas passer la grille de la tour, mais il la passeroit nécessairement s'il n'étoit pas retenu par une grille horisontale qu'on ne voit pas, mais que la raison supplée aisément. Quand il y a deux fourneaux & qu'il n'y a qu'une tour, il faut nécessairement une plaque à l'une & à l'autre, comme à celui de Cramer, pour gouverner le feu. Cette plaque se trouve dans quantité d'auteurs, & est fort ancienne. Par ce moyen on peut se servir de leurs foyers sans allumer le charbon de la tour; parce qu'on n'a pas toûjours occasion de faire marcher deux fourneaux à-la-fois, & de faire des opérations qui demandent un feu de vingt-quatre heures; mais pour lors les quatre regîtres doivent être ouverts. La tour de notre athanor, fig. 61 , est conique. Cette figure est exigée par la plûpart des auteurs. Voyez Charas, &c. Mais M. Cramer, comme on peut le voir, a cru pouvoir négliger cette précaution qu'on ne prend que pour empêcher que deux charbons se rencontrant par l'une de leurs extrémités, ne viennent à s'arcbouter par l'autre contre les parois de la tour, & à empêcher la chûte de ceux qui se trouveroient par-dessus: mais il est bien aisé de voir que cet inconvénient n'aura jamais lieu dans une tour dont les parois verticales seront bien polies, & qu'il pourroit très-bien arriver même dans une tour de figure conique, dont les parois seroient raboteuses. On peut éviter cet inconvénient, soit que la tour soit conique ou pyramidale, en cassant le charbon comme pour les fourneaux ordinaires, avant que de le mettre dans la tour. Il suit donc que si M. Cramer n'est pas le premier qui ait senti la nécessité de bien construire un athanor, il est au-moins le premier qui y ait remédié & qui l'ait bien figuré & expliqué. Son athanor va comme il le dit. On en a construit un à Paris d'après sa description, qui le prouve. Le méchanisme de ce fourneau doit être fondé sur ce que le feu veut monter, & non descendre. M. Cramer l'a bien vû, & c'est une remarque qui ne doit pas échapper à ceux qui examineront son fourneau: mais il me semble qu'il y a encore quelque chose à y metire de plus; c'est l'inclinaison dont nous venons de parler au sujet de la figure 61 , afin que le charbon de sa tour, au lieu de descendre perpendiculairement comme il fait, descende obliquement pour s'approcher de la premiere chambre, & rende par-là le canal du feu plus droit. Nous appellons ici le canal du feu , la ligne que nous faisons passer par le soûpirail, le cendrier, la grille, le foyer, la fenêtre biaise & la premiere cheminée, ou par la derniere cheminée aussi si l'on veut, & nous remarquons que plus cette ligne sera droite & ira de bas en-haut, mieux l'athanor marchera: mais comme cette premiere chambre a pour regître une plaque de fer, il faudroit de toute nécessité à son fourneau la grille horisontale dont nous avons parlé, pour empêcher que le charbon venant à tomber sous cette plaque, ne s'oppose à la liberté qu'elle doit avoir de joüer dans ses coulisses, & de fermer tout-à-fait la fenêtre biaise de communication. Cette grille & l'inclinaison dont nous parlons, peuvent même être prises dans l'epaisseur du mur de la tour de M. Cramer. L'athanor de Gellert ou celui de Ludolf, qui sont presque la même chose, ne sont quant au fond que celui de Cramer, augmenté de plusieurs chambres qui ne doivent pas beaucoup servir, si ce n'est d'étuve, peut-être, ou à empêcher que le fourneau n'aille bien, ou à y faire faire un feu si violent pour qu'il puisse être de quelqu'effet à l'autre bout, que le fourneau ne pourroit manquer de couler. Il y a pourtant cette différence commune entre les athanors de Cramer & de Gellert, & celui de Ludolf, que ce dernier auteur a construit le sien de façon qu'il faut que le feu descende au lieu de monter. Voyez le même défaut, Planche III . de Barchusen, page 77. de Barner, & Planche IV . de Manget. Au reste, on peut bien ne pas regarder les dernieres chambres que Ludolf & Gellert ont ajoûtées au fourneau de Cramer, comme tout-à-fait inutiles; au-moins peuvent-elles n'être pas nuisibles entre les mains d'un bon artiste; la longueur de l'athanor pouvant être considérée ainsi que nous l'avons déjà avancé, comme le canal qui sert à augmenter la vivacité du feu dans les fourneaux de fusion, & par cette raison-là étant dirigé obliquement de bas en-haut: il s'ensuit donc que la chaleur qui regne dans les chambres les plus éloignées, peut servir à quelques opérations, quoiqu'elle y soit foible. Je sens bien qu'en raisonnant sur les principes de la construction de quelques fourneaux en grand, comme du fourneau à l'angloise , on croira que la chaleur dans le canal de l'athanor doit être semblable à celle de la cheminée de ces grands fourneaux , mais on seroit dans l'erreur si l'on se fondoit sur cette idée. Il y a une très-grande différence entre la flamme du bois qu'on brûle dans le fourneau anglois, & la flamme du charbon, qui est peu de chose. On peut considérer les fourneaux à lampe comme des athanors différens des autres par la forme & la pâture du feu. Il y a une certaine analogie entre la pompe d'une lampe & la tour d'un athanor. Des fourneaux polychrestes . Ce sont des fourneaux qui, comme on peut le conjecturer par la signification du mot grec composé dont on les qualifie, servent à plusieurs opérations. Il y a même des auteurs qui prétendent qu'avec un pareil fourneau bien construit, on peut se dispenser d'avoir tous les autres, pourvû toutefois qu'on n'ait pas plusieurs opérations à faire à-la-fois. Examinons ces prétentions. Les Chimistes ont observé que le même fourneau servoit à plusieurs opérations. La nécessité en a étendu l'usage, & est devenu un principe. On a donné des preuves de sa sagacité en mettant les fourneaux à la torture; mais on a fait voir qu'on n'en connoissoit point la méchanique. Ceux qui ont appliqué les fourneaux à plus d'objets, ont été regardés comme les plus habiles; & en effet, il a fallu de l'imagination. De-là est venu l'axiome, qu'un bon artiste avoit besoin de peu d'instrumens. Mais cela ne prouve que de l'analogie dans l'esprit de l'artiste, & de la sagacité si l'on veut, & non point-du-tout que les instrumens soient bons à exécuter son idée; de facon qu'elle ne pourroit l'être en moins de tems, de peine, de dépense, & avec plus de facilité par un autre. Malgré cela les plus habiles se sont exercés à chercher des fourneaux qui pussent servir à toute sorte d'usages, & il faut avoüer qu'ils y ont réussi jusqu'à un certain point. Cependant on ne peut se dissimuler qu'ils sont partis d'après un principe erroné; & quel principe ne l'est pas, ou peut être général? Ils ne se seroient pas donné tant de peine s'ils eussent été bien convaincus que l'art des fourneaux n'étoit & n'est encore que dans son enfance; & que leurs bonnes ou mauvaises qualités dépendent d'un rien qui n'a point été connu, & qui vraissemblablement ne le sera jamais. La connoissance des fourneaux seroit certainement plus avancée, s'ils ne l'eussent pas retardée par leurs idées de vouloir prévenir la nature. Il falloit commencer par faire un fourneau simple parfait pour un seul usage, avant que de le vouloir appliquer à plusieurs; & sans doute qu'ils eussent été guéris de cette demangeaison. Ce n'est pas que je regarde la chose comme aisée & même comme possible; car il me semble que l'exécution d'un pareil ustensile dépend de la connoissance composée de la nature des matériaux qu'on y employe, du feu qui y exerce son action, des vaisseaux & des corps qu'ils contiennent, & de l'espace à parcourir; comme celle d'une machine dépend de la raison composée de la flexibilité des leviers, de leur poids, densité, frottement, &c. mais on peut au-moins tenter d'approcher de l'une & de l'autre. Nous avons à donner deux exemples particuliers de fourneaux polychrestes , sans compter que nous considérerons sous ce point de vûe la plûpart de ceux dont nous avons déjà parlé. Il ne faut pourtant pas croire qu'il faille autant de fourneaux que d'opérations, & que le même fourneau ne puisse & ne doive servir à plusieurs du même genre. Il faut donc entendre par polychreste , celui qui pourra servir à plusieurs opérations disparates, comme par exemple, distillation & fusion, &c. Nous avons à parler en premier lieu du fourneau de Dornaeus, fig. 75 . & de celui de Beccher, fig. 71 . le plus polychreste de tous, si l'on peut parler ainsi, ou celui qui se prête le mieux à la plus grande quantité d'opérations. Nous ferons revenir ensuite comme tels ceux qui nous paroissent plus précaires que ce dernier. Au reste, nous ne voulons point prevenir l'esprit du lecteur. Nous allons le mettre à portée d'examiner. Les esprits fourmillent quelquefois d'inventions singulieres qu'ils varient sans aucune nécessité jusqu'à l'intempérance. Quelquefois la nécessité ou l'économie cherchent à abréger les travaux, sans faire attention que, quand on veut faire à-la-fois deux choses différentes, on ne fait souvent ni l'une ni l'autre. Un bon artiste ne cherchera point à abréger mal-à-propos, & il évitera avec le même soin de prodiguer ses peines. Il sait employer les fourneaux & les instrumens nécessaires, quoiqu'il voye qu'il faudra plus de tems & de dépense. Ceux qui voudront essayer de faire plusieurs travaux en même tems & au même feu, peuvent consulter Dornaeus. Ce chimiste donne un fourneau où l'on peut distiller de trois façons: par ascension au bain de sable & de cendres; par le côté à la retorte; & enfin par descension, dans le même tems, avec le même feu, sans beaucoup plus de peine, & dans peu d'espace; car son fourneau est élevé & étroit; & il ne lui étoit pas même difficile d'augmenter son fourneau & ses vaisseaux, au cas que l'élévation de l'endroit le lui eût permis, pour distiller aussi au bain-sec, au bain marie, & à ceux de vapeurs, de cendres, & de sable. Il éleve deux murs de briques, fig. 75 . à un pié & demi l'un de l'autre. Ils ont aussi un pié & demi de haut, & autant de large; ainsi le premier étage du fourneau est ouvert par-devant & par-derriere. Il pose sur ces deux murs deux barres de fer en-avant, & autant en-arriere, pour soûtenir les murailles & le sol du second étage. Ces barres, comme on peut juger, ne paroissent qu'en-dessous. Elles sont à la hauteur de O; on peut toutefois s'en passer en faisant un petit arc de voûte entre les deux murs latéraux, comme on voit dans la partie antérieure du premier corps A. On laisse dans le sol qui sépare le premier du second étage B , un trou circulaire de 4 pouces de diametre, pour passer le col d'un matras descensoire: ensuite on éleve trois murs d'un pié & demi de haut, à angles droits sur les barres O , pour former le second étage. Le devant est ouvert par une grande porte arquée. Sur les murs de ce second étage, on met des barres de fer à un doigt de distance les unes des autres; c'est ce qu'on voit sous la retorte, dans l'espace I . On éleve après cela trois murs nouveaux sur la grille pour former le troisieme étage C. Mais quand on en est à la moitié de l'élévation, on place dans les deux murs latéraux deux barres de fer arquées au milieu, comme nous l'avons dit du fourneau d'Evonymus, fig. 45 . à la sect. des fourneaux pour la distillation latérale; ces barres servent à soûdenir la retorte. Dans l'un de ces murs, au-dessous des barres de fer, on laisse une ouverture pour passer le col de la cornue. Le mur antérieur est toûjours ouvert, & on ne le ferme que quand la cornue est placée; seulement on y laisse deux petites ouvertures pour remuer le charbon. On met encore des barres de fer sur ce troisieme étage pour soûtenir les murs & le pavé du quatrieme O . Mais avant on voûte la chambre de la cornue pour en faire un reverbere, & on laisse au milieu de la voûte un trou pour y jetter le charbon. On le ferme avec une brique, s'il est nécessaire. On éleve ensuite les murs de la quatrieme chambre, qu'on couvre aussi d'une voûte au milieu de laquelle on laisse le trou S . On fait une porte arquée R dans la partie antérieure. Au trou S on met une grille pour soûtenir un bain, si l'on veut se servir du trou T; enfin on éleve les derniers murs d'un pié & demi comme les précédens, pour former le cinquieme étage E , en laissant encore ouverte une porte arquée pour donner la facilité de fermer le trou S d'une brique. On ferme la partie supérieure de ce cinquieme étage avec de l'argille, mais on laisse encore un trou T au milieu pour une capsule de terre ou de cuivre. Aux quatre angles sont quatre regîtres capables d'admettre le doigt, qu'on ferme avec des bouchons quand il est nécessaire. Telle est la structure de ce fourneau . Libavius, p. 168 . La capsule X contient du sable, au moyen duquel on distille de l'esprit-de-vin ou de l'eau-de-vie. Le récipient Y est dans cet auteur une cornue appesantie par un cercle de plomb à la maniere d'Ulstadius, pour empêcher qu'elle ne flotte dans le bacquet Z plein d'eau froide. On voit encore une cornue servant de récipient dans la seule figure du laboratoire de Kunckel. Dornaeus se servoit de ce fourneau pour tirer des huiles des végétaux & des animaux, comme il l'apprend, liv. III. chap. jv. de sa Chimie; sans doute qu'il faisoit quelque digestion dans la quatrieme chambre. Je ne vois nul inconvénient à se servir d'un pareil fourneau . Je ne présume pas qu'on y puisse faire toute sorte d'opérations indistinctement; mais je crois qu'il peut s'en trouver qui s'accordent assez bien pour aller ensemble, avec toutefois les restrictions que nous avons déjà mises. Au reste, on n'y dépense pas plus en charbon pour un vaisseau seul, que dans un autre plus simple. On peut, je crois, le regarder comme un fourneau de distillation latérale, dont la troisieme chambre est l' ouvroir , les deux inférieures le cendrier , & les deux supérieures le tuyau de cheminée . Il semble que Glauber y ait pris l'idée des chambres qu'il met à côté du tuyau de son fourneau de fusion, fig. 6 . & que Kunckel l'ait imité dans son fourneau de verrerie que nous avons donné, corrigé par Cramer, fig. 39 . Ces derniers vont bien, celui-ci doit aller de même. Le fourneau du laboratoire portatif de Beccher, fig. 71 . dont nous avons renvoyé ici la description, à la section de ceux qui servent à la fusion, a 3 piés 3 pouces de haut, 16 pouces de large dans la plus grande capacité de son ventre, & 9 de diametre dans le bas. Ainsi c'est une figure conique ou entonnoir qui est voûté ou elliptique supérieurement. On le fait de tôle forte, & on lui donne un pouce & demi d'épais; ear c'est jusqu'à ce point qu'on le couvre d'un garni fixe au feu, qu'on soûtient avec des crochets de fer; & on met aux bords supérieurs & inférieurs des différens corps, des anneaux de fer qui servent aussi à le soûtenir: ainsi que nous l'avons dit du fourneau de fusion de Cramer, fig. 26 . Ce fourneau est composé de quatre parties; 1°. d'un dôme, 2°. d'un cercle ou couronne, 3°. de son corps, 4°. de son fond, pié-d'estal, ou cendrier. Ce dôme, à l'ordinaire, sert à couvrir l'orisice du fourneau , soit que la couronne y soit ou n'y soit pas. Les dimensions de l'un & de l'autre sont les mêmes, & la couronne est parfaitement cylindrique. Il sert à concentrer & reverbérer la flamme, comme cela est nécessaire dans les essais à la coupelle, la cémentation, la reverbération, & la distillation à la cornue, qui se font à feu ouvert. Ce dôme est aussi garni en-dedans, pour supporter le feu. Il a un trou supérieurement, qu'on peut tenir ouvert ou fermé jusqu'à un certain point. Non-seulement il est d'un grand usage pour gouverner le feu, il sert encore à recevoir les pots ou les balons sublimatoires qu'on lui peut ajuster pour faire toutes les sublimations des fleurs, des minéraux, & les distillations abondantes des esprits salins; c'est-à-dire toutes les opérations de Géber & de Glauber; voyez nos fig. 5 . 66. 67. & 98. en jettant les matériaux sur les charbons ardens, par la porte du corps, qu'on ferme sur le champ. On ôte les grilles de fer, & pour lors le feu tombe dans le cendrier D 1; on l'anime avec le soufflet; & ainsi la matiere quoique fixe en quelque sorte, est obligée de monter ou sous la forme de fleurs, ou sous celle d'esprit; & le feu ne s'éteint point comme dans les fourneaux de Glauber. Le corps est muni de deux anses. Vient ensuite le cercle ou la couronne, qui n'a que deux variétés dans nos Planches , comme on voit en B 1. & B 2. & qui dans Beccher en a cinq que nous avons crû inutile de représenter, parce qu'elles peuvent s'entendre sans ce secours. La couronne B 1. sert à amplifier le fourneau , & à donner le feu de suppression dans la distillation & le coupellage; à la cémentation, au reverbere, à l'ignition, & à la calcination. Pour donner le feu de suppression, on met donc ce cercle B 1 sur le corps C , & on lui adapte le dôme A avec la seconde grille seulement; car il en faut trois pour ce fourneau . La premiere est celle qui se met en-bas tout près du cendrier; la seconde, celle du milieu; & la troisieme, celle qui se met sur le corps C au-dessus de sa porte. Ces trois grillés tiennent par la seule figure du fourneau . C'est leur largeur qui fixe leur place, parce que le fourneau est un cone renversé. Il est à-propos, quand le garni est fais, d'y enfoncer un peu chaque grille, de façon qu'elle y fasse une petite gouttiere, qui, quand il sera sec & dur, la soûtiendra plus exactement. Dans cette circonstance où l'on employe la seconde grille, on met le pié-d'estal ou trépié D 2 , s'il ne faut pas un grand feu, ou D 1 , s'il le faut vif; auquel cas on employe le soufflet dont nous nous sommes contentés de représenter le mufle e. Pour lors on ajuste une cornue de terre ou de verre, de façon que son col passe par la porte ou échancrure du corps C , qu'on lute tout-autour de la cornue: ou bien on y met une moufle dans la même situation; mais ensorte qu'on puisse fermer la porte. Les choses étant ainsi disposées, on jette par le trou du dôme, d'abord des charbons ardens, si l'on veut distiller de l'eau-forte; ou bien si l'on veut un feu de suppression, on ne mettra les charbons ardens que les derniers. On laissera le feu s'allumer par les degrés qu'on voudra, & l'on continuera l'opération de même avec un feu plus ou moins violent. A l'aide de cet appareil, on pourra distiller à la cornue de l'eau-forte, de l'huile de-vitriol, & autres esprits concentrés a la violence du feu. Mais si l'on veut calciner, cémenter. ou réverbérer, on ôtera la grille du milieu: on mettra la premiere au-dessous, & on ajoûtera la troisieme; après quoi on adaptera le dôme après le cercle ou couronne B 1 . On met les vaisseaux cémentatoires sur la troisieme grille. On peut examiner les degrés du feu par la porte du cercle. Dans ce cas on se sert du piéd'estal en trépié. On peut gouverner la flamme par le regître du dôme. On met les charbons par la porte du corps; ainsi la flamme surpasse la grille la plus haute, leche & rougit les vaisseaux que cette grille soûtient. Si la matiere à cémenter, à reverbérer, ou à calciner étoit volatile, & qu'on voulut en retenir la partie la plus subtile & la plus mobile, il saudroit mettre au regitre du dôme des vaisseaux sublimatoires, comme on en voit dans la figure. On voit évidemment l'utilité qu'on peut retirer d'une opération qui se sait sur un corps qui demande la troisieme grille & le dôme. On peut encore essayer & réduire des mines dans des petits pots de cémentation, avec le flux noir ou un autre, à l'imitation des Métallurgistes. On peut mettre plusieurs vaisseaux en même tems dans ce fourneau . Le second cercle B 2 s'ajuste avec le corps, de la même maniere que le cercle B 1; avec cette différence qu'on n'employe ni la troisieme grille, ni le dôme. On a par ce moyen trois bains secs, à l'aide desquels on peut distiller dans des cornues de verre non lutées, sans observer les degrés de feu. Et il ne faut pas craindre malgré cela qu'elles se brisent. On peut même pousser le feu au point de les faire fondre, pourvû qu'elles restent dans leur entier; l'opération n'en est pas moins sûre, & elle en va plus vîte; car il ne faut que trois heures pour l'achever. Beccher dit qu'une pareille opération avoit été admirée du roi d'Angleterre, qui l'avoit vûe avec le prince Rupert; qu'il avoit fait quantité d'expériences par cette méthode; qu'en étoit surpris qu'il les fît avec tant d'exactitude en si peu de tems, avec si peu de dépense & de charbon; & qu'il lui eût été impossible de s'en tirer à l'aide de son fourneau , de quelque genre qu'elles eussent été. On peut examiner les retortes tant qu'on veut, en levant le couvercle des bains secs. Tout ce cercle est aussi de fer avec les bains, mais il n'est pas couvert d'un garni en-dedans; parce qu'il n'exige pas un si violent feu. Les trois petits couvercles qu'en voit dessus, ferment autant de regîtres. On en voit un quatrieme ouvert. Le troisieme cercle dont parle Beccher, & qu'il représente même, est un chauderon de cuivre ou de laiton, qui ne differe en rien quant à sa figure du cercle B 1 . II sert pour les décoctions différentes, l'extraction, l'évaporation, l'inspissation. On l'ajuste à l'orifice du corps, dont on ouvre la porte pour laisser sortir les vapeurs ignées; c'est aussi par-là qu'on jette les charbons sur la 1 ere ou 2 e grille. Ainsi l'on voit que ce chauderon doit avoir les mêmes dimensions, du-moins du côté du diametre, que le cercle B 1 , pour s'appuy er sur les bords du corps sans y entrer. Le corps du fourneau alors est porté sur son trépié. On peut de même employer pour toute sorte de décoctions un feu de la force requise. D'ailleurs si l'on a travaillé tout le jour, il conserve sa chaleur toute la nuit, & l'on peut en profiter pour la digestion de quelque corps, en y mettant un bain-marie, ou de cendre, ou de sable. Si on met la troisieme grille dans le cercle B 1 , sur ce cercle le vaisseau digestoire dont nous avons parlé, & si on introduit une lampe par la porte de ce cercle, on a un très-bon fourneau de lampe. Quelques artistes, comme le docteur Dinckinson, se sont fait construire ce fourneau pour faire des digestions seulement, parce qu'ils le trouvoient très-propre à ces sortes d'opérations. Le quatrieme cercle dont parle Beccher, & qu'il représente aussi, est une capsule de plomb, aussi semblable au chauderon & au cercle B 1; elle est conséquemment à large fond; elle est garnie d'un alembic d'étain, ayant à-peu-près la même forme que les cucurbites qu'on vendoit publiquement à Londres de son tems. Celles du nôtre peuvent y aller tout de même. Cette capsule distillatoire se met sur le corps immédiatement. On donne le feu, comme on l'a dit, au sujet du chauderon digestoire; & l'on peut ainsi distiller très-commodément au-bain-marie des eaux de toute espece, qui demandent cet intermede; telles que les eaux & les huiles essentielles des plantes aromatiques, &c. On peut encore dissoudre avec cet appareil l'or des sables qui en contiennent, & autres corps dont Glauber fait mention, & dit qu'il retiroit son dissolvant. Ce quatrieme cercle n'est pas si bon qu'un chauderon de cuivre. Il n'a nul avantage qui doive le faire préférer, & il peut être sujet à un inconvénient qui doit le faire rejetter: c'est celui de se fondre. Le cinquieme cercle est une forte poêle de fer qu'on met sur le corps monté sur le trépié. On allume le feu sur la premiere ou seconde grille. Par ce moyen on peut ensoufrer & calciner pour la vitriolisation, faire des cendres d'étain & de plomb pour le minium , l'ochre & la litharge, décrépiter du sel marin, sécher la frite, fondre de l'alun, calciner du vitriol, & faire plusieurs autres opérations qui demandent un feu plus fort; telles, par exemple, que celles qui conduisent à la vitriolisation & à la mercurification des métaux & minéraux. Toutes ces préparations peuvent être exécutées très-commodément avec cette méthode. Jusqu'ici nous avons donné les usages raisonnés du dôme & des cinq cercles, ou plûtôt cinq corps ou vaisseaux dont il étoit inutile de représenter les trois derniers que tout le monde connoit; nous avons aussi parlé assez en général du corps du fourneau , & spécialement de ses trois grilles; actuellement nous allons l'examiner en particulier. Il ne varie point, il est toûjours le même pour tous les appareils. Il ne sert qu'à une seule opération, c'est la fusion, qui se divise en deux especes: car il faut remarquer qu'il s'en fait avec & sans grille, avec & sans creuset, ce qui peut s'exécuter supérieurement dans le corps C. Dans ces deux cas, il ne faut ni le dôme, ni le cercle B 1 . Le corps sera ouvert par le haut & par le bas, il n'aura que le pié-d'estal D1 avec le soufflet portatif monté sur son chassis. Si l'on veut fondre d'abord dans le creuset, il faut le mettre sur la grille du milieu, ou quelque massif de fer, ou un morceau de pierre apyre, dont la largeur sera déterminée par celle du pié du creuset; car il ne faut pas qu'il soit à nud sur la grille, il se refroidiroit. Le creuset étant couvert, ou avec du fer ou de la terre, jettez les charbons dessus, & faites joüer le soufflet, après avoir préalablement fermé la porte du corps: & la matiere se fondra; pourvû toutefois que le soufflet soit animé par une puissance active. Il y a trois avantages à considérer dans cette méthode. 1°. L'air ou la colonne supérieure de l'atmosphere ne peut frapper le creuset, ni conséquemment le casser, comme il arrive communément à ceux qui fondent le fer; & l'on peut régler le feu à volonté: cela dépend du jeu qu'on donne au soufflet; ce qui est impossible dans les fourneaux à vent. 2°. S'il arrive que le creuset flue, la matiere tombe dans le pié-d'estal D 1 , & n'est pas perdue. 3°. On peut toûjours regarder dans le creuset pour examiner le progrès de l'opération, & remuer la matiere; & l'on peut modérer le feu aisément par la facilité qu'on a de ne mettre que si peu de charbon qu'on veut, beaucoup mieux que dans les fourneaux de Glauber, ou semblables. En second lieu, si l'on veut fondre sans creuset & sans grille, comme en Métallurgie, on ne sauroit avoir d'appareil qui remplisse mieux ces vûes; & c'est même un très-bon moyen de faire un essai exact. Il ne faut pourtant pas vouloir travailler de la sorte en grand; car les amateurs en ont été dégoûtés par les sommes considérables que cela exigeoit: malgré cela, on y fait par la réduction, des opérations très-utiles & des alliages de métaux peu connus jusqu'ici des artistes, à cause des difficultés de l'opération: on le fait même commodément & pas trop en petit; car on y peut traiter à-la-fois jusqu'à dix livres de métal ou de mine, & de fer même. Or la disposition du fourneau est telle pour cette circonstance qu'elle l'étoit dans la précédente, c'est-à-dire pour la fusion dans le creuset; à cette différence près, qu'on n'employe ni creuset ni grille: seulement on conserve le soufflet & le pié-d'estal D 1 . On allume le feu par degrés, ensuite de quoi l'on jette alternativement des charbons & de la matiere à fondre. Ce qui est fondu tombe dans le pié-d'estal. Nous parlerons de cette opération en dernier lieu: enfin ce fourneau , dans cette circonstance, revient au même que celui de M. Cramer ( fig. 26 . ). Nous voici enfin parvenus à la derniere piece de notre fourneau , c'est son fond ou fondement, ou piéd'estal, ou cendrier, qui est de deux especes, comme nous l'avons déjà dit, & qu'on peut encore le voir en D 1. & D 2 . Le premier est un cylindre dont on voit assez la grandeur & la figure, pour qu'il soit inutile d'en parler; on le remplit de brasque pesante: quand elle est un peu seche, on y enfonce un hémi-sphere de bois au point qu'on juge nécessaire, pour que la cavité pratiquée puisse contenir la matiere fondue. On fait au fond un trou d'un pouce de diametre qui va sortir à l'un des côtés du pié-d'estal; on est le maître de le tenir ouvert ou fermé. Le soufflet donne son vent vis-à-vis, directement à la superficie de la matiere; les scories & les charbons nagent sur son bain; elle coule sitôt qu'on ouvre le trou. En un mot Beccher assûre avoir trouvé par ce moyen plusieurs mines, & fait des observations singulieres au sujet de cette fusion: quant à la précédente, il est avantageux qu'on puisse toûjours voir le creuset. Ici quand la matiere est fondue, on ôte le corps, & elle reste dans le catin, ou bien on la verse au moyen d'un manche qu'on lui ajuste dans un crampon qu'on y attache exprès, si on ne la veut pas faire couler par le canal qui perce dans le milieu de sa cavité. Nous nous sommes déjà étendus là-dessus en parlant du fourneau de fusion de M. Cramer, fig. 26 & suiv . D 2. est un trépié qui permet l'accès de l'air libre au fourneau pour différentes opérations, dans les cas où il ne faut pas un grand feu, c'est-à-dire l'appareil du soufflet & du pié-d'estal D 1. car quand on employe la fig. D 2. il faut aussi se servir de la premiere ou seconde grille. Il donne pourtant une grande flamme avec la fig. D 2. & la pousse à quelques coudées par-dessus l'orifice. Il est pour lors d'un usage admirable dans plusieurs opérations où il n'est pas besoin de soufflet; mais il faut encore faire remarquer une autre décomposition & assemblage de ce trépié D 2 . Mettez dessus le dôme renversé, & par-dessus le cercle B 1. & vous aurez un très-beau fourneau descensoire. Vous pourrez mettre ou une cucurbite ou une retorte dans cette cavité, en faisant passer son cou à-travers le regître du dôme; lutez tout-autour & ajustez un récipient: allumez le feu par-dessus, & vous aurez le résultat que vous pouvez desirer, si vous employez toutefois les matieres qui sont propres à être traitées par cette voie. En voici assez sur la structure & les applications de ce fourneau; les Planches & leurs explications doivent y avoir suppléé. Il faut avoüer que Beccher épuise la matiere par l'étendue de l'application qu'il donne à son fourneau; on ne peut qu'admirer ses vûes, & l'on ne doit pas douter qu'il ne dise vrai. MM. Cramer & Pott ne l'auroient pas imité & n'auroient pas fait les merveilles qu'ils racontent, si ce fourneau ou ses imitations n'avoient un mérite réel; mais il doit user une quantité considérable de charbon, souvent pour peu de chose, ce qui est un grand inconvénient; sans compter qu'il y a encore des opérations qui ne s'y font pas, & qu'il doit être fort incommode pour d'autres. Cependant nous croyons qu'il peut être exécuté avec beaucoup de fruit, & qu'il peut être très-utile: au reste, on appercevra aisément entre les trois fourneaux en question les différences qui nous les ont fait admettre tous trois. On trouve quelque analogie entre ceux de Beccher & de Glauber. Le fourneau de fusion de M. Cramer ( fig. 26 . & suiv. ), que nous avons décrit à sa section, peut encore servir aux distillations & sublimations; opérations très-utiles & même nécessaires; ensorte qu'un essayeur, par exemple, qui n'auroit point l'athanor, pourroit se servir de celui-ci, pour y faire une partie des opérations qu'il exécute au moyen de l'athanor. Ce dernier lui est pourtant moins nécessaire qu'un fourneau de fusion; car il peut faire dans celui-ci tout ce qu'il fait dans l'autre, à l'exception du coupellement qu'il fait dans son fourneau d'essai, & même encore le peut-il par la nouvelle variété suivante. Pour le rendre propre à tous ces usages, on n'a qu'à pratiquer au corps du fourneau une ouverture garnie d'une porte roulant sur deux gonds a ( fig. 30 . ), semblable à celle du dôme. Sa base sera éloignée de trois pouces de l'anneau inférieur; elle sera arquée, large de quatre pouces par le bas, & haute d'autant dans son milieu. La cavité elliptique en question recevra son complément du dôme ( fig. 31 . ), garni de deux poignées au moyen desquelles on pourra le manier aisément. Ce dôme destiné à recevoir le chauderon de fer ( fig. 60 . ), muni d'une échancrure, en aura pareillement une c , qui répondra à la premiere. Cette échancrure sera fermée d'une porte quand il faudra faire des opérations auxquelles le chauderon de fer ne devra point avoir de part. Pour favoriser le jeu de l'air & la conduite du feu, l'on pratiquera, tant dans le cercle supérieur du dôme, que dans le bord du chauderon, quatre trous ou regîtres à égale distance les uns des autres; & l'on fera autant de couvercles pour fermer le passage à l'air, quand on le jugera à-propos, quoique la porte du cendrier ( fig. 28 . ), employée avec le fourneau dont il s'agit, puisse servir aux mêmes fins: les figures & l'explication que nous en avons données répandront de nouvelles lumieres sur ce que nous venons d'exposer. La variété dont nous venons de parler peut être employée dans la place de la fig. 26 . & lui est même semblable, excepté qu'elle est separée en deux corps, & qu'elle a des portes que l'autre n'a pas, mais qui ne préjudicient absolument à aucune opération, si ce n'est peut-être en donnant moins de chaleur & en s'échauffant plus lentement que la fig. 26 . Depuis fort long tems on a pensé aux fourneaux polychrestes, comme on l'a vû par celui de Dornaeus: depuis ce tems-là, & peut-être même avant, tous les auteurs en ont donnés & se sont exercés pour en trouver: Libavius, Béguin, Rhénanus, Glauber, Glaser, le Fêvre, Charas, le Mort, Beccher, Barner, Lémery, Manget, Barchusen, M. Teichmeyer, Boerhaave, Juncker, Cramer, Cartheuser, & Vogel, dont la succession est indiquée par l'ordre que je leur donne, en ont parlé les uns plus, les autres moins: il n'y a pas jusqu'au fourneau de notre fig. 1 . qui ne se mêle aussi d'être polychreste; car on peut s'exprimer de la sorte après avoir parcouru la description de celui de Beccher. Le premier que je sache qui l'ait donné, & donné comme polychreste, est Béguin, comme je l'ai déjà dit en son lieu; je dis comme polychreste. Voyez la section suivante des philosophiques; il est intitulé, pag. 80. de cet auteur, servant a toutes les opérations de Chimie . Il en dit ce qu'on peut penser là-dessus, & moins même quand on se rappelle le détail de Beccher. Voici ce qu'on peut dire en particulier sur les fourneaux de decoction proprement dite, où l'on expose la matiere dans une bassine, un chauderon, une cuilliere de fer, &c. avec l'eau exposée à l'air libre. Ce sont les mêmes qui servent pour la distillation à feu nud, si le chauderon est surmonté d'un chapiteau; au bain-marie, si l'on met dans ce chauderon un vaisseau d'étain qui baigne dans l'eau contenant la matiere à distiller, soit à sec, avec l'eau ou l'esprit-devin; au bain de vapeur, si ce même vaisseau d'étain n'étant pas assez profond pour baigner dans l'eau, qui en même tems n'est pas en assez grande quantité pour y atteindre, n'en reçoit que la vapeur. Voy. les artic . Vaisseaux , Alembic , Polychreste , Bainmarie, & Bain de Vapeur . Si l'on change l'intermede des bains, ils seront pour lors des bains de cendre, de sable, de limaille de fer, de farine de briques, qui y sont placés dans une poêle de fer ou capsule: ils servent encore aux calcinations qu'on y fait dans des capsules de terre ou de fer. On les employe aux distillations dans la cucurbite basse ou chapelle des anciens, en passant une barre de fer ou deux dans des trous faits exprès, & lutant le contour de la cucurbite. Si les regîtres ne sont point au-dessous du bord, on en laisse en lutant, & on les détourne du vaisseau distillatoire au moyen du lut; ainsi c'est une peine de moins quand ils sont au-dessous du bord & non dans le bord intérieur. Les mêmes fourneaux servent encore pour les sublimations du soufre, dà benjoin, &c. Les fourneaux de lampe qui sont encore des polychrestes, ne sont, comme nous l'avons dit, que des fourneaux de décoction ou de distillation ascensoire & latérale, & par conséquent de bain marie, de vapeurs, de cendres, de sable, ou de limaille, & de farine de briques, qui, au lieu d'être chauffes par des charbons, le sont par une ou plusieurs meches de lampe, parce qu'on a pour but d'y soûtenir le degré fixe d'une chaleur modérée. Voyez les fig. 64 & 65 . On ne fait plus guere d'usage aujourd hui des fourneaux de lampe en Chimie; le second peut servir pour la distillation latérale à feu nud. Voyez la section des philosophiques . Le premier est un de ces petits instrumens qui ne sert plus guere qu'à ceux qui ne sont point chimistes de profession; quelques physiciens, les gens du monde, & des femmes l'employent à distiller quelques onces d'esprit-de-vin, d'eau-de-vie, d'eau de-lavande, de.thym, de romarin, de fleurs-d'orange, simples on spiritueuses, de roses, de myrthe, de lait, de miel, &c. ( voyez Abdéquer ); à faire chauffer du bouillon, de la tisanne, &c. On peut regarder à juste titre les athanors comme des polychrestes; mais on ne peut pas dire l'inverse: c'est pour cette raison que nous avons mis les polychrestes après. Le fourneau de verrerie de M. Cramer ( fig. 39-44. voyez la section des fourneaux de fusion ) est aussi un polychreste; les fourneaux d'essai, & les fourneaux de fusion en sont aussi: mais il ne faut pourtant pas abuser de ce terme au point de l'étendre à un fourneau où l'on fait deux opérations de même genre, comme on l'a déjà dit, comme les bains-marie & tous les bains, les fourneaux de décoction, &c. car il n'est point de fourneau où il ne se fasse qu'une seule opération; & de la sorte tous les fourneaux seroient des polychrestes. Au reste il seroit peut-être bon que cela fût; la manie d'en faire de particuliers pourroit cesser. J'ai dit qu'on avoit étendu la nécessité de faire servir un fourneau à plusieurs opérations de différens genres, & ce sont sans doute celles d'un même genre qui y ont conduit; la preuve en est que les premiers fourneaux qui ont été employés dans ce dessein, ont pris le nom de polychrestes , que l'enthousiasme a ensuite converti en celui de catholiques ou universels . Cependant celui de Beccher, qui est le plus en droit de prétendre à cette prérogative, n'atteindra jamais à cette universalité; & les enthousiastes du polychrestisme seront obligés de convenir qu'il laisse les autres bien loin derriere lui, comme plus précaires; tels que les athanor & fourneau de fusion de Cramer: mais il y a toute apparence qu'il ne rond pas des corps d'aussi difficile fusion que celui de M. Pott. Des fourneaux philosophiques . On donne ce nom aux fourneaux qui sont particulierement consacrés au grand oeuvre, quoiqu'il s'entende aussi de tous ceux qui sont du ressort de la chimie philosophique, ainsi qu'on peut s'en convaincre par le titre de nouveaux fourneaux philosophiques , donné par Glauber au traité qu'il a fait sur cette matiere. Ces sortes de fourneaux different peu des autres, & ils peuvent être employés à la plûpart des mêmes usages; de même que les autres peuvent presque tous être employés à la confection de la pierre philosophale ( voy. Philosophie hermétique ), en les ajustant toutefois à ce sujet. Nous n'avons donné qu'un exemple de fourneaux philosophiques, à moins qu'on ne comprenne au même rang les fourneaux à lampe ( fig. 64 & 65. ) les fourneaux de Geber ( fig. 5 & 98 ), qui sont aussi des fourneaux philosophiques; c'est celui de la Roquetaillade, plus connu sous le nom de Rupescissa , que la coûtume pédantesque de son tems lui avoit fait prendre: la coupe de ce fourneau que nous avons prise seule, se trouve pag. 48. de son livre in-4° intitulé liber lucis; ouvrage qui, pour le dire en passant, n'a point été mis au nombre de ceux de ce cordelier, dans la notice que nous en a donné Bayle. Voyez son diction. critiq. art. Roquetaillade , note E . Ce chimiste appelle ce fourneau son athanor: athanor à la vérité, est un nom qu'Abulcasis donne indifféremment à toutes sortes de fourneaux chimiques, comme on peut le voir dans son liv. II. où il traite du vinaigre distillé. Mais il est bon de savoir que ceux qui ont traité de la pierre philosophale, ont entendu particulierement sous ce nom le fourneau qui leur servoit à cet usage, où ils convertissent, par ex. leur mercure préparé en lait de la Vierge, c'est-à-dire le dissolvent, le coagulent, & l'exaltent. Ce fourneau des arcanes, ce fourneau d'Hermès & des philosophes, ce fourneau enfin qui portera tel beau nom qu'il plaira à MM. les adeptes de lui donner, doit être construit de façon qu'il puisse fournir trois degrés de chaleur à la volonté de l'artiste, & sans que le feu frappe immédiatement la matiere du grand-oeuvre, ni le vaisseau qui la contient; il faut qu'il ne donne précisément qu'une vapeur chaude qu'on soit le maître de modérer. Il faut donc qu'il ait un foyer & même une grille de cendrier, en cas qu'on veuille le chauffer avec le charbon, comme cela se fait d'ordinaire; car on peut avoir recours au ventre de cheval ou au feu de lampe; l'ouvroir y est nécessaire: c'est pour éloigner le vaisseau du feu, qu'on a fait le foyer élevé, & pour reverbérer la chaleur qu'on a mis un dôme; ensorte que ce fourneau est fait de quatre pieces. Ce dôme est concave, parce que le ciel a cette figure (ou paroît l'avoir); ce qui lui a fait donner le beau nom d' Uraniscus . Il a des trous autour pour regîtres; celui du milieu sert à observer le degré de chaleur: Libavius qui a représenté ce fourneau, pag. 166. de son alchimie , dit l'avoir fait exécuter en terre, s'en être servi, y avoir vû ce noir qu'on appelle la tête du corbeau , & y avoir fait toute la putréfaction & séparation ou dissolution. La hauteur du fourneau sera de trois piés & demi, & la largeur d'un pié & demi inclusivement: le cendrier sera haut d'un pié, y compris la grille & le sol du fourneau . Le foyer sera terminé à la hauteur de neuf pouces par un diaphragme de fer ou de terre, ayant dans son milieu un trou rond de quatre pouces de diametre, pour la communication de la chaleur. On aura trois regîtres ou lames de tôle plus larges que le trou; ces lames de tôle seront percées & auront, la premiere une ouverture de trois pouces de diametre, la seconde une de deux, & la troisieme une d'un seul; on appliquera sur le diaphragme celle qu'il faudra; cela dépendra du degré de chaleur qu'on voudra donner. L'ouvroir aura quinze pouces de haut depuis le diaphragme jusqu'au dôme: sur ce diaphragme on placera un trépié de terre ou de fer, de trois pouces & demi de diametre, & de six de haut; c'est sur ce trépié qu'on place l'oeuf philosophique: le tout est surmonté d'un dôme de fer hémisphérique, haut de six pouces. Le regître du milieu est d'un pouce de diametre, on en approche la main pour régler le feu; on place sur le trépié une sphere creuse partagée en deux hémi-spheres: cette sphere a sept pouces de diametre; on y enferme un oeuf philosophique de terre. Le trou du diaphragme sans regître étant de quatre pouces de diametre, passe pour donner une chaleur de quatre degrés. Si l'on ne veut que le troisieme degré, on a recours au regître ayant un trou de trois pouces de diametre, & ainsi de suite. La grille est de beaucoup trop grande pour le premier & second degré: ainsi il faut la changer ou mettre dessus une feuille de tôle qu'on puisse graduer à volonté: Libavius en a fait faire de différentes pour les divers degrés de feu, percées comme la grille d'une rape. Quelques artistes ont un catin où ils mettent du feu; ce catin est percé de petits trous, & placé sur la grille dont il fait les fonctions; on lui fait de grands bords. Quand on a fixé le regître l , on lute bien les vuides qu'il laisse. Dans Libavius il y a un tuyau de quelques doigts de haut, attaché au bord du trou du diaphragme; & le regître se glisse néanmoins entre deux: le trépié l'embrasse & porte dessus à la place des oeufs partagés en hémi-spheres. On met encore une cucurbite dans laquelle on renferme l'oeuf philosophique, & qu'on scelle quelquefois hermétiquement; car si la figure de Rupescissa a été faite selon son intention, il y a toute apparence que tantôt il a scellé ainsi sa cucurbite, & tantôt il l'a laissée ouverte. Ce fourneau est portatif & peut être divisé en moins de corps; on peut encore le faire de différentes grandeurs; quelques artistes l'ont voulu transporter, comme il arrive aux faux-monnoyeurs de transporter avec eux tous leurs ustensiles: mais le vrai chimiste sera un philosophe sédentaire, pag. 165 de la Scevastique de Libavius. On trouve encore la description & la figure de ce fourneau, pag. 87. tom. I. de la bibliotheque chimique de Manget. Le fourneau de lampe est appellé fourneau secret des philosophes , & aussi fourneau des arcanes . Ceux qui en voudront davantage là-dessus pourront consulter les descriptions qui en ont été données par Isaac le Hollandois, Paracelse, Despagnette, Raimond Lulle, Bernhard, &c. Il est évident que le fourneau donné par la Roquetaillade, qui vivoit au quatorzieme siecle, a dû fournir tout naturellement la construction du fourneau de notre fig. 1 . qui n'en differe qu'en ce qu'au lieu d'un diaphragme ouvert, elle a deux barres de fer & un trou pour passer le cou de la cornue; on observe encore qu'il n'y a qu'un regître au dôme. Nous aurions peut-être dû placer les fourneaux polychrestes après ceux-ci, comme étant censés servir aussi au grand-oeuvre par la généralité qu'ils affectent; mais nous aurions par-là confondu la philosophie hermétique avec la Chimie positive; ce que nous avons voulu éviter. Généralités sur la division des fourneaux . Il est évident que tous les fourneaux qui précedent tirent leur dénomination des opérations auxquelles ils sont destinés. On eût peut-être souhaité que cette division eût été déduite des qualités intrinseques de chaque espece de fourneau , de même qu'on a distingué les plantes par les pétales, par exemple, &c. mais les fourneaux sont un acte de la raison humaine; ils sont tous construits sur le même principe, l'action de l'air & du feu; & leurs accessoires dépendent du corps à traiter ou du vaisseau qui le contient, ou bien de tous les deux ensemble. Ainsi quoiqu'ils puissent absolument être considérés en eux-mêmes, & abstraction faite de ces différentes conditions, elles cessent en quelque sorte de leur être étrangeres, puisqu'elles sont le principe de leur structure; & l'on ne peut les en séparer, qu'on ne sépare les moyens de la fin qui leur a donné naissance, & qu'on ne réduise alois les fourneaux à de simples êtres chimériques & devant leur origine au hasard, quoique capables de servir à quelques usages. On n'en peut pas dire autant des vertus des plantes, qui ne sont pas des productions humaines; il a donc fallu diviser les fourneaux , non d'après l'action combinée de l'air & du feu, qui n'y exige par elle-même aucune différence, mais d'après les corps auxquels on veut appliquer le feu. Telle est la division que nous avons crû devoir établir pour mettre quelque ordre dans ce que nous avions à dire: on la regardera peut-être comme un système de plus qui ne servira qu'à charger la memoire; mais il est aisé de ne faire attention qu'aux faits. Nous avons fait onze sections des fourneaux , d'après l'usage dont ils sont dans les opérations; ce n'est pas qu'elles se bornent à ce nombre, mais il y en a quantité & même de très-différentes, qui se font dans les mêmes; & nous entendons parler de celles qui demandent quelque changement particulier dans la construction d'un fourneau , quoiqu'elle soit presque la même quant au fond; il est bon d'avertir qu'il se trouve dans la plûpart d'entre eux des diminutions ou additions qui les rendent plus propres à remplir les vûes qu'on se propose. Si nous n'avons point parlé des fourneaux de cémentation, par exemple, c'est que cette opération ressemble à une fusion, quant à l'appareil, & que les fourneaux de celle-ci servent à celle-là; car quoi de plus semblable qu'un creuset à fondre, & un creuset ou pot de cémentation? cependant on ne confondra pas aisement ces deux opérations. Les derniers fourneaux n'ont été mis avec les vaisseaux, qu'afin que l'appareil fût complet, c'est-à-dire pour accompagner les vaisseaux & figurer avec eux, de même que ceux-ci ont été représentés au commencement pour accompagner les fourneaux; avec cette différence toutefois, que les fourneaux sont faits pour les vaisseaux, quoi qu'en dise Manget, qui appelle ceux-ci vaisseaux secondaires . L'utile nous a conduits, l'agréable s'y est trouvé. Autant que nous avons pû, nous avons fait dessiner d'après nature les fourneaux représentés dans nos Planches; mais il en est un certain nombre qui ne se trouvent que dans les ouvrages des Chimistes. On s'attend bien de trouver sur tout parmi nos ustensiles, ceux qui sont aujourd'hui en usage; on pensera même tout naturellement que nous avons dû consulter le laboratoire de M. Roüelle, qui est très-bien fourni en ce genre. Nous n'avions garde de négliger cette ressource, & il nous a été ouvert avec cet empressement qui nait du desir de contribuer au progres des Sciences. Nous lui devons les figures 1 , 2, 3, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 54, 61, 73, 74 & 161 . Nous aurons soin en parlant des vaisseaux & ustensiles, de reconnoître aussi ceux que nous aurons fait dessiner chez lui. Par-tout nous avons indiqué nos sources, & nous avons cité de notre mieux en parlant des differens auteurs ou l'on peut voir la même figure, afin de satisfaire ceux qui seront curieux d'y recourir, & de reconnoitre en même tems ce que nous devons à autrui. Tout devient intéressant pour ceux qui aiment & cultivent une science; non contens d'être parvenus à ses bornes, ils aiment encore à en examiner les progrès, & savoir à qui l'on est redevable de ceux qui l'ont amenée au point où ils la trouvent. Nous ne devions pas épuiser les matieres, mais nous avons fait ensorte de piquer la curiosité de ceux qui voudroient en savoir autant qu'il est possible. On ne voit pas, au moins que je sache, que les chimistes qui ont écrit avant Geber, ayent eu soin de nous parler des ustensiles qu'ils ont employés pour leurs operations; c'est cependant par-là qu'ils devoient commencer. Est-ce mystere ou ignorance de la vraie méthode? On peut dire qu'ils font l'extrème de quelques auteurs modernes, qui pour lier un fait à ce qui a été inventé avant eux, commencent leur narration des les élémens de la science, dont leur découverte doit reculer les bornes. Quoiqu'on puisse faire quantité d'opérations chimiques dans le même fourneau , & qu'il y en ait que ques-uns de ceux qui sont représentés dans nos Planches qui reviennent presqu'au même, nous avons cru devoir rassembler tous ceux qui pouvoient entrer & être nécessaires dans un laboratoire philosophique qu'on voudroit rendre complet, & dans lequel on seroit obligé de faire plusieurs opérations à-la-fois dans differens genres, afin que ceux qui voudroient s'occuper de ce travail, pussent choisir dequoi se satisfaire. La plûpart des auteurs s'accordent sur six, qu'ils regardent comme nécessaires & suffisans: ceux de distillation latérale, le grand fourneau de décoction pour la cucurbite de cuivre, un fourneau à capsule, un fourneau de fusion à vent, un fourneau d'essai, & un athanor. Nous avons cru devoir nous étendre sur cette matiere avec d'autant plus de raison, qu'on n'en trouve rien dans les autres dictionnaires. Trévoux n'en dit que très-peu de chose, & même ce qu'il y en a n'est pas exact. Le grand dictionnaire de Medecine, ou l'on auroit dû trouver cet article très-détaillé, avec de nombreuses planches, n'en donne qu'une mauvaise definition de quatre lignes. MM. Boerhaave & Cramer ont fait l'un & l'autre une faute contre la vraie méthode, en commençant l'un sa chimie & l'autre sa docimastique par la théorie, ou la partie la plus abstraite de ce qu'ils traitoient, & en comprenant dans cette théorie, & encore à la fin, la partie des fourneaux & des vaisseaux, qui sont un sujet très-pratique. On doit écrire comme on doit enseigner; & dans un livre & un cours de Chimie faits méthodiquement, on doit débuter d'abord par les vaisseaux & fourneaux . Si quelques personnes croyent que nous avons trop insisté sur le détail de la description de chaque fourneau en particulier, nous les prions de considérer que nous avons cru ne pouvoir être utiles qu'en nous comportant de la sorte; que tel qui veut construire un fourneau aime à en trouver la description à son article, sans être obligé de l'aller chercher par comparaison dans celle d'un autre fourneau différent, ou dans des généralités inutiles à ceux qui ne savent point & à ceux qui savent; par la raison que les premiers n'en sauroient faire l'application à des cas particuliers qu'ils ignorent, & que les derniers n'en ont pas besoin, parce qu'ils les savent. Enfin je serois presque tenté de dire que ceux qui trouveront que nous en avons trop dit, sont précisément ceux pour qui nous n'en avons pas dit assez, & qui seroient incapables d'exécuter la plus étendue de nos descriptions, même quand nous l'augmenterions encore. Une pareille description doit être jugée sur la facilité de son exécution; il faut pourtant supposer que ceux qui l'entreprendront soient artistes, au moins en général. Nous ne parlons point des autres. Nous avons rejetté comme insuffisantes les distinctions qui ont été faites des fourneaux en fixes & portatifs, en ronds & quarrés, en simples & composés, en fourneaux à vent, à soufflet, à tour, ainsi que celles qui ont été tirées du vaisseau dans lequel on y traite les corps; de la maniere dont le feu y est appliqué, du nom de l'auteur, de l'effet de leur matiere, figure, de leur grandeur: ces différens noms doivent être connus; mais comme ils ne sont dûs qu'à quelques accessoires, à des conventions ou à des qualités communes à quelques fourneaux seulement, ils n'ont pû se prêter à la méthode que nous avons voulu suivre par les raisons que nous allons détailler. Il n'y a peut-être point d'auteur qui ait parlé des fourneaux , qui n'ait répété machinalement la plûpart des divisions que nous venons de proscrire, sans en mentionner les avantages ni les inconvéniens. Il n'étoit pas étonnant qu'ils ne parlassent point des avantages, nous ne pouvons y en trouver; mais nous allons indiquer les inconvéniens que nous y voyons. Les moindres sont un fatras de noms qui ne servent qu'à charger la mémoire. Voici les autres. 1°. La division en fixes & en portatifs n'est d'aucune utilité, en ce qu'elle ne change point la nature du fourneau; car le même exactement peut être fixe & portatif dans bien des cas. On peut comparer nos figures premiere & trois dans tous les cas où il ne faudra que le degré de feu que le fourneau de la figure premiere pourra supporter; car alors on pourra toûjours se servir de la figure troisieme, comme de la figure premiere: d'ailleurs il n'est pas toûjours nécessaire qu'un fourneau soit fixe pour soûtenir la violence du feu; celui de Pott qui est en tôle, en est la preuve. 2°. Que veut dire la distinction entre fourneau rond & fourneau quarré? La figure extérieure, car c'est d'elle qu'il s'agit ici, influe-t-elle sur les qualités du dedans? C'est faire trop d'honneur à des distinctions aussi frivoles, que d'en parler. 3°. Celle des simples & des composés a d'abord un air spécieux: mais que signifie-t-elle au fond? veut-on mettre en comparaison des fourneaux qui servent à plus d'opérations, ou qui ont plus de parties, ou qui ont plus de variétés que d'autres? Nous avons fait voir que tous les fourneaux pouvoient servir à plusieurs opérations, plus ou moins; ainsi on ne peut rien dire que de vague sur cet article. En second lieu s'agit-il ici de la différence qui peut être entre un athanor & un fourneau de distillation, quant à la quantité des pieces? il est vrai qu'il y a de ces derniers qui n'en ont qu'une; mais il y en a aussi qui en ont quatre & cinq, comme il y a des athanors qui n'ont que la tour & un petit fourneau de décoction pour lequel seul elle a été construite; & d'ailleurs l'athanor est d'une seule piece. 4°. En fourneaux à vent & fourneaux à soufflet. Sous le nom de fourneaux à vent , on entend tous ceux dont le feu n'est point animé par les soufflets, mais seulement par le jeu de l'air; ensorte qu'il seroit plus à-propos de les appeller fourneaux à air , si l'usage n'en avoit autrement décidé: ainsi tous ceux que nous avons mentionnés doivent être placés dans ce rang, hors ceux-ci seulement; la forge qu'on peut voir dans les Planches du Fondeur en cuivre , qui est le seul vrai fourneau à soufflet, & qui ne va jamais sans cela; les fourneaux de fusion, fig. 26 , 36, 37 n°. 1. & 71 , mais seulement quand ils vont par le moyen du soufflet, car ils sont plus souvent animés par le jeu de l'air. Ainsi ce que nous pourrions avoir à dire actuellement sur les fourneaux à soufflet, s'entend assez par la distinction que nous venons de faire. La Chimie philosophique n'employe le soufflet que dans un petit nombre de circonstances, si l'on considere le nombre total de ses opérations, & ce n'est guere que pour le regne minéral qu'elle en fait usage. Il s'ensuit donc qu'on ne doit regarder que comme un nom, l'expression qui ne tombe vraiment que sur la forge seule, ou tout-au-plus encore sur notre fourneau d'affinage ( figure 17 ), qui n'est au fond qu'une forge; cette expression étant équivoque pour les autres fourneaux que nous avons exceptés, par la raison qu'ils sont tantôt à vent, & tantôt à soufflet. 5°. En fourneaux à tour: ceci n'est encore qu'une expression qui ne tombe que sur un seul fourneau qui est l'athanor. 6°. On a encore nommé quelques fourneaux du nom du vaisseau dans lequel on y traite les corps, tels sont les fourneaux à capsule; mais on a dû remarquer qu'en ôtant leur vaisseau on leur ôtoit aussi leur nom, & qu'ils n'étoient plus pour lors que des fourneaux de décoction ou de distillation ascensoire, ou même latérale. Voyez nos figures 5 , 12, 13, 14 , & 161 . Il est vrai qu'il y en a qui ne servent qu'à cet usage, comme par exemple notre athanor, fig. 61 , en supposant qu'il n'eût point de tour; mais ce sera un bain de sable tout simplement; & s'il a une tour, ce sera un athanor à bain de sable; autrement il faudroit dire un fourneau à tour & à capsule . 7°. D'autres ont été nommés fourneaux de reverbere , d'après la maniere dont le feu y est appliqué. Toutes les sois qu'on a vû un fourneau où la flamme ne pouvant s'échapper librement, & refléchie par leurs parois ou d'autres obstacles, retomber sur elle-même, ou se frapper continuellement, se reverberat, verberibus in se agit , d'où ce terme est venu, on a appellé ce fourneau de reverbere : mais comme on n'a vû ou cru voir ce phénomene que dans quelques fourneaux seulement, il n'y en a eu aussi que quelques-uns qui ont été décorés de ce titre. On a encore appellé de la sorte ceux où la flamme n'étoit que refléchie sur le corps sans circuler autour, comme celui de notre figure 15 , & le grand fourneau anglois, ainsi que nous l'avons dit à la section de ceux qui sont employés à l'affinage. Mais il me semble qu'il y a plus de fourneaux de reverbere qu'on ne pense, & qu'il n'y en a peut-être pas un seul en Chimie, où la qualité reverbératrice ne se rencontre. Nous la voyons dans les fourneaux de distillation ascensoire, où la chaleur est certainement obligée de circuler & de se refléchir sur elle-même & autour de la cucurbite, avant que de sortir par les regîtres; & nous ne voyons pas un individu dans cette section toute entiere qui fasse exception. Ceux de distillation latérale sont ceux qui ont été nommés plus généralement fourneaux de reverbere , mais ils ne le sont pas plus que les autres; il est vrai que le vaisseau y est entouré de la chaleur, mais il l'est bien mieux encore dans une forge, &c. & ce n'est pas du vaisseau environné de la chaleur que ce nom est tiré, mais de l'action de la flamme; car le fourneau ( fig. 15 . ) à calciner la potasse, & le fourneau anglois, sont des reverberes. Les fourneaux de distillation descensoire seront certainement des reverberes, si on les couvre par le haut. Tous les fourneaux de fusion sont éminemment dans le même cas, comme nous le verrons plus particulierement dans la suite, & cependant on n'a jamais pense à joindre ces deux mots ensemble, fusion & reverbere . Enfin les fourneaux d'essai, d'affinage, de verrerie, les athanors, les fourneaux polychrestes & philosophiques, sont tout autant de reverberes. La forge, sur-tout quand on la couvre d'un carreau, les fourneaux à lampe, de décoction, & généralement tous les fourneaux , peuvent être appellés des fourneaux de reverbere ; & ce n'est pas abuser des termes, comme on a fait en ne nommant ainsi que quelques fourneaux : car soit que la chaleur y circule par une construction particuliere, ou par un dôme, ou par un vaisseau, qui en fait en quelque façon l'office, ou un carreau, ou une plaque de tôle, la chose revient au même, & c'est une qualité qui entre dans la définition d'un fourneau . C'est pour cette raison que nous avons fait plus d'usage de ce mot dans nos descriptions, comme signifiant une action dont la flamme étoit susceptible, que nous ne l'avons employé comme une qualification; & si nous l'avons employé quelquefois dans ce dernier sens, c'est parce que nous n'avons pû renoncer tout-d'un-coup à l'usage reçu. La division des fourneaux d'après les opérations, prouve ce qu'on avance. Il s'ensuit donc qu'on peut rejetter & admettre ce mot dans le sens que nous avons expliqué. 8°. Quelques fourneaux ont retenu le nom de leur auteur, & il faut avoüer que cela apprend quelque chose, & qu'il est juste que ceux à qui l'on a ces obligations, en retirent tout l'honneur qu'ils méritent; mais ce n'est qu'un trait historique qui ne désigne point la nature du fourneau . Les noms de Beccher, Glauber & Dornaeus qui servent à distinguer leurs fourneaux dans l'usage, ne veulent point dire que celui de Beccher est un fourneau de fusion qui sert à quantité d'opérations, &c. au reste je crois qu'il vaudroit mieux que tous les fourneaux portassent le nom de leur auteur, & n'eussent que celui-là; ce seroit un embarras de moins, & on n'en connoîtroit pas moins tous les usages auxquels ils peuvent s'étendre. 9°. On s'attend bien que nous aurons de l'indulgence pour ceux qui ont nommé les fourneaux d'après leur effet; mais nous aurions souhaité qu'ils eussent été plus conséquens. De tous les auteurs que nous avons parcourus sur cette matiere, & qui ont parle de cette distinction, nous n'en avons pas trouvé un seul qui n'en ait admis d'autres en même tems; elles se trouvent parmi celles que nous proscrivons. 10°. Les différentes matieres employées à la construction des fourneaux , leur ont encore mérité des noms qu'on a cru pouvoir apprendre quelque chose. Il est vrai que dans leur description on doit dire, s'ils sont fixes, ronds ou quarrés, en terre, en brique, en tôle ou en fonte; mais je ne vois pas que ces noms doivent leur rester; ils n'y apportent aucune différence, le même fourneau pouvant être construit de diverses matieres. 11°. La figure des fourneaux (on entend ici l'intérieure) a été trop vague aussi pour qu'on ait pû s'en servir comme d'un signe pour les reconnoître. Un fourneau elliptique n'est pas plus un fourneau de fusion que de distillation, &c. 12°. Leur grandeur n'a pas dû non plus constituer leurs noms; ce n'est une distinction bonne tout-au-plus qu'à s'entendre dans un laboratoire, soit pour les fourneaux du même laboratoire, soit pour ceux des travaux en grand. 13°. La qualité de fourneau à dôme est encore applicable à plusieurs especes, & par conséquent trop vague. 14°. Les fourneaux domestiques ne font rien à la Chimie; à la bonne-heure que l'économie les ait admis, de même que la Chimie a profité de l'économie domestique. Nous dirons néanmoins que ce sont pour l'ordinaire des fourneaux de décoction, comme ceux des figures 12 , 13 , &c. plus ou moins mal-faits, & criblés de trous. Il y en a d'autres cependant qui ont leur utilité, & qui sont très-bien construits pour ce à quoi ils sont destinés. Qu'on s'imagine qu'au fourneau de la décoction de la figure 12 , il y a à l'opposite de la bouche du foyer un trou d'un pouce & demi de diametre environ, auquel on fait un petit tuyau de terre qui se termine aux ords du fourneau , & va quelquefois un peu plus haut, pour être reçu dans un tuyau de poêle; ils servent à la cuisine. Quant aux autres fourneaux de cuisine, ils n'entrent point dans notre plan, quoiqu'ils soient de notre compétence. Nous n'en parlons ici que pour dire qu'ils sont très-mal faits pour l'ordinaire. On fait mal-à propos synonymes fourneaux domestiques & d'apothicaire. 15°. On a pû voir par ce que nous avons dit des fourneaux de lampe, que l'aliment du feu n'y apportoit pas une différence bien considerable; car c'est du feu de la lampe qu'il est ici question, & non de sa figure, soit qu'on y brûle de l'esprit-de-vin ou de l'huile: on autoit dû par la même raison dire fourneaux à bois, à charbon, à tourbe, &c. Tout fourneau a son cendrier, sa grille & son foyer, disent Stahl, le Fêvre, Charas, & quantité d'autres; mais il existe un fourneau d'essai qui n'a ni grille ni cendrier, ou dont le cendrier & le foyer sont confondus: d'ailleurs le fourneau à lampe n'a pas de grille; mais on peut dire, je crois en genéral, comme le même Stahl, qu'il n'y a point de fourneau qui n'ait une partie dont la figure est la même dans tous, & que chacun en a outre cela au-moins une qui lui est propre. Nous ne parlerons point des autres distinctions en ouverts & fermés; en fermés par une fermeture plate ou convexe; en droits & renverses; à canaux; perpétuels & extemporanés; composés de parties contiguës & continues; paresseux & vigilans; libres & fixés au mur; elles ne servent de rien, & ne meritent pas qu'on s'y arrête. Nous n avons encore rien dit des regîtres qu'en passant & en particulier; nous ne les avons, pour ainsi dire, encore guere considérés que comme des trous qu'on fasoit au-haut d'un fourneau , excepté en parlant de l'athanor ( fig. 50 . ), du fourneau de fusion ( fig. 26 ), & de quelques autres. Voici ce que nous avons à ajoûter sur cette matiere. Des regîtres . Un regître est une ouverture pratiquée à la partie supérieure des fourneaux , pour servir de passage aux vapeurs fournies par l'aliment du feu, & au torrent de l'air qui l'anime. Ce nom vient de régir , parce qu'on gouverne le feu par ce moyen. On n'a point encore de regles certaines pour la proportion que ces regîtres doivent avoir avec le reste du fourneau . Glauber demande un tiers de son diametre pour le regître: Boerhaave n'en veut qu'un quart pour le même fourneau de fusion. Il est fort peu question des autres. On avoit fait des fourneaux de décoction, &c. ayant pour regître des échancrures dans le bord qui touche le vaisseau, & il faut avoüer que c'étoit-là la meilleure place qu'on pût leur donner; mais on est revenu à faire quatre trous au-dessous de leur bord supérieur. Voyez nos figures 2 , 12, 13 . C'est la méthode ancienne; voyez notre figure 76 , qui est de Libavius. Quand on met un bain au lieu de dôme dans le fourneau de distillation latérale fig. 1 , les regîtres se trouvent faits tout naturellement par les échancrures des barres inutiles pour lors. Il y a des regîtres qui méritent vraiment ce nom par l'espece de ressemblance qu'ils ont avec ceux des orgues; tels sont ceux de la forge & du fourneau de fusion fig. 8 . Au reste c'est leur usage, & non la figure qui décide. On appelle encore regîtres les instrumens , ou ces petits parallélipipedes de terre cuite, qu'on met devant les soupiraux de la moufle. Une ouverture seule au milieu du dôme sait que la chaleur est par-tout égale dans le fourneau , & plus concentrée; d'ailleurs il est plus aisé de la fermer. Quand il y en a trois ou quatre, il faut les tenir toujours ouverts, ou si on les ferme dans la suite, ne les pas rouvrir; car il arrive que la partie de la rteorte qui est vis-à-vis, & qui s'est refroidie pendant qu'ils ont été fermés, parce que la chaleur n'a plus été déterminée de ce côté la, se fend parce qu'elle est frappée d'une chaleur subite: cet inconvénient arrive d'autant mieux qu'elle est plus épaisse, par la raison que la table interne ne peut pas être dilatée en même tems que l'externe. Cet usage d'un seul regitre au milieu du dôme est fort ancien, comme nous l'avons remarqué à la section des fourneaux philosophiques. Peu d'auteurs en ont mis quatre. Il n'y a eu que quelques mauvais artistes ou fournalistes qui en ont introduit ce nombre de tems-en-tems. Si les regîtres sont au nombre de quatre, & tout autour du dôme du fourneau servant à la distillation du vinaigre, de la manne, du miel, &c. fig. 74 . c'est qu'on ne peut pas les placer ailleurs, qu'on les laisse ouverts continuellement, & qu'il ne faut qu'une chaleur douce pour ces sortes d'opérations. Quoiqu'il soit vrai qu'on augmente le feu en ouvrant les regîtres, cela n'a pourtant lieu qu'à l'égard de ceux qui ne sont pas trop grands; car plus on en ouvriroit, & plus on devroit augmenter le feu, au lieu qu'on le diminue réellement si on en ouvre trop ou s'ils sont trop grands: ainsi il n'est question dans cet axiome que des regîtres qui sont en proportion avec le reste. Les regîtres doivent être au plus un tiers ou un quart du diametre du cendrier, dont je crois qu'on peut regler la porte sur le diametre du fourneau . Celui de Glauber, par ex. a un pie de diametre, ainsi égale dimension suffira pour son soupirail, & le tiers ou le quart, comme on a dit, pour le tuyau. Quant au soupirail, je pense qu'il suffit qu'il fournisse au foyer; mais le foyer n'a que cette largeur, & elle est même diminuée par la grille & les charbons: ce sera donc assez pour le soupirail, ce sera même trop; mais dans le cas où l'on ne peut apprétier au juste la quantité convenable, il vaut mieux pécher par cet exces que par le contraire; & je crois qu'on doit s'en tenir à cette dimension, une plus grande ne seroit pas fondée en raison, comme on voit au fourneau de Boerhaave; elle est même nuisible, comme il est aisé de le penser, & comme nous le dirons en parlant des athanors. Mais il n'en est pas de même du tuyau ou cheminée, il ne doit pas avoir le même diametre que le fourneau: ceci au reste est une affaire d'expérience, sur laquelle on n'a pas encore fait beaucoup d'observations On peut néanmoins assûrer, qu'en faisant un fourneau de maniere qu'il aille toûjours en retrécissant, il admettra plus d'air qu'il ne lui en faut. Au reste, si l'on pense qu'un soupirail de même diametre que le fourneau ne suffise pas, il faudroit, non l'élever ni faire plusieurs portes tout-autour du sol du cendrier, cela seroit inutile, mais aggrandir le diametre du cendrier lui-même; & par ce moyen on auroit une porte plus large; car il est aussi inutile de la faire plus haute que large quand elle est de la largeur du cendrier, que d'en mettre plusieurs tout-autour, de cette même largeur. Cela ne peut avoir lieu que quand chacune d'elles n'a qu'une partie du diametre du cendrier, & en de cas elles ne doivent faire entr'elles que la somme de sa largeur. Des degrés du feu . C'est par le moyen des regîtres & du soupirail, comme nous l'avons déjà dit en plus d'un endroit, qu'on regle les différens degrés du feu. Voyez ce qu'on en a dit à l' article Feu . Les Chimistes se sont un peu plus donné de peine pour regler les degrés du feu, que pour la construction des fourneaux; & cependant l'un & l'autre devoient aller ensemble. Les anciens avoient distingué quatre degrés de feu; le premier étoit le bain de vapeur, le second l'eau bouillante, le troisieme la rougeur des métaux, & le quatrieme la fusion. Ils avoient fait encore une autre gradation, dont les distances étoient moindres: le premier degré étoit le bain de vapeur, le second l'eau bouillante, le troisieme le bain de cendres, le quatrieme le bain de sable, le cinquieme le bain de limaille, &c. Nous nous contentons de les exposer pour en montrer l'insuffisance. Ils avoient encore distingué les premiers degrés de feu par le tact; mais cette méthode étoit extrèmement incommode, & n'alloit pas bien loin; d'ailleurs on sait en Physique qu'elle est très-incertaine. Vanhelmont compte quatorze degrés du feu d'après l'intensité qu'il doit avoir dans son application, & l'augmentation exacte de cette intensité. Le degré des bains de vapeur & marie sont les mêmes, & approchent beaucoup, selon la remarque de Czwelfer, de celui de l'eau bouillante, qui est le seul constant; ainsi il ne faut pas les donner dans toute leur étendue, si on veut qu'ils approchent, par exemple, de la chaleur animale. Le bain de vapeur s'appelle encore bain de rosée; & le bain-marie a d'abord été nommé bain d'immersie ou de mer; &, par une corruption introduite par Basile Valentin, bain-marie , en l'honneur de la Vierge. Les cendres, qui doivent être criblées, donnent un degré presque aussi fort que celui du sable, & s'échauffent plus lentement: mais comme il seroit à craindre qu'elles ne fissent casser le vaisseau en conséquence de l'humidité que prend leur sel, il les faut dessaler avant. Elles ne retiennent pas non plus la chaleur si long-tems que le sable, &c. par cette même raison qu'elles sont plus rares. On peut donner le même degré de chaleur à une cornue au bain sec, comme nous l'avons vû en parlant du fourneau de Beccher, & peut-être plus fort qu'au bain de sable ou de limaille, par la raison que les particules ignées ne se dissipent point en l'air. Il faut que le sable soit pur & criblé; s'il étoit mêlé de grosses pierres, il s'échaufferoit inégalement & casseroit les vaisseaux. Il doit aussi être sec; s'il étoit mouillé, il casseroit encore les vaisseaux, ou, s'il avoit le tems de se sécher, il formeroit des pelotes qui reviendroient au même que les pierres; & ainsi de la limaille & des cendres dans le même cas. Il faut que la capsule de ces bains soit couverte d'une autre pour éviter le contact de l'air froid. D'autres ont évalué les degrés de feu par les différentes ouvertures des regîtres; d'autres au moyen du thermometre de mercure divisé en degrés très petits, comme on peut le voir par la chimie de Boerhaave. Cette méthode est assez exacte, & seroit préférable à toutes les autres; mais l'application de cet instrument est quelquefois très-difficile, d'autres fois tout-à fait impossible; car on peut à peine aller jusqu'au mercure bouillant; d'ailleurs on est sujet à en casser une prodigieuse quantité. Nous croyons cependant qu'on en peut faire usage, & que cet usage peut avoir son utilité dans les travaux qui ne demandent qu'un leger degré de chaleur. Vogel, d'après Boerhaave, divise le feu en cinq degrés: le premier est celui de la chaleur animale, & il s'étend depuis le trente-quatrieme jusqu'au quatre-vingt-quatorzieme degré du thermometre de Farhenheit; le second depuis le quatre-vingt-quatorzieme jusqu'au deux-cents-douzieme degré de l'ébullition; le troisieme depuis le deux-cents. douzieme jusqu'au six centieme, & c'est celui de la combustion, & qui rend les vaisseaux d'un rouge obscur; le quatrieme degré depuis le six-centieme jusqu'à la fonte du fer; & le cinquieme celui des miroirs catoptriques & dioptriques. Telle est la preuve que nous avions à donner des difficultés de trouver les degrés du feu. On peut voir dans la physique soûterreine de Beccher, page 500 . l'application des thermometres aux fourneaux . Mais puisque les thermometres ne peuvent aller que jusqu'à un certain point, & que la plûpart des chimistes veulent avoir une connoissance des degrés du feu qui ne me paroît pas fort importante; car le degré de feu nécessaire à fondre de l'or, est celui où ce métal se fond: ne pourroit-on pas mettre en oeuvre la dilatation de certains corps solides, du fer, du cuivre, par exemple? On en feroit passer une barre à-travers un fourneau , & on pourroit mesurer sa raréfaction ou son alongement, comme on le fait en Physique, au moyen d'une machine graduée; & dans les cas où l'on passeroit la fusion du fer, ne pourroit-on pas avoir recours à un cylindre de pierre apyre? Il est vrai que je propose ici des machines embarrassantes, & peut-être même impraticables; j'invite les savans à nous donner quelque chose de plus satisfaisant. On ne connoît point encore les bornes du feu produit par les miroirs ardens, à cause de la difficulté de s'en servir. Voyez les Mém. de l'acad. des Sciences, les élém. de chim. de Boerhaave, page 121 . & l'article Lentille de Tschirnaus. Avant M. Pott, on ne savoit pas que le feu ordinaire s'étendît au-delà de celui des fourneaux de verrerie ordinaires. Voyez ce que nous avons dit à la fin des fourneaux de fusion. On peut toutefois établir cette gradation entre les feux les plus violens, en commençant 1°. par le fourneau de M. Pott, au dessus duquel sont encore les feux; 2°. la lentille de Tschirnaus, connue sous le nom de lentille du palais royal; 3°. le miroir de Vilette, ou concave du jardin du Roi; & enfin 4°. celui du Briquet, qui est le plus vif de tous, puisqu'il scorifie le fer dans un instant presque indivisible. Nous avons dit qu'il étoit difficile de conserver un thermometre de mercure en l'introduisant dans un fourneau; car il ne peut pas toûjours l'être dans le vaisseau, quoique cela fût mieux, & qu'on risquât qu'il ne s'y rompît. Nous avons aussi laissé penser que les progrès d'une opération étoient le meilleur thermometre sur lequel un artiste exercé pouvoit se régler. Mais dans le cas où il seroit possible d'employer cet instrument, ne pourroit-il pas se faire que la même opération précisément demandât un degré de feu différent, parce qu'elle se feroit dans un fourneau & un vaisseau plus ou moins épais, ou avec une quantité de matiere différente? Au reste, la connoissance de ces degrés de feu, n'est qu'une curiosité de plus, & n'est pas d'une grande utilité. De l'aliment du feu . Les différentes matieres combustibles avec lesquelles on entretient le feu dans les fourneaux ont été mentionnées à l' article Feu . Cet élément est le principal instrument des Chimistes, comme il l'est de la nature; ils ne font rien que par le feu; aussi ont-ils pris le titre vrai & sublime de philosophes par le feu . Les Romains avoient fait une divinité de certains fours. Voyez les fastes d' Ovide. Si les Chimistes eussent été moins philosophes, ils auroient peut-être fait le même honneur à leurs fourneaux; mais ils les ont imités à bien plus juste titre en déïfiant le feu, leur agent universel. Le feu s'entretient dans les fourneaux , non-seulement de la pâture qu'on lui donne, mais encore de ce que l'air nécessaire à son mouvement lui porte. Le concours de l'air est nécessaire pour l'embrasement, comme tout le monde sait, & comme le seul Stahl l'a bien expliqué dans ses trecenta , & autres ouvrages: ensorte qu'on pourroit définir le feu une matiere qui fait effervescence avec l'air, & qui tire sa force du mouvement qui nait de ce mélange. Mais l'air n'anime pas seulement le feu par ses parties propres, il augmente encore son aliment par les corps qu'il y porte. Tels sont le feu élémentaire qui est peut être nécessaire pour le rendre fluide; l'acide sulphureux volatil qui s'y trouve ( Voyez Stahl , trecenta ); la transpiration des animaux, les sels volatils, les huiles, les semences, les poussieres, les odeurs, l'eau, les sels, & peut-être des minéraux & des métaux. Boerhaave . Il ne fait donc pas jouer le feu des fourneaux par sa simple qualité de vapeur élastique; peut-être même produit il ce phénomene plus par l'eau qu'il contient, que par lui-même, soit que cette eau agisse directement comme un corps mu, ou indirectement en le condensant; ce qui est prouvé par l'action de l'air qu'on tire d'un endroit frais, comme de la une ou d'une cave, par le moyen d'une trompe. Il y a un choix à faire dans le charbon; les plus durs & les plus sonans doivent être préférés: ils conservent la chaleur plus long-tems, & la donnent plus vive. Ceux qui sont faits de bois plus durs que le chene, valent encore mieux. Tels sont ceux de gayac, par exemple, qui rendent un son clair, & sont très-compactes & pesans. Les plus mauvais de tous sont ceux de tilleul & de sapin; ils sont mous, brulent vîte, & donnent peu de chaleur. On doit rejetter les fumerons ou charbons mal cuits, parce que la suie ou l'humidité acido-huileuse qu'ils exhalent, peut nuire aux opérations ou l'on ne peut pas employer le bois; cet inconvénient a fait quelquefois tomber en apoplexie le fameux distillateur Glauber. Les charbons doivent être tenus dans un sieu sec; ceux qui ont pris de l'humidité pétillent & s'écartent de toutes parts en conséquence de l'explosion que leur cause l'humidité dont ils sont impregnés, explosion qui brise souvent les vaisseaux. Le charbon de terre donne une chaleur plus vive & plus durable; mais il donne de mauvaises exhalaisons, même quo qu'on l'ait calciné. Barner, Stahl . La tourbe qui est composée de pédicules & de racines de plantes entrelacées & impregnées d'une terre bitumineuse, conserve aussi le feu assez longtems, & elle donne une flamme claire: mais elle donne encore des exhalaisons nuisibles. Quand on en veut chausser un fourneau , on en prend un morceau, on le fait flamber dans le feu, & on l'éteint dans l'eau: quand on en veut allumer d'autres morceaux, on met celui-ci dans le feu; il s'embrase promptement, & sert à mettre le feu aux autres. Stahl, fund. page 46 . Tout le monde sait quel est le meilleur bois pour l'usage, & de quelle grosseur il doit être pour ce qu'on en veut faire. L'huile & l'esprit-de-vin sont très-commodes, en ce qu'ils fournissent en abrége un aliment qui entretient long-tems le feu, quand il le faut doux sans doute: mais Vogel y trouve cet inconvénient, que l'esprit-de-vin est trop cher, & que l'huile donne un charbon qui retombe aisément & souvent sur les meches, s'allume tout-d'un-coup & occasionne une explosion; il dit encore que quelquefois elles sont éteintes par le charbon ou le champignon qu'elles forment; ensorte qu'outre la dépense on court du danger, si l'explosion se fait quand on en est près. Mais je ne crois pas qu'on doive se laisser aller à ces craintes: en premier lieu, on ne seroit pas au même prix avec le charbon ce qu'on fera avec l'huile; si cet aliment coute beaucoup, c'est qu'il faut qu'il brûle long-tems; il a raison au sujet de l'esprit-devin, il est beaucoup plus cher & dure moins que l'huile: en second lieu, si les lampes ont fait beaucoup de charbon, c'est qu'il en a mal arrangé les meches, & qu'il a brûlé de l'huile très-épaisse. Quand le lumignon d'une lampe est bien sait ( voyez Leutmann ), on peut le laisser brûler quatre sans y toucher: de toutes les huiles qu'on brûle la plus mauvaise, sans contredit, pour la poitrine, est celle de navette; cette huile contient un alkali volatil qui échappe au-moins en partie à la déflagration, ou qui s'eleve de la lampe échauffée. Généralités sur le jeu de l'air & du feu, & sur son aliment dans les fourneaux . On chauffe pour l'ordinaire les grands fourneaux de décoctions, ou servant à la courge, au grand alembic de cuivre de quelques ples de diametre; enfin ces fourneaux que nous avons dit ressembler à notre fig. 3 . excepté qu'ils sont un peu moins élevés à-proportion; on les chauffe, dis-je, avec le bois, pour épargner la dépense. Ils ont un tuyau de poêle pour la sortie de la fumée: mais s'ils sont mal construits, c. a d. si le cendrier & le foyer ne sont distingues que par leur grille, qui ne laisse entrevoir au-dehors qu'une seule & même porte, comme on le voit dans quantité de laboratoires, & par notre fig. 84 . tirée de la Pl. III . de Lémery, ou il y en a deux l'un contre l'autre; la fumée est sujette à sortir par la porte du cendrier, sans qu'on puisse l'en empêcher, à moins que le tuyau qui dérive la fumee ne soit bien fait & bien exposé, & encore y a-t-il des tems ou il fume. Il faut donc que ces deux portes soient éloignées l'une de l'autre, sinon comme dans notre fig. 3 . au-moins à-peu-près autant: on peut la citer comme un exemple de ces sortes de fourneaux , au-moins quant au fond; car les autres n'ont besoin ni d'échancrure ni de dôme. Il s'ensuit donc nécessairement que le fourneau de décoction aura une grille, & ils n'en ont pas tous; ce qui est un défaut; & cette grille est nécessaire pour remédier à l'inconvénient en question. Par-là la bouche du foyer étant exactement fermée avec une brique qui aura l'épaisseur de la paroi du fourneau , & lutée, s'il est nécessaire, la fumée sera obligée d'enfiler son tuyau de poêle, ou de descendre dans le cendrier; & elle ne peut pas s'échapper par ailleurs: car on suppose que le fourneau n'ait pas de crevasses, & que la cucurbite de cuivre soit bien lutée tout-autour. Mais la fumée ne pourra descendre dans le cendrier, qu'elle ne passe à-travers la flamme; & elle n'a pas le tems de faire ce trajet, qu'elle est toute consumée & qu'on n'en voit rien; car on n'a jamais vû de fumée sortir du cendrier, pourvû toutefois que la grille soit bien garnie de braise. Ce phenomene qui existe particulierement dans le poêle sans fumée, & qui est le principe de sa construction, pourroit être appliqué aux poêles ordinaires; nous en parlerons encore dans la suite. On auroit plus de chaleur avec la même quantité de bois, sur-tout si on y joignoit la disposition du poêle à l'italienne, imité de ceux de Keslar & des ventouses de Gauger, quant au tuyau seulement, & non quant à la circonvolution de la flamme: on y a, dis-je, plus de chaleur, parce que la fumée s'y brule; ce qui est autant de perdu pour l'aliment du feu; & il n'en faut pas nettoyer le tuyau si souvent. Que la fumée devienne la pâture du feu toutes les fois qu'elle est soûmise au mouvement de ce principe, c'est ce que nous n'entreprenons point de prouver ici: on peut voir les articles Fumée , Huile , & Phlogistique : au reste il est aisé de comprendre que la suie n'est qu'une fumée concrete, & l'on ne sait que trop qu'elle est capable de brûler. Nous nous bornons donc à parler des cas où la chose arrive. La fumée du four du boulanger n'est plus humide, plus blanche, ne blesse moins la vûe, & enfin ne sent mieux celle du foin mouillé qu'on commence à allumer, que parce que l'huile qui en fait une grande partie est presque toute consumée avant que de sortir du four où elle étoit renfermée, où elle a circulé & a été forcée de passer à-travers une étendue de flamme assez considérable; ce qui fait qu'on n'en nettoye que rarement les cheminées, & qu'on n'y trouve qu'une petite quantité de noir de fumée, qui ne se voit point dans les cheminées des cuisines. La flamme du grand fourneau anglois ne ressemble point à la flamme ordinaire; je puis même avancer qu'on n'en a aucune idée si on ne l'a vûe: cette singularité n'est dûe qu'à la fumée, qui étant exposée à l'ardeur de la flamme dans un long canal (car ce fourneau a souvent une cheminée de vingt à trente piés de haut, au-dessus de laquelle on voit la flamme la nuit), brûle en vapeurs, c'est-à-dire étant divisée en des molécules très-fines qui forment autant de petits points lumineux très-rouges: pour en donner une idée qui en approche, je la comparerai à du carmin en poudre fine qu'on agiteroit rapidement dans un vase de verre crystallin, ou aux vapeurs formées de l'acide nitreux le plus concentré, qui auroient l'éclat du feu; car la flamme de ce fourneau est obscure, tant elle est chargée; ce qui peut venir de la cendre qu'elle entraîne. On a encore quelque chose d'approchant dans quelques compositions de feux d'artifice. Il ne doit donc point ou presque point sortir de fumée par la cheminée de ce fourneau: la chose est démontrée par l'art qu'on a de mettre au sommet de la flamme d'une chandelle ou d'une lampe, un petit tuyau métallique où la lumiere monte & consume le peu de fumée qu'elle laisse échapper. Nous avons vû qu'on peut se dispenser d'employer ce tuyau pour la meche de la lampe par l'arrangement qu'on lui donne; ce qui est encore appliquable à ce dont il est ici question. On pourroit m'objecter que les fourneaux des cloches & des canons remplissent l'atmosphere du hangard qui les couvre d'une matiere fuligineuse, tendre, & legere, comme on peut le voir à l'arsenal de Paris, &c. mais c'est prêter de nouvelles forces à ce que j'ai avancé. Cette matiere fuligineuse ne blesse point la vûe; elle est en petite quantité, malgré celle du bois qu'on brûle pendant plusieurs heures, & si legere qu'elle se soûtient dans l'air sans paroître tomber, semblable à celle de la chandelle qui ne se repose que dans les endroits les plus tranquilles & les plus à couvert de l'agitation de l'air; avec cette différence pourtant, que celle ci est plus charbonneuse, plus noire, & plus nuisible: d'ailleurs ces sortes de fourneaux sont sans cheminée; ils n'ont pour regîtres que trois ou quatre ouvertures de six ou huit pouces en quarré, selon la grandeur du fourneau , horisontalement disposées contre la chûte des corps. Que deviendra donc cette matiere fuligineuse, quand elle aura été encore exposée pendant la longueur de vingt ou trente piés, à l'action d'une flamme beaucoup plus vive & plus rapide, en conséquence de la longueur qu'elle a à parcourir? elle doit être résoute en ses élémens, & être invisible comme le noir de fumée que Stahl a brûlé dans un creuset. Si on approche deux chandelles l'une de l'autre, la petite atmosphere lumineuse qui paroissoit à-peine d'abord, étant vûe à un pouce ou deux de distance, devient sensible, soit en conséquence de l'augmentation de mouvement, soit parce que le charbon qui s'en échappe peut être brûlé. Une chandelle allumée n'en allume une autre inférieure mal éteinte & qui fume encore, que parce que la fumée ou les parties grasses & charbonneuses qui s'élevent encore de celle-ci, fournissent un aliment qui touche la flamme de la supérieure, & que celle-ci suit. L'auteur ingénieux du poêle sans fumée, focus acapnos , est M. Dalesme, qui le publia en 1686, comme on peut le voir pag. 116. du journal des Savans de la même année . M. Justelius, anglois, fut le premier qui en rendit la figure publique; il la donna presque en même tems dans les mémoires de la société royale de Londres: comme nous n'en avons point représenté la figure, nous prendrons parmi nos fourneaux de quoi nous faire entendre. Soit donnée la fig. 37 . n°. 1. on fait un cylindre creux en tôle, au milieu duquel on met une grille, comme à un fourneau: la partie supérieure est aussi ouverte; on peut encore le faire cubique de cinq lames de tôle, dans le goût de la fig. 36 . & cela est même plus aisé. Pardessous la grille on ajuste un tuyau elliptique au cendrier: on fait ce tuyau le plus gros qu'il est possible, & même on fait l'axe de l'ellipse égal au diametre du foyer, & conséquemment horisontal. Il est dans la même position précisément que notre tuyau b , à cela près qu'il est plus gros, comme nous l'avons dit, recourbé à angles droits, & deux ou trois fois plus haut que le corps du fourneau: on commence par échauffer la partie horisontale du tuyau; on met des charbons ardens sur la grille du foyer, & ensuite quelque matiere combustible, comme du bois, de la tourbe, &c. La flamme passe à-travers la grille, descend dans le cendrier, & enfile le tuyau b; & toute la chaleur sort par son orifice b. Mais la fumée est obligée de suivre le même chemin, c'est-à-dire d'enfiler aussi le tuyau b , & de passer à-travers la flamme qui remplit tout ce tuyau: ensorte qu'elle perd sa consistence & son caractere de fumée, se convertit en flamme, & sort sous cette apparence par l'extrémité du tuyau b , sans donner aucune marque de sa nature; car elle est devenue insensible; ce que nous venons de donner est plus la correction qui se trouve dans les remarques que M. de la Hire a ajoûtées dans l'endroit cité du journal des Savans , que la premiere ébauche qui en a paru. Peu importe qu'on chauffe la partie horisontale du tuyau avant que de mettre des charbons sur la grille; si-tôt qu'ils y sont, l'air s'échauffe au commencement de ce tuyau, & on n'y met des charbons ardens que pour l'échauffer plus vîte; ainsi on peut se dispenser de cette peine. Voyez plus bas ce que nous rapporterons des expériences de Gauger. A mesure que l'air s'échauffe sous la grille dans le tuyau, la chaleur qu'on sentoit sur la grille diminue: ensorte qu'à la fin on voit la flamme passer par l'extrémité b , & qu'on ne sent plus aucune chaleur au-dessus de la grille. Quand les choses en sont à ce point, si on jette de la paille sur le charbon, la flamme passe rapidement sous la grille, & sort par l'extrémité du tuyau sans donner de fumée: mais elle y produit une vive chaleur, tandis que le froid continue au-dessus de la grille. Le bois, la tourbe, le soufre, les huiles, donnent le même phénomene, & le tuyau s'échauffe au lieu de rougir; on y entend même siffler la flamme, tant sa rapidité est grande. On observe que les corps qui répandent en brûlant une puanteur insupportable ou un parfum agréable, ne donnent ni bonne ni mauvaise odeur dans ce poêle, & ne laissent d'autres vestiges de leur combustion, que des cendres. Enfin tous les corps combustibles subissent le même sort; leur flamme est également chassée par l'air qui presse le foyer plus bas que l'extrémité du tuyau, dans toute la longueur duquel réside la chaleur: c'est pour cette raison que la fumée y devient flamme; elle s'y atténue enfin à un point que tout ce qui étoit combustible ou capable de prendre le mouvement igné, ne laisse plus aucune trace de sa premiere existence. Ainsi la matiere du feu se résout en ses élémens, & ne paroît point sous une espece d'aggrégation, comme dans le noir de fumée; tant le mouvement qui lui est imprimé est considérable. Boerhaave, element. chem. pag. 163 . Ne pourroit-il pas se trouver des occasions où il seroit nécessaire d'employer une flamme qui n'auroit que très-peu ou point-du-tout de fumée, & conséquemment d'avoir recours à la construction du poêle sans fumée? La fumée est nuisible, par exemple, dans les fourneaux de verrerie, où les creusets demeurent toûjours ouverts. Elle gâte le verre, & l'empêche de se perfectionner. Neri, préf. page 17 . Le fourneau qui seroit le plus approchant de ce poêle, celui auquel il y auroit moins de changement à faire, seroit le grand fourneau anglois, ou notre fig. 19 . On m'objectera que la fumee ou partie charbonneuse fine du bois qui échappe à l'embrasement, y est nécessaire pour le succès de certaines opérations, comme, par exemple, du minium, de la fonte des mines, de celle du cuivre, &c. mais on peut repondre à cela, que si cette partie charbonneuse est consumée dans le commencement de son trajet à-travers la flamme, ce qui n'est pas démontré, il s'ensuit que cette methode ne sera pas bonne dans les circonstances ou la partie charbonneuse est nécessaire; & en effet on parle de celles où elle seroit nuisible. On pourroit donc en ce cas, au lieu de mettre la grille en b au-dessous du sol, la placer au niveau de la voûte qui est immédiatement au-dessus; on ouvriroit un espace au-dessus de la grille, comme dans celui du poêle sans fumée, capable de contenir l'aliment nécessaire au feu; & sous la grille on condamneroit le cendrier qui pour lors seroit inutile & nuisible, & on le mettroit au niveau du sol du fourneau; ensorte qu'on auroit un vrai poêle sans fumée en toutes les regles, mais en grand. Mais il faut observer que la cheminée, comme celle des fourneaux anglois, seroit nécessaire en ce cas, & qu'on ne pourroit pas faire ce changement aux fourneaux des canons de l'arsenal de Paris, à-moins que d'y en construire une. Nous avons encore observé, en parlant du fournaliste, que dans sa chemineé on trouvoit des cendres noires, ou une matiere noire & seche qui n'étoit pas onctueuse comme le noir de fumée. On trouve encore la même matiere à la partie supérieure que les fourneaux y ont dans son four, c'est-à-dire dans cet endroit qui y est le moins exposé à l'action du feu; & cette matiere y est encore moins noire & fuligineuse que celle de la cheminée. Le four du potier de terre est beaucoup plus large & plus long que celui du fournaliste; mais sa cheminée est derriere, & la flamme n'est pas obligée de s'y réfléchir, ce qui la rend d'autant plus vive: aussi n'apperçoit-on ni sur les pots ni dans la cheminée pas le moindre vestige de suie. J'ai aussi remarqué que l'endroit le plus vitrifié, celui qui avoit le plus éprouvé l'action du feu, c'étoit l'extrémité du four & le commencement de la cheminée. On peut profiter de tous ces exemples pour la Chimie & l'Economie domestique: ce n'est pas que nous conseillions de faire des poêles sans fumée dont le tuyau seroit ouvert dans les appartemens; nous ne connoissons que trop les accidens qui arrivent tous les jours de la part de la vapeur du charbon ou matiere du feu, quoiqu'invisibles, encore associées à des corps qu'on ne connoît pas, comme les gas de Vanhelmont; mais il n'y auroit rien à craindre, si les tuyaux avoient une issue au-dehors; & s'il resstoit encore des doutes sur l'ouverture de la partie supérieure de la grille, on pourroit la fermer & dériver l'air, qui lui seroit nécessaire, par un tuyau recourbé qui perceroit dans une chambre inférieure, ou même qui seroit horisontal & viendroit du dehors. Nous en parlerons dans la suite. Quand on allume les fourneaux , on sent pour l'ordinaire une odeur de foie de soufre, & quelquefois de soufre brûlant; on en trouvera les raisons aux articles Soufre & Phlogistique . Quand on les veut allumer lentement, on met, comme nous l'avons déjà dit à l' art . Essai , les charbons ardens par le haut sur les charbons noirs dont on les a eu remplis. Les soupiraux & les regîtres étant ouverts, le feu descend; c'est de la sorte qu'on allume ordinairement la tour des athanors, & qu'il faut nécessairement allumer celle qui n'a point de bouche du feu, comme dans Charas, à-moins qu'on ne veuille se donner la peine d'ôter le charbon dont elle peut être pleine. Son dôme & son soupirail étant ouverts, le feu descend de haut-en-bas, à-peu-près dans la même quantité qu'on l'y a mis; c'est-à-dire que les charbons allument de proche en proche pareille quantité de charbons à-peu-près, & perdent l'ignition qu'ils ont communiquée, jusqu'à ce que l'embrasement étant parvenu au fond du charbon ou du fourneau , il se communique enfin à tout celui qui est dans la tour, si on n'a soin de fermer sa partie supérieure: voilà le fait; cherchons-lui quelque application. L'air passe par le soupirail ou par les regîtres qui sont inférieurs à la partie supérieure de la tour, pour se mettre en équilibre avec celui qui étant raréfié par le feu, doit déterminer son action par en-haut; puisque le feu étant plus leger que l'air, il doit s'élever au-dessus de celui-ci: ou, ce qui revient au même, que l'air chaud, qui est plus rare & plus leger, doit s'élever au-dessus de celui qui est froid: ensorte que le feu, au-lieu de s'étendre par en-bas, s'éteindroit faute de pâture au-dessus de lui. Quelle est donc la cause qui produit ce phénomene, & qui change le cours de l'air, non-seulement dans la circonstance présente, où il est tout le contraire de ce qu'il est ordinairement; mais encore dans la suite, où le charbon de la tour étant allumé par le bas, l'air reprend son jeu ordinaire? seroit-ce par un méchanisme approchant de celui du poêle sans fumée? La chose ne s'y passe de la sorte que parce qu'il a un tuyau qui est supérieur à son foyer: ainsi il ne seroit pas étonnant que la même chose arrivât dans l'athanor de M. Cramer, en supposant que l'une de ses petites cheminées fût plus haute que la partie supérieure de la tour, & ouverte aussi, selon les expériences de Gauger. Si l'on expose un tuyau au feu horisontalement, il donne une vapeur chaude à chaque extrémité: si on l'incline, le côté supérieur soufflera un air chaud capable d'éteindre la flamme d'une bougie; & cet air le sera d'autant plus, qu'on l'élevera davantage. La chose sera la même, si l'on change de bout; celui qui étoit supérieur d'abord se refroidira, & celui qui est devenu le supérieur, d'inférieur qu'il étoit avant, s'échauffera à son tour; & quoiqu'on bouche l'extrémité inférieure, l'air ne laissera pas de sortir, quoiqu'avec moins de vivacité; par la raison qu'il fait pour lors comme dans un tuyau d'orgue à vent fermé, où il a une colonne entrante & une colonne sortante. Ainsi une moufle d'essai pourra n'avoir point de soupiraux; & l'agitation de l'air, malgré cela, ne laissera pas d'entraîner ses vapeurs, quoique plus foiblement. Au reste, il y a au-moins certainement une vapeur ignée comme autour des poêles, &c. qui produit le phénomene qu'on attribue peut-être mal-à-propos à l'air: d'où il s'ensuit que l'air le plus chaud est le plus leger & prend le dessus, & qu'une chambre doit être plus chaude en-haut qu'en-bas, &c. Mais si au lieu du tuyau droit dont nous venons de parler, on en employe un courbé comme un syphon, la chose sera précisément la même, c'est-à-dire que l'air sortira pour lors par la plus longue branche. On pourroit comparer la tour de l'athanor de Cramer avec son foyer & une de ses cheminées à un syphon. Mais on observe que la petite flamme que donne le charbon se porte en-haut pendant que l'ignition prend le bas; ensorte que si on répete l'expérience même dans un petit fourneau bien fait, le fond en est plûtôt rouge que le corps qu'on mettra dessus. Il faut donc qu'un fourneau ne s'allume bien que quand la partie inférieure, & sans doute les parois, en sont bien échauffées: & en effet qu'on allume du feu dans une cheminée qu'on n'a chauffée depuis quelque tems, le bois ne brûlera jamais bien qu'elle ne soit échauffée. Il est vrai que l'humidité y contribue; mais la chose est la même sans humidité. Qu'on jette un tas de charbons embrasés dans un coin très-sec; comme ils ont beaucoup à échauffer, ils s'éteindront, non pas faute d'air, mais parce qu'ils ne sont pas en assez grande quantité pour échauffer l'endroit qu'ils occupent, & pour se consumer ensuite. Il résulte delà que la matiere des fourneaux est d'un choix plus important qu'on ne pense communément; son épaisseur aussi doit être considérée: il s'ensuit encore que là structure y doit entrer pour beaucoup, & que les fourneaux en tôle avec un garni, méritent peut-être la préférence sur les autres: nous examinerons cela bien-tôt. Qu'on se rappelle ici ce que nous avons dit, article Essai , que des charbons noirs mis à l'entrée de la moufle du fourneau de coupelle, s'allumoient d'eux-mêmes; que Glauber a dit qu'ils s'allumoient aussi d'eux-mêmes dans son fourneau ou notre fig. 67 . que Beccher a dit que la chaleur se conservoit très-long-tems dans le sien, ou notre fig. 71 . Non-seulement la construction des fourneaux épargne le charbon, mais encore on peut conserver le feu avec peu d'aliment, quand le fourneau & les vaisseaux sont échauffés; mais il faut avoir eu soin pour cela de fournir du charbon: car si l'on n'en a mis que peu-à-peu, il brûle de même, & fait peu d'effet, en sorte qu'il ne faut presque plus compter que sur la chaleur qu'on en tire. Il suit conséquemment que, si l'on vouloit manier le feu à volonté, & être maître de passer tout-à-coup d'un extrème à l'autre, il ne faudroit pas employer des fourneaux épais; ils conserveroient leur chaleur trop long-tems. Il seroit à-propos qu'en pareil cas ils fussent minces & métalliques. Les vases de metal ne conservent pas long-tems leur chaleur, & l'ébullition, p. ex. cesse si-tôt qu'ils sont hors du feu; au lieu que les vaisseaux de terre non-seulement la conservent long tems, mais encore en donnent une plus considérable, le moment d'après qu'ils sont ôtés de dessus le feu. Une pareille espece de fourneau peut être nécessaire en certains cas. On aura beau fermer tous les regîtres du fourneau massis qui sera bien échauffé, le feu s'y éteindra à la vérité; mais il n'en est pas de même de l'embrasement des briques, &c. le concours de l'air ne lui est pas nécessaire pour subsister. On conçoit aisément comment le charbon brûle dans le foyer d'un athanor; il se trouve placé, ainsi qu'on l'a déjà dit, comme dans un canal placé dans un courant d'air qui s'étend depuis la porte du cendrier jusqu'à l'extrémité des regîtres: plus ces regîtres seront élevés, & mieux l'athanor ira. Aussi le grand art de M. Cramer est-il d'avoir élevé ses regîtres par les petites cheminées qu'il y a faites; sans compter qu'il a encore disposé sa porte de communication entre la tour & la premiere chambre, dans les mêmes vûes, c'est-à-dire selon l'idée qu'il avoit qu'il étoit de la nature du feu de monter & de ne pas descendre. On peut encore croire que l'air monte & descend dans la tour de l'athanor fermée & allumée, comme il fait dans un tuyau d'orgue à vent fermé, quoique par une cause différente: car il est très-certain que l'air qui remplit les interstices du charbon, est raréfié par la chaleur, comme on a dû le conjecturer par le conseil de Glaser & le Fêvre, &c. de mettre un bain sur le haut de la tour; que l'air du dehors doit se mettre en équilibre avec lui, & conséquemment le chasser & s'introduire à sa place; ensorte qu'il y aura une colonne d'air nouveau qui montera continuellement & fera descendre une autre colonne d'air raréfié. D'ailleurs on peut encore penser que le feu descend dans la tour ouverte d'un athanor, comme celui de notre fig. 61 . parce que la partie inférieure de cette tour & le corps de l'athanor font ensemble un canal dans lequel l'air est raréfié comme s'il étoit dessus, ou, comme il arrive au poêle sans fumée, dans lequel le feu ne peut pas être déterminé à passer par son canal, quoique plus long, qu'il n'ait une cause, qui est la raréfaction de l'air dans ce canal qu'il doit conséquemment échauffer avant: ensorte que l'air tendant à se mettre en équilibre avec lui-même, il ne pourra manquer de descendre, au moins en partie. Il est vrai qu'un tuyau qu'on chauffe au milieu à-peu-près, peut donner l'air chaud constamment à sa partie supérieure; mais si on le chauffoit à cette extrémité supérieure, même ouverte, nécessairement l'air chaud devroit passer par le bas. Dans les réchaux où le feu n'a de tuyau ni par le haut, ni par le bas, il est long-tems à s'allumer, parce qu'il ne peut presque se déterminer d'aucun côté; & il faut qu'il ait rougi sa grille pour être agité par l'air: & cela est si vrai, que si on le comble de charbon, ce qui en excede les bords, & même un peu au-dessous, ne s'allume jamais qu'après la rougeur de la grille, & même n'est jamais parfaitement allumé. On m'objectera peut-être que du moment que je mets des charbons allumés dans le haut de la tour, sa partie inférieure n'est pas plus échauffée que la supérieure; mais il est aisé de voir que la chaleur se répandant de toutes parts, raréfiera plus la colonne d'air inférieure que la supérieure; par la raison que celle-là est renfermée: ce qui, je crois, n'a pas besoin de preuves. Ainsi donc l'air pourra tendre à se mettre en équilibre en allant de haut en-bas. C'est sans doute par la même raison en partie qu'une trompe qui communique avec un cendrier, augmente la rapidité de l'air & la vivacité du feu. Car non-seulement on tire de l'air frais du dehors par son moyen, mais encore on en accélere la vîtesse, parce qu'il y est certainement raréfié. Il y a des bains-marie faits d'un grand chauderon, au milieu duquel passe une tour de fonte qui contient le feu comme une sour d'athanor. On en a une image en petit dans les bouilloires en cuivre qui servent ordinairement au thé, ou dans ces appareils destinés aux bains, à laver la vaisselle. Si la grille est de même niveau que le fond du chauderon, il faut que le haut de la tour soit ouvert, ou ait un tuyau de poêle, voyez the art of distillation & Leutmann; mais on peut le fermer si la tour est prolongée, & même un peu enflée en-dessous; car alors on y fait des regîtres qui, non-seulement font brûler l'aliment du feu jusqu'à l'endroit où ils sont ouverts, mais qui échauffent encore le fond du chauderon; & on a par ce moyen un vrai athanor. La tour peut encore être fermée, la grille étant de niveau avec le fond du chauderon, si on éleve à fleur-d'eau de petits tuyaux servant de regîtres, qu'on sera de la longueur qu'on voudra, & qu'on détournera à sa commodité; & pour lors l'aliment du feu ne brûlera que de la hauteur des regîtres, & ce sera encore un athanor. Il est aisé de concevoir que les tours qui ont un tuyau de poêle, doivent ressembler à un poêle à cloche. En Pharmacie, on est dans l'usage de sécher les plantes, & de tenir seches les drogues qui ne doivent point prendre d'humidité, avec un athanor, notre fig. 61 . par exemple, dont le bain de sable est dans la petite chambre servant d'étuve, & la tour est dehors au moyen d'une petite cloison de planches, ou d'un petit mur de briques bâti entre la tour & le bain de sable. Par cette précaution on a pour but de garentir ce qui est dans l'étuve, de la poussiere du charbon, qui gâte & noircit tout. Mais si on n'a pas la commodité d'y introduire un tuyau de cheminée comme ceux de Gauger, il vaut mieux se servir du poêle à l'italienne, qui peut aussi servir d'athanor. Ce poêle communiqué à M. Duhamel par M. Maréchal, se trouve dans le traité de la conservation des grains du premier, pag. 173 . On en peut prendre une bonne idee en suivant ce que nous allons changer à la coupe de celui de la calcination de la potasse, fig. 15 . de nos Planches . La cavité insérieure a , où le foyer en est plus élevé, c'est-à dire qu'il y a plus de distance entre le sol & le plancher intermédiaire, à-peu-près autant que dans un poêle ordinaire. Le sol en est fait d'une plaque de fonte sous laquelle il y a une petite chambre de même largeur, & de quelques pouces de haut seulement. Cette petite chambre a en devant une ouverture qu'on peut fermer avec une porte de fer; & en-arriere elle communique avec le trou inférieur d'un autre petit poêle de fonte en cloche, dont la porte ordinaire est fermée & lutée, lequel occupe précisément la place du mur de derriere de notre fourneau , & ferme une partie du fond. Au-dessus de ce sol est une voûte qui, comme le plancher de notre fig. 15 . laisse un passage à la flamme par-derriere en d: ensorte qu'elle est obligée de revenir en-devant où elle enfile un tuyau place comme la cheminée c de notre fourneau . Le reste de la partie posterieure du poêle est fermé par un mur, qui met par ce moyen presque tout le petit poêle de sonte en-dedans, & ne laisse paroître que son tuyau, qui passe à-travers. Ce tuyau est alongé de quelques pouces, & est ouvert dans l'etuve pour lui donner sa chaleur. Cette chaleur y est determinée d'abord par son propre mouvement; mais on y joint encore l'air. C'est à son acces & pour l'échauffer, qu'est destinée la chambre située sous le foyer. Le grand poêle est terminé supérieurement par une autre plaque de fonte garnie de sable, pour donner une chaleur plus douce, & il a son ouverture hors de l'etuve. Les murs des cotés son en briques; & quand le feu est tombé, les différens massifs qui le constituent donnent encore de la chaleur pendant long-tems. Telle est cette machine ingénieuse. Nous omettons bien des particularités qui ne sont pas de notre objet; mais nous y reconnoissons un mérite réel, quoiqu'il eût été à souhaiter qu'il s'y fût trouvé un peu plus de simplicite, & que nous y voyions de la ressemblance avec les cheminées de Gauger, qui existoient même avant cet auteur, comme on le voit par l'architecture de Savot, qui dit qu'il y avoit au Louvre une cavité sous l'atre & derriere le contre-coeur de la cheminee du cabinet des livres. On croira peut être qu'un poêle ordinaire peut revenir au même pour les petites étuves; il se trouve tout fait à la verité, mais il sera plus dispendieux; & il n'aura pas l'avantage qui se trouve dans le poêle italien, ou les ventouses de Gauger. Dans le poêle à l'italienne, les surfaces se trouvent multipliées; l'étuve n'en reçoit que de la chaleur, & point de fumée, ni de vapeurs; & ce qui est capital, c'est que l'air y est renouvellé continuellement, & comme il est très-chaud, il en desseche d'autant plus vîte. D'ailleurs la flamme y fait un trajet qu'elle devroit faire dans tous les poêles, pour donner plus de chaleur avec moins de bois. Pour cela il ne seroi: question que d'une plaque de fer de plus, & de mettre le tuyau sur la porte directement. Par-là on auroit moins de fumée, parce que le feu en consumeroit plus: & il saudroit nettoyer le tuyau plas rarement. Il est encore d'autres moyens de corriger les poêles, & de les appliquer aux étuves. Mais cette correction peut être appliquée aux poêles simples dont M. Duhamel propose l'usage pour les petites étuves à sécher le blé. Un pareil poêle sera préférable aux athanors servant à l'étuve des apothicaires, par la raison qu'il renouvelle l'air & ne porte point dans l'etuve la vapeur charbonneuse qui sort des quatre regîtres de l'athanor; vapeur qui peut changer la couleur & la saveur de bon nombre de plantes, quoiqu'elle ne fasse point de tort au blé, selon M. Duhamel. On peut donc renvoyer les regîtres, même dans l'athanor, au moyen d'une plaque de fonte qui fera circuler la flamme ou la chaleur comme dans le poêle, à un tuyau commun, ou à plusieurs qui monteroient le long de la paroi interne du mur de séparation, & serviroient encore par là à l'étuve. Une chose digne de curiosité, ce seroit de savoir si on a imaginé les poêles d'après les fourneaux , ou ceux-ci d'après les poêles; ou peut-être encore les premiers indépendamment des seconds, & réciproquement. Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'on y trouve le même méchanisme. L'observation du feu de la cheminée, & peut-être de la lumiere de la chandelle, a pû donner lieu à ce méchanisme. Peut-être aussi l'idée refléchie n'en est-elle venue que d'après quelques ébauches de l'ustensile en question, employé peut-être par hasard. Quoi qu'il en soit, on a vû, soit dans les premiers fourneaux , soit dans les premiers vaisseaux qui pouvoient en approcher, ou dans la cheminée, & la chandelle, qu'un corps embrasé étoit un fluide qui tendoit de bas en-haut; que ce fluide étoit moins actif quand il ne recevoit pas d'air par ses parties inférieure ou supérieure. C'est d'après ces connoissances réflexives qu'on a vû qu'il falloit toujours construire les fourneaux de façon que l'air pût avoir acces à la partie inférieure de l'aliment embrase, & suivre son trajet. Mais on a encore remarqué qu'il falloit qu'il y eût une proportion entre la grandeur du fourneau , la quantite de la pâture du feu, & ses ouvertures inférieures & supérieures. C'est ce qui a fourni les principes généraux ou les réflexions ultérieures qui ont éclairé la pratique des artistes déjà instruits des particularités qui concernent la même matiere. On voit de l'analogie entre nos fourneaux & les ventouses, les tambours physiques, & le poêle sans fumée. C'est peut-être dans les fourneaux qu'on a puisé l'idee de construire un grenier à-travers le blé duquel il se fait un courant d'air, au moyen d'une espece de pavillon ou trémie, exposée au nord, & d'une issue au midi; celle d'allumer du feu à une ouverture pratiquée dans le plafond des salles d'un hôpital, &c. pour renouveller l'air aux malades; celle d'allumer du feu dans les mines, ou auprès d'un de leurs puits, pour en changer aussi l'air. Voyez Agricola . Mais les ventouses de Gauger valent mieux, pour renouveller l'air, au-moins en hyver; elles le donnent chaud; au lieu que ce foyer allumé sur un plafond donne du froid, qui peut incommoder les malades. Au reste, il pourroit bien se faire que l'économie domestique eût aussi fourni à la Chimie. Au-moins est-il vrai que c'est d'elle que cette science a tiré ou pû tirer la meilleure construction de ses fourneaux; car les poêles de Keslar ont paru 30 ou 40 ans avant le fourneau de fusion de Glauber. Le fourneau de Beccher est pris d'ouvriers qui s'en servoient pour remettre des piés de sonte à des marmites de fer. Ils mettoient un manche au pié-d'estal D 1 , au moyen d'un crampon dont ce pié-d'estal étoit muni, à-peu-près comme certaines caffetieres, sans doute; & ils s'en servoient comme d'un vase avec lequel ils auroient puise. Ne pourroit-on pas ajuster ce fourneau de façon qu'on pût s'en servir pour fondre des canons pendant une campagne? mais voyons où Glauber a pû trouver son fourneau . Les poêles de Keslar ont beaucoup de ressemblance avec notre fig. 15 . que nous prendrons encore pour piece de comparaison. Qu'on se rappelle ce que nous en avons déjà dit. Mais ces sortes de poêles, au lieu de deux étages qu'a notre fourneau , en ont jusqu'à huit les uns sur les autres. Ils ont une grille & un cendrier. Nous croyons devoir nous dispenser d'entrer dans un grand détail là-dessus, parce qu'il en faudroit une figure; quoiqu'il soit possible d'en donner une idée sans cela. Keslar, par exemple, sépare ses corps ou étages les uns des autres pour multiplier les surfaces. On peut s'en former une idée en s'imaginant qu'au niveau de l'extrémité de la cheminée c de la fig. 15 . commence un autre plancher de briques qui porte sur de petites colonnes de quelques pouces de haut; qu'à l'extrémité de ce plancher opposé à la cheminée, on fasse une autre cheminée, & ainsi de suite. D'ailleurs après avoir élevé son foyer un peu plus qu'il ne faut pour le bois, il n'en employe que la moitié postérieure pour communiquer la chaleur au premier plancher, dont l'extrémité antérieure est d'un pié plus longue que le cendrier, & est conséquemment soûtenue par deux colonnes qui portent des barres de fer. L'autre moitié est couverte d'un bain de sable. Mais ce qu'il y a de mieux, c'est que le soupirail tire son air du déhors par une trompe, & que la fumée y est aussi dérivée par un tuyau. Ces deux tuyaux ont chacun une soûpape ou fermeture en-dehors pour le gouvernement du feu dont Keslar a très-bien connu la méchanique; car sa raison de préférence en tirant l'air du dehors, étoit qu'on n'en attiroit point d'air froid, ni mauvais. Il a cependant vû qu'on ne purifioit pas celui de la chambre; aussi conseille t-il de faire deux soupiraux à son cendrier; l'un pour la trompe, & l'autre qui soit ouvert dans la chambre, afin d'en renouveller l'air. Gauger a encore mieux remédié à cet inconvénient, & il a peut-être connu l'ouvrage de Keslar. Quoique celui-ci usât du bois dans son poêle, il étoit rarement obligé de le nettoyer. Il a aussi donné quantité d'autres poêles domestiques, dont on peut tirer parti. Il dit encore qu'on en faisoit de rôle, qu'on enduisoit d'un garni. Mais Gauger a rendu un service important par les nouvelles cheminées qu'il a publiées. Il en fait l'atre, la tablette, & le contre-coeur de plaques de fonte. Derriere ces plaques sont des canaux de 5 ou 6 pouces de large, qui communiquent entr'eux. Ces canaux tirent l'air du dehors, & se terminent dans la chambre à côté de la cheminée, par une ouverture qui a sa fermeture. Le feu étant allumé, l'air des cavités se raréfie, est poussé par celui du dehors, entre dans la chambre, & l'échauffe; il en renouvelle l'air, & fournit celui qui est nécessaire à faire monter la fumée, & empêche que l'air froid du dehors n'y puisse entrer. Cette méthode renferme tout-à-la fois l'avantage des poêles, & n'en a point les inconvéniens. Il prouve par plusieurs expériences bien faites, que, quand il tiroit son air de la chambre même, par une ouverture qui communiquoit comme celle du dehors avec les canaux des ventouses de la cheminée, & par laquelle on pouvoit fermer celle du dehors, sa chambre ne s'échauffoit pas si rapidement, étoit sujette à fumer, & attiroit des vents coulis. Il part d'après cette expérience pour ces ventouses. Si on met dans le feu un tuyau de quatre pouces de diametre, fait en syphon, & que ce tuyau ait une de ses extrémités en dehors, celle du dedans donne un air très-chaud avec quelque rapidité qu'il passe dans ce tuyau. Mais comme ceux qu'on met derriere les plaques des cheminées ne peuvent s'échauffer que par une petite surface, relativement à leur circonférence, il arrive qu'ils ne donnent jamais la même chaleur, quelque longueur qu'on leur donne; mais ils en donnent toûjours assez & même plus qu'il ne faut pour échauffer une chambre. On peut par ce moyen échauffer l'air d'une chambre supérieure, inférieure, ou latérale, en y conduisant le tuyau ouvert au haut de la cheminée; mais soit que l'air soit tiré du dehors ou de la chambre qu'on veut échauffer, il faut toûjours que celui qui doit donner la chaleur, soit plus élevé que l'autre, selon une expérience que nous avons rapportée. Pour plus d'élégance, il n'a pas voulu placer ses tuyaux dans le feu; il les a cachés sous l'atre, la tablette, & derriere le contre-coeur; mais il me semble qu'il étoit bien-aisé de le faire sans se départir de son principe. Il n'étoit question que de faire servir les chenets à cet usage. Il faudroit qu'ils fussent un peu plus gros qu'à l'ordinaire, doubles, & fixes. Enfin je voudrois appliquer cette idée à tout. Je voudrois ajuster dans le même goût les barres de fer qui soûtiennent une cornue, & qui servent de grille dans un fourneau fixe. On pourroit encore faire passer de pereils tuyaux à-travers un poêle ordinaire, & échauffer ainsi plusieurs chambres; & l'on pourroit alors en dériver l'air du dehors, selon la méthode de Keslar. Ainsi donc si les Apothicaires n'échauffent pas bien leurs étuves, s'ils y font passer des vapeurs nuisibles, & s'ils font trop de dépense pour cela, c'est qu'ils ne savent pas tirer parti de choses très-avantageuses, & déjà assez anciennes pour être bien connues. Il est aisé de voir l'analogie qu'il y a entre ces cheminées de Gauger, & le poêle à l'italienne. On y trouve aussi quelque ressemblance avec le bain sec de Glauber. Voyez Vaisseau . Gauger met encore d'après quelques autres une petite trape devant l'atre qui donne l'air du dehors pour souffler le feu. Cette invention vient encore originairement des poêles de Keslar. Il est une espece de fourneaux en Chimie, à la figure desquels on dispute son mérite, quoique les auteurs & l'expérience ayent assez parlé en sa faveur. C'est des fourneaux de fusion elliptiques & paraboliques qu'il est question. Béguin en est pour la figure cylindrique & l'elliptique; je place la cylindrique avec, parce qu'elle doit avoir le même sort. On conçoit aisément qu'elle ne peut s'entendre que d'un fourneau qu'on ne voudra pas faire elliptique; & qu'on préfere cette figure à la quarrée. La figure cylindrique doit être aussi essentielle pour réflechir les rayons horisontalement vers un même centre, que l'elliptique pour les refléchir en haut & en bas. Barchusen se déclare pour la forme ovoïde, & dit que par son moyen on peut exciter un grand feu. Il veut aussi la ronde au sujet de son fourneau universel, qui est celui du reverbere de Glaser. Teichmeyer n'en veut qu'à l'elliptique, & il faut avoüer qu'il a outré les choses; car il aime tant à ne rien perdre de l'ellipse, que les grilles placées à leur sommet ont à peine le quart du diametre de ses fourneaux . Vogel qui est vraissemblablement celui qu'il appelle son disciple chéri , dit que c'est la meilleure pour les fourneaux , & qu'elle est d'un avantage bien supérieur à son épaisseur, comme on le peut voir par le fourneau de M. Pott. Enfin Charas, le Mort, Barner, & Juncker demandent tous la figure ronde & l'elliptique. Glauber l'admet pour son fourneau . Le fourneau de Beccher, fig. 71 . en approche. Boerhaave s'en sert non seulement pour le fourneau de Glauber, mais encore pour son fourneau de distillation latérale; & il est aisé de voir par l'explication qu'il en donne, qu'il y croyoit; & l'on sait quel homme c'étoit que Boerhaave dans une pareille matiere. M. Pott a fait un fourneau qui devroit imposer silence aux ennemis de la figure elliptique. M. Cramer, encore bon juge dans cette matiere, l'a admise pour son fourneau de fusion; & la parabolique pour celui de verrerie; & il est aise de voir que s'il n'y compte pas tout-à-sait, il la croit au moins la meilleure de toutes, par les soins qu'il a pris d'ajoûter quantité de variétés au fourneau de fusion dont il se sert. Enfin tous les Chimistes ont admis pour couvrir leurs fourneaux , un dôme qu'ils n'ont peut etre pas regardé comme elliptique, mais qui ne l'est pas moins, ou qui en approche. Voici cependant les objections qu'on fait contre cette figure. On ne doit pas être d'une exactitude scrupuleuse quand il s'agit de donner aux fourneaux dans lesquels on doit faire un feu violent, une figure qui tende à ramasser en un centre les rayons ignés refléchis. 1°. Parce que le garni qu'on leur donne n'est pas fort propre à recevoir le poli: & que, quand bien même il seroit possible de le lui donner, il ne pourroit manquer d'être bien-tôt altéré. 2°. Sans compter que les rayons du feu donnés par les charbons ne suivent pas des lois si constantes que les rayons solaires & les sonores, & ne peuvent conséquemment être déterminés sur le corps qui en doit éprouver l'action. 3°. Et que les vaisseaux qui contiennent la matiere à fondre, ou cette matiere même mise à feu nud, sont entourés de charbons de toutes parts. 4°. D'ailleurs un foyer de peu d'étendue seroit presque inutile, puisque le feu ne pourroit agir que sur une très-petite partie du corps qui lui seroit exposé. 5°. Une pareille figure ne sert qu'à ramasser les cendres, & à nuire au jeu de l'air & à l'action du feu. Telles sont les objections, excepté la derniere, que fait M. Cramer contre la figure qu'il adopte; il faut donc croire qu'il a des raisons contraires qui sont plus fortes, qu'il n'a pas dires: essayons d'y suppléer. On ne doit pas être d'une exactitude scrupuleuse, &c. A la bonne heure; mais s'ensuit-il de-là qu'on n'y doive pas apporter tous ses soins, & que si on pouvoit y réussir, la chose en iroit plus mal: & d'ailleurs n'y a-t-il que cette raison de préférence? c'est la principale à la vérité; mais les accessoires doivent-elles être négligées? La sphere est la figure qui contient le plus de matiere sous la même surface; mais un fourneau ne peut avoir cette figure, & l'elliptique qu'on lui donne est celle qui en approche le plus; ainsi donc celui qui sera construit de la sorte, contiendra le plus de charbon autour du vaisseau qu'on y place. C'est un avantage qu'on ne contestera pas. 1°. Parce que le garni, &c. Mais ce garni ne sera pas plus poli dans un autre fourneau ; & s'il s'altere plus dans celui-ci, ce qui doit être, c'est une preuve que le feu a été plus fort. 2°. Sans compter que les rayons, &c. Cela est très vrai; mais ces rayons qui se refléchissent à droite, à gauche, & en tous sens, sont-ils autant de perdus pour la somme totale du degre de feu qui regne dans le fourneau? non sans doute. Ils doivent concourir à augmenter le mouvement sur quelque endroit qu'ils tombent. Il devroit s'ensuivre par la même raison que les miroirs ardens ne devroient produire aucuns effets, parce qu'ils ne produisent pas tous ceux qu'ils pourroient, ainsi que tout le monde le sait; car s'ils sont vûs de plusieurs endroits, c'est qu'ils y réfléchissent des rayons de lumiere. 3°. Et que le vaisseau, &c. Il seroit à souhaiter à la vérité que le charbon produisit son effet, sans nuire par sa présence; mais de ce que tous les rayons ignés ne parviennent pas au vaisseau, s'ensuit-il qu'il n'en vienne aucun, & en viendroit-il davantage, si le fourneau n'étoit pas elliptique? Il s'ensuit au-moins, selon M. Cramer même, que la figure elliptique doit être conservée dans les endroits ou le charbon ne sera point un obstacle entre le rayon igné refléchi, & le corps qui doit subir son action, & par la même raison la parabolique: tel est le principe de structure du dôme, du sour du Boulanger, de tous les tours quelconques, & de la plûpart des fourneaux en grand, comme le fourneau à l'angloise, ceux d'affinage & de raffinage, &c. où la voûte ne doit pas être regardée comme une simple commodité de construction. 4°. D'ailleurs un foyer, &c. Quand ce foyer ne seroit qu'un point indivisible, devroit-il être négligé? 5°. Une pareille figure, &c. Oüi quand elle est fermée par le bas, ou terminée par une grille de la petitesse de celles de Teichmeyer; mais si on suit les exemples donnés par MM. Boerhaave, Cramer & Pott, & que d'ailleurs on veuille se ressouvenir des pitons ou des barres soutenant la grille, & de sa distance des parois des fourneaux , on les verra tomber comme à l'ordinaire. L'angle n'est point assez considérable pour qu'elles puissent s'y soûtenir. Ceci nous donne occasion de remarquer une particularité du fourneau de M. Pott qui pourroit échapper aisément; c'est que son fourneau s'éleve presque cylindriquement au-dessus du cendrier ou pié-d'estal, & que l'ellipse ne commence qu'à une certaine distance de ce même cendrier. Par-là, si la figure elliptique retient les cendres, comme pourroient toûjours le prétendre contre toute raison les détracteurs de cette figure, ces cendres ne peuvent manquer d'en être précipitées par les charbons, à-mesure qu'ils s'affaissent en brûlant; ensuite dequoi elles se trouvent auprès d'une paroi perpendiculaire qui n'en fera certainement pas un amas. Enfin quand il seroit vrai qu'on ne sauroit pas comment l'ellipse donne un feu plus fort que les autres figures, s'ensuit-il qu'il faudroit se refuser à l'expérience de Pott, par exemple, qui est la meilleure raison qu'on puisse donner; il est bon d'avertir qu'elle est posterieure aux objections de M. Cramer. Il ne faut pas s'imaginer avoir épuisé l'art des fourneaux à beaucoup près; il en est de cette partie de la Chimie la plus nécessaire & la plus maniée cependant, comme de toutes les autres opérations, où il y a toûjours plus de découvertes à desirer, qu'il n'y en a de faites. La plûpart des grands artistes ont négligé de nous donner des idées étendues à ce sujet, quoiqu'elles fussent du détail de leurs opérations, que presque tous ayent parlé des fourneaux , & qu'ils fussent assez philosophes pour ne trouver rien de petit en Physique. L'illustre M. Pott mérite particulierement ce reproche, lui qui a donné un fourneau qui peut passer pour un chef-d'oeuvre, puisqu'il donne un degré de feu supérieur à tout ce qu'on connoissoit de la part de cette sorte d'ustensile. On eût donc souhaité, & il faut espérer qu'il le fera; on eût donc souhaité, dis-je, qu'il nous en eût donné une description très-circonstanciée, & les raisons de ce qu'il prescrit. On desireroit de savoir, p. ex. quelque chose de plus sur la nature de son garni, quels en sont les avantages & les desavantages, quelle en est l'épaisseur, s'il est après la premiere opération tel qu'il sera après la vingtieme, s'il est demi-vitrifié, ou s'il l'est tout-à-fait; à quelle hauteur il met sa grille, quel est le corps qui soûtient son creuset, & sa hauteur; de quelle composition est ce creuset. Si sa grille est posee, comme on peut le soupçonner, à un pie du sol du cendrier, il faut que le soûtien de son creuset soit très-haut, comme on peut l'inférer de ce qu'il dit, qu'il faut emplir le fourneau de charbon presque jusqu'au-haut, pour l'en couvrir. On sent bien qu'il prescrit d'y mettre des charbons ardens, parce que les noirs refroidiroient: mais il me paroît que l'intervalle de huit minutes est bien long pour un pareil feu, & qu'il faut vraissemblablement mettre des charbons noirs très-souvent, encore de crainte de refroidissement; cependant il n'est point question de ceux-ci. S'il y a des cendres dans le cendrier autant qu'il doit y en avoir à-peu-près; s'il en passe beaucoup par le tuyau de fer; quelle est l'épaisseur de ce tuyau; jusqu'à quelle hauteur il rougit; s'il paroît un jet de flamme au-dessus; quelle est communément sa hauteur, & ce qu'il est capable de faire; enfin quels sont les inconvéniens qu'il a éprouvés avant que de parvenir à ce point, qu'on peut appeller de perfection . Toutes ces questions bien éclaircies de la part de M. Pott, & quantité d'autres encore que cet illustre chimiste est capable de se faire, ne pourroient manquer de répandre une grande lumiere sur la théorie des fourneaux qui éclaireroit sur leur construction. Il pourroit encore ajoûter à cela une docimastique de terres & de pierres, dans les vûes de les employer à la construction des fourneaux & vaisseaux; ce qui abregeroit peut-être bien des tâtonnemens. Il est aisé de voir que son fourneau n'est guere destiné qu'à ce à quoi il l'a employé, & il n'en vaut certainement que mieux: on peut cependant y mettre une grille de treize pouces de diametre, si on veut élever le foyer; celle qui sera à la partie inférieure du corps près du cendrier, n'en peut avoir que neuf, en comptant un pouce & demi d'épaisseur pour son garni. J'ai dit que ce fourneau n'en valoit que mieux de ne servir qu'à un usage; & en effet il y a toute apparence que cet illustre artiste ne l'a divisé en différens corps le moins qu'il a pû, que parce qu'il a vû que c'étoit autant de perdu pour la chaleur: delà l'inconséquence de ceux qui veulent tout faire avec le même. On ne disconvient pas que cela ne fût mieux si cela pouvoit être, & qu'on ne réussisse même jusqu'à un certain point; mais on n'a recours à ces sortes de fourneaux abregés qu'en cas de nécessité, preuve certaine de leurs défauts en bien des circonstances; & je ne crois point du tout que celui de Beccher, par exemple, pût fondre les corps qui se fondent dans celui de M. Pott: le fourneau de Beccher peut cependant être appellé un chef-d'oeuvre dans le genre des polychrestes, comme celui de M. Pott l'est en fait de fusion. Le maréchal reverbere la flamme avec l'eau dont il arrose son charbon, & l'expérience lui dit qu'il a raison: mais la concentration qu'on se procurera de toutes parts sans éteindre une partie du charbon, & avec des parois qui l'allumeroient s'il étoit éteint, ne doit-elle pas l'emporter infiniment sur celui de la forge? Les rayons ignés doivent toûjours être comptés pour quelque chose, quelque direction qu'ils ayent; soit qu'ils soient droits, qu'ils aillent vers un centre commun, qu'ils soient refléchis vis-à-vis d'un charbon, ou d'un autre rayon igné ou non, ils doivent toûjours augmenter le mouvement: ainsi donc il n'importe peut être pas tant qu'on le croit que le garni ait le poli d'un miroir parabolique; d'ailleurs il faut remarquer que, comme on ne craint point de casser ce garni par une chaleur subite, on a la commodité de le faire, & on le fait aussi d'une composition qui donne un verre opaque, qui refléchit beaucoup plus de rayons ignes que la composition des autres fourneaux qu'on est obligé de faire poreux, de crainte qu'ils ne se cassent. Nouvelle raison de faire les fourneaux de fusion elliptiques en tôle, & les fourneaux de tôle elliptiques; mais si la figure elliptique est celle qui approche le plus de la sphérique, la cylindrique approche aussi plus de l'elliptique que la quarrée: d'où il suit que cette derniere est la plus mauvaise de toutes. Si les fourneaux en tôle coûtent plus que les autres, on en est bien dédommagé par ailleurs; outre les avantages considérables que nous venons de parcourir, ils ont encore celui de la durée: on croiroit peut-être qu'ils seroient détruits par la rouille; mais cet inconvénient n'arrive qu'avec l'aide de l'humidité, & un fourneau par sa nature n'est pas destiné à y être exposé: il est vrai qu'il a à essuyer celle du garni, mais pour lors il est neuf, il la supporte mieux, elle n'est pas de longue durée, & d'ailleurs on peut le vernir pour l'en garantir. On sait que le fer resiste long tems au feu; nous en avons exposé les raisons, article Flux . Voyez aussi Phlogistique & Reduction . A la vérité le garni empêche que la carcasse du fourneau ne jouisse de cet avantage; mais il se trouve toûjours de petites crevasses, à travers desquelles il se fait jour: au reste il est d'expérience que ces sortes de fourneaux sont les plus durables, ils ne se cassent pas comme ceux de terre; & on doit remarquer que les artistes les plus exercés, tels que les Allemands, les préferent à tous les autres. Si l'on craignoit encore la rouille malgré ce que nous venons de dire, on pourroit avoir recours au cuivre; mais il coûteroit bien plus cher, & pourroit se calciner. Il y a des fourneaux dont la figure paroit être d'abord précisément le contraire de celle qui donne le feu le plus violent; je veux parler de ceux de décoction, qui sont en entonnoir: mais il ne faut pas un grand feu pour faire bouillir de l'eau, & en second lieu il faut qu'ils reçoivent un vaisseau large: cependant si l'on considere, comme on le doit faire, le fourneau avec son appareil, on verra que son ouverture est réduite aux quatre regîtres; ce qui corrige leur défaut apparent: je dis apparent , & en effet il n'est que cela. Les fourneaux coniques sont des especes de fourneaux elliptiques; ils donneroient certainement moins de chaleur s'ils étoient cylindriques, tout étant égal d'ailleurs, c'est-à-dire s'ils avoient une ouverture de même diametre pour recevoir le même vaisseau, & si la quantité du charbon étoit la même. On observe qu'on les fait souvent trop élevés de foyer. Quoique la chaleur monte tout naturellement, & soit poussée en-haut par l'air qui frappe la grille, on ne doit pas laisser de faire un fourneau elliptique ou conique par le bas; parce qu'il faut moins d'aliment pour le feu, que la même quantité y est plus à l'étroit, & fait un tas plus élevé, ce qui est capital, & que le feu en est plus fortement refléchi vers le haut. Enfin un fourneau de fusion doit être elliptique, par la même raison que ceux de decoction sont coniques. Je ne crois pas qu'on soit tenté de nier que le feu acquierre de nouvelles forces par l'augmentation de quantité, par la réflexion; il n'est question pour appercevoir la vérité de ce fait, que de se rappeller qu'il est plus fort dans un fourneau qui ne prend point l'air par les côtés, que dans celui qui le prend; & qu'un charbon seul perd peu-à-peu son mouvement igné, pendant que ce mouvement se conserve entre plusieurs, & est d'autant plas rapde, qu'il est entretenu par un plus grand nombre de corps qui se le communiquent & se le réfléchissent. On sait que plusieurs fils-d'archal liés ensemble comme une gratte-bosse & soufflés vivement, se son lent. Ce feu refléchi de toutes parts doit augmenter de vivacité, par la même raison que quand il est animé par plusieurs soufflets places circulairement. Mais si le mouvement constitue l'action du feu, comme il n'y a pas lieu d'en douter, il doit y avoir quelques endroits du fourneau où ce mouvement sera le plus considerable, comme à un certain espace du foyer, au milieu ou à l'extrémité supérieure du fourneau . Cette conjecture est tirée du rapport que paroit avoir le teu qui y est contenu avec celui de la lampe de l'emailleur: ne devroit-elle pas exciter les artistes à placer dans leurs fourneaux , à diverses distances le l'aliment du feu, des vaisseaux contenant des matieres qui pourroient leur donner de nouvelles lumieres sur son action? Nous n'avons point examiné si le feu étoit plus fort par la structure des fourneaux , qu'avec plusieurs soufflets. On ne trouve point de comparaison là-dessus dans les auteurs, qui la plûpart ont dit oüi & non. Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'avertir que, si les soufflets ne peuvent donner un feu plus violent que celui que donne le fourneau de M. Pott par sa structure, il s'ensuit qu'il faut s'en tenir à cette derniere; elle épargne les soufflets & leur embarras. Mais les figures elliptiques & paraboliques n'ont pas été seulement appliquées aux fourneaux , Gauger en a encore fait usage pour ses cheminees; il en a fait les jambages paraboliques, ou en quart d'ellipse, parce qu'il n'est question d'y refléchir la chaleur que vers leur partie inferieure, afin qu'elle entre dans la chambre: ainsi elles different des fourneaux , en ce que ceux-ci contenant le vaisseau qui doit subir l'action du feu, ils peuvent être coniques ou elliptiques par le bas, pour refléchir la chaleur vers leur milieu. Ce n'est pourtant pas qu'il n'y en ait aussi daus le goût des cheminées, c'est-à-dire de paraboliques seulement par le haut; mais ils ne doivent pas être aussi bons par les raisons que nous avons alléguées, quoique l'air pousse le feu en haut & supplée en quelque sorte aux fonctions des courbes. Mais le tuyau des cheminées de Gauger est trop large; son contre-coeur devroit être parabolique comme ses jambages, sans qu'on pût craindre la fumée. Ses cheminées sont imitées en quelque sorte dans les cheminees à la Nanci , qui sont en tôle & qu'on dit ne pas fumer; ce que je crois volontiers. Leur tuyau est bien en ce qu'il n'a guere qu'un demi-pié de long sur quatre ou cinq pouces de large: mais si elles ont cet avantage sur celles de Gauger, en revanche elles ne sont pas si bien par le devant, qui fait une hotte à-peu-près parabolique comme les côtés. Ce devroit être le derriere; il est vrai qu'elles n'auroient pas tant de grace, mais ce qui est bon doit être beau. Les jambages paraboliques de Gauger empêchent encore la fumée conjointement, avec ses ventouses & son soufflet; ou pense bien que c'est parce que cette fumée est concentrée sur la flamme, & en est brulée en partie: c'est ce qui doit arriver dans les cheminées à la Nanci , dont le tuyau est encore plus étroit; & je crois que cette méthode doit être admise, parce que ces sortes de cheminées peuvent encore chausser considérablement par leur tuyau, qu'il faut prolonger en tuyau de poêle. Généralités ultérieures . Il faut que les corpuscules du feu dégagés de leur combinaison, passent à-travers les pores du fer, d'un poêle par exemple, tels qu'ils sortent à-peu-près du charbon; car on voit sur un poêle & même sur un fourneau , le même fourmillement dans l'air que sur un réchaud dont les charbons ou la braise sont à l'air libre. On peut s'assûrer de ce phénomene en fixant la vûe sur un mur blanchi, un peu au-dessus du foyer qu'on voudra examiner; on apperçoit un fourmillement qui fait vaciller la vûe sur le mur, soit que la direction des rayons de lumiere qui en viennent soit troublée. ou que la vapeur qui en est la cause soit visible ou fasse cette illusion. De quelque façon que cela soit, on appelle ce phénomene fourmillement , parce qu'il paroît que la sensation est la même à-peu près que dans la maladie qui porte ce nom. Enfin qu'elle soit due ou à l'air, ou au feu, ou à une action particuliere de l'un & de l'autre, elle n'en existe pas moins, & elle est même plus visible, si le soleil éclaire l'endroit où l'on fait l'expérience. Tout le monde connoît l'effet qu'elle produit sur les spirales qu'on attache aux poêles; mais il faut qu'un chimiste sache que l'air qui monte avec cette vapeur, est autant de perdu pour l'intérieur de ses fourneaux: cet inconvénient n'est jamais plus sensible que quand on en allume plusieurs les uns près des autres. Le feu y est en partie suffoqué, en conséquence de la raréfaction & de la legereté de l'air environnant. La chose a également lieu quand le soleil, sur-tout en été, eclaire l'endroit où le fourneau est situé. On retient l'air qui est entraine par cette vapeur, en fermant la cheminée & n'y laissant que le tuyau du fourneau , ensorte que tout l'air du laboratoire ne peut passer que par son soupirail. L'effet n'est pas toûjours le même de la part du même appareil, quoiqu'on gouverne le feu avec la même exactitude: ces différences viennent de celle de l'atmosphere: car comme il est vrai à n'en pouvoir douter que tout charbon est d'autant plus animé que l'air est plus dense & le frappe avec plus de rapidité, ce qui est prouvé par le vent des soufflets; il est évident que le feu des fourneaux sera beaucoup moins actif lorsque le tems sera chaud & mou, & que l'air de l'atmosphere sera plus leger. Barner remédie à cet inconvénient d'après Keslar & Glauber, en mettant au soupirail de ses fourneaux une trompe qui descend dans la cave; & Charas en construisant son fourneau près d'un puits, dans lequel il descend tout près de l'eau un pareil tuyau qui aboutit à son soupirail. Tout corps qui passe d'un milieu plus large dans un plus étroit, disent quelques physiciens, prend une accélération de mouvement; & l'on croit expliquer par-là pourquoi une riviere est pius rapide quand son lit s'étrécit, & pourquoi l'air qui passe à-travers un fourneau acquiert une rapidité qu'il n'avoit pas. On croit aussi par la même raison que ces deux cas sont précisément les mêmes. Nous allons tâcher de faire voir que c'est, comme on dit, le feu & l'eau. En premier lieu, nous croyons qu'une riviere ne devient plus rapide quand son lit s'étrécit, que parce que l'eau ne pouvant plus couler avec la même facilité, s'arrête, s'éleve & retarde celle qui est derriere, laquelle étant aussi devenue plus élevée, a nécessairement plus de poids, & doit pousser avec plus de violence l'eau qui est devant elle. Peu importe que ce soit à une écluse, ou à un pont, ou dans son lit, la chose est la même; & il faut croire qu'elle perd encore de cette rapidité par le frottement que M. Bouchu a découvert qu'elle éprouvoit en passant dans un canal étroit; mais elle peut gagner du terrein en-dessus, au lieu que l'air ne peut pas faire la même chose dans un tuyau dont toutes les parois ne lui laissent aucune ressource pour s'étendre: l'eau d'ailleurs reste la même, & l'air se raréfie. En second lieu, s'entend-on bien quand on dit que l'air accélere son mouvement, parce qu'il passe d'un lieu plus large dans un lieu plus étroit? Si l'on approche la main du tuyau d'un fourneau horisontal qui n'est point allumé, on n'y sent point d'air du tout; cependant l'air n'est jamais tranquille, & on devroit le sentir sans feu comme avec du feu dans un fourneau . Gauger n'a dû sentir l'air sortir du tuyau de cuivre de quatre pouces de diametre, que quand il l'a exposé au feu, & point avant. Je sens qu'on me répondra-que rien ne détermine l'air à enfiler un tuyau froid, & qu'il faut pour cela le concours du feu: mais le tuyau de Gauger étoit cylindrique; d'ailleurs m'étant trouve devant le soupirail d'un grand fourneau anglois, j'ai senti l'air frais qu'il attiroit, & cet air n'avoit certainement pas passe d'un endroit plus large dans un plus étroit, car il n'étoit pas encore entré dans le fourneau; & quand il fait du vent, est-ce que l'air de l'atmosphere passe d'un endroit plus large dans un plus étroit? C'est donc uniquement à la raréfaction de l'air par le feu, qu'il faut attribuer le jeu qu'il éprouve dans les fourneaux . L'air le plus chaud est le plus leger, & l'air le plus leger & le plus chaud est le plus élevé dans une chambre, comme Gauger l'a éprouvé par le thermometre & par le tuyau exposé à une chandelle, & d'autres physiciens avant & après lui. Ainsi toutes les fois qu'il y a du feu allumé quelque part, il raréfie l'air en tout sens, & le rend plus leger; mais cet air plus leger monte au-dessus de celui qui est plus pesant, & d'autant plus rapidement qu'il est plus leger: plus le feu est violent, plus il raréfiera l'air & le fera monter rapidement; mais cette raréfaction sera d'autant plus considérable, que l'air sera plus long-tems exposé au feu, & il le sera plus dans un long tuyau que s'il n'y en avoit point-dutout; & d'ailleurs ce tuyau lui-même est fort chaud, puisque la flamme le surmonte encore. Ainsi le tuyau mis sur un dôme servant à la raréfaction de l'air qu'il enferme, occasionnera nécessairement l'abord rapide de celui qui tend à se mettre en équilibre en frappant le cendrier, lequel traversera le charbon avec d'autant plus de vivacité qu'il trouvera moins d'obstacles; & il en trouve très-peu, parce que l'air y est très-rare, & que la colonne est très-longue: il devra donc monter avec d'autant plus de rapidité, qu'il a plus de place à occuper; mais il ne peut passer lui-même à-travers ce canal embrasé, qu'il ne subisse la même raréfaction, & une raréfaction plus considérable dans le second instant que dans le troisieme. Il passera donc plus rapidement, & augmentera conséquemment le mouvement ou la chaleur; ensorte que la colonne qui lui succédera, sera encore plus raréfiée & suivie d'une autre plus rapide, & ainsi de suite. Tels sont les accroissemens successifs & rapides de la chaleur dans les premiers instans qu'on met un tuyau sur un dôme: mais cela ne va que jusqu'à un certain point. Les descriptions particulieres que nous avons mises à la tête de cet article, peuvent apprendre à construire des fourneaux , qui sont des objets particuliers: voici actuellement les corollaires généraux qu'on en peut tirer, qui ne servent guere qu'à satis faire la curiosité; parce qu'on ne bâtit point de fourneau en général, & qu'il est impossible de les appliquer à des objets qu'on ne connoît pas. La partie la plus essentielle d'un fourneau , celle pour qui toutes les autres sont faites, c'est le foyer, ou le lieu où le feu est tenu, animé, & déterminé. Mais comme le feu qui a besoin d'un aliment continuel ne peut subsister sans une cheminée qui dérive la fumée, & un soûpirail qui donne passage à l'air, & enfin une porte pour introduire sa pâture; on a dû voir aisément quelles réflexions on pourroit tirer de leur construction. En second lieu, quand on a bâti un fourneau , on y a toûjours eu en vûe d'y conserver l'énergie du feu animé, de façon qu'elle ne pût se dissiper en vain, & que tout au contraire elle fût déterminée dans les endroits où elle est nécessaire pour y exercer son action. En troisieme lieu, on y a ménagé un endroit propre à contenir les vaisseaux chargés de la matiere à altérer, afin qu'ils pussent y subir l'action du feu uniformément, & dans le degré qui convient, jusqu'à ce que l'opération fût finie. Le meilleur fourneau dans son genre sera donc celui qui sera capable de produire les effets qu'on en attend, avec le moins de frais qu'il sera possible, autant de tems qu'on le voudra, avec toute l'égalité qu'on peut souhaiter, & de façon qu'on puisse le gouverner aisément, c'est-à-dire sans trop de peine de la part de l'artiste, & sans qu'il soit obligé à une présence continuelle. La premiere condition est remplie, si le fourneau est construit de façon que la chaleur excitée soit toute appliquée au corps à changer, sans trop de dépense. On obtient cet avantage si le fourneau est fait d'une matiere très-solide, & si la surface intérieure est figurée de façon à déterminer dans le lieu destiné les forces qui se développent & sont dardées par la pâture du feu. La fabrique pourra aussi en être telle que l'artiste soit sujet à peu d'assiduités, pour fournir de quoi entretenir le feu. On remplit la seconde, quand la matiere combustible bien choisie se consume le plus lentement qu'il est possible, en fournissant toutefois la chaleur nécessaire. On a cet avantage quand le foyer, la cheminée, & les regîtres sont entre eux dans des proportions convenables. C'est en conséquence de ce que nous avons dit, que d'habiles artistes remplissent leur fourneau de charbon; ensorte qu'ils ne sont obligés d'y en remettre de long-tems. La troisieme condition, & la plus nécessaire de toutes, c'est qu'on puisse soûtenir long-tems le feu sans augmenter ni diminuer son degré. La Chimie prouve qu'un degré de feu donné produisoit un effet déterminé sur chaque corps; & que quand l'action du feu étoit forte ou foible, les produits étoient différens; en sorte que ce mélange confus de produits chimiques, étoit le résultat de ces alternatives d'augmentations & de diminutions. D'ailleurs on sait qu'elles changent la nature d'un corps, de façon qu'il n'est plus le même à chaque degré de feu déterminé. Car s'il arrive qu'en se servant du même feu pour les opérations chimiques, on confonde ses degrés d'une façon dans une opération, & d'une autre maniere dans une autre, le même corps ne donnera pas le même produit. C'est ce qui donne lieu à des erreurs souvent dangereuses. On a vû que l'artiste en construisant ses fourneaux , avoit pensé d'abord à la quantité de matiere combustible que le foyer devoit recevoir, contenir, entretenir. En second lieu, à l'espece de matiere qu'il y vouloit mettre pour ce qu'il avoit à faire. En troisieme lieu, à la force du feu requise pour chaque opération en particulier; par la raison qu'égale quantité de la même matiere peut produire dans le foyer du même fourneau toutes les nuances de chaleur qui s'étendent depuis le plus foible degré jusqu'au plus fort, & cela d'une façon soûtenue. En quatrieme lieu, à se ménager la facilité de donner à son foyer l'accès de tout l'air qui lui est nécessaire; il faut encore qu'il soit en état d'apprécier la force avec laquelle il frappe le foyer, soit qu'il y soit déterminé par le jeu ordinaire que lui donne ce foyer, soit qu'il y soit poussé par les soufflets: & enfin qu'il examine les différens états de l'athmosphere, comme la pesanteur, la legereté, l'humidité, la secheresse de l'air, sa froidure & sa chaleur. Car quand le barometre annonce que sa pesanteur est considérable, que cette pesanteur est accompagnée d'une grande secheresse, & qu'en même tems un froid vif roidit tous les corps, on peut s'attendre que le feu sera de la plus grande vivacité. Cinquiemement enfin, on a fait attention à l'issue qu'il falloit donner au feu qu'on vouloit allumer dans le foyer. On a vû qu'il ne falloit pas compter sur une grande activité de la part de celui qui auroit pû s'échapper aisément de toutes parts, & par de grandes ouvertures: mais qu'on pouvoit tout se promettre de l'action du feu, dont les forces réunies étoient déterminées vers le point auquel l'artiste avoit intention de faire subir ses effets. Nous avons indiqué en détail les circonstances particulieres, où tout ce que nous venons de dire en général ou d'une maniere vague, pourra trouver son application & ses exceptions; & nous finirons par ce corollaire ultérieur, qu'un usage aveugle nous a obligé de changer en une définition inutile dans la place qu'elle occupe; qu'un fourneau est un vaisseau au moyen duquel on peut tenir du feu, le gouverner, & l'appliquer comme instrument & quelquefois comme principe, aux corps qu'on veut changer par le feu. En citant les auteurs dans cet article, on a eu pour but de faire voir à qui appartenoit ce dont il y étoit question. Voici donc par ordre chronologique la plûpart des ouvrages dont on s'est servi. Ce catalogue servira pour les articles Ustensiles & Vaisseaux , qui sont nécessairement liés avec celui-ci, & pour tous ceux où il sera question des mêmes auteurs, qui n'ont guere traité les fourneaux que proportionnellement au reste. Gebri regis Arabum philosophi perspicacissimi summa perfectionis magisterii , &c. Gedani , 1682. in-12. p. 278. Géber étoit grec, & a écrit en arabe. On trouve dans cet ouvrage des traits qui feroient honneur à des chimistes d'aujourd'hui. Joannis de Rupescissa liber lucis , 4°. Colon. Agripp. 1579. Nous avons dit que Rupescissa vivoit au xjv. siecle. Agricola de re metallica , lib. XII. fol. Basil . 1521. Cet auteur mériteroit encore de notre tems tous les éloges que lui donne Boerhaave. Thesaurus Evonymi Philiatri, de remediis secretis, liber physicus medicus & partim etiam chimicus , &c. Tiguri , 1552. Fachs a écrit en 1567. La Pyrotechnie ou l'art du feu, contenant dix livres , &c. composée par le sieur Vanoccio Biringuccio, Siennois, & traduite d'italien en françois par feu Jacques Vincent, 8°. Paris, 1572 . C'est le livre d'un homme qui paroît instruit de ce qu'il traite, & qui le décrit si mal, qu'on a de la peine à y entendre ce qu'on sait de mieux. Ercker, aula subterranea, &c. 1574. Voyez l'article Essai sur cet auteur & l'avant-dernier. Alchymia Andreae Libavii , &c. fol. Francofurti , 1606. Dans sa compilation, ce medecin a rassemblé au sujet des fourneaux & vaisseaux presque tout ce qui avoit existé avant lui. C'est celui qui a le plus écrit sur cette matiere, & il a quelquefois bien écrit. Epargne-bois , c'est-à-dire nouvelle & par-ci devant non-commune ni mise en lumiere, invention de certains & divers fourneaux artificiels , &c. par François Keslar, peintre & habitant à Francfort, maintenant publiée en françois pour le bien & profit public de la France, & de tous ceux qui usent de cette langue, par Jean-Théodore de Bry, marchand libraire & bourgeois d'Oppenheim, qui est sur le Rhin, 1619. petit in-4° . de 72 pages. Les élémens de Chimie de M. Jean Béguin, &c. troisieme édition, in-12. Paris , 1624. Rhenani opera chimiatrica , in-12. Francof 1635. Cet auteur contient peu de chose. Furni novi philosophici , &c. per Joannem Rudolphum Glauberum, Amstel. 1658. & suiv . Kunckel laborat. chim. 1670 . Traité de la Chimie , par feu Christophe Glaser, &c. in-12. Paris , 1673. Le Fêvre, seconde édition , in-12. 2. vol. Paris , 1674. Pharmacopée royale de Charas , 4°. 1676. Charas est celui des François qui a le mieux écrit sur les fourneaux , & qui a le mieux connu la nécessité d'en donner des descriptions détaillées. Le Mort, Chimia rationalis & experiment . in-12. Lugd. Bat . 1688. J. Joac. Beccheri tripus hermet. seu laborat. portat . &c. in-12. Francof . 1689. Barneri chimia philosophica perfectè delineata , &c. in-12. Noribergae , 1689. Cours de Chimie , par Nicolas Lémery, 8°, Paris , 1701. M. Baron n'a rien ajoûté à la partie des fourneaux . Mangeti bibliotheca pharmaceutica , &c. fol. 2. vol. 1703. Il est bon d'avertir que, quand nous avons cité Manget sans nom d'ouvrage, c'est celui-ci que nous avons entendu. La sixieme & septieme planche de cet auteur qui sont contenues dans la même page, sont de Barner; les autres sont toutes les figures de Charas, & quelques unes de celles de le Fêvre. Mangeti theatr. chim. curiosum . fol. 2. vol. 1705. La méchanique du feu , &c. par M. Gauger, Paris, 1713. ouvrage excellent qui n'est pas assez connu. Barchusen, element. chim. 4°. Lugd. Batav . 1718. C'est la seconde édition de l'ouvrage que l'auteur donna en 1698. sous le titre de pyrosophia . Vulcanus famulans ou méchanique du feu , ouvrage destiné à l'épargne du bois, & utile aux Fondeurs, Brasseurs, Chimistes, Fumistes, &c. par Joh. Georg. Leutmann, in-8°. troisieme édit. 1735. La premiere est de 1723. Ce livre, qui est en allemand, embrasse dans 53 Planches & 154 pages , tout ce qui est du ressort de la méchanique du feu. L'auteur a profité des poêles de Keslar, des cheminées à ventouses de Gauger, qu'il a augmentés & appliqués à d'autres objets. Il traite aussi des lampes. Il a exécuté ce que Gauger annonce dans sa préface au sujet des brasseries, &c. Enfin il contient en général sur cette matiere tout ce qu'il y a de plus excellent, de plus vrai, de plus ingénieux, & de plus savant. Teichmeyer y a pris quelques-unes de ses figures; & il y a toute apparence que c'est-là qu'il a puisé l'affectation de la figure elliptique dans laquelle Leutmann est trop tombé. Ceux qui voueront varier les poêles a l'infini, pourront consulter son ouvrage, dont ils font la partie dominante, & ils n'auront plus rien à prendre dans l'obscur gallimathias de Keslar. Teichmeyeri, institut. chim. dogmat. experiment . 4°. 1729, auteur versé dans les parties de la Medecine, & par conséquent dans la Physique. Nous avons encore de lui des élémens de cette derniere science. Junckeri conspectus chimiae , 4°. 1730. Boerhaavii elem. chem . 2 vol. in-4°. Paris , 1752. L'édition de Leyde est de 1731. De la fonte des mines de Schlutter . Ce livre parut en allemand en 2 vol. in-fol. Brunswick, 1738. L'édition françoise publiée par M. Hellot est en 2 vol. in-4°. Le premier parut en 1750, & le second en 1753. La premiere partie en françois, ou la seconde en allemand, traitent de la Docimastique. Crameri ars docimastica, Lugd. Batav. 1739. & la seconde édition en 1744. C'est l'auteur qui a le mieux écrit sur les fourneaux , comme sur l'art des essais. Lithogéognosie de Pott; la premiere partie parut en allemand en 1746, & la seconde en 1751. Il a donné quelque chose sur les fourneaux dans les Miscell. berolin. dont nous parlerons article Lut . Cartheuseri, elem. chim. dogmat. experim. edit. secunda, in-12 . 1753. Rudolphi Augustini Vogel , M. D. &c. 8° . Gott. 1755. C'est un professeur de Gottingue qui a beaucoup de lumiere, mais qui n'est peut-être pas assez stahlien. On peut encore consulter sur la même matiere les auteurs dont nous avons parlé à la section des fourneaux philosophiques; les descriptions de Sennert, 1641. Horstius auteur des notes sur Gauger; Strumphii dissertatio nonnulla de sublimationis apparatu exhibens , Halae. 1745. c'est un ouvrage qui a été fait au sujet d'un fourneau de Teichmeyer, qu'on appelle le pot , & dont Vogel donne une haute idée; la verrerie de Kunckel; les ouvrages de Stahl; les laboratoires des chimistes; les distillateurs & les fournalistes de Paris; Dornaeus, Mullerus & Crollius; Ludolf pour les figures élégantes, & les élémens de Chimie théorique de M. Macquer. Vitruve ne parle que de quelques fourneaux en grand, qu'on peut voir dans Libavius, & on ne trouve rien de satisfaisant là-dessus dans l'Antiquité expliquée du P. Montfaucon. Cet article est de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNÉE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FOURNÉE * FOURNÉE, s. f. terme commun à plusieurs ouvriers qui font cuire au four un grand nombre de pieces à-la-fois; comme le fayencier, le manufacturier en porcelaine, le potier de terre, le pâtissier, le boulanger, &c. c'est la quantité de pieces qu'ils ont enfournées à-la-fois. Ainsi ils disent que la fournée étoit entiere, lorsqu'il y avoit au four autant de pieces qu'il en pouvoit contenir; & qu'il n'y avoit que demi-fournée , lorsqu'il pouvoit en contenir une fois davantage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNETTE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOURNETTE FOURNETTE, c'est un petit four dont on se sert dans les manufactures de fayencerie & autres, pour y calciner l'émail qu'on employe pour les fayences. Voyez Fayence . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNIL Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FOURNIL FOURNIL, s. m. en Architecture , c'est dans une grande maison le lieu près de la cuisine, où sont les fours pour cuire le pain, la pâtisserie, &c. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNI Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOURNI FOURNI, voyez les articles Fournir & Fourniture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNIMENT Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. FOURNIMENT FOURNIMENT, s. m. ( Art mil. ) c'est dans l'Art militaire une espece d'étui ou de bouteille de cuir bouilli, de bois, ou de corne, qui sert à mettre la poudre, & qui se bouche avec un tampon ou un bouchon de bois. Les soldats ont toûjours un fourniment; il s'attache à deux cordons qui sont au bout de la bandouliere de buffle, qui sert à porter ou soûtenir la giberne, ou l'espece de gibeciere, dans laquelle le soldat met les charges ou cartouches qu'il a pour tirer. Le fourniment differe du pulverin ou poulverin, en ce que celui-ci est beaucoup plus petit, & qu'il ne contient que la poudre pour amorcer, & que l'autre contient la poudre pour charger le fusil. On appelle encore fourniment dans l'Artillerie, une boîte de cuir ou de corde, qui renferme la poudre pour amorcer le canon & les mortiers. Les canonniers portent le fourniment pendu à leur cou en écharpe. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNIR Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. FOURNIR * FOURNIR, v. act. ( Gramm. ) c'est donner, mais dans une quantité relative à quelque emploi de la chose donnée; par ex. il m'a fourni de l'argent pour mon voyage. Il est quelquefois un synonyme d' achever , mais avec l'idée accessoire de perfection; il a fourni sa carriere. Il s'employe d'une façon neutre, quand on dit ce marchand, cette boutique, ce magasin sont bien fournis; alors il a l'acception générale de contenir, & les acceptions partieulieres de contenir abondance de chaque chose & variété de plusieurs. Fournir se prend en plusieurs autres sens, comme en Escrime, où l'on dit fournir une botte: en Morale ou Logique, avoir une mémoire qui fournit à tout: en Jurisprudence, fournir d'exceptions: en Manege, fournir son air. Voyez les articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fournir Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fournir Fournir , ( Jurispr. ) signifie quelquefois donner, signifier , comme fournir des exceptions, défenses, griefs, & autres écritures. Fournir & faire valoir , c'est se rendre garant d'une rente ou créance, au cas que le débiteur devienne dans la suite insolvable. Cette clause se met quelquefois dans les ventes & transports de dettes ou de rentes constituées. Son effet est plus étendu que la simple clause de garantie, en ce que la garantie s'entend seulement, que la chose étoit dûe au tems du transport, & que le débiteur étoit alors solvable; au lieu que la clause de fournir & faire valoir a pour objet de garantir de l'insolvabilité qui peut survenir dans la suite. Le cédant qui a promis fournir & faire valoir , n'est tenu de payer qu'après discussion de celui sur qui il a cédé la rente. On ajoûte quelquefois à l'obligation de fournir & faire valoir , celle de payer soi même après un commandement fait au débiteur, auquel cas le cessionnaire n'est pas tenu de faire d'autre discussion du débiteur pour recourir contre son cédant. Dans les baux à rente, le preneur s'oblige quelquefois de fournir & faire valoir la rente; l'effet de cette clause en ce cas, est que le preneur ni ses héritiers ne peuvent pas déguerpir l'heritage pour se décharger de la rente. L'obligation de fournir & faire valoir n'est jamais sousentendue, & n'a lieu que quand elle est exprimée. Voyez Loyseau, traité de la garantie des rentes, ch. jv . Louet & Brodeau, litt. F. n. 25 . Le Prestre, cent. 2. ch. xxviij . Bacquet, traité des rentes, chap. xjx. xx. & xxj . Corbin, chap. cjv . Montolon, arrêt 104 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fournir son air Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Fournir Fournir son air , ( Manege. ) c'est de la part du cheval répondre à ce que le cavalier lui demande dans un air quelconque, toûjours avec la même force, la même justesse & la même obeissance. Il est tel air relevé où un cheval ne sauroit fournir long-tems. Il y a moins de mérite du côté de l'animal qui fournit parfaitement son air, qu'il n'y en a du côté du cavalier qui n'exige de lui que ce dont il est cap able, soit qu'il le conduise par le droit ou sur les voltes & dans les autres différentes proportions & figures du terrein que nous observons dans nos maneges. Le plus souvent le défaut de justesse & de précision du cavalier rompt la cadence du cheval, lui fait perdre la mesure de son air qu'alors il fournit mal, ou plûtôt qu'il ne fournit point. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNISSEMENT Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FOURNISSEMENT FOURNISSEMENT, s. m. ( Jurispr. ) c'est le sequestre de la chose contentieuse en matiere possessoire & de complainte, & le retablissement des fruits qui doit être fait ès mains du commissaire. Voyez les coûtumes de Bourbonnois, art. 41 . Poitou, 400. édit de Charles VII. de 1446, art. 37. de Charles VIII. en 1493, art. 48 . Fournissement de complainte signifie la même chose; & sentence de fournissement est le jugement qui ordonne le rétablissement des fruits. Voyez l'édit de Charles VII. de 1453, art. 55. de Louis XII. en 1499, art. 86. & en 1512, art. 54. d'Henri II. en 1559, art. 14. Style des cours & ordonnances du duc de Bouillon, art. 255 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fournissement Author=Mallet Normalized Classification=Commerce de mer Part of Speech=NA Fournissement Fournissement , terme de Commerce de mer , c'est le fonds que chaque associé doit mettre dans une société. On dit compte de fournissement , pour signifier le compte de ce que chaque associé doit fournir dans une société, une entreprise, une manufacture, une cargaison de navire. Dictionn. de Comm. de Trév . & de Chamb . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURNITURE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FOURNITURE * FOURNITURE, s. f. n'a pas des acceptions aussi étendues que fournir . Faire une fourniture , entreprendre une fourniture d'une chose, c'est se charger d'en procurer la quantité nécessaire à celui qui la demande: ainsi la fourniture , c'est la quantite nécessaire d'une chose fournie. Voyez l'article Fournir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourniture Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Fourniture Fourniture , ( Hydraul. ) on entend par ce terme ce que les eaux fournissent par minute, par heure & par jour; ce qui s'exprime par les mots de donner ou d' écoulement . On dit un pouce d'eau donne tant de lignes, tant de pintes par heure; ce qui veut dire tant de lignes, tant de pintes s'écoulent par heure. Voyez Ecoulement . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURQUET Author=Diderot Normalized Classification=Brasserie Part of Speech=s.m. FOURQUET * FOURQUET, s. m. ( Brasserie. ) pelle de fer ovale, divisée sur sa longueur en deux parties par une cloison, & terminée par une douille ou le manche de cette pelle est reçû. Cette pelle sert à rompre la trempe, &c. Voyez l'article & les figures de la Brasserie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRAGE Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=s.m. FOURRAGE FOURRAGE, s. m. ( Maréchall. ) nourriture des chevaux. Ce mot généralement pris, renferme tous les herbages qui servent de pâture aux animaux qui vivent de végétaux. Le fourrage du cheval comprend le foin, la paille & l'avoine, le sainfoin, la luserne & le son. Cet article seroit susceptible de bien des details relatifs à la Botanique, à la Physique, à la Chimie, au Commerce & à l'Agriculture; c'est aux Savans a les approfondir. Nous ne considérerons ici le fourrage que relativement à la santé, aux forces, & aux maladies des chevaux. La bonne nourriture modérément donnée, concourt à entretenir dans le cheval, comme dans tous les animaux, un juste équilibre entre les solides & les fluides. Il résulte de cet accord une sante ferme & vigoureuse: au contraire les mauvais alimens troublent cette harmonie: d'ou suivent quantite de maladies dangereuses & quelquefois mortelles. Ce sont ces mêmes maladies qui nous ont fait scrupuleusement méditer sur leur genre & leur cause; & c'est d'après leurs symptomes, leurs progres, & les impressions qu'elles font sur les visceres du cheval, que nous avons attribue la plûpart de ces accidens à une nourriture acide, acre, corrosive, en un mot pernicieuse, & rendue telle tantôt par le mélange du fourrage , tantot par sa corruption. Les chevaux ne sont exposes à prendre une mauvaise nourriture que dans leur état de domesticité: libres & abandonnés à eux-mêmes pour chercher leur pature dans les prairies, dans les bois, &c. ils n'ont garde de brouter parmi les plantes celles qui de leur nature peuvent être nuisibles à leur santé; leur instinct seul les guide, & dirige leur appetit vers les plantes propres à leur entretien. Il en est tout autrement dans leur état d'esclavage; ils sont obliges de se nourrir de ce que l'aveugle industrie de l'homme leur prépare & leur présente. La nécessité leur fait prendre la plûpart du tems des alimens qui leur sont contraires; & leur appétit naturel irrité par la faim, n'a pas la liberte du choix: ainsi quelque bien intentionné que l'homme doive être pour la conservation de cet animal si secourable, il contribue en bien des cas à sa destruction, par les soins peu éclairés qu'il prend de le nourrir. La disette du fourrage , une epargne mal-entendue, la falsification que la cupidité des marchands de foin n'a que trop mise en usage, font que l'on donne la plûpart du tems aux chevaux un foin moisi ou pourri, par quelque altération qu'il a soufferte ou dans le pré pendant la fenaison, ou dans le grenier après la recolte. Cette nourriture corrompue engendre après un certain tems le farcin, la gale, la maladie du feu, & souvent même la morve. Ces genres de maladies qui tirent leur cause primitive d'une dépravation des humeurs occasionnée par ces mauvais alimens, deviennent la plûpart épidémiques, s'etendent, se multiplient & font les plus grands ravages dans les armées, dans les villes, & dans les campagnes. Si la corruption du fourrage est si pernicieuse, son mélange avec des plantes ne l'est pas moins: de ce mélange il en nait aussi des maladies bien aigues & bien funestes. Le foin est la nourriture du cheval la plus commune; elle est aussi la plus suspecte. Les differens genres de plantes qui naissent dans les près & dans les pâturages, & qui entrent dans la composition du foin, peuvent être distingués en trois differentes classes. La premiere contient celles qui sont bienfaisantes, appétissantes, rafraichissantes, succulentes, humectantes, adoucissantes, &c. telles sont la jacée noire, la grassete des près, qui perdent leurs feuilles avant la récolte, mais dont les tiges s'élevent, se mêlent au fourrage , & sont la base du meilleur foin; la pimprenelle des prés, les paquerettes, le tussilage, la pédiculaire, tous les chiendents, les deux especes de prêles, l'ulmaria ou reine des prés, la scabieuse, le carvi, le sainfoin. la sarriette, la petite chélidoine, les especes d'orchis ou satyrion, le trefle des prés. Si le foin n'étoit composé que de telles plantes, qu'il fût fauché dans sa juste maturité, c'est-à-dire avant qu'il eût seché sur pie, & qu'il fût possible de le faner & de le serrer dans un tems sec, il seroit pour le cheval une nourriture très-salutaire. La seconde classe des plantes qui se trouvent dans les près, compose un foin d'une qualité inferieure au premier, sans être cependant pernicieux à la sante du cheval. Ces plantes sont la cardamine, l'aulnée, se daucus, l'eupatoire, l'euphraise, les especes de pentaphilloïdes, la jacobée, la campanula, le juncago, la leche, la linaire, la lisimachia, les marguerites, le morsus diaboli, la mousse terrestre, la dent de lion, le pouillot, les primeveres, le butomus ou jonc fleuri, le scordium, l'oliet ou trefle sauvage jaune. La derniere classe est celle des plantes pernicieuses à la santé du cheval, & qu'on doit regarder comme autant de poisons. Ces plantes sont l'aconit, toutes les especes de titimale, la gratiole, la ptarmique, les persicaires, la catapuce, la thlaspic, la thora, le peplus, la sardonia, enfin la douve appellée ranonculus longifolius palustris . Ces plantes malfaisantes, confondues avec les bonnes, brisées, desséchées & bottelées ensemble, ôtent à l'animal le moyen de faire la distinction & le choix des bonnes d'avec les mauvaises; il mord indifféremment çà & là dans la botte de foin qu'il a devant lui & avec avidité, selon que la faim le presse. Le cheval ayant mange une certaine quantite de ces mauvaises plantes, il lui survient des tranchées de differens genres; si elles sont flatueuses, le ventre lui enfle à un degre extraordinaire; & s'il n'évacue ses vents, il périt en fort peu de tems: si elles sont convulsives, elles sont accompagnées d'une si grande constipation, qu'il ne peut recevoir ou du moins retenir les lavemens qu'on lui donne, ni laisser échapper les matieres stercorales, symptomes presque toujours mortels. Souvent ce sont des douleurs néphrétiques, que l'on appelle retention d'urine; accident occasionne par une inflammation au cou de la vessie, ou à son sphincter. Enfin les accidens sont differens, selon la qualite de la matiere qui les produit. Nous traiterons de chacune de ces maladies, de leur cause & de leurs remedes, en leurs articles. Nous ne les indiquons ici, que pour prouver la malignité d'un foin mêlé de mauvais herbages. La paille est une espece de fourrage convenable à beaucoup d'animaux domestiques; elle leur sert à deux usages, à la litiere, & à la nourriture; & dans l'une & l'autre, elle est essentielle au cheval. Ceux auxquels on en donne le plus au lieu de foin, sont les chevaux qui par leur tempérament ou à cause de leur exercice, demandent une nourriture moins forte & plus legere que le foin: tels sont les chevaux naturellement gros, & les chevaux destinés à la chasse & à la course. On ne doit leur donner que fort peu de foin, & point du tout à ceux qui sont menacés de la pousse. Les Espagnols & bien des nations méridionales & orientales, ne donnent à leurs chevaux que de la paille, à cause du peu de soin que ces contrées produisent. Leur paille est fort menue, parce qu'elle est brisée aux piés des chevaux ou des mulet, avec lesquels ils battent leurs grains dans une aire que l'on sait en plaine campagne. La paille que l'on donne à manger à ces animaux à Paris & aux environs, est la paille de froment; la plus nourrissante & la plus appétissante est celle qui est blanche, menue & fourrageuse, c'est-à-dire mélangée de bonnes plantes: telles que sont la gesse, le fetu, la fumeterre, le grateron, le laitron, le lisseron, le melilot, l'orobanche, la percepierre, la percefeuille, la tribulle, le pié-de-lievre, la varianella, la scabieuse, la niele, les especes de psyllium, le rapistrum, la vesce, la bourse à pasteur, la velvote, le coquelicot, &c. Observons cependant que la bonté que ces genres de plantes communiquent à la paille, ne peut compenser le dommage que leurs graines causent au blé & à l'avoine. La paille peut être gâtée & corrompue par quelqu'orage qui aura verse les blés dans les champs, ou par une pluie continue qui surviendra pendant la moisson, ou parce qu'on l'aura serrée encore humide dans la grange. Cette sorte de paille n'est ni bien-faisante, ni appétissante pour les chevaux. On donne la paille de différentes manieres. Les Hollandois, les Flamands, les Allemands, & une partie de nos marchands de chevaux la donnent hachée fort menue; on a pour cela un instrument fait exprès, & un homme exercé à cette manoeuvre; on mêle cette paille avec du son & de l'avoine; on prétend que ce mélange engraisse les chevaux, & les remplit. L'expérience des étrangers & des marchands n'a pû nous faire adopter cette espece d'économie, si c'en est une. Non que nous n'ayons fait des tentatives pour la constater; mais elles n'ont fait que nous persuader le danger qu'il y auroit à suivre dans ce pays-ci la méthode des Hollandois & des Allemands, vû la différence qu'il y a entre le travail que ces gens-là font faire à leurs chevaux, & celui que nous exigeons des nôtres. Ces nations menent leurs chevaux au pas, ou tout au plus au petit trot; cet exercice modéré ne leur cause point de forte transpiration, il est très-propre à entretenir une parfaite intégrité dans les excrétions & les secrétions, à donner de l'appétit au cheval, & par conséquent à les maintenir gras; mais d'une graisse sans consistence. Il est avéré que les marchands de chevaux ne font point travailler les leurs, soit crainte qu'il ne leur arrive quelqu'accident, soit pour les entretenir gras, pleins, & polis, & d'une plus belle apparence. Il est aisé de voir que la paille hachée n'est pas propre à donner de la force aux chevaux: 1°. il faut six mois, & quelquefois un an pour engrainer les chevaux ainsi nourris, au sortir de chez les marchands, avant d'en pouvoir tirer un travail pénible & suivi. 2°. On dresse & l'on éduque les chevaux plus facilement au sortir de chez les marchands, que lorsqu'ils ont été nourris un certain tems avec de l'avoine pure au lieu de paille hachée, & la docilité est souvent chez les chevaux comme ailleurs, une preuve de foiblesse. 3°. Nous observons que la plûpart des chevaux qui sont harassés après un travail outré, soit pour avoir poussé des relais à la chasse, ou au carrosse, soit pour avoir fait quelque course longue & rapide, pour peu qu'ils soient délicats de leur naturel, peuvent à peine manger du foin le plus choisi, & de la meilleure avoine; à plus forte raison comment pourroient-ils manger ce mélange volumineux de paille hachée avec un picotin d'avoine? Les plus affamés en mangent à la vérité une petite partie: mais dans ce qu'ils mangent, c'est l'avoine qu'ils choisissent autant qu'il leur est possible, & la paille hachée & le reste de l'avoine sont en pure perte dans la mangeoire, lorsqu'ils ont soufflé dessus. 4°. Il ne peut résulter de cette nourriture que fort peu de chyle, parce qu'il est impossible, comme il est d'expérience, que l'avoine enveloppée dans les parties rameuses du son & les parties irrégulieres de la paille hachée, puisse se triturer assez dans la mastication, pour procurer à l'animal une réparation proportionnée à l'epuisement; de-là vient que la plûpart des chevaux qui mangent de ce mélange frauduleux, rendent une portion de l'avoine sans être digérée, ni même mâchée. Cette nourriture n'est donc propre que pour les chevaux qui font peu d'ouvrage, & qui sont d'ailleurs grands mangeurs. L'avoine est sans contredit la principale & la meilleure nouriture des chevaux; nous en avons de deux especes: la blanche & la noire. Celle-ci est la meilleure, sur-tout si elle est bien nourrie, bien luisante, pesante à la main, sans mélange de mauvaises graines que certaines plantes y deposent; & si elle n'a point souffert d'alteration dans le champ ou dans le grenier. Les graines étrangeres qui se rencontrent fort souvent melées avec l'avoine, & qui dégoûtent le cheval, sont celles de coquelicot, de cardamine, de se nevé, de nielle, d'orobanche, de percepierre, de psyllium, de colsas, &c. Quelque bonne qualité que l'avoine ait par elle-même, ces sortes de graines diminuent beaucoup de sa bonté, au point que les chevaux ne la mangent que difficilement. Le semaille de l'avoine, sa culture & sa moisson méritent beaucoup d'attention de la part du laboureur; il doit sur-tout choisir pour ensemencer son champ, l'avoine pure & exempte des mauvaises graines que nous venons d'indi juer. Mais si malgré son attention quelques-unes de ces sortes de graines se sont glissées dans la semence, ou que le champ en soit infecté d'ailleurs, il doit avoir le soin de les extirper dès qu'elles sont parvenues à une certaine grandeur. Quand l'avoine a acquis sa parfaite maturité, le laboureur après l'avoir fauchée ou sciée, doit la laisser étendue sur le champ, pour lui donner le tems de ce qu'on appelle javeller , au moyen de la pluie ou de la rosée. Cette préparation sert à gonfler & à affermir les grains dans leurs épis: mais s'il arrive que la pluie soit abondante & de longue durée, ensorte que l'on soit obligé de laisser l'avoine coupée étendue dans les champs, elle y germe, & souvent une partie y pourrit. Cette altération la rend pernicieuse à la nourriture des chevaux. Ce n'est point dans les champs que l'avoine acquiert son dernier degré de perfection; elle demande encore beaucoup de soin dans le grenier. On doit la remuer souvent, non seulement pour sa conservation, mais encore pour sa perfection. Si l'on néglige cette manoeuvre, qui doit s'exécuter toutes les trois semaines, ou du-moins tous les mois, l'avoine fermente & s'échauffe; ses principes se developpent, son sel volatil s'exhale en parties; son huile devient rance, fetide, & acide; enfin elle tombe dans une espece de putréfaction qui cause aux chevaux les mêmes maladies que le foin corrompu: telles que le farcin, la maladie du feu, la gale, & quelquefois la morve. Quoique sous le nom de fourrage on n'entende communément que le foin, la paille, & l'avoine, on en cultive cependant deux autres especes, le sainfoin & la luzerne. Le sainfoin ou bourgogne, est une pâture qui demande un terrein chaud, crayonneux, & sec. On doit le faucher si-tôt qu'il est en graine, sans quoi il depérit, ses feuilles tombent, il ne lui reste que la tige; pour lors les bestiaux ne le mangent que difficilement, par la raison que cette tige devient seche & coriasse, & destituée de sucs nourriciers. Un champ semé de sainfoin dure trois ou quatre ans sans le semer de nouveau; après ce tems il degenere en pâturage qui n'est pas même des meilleurs. Le sainfoin ne produit qu'une récolte par an; le regain ne sert qu'à faire paître les bestiaux; on donne rarement du sainfoin pur aux chevaux lorsqu'on a le moyen de le mêler avec d'autres fourrages , par la raison qu'il est une nourriture trop foible. Selon M. de Tournefort, cette plante est détersive, atténuante, digestive, apéritive, sudorifique; qualités par conséquent très-propres à la santé du cheval, & sur-tout si on coupe cette plante avant qu'elle ne soit trop mûre, c'est-à dire sitôt qu'elle est en fleur, tems auquel ses feuilles sont encore succulentes, pourvû qu'on ne la donne à manger que mêlée avec du foin. La luzerne est une des meilleures nourritures que nous ayons pour les chevaux, & nous croyons pouvoir l'égaler au meilleur foin. En vain dit-on qu'elle échauffe ces animaux. On semble fondé à tenir ce langage, en ce qu'elle est très-appétissante & tres nourrissante, que les chevaux en sont fort friands, & qu'elle leur cause des indigestions lorsqu'ils en mangent avec exces; mais c'est à quoi l'on peut remédier facilement, en ne leur en donnant qu'une quantité mesurée. Si on avoit du terrein propre à semer de la luzerne, on en tireroit un grand produit; 1°. elle donne beaucoup plus que les prés ordinaires, quand on n'y supposeroit que la premiere récolte. La luzerne fournit trois coupes au-moins par an: la premiere est excellente pour les chevaux; la seconde est moins bonne, & la troisieme n'est propre que pour les vaches. Enfin la luzerne se reproduit sans la renouveller huit à neuf ans; elle demande un terrein, qui sans être sec, ne soit ni aquatique, ni marécageux. Elle produit d'autant plus que le terrein est meilleur; il y a des pays où elle rapporte quatre ou cinq fois par an; on n'en recueille la graine qu'à la seconde pousse. Nous croyons que cela dépend de ce que l'on coupe la premiere avant que la plante soit montée en graine. Elle engraisse les chevaux beaucoup mieux qu'aucun autre fourrage . Selon le botaniste que nous avons cité, elle est rafraîchissante, propre à calmer les ardeurs du sang. Columelle dir qu'elle guérit les mulets de plusieurs maladies, & que rien n'est meilleur pour eux lorsqu'ils sont si maigres qu'ils ont la peau collée sur les os. Quoique nous n'ayons point fait cette expérience sur les mulets, celles que nous avons faites sur les chevaux la confirment. Quant aux maladies que cet auteur prétend que la luzerne guérit, il est à présumer que ce ne sont que des suites du marasme; & comme le marasme ne vient que d'un défaut d'aliment, la luzerne étant très-succulente, doit en guérir les accidens en même tems que la cause. Le son est un accessoire du fourrage: c'est la partie la plus maigre & la plus terrestre du froment; on en donne aux chevaux malades & à ceux que l'on prépare à la purgation, & pour leur faire de l'eau blanche, & quelquefois des lavemens; le son est humectant, rafraîchissant, détersif, & adoucissant; mais lorsqu'il est vieux, il contracte un mauvais goût: son sel essentiel s'évapore, il n'y reste que la partie huileuse qui devient fétide; son altération fait que les chevaux n'en mangent point, & ne boivent point l'eau blanche avec lequel elle est faite. Tous les genres de fourrages dans leur nouveauté doivent être interdits aux chevaux jusqu'après les premieres gelées, & plus long-tems s'il est possible, par la raison que ces sortes d'alimens doivent acquerir dans le grenier leur dernier degré de maturité. Cette élaboration ne peut être executée que par un mouvement naturel, & secondé à l'égard de l'avoine par le remuement de la pelle pour expulser de cette graine les principes les plus volatils qui troubleroient le méchanisme de l'économie animale: enfin pour se servir du terme du vulgaire, on ne doit pas faire manger des fourrages aux chevaux, avant qu'ils ayent jetté leur feu. Si l'avoine nouvelle fermente dans le grenier ainsi que les autres fourrages , comme nous l'avons observé, elle fermente aussi dans le corps du cheval; ses parties ignées avec les sels acides & alkali volatils sont très-propres à former un chyle aigre qui sert de germe aussi à quantités de maladies moins graves à la vérité que celles que produit l'avoine corrompue, mais qui cependant sont toûjours à craindre. Nous avons vû que dans le fourrage le mélange naturel & fortuit des plantes bonnes & mauvaises, est très-dangereux pour les chevaux; on sent d'ailleurs l'extreme difficulté de purger les prés des herbes pernicieuses qui y naissent; cependant l'industrie humaine est déjà parvenue à faire des prés artificiels en sainfoin & en luzerne; on en fait de même de trefle dans le terrein de Flandres. Ne pourroit-on pas proposer à ceux qui ont un intérêt essentiel à recueillir un foin pur, pour procurer à leurs chevaux la nourriture la plus saine, de prendre parmi les herbes qui composent le foin, la classe de celles que nous avons indiquées comme les meilleures, & de ne se servir que de ces graines pour ensemencer leurs prés? Le choix n'en seroit ni difficile ni coûteux, & procureroit de grands avantages; cet objet demande d'autant plus d'attention, qu'il importe beaucoup à la conservation & à la santé de celui de tous les animaux, dont la foiblesse industrieuse de l'homme tire le plus de soulagement & de secours. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourrage Author=Le Blond Normalized Classification=Art Militaire Part of Speech=NA Fourrage Fourrage , dans l'art militaire , est tout ce qui sert à la nourriture des chevaux des cavaliers & des officiers de l'armée, soit en garnison, soit en campagne. Fourrager ou aller au fourrage , c'est lorsque les armées sont en campagne, aller chercher dans les champs & dans les villages le grain & les herbes propres à la nourriture des chevaux. Lorsque des troupes sont commandées pour cette opération, on dit qu' elles vont au fourrage , & l'on dit aussi qu' un champ, une plaine ou un pays ont été fourragés , lorsque les troupes ont enlevé ou consommé tout le fourrage qu'il contenoit. Ceux qui travaillent à couper le fourrage ou à l'enlever des granges & autres lieux où il est renfermé, sont appellés fourrageurs . Pour que les armées puissent se mettre en campagne, il faut avoir de grandes provisions de fourrage dans les lieux voisins de celui qu'elles doivent occuper, ou bien il faut que la terre soit en état de fournir elle-même ce qui est nécessaire pour la nourriture des chevaux. Comme ce sont les blés qui produisent les fourrages les plus abondans & les plus nourrissans, les armées ne peuvent guere s'assembler que lorsqu'ils ont assez de maturité pour servir à la subsistance des chevaux; ce qui arrive en France & dans les pays voisins vers le 15 du mois de Mai. Avant ce tems il n'est pas possible de tenir la campagne sans de nombreux magasins de fourrage , qui sont d'une dépense très-considérable, & qui d'ailleurs servent souvent à faire connoître à l'ennemi le côté où l'on se propose de l'attaquer. Lors donc que la terre est chargée de blés, d'autres différens grains, & d'herbes en état de couper, on envoye les troupes au fourrage . Pour cet effet les fourrageurs, outre leur mousqueton ou leur épée qu'ils doivent porter chacun pour s'en servir en cas d'attaque, ont aussi des faulx pour couper le fourrage , & des cordes pour le lier & en faire des trousses. Ce sont de grosses & longues bottes du poids de cinq à six cents livres ou environ. On les charge sur les chevaux. Chaque cheval en porte une & le fourrageur par-dessus. Fourrager de cette maniere en plaine campagne , c'est fourrager au verd ou en verd, parce que tout le fourrage que l'on coupe est verd; mais lorsque les moissons sont recueillies & qu'il n'y a plus rien dans la campagne, on va prendre le fourrage dans les villages, & l'on dit alors qu' on fourrage en sec , ou au sec . Dans les fourrages au sec, on prend le grain battu lorsque l'on en trouve, & on le met dans des sacs que l'on porte avec soi pour cet usage. On lie aussi avec des cordes le foin que l'on veut emporter, & l'on en fait des trousses que l'on charge sur le cheval; le cavalier monte dessus, & il revient tout doucement au camp comme dans le fourrage au verd. Lorsqu'une armée arrive dans un camp, elle se sert d'abord du fourrage renfermé dans l'enceinte des gardes du camp. Comme il est bien-tôt consommé, on s'arrange pour en aller chercher plus loin. Pour le faire avec sûreté, le général donne une escorte aux fourrageurs, & il fixe le jour & lieu où doit se faire le fourrage . L'escorte étant parvenue au lieu du fourrage , on lui fait former une espece d'enceinte qui renferme le terrein que les troupes doivent fourrager. Cette enceinte se nomme la chaine du fourrage . Elle a beaucoup de ressemblance à celle des troupes qui composent la garde du camp; c'est-à-dire qu'elle est formée de même de différens corps à portée de se soûtenir les uns & les autres, & d'empêcher que les fourrageurs ne puissent sortir de l'enceinte du fourrage . Comme ces corps n'ont pas la facilité d'être secourus du corps de l'armée comme les gardes du camp, à cause de leur éloignement, on les fait assez nombreux pour qu'ils soient en état de résister aux différens partis ou détachemens que l'ennemi pourroit envoyer pour troubler le fourrage & attaquer les fourrageurs . Pour régler la force des escortes, il faut savoir quelle est la position de l'ennemi, la facilité qu'il a de se transporter au lieu du fourrage , & le tems dont il a besoin pour cela. On doit comparer ce tems avec celui qui est nécessaire pour l'exécution du fourrage & pour la retraite des fourrageurs. Si l'on juge qu'on n'ait rien à craindre que de quelques petits partis de troupes legeres, il suffit alors de former une chaîne de sentinelles & de védetes pour empêcher les fourrageurs de passer du côté de l'ennemi, & de placer seulement dans les lieux les plus exposés, des corps de quarante ou cinquante hommes. Mais s'il y a un corps considérable de troupes ou un camp-volant de l'ennemi placé ou campé plus près du fourrage que ne l'est le camp de l'armée qui fait fourrager, il faut alors régler la force des escortes sur celle de l'ennemi, & prendre toutes les précautions nécessaires pour l'empêcher de troubler le fourrage , ou du-moins pour être en état de résister à ses attaques, en cas qu'il juge à-propos d'en faire. Pour juger de l'étendue du terrein que le fourrage doit occuper, il faut, comme le remarque M. le Maréchal de Puységur, savoir le nombre des chevaux qu'il y a dans l'armée, afin de pouvoir évaluer à-peu-près la quantité de rations de fourrage dont on a besoin. Suivant cet auteur, la nourriture d'un cheval par jour, dans le tems du verd, comme en Mai & en Juin, où l'on fauche les prés & les blés, doit peser de cinquante à soixante livres; & comme le fourrage devient sec au bout de trois ou quatre jours qu'il est coupé, & qu'alors les chevaux n'en veulent plus, il s'ensuit qu'il faut nécessairement aller au fourrage tous les trois ou quatre jours. Dans le mois de Juillet, ou le grain commence à avoir plus de consistence dans l'épi, il n'est plus besoin d'un poids si pesant pour la nourriture du cheval: c'est pourquoi un moindre nombre de chevaux peut alors suffire à porter le fourrage dont on a besoin. Lorsqu'on est parvenu à connoître le nombre des rations de fourrage nécessaires pour l'armée, & qu'on sait quelle est la quantité qu'un cheval peut en porter, il est aisé de déterminer le nombre des chevaux qu'il faut envoyer au fourrage; ou, ce qui est la même chose, le nombre des trousses qu'il faut en rapporter. Si l'on sait après cela ce qu'il faut de terrein pour faire une trousse, suivant les différentes especes de terres ensemencées, on pourra évaluer à-peu-près l'espace que le fourrage doit embrasser. Quoique ce calcul ne puisse pas se faire avec précision, il peut servir neanmoins à donner une idée de la grandeur du terrein qu'il faut fourrager. L'illustre auteur que nous venons de citer prétend que si on trouve qu'une plaine peut fournir, par exemple, vingt mille trousses, il faut les réduire à dix mille, parce que les troupes françoises sont dans l'usage de fourrager sans ordre, & de perdre ou gaspiller la moitié du fourrage; inconvénient très-grand, auquel il seroit très-important de remédier: car outre qu'il oblige l'armée, pour peu qu'elle séjourne dans un même camp, à aller chercher les fourrages au loin, ce qui fatigue & ruine la cavalerie, il contraint aussi fort souvent le général de changer de camp & de position dans des circonstances où il ne peut le faire sans donner quelqu'avantage sur lui à l'ennemi. Comme les autres nations, & particulierement les Allemands, fourragent avec plus d'ordre & d'oeconomie, peut-être qu'il ne seroit pas impossible de parvenir à les imiter en cela, si l'on vouloit donner à l'exécution du fourrage toute l'attention qu'elle mérite. Avant de donner le détail de l'opération du fourrage , il est à-propos d'observer qu'il y a de grands fourrages & de petits. Les premiers sont ceux qui se font au loin pour toute la cavalerie de l'armée, dont il marche environ les deux tiers; les autres se font dans l'enceinte des grandes gardes du camp, ou un peu au-delà: lorsqu'ils se font plus loin, c'est seulement par une partie de la cavalerie, comme d'une aîle ou d'une ligne. Les grands fourrages , ainsi que les petits, peuvent se faire en-avant ou en-arriere de l'armée: comme dans ce dernier cas ils n'exigent pas les mêmes précautions que dans l'autre, parce qu'ils sont couverts de l'armée, nous ne parlerons ici que des grands qui se font en-avant, & nous donnerons un précis des différentes considérations qui peuvent contribuer à leur sûreté: car comme le dit M. le chevalier de Folard, ces sortes de fourrages ne se font qu'avec de grandes précautions & un très-grand art, lorsque les armées sont proches l'une de l'autre . Exécution du fourrage . Lorsque le lieu que l'on veut fourrager est ouvert, c'est-à-dire qu'il est en plaine ouverte de tous côtés, sans bois ni défilés, les escortes doivent être plus fortes en cavalerie qu'en infanterie. Si au contraire il est couvert en partie de bois, de ravins, ruisseaux, &c. l'infanterie de l'escorte doit être alors plus nombreuse que la cavalerie, parce que la défense de ces sortes de postes la regarde uniquement. Il suit de-là, que pour regler le nombre & la nature des troupes qui doivent servir d'escorte aux fourrageurs, il faut avoir visité avec beaucoup d'attention le terrein que l'on veut fourrager. Supposant donc que l'officier qui doit commander le fourrage , a pris toutes les précautions nécessaires à cet égard pour se mettre à l'abri des entreprises de l'ennemi, & qu'il a reconnu pour cet effet les différens postes que les troupes doivent occuper; le jour du fourrage étant venu, si l'armée entiere doit fourrager, comme on le suppose ici, le commandant des fourrages fait partir les escortes à la pointe du jour, ou pendant la nuit, suivant la distance du camp au lieu où le fourrage doit se faire, ou selon qu'on veut cacher ses desseins à l'ennemi. Les escortes partent toûjours quelque tems avant les fourrageurs, afin qu'elles puissent former la chaine ou l'enceinte du fourrage avant leur arrivée, & s'assûrer des postes qu'elles doivent garder. Les escortes partent ordinairement du camp sur deux colonnes, dont l'une sort par la droite & l'autre par la gauche. L'officier qui les commande, qui communément est un marechal de camp, se met à la tête de celle de ces colonnes qu'il juge à-propos; & le principal officier après lui, se charge de la conduite de l'autre. Elles marchent chacune de lour côté vers le lieu du fourrage: lorsqu'elles y sont arrivées, elles se réunissent vers le lieu le plus avancé du fourrage , en formant chacune la moitié de la chaîne qui doit le renfermer; ce qui se fait de cette maniere. A mesure que le commandant de chaque colonne passe à portée de l'endroit où il doit poster une troupe, il en donne l'ordre à l'officier qui la commande, ou à un autre qu'il choisit pour cet effet, lequel la fait rester dans cet endroit, & prendre la position qu'elle doit avoir. On observe de prendre à la queue de chaque colonne les troupes qui doivent occuper les premiers postes, afin que les têtes des colonnes ne souffrent point de retardement dans leur marche, & qu'elles se réunissent ensemble pour fermer le milieu de l'enceinte ou de la chaine du fourrage . Comme les têtes des deux colonnes précédentes occupent la partie de l'enceinte la plus avancée du côté de l'ennemi, & par conséquent la plus exposée, le commandant du fourrage , outre les troupes qui forment la chaîne, en tient encore ordinairement en cet endroit d'autres particulieres pour le fortifier davantage, pour servir de reserves en cas qu'il soit nécessaire de porter du secours dans quelqu'autre partie de l'enceinte. L'officier qui commande le fourrage doit prendre son poste vers le point de reunion des tetes des colonnes: c'est-là qu'on doit le trouver pour l'informer de tout ce qui peut arriver dans l'opération du fourrage , & pour prendre ses ordres. S'il veut néanmoins le promener dans l'enceinte du fourrage , pour examiner si les gardes sont bien postées & en bon état, il doit laisser des officiers à son poste, chargés de lui amener tous ceux qui auroient à lui parler, & à lui donner des avis sur les demarches de l'ennemi. Pour en être informé plus exactement, il est à-propos qu'il ait de petits partis de troupes lege es qui rodent continuellement entre le camp de l'ennemi & le lieu du fourrage . L'heure prescrite par le général pour le départ des fourrageurs etant arrivée, on les fait sortir en ordre du camp, distingues par régimens & brigades. A la tête de chaque régiment de cavalerie & de dragons, il y a un officier accompagné de quelques cavaliers armes, qui forment ce que l'on appelle petite escorte; les colonels & les brigadiers qui vont au fourrage , se mettent a la tête de ces petits corps. Les domestiques des officiers de cavalerie & de dragons marchent immédiatement après les cavaliers ou les dragons de leur régiment ou de leur escadron. A l'égard des domestiques des officiers de l'infanterie, ils s'assemblent également par régiment, & ils ont de même des officiers de leur corps à leur tête, pour les commander. Les fourrageurs du quartier général se réunissent aussi en corps pour aller au fourrage; ils y sont conduits par des officiers particuliers chargés de veiller sur eux. Il en est de même des fourrageurs de l'artillerie & des vivres. Tous ces differens corps de fourrageurs marchent en ordre sur le nombre de colonnes reglées par le commandant du fourrage . Lorsqu'ils sont arrives sur le terrein qu'on doit fourrager, on leur permet, si la chaîne est formée, de se séparer, & d'entrer dans les fourrages qu'ils doivent couper; ce qu'ils exécutent aussi-tôt au grand galop. Ils se répandent dans la plaine, à peu-près de la même maniere qu'un torrent qui auroit rompu ses digues; & à mesure qu'ils arrivent dans les endroits ou ils croyent devoir s'arrêter, ils se jettent à terre promptement, & ils designent le terrein qu'ils veulent fourrager, en coupant avec la faux le dessus de l'herbe ou des grains de l'enceinte de ce terrein. Tout endroit ainsi marque appartient à celui ou à ceux qui en ont pris possession de cette maniere. Les autres fourrageurs vont plus loin s'approprier également le terrein dont ils ont besoin, ou dont ils jugent avoir besoin. Comme chacun d'eux determine ainsi à sa volonté l'espace qu'il veut fourrager, il arrive presque toûjours que cet espace est plus grand qu'il ne faut; ce qui oblige d'augmenter, & par conséquent d'assoiblir la chaine du fourrage; que d'ailleurs tout n'est pas coupé exactement ou avec soin, & qu'il y en a beaucoup de foulé aux pies des chevaux, & de gâte inutilement. Pendant l'execution du fourrage , les petites escortes se promenent dans l'enceinte, pour observer les fourrageurs de leurs régimens, & empécher le desordre & les disputes qui pour orent s'elever entre eux. Après que les commandans des petites escortes ont reconnu toute la di position interieure du fourrage , ils placent ces escortes dans les lieux les plus propres à decouvrir tout ce qui se passe dans son etendue, afin de pouvoir se transporter promptement par-tout où on peut en avoir besoin, & d'agir même contre les ennemis, s'il y en a qui veulent inquieter les fourrageurs. Si-tot que les fourrageurs ont marqué l'enceinte du terrein qu'ils veulent fourrager, ils le fauchent le plus promptement qu'il leur est possible. Pendant cette opération, leurs chevaux qui y sont renfermés, repaissent & se reposent: lorsqu'elle est finie, ils fort leurs trousses, ils les chargent sur les chevaux, & ils montent dessus pour regagner tranquillement le camp de l'armée. On a observé que le tems de l'exécution du fourrage , depuis l'arrivee des fourrageurs dans le lieu ou il doit se faire jusqu'à ce qu'ils soient prêts à partir pour retourner au camp, n'est que d'environ deux heures, pourvû toutefois qu'on ait soin d'empecher les fourrageurs de courir aux legumes, & de s'amuser autour des villages pour chercher à piller. Les petites escortes de chaque régiment se mettent en mouvement des que leurs fourrageurs commencent à défiler: quand ils sont entierement sortis du lieu qu'on? fourragé, elles les suivent pour y entretenir le bon ordre, & les empêcher de s'amuser en chemin. Les fourrageurs étant tous retirés, le commandant du fourrage donne les ordres nécessaires pour reunir les troupes qui en ont formé la chaine: il fait ensuite la retraite avec ces troupes, observant de ne laisser aucuns fourrageurs ou traîneurs en-arriere. Dans les fourrages au sec, on va chercher dans les villages les provisions que l'on ne trouve plus sur la terre ou dans la plaine. Souvent chaque brigade a ordre d'aller fourrager à un village détermine; alors les autres brigades ne peuvent venir dans le même lieu. Il résulte de cet arrangement beaucoup plus d'ordre & de police dans l'exécution du fourrage , parce que les chefs sont plus à portée d'y veiller. Pour que cette opération se fasse sûrement, il faut avoir reconnu le pays auparavant, soit par soi-même, soit par le rapport des espions ou des différens partis qu'on y aura fait roder, commandés par des officiers intelligens. Si l'on avoit tout le tems nécessaire, on pourroit, comme le propose M. le Maréchal de Puységur, aller examiner dans les granges de chaque village qu'on a dessein de fourrager, la quantité de fourrage qu'on en peut tirer: mais cet examen est presque impossible, tant par le tems qu'il exige, que parce qu'il faudroit mettre ensuite des gardes dans toutes les granges, pour empêcher les paysans d'en enlever le fourrage ou le grain, qu'ils enfoüissent souvent dans la terre, lorsqu'ils se croyent à portée d'être fourragés. Pour éviter cet inconvénient, il faut que l'arrivée des fourrageurs dans les villages ne puisse pas être prévûe; & alors on ne peut savoir ce qu'ils contiennent de fourrage , que par les lumieres qu'on peut tirer des gens du pays; s'informant, dit M. le Maréchal de Puységur, combien le village nourrit de bêtes à corne ou de chevaux pendant l'hyver; si les récoltes qu'il fait sont suffisantes pour ses différentes provisions, ou s'il est obligé d'en tirer d'ailleurs. On peut par-là avoir une idée de la quantité de fourrage qu'on peut trouver dans un village, & évaluer en conséquence le nombre de fourrageurs auxquels on peut l'abandonner. Au lieu de laisser les fourrageurs se répandre ou se disperser dans un village pour en enlever le fourrage , on peut obliger les chefs du lieu à faire amener à la tête du village toutes les provisions qu'on peut en tirer. Lorsqu'on prend les précautions nécessaires pour qu'ils l'exécutent exactement & fidelement, le fourrage se fait bien plus promptement. Alors les cavaliers ont moins d'occasions de s'écarter dans les maisons pour y piller au lieu de fourrager; ce qui n'arrive que trop souvent. Dans le fourrage au sec, il faut, comme dans celui qui est au verd, former une chaîne pour la sûreté du fourrage , & pour empêcher les fourrageurs libertins de se répandre dans le pays. Comme on trouve dans les villages le fourrage de tout le terrein qui en dépend, un petit nombre de villages peut fournir celui dont on a besoin. Par conséquent la chaîne peut avoir moins d'étendue que dans les fourrages au verd: mais elle doit toûjours renfermer exactement les villages qu'on veut fourrager. Si ceux qu'on a renfermés d'abord ne sont pas suffisans, le commandant du fourrage fait étendre la chaîne pour en comprendre d'autres dedans; il faut éviter de recourir à cet expédient, parce qu'il dérange l'ordre des postes, qu'il fatigue l'escorte, & que le fourrage est alors d'une expédition moins prompte. La retraite se fait dans les fourrages au sec de la même maniere que dans ceux qui se font au verd; c'est-à-dire qu'à mesure que les fourrageurs d'un régiment ont chargé le fourrage sur leurs chevaux, ils partent aussi-tôt suivis des petites escortes de leurs régimens; & qu'à mesure qu'un village est évacué, l'escorte qui forme la chaîne du fourrage , doit se resserrer pour se mettre en état de marcher à la suite de tous les fourrageurs. Considérations qui servent de regles ou de principes pour la sûreté des fourrages . 1°. On peut compter d'abord sur l'ignorance de l'ennemi, qui ne sait ni le jour que l'armée doit fourrager, ni le lieu où elle doit aller, lorsqu'on prend la précaution de ne le point déclarer. Quand il seroit instruit du jour du fourrage , à moins qu'il ne le soit aussi à-peu-près du lieu où il doit se faire, il ne sera pas à-portée de venir le troubler. S'il a plusieurs partis ou détachemens en campagne pour le découvrir, il faut que ces détachemens non-seulement rencontrent les fourrageurs, mais qu'ils puissent les suivre pour s'assûrer exactement du lieu que l'on va fourrager; ce qui demande trop de tems pour que l'ennemi en soit informé assez tôt pour venir tomber en force sur les fourrageurs pendant l'opération du fourrage . S'il se contente d'y envoyer des troupes legeres, l'escorte des fourrageurs sera en état de leur résister. Ainsi en observant le secret sur le jour & le lieu du fourrage , on empêche ordinairement que l'ennemi ne prenne des mesures pour le troubler. 2°. On fait ensorte de savoir le jour que l'ennemi doit aller lui-même au fourrage; si l'on en est instruit, on peut s'assûrer qu'il s'occupera du sien, & qu'il ne cherchera pas à troubler le vôtre. Mais il faut bien prendre garde que ce ne soit une ruse de sa part pour vous engager d'envoyer vos troupes au fourrage , & tomber sur vous avec les siennes: c'est ce qui demande bien de l'attention, lorsque les armées ne sont qu'à très-peu de distance l'une de l'autre. 3°. Comme le général a toûjours des espions dans le camp de l'ennemi, il faut qu'ils ayent soin d'observer les différens détachemens qui en sortent, & de lui en donner avis aussi-tôt, en lui marquant le chemin que ces détachemens leur ont paru prendre. Par cette précaution le général, lorsque ses espions le servent bien, c'est-à-dire lorsqu'il les choisit intelligens & qu'il les paye bien, peut juger de l'objet de l'ennemi; s'il croit qu'il ait dessein de tomber sur les fourrageurs, il leur envoye des ordres pour les faire retirer promptement. 4°. Si le général apprend que l'ennemi marche en force pour troubler le fourrage , & que cette nouvelle arrive avant que les fourrageurs puissent être parvenus au lieu du fourrage , il envoye aussi-tôt au-devant d'eux pour les arrêter; & si l'on présume qu'ils y soient arrivés, on leur fait les signaux convenus, pour les rappeller ou les faire retirer. Ces signaux se font ordinairement par un certain nombre de décharges de pieces de canon. Si c'est le commandant du fourrage qui soit informé par ses partis, que l'ennemi s'avance en bon ordre pour l'attaquer avec un nombre de troupes supérieures aux siennes, il fait retirer promptement les fourrageurs, & il envoye au camp pour en instruire le général, & lui demander du secours, pour assûrer & protéger sa retraite; en attendant il rassemble toutes les escortes, & il leur fait prendre le chemin du camp dans le meilleur ordre qui lui est possible. Lorsque les ennemis qui marchent contre un fourrage sont en grand nombre, il est rare que le pays lour permette de marcher sur un assez grand front pour arriver ensemble. Si le terrein leur est favorable pour cela, il est au-moins difficile de marcher alors avec ordre & vîtesse. Les différens corps de l'armée ou du détachement de l'ennemi, se trouvent dans l'obligation de s'attendre les uns & les autres: pendant ce tems le commandant du fourrage , dont la marche est plus legere, fait sa retraite ou se met à-portée du secours que le général lui envoye. Si l'ennemi détache quelques troupes en-avant pour commencer l'attaque & retarder la marche des fourrageurs; pendant qu'il s'avance plus lentement avec le gros de son détachement, le commandant du fourrage doit faire ensorte que la retraite ne soit point interrompue; & pour se débarrasser des ennemis qui le harcelent, réunir à la queue des fourrageurs un nombre de troupes de l'escorte, supérieur aux détachemens ou aux partis de l'ennemi; & lorsque ces partis se trouvent à-portée d'être attaqués, on les fait charger vigoureusement, en recommandant expressément aux troupes de l'escorte de ne pas s'abandonner à leur poursuite, mais de réjoindre la queue des fourrageurs aussi-tôt qu'elles auront rompu celles de l'ennemi, de maniere qu'elles ne puissent pas se rallier aisément. On en use ainsi, afin que les troupes de l'escorte ne cessent point de couvrir la retraite des fourrageurs, & qu'elles soient toûjours en état de s'opposer aux nouvelles entreprises que l'ennemi pourroit faire contre eux. 5°. Lorsque l'ennemi se trouve obligé pour interrompre ou troubler un fourrage , de s'éloigner de son camp d'une distance trop considérable pour en être aisément secouru dans le besoin, il arrive rarement qu'il ose le tenter; parce qu'il ne peut guere le faire sans s'exposer à être battu: car comme il est difficile qu'il soit exactement informé de la force des troupes qui composent l'escorte, il peut arriver qu'elles soient supérieures aux siennes, & qu'elles le laissent s'engager dans le pays pour lui fermer la retraite & le défaire entierement. Un général prudent ne s'expose pas à cet inconvénient; c'est pourquoi il ne cherche guere à troubler les fourrages qui se font loin de son camp, au-moins avec de gros corps de troupes; il se contente d'y envoyer quelquefois des troupes legeres, & alors les escortes bien placées & bien commandées, sont suffisantes pour la sûreté des fourrageurs. 6°. Lorsque le général est plus fort en cavalerie que son ennemi, & qu'il ne craint point de s'engager à combattre, il peut se hasarder davantage dans les fourrages qu'on ne l'a supposé ici. Il peut mener sa cavalerie du côté de l'ennemi; & s'il ne voit point de mouvemens dans son camp, faire mettre pié à terre à une partie de son monde pour fourrager, pendant que l'autre qui est sous les armes, tient l'ennemi en respect. S'il se met en devoir d'attaquer les troupes qui couvrent les fourrageurs, ceux-ci laissent-là aussi-tôt le fourrage , se mettent en selle, & se présentent avec les autres pour combattre. Mais si le général a des raisons particulieres pour ne point engager une action, il prend de bonneheure les précautions convenables pour n'être point entamé dans sa retraite. Pour cet effet il envoye de gros détachemens d'infanterie dans les bois, les villages, & les différens défilés, par où il doit se retirer. Il est à propos que ces détachemens ayent avec eux plusieurs pieces de canon; on en impose alors davantage à l'ennemi, & l'on rallentit l'activité de sa poursuite. On doit aussi y joindre quelques troupes de cavalerie pour soûtenir la retraite de ces détachemens. Lorsqu'en se retirant d'un endroit qu'on a fourragé on craint que l'ennemi ne tombe sur la queue des fourrageurs, la meilleure partie de l'escorte doit être à l'arriere-garde; mais s'il peut tomber sur le flanc de la marche, il faut qu'il y ait différens corps de troupes legeres qui rodent continuellement sur ce flanc, pour decouvrir de bonne-heure les mouvemens de l'ennemi, & pour en avertir le commandant du fourrage . Il fait aussi-tôt les dispositions nécessaires pour s'opposer aux desseins de l'ennemi, & faire ensorte que la retraite des fourrageurs ne soit point interrompue. Il y auroit encore beaucoup d'autres choses à dire sur l'opération du fourrage; mais on a voulu se renfermer ici dans les principales observations qui peuvent servir de regles ou de principes pour l'exécuter sûrement. On renvoye pour le reste au livre de M. le maréchal de Puysegur, tom. I. pag. 398 . & tom. II. pag. 63 . On pourra lire aussi très-utilement le xj. chapitre du XI. tome des réflexions militaires de M. le marquis de Santa-Crux; ce que M. le chevalier de Folard dit sur les fourrages, pag. 341. & suiv. dans le quatrieme volume de son commentaire sur Polybe; & les mémoires sur la guerre , de M. le Marquis de Feuquiere. Lorsque le roi fait fournir du fourrage aux troupes, soit dans les villes ou dans les marches, la ration pour chaque cheval est de vingt livres de foin, & d'un boisseau d'avoine mesure de Paris. Voyez Ration & Etape . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRÉ Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FOURRÉ FOURRÉ, part. Voyez Fourrer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourré Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fourré Fourré , ( Jard. ) se dit d'un bois épais & très garni. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourré Author=Diderot Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=NA Fourré * Fourré , ( à la Monnoie. ) piece imitant la véritable monnoie, par une feuille d'or ou d'argent qui la recouvre. On reconnoît facilement dans le commerce une piece fourrée , par la comparaison du volume & du poids. Ceux qui en fabriquent ou en répandent dans le commerce, sont punis de mort. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourré Author=Diderot Normalized Classification=Orfévrerie | | Bijoutier Part of Speech=NA Fourré * Fourré , ( Bijouterie & Orfévrerie. ) On dit qu'un bijou est fourré ou garni, lorsqu'il y a quelque corps étranger, de vil prix, & non apparent, couvert & dérobé par l'émail, l'or ou l'argent. Les bijoux fourrés avoient d'abord été proscrits par la cour des monnoies; mais sur la représentation du tort considérable que cet arrêt faisoit au commerce de la nation, le conseil a révoqué l'arrêt de la cour des monnoies, & permis la fabrication des bijoux garnis, comme ouvrages où la considération de la matiere n'étoit presque de nulle importance, en comparaison du prix de la façon. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURREAU Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOURREAU * FOURREAU, s. m. ce mot a l'acception commune de gaine & d' étui , celle de contenir, couvrir, envelopper, préserver; mais avec l'acception particuliere d'être long, qui le distingue de gaîne , & de n'avoir point de couvercle, qui le distingue d' étui . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Fourreau Fourreau : les Artificiers appellent ainsi le grand cartouche des trompes, qui renferme plusieurs pots-à-feu entassés les uns sur les autres. Voyez Trompe & Pot-à-feu . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau d'Epée Author=Diderot Normalized Classification=Fourbisseur Part of Speech=NA Fourreau d'Epée * Fourreau d'Epée , ( Fourbisseur. ) espece de gaîne, d'étui ou d'enveloppe, qui sert à couvrir la lame & à la garantir de l'humidité. Voyez Epée . Le faux-fourreau est une longue enveloppe ou gaîne de peau qui garantit le fourreau , comme le fourreau garantit l'épée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau Author=Diderot Normalized Classification=Batteur d'or Part of Speech=NA Fourreau * Fourreau , en termes de Batteur-d'or , c'est une espece d'étui sans fond, composé de vélin, dont on enveloppe les outils pour que les feuilles ne se dérangent point. On en met toûjours deux en sens contraire; ensorte que la partie de l'outil qui n'est pas renfermée dans l'un, l'est par l'autre, & qu'il n'y a jamais qu'un côté qui ne le soit par aucun. On fait glisser l'outil des fourreaux , en le prenant & en le poussant vers l'ouverture, pour examiner dans quel état est l'or. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau Author=Diderot Normalized Classification=Bourrelier Part of Speech=NA Fourreau * Fourreau , ( Bourreliet. ) c'est une espece d'étui de peau, ou même de cuir, qui couvre la portion du trait qui correspond au flanc du cheval, & qui empêche que cette partie ne soit dépouillée de son poil par le frottement du trait. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau Author=Diderot Normalized Classification=Ceinturier Part of Speech=NA Fourreau * Fourreau , ( Ceinturier. ) papier, parchemin ou autre corps flexible & mou, qu'on roule & qu'on place dans les pendans d'un baudrier, pour les soûtenir & en conserver la forme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau Author=Diderot Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Fourreau * Fourreau , ( Econ. rustiq. ) il se dit des feuilles qui couvrent l'épi du froment, de l'orge & des autres graines, lorsqu'il n'est pas encore formé ni sorti. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourreau Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=NA Fourreau Fourreau , ( Manege & Maréchall. ) La partie que dans le cheval nous nommons le fourreau , n'est autre chose que l'espece de gaîne qui en recele & qui en recouvre le membre. Cette gaîne dont la situation est suffisamment connue, est un prolongement de la peau; extérieurement elle se présente comme une sorte de poche flotante, d'une consistance très forte & très-épaisse, qui cede sans s'étendre dans le tems de l'érection, & qui paroît ouverte sur le devant lorsque le membre est retiré. Son orifice a la forme d'un bourrelet; il est garni d'un plus ou grand nombre de rides & de plis differens. C'est sur la portion inférieure de ce même bourrelet, que l'on découvre dans quelques chevaux deux sortes de mammelons assez voisins l'un de l'autre; d'où il n'est pas étonnant que l'on ait pensé qu'il en est qui ne sont pas absolument dépourvûs de mammelles, mais d'où il est singulier que l'on ait voulu conclure que ceux dans lesquels on n'observe aucune élévation qui puisse les annoncer, n'en ont pas toûjours été privés. Aristote a usé de plus de réserve. Lorsqu'il n'en a pas apperçu la plus legere trace, il n'a pas cru devoir supposer qu'elles avoient existé, & qu'elles étoient affaissées ou détruites par l'âge: j'ai vû d'ailleurs une multitude de jeunes chevaux, dans lesquels malgré les recherches les plus scrupuleuses, je n'ai jamais pû en reconnoître le moindre vestige. Je ne sai au surplus si ce grand naturaliste a parlé d'après des observations exactes & répétées, lorsqu'il a dit: equi mammas non habent, nisi qui matri similes prodiere . Le fourreau est ordinairement dénué de poil. Comme il est dans la peau du membre une quantite de cryptes folliculeux du genre des glandes sebacées, que dans l'homme nous nommons glandes odorisérantes de Tison , & qui filtrent une humeur grasse & très-fétide, dont l'amas & le sejour peut causer des inflammations, il importe extrèmement de laver & de nettoyer avec soin cette poche. Voyez Panser . Il arrive souvent aussi qu'elle paroit enflee, sur-tout après que l'animal a sejourné long-tems dans l'ecurie: ces sortes d'enflures auxquelles les chevaux entiers sont plus sujets que les chevaux hongres, ne résistent jamais aux bains de riviere, & à un exercice modéré. Ceux qui ne seront point à-portée d'avoir recours à ces bains, étuveront fréquemment cette partie avec de l'eau fraiche; ce qui produira les mêmes effets. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRÉE Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.f. FOURRÉE * FOURRÉE, s. f. terme de Péche , bas parcs que les pêcheurs forn ent sur les sables dans des terreins convenables, comme les fonds qui vont en pente. Pour cet effet ils plantent des pieux de deux, trois, & quatre piés de haut, à sept à huit pies de distance les uns des autres, en forme de fer à cheval qui se recourberoit vers ses deux extrémités. Ils amarrent sur ces pieux des filets d'une hauteur proportionnée, par le moyen d'un tourmort haut & bas; & pour que les filets s'appliquent plus exactement sur le fond, on en ensable le pié, ensorte que rien ne peut s'échapper par-dessous. La marée montant rapidement sur les bas-fonds, y porte le poisson; mais quand elle vient à se retirer, alors ce poisson rencontre le filet qui le retient, & les pêcheurs le prennent à sec. La quantité en est quelquefois très-considérable. Les pêcheurs contreviennent en deux points aux ordonnances. Le premier en ne donnant pas à leur maille l'étendue de deux pouces en quarré; & le second en ensablant le pié du filet. Il s'ensuit de-là que la fourrée retient une multitude de petit poisson qui périt, & qui s'échapperoit. Voyez les Planches de Pêche . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FOURRER * FOURRER, v. act. c'est garnir de fourrure. Voyez les articles Fourré & Fourrure . Il se dit aussi pour faire entrer à force. On ne peut rien fourrer de plus dans cette malle. On ne peut rien fourrer dans cette tête. Fourrer , c'est dérober sous une marchandise de prix, une autre marchandise de moindre valeur. Voyez l'article Fourré . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRER les cables, les mâts, & les manoeuvres Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA FOURRER FOURRER les cables, les mâts , & les manoeuvres , ( Marine. ) c'est les garnir de toile ou de petites cordes en quelques endroits, pour les conserver & empêcher qu'ils ne s'usent. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourrer une manoeuvre Author=unknown Normalized Classification=Corderie Part of Speech=NA Fourrer Fourrer une manoeuvie , ( Corderie. ) c'est la garnir de toile ou de petites cordes pour empêcher qu'elle ne s'use par le frottement. On fourre avec du bitord, du lusin, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourrer Author=unknown Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=NA Fourrer Fourrer , ( à la Monnoie. ) c'est crime d'un faux monnoyeur, qui pour tromper le public, sait couvrir un flanc de cuivre, d'or ou d'argent. Voyez l'article Fourré . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURREUR ou PELLETIER Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. FOURREUR ou PELLETIER FOURREUR ou PELLETIER, s. m. ( Art méchaniq. ) celui qui achete, vend, apprête & employe é differens ouvrages, des peaux en poil. L'art du pelletier-foureur est plein de manoeuvres ignorées, que nous allons décrire le plus exactement qu'il nous sera possible. Dans les grandes villes, les pelletiers ne passent point eux-mêmes leurs peaux. Ils se reposent de ce travail sur des ouvriers particuliers qu'ils appellent habilleurs . Mais dans les villes de province ils sont obligés de faire tout par leurs mains, l'habillage ainsi que le reste de l'ouvrage. Pour habiller, il faut au pelletier un couteau dont la lame soit de quatre pouces de longueur, sur un pouce & demi de largeur; qui ait le dos abattu en chamfrain, sur la pointe, de la longueur d'un pouce & demi, & le manche avancé jusqu'à la moitié de la largeur de la lame, de niveau avec le dos, de huit lignes de longueur, sur six d'épaisseur & autant de largeur. Cet instrument porte environ une ligne & demie d'épaisseur sur le dos. Pour le tenir d'une façon commode au travail, il faut que le pouce de la droite soit applique sur le côté de la lame qui lui correspond; que l'index appuie sur le dos; que le second doigt pose sur la platine du manche; & que le troisieme soit etendu & couche sur le petit doigt, afin de tendre la peau, & la couper sans attaquer le poil. Tandis que le couteau travaille de la main droite, la main gauche soûtient ce que l'on a coupé. Les autres instrumens du fourreur sont une regle de 30 pouces de longueur, divisée par pouces; il s'en sert pour donner à son manchon les dimensions convenables. Une paire de ciseaux semblables à ceux des Perruquiers; des carrelets à trois quarts, des gros & des fins. Les carrelets sont des aiguilles dont il se sert aux endroits où la peau est épaisse. Nous avons donné, en parlant du couteau du fourreur , la maniere d'habiller les peaux, ou de les détacher de l'animal. Il s'agit maintenant de les passer. Pour cet effet vous commencerez par les plier en deux depuis la tête jusqu'à la queue, que les ouvriers appellent la culée; vous prendrez votre carrelet, & les coudrez tout autour, le poil en-dedans: ce qui s'appelle bourser les peaux . Quand elles seront boursées, vous prendrez de la soupe ou bouillon de tripe, ou de l'urine, & vous les mouillerez bien. Si ce sont des peaux d'ours, de loups, ou de chiens, il faudra les mouiller à deux reprises; c'est-à-dire qu'après les avoir mouillées une premiere fois, vous les laisserez environ huit heures les unes sur les autres dans un endroit frais; les mouillerez une seconde fois, & les laisserez reposer en pile le même intervalle de tems: il faut voir en les mouillant, s'il n'y a point d'endroits qui ayent pris plus d'humidité que d'autres; si on humectoit ces endroits davantage, on ne pourroit passer la peau. Lorsque vous vous serez assûré que les peaux ont bien bû leurs eaux, vous en prendrez trois ou quatre à-la-fois: si ce sont des peaux de loup, vous les mettrez dans un tonneau defoncé d'un bour. Vous pancherez le tonneau, afin que les peaux se trouvent sur le fond qui reste, comme sur un plan incline. Ce tonneau doit être regarde comme une espece de moulin à toulon. Un ouvrier nud depuis la ceinture jusqu'aux pies, entrera dans ce tonneau; il se ceindra le corps d'un drap ou d'une sarpilliere qu'il rabattra sur l'ouverture du tonneau. On liera la sarpilliere sur le tonneau. Alors il commencera à fouler les peaux avec ses piés. Les peaux s'échaufferont; & la sarpilliere qui couvre l'ouverture du tonneau, empéchera que la chaleur ne se dissipe. On foule les peaux pendant deux heures. Après qu'on les a foulées, on les retire du tonneau. On a du mare d'huile d'olive, ou de la graisse, mais le mare d'huile vaut mieux; on en oint par-tout les peaux. Cependant on a mis un rechaud avec du feu dans le tonneau; quand il est échauffé suffisamment, on ôte le rechaud. On remet les peaux dans le tonneau; l'ouvrier y rentre avec la sarpilliere qui est attachée autour de sa ceinture, & qu'on lie sur le tonneau, comme on avoit fait la premiere fois; & les peaux sont encore foulées pendant deux heures. Cela fait, il faut triballer les peaux. Cette manoeuvre a pris son nom de l'instrument qu'on employe, & qu'on appelle triballe . La triballe est un morceau de fer, tout semblable à celui dont on se sert à la campagne pour travailler le chanvre. Il a 18 pouces de hauteur, 3 de largeur, & 2 de branches; sur le dos 5 lignes d'epaisseur; mais cette épaisseur va toûjours en diminuant, comme si l'instrument devoit se terminer par un tranchant; mais il est mousse & ne coupe point. La différence de la triballe & du fer des filassiers, c'est que la triballe a son espece de tranchant ou de côté menu, en-dedans des branches, & le dos tourne à l'ouvrier. Pour triballer, l'ouvrier prend une peau tout au sortir du tonneau; il a enfoncé les branches de sa triballe dans un poteau, ou dans un mur; pour cet effet ces branches sont pointues par chaque bou, & sont longues d'environ 3 pouces. Il passe sa peau sous la lame se la triballe, entre cette lame & le poteau; il en tient le milieu de la main droite, & la tête de la main gauche, sans être débousée; il avance le pié gauche du côté du mur; il retire le pié droit en-arriere: lâchant la peau & la conduisant de la main gauche, & la tirant fortement de la main droite, il la fait alier & venir sur la triballe contre laquelle tout le poi ls de son corps qu'il jette en-arriere à chaque mouvement, la tient appliquée. On triballe de toutes ses forces les peaux de chien & de loup. On ne risque point de les déchirer. Il faut travailler les autres avec plus de ménagement. L'action de triballer les peaux les corrompt & les assouplit; peut-être même aide encore à leur faire prendre l'huile qu'elles ont commencé à boire dans le tonneau à fouler. Lorsque les peaux sont triballées, on les débouse, on les étend sur leur large. On a un chevalet tel que celui des Chamoiseurs, en des d'âne, à demi-rond, ou convexe en-dessus, & concave par-dessous; ce chevalet doit avoir 5 à 6 piés de longeur. Vous le placez appuye d'un bout contre le mur; vous élevez l'autre à la hauteur de votre estomac, par le moyen d'une espece de croix de saint André, qu'on appelle la gambette; vous etendez votre peau de loup ou de chien sur le chevalet; vous prenez un couteau à deux manches, qui ait depuis 22 jusqu'à 23 pouces de long, y compris les manches, dont la lame ait deux pouces & demi de large, & six lignes d'épaisseur au dos. Ce couteau qui est un peu concave du côté du taillant, pour pouvoir prendre la rondeur du chevalet, s'appelle couteau a écharner . Il ne coupe pas sur toute sa longueur, mais seulement d'un de ses bouts jusqu'au milieu. Vous pressez votre ventre contre la peau que vous arretez ainsi sur le chevalet. Vous appliquez dessus le concave de votre couteau, du côté de la chair; vous la raclez avec la partie qui ne coupe point, afin de corrompre la chair & en preparer la separation d'avec le cuir. Vous travaillez ensuite avec la partie tranchante, appuyant également & legerement, & craignant toûjours d'endommager la peau. Vous continuerez d'écharner, jusqu'à ce que vous apperceviez à la peau de petits points noirs. Ces points sont la racine du poil. Si vous continuez l'action du couteau, vous détacherez le poil du cuir; & votre peau aura alors le defaut que les ouvriers désignent, quand ils disent d'une peau, qu' elle lache . Quand la peau est écharnée, vous la prenez, l'agitez en l'air de la main gauche; & avec une baguette que vous tenez de la droite, vous la frappez sur le poil, afin de le faire relever. Ayez ensuite un tonneau traversé de part en part des deux fonds, par un axe, à l'un des bouts duquel il y ait une manivelle; que ce tonneau soit soûtenu comme une roue, & puisse tourner sur lui-même; qu'il y ait à son flanc une ouverture de huit pouces en quarré, avec une porte pour la fermer. Ayez du plâtre pulvérisé bien menu: faites-le chauffer d'une chaleur à pouvoir y supporter la main, & à ne point brûler le cuir; mettez-le dans le tonneau avec les peaux, & faites tourner le tonneau lentement, ensorte que le plâtre s'insinue entre les poils de la peau, & les dégraisse. Pour empécher que les peaux ne se tortillent sur elles-mêmes dans le tonneau, on y a pratiqué à sa surface, en differens endroits, des trous, où sont enfoncées des chevilles ou broches de bois qui entrent dans le tonneau d'environ 5 pouces de long. On peut travailler ainsi quatre à cinq peaux de loup à-la-fois. Il faut pour ce nombre de peaux, un demi-boisseau de plâtre. On tourne ainsi les peaux pendant un quart-d'heure: on les retire; on les bat avec la baguette ou contre le mur, pour en faire tomber la grosse poussiere; on les rebat avec la baguette, on les repasse une seconde fois dans le tonneau avec le plâtre en poudre, ou de la-cendre de motte de tan, ou des cendres ordinaires, mais de preférence avec le plâtre; on les rebat, & on passe à une autre manoeuvre. Nous observerons seulement sur celle-ci qu'elle a lieu pour les renards, les chats sauvages, les domestiques, & autres; les fouines, les martes de France, &c. avec cette différence que ces dernieres peaux se dégraissent séparément; au lieu qu'on peut travailler les autres ensemble. Quand vous aurez si bien battu vos peaux dégraissées qu'il n'en sorte plus de poussiere, vous les tirerez au fer. Pour cet effet ayez un fer de pelletier. Cet instrument ou lame a 25 pouces de longueur, sur 6 de largeur; il a le taillant en dos d'âne; il vient en diminuant vers ses extrémités, où il n'a guere que trois pouces & demi de largeur; il a 4 à 5 lignes d'épaisseur sur le dos; cette épaisseur est la même jusqu'au milieu de la largeur de la lame, afin de le fortifier; de-là jusqu'au taillant qui est arrondi, l'épaisseur diminue. Voici comment on attache ou fixe le fer de pelletier; on a deux branches ou pitons de la longueur de 21 à 22 pouces; ils sont fendus à la tête; les bouts du fer sont recus dans des especes de mortaises ou de fentes pratiquées à ces pitons. Vous plantez dans le mur votre piton le plus bas, environ à deux piés huit pouces de terre. Vous y fixez l'extrémité inférieure de votre fer, dont le taillant doit être tourné contre le mur; vous déterminez par la longueur du fer la hauteur à laquelle l'autre piton doit être planté. Vous arrêtez l'autre bout de votre fer dans la fente de ce piton que vous plantez dans le mur. Cela sait, vous tirez sur ce fer les peaux dégraissées, afin de les rendre nettes de chair, les corrompre, & les étendre davantage. Vous commencez ce travail en prenant les deux flancs de la culée, endroits où il n'y a pas ordinairement beaucoup de poil, & qui se trouvent sous la cuisse de derriere de l'animal (il en est de même des épaules qui se trouvent sous les cuisses de devant). Vous passez votre peau entre votre fer & la muraille; vous vous postez comme pour écharner; vous inclinez seulement en travaillant votre tête sur le côté gauche du fer; vous travaillez comme en écharnant; vous veillez soigneusement à ce que la peau ne se plisse point sur le fer; ces plis occasionneroient autant de trous à la peau; vous menez ainsi votre peau sur le fer le plus fermement & le plus également que vous pouvez. Les piés ne se dérangent point; tout le mouvement est des bras. Le corps se tord un peu sur lui-même; il tourne de droite à gauche, quand on tire à gauche, & de gauche à droite quand on tire à droite. Il faut seulement observer en tirant à gauche, de ne pas fortement appuyer sur le fer. Il s'agit seulement dans ce mouvement de prevenir les plis qui pourroient se faire à la peau; la force du bras droit, est la seule qui soit employée en entier. Lorsque vous aurez corrompu votre peau sur le dos, vous la corromprez sur le ventre; & vous travaillerez jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de chair: alors vous mettez votre peau sur son carré. Il faut observer que quand le fer ne coupe plus, il faut lui donner le fil des deux côtés, & renverser le morfil du côté gauche. Toutes les peaux soit en poil, soit en laine, se tirent de la même maniere. Quant à celles d'ours qui sont très-grandes & très-pesantes, il est difficile de les tirer au fer. On se contente de les bien écharner; ensuite on a un banc à quatre piés, semblable à celui des Bourreliers. Il est long de six piés, & large de quatorze pouces; de la hauteur d'un siége; on fixe à une de ses extrémités des fers paralleles ou qui se regardent, comme deux especes de palissons de chamoiseur & de gantier; il y a à l'autre extrémité une perche mobile à charniere, de la longueur de neuf piés; cette perche peut en s'approchant du corps du chevalet, retomber entre les deux planches qui sont encastrées sur le banc, & garnies des fers ou palissons paralleles. Deux hommes sont employés à l'usage de cet outil. Il faut que celui qui doit manier la peau, se mette à cheval sur la perche; qu'il prenne la peau, & qu'il la place sur les deux palissons du côté de la chair; que la perche soit ensuite abaissée sur le milieu de la peau comprise entre les deux palissons; qu'un autre ouvrier tienne le bout de la perche à deux mains, la leve & la laisse retomber de trois pouces de haut au-dessus des palissons; que le premier fasse glisser la peau bien étendue sur les palissons; que le second releve la perche & la laisse retomber; & que le travail se continue ainsi jusqu'à ce que la peau soit bien corrompue. Au demeurant ces peaux ne se dégraissent point dans le tonneau comme les autres. On les étend sur une table; on a de la poussiere de motte de tanneurs bien seche & bien échauffée au soleil; on en prend, & avec les mains on en frotte les peaux du côté du poil. Cela fait, on les bat à quatre sur le poil. Il est bon de savoir que si l'on employoit à cette manoeuvre le plâtre, loin de donner à la peau d'ours un beau noir, on lui trouveroit le fond du poil blanchâtre. Mais il y a d'autres peaux que l'ours, qui ne se peuvent fouler au tonneau; telles sont toutes celles qui ont le poil tendre & délicat: comme le lievre blanc, le renard noir, le renard bleu, le loup cervier, &c. on se sert alors d'une pâte dont nous allons donner la préparation, après avoir averti qu'elle peut être employée sur des peaux qui ont été mal passées, & auxquelles la négligence de l'ouvrier n'aura laissé que cette ressource. Prenez trois pintes grande mesure de farine de seigle, & une douzaine & demie de jaunes d'oeufs; délayez le tout ensemble dans une grande terrine avec deux livres de sel que vous aurez fait fondre dans de l'eau. Mais avant que d'arroser la farine & les jaunes d'oeufs avec l'eau salée, mêlez-y une demi-livre d'huile d'olive; ensuite achevez de détremper votre pâte par le moyen de l'eau salée. Cette pâte aura quelqu'épaisseur, mais cependant assez de fluidité. Appliquez-la sur le cuir de votre peau; qu'il y en ait par-tout également, & à-peu-près de l'épaisseur de deux écus; cela fait, pliez-la en deux, depuis la tête à la culée; laissez cet enduit enfermé dans le pli environ douze jours. Au bout de ce tems ouvrez votre peau: raclez l'enduit en un endroit avec un couteau; tirez le cuir; s'il vous paroît blanc, il sera passé; s'il n'est pas blanc, remettez de la pâte: repliez la peau, & la laissez encore huit jours en cet état. Mais ce tems écoulé, portez-la sur le chevalet & l'écharnez. Quand elle sera écharnée, gardez-vous bien de la faire sécher à l'air, de peur qu'elle ne durcisse. Mais prenez de la farine (de quelqu'espece que ce soit), étendez-en sur votre peau du côté du cuir, de l'épaisseur d'une demi-ligne: frottez bien par-tout avec vos mains: pliez la peau comme ci-dessus; laissez-la ainsi saupoudrée & pliee pendant deux jours. Au bout de ce tems ouvrez-la, ôtez la farine: gardez à part cette farine pour une autre occasion, & passez la peau au fer de pelletier, comme nous l'avons dit plus haut. On se sert de cette pâte pour passer les peaux de marte, de foüine, & de renard, qui ne peuvent se fouler. Mais il y a une façon de passer les peaux d'agneaux, dont on se sert pour fourrer les manchons; on l'appelle passement au confit . Voici comme on passe au confit: Prenez un cent de peaux d'agneaux; faites-les tremper pendant deux jours dans un grand cuvier rempli d'eau. Prenez votre chevalet; placez-le comme nous avons dit ci-dessus, pour écharner. Ayez un tablier de peau de veau bien tannée: faites le haut du tablier de la tête de cette peau; attachez à chaque pate de devant une ficelle, & ceignez ce tablier avec ces ficelles. Etendez la peau sur le chevalet; contenez la culée entre le chevalet & votre estomac: écharnez avec le couteau à écharner; ayez-en un autre avec lequel vous séparerez de la peau les oreilles, le bout du nez, & les mâchoires, qui ne serviroient qu'à faire tourner le confit. Voyez à l'article Chamoiseur , le travail de ces peaux sans poil. Lorsque vous aurez écharné toutes vos peaux, vous les remettrez dans le cuvier rempli de nouvelle eau; vous les y laisserez tremper une heure ou deux; vous les en tirerez l'une après l'autre, pour les remettre sur le chevalet, la laine en l'air; que vous froterez fortement avec le dos de votre couteau à écharner, afin d'en séparer toute la malpropreté cette malpropreté feroit aussi tourner le confit; celle manoeuvre s'appelle rétaler . Quand vous aurez retalé toutes vos peaux des deux côtés, vous remplirez votre cuvier d'eau nouvelle, & les y laverez l'une après l'autre: pour les laver, on les prend par les flancs de derriere de chaque main; on tourne la laine en-dessus; on les plonge ainsi dans l'eau, on les serre, on les frote; on fait sortir la crasse: quand l'eau tombe claire, on avance les mains du côté de la tête, qui est tournée vers l'ouvrier dans cette manipulation: on serre, on frotte, en un mot on lave cette partie, & tout le reste de la peau, comme la premiere. On rechange d'eau; cependant les peaux s'égouttent: quand elles sont bien égouttées, on les reporte au cuvier, pour leur donner un dernier lavage, après lequel on les jette l'une après l'autre sur une perche exposee à l'air, où on les laisse pendant quatre heures. Alors elles sont prêtes à passer au confit. Voici comment vous le préparerez. Vous prendrez pour un cent de peaux d'agneaux propres à faire des fourrures, un bichet de farine moitié seigle & moitié orge, avec quinze livres de sel: vous ferez fondre le sel dans de l'eau, & vous vous servirez de cette eau pour détremper votre farine. Quand elle sera bien délayée, vous y jetterez de plus, pour deux cents d'agneaux, de nouvelle eau, à la quantité en tout de cinq à six seaux, tant de cette eau nouvelle que de l'eau salée: au reste, cela varie selon la force des peaux. Quand vos peaux seront bien égouttées, pliez-les de la tête à la culée, l'une après l'autre, la laine en-dedans; que les deux flancs se touchent. Prenez de la main droite une peau par la culée; tenez-la par la tête de la main gauche: que le dos soit tourné de votre côté. Trempez-la dans le confit; d'abord d'un côté, ensuite de l'autre, la tournant & la retournant sans déranger vos mains, que vous glisserez seulement le long du dos, pour faire pénétrer la pâte dans la peau. Quand vous aurez ainsi trempé toutes vos peaux, placez-les dans un cuvier propre, les unes sur les autres, les arrosant de ce qui peut vous rester de pâte. Deshabillez-vous jusqu'à la ceinture; entrez dans le cuvier, & foulez pendant un quart-d'heure: marchez tout-autour du cuvier; tâchez d'atteindre le fond avec vos piés; pressez les peaux de toute votre force. Faites entrer la nourriture dans le cuir; cela s'appelle renfoncer le confit . Cette manoeuvre se réitere deux fois par jour, une fois le matin, une fois le soir, & se continue quinze jours, & quelquefois trois semaines, pendant lesquelles, de deux jours l'un, on jette les peaux sur une planche mise en-travers sur le cuvier, les laissant égoutter pendant la journée: le soir on les remet de dessus la planche dans le cuvier, observant de les tenir posées lâchement les unes sur les autres & comme soulevées, afin qu'elles prennent fausse par-tout. Ce travail du confit ne se pratique que dans les mois de Mai, Juin, & Juillet, afin d'avoir un tems favorable pour étendre. Si vous voulez vous assûrer que le confit est mûr, c'est l'expression du fourreur , c'est-à-dire si les peaux sont prêtes à étendre, regardez aux flans de la peau du côté de la laine: placez vos doigts sous la peau du côté du cuir; frottez-la du côté de la laine avec le pouce. Si vous emportez le court-poil, ou si même en avançant vers le milieu du corps, vous faites la même expérience & la même observation, il est tems d'étendre. Vous choisirez un jour de beau soleil; sur les trois ou quatre heures du matin, vous tirerez toutes vos peaux du cuvier, & les étendrez sur la planche mise en-travers du cuvier; elles seront les unes sur les autres, la laine tournée en-dessus; vous les laisserez égoutter pendant quatre heures: de-là vous les passerez dans quelqu'endroit d'un pré où l'herbe soit courte, & que le soleil échauffe long-tems; vous les porterez par la culée, & les étendrez sur la laine, observant de tirer à droite & à gauche les deux ventres, & de bien étaler les pattes. Lorsque le cuir sera sec, vous retournerez les peaux, & vous exposerez la laine en-dessus, ne négligeant pas de les changer de place. Si vous les remettiez au même endroit, l'humidité que la laine auroit laissée sur l'herbe, ne manqueroit pas de rentrer dans les peaux & de les ramollir; ce qui pourroit les gâter. Si la pluie survenoit tandis que vos peaux sont étendues, il ne faudroit pas manquer de les relever, & de les porter à couvert sur des perches, la laine tournée en-dessus. On les laisseroit sur les perches jusqu'à ce que la pluie fût passée, & qu'on pût les rétendre sur l'herbe, afin d'achever de les sécher. Il ne faut pas ignorer que si le confit pressoit, c'est à-dire demandoit qu'on tirât les peaux du cuvier, & qu'on ne le fit pas, ou que le tems ne le permit pas, il pourroit arriver que les peaux seroient perdues; elles lâcheroient la laine. Mais on prévient aisément ces accidens, avec un peu de précaution. Lorsque votre confit ou vos peaux seront bien seches, il s'agit de les tirer au fer du pelletier. Pour cet effet, ayez une grosse éponge; trempez-la dans l'eau; mouillez toutes vos peaux sur la chair legerement & uniment. Quand elles seront humectées, placez-les chair contre chair, culée contre culée, tête contre tête; laissez-les ainsi jusqu'au lendemain, ou même deux jours; elles s'imbiberont de leur eau. Quand elles seront bien foulées d'eau, prenez alors une claie; placez la au pié d'une table; jettez dessus cinq à six peaux; & les mains appuyées sur la table, foulez-les avec les piés: cette maniere de fouler est particuliere. L'ouvrier rassemble les peaux, il les roule sous le talon de son soulier droit; il les développe en-arriere, en poussant fortement; tandis qu'avec le derriere du talon de son soulier gauche, il les frappe, les pressant de la semelle, les tirant, les étendant, les brisant, les corrompant. Après cette manoeuvre pratiquée sur toutes les peaux, il s'agit de les tirer au fer de pelletier: nous avons expliqué ci-dessus comment cela se pratiquoit. Quand elles sont tirées au fer, on les étend à l'air, la laine en-dessus: on choisit un beau jour de soleil. Le but de cet étendage est de sécher les peaux, afin d'en faire ensuite sortir la farine, & leur ôter la mauvaise odeur qu'elles ont, ainsi que toutes les autres peaux en poil, qu'il faut par conséquent exposer à l'air, comme les peaux d'agneaux: trois ou quatre heures d'exposition suffiront à celles-ci. Quand elles seront séchées, vous les battrez sur la laine avec la baguette, comme il a été dit ailleurs. Il ne s'agit plus maintenant que de savoir teindre à froid le poil de toutes sortes d'animaux: c'est le secret des fourreurs; & c'est ce qu'ils appellent lustrer les peaux . Pour teindre à froid ou lustrer les peaux, voici les drogues dont il faut se pourvoir. De noix de galle; il faut les choisir pesantes, noirâtres, & bien nourries: de verd-de-gris, soit en poudre, soit en pain, mais le plus sec, le moins rempli de taches blanches, & celui dont le verd est le plus beau: d'alun de glace ou d'Angleterre: de couperose d'un beau verd bleuâtre, claire, transparente, en gros morceaux, & bien seche: d'arsenic, en gros morceaux pesans, luisans en-dedans, & blanchâtres en-dehors: de sel ammoniac de Venise, en pains épais de cinq doigts, gris en-dehors, blances & crystallins en-dedans; blanc, net, sec, d'un goût acre & pénétrant: d'antimoine à longues aiguilles, brillantes & faciles à casser: de summac. Voyez ces drogues a leurs articles . Pourvû de ces drogues, ayez les ustensiles suivans. 1°. Un pot de cuivre rouge fait en poire, à deux couvercles; l'un posé en-dedans sur un rebord, l'autre emboîtant le dessus ou la gorge du pot par-dehors, où il se fixe par deux crochets placés aux côtés opposés aux deux anses: ce pot doit tenir dix à douze pintes, grande mesure. Allumez du feu; mettez votre pot sur un trépié: prenez deux onces de graisse de boeuf; hachez-la bien menu; faites-la fondre dans votre pot: quand elle sera fondue, jettez-y huit livres de noix de galle; couvrez le pot de votre premier couvercle, qui doit s'ajuster fort exactement; couvrez du second, & accrochez-le. Lorsque ce mélange sera chaud, vous prendrez votre pot par les anses; vous l'agiterez de gauche à droite, de droite à gauche; ensuite vous le renverserez tout-à-fait, ensorte que le fond soit tourné en-haut, & le couvercle vers la terre. La matiere se mêlera dans ce mouvement. Remettez ensuite le pot sur le trépié; tenez-le sur le feu pendant une heure, observant de le remuer, comme nous venons de le prescrire, de cinq en cinq minutes pendant la premiere demi-heure, & de trois en trois minutes pendant la seconde. Soûtenez le feu égal pendant l'heure entiere; alors vous n'entendrez plus sonner vos noix de galle dans le pot; elles vous paroîtront faire une masse, & rendre une odeur forte de brûlé: c'est à ce moment, disent les fourreurs , que creve la noix de galle. Otez le pot de dessus le feu; ne le débouchez point, tenez-le renversé, & le laissez refroidir pendant huit heures: alors ouvrez votre pot: ayez un mortier de fonte tout prêt, de la capacité d'un seau d'eau, ou environ; prenez trois poignées de vos noix de galle brûlées; jettez-les dans le mortier, & pilez-les à petits coups, pour n'en pas perdre les éclats; réduisez en poudre très menue; tamisez au tamis de soie; remettez sous le pilon ce qui ne passera pas au tamis: cela fait, renfermez votre noix de galle brûlée & tamisée dans un pot de terre vernissé, que vous boucherez bien exactement. Prenez un bichet de chaux; mettez-la dans un tonneau de la capacité de dix à vingt pintes, grande mesure; laissez-la s'éteindre; emplissez ensuite votre tonneau d'eau; remuez-bien, & laissez-le reposer jusqu'à ce que l'eau vous paroisse claire & nette. Cela fait, voici comment vous lustrerez les peaux de renard, de chat sauvage, de loutre, &c . Prenez une livre d'alun de glace, une demi-livre de sel ammoniac, une livre & demie de verd-de-gris, une livre & demie de couperose verte, un quarteron d'alun de Rome; mêlez le tout ensemble dans un mortier; pilez, réduisez en poudre; arrosez de l'eau de chaux préparée peu-à-peu; délayez. Lorsque le mélange aura la fluidité la plus grande, laissez reposer deux heures: alors prenez de vos noix de galle cuites, pulvérisées, & tamisées, trois livres; de litharge d'or, une livre; d'antimoine bien pilé & passé, une demi-livre; une demi-livre de plomb de maire aussi bien passé, & de mine de plomb, deux livres: délayez-le tout ensemble dans un bacquet avec votre eau de chaux. Quand tout sera dans une espece de bouillie, versez dessus cette bouillie ce que vous avez préparé dans votre mortier, ajoûtez un peu d'eau, mais très-peu: car les deux mélanges ensemble ne doivent pas faire plus de dix à douze pintes, toûjours grande mesure. Remuez-bien; laissez reposer pendant une heure, & commencez à lustrer. On ne doit point lustrer de peaux qu'elles n'ayent été bien passées & dégraissées, comme nous l'avons prescrit ci-dessus. Pour lustrer une peau, étendez-la sur une table, le poil en-dessus; qu'elle ne fasse aucun pli; qu'elle ait la tête du côté gauche, & la culée du côté droit; faites remuer votre composition avec une spatule; ayez une brosse longue de huit pouces, & large de quatre, faite de soies de porc ou de sanglier de deux pouces de long, afin que ses poils puissent entrer parmi ceux de la peau. Appuyez votre main gauche sur la tête de la peau; & de la droite, trempez votre brosse dans le bacquet, & passez-la sur la peau depuis votre main gauche jusqu'à la culée: faites-en autant sur le pates; que votre peau ait été par-tout frottée de la brosse, & que les poils en soient bien unis: faites remuer la composition; retrempez votre brosse dedans; repassez-la sur la peau, mais en la faisant un peu tourner sur elle-même; ce mouvement fera entrer les poils de votre brosse entre les poils de votre peau: frottez ainsi depuis la téte jusqu'à la culée. Par ce moyen, le lustre pénétrera à fond; mais les poils de la peau seront tous mêlés. Reprenez pour la troisieme fois du lustre avec la brosse, & repassez encore de la tête à la queue, afin de coucher le poil & l'arranger. Cela fait, vous retremperez une quatrieme fois la brosse dans la composition au lustre; vous l'appliquerez sur la peau, & la toucherez à petits coups, afin que le lustre dont elle sera chargée tombe sur la peau. Regardez alors attentivement votre peau: si le lustre vous en paroît également étendu par-tout, prenez-la par la tête de la main gauche, & par la culée de la main droite: faites-la égoutter un moment sur votre bacquet, afin de ne point perdre de composition, & l'étendez ensuite au soleil, le poil en l'air; à moins que ce ne fussent des peaux de renard: dans ce cas, il faudroit les mettre deux à deux, poil contre poil, le cuir exposé au soleil; & de tems en tems retourner celle qui est dessous & la mettre dessus, le poil toûjours contre le poil: sans cette précaution, la chaleur du soleil feroit friser le poil, & gâteroit la peau. Si vous voulez cependant les faire sécher à l'air, le poil découvert, tenez les à l'ombre: mais le plus sur est de les mettre deux à deux, & poil contre poil. L'ardeur du soleil échauffe le lustre, l'attache, & rend la peau noire & luisante. Lorsque ces peaux sont seches, vous les battez jusqu'à ce qu'il n'en sorte point de poussiere; vous les rétendez sur la table; & avec une brosse plus rude, vous les brossez fortement de la tête à la queue, pour arranger le poil: après quoi, vous leur donnez du lustre, comme la premiere fois. Il y a des renards que l'on lustre jusqu'à cinq fois, avant que de leur donner le fond. Mais le travail du lustre avancera davantage, si l'on a une étuve où l'on puisse faire sécher les peaux, & le lustre en mordra beaucoup plus facilement sur le poil. Il faut que cette étuve ait cinq ou six piés de long sur trois piés de large, & cinq à six de haut: c'est un cabinet de planches assemblées, dont on a bien fermé toutes les jointures avec du papier collé, afin que la chaleur ne s'évapore point: le dedans est garni de clous à crochets, auxquels on suspend les peaux lustrées. On y tient deux poëles de feu allumées, l'une à un bout, & l'autre à l'autre; & l'on ferme la porte. Une attention qu'on ne peut avoir trop scrupuleusement, quand on met des peaux en étuve, c'est que la composition ou le lustre n'ait pas touché le cuir de la peau, & qu'il n'en soit pas mouillé: la peau en se séchant, en seroit infailliblement brûlée. Pour cet effet, quand vous avez mis une peau en lustre, vous en prenez une non lustrée; & la tenant de la main droite par la tête, & la tirant, le poil tourné contre la table, vous en pressez le cuir de la gauche: tandis qu'elle glisse ainsi entre la main gauche qui la presse, & la droite qui la tire, elle enleve tout ce qui s'est répandu de lustre sur la table; & celle que l'on y expose ensuite du côté du cuir, & le poil en-haut, ou la même, n'en prend plus du côté du cuir, & ne se mouille pas. Lorsque vous voyez que la pointe des poils a bien pris le lustre, vous refaites de la composition telle que celle dont vous vous êtes servi pour lustrer; & vous vous en servez pour donner ce qu'on appelle le fond , a vos peaux lustrées: mais pour un cent de peaux de renard, il n'en faut que 25 pintes; vous séparerez cette quantité en deux; vous tiendrez l'une à part, & vous tremperez vos peaux dans l'autre. A mesure que vous les tremperez, vous les tordrez bien, & vous les jetterez dans le cuvier, ou vous aurez mis séparément le restant de votre composition. Quand elles y seront toutes, vous y entrerez les jambes nues; les foulerez, & les tiendrez dans ce cuvier pendant deux jours, les foulant de huit en huit heures. Cela fait, vous les tordrez; vous les prendrez par le dessus du quarré & le bas de la culée, & les secouerez fortement pour faire revenir le poil; & pour que les peaux sechent plus facilement, vous les étendrez sur un cordeau à l'air: vous ne les quitterez point pendant ce tems; vous vous occuperez à en manier le cuir, pour l'empêcher de durcir, toûjours secouant la peau, la corrompant avec les mains, & restituant le poil à sa place. Lorsque les peaux sont seches, on refait de la composition ou du lustre; & l'on en redonne une couche, afin de replacer entierement le poil. On les fait sécher; seches, on les porte à la cave, où on les étend le cuir contre la terre, afin de leur faire prendre de l'humidité: alors on a un peu de sain-doux dont on les frotte legerement sur le cuir; frottées, on les triballe, comme on a dit; triballées & tirées, on les passe au tonneau à dégraisser: mais il faut bien le nettoyer auparavant du plâtre & des cendres qui ont servi à passer auparavant d'autres peaux; parce que le lustre ne se dégraisse pas ainsi, mais avec du sable bien menu, qu'on fait chauffer d'une chaleur à pouvoir être supportée par la main. Il faut pour une quinzaine de peaux de renard, un demi-seau de sable: on le met chaud dans le tonneau avec les peaux; on tourne le tonneau, comme on a dit ci-dessus, pendant une demi heure; après quoi on les en tire: on les secoue l'une après l'autre dans le tonneau, & l'on en remet quinze autres dans le même sable: c'est ainsi qu'on enleve le plus gros du lustre; vous détachez le reste avec d'autre sable. Si votre sable vous paroit bien noir, vous repassez encore une fois, pour vous assûrer qu'il ne reste point de lustre superflu. Après ce travail, vous les appliquez les unes contre les autres, poil contre poil, & vous les gardez: mais vous ne pouvez être trop attentif à ce qu'elles ne fassent aucun pli dans le poil; les peaux se travaillant encore sur elles-mêmes, ce pli resteroit. Autre composition ou lustre . Prenez trois livres de noix de galle; trois onces de verd-de-gris; quatre onces de sel ammoniac; deux once; d'alun de Rome; deux onces de litharge d'or; deux onces d'antimoine; huit onces de couperose verte: pilez le tout ensemble dans un mortier, excepté la noix de galle, que vous délayez séparément dans un bacquet, après l'avoir pilée avec l'eau de chaux. Vous délayerez le reste des ingrédiens dans un bacquet, au sortir de votre mortier, avec de pareille eau: cela fait, vous mêlerez le tout, qui ne doit faire qu'environ dix à douze pintes. Ce lustre préparé, vous vous en servirez comme du précédent. Autre composition pour donner à la fouine la couleur de la marte. Prenez deux livres de noix de galle cuite, & demi-livre crue, également pilée; trois livres de mine de-plomb rouge; une livre de sumac. Détrempez ces ingrédiens avec eau de riviere ou de citerne; ajoûtez-y ce qui sera tombé de votre lustre, & le marc qui sera resté dans les bacquets. Détrempez le tout dans trois seaux d'eau; ajoûtez une livre de litharge d'or, une livre d'alun de glace, une livre de couperose verte, une demi-livre de sel ammoniac, une livre de verd-de-gris, un quarteron d'antimoine crud, & deux livres de plomb de maire. Pilez le tout ensemble, & le mélez avec la noix de galle. Prenez ensuite une grande terrine vernissée, où vous mettrez environ la moitié d'une pinte de votre composition. Vous y tremperez les peaux de fouines quatre à quatre, en les y plongeant & foulant, afin que le poil prenne le lustre par-tout; vous les torderez, secouerez, & mettrez dans le bacquet avec le restant de votre composition qu'elles n'auront pas bûe; vous les y foulerez avec les piés; vous les y laisserez un jour & demi. Au bout duquel, plaçant une planche en-travers au-dessus du bacquet, vous les en tirerez & les étendrez sur la planche l'une sur l'autre, pour égoutter. Elles égoutteront jusqu'au lendemain, ce qui leur fera prendre le fond. De-là vous les porterez à la riviere, où vous les laverez jusqu'à ce que l'eau en sorte claire. Ensuite vous les ferez sécher; seches, vous leur donnerez une couche avec la même eau qui leur a fait prendre le fond; réiterez cette couche plusieurs fois, & à chaque fois faites sécher au soleil. Lorsque vous leur trouverez la couleur de marte, vous les exposerez à l'humidité pour les radoucir avec la graisse: & vous finirez par les dégraisser dans le tonneau, comme nous l'avons dit ailleurs. Si vous voulez que les peaux de renard prennent parfaitement le lustre, ayez une pierre de chaux de la grosseur de quatre oeufs: mettez-la dans un bacquet avec quatre pintes d'eau; ajoûtez une demi-livre d'alun; prenez une peau de renard non lustrée: trempez votre brosse dans cette composition: frottez-en votre peau comme pour la lustrer; mais ne frottez pas à fond: passez la brosse superficiellement; il ne s'agit que de faire prendre cette préparation à la pointe du poil de renard, qui est blanchâtre ou grisâtre. Cela fait, exposez vos peaux au soleil; sechez, battez-les à la baguette; brossez-les bien, & les lustrez ensuite comme nous avons dit plus haut. Préparation des peaux de chien . Prenez une pierre de chaux de la grosseur de la forme d'un chapeau: mettez-la dans douze pintes d'eau; lorsqu'elle sera éteinte, prenez deux livres de couperose verte, une livre & demie d'alun de Rome, une livre de verd-de-gris, & deux livres de litharge d'or; jettez tout dans la chaux éteinte; transvasez ensuite dans une grande chaudiere de cuivre, que vous tiendrez sur le feu jusqu'à ce que le mélange soit réduit à quatre à cinq pintes. Cela fait, approchez une table de votre chaudiere; étendez dessus les peaux de chien les unes après les autres: prenez une brosse, trempez la dans la composition: brossez ensuite vos peaux chaudement par-tout, & sur-tout aux endroits où il y a du poil blanc. Cette premiere préparation sert à disposer les peaux à prendre le lustre plus facilement. On appelle en général ces préliminaires de lustre, le barbareau , & l'on dit donner le barbareau . Pour tigrer les peaux de chien, donner à des lapins gris une façon de Genette, imiter la panthere, tigrer des lapins blancs, & généralement pour moucheter toutes sortes de peaux, servez-vous de la composition suivante. Prenez une pierre de chaux du poids d'une livre, éteignez-la dans de l'urine: ajoûtez ensuite de l'eau avec un peu d'alun, une demi-livre ou environ que vous ferez bouillir pendant une heure; observez que tout votre mélange n'excede pas la quantité de trois pintes. Prenez les peaux que vous voulez tigrer: donnez-leur une couche de cette drogue par-tout, sans déranger le poil, & frottant toûjours avec votre brosse en descendant de la tête à la culée. Cela fait, exposez au soleil; il faut qu'elles soient sechées & battues le même jour où la préparation précedente leur a été donnée. Quand vous les aurez battues jus, qu'à ce qu'il n'en sorte plus de poussiere, brossez-les bien afin d'arranger le poil; prenez de la composition: lustrez; mais avant que de lustrer les dernieres peaux, séparez dans un pot une portion de ce lustre, qui vous servira à tigrer toutes vos peaux. Pour cet effet ayez un pinceau: étendez votre peau sur une table, commencez par la tête; si la peau étoit si longue que vous ne pussiez y atteindre commodément, vous la feriez pendre devant vous à une distance convenable; vous vous ceindriez d'un tablier blanc de lessive, afin qu'en frottant vos habits, votre estomac, vos manches sur la peau, vous n'engraissassiez pas la pointe du poil. Ces précautions prises, vous formerez vos mouches sur la peau avec votre pinceau trempé dans le lustre. Vous observerez de les faire les plus petites possibles; lorsque le poil sera sec, il s'écartera, & les taches ne paroîtront toûjours que trop grandes. Quand elles auront été mouchetées une fois, vous les ferez sécher, les battrez bien, les brosserez toûjours selon la direction des poils, afin que les mouchetures ne changent point de place; vous repasserez le pinceau sur elles une seconde, troisieme, quatrieme fois, jusqu'à ce qu'elles vous paroissent assez noires. Alors vous laisserez sécher, batterez, passerez dans le tonneau au sable pour dégraisser: & si les mouches vous paroissent avoir perdu de leur nuance, vous leur redonnerez encore une couche. Mais quand le lustre est bon, on ne donne communément que trois couches. On imite le tigre & la panthere de la même façon; excepté qu'au tigrage les taches sont différentes; il faut que l'ouvrier imite la nature, ait les peaux réelles de ces animaux sous les yeux, & s'y conforme le plus exactement qu'il pourra. Pour moucheter en grisâtre les peaux de renards qui sont très-rousses, prenez quatre livres de bois d'Inde, une once & demie d'indigo: faites bouillir le tout ensemble jusqu'à diminution d'un quart: ajoûtez deux livres de couperose noire, & chargez vos renards chaudement avec la brosse, comme nous avons dit plus haut. Pour imiter les peaux ou fourrures polonnoises avec des renards blancs, prenez pour une douzaine de ces peaux ou environ, plus ou moins, selon leur grandeur, six pintes d'eau de chaux que vous mettrez dans un bacquet, une livre de couperose verte, une demi-livre de verd-de-gris, trois quarterons d'antimoine crud, un quarteron de vitriol d'Angleterre, une demi-livre d'arsenic: pilez tous ces ingrédiens ensemble: délayez-les dans l'eau de chaux: trempez-y ensuite vos peaux; mais auparavant ayez l'attention de faire fondre du beurre, & d'en frotter avec un linge la pointe du poil de vos peaux, & de les laisser refroidir. Quand elles auront été trempées, vous les étendrez sur le plancher, où vous les laisserez pendant quatre heures; vous les porterez de-là à la riviere; lavées, vous les ferez sécher à l'ombre, & les manierez de tems en tems pour radoucir le cuir. Il paroît par ce que nous venons de dire, que l'art de teindre les peaux en poil, pourroit être porté beaucoup plus loin; nous allons maintenant passer à la maniere d'en faire la coupe, pour les employer en manchons & autres ouvrages. De la coupe des peaux . Pour couper la peau d'un renard: après qu'elle est bien passée, étendez cette peau sur une table, la tête tournée vis-à-vis de vous, le poil en-dessus. Ayez un morceau de plomb, à-peu-près de la forme d'un écu, plus mince par les bords: dircernez bien l'arête de la peau; c'est la partie où le poil est le plus court; cette ligne s'étend du milieu de la tête à la culée, & partage la peau en deux parties égales: appuyez fortement votre plomb par le bord sur cette ligne, en commençant par la tête, qui est contre vous, & tirant la peau de la main gauche; ensorte que cette peau glisse, fortement pressée entre la table & le plomb. Par ce moyen le côté du cuir qui touche à la table, se trouve rave de la ligne tracée sur le poil le long de l'arête. Voilà ce qui déterminera de ce côté le milieu de la peau. Prenez votre regle, appliquez-la sur cette ligne, & avec votre plomb, suivez-la sur le dos, & la tracez. Si vous coupez votre renard en quarré pour le lustrer, il faut que vous le fassiez en-travers en deux endroits faciles à connoître. Retournez votre peau du côté du poil: glissez votre main de la tête à la culée, vous rencontrerez entre le corps & le col un endroit moins fourni de poil, & d'un poil plus bas que le reste. Cet endroit sera une des lignes de division. Cette division faite, vous leverez une espece de langue de peau le long de l'arête qui la partagera également. Elle aura environ deux pouces de large proche les épaules; elle ira toûjours en diminuant, & finira en pointe à la culée. Vous ferez remonter cette langue de peau de deux pouces du côté de l'épaule, de distance en distance. Elle fera renfler l'arête de votre renard, & donnera de la rondeur à votre manchon quand il sera lustré. Vous donnerez à ces quarrés vingt trois pouces de long, sur douze pouces de large. Ce qui excédera de part & d'autre à la culée, servira à remplir les endroits où la tête est moins large que le corps. Ce sont ordinairement les renards les plus roux que l'on lustre. Quant à ceux qu'on ne lustre pas, il ne faut pas déranger la tête. Il faut laisser la peau comme elle est: prendre le milieu de l'arête avec le plomb, comme on a dit, & lui donner vingt-deux à vingt-trois pouces de hauteur, sur onze pouces de largeur. On sépare toutes les gueules de renard qui sont blanches. Les officiers des hussards en bordent leurs habits. On employe la queue à border des mouffles au-dessus du bras. On met les pattes en mouffles ou en mitaines. On faisoit autrefois des manchons de queue de renard. La mode en est passée. On fait des manchons de renard avec la peau entiere. On passe la peau en pâte: on y laisse les dents & le bout des pattes. On la tire au fer sans ouvrir ni le ventre ni les pattes. On fait seulement une ouverture au bas de la gueule, en tirant du côté du ventre, assez grande pour pouvoir y passer la main; une autre entre les cuisses, sous la queue, de la même grandeur. On laisse la queue & les pattes. Les deux ouvertures s'appellent les entrées du manchon . Si l'on veut couper une peau de chien, il faut savoir qu'il y a des chiens qui portent deux quarrés, & d'autres qui n'en portent qu'un. Votre peau a-telle trente-quatre pouces de longueur, coupez-la en-travers. Pour cet effet, pliez-la de la tête à la queue en deux: frappez sur le pli pour le faire tenir; coupez: ensuite tracez l'arête. Cela fait, vous n'aurez que des morceaux de dixsept pouces. Pour aller à vingt-deux, il faut chercher des ralonges. Pour cet effet l'arête étant tracée, vous tirez sur votre peau par le haut des quarrés, des lignes paralleles qui renferment des espaces qui ont deux pouces & demi de hauteur. Il faut former trois de ces espaces. Tous ces espaces sont coupés en deux par l'arête. Vous prenez sur la base de votre premer espace, deux pouces de part & d'autre de l'arête, & vous tirez deux lignes paralleles à l'arête: ce qui forme deux quarrés oblongs, dont la base de chacun a deux pouces, & la hauteur deux pouces & demi. Sur la base du second espace, vous prenez de part & d'autre de l'arête quatre pouces, & vous tirez des paralleles à l'arête; c'est-à-dire que vous formez de part & d'autre de l'arête, des quarrés oblongs dont chacun a deux pouces & demi de hauteur & quatre pouces de base. Vous prenez sur la base de votre troisieme espace, de part & d'autre de l'arête, six pouces: vous tirez encore des paralleles à l'arête, & vous formez deux autres parallelogrammes dont la base a six pouces, & la hauteur, deux pouces & demi. Cela fait, vous placez votre quarré à brousse-poil relativement à vous, c'est-à-dire le poil couché de votre côté. Vous tenez votre couteau de la main droite: vous vous inclinez un peu sur votre ouvrage: vous placez vos deux mains au-dessus de votre quarré, & vous coupez votre quarré selon les lignes A B, a b ; vous retournez votre peau de maniere que les sections A B, a b , soient paralleles à votre corps, & vous faites les sections par les lignes B C, b c ; vous remettez votre peau comme elle étoit, & vous coupez ainsi votre peau en escalier A B C D E F, a b c d e f , jusqu'à la ligne F f . Vous séparez votre peau en deux selon la ligne F f , & le morceau A a, F f en deux autres, selon l'arête ou ligne Q q. Voyez les Planches du Pelletier . Cela fait, vous ralongerez votre quarré, en ajustant deux de vos morceaux, de maniere que le point R de l'un se trouve au point Q , & par conséquent le point S au point Q , & le point q au point S . Vous coupez la portion inférieure de la peau qui est au-dessous de la ligne F f , de la même maniere. Par ce moyen, la peau qui ne portoit que dix-sept pouces de longueur, en portera vingt-deux, sur douze de large; & cette coupe s'appelle coupe en échelle . L'on coupe en échelle les oursins qui n'ont pas assez de longueur, & c'est la maniere de leur en donner ce qui leur en manque. Quand on destine les oursins à des manchons d'homme, on les coupe encore autrement; on trace l'arête: on marque au haut de l'arête neuf pouces de chaque côté, ce qui donne dix-huit pouces de large: on prend le couteau, on passe la main au bas de la culée contre l'arête, comme si l'on se proposoit de séparer l'oursin en deux; on le coupe de-là en chamfrein, de maniere que la section vienne se terminer au haut, à huit pouces de distance de l'arête; on en fait autant de l'autre côté. On a alors un morceau de peau fait en cone, dont la pointe est à la culée. Vous faites rentrer cette pointe en-dedans des deux morceaux, en descendant les deux morceaux à cinq ou six pouces plus bas que la pointe, ce qui donne une augmentation d'environ huit pouces sur cette peau. Si le poil d'un oursin n'est pas fort court, on ne lui donne pour un manchon d'homme que vingt-six à vingt-sept pouces; s'il est fort court, on lui en accorde vingt-neuf à trente. Pour la largeur du quarré, elle est de dix-huit pouces. Quant à la coupe d'une grande peau d'ours de laquelle on peut tirer deux manchons d'homme, sans être galonnés, voyez-en le patron, fig. 2 . Commencez à lever les ventres de la peau de chaque côté, où ils ne sont pas assez garnis de poil pour être travaillés avec le corps. Marquez l'arete: tournez la peau du côté du poil: prenez votre plomb; tracez au-dessous de la nuque du col un trait sort, qui puisse se discerner du côté du cuir, comme nous l'avons prescrit plus haut; que ce trait representé par la ligne a a , atteigne au-dessous des deux pattes de devant. Formez un pareil trait b b au bas, qui atteigne au-dessus des deux partes de derriere. L'espace compris entre les lignes a a, b b , sera le corps; la seule portion de la peau pour laquelle, à proprement parler, le travail se fait. Ensuite avec votre couteau, dépecez ce corps en autant de pieces qu'il y a d'espaces particuliers terminés par des lignes. Vous aurez du côté de la nuque du col des demi-palettes 3, 3, 3. Elevez ces dernieres palettes au-dessus des manches des grandes palettes 2, 2, ensorte que les queues 4, 4, 4, des demi-palettes 3, 3, 3, soient appliquées aux queues 4, 4, des palettes entieres 2, 2; suivez la même disposition par en-bas, c'est-à-dire disposez les dernieres palettes 7, 7, par rapport aux grandes palettes 8, 8, 8, comme nous vous avons prescrit de placer les demi-palettes 3, 3, 3, par rapport aux grandes palettes 2, 2; vous placerez ensuite les deux grandes palettes 2, 2, par rapport aux grandes palettes 8, 8, 8, de maniere que les queues inférieures des palettes 2, 2, répondent aux queues superieures des palettes 8, 8, 8. Alors votre peau se trouvera ralongée d'une quantité plus ou moins grande, selon l'étendue de la peau. Si l'alongement n'est pas assez considérable, vous éleverez les morceaux de la tête, & baisserez ceux de la culée d'une quantité plus considérable: & vous dirigerez votre coupe sur les lignes de la figure 3 . Pour travailler commodément le manchon coupé sur le patron de la figure 2 . vous pliez votre peau de la tête à la culée, le cuir en-dedans; vous frappez sur le pli, pour qu'il reste tracé sur le cuir; vous retournez la peau du côté du cuir, vous la coupez selon la ligne tracée; vous faites coudre vos coins: quand ils sont cousus, vous pratiquez aux bords qui forment la longueur du manchon, des hoches, comme vous voyez figure 4 . C'est par le moyen de ces hoches dont les pleins & les vuides se correspondent, que vous arrondirez sans peine votre manchon. Couchez-le sur sa longueur faisant entrer les redens dans les vuides, de la quantité convenable; levez ensuite deux petites bandes de peau le long des ventres; qu'elles ayent neuf pouces & demi de hauteur, & dix lignes de largeur; bordez-en les côtés de vos quarrés qui forment l'entrée du manchon, & votre manchon sera achevé Cette coupe s'appelle coupe en palette . Remarquez 1° que sur nos figures les chiffres y sont disposés, de maniere que si vous observez de placer les mêmes sur une même ligne, en haussant & baisant vos morceaux, vos quarrés se trouveront formés. 2°. Que quand la peau est coupée & ses morceaux appointés, c'est-à-dire cousus à leur place, il faut prendre une petite planche de trois pouces en quarré, de l'épaisseur de trois lignes, & pointues d'un côté, qu'on appelle paumelle , & rabattre les coutures avec la paumelle; ensuite aligner votre quarré; tracer le milieu avec le plomb; de chaque côté de la ligne du milieu, laisser un demi-pouce, ce qui forme un pouce tout le long de l'arête; couper le quarre par bandes & toûjours longitudinales, qui n'ay ent qu'un demi-pouce de large, excepté celle du milieu, & placer entre ces bandes un ruban de fil de la largeur de quatre lignes, que vous y cousez; ce qui sert à relargir votre quarré. Il faut avoir grand soin de ne point mêler les bandes. La figure 5 . représente encore une coupe d'oursin, où il y a dequoi faire deux manchons: coupez votre peau; cousez-la; rabattez les coutures à la paumelle; tracez l'arête; divisez par bandes d'un pouce de largeur, comme ci-dessus; placez vos bandes, comme vous voyez fig. 6 . de maniere que routes les bandes qui ont un même chiffre soient rapportées à côté les unes des autres & cousues ensemble, & que l'arête se trouve autant dans un quarré que dans l'autre. Achevez à la maniere accoûtumée. Voici une autre coupe qui peut convenir au loupcervier, où il y auroit dequoi fournir deux manchons. Etendez la peau sur son quarré; du côté du cuir; séparez-en les pattes en pointe, comme vous voyez figure 7 . cousez ces endroits; tournez ensuite votre peau du côté du poil; tirez les lignes de la nuque du cou & de la culée où le poil est différent, ensorte que le corps se trouve compris entre ces lignes. Coupez cette peau en suivant les lignes de la figure 7 . alongez-la ensuite de la quantité convenable, augmentant & diminuant les dimensions à discrétion. Cela fait cousez les morceaux; passez legerement à la paumelle; auparavant, si vous voulez, mettez votre peau deux heures à la cave pour l'amollir, le cuir contre terre; rabattez les coutures; coupez un peu le bas de la culée, en effleurant ce qui paroît cotonné; donnez à votre manchon sa hauteur; séparez la tête de la peau; divisez le reste selon la ligne de l'arête. Rejoignez les deux ventres l'un à l'autre; cousez-les; rabattez les coutures; divisez le tout par des lignes tracées sur le cuir, à la distance d'un pouce les unes des autres; faites autant de bandes; rejoignez ces bandes selon la fig. 8 . cousez ensemble les bandes de cette figure, qui sont chiffrées à chaque bout, & ensemble celles qui ne le sont pas. Dans cette coupe, les ventres se trouvent autant dans un des quarrés de manchons, que dans l'autre. On employe aussi les pattes & la tête en manchon & autres ouvrages; mais ils ne sont pas de prix. En voilà suffisamment pour faire entendre que la coupe n'est pas la moindre partie de l'art du Fourreur. Voyez, à l'article Pelleterie , ce qui concerne le commerce de peaux. Les Fourreurs s'appellent marchands Pelletiers Haubaniers-Fourreurs; Pelletier , du commerce de peaux qui constitue leur état; Haubanier , d'un droit dit de hauban , qu'ils payoient pour le lottissage de leurs marchandises dans les foires & marchés de Paris; & Fourreur , des ouvrages qui portent ce nom. Il est défendu par leurs statuts de prendre un compagnon sans attestation du maître qu'il quitte; de mêler du vieux avec du neuf; de fourrer des manchons pour les Merciers & Fripiers; de faire le courtage de marchandises de Pelleterie & Fourrerie, &c . Les Pelletiers Haubaniers-Fourreurs sont le quatrieme des six corps des marchands de Paris. Leurs premiers statuts sont de 1586, & les derniers de 1648. Ils ont formé deux corps; l'un de Pelletiers , & l'autre de Fourreurs , qu'on a réunis. On ne peut avoir qu'un apprenti à la-fois. On fait quatre ans d'apprentissage, & quatre de compagnonage. L'apprenti ne doit point être marié, forain, ou étranger. Six maîtres & gardes gerent les affaires de la communauté; trois sont anciens, & trois nouveaux. Le premier des anciens est le grand-garde; il est le chef de la communauté. Le dernier des nouveaux en est comme l'agent. On procede à l'élection des officiers de la communauté tous les ans, le samedi qui est entre les deux fêtes du Saint-Sacrement. Ces officiers peuvent porter dans toutes les cérémonies où ils sont appellés, la robe de drap à collet noir, à manches pendantes, bordée & parmentée de velours; ce qui est proprement la robe consulaire. Voyez les statuts de cette communauté . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRIER Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. FOURRIER FOURRIER, s. m. ( Hist. mod. ) c'est ainsi qu'on appelle des officiers de la maison du roi, qui lorsque la cour voyage, ont soin de retenir des chariots pour transporter les équipages & bagages du roi: c'est ce qu'on nomme fourrier de la cour . Dans l'infanterie françoise il y a aussi des soldats nommés fourriers , chargés de distribuer à leurs camarades les billets de logement lorsqu'ils arrivent dans une ville. Ces fourriers marchent toûjours en-avant du corps. Dans la cavalerie on les nomme maréchaux des logis. Voyez Maréchal des Logis . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRIERE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FOURRIERE FOURRIERE, s. f. ( Jurispr. ) il se dit des bestiaux trouves en délit, pris & emmenés par le propriétaire ou fermier de l'héritage sur lequel ils ont commis le delit. Ces bestiaux doivent être remis à la garde de la justice; c'est ce qu'on appelle les mettre en fourriere , parce qu'on les donne à garder & nourrir. Lorsque le délit est prouvé, on condamne le propriétaire des bestiaux à payer non-seulement le dommage, mais aussi les frais de la fourriere . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOURRURE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FOURRURE * FOURRURE, s. f. ce qui sert à garnir, doubler, soit pour la solidité, soit pour la commodite, soit pour le luxe & l'ornement. On fourre les bijoux d'or & d'argent de corps étrangers, pour les rendre solides: on dit dans ce cas plûtôt garniture que fourrure . On fourre un habit de peaux garnies de leur poil. On fourre aussi quelquefois pour tromper, comme des bottes de foin fourrées . La fourrure est encore un habit particulier aux docteurs, licentiés, bacheliers, professeurs, &c. de l'université. Voyez Docteur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourrure Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fourrure Fourrure , ( Marine. ) c'est une enveloppe de vieille toile à voile, ou de fils & cordons des vieux cables, que l'on met en tresse ou petite natte, & dont on enveloppe toutes les manoeuvres de service pour les conserver. On en met aussi autour du cable, pour le conserver à l'endroit où il passe dans l'écubier, & lorsque l'ancre est mouillée. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourrure ou Rombaliere Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fourrure Fourrure ou Rombaliere , ( Marine. ) c'est un revêtement de planches qui couvrent par-dedans les membres des grands bâtimens à rame. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fourrures Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Fourrures Fourrures , en termes de Blason , ce sont les doublures des robes, des lambrequins, qui marquent la qualité des personnes. Voyez Manteau , &c . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOUTEAU Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FOUTEAU FOUTEAU, s. m. fagus. Voyez Hêtre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOWEY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FOWEY FOWEY, ( Géog. ) bourg à marché d'Angleterre, situé à l'embouchure d'une petite riviere qui porte son nom, dans le comté de Cornoüailles, entre Falmouth & Plimouth. Ce bourg qui envoye deux députés au parlement, est à 70 lieues S. O. de Londres. Long. 12 d . 30'. lat. 50 d . 12' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FOYER Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie | Optique Part of Speech=s.m. FOYER FOYER, s. m. ce mot a deux acceptions, l'une en Géométrie , l'autre en Optique , & ces deux acceptions ont quelque chose d'analogue. En Géométrie il s'employe principalement en parlant des sections coniques: on dit le foyer de la parabole , les foyers de l'ellipse , les foyers de l'hyperbole; & on a expliqué au mot Conique ce que c'est que ces foyers . On a appellé ces points foyers , par la propriété qu'ils ont de réunir les rayons qui viennent frapper la courbe suivant certaines directions. Cette propriété est détaillée au mot Conique . Voyez ausse Ellipse , Hyperbole, & Parabole Les points qu'on appelle aujourd'hui foyers , s'appelloient autrefois umbilics ou nombrils, umbilici; parce qu'on peut les regarder comme les points les plus remarquables qui se rapportent à la courbe, & qu'on peut même déterminer l'équation de la courbe par des rayons tirés à ces points, ainsi qu'on l'a vû au mot Ellipse . Il est quelquefois plus commode de représenter une courbe par l'équation entre les rayons tirés d'un point fixe à cette courbe, & les angles que forment ces rayons, que de la représenter par l'équation entre les co-ordonnées rectangles ( Voyez Courbe & Equation ); en ce cas on donne quelquefois par extension le nom de foyer à ce point fixe, duquel on suppose que les rayons soient tirés, quoique co point n'ait pas la propriété de rassembler les rayon, qui tomberoient sur la courbe. Tel seroit par exemple le point F ( figure 18 . Coniq. ), par rapport à la courbe A M m , si on déterminoit l'équation de cette courbe, non par le rapport en're les variables A P & P M , mais par le rapport entre la variable F M , & l'angle variable A F M , que la ligne F M fait avec la ligne fixe FA Voyez la seconde section des infin. ment petits de M. de l'Hopital, vers la fin . En Optique on appel e foyer d'un miroir, foyer d'un verre, foyer d'une lunette , le point où les ravons refléchis par le miroir, ou rompus par le verre ou la lunette, se réunissent, soit exactement, soit physiquement: sur quoi voyez l'article Ardent . On trouve dans les mémoires de l'acad. des Sciences de 1710 , une formule générale pour connoître le foyer des miroirs; & dans ceux de 1704, une formule pour déterminer celui des verres. Nous donnerons ces formules aux mots Lentille & Miroir , où est leur véritable place. Voyez aussi Convergent , Divergent , Concave , Convexe , &c . M. Bouguer a remarqué dans son ouvrage sur la figure de la terre, p. 203. & suiv. que le foyer des grandes lunettes est différent, 1°. selon la constitution des yeux de l'observateur; 2°. selon qu'on enfonce ou retire l'oculaire; 3°. selon la constitution actuelle de l'atmosphere; & il donne des moyens de se précautionner contre ces variations. Voyez l'article Lunette . Lorsque les rayons refléchis ou rompus sont divergens, mais de maniere que ces rayons prolongés iroient se réunir, soit exactement, soit physiquement, en un même point, ce point est appellé foyer virtuel ou imaginaire , & par d'autres points de dispersion . Ainsi ( fig. 11 . Optiq. ) si les rayons fa paralleles à l'axe de , sont rompus par le verre a b suivant a K , ensorte qu'ils concourent en e étant prolongés, ce point e est le foyer virtuel de ces rayons. Comme les rayons qui partent du foyer d'une hyperbole sont refléchis par cette hyperbole, de maniere qu'étant prolongés ils passeroient par le foyer de l'hyperbole opposée, on peut regarder ce second foyer comme un foyer virtuel. Sur les propriétés des différentes especes de foyers, voyez la dioptrique de Descartes, celle de Huyghens, & beaucoup d'autres ouvrages. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foyer Author=d'Aumont Normalized Classification=Economie animale Part of Speech=NA Foyer Foyer , ( Econ. anim. ) Les anciens philosophes & medecins désignoient par ce terme le siége principal de ce qu'ils apppelloient calidum innatum , chaud inné. Ils fixoient ce siége dans le coeur; d'où ils pensoient qu'il se distribue dans toutes les parties du corps. Selon eux, ce chaud inné qu'ils regardoient comme une substance, & qu'ils distinguoient de la chaleur naturelle, qui n'étoit dans leur systeme qu'une qualité, résidoit principalement dans cet organe où ils trouvoient tout ce qui est nécessaire pour l'y entretenir; parce que d'après les idées qu'ils s'en étoient faites, il a besoin non-seulement de l'humide radical pour lui servir d'aliment ( Voyez Humide radical ), mais encore de l'air qui lui sert, comme au feu domestique, pour le fomenter & l'exciter continuellement. Or cet air se renouvelle sans cesse dans les poumons, qui font, par rapport au coeur, fonction de soufflet pour l'usage qui vient d'être dit. Les modernes ont abandonné cette théorie sur les causes de la chaleur animale, pour en substituer d'autres, analogues aux differentes manieres dominantes de philosopher; causes sur lesquelles on a par conséquent beaucoup varié depuis un siecle, mais sans avoir fourni jusqu'à-présent rien de bien satisfaisant. On n'est pas même encore parvenu à déterminer si c'est à des causes méchaniques ou physiques, qu'il faut attribuer cet effet si important dans l'économie animale; & dans les différens systèmes qui l'ont attribué à des causes purement méchaniques, on n'a pas pû non plus s'accorder sur le lieu du corps où la chaleur est principalement produite; sur la partie que l'on peut regarder comme en étant le foyer : les uns l'ont fixé dans le coeur; d'autres dans les poumons; d'autres enfin dans les vaisseaux capillaires sanguins, sans qu'aucune de ces opinions soit incontestablement reçûe: ainsi on n'a encore rien de bien décidé sur ce sujet en général, d'autant moins qu'on commence à appercevoir que les causes méchaniques ne sont pas suffisantes pour rendre raison de tous les phénomenes, relatifs aux différentes altérations qu'éprouvent les humeurs animales dans les corps vivans. On revient à chercher dans les causes physiques l'explication que celles-là n'ont pû donner jusqu'à-présent d'une maniere bien complete; on parviendra peut-être à découvrir, à trouver dans les influences de l'électricité, dans l'action universelle de cette puissance physique, & dans la nouvelle théorie que se fait la Chimie, d'après les seules expériences, les lumieres que n'ont pû fournir sur ce sujet les autres parties de la science des corps, qui ne sont fondées pour la plûpart que sur les productions de l'imagination. Voyez Chaleur animale , Coction . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foyer Author=d'Aumont Normalized Classification=Pratique médicinale Part of Speech=NA Foyer Foyer se dit aussi, dans la Pratique médicinale , de la partie du corps où l'on conçoit que sont déposées des humeurs, des matieres morbifiques, qui étant susceptibles d'etre portées de-là dans la masse des humeurs, leur communiquent, leur procurent & produisent de mauvaises qualités; d'où s'ensuivent différens desordres dans l'économie animale. On trouve souvent dans les écrits des praticiens modernes, le mot foyer appliqué sous cette acception, principalement aux premieres voies; en tant qu'ils supposent que c'est le résultat des mauvaises digestions; que ce sont les mauvais levains qu'elles fournissent aux secondes voies; que c'est la corruption des sucs digestifs qui y sont portés: d'ou se forment les causes efficientes de la plûpart des maladies. Voyez Maladie . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foyer Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Foyer Foyer , ( Marine. ) ce sont des feux qu'on allume la nuit au-haut de quelque tour elevée, pour servir de guide aux vaisseaux par leur lumiere. Voy. Phare . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Foyer Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Foyer Foyer , en Architecture , c'est la partie de l'atre qui est au-devant des jambages d'une cheminee, & qu'on pave ordinairement de grand carreau quarré de terre cuite, ou de marbre; alors c'est le plus souvent un compartiment de divers marbres de couleur, mastiqués sous une dale de pierre dure, ou incrustés sur un fond de marbre d'une couleur, comme blanc ou noir pur, qu'on met au-devant des jambages d'une cheminée. Il s'en fait aussi de marbres feints, & de carreaux de fayence. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRACTION Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. FRACTION * FRACTION, s. f. ( Gramm. ) L'action de briser un corps. Il n'est guere d'usage que dans ces deux phrase, consacrées; fraction de l hostie, fraction du pain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraction Author=Rallier des Ourmes Normalized Classification=Arithmétique | Algèbre Part of Speech=NA Fraction I. Fraction , ( Arithmétique & Algebre. ) Dans le sens le plus étendu, une fraction est une division indiquée ; dans un sens plus étroit, & en tant qu'on l'oppose à l'entier , c'est une division indiquée qui ne peut se consommer . II. L'une & l'autre définition emportent nécessairement deux termes, dont l'un représente le dividende, l'autre le diviseur. On les place l'un sous l'autre avec une petite ligne transversale entre deux. Le supérieur, qui représente le dividende, est dit numérateur ; & l'inférieur, qui représente le diviseur, est dit dénominateur de la fraction . Ainsi a / b est une fraction dont a est le numérateur & b le dénominateur. III. Si le numérateur est multiple du dénominateur, la fraction supposée ne l'est que par l'expression, puisque la division venant à s'effectuer, le quotient est un entier. Si le numérateur, sans être multiple du dénominateur, est d'ailleurs plus grand que lui, il le contiendra, au moins une fois, avec un reste: c'est ce qu'on appelle fraction mixte , parce que le quotient est un entier joint à une fraction . Enfin si le numérateur est plus petit que le dénominateur; c'est une fraction pure sur laquelle la division n'a point de prise, & qui est elle-même son quotient. 12/3=4 est une fraction de la premiere espece; 6/5 =1+1/5 une de la seconde; 2/3=2/3 une de la troisieme. IV. Toute fraction , comme celle-ci 2/3, peut s'énoncer de deux manieres, ou 2 divisé par 3 (c'est-à-dire le tiers de deux ) ou deux tiers . La premiere maniere est relative aux définitions ci-dessus. Suivant la seconde, on conçoit l'unité divisée en parties dont le dénominateur indique l' espece & le numérateur le nombre qu'il en faut prendre. Mais cette diversité dans la maniere d'énoncer n'influe en rien sur le fond; soit qu'on divise 2 toises ou 12 piés par 3, c'est-à-dire qu'on en prenne le tiers, soit qu'on prenne les deux tiers d'une toise ou de 6 piés, le résultat est également 4 piés. V. Pour procéder avec quelque ordre dans une matiere d'un détail assez épineux, nous traiterons d'abord des fractions prises singulierement, puis nous comparerons diverses fractions ensemble, enfin nous en donnerons le calcul. VI. Des fractions prises singulierement . La valeur absolue d'une fraction est d'autant plus grande, que son numérateur est plus grand & son dénominateur plus petit; & au contraire. Pour en sentir la raison, il suffit de se rappeller que le numérateur est le dividende, le dénominateur le diviseur, & la valeur de la fraction le quotient. Voyez Division . VII. Pour doubler, tripler, &c. la valeur d'une fraction , c'est donc la même chose de multiplier son numérateur, ou de diviser son dénominateur par 2, 3, &c... comme pour en prendre la moitié, le tiers, &c. c'est la même chose de diviser son numérateur ou de multiplier son dénominateur par 2, 3, &c . VIII. Donc la valeur d'une fraction n'est point changée, soit qu'on multiplie, soit qu'on divise ses deux termes par la même grandeur n; car l'effet de l'opération faite sur le numérateur sera détruit par l'opération subséquente sur le dénominateur. C'est en effet multiplier ou diviser la fraction par n/n =1; or 1 ne change point les grandeurs, soit qu'il divise, soit qu'il multiplie. IX. Cela même fournit le moyen de réduire un entier a en fraction d'un dénominateur quelconque n , sans altérer sa valeur; il n'y a qu'à le multiplier & le diviser par n . Si l'on fait n =1, on aura a x1/1= a 1; & c'est la maniere la plus simple de réduire un entier en fraction , lorsqu'on n'a pas d'ailleurs intérêt de lui donner un dénominateur déterminé. X. On dit qu'une fraction est réduite à ses plus simples termes , quand les deux termes qui l'expriment sont premiers entr'eux. Voy . Premier & Nombre premier . S'ils ne le sont pas, on les réduit à l'être, en les divisant par leur plus grand diviseur commun. Ainsi 18/24 se réduit à 3/4, en divisant le numérateur & le dénominateur par leur plus grand commun diviseur 6. Voyez Diviseur . Il est clair ( n°: VIII.) que par cette opération la valeur de la fraction n'est point changée. XI. Pour trouver la valeur d'une fraction relativement à un entier d'une espece déterminée, voici la méthode. On suppose la fraction pure; parce que, si originairement elle étoit mixte, on a dú préalablement en tirer l'entier par la voie ordinaire. Le dénominateur de la fraction restant le diviseur constant, prenez successi vement pour dividende, 1°. le numérateur réduit en aliquotes premieres de l'entier ( voyez Aliquote ); 2°. le reste, s'il y en a, réduit en aliquotes secondes de l'entier; 3°. le second reste réduit, &c. jusqu'à ce que la division soit exacte, ou que vous soyez parvenu à l'aliquote derniere. Ces divers quotiens seront, dans l'ordre qu'ils ont été trouvés, des aliquotes premieres, secondes, troisiemes, &c. de l'entier. Si le dernier quotient laisse un reste, vous l'écrirez en fraction à l'ordinaire. Ainsi cette fraction 3/5 , s'il s'agit d'étendue, & que l'entier soit une toise , est 3 piés 7 pouces 2 2/3 lignes; car 3x6/5=3, & il reste 3: 3x12/5=7, & il reste 1: 1x12/5=2 2/5. La même fraction 3/5 , s'il s'agit de monnoie, & que l'entier soit une livre , est 12 s. Cete même fraction 3/5 , s'il s'agit de tems, & que l'entier soit une heure, est 36'. XII. De la comparaison des fractions . Le but qu'on se propose, en comparant ensemble diverses fractions , est de découvrir le rapport qu'elles ont entr'elles. Ce rapport est sensible, dès que les fractions ont le même dénominateur; car, a/c.b/c::a.b , puisque le produit des extrèmes est égal au produit des moyens ( V. Proportion ), c'est à-dire qu'alors les fractions sont entr'elles comme leurs numérateurs. Il ne s'agit donc que de donner aux fractions proposées un dénominateur commun, lorsqu'elles ne l'ont pas. Or pour cela, quel que puisse être le nombre des fractions , voici une regle simple & unique. Multipliez les deux termes de chaque fraction par le produit continu des dénominateurs des autres fractions ; il est clair ( n°. VIII.) que par cette opération la valeur de chaque fraction primitive n'est point changée; & il n'est pas moins évident qu'il en résulte pour toutes les fractions réduites le même dénominateur, puisqu'il est pour chacune le produit des mêmes facteurs. Premieres fractions ... Secondes fractions ... plus simplement . (+) Si les dénominateurs des fractions ont un diviseur commun, on peut simplifier l'opération en cette sorte: Soit qu'il faut réduire à même dénomination, les dénominateurs g e & g k ayant pour diviseur commun g , je multiplie le haut & le bas de la premiere par k seulement, & le haut & le bas de la seconde par e seulement, & j'ai . (+) Ainsi, si j'avois à réduire à même denomination, je prendrois d'abord le plus grand commun diviseur 8 de 16 & de 24 ( voyez Diviseur ); ensuite j'écrirois , & ; ensuite je multiplierois le haut & le bas de la premiere fraction par 3, & le haut & le bas de la seconde par 2, & j'aurois , & ; & ainsi des autres. Du calcul des fractions . Ce qui a été dit ( n°. IX.) nous met en droit de supposer que les quantités sur lesquelles il sera question d'opérer, ne contiennent que des fractions . XIII. Addition . Les fractions proposées étant préalablement reduites à la même dénomination, faites la somme des numérateurs, & écrivez au-dessous le dénominateur commun. XIV. Soustraction . Après avoir réduit séparément les deux quantités proposées en une seule fraction , donnez aux deux fractions résultantes un denominateur commun, & écrivez-le sous la différence des numérateurs. (+) On voit par cette opération que lorsqu'il s'agit d'additionner & de soustraire des fractions , on peut les réduire à la même dénomination par la premiere regle générale, sans s'embarrasser si les dénominateurs ont un commun diviseur, ou non; il suffira de réduire à la plus simple expression la fraction unique qui sera le résultat de la derniere opération. En effet qu'on ait, par exemple, à ajoûter avec , on peut écrire indifféremment , après avoir réduit au même dénominateur par la seconde regle, ou en réduisant au même dénominateur par la premiere regle , en réduisant & divisant le haut & le bas par g . XV. Multiplication & division . Nommant premiere fraction celle qui représente le multiplicande ou le dividende, & seconde fraction celle qui représente le multiplicateur ou le diviseur, multipliez terme-à-terme la premiere fraction par la seconde, directe s'il s'agit de multiplication, & renversée s'il s'agit de division. Le produit de . Le quotient de . Pour le démontrer, soit d'où ; & ... Il faut faire voir que & que . Or, que dans le premier membre de ces deux dernieres égalités, au lieu de a & de c , on substitue leurs valeurs b p & d q , on aura ......... XVI. Si, pour la division on a préféré'e renversement de la fraction qui représente le diviseur à la pratique usitée de multiplier en croix, qui au fond est la même chose; c'est que la regle presentée sous ce point de vûe rend plus sensiblement raison d'une espece de paradoxe qui a coûtume de frapper les commençans. Il arrive souvent dans la multiplication des fractions que le produit est plus petit que le multiplicande, & au contraire dans leur division, que le quotient est plus grand que le dividende; & cela ne peut manquer d'arriver toutes les fois que la fraction qui représente le multiplicateur ou le diviseur est plus petite que l'unite; car alors son numérateur est plus petit que son dénominateur. Quand donc la fraction reste directe dans la multiplication, c'est le plus petit terme qui multiplie la premiere fraction , tandis que le plus grand la divise: cette premiere fraction doit donc être plus diminuée qu'augmentée, & devenir plus petite. Quand au contraire la fraction se renverse dans la division, c'est le plus grand terme qui multiplie la premiere fraction , tandis que le plus petit la divise; elle gagne donc plus qu'elle ne perd, & doit devenir plus grande. XVII. Soit à diviser par , le quotient sera . Ce qui fait voir que quand le dividende & le diviseur ont un dénominateur commun, on peut négliger celui-ci, & prendre pour quotient des deux fractions celui même de leurs numérateurs. (+) On peut voir au mot Division des remarqeus sur la division des fractions les unes par les autres, ou des entiers par des fractions; on y a expliqué très-clairement & à priori pourquoi un nombre quelconque divisé par une fraction , donne un quotient plus grand que lui. On a vû aussi au mot Exposant , comment la fraction se change en a-n . (+) On a prouvé au mot Diviseur ( voyez ce mot, & l'addition qu'on y a faite dans l'errata du cinquieme Volume ), que si deux nombres a, b , n'ont aucun diviseur commun, & que deux autres nombres c, d , n'ayent aucun diviseur commun entr'eux, ni avec les deux premiers; alors dans le produit , a c & b d n'auront aucun diviseur commun. De-là il s'ensuit que si est une fraction réduite à ses moindres termes; & en général sera aussi une fraction réduite à ses moindres termes. Donc une fraction , soit pure, soit mixte, élevée à une puissance quelconque, donne toûjours une fraction ; donc un nombre entier qui n'a point pour racine quarrée, cubique, &c. un nombre entier, ne sauroit avoir une fraction (même mixte) pour racine; donc la racine d'un tel nombre est incommensurable. Voyez Incommensurable . XVII. C'est à la multiplication qu'on doit rappeller la réduction des fractions de fraction , & non à la division, comme au 1 er coup-d'oeil on pourroit être tenté de le croire. Prendre en effet les de , n'est-ce pas, ce me semble, diviser par ? Non, c'est au contraire le multiplier, & l'on va en convenir. Si l'on n'avoit à prendre que le tiers de , il faudroit ( n°. VII.) multiplier le dénominateur par 3 pour avoir ; mais c'est les deux tiers qu'il s'agit de prendre. Il faut donc doubler ce qu'on a trouvé, c'est-à-dire ( ibidem. ) multiplier le numérateur par 2. La seconde fraction reste donc directe dans l'opération, ce qui ( n° . XV.) détermine celle-ci à être une multiplication. Donc de . Il suit qu'ayant un nombre quelconque de fractions de fraction , pourvû que ce qui étoit numérateur reste numérateur, & que ce qui étoit dénominateur reste dénominateur, on peut d'ailleurs transposer entr'elles les fractions , & échanger leurs termes comme on voudra, sans que la valeur de la suite en soit altérée, puisque les deux termes de la fraction qui l'exprimera seront toûjours formés respectivement des mêmes facteurs. XIX. Elévation & extraction . Faites séparément sur les deux termes de la fraction celle des deux opérations qu'exige la circonstance, & elle se trouvera faite sur la fraction elle-même. (+) XX. Fractions décimales . On a traité cette matiere au mot Décimal , auquel nous renvoyons. Nous remarquerons seulement qu'au lieu du point dont nous avons parlé dans cet article, & qui sert à distinguer les parties décimales des entiers, quelques auteurs se servent d'une virgule; ce qui revient au même, & ce qui est quelquefois plus commode, lorsqu'il est à craindre que le point ne soit pris pour un signe de multiplication. D'autres ont employé une autre maniere, mais moins commode: par exemple, pour désigner 3.0206, c'est-à-dire quatre parties décimales, ou ce qui revient au même, un dénominateur égal à l'unité suivi de quatre zéros, ils écrivent 30206''''; de même pour désigner 3.206, ils écrivent 3206''', & ainsi du reste. XXI. Fractions sexagésimales . On nomme ainsi un ordre de fractions dont les dénominateurs sont les puissances successives de 60. On en peut imaginer de tant d'autres especes qu'on voudra; mais nous ne nous y arrêterons pas: outre que leur utilité est bornée à un objet particulier, leur calcul peut aisément se déduire par analogie de tout ce qui a précédé. (+) Ces fractions , dont le calcul est peu d'usage, ont été imaginées par quelques arithméticiens à cause de la division du cercle en 360 degrés, = 6 x 60, du degré en 60 minutes, de la minute en 60 secondes, &c. Mais on eût beaucoup mieux fait d'employer la division décimale pour les parties du cercle, & en général pour toutes les divisions quelconques, comme on l'a déjà dit au mot Decimal . XXII. Il est encore d'autres fractions d'un ordre transcendant, qu'on nomme continues ; mais comme elles peuvent toûjours se résoudre en suites, nous les renvoyerons à cet article, celui-ci n'étant déjà que trop long. Voyez Suite . Cet article, à quelques additions près marquées d'une (+), est de M. Rallier des Ourmes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraction rationnelle Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fraction rationnelle Fraction rationnelle , est le nom que l'on donne à des fractions algébriques qui ne renferment point de radicaux, comme . M.Bernoulli a donné dans les mém. de l'acad. des Sciences de Paris pour l'année 1702 , une méthode pour intégrer en général toutes les fractions différentielles rationnelles, comme , &c. dans lesquelles a, b, f, n, m, q, p, &c. sont des constantes quelconques; il démontre que ces fractions peuvent toûjours s'intégrer par logarithmes réels ou imaginaires, & que leur intégration peut se réduire par conséquent, ou à la quadrature de l'hyperbole, ou à celle du cercle. Cette méthode a été depuis extrèmement perfectionnée par plusieurs géometres; dans les journaux de Leipsick de 1718, 1719 ; dans les mémoires de l'académie de Petersbourg, t. VI. dans l'ouvrage de M. Cottes, intitulé harmonia mensurarum ; dans l'ouvrage de dom Charles Walmesley, qui a pour titre, mesure des rapports ; dans celui de M.Maclaurin, qui a pour titre, a treatise of fluxions , traité des fluxions, tome II. dans le traité de M. Moivre, intitulé miscellanea analytica de seriebus & quadraturis , &c. On peut aussi voir plusieurs recherches nouvelles sur cette matiere dans une dissertation imprimée tome II. des mémoires françois de l'académie de Berlin, 1746 . Cette dissertation a pour titre, Recherches sur le calcul intégral . J'y démontre, 1°. que toute quantité algébrique rationnelle d'un degré quelconque, est réductible ou en facteurs simples, tels que x + a , ou en facteurs trinomes, tels que xx + b x + c, a, b, c , étant des quantités réelles. C'est ce que personne avant moi n'avoit démontré, & ce qui étoit nécessaire pour rendre complette la méthode d'intégrer les fractions rationnelles différentielles. On peut voir cette démonstration dans le traité du calcul intégral de M. de Bougainville, II. partie. 2°. J'y donne le moyen de réduire à des fractions rationnelles une grande quantité de différentielles qui renferment des radicaux. On peut aussi voir cette méthode dans l'ouvrage que je viens de citer, ainsi qu'une méthode particuliere pour intégrer les fractions rationnelles, & pour démontrer la méthode de M.Bernoulli; méthode que j'avois présentée à l'académie des Sciences en 1741, avant que d'avoir l'honneur d'y être reçu. Cet ouvrage de M.de Bougainville contient d'ailleurs le précis de tout ce que les auteurs cités ont donné de meilleur sur cette branche importante du calcul intégral. Voyez Integral & Imaginaire . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRACTURE Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.f. FRACTURE FRACTURE, s. f. terme de Chirurgie , solution de continuité, ou division faite subitement dans les os, par la violence de quelque cause extérieure contondante. On appelle plaies de l'os , les divisions qui y sont faites par instrument tranchant. Les fractures sont transversales, obliques, ou longitudinales. Les praticiens n'admettent point la fracture simple de l'os, suivant sa longueur; parce qu'il n'y a aucun coup capable de fendre l'os en long, qui ne puisse le rompre de-travers avec bien plus de facilité. On trouve néanmoins, à la suite des plaies d'armes à feu, les os fendus suivant leur longueur, jusque dans les articulations: mais ces exemples ne prouvent point la possibilité de la fracture longitudinale simple. Presque toutes les fractures ont des figures differentes. Les fractures en-travers sont avec des inégalités: ou bien les os sont cassés net, comme une rave: quelquefois un des bouts de l'os cassé est seulement éclaté, & forme une espece de bec qui ressemble à celui d'une flûte. Les fractures obliques sont de deux sortes: les unes sont obliques dans toute leur étendue; & d'autres sont transversales pendant quelques lignes, & obliques dans le reste de leur étendue. Il y a des fractures dans lesquelles les os sont brisés en plusieurs éclats; il n'est pas possible de rien déterminer sur leurs figures, qui peuvent être variées à l'infini. Les fractures different entre elles par l'éloignement des pieces fracturées: l'écartement est plus considérable dans les unes que dans les autres; & il y en a sans déplacement. Les os peuvent être déplacés suivant leur longueur, quand les bouts chevauchent les uns sur les autres; ou bien ils sont déplacés suivant leur épaisseur: il arrive même souvent, dans le dérangement transversal, que les bouts sont portés en sens contraire, sans cesser de se toucher par quelques points des surfaces de la fracture . Par rapport aux accidens, les fractures sont divisées en simples, en composées, & en compliquées. La fracture est simple, lorsqu'il n'y a qu'un seul os de rompu, sans autre accident contraire à l'indication curative générale, qui consiste dans la réunion des parties divisées. La fracture est composée, lorsqu'il y a en même tems deux ou trois os de cassés dans la partie, sans cependant qu'il y ait d'accidens. La fracture compliquée est celle qui est accompagnée de maladies ou d'accidens qui multiplient les indications, & demandent qu'on employe différens remedes, ou qu'on fasse des opérations différentes pour parvenir à leur guérison: comme sont les luxations, les plaies, les apostèmes accompagnés de fievre, de douleur, de convulsion, &c. Parmi ces accidens, il v en a qui exigent des secours plus prompts que la fracture . Si la plaie qui complique une fracture l'étoit elle-même d'hémorrhagie, il faudroit commencer par arrêter le sang, dont l'effusion forme l'accident le plus pressant. Quand il se rencontre en même tems fracture & luxation, celle-ci doit être réduite la pre miere; à-moins que la fracture voisine de l'articulation, un gonflement considérable, ou autres circonstances ne le permettent pas. Pour peu qu'il y ait d'inconvéniens à réduire préliminairement la luxation, on donnera les premiers soins à la fracture : car on peut réussir dans la réduction d'une luxation ancienne. Voyez Luxation . On distingue encore les fractures en complettes & en incomplettes. La fracture est complette, lorsque l'os est entierement cassé; & incomplette, lorsque sa continuité est conservés en partie, au moyen de quelque portion osseuse qui n'a point souffert de division: cela ne se rencontre qu'aux os du crane, des hanches, aux omoplates. Cela peut cependant arriver aux os longs, dans les enfans très-jeunes ou rachitiques; ou aux adultes, dans le cas des plaies d'armes à feu, qui peuvent écorner un os. Un chirurgien qui donneroit pour preuve de la fracture incomplette une observation dans laquelle le malade, pansé comme d'une contusion considérable, feroit quelque mouvement violent, à la suite duquel la fracture se manifesteroit; ce chirurgien, dis-je, paroîtroit plûtôt avoir méconnu une fracture complette sans déplacement primitif des pieces osseuses, qu'il ne persuaderoit la fracture totale de l'os, par le mouvement violent qui auroit, selon lui, achevé de rompre les fibres osseuses, que le coup ou la chûte auroient d'abord épargnées. Les coups, les chûtes, les violens efforts, de quelque nature qu'ils soient, sont les causes les plus ordinaires des fractures . On appelle fractures de cause interne celles qui se font à l'occasion d'une cause très-legere, à cause des dispositions internes qui rendent les os très-fragiles: telles sont la carie, l'exostose, la mollesse, & autres états contre nature, qui dépendent de diverses dépravations de la lymphe & du sang, comme la vérole, le scorbut, le virus écroüelleux, le levain cancereux. Les signes des fractures sont la douleur, l'impuissance du membre, sa mauvaise configuration, & le craquement des pieces fracturées, connu sous le nom de crépitation . Tous ces signes séparément pris, peuvent être équivoques: la douleur & l'impuissance étant les effets ordinaires de beaucoup d'autres maladies, ne prouvent rien en elles-mêmes. La mauvaise configuration du membre est souvent un vice originaire de conformation; & l'on sait qu'il y a des fractures sans difformité apparente. Enfin les tumeurs emphysémateuses font ressentir une espece de craquement quand on les presse, & qui pourroit en imposer à ceux qui n'y feroient pas grande attention. Un chirurgien qui demande si la difformité qu'il apperçoit à un membre confronté avec la partie same, est naturelle, ne peut guere se tromper à la simple vûe sur une fracture simple sans gonflement: il y a même fort peu de cas où cette question ne devînt ridicule. Si la mauvaise configuration du membre n'est pas assez manifeste pour faire appercevoir qu'il y a fracture , on pourra la reconnoître par le moyen du toucher, en sentant les inégalités que font les pieces d'os déplacées. Il faut pour cet effet que le malade soit assujetti par quelqu'un de fort; de crainte qu'abandonné à lui-même, la douleur ne lui fît faire des mouvemens qui pourroient devenir très-nuisibles. Pour mieux reconnoître les inégalités des pieces fracturées, on choisira les endroits où l'os cassé est le moins couvert de muscles; & glissant les doigts d'un bout à l'autre, l'on suivra l'une des faces ou des crêtes de l'os dans toute sa longueur. On aura encore attention, afin de ménager la sensibilité, de ne toucher qu'avec beaucoup de douceur & de circonspection les endroits où l'on sent des esquilles ou pointes d'os s'élever & faire tumeur: car en poussant durement les parties sensibles contre les pointes & les tranchans des os, on feroit un supplice d'un examen salutaire. La crépitation ou le bruit que font les bouts de l'os casse, en se froissant l'un l'autre lorsqu'on remue le membre, est un des principaux signes des fractures . Pour faire avec moins de douleur cette épreuve presque toûjours nécessaire, il faut faire tenir fixement la partie supérieure du membre cassé; afin qu'en remuant doucement la partie inférieure, elle puisse occasionner une legere crépitation: le chirurgien la sent par l'ébranlement que le choc ou le froissement des os fracturés communique à ses mains. Il n'est pas nécessaire que l'air extérieur soit mû au point d'ébranler les oreilles. Le prognostic des fractures se tire de leur nature & différences de leurs symptômes, & les accidens qui les compliquent. Les fractures obliques, celles qui sont en flûte, celles où il y a plusieurs pieces éclatées, sont plus fâcheuses que les fractures transversales, non-seulement parce que les pointes & les tranchans des os peuvent blesser les chairs, & en conséquence produire plusieurs accidens, mais encore parce qu'il est plus difficile de contenir ces fractures exactement réduites. Les vices intérieurs qui accompagnent les fractures , les rendent dangereuses, parce que le suc osseux n'a pas toûjours alors les dispositions requises pour la formation du cal. Voyez Calus . Le plus ou moins d'écartement des pieces osseuses, & les différens accidens qui compliquent les fractures , rendent la cure plus ou moins facile. La cure des fractures consiste premierement à réduire l'os fracturé dans sa situation naturelle; secondement à l'y retenir, moyennant les appareils convenables; troisiemement à corriger les accidens, & à prévenir ceux qui pourroient arriver. La difficulté de réduire les fractures , ne vient que de ce que les bouts de l'os se touchent par les côtés: il faut donc, pour lever cet obstacle, faire des extensions suffisantes. Voyez Extension . Leur degré doit être mesuré sur l'étendue du déplacement, & sur la force des muscles qui tirent les bouts de l'os fracturé, & qui les tiennent éloignés. Les mains seules ne sont pas toûjours suffisantes pour faire les extensions & centre-extensions nécessaires: il faut avoir recours aux laqs appliqués avec méthode. Voyez Laqs . Il y a des cas où un seul aide fait en même tems l'extension & la contre-extension: la fracture de la clavicule en donne un exemple. Le blessé doit être assis sur un tabouret d'une hauteur convenable; un aide placé par-derriere appuye du genou entre les deux épaules, & tire le moignon de chacune en-arriere. Le chirurgien qui opere travaille pendant ce tems à l'exacte réduction des bouts de l'os. Il faut voir le détail de toutes les manoeuvres particulieres pour la réduction de chaque os, dans les livres de l'art, & principalement dans le traité des maladies des os, par M.Petit. Dans toutes les fractures , lorsque les extensions nécessaires sont faites, on travaille à replacer les pieces d'os dans leur situation naturelle: c'est ce qu'on appelle faire la conformation . La seconde intention, dans la cure des fractures , est de maintenir l'os réduit; ce qui se fait par l'appareil & par la situation. L'appareil est différent suivant la partie fracturée, & selon l'espece de fracture . Dans les fractures simples des grands os des extrémités, qui sont la cuisse & la jambe, le bras & l'avant-bras, on applique d'abord sur la partie une compresse simple fendue à deux ou à quatre chefs. Pl. II . Chir. fig. 18 & 13. cette compresse doit être trempée dans une liqueur résolutive, telle que l'eau-de-vie camphrée; non-seulement pour l'effet du médicament, mais aussi afin qu'elle s'applique plus exactement sur la partie, sans y faire aucun pli. On se sert ensuite d'une bande roulée à un chef, trempée dans la même liqueur: on commence par faire trois tours égaux de cette bande sur le lieu de la fracture , & l'on continue de l'employer en doloires sur la par tie en remontant jusqu'à l'attache des muscles qui la font mouvoir. Voyez Doloire . Après cette premiere bande, on en applique une seconde d'une longueur convenable à son usage, qui est de faire d'abord deux circonvolutions égales sur l'endroit fracturé: on continue les circonvolutions jusqu'en bas de la partie fracturée, & l'on remonte vers le haut par des doloires. Les différens tours de bande ne doivent laisser à découvert qu'une quatrieme partie du tour précédent, afin que la fracture soit plus exactement contenue. Le bandage trop lâche ne contient point, laisse aux muscles la dangereuse facilité de se contracter; le calus est difforme; & le membre peut se consolider dans une direction qui ne seroit pas naturelle: d'un autre côté, le bandage trop serré, lorsqu'il l'est avec excès, attire la gangrene; & sans l'être au point de causer cet accident formidable, il peut l'être encore trop, & mettre obstacle à la libre circulation des liqueurs; d'où résultera le manque de nourriture & l'atrophie. L'inégalité des membres dans l'étendue de leur longueur, oblige en appliquant les bandes, de faire avec art des renversés; sans quoi, il y auroit des godets, dont l'inconvénient est de ne pas faire une compression égale, & de laisser des inégalités capables de blesser la partie par la compression qui résulte de l'application des autres pieces de l'appareil. Les deux premieres bandes appliquées, on met les compresses longuettes, Pl. II . fig. 17 . suivant les regles que nous avons exposées au mot Éclisse . Dans le pansement de la jambe fracturée, quelques praticiens remplissent le bas, depuis le défaut du mollet jusqu'aux malléoles, par l'application d'une compresse graduée inégale, Pl. XXXI . fig. 11 . d'autres préferent de donner plus d'épaisseur à l'extrémité inférieure des longuettes; ce qui se fait en repliant de la longueur qu'on le juge convenable, le linge simple, avant de faire les plis suivant la largeur, qui déterminent celle qu'on veut donner à chacune des compresses longuettes. On les maintient par une troisieme bande, dont les circonvolutions peuvent être faites en doloires plus larges, pour ménager la longueur de la bande. On peut contenir tout cet appareil entre deux gouttieres de fer-blanc ou de carton, liées avec des rubans de fil. On applique ensuite l'écharpe pour l'extrémité supérieure, voyez Echarpe ; & des fanons dans les fractures de l'extrémité inférieure, voy. Fanons . Une legere tuméfaction, sans douleur ni rougeur, qu'on apperçoit au-dessus & au-dessous du bandage, marque qu'il n'est ni trop ni trop peu serré. Lorsque l'appareil convenable est appliqué, il y a des précautions à prendre pour la commodité du blessé: il est à-propos d'insister un peu sur ces commodités, que tout le monde doit être bien-aise de connoître, & que peu de gens sont à-portée de rechercher dans les livres de l'art. Nous avons dit au mot Echarpe , ce qui concerne l'extrémité supérieure. Lorsque dans les premiers jours les malades sont obligés de garder le lit, il faut que le membre soit placé sans gêne dans une direction qui tienne tous les muscles relâchés, & sur un oreiller mollet. La jambe sera un peu élévée du côté du pié, pour favoriser le retour du sang; elle sera appuyée sûrement & mollement: on la posera sur un oreiller égal, appuyé sur un matelas qui lui-même doit être fort égal. Pour cet effet, le lit doit être garni de matelas seulement, sans lit de plume; & même il est bon de mettre entre le premier & le second matelas, une planche qui occupe depuis le pié jusque par-delà la hanche. Mais comme la nécessité d'être couché deviendroit à la longue insupportable, si l'on ne prenoit des précautions pour en diminuer la gêne autant qu'il est possible; on fait attacher au plancher une corde qui passe à-travers le ciel du lit, & qui descende à la portée de la main du malade: cette corde lui est très-utile pour se remuer facilement, & satisfaire à ses différens besoins. On attache au pié du lit une planche qui doit être stable, & sur laquelle on a fait cloüer un billot garni d'un matelas ou coussin: ce billot est un des plus grands soulagemens qu'on puisse procurer au malade; il lui sert à appuyer le pié sain pour se soûlever, avec l'aide de la corde, dans ses besoins, & pour se relever de-tems-en-tems, lorsqu'il glisse vers le bas du lit. Le chirurgien peut prévenir cet inconvénient, en donnant ses soins à la construction du lit; il doit même aider à le faire convenablement pour le bien de son malade. Pour éviter que le croupion ne s'écorche, M. Petit conseille de percer le premier matelas, afin de pouvoir passer commodément un bassin entre le premier & le second matelas, lorsque le blessé veut aller à la selle. Dans ce cas le drap de dessous doit être fendu ou composé de deux pieces qu'on puisse écarter au besoin, à l'endroit des fesses: faute de cette précaution, le croupion s'écorche; & alors il faut l'examiner souvent, & bassiner cette partie avec de l'eau vulnéraire, ou de l'eau-de-vie camphrée, pour prévenir la mortification: on remédiera à cet accident par l'application de l'onguent de stirax. Dans les fractures compliquées, la nécessité de panser souvent les blessés exigeroit de trop grands mouvemens dans l'usage des bandes roulées; & ces mouvemens seroient un grand obstacle à la réunion, qui demande un repos parfait, autant qu'il est possible de le procurer. On se sert alors du bandage à dix-huit chefs. Voyez sa description au mot Bandage ; & sa figure, Pl. XXXI . fig. 10 . Ce n'est pas seulement dans la fracture de la jambe, mais dans toutes celles des extrémités avec complication, qu'on doit s'en servir: on l'applique même dans les cas où il n'y a point de plaie. Dans les grandes contusions, par ex. quand il n'y auroit point de nécessité d'inciser, pour donner issue au sang extravasé, on employe le bandage à dix-huit chefs dans les premiers tems, & on revient ensuite au bandage roulé. On est alors dans le cas de lever souvent l'appareil contre la regle génêrale, pour observer ce qui se passe; & aussi afin de serrer le bandage à proportion que le sang se résout, & que la partie se dégonfle. Les fractures avec plaie sont plus ou moins fâcheuses suivant la nature de la plaie & de ses accidens. C'est quelquefois la même cause qui fracture l'os, qui fait la plaie; comme une roue de carrosse, une balle de mousquet, un éclat de bombe, &c. Les os même qui sont cassés peuvent déchirer les muscles & percer la peau; ces plaies sont avec plus ou moins de contusion, & peuvent être compliquées d'hémorrhagie, de corps étrangers, &c . Les anciens se servoient dans ces sortes de cas, d'un bandage fenêtré, qui leur permettoit de panser la plaie sans toucher au reste de l'appareil. Suivant Paul d'AEgine & Gui de Chauliac, on peut se servir des bandes roulées, dans le traitement des fractures compliquées avec plaie, avec le soin de ne couvrir des circonvolutions de la bande que les parties circonvoisines de la plaie; celle-ci demeurant à nud & à découvert, afin de la pouvoir panser tous les jours, & d'y appliquer les médicamens convenables, sans lever les bandes ni toucher à la fracture . Ambroise Paré desapprouve fort ce bandage: si la plaie n'est pas comprimée convenablement, les humeurs y seront envoyées, dit-il, des parties circonvoisines pressées; & il y surviendra bien-tôt inflammation & gangrene. Jacques de Marque, célebre chirurgien de Paris, mort en 1622, & qui nous a laissé un excellent traité des bandages , qu'aucun écrivain sur la même matiere n'a pû rendre inutile, a disserté très-doctement sur les inconvéniens reconus dans l'usage de ce bandage fenêtré; il rappelle le précepte de Paré, qui veut que l'on se serve d'une bande en deux ou trois doubles, en façon de compresse qui ne fasse qu'une seule révolution; c'est cette compresse en trois doubles, fendue pour en faire trois chefs de chaque côté, qui forme notre bandage à dix-huit chefs si recommandée dans la pratique. Il comprime également soute la partie; & l'on peut, sans la remuer, réitérer les pansemens autant qu'il est nécessaire; Guillemeau en est l'inventeur: mais Jacques de Marque, qui a écrit depuis ce savant chirurgien, digne éleve du grand Paré, a encore perfectionné ce bandage, tant dans son usage que dans sa construction. Chaque compresse donne six chefs; ce qui ne convient, dit-il, qu'aux fractures qui sont au milieu d'un membre; & dans ce cas, on peut arrêter les chefs supérieurs & inférieurs, se contentant de lever à chaque pansement les chefs du milieu, pour découvrir la plaie. Si la fracture étoit proche de l'articulation, il suffiroit que chaque piece de linge fût fendue de chaque côté pour faire quatre chefs; à-moins qu'en se servant du bandage avec des compresses à six chefs, on n'attachât les chefs supérieurs ou inférieurs, au-dessus ou au-dessous de l'articulation: c'est-à-dire, qu'en se servant du bandage à dix-huit chefs pour une fracture avec plaie à la partie inférieure de la cuisse, les six chefs inférieurs seroient employés au-dessous du genou; ou les six chefs supérieurs au-dessus du genou, dans l'application qu'on feroit de ce bandage pour une fracture compliquée à la partie supérieure de la jambe; ce qui me paroîtroit fort utile. M. Petit décrit le pansement & l'appareil des fractures compliquées, de la maniere suivante. On mettra sur la plaire couverte des plumaceaux, une compresse en quatre doubles, pour empêcher que les matieres purulentes ne gâtent le reste de l'appareil; puis deux compresses longuettes assez épaisses, une de chaque côté: & au lieu du bandage à dix-huit chefs cousus ensemble, on peut appliquer plusieurs bouts de bande séparés. lesquels feront le même effet que le bandage ordinaire, & auront l'avantage de pouvoir être changes séparément, suivant le besoin. Pour maintenir ce bandage, on peut se servir des gouttieres de fer blanc, liées avec trois laqs ou rubans de fil: on mettra ensuite le membre dans la situation convenable. M.Petit a corrigé les fanons pour les fractures compliquées de plaie à la partie postérieure du membre; il faisoit envelopper les torches de paille dans deux morceaux de toile séparés, de façon qu'elle manquât dans l'endroit de la plaie. Cet intervalle peut contribuer à la facilité des pansemens, puisqu'on peut, à l'aide de ces fanons, soûlever le membre & panser la plaie, après qu'on l'a mise à découvert des compresses. Dans les fractures compliquées de la cuisse, M. Petit recommande que le premier matelas soit partagé en plusieurs pieces qui puissent s'ajuster ensemble, & se séparer au besoin. Une grande piece s'étend depuis le milieu des fesses jusqu'au chevet: le reste est partage en quatre, deux de chaque côté. L'une, du côte malade, doit commencer où finit la premiere, & s'étendre quatre travers de doigt au-dessous de la fracture : l'autre piece du même côté, commence où finit celle-ci, & s'étend jusqu'au pié du lit. Les deux autres pieces du matelas sur lequel appuie le côte sain, seront partagées de même, à la différence qu'elles soient plus larges; le lit étant partagé de maniere qu'un tiers de sa largeur seulement fournit les portions qui soùtiennent le côté malade. Chacune de ces quatre portions de matelas est enveloppée de toile; ce qui sert de drap, sans en avoir l'inconvénient, & sans pouvoir former de plis capables d'incommoder: on peut aussi changer facilement ces toiles, pour raison de propreté. La partie supérieure du matelas, recouverte d'une alaise ou petit drap, n'a aucune communication avec les pieces inférieures. Voici les commodités qu'on tire de ces différentes pieces de matelas détachées. Quand on veut donner le bassin au malade, on ôte la piece du milieu, qui est du côté sain. Une partie de la cuisse & de la fesse portent alors à faux; & l'espace qu'occcupoit la portion de matelas ôtée, fait place au bassin qu'on présente au malade, & qu'on retire aisément lorsqu'il a été à la selle. Pour pouvoir remettre aisément cette portion du matelas, il faut y avoir fait coudre deux sangles étroites, ou deux rubans tire-bottes, qui passent sous la pareille portion de matelas du côté malade. Ces sangles sont tirées par quelqu'un, de maniere à ne point changer de place, ni remuer la portion du matelas sur laquelle appuie la cuisse fracturée. Le malade pourra aussi recevoir facilement un lavement, si l'on ôte les deux portions inférieures qui soûtiennent le côté sain. Pour panser le blessé, on tire la piece du matelas qui est dessous la fracture ; & l'on a la liberté de passer les mains de tous côtés pour lever l'appareil, & le rappliquer, sans risque d'ébranler la fracture . A l'égard de la fracture compliquée de la jambe, M.Petit a imaginé un moyen particulier dont nous avons donné la description au mot Boîte . Cette boîte a une planchette qui soûtient la plante du pié, & qui empêche le poids des couvertures sur la jambe fracturée. Dans les fractures simples, on est obligé de metere une semelle de bois garnie de linge pour servir de point d'appui à la plante du pié. Un ruban de fil embrasse cette semelle, & y est fixé par son milieu. Les deux chefs se croisent sur le coup-de-pié, & sont attachés aux fanons par des épingles. On jette ensuite ces rubans alternativement de côté & d'autre, en les croisant également pour former des losanges jusqu'au haut de la partie. On les fixe aux fanons par des épingles, avant que de faire les renversés, pour passer les chefs d'un côté à l'autre. On met la partie sur un oreiller mollet, de façon que le talon n'appuie point; sans quoi, il y surviendroit inflammation & gangrene. Au moyen de l'archet ou arceau, qui est une espece de demi-cercle, ou demi-caisse de tambour, on fait un logement à la jambe & au pié, qui les met à l'abri du poids du drap & des couvertures du lit, Pl. IV . fig. 2 . En hyver, pour entretenir la chaleur du pié, on est obligé de le garnir de serviettes & autres linges chauds, pour suppléer au défaut de l'application des couvertures. Après avoir mis la partie en situation, il faut s'attacher à remplir la troisieme indication de la cure des fractures ; laquelle consiste à prévenir les accidens, & à les combattre, s'ils surviennent. Dans les fractures simples, il suffit de faire quelques saignées pour procurer la résolution du sang épanché dans l'intérieur aux environs des bouts de l'os cassé. On fait des fomentations résolutives & spiritueuses, & l'on fait observer un régime convenable pendant quelques jours. Les fractures compliquées exigent des attentions plus suivies & diversifiées, suivant les circonstances. Voyez l'article Chirurgie . Au mot Flabellation , nous avons démontré la nécessité d'empêcher le prurit, en donnant de l'air à la partie blessée. On doit continuer l'appareil sur les parties fracturées, jusqu'à la parfaite consolidation des pieces osseuses: elle se fait plûtôt ou plûtard, suivant la nature différentielle de chaque os. Il y a des précautions à prendre pour mouvoir la partie dans ses articulations; de crainte que restant long-tems dans l'inaction, la synovie ne vînt à s'épaissir; ce qui donneroit lieu à l'anchylose. Voyez Anchylose . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fracture Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Fracture Fracture , ( Manege & Maréchallerie. ) solution de continuité des os & même des cartilages, faite par un corps extérieur contondant, très-différente de la plaie faite à l'os par un instrument tranchant ou piquant, ainsi que de la luxation, qui n'est véritablement qu'une solution de contiguité. Les os peuvent être fracturés dans tous les sens possibles. Il est des fractures transversales; il en est d'obliques; il en est de longitudinales: dans d'autres enfin l'os est entierement écrasé. Nous appellons fracture transversale , celle par laquelle l'os a été divisé dans une direction perpendiculaire à sa longueur; & fracture oblique , celle dans laquelle la division s'écarte plus ou moins de cette direction. Ces fractures sont sans déplacement, lorsque chaque portion divisée demeure dans une juste opposition; avec déplacement imparfait, lorsqu'elles ne se répondent pas exactement; avec déplacement total, quand elles glissent l'une à côté de l'autre. Elles peuvent être encore transversales & obliques en même tems; obliques dans une portion de leur étendue; transversales dans l'autre, &c . Dans les fractures longitudinales , les os sont simplement fendus selon leur longueur; elles ne sont proprement que des fissures, les parties divisées de ces mêmes os n'étant & ne pouvant être séparés en entier. Enfin nous comprenons dans les fractures où l'os a été écrasé, toutes celles où il a été brisé & réduit en plusieurs éclats, & en un nombre plus ou moins considérable de fragmens. La chirurgie vétérinaire doit encore se conformer à la chirurgie du corps humain, en adoptant la distinction que celle-ci fait des fractures en fracture simple, composée, compliquée, complete & incomplete. Un seul os cassé en un seul endroit sans accidens extraordinaires & sans un dommage évident pour les parties dont il est environné, constitue la fracture simple. Plusieurs os cassés dans une même partie, ou le même os rompu en différens endroits, forment ce que nous entendons par fracture composée. Nous nommons fracture compliquée , celle à laquelle s'unissent des symptomes, qui exigent de la part du maréchal une méthode particuliere dans le traitement: telles sont les fractures avec plaie, luxation, hémorrhagie, contusion violente, &c . Nous disons que la fracture est complete, lorsque la solution de continuité est entiere; & incomplete, quand elle ne l'est pas. Ce dernier cas qui n'a lieu dans l'homme & dans l'animal qu'eu égard aux os plats, pourroit ensuite d'un coup de feu arriver aux autres os. Les coups, les chûtes, les grands efforts, sont les causes ordinaires des fractures ; la destruction de la direction du mouvement musculaire; la cessation de l'action des muscles attachés à l'os fracturé; le racourcissement du membre, conséquemment à la contraction spontanée de ces puissances; sa défiguration relative à leur dérangement; sa difformité provenant de la surabondance ou de la marche impétueuse des sues régénérans; la dilacération des tuniques qui revêtent extérieurement & intérieurement les os; la rupture des vaisseaux qui rampent dans leurs cavités & dans leurs cellules; l'irritation, le déchirement des membranes, des tendons & des nerfs; la compression, l'anéantissement, l'inflammation des tuyaux voisins de la solution de continuité; la contusion des parties molles qui se rencontre entre la cause vulnérante & l'os, en sont en général les suites les plus considérables & les plus graves. Nous avons ici pour symptomes univoques, les vuides, les inégalités résultant des pieces d'os déplacées; la crépitation ou le bruit occasionné par le frotement de ces mêmes pieces, lorsque la portion supérieure du membre étant fixement maintenue, on en remue legerement la portion inférieure, & l'état du membre qui plie dans l'endroit cassé, cette même portion inférieure étant plus ou moins mobile & pendante; la douleur, la difficulté du mouvement; l'impossibilité de tout appui sur la partie lésée, &c. sont des signes vraiment équivoques, puisqu'ils peuvent se rapporter à d'autres accidens qu'à celui dont il s'agit. Quant aux preuves certaines de la réalité de fissures, elles sont très-difficiles à acquérir; elles le bornent aux tumeurs qui les accompagnent, & quelquefois à l'inflammation, à la suppuration, à la carie; & toutes ces circonstances ne présagent encore rien de constant & d'assuré. Plusieurs auteurs, parmi lesquels on peut compter Ruini, dont l'ouvrage fut publié des l'année 1599, ont proposé des moyens de remédier aux fractures . M. de Soleysel lui-même proteste avoir vu un mulet & un cheval parfaitement guéris; le premier d'une fracture à la cuisse, le second d'une fracture compliquée au bras. Si néanmoins nous nous abandonnions aux impressions de la multitude, nous déciderions affirmativement que toute solution de continuite de cette espece est incurable dans l'animal. En effet, on a imaginé que ses os étoient dépourvûs de moelle; & de ce fait qu'il étoit aisé de verifier, mais qu'on a dédaigné d'approfondir, on a conclu que dès qu'ils étoient fracturés, toute reunion étoit impossible. Quand on pourroit imputer ou reprocher avec raison à la nature d'avoir, relativement au cheval, négligé toutes les précautions qu'elle a prises, eu egard à tous les autres animaux, pour corriger par le moyen de la matiere huileuse & subtile dont les vésicules osseuses sont remplies, & par celui de la masse moelleuse contenue dans les grandes cavités des os, la rigidité de ces parties, il s'ensuivroit seulement qu'elles seroient plus seches & plus cassantes; & l'on ne pourroit tirer d'autre conséquence de leur fragilité, que le danger toûjours prochain des fractures . Ce n'est ni à cette huile déliée, ni à cette masse médullaire, que les os doivent leur nutrition & leur accroissement. Parmi les vaisseaux innombrables qui traversent le périoste, s'il en est qui pénetrent dans leurs cellules & dans leur portion caverneuse, il en est d'autres qui s'insinuent dans leur substance, & qui y portent des fluides & un suc lymphatique, qui coulant & circulant dans les tuyaux de leurs fibres, réparent toute dissipation. Cette lymphe ou ce suc nourricier qui parcourt ces fibres, ne peut que s'épancher à leurs ouvertures; il s'épaissit dès qu'il y est déposé: ainsi dans la circonstance d'une fracture il se congele à l'embouchure de chaque conduit osseux, comme à l'orifice des canaux ouverts, dans la circonstance d'une plaie dans les parties molles. La réunion & la régénération s'operent ici presque de la même maniere. Voyez Feu , Cautere . Chaque molécule lymphatique fournit un passage à celles qui la suivent, elles s'arrangent de telle sorte, qu'en effectuant le prolongement des fibres à l'endroit fracturé, elles en remplissent tous les vuides, & soudent enfin très-solidement toutes les pieces rompues & divisées, pourvû néanmoins qu'elles ayent été réduites, rapprochées, & régulierement maintenues dans cet état. La supposition de l'absence totale de la moelle dans les os du cheval, ne devroit donc point conduire à l'opinion & au système de l'incurabilité des fractures , à moins que par une suite de cette premiere absurdité, on eût encore pensé que les os de cet animal non moins durs & non moins arides que ceux des squelettes, ne reçoivent aucune nourriture, & ne sont impregnés d'aucuns sucs. Il faut avoüer cependant que toutes les fractures ne sont pas également curables; la quantité des muscles dont, par exemple, l'humerus ou le bras proprement dit, & le femur ou la cuisse proprement dite, sont couverts; la difficulté d'y faire une réduction exacte; la force des faisceaux musculeux qui tendroient toûjours, sur-tout si la fracture étoit oblique, à déplacer les pieces réduites; l'impossibilité de les assujettir solidement par un bandage, vu la figure des membres en ces endroits: tout me détermine a croire que dans le cas où il y auroit une fracture , même simple à l'un ou à l'autre de ces os, nos efforts seroient impuissans, & nos tentatives inutiles. Je ne vois dans les os du corps de l'animal, que les côtes; dans ses extrémités antérieures, que les os du paturon, du canon, & le cubitus, c'est-à-dire l'os de l'avant-bras proprement dit; & dans ses extrémités posterieures, que ces deux premiers os & le tibia, vulgairement & mal-à-propos nomme par M. de Soleysel l' os de la cuisse , dont la fracture n'offre rien qui doive d'abord nous faire desesperer des succès, encore ne peut-on veritablement s'en flater, relativement au tibia, qu'autant qu'il n'aura point été fracturé dans le lieu de sa tubérosité, ou dans sa partie superieure. Je dita plus, les prognostics de ces fractures ne sont pas tous avantageux; un fragment d'os considérable emporte par une balle, nous met dans la nécessité d'abandonner a jamais l'animal. Il en est de même lorsque les muscles, les nerfs, les vaisseaux se trouvant entre les fragmens très-écartes de l'os, s'opposent au replacement, & lorsqu'un même os est casse en plusieurs endroits, car alors il demeure seme d'inégalites sans nombre, & la cure est toûjours très-lente & très incertaine. Elle est infiniment plus difficile quand il s'agit d'une fracture compliquée, d'une fracture avec déplacement total, d'une fracture oblique, d'une fracture ancienne, d'une fracture dans un vieux cheval, &c. que lorsqu'il est question d'une fracture simple, sans déplacement, transversale, recente, & faite à l'os d'un jeune cheval, ou d'un poulain; & elle est aussi beaucoup plus prompte dans ces derniers cas, selon neanmoins le volume des os fracturés; le calus etant solidement forme au bout de vingt ou vingt-cinq jours dans la fracture des côtes; le canon n'etant repris qu'après quarante jours écoulés; le cubitus, qu'après cinquante, & quelquefois soixante, &c . Quelque importans que soient ces détails, quand je les étendrois au-delà des bornes que nous devons nous prescrire dans cet ouvrage, ils seroient d'une très-foible ressource pour le maréchal, s'il ignore d'une part & par rapport aux os, leur nombre, leur figure, leur grosseur, la nature de leur substance, les inégalités, les éminences de leurs surfaces; & de l'autre, & par rapport aux muscles, leur position, leur fonction, leur direction, &c. ainsi que la situation des nerfs & des vaisseaux considerables qui peuvent se rencontrer dans le membre fracturé? La nécessité d'être parfaitement instruit de tous ces points divers, est absolue pour qui veut juger sainement des suites du mal, & se décider avec certitude sur les veritables moyens d'y remédier. Ces moyens consistent à remettre l'os dans sa position naturelle, & à le maintenir fermement dans cet état. La réduction s'en fait par l'extension, la contre-extension & la conformation; & cette réduction est fermement maintenue par le secours de l'appareil & par la situation dans laquelle on place l'animal. Nous appellons extension , l'action par laquelle nous tirons à nous la partie malade; contre-extension , l'effort par lequel cette même partie est tirée du côté du tronc, ou fixée de ce même côté d'une maniere stable; & nous nommons conformation , l'opération qui tend à ajuster avec les mains les extrémités rompues de l'os, selon la forme & l'arrangement qu'elles doivent avoir. L'extension & la contre-extension sont indispensabies pour ramener la partie dans son etendue, & les extrémités fracturées au point d'être mises dans une juste opposition, & rapprochées l'une de l'autre. On doit donc observer, 1°. qu'elles sont inutiles dans les fractures sans déplacement; 2°. que dans les circonstances où l'on est obligé d'y recourir, les forces qui tirent doivent être a raison de celle des muscles & de la séparation, ou de l'éloignement des pieces; 3°. que ces mêmes forces doivent être appliquées précisément à chacun des bouts de l'os rompu; 4°. qu'il importe qu'elles soient egales; 5°. que l'extension ne doit être faite que peu à peu, insensiblement & par degrés, &c. Quant à la conformation, on conçoit sans peine qu'elle doit être le travail de la main, des que l'on connoit le but que l'opérateur se propose; & il seroit inutile sans doute d'insister ici sur l'attention avec laquelle il faut qu'il évite de presser les chaire contre les pointes des os, & de donner ainsi lieu à des divisions & à des divulsions toûjours dangereuses. Je remarquerai encore qu'il ne s'agit pas dans toutes les fractures de tenter d'abord la reduction; une tumeur, une inflammation violente, nous prescrivent la loi de ne point passer sur le champ à l'extension & à la contre-extension, & de calmer l'accident avant d'y procéder, par des saignées, des lavemens & des fomentations legerement résolutives. Une hémorrhagie nous indique l'obligation de nous occuper dans le moment du soin de reprimer l'effusion abondante du sang; des esquilles qui s'opposent constamment à tout replacement & qui ne peuvent que nuire à la cure, exigent que nous commencions premierement à les enlever; une luxation jointe à la fracture , demande que nous n'ayons dans l'instant égard qu'à la nécessité évidente de la réduire, &c . Nous comprenons sous le terme d' appareil , les bandes, les compresses, & les attelles. Les bandes que nous employerons seront des rubans de fil plus ou moins larges, & qui auront plus ou moins de longueur, selon la figure du membre fracturé. Les circonvolutions de ce ruban autour de la partie, forment ce que nous appellons bandage . Nous avons l'avantage de ne mettre en usage que celui que l'on nomme continu , c'est-à-dire celui qui est fait avec de longues bandes roulées, & qui est le plus souvent capable de contenir l'os réduit: car dans les fractures compliquées, nous pouvons nous dispenser de recourir au bandage à dix-huit chefs, puisque nous pouvons dérouler nos bandes & les replacer sur le membre sans rien changer à sa situation, & sans lui causer le moindre dérangement. On doit se souvenir au surplus qu'un bandage trop serré peut gêner la circulation, & produire un gonflement, une inflammation; & qu'un bandage trop lâche favoriseroit la desunion des fragmens replacés: ainsi le maréchal doit être scrupuleusement en garde contre l'un ou l'autre de ces inconvéniens. Les compresses sont des morceaux de linge pliés en deux ou en plusieurs doubles; on en couvre les parties fracturées; on les tient plus epaisses dans les endroits vuides ou creux qu'elles doivent remplir. Les attelles ne sont autre chose que des especes de petites planches, faites d'un bois mince & pliant, mais cependant d'une certaine force & d'une certaine consistance, avec lesquelles on éclisse le membre cassé; elles doivent être par conséquent adaptées & assorties à sa force & à sa grosseur. A l'égard de la maniere dont on doit situer l'animal ensuite de l'application de l'appareil, il paroît selon le rapport & le témoignage de M. de Soleysel, qu'il est très-possible de l'abandonner sans crainte que par un appui indiscret sur le membre fracturé, il porte la moindre atteinte à la réduction faite. Le cheval & le mulet dont cet auteur parle, & qui avoient été jettés dans des prairies, offrent un exemple de l'attention que lui suggere l'instinct; & j'en trouverois encore une preuve dans une jument, qu'une personne très-digne de foi m'a assûré avoir vû traiter avec succés d'une fracture sans autres soins, après que les bandages furent assûrés, que celui de la tenir simplement & à l'ordinaire dans une écurie. Je ne sai cependant si je ne préférerois pas la suspension de l'animal dans le travail jusqu'à l'entiere formation du calus, pour prévenir plus sûrement les accidens qui peuvent arriver en le livrant à lui-même, & pour être plus à portée de visiter mon appareil, de l'ôter, de le replacer dans une foule de circonstances qui nous y invitent & qui nous y obligent. Terminons toutes ces discussions qui n'éclairent encore le maréchal que sur la cure générale des fractures , par l'exposition de la méthode particuliere qu'il doit suivre dans le cas d'une fracture à l'un des membres, & dans celui d'une fracture à l'une des côtes. Supposons en premier lieu une plaie oblique & contuse de la longueur de quatre travers de doigt, à la partie moyenne supérieure du canon de l'une des extrémités postérieures, avec une fracture en bec de flûte à ce même os. L'opérateur disposera d'abord son appareil; il préparera un plumaceau de charpie, une compresse en double d'environ un demi-pié de largeur, sur 8 ou 9 pouces de longueur; deux bandes de quatre aunes de longueur, & larges d'environ trois travers de doigt; & des attelles, qu'il enveloppera chacune dans un linge égal, & dont la largeur & la longueur seront proportionnées au volume & à l'étendue de l'os fracturé. Il procédera ensuite aux extensions. M. de Garsault dans son nouveau parfait Maréchal , propose à cet effet de renverser le cheval, & d'employer les forces opposées de plusieurs hommes. Je doute que ces forces soient toûjours suffisantes; j'imagine de plus qu'il est assez difficile que les tractions soient en raison égale; qu'elles soient opérées dans une direction juste & précise; qu'elles soient exactement insensibles & par degrés; & d'ailleurs il me semble que l'animal dans l'action de se relever étant nécessairement astraint à faire usage de ses quatre membres, se blesseroit inévitablement en tentant de l'effectuer, & ne pourroit que détruire par cet effort tout ce que le maréchal auroit fait pour replacer les pieces divisées, & pour les maintenir unies. Je conseillerai donc de le suspendre dans un travail ordinaire, mais susceptibles des additions suivantes. Soient deux rouleaux ou cylindres de trois pouces de diametre au moins, dont la longueur traverse toute la largeur du travail, l'un au tiers supérieur, & l'autre au tiers inférieur, de la hauteur des montans, & qui s'engagent par les deux extrémités par deux collets portés sur la face extérieure de ces mêmes montans. Soit l'une des extrémités de chaque rouleau assemblée quarrément, avec un rochet tel que ceux qui constituent communément les cris des berlines. Soit un fort cliquet attaché par clou rond au montant, & sur la face latérale pour le bec de ce même cliquet, s'engager dans les dents du rochet. Soient encore deux poulies, dont les chapes terminées en crochet puissent être accrochées, l'une à la traverse supérieure du travail, l'autre à une traverse à fleur de terre. Soient ces mêmes traverses garnies de divers anneaux solidement attachés, & entre lesquels l'opérateur pourra choisir ceux qui répondront le plus exactement à la direction de la partie qu'il est question de réduire. Alors le maréchal placera trois entravons rembourrés; le premier précisément au-dessus du jarret; le second directement au-dessous, c'est-à-dire à l'extrémité supérieure de l'os cassé; & le troisieme à l'extrémité insérieure de ce même os, c'est-à-dire au-dessus du boulet. Ces trois entravons seront serrés, de maniere qu'ils ne pourront glisser du côté où les tractions seront faites. De l'anneau de fer situé à la partie postérieure de l'entravon qui enveloppe le tibia, partiront deux cordages assez forts, qui seront attachés à une traverse immobile à l'effet de fixer le membre. Des anneaux situés latéralement dans le second entravon, partiront encore des cordes, qui passeront dans la poulie superieure, chargée de former le retour en contre-bas de ces mêmes cordes, qui s'enrouleront sur le rouleau supérieur, tandis que celle de la traverse inférieure recevra les cordages qui viendront des deux anneaux du dernier entravon, & favorisera leur retour en contre-haut, & leur enroulement sur le cylindre inferieur. Ces cylindres mus ensuite sur leur axe par une manivelle appropriée à cet usage, il est visible que l'extension & la contre-extension pourront avoir lieu selon toutes les conditions requises, & dans le même tems. Le maréchal examinera le chemin que feront les pieces fracturées: des qu'elles seront parvenues au niveau l'une de l'autre, il fera la coaptation; & dans la crainte qu'une extension trop longue n'ait de fâcheuses suites, il ordonnera à ses aides de se relâcher legerement, & d'introduire le bec de chaque cliquet dans les dents du rochet qui lui répond. L'un d'eux tiendra l'endroit fracturé, pendant qu'il pansera la plaie; il y mettra le plumaceau qu'il a préparé, après l'avoir imbibe d'eau-de-vie; il trempera la compresse dans du vin chaud, il en couvrira circulairement le lieu de la fracture: ensuite il prendra le globe de la bande, qui sera imbue du même vin; sa main droite en étant saisie, il en déroulera environ un demi-pié. Il commencera le bandage par trois circulaires médiocrement serrés sur ce même lien: de-là il descendra jusqu'à l'extrémité de l'os par des doloires; il remontera jusqu'à l'endroit par lequel il a débuté; il y pratiquera encore le même nombre de circulaires, & gagnera enfin la partie supérieure du canon, où la bande se trouvera entierement employee. Cette partie ayant plus de volume que l'inférieure, le maréchal fera à celle-ci quelques circonvolutions de plus, & n'oubliera point les renversés, par le moyen desquels on évite les godets, & l'on fait un bandage plus propre & plus exact. Ce n'est pas tout; il se munira d'une seconde bande qu'il trempera dans du vin chaud, ainsi qu'il y a trempé la premiere; il l'arrêtera par deux circulaires à la portion supérieure, où le trajet de cette premiere bande s'est terminé. Après quoi il posera deux ou trois attelles qu'un aide assujettira, tandis qu'il les fixera par un premier tour de bande; il les couvrira en descendant par des doloires jusqu'au boulet, & remontera en couvrant ces premiers tours jusqu'au-dessous du jarret. Cette opération finie, il laissera le cheval suspendu; il le saignera deux heures après, & il le tiendra à une diete humectante & rafraichissante. Dans les commencemens on arrosera l'endroit fracturé avec du vin chaud; & si l'on apperçoit un gonflement inférieur à l'appareil, & que ce gonflement ne soit pas tel qu'il puisse faire présumer que le bandage est trop serré, on se contentera d'y appliquer des compresses trempées dans un vin aromatique. Il ne seroit pas hors de propos de réitérer la saignée le second jour, & de lever l'appareil le huitieme, à l'effet de s'assurer de l'état de la plaie, qu'on sera peut-être oblige de panser d'abord tous les trois jours, & ensuite à des distances plus éloignées. Lorsqu'elle sera dans la voie de se cicatriser, & les pieces d'os de se réunir, on pourra interrompre tout pansement pendant un espace de tems assez long, pour que la nature puisse nous seconder; & il y a tout lieu d'esperer qu'au bout de quarante jours, & au moyen de ce traitement méthodique, accompagné d'un regime constant, l'animal sera totalement rétabli de cette fracture compliquée & composée; car les petits peronnés sont trop intimement unis au canon dont on peut les regarder comme les épines, pour n'avoir pas été rompus eux-mêmes. Il peut arriver encore que le mouvement du jarret du membre affecté soit intercepté en quelque façon, & que l'articulation en soit même si fort gênée que nous soyons dans le cas de redouter une ankilose; mais un exercice modéré & des applications de quelques linges trempés dans la moelle de boeuf fondue dans du vin, ou dans des graisses de cheval & d'autres animaux, suffiront pour rendre à cette partie sa liberté, son action & son jeu. Imaginons à-présent une fracture avec déplacement à l'une des côtes, & non une de ces fractures qui pourroient s'aglutiner sans notre secours, & que nous ne pouvons découvrir que par hasard dans l'animal, les fragmens n'étant point sortis de leur situation naturelle, & l'égalité de la partie n'étant point altérée; supposons que cette fracture est en dedans, c'est-à-dire que le bout cassé se porte du côté de la poitrine, ou qu'elle soit en-dehors, c'est-à-dire qu'il incline du côté des muscles extérieurs: dans le premier cas, nous la reconnoîtrons à l'enfoncement, à la toux, à la fievre, à une inflammation, à une difficulté de respirer plus ou moins grande, selon que les parties aigues de l'os fracturé piqueront plus ou moins violemment la plevre: nous en serons assûrés dans le second, par l'élévation de la piece rompue, par une difficulté de respirer beaucoup moindre que celle dont nous nous serons apperçûs dans l'autre, par la crépitation, &c . Ici la rédaction n'est point aussi compliquée & aussi embarrassante. Pour l'opérer relativement à la fracture en-dedans, un aide serrera les naseaux du cheval, tandis que l'on pressera fortement avec les mains l'extrémité supérieure & inférieure de la côte, jusqu'à ce que les pieces enfoncées soient revenues dans leur situation. Si cependant les fragmens perçant la plevre, donnent lieu aux symptomes funestes dont j ai parlé, on ne doit pas balancer à faire une incision à la peau, à l'effet de tirer ces fragmens avec les doigts, avec des pinces, avec une aiguille, telle que celle dont nous nous servons pour la ligature de l'artere intercostale, ou avec d'autres instrumens quelconques. Nous appliquerons ensuite des compresses; l'une qui sera imbûe d'un vin aromatique sur toute l'étendue de la côte; les deux autres qui auront beaucoup plus d'épaisseur, seront mises sur celles-ci à chacune des extrémités sur lesquelles j'ai ordonné de comprimer, & l'on maintiendra le tout par un bon & solide surfaix. Relativement à la fracture en-dehors, le replacement est plus aisé. Il s'agit de pousser les bouts déjettés jusqu'au niveau des autres côtes; après quoi on place une premiere compresse, ainsi que je l'ai dit; on garnit l'endroit fracturé d'un morceau de carton, que l'on assujettit de même par un surfaix, qui fait, comme dans le premier cas, l'office d'un bandage circulaire. Le nombre des saignées doit au reste être proportionné au besoin & aux circonstances: les lavemens, la diete, tout ce qui peut calmer les mouvemens du sang, doivent être employés, &c. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAGA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRAGA FRAGA, ( Géogr. ) bourg fortifié d'Espagne, au royaume d'Arragon, remarquable par la bataille qui s'y donna contre les Maures l'an 1134, & dans laquelle Alphonse VII. fut battu & tue. Fraga est au pié de la Cinea, à 4 lieues S. de Lérida, 20 S. E. de Sarragosse, 12 S. E. de Balbastro. Long. 17. 58. lat. 41. 28 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAGILITÉ Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. FRAGILITÉ FRAGILITÉ, s. f. ( Physiq. ) qualité de certains corps par laquelle ils peuvent se briser aisément; on appelle fragiles , les corps dont les parties se séparent facilement les unes des autres par le choc: ils different des corps mous, en ce que dans ceux-ci les parties se déplacent par le choc sans se séparer ni se rétablir; des corps élastiques, en ce que les parties se déplacent dans ces derniers pour se rétablir ensuite; & des corps durs, en ce que les parties ne se déplacent pas dans les corps de cette derniere espece. Mais d'où vient la fragilité de certains corps? on le sait aussi peu qu'on sait d'où vient la dureté, la fluidité, la mollesse, & l'élasticité de certains autres. Voyez ces mots . Fragilité se prend aussi au figuré: on dit, une fortune fragile; la chair est fragile. Voyez l'art. suiv . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fragilité Author=Saint-Lambert5 Normalized Classification=Morale Part of Speech=NA Fragilité Fragilité , ( Morale. ) c'est une disposition à céder aux penchans de la nature malgré les lumieres de la raison. Il y a si loin de ce que nous naissons, à ce que nous voulons devenir; l'homme tel qu'il est, est si différent de l'homme qu'on veut faire; la raison universelle & l'intérêt de l'espece gênent si fort les penchans des individus; les lumieres reçûes contrarient si souvent l'instinct; il est si rare qu'on se rappelle toûjours à-propos ces devoirs qu'on respecteroit; il est si rare qu'on se rappelle à-propos ce plan de conduite dont on va s'écarter, cette suite de la vie qu'on va démentir; le prix de la sagesse que montre la réflexion est vû de si loin; le prix de l'égarement que peint le sentiment est vû de si près; il est si facile d'oublier pour le plaisir, & les devoirs & la raison, & le bonheur même, que la fragilité est du plus au moins le caractere de tous les hommes. On appelle fragiles , les malheureux entraînés plus fréquemment que les autres, au-delà de leurs principes par leur tempérament & par leurs goûts. Une des causes de la fragilité parmi les hommes, est l'opposition de l'état qu'ils ont dans la société où ils vivent avec leur caractere. Le hasard & les convenances de fortune les destinent à une place; & la nature leur en marquoit une autre. Ajoûtez à cette cause de la fragilité les vicissitudes de l'âge, de la santé, des passions, de l'humeur, auxquelles la raison ne se prête peut-être pas toûjours assez; on est soûmis à certaines lois qui nous convenoient dans un tems, & ne font que nous desespérer dans un autre. Quoique nous nous connoissions une secrete disposition à nous dérober fréquemment à toute espece de joug: quoique très-sûrs que le regret de nous être écartés de ce que nous appellons nos devoirs , nous poursuivra long-tems; nous nous laissons surcharger de lois inutiles, qu'on ajoûte aux lois nécessaires à la société; nous nous forgeons des chaînes qu'il est presqu'impossible de porter. On seme parmi nous les occasions des petites fautes, & des grands remords. L'homme fragile differe de l'homme foible, en ce que le premier cede à son coeur, à ses penchans; & l'homme foible à des impulsions étrangeres. La fragilité suppose des passions vives, & la foiblesse suppose l'inaction & le vuide de l'ame. L'homme fragile peche contre ses principes, & l'homme foible les abandonne; il n'a que des opinions. L'homme fragile est incertain de ce qu'il fera; & l'homme foible de ce qu'il veut. Il n'v a rien à dire à la foiblesse; on ne la change pas, mais la philosophie n'abandonne pas l'homme fragile; elle lui prépare des secours, & lui ménage l'indulgence des autres; elle l'éclaire, elle le conduit, elle le soûtient, elle lui pardonne. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAGMENT Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire | Littérature Part of Speech=s.m. FRAGMENT * FRAGMENT, s. m. ( Gramm. Littérat. ) il se dit en général d'une portion d'une chose rompue. En Littérature, un fragment , c'est une partie d'un ouvrage qu'on n'a point en entier, soit que l'auteur ne l'ait pas achevé, soit que le tems n'en ait laissé parvenir jusqu'à nous qu'une partie. En Architecture, en Sculpture, il se dit de quelques morceaux détachés d'un tout, tels qu'un chapiteau, une corniche, une portion de statue, ou de bas-relief, qu'on a trouvé parmi des ruines. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fragmens précieux, (les cinq) Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=NA Fragmens précieux Fragmens précieux , ( les cinq ) Pharmacie . On trouve sous ce nom dans les anciens pharmacologistes, au rang des remedes, le grenat, l'hyacinthe, le saphir, la cornaline & l'émeraude. Galien attribuoit à ces pierres & à un grand nombre de moins précieuses qu'il comptoit parmi les médicamens simples, la vertu dessicative. Elles ont passé depuis pour alexiteres, cordiales, caephaliques, stomachiques, &c . On a préparé avec ces pierres des sels, des magisteres, des liqueurs ou huiles, des élixirs, des essences, des sirops, & on les a fait entrer dans diverses compositions. L'art est trop avancé aujourd'hui pour que des préparations aussi ridicules, & des vertus aussi imaginaires, ne soient pas justement décriées. Mais en Medecine plus qu'ailleurs, le droit des anciennes opinions cede bien difficilement & bien tard à celui de la vérité reconnue. La pharmacopée de Paris n'a pas banni les hyacinthes de la confection à laquelle ils donnent leur nom. Voyez Confection d'Hyacinthe , au mot Confection . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAI Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. FRAI * FRAI, s. m. il se dit du tems où le poisson dépose ses oeufs; nous sommes dans le frai: des oeufs déposés; on voit le frai des poissons à la surface des eaux: du petit poisson naturellement provenu du frai; il y a des sortes de filets qui détruisent les rivieres, & que l'ordonnance défend, parce qu'ils retiennent & les gros poissons & le frai . Le tems du frai varie selon les poissons. Les carpes frayent en Avril & en Août, & les grenouilles en Mars, &c . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frai de Grenouille Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Frai de Grenouille Frai de Grenouille , ( Mat. med. ) Voyez Grenouille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frai Author=Diderot Normalized Classification=Monnoyage Part of Speech=NA Frai * Frai ( Monnoyage. ) altération que le toucher successif & le tems apportent à la monnoie. Lorsqu'il est démontré que ces causes sont les seules qui ont diminué le poids d'une piece, & que la différence n'est que de six grains; Louis XIV a déclaré par ordonnance qu'elle ne pourroit être refusée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAICHE, (bouche.) Manége Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA FRAICHE FRAICHE, ( bouche. ) Manége, voyez Écume . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAICHEUR Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. FRAICHEUR * FRAICHEUR, s. f. ( Gramm. ) ce mot se dit de la sensation que nous éprouvons, de l'endroit où nous l'éprouvons & de la cause qui nous la fait éprouver. Ce que l'on cherche dans les chaleurs accablantes de l'année, & ce que l'on sent avec tant de plaisir à l'ombre des arbres, dans le voisinage des eaux, à l'abri des ardeurs du soleil, à l'impression legere d'un air doucement agité, au fond des forêts, sous un antre, dans une grotte, c'est de la fraîcheur . Virgile a renfermé dans deux vers tout ce que deux êtres peuvent éprouver à-la-fois de sensations délicieuses: celles de la tendresse & de la volupté, de la fraîcheur & du silence, du secret & de la durée. Hìc gelidi fontes; hìc mollia prata, licori; Hìc nemus; hìc ipso tecum consumerer aevo . quelle peinture! -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraicheur de Couleur Author=Landois Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Fraicheur de Couleur Fraicheur de Couleur , ( Peinture. ) c'est un éclat & une sérénité qui regne dans toutes les couleurs d'un tableau, quoique la plûpart ne soient point éclatantes par elles-mêmes. L'on dit encore, mais dans un autre sens, frais, fraîcheur , lorsque le couvert des arbres & la limpidité des eaux sont parfaitement imités; il y a de la fraicheur dans ce tableau: on semble respirer celle que communiquent ces objets lorsqu'ils sont réels. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraicheur Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fraicheur Fraicheur , ( Marine. ) on dit qu'un navire cingle avec fraîcheur , lorsque le vent est égal & d'une bonne force. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAICHIR Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.n. FRAICHIR FRAICHIR, v. n. il se dit du vent lorsqu'il augmente, & qu'il devient plus fort. Le vent fraîchit . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAIS, FRAICHE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FRAIS, FRAICHE * FRAIS, FRAICHE, adj. il se dit d'une température d'air, moyenne entre le chaud & le froid, voyez Fraicheur ; d'une chose récente, des nouvelles fraîches , une lecture, une histoire fraiche , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Frais Frais , ( Marine. ) le vent est frais lorsqu'il est bon & pas trop fort. Bon frais , lorsqu'il est un peu fort. Beau frais , lorsqu'il est assez fort & égal. Petit frais , lorsqu'il est médiocre. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Grammaire | Jurisprudence Part of Speech=s.m. Frais Frais , s. m. ( Gramm. & Jurisp. ) sont les dépenses que quelqu'un est obligé de faire pour parvenir à quelque chose. Il y'en a de plusieurs sortes. Frais de bénéfice d'inventaire , sont tous ceux qu'un héritier bénéficiaire est obligé de faire pour la conservation des biens de la succession, & pour défendre aux actions intentées contre lui en ladite qualité; on ne met dans cette classe que ceux qu'il lui est permis d'employer dans son compte de bénéfice d'inventaire. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais bien & légitimement faits Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais bien & légitimement faits Frais bien & légitimement faits , sont tous les frais des procès qui étoient nécessaires. Ces frais sont les seuls qui entrent en taxe. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de contumace Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de contumace Frais de contumace , sont ceux qu'une partie est obligée de faire contre l'autre partie qui est defaillante, pour l'obliger de défendre à la demande. Le défaillant est reçu opposant aux jugemens obtenus contre lui par défaut en refondant, c'est à-dire remboursant les frais de contumace. Voyez Contumace . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de criées Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de criées Frais de criées , sont ceux qui se font pour parvenir à une adjudication par decret, soit volontaire ou forceé. On en distingue de deux sortes; savoir les frais ordinaires, & les frais extraordinaires. Les premiers sont ceux des procédures nécessaires pour parvenir à un decret sans aucun incident. Les frais extraordinaires sont tous ceux qui se font pour lever les obstacles & incidens formés par la partie saisie, ou les oppositions des créanciers, soit à fin de charge de distraire ou de conserver, & aussi ceux qui sont faits pour parvenir à faire l'ordre. Tous les frais de criées , soit ordinaires ou extraordinaires, doivent être avancés par le poursuivant criées: mais les frais ordinaires sont à la charge de l'adjudicataire, outre le prix de l'adjudication, parce qu'ils sont considérés comme les frais de son contrat; ainsi il doit les rembourser au procureur du poursuivant criées, à-moins qu'il ne fût autrement convenu ou ordonné; à l'égard des frais extraordinaires bien & légitimement faits, le poursuivant s'en fait rembourser sur la chose par préférence à tous créanciers, comme ayant été par lui faits pour la conservation de la chose & pour l'intérêt commun de tous les créanciers. Pour cet effet le procureur du poursuivant donne une requête en son nom, à ce qu'il soit payé par préférence à tous créanciers des frais extraordinaires, & de ceux de l'ordre; & par le jugement de l'ordre on fait droit sur cette requête. Le poursuivant peut même employer en frais extraordinaires les dépens des incidens auxquels il a succombé, à-moins qu'il n'ait été dit qu'il ne pourra les repéter. Il peut aussi employer ceux qui lui ont été adjugés contre les parties qui ont succombé, sans être tenu de les poursuivre pour en avoir le payement. C'est aux créanciers sur lesquels le fonds manque à faire ces poursuites. Les frais de voyage & séjour du poursuivant criées ont le même privilége que les autres dépens de criées, à-moins que le poursuivant n'y eût renonce. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de direction Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de direction Frais de direction , sont ceux que les directeurs des créanciers unis font pour l'intérêt commun. Voyez Directeurs & Direction . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais extraordinaires de criées Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais extraordinaires de criées Frais extraordinaires de criées , voyez ci-devant frais de criées . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais, (faux) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais, (faux) Frais , ( faux ) sont certaines dépenses qu'une partie est obligée de faire, mais qui n'entrent pas en taxe, comme les ports de lettres, les coûts des actes qu'il faut lever, les gratifications que l'on donne aux secrétaires, aux commis de greffe, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais funéraires Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais funéraires Frais funéraires , sont ceux qui se font pour l'inhumation d'un défunt; ce qui comprend les billets d'invitation, la tenture, la cire, l'ouverture de la terre, l'honoraire des prêtres, & autres frais nécessaires & usités, selon la qualité des personnes. L'annuel ne fait pas partie des frais funéraires . Mais le deuil de la veuve & des domestiques qui sont à son service, sont compris dans ces frais . Ils ne se prennent point sur la masse de la communauté, mais seulement sur la part du défunt & sur ses autres biens personnels. Ils ne sont point à la charge du légataire universel seul, mais il y contribue avec les héritiers chacun à proportion de l'émolument. Ils sont privilégiés sur les meubles à tous autres créanciers, même au propriétaire de la maison que le défunt habitoit. L. 45. ff. de reliq. & sumpt. funer . Ils ne passent néanmoins qu'après les frais de justice. Leur privilége ne s'étend qu'à ce qui est nécessaire pour l'inhumation, selon la qualité de la personne, & non à des superfluités. L. 37. ff. de reliq. & sumpt. fun. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de gesine Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de gesine Frais de gesine , sont les frais de l'accouchement d'une femme. Voyez Gesine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais d'inventaire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais d'inventaire Frais d'inventaire , sont ceux qui se font pour la confection d'un inventaire; il ne faut pas les confondre avec les frais de bénéfice d'inventaire. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de justice Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de justice Frais de justice: on comprend sous ce nom non seulement tous les frais des procès civils & criminels, mais aussi tous les frais dus à des officiers de justice, tels que les frais de scellé, inventaire, tutele, curatelle; ceux de vente, d'ordre, de licitation, &c. Les frais de justice sont privilégiés & passent avant tous autres frais , même avant les frais funéraires. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais légitimement faits Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais légitimement faits Frais légitimement faits , voyez ci-devant frais bien & légitimement faits . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de licitation Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de licitation Frais de licitation , sont ceux qui se font pour parvenir à l'adjudication par licitation d'un immeuble indivis entre plusieurs co-propriétaires. Voyez Licitation . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais & loyaux coûts Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais & loyaux coûts Frais & loyaux coûts , voyez Loy aux couts . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais & mises d'exécution Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais & mises d'exécution Frais & mises d'exécution , sont ceux qu'un créancier est obligé de faire pour mettre son titre à exécution contre le débiteur. On comprend sous le terme de frais & mises , les frais des commandemens & saisies faites sur le débiteur & autres frais semblables; les frais & mises sont une suite des dépens, c'est pourquoi on les comprend dans la taxe; ils ont aussi les mêmes priviléges & hipotheques que les dépens. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais ordinaires de criées Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais ordinaires de criées Frais ordinaires de criées , voyez ci-devant frais de criées . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais d'ordre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais d'ordre Frais d'ordre , sont ceux que le poursuivant est obligé de faire pour parvenir à faire régler entre les créanciers opposans l'ordre & distribution du prix d'un immeuble vendu en justice. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de partage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de partage Frais de partage , sont ceux que l'un des co-propriétaires fait pour parvenir au partage des héritages communs. Voyez Partage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de poursuite Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de poursuite Frais de poursuite , sont ceux que l'on fait à la poursuite de quelque chose, tels que ceux du poursuivant; la saisie réelle ou ceux qui se sont à la poursuite de la distribution d'un mobilier, d'une contribution, d'une licitation, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais préjudiciaux Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais préjudiciaux Frais préjudiciaux , sont ceux qui sont faits sur des préparatoires & incidens que l'on est obligé de juger avant d'en venir à la question principale, comme lorsque quelqu'un est assigné en qualité d'héritier pour payer une dette du défunt, & qu'il y a d'adord contestation sur la qualité d'héritier; les dépens faits sur cet objet sont des frais préjudiciaux . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais & salaires Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais & salaires Frais & salaires , sont les vacations & déboursés dûs aux procureurs, notaires, huissiers, & sergens qui ont travaillé pour une partie. Ces sortes de frais different des dépens en ce que ceux-ci ne comprennent que les frais qui entrent en taxe; au lieu que les frais & salaires comprennent tous les frais dûs aux officiers de justice par la partie pour laquelle ils ont travaillé, même des vacations & autres frais qui n'entrent point en taxe contre la partie adverse. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de scellé Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de scellé Frais de scellé, voyez Scellé . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de séjour Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de séjour Frais de séjour, voyez Séjour . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de tutele Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de tutele Frais de tutele, voyez Tutele . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frais de voyage Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frais de voyage Frais de voyage, voyez Voyage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAISE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRAISE * FRAISE, s. f. ce mot a un grand nombre d'acceptions différentes. C'est le fruit du fraisier. Voyez les articles Fraisier & Fraise . C'est un cordon de petites feuilles placées entre la peluche & les grandes feuilles de quelques fleurs. C'étoit anciennement une partie de l'habillement, une espece de collier de toile, coupé en rond, étendu, plissé, empesé, qu'on voit aux portraits du regne de Henri IV, & que les Espagnols ont conservé. C'est aujourd'hui une autre parure. Voyez Fraise , ( Mode. ) C'est dans les animaux destinés à notre nourriture, les entrailles avec leur enveloppe. C'est une espece de fortification. Voyez Fraise , ( Art milit. ) Ce sont dans l'art de bâtir, des pieux qui entourent & défendent les piles d'un pont. C'est un instrument commun à un grand nombre d'artistes. Voyez Fraise . ( Arquebusier & Horloger ), c'est un coquillage qui ressemble au fruit de même nom. Il se dit aussi de la tête du cerf. Voyez Fraise , ( Venerie. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraise Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=NA Fraise Fraise , en termes de Fortification , est une espece de défense ménagée avec des pieux pointus & presque paralleles à l'horison, qu'on enfonce dans les retranchemens d'un camp, d'une demi-lune, pour en empêcher l'approche & l'escalade. Les fraises different des palissades, en ce que celles-ci sont perpendiculaires à l'horison, au lieu que les autres sont paralleles ou inclinées à l'horison. Voyez Palissade . On se sert particulierement des fraises dans les retranchemens & aux ouvrages de terre; on en met ordinairement au-dessous du parapet du rempart, c'est-à-dire à son côté extérieur vers le niveau du terre plein du rempart, lorsqu'il n'est point revêtu de maçonnerie. Elles tiennent lieu du cordon de pierre qu'on met aux ouvrages de maçonnerie, & elles empêchent l'ennemi de franchir ou de monter sur le parapet. On leur donne une pente vers le fossé, afin que les bombes & les grenades que l'ennemi peut jetter dessus s'écoulent dans le fossé. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraise Author=Diderot Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Fraise * Fraise , ( Arquebousier. ) voyez à l'article Fraise ( Horloger ) la définition générale de ce mot. L'arquebusier a quatre especes de fraise: la fraise à bassinet, la fraise plate, la fraise pointue, la fraise à roder. La fraise à bassinet est un morceau d'acier gros & rond comme un gland, & mâché comme une lime; elle a une petite queue quarrée & longue d'un demi-pouce; cette queue entre dans le trou de la broche qui porte la boîte, & qui traverse le chevalet. Les Arquebusiers s'en servent pour polir le creux d'un bassinet, en posant le gland ou la fraise , & le faisant tourner dedans par le moyen de l'archet dont la corde entoure la boîte. La fraise plate a un bout rond, plat, & plus gros que le reste; ce bout est cannelé, & sert aux Arquebusiers de la même maniere que la fraise pointue pour faire un trou plat où l'on puisse placer la tête d'une vis plate, & empêcher qu'elle n'excede sur la piece. La fraise pointue est un petit foret quarré, long de deux à trois pouc. dont un des bouts représente une fraise pointue & cannelée sur toute sa longueur; les Arquebusiers s'en servent pour aggrandir un trou dans une piece de fer, & le faire plus large d'un côté que de l'autre; l'on s'en sert comme des forets en la posant dans la boîte & la tournant de même. La fraise à roder , est une espece de clou de la longueur du pouce, dont la queue est ronde, unie, & un peu forte; la tête un peu plus large, ronde, épaisse, & un peu mâchée en-dedans comme une lime. Les Arquebusiers s'en servent pour unir en-dessus l'oeil où doit être placé une vis, pour que la tête porte bien à-plomb. Ils font passer la queue de cette fraise dans l'oeil, de façon que le côté mâché de la tête porte dessus la face de cet oeil. Ensuite ils mettent la queue de cette fraise dans l'étau à main, & tournent à droite & à gauche pour faire mordre la fraise sur le fer qu'ils veulent roder & unir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraise Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Fraise Fraise , ( Horlogerie. ) espece de foret dont les Horlogers & d'autres artistes se servent pour faire des creusures propres à noyer les têtes des vis, & pour d'autres usages. Il y en a dont ( fig. 49 . & 50. Pl. XIV . de l'Horlogerie ) la meche est ou quarrée ou triangulaire, ou ronde; d'autres sont des especes de limes ( fig. 41 . ) fixées à l'extrémité d'un arbre. Celles-ci servent pour dresser le fond d'une creusure, d'un barillet, ou d'une roue de champ. On se sert des fraises de la même maniere que des forets. Voyez Foret . Les Horlogers appellent encore fraise , une espece de rochet ( fig. 40 . de la même Planche ) monté sur un arbre; cet outil sert à faire au bas de la fusée la creusure destinée à recevoir le rochet de la chaîne. Tous ces outils se meuvent par le moyen de l'archet, dont la corde fait un tour sur le cairrot. On appelle encore fraise une petite plaque d'acier fort mince, circulaire, trempée fort dur, & taillée sur sa circonférence; elle sert pour fendre les roues. Voyez Machine à Fendre . ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraise Author=unknown Normalized Classification=Marchand de modes Part of Speech=NA Fraise Fraise , en terme de marchand de Modes , est un tour-de-col, à deux ou trois rangs de ruban, ou de blonde froncée. Voyez Froncer . Ces sortes de colliers s'attachent par-derriere avec un noeud de ruban, & sont garnis par-devant le plus souvent d'un noeud à quatre. Voyez Noeud à quatre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraise Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Fraise Fraise , ( Venerie. ) c'est la forme des meules & des pierrieres de la tête du cerf & du chevreuil, qui est le plus proche de la tête, que nous appellons massacre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAISER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FRAISER * FRAISER, v. act. ce verbe n'a pas toutes les acceptions du mot fraise , & il en a quelques unes que le mot fraise n'a pas. On dit à la vérité fraiser les dehors d'une place, fraiser des manchettes, fraiser un trou dans un corps de fer; mais on dit encore chez les Pâtissiers fraiser de la pâte , pour la manier beaucoup , en la pétrissant sur elle-même; & fraiser une feve légumineuse , pour lui ôter sa peau , ou robbe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraiser un Bataillon Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Fraiser un Bataillon Fraiser un Bataillon , ( Art milit. ) c'étoit autrefois l'entourer de piquiers qui empêchoient la cavalerie de le forcer. A-présent c'est faire mettre la bayonnette au bout du fusil aux soldats qui le composent, & principalement aux rangs qui en forment la circonference, ou qui le terminent. La colonne de M. le chevalier de Folard doit être fraisée de fusiliers & de piquiers. Mais ses piquiers au lieu d'une pique de 15 piés de longueur, doivent avoir des especes de pertuisannes de 11 piés. « On ne regarde pas fixement, dit cet auteur, un corps de troupes fraisé de ces sortes d'armes, jointes aux hallebardes, aux espontons, & aux bayonnettes au bout du fusil, particulierement contre une nation comme la françoise, dont l'ardeur & l'abord est des plus redoutables. Traité de la colonne ». ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAISIER Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FRAISIER FRAISIER, s. m. fragaria , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleurs en rose, composées de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est découpé; il en sort un pistil qui devient dans la suite un fruit presque rond ou ovoïde, & pointu par le bout. Il y a plusieurs semences adhérentes à un placenta qui est charnu dans quelques especes, & sec dans d'autres. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont portées trois-à-trois à l'extrémité d'un pédicule. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Boerhaave compte six especes de fraisiers fertiles; mais il nous suffira de décrire la plus commune, le fragaria vulgaris , C. B. Pin. 326. Sa racine est vivace, roussâtre, fibreuse, chevelue, d'une saveur astringente; elle pousse des pédicules longs d'une palme, grêles, velus, branchus à leurs sommets, & qui portent des fleurs; elle jette aussi des queues de même longueur & de même figure, qui soûtiennent des feuilles; elle pousse encore des jets traçans & rampans sur terre, noüeux, donnant de chaque noeud des feuilles & des racines, par lesquelles cette plante se multiplie. Ses feuilles, au nombre de trois sur une queue, sont oblongues, larges, semblables à celles de l'argentine: veinées, velues, dentelées à leur bord, vertes en-dessus, blanchâtres en-dessous. Ses fleurs, au nombre de quatre ou cinq sur un même pédicule, sont en rose à cinq pétales blancs placés en rond; elles ont beaucoup d'étamines courtes, garnies de sommets jaunâtres, & un pistil sphérique, porté sur un calice découpé en dix parties; le pistil se change en un fruit ovoïde, bon à manger, charnu, mou, rouge quand il est mûr, quelquefois blanc, rempli d'un sue doux, vineux, odorant, chargé de quantité de petites graines entassées les unes sur les autres. Cette plante fleurit en Mai, & donne son fruit mûr au mois de Juin. Elle vient naturellement dans les forêts & à l'ombre; on la cultive dans les jardins où elle profite davantage, & porte dos fraises plus grosses & plus douces que celles des bois & des montagnes, mais bien moins odorantes & moins agréables au goût. M. Frézier en revenant de son voyage de la mer du Sud, a le premier fait connoître en Europe le fraisier du Chili, fragoria chiliensis fructu maximo, foliis carnosis, hirsutis . Il differe de toutes les especes européennes par la largeur, l'épaisseur, & le velu de ses feuilles. Son fruit de couleur rouge-blanchâtre, est généralement de la grosseur d'une noix, & même quelquefois aussi gros qu'un oeuf de poule; mais sa saveur n'a pas l'agrément & le parfum de nos fraises de bois. Cette plante a produit du fruit au jardin royal de Paris, & en porte aujourd'hui dans le jardin de Chelesca par les soins de Miller. Elle réussit le mieux à l'exposition du soleil du matin, & demande de fréquens arrosemens dans les tems de sécheresse. Le fraisier , tant celui qui porte des fraises rouges, que celui qui fournit des fraises blanches, se multiplie de plan enraciné. Le plan de fraisier qu'on tire des bois, vaut mieux pour transplanter que celui des jardins; les fruits qu'il produit sont plus odorans. On met les fraisiers en planche ou en bordure, dans une terre bien préparée; & pour le mieux, on les plante sur des à-dos, contre un mur exposé au midi, afin d'avoir des premieres fraises; on les espace de huit pouces en terre sablonneuse. On observe que les planches ou les bordures soient un peu plus enfoncées que les allées ou que les sentiers, pour y retenir les eaux de pluie & des arrosemens. Si on en plante dans des terres grasses & presque fraîches, comme la grande humidité pourrit les piés, on les éloigne communément de dix à douze pouces; & on en met deux à trois piés dans chaque trou, que l'on fait avec un plantoir. Le tems de les planter est au commencement de Juin, c'est-à-dire avant les sécheresses; on en plante néanmoins tout l'été dans les tems pluvieux. Il est important d'en faire des pépinieres dans quelque endroit exposé au nord, pour éviter les grandes chaleurs d'été: on les plante pour lors à trois ou quatre pouces l'un de l'autre. Lorsque ces piés sont fortifiés, on les replante dans le mois de Septembre, pour en faire des planches ou des quarrés, selon le besoin qu'on en peut avoir. La principale culture des fraisiers consiste en premier lieu à les arroser fréquemment dans la sécheresse: on laisse en second lieu quelques montans des plus sorts à chaque pié; en troisieme lieu, on ne laisse sur chaque montant que trois ou quatre fraises, qui sont les premieres venues, & les plus près du pié. On pince toutes les autres fleurs de la queue des branches qui ont déjà fleuri, ou qui sont encore en fleurs; car rarement on voit noüer & venir à bien toutes ces dernieres fleurs: il n'y a que les premieres qui réussissent; & quand on est soigneux de bien pincer, on est assûré d'avoir de belles fraises. Les fraisiers font fort bien l'année suivante qu'ils ont été plantés, si c'est au mois de Mai qu'on les a plantés, mais médiocrement, s'ils n'ont été plantés qu'au mois de Septembre. On doit renouveller les fraisiers au plus tard tous les 5 ans; leur couper tous les ans la vieille fane, quand les fraises sont finies; ce qui arrive vers la fin de Juillet. Les premieres mûrissent au commencement de Juin; ce sont celles dont les piés ont été plantes le long d'une muraille au midi & au levant; & les dernieres mûres sont celles dont les piés sont au nord. Lorsque les fraisiers sont leurs traînasses, il les faut soigneusement châtrer, & n'y laisser que celles qu'on destine pour avoir du plant. On fera tous les ans de nouvelles planches, & on détruira celles qui ont plus de quatre ans, parce qu'après ce tems, les fraises commencent à décheoir de leur bonté & de leur grosseur. On fumera ces planches de petit fumier un peu avant les gelées, afin de les améliorer, coupant toutes les feuilles, comme on le pratique à l'égard de l'oseille. Par rapport à la terre que les fraisiers desirent, le sablon leur est meilleur que la terre forte: en choisit pour cet effet la partie du jardin la plus sablonneuse pour les y planter. Si on veut avoir des fraises dans l'automne, on n'a qu'à couper toutes les premieres fleurs qui pousseront, & les empêcher de fructifier; elles reproduiront d'autres fleurs, qui donneront des fruits dans l'arriere-saison. Les ennemis du plant du fraisier sont les taons, qui pendant les mois de Mai & de Juin mangent le col de la racine entre deux terres, & font ainsi périr la plante: on doit donc alors parcourir tous les jours ses fraisiers , & fouiller au pié de ceux qui commencent à se faner; d'ordinaire on y trouve le gros ver, qui après avoir causé ce premier mal, passe, si on n'a soin de le détruire, à d'autres fraisiers , & les fait pareillement mourir. Les Anglois, qui ont poussé plus loin que les autres peuples la culture du fraisier , sont non-seulement très-attentifs à détruire la vermine qui peut endommager cette plante, mais encore à choisir l'exposition la plus favorable; à arracher perpétuellement toutes les mauvaises herbes; à bêcher le terrein; à l'arroser abondamment; à former chaque année de nouveaux plants avant que de détruire les anciens; à les espacer à une distance convenable, & à laisser un sentier de deux piés de large entre les plates-bandes, pour y marcher commodément & cueillir le fruit. Ils prennent du fumier de cheval & autant de cendres de choux, qu'ils mêlent & incorporent bien ensemble; ils en répandent sur leur terre préparée & nivellée, une quantité suffisante pour être enfouie & retournée au mois de Février; ensuite ils forment des platesbandes de trois piés & demi de large, & y plantent les especes de fraisiers qu'ils jugent à-propos, à dix, quinze, & vingt pouces de distance les uns des autres, suivant la grosseur de l'espece de fraises qu'ils veulent avoir. Comme les fraisiers ne donnent du fruit que la seconde année dans cette même terre, ils sement la premiere année une récolte de féves; & dans ces mêmes carreaux, ils plantent encore de six en six piés des rosiers, des groseillers blancs & rouges, des églantiers odorans, qui, indépendamment de l'ombre qu'ils donnent aux fraises, sont d'un bon rapport. Une piece de terre plantée en fraises, qu'on nomme écarlatte ( virginian strawberg ), se conserve pendant cinq ou six ans; & ils renouvellent les haut-boys ( the haut-boy strawberry ), & les fraises de bois, ( commonwood strawberry ), tous les trois ans: ils renouvellent encore, comme nous, leur plant des nouveaux fraisiers , qu'ils vont chercher dans les forêts; car ceux des jardins dégénerent. Voyez Bradley & Miller, si vous desirez de plus grands détails. La fraise est un petit fruit rouge ou blanc; il ressemble au bout des mammelles des nourrices; c'est le plus hâtif, & un des plus délicieux fruits du printems: on connoît qu'il est mûr & bon à manger, quand il quitte la queue sans peine. Il y en a de plusieurs especes, soit rouges soit blanches; mais la plus petite & la meilleure pour le parfum, est la fraise de bois ou de montagnes. On cultive la fraise du Chily, fragaria chiliensis , par curiosité: la fraise écarlate de Virginie, fragaria virginiana fructu coccineo , est recherchée pour sa bonté; & la fraise haut boy des Anglois, fragaria, fructu parvi pruni magnitudine , C. B. est estimée pour la grosseur de son fruit. Voyez Fraisier , ( Mat. med. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraisier, & Fraise Author=Jaucourt Normalized Classification=Matière médicale | Pharmacie | Diète Part of Speech=NA Fraisier, & Fraise Fraisier, & Fraise , ( Mat. med. Pharmac. & Diete. ) Le suc des feuilles de fraisier rougit très-foiblement le papier bleu; mais celui des racines donne une couleur rouge plus foncée à ce même papier. Les feuilles & les racines de cette plante paroissent contenir un sel essentiel tartareux, nitreux, mêlé de soufre & de terre astringente; ce qui leur donne une saveur legerement stiptique. Le fruit contient un sel alumineux, dégénéré en sel tartareux aigrelet, accompagné d'un peu d'huile mucilagineuse & vineuse. On se sert principalement des racines de fraisier , pour les usages médicinaux; elles sont diurétiques & apéritives, & on les fait souvent entrer dans les tisannes, les décoctions, & les boissons qu'on donne aux personnes attaquées d'obstructions ou de jaunisse. M. Geoffroy remarque que si on boit long-tems & en grande quantité de la racine de fraisier & d'oseille, les excrémens se colorent en rouge; de sorte qu'on croiroit d'abord que le malade est attaqué d'un flux hépatique; mais il suffit, ajoûte-t-il, de changer cette boisson, pour que les excrémens reprennent leur couleur naturelle. Nobelius, mise. nat. curios. dec. iij. ann. 3. obs. 81. attribue aux feuilles & aux racines de fraisier une grande vertu vulnéraire; ce qu'il prouve par quelques observations d'ulceres des piés, des jambes, & des cuisses, qui ont été guéris, & des tumeurs qui ont été rétoutes par la seule application des feuilles de fraisier pilées. Le fruit de la plante possede un suc mêlé & tempéré par beaucoup de mucilage, ou par des parties terreuses & aqueuses. Quand ce sue a fermenté, on en peut tirer un esprit ardent: mais si on le laisse fermenter trop long-tems, il s'aigrit & se corrompt. Les fraises sont très-usitées sur nos tables; on les sert principalement au dessert avec du sucre, & on les arrose d'eau, de lait, de creme, ou de vin; c'est dans l'eau qu'elles se dissolvent le plus facilement, & qu'elles passent le plus vîte. Il faut les choisir bien mûres; & la prudence demande de n'en point manger sans les avoir lavées: du-moins le cas rapporté par Hilden, cent. v. observat. 38. justifie cette précaution; il parle d'une femme qui après avoir mangé des fraises à jeun, fut aussi-tôt attaquée de maux d'estomac, de lypothymies, de vertige, de l'enflure des hypochondres, &c. & ne fut guérie que par les secours d'un vomitif. Les fraises qu'avoit mangé cette femme, sans les avoir lavées auparavant, avoient sans doute été empoisonnées par l'urine, la salive, ou l'haleine de quelque bête venimeuse, comme de serpens, de viperes, de crapeaux, ou par la piquûre de quelque insecte, qui leur avoit donné un suc nuisible. Il arrive aussi quelquefois, que si l'on mange trop de fraises, leurs esprits vineux se développent par la fermentation, portent à la tête, enivrent en quelque maniere, ou produisent de violentes coliques. Il y a même des personnes mobiles qui tombent en foiblesse par la seule odeur des fraises. Mais tous ces cas particuliers ne prouvent rien contre les qualités salutaires de ce fruit, qui est émollient, raffraîchissant, apéritif, & propre à corriger l'acrimonie bilieuse des humeurs. On fait pendant l'été chez les gens riches, & dans les caffés publics, avec le suc des fraises, des eaux ou des juleps excellens pour étancher la soif, soit en santé soit en maladie, sur-tout dans les fievres aiguës, bilieuses, & putrides. On prend aussi du suc de fraises, du suc de limons, & de l'eau en quantité égale, mêlés ensemble, avec autant de sucre qu'il en faut pour rendre cette boisson agréable; elle fait les délices des pays chauds. En Italie, on broye la pulpe des fraises avec de l'eau-rose, & on en fait ensuite avec le suc de citron une conserve délicieuse. Cette même pulpe de fraises appliquée toute récente en forme de cataplasme, est recommandée dans les rougeurs & inflammations extérieures. On distille encore quelquefois chez les Parfumeurs & Apoticaires, une eau de fraise qui passe pour un bon cosmétique. Quand cette eau est tirée des fraises de bois, elle est d'une odeur charmante; & les dames s'en servent volontiers à leur toilette, pour effacer les rousseurs & les lentilles du visage: mais Hoffman préfere avec raison pour cet usage l'eau distillée de toute la plante, comme plus efficace & plus détersive. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAISOIR Author=Diderot Normalized Classification=Doreur Part of Speech=s.m. FRAISOIR * FRAISOIR, s. m. en terme de Doreur , c'est une espece de foret formant une demi-losange par son bout tranchant. On s'en sert pour creuser un trou & l'élargir assez à l'extérieur, pour y river la tête d'une vis, afin qu'elle ne surpasse pas le reste de la piece. Voyez Pl. du Doreur , fig. 20 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraisoir Author=unknown Normalized Classification=Ébénisterie Part of Speech=NA Fraisoir Fraisoir , outil d'Ebéniste , espece de villebrequin, dont la meche est terminée par un petit cône à rainure: il sert à faire des trous dans les matieres peu épaisses & sujettes à éclater, comme sont tous les ouvrages de placage & de marqueterie. Voyez Marqueterie ; & la fig. 10 , qui représente seulement le fraisoir séparé de son villebrequin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraisoir Author=Diderot Normalized Classification=Lutherie Part of Speech=NA Fraisoir * Fraisoir , ( Luth. ) c'est le même que celui des autres ouvriers en fer; il sert aussi à élargir l'entrée d'un trou où l'on veut noyer un clou, une vis. Il y en a de quartes, d'autres à un plus grand nombre de pans, de cannelés, de taillés en lime, &c. celui qui se termine en cône, soit qu'il soit à facettes, soit qu'il ait été taillé en lime, s'appelle fraisoir à têtes perdues; il est monté sur une boîte, comme le foret; & l'on s'en sert à l'arson & à la palette, ainsi que du foret. Voyez l'article Foret . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAMBOISE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRAMBOISE FRAMBOISE, s. f. fruit du framboisier. Voyez les articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAMBOISIER Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.m. FRAMBOISIER FRAMBOISIER, s. m. ( Jardinage. ) arbrisseau qui est fort commun dans tous les climats tempérés, & qui est si robuste, qu'il se trouve jusque dans les pays les plus septentrionaux. C'est une espece de ronce, qui s'eleve à cinq ou six piés, qui n'est vivace que dans la racine, & dont les tiges se dessechent toûjours au bout de deux ans: elles sont remplacées par de nouveaux rejettons, qui ne donnent des fleurs & des fruits que la seconde année, à la fin de laquelle ils périssent à leur tour, sans que la racine en soit endommagée. Ses feuilles, d'un verd tendre en-dessus & blanchâtre en-dessous, sont au nombre de trois ou cinq sur une même queue. Sa fleur, qui n'a nulle belle apparence, paroît au mois de Mai; & c'est en Juillet qu'arrive la maturité de son fruit, qui a beaucoup de parfum. Cet arbrisseau vient naturellement dans les endroits sombres, pierreux, & humides des forêts; ainsi on doit dans les jardins les placer à l'ombre & à la fraicheur des murs exposés au nord, où il se plaira & réussira mieux qu'à toute autre exposition. Il lui faut une terre meuble, limonneuse, & mêlée de sable, mais qui ne soit ni trop humide ni trop seche; ces deux extrémités lui sont également contraires. Ses racines, qui s'étendent au loin à fleur de terre, poussent quantité de rejettons qui servent à le multiplier: c'est le seul moyen qui soit en usage, parce qu'il est le plus sûr & le plus prompt. On peut cependant le faire venir de semence, de branches couchées, & même de bouture; ou bien encore en plantant simplement des brins de la racine. L'automne est la saison la plus propre à la transplantation du framboisier; & si on s'y prend dès le mois d'Octobre, les plants feront de bonnes racines avant l'hyver, & acquerront assez de force pour produire l'année suivante quelques fruits passables, & des rejettons suffisans pour donner l'année d'après des fruits à l'ordinaire: au lieu que si on ne les transplantoit qu'au printems, outre que la reprise en seroit incertaine; il faudroit s'attendre à deux années de retard. Il faut planter les framboisiers à deux piés de distance, dans des rayons éloignés de quatre pies les uns des autres; les réduire pour cette premiere fois à un ou deux piés de hauteur; retrancher les racines trop longues; & ménager les yeux qui se trouveront au pié de la tige, parce qu'ils sont destinés à produire de nouveaux rejettons. Toute la culture que cet arbrisseau exige, c'est de lui ôter chaque hyver le vieux bois qui a porté du fruit l'été précédent; de tailler les nouveaux rejettons à trois piés au-dessus de terre; de supprimer tous ceux qui seront foibles ou surabondans; & enfin de les renouveller tous les quatre ou cinq ans, si l'on veut avoir de beau fruit. L'excellent parfum des framboises en fait avec raison multiplier les usages. On en peut faire du vin, du ratafiat, & du syrop; des compottes, des confitures, des conserves, des dragées, & jusqu'à du vinaigre. On connoît sept especes ou variétés du framboisier . Le framboisier à fruit rouge; c'est celui auquel on doit appliquer ce qui vient d'être dit en géneral. Le framboisier à fruit blanc: la couleur du fruit on fait la seule différence, qui n'est pas avantageuse, parce que les framboises blanches ont moins de parfum que les rouges. Le framboisier d'automne: il ne differe du premier que parce que son fruit est tardif. Le framboisier sans épines; c'est une petite variété dont la rareté fait le seul mérite. Le framboisier à fruit noir: cet abrisseau est originaire de l'Amérique septentrionale, du Canada surtout; ses feuilles ressemblent à celles de notre framboisier ordinaire, si ce n'est qu'elles sont lanugineuses en dessous: mais les framboises qu'il produit sont aigres & de moindre qualité que les nôtres. Le framboisier de Canada . Il est très-différent des autres especes: ses feuilles sont grandes, d'un verd gai, découpées en cinq parties fort ressemblantes à celles du groseiller sans epines, & elles ont un peu d'odeur; ce qui a fait donner à cet arbrisseau le nom de ronce odoriferante . Ses fleurs, d'une vive couleur de pourpre violet, sont de la forme d'une rose sauvage; elles paroissent au commencement de Juin, & elles se succedent pendant deux mois: ce qui doit mériter à ce framboisier d'avoir place parmi les arbrisseaux fleurissans; d'autant mieux que ses tiges sont sans épines. Son fruit est plus gros que nos framboises, mais il a peu de parfum; il n'est pas à beaucoup près de si bon goût, & ce framboisier en donne très-rarement. Si cependant on vouloit lui en faire porter, il faudroit le planter dans une terre forte & limonneuse: mais s'il y avoit trop d'humidité, l'arbrisseau ne s'y soûtiendroit pas long-tems. Le framboisier de Pensylvanie . Cet arbrisseau prend plus de hauteur que les précédens; il a peu d'épines, & les extrémités de ses rejettons sont bleuâtres: c'est aussi pour sa feuille qu'on le cultive plûtôt que pour son fruit, qui ressemble parfaitement à celui de nos ronces communes: il a pourtant un goût différent, mais qui n'approche pas de celui de nos framboises; il ne mûrit que sur la fin de l'automne. Toutes ces especes étrangeres de framboisiers se multiplient & se conservent comme ceux d'Europe. Voyez Ronce . ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Framboisier, & Framboise Author=Jaucourt Normalized Classification=Matière médicale | Diète Part of Speech=NA Framboisier, & Framboise Framboisier, & Framboise , ( Mat. med. & Diete. ) Les feuilles & les sommités du framboisier sont legerement détersives & astringentes, & peuvent etre substituées à celles des ronces pour les gargarismes qu'on employe dans les maux de gorge & de gencives, lorsqu'il s'agit de procurer un leger resserrement à ces parties. C'est à-peu-près là tout l'usage qu'on tire de l'arbrisseau. Son fruit rouge & blanc est plus employé sur les tables qu'en Medecine. Les belles framboises pleines de suc, & nouvellement cueillies, ont un goût & une odeur aromatique, également fine & flateuse; ce qui provient du sel essentiel de ce fruit, joint & uni avec quelques parties huileuses un peu exaltées; lesquelles picotant legerement les nerfs du goût & de l'odorat, excitent une sensation agréable. Comme les framboises contiennent à-peu-près les mêmes principes que les fraises; elles sont humectantes, raffraîchissantes, & contraires à l'acrimonie bilieuse. On prépare avec ce fruit, du sucre, & de l'eau, une boisson appellée eau de framboise très-bonne pour appaiser la soif dans les maladies aiguës. Le nitre dissous & crystallisé avec le suc de framboise, remplira le même but. On fait aussi avec le suc de ce fruit, des gelées & des syrops très-convenables dans les fievres & les diarrhées putrides. On trouve le syrop de framboise tout préparé dans les boutiques d'Apoticaires, sous le nom de syrupus rubi-idaei . Le vin rouge framboisé, c'est-à-dire dans lequel on a infusé des framboises, paroît assez propre pour le vomissement causé par la foiblesse & l'atonie de l'estomac. On tire des framboises, comme de tous les fruits rouges, une eau spiritueuse. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAME Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.f. FRAME * FRAME, s. f. ( Hist. anc. ) espece de javelot dont les Germains se servoient autrefois à pié & à cheval; le fer en étoit court & tranchant; ils combattoient avec cette arme de loin & de pres: elle fut aussi à l'usage de ces peuples dans les tems moyens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANC, FRANCHE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FRANC, FRANCHE * FRANC, FRANCHE, adjectif dont on fait l'article Franchise . Voyez cet article . Il se compose avec un grand nombre de mots. Voyez les articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc, (greffer sur) Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Franc Franc , ( greffer sur ) Jardinage. Voyez Greffer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc ou Sauvageon Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc Franc ou Sauvageon , c'est ainsi qu'on appelle le sujet sur lequel on a dessein de greffer quelque bonne espece de fruit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Franc Franc , ( Peint. ) Peindre franc , c'est peindre facilement, hardiment, sans tâtonner, & à pleine couleur, sans le secours des glacis. Voyez Glacis . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Franc Franc , ( Jurispr. ) ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes, & s'applique à différens objets. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc Franc signifie quelquefois une personne libre , c'est-à-dire qui n'est point dans l'esclavage . Loysel, liv. I. tit. j. régl. 6. dit que toutes personnes sont franches en ce royaume, & que si-tôt qu'un esclave a atteint les marches d'icelui en se faisant baptiser, il est affranchi. Ce que dit cet auteur n'a pas lieu néanmoins à l'égard des esclaves negres qui viennent des colonies françoises en France avec leurs maîtres, pourvû que ceux ci ayent fait leur déclaration en arrivant à l'amirauté, qu'ils entendent renvoyer ces negres aux îles. Voyez Esclaves & Negres . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc Franc est aussi quelquefois opposé à serf; car quoiqu'en France il n'y ait point d'esclaves proprement dits, il y a des serfs de main-morte qui ne joüissent pas d'une entiere liberté. Ceux qui sont exempts de cette espece de servitude sont appellés francs , ou personnes de condition franche. Voyez Main morte & Serfs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc, Frankis, ou Franquis Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Franc, Frankis Franc, Frankis , ou Franquis , ( Hist. mod. ) est le nom que les Turcs, les Arabes & les Grecs donnent à tous les Européens occidentaux. On croit que ce nom a commencé dans l'Asie, au tems des croisades, les François ayant eu une part distinguée dans ces entreprises; & depuis les Turcs, les Sarrasins, les Grecs & les Abyssins, l'ont donné à tous les Chrétiens européens, & à l'Europe celui de Frankistan . Les Arabes & les Mahométans, dit M. d'Herbelot, appellent Francs , les François, les Européens, les Latins en général. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc Franc signifie encore libre & exempt de quelque charge; par exemple, un noble est par sa qualité franc & exempt de taille. Il y a des lieux qui sont francs , c'est-à-dire exempts de tailles & de certaines autres impositions; d'autres qu'on appelle francs à cause de la liberté que la coûtume du pays accorde pour tester, comme dans le comté de Bourgogne. Voyez le glossaire de Lauriere, au mot Franc . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc ou Frent Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc ou Frent Franc ou Frent est un françois, & par extension un européen, ou plûtôt un latin; à cause, dit le même auteur, que la nation françoise s'est fait connoître & distinguer entre toutes les autres qui ont porté les armes dans l'Orient au tems des croisades. Voyez Croisade . Le P. Goar, dans ses notes sur Codin, c. v. n. 43. nous fournit une autre origine du mot franc beaucoup plus ancienne que la premiere. Il observe que les Grecs n'appelloient d'abord Francs que les François, c'est-à-dire les Allemands établis en France; ensuite ils donnerent le même nom aux habitans de la Pouille & de la Calabre, après que les Normands eurent conquis ces provinces. Dans la suite ils ont donné ce nom à tous les Latins. Ainsi Anne Comnene & Curopalate, pour distinguer les François des autres nations de l'Europe, les appellent les Francs occidentaux . Du Cange ajoûte que vers le tems de Charlemagne on distinguoit la France en orientale & en occidentale, en latine ou romaine, & en allemande, qui étoit l'ancienne France appellée depuis Franconie. Dictionn. de Trév. & Chambers ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc ou Livre Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc Franc ou Livre , étoit autrefois une monnoie du poids d'une livre; présentement le franc n'est plus qu'une valeur numéraire. Le franc est composé de 20 sous tournois, qui font une livre numéraire ou de compte. Voyez Livre . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-aleu naturel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-aleu naturel Franc-aleu naturel , est celui qui a lieu en vertu de la loi, coûtume ou usage du pays, où tous les héritages sont de droit réputés tenus en franc-aleu , s'il n'appert du contraire, sans que les possesseurs des héritages soient tenus de justifier le droit de franc-aleu . C'est au seigneur qui prétend quelque devoir sur les héritages, à l'établir. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-aleu noble Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-aleu noble Franc-aleu noble , est celui qui a une justice, ou un fief, ou une censive mouvante de lui. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-aleu par privilége Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-aleu par privilége Franc-aleu par privilége , est opposé au franc-aleu naturel; c'est celui qui est fondé en concession & titre particulier. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-aleu roturier Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-aleu roturier Franc-aleu roturier , est celui qui n'a ni justice, ni fief, ni censive qui en dépende. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-aleu par titre Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-aleu par titre Franc-aleu par titre . Voyez ci-dev . Franc-aleu par privilége . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc d'amble Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Franc d'amble Franc d'amble , ( Manége. ) cheval ambulant naturellement, ou dont l'alure la plus familiere est l'amble. Elle a été avec raison bannie de nos écoles & de nos manéges. Voyez Manége . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs Angevins Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs Angevins Francs Angevins , c'étoit une monnoie qui se fabriquoit à Angers, de la valeur d'une livre. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-Archers Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-Archers Francs-Archers , c'est ainsi qu'on appella une nouvelle milice d'infanterie, établie en France par Charles VII. en 1448. Ce prince pour avoir toûjours une troupe d'infanterie sur pié, ordonna que chaque paroisse de son royaume lui fournît un des meilleurs hommes qu'il y auroit pour aller en campagne, & servir en qualité d' archer avec l'arc & la fleche. « Le privilége qu'il accorda à ceux qui seroient choisis, fit qu'il y eut de l'empressement pour l'être, car il les affranchit presque de tous subsides; & c'est de cet affranchissement qu'on les appella francs-archers ou francs-taupins . Ce nom de taupins leur fut donné sans doute, parce qu'on le donnoit alors aux paysans, à cause des taupinieres dont les clos des gens de la campagne sont ordinairement remplis ». Hist. de la milice franç . Les francs-archers étoient distribues en quatre compagnies de quatre mille hommes chacune; ainsi ils composoient un corps de seize mille hommes prêts à servir au premier commandement. C'est-là le premier corps réglé de l'infanterie françoise. Avant sa création l'infanterie n'étoit composée, ainsi que s'exprime Brantome dans le discours des colonels, que de marauts, bellistres, mal-avinés, mal-complexionnés, fainéans, pilleurs & mangeurs de peuples , &c. Les francs-archers ne subsisterent pas long-tems; ils furent supprimés dans les dernieres années du regne de Louis XI. Mais ce prince qui sentoit le besoin d'entretenir toûjours un corps d'infanterie sur pié, commença, pour suppléer aux francs-archers , par faire lever six mille Suisses; il leur ajoûta ensuite un corps de dix mille hommes d'infanterie françoise pour être à sa solde, & pour cela il mit, dit le pere Daniel, un grand impôt sur le peuple. L'établissement des francs-archers peut avoir servi de modele à celui des milices qu'on leve également dans toutes les paroisses du royaume, à-peu-près de la même maniere qu'on y choisissoit les francs-archers. Voyez Milice . Voyez aussi sur ce sujet l' histoire de la milice françoise du P. Daniel, dont cet article est tiré. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc argent Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc argent Franc argent , en la chatellenie de Montereau ressort de Meaux, signifie la même chose que francs deniers; c'est lorsque le vendeur accorde avec l'acheteur que le prix de la vente lui sera franc , & qu'il n'en payera aucun droit au seigneut féodal ou censuel, de maniere que l'acheteur doit l'en acquitter. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs d'argent Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs d'argent Francs d'argent , étoient une monnoie de la valeur de 20 sous tournois. Le roi Henri III. en sit forger en l'an 1575. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc d'or Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc d'or Franc d'or , étoit une monnoie d'or de la valeur d'une livre; en l'an 1400 & auparavant, une livre, à cause de la forte monnoie, valoit un franc d'or: sur quoi Ragueau, en son glossaire au mot franc ou livre , dit que le franc d'or vaudroit à-présent autant qu'un écu sou & plus. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Barrois Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-Barrois Franc-Barrois , sorte de monnoie fictive, en usage dans la Lorraine & le Barrois, où les droits de seigneurie, cens, peines, amendes, & même des contrats de rente, sont en cette monnoie. Il en est parlé dans le mémoire sur la Lorraine & le Barrois, pag. 10. à la fin . Le franc-barrois se divise en 12 gros, le gros en 4 blancs, le blanc en 4 deniers barrois. Sept francs-barrois font exactement trois livres cours de Lorraine: ainsi le franc-barrois fait 8 sous 6 6/7 den. de Lorraine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-batir Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Franc-batir Franc-batir , ( Jurispr. ) est un droit dont jouissent quelques communautés, de prendre du bois dans une forêt pour l'entretien & le rétablissement de leurs bâtimens. On ne peut user de ce droit que pour les bâtimens qui étoient déjà construits ou qui devoient l'être, lors de la concession qui a été faite de ce droit. Il ne s'étend point aux autres bâtimens que l'on peut construire dans la suite. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs blancs Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs blancs Francs blancs , c'étoient des monnoies d'argent de la valeur d'une livre, ainsi appellées pour les distinguer des francs d'or. Voyez ci-après Francs d'or . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-Bourdelois Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-Bourdelois Francs-Bourdelois , étoient des monnoies que l'on frappoit à Bourdeaux, de la valeur d'une livre. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-Bourgeois Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-Bourgeois Francs-Bourgeois , nom de faction parmi les ligueurs d'Orléans, pendant le tems de la ligue. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc du collier Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Franc du collier Franc du collier , ( Manege. ) Tout cheval franc du collier est celui qui donne hardiment dans les traits, qui tire franchement, naturellement, & sans en être sollicité par les châtimens. Cette expression est indistinctement en usage pour désigner la franchise de tous les chevaux destinés ou employés à être attelés à une voiture quelconque, quoiqu'ils ne soient pas tous généralement attelés avec un collier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-deniers Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-deniers Francs-deniers , cette clause apposée dans la vente d'un fief ou d'une roture, signifie que la totalité du prix doit demeurer franche au vendeur, & que l'acquéreur se charge d'acquitter les droits seigneuriaux. Cette clause est assez usitée dans quelques coûtumes, où sans cela le vendeur seroit tenu de payer les droits seigneuriaux; comme dans les coûtumes de Meaux, art. 131 & 119; Melun, artic. 67; Troyes, 27; Chaumont, 17; Saint-Paul sous Artois, art. 64 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-devoir Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-devoir Franc-devoir , est une redevance annuelle en laquelle le seigneur a converti l'hommage qui lui étoit dû pour le fief mouvant de lui. Ces sortes de conversions d'hommage en franc-devoir , qu'on appelle aussi abonnement ou abrégement de fief , furent principalement introduites lorsque les roturiers, ou ceux qui ne faisoient pas profession des armes, commencerent à posséder des fiefs; ce qui arriva, dit-on, dans le tems des croisades. Le devoir annuel que le seigneur imposa sur le fief fut appellé franc , comme représentant l'hommage auquel il étoit subrogé; il étoit comme l'hommage même la marque de la noblesse & de la franchise de l'héritage, lequel se partageoit toûjours noblement, même entre roturiers, quand il étoit une fois échû en tierce-main. Quelques uns confondent mal-à-propos le franc-devoir avec le franc-aleu. Voyez l'article 258 de la coûtume d'Anjou, & l' ordonnance de Philippe III. touchant les accroissemens, in fine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-devoir Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-devoir Franc-devoir est aussi lorsque l'héritage du roturier est donné par le seigneur du fief à franc-devoir , soit que la redevance soit annuelle, ou dûe à chaque mutation d'homme ou de seigneur, au moyen de quoi l'heritage ainsi tenu ne doit point de rachat; mais il est dû des ventes dans les cas ou elles ont lieu par la coûtume. Voyez Lodunois, chap. xjv. art. 21. & 145 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-devoir Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-devoir Franc-devoir dans les anciennes chartes, signifie aussi les charges que les hommes de franche & libre condition, doivent pour usage de bois, pour pacage, panage ou autrement. Voyez le glossaire de M. de Lauriere, au mot franc-devoir . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-d'Eau Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Franc-d'Eau Franc-d'Eau , ( Marine. ) rendre le navire franc-d'eau , c'est tirer l'eau qui peut être dans le navire, & le vuider par le moyen de la pompe. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Etable Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Franc-Etable Franc-Etable . ( Marine. ) Voyez Etable . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc et quitte Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc et quitte Franc et quitte , est une clause qui signifie que les biens dont il s'agit ne sont grevés d'aucunes hypotheques ni autres charges. On peut faire la déclaration de franc & quitte , par rapport à un héritage que l'on vend; ordinairement on le déclare franc & quitte des arrérages, de cens, & autres charges réelles du passé, jusqu'au jour de la vente. On peut aussi déclarer l'héritage que l'on vend franc & quitte de toutes charges & hypotheques. Quelquefois un homme qui s'oblige déclare tous ses biens francs & quittes , c'est-à-dire qu'il ne doit rien; ou bien il les déclare francs & quittes à l'exception d'une certaine somme qu'il spécifie. Lorsque la déclaration de franc & quitte se trouve fausse, il faut distinguer si c'est par erreur qu'elle a été faite, ou si c'est de mauvaise foi. L'erreur peut arriver lorsque celui qui a fait la déclaration de franc & quitte ignoroit les hypotheques qui avoient été constituées sur les biens par ses auteurs, & en ce cas il est seulement tenu civilement de faire décharger les biens des hypotheques, ou de souffrir la résiliation du contrat avec dommages & intérêts. Mais si la déclaration de franc & quitte a été faite de mauvaise foi, c'est un stellionat: & celui qui a fait cette déclaration est tenu de souffrir la rélolution du contrat avec dommages & intérêts; & l'on peut le faire condamner par corps, quand même il auroit des biens suffisans pour répondre de ses engagemens. Voyez Stellionat . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Funin Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Franc-Funin Franc-Funin , ( Marine. ) c'est une longue corde plus ronde que le cordage ordinaire; elle est blanche, c'est-à-dire qu'elle n'est pas goudronnée, & sert dans un vaisseau à plusieurs usages. Le franc-funin est composé de cinq torons, tellement serrés que le cordage en paroisse plus arrondi que le cordage ordinainaire. Il sert pour les plus rudes manoeuvres, comme pour embarquer le canon, mettre en carene, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Homme Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-Homme Franc-Homme , c'étoit tout homme noble ou roturier, qui étant proprietaire d'un fief, demeuroit au dedans de ce fief; car anciennement les fiefs communiquoient leur noblesse aux roturiers tant qu'ils y demeuroient. Voyez de Fontaines en son conseil , & M. de Lauriere en ses notes sur l'ort. 248. de la coût. de Paris . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-Maçons Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Francs-Maçons Francs-Maçons , ( Hist. mod. ) ancienne société ou corps qu'on nomme de la sorte, soit parce qu'ils avoient autrefois quelque connoissance de la Maçonnerie & des bâtimens, soit que leur sociéte ait été d'abord fondée par des maçons. Elle est actuellement très-nombreuse, & composée de personnes de tout etat. On trouve des francs-maçons en tous pays. Quant à leur ancienneté, ils prétendent la faire remonter à la construction du temple de Salomon. Tout ce qu'on peut pénétrer de leurs mysteres ne paroît que loüable, & tendant principalement à fortifier l'amitié, la société, l'assistance mutuelle, & à faire observer ce'que les hommes se doivent les uns aux autres. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-mançais Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-mançais Francs-mançais , c'étoient des monnoies de la valeur d'une livre, que l'on frappoit au Mans de l'autorité de l'évéque. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-Meix, ou Mex Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-Meix Francs-Meix , ou Mex , dont il est parlé en la coutume locale de Saint-Piat de Seclin sous Lille, sont des héritages mortaillables qui ont été affranchis. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Mariage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-Mariage Franc-Mariage , c'est un mariage noble; donner en franc-mariage , c'est marier noblement. Il en est parlé au traite des tenures, liv. I. ch. ij. liv. II. ch. vj. liv. III. ch. ij. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc parisis Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc parisis Franc parisis , étoit la monnoie d'une livre parisis, qui valoit un quart en sus plus que le franc tournois. Voyez Monnoie parisis . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Pris ou prisage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-Pris Franc-Pris ou prisage , c'est-à-dire prisée dans la coûtume de Bretagne, art. 261 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Quartier Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=s.m. Franc-Quartier Franc-Quartier , s. m. terme de Blason . Le premier quartier de l'écu, qui est à la droite du côte du chef, ou l'on a coûtume de mettre quelques autres armes que celles du reste de l'écu. Il est un peu moindre qu'un vrai quartier d'écartelage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Salé Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Franc-Salé Franc-Salé , ( Jurisprud. ) Ce mot s'entend de deux manieres. Il y a des provinces & des villes qu'on appelle pays de franc-sale , c'est-à-dire où chacun a la liberté d'acheter & revendre du sel sans payer au Roi aucune imposition: tels sont le Poitou, l'Aunis, la Saintonge, le Perigord, Angoumois, haut & bas Limosin, haute & basse Marche, qui on acquis ce droit du roi Henri II. moyennant finance. La ville de Calais & les pays reconquis ont aussi obtenu ce droit lorsqu'ils sont sortis des mains des Anglois & rentrés sous la domination de France. Le franc-salé ou droit de franc-salé qui appartient à certains officiers royaux & autres personnes, est une certaine provision de sel qui leur est accordée pour leur provision. Autrefois ceux qui avoient ce droit avoient le sel gratis, & ne payoient que la voiture. Presentement ils payent une pistole par minot. Voyez Gabelle . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francs-Taulpins Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Francs-Taulpins Francs-Taulpins , Voyez Francs Ar chers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Tenant Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-Tenant Franc-Tenant , c'est celui qui possede noblement & librement. Voyez le liv. des tenures, liv. II. ch. j. & ij . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Tenement Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc-Tenement Franc-Tenement , est un héritage possédé noblement & librement, sans aucune charge roturiere. Voyez le même livre des tenures, liv. I. ch. vj. & jx. liv. III. ch. ij. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc-Tillac Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Franc-Tillac Franc-Tillac , ( Marine. ) c'est le pont le plus proche de l'eau, qu'on appelle le premier pont dans les vaisseaux à deux ponts & à trois ponts. C'est sur ce pont qu'on place les canons de plus fort calibre. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc tournois Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc tournois Franc tournois , étoit la monnoie d'une livre que l'on frappoit à Tours de l'autorité de l'archevêque. Cette livre valoit sou tournois; présentement le franc tournois n'est plus qu'une valeur numéraire. Voyez Livre Tournois . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franc viennois Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franc viennois Franc viennois , c'étoit une monnoie d'une livre, qui se frappoit à Vienne en Dauphiné de l'autorité des dauphins de Viennois. Il y a encore dans ce pays & dans les provinces voisines, des redevances fixées en francs sous & deniers viennois; ce qui s'évalue en monnoie de France. Voyez ci-dev . Denier viennois . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCA Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FRANCA FRANCA, genre de plante à fleur en oeillet, composée de plusieurs pétales disposés en rond & soûtenus par un calice cylindrique. Le pistil sort de ce calice, & devient dans la suite un fruit plus ou moins alongé, qui s'ouvre d'un bout à l'autre en trois parties, quoiqu'il soit renferme dans le calice. Il contient des semences ovoïdes très-petites, & attachées au placenta. Nova plant. gener. Amer . &c. par M. Micheli. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCARTE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. FRANCARTE FRANCARTE, s. f. ( Comm. ) mesure pour les grains dont on se sert à Verdun. La francarte de froment pese 38 livres poids de marc, de méteil 34, de seigle 32, & d'avoine 25. Voyez les dict. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANCE FRANCE, ( Géog. ) grand royaume de l'Europe, borné au N. par les Pays-Bas, à l'E. par l'Allemagne, les Suisses, & la Savoie; au S. par la mer Méditerranée & par les Pyrénées; à l'O. par l'Océan. Selon la carte de la mesure de la terre donnée par M. Cassini, la France a d'orient en occident 220 lieues de large, & du nord au sud, depuis Dunkerque jusqu'aux frontieres d'Espagne, 230, lieues de long. En prenant la France de biais, depuis la côte de Bretagne la plus éloignée jusqu'à Nice sur la côte de Provence, 250 lieues; & depuis les confins d'Espagne au midi de Bayonne, jusqu'aux confins d'Allemagne, du côté des Pays-Bas, 210 lieues ou environ. Ainsi en prenant 220 lieues pour milieu entre ces différences, cela donne pour l'etendue de la France 400 lieues quarrées. Ces lieues sont selon la même carte, de 25 au degré. Dans cette étendue, l'air y est pur & sain, sous un ciel presque par-tout tempéré. L'Océan arrose la France d'un côté, & la Méditerranée de l'autre. Elle a de hautes montagnes & de belles rivieres. Son pays fertile & délicieux abonde en sel, grains, légumes, fruits, vins, &c. mines de fer, de plomb, de cuivre, &c. Il y a en France 18 archevêchés, 112 évêchés, 14777 couvents, 12400 prieurés, 1356 abbayes de religieux, 240 commanderies de l'ordre de Malthe, &c. On y compte 13 parlemens, 12 gouvernemens généraux, ou si l'on veut, 36 gouvernemens des provinces, & 25 universités, qui ne sont pas toutes célebres. Sa situation se trouve, selon l'académie des Sciences, entre le treizieme & le vingt-sixieme degré de longitude, & entre le quarante-deuxieme & le cinquante-unieme de latitude. L'histoire de ce royaume, dit un homme de génie, nous fait voir la puissance des rois de France se former, mourir deux fois, renaitre de même; languir ensuite pendant plusieurs siecles: mais prenant insensiblement des forces, s'accroître de toutes parts, & monter au plus haut point; semblable à ces fleuves qui dans leur cours perdent leurs eaux, ou se cachent sous terre, puis reparoissent de nouveau, grossis par les rivieres qui s'y jettent, & entraînent avec rapidité tout ce qui s'oppose à leur passage. Les peuples furent absolument esclaves en France , jusque vers le tems de Philippe-Auguste. Les seigneurs furent tyrans jusqu'à Louis XI. tyran lui-même, qui ne travailla que pour la puissance royale. François I. fit naître le commerce, la navigation, les lettres, & les arts, qui tous périrent avec lui. Henri le Grand, le pere & le vainqueur de ses sujets, fut assassiné au milieu d'eux, quand il alloit faire leur bonheur. Le cardinal de Richelieu s'occupa du soin d'abaisser la maison d'Autriche, le Calvinisme, & les grands. Le cardinal Mazarin ne songea qu'à se maintenir dans son poste avec adresse & avec art. Aussi pendant neuf cents ans, les François sont restés sans industrie, dans le desordre & dans l'ignorance: voilà pourquoi ils n'eurent part ni aux grandes découvertes, ni aux belles inventions des autres peuples. L'imprimerie, la poudre, les glaces, les télescopes, le compas de proportion, la circulation du sang, la machine pneumatique, le vrai systeme de l'univers, ne leur appartiennent point; ils faisoient des tournois, pendant que les Portugais & les Espagnols découvroient & conquéroient de nouveaux mondes a l'orient & à l'occident du monde connu. Enfin les choses changerent de face vers le milieu du dernier siecle; les Arts, les Sciences, le Commerce, la Navigation, & la Marine, parurent sous Colbert, avec un éclat admirable dont l'Europe fut étonnée: tant la nation françoise est propre à se porter à tout; nation flexible qui murmure le plus aisément, qui obéit le mieux, & qui oublie le plûtôt ses malheur. Je suis très-dispensé d'entrer ici dans aucun détail de l'état présent du royaume. Sa force réelle & relative; la nature de son gouvernement; la religion du pays; la puissance du monarque, ses revenus, ses ressources, & sa domination, tout cela n'est ignoré de personne. L'on ne sait pas moins que les richesses immenses de la France , qui montent peut-être en matieres d'or ou d'argent, à un milliard du titre de ce jour (le mare d'or à 680 liv. & celui d'argent à 50 liv.), se trouvent malheureusement réparties, comme l'étoient les richesses de Rome, lors de la chûte de la République. On sait encore que la capitale forme, pour ainsi dire, l'état même, que tout aborde à ce gouffre, à ce centre de puissance; que les provinces se dépeuplent excessivement; & que le laboureur accablé de sa pauvreté, craint de mettre au jour des malheureux. Il est vrai que Louis XIV. s'appercevant, il y a près d'un siecle (en 1666) de ce mal invétéré, crut encourager la propagation de l'espece, en promettant de recompenser ceux qui auroient dix enfans, c'est-à-dire de récompenser des prodiges; il eût mieux valu remonter aux causes du mal, & y porter les véritables remedes. Or ces causes & ces remedes ne sont pas difficiles à trouver. Voyez les articles Impôt , Tolérance , &c. ( D.J ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=France, (Isle de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA France, (Isle de- France, (Isle de-) Géog. province de France , ainsi nommée parce qu'elle étoit autrefois bornée par la Seine, la Marne, l'Oise, l'Aisne, & l'Ourque. Les Géographes vous indiqueront son étendue actuelle. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCFORT sur le Mein Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.m. FRANCFORT FRANCFORT sur le Mein , s. m. ( Géog. ) ville d'Allemagne en Wétéravie, aux confins de la Franconie, entre la ville d'Hanaw & celle de Mayence. Francfort est partagé en deux par le Mein, que l'on y passe sur un pont de pierre. La partie qui est sur le bord septentrional du fleuve, porte proprement le nom de Francfort; on appelle l'autre Saxen-Hansen , c'est-à-dire les maisons des Saxons . Ces deux parties sont fortifiées avec des bastions à l'antique, un fossé plein d'eau, & un chemin-couvert. Cette ville est la patrie de Charles le Chauve, roi de France: elle est riche, impériale, anséatique, peuplée, & marchande; on y tient deux foires chaque année, l'une au printems, & l'autre en automne, où entr'autres marchandises, il se fait un grand commerce de livres. C'est-là que les électeurs se rendent pour élire un empereur ou un roi des Romains, conformément eu non conformément à la bulle d'or de l'empereur Charles IV. dont l'original se garde à la maison-de ville; c'est un parchemin in-4°. de quarante-trois feuilles, selon Wagenseil. Francfort est fameux par son concile de l'an 794, un des plus célebres qui se soient tenus dans l'occident: Charlemagne, en qualité d'empereur, y exerça la même autorité qu'avoient autrefois les empereurs d'orient dans les conciles, depuis qu'ils eurent embrassé le Christianisme. On rejetta dans ce concile le second concile de Nicée, dans lequel on avoit rétabli le culte des images. Voyez Iconoclastes . Francfort embrassa la confession d'Augsbourg l'an 1530; le magistrat, & presque tout le peuple, sont de cette confession; les Réformés, les Catholiques Romains, & même les Juifs, y sont également bien reçûs, & y habitent avec liberté, quoiqu'ils n'y ayent point d'exercice public de leurs religions, mais on les tolere avec autant de sagesse que de profit. On est assez sage dans cette ville, pour ne s'y occuper que du soin de faire fleurir le commerce, & de maintenir les droits des citoyens. Le gouvernement y est entre les mains de quelques familles, qu'on appelle patriciennes: cependant le choix des personnes particulieres qui y doivent remplir les charges, est fait par le corps des métiers; ce qui rend ce gouvernement aristo-démocratique. Le territoire de Francfort est un petit pays entre l'archevêché de Mayence, le comte d'Hanaw, & le landgraviat de Hesse-Darmstadt: il a seulement quatre milles de long & autant de large; & il est partagé par le Mein en deux parties, dont la septentrionale est fort peuplée, tandis que l'autre n'est presque qu'une forêt. La ville de Francfort , le seul lieu considérable de son territoire, est à environ quatre milles d'Allemagne à l'Est de Mayence, à deux milles d'Hanaw, & à cinq d'Asschaffenbourg. Long. 26. 6. 36. latit. 49. 55. o. suivant les observations de Cassini. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Francfort sur l'Oder Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Francfort Francfort sur l'Oder , ( Géog. ) ville & université d'Allemagne dans la moyenne Marche de Brandebourg, autrefois impériale, à-présent sujette au roi de Prusse. Elle est à environ vingt-deux milles d'Allemagne S. de Stetin, quinze milles S. E. de Berlin, vingt-quatre milles N. E. de Wirtemberg, soixante-dix milles N. O. de Vienne, selon Sreet. Longit. 32. 26. 15. latir. 52. 22. o . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCHE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=adject.f. FRANCHE FRANCHE, adj. f. ( Marine. ) la pompe est franche , c'est-à-dire que l'ossec est vuide, & qu'il ne reste plus d'eau à pomper. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franche-Bouline Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Franche-Bouline Franche-Bouline , ( Marine. ) Voyez Bouline . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franche-Aumône Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Franche-Aumône Franche-Aumône , ( Jurisprud. ) est lorsqu un seigneur donne un fonds mouvant de lui, pour construire une église, cimetiere, ou autre lieu sacré, sans y retenir aucun droit, auquel cas, il ne lui reste plus ni foi ni jurisdiction proprement dites sur ce fonds, mais seulement le droit de patronage. Tous les biens aumônés à l'eglise ne sont pas donnés en franche-aumône: car on distingue deux sortes d'aumône, savoir, la franche-aumône , dont on vient de parler, & la pure aumône; celle-ci est lorsqu'on donne à l'église des biens temporels, produisant des fruits & revenus, sur lesquels le fief & la jurisdiction demeurent, soit au donateur, s'il a fief & jurisdiction sur le fonds, soit au seigneur féodal & justicier, si le donateur ne l'est pas; & néanmoins les biens ainsi tenus en pure-aumône par des gens d'église, sont tenus franchement, c'est-à-dire sans en payer aucun devoir ni redevance, ad obsequium precum. Voy . Maichin, sur la coût. d'Angely, tit. jv. art. 1. ch. viij. Dupineau, sur l'art. 112. d'Anjou; Boucheul, sur l'article 108. de Poitou . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franche-Fête Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franche-Fête Franche-Fête ; c'est un privilége accordé à un seigneur pour l'exemption de tous droits sur les marchandises qui arrivent le jour de la fête du lieu, & quelquefois pendant un certain nombre de jours. Au mois d'Octobre 1424, Philippe, comte de Saint-Paul, permit au sieur de Heudin, son vassal, à cause de S. Paul, d'obtenir du roi une franche-fête; & le 16 Juillet 1426, le même seigneur affranchit toutes les marchandises arrivant à la franche-fête d'Heudin, pendant l'espace de cinq jours, des tonlieux, péages, & travers à lui appartenans. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franche-vérité Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franche-vérité Franche-vérité , est lorsque le seigneur justicier fait enquérir & informer d'office par ses hommes de loi, des délits commis en sa terre, sans aucune partie formée ou apparente, & lorsque le délinquant n'a point été pris en flagrant-délit; comme il est dit en la somme rurale, comparoir a la franche-vérité , & tenir vérités , en l' art. 39. 40. de la coûtume de S. Omer sous Artois , imprimee en 1553; & en l' art. 10 . de celle qui a été imprimée en 1589 à Arras; c'est tenir les assises, tenir ou avoir vérité spéciale. Lille, tit. j. art. 4 & 5 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franches, compagnies franches Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Franches Franches , compagnies franches , ( Art. militaire. ) ce sont des corps de troupes qui ne forment point de régimens; elles ont chacune un chef, qui en est le commandant ou capitaine; elles sont composées de cavalerie & d'infanterie: on s'en sert pour donner de l'inquiétude à l'ennemi, pénétrer dans son pays, y causer le dégât, ou pour établir les contributions. On donne ordinairement le nom de partisans à ceux qui commandent les corps particuliers. Voyez Partis . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCHE-COMTÉ, ou Comté de Bourgogne Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANCHE-COMTÉ FRANCHE-COMTÉ, ou Comté de Bourgogne , ( Géog. ) Burgundiae comitatus , province considérable, bornée au nord par la Lorraine, à l'est par le Montbeliard & la Suisse, à l'oüest par le Bassigny & la Bresse, & au sud par le Bugey. Ce pays contient la plus grande partie du territoire des anciens Séquaniens, qui furent subjugués par Jules-César. Voyez Longuerue. La Franche-Comté a environ cinquante lieues de long sur trente-deux dans sa plus grande largeur; elle abonde en grains, vins, bestiaux, chevaux, mines de fer, de cuivre, & de plomb, outre plusieurs carrieres; elle est partagée paresque également en pays uni & en pays de montagnes. Le pays uni renferme le bailliage de Vésoul, Gray, Dôle, &c. le pays de montagnes comprend le bailliage de Pontarlier & d'Orgelet, de Salins, Ornause, Beaume, Saint-Claude, Quingey, Arbois, & la ville de Besançon, capitale de toute la Franche-Comté: cette province est arrosée par cinq rivieres principales, la Saone, le Lougnon, le Doux, la Louvre, & le Dain, toutes fort poissonneuses. Louis XIV. conquit la Franche-Comté en 1674. Ce prince, avec un million d'argent comptant & une assurance de six cents mille livres, détermina les Suisses à refuser à l'empereur & à l'Espagne le passage des troupes: il prit Besançon, après avoir gagné les grands seigneurs du pays; & en six semaines, toute la Franche-Comté lui fut soûmise. Elle est restée à la France par le traité de Nimegue en 1678, & semble y être pour jamais annexée; monument de la foiblesse du ministere autrichien-espagnol, & de l'habileté de celui de Louis XIV. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCHIPANNE Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=s.f. FRANCHIPANNE FRANCHIPANNE, s. f. ( Cuisine. ) c'est un mets que les Pâtissiers font avec de la creme, des jaunes d'oeufs, du sucre, de l'écorce de citron, de la fleur-d'orange, & autres ingrédiens de cette espece. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCHIR Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FRANCHIR * FRANCHIR, v. act. c'est traverser en s'élevant avec effort; il se prend au simple & au figuré: ainsi l'on dit, franchir un fossé, une haie, & franchir les barrieres de la vertu. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franchir Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Franchir Franchir , ( Marine. ) franchir l'eau de la pompe , signifie que l'eau diminue & s'épuise; ce qui s'entens de l'eau qui entre dans le vaisseau, soit par quelques ouvertures, ou autrement. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franchir la lame Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franchir la lame Franchir la lame , c'est couper les vagues qui traversent l'avant du vaisseau, & passer au-travers. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franchir une Roche, ou un haut-fond Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Franchir une Roche Franchir une Roche , ou un haut-fond , c'est passer par-dessus, quand il y a assez d'eau pour n'y pas demeurer & échoüer. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCHISE Author=Voltaire Normalized Classification=Histoire | Morale Part of Speech=s.f. FRANCHISE FRANCHISE, s. f. ( Hist. & Morale. ) mot qui donne toûjours une idée de liberté dans quelque sens qu'on le prenne; mot venu des Francs, qui étoient libres: il est si ancien, que lorsque le Cid assiégea & prit Tolede dans l'onzieme siecle, on donna des franchies ou franchises aux François qui étoient venus à cette expédition, & qui s'établirent à Tolede. Toutes les villes murées avoient des franchises , des libertés, des priviléges jusque dans la plus grande anarchie du pouvoir féodal. Dans tous les pays d'états, le souverain juroit à son avenement de garder leurs franchises . Ce nom qui a été donné généralement aux droits des peuples, aux immunités, aux asyles, a été plus particulierement affecté aux quartiers des ambassadeurs à Rome; c'étoit un terrein autour de leurs palais; & ce terrein étoit plus ou moins grand, selon la volonté de l'ambassadeur: tout ce terrein étoit un asyle aux criminels; on ne pouvoit les y poursuivre: cette franchise fut restreinte sous Innocent XI. à l'enceinte des palais. Les églises & les couvens en Italie ont la même franchise , & ne l'ont point dans les autres états. Il y a dans Paris plusieurs lieux de franchises , où les débiteurs ne peuvent être saisis pour leurs dettes par la justice ordinaire, & où les ouvriers peuvent exercer leurs métiers sans être passés maîtres. Les ouvriers ont cette franchise dans le faubourg S. Antoine; mais ce n'est pas un asyle, comme le temple. Cette franchise , qui exprime originairement la liberté d'une nation, d'une ville, d'un corps, a bientôt après signifié la liberté d'un discours d'un conseil qu'on donne, d'un procédé dans une affaire: mais il y a une grande nuance entre parler avec franchise , & parler avec liberté . Dans un discours à son supérieur, la liberté est une hardiesse ou mesurée ou trop forte; la franchise se tient plus dans les justes bornes, & est accompagnée de candeur. Dire son avis avec liberté, c'est ne pas craindre; le dire avec franchise , c'est n'écouter que son coeur. Agir avec liberté, c'est agir avec indépendance; procéder avec franchise , c'est se conduire ouvertement & noblement. Parler avec trop de liberté, c'est marquer de l'audace; parler avec trop de franchise , c'est trop ouvrir son coeur. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Franchise de pinceau, ou de burin Author=unknown Normalized Classification=Peinture | Graveur Part of Speech=NA Franchise Franchise de pinceau , ou de burin , ( Peint. Gravure. ) on entend par ce terme cette liberté & cette hardiesse de main qui font paroître un travail facile, quoique fait avec art. Rien ne caractérise mieux les talens & l'heureux génie d'un artiste qui ne fatigue point, & qui se joue en quelque sorte des difficultés. Voyez Facilité , Liberté . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCISCAINS Author=Jaucourt Normalized Classification=Ordre monastique Part of Speech=s.m.pl. FRANCISCAINS FRANCISCAINS, s. m. pl. ( Ordre monastiq. ) religieux encore plus connus sous leur autre nom de Cordeliers. Voyez Cordeliers ; & joignez-y, avec vos propres réflexions, les deux traits historiques qui suivent, & qui méritent de n'être pas oubliés dans l'histoire de ces religieux. Si les Franciscains vénerent singulierement François d'Assise; s'ils lui attribuent tant de miracles, il faut du-moins convenir que c'en fut un bien grand qu'opéra ce fondateur, en multipliant son ordre, au point que neuf ans après l'avoir fondé, il se trouva dans un chapitre général qui se tint près d'Assise, cinq mille députés de ses couvens. Aujourd'hui même, quoique les Protestans leur ayent enlevé un nombre prodigieux de leurs monasteres, ils ont encore sept mille maisons d'hommes sous des noms différens, & plus de neuf cents couvens de filles. On a compté par leurs derniers chapitres cent-quinze mille hommes, & environ vingt-neuf mille filles. La querelle théologique de cet ordre avec les Dominicains plus puissans qu'eux, quoique moins nombreux, paroît avoir pris sa source dans la seule jalousie. La premiere occasion qui se présenta de la déployer, tomba sur la naissance de la mere de J. C. Les Dominicains ayant dit qu'elle étoit livrée au démon comme les autres, les Franciscains crierent à l'impiété, & soûtinrent qu'elle avoir été exempte du péché originel. Les Dominicains s'appuyerent de l'autorité de S. Thomas, de celle même de S. Bernard, appellé le soldat de la Vierge; & les Franciscains de celle de Jean Duns, écossois, nommé improprement Scot , mais fort connu en son tems par le titre de docteur subtil. Voyez Immaculée Conception . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCISQUE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne militaire Part of Speech=s.f. FRANCISQUE FRANCISQUE, s. f. ( Hist. mod. milit. ) arme faite en façon de hache, dont se servoient les Francs; & c'est peut-être de-là que lui vient son nom. Quoi qu'il en soit, la francisque a été seulement en usage dans les tems où les Francs n'accordoient à leurs rois qu'une autorité très-bornée; ne connoissoient guere leurs souverains dans le camp que comme genéraux de soldats conquérans, & ne leur donnoient leur part du butin, que selon que le sorz en décidoit: on sait là-dessus ce qui arriva à Clovis, après sa victoire sur Siagrius. Ce monarque voulant rendre à un évêque un vase sacré qui avoit été pris dans un pillage, requit de ses troupes qu'il ne fût point compris dans le partage qui s'en devoit faire: mais un franc qui regardoit cette pieuse libéralité du prince comme une entreprise sur les droits de l'armée, donna un coup de sa francisque sur ce vase, & dit fierement au roi, qu'il ne disposeroit que de ce que le sort lui donneroit a lui-même dans le partage du butin. Clovis, quoique naturellement colere & terrible, fut obligé de dissimuler le chagrin qu'il ressentoit de ce refus. N'osant pas alors en tirer raison par l'autorité royale, il eut recours l'année suivante à celle de général, en faisant la revûe de ses troupes au champ de Mars; dans cette revûe, il ne se contenta pas de reprimander ce soldat, sous prétexte que ses armes étoient mal en ordre, il lui arracha sa francisque , la jetta par terre, prit la sienne, & lui en fendit la tête, en lui disant, Souviens-toi du vase de Soissons: action bien indigne d'un prince qui, en se faisant chrétien, auroit dû apprendre à pardonner ou plûtôt à être juste. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCKENDAL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANCKENDAL FRANCKENDAL, ( Géog. ) petite, nouvelle, & ci-devant forte ville d'Alsace, dans les états de l'électeur palatin. Les François la prirent en 1688, & la démolirent en 1689; elle fut rendue dans cet état, par le traité de Westphalie à l'électeur palatin, qui ne l'a guere rétablie; elle est proche le Rhin, à trois lieues d'Heidelberg & de Spire, N. O. Long. 27. 4. latit. 49. 28. Heidanus ( Abraham ), grand partisan de Descartes, naquit dans cette ville l'an 1597, & mourut professeur à Leyden en 1678. Sa theologie chrétienne a été imprimée l'an 1686, en 2 vol. in-4°. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCKENSTEIN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANCKENSTEIN FRANCKENSTEIN, ( Géog. ) ville de la haute Silésie, dans la principauté de Munsterberg, mais qui n'est guere connue que pour avoir été la patrie de gens de lettres célebres, comme de David Pareus & de Christophe Schillingius, auteur de poésies greques & latines, imprimées à Genève, l'an 1580. Pareus, né en 1548, & disciple de Schilling, le surpassa de beaucoup. Son commentaire sur l'épître de S. Paul aux Romains , fut brûlé en Angleterre, parce qu'il contient des maximes anti-monarchiques, qui ne plurent pas à Jacques I. Ses oeuvres exégétiques ont été recueillies en trois vol. in-fol. il est mort en 1622, à l'âge de 74 ans, ou environ, & laissa un fils, qu'on peut mettre au nombre des plus laborieux grammairiens que l'Allemagne ait produits. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANÇOIS, ou FRANÇAIS Author=Voltaire Normalized Classification=Littérature | Histoire | Morale Part of Speech=s.m. FRANÇOIS, ou FRANÇAIS FRANÇOIS, ou FRANÇAIS, s. m. ( Hist. Littérat. & Morale. ) On prononce aujourd'hui Français , & quelques auteurs l'écrivent de même; ils en donnent pour raison, qu'il faut distinguer Français qui signifie une nation , de François qui est un nom propre, comme S. François , ou François I . Toutes les nations adoucissent à la longue la prononciation des mots qui sont le plus en usage; c'est ce que les Grecs appelloient euphonie . On prononçoit la diphtongue oi rudement, au commencement du seizieme siecle. La cour de François I er adoucit la langue, comme les esprits: de-là vient qu'on ne dit plus François par un o , mais, Français; qu'on dit, il aimait, il croyait , & non pas, il aimoit, il croyoit , &c. Les François avoient été d'abord nommés Francs; & il est à remarquer que presque toutes les nations de l'Europe accourcissoient les noms que nous alongeons aujourd'hui. Les Gaulois s'appelloient Velchs , nom que le peuple donne encore aux François dans presque toute l'Allemagne; & il est indubitable que les Welchs d'Angleterre, que nous nommons Galois , sont une colonie de Gaulois. Lorsque les Francs s'établirent dans le pays des premiers Velchs, que les Romains appelloient Gallia , la nation se trouva composés des anciens Celtes ou Gaulois subjugués par César, des familles romaines qui s'y étoient établies, des Germains qui y avoient déjà fait des émigrations, & enfin des Francs qui se rendirent maîtres du pays sous leur chef Clovis. Tant que la monarchie qui réunit la Gaule & la Germanie subsista, tous les peuples, depuis la source du Veser jusqu'aux mers des Gaules, porterent le nom de Francs . Mais lorsqu'en 843, au congrès de Verdun, sous Charles le Chauve, la Germanie & la Gaule furent séparées; le nom de Francs resta aux peuples de la France occidentale, qui retint seule le nom de France . On ne connut guere le nom de François , que vers le dixieme siecle. Le fond de la nation est de familles gauloises, & le caractere des anciens Gaulois a toûjours subsisté. En effet, chaque peuple a son caractere, comme chaque homme; & ce caractere général est formé de toutes les ressemblances que la nature & l'habitude ont mises entre les habitans d'un même pays, au milieu des variétés qui les distinguent. Ainsi le caractere, le génie, l'esprit françois , résultent de tout ce que les différentes provinces de ce royaume ont entr'elles de semblable. Les peuples de la Guienne & ceux de la Normandie different beaucoup: cependant on reconnoît en eux le génie françois , qui forme une nation de ces différentes provinces, & qui les distingue au premier coup-d'oeil, des Italiens & des Allemands. Le climat & le sol impriment évidemment aux hommes, comme aux animaux & aux plantes, des marques qui ne changent point; celles qui dépendent du gouvernement, de la religion, de l'éducation, s'alterent: c'est-là le noeud qui explique comment les peuples ont perdu une partie de leur ancien caractere, & ont conserve l'autre. Un peuple qui a conquis autrefois la moitié de la terre, n'est plus reconnoissable aujourd'hui sous un gouvernement sacerdotal: mais le fond de son ancienne grandeur d'ame subsiste encore, quoique caché sous la foiblesse. Le gouvernement barbare des Turcs a énervé de même les Egyptiens & les Grecs, sans avoir pû détruire le fond du caractere, & la trempe de l'esprit de ces peuples. Le fond du François est tel aujourd'hui, que César a peint le Gaulois, prompt à se résoudre, ardent à combattre, impétueux dans l'attaque, se rébutant aisément. César, Agatias, & d'autres, disent que de tous les barbares le Gaulois étoit le plus poli: il est encore dans le tems le plus civilisé, le modele de la politesse de ses voisins. Les habitans des côtes de la France furent toûjours propres à la Marine; les peuples de la Guienne composerent toûjours la meilleure infanterie: ceux qui habitent les campagnes de Blois & de Tours, ne sont pas, dit le Tasse, . . . . . . Gente robusta, e faticosa. La terra molle, e lieta, e dilettosa, Simili a se gli abitator produce . Mais comment conciliet le caractere des Parisiens de nos jours, avec celui que l'empereur Julien, le premier des princes & des hommes après Marc-Aurele, donne aux Parisiens de son tems? J'aime ce peuple , dit-il dans son Misopogon, parce qu'il est serieux & severe comme moi . Ce sérieux qui semble banni aujourd'hui d'une ville immense, devenue le centre des plaisirs, devoit regner dans une ville alors petite. dénuée d'amusemens: l'esprit des Parisiens a change en cela malgré le climat. L'affluence du peuple, l'opulence, l'oisiveté, qui ne peut s'occuper que des plaisirs & des arts, & non du gouvernement, ont donné un nouveau tour d'esprit à un peuple entier. Comment expliquer encore par quels degrés ce peuple a passé des fureurs qui le caractériserent du tems du roi Jean, de Charles VI. de Charles IX. de Henri III. & de Henri IV. même, à cette douce facilité de moeurs que l'Europe chérit en lui? C'est que les orages du gouvernement & ceux de la religion pousserent la vivacité des esprits aux emportemens de la faction & du fanatisme; & que cette même vivacité, qui subsistera toûjours, n'a aujourd'hui pour objet que les agrémens de la société. Le Parisien est impétueux dans ses plaisirs, comme il le fut autrefois dans ses fureurs. Le fonds du caractere qu'il tient du climat, est toûjours le même. S'il cultive aujourd'hui tous les arts dont il fut privé si long-tems, ce n'est pas qu'il ait un autre esprit, puisqu'il n'a point d'autres organes, mais c'est qu'il a eu plus de secours; & ces secours il ne se les est pas donnés lui même, comme les Grecs & les Florentins, chez qui les Arts sont nés, comme des fruits naturels de leur terroir; le François les a reçûs d'ailleurs: mais il a cultivé heureusement ces plantes étrangeres; & ayant tout adopté chez lui, il a presque tout perfectionné. Le gouvernement des François fut d'abord celui de tous les peuples du nord: tout se régloit dans des assemblées générales de la nation: les rois étoient les chefs de ces assemblées; & ce fut presque la seule administration des François dans les deux premieres races, jusqu'à Charles le Simple. Lorsque la monarchie fut démembrée dans la décadence de la race Carlovingienne; lorsque le royaume d'Arles s'éleva, & que les provinces furent occupées par des vassaux peu dépendans de la couronne, le nom de François fut plus restreint; & sous Hugues-Capet, Robert, Henri, & Philippe, on n'appella François que les peuples en-deçà de la Loire. On vit alors une grande diversité dans les moeurs comme dans les lois des provinces demeurées à la couronne de France. Les seigneurs particuliers qui s'étoient rendus les maîtres de ces provinces, introduisirent de nouvelles coûtumes dans leurs nouveaux états. Un breton, un habitant de Flandres, ont aujourd'hui quelque conformité, malgré la différence de leur caractere qu'ils tiennent du sol & du climat: mais alors ils n'avoient entre eux presque rien de semblable. Ce n'est guere que depuis François I. que l'on vit quelque uniformité dans les moeurs & dans les usages: la cour ne commença que dans ce tems à servir de modele aux provinces réunies; mais en général l'impétuosité dans la guerre, & le peu de discipline, furent toûjours le caractere dominant de la nation. La galanterie & la politesse commencerent à distinguer les François sous François I. les moeurs devinrent atroces depuis la mort de François II. Cependant au milieu de ces horreurs, il y avoit toûjours à la cour une politesse que les Allemands & les Anglois s'esforçoient d'imiter. On étoit déjà jaloux des François dans le reste de l'Europe, en cherchant à leur ressembler. Un personnage d'une comédie de Shakespear dit qu' à toute force on peut être poli sans avoir été à la cour de France . Quoique la nation ait été taxée de legereté par César, & par tous les peuples voisins, cependant ce royaume si long-tems démembré, & si souvent prêt à succomber, s'est réuni & soûtenu principalement par la sagesse des négociations, l'adresse, & la patience. La Bretagne n'a été réunie au royaume, que par un mariage; la Bourgogne, par droit de mouvance, & par l'habileté de Louis XI. le Dauphiné, par une donation qui fut le fruit de la politique; le comté de Toulouse, par un accord soûtenu d'une armée; la Provence, par de l'argent: un traité de paix a donné l'Alsace; un autre traité a donné la Lorraine. Les Anglois ont été chassés de France autrefois, malgré les victoires les plus signalées; parce que les rois de France ont sçû temporiser & profiter de toutes les occasions favorables. Tout cela prouve que si la jeunesse françoise est legere, les hommes d'un âge mûr qui la gouvernent, ont toûjours été très-sages: encore aujourd'hui, la Magistrature en général a des moeurs séveres, comme le rapporte Aurélien. Si les premiers succès en Italie, du tems de Charles VIII. furent dûs à l'impétuosité guerriere de la nation, les disgraces qui les suivirent vinrent de l'aveuglement d'une cour qui n'étoit composée que de jeunes gens. François premier ne fut malheureux que dans sa jeunesse, lorsque tout étoit gouverné par des favoris de son âge, & il rendit son royaume florissant dans un âge plus avancé. Les François se servirent toûjours des mêmes armes que leurs voisins, & eurent à-peu-près la même discipline dans la guerre. Ils ont été les premiers qui ont quitté l'usage de la lance & des piques. La bataille d'Ivri commença à décrier l'usage des lances, qui fut bien-tôt aboli; & sous Louis XIV. les piques ont été hors d'usage. Ils porterent des tuniques & des robes jusqu'au seizieme siecle. Ils quitterent sous Louis le Jeune l'usage de laisser croître la barbe, & le reprirent sous François premier, & on ne commença à se raser entierement que sous Louis XIV. Les habillemens changerent toûjours; & les François au bout de chaque siecle, pouvoient prendre les portraits de leurs ayeux pour des portraits étrangers. La langue françoise ne commença à prendre quelque forme que vers le dixieme siecle; elle naquit des ruines du latin & du celte, mêlées de quelques mots tudesques. Ce langage étoit d'abord le romanum rusticum , le romain rustique; & la langue tudesque fut la langue de la cour jusqu'au tems de Charles-le Chauve. Le tudesque demeura la seule langue de l'Allemagne, après la grande époque du partage en 843. Le romain rustique, la langue romance prévalut dans la France occidentale. Le peuple du pays de Vaud, du Vallais, de la vallée d'Engadina, & quelques autres cantons, conservent encore aujourd'hui des vestiges manifestes de cet idiome. A la fin du dixieme siecle le françois se forma. On écrivit en françois au commencement du onzieme; mais ce françois tenoit encore plus du romain rustique, que du françois d'aujourd'hui. Le roman de Philomena écrit au dixieme siecle en romain rustique, n'est pas dans une langue fort différente des lois normandes. On voit encore les origines celtes, latines, & allemandes. Les mots qui signifient les parties du corps humain, ou des choses d'un usage journalier, & qui n'ont rien de commun avec le latin ou l'allemand, sont de l'ancien gaulois ou celte; comme tête, jambe, sabre, pointe, aller, parler, écouter, regarder, aboyer, crier, coûtume, ensemble , & plusieurs autres de cette espece. La plûpart des termes de guerre étoient francs ou allemands; marche, maréchal, halte, bivouac, reitre, lansquenet . Presque tout le reste est latin; & les mots latins furent tous abrégés selon l'usage & le génie des nations du Nord: ainsi de palatium palais, de lupus loup, d' Auguste Août, de Junius Juin, d' unctus oint, de purpura pourpre, de pretium prix, &c. ... A peine restoit-il quelques vestiges de la langue greque qu'on avoit si long-tems parlée à Marseille. On commença au douzieme siecle à introduire dans la langue quelques termes grecs de la philosophie d'Aristote; & vers le seizieme on exprima par des termes grecs toutes les parties du corps humain, leurs maladies, leurs remedes: de-là les mots de cardiaque, céphalique, podagre, apoplectique, asthmatique, iliaque, empième , & tant d'autres. Quoique la langue s'enrichît alors du grec, & que depuis Charles VIII. elle tirât beaucoup de secours de l'italien déjà perfectionné, cependant elle n'avoit pas pris encore une consistance réguliere. François premier abolit l'ancien usage de plaider, de juger, de contracter en latin; usage qui attestoit la barbarie d'une langue dont on n'osoit se servir dans les actes publics, usage pernicieux aux citoyens dont le sort étoit réglé dans une langue qu'ils n'entendoient pas. On fut alors obligé de cultiver le françois; mais la langue n'étoit ni noble, ni réguliere. La syntaxe étoit abandonnée au caprice. Le génie de la conversation étant tourné à la plaisanterie, la langue devint très féconde en expressions burlesques & naïves, & très-stérile en termes nobles & harmonieux: de-là vient que dans les dictionnaires de rimes on trouve vingt termes convenables à la poésie comique, pour un d'un usage plus relevé; & c'est encore une raison pour laquelle Marot ne réussit jamais dans le style sérieux, & qu'Amiot ne put rendre qu'avec naïveté l'élégance de Plutarque. Le françois acquit de la vigueur sous la plume de Montagne; mais il n'eut point encore d'elévation & d'harmonie. Ronsard gâta la langue en transportant dans la poésie françoise les composés grecs dent se set voient les Philosophes & les Medecins. Melherbe répara un peu le tort de Ronsard. La langue devint plus noble & plus harmonieuse par l'établissement de l'académie françoise, & acquit enfin dans le siecle de Louis XIV. la perfection où elle pouvoit être portée dans tous les genres. Le génie de cette langue est la clarté & l'ordre: car chaque langue a son génie, & ce génie consiste dans la facilité que donne le langage de s'exprimer plus ou moins heureusement, d'employer ou de rejetter les tours familiers aux au'res langues. Le françois n'ayant point de déclinaisons, & étant toujours asservi aux articles, ne peut adopter les inversions greques & latines; il oblige les mots à s'arranger dans l'ordre naturel des idées. On ne peut dire que d'une seule maniere, Plancus a pris soin des affaires de césar; voilà le seul arrangement qu'on puisse donner à ces paroles. Exprimez cette phrase en latin, res Caesaris Plancus diligenter curavit; on peut arranger ces mots de cent-vingt manieres sans faire tort au sens, & sans gêner la langue. Les verbes auxiliaires qui alongent & qui énervent les phrases dans les langues modernes, rendent encore la langue françoise peu propre pour le style lapidaire. Ses verbes auxiliaires, ses pronoms, ses articles, son manque ce participes déclinables, & enfin sa marche uniforme, nuisent au grand enthousiasme de la Poésie: elle a moins de ressources en ce genre que l'italien & l'anglois; mais cette gêne & cet esclavage même la rendent plus propre à la tragédie & à la comédie, qu'aucune langue de l'Europe. L'ordre naturel dans lequel on est obligé d'exprimer ses pensées & de construire ses phrases, répand dans cette langue une douceur & une facilité qui plaît à tous les peuples; & le génie de la nation se mêlant au génie de la langue, a produit plus de livres agréablement écrits, qu'on n'en voit chez aucun autre peuple. La liberté & la douceur de la société n'ayant été long-tems connues qu'en France, le langage en a reçu une délicatesse d'expression, & une finesse pleine de naturel qui ne se trouve guere ailleurs. On a quelquefois outré cette finesse; mais les gens de goût ont sû toûjours la réduire dans de justes bornes. Plusieurs personnes ont crû que la langue françoise s'étoit appauvrie depuis le tems d'Amiot & de Montaigne: en effet on trouve dans ces auteurs plusieurs expressions qui ne sont plus recevables; mais ce sont pour la plûpart des termes familiers auxquels on a substitué des équivalens. Elle s'est enrichie de quantité de termes nobles & énergiques, & sans parler ici de l'éloquence des choses, elle a acquis l'éloquence des paroles. C'est dans le siecle de Louis XIV. comme on l'a dit, que cette éloquence a eu son plus grand éclat, & que la langue a été fixée. Quelques changemens que le tems & le caprice lui preparent, les bons auteurs du dix-septieme & du dix-huitieme siecles serviront toûjours de modele. On ne devoit pas attendre que le françois dût se distinguer dans la Philosophie. Un gouvernement long-tems gothique étouffa toute lumiere pendant près de douze cents ans; & des maitres d'erreurs payés pour abrutir la nature humaine, épaissirent encore les tenebres: cependant aujourd'hui il y a plus de philosophie dans Paris que dans aucune ville de la terre, & peut-être que dans toutes les villes ensemble, excepté Londres. Cet esprit de raison pénetre même dans les provinces. Enfin le génie françois est peut-être egal aujourd'hui à celui des Anglois en philosophie, peut-être supérieur à tous les autres peuples depuis 80 ans, dans la Littérature, & le premier sans doute pour les douceurs de la société, & pour cette politesse si aisée, si naturelle, qu'on appelle improprement urbanité. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCOLIN Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=s.m. FRANCOLIN FRANCOLIN, s. m. attagen , ( Hist. nat. Ornit. ) oiseau de la grosseur du faisan, auquel il ressemble beaucoup par la forme du corps. Il a le bec court, noir & crochu à l'extremité. Son plumage est de différentes couleurs. Il porte sur la tête une hupe jaune avec des taches blanches & des taches noires. La prunelle des yeux est de couleur de noisette, & l'iris jaune. La membrane des sourcils est d'une belle couleur rouge, comme dans la gelinotte. Il y a au-dessous du bec une sorte de barbe, composée de plumes très déliées. Le cou, quoiqu'un peu long, est assez bien proportionné au corps; il est mince & de couleur cendrée, mêlée de taches noires & de taches blanches. On voit sur la poitrine des taches de même couleur que celles du cou, & elles sont traversées par d'autres taches de couleur de rouille. Les plumes du ventre, de la queue, du croupion & des pattes, sont de couleur cendrée ou plombée, mêlée de taches noires. Les doigts de devant sont longs, & celui de derriere est court; ils ont tous à leur extrémité un ongle crochu. Les Italiens n'ont nommé cet oiseau francolin , que parce qu'il est franc dans ce pays, c'est-à-dire qu'il est défendu au peuple d'en tuer: il n'y a que les princes qui ayent cette prérogative. La chair du francolin est ties-bonne a manger. Willughby, Ornith. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANCONIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.f. FRANCONIE FRANCONIE, s. f. ( Géog. ) selon les Allemands Franckenland; contrée d'Allemagne, bornée au nord par la Thuringe, au sud par la Soüabe, à l'est par le haut Palatinat, à l'oüest par le bas-Palatinat. Le milieu est très-fertile en ble, vins, fruits, pâturages & réglisse; mais les frontieres sont remplies de forêts & de montagnes incultes. Sa plus grande étendue du septentrion au midi peut être de 35 lieues, & de 38 d'orient en occident. Les diverses religions, catholique, luthérienne & protestante y ont cours. Ses rivieres sont le Mein, le Régnitz, le Sala & le Tauber, qui y prennent leurs sources. La Franconie renferme divers états ecclésiastiques; savoir les évêchés de Bamberg, de Wurtzbourg, d'Aischtat, le domaine du grand-maitre Teutonique, quelques états séculiers, & quelques villes impériales, comme Nuremberg & Weissemberg, &c. Voyez la géographie historique de M. de la Forest de Bourgon. Entre les personnes illustres qu'a pro luit la Franconie , je ne nommerai que le sage & habile AEcolampade. Il naquit à Weinsberg en 1482, & mourut à Basle en 1531. Sa vie & ses ouvrages sont connus de tout le monde. La défense qu'il prit en main de l'opinion de Zwingle contre celle de Luther, au sujet de l'eucharistie, lui fit beaucoup d'honneur dans son parti. Erasme dit en parlant du livre d'AEcolampade sur cette matiere, qu'il l'a écrit avec tant de soin, tant de raisonnement & tant d'eloquence, qu'il y en auroit même assez pour seduire les élus, si Dieu ne l'empêchoit. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANEKER Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANEKER FRANEKER, ( Géog. ) belle ville des Provinces-Unies, capitale de la Frise, avec une université célebre erigée en l'an 1585. Elle est assez près du Zuyderzée, entre Leuwarden & Harlingue, à 2 lieues de chacune, 6 N. de Slooten. Longit. 23 d . 8 1 . latit. 53 d . 12 1 . On tient que Franeker a été bâtie l'an 1191, sous le regne de l'empereur Henri VI. fils de Fréderic-Barberousse. Ce fut en 1579 qu'elle se joignit pour toûjours à l'état des Provinces-Unies. Voyez les historiens des Pays-Bas; & l'histoire partieuliere de cette ville , qui depuis ce tems-là a eté la patrie de plusieurs hommes distingues dans les Arts & dans les Sciences. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANGE Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=s.f. FRANGE * FRANGE, s. f. ( Rubannier. ) vient de frangere , rompre, déchirer, enlever; vient de ce qu'avant l'invention des franches & effilés, on effiloit réellement les extrémités & bords des étoffes & du linge, sur-tout lorsqu'ils commençoient à s'user; & pour cacher ce défaut on effiloit plus ou moins avant suivant le besoin: de-là les différentes hauteurs des franges , les endroits usés occasionnant quelquefois des inégalités dans cet effilage, on achevoit de couper le tout suivant le contour de ces inégalités: de là les franges festonnées. Il y a des franges d'or, d'argent ou de soie, pour les ornemens d'eglise, les garnitures de carrosse, les garnitures de juppe, qui toutes sont guipées. Enfin il y en a d'unies & de festonnées, de toutes hauteurs, couleurs, & matieres que le métier peut employer. Les franges pour les ornemens d'eglise, pour les carrosses & pour les tours de juppe, sont toutes faites au moule. Voyez Moule . Il s'en fait de differentes couleurs, ou d'une seule. Il y a de plusieurs sortes de façons de les faire de différentes couleurs, soit en mélangeant ensemble ces couleurs, ou en travaillant une certaine quantité de duites avec une couleur, puis avec une autre, & cela alternativement autant qu'il y a de couleurs différentes. Cette façon n'est guere d'usage que pour les ornemens d'église: cela se pratique plus volontiers, lorsque l'étoffe de ces ornemens est de plusieurs couleurs. Il se fait des franges pour les vestes en noeuds, graine d'épinards, sourcils d'hannetons, enfin de toutes les façons. La fecondité des ouvriers en ce genre est inconcevable, ils savent par mille mains-d'oeuvres ingénieuses reveiller le goût & satisfaire l'inconstance. Voyez Tisser , Guiper . La frange est composée de trois parties, qui sont la chaînette, la tête & le corps. Quand la frange est tout-à-fait basse, on l'appelle mollet . Quand la tête en est large & ouvragée à jour, & que les fils en sont plus longs & plus pendans qu'aux franges ordinaires, on la nomme crêpine . Il y a des franges de soie torse, & d'autres dont la soie n'est pas torse: ces dernieres se nomment franges coupées . On attache les franges & les crêpines par la tête, & de maniere que les filets tombent toujours perpendiculairement en em-bas. Le mollet au contraire peut s'appliquer comme on veut; parce que les fils en sont si courts, qu'ils se soûtiennent d'eux mêmes. Il n'y a que les Tissutiers-Rubaniers qui peuvent fabriquer des franges; c'est pourquoi on les appelle aussi Frangiers , quoique les statuts de leur metier ne leur donnent point cette qualité. Les franges & les mollets font partie du commerce des Merciers, qui peuvent même en faire fabriquer, pourvû que ce soit par les Tiffutiers-Rubaniers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANGÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject FRANGÉ FRANGÉ, adj. terme de Blason , se dit des gonfanons qui ont des franges, dont on doit spécifier l'émail. Auvergne, d'or au gonfanon de gueules, frangé de synople. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANGER ou FRANGIER Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FRANGER ou FRANGIER FRANGER ou FRANGIER, s. m. ( Comm. ) ouvrier qui fait des franges, des mollets, &c. On le connoît mieux sous le nom de Tissutier-Rubanier; & c'est le véritable nom que lui donnent les statuts de sa communauté. Voyez Tissutier-Rubanier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANGIPANIER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA FRANGIPANIER FRANGIPANIER, plumeria , ( Hist. nat. ) genre de plante à fleurs monopétales, faites en forme d'entonnoir & découpées. Il sort du calice un pistil, qui en're comme un clou dans la partie inférieure de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit ou une silique, qui est double pour l'ordinaire, qui s'ouvre d'un bout à l'autre, & qui renferme des semences oblongues, garnies de feuilles, placées comme des écailles, & attachées à un placenta. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Le frangipanier est un arbre de l'Amérique, il s'éleve d'environ 10 à 12 piés hors de terre; il pousse de longues branches d'un bon pouce de diametre bien nourries, à peu-près d'égale grosseur d'une extrémité à l'autre, & dénuées de feuilles dans toute leur longueur; ce qui, ce me semble, n'a aucun rapport au laurier-rose. Les feuilles ainsi que les fleurs, viennent par gros bouquets aux extrémités des branches, ensorte que le reste de l'arbre paroît extrèmement nud. Les feuilles sont trois fois plus grandes que celles du laurier-rose; elles se terminent en pointe fort aiguë, ayant la figure d'une lame de poignard. Quant aux fleurs, leur forme est à-peu-près semblable à celles du jasmin, mais beaucoup plus grandes, ayant environ deux pouces & demi de diametre lorsqu'elles sont épanouies. Il y en a de trois couleurs; savoir celles du frangipanier blanc sont blanches, & n'ont qu'une legere teinte de rouge sur un des bords: celles du frangipanier musqué sont rouges, les bords se terminant par une couleur plus chargée: enfin celles du frangipanier ordinaire sont d'une belle couleur jaune, se confondant par gradation dans un oranger très vif, qui passant par différentes nuances, se termine par un beau rouge de carmin. L'odeur de ces fleurs est fort agréable; mais je ne trouve en Europe aucun parfum à qui je puisse la comparer pour en donner une juste idée. Si l'on arrache les feuilles, les fleurs, ou qu'on rompe les branches du frangipanier , il sort de dessous son écorce ou espece de peau, un lait abondant, épais & d'une grande blancheur: quelques habitans l'employent pour guérir les vieux ulceres. Article de M. le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANKENBERG, & par les François Framont Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANKENBERG FRANKENBERG, & par les François Framont , ( Géog. ) montagne de la Vosge, la plus haute de toutes celles qui séparent la Lorraine de l'Alsace, située à environ six lieues de Molsheim, au pie de laquelle on rencontre un grand chemin qui la traverse. Plusieurs prétendent que Pharamond a été inhumé sur cette montagne; & si le fait n'est pas vrai, du moins la tradition n'est pas nouvelle ni même sans quelque fondement. Voyez dom Mabillon, dise. sur les ane. sépul. des rois de France, dans les mémoires de l'acad. des Inscript. tom. II. Longit. 25. 10. lat. 48. 35 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRANSHERE, ou FANSHERE, IMOURS, RANERATE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRANSHERE, ou FANSHERE FRANSHERE, ou FANSHERE, IMOURS, RANERATE, ( Géog. ) riviere à 25 d . 18'de latitude, au sud à trois lieues du fort Dauphin, dans la province de Carcanossi, sur les côtes orientales d'Afrique. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frappe Author=unknown Normalized Classification=Fonderie en caracteres d'Imprimerie Part of Speech=s.f. Frappe Frappe , s. f. ( Fondeur de caracteres d'Imprimerie. ) est l'assortiment complet de matrices pour fondre lesdits caracteres. On dit une frappe de nompareille, lorsqu'une boëte renferme toutes les matrices nécessaires pour faire une fonte de nompareille, ainsi des autres. Un assortiment de frappes contenant les matrices nécessaires pour fondre tous les caracteres, est la richesse & le fonds d'un Fondeur. C'est en tirant l'empreinte de ces matrices avec un moule, qu'il fond tous les caracteres nécessaires pour l'impression; on les appelle frappes , parce que les matrices reçoivent la figure de la lettre par un poinçon sur lequel est gravée la lettre que l'on veut former dans la matrice; ce qui se fait en frappant avec un marteau sur le poinçon qui s'enfonce, & laisse son empreinte dans le morceau de cuivre qui s'appellera matrice: cette opération s'appelle frappe. Voyez Poinçons , Matrices . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frappe Author=unknown Normalized Classification=Monnoyage ancien Part of Speech=NA Frappe Frappe , terme d'ancien Monnoyage , qui exprimoit l'art de donner l'empreinte à un flanc avec le marteau. Ce mot est expressément cité dans les anciennes ordonnances du Monnoyage au marteau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frappe plaque Author=unknown Normalized Classification=Bijoutier Part of Speech=NA Frappe plaque Frappe plaque , ( Bijoutier. ) est une piaque de fer, du contour que l'on veut donner à la piece, armée d'une poignée de fer élevée, que l'ou empoigne avec la main, & sur la téte de laquelle on frappe avec la masse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAPPÉ Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA FRAPPÉ FRAPPÉ, en Musique; c'est le tems de la mesure où l'on baisse la main ou le pié, & où l'on frappe pour marquer la mesure. On ne frappe ordinairement que le premier tems de chaque mesure, mais ceux qui coupent en deux la mesure à quatre tems, frappent aussi le troisieme. Voyez Thesis . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAPPER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. FRAPPER * FRAPPER, v. act. voyez ses principales acceptions: c'est, au simple, donner un coup, soit avec la main, soit avec un instrument; il m a frappé rudement: au figuré, imprimer dans l'esprit la crainte, la terreur, ou quelqu'autre passion, par la force de l'éloquence; son discours m'a frappé . Les Mariniers frappent une manoeuvre, voyez Frapper , ( Marine .) On est frappé d'une maladie; les Chasseurs frappent à route, pour remettre les chiens sur la voie; aux brisées, quand ils sont au lieu du lancer. On marque les monnoies au balancier, cependant on a retenu l'ancien mot de frapper. Voyez Frapper , ( Monnoyage .) On frappe une étoffe. Voyez Frapper , ( Manuf. soit en laine, soie en soie . On frappe sur l'enclume, &c . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper Author=unknown Normalized Classification=Manufacture en soie Part of Speech=NA Frapper Frapper , ( Manuf. en soie. ) On dit qu'une étoffe est frappée , lorsqu'elle est bien travaillée, & qu'elle n'est ourdie ni trop serré ni trop lâche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper une Manoeuvre Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Frapper une Manoeuvre Frapper une Manoeuvre , ( Marine. ) c'est attacher une manoeuvre à quelque partie du vaisseau, ou à une autre manoeuvre. Frapper se dit pour les manoeuvres dormantes, ou pour des cordes qui doivent être attachées à demeure; car on dit amarrer , pour celles qu'on doit détacher souvent. Le dormant du bras de hunier de misene est frappé sur l'étai du grand hunier; frapper une poulie , c'est l'attacher à la place. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper Epingles Author=Diderot Normalized Classification=Epinglerie Part of Speech=NA Frapper Epingles * Frapper Epingles , terme d'Epinglier . C'est en former la tête: ce qui se fait en la frappant d'un coup de marteau pendant que le fil de laiton est tenu assujetti dans un étau. La tête de l'épingle est faite du même fil de laiton, & de la même grosseur que l'épingle, à l'exception que le laiton qui sert à la tête, a été tourné, & pour ainsi dire cordé par le moyen d'une machine qui fait le même effet que la roue des Cordiers par rapport à la filasse. Voyez Epingle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper le Drap Author=unknown Normalized Classification=Manufacture de lainage Part of Speech=NA Frapper le Drap Frapper le Drap , ( Manuf. en laine. ) voyez l'article Laine , & l'article Frapper , ( Rubanier .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper Carreau Author=unknown Normalized Classification=Monnoyage ancien Part of Speech=NA Frapper Carreau Frapper Carreau , terme d'ancien Monnoyage; c'étoit battre le carreau sur le tas ou enclume, pour lui donner l'epaisseur que devoit avoir le flanc. Voyez Carreau , Monnoye au Marteau -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Frapper * Frapper , ( Rubanier. ) c'est approcher & serrer par l'action du battant le coup de navette qui vient d'être lance, ce qui forme la liaison de la trame avec la chaine; il faut que l'ouvrier ait soin de ne lâcher le pas qu'après qu'il a frappé . Cette précaution est si nécessaire pour la perfection de l'ouvrage, que les connoisseurs s'apperçoivent lorsqu'elle a été négligée. L'ouvrage pour avoir la perfection ou la fermeté qui lui est essentielle, a besoin quelquefois d'être frappé avec plus de force; voici comme la chose s'exécute: pour frapper fort, il ne s'agit que de descendre la corde du bandage plus bas sur les aspes du battant, ce qui en augmente le poids, puisque le point d'appui de cette corde se trouvant plus près de l'ouvrage, & racourcissant par-là la partie du battant, la force du tirage doit en augmenter; on peut encore charger le battant en entortillant la corde plusieurs fois à l'entour du bandoire, ce qui produit le même effet. Le frappé dépend encore de l'habileté des ouvriers, puisqu'on en trouve qui (montant sur les mêmes metiers où d'autres travailloient) sout obliges de decharger le battant, qui malgré ce soulagement, ne laissent pas de faire paroître leur ouvrage plus frappé que celui des autres; il n'est donc pas toûjours nécessaire que le battant soit fort charge pour frapper suffisamment; l'ouvrage même se fait toûjours plus beau étant frappé à-propos à coups legers, que lorsqu'il est assommé par la force du battant; plus on trame fin, plus il faut frapper fort. Voyez Tramer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frapper Author=unknown Normalized Classification=Tisseranderie Part of Speech=NA Frapper Frapper , terme de Tisserands , & autres ouvriers qui travaillent de la navette, qui signifie battre & serrer sur le métier la trame d'une toile, &c . L'instrument avec lequel on bar la trame s'appelle chasse , & c'est l'endroit où est attaché le rot ou peigne à-travers duquel les fils de la chaine sont passés: on ne frappe la trame qu'après avoir lancé la navette à-travers les fils de la chaîne qui se haussent & se baissent par le moyen des marches du métier. La maniere de frapper est de ramener à plusieurs reprises la chasse qui est mobile, jusqu'à la trame, toutes les fois qu'on a lancé la navette de droite à gauche, ou de gauche à droite. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRARACHAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FRARACHAGE FRARACHAGE, s. m. ( Jurisprud. ) en l'ancienne coûtume du Perche, au chap. des successions, signifie la même chose que frerage. Voyez Fareschaux & Frerage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRARACHAUX Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m.pl. FRARACHAUX FRARACHAUX, s. m. pl. ( Jurispr. ) termes qui se trouvent en l'ancienne coûtume du Perche, au chapitre des successions, signifie la même chose que frarescheurs. Voy. Frarescheurs & Frerage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRARAGER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FRARAGER FRARAGER, ( Jurisprud. ) Voyez Frerage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frarager Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Frarager Frarager , ( Jurisprud. ) c'est partager. Voyez ci-après Frarescheurs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRARESCHER, ou FRARAGER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=v.neut. FRARESCHER FRARESCHER, v. neut. ( Jurisprud. ) ou FRARAGER, c'est partager une succession. Voyez ci-après Frarescheurs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRARESCHEURS, ou FRARESCHEUX Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FRARESCHEURS, ou FRARESCHEUX FRARESCHEURS, ou FRARESCHEUX, s. m. plur. ( Jurisprud. ) qu'on appelle aussi en quelques endroits freres-cheurs, frarachaux , sont tous ceux qui possedent des biens en commun de quelque maniere que ce soit; ils sont ainsi appellés quasi fratres , parce que le frerage arrive le plus souvent entre freres: tous co-héritiers, soit freres, cousins, ou autres parens plus éloignés, sont frarescheurs , mais tous frarescheurs ne sont pas co-héritiers. Un frerage ou fraresche, frareschia, fratriagium , est un partage. On donne aussi quelquefois ce nom au lot qui est échu à chacun par le partage; quelquefois par frerage on entend une succession entiere, comme on voit dans la charte de la Pérouse, publiée par M. de la Thaumassiere, pp. 100 & 101 . De fraresche on a fait frarescher , pour dire partager: les frarescheurs sont les co-partageans. Un frerage n'est donc autre chose qu'un partage; mais par rapport aux fiefs, les partages où les puînés sont garantis sous l'hommage de l'aîné, ont été appelles parages , & tous les autres partages ont retenu le nom de frerage , ensorte que tout parage est frerage, mais tout frerage n'est pas parage. Anciennement en France, quand un fief étoit échu à plusieurs enfans, il étoit presque toûjours démembré; les puînés tenoient ordinairement de l'aîné par frerage leur part, à charge de foi & hommage, comme on le voit dans Othon de Frisingue, lib. I. de gest. frider. cap. xxjx . Pour empêcher que ces démembremens ne préjudiciassent aux seigneurs, Eudes duc de Bourgogne, Venant comte de Boulogne, le comte de Saint-Paul, Gui de Dampierre, & autres grands seigneurs, firent autoriser par Pnilippe-Auguste une ordonnance, portant que dorénavant en cas de partage d'un fief, chacun tiendroit sa part immédiatement du seigneur dominant. Du Cange, en sa troisieme dissert. sur Joinville, p. 150 , remarque que cette ordonnance ne fut pas suivie comme il paroît suivant un hommage du 19 Octobre 1317, rendu à Guillaume de Melun, archevêque de Sens, par Jean, Robert, & Louis ses freres, tanquam primogenito causa fratriagi. & prout fratriagium de consuetudine patriae requirebat ratione castri de Sancto-Mauricio . Beaumanoir, en ses coût. de Beauvaisis, ch. xjv. dit aussi que de son tems le tiers des fiefs se partageoit également entre les freres & soeurs puînés, & que de leurs parties ils venoient à l'hommage de leur ainé. Au reste, quoique l'ordonnance de Philippe-Auguste ne fût pas suivie par tout le royaume, la plûpart des coûtumes remédierent diversement aux inconvéniens du démembrement. Celles de Senlis, Clermont, Valois, Amiens, ordonnerent que les puînés ne releveroient qu'une fois de leur aîné; qu'ensuite ils retourneroient à l'hommage du seigneur suzerain dont l'aîné relevoit. Celles d'Anjou, Maine, & quelques autres, ordonnerent que l'aîné garantiroit les puînés sous son hommage; ce qui fut appellé en quelques lieux parage , en d'autres miroit de fief . Voyez les établissemens de S. Louis, liv. I. & II. l'auteur du grand coûtumier, liv. II. ch. xxvij. la somme rurale & des droits du baron; Pithou, en ses mémoires des comtes de Champagne; & les notes de M. de Lauriere, sur le gloss. de Ragueau au mot frarescheux . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRASCATI ou FRESCATI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie moderne Part of Speech=NA FRASCATI ou FRESCATI FRASCATI ou FRESCATI, ( Géogr. mod. ) est en partie bâti sur les ruines du Tusculum de Ciceron. C'est une petite ville d'Italie sur une côte dans la campagne de Rome, à douze milles de cette ville S. E. avec un évêché qui ne releve que du pape, & l'un des six que les six plus anciens cardinaux ont le droit d'opter. Elle est connue par les palais & les jardins délicieux que les Italiens ont bâti dans son territoire, & qu'ils appellent des vignes , entre lesquels on remarque les vignes Ludovisia, Borghèse, & Aldobrandine. M. Matthéi a donné l'histoire de Frascati , le lecteur y peut recourir. Long. suivant le P. Borgondio, 30, 17, 30, latit. 42, 45, o . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRASCAUX Author=unknown Normalized Classification=Manufacture en soie Part of Speech=s.m. FRASCAUX FRASCAUX, s. m. ( Manuf. en soie. ) bouts de nerfs de boeufs, ou morceaux de boucs, dans lesquels sont passées les broches des roüets; c'est la même chore chez les Cordiers. Au lieu de nerfs de boeufs ou de morceaux de boucs, ils se servent aussi de tresses de jonc ou de paille. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRATERNITÉ Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FRATERNITÉ FRATERNITÉ, s. f. ( Jurisprud. ) est le lien qui unit ensemble des freres, ou le frere & la soeur. Sur la maniere dont la fraternité doit être prouvée, voyez la loi 13 au code, liv. IV. tit. xjx . On a aussi donné le nom de fraternité ou confraternité , à certaines sociétés dont les membres se traitent entre eux de freres, ou doivent vivre ensemble comme freres: telles sont les confrairies, les communautés de religieux. Voyez le glossaire de Ducange, au mot fraternitas . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraternité d'Armes Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Fraternité dArmes Fraternité dArmes , ( Hist. mod. ) association entre deux chevaliers pour quelque haute entreprise qui devoit avoir un terme fixe, ou même pour toutes celles qu'ils pourroient jamais faire; ils se juroient d'en partager également les travaux & la gloire, les dangers, & le profit, & de ne se point abandonner tant qu'ils auroient besoin l'un de l'autre. L'estime, la confiance mutuelle de gens qui s'étoient souvent trouvés ensemble aux mêmes expéditions, donnerent la naissance à ces engagemens; & ceux qui les prenoient devenoient freres, compagnons d'armes. Voyez Frere d'Armes . Ces associations se contractoient quelquefois pour la vie; mais elles se bornoient le plus souvent à des expéditions passageres, comme une entreprise d'armes, telle que fut celle de Saintré, une guerre, une bataille, un siége, ou quelque autre expédition militaire. L'usage de la fraternité d'armes dont il s'agit ici, est fort ancien. Nous lisons dans Joinville, que l'empereur de Constantinople & le roi des Commains, s'allierent & devinrent freres; & pour rendre cette alliance plus solide, « il faillit qu'ils, & chacuns de leurs gens de part & d'autre, se fissent saigner, & que de leur sang ils donnassent à boire l'un à l'autre, en signe de fraternité; & ainsi se convint faire entre nos gens & les gens d'icelui roi, & mêlerent de leur sang avec du vin, & en buvoient l'un à l'autre, & disoient qu'ils étoient freres l'un à l'autre d'un sang.....». Si nous remontons à des siecles plus reculés, nous apprendrons l'antiquité de cette pratique. Octavius faisant le portrait des vices & des crimes des dieux que Cécilius adoroit, dit de l'inhumanité de Jupiter convaincu d'homicide: « Je crois que c'est lui qui a appris à Catilina de confirmer les conjurés dans leur dessein, en buvant le sang les uns des autres ». Il resta long-tems parmi les hommes des traces de cette barbarie; car Ducange cite des exemples de chevaliers, qui pour symbole de fraternité , se firent saigner ensemble, & mêlerent leur sang. Si cette derniere pratique paroît à-peu-près aussi folle & aussi barbare que la premiere, du moins rien n'étoit plus éloigné de la barbarie que le sentiment qui l'inspiroit. Le Christianisme s'étant répandu dans le monde, on l'employa pour rendre les fraternités plus solennelles & plus respectables; & en conséquence, on les contracta à la face des autels. C'est ainsi que quelques freres d'armes imprimoient à leurs sermens les plus sacrés caracteres de la religion: pour s'unir plus étroitement, ils baisoient ensemble la paix que l'on présente aux fideles dans les cérémonies de la messe. Nous avons même des exemples de la fraternité-d'armes autorisée par la réception de l'hostie consacrée: ce fut de cette maniere, au rapport de Jean Juvénal des Ursins, que les ducs d'Orléans & de Bourgogne lierent une fraternité , qui pourtant ne dura pas longtems: « ils oüirent tous la messe; reçurent le corps de N. S. & préalablement jurerent bon amour, & fraternité par-ensemble ». Mais on observoit rarement des cérémonies aussi graves dans ces sortes d'associations; on les contractoit d'ordinaire, les uns par le don réciproque de quelques armes, les autres par le simple attouchement d'une arme, comme d'une épée ou d'une lance, sur laquelle on se juroit une alliance perpétuelle; & ceux qui faisoient ces sermens s'appelloient fratres jurati . Monstrelet nous apprend que le roi d'Arragon se fit frere-d'armes du duc de Bourgogne par un simple traité. Les princes formoient dans l'éloignement leur contrat de fraternité-d'armes , par des traités authentiques, suivant l'usage des tems. Ce fut par un acte semblable que le duc de Bretagne & le comte de Charolois devinrent freres-d'armes l'un de l'autre. M. Ducange, dans sa dissertation sur Joinville , a rapporté le traité de fraternité-d'armes entre Bertrand du Guesclin & Olivier de la Marche, & celui que Louis XI. & Charles dernier duc de Bourgogne firent ensemble. On vit, à la vérité, le duc de Bourgogne violer les sermens de sa fraternité-d'armes avec le duc d'Orléans; mais c'est un exemple très-rare, auquel on peut opposer celui du duc de Bretagne, long-tems ennemi irréconciliable du connétable Clisson. La haine de ce duc fit place aux sentimens de la fraternité , lorsqu'il fut devenu frere-d'armes du connétable. Jamais amitié ne fut plus sincere que celle qui regna depuis entr'eux, jusqu'à la mort du duc de Bretagne: Clisson la lui continua encore après sa mort dans la personne de ses enfans; il fut toûjours leur pere. Au reste, les fraternités militaires donnoient à des seigneurs particuliers le moyen de faire des entreprises dignes des souverains. Lorsque la guerre ne les retenoit pas au service de leur monarque, ils s'associoient pour aller purger une province de brigands qui l'infestoient; pour délivrer des nations éloignées du joug des infideles; pour venger un prince opprimé, & déthroner un usurpateur. Enfin, comme lés meilleures choses dégénerent, il arriva que les fraternités-d'armes rendirent un grand nombre de seigneurs indépendans, & quelquefois rébelles. Il arriva pareillement de-là, que les fraternités-d'armes contractées par des sujets ou des alliés de nos rois, firent naître des soupçons sur la fidélité de ceux qui avoient pris ces engagemens. Le roi de France, en 1370, témoigna son mécontentement de la conduite d'Ostrenant son allié, qui avoit accepté l'ordre de la Jarretiere; & l'on ne fut pas moins scandalise de voir le due d'Orléans se lier en 1399 par une fraternité-d'armes & d'alliance avec le duc de Lancastre, qui peu après déthrona Richard, roi d'Angleterre, gendre du roi Charles VI. Le crédit que donnoient ces sortes de sociétés étoit en effet d'une conséquence dangereuse pour le repos de l'état: on sait comment elles finirent dans ce royaume. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRATRICELLES Author=d'Alembert Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. FRATRICELLES FRATRICELLES, s. m. pl. ( Hist. ecelésiast. ) ce nom, qui signifie petits freres , se donna à quelques religieux apostats & vagabonds du treizieme & du quatorzieme siecle, qui prêchoient differentes erreurs, Cette secte fut occasionnée, dit M. Fleury, dans son huitieme discours sur l'histoire ecclésiastique, c. viij. par les disputes fameuses des Freres mineurs ou Cordeliers, pour savoir quelle devoit être la forme de leur capuchon, & si la propriété de ce qu'ils mangeoient leur appartenoit, ou à l'Eglise romaine; dispute sur laquelle quatre papes donnerent des bulles contradictoires, ne se montrant en cela ni infaillibles, ni sages. Nicolas III. par sa bulle, exiit qui seminat seminare semen suum , déclara d'après S. Bonaventure, que la propriété de ce que les Cordeliers mangeoient ne leur appartenoit pas, mais simplement le seul usage de fait. Jean XXII. décida le contraire; & l'empereur Louis de Baviere, qui ne l'aimoit pas, se fit condamner pour cela comme hérétique, dans une espece de concile tenu à Rome. Ce prince fit ensuite élire un anti-pape fratricelle , nommé Pierre de Corbiere, qui dès qu'il se vit pape, renonça à la pauvreté qu'il avoit prêchée, & vendit des bénéfices, pour avoir des chevaux, des domestiques, & une table somptueuse. Mais ce pape ne fit pas fortune. Il y eut d'ailleurs quelques fratricelles de brûlés comme hérétiques. Cette sottise, dit un auteur célebre, n'ayant pas fait répandre beaucoup de sang, peut être mise au rang des sottises paisibles. Les fratricelles s'appelloient aussi bizoques, begghards, &c. Voyez Begghards . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRATRICIDE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FRATRICIDE FRATRICIDE, s. m. ( Jurisprud. ) quasi fratris coedes , est le crime detestable que commet celui qui tue son frere ou sa soeur. On appelle aussi fratricide celui qui commet ce crime. Celui qui tue son frere ou sa soeur se rend indigne de leur succession; ses enfans en sont pareillement exclus: anciennement cette succession étoit confisquée; mais présentement elle est dévolue aux plus proches héritiers habiles à succéder. Le frere qui est complice de l'homicide de son frere, est aussi exclus de sa succession. Voyez Anne Robert, liv. III. ch. vij . Papon, liv. XXI. tit. j. n°. 22. & tit. jv. n°. t . Carondas, liv. II. rep. 80 . Maynard, l. VII. de ses qu st. ch. xcxjv . Mornac, ad lil. I. cod. ubi causae finales . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAUDE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRAUDE * FRAUDE, s. f. tromperie cachee. La fraude est un des vices opposés à la justice & à la véracité. Elle peut se trouver dans le discours, dans l'action, & même quelquefois dans le silence. L'homme qui se taît est frauduleux, toutes les fois qu'il se laisse interpréter à faux. Il doit alors réparer le mal qu'il a souffert, comme s'il l'avoit commis. La Mythologie faisoit de la fraude une des filles de l'Enfer & de la Nuit. L'Enfer & la Nuit, c'est-à-dire la méchanceté & l'hypocrisie, avoient donné naissance à tout ce qu'il y a de pernicieux parmi les hommes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraude, Contravention, Contrebande Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Fraude, Contravention, Contrebande Fraude, Contravention, Contrebande , ( Comm. ) ces trois mots sont ici synonymes, & sont pris pour toutes infractions aux ordonnances & réglemens qui ont rapport aux droits établis sur les denrees ou marchandises; avec cette différence, que la fraude est sourde & cachee, comme lorsque l'on fait entrer ou sertir du royaume des marchandises par des routes détournées, pour éviter le payement des droits sur celles permises, ou la consiscation sur celles prohibées. La contravention suppose de la bonne-foi, & vient de l'ignorance des réglemens, ensorte qu'elle se commet en manquant aux formalites prescrites. La contrebande est un crime capital, parce qu'elle se fait avec attroupement & port d'armes: elle est par conséquent contraire aux lois établies pour la sûreté de l'etat La fraude & la contravention étant toute voie qui soustrait à la connoissance des fermiers ou des préposés à la levee des droits, les choses qui y sont sujettes, soit que celui qui use de cette voie le fasse à dessein de frauder, ou parce qu'il ignore que le droit est dû, les peines sont les mêmes; parce que ce droit étant établi par une loi publique, est tenu pour connu de tout le monde: si l'ignorance pouvoit l'excuser, tous pourroient l'alléguer. Lorsque le droit est disproportionné au prix de la chose, la fraude devient lucrative; la peine de la confiscation des marchandises & d'une amende, n'est pas capable de l'arrêter, il faut alors avoir recours aux peines que l'on inflige pour les plus grands crimes; & des hommes que l'on ne peut regarder comme méchans, sont traités en scélérats. D'un côté l'interêt, & de l'autre la crainte de subir les peines portées par les defenses, excitent les peuples à la contrebande , & les font se tenir en force, & commettre la fraude à main armée. La contrebande se commet le plus ordinairement sur les marchandises dont l'entrée & la sortie sont défendues, comme sont les étoffes des Indes ou de la Chine, les toiles peintes, les glaces de miroirs, les points de Venise, & autres, pour l'entrée; les armes & instrumens de guerre, l'or & l'argent, les pierreries, le fil, le chanvre, les chardons à drapier, pour la sortie. Ces marchandises sont appellées de contrebande; elles sont non-seulement sujettes à la confiscation, mais elles entrainent aussi celles de toutes les autres marchandises dont le commerce est permis, qui se trouvent avec elles dans les mêmes caisses & ballots; comme aussi des chevaux, mulets, charrettes, & équipages des voitures qui les conduisent; & toutes confiscations emportent amende, laquelle doit être arbitrée par les juges, lorsqu'elle n'est pas fixée par les ordonnances. Il y a des contrebandes qui sont défendues sous peine des galeres, & même de la vie. comme celle du tabac & du faux-sel. Voyez Gabelle & Tabac . Le bien commun rend juste l'imposition & la levée des tributs; & le besoin de l'état les rend nécessaires. Il s'ensuit de cette nécessité & de cette justice, que les peuples sont obligés à s'en acquitter comme d'une dette très-légitime, & qu'ils peuvent y être contraints par les voies que l'usage & les lois ont établies. De-là on peut conclure qu'il n'est pas permis de frauder les droits, & de les faire perdre; que c'est un devoir de conscience de les payer; car outre que l'on fait une injustice ou au public ou à ceux qui en ont traité, l'on occasionne de grands frais qui seroient moindres, & beaucoup de precautions qui gênent le commerce, pour prévenir les fraudes dont plusieurs usent. Mais il faut aussi convenir, que si l'on accordoit au commerce toute la liberté dont il a besoin pour être florissant, les fraudes, contraventions & contrebandes ne seroient pas communes. De fraude , on a fait les mots frauder, fraudeur, frauduleux, &c . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAUSTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRAUSTADT FRAUSTADT, ( Géog. ) petite ville de Pologne aux frontieres de la Silesie, remarquable par la bataille que les Suédois y gagnerent sur les Saxons le 14 Février 1706. Elle est à 28 lieues N. E. de Breslaw, & à 8 N. O. de Glogaw: c'est la patrie de Christian Griphius, grand poete allemand du dernier siecle, & de Balthasar Timée, medecin, dont les oeuvres ont paru à Leipsick en 1715, in-4°. Long. 33. 25. latit. 51. 45 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAUX, ou FRECHES Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m.pl. FRAUX, ou FRECHES FRAUX, ou FRECHES, s. m. pl. ( Jurisp. ) appellés aussi en d'autres lieux fros, frox, & froux , sont des terres incultes & en friche. Voyez les notes sur la coût. d'Artois, art. 5. n°. 1. & le glossaire de Ducange , aux mots froccus & friscum . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAWENFELD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRAWENFELD FRAWENFELD, ( Géog. ) petite ville de Suisse, capitale du Thurgow sur une hauteur, près la riviere de Murg. Voyez Longuerue. Long. 30. 42. latit. 47. 28 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAXINELLE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA FRAXINELLE FRAXINELLE, fraxinella , ( Hist. nat. lot ) genre de plante à fleurs anomales, composées pour l'ordinaire de cinq pétales. Il sort du calice une grande quantité d'étamines courbes, & un pistil qui devient dans la suite un fruit composé de plusieurs gaines disposées en maniere de tête. Chaque gaine renferme une capsule qui s'ouvre en deux parties, qui se recourbent à-peu-près comme des cornes de bélier, lancent au loin des semences qui sont faites pour l'ordinaire en forme de poire. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) On distingue cinq ou six especes de fraxinelle , mais nous ne parlerons que de la fraxinelle commune, nommée fraxinella par Gérard, 1056; Tournef. inst. 430 . Boerh. Ind. 299 . Parkins, theat. 417. dictamnus albus, par J. Bauh. 3. 494. Buxb. 217, Ray, hist. 1. 698 . Rupp. flor. jen. 235 . &c. Son odeur est forte, tant soit-peu résineuse; les racines sont branchues, fibreuses, de la grosseur du doigt; ses tiges rougeâtres s'élevent à la hauteur de deux à trois piés, branchues, velues, garnies de feuilles aîlées ou composées de trois, quatre & cinq pattes de petites feuilles rangées sur une côte qui est terminée par une seule feuille; leur couleur est d'un verd foncé en-dessus & d'un verd-clair en-dessous: elles sont luisantes, fermes, crenelées, de la forme des feuilles de frêne, mais plus petites; ce qui peut-être a fait donner le nom de fraxinelle à cette plante. Au haut des tiges, sont des fleurs de plusieurs feuilles irrégulieres, d'une odeur forte & agréable, quoiqu'elle approche un peu de l'odeur du bouc: leur disposition en long épi fait un bel effet à la vûe; elles sont à cinq pétales blancs ou purpurins, pannachés de lignes de couleur plus foncée. Les extrémités des tiges & les calices des fleurs, sont couverts d'une infinité de vésicules pleines d'huile essentielle, comme on peut l'observer facilement à l'aide d'un microscope: en effet, elles répandent dans les jours d'été, des vapeurs sulphureuses en si grande abondance, que si l'on place au pié de la fraxinelle une bougie allumée, il sort tout-à-coup une grande flamme qui se communique à toute la plante. La fraxinelle vient dans les campagnes & dans les forêts des pays chauds, en Provence, en Languedoc, & en Italie: on la cultive aussi beaucoup dans nos jardins, où elle fleurit en Juin & Juillet. Voyez Fraxinelle , ( Jard. ) Enfin sa racine est d'usage en Medecine. Voyez Fraxinelle , ( Pharm. Mat. med. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraxinelle Author=Jaucourt Normalized Classification=Jardinage | Agriculture Part of Speech=NA Fraxinelle Fraxinelle , ( Jardin. Agricult. ) cette plante vivace peut être mise au nombre des fleurs de la grande espece; elle se perpétue également par sa racine ou par sa graine; elle aime les pays chauds, & cependant sa culture est aisée; car il s'agit seulement de la garantir du froid, après l'avoir semée sur couche. On aura soin de la transplanter à la fin de Septembre, afin qu'elle puisse prendre racine avant l'hyvers & alors elle produira de plus belles fleurs que si l'on faisoit cette transplantation au mois de Mars. Elle demande une terre fraîche & riche, qui ne soit ni grasse ni humide. Quand vous voulez la multiplier de graine, il faut replanter les racines qu'elle a poussées, dans de nouvelles couches, à demi-pié de distance les unes des autres, ayant soin de ne les point endommager, & de les fixer fermement avec de la terre que vous appliquerez tout-autour, pour éviter les effets de la gelée. On ne manquera pas de les laisser une année dans ces nouveaux lits, pendant lequel espace de tems elles prospéreront, & produiront des fleurs l'année suivante: alors ce sera le moment de les mettre dans les allées de vos parteres où vous desirerez qu'elles restent, & où elles méritent d'avoir place par leur beauté long-tems durable. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fraxinelle Author=Jaucourt Normalized Classification=Pharmacie. Matière médicale Part of Speech=NA Fraxinelle Fraxinelle , ( Pharm. Mat. méd. ) cette plante porte aussi le nom de dictamne dans les boutiques, mais il faut se ressouvenir-que les feuilles du dictamne en matiere médicale, désignent toûjours les feuilles du dictamne de Crete, & que les racines du dictamne désignent pareillement toûjours les racine, de notre fraxinelle . Leur emploi est moderne; car on n'en trouve aucune mention dans les écrits des Grecs & des anciens Arabes. La partie d'usage de la fraxinelle en fait de maladies, est donc sa racine, ou plûtôt l'écorce de la racine de cette plante. Cette écorce est assez épaisse, blanche, roulée comme la cannelle, d'un goût un peu amer avec une legere acreté, d'une odeur agréable & forte lorsqu'elle est récente. Toute la racine ainsi que l'écorce, abonde d'une huile essentielle subtile, & d'une portion considerable de sel essentiel, qui approche du sel ammoniac: on lui attribue les qualités d'être stimulante, apéritive, emménagogue, & vermifuge. La dose est depuis une dragme jusqu'à trois en substance, & jusqu'à deux onces en fusion. Elle entre dans beaucoup de préparations officinales, connues par leur ridicule. On tire des fleurs de la fraxinelle des pays chauds, une eau distillée très-odoriférante, dont les dames italiennes se servent comme d'un cosmétique également agréable & innocent. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAYÉ Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FRAYÉ FRAYÉ, Voyez Frayer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frayé aux ars Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=NA Frayé aux ars Frayé aux ars , ( Manége & Maréch. ) Nous disons qu'un cheval est frayé aux ars , lorsqu'il y a inflammation & écorchure à la partie interne & supérieure de l'avant-bras. Un cuir naturellement délicat, l'inattention d'un palefrenier à maintenir cette partie nette, un voyage de longue haleine, principalement dans des tems de chaleur; telles sont les causes qui peuvent y donner lieu. Je dis un voyage de longue haleine , & dès-lors l'écorchure est causée par le frottement continuel de cette partie contre le corps du cheval. J'ai vû des chevaux qui en ont été tellement incommodés, qu'à peine pouvoient-ils marcher, & qu'en cheminant ils fauchoient comme s'ils avoient eu un écart. On y remedie en oignant la partie enflammée avec parties égales d'onguent d'althaea & de miel commun. L'inflammation dissipée, on la bassine souvent avec du vin chaud, & on peut la saupoudrer avec de la poussiere de bois pourri, de la poudre d'amydon, de sang-de-dragon, de céruse, &c. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAYER Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. FRAYER * FRAYER, v. act. ( Gramm. ) il se dit au simple d'une route; celui qui fait les premiers pas ouvre la route; ceux qui le suivent la frayent . Une route fraye ou qui a été déjà fréquentée, c'est la même chose. Frayer à quelqu'un la route du vice, c'est lever les scrupules, & lui applanir toutes les difficultes. Se frayer à soi-même une route, c'est par efforts de génie atteindre un but par des moyens qui sont inconnus aux autres, & qu'on s'est rendus propres & familiers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frayer Author=unknown Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=NA Frayer Frayer , ( à la Monnoie. ) est un crime de faux monnoyeur, qui altere une piece en imitant l'altération que le toucher & le tems ont pû produire. Ce crime est trop grossier & d'un lucre trop foible pour n'être pas facilement appercû, lorsqu'il s'étend sur trop d'especes. Dans un payement où le frai attaque toutes les pieces, il est permis d'arrêter l'argent pour être justifié par l'ordonnance de Louis XIV. conséquemment à ce qui est prescrit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frayer Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frayer Frayer , signifie littéralement s' érailler , comme fait un drap ou une étoffe, à force de les frotter ou de les porter trop long-tems. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frayer Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frayer Frayer , se dit des poissons. Voyez ci-devant Frai . En terme de Vénerie on dit qu'un cerf fraye , quand il frotte la tête contre un arbre pour faire tomber la peau velue de ses nouveles cornes. Voyez Tête & Frayoir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAYEUR Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRAYEUR FRAYEUR, s. f. Voyez Crainte, Epouvante , &c . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRAYOIR Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=s.m. FRAYOIR FRAYOIR, s. m. ( Vénerie. ) lieu où le cerf brunit son bois nouveau contre les baliveaux, pour détacher ou ôter une peau velue qui le couvre; il l'enfonce ensuite dans la terre, & le brunit en lui donnant une couleur selon le terrein. Les vieux cerfs frayent aux jeunes arbres des taillis; plus ils sont vieux, plutôt ils frayent; & quand on trouve le frayer, on connoit la hauteur de la tete du cerf par celle de l'endroit ou les bouts de sa paumiere auront louché. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRECHE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FRECHE FRECHE, ( Jurispr. ) est la même chose que fraux. Voyez Fraux . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREDON Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.m. FREDON FREDON, s. m. vieux terme de Musique , qui signifie un passage rapide & presque toûjours diatonique de plusieurs notes sur la même syllabe: c'est à-peu près ce que l'on a depuis appelle roulade; avec cette différence que la roulade s'écrit, & que le fredon est ordinairement une addition de gout que le chanteur fait à la note. ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREDONNER Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA FREDONNER FREDONNER, verbe neut. & act. vieux terme de Musique , est l'action de faire des fredons. Voyez Fredon . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREESLAND Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREESLAND FREESLAND, ( Géog. ) ile des Terres arctiques, entre l'Islande & le cap de Farewel. Elle gît entre les 340 & 345'de longitude, & depuis le 60 d . de latitude jusqu au 63, suivant les cartes des Anglois. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREGATAIRE Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FRÉGATAIRE FRÉGATAIRE, s. m. ( Commerce. ) terme qui n'est en usage qu'au bastion de France; établissement de commerce que nous avons à l'extrémité du royaume d'Alget & sur les frontieres de celui de Tunis. On y non me frégataires , des portefaix ou chargeurs qui servent la compagnie françoise établie en ce lieu, & qui portent à bord des barques ou frégates, les grans, légumes, & autres marchandises que les commis des magasins ont traité avec les Maures. Les gages de ces frégataires outre la nourriture, sont de neut livres, monnoie de France, par mois. Dictionnaires de Commerce & de Trevoux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREGATE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. FRÉGATE FRÉGATE, s. f. ( Marine. ) c'est un vaisseau de guerre peu chargé de bois, qui n'est pas hart élevé sur l'eau, leger à la voile, & qui n'a ordinairement que deux ponts. On pretend que les Anglois ont été les premiers qui ayent appellé frégates sur l'Océan, les bâtimens longs armés on guerre, qui ont le pont beaucoup plus bas que celui des galions ou des navires ordinaires. Ce mot de frégate tire son origine de la mer Méditerranée, où l'on appelloit fregates de longs bâtimens à voile & à rame qui portoient couverte, & dont le bord qui étoit beaucoup plus haut que celui des galeres, avoit des ouvertures comme des sabords pour passer les rames: mais cette sorte de bâtimens n'est plus d'usage, & les frégates sont aujourd'hui des vaisseaux de guerie qui vont après les vaisseaux du troisieme rang, & l'on désigne leur force & leur grandeur par le nombre de leurs canons, Les frégates depuis 32 canons jusqu'à 46 ont deux ponts, deux batteries completes, un gaillard, un barrot en avant du grand-cabestan, un château d'avant de 23 piés de long. Les frégates depuis 30 jusqu'à 32 canons ont deux pont, une batterie complete sur le deuxieme pont, un gaillard jusqu'au grand-cabestan, un château d'avant de 20 piés de long. On peut faire une frégate de ce rang qui n'auroit qu'un pont, une batterie complete, & un gaillard, avec un château d'avant, qui seroient séparés au milieu de la distance nécessaire pour placer la chaloupe sur le pont. Une frégate de 28 canons a deux ponts, & la plus grande partie du canon se place sur le deuxieme pont; il n'y a sur le premier que huit canons, quatre de chaque côté, un gaillard prolongé de trois barrots en-avant du mât d'artimon, & un château d'avant de 19 piés de longueur. Depuis quelque tems on a changé cet usage, & maintenant une frégate de 28 à 30 canons n'auroit qu'un pont, sur lequel il y auroit 24 canons, & quatre ou six sur son gaillard d'arriere. Cette disposition est bren meilleure, quand les frégates ont leur batterie élevée; car les huit canons qu'on mettoit sur le premier pont étant fort près de l'eau, étoient presque toûjours hors de service. Ure frégate de 22 à 24 canons n'a qu'un pont, un gaillard, & un château d'avant de 18 piés de longueur. Au-dessous de 20 canons ce ne sont plus des frégates; on les nomme corvettes , qu'on distingue comme les frégates , par le nombre de leurs canons. Ce qu'on vient de voir est tiré de l'architecture navale, que j'ai eu occasion de citer en plus d'un endroit; & pour entrer dans un plus grand détail, j'y ai joint le devis d'une frégate de cent quarante-cinq piés de long de l'étrave à l'étambot, trente-six piés de bau, & quinze pies de creux, dressé par un habile constructeur. La frégate a cent trente piés de quille portant sur terre, & la quille a un pie neuf pouces en quarré. L'étrave a vingt-huit piés de hauteur à l'équerre, un pié cinq pouces d'epaisseur, trois piés cinq pouces de large par le haut, deux piés dix pouces au milieu, trois piés cinq pouces par le bas, trois piés trois pouces de ligne courbe, douze piés quatre pouces de quête. L'étambot a vingt sept piés de long à l'équerre; un pié sept pouces d'épais, deux piés de large par le haut, deux piés sept pouces à la pointe de l'arcasse, sept piés par le bas, neuf pouces de ligne courbe, deux piés sept pouces de quête. La lisse de hourd: a vingt-sept piés de long, un pié neuf pouces d'épais, un pié sept pouces de large en son milieu, un pié cinq pouces par les bouts, un pié d'are ou de rondeur. La pointe de l'arcasse en-dehors est à douze piés au-dessous de la tête de l'étambot, ou de son bout d'en-haut. Les alonges de poupe ont vingt-quatre piés de hauteur, prise au niveau de la tête de l'étambot, & sont à la distance de seize piés l'une de l'autre. Des deux grands gabarits, celui qui est le premier du côté de l'arriere est pose à soixante & quinze piés du dehors de l'étambot, & l'autre est onze piés plus en-avant. Le premier gabarit de l'avant est posé sur le ringot, & a trente-deux piés six pouces de distance d'un de ses côtés à l'autre à la baloire. Le dernier gabarit ou le premier de l'arriere, est posé à autant de distance de l'étambot que l'étrave a de quête, ou un peu plus, c'est-à-dire à douze piés six pouces. Il y a de distance de l'un de ses côtés à l'autre, vingt-neuf piés six pouces pris à la baloire, & vingt-quatre piés pris à neuf piés de hauteur au-dessus de la quille. La plus basse préceinte a un pié trois pouces de large, & sept pouces d'épais; la seconde a un pié deux pouces de large, & sept pouces d'épais; la fermure qui est entre-deux, a un pié neuf pouces de large; la troisieme préceinte a un pié un pouce & demi de large, & la fermure, qui est la fermure des sabords, a deux piés six pouces; la quatrieme préceinte a un pié un pouce de large, & six pouces d'épais, & la fermure entre la troisieme & la quatrieme, a un pié quatre pouces aussi de largeur. La lisse de vibord a un pié de large, & six pouces d'épais; le bordage entre la quatrieme préceinte & la lisse de vibord, a deux piés trois pouces; & les sabords de la seconde bande y sont percés. Le grand mât a quatre-vingts-six piés de long, & deux piés six pouces d'épais dans l'étambraie. Le ton pris sur les barres de hune, a neuf piés de hauteur; & sous les barres de hune, six piés neuf pouces. Le mât de misene a soixante & dix-sept pies de long, & deux piés trois pouces & un quart d'epaisseur ou de diametre dans l'étambraie. Le ton pris sur les barres de hune a six piés de long, & quatre piés six pouces sous les barres. Le mât d'artimon a soixante-quatre piés cinq pouces de long, & un pié sept pouces & demi d'épais dans l'étambraie. Le ton pris sur les barres de hune, a six piés de long & quatre piés six pouces sous les barres. Le mât de beaupré a cinquante-quatre piés de long, & deux pies quatre pouces & demi d'épais sur l'étrave en-dedans. Le grand mât de hune a soixante piés de long; le mât de hune d'avant, cinquante-quatre piés; le grand perroquet, vingt-sept piés; le perroquet d'avant, vingt-trois piés. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frégate legere Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Frégate legere Frégate legere , ( Marine. ) c'est un vaisseau de guerre bon voilier, qui n'a qu'un pont. Il est ordinairement monté depuis seize jusqu'à vingt-quatre pieces de canon. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frégate Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=NA Frégate Frégate , ( Hist. nat. Ornith. ) oiseau des Antilles ainsi appellé, parce que son vol est très-rapide. Il n'a pas le corps plus gros qu'une poule; mais il est très charnu. Les plumes du mâle sont noires comme celles du corbeau; lorsqu'il est vieux, il a sous la gorge une grande crête rouge comme celle d'un coq. La femelle n'en a point; ses plumes sont blanches sous le ventre. Le cou est mediocrement long, & la tête petite. Les yeux sont gros, noirs, & aussi perçans que ceux de l'aigle; le bec est de couleur noire, long de six à sept pouces, assez gros, droit dans la plus grande partie de sa longueur, & crochu à l'extremité; les pattes sont fort courtes, & les serres ressemblent à celles du vautour, mais elles sont noires. Cet oiseau a sept à huit piés d'envergure: aussi on prétend qu'il s'éloigne des terres de plus de trois cents lieues: quoiqu'il s'éleve quelquefois à une grande hauteur, il apperçoit toûjours les poissons volans qui s'elevent au-dessus de l'eau pour se sauver des dorades, alors les frégates s'abaissent précipitamment jusqu'à une certaine distance de la surface de la mer, & enlevent les poissons volans dans leur bec, ou dans leurs serres. On a donné le nom d' islette des frégates , à une ile dans le petit cul-de-sac de la Guadeloupe, parce qu'on y trouvoit beaucoup de ces oiseaux qui venoient des environs pour passer la nuit dans cette île, & pour y faire leur nid: mais on les a obligé de la deserter en leur donnant la chasse, pour avoir de leur graisse, que l'on regarde dans les Indes comme un souverain remede contre la sciatique. On les frappe avec de longs bâtons, lorsqu'elles sont sur leur nid, & elles tombent à demi-étourdies. On a vû dans une de ces chasses, que les frégates qui prenoient leur essor étant épouvantées, rejettoient chacune deux ou trois poissons grands comme des harengs, en partie digérés. Hist. nat. des Ant. par le P. du Tertre, tom. II . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREGATON Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. FREGATON FREGATON, s. m. ( Marine. ) on donne ce nom à un bâtiment dont les Vénitiens se servent assez communément pour leur commerce, dans le golfe de Venise. Il porte un grand mât, un artimon, & un beaupré. Les plus forts sont du port de dix mille quintaux, ou cinq cents tonneaux. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREIDBERG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREIDBERG FREIDBERG, ( Géog. ) ville d'Allemagne en Misnie, remarquable par ses mines d'argent, de cuivre, d'étain & de plomb. Elle est sur la Multe à 14 lieues S. E. de Leipsik, six S. O. de Dresde. Zeyler nous en a donné l'histoire dans sa topographie de la Misnie , & peut-être aurons nous un jour une exacte description de ses riches mines. Elle a produit quelques gens de lettres célebres, comme Horn (Gaspard Henr) jurisconsulte, mort en 1718, âgé de 68 ans; Questenberg (Jacques Aurele de), antiquaire du xv. siecle; & Weller (Jerôme), mort en 1572, âgé de 63 ans, connu par plusieurs ouvrages theologiques latins, réimprimés à Leipsik dans le dernier siecle, en deux volumes in-fol. Longit. 32 d . 15'. latit. 51 d . 2' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREIN Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=Grammaire | Manège Part of Speech=s.m. FREIN FREIN, s. m. ( Gramm. & Manege. ) terme qui n'est plus usité au simple; on lui a substitué ceux de mors , d' embouchure . Il signifioit particulierement la partie du mors qui traverse la bouche du cheval. Mars on l'a conservé au figuré, & même dans le style le plus noble; celui qui met un frein à la fureur des flots . ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frein de la Verge Author=Jaucourt Normalized Classification=Chirurgie | Anatomie Part of Speech=NA Frein de la Verge Frein de la Verge , ( Anat. & Chirurg. ) c'est ainsi qu'on nomme le petit ligament cutané qui attache le prépuce sous le gland. Sa structure paroît assez semblable à celle du filet de la langue; mais outre qu'il se gonfle & se roidit, son extreme sensibilité prouve qu'il doit être revêtu de quantité de papilles nerveuses, & peut-être meritetoit-il par ces raisons plus d'attention de la part des Anatomistes, qu'ils ne lui en ont donné jusqu'à-présent: d'ailleurs il est exposé à des jeux de la nature, qui demandent les remedes de la Chirurgie. Il est si court dans quelques personnes, qu'on est forcé de le couper, pour mettre ces personnes en état de remplir le but du mariage: hoc enim vinculum si brevius fuerit, hypospadiaeos facit, dùm praeputit depressionem impedit , dit Riolan. Dans d'autres personnes, le frein avance jusqu'au conduit de l'urine; de sorte que dans le tems de l'imp ession violente des mouvemens de l'amour, la verge roidie est tirée en em-bas par cette bride, & pliée très douloureusement en forme d'arc: ce second cas exige encore la même opération; elle doit être faite avec adresse, & toutes les précautions nécessaires pour ne point blesser le gland: on évitera dans le traitement, la cohérence de la plaie avec le prépuce. Tyson remarque avoir été non-seulement obligé de couper quelquefois le frein de la verge, parce qu'il étoit trop court, ou parce qu'il étoit trop long, mais aussi de faire la même chose dans d'autres sujets, ensuite d'une cicatrice que des chancres vénériens y avoient laissée. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freins ou Refreins Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m.pl. Freins Freins ou Refreins , s. m. pl. ( Marine. ) c'est le mouvement des vagues qui, après avoir été poussées rudement vers des rochers, rebondissent au loin en s'éloignant de l'endroit où elles ont frappé. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREISINGHEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREISINGHEN FREISINGHEN, ( Géog. ) en latin Fruxinum , ville d'Allemagne, capitale de l'évêché de même nom, dans le cercle de Baviere. L'évêque suffragant de Saltzbourg en est le prince souverain. Elle est située sur une montagne dont le pié est arrosé par l'Iser, à six lieues N. E. de Munich, huit S. O. de Landshut, quinze S. E. d'Ausbourg. Voyez , sur l'évêché de Freisinghen, Imhoff, not. imper. liv. III. c. iij. & Heiss, hist. de l'Emp. liv. VI. ch. vj. Long. 29 d . 25'. latit. 48 d . 20' , ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREISTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREISTADT FREISTADT, ( Géog. ) Il y a cinq ou six petites villes de ce nom en Allemagne; savoir, une dans la haute Hongrie, une autre dans l'Autriche, une troisieme dans le duché de Glogaw, une quatrieme dans la principauté de Teschen, & une cinquieme dans la Poméranie; mais aucune ne mérite de nous arrêter. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREJUS, ou FREJULS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREJUS, ou FREJULS FREJUS, ou FREJULS, ( Géog. ) forum Julii, foro Julium , ancienne ville des Gaules; elle est sur la côte de Provence, avec un évêché suffragant d'Aix. Jules-César donna son nom à cette ville; elle a été la patrie d'Agricola, beau-pere de Tacite, qui l'appelle une colonie illustre & ancienne . Pline la nomme classica , parce qu'Auguste établit un arsenal pour la marine dans son port, qui etoit autrefois très-assuré, mais qui est aujourd'hui comblé, sans qu'on ait pû le rétablir. Voyez Longuerue, & Bouche, histoire de Provence . Fréjus est près de la mer, à l'embouchure de la riviere d'Argents, dans des marais qui en rendent l'air mal sain; à 7 lieues d'Antibes, 14 N. E. de Toulon, 12 S. O. de Nice. Longit. 28. 27. latitude 44. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRELER les voiles Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA FRELER FRELER les voiles , ( Marine. ) les plier, les attacher contre les vergues. Voyez Ferler . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRELATER Author=Diderot Normalized Classification=Commerce de vins Part of Speech=v.act. FRELATER * FRELATER, v. act. ( Comm. de vins. ) c'est y mêler des drogues qui le rendent potable & mal sain; espece d'empoisonnement qui devroit être puni par les châtimens les plus séveres, puisqu'il attaque la société entiere, & qu'il employe un des alimens les plus nécessaires & les plus communs. Voyez a l'article Vin , la maniere de connoitre les vins frelatés . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRÊLE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FRÊLE * FRÊLE, adj. ce qui par sa consistance élastique, molle, & déliée, est facile à ployer, courber, rompre: ainsi la tige d'une plante est frêle , la branche de l'osier est fréle . Il y a donc entre fragile & frêle cette petite nuance, que le terme fragile emporte la foiblesse du tout & la roideur des parties, & frêle pareillement la foiblesse du tout, mais la mollesse des parties: on ne diroit pas aussi-bien du verre, qu'il est frêle , que l'on dit qu'il est fragile; ni d'un roseau, qu'il est fragile , aussi-bien qu'il est frêle . On ne dit point d'une feuille de papier ni d'un taffetas, que ce sont des corps frêles ou fragiles , parce qu'ils n'ont ni roideur ni elasticité, & qu'on les plie comme on veut, sans les rompre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRELON Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.m. FRELON FRELON, crabro , s. m. ( Hist. nat. Zoolog. ) insecte du genre des guêpes, plus grand que celles qui se trouvent dans ce pays, & plus à craindre par sa piquûre; dans les tems chauds, elle est très-vive & très pénétrante, mais dans les jours frais elle a peu d'effet. Les gâteaux des frelons ne different de ceux des guêpes souterreines, qu'en ce que les liens qui les attachent les uns aux autres sont plus hauts, plus massifs, & encore moins réguliers; celui du milieu est beaucoup plus gros que les autres. Tous ces liens, les gâteaux, & l'enveloppe qui les renferme, sont de la même matiere, qui est une sorte de papier, couleur de feuille morte, plus épais & plus cassant que celui des guêpes soûterreines. Aussi les frelons ne prennent pas pour le former, les fibres entieres du bois, comme ces guêpes, mais ils les réduisent en poussiere, qu'ils lient par le moyen d'une liqueur qui vient de leur estomac. On trouve des nids de frelons dans des trous de vieux murs, contre les solives des greniers, & dans des lieux peu fréquentés & abrités: car la matiere dont ils sont composés, ne resisteroit ni à la pluie ni au vent. La plupart de ces insectes se nichent dans des trous d'arbres creux; ils percent l'arbre pour former l'entrée de leur nid: ils vivent d'insectes, & même de guêpes; ils en détruiroient beaucoup, parce qu'ils sont plus grands & plus forts, si leur vol étoit moins pesant, & s'ils ne faisoient en volant un bruit qui les met en fuite. Les frelons ressemblent aux autres guêpes par la maniere de vivre & de se reproduire. Mém. pour servir à l'hist. des insectes, tome VI. pag. 215. & abrégé de l'hist. des insect. tome II. p. 84. Voyez Guêpe , Guêpier , & Insecte . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRELUQUET Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=s.m. FRELUQUET * FRELUQUET, s. m. ( Rubanier. ) ce sont de très-petits poids de plomb pesant environ un demi-gros: ce petit poids est percé d'outre en outre, pour donner passage à un fil qui le suspend: ce fil est arrêté par ses deux bouts noüés au trou du poids, & sert à passer chaque brin de glacis, pour le tenir en équilibre pendant le travail. Il y a des freluquets plus forts pour les tranches de velours. Voyez Allonges des Potenceaux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREMIR Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FREMIR FREMIR, Voyez Fremissement ; il s'employe au simple & au figuré. On frémit de crainte, de colere, & de douleur. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREMISSEMENT Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. FREMISSEMENT FREMISSEMENT, s. m. ( Physiq. ) mouvement des petites parties d'un corps, qui consiste en des vibrations très-promptes & très-courtes de ces parties. On remarque sur-tout ce frémissement dans les corps sonores, comme les cloches, les cordes de Musique, &c. Voyez Son . Quelquefois aussi les cordes fremissent sans résonner. Voyez Fondamental . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRENE Author=Tarin Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FRENE FRENE, fraxinus , s. m. ( Hist. nat. Bot. ) genre de plantes à fleurs sans pétales, dont les étamines ont ordinairement deux sommets, du milieu desquelles il sort souvent un pistil qui devient dans la suite un fruit en forme de langue: ce fruit est plat, membraneux, & renferme une semence qui est à-peu-près de la même figure. Il y a des especes de frênes , dont les fleurs ont des pétales; mais comme elles sont stériles, on ne les a pas distinguées de celles qui n'ont point de pétales. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fréne Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA Fréne Fréne , fraxinus , ( Hist. nat. Bot. ) autre genre de plante à fleur en rose, composee de quatre ou cinq pétales très-étroits, très-alongés, disposes en rond, & soûtenus par le calice. Toutes les plantes de ce genre ne portent pas des embryons: mais lorsqu'il s'y en trouve, ils sortent des calices, & deviennent dans la suite des fruits qui ressemblent presque en tout à ceux du frêne appellé ornus. Nova plant. american. gen. par M. Micheli. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fréne Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fréne Fréne , grand arbre qui croit naturellement dans les forêts des climats tempérés; il fait une très-belle tige, qui s'éleve à une grande hauteur, qui est presque toûjours très-droite, & qui grossit avec beaucoup de proportion & d'uniformité. On voit ordinairement le tronc du frêne s'élever sans aucunes branches à plus de hauteur que les autres arbres. Sa tête est petite, peu garnie de rameaux, qui ne s'étendent qui lorsque l'arbre a passé la force de son accroissement. Son écorce, d'une couleur de cendre verdâtre, est long tems très-unie; & ce n'est que dans un âge fort avancé qu'il s'y fait des gersures. Ses feuilles sont au nombre de quatre ou cinq paires, quelquefois six, & même jusqu'à huit sur une même côte, qui est terminée par une seule feuille: elles sont lisses, legerement dentelées, d'un verd très-brun, & elles font peu d'ombre. Cet arbre donne au mois de Mai des bouquets de fleurs, qui sont bruns, petits, courts, ramassés: ce sont des étamines, qui n'ont qu'une aprence de mousse. Les graines qu'il produit en grappe sont environnées d'une membrane fort mince, longue d'un pouce & demi, mais fort étroite: on compare la forme de ce fruit à celle d'une langue d'oiseau; il n'est mûr que sur la fin du mois d'Octobre, qu'il commence à tomber; mais il en reste sur quelques arbres jusqu'après l'hyver. On met cet arbre au nombre de ceux qui tiennent le premier rang parmi les arbres des forêts, dont il égale les plus considérables par son volume: mais relativement à l'utilité, il ne peut entrer en comparaison avec le chêne, le châtaigner, & l'orme, qui l'emportent à cet égard. Il est vrai que l'accroissement du frêne est plus prompt que celui de ces arbres, mais il est plus lent à grossir; & il lui faut pour cela un sol bien favorable; ce qui ne se rencontre que rarement. Le terrein qui convient le mieux à cet arbre, est une terre legere & limoneuse, mêlée de sable, & traversée par des eaux courantes. Il peut croitre dans la plûpart des situations, depuis le fond des vallées jusqu'au sommet des montagnes, pourvû qu'il y ait de l'humidité & de l'écoulement; il se plaît sur-tout dans les gorges sombres des collines exposées au nord: on le voit pourtant réussir quelquefois dans la glaise, dans la marne, si le sol a de la pente; & dans les terres caillouteuses & graveleuses, même dans les joints des rochers, si dans tous ces cas il y a de l'humidité. Cet arbre se contente de peu de profondeur, parce que ses racines cherchent à s'étendre à fleur-de-terre; mais il craint les terres fortes & la glaise dure & seche: il se refuse absolument aux terreins secs, legers, sablonneux, superficiels, & trop pauvres, sur-tout dans les côteaux exposés au midi. J'en ai vû planter une grande quantité de tout âge dans ces différens sols, sans qu'aucun y ait réussi. Il n'est pas aisé de multiplier cet arbre pour de grandes plantations, quoiqu'il y ait deux moyens d'y parvenir; l'un en semant ses graines, qui ne levent que la seconde année; l'autre, en se servant de jeunes plants que l'on peut trouver dans les forêts. Dans ces deux cas, la propagation en grand n'est nullement facile, parce qu'il faut employer la transplantation; expédient très-coûteux & peu sûr pour peupler de grands cantons. La nécessité de transplanter, même le plants que l'on aura fait venir de semence dans les pepinieres, vient de ce qu'il est très-rare que l'on puisse semer les graines sur la place que l'on destine à mettre en bois, par la raison que les terreins qui conviennent au frêne sont ordinairement pierreux, aquatiques, inégaux, & presque toûjours impraticables aux instrumens de la culture. Pour faire venir le frêne de semence, il faut en cueillir la graine lorsqu'elle commence à tomber, sur la fin d'Octobre, ou dans le mois suivant: on peut même en trouver encore pendant tout l'hyver sur quelques arbres qui conservent leurs graines jusqu'aux premieres chaleurs du printems. Si on les seme de très-bonne heure en automne, il en pourra lever quelque peu dès le printems suivant; mais il ne faut s'attendre à les voir lever complettement, qu'au printems de l'autre année. Si l'on vouloit s'épargner d'occuper inutilement son terrein pendant cette premiere année, on trouvera l'équivalent, en conservant dans des manequins les graines mêlées de terre, ou de sable pour le mieux, pendant un an dans un lieu frais, abrité & point trop renfermé: cette précaution disposera les graines à germer, comme si elles avoient été mises en pleine terre; & en les semant un an après au printems, elles leveront au bout d'un mois ou six semaines: il faut pour cela une terre meuble, préparée comme celle d'un potager, & arrangée en planches. On peut se contenter de semer la graine sur la surface de la terre, & y passer le rateau; mais le mieux sera de les mettre dans des rayons d'un pouce ou un pouce & demi de profondeur, pour faciliter la sarclure, qui leur sera très-nécessaire la premiere année, durant laquelle les semis ne s'éleveront guere qu'à 5 ou 6 pouces. Les jeunes plants âgés de deux ans seront propres à être transplantés, soit en pepiniere, soit dans les places que l'on se proposera de mettre en bois de cette nature; c'est même à cet âge qu'ils conviennent le mieux pour cet objet. Il faudra peu de travail pour les planter; & ils réussiront sans aucun soin, si le terrein leur est favorable: au lieu que s'ils étoient plus âgés, & par conséquent plus grands & plus enracinés, il faudroit plus de travail; & leur reprise ne seroit pas si assûrée. Si au contraire le terrein leur étoit peu convenable, ils ne s'y soûtiendront qu'à l'aide d'une culture fort assidue, trop dispendieuse, & dont le succès lera encore très-incertain. Soit que les plants que l'on mettra en pepiniere proviennent d'un semis de ceux ans, ou qu'ils ayent été tirés des bois, ils profiteront également, & ils s'éleveront en quatre ans à huit ou dix piés; ils seront alors en état d'étre transplantés à leur destination, qui est ordinairement d'en border les ruisseaux, d'en garnir les haies, & d'en faire des lisieres autour des héritages, dans les terreins aquatiques, ou même dans les terreins qui ont seulement de la fraîcheur: cet arbre s'y soûtiendra, si on le tond tous les trois ou quatre ans, comme cela se pratique pour la nourriture du bétail. Encore une observation qui est importante sur la transplantation de cet arbre, c'est de ne le point étêter: il se redresse rarement, lorsqu'on retranche la maitresse tige; & il perce difficilement de nouveaux rejettons quand on a supprimé les boutons de la cime. Il faut seulement se contenter d'ôter les branches latérales. Le frêne est sur-tout estimé par rapport à son bois, qui sert à beaucoup d'usages: quoique blanc, il est assez dur, fort uni, & très-liant, tant qu'il conserve un peu de seve: aussi est-il employé par préference pour les pieces de charronage qui doivent avoir du ressort & de la courbure; les Tourneurs & les Armuriers en font également usage. Mais une autre grande partie de service que l'on en tire, c'est qu'il est excellent à faire des cercles pour les cuves, les tonneaux, & autres vaisseaux de cette espece. Le bois des frênes venus dans des terreins de montagnes, ou qui ont été habituellement tondus, sont sujets à être chargés de gros noeuds ou protubérances, qui en dérangeant l'ordre des fibres, occasionnent une plus grande durete, & une diversité de couleur dans les veines du bois; ce qui fait que ces sortes d'arbres sont recherchés par les ébénistes. Mais quoiqu'il se trouve des frênes d'assez gros volume pour servir à la charpente, on l'applique rarement à cet usage, parce que ce bois est sujet à être picqué des vers, quand il a perdu toute sa seve. Le bois du frêne a plus de résistance & plie plus aisément que celui de l'orme: on y distingue le coeur & l'aubier, comme dans le chêne; & lorsqu'il est verd, il brûle mieux qu'aucun autre bois nouvellement coupé. Quand cet arbre est dans sa force, on peut l'élaguer ou l'étêter, sans que cela lui fasse grand tort, à-moins qu'il ne soit trop gros: par ce moyen, on en tirera tous les trois ou quatre ans des perches, des échalas, du cerceau, ou tout au moins du fagotage. Le dégouttement du frêne endommage tous les végétaux qui en sont atteints; c'est ce qui a fait dire que son ombre étoit dangereuse: il n'en est pas de même à son égard; il ne craint d'être surmonte par aucune autre espece d'arbre; leur égout ne lui fait aucun préjudice. Aussi le frêne réussit-il à l'ombre & dans les lieux serrés, où on peut s'en servir pour remplacer les autres arbres qui refusent d'y venir. Son feuillage est excellent pour la nourriture des boeufs, des chevres, & des bêtes à laine: tous ces animaux en sont très-friands pendant l'hyver. Il faut pour cela couper les rameaux de cet arbre, à la fin du mois d'Août ou au commencement de Septembre, & les laisser sécher à l'ombre. On pourroit employer le frêne , à plusieurs égards, pour l'ornement des jardins; il fait ordinairement une belle tige & une tête réguliere: son feuillage leger, qui est d'un verd brun & luisant, contrasteroit agréablement avec la verdure des autres arbres; mais il est sujet à un si grand inconvénient, qu'on est obligé de l'écarter de tous les lieux d'agrément: les mouches cantharides qui s'engendrent particulierement sur cet arbre, le dépouillent presque tous les ans de sa verdure dans la plus belle saison, & causent une puanteur insupportable. On prétend que les feuilles, le bois, & suc du frêne ont quantité de propriétés pour la Medecine. Voy . le P. Schott, jésuite, qui les a rapportées fort en détail dans son livre intitulé, Joco-seria naturoe & artis . Voici les especes de frêne les plus connues jusqu'à-présent. Le frêne de la grande espece . C'est celle qui croît communément en France, & à laquelle on peut le mieux appliquer ce qui vient d'être dit en géneral. Le frêne de la grande espece, à feuilles panachées de jaune . C'est une variété qui n'a de mérite que pour les curieux en ce genre: il est vrai qu'elle est d'une belle apparence. On peut la multiplier par la greffe sur l'espece commune. Le frêne à feuilles rondes . Cette espece croît en Italie, mais elle est encore très-peu connue en France. On croit que c'est sur cet arbre que l'on recueille la manne qui nous vient de Calabre. Le frêne nain , ou le frêne de Montpellier . Les feuilles de cet arbre sont plus courtes & plus étroites que dans toutes les autres especes de frêne : il se garnit de beaucoup de rameaux, & prend très-peu de hauteur. Le frêne à fleurs . Cet arbre est originaire d'Italie; il croît plus lentement que notre frêne commun, & s'éleve beaucoup moins; sa feuille est aussi plus petite à tous égards, son bois plus menu, & l'arbre se garnit d'un plus grand nombre de rameaux. Il donne au mois de Mai des grappes de fleurs aussi grosses que les bouquets du lilas, & qui, quoique d'un blanc un peu jaunâtre, sont d'une assez belle apparence; elles rendent même une odeur qui de-loin n'est point desagréable: ses graines, qui sont plus larges que celles de l'espece commune, levent dès la premiere année, quand on a eu soin de les semer de bonne heure en automne. Cet arbre est de tous les différens frênes celui que l'on doit le plus employer dans les jardins d'agrément, tant par rapport à ses fleurs, que parce qu'on peut lui former une jolie tête, & qu'il s'accommode de tous les terreins; & il a de plus l'avantage de n'être pas sujet à être endommagé par les mouches cantharides, à-moins qu'il ne se trouve mêlé avec d'autres especes de frêne . Le frêne à feuilles de noyer . Cet arbre a le bois plus gros & les feuilles plus grandes que toutes les autres especes de son genre; elles sont d'un verd assez tendre; elles ont au premier aspect quelque ressemblance avec celles du noyer; mais elles ont une odeur forte & desagréable, quand on les presse entre les doigts. Le frêne de la Nouvelle-Angleterre . C'est un joli arbre, qui ne s'éleve guere qu'à vingt-cinq piés: son écorce, quand il est dans sa force, est remplie de gersures d'une couleur jaunâtre, qui la font ressembler a celle de l'orme. Sa feuille n'est composée que de trois ou quatre paires de petites feuilles qui sont plus éloignées entre elles, & qui sont terminées par une pointe plus alongée que dans les autres especes de frêne . Cet arbre & le précédent veulent absolument un terrein bas & humide; ils ne font aucun progrès dans les lieux secs & élevés, quoiqu'il y ait de la profondeur & un bon sol. Il y a plusieurs plants de cet arbre dans la pepiniere de la province de Bourgogne, établie à Montbard, qui n'ont point encore produit de graine, quoiqu'ils soient âgés de quinze ans, & qu'ils ayent environ vingt piés de hauteur. Le frêne blanc d'Amérique . C'est une nouvelle espece, qui est venue de graines envoyées d'Angleterre, & qui provenoient d'Amérique. La couleur de son écorce est d'un gris cendré; & sa feuille a beaucoup de ressemblance avec celle du précédent, si ce n'est qu'elle est blanche & lanugineuse en dessous, & qu'elle est unie sur ces bords sans aucune dentelure; caractere particulier, qui distingue essentiellement cet arbre de toutes les autres especes de frênes que l'on vient de rapporter ici. Toutes ces différentes sortes de frênes sont si robustes, qu'ils ne sont jamais endommagés par le froid des plus grands hyvers de ce climat: comme la plûpart ne produisent point encore de graine en France, on ne peut guere les multiplier que par la greffe, qui réussit très-bien sur le frêne commun. ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frêne Author=Jaucourt Normalized Classification=Pharmacie. Matière médicale Part of Speech=NA Frêne Frêne , ( Pharmac. Mat. medic .) son écorce, ses feuilles, & ses graines contiennent un sel alumineux, tartareux, de saveur austere, acre & amere: le sel qu'on tire de son écorce est un alkali fixe, actif & corrosis. Le sel tartareux, acre & amer que les graines contiennent, est plus huileux & plus actif que celui de son écorce. M. Tournefort trouve que le sel essentiel du frêne est presque semblable à l'oxisal diaphorétique d'Ange-Sala, uni avec beaucoup de terre & de soufre. La décoction ou l'infusion de son écorce, noircit la solution de vitriol, de même que la noix de galle. On ordonne rarement ou jamais les feuilles de frêne : l'écorce de cet arbre a les propriétés de la noix de galle; elle est atténuante, sudorifique, & dessicative; le sel tiré des cendres de cette écorce excite puissamment les urines, mais c'est une propriété qui lui est commune avec les autres sels alkalis. La graine de frêne est appellée dans les boutiques ornithoglossum , ou lingua avis , parce qu'elle a en quelque maniere la figure d'une langue d'oiseau: c'est une graine extrèmement acre; elle donne dans la distillation une huile empyreumatique, que l'on rectifie autant qu'il est possible, pour lui ôter son odeur de feu. Le petit peuple d'Angleterre confit cette graine, ou plûtôt le fruit du frêne avant sa maturité, dans de la saumure de sel & de vinaigre, & il en use dans les fausses. Cette graine entre dans la mauvaise composition galénique nommée électuaire diasatyrion de Nicolas Myrepse . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRENESIE, FRENETIQUE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FRENESIE, FRENETIQUE FRENESIE, FRENETIQUE, voyez Phrénésie, Phrénétique . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREQUENTATIF Author=Beauzée et Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FREQUENTATIF FREQUENTATIF, adj. terme de Grammaire , c'est la dénomination que l'on donne aux verbes dérivés, dans lesquels l'idée primitive est modifiée par une idée accessoire de répétition; tels sont dans la langue latine les verbes clamitare, dormitare , dérivés de clamare, dormire. Clamare n'exprime que l'idée de l'action de crier; au lieu que clamitare , outre cette idée primitive, renferme encore l'idée modificative de répetition, de sorte qu'il équivaut à clamare saepè; criailler est le mot françois qui y correspond: de même dormire ne présente à l'esprit que l'idée de dormir; & dormitare ajoûte à cette idée primitive celle d'une répétition fréquente, de maniere qu'il signifie dormire frequenter , dormir à différentes reprises; c'est l'état d'un homme dont le sommeil n'est ni suivi ni continu, mais coupé & interrompu. Le supin doit être regardé dans la langue latine; comme le générateur unique & immédiat, ou la racine prochaine des verbes fréquentatifs : l'on voit en effet que leur formation est analogue à la terminaison du supin, & qu'ils en conservent la consonne figurative: ainsi de saltum , supin de salio , vient saltare ; de versum , supin de verto , vient versare ; & d' amplexum , supin d' amplector , vient amplexari . D'ailleurs les verbes primitifs, auxquels l'usage a refusé un supin, sont également privés de l'espece de dérivation dont nous parlons, quoique l'action qu'ils expriment soit susceptible en elle même de l'espece de modification qui caractérise les verbes fréquentatifs . Il faut cependant avoüer que le détail présente quelques difficultés qui ont induit en erreur d'habiles grammairiens: mais on va bien-tôt reconnoître que ce sont ou de simples écarts qui ont paru préférables à la cacophonie, ou des irrégularités qui ne sont qu'apparentes, parce que la racine génératrice n'est plus d'usage. Ainsi dans la dérivation des fréquentatifs , dont les primitifs sont de la premiere conjugaison, l'usage qui tâche toûjours d'accorder le plaisir de l'oreille avec la satisfaction de l'esprit, a autorisé le changement de la voyelle a du supin générateur terminé en atum , afin d'éviter le concours desagréable de deux a consécutifs: au lieu donc de dire clamatare, rogatare , selon l'analogie des supins clamatum, rogatum , on dit clamitare, rogitare: mais il n'en est pas moins évident que le supin est la racine génératrice de cette formation. Dans la seconde conjugaison, on trouve haerere , dont le supin haesum semble devoir donner pour fréquentatif haesare; & cependant c'est haesitare: c'est que ce supin haesum n'est effectivement rien autre chose que haesitare , insensiblement altéré par la syncope; & ce supin haesitum est analogue aux supins territum, latitum , des verbes terrere, latere de la même conjugaison, d'où viennent territare, latitare , selon la regle générale. Au reste, il n'est pas rare de trouver des verbes avec deux supins usités, l'un conforme aux lois de l'analogie, & l'autre défiguré par la syncope. C'est par la syncope qu'il faut encore expliquer la génération des fréquentatifs des verbes qui ont la seconde personne du présent absolu de l'indicatif en gis , comme ago, agis; lego, legis; fugio, fugis . Priscien prétend que cette seconde personne est la racine génératrice des fréquentatifs agitare, legitare, fugitare: mais c'est abandonner gratuitement l'analogie de cette espece de formation, puisque rien n'empêche de recourir encore ici au supin. Pourquoi ago & lego n'auroient-ils pas eu autrefois les supins agitum & legitum , comme fugio a encore aujourd'hui fugitum , d'où fugitare est dérivé? Ces supins ont dû assez naturellement se syncoper. Les Latins ne donnoient à la lettre g que le son foible de k , comme nous le prononçons dans guerre: ainsi ils prononçoient agitum, legitum , comme notre mot guitarre se prononce parmi nous: ajoûtez que la voyelle i étant breve dans la syllabe gi de ces supins, les Latins la prononçoient avec tant de rapidité qu'elle échappoit dans la prononciation, & étoit en quelque sorte muette; de maniere qu'il ne restoit qu' agtum, legtum , où la foible g se change nécessairement dans la forte c , à cause du t qui suit, & qui est une consonne forte; l'organe ne peut se prêter à produire de suite deux articulations, l'une foible & l'autre forte, quoique l'orthographe semble quelquefois présenter le contraire. C'est par ce méchanisme que sorbeo a aujour d'hui pour supin sorptum , qui n'est qu'une syncope de l'ancien supin sorbitum , qui a effectivement existé, puisqu'il a produit sorbitio; & c'est par une raison toute contraire que les verbes de la quatrieme conjugaison n'ont point de supin syncopé, & forment régulierement leurs frèquentatifs; parce que l' i du supin étant long, rien n'a pû en autoriser la suppression. Il faut prendre garde cependant de donner deux frequentatifs à plusieurs verbes de la troisieme conjugaison, qui, d'après ce que nous venons d'exposer, paroîtroient en avoir deux; tels que canere, facere, jacere , qui ont cantare & cantitare, factare & factitare, jactare & jactitare . Les premiers, qui peut-être n'étoient effectivement que fréquentatifs dans leur origine, sont devenus depuis des verbes augmentatifs, pour exprimer l'idée accessoire d'étendue ou de plénitude que l'on veut quelquefois donner à l'action; & les autres en ont été tirés conformément à l'analogie que nous indiquons ici, pour les remplacer dans le service de fréquentatifs . Il est donc constant, nonobstant toutes les irrégularités apparentes, que tous les verbes fréquentatifs sont formés du supin du verbe primitif; & cette conséquence doit servir à réfuter encore Priscien, & après lui la méthode de P. R. qui prétendent que les verbes vellico & fodico sont fréquentatifs; outre que cette terminaison n'a aucun rapport au supin des primitifs vello & fodio , la signification de ces dérivés comporte une idée de diminution qui ne peut convenir aux fréquentatifs; & d'ailleurs les mêmes grammairiens regardent comme de vrais diminutifs, les verbes albico, candico, nigrico, frondico , qui ont une terminaison si analogue avec ces deux-là: par quelle singularité ne seroient-ils pas placés dans la même classe, ayant tous la même terminaison & le même sens accessoire? Il est vrai cependant que l'idée primitive qu'un ver be dérivé renferme dans sa signification, y est quelquefois modifiée par plus d'une idée accessoire; ainsi sorbillare , avaler peu-à-peu & à différentes reprises, a tout-à-la-fois un sens diminutif & un sens fréquentatif . Donnera t-on pour cela plusieurs dénominations différentes à ces verbes? non sans doute; il n'en faut qu'une, mais il faut la choisir; & le fondement de ce choix ne peut être que la terminaison, parce qu'elle sert comme de signal pour rassembler dans une même classe des mots assujettis à une même marche, & qu'elle indique d'ailleurs le principal point de vûe qui a donné naissance au verbe dont il est question; car voilà la maniere de procéder dans toutes les langues; quand on y crée un mot, on lui donne scrupuleusement la livrée de l'espece à laquelle il appartient par sa signification; il n'y feroit pas fortune s'il avoit à-la-fois contre lui la nouveauté & l'anomalie: si l'on trouve donc ensuite des mots qui dérogent à l'analogie, c'est l'effet d'une altération insensible & postérieure. Jugeons après cela si Turnebe, & Vossius après lui, ont eu raison de placer dormitare dans la classe des desidératifs, parce qu'il présente quelquefois ce sens, & spécialement dans l'exemple de Plaute, cité par Turnebe, dormitare te aiebas . Il faudroit donc aussi l'appeller diminutif , parce qu'il signifie quelquefois dormire leviter , comme dans le mot d'Horace, quandoque bonus dormitat Homerus; & augmentatif, puisque Ciceron l'a employé dans le sens de dormire altè . La vérité est que dormitare est originairement & en vertu de l'analogie, un verbe fréquentatif: & que les autres sens qu'on y a attachés depuis, découlent de ce sens primordial, ou viennent du pur caprice de l'usage. Une derniere preuve que les Latins n'avoient pas prétendu regarder dormitare comme desidératif, c'est qu'ils avoient leur dormiturire destiné à exprimer ce sens accessoire. Nous remarquerons 1°. que tous les fréquentatifs latins sont terminés en are , & sont de la premiere conjugaison. 2°. Qu'ils suivent invariablement la nature de leurs primitifs, étant comme eux absolus ou relatifs; l'absolu dormitare vient de l'absolu dormire; le relatif agitare vient du relatif agere . Voyons maintenant si nous avons des fréquentatifs dans notre langue. Robert Etienne dans sa petite grammaire françoise imprimée en 1569, prétend que nous n'en avons point quant à la signification; & soit que l'autorité de ce célebre & savant typographe en ait imposé aux autres grammairiens françois, ou qu'ils n'ayent pas assez examiné la chose, ou qu'ils l'ayent jugée peu digne de leur attention, ils ont tous gardé le silence sur cet objet. Quoi qu'il en soit, il y a effectivement en françois jusqu'à trois sortes de fréquentatifs , distingués les uns des autres, & par la différence de leurs terminaisons, & par celle de leur origine: les uns sont naturels à cette langue, d'autres y ont été faits à l'imitation de l'analogie latine, & les autres enfin y sont étrangers, & seulement assujettis à la terminaison françoise. Il faut cependant avoüer que la plûpart de ceux des deux premieres especes ne s'employent guere que dans le style familier. Les fréquentatifs naturels à la langue françoise lui viennent de son propre fonds, & sont en genéral terminés en ailler : tels sont les verbes criailler, tirailler , qui ont pour primitifs crier, tirer , & qui répondent aux fréquentatifs latins clamitare, tractare . On y apperçoit sensiblement l'idée accessoire de répétition, de même que dans brailler , qui se dit plus particulierement des hommes, & dans piailler , qui s'applique plus ordinairement aux femmes; mai elle est encore plus marquée dans ferrailler , qui ne veut dire autre chose que mettre souvent le fer a la main . Les fréquentatifs françois faits à l'imitation de l'analogie latine, sont des primitifs françois auxquels on a donné une inflexion ressemblante à celle des fréquentatifs latins; cette inflexion est oter , & désigne comme le tare latin, l'idée accessoire de repétition: comme dans crachoter, clignoter, chuchoter , qui ont pour correspondans en latin sputare, nictare, mussitare . Les fréquentatifs étrangers dans la langue françoise lui viennent de la langue latine, & ont seulement pris un air françois par la terminaison en er : tels sont habiter, dicter, agiter , qui ne sont que les fréquentatifs latins habitare, dictare, agitare . C'est le verbe visiter que R. Etienne employe pour prouver que nous n'avons point de fréquentatifs. Car , dit-il, combien que visiter soit tiré de visito latin & fréquentatif, il n'en garde pas toutefois la signification en notre langue: tellement qu'il a besoin de l'adverbe souvent: comme je visite souvent le palais & les prisonniers. Mais on peut remarquer en premier lieu, que quand ce raisonnement seroit concluant, il ne le seroit que pour le verbe visiter : & ce seroit seulement une preuve que sa signification originelle auroit été dégradée par une fantaisie de l'usage. En second lieu, que quand la conséquence pourroit s'étendre à tous les verbes de la même espece, il ne seroit pas possible d'y comprendre les fréquentatifs naturels & ceux d'imitation, où l'idée accessoire de répétition est trop sensible pour y etre méconnue. En troisieme lieu, que la raison alléguée par R. Etienne ne prouve absolument rien. un adverbe fréquentatif ajoûté à visiter , n'y détruit pas l'idée accessoire de répétition, quoiqu'elle semble d'abord supposer qu'elle n'y est point renfermée; c'est un pur pléonasme qui éleve à un nouveau degré d'énergie le sens fréquentatif , & qui lui donne une valeur semblable à celle des phrases latines, itat ad eam frequens , (Plaute) frequenter in officinam ventitanti (Plin.); saepius sumpsitaverunt (Id.). On ne diroit pas sans doute que itare n'est pas fréquentatif à cause de frequens , ni ventitare à cause de frequenter , ni sumpsitare à cause de saepius . La décision de R. Etienne n'a donc pas toute l'exactitude qu'on a droit d'attendre d'un si grand homme; c'est que les esprits les plus éclairés peuvent encore tomber dans l'erreur, mais ils ne doivent rien perdre pour cela de la considération qui est dûe aux talens. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREQUIN Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FREQUIN FREQUIN, s. m. ( Commerce. ) sorte de futaille. L'article vj. du nouveau réglement de 1723, concernant les declarations des Marchands aux bureaux d'entrée & de sortie, met le frequin au nombre des futailles qui servent à entonner les sucres, bouts, les syrops, les suifs, les beurres, & autres telles marchandises qui sont sujettes à déchet & à coulage. Dict. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRERAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FRERAGE FRERAGE, s. m. ( Jurisprud. ) c'est le nom que l'on donne en certaines coûtumes aux partages de fiefs dans lesquels les freres & soeurs puînés ou autres co partageans tiennent leur part en foi & hommage de l'aîné, ou si ce n'est pas entre freres, de l'un des co-partageans. Voyez ci-devant Frarescheurs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRERE Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FRERE FRERE, s. m. ( Jurispr. ) ce terme signifie ceux qui sont nés d'un même pere & d'une même mere, ou bien d'un même pere & de deux meres differentes, ou enfin d'une même mere & de deux peres différens. On distingue les uns & les autres par des noms différens; ceux qui sont procréés de mêmes pere & mere, sont appellés freres germains ; ceux qui sont de même pere seulement, sont freres consanguins , & ceux qui sont de même mere, freres utérins . La qualité de frere naturel procede de la naissance seule; la qualité de frere légitime procede de la loi, c'est-à dire qu'il faut être né d'un même mariage valable. On ne peut pas adopter quelqu'un pour son frere , mais on peut avoir un frere adoptif dans les pays où l'adoption a encore lieu. Lorsqu'un homme adopte un enfant, cet enfant devient frere adoptif des enfans naturels & légitimes du pere adoptif. L'étroite parenté qui est entre deux freres , fait que l'un ne peut épouser la veuve de l'autre. Les freres étant unis par les liens du sang, sont obligés entr'eux à tous les devoirs de la société encore plus étroitement que les étrangers ou que les parens plus éloignés: cependant il n'arrive que trop souvent que l'intérêt les sépare, rara concordia fratrum . La condition des freres n'est pas toûjours égale; l'un peut être libre, & l'autre esclave ou serf de main-morte. Dans le partage des biens nobles, le frere aîné a selon les coûtumes divers avantages contre ses puînés mâles; les freres excluent leurs soeurs de certaines successions. En pays de droit écrit, les freres germains succedent à leur frere ou soeur décédé, concurremment avec les pere & mere; ils excluent les freres & soeurs consanguins & utérins; ceux-ci, c'est-à-dire les fieres consanguins & utérins, concourent entr'eux sans distinguer les biens paternels & maternels. En pays coûtumier les freres & soeurs, même germains, ne concourent point avec les ascendans pour la succession des meubles & acquêts; mais dans les coûtumes de double lien, les freres & soeurs germains sont préférés aux autres. Du reste pour les propres, les freres , soit germains, consanguins, ou utérins, ne succedent chacun qu'à ceux qui sont de leur ligne. Quelque union qu'il y ait naturellement entre les freres & soeurs, un frere ne peut point engager son frere ou sa soeur sans leur consentement; un frere ne peut pas non plus agir pour l'autre pour venger l'injure qui lui a été faite, mais il peut agir seul pour une affaire qui leur est commune. Le frere majeur est tuteur légitime de ses freres & soeurs qui sont mineurs, ou en démence. On peut aussi le nommer tuteur ou curateur. Suivant les lois romaines, un frere peut agir contre son frere pour les droits qu'il a contre lui; mais il ne peut pas l'accuse, d'un crime capital, si ce n'est pour cause de plagiat ou d'adultere. Le fratricide ou le meurtre d'un frere est un crime grave. Voyez Fratricide . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere adoptif Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere adoptif Frere adoptif , est celui qui a été adopté par le pere naturel & légitime d'un autre enfant. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere, (beau-) Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere Frere , ( beau-) c'est celui qui a épousé la soeur de quelqu'un. Voyez le mot Beau-Frere . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere conjoint des deux côtés Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere conjoint des deux côtés Frere conjoint des deux côtés , c'est un frere germain. Voyez ci-après Frere Germain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere consanguin Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere consanguin Frere consanguin , est celui qui est procréé d'un même pere, mais d'une mere différente. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere, (demi-) Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere Frere , ( demi-) on appelle ainsi dans quelques coûtumes & provinces les freres consanguins & utérins parce qu'ils ne sont joints que d'un côté seulement. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres germains Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres germains Freres germains , sont ceux issus des mêmes pere & mere. Voyez Frere consanguin & Frere unérin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere de lait Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere de lait Frere de lait : on donne ainsi improprement le titre de freres & soeurs de lait aux enfans de la femme qui a alaité l'enfant d'un autre, quoiqu'il n'y ait aucune parenté ni affinité entre les enfans de cette femme & les enfans étrangers qu'elle nourrit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere légitime Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere légitime Frere légitime , est celui qui est procréé d'un mariage valable, de même qu'un autre frere ou soeur; la qualité de frere légitime est opposée à celle de frere naturel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere légitime Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere légitime Frere légitime , est celui qui n'est pas procréé d'un mariage valable, & qui n'est joint que par les liens du sang & selon la nature. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere patruel Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere patruel Frere patruel , frater patruelis , c'est un cousin germain du côté paternel. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere utérin Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere utérin Frere utérin , est celui qui procede d'une même mere. Sur les freres en général il y a plusieurs textes répandus dans le droit, qui sont indiqués par Brederode au mot frater . Voyez aussi le traité de duobus fratribus per Petrum de Ubaldis, & au mot Succession . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere Author=unknown Normalized Classification=Histoire Part of Speech=NA Frere Frere , ( Histoire. ) ce terme a encore différentes significations. Les premiers chrétiens s'appelloient mutuellement freres , comme étant tous enfans d'un même Dieu, professans la même foi, & appellés au même héritage. Les empereurs traitoient de freres les gouverneurs des provinces & les comtes. Les rois se traitoient encore de freres . La même chose se pratique aussi entre les prélats. Les religieux qualifient chez eux de freres ceux qui ne sont pas du haut choeur; dans les actes publics tous les religieux, même ceux qui sont dans les ordres & bénéficiers, ne sont qualifiés que de freres; on en use de même pour les chevaliers & commandeurs de l'ordre de Malte. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres barbus Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres barbus Freres barbus , voyez ci-après Freres convers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres cliens Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres cliens Freres cliens , fratres clientes , qu'on appelle communément freres servans. Voyez Freres servans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres convers Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres convers Freres convers , sont des laïcs retirés dans des monasteres, qui y font profession, portent l'habit de l'ordre, & en observent la regle; ils sont ordinairement employés pour le service du monastere. Dans les premiers tems on nommoit convers, quasi conversi ad Dominum , c'est-à-dire convertis , ceux qui embrassoient la vie monastique étant déjà parvenus à l'âge de raison, pour les distinguer des oblats que leurs parens y consacroient dès l'enfance. Dans le xj. siecle on nomma freres laics ou convers dans les monasteres ceux qui ne pouvoient devenir clercs, & qui étoient destinés au travail corporel & aux oeuvres extérieures. On les nomme aujourd'hui dans nos monasteres freres lais ou simplement freres. Voy . Freres lais . L'abbé Guillaume est regardé par quelques-uns comme l'instituteur de cette espece de religieux. Les Chartreux en avoient aussi, & les nommoient freres barbus . Cette institution vient de ce qu'alors les laïcs ignoroient les lettres, & n'apprenoient même pas à lire, de sorte qu'ils ne pouvoient être clercs. Voyez l'hist. ecclés . de Fleury, édition de 1724. tome XIII. liv. LXIII. page 495. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres extérieurs Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres extérieurs Freres extérieurs , fratres exteriores , sont la même chose que les freres lais, monachi laici; on les a nommés exteriores , parce qu'ils s'occupent des affaires du dehors. Les moines lais sont différens de ces freres lais. Voyez Oblats & Moines Laïcs -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres externes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres externes Freres externes , sont des clercs & chanoines qui sont affiliés aux prieres & suffrages d'un monastere, ou des religieux d'un autre monastere qui sont de même affiliés. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres laïcs Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres laïcs Freres laïcs , sont la même chose que freres lais. Voyez Freres lais . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres lais Author=d'Alembert Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. Freres lais Freres lais , s. m. pl. ( hist. ecclés. ) qui sont la même chose que freres laics , & qu'on appelle aussi freres convers , ou simplement freres , sont dans nos couvens des religieux subalternes non engagés dans les ordres, mais qui font les voeux monastiques, & qui sont proprement les domestiques de ceux qu'on nomme moines du choeur ou peres . S. Jean Gualbert fut le premier, dit-on, qui institua des freres lais en 1040 dans son monastere de Vallombreuse; jusqu'alors les moines se servoient eux-mêmes. On prétend que cette distinction est venue de l'ignorance des laies, qui ne sachant pas le latin, ne pouvoient apprendre les pseaumes par coeur, ni profiter des lectures latines qui se faisoient à l'office divin; au lieu que les moines étoient clercs pour la plûpart, ou destinés à le devenir. Ainsi, dit-on, les moines clercs avoient soin de prier Dieu à l'église, & les freres lais étoient chargés des affaires du dehors. Mais cette raison ne paroît pas trop recevable, puisqu'une pareille distinction a eu lieu chez les religieuses qui ne savent pas plus de latin les unes que les autres. Il y a donc beaucoup d'apparence que cette institution est uniquement l'effet de la vanité humaine, qui dans le sejour de l'humilité même a cherché encore des moyens de se satisfaire & de se reprendre après s'être quittée. Aussi, dit M. Fleury, l'institution des freres lais a été pour les religieux une grande source de relâchement & de division: d'un côté les moines du choeur traitoient les freres lais avec mépris comme des ignorans & des valets, & se regardoient comme des seigneurs; car c'est ce que signifie le titre de dom , qu'ils prirent vers le xj. siecle: de l'autre, les freres lais nécessaires au temporel, qui suppose le spirituel (car il faut vivre pour prier), ont voulu se révolter, dominer, & regler même le spirituel; c'est ce qui a obligé en général les religieux à tenir les freres fort bas: mais l'humilité chrétienne s'accommode-t-elle de cette affectation de supériorité dans des hommes qui ont renoncé au monde? Voyez Fleury, discours sur les ordres religieux . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Mineurs Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Mineurs Freres Mineurs , sont des religieux de l'ordre de S. François, appellés vulgairement Cordeliers; ils prirent ce titre de mineurs par humilité, pour dire qu'ils étoient moindres que les autres freres ou religieux des autres ordres. Voyez Cordeliers & Ordre de S. François -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Prêcheurs Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Prêcheurs Freres Prêcheurs . Voyez Dominicains . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres servans Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres servans Freres servans , dans les ordres de Malte & de S. Lazare, sont des chevaliers d'un ordre inférieur aux autres, & qui ne sont pas nobles Ils sont aussi appellés servans d'armes, quasi servientes. Voyez Ordre de Malte & Ordre de S. Lazare , & ci-après Frere Servant . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres spirituels Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres spirituels Freres spirituels , on donna ce nom à des laics qui étoient affiliés à une maison religieuse, ou qui s'adoptoient mutuellement pour freres dans un esprit de religion & de charité; mais cette adoption n'avoit point d'effets civils. Voyez ce qui a été dit ci-devant au mot Frere adoptif . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Freres , terme qui semble consacré à certaines congrégations religieuses, telles que les freres de la charité, les freres de l'observance. Voyez Freres de la Charité . On connoît assez toutes ces compagnies; mais il est des sociétés laïques assez obscures, auxquelles on donne le nom de freres , & qui mériteroient d'être plus connues, comme les freres cordonniers, les freres tailleurs, & quelques autres. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Cordonniers Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Cordonniers Freres Cordonniers . Vers le milieu du dernier siecle, un cordonnier voulant perpétuer parmi les ouvriers l'esprit de religion dont il étoit animé; d'ailleurs encouragé par quelques personnes pieuses & distinguées, dont il étoit protégé, commença dans Paris l'association des freres cordonniers & des freres tailleurs, laquelle s'est étendue ensuite en plusieurs villes du royaume, entre autres à Soissons, à Toulouse, à Lion, &c. Leur institut consiste principalement à vivre dans la continence & dans l'exercice de leur métier, de façon qu'ils joignent à leur travail les pratiques les plus édifiantes de la piété & de la charité chrétienne, le tout sans faire aucune sorte de voeux. Au reste, bien qu'ils ne soient pas à charge à l'état, puisqu'ils subsistent par le travail de leurs mains, il est toûjours vrai qu'ils ne portent pas les impositions publiques, autant que des ouvriers isolés & chargés de famille; & sur-tout ils ne portent pas les tutelles & les collectes, le logement de soldats, les corvées, les milices, &c. ce qui fait pour eux une différence bien favorable. Sur quoi j'observe que les gens dévoués au célibat ont toûjours été protégés avec une prédilection également contraire à la justice & à l'économie nationale. J'observe de même qu'ils ont toûjours été fort attentifs à se procurer les avantages des communautés; au lieu qu'il est presque inoüi jusqu'à présent, que les gens mariés ayent formé quelque association considérable. Ceux-ci néanmoins obligés de pourvoir à l'entretien de leurs familles, auroient plus besoin que les célibataires des secours mutuels qui se trouvent dans les congrégations. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Tailleurs Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Tailleurs Freres Tailleurs , ce sont des compagnons & garçons tailleurs unis en société, & qui travaillent pour le public, afin de faire subsister leur communauté. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres de la Charité Author=d'Alembert Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA Freres de la Charité Freres de la Charité , ( hist. ecclés. ) c'est le nom d'un ordre de religieux institué-dans le xvj. siecle, & qui se consacre uniquement au service des pauvres malades. Ces religieux, & en général tous les ordres qui ont un objet semblable, sont sans contredit les plus respectables de tous, les plus dignes d'être protégés par le gouvernement & considérés par les citoyens, puisqu'ils sont précieux à la société par leurs services en même tems qu'ils le sont à la religion par leurs exemples. Seroit-ce aller trop loin que de prétendre que cette occupation est la seule qui convienne à des religieux? En effet, à quel autre travail pourroit-on les appliquer? A remplir les fonctions du ministere évangélique? mais les prêtres séculiers, destinés par état à ce ministere, ne sont déjà que trop nombreux, & par bien des raisons, doivent être plus propres à cette fonction que des moines: ils sont plus à portée de connoître les vices & les besoins des hommes; ils ont moins de maîtres, moins de préjugés de corps, moins d'intérêt de communauté & d'esprit de parti. Appliquera-t-on les religieux à l'instruction de la jeunesse? mais ces mêmes préjugés de corps, ces mêmes intérêts de communauté ou parti, ne doivent-ils pas faire craindre que l'éducation qu'ils donneront ne soit ou dangereuse, ou tout au moins puérile; qu'elle ne serve même quelquefois à ces religieux de moyen de gouverner, ou d'instrument d'ambition, auquel cas ils seroient plus nuisibles que nécessaires? Les moines s'occuperont-ils à écrire? mais dans quel genre? l'histoire? l'ame de l'histoire est la vérité; & des hommes si chargés d'entraves, doivent être presque toûjours mal à leur aise pour la dire, souvent réduits à la taire, & quelquefois forcés de la déguiser. L'éloquence & la poésie latine? le latin est une langue morte, qu'aucun moderne n'est en état d'écrire, & nous avons assez en ce genre de Ciceron, de Virgile, d'Horace, de Tacite, & des autres. Les matieres de goût? ces matieres pour être traitées avec succès, demandent le commerce du monde, commerce interdit aux religieux. La Philosophie? elle veut de la liberté, & les religieux n'en ont point. Les hautes sciences, comme la Géométrie, la Physique, &c? elles exigent un esprit tout entier, & par conséquent ne peuvent être cultivées que foiblement par des personnes voüées à la priere. Aussi les hommes du premier ordre en ce genre, les Boyle, les Descartes, les Viete, les Newton, &c. ne sont point sortis des cloîtres. Reste les matieres d'érudition: ce sont celles auxquelles la vie sédentaire des religieux les rend plus propres, qui demandent d'ailleurs le moins d'application, & souffrent les distractions plus aisément. Ce sont aussi celles où les religieux peuvent le mieux réussir, & où ils ont en effet réussi le mieux. Cette occupation, quoique sort inférieure pour des religieux au soulagement des malades & au travail des mains, est au moins plus utile que la vie de ces reclus obscurs absolument perdus pour la société. Il est vrai que ces derniers religieux paroissent suivre le grand précepte de l'évangile, qui nous ordonne d'abandonner pour Dieu notre pere, notre mere, notre famille, nos amis & nos biens. Mais s'il falloit prendre ces mots à la lettre, soit comme précepte, soit même comme conseil, chaque homme seroit obligé, ou au-moins seroit bien de s'y conformer; & que deviendroit alors le genre humain? Le sens de ce passage est seulement qu'on doit aimer & honorer l'être supreme par dessus toutes choses; & la maniere la plus réelle de l'honorer, c'est de nous rendre le plus utiles qu'il est possible à la société dans laquelle il nous a placés. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere Author=Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere Frere ; ce nom étoit donné à des empereurs collegues. C'est ainsi que Marc Aurele & Lucius Aurelius Verus sont appellés freres, divi fratres , par Théophilus, & qu'ils sont représentés dans leurs médailles, se donnant la main pour marque de leur union fraternelle dans l'administration de l'empire. C'est ainsi que Dioclétien, Maximien, & Hercule qui ont regné ensemble, sont nommés freres par Lactance. Cette coûtume se pratiquoit de tous tems entre des rois de divers royaumes, comme on peut le confirmer par les auteurs sacrés & prophanes; elle avoit lieu en particulier entre les empereurs romains & les rois de Perse, témoin les lettres de Constance à Sapor dans Eusebe, & du même Sapor à Constance, fils de Constantin, dans Ammien Marcellin. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere d'Armes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frere d'Armes Frere d'Armes , Voyez Fraternité d'Armes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Blancs Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Blancs Freres Blancs , secte qui parut dans la Prusse au commencement du xjv. siecle. C'étoit une société d'hommes qui prirent ce nom, parce qu'ils portoit des manteaux blancs où il y avoit une croix verte de S. André. Ils se vantoient d'avoir des révélations particulieres pour aller délivrer la terresainte de la domination des infideles. On vit quantité de ces freres en Allemagne; mais leur fanatisme ou leurs impostures ayant été dévoilés, leur secte s'éteignit d'elle-même. Harsfnoch, dissert. 14 de orig. relig. christ. in Pruss . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Bohémiens, ou Freres de Bohème Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Bohémiens Freres Bohémiens , ou Freres de Bohème , nom qu'ont pris dans le xv. siecle certains hussites, la plûpart gens de metier, qui en 1467 se séparerent publiquement des calixtins. Ils mirent d'abord à leur tête un nommé Kelinski , maître cordonnier, qui leur donna un corps de doctrine, qu'on appella les formes de Kelenski . Ensuite ils se choisirent un pasteur nommé Matthias Convalde , simple laïc & ignorant; ils rejettoient la messe, la transubstantiation, la priere pour les morts, & rebaptisoient tous ceux qui venoient à eux des autres églises. Ils reconnoissoient cependant sept sacremens, comme il paroît par leur confession de foi présentée en 1504 au roi Ladislas. Mais dans la suite Luther qui vouloit les attirer à son parti, leur persuada de réduire les sacremens à deux, le baptême & la cêne. A consulter leurs autres écrits, il paroît qu'ils admettoient la présence réelle de Jesus-Christ dans l'eucharistie, quoiqu'ils ne voulussent pas qu'on l'y adorât. Ils avoient aussi conservé beaucoup de pratiques de l'église romaine, comme les fêtes, les jeûnes, le célibat des prêtres, &c. ce qui n'empêcha pas les Luthériens & les Zuingliens de Pologne de les admettre à leur communion, lorsque les freres Bohémiens eurent été chassés d'Allemagne par Charles V. contre lequel ils avoient favorisé les intérêts de l'électeur de Saxe. Bossuet, hist. des variat . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Freres Polonois Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Freres Polonois Freres Polonois , nom qu'on a donné aux Sociniens ou Unitaires, Anti-trinitaires, nouveaux Ariens, & qu'ils ont pris eux-mêmes, parce qu'ils étoient en fort grand nombre en Pologne, avant qu'ils en eussent été chassés par un arrêt public rendu dans une diete générale en 1660. Nous avons un recueil des ouvrages de leurs principaux auteurs imprimé sous le titre de bibliotheque des freres Polonois . Quant à leurs opinions & à leurs erreurs, voyez Sociniens & Socinianisme . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frere servant Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Frere servant Frere servant , ( Hist. mod. ) c'est le nom que l'on donne dans l'ordre de Malte, à ceux qui sont dans la derniere des trois classes dont cet ordre est composé. On prétend que Raymond du Puy, second maître de cet ordre, ayant fait dessein d'ajoûter aux statuts de l'ordre, l'obligation de prendre les armes pour la défense des lieux saints, & ayant amené ses confreres dans ses vûes, fit dès-lors trois classes de tout le corps des hospitaliers. On mit dans la premiere ceux qui par leur naissance & le rang qu'ils avoient tenu autrefois dans les armées, étoient destinés à porter les armes. On fit une seconde classe des prêtres & des chapelains, qui outre les fonctions ordinaires attachées à leur caractere, soit dans l'Eglise, ou auprès des malades, seroient encore obligés chacun à leur tour, de servir d'aumôniers à la guerre; & à l'égard de ceux qui n'étoient ni de maisons nobles, ni ecclésiastiques, on les appella freres-servans . Ils eurent en cette qualité, des emplois où ils étoient occupés par les chevaliers, soit auprès des malades, soit dans les armées, & ils furent distingués dans la suite par une cotte d'armes de différente couleur de celle des chevaliers. Vertot, histoire de Malte, liv. I. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRÉSAIE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FRÉSAIE FRÉSAIE, Voyez Effraie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRESANGE, ou FRESSENGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FRESANGE, ou FRESSENGE FRESANGE, ou FRESSENGE, s. f. ( Jurispr. ) est un droit de porc, dû en certains lieux aux officiers des eaux & forêts par le fermier des glandées & paisson. Ce mot vient de friscinga , qui signifie porc . Il en est parlé dans un cartulaire de Saint-Denis, de l'an 1144, dans des lettres de Louis le Jeune de l'an 1147. Il donne aux lépreux de S. Lazare decem friscingas , de trois sous chacune, qui devoient être fournies par le fermier des boucheries de Paris. Il en est aussi parlé dans l'histoire de Gand, liv. V. pag. 263 . Ce droit se changeoit souvent en argent ou autre espece. M. de Lauriere en rapporte plusieurs exemples en son glossaire , au mot fresange . Cet auteur pense que ce droit peut être la même chose que celui qui est appellé ailleurs porcellagium ou porcelatio ; mais que friscinga est quelque chose de moindre que porcus . Il y a apparence que pour chaque porc, on ne devoit pour fresange qu'un morceau d'un certain poids, ou l'équivalent. M. de Lauriere rapporte une charte de l'an 1553, suivant laquelle celui qui avoit trois porcs ou truies ne devoit que deux sous tournois pour le droit de fresange ; & celui qui avoit voulu frauder le droit, devoit au seigneur soixante sous d'amende. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRESQUE Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=s.f. FRESQUE FRESQUE, s. f. ( Peinture .) On appelle peindre à fresque , l'opération par laquelle on employe des couleurs détrempées avec de l'eau, sur un enduit assez frais pour en être pénétré. En italien on exprime cette façon de peindre par ces mots, dipingere à fresco , peindre à frais. C'est de-là que s'est formée une dénomination, qui dans l'orthographe françoise semble avoir moins de rapport avec l'opération, qu'avec le mot italien dont elle est empruntée. La théorie de l'art de la Peinture étend ses droits, sur toutes les façons de peindre existantes & possibles; parce que les regles théoriques sont fondées sur l'examen de la nature, qui est le but général de toute imitation indépendante des moyens dont elle se sert. Il ne s'agit donc ici que d'exposer d'une façon claire les opérations nécessaires pour peindre à fresque . Ce qui doit précéder ces opérations est un examen raisonné de l'endroit où l'on veut employer la fresque : il faut que l'artiste s'assûre de la parfaite construction des murailles ou des voûtes, auxquelles il est prêt de confier son ouvrage; puisqu'il n'y a d'espérance de conserver les beautés dont, au moyen de la fresque , l'art peut embellir l'intérieur des palais ou des temples, qu'autant de tems que la construction des murs n'éprouvera aucun desordre. La solidité de la construction reconnue, c'est d'un premier enduit, dont le mur doit être revêtu, que l'artiste doit s'occuper; les matériaux qu'on employe étant différens suivant les pays où l'on construit, il faut faire ensorte que ceux de ces matériaux qui seroient par eux-mêmes moins propres à retenir l'enduit, le deviennent par les précautions qu'on peut prendre. La brique n'a besoin d'aucun secours pour se joindre aussi solidement qu'on le peut desirer au premier enduit: c'est aussi de tous les matériaux que l'on peut employer, celui qui convient mieux pour soûtenir la fresque . Si les murs sont construits avec des pierres raboteuses & pleines de trous, on peut encore se fier à ces inégalités du soin de retenir & de conserver le mélange qu'on y appliquera; mais si la bâtisse est faite avec des pierres de taille, dont la surface est ordinairement assez lisse, il sera nécessaire de rendre cette surface inégale, d'y former pour cela de petites excavations, d'y faire entrer des clous ou des chevilles de bois qui puissent arrêter l'enduit & le joindre étroitement à la pierre. Ces précautions sont d'une extrème conséquence pour éviter les fentes ou les ardes que la moindre altération qui arriveroit aux matériaux, ou même l'effet alternatif que produit la sécheresse & l'humidité, pourroit occasionner. Le premier enduit peut être fait avec de bonne chaux & du ciment de tuiles pilées: on employe plus ordinairement du gros sable de riviere, qu'on mêle à d'excellente chaux. Je ne doute pas que si la fresque étoit plus en usage, on ne pût trouver à composer un enduit peut-être plus compact encore, & plus indépendant des variations de l'air, tel qu'étoit, par exemple, celui dont on trouve revêtus les aqueducs & anciens réservoirs construits par les Romains aux environs de Naples: quel soin n'apportoit-on pas à ces recherches de construction? & que nous sommes loin de l'industrie de ces peuples sur cet article; nous qu'un usage assez peu refléchi conduit presque toûjours dans le choix & dans l'emploi des matériaux, que la nature semble nous avoir prodigués; nous dont presque tous les bâtimens modernes portent un caractere national d'impatience & de précipitation! Quoiqu'il soit nécessaire de dresser avec soin le premier enduit, pour que la surface qu'il compose conserve son à-plomb, il est à-propos cependant de le laisser assez raboteux, pour que les morceaux de sable & les inégalités qui s'y trouveront, retiennent à leur tour la seconde préparation dont je vais parler. J'observerai qu'avant de l'employer, le premier enduit doit être parfaitement sec, & que l'artiste a intérêt d'éviter sur-tout de peindre lorsque la chaux de ce premier enduit n'a pas jetté toute son humidité, s'il veut échapper au danger que manifeste son odeur desagréable & pernicieuse. La premiere couche dont j'ai parlé étant parfaitement séchée, il faut l'imbiber d'eau à proportion de son aridité, pour donner plus de facilité au premier enduit de s'incorporer avec la nouvelle couche dont il faut le couvrir; c'est cette derniere couche qui servira de champ ou de fond à la peinture à fresque . Cette nouvelle & derniere préparation aussi importante, mais plus délicate que l'autre, se fait en mêlant du sable de riviere d'un grain fort égal, qui ne soit ni trop gros ni trop menu, avec de la chaux éteinte, depuis une année si elle est forte, ou tout-au-moins depuis six mois si elle est plus douce. C'est à un maçon intelligent & actif qu'il faut donner le soin d'étendre, & d'approprier ce crépit; il faut que ce manoeuvre soit intelligent pour préparer avec une juste proportion, ce que le peintre peut employer de cette surface dans sa journée, & il doit être actif pour l'étendre, la nettoyer, la polir, avec la promptitude nécessaire pour que son opération laisse au peintre tout le tems dont il a besoin. On sent bien cependant que cette intelligence & cette activité doivent être dirigées par l'artiste même, & reglées sur sa plus ou moins grande facilité, sur la nature de l'ouvrage & sur la longueur du jour. J'ai dit que le manoeuvre doit étendre l'enduit. Cette opération se fait avec la truelle; il doit le nettoyer, c'est-à-dire ôter, avec un petit bâton ou l'ente d'un pinceau, les grains de sable les plus gros, qui rendroient la surface trop raboteuse. Ce second soin est nécessaire dans les endroits qui sont plus exposés à la vûe. Enfin il faut polir cet enduit que l'on a nettoyé, & pour cela on applique une feuille de papier sur les endroits qui l'exigent, & l'on passe la truelle sur ce papier, pour applanir ainsi les petites inégalités qui nuiroient à la justesse du trait en produisant de loin de fausses apparences. Lorsque cette seconde couche de sable & de chaux a été appliquée, dressée, nettoyée & polie dans l'endroit par lequel l'artiste a résolu de commencer son ouvrage, il y dessine, & il y peint avec les couleurs propres au travail, & il employe dans la journée ce qu'il a fait enduire, de maniere à n'être pas obligé d'y retoucher. C'est cette obligation de peindre au premier coup , qui fait le caractere distinctif de la fresque . Cette nécessité en ôtant des ressources au peintre, le contraint à des précautions dont je vais parler. Au reste si la difficulté qu'elle offre à surmonter, rend plus fréquentes les négligences inévitables dans les grands ouvrages, elle donne en récompense une franchise, une activité, & une fraicheur au pinceau des artistes, qui dédommage des parties incompatibles avec ce genre de travail. Les précautions dont j'ai promis de parler, sont 1°. l'esquisse terminée de la composition qu'on veut peindre; 2°. des cartons de la grandeur de l'ouvrage même. Je vais reprendre ces deux articles, après quoi je dirai les couleurs dont on doit se servir pour peindre à fresque , en prévenant que sur cette partie physique des couleurs, il y auroit des examens & & des recherches très-intéressantes à faire, qui demanderoient l'union difficile des lumieres chimiques & de la connoissance approfondie de la Peinture. Ce n'est pas la premiere fois que j'ai parlé de l'avantage que les artistes doivent attendre d'une espece de sujétion, qui consiste à arrêter & terminer l'esquisse de la composition qu'ils veulent exécuter, de maniere à n'avoir aucun changement essentiel à y faire. Je ne me lasserai point de le répéter, c'est le moyen de parvenir a cette unité de composition & à cet ensemble refléchi & conséquent, qui approche autant qu'il est possible de la perfection: cette precaution avantageuse dans toutes les façons de peindre est indispensable, lorsque l'on peint à fresque . On ne peut dans cette derniere façon de peindre, commencer par ébaucher tout son ouvrage (facon d'opérer qui est d'une grande ressource pour ceux qui aiment à tâtonner & à composer sans esquisse); on ne peut, comme je l'ai dit plus haut, commencer une partie du tableau, sans être obligé de la terminer dans sa journée. Il faut dans ce court espace qu'on ait non-seulement achevé sa tâche, mais que cette portion de la composition soit tellement exécutée pour l'accord, que la composition entiere achevée, on puisse croire qu'elle a été exécutée suivant l'usage ordinaire, c'est-à-dire peu-à-peu en commençant par une ébauche générale, & en passant d'une harmonie plus foible à une harmonie vigoureuse & pleine, telle que la nature nous l'offre. C'est ainsi, pour donner de cette progression une image sensible à ceux qui ne sont point artistes, c'est ainsi que le crépuscule du matin, cette premiere ébauche de l'ouvrage de la lumiere, commence à colorer foiblement les objets, & à donner une idée foible de l'effet des jours & des ombres. Cet effet devient plus sensible de moment en moment; les couleurs en conservant entr'elles les mêmes proportions, deviennent plus éclatantes; enfin lorsque le jour est entierement développé, le tableau de la nature est terminé. L'opération de la fresque qui ne permet pas de progression, exige donc comme un secours nécessaire celui que fournit une esquisse arrêtée, à-moins que l'imagination de l'artiste ne soit tellement vive & fidele, qu'il y trouve à sa volonté la nuance du tout de chaque partie de son tableau. Mais ce don de la nature est rare, & l'esquisse qui en est l'équivalent y supplée d'une maniere certaine & facile. J'ai indiqué une seconde précaution, qui consiste à employer ce qu'on appelle, en termes de Peinture, des cartons . Je m'arrêterai un instant sur l'explication de ce mot. L'étude, ou le dessein, ou le trait d'une ou de plusieurs figures qui doivent etre employées dans un ouvrage de Peinture, est ce qu'on appelle carton , lorsque ce trait de la grandeur juste des figures qu'on doit peindre est tellement étudié, qu'on le destine à être calqué sur la surface sur laquelle on doit exécuter l'ouvrage. Ce qui convient le mieux pour dessiner ces études ou ces traits, est le carton compose de plusieurs feuilles de papier collées les unes sur les autres, de maniere qu'il ne soit ni trop mince ni trop épais; le simple papier trop sujet aux impressions de l'air, a l'inconvénient de se retirer ou de s'alonger; ce qui peut produire, lorsqu'on veut calquer de grandes figures, des erreurs qui éloigneroient de l'extrème correction que l'on cherche à atteindre par ce moyen. Je vais reprendre l'ordre des opérations differentes du peintre, pour placer celle-ci à son rang. L'artiste compose plusieurs croquis ou pensées de son sujet; il choisit celle qui lui convient le mieux, il fait alors une esquisse dans laquelle il arrête sa composition, sans se contraindre cependant à donner à chacune de ses figures toute la correction de dessein dont il est capable, pour ne point trop perdre de tems. Après avoir terminé cette esquisse, il forme un carton de la grandeur de l'ouvrage même, pour pouvoir l'appliquer, lorsqu'il y aura dessiné ses figures, sur la surface qu'il doit peindre; il établit par une échelle de proportion, ou par des quarrés, la grandeur que doivent avoir ses figures dans sa grande composition; il les dispose alors sur son carton, comme elles doivent l'être dans le tableau; ensuite plaçant & examinant le modele, il perfectionne son trait d'après la nature nue, il dessine chacune de ses figures, il corrige, il efface jusqu'à ce qu'il soit satisfait; alors coupant ce carton par partie, il ponce, il calque, ou enfin par quelque moyen que ce soit, il porte exactement ces contours du carton sur l'enduit de chaux dont j'ai donné la préparation: alors il n'est plus occupé que de peindre, en assortissant les nuances de sa palette à l'esquisse colorée, qui lui sert de modele & de guide. On trouvera aux mots Poncer , Calquer , Graticuler du mot italien graticolare , les moyens de transporter aisément & fidelement le trait des figures dessinées sur les cartons, sur la surface où l'on doit peindre. Je vais passer à l'énumération des couleurs, & rapporter ce que l'usage & les bons auteurs nous en apprennent. Je finirai par quelques petits détails de l'exécution, qui ne sont pas sans utilité. Les couleurs indiquées par plusieurs bons auteurs comme les plus convenables pour peindre à fresque , sont: Le blanc de chaux . Ce blanc, le meilleur qu'on puisse employer, se mêle aisément avec toutes les autres couleurs. L'usage en est bon & facile, pourvû qu'il soit composé d'excellente chaux éteinte depuis un an ou six mois tout au-moins; on la délaye avec de l'eau commune; ensuite on la verse doucement dans un vase; on y laisse déposer ce blanc, qu'on employe après avoir ôté l'eau qui le couvre. Quelques auteurs font mention de la poudre faite avec du marbre blanc pilé. On mêle un tiers de cette poudre avec deux tiers de chaux; mais il est à craindre, si la proportion qui doit varier à cause des différentes qualités de la chaux n'est pas juste, qu'il n'en résulte des inconvéniens: par exemple, si la poudre de marbre est trop abondante, elle fera noircir le blanc plûtôt qu'il ne noirciroit sans cela. Il me semble qu'il résulte de-là, que le blanc composé seulement d'une chaux bien choisie, bien éteinte & gardée long-tems, est le meilleur de tous. Cependant voici une seconde composition de blanc qu'il ne faut pas passer sous silence, en recommandant aux artistes qui auront occasion de peindre à fresque , de faire des essais & de constater les effets qui en résulteront par des notes, qu'ils rendront aisément publiques par la voie des journaux. Ce seroit ainsi que par une convention générale qui n'est pas encore assez établie, mais qu'on ne peut trop recommander, les Arts verroient perfectionner ou s'accroître les moyens qui sont nécessaires à leurs succès. Le blanc dont je veux parler s'appelle blanc de coquilles d'oeufs . On rassemble une grande quantité de ces coquilles, on les pile, on les nettoye en les faisant bouillir dans de l'eau avec un morceau de chaux vive; on les met dans la chausse, & on les lave avec de l'eau de fontaine; on recommence ensuite à les piler pour en composer une poudre encore plus fine, qu'on fait tremper de nouveau jusqu'à ce que l'eau avec laquelle on lave cette poudre soit si claire, qu'elle n'ait aucune empreinte de malpropreté: lorsqu'elle est à ce point, on se sert de la pierre & de la mollette pour broyer cette poudre avec de l'eau commune autant qu'il est nécessaire, & l'on en forme de petits pains, qu'on laisse sécher au soleil. Il faut remarquer que si ces coques restoient trop long-tems dans la même eau, elles exhaleroient une odeur extrèmement fétide & insupportable, que l'on ne pourroit dissiper qu'en les faisant cuire dans un fourneau, après les avoir enfermé dans un vase de terre bien luté. Le cinnabre . Cette couleur qui a un éclat supérieur à presque toutes les autres couleurs, a des qualités absolument contraires à la chaux; on pourroit cependant la risquer dans des endroits renfermés, en usant des moyens que je vais indiquer, pour la préparer de maniere qu'elle se soûtienne plus long-tems. Prenez du cinnabre pur, c'est-à-dire qui ne soit point falsifié; réduisez-le en poudre; après l'avoir mis dans un vase de terre, versez-y de cette eau qui bouillonne lorsqu'on éteint de la chaux vive; ayez soin que cette eau soit la plus claire qu'il sera possible; jettez-la ensuite en la versant doucement; réitérez plusieurs fois cette opération: le cinnabre ainsi lavé retiendra de l'eau de chaux une impression qu'il gardera long-tems. Il faut, comme je l'ai dit, observer de bien choisir le cinnabre, & de l'acheter plûtôt en morceaux qu'en poudre; parce que les marchands qui le pulvérisent, le falsifient souvent avec le minium . Le vitriol brûlé . Le vitriol romain cuit au fourneau, ce qu'on appelle brûlé , & broyé ensuite à l'esprit-de-vin, réussit très-bien, employé sur la chaux; il résulte de cette préparation un rouge qui approche de celui que donne la laque: cette couleur est sur-tout très-propre à préparer les endroits que l'on veut colorer de cinnabre; & les draperies peintes de ces deux couleurs, pourront le disputer à celles qui seront peintes à l'huile avec la laque fine. La terre rouge . Cette couleur, ainsi que toutes celles qui sont formées avec des terres, est très-bonne pour colorier à fresque . On s'en sert pour les carnations, pour les draperies, & c'est en général une excellente couleur. L'ochre . L'ochre jaune mis au feu & brûlé dans une boîte de fer, produit un rouge pâle. L'ochre brun, avec la même préparation, devient jaune. Tous les ochres sont d'excellentes couleurs. Le jaune , que nous appellons jaune de Naples , ou jaune clair , provient d'une espece de crasse qui se forme & qui s'amasse auprès des mines de soufre. Il n'est point, à beaucoup près, aussi solide que les ochres, dont on peut rendre les nuances aussi claires que l'on voudra, en les mêlant avec le blanc de chaux. Je ne crois donc pas prudent de risquer le jaune de Naples, sur-tout au grand air. Le verd de Veronne ; c'est une terre verte qu'on nomme aussi verd de montagne : cette couleur est d'un très-bon usage; elle est d'autant plus précieuse, que presque tous les verds qui sont plus composés, sont des couleurs auxquelles on ne doit avoir aucune confiance. La terre d'ombre . Cette couleur brune & obscure devient plus belle, lorsqu'on a fait calciner dans une boîte de fer: elle est bonne & solide; on doit cependant observer qu'elle devient plus foncée avec le tems, & qu'on fera bien de mêler en l'employant quelques nuances de blanc de chaux, pour empêcher cet inconvénient. Le noir de Venise est propre pour la fresque , ainsi que la terre noire de Rome . Le noir de charbon peut s'employer aussi; on le compose avec du sarment ou des noyaux de pêches, ou avec des coquilles de noix, de la lie de vin, ou même du papier: tous ces noirs sont bons; mais il ne faut pas se servir de celui que l'on nomme noir d'os . L'émail est une couleur bleue, qu'il faut employer avec précaution, mais dont on peut se servir dans la fresque , pourvû qu'on la couche dès les premiers momens & tandis que la chaux est bien humide; autrement elle ne s'incorpore point avec l'enduit: si l'on retouche avec cette même couleur, il faut le faire au plus une heure après avoir ébauché, afin qu'elle ait de l'éclat. L'outremer est la plus fidele de toutes les couleurs; de quelque maniere qu'on l'employe, elle ne change point, elle empêche même les couleurs avec lesquelles on la mêle, de changer; s'il y a quelque petites exceptions à faire, elles se trouveront lorsque je parlerai de la peinture à l'huile, parce qu'elles y ont plus de rapport. J'avertis à cette occasion qu'il sera bon que ceux qui consulteront cet article, jettent aussi les yeux sur les articles où je parlerai des couleurs qui s'employent dans les autres façons de peindre, parce que les observations nouvelles que je pourrois faire, celles dont je pourrois être instruit, & celles que j'aurois omises, s'y trouveront. Voici actuellement deux tables, l'une des couleurs dont il ne faut point se servir en peignant à fresque , l'autre des couleurs propres à ce travail. Couleurs nuisibles à la Couleurs propres à la fres- fresque. que . Le blanc de plomb. Généralement toutes les La laque. terres colorées. Le verd de-gris. Le blanc de chaux. Tous les verds, hors Le blanc de coque d'oeuf. ceux qui sont de Le vitriol brûlé. terre. La terre rouge. Le jaune de France. L'ochre jaune. Le jaune de Naples. L'ochre brûlé. Les orpins. Le verd de Verone. Le noir d'os. La terre d'ambre. Le noir de Venise. Le noir de charbon. L'outremer. Couleurs délicates qui demandent des précautions . Le blanc de marbre. L'émail. Le cinnabre. Pour employer toutes ces couleurs, on les broye avec de l'eau commune, & l'on commence à former les teintes principales que l'on veut employer; on les met par ordre dans des pots ou dans des terrines, & l'on se précautionne de plusieurs grandes palettes de bois ou de cuivre, dont les bords sont relevés, pour y former les nuances intermédiaires, & pour avoir plus aisément sous sa main les nuances dont on a besoin. Une précaution essentielle est d'éprouver les mélanges & les teintes que l'on forme; parce que les couleurs détrempées à l'eau, s'éclaircissent de plusieurs nuances en séchant, hors le rouge violet, l'ochre brûlé, & les noirs. Pour s'assûrer de son accord, on applique avec la brosse un échantillon de chaque teinte sur des tuiles neuves, ou de la brique bien seche; l'eau s'y imbibe dans l'instant, & la couleur paroît avec la nuance qu'elle gardera lorsque la fresque sera seche. On aura sous sa main un vase d'eau claire pour humecter ces couleurs, ou bien une éponge, & l'on prendra garde de ne commencer à peindre que lorsque l'enduit de chaux aura assez de consistance pour résister à l'impression des doigts; il arriveroit sans cela que les couleurs s'étendroient sur le fond trop humide, & qu'on ne pourroit donner aucune netteté à l'ouvrage. Je ne veux pas ajoûter ici les moyens qu'ont imaginés quelques peintres pour retoucher à sec, & pour suppléer ainsi au défaut des ouvrages à fresque; parce qu'ils ne peuvent servir qu'à voiler l'ignorance, à couvrir la mauvaise foi, & à tromper ceux qui feroient exécuter de ces sortes d'ouvrages: ces moyens n'ont aucune solidité, ne peuvent faire illusion que quelques instans, & ne méritent pas d'être expliqués ici, puisqu'ils ne tendent point à la perfection de l'art. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRET, ou FRETTAGE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FRET, ou FRETTAGE FRET, ou FRETTAGE, s. m. ( Commerce. ) terme de commerce de mer; il signifie le loüage d'un navire en tout ou en partie, pour voiturer & transporter des marchandises d'un port ou d'un pays à un autre. Ce qu'on appelle fret sur l'Océan, se nomme nolis sur la Méditerranée. Voyez Nolis . Dictionn. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fret Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fret Fret signifie encore un certain droit de cinquante sols par tonneau de mer, qui se paye aux bureaux des fermes du roi par les capitaines & maîtres des vaisseaux étrangers à l'entrée ou à la sortie des ports & havres du royaume. Les vaisseaux hollandois furent déchargés de ce droit par le traité d'Utrecht en 1713: il devoit aussi cesser en faveur des vaisseaux anglois, à condition que le droit de 5 sols sterling seroit supprimé en Angleterre en faveur des François; mais cette condition n'ayant pas été remplie, les choses sont restées sur l'ancien pié. Les vaisseaux des villes hanséatiques joüissent en France du même privilége que les Hollandois, par le traité conclu en 1716 entre la France & les villes de Hambourg, Lubeck, & Bremen. Dictionn. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fret Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fret Fret se dit aussi de l'équipement d'un navire. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRETÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject FRETÉ FRETÉ, adj. en termes de Blason , se dit de l'écu & des pieces principales, quand elles sont couvertes de bâtons croisés en sautoirs, qui laissent des espaces vuides & égaux en forme de losanges. Humiere en Picardie, d'argent, fretté de sable. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRETILLARDE, SERPENTINE Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA FRETILLARDE, SERPENTINE FRETILLARDE, SERPENTINE, ( Man. ) épithetes synonymes employées pour désigner, dans certains chevaux, le mouvement continuel de leur langue. Les langues fretillardes ou serpentines sont celles qui remuent sans cesse, & qui s'arrêtent fort peu dedans & dehors la bouche: les embouchures qui n'ont pas beaucoup de liberté retiennent ces langues actives & mouvantes. Voyez Mors . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRETTE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. FRETTE FRETTE, s. f. ( Architecture. ) est un cercle de fer, dont on arme la couronne d'un pieu ou d'un pilotis, pour l'empêcher de s'éclater. On dit fretter , pour mettre une frette. Voyez Fretter . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRETTER Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=v.act. FRETTER FRETTER, v. act. ( Hydrauliq. ) On dit fretter des tuyaux de bois, quand on garnit de cercles de fer leurs extrémités, pour les emboîter & les chasser à force, sans craindre de les fendre; ces cercles de fer s'appellent frettes . On est obligé de fretter les balanciers, les moutons, les pieux, & autres pieces de bois des machines hydrauliques. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREUDENBERG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREUDENBERG FREUDENBERG, ( Géog. ) petite ville en Franconie, située sur le Mein; elle appartient à l'évêque de Vurtzbourg. Long. 23. 16. 30. lat. 49. 38 ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREUDENSTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREUDENSTADT FREUDENSTADT, ( Géog. ) petite & forte ville d'Allemagne dans la Forêt-Noire, bâtie en 1600 par le duc Frédéric de Wirtemberg, pour défendre l'entrée & la sortie de cette forêt. Elle est sur le chemin de Tubingen à Strasbourg, à 10 lieues S. E. de Strasbourg, & à 6 S. O. de Tubingen. Long. 26. 2. lat. 48. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREUX Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=s.m. FREUX FREUX, s. m. cornix frugilega , ( Hist. nat. Ornitholog. ) oiseau qui ressemble presque entierement à la corneille: on les confond souvent, & on les appelle tous les deux du même nom de corneille . Celui qui a servi de sujet pour la description suivante pesoit une livre trois onces; il avoit un pié & demi de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue, & seulement un pié quatre pouces jusqu'au bout des ongles; l'envergure étoit de trois piés. Cet oiseau n'a point de jabot; mais la partie supérieure de l'oesophage est dilatée en forme de petit sac, dans lequel il porte la nourriture de ses petits: il enfonce son bec dans la terre pour chercher des vers, si profondément, qu'il détruit presque entierement les plumes qui entourent la racine du bec, & celles qui sont depuis la racine jusqu'aux yeux. La peau qui recouvre la base du bec est blanchâtre & farineuse. On distingue les freux des corneilles ordinaires, non-seulement par cette marque, mais encore parce qu'ils sont plus gros, parce que leurs plumes sont luisantes & qu'ils volent & nichent par troupes. Il y a dans chaque aîle vingt grandes plumes; la quatrieme est la plus longue: le tuyau des petites plumes du milieu de l'aile qui recouvrent les grandes, est terminé par des soies ou des barbes. La queue a sept pouces de longueur; elle est composée de douze plumes, dont les extérieures sont plus courtes que celles du milieu. Le bec a deux pouces & demi de longueur; l'ouverture des narines est ronde, & la langue noire, cartilagineuse, & fourchue. L'ongle du doigt de derriere est long & fort: le doigt extérieur tient au doigt du milieu, comme dans la corneille. Le freux se nourrit de fruits; c'est pourquoi on l'appelle frugilega & freux : quelquefois aussi il mange des vers de terre. Willug. Ornith. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREYA, ou FRIGGA Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne | Mythologie Part of Speech=NA FREYA, ou FRIGGA * FREYA, ou FRIGGA, ( Hist. anc. ou Mythol. ) c'étoit une des principales divinités des anciens Saxons, l'épouse de Wodan, & la conservatrice de la liberté publique. Elle étoit représentée sous la forme d'une femme nue, couronnée de myrte, une flamme allumée sur le sein, un globe dans la main droite, trois pommes d'or dans sa gauche, & les graces à la suite, sur un char attelé de cygnes: c'est ainsi qu'on l'a trouvée à Magdebourg, où Drusus Néron introduisit son culte. On prétend que c'est de Freya que vient le Freytag des Allemands, le dies Veneris des Latins, notre vendredi; d'où l'on a conclu que la Freya des Germains étoit aussi la Vénus des Latins. Mais comment arrive-t-il que des peuples tels que les Germains, les Latins, les Syriens, les Grecs, ayent, antérieurement à toute liaison connue par l'histoire, adoré des dieux communs? Ces vestiges de ressemblance dans les moeurs, les idiomes, les opinions, les préjugés, les superstitions des peuples, doivent déterminer les Savans à étudier l'histoire des siecles anciens, d'après ces monumens, les seuls que le tems ne peut entierement abolir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FREYSACH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FREYSACH FREYSACH, Virinum , ( Géog. ) selon quelques-uns, ancienne ville de la Carinthie, aux confins de la Styrie, dans l'archevêché de Saltzbourg; elle a un terroir fertile, & est à 6 lieues de Saltzbourg V. Zeyler, Carinth. Topogr. Long. 36. lat. 38. 40. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIABLE Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=adject FRIABLE FRIABLE, adj. ( Physiq. ) se dit des corps tendres & fragiles, qui se divisent ou qui se réduisent aisément en poudre entre les doigts; ce qui vient de la cohésion des parties, qui est si petite, qu'elle ne s'oppose que très-foiblement à leur desunion: telle est la pierre-ponce, le plâtre, & généralement toutes les pierres calcinées, l'alun brûlé, &c. Voyez Cohésion . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIAS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIAS FRIAS, ( Géog. ) petite ville de la Castille vieille en Espagne, avec titre de duché, sur l'Ebre. Long. 14. 5. latit. 42. 48. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIBOURG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIBOURG FRIBOURG, ( Géog. ) il faudroit écrire Freybourg , comme font les Allemands; c'est capitale du Brisgaw en Soüabe, fondée en 1120; son université a été érigée l'an 1450; elle a souffert bien des siéges, & a été prise plusieurs fois par les François, en 1667, en 1713, & en 1744. Elle est située au pié d'une montagne, sur le Trisein, à 4 lieues S. E. de Brisach, 9 N. E. de Bâle, 12 S. E. de Strasbourg. Longit. 25. 32. latit. 48. 4 . Cette ville est la patrie du moine Schwartz, qui passe en Allemagne pour l'inventeur de la poudre à canon, & de Freigius (Jean Thomas), qui s'acquit beaucoup de réputation dans le seizieme siecle, par ses travaux littéraires; il mourut à Bâle de la peste, l'an 1583, la même année que furent publiées ses oraisons de Cicéron, perpetuis notis logicis, ethicis, politicis, historicis, antiquitatis illustratae , en trois volumes in-8° . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fribourg Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fribourg Fribourg , Friburgum , ( Géog. ) ville de Suisse forte par sa situation, capitale du canton de même nom, fondée par Berchtold IV. duc de Zeringhen en 1176; elle fut reçûe au nombre des cantons en 1481. On sait que son canton est un des treize qui composent la confédération des Suisses, & dont le gouvernement est proprement aristocratique. Voyez l'histoire des Suisses ; Longuerue; & Heiss. hist. de l'Empire, liv. VI . La ville de Fribourg est sur le penchant d'une montagne raboteuse, arrosée de la Sane, à 7 lieues S. O. de Berne, 12 N. E. de Lausanne, 14 S. O. de Soleure, 30 S. O. de Zurich. Longit. 25. latit. 46. 50. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRICANDEAUX Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=s.m.pl. FRICANDEAUX FRICANDEAUX, s. m. pl. ( Cuisine. ) les Cuisiniers appellent de ce nom du veau coupe par morceaux, sans os, lardé & assaisonné de differentes manieres. Il y a aussi des fricandeaux de boeuf, qui sont des morceaux de tranche lardés & assaisonnés. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRICASSEE Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=s.f. FRICASSÉE FRICASSÉE, s. f. ( Cuisine. ) viande ou mets cuit promptement dans une poële ou un chauderon, & as saisonné avec du beurre, de l'huile, ou de la graisse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRICENTI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRICENTI FRICENTI, en latin moderne Fricentium , ( Géog. ) petite ville épiscopale du royaume de Naples en ltalie, sur le Tripolta; c'est l'ancienne Esclanum , ville des Hirpiens; ou plûtôt elle est bâtie sur les ruines de cette ancienne ville. Long. 33. 10. lat. 41. 4 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRICHES Author=Diderot Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f.pl. FRICHES * FRICHES, s. f. pl. ( Econom. rustiq. ) terres qui ne sont point cultivées & qui pourroient l'être. On peut mesurer sur l'étendue des friches dans un pays, les progrès de la mauvaise administration, de la dépopulation, & du mépris de l'agriculture. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRICTION Author=unknown Normalized Classification=Physique | Mécanique Part of Speech=s.f. FRICTION FRICTION, s. f. en terme de Physique & de Mechanique , est la même chose que frottement ; mais ce dernier mot est plus usité; le premier est presque absolument réservé à la Medecine. Voy. Frottement , ( Physiq. ) & Friction , ( Chirurgie .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Friction Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Friction Friction , ( Chirurgie. ) l'action de frotter quelque partie du corps humain. La friction est au rang des exercices nécessaires à la santé; c'est une des six choses non naturelles, & une espece de celles qui sont comprises sous le nom de mouvement; les anciens en faisoient un grand cas, & elle est sans doute trop négligée de nos jours. Les frictions seroient utiles aux personnes qui, à raison des circonstances particulieres, ne peuvent ni marcher, ni courir, ni monter à cheval, ni jouer à la paume, en un mot, qui ne sout pas dans le cas de faire les exercices convenables à leur santé. Ambroise Paré, dans son introduction à la Chirurgie , réduit toutes les especes & différences des frictions , à trois; savoir, la forte, la douce, & la modérée, qui tient le milieu entre les deux autres: dans la premiere, on frotte rudement les parties, soit avec la main, de la toile neuve, des éponges, & autres choses: la vertu de cette sorte de friction est de resserrer & de fortifier les parties que l'on y soûmet. Si on la réitere souvent, & qu'on frotte assez long-tems à chaque fois; elle raréfie, évapore, résout, exténue, & diminue la substance des parties: elle fait révulsion, disent les auteurs, & détourne la fluxion des humeurs d'une partie sur une autre. J'ai vû des rhûmatismes & autres douleurs fixes, qu'aucun remede n'avoit soulagées, céder à ces frictions . Elles sont très-efficaces pour fortifier les parties sur lesquelles il se fait habituellement des fluxions: par cette raison, elles sont un moyen utile dans la cure préservatrice des sciatiques & autres maladies du genre goutteux & rhûmatisant, fort sujettes à récidive. Au reste, on conçoit bien que le degré de force qui établit la différence des trois especes de frictions , doit être relatif: car celles qui seroient modérées pour une personne très-robuste, pourroient être trop violentes pour les frictions les plus fortes convenables à une personne délicate. Il faut aussi avoir égard à l'âge & à la constitution naturelle des parties plus ou moins tendres & sensibles. Les plus grands maîtres ont conseillé, dans la cure de la léthargie, des frictions sur l'occipital & le cou, dirigées de haut en bas. Elles doivent être d'autant plus fortes, que l'assoupissement est plus profond. Lancisi rapporte que les gens du peuple, que les remedes les plus violens n'avoient pû réveiller d'un assoupissement apoplectique, ont été sur le champ rappellés à la vie par des fers rouges qu'on approcha de la plante de leurs piés. M. Winslow, dans sa thèse sur les signes de la mort, dit qu'on peut exciter avec succès, dans ces cas, une sensation douloureuse avec l'eau bouillante, la cire ordinaire, ou la cire d'Espagne brûlante; ou bien avec une meche allumée, sur les mains, les bras, ou autres parties du corps. Mais les frictions très fortes produiront le même effet, & sont preferables, à beaucoup d'égards. On lit dans les éphémérides de l'académie des curieux de la nature , qu'un medecin ayant soupçonné qu'un homme qui étoit sans pouls & sans respiration, n'étoit pas moit, fit frotter la plante des piés de cet homme pendant trois quarts-d'heure, avec une toile de crin pénétrée d'une saumure très-forte, & que par ce moyen il le rappella à la vie. Les frictions faites avec un linge chaud sur la surface extérieure du corps des noyes, sont un des principaux secours qui favorisent l'effet des moyens qui ont le plus de vertu pour les rappeller d'une mort apparente à l'exercice des fonctions vitales. Dans ce cas, les frictions ne peuvent pas servir à rappeller le sang du centre à la circonference; mais elles préviennent la coagulation des liqueurs, auxquelles elles donnent du mouvement. Voyez les observations sur la cause de la mort des noyés, & sur les secours qui leur conviennent, à la suite des lettres sur la certitude des fignes de la mort , à Paris, chez Lambert, 1752. La friction douce ou legere a des effets différens de la forte; elle amollit & relâche; elle rend la peau douce & polie, pourvû néanmoins qu'on employe assez de tem; à la faire; car celle qui seroit d'une trop courte durée seroit absolument sans effet. Ces sortes de frictions en produisent un très-bon sur les membres débilités par la gêne & la contrainte qu'ils essuient de la part des bandages, & par l'inaction. pendant le tems de la cure des fractures, des grandes plaies, &c . Quelques personnes sont dans l'usage de se faire frotter leger ement le matin & le soir avec une brosse douce, pour ouvrir les pores & faciliter la transpiration; & elles se trouvent très-bien de ce genre d'exercice. La friction modérée tient le milieu entre les deux autres; elle attire le sang & les esprits sur la partie; elle convient aux membres atrophiés, parce qu'elle fait augmentation d'aliment & nutrition, comme disent nos anciens, d'après Galien, lib. de sanitate tuendâ . On a quelquefois réussi à rappeller la goutte dans les extrémités inférieures, en les frottant modérément depuis les piés jusqu'à la moitié des cuisses, avec une flanelle douce, de trois en trois heures, pendant un quart-d'heure à chaque fois. En général, les frictions exigent les mêmes précautions, pour être administrées sagement, que les autres exercices. Il faut être attentif au tems, à la quantité, à la qualité, & à la réitération convenables. Toutes ces choses doivent être soûmises à des indications raisonnées sur l'etat de la personne, & sur l'effet qu'on se propose d'obtenir des frictions. Voyez Exercice , ( Medecine .) On prépare utilement à l'efficacité de l'application des ventouses, des vésicatoires & des cauteres potentiels; à celle des fomentations résolutives, des emplâtres de même vertu, & de tous les remedes incisifs ou stimulans dont on se sert sur les tumeurs oedémateuses, & autres congestions de matieres froides & indolentes qu'on veut échauffer; on prépare, dis-je, au bon effet de ces remedes, par des frictions modérées faites avec des linges chauds, & assez longtems. M. Petit parlant de la cure de l'anchylose, dans son traité des maladies des os , dit que les frictions faites avec des linges chauds, peuvent d'abord être mises utilement en usage, pour suppléer au mouvement de l'article; & que si ces frictions ne suffisent pas seules pour résoudre la synovie & dissiper le gonflement de la jointure, elles servent du-moins à assûrer l'effet des autres remedes, qui par ce moyen agissent plus efficacement. Il y a des fievres continues où les malades ont presque toûjours les extrémités froides: dans ce cas, outre les linges chauds qu'on renouvelle souvent, on fait des frictions douces avec des linges mollets, & ensuite des onctions avec les huiles d'amandes douces, de lys, de camomille, &c. afin de rappeller la chaleur. Le duc d'Ascot demanda au roi Charles IX. de lui envoyer Ambroise Paré, premier chirurgien, pour le marquis d'Avret son frere, qui étoit à la derniere extrémité, à la suite d'un coup de feu reçû sept mois auparavant, avec fracture de l'os de la cuisse. Dans cette cure, l'une des plus belles qu'on ait faites en ce genre, Ambroise Paré prescrivit des frictions avec des linges chauds sur la partie, pour favoriser l'action des remedes capables d'atténuer & de résoudre l'engorgement du membre blessé; & il en faisoit faire « le matin d'universelles de tout le corps, qui étoit grandement exténué & amaigri par les douleurs & accidens, & aussi par faute d'exercice ». Dans les sueurs qui arrivent spontanément, ou par l'action des remedes sudorifiques, aussi-bien que dans celles que procure un exercice violent, tel que le jeu de la paume, il est convenable, avant de changer de linge, de se faire essuyer & frotter modérément avec des linges chauds. Cette friction non-seulement nettoie le corps, en absorbant l'humidité qui le mouille, mais elle fait sortir & exprime des pores de la peau des restes de sueurs & de sucs excrémenteux qui y ont été portés, & donne du ressort aux pardies: aussi remarque-t-on que ces frictions préviennent la lassitude; effet ordinaire de l'épuisement. On donne le nom de frictions aux mouvemens que le chirurgien fait dans l'opération de la saignée, pour pousser le sang vers la ligature, dans la veine qu'on doit picquer, afin de faire gonfler ce vaisseau, pour la facilité de l'ouvrir. Friction mercurielle , est une onction faite sur les parties du corps avec l'onguent napolitain, pour la guérison des maladies vénériennes. V. Vérole . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIDERICKS-HALL, ou FRIDERICKSTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIDERICKS-HALL, ou FRIDERICKSTADT FRIDERICKS-HALL, ou FRIDERICKSTADT, ( Géog. ) ville forte de Norwége, mais commandée par une montagne dans la préfecture d'Aggerhus; elle est à l'embouchure du Glammen dans la Manche du Dannemarck sur la côte du Cattegal, à 20 lieues S. E. d'Anslo, 26 N. O. de Bahus, 11 S. E. d'Aggerhus. Long. 28. 20. lat. 59. 2 . Ce fut au siége de cette ville, le 11 Décembre 1718, que fut tué Charles XII. roi de Suede, d'une balle qui l'atteignit à la tempe droite, & qui pacifia le nord de l'Europe. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIDERICKSTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIDERICKSTADT FRIDERICKSTADT, ( Géog. ) petite ville de la presqu'île de jutland, dans le duché de Sleswick, au confluent de la riviere de Trenne & de celle d'Eyder, fondée en 1621 par Frédéric, duc de Holstein-Gottorp; elle est à 2 lieues N. E. de Tonneingen, 7 S. O. de Sleswick. Long. 28. 58. lat. 54. 32 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIDING Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIDING FRIDING, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans la Soüabe sur le Danube, à 8 lieues S. E. de Tubingen, 12 N. de Constance. Longit. 32. 42. latit. 47. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIDLAND Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIDLAND FRIDLAND, ( Géog. ) il y a plusieurs petites villes de ce nom, dont il est inutile de parler ici; une en Bohème, une en Pologne, une en Prusse, & deux en Silésie. Voyez le dictionn. de la Martiniere . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIGIDITÉ Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FRIGIDITÉ FRIGIDITÉ, ( Jurispr. ) Ce vice qui forme dans l'homme un empêchement dirimant pour le mariage, est un défaut de force, & une espece d'imbécillité de tempérament, qui n'est occasionnée ni par la vieillesse ni par aucune maladie passagere; c'est l'état d'un homme impuissant, qui n'a jamais les sensations nécessaires pour remplir le devoir conjugal. Celui qui est froid ne peut régulierement contracter mariage; & s'il le fait, le mariage est nul & peut être dissous. On ne parie ici que des hommes; car la frigidité n'est point dans les femmes une cause d'impuissance, ni un empêchement au mariage. La frigidité peut provenir de trois causes différentes; savoir, de naissance, ou par cas fortuit, ou de quelque maléfice. Celle qui provient de naissance peut aussi procéder de trois causes différentes; savoir, de la qualité du sang, qui étant trop chargé de flegme, empêche les esprits vitaux de se porter avec assez de vivacité dans la partie qui doit agir; ou bien le défaut provient de ce que les esprits vitaux ne se commun quent pas facilement aux muscles; ou enfin de la foiblesse des organes. Un homme, quoique froid de naissance, peut être bien conformé; mais le défaut de bonne conformation peut aussi occasionner la frigidité : cependant les eunuques, qui sont impuissans, ne sont pas toûjours froids; leur inhabileté vient de leur mauvaise conformation. L'inaction, & même l'inhabileté momentanée n'est point considérée comme un vice de frigidité , à-moins qu'elle ne soit perpétuelle. La frigidité peut arriver par cas fortuit, comme par maladie, blessure, ou autre accident, qui met l'homme hors d'état de remplir le devoir: si cet accident précede le mariage, il forme un empêchement dirimant; s'il est survenu depuis, il ne peut donner atteinte au mariage, quand même la cause de frigidité seroit perpétuelle. Pour ce qui est de la frigidité causée par maléfice, qu'on appelle vulgairement nouement d'aiguillete , elle peut être procurée par des secrets naturels, ce qui est le plus ordinaire, ou par art magique, supposé qu'il se trouve quelqu'un dans ce cas. Voy. Aiguillette , Ligature , Maléfice , Nouement d'Aiguillette , Impuissance . Voyez extra. de frigidis & maleficiatis ; Sanchez, de matrimonio ; & Zachias, quest. medico-legales . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIGORIFIQUE Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=adject FRIGORIFIQUE FRIGORIFIQUE, adj. en Physique , signifie ce qui produit le froid. Voyez Froid . Quelques philosophes, principalement Gassendi & les autres philosophes corpusculaires, nient que le froid soit une simple privation ou absence du feu; ils soûtiennent qu'il y a des parties frigorifiques réelles, aussi-bien que des particules ignées; & selon eux, c'est de ces parties que vient le froid & le chaud. Quelques philosophes modernes n'admettent point d'autres particules frigorifiques que les sels nitreux qui nagent dans l'air, & qui occasionnent la gelée, lorsqu'ils y sont en grande abondance. Le docteur Clarck, par exemple, veut que le froid soit produit par certaines particules nitreuses & salines, qui par leur nature ont des formes capables de produire ces effets: c'est ce qui fait, selon lui, que le sel ammoniac, le salpetre, le sel d'urine, & plusieurs autres sels volatils & alkalisés étant mêlés avec l'eau, augmentent très-sensiblement le degré de froid. Ce peut être aussi, selon lui, la raison de ce fait connu de tout le monde, que le froid empêche la corruption, quoique cependant ce ne soit pas une vérité si générale qu'elle ne souffre quelque exception; puisque les corps les plus durs, dont les pores viennent à être remplis d'eau, & exposés ensuite à la gelée, se brisent & se crevent, & que la gelée détruit les parties de quelques plantes: sur quoi, voyez les art. Froid , Glace , &c. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRILLER Author=Diderot Normalized Classification=Teinture Part of Speech=v.neut. FRILLER * FRILLER, v. neut. ( Teinture. ) il se dit d'un pétillement que l'on entend dans la cuve, avant qu'elle soit formée ou remise à doux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIMAT Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. FRIMAT FRIMAT, s. m. ( Physiq. ) est la même chose que givre , & ne s'employe guere au singulier, même en Physique. Voyez Givre . On donne aussi en général, & sur-tout en Poesie au pluriel, le nom de frimats à la gelée & à la neige, au verglas, & en général à tous les effets naturels de cette espece, qui caractérisent l'hyver & le froid. Voyez Froid , Glace . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRION Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. FRION FRION, s. m. ( Marine. ) les matelots du Levant se servent quelquefois de ce mot pour signifier un canal ou une passe entre deux îles. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIOUL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRIOUL FRIOUL, ( Géog. ) Foro-Juliensis tractus , & par les Italiens, Patria di Firili ; province de l'état de Venise en Italie. Elle est bornée à l'est par la Carniole, par le comté de Goritz, & par le golfe de Trieste; au sud par celui de Venise; au nord par la Carinthie; à l'oüest, par la Marche Trévisane, le Feltrin, & le Bellunèse. Ce pays, qui a produit des gens célebres dans les Sciences & les Beaux-Arts, peut avoir 23 lieues de l'oüest à l'est, & 17 du sud au nord; il est très-fertile, & arrosé par quelques rivieres, dont le Tajamento & le Lisonzo sont les principales; il appartient en partie aux Vénitiens, & en partie à la maison d'Autriche; Citta di Firili , autrement Udine, en est aujourd'hui la capitale. Voyez Leander Alberti, descript. d'Italie ; Bonifacio, hist. Trévis . Candido, mémor. d'Aquil . Hérodote Parthénopéo, descriz. delle Friuli . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIPÉ Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FRIPÉ * FRIPÉ, adj. ( Gramm. ) il se dit des étoffes, des meubles, &c. On dit qu'une étoffe est fripée , quand elle a perdu l'air neuf qu'on lui remarque au sortir des mains du manufacturier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIPERIE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRIPERIE FRIPERIE, s. f. négoce des vieux habits & des vieux meubles. Ce mot est aussi employé pour signifier le lieu où sont assemblés & où tiennent leurs magasins ceux qui font ce commerce. La compagnie des Fripiers de l'aris est un corps régulier d'ancienne date, qui fait une figure considérable parmi les autres corps de cette ville. Voyez Fripier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIPIER Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FRIPIER * FRIPIER, s. m. ( Comm. ) celui qui est de la communauté de ceux qui achetent, raccommodent, & vendent de vieilles nippes. Cette communauté reçut ses premiers statuts en 1544, & ses derniers en 1665; elle a un syndic & quatre jurés. L'élection du syndic & de deux jurés, se fait tous les ans le jour des cendres. Il y a trois ans d'apprentissage & trois de compagnonage. Ces marchands sont obligés de tenir registre de ce qu'ils achetent, de le payer à-peu-près sa valeur, & quelquefois d'appeller un répondant. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIRE Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=NA FRIRE FRIRE, chez les Cuisiniers , c'est mettre une piece passée par la farine & des oeufs délayés, dans du beurre ou du saindoux chauds, pour l'y faire cuire tout-à-fait ou en partie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISE Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA FRISE FRISE, terme d'Architecture, voyez Entablement . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Frise Frise , ( Marine. ) cet ornement de sculpture se trouve en plusieurs endroits du vaisseau; il y en a une sur la dunette. Voyez Pl. I . n°. 31. une frise sur le côté du vaisseau, au château d'arriere. La frise de l'éperon est faite d'une piece de bois plate, qui regne entre les deux aiguilles de l'éperon, depuis l'étrave jusqu'à la pointe du même éperon. Voyez Pl. IV . fig. I. n°. 183. la frise . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=unknown Normalized Classification=Lutherie Part of Speech=NA Frise Frise , ( Luth. ) cet ornement dans l'orgue, est quelquefois perce à jour; il y en a au haut des tourelles pour retenir les tuyaux par le haut, comme GHI, fig. 1 . & au haut des plates faces, comme KL . Frise est aussi la plate-bande OPMN , qui sert de socle aux tuyaux & vis-à-vis de laquelle les devans de la laie des sommiers sont placés. Cette plate-bande se peut ôter quand on veut, pour ouvrir les laies, & travailler aux soupapes; elles sont retenues dans leur place avec des vis en bois ou des tourniquets semblables à ceux qui retiennent les devans de la laie. Voyez Laie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. Frise Frise , s. f. ( Commerce. ) sorte d'étoffe de laine qui se fabrique principalement à Colchester, en une halle appellée la halle des Hollandois , ou la halle neuve . On a ordonné qu'il ne se feroit à Colchester aucune frise , connue sous les noms de 54, 60, 68, 80, ou 100; mais que deux jours après les avoir fabriquées, on les apporteroit à la halle des Hollandois, pour s'assûrer par l'examen qu'elles étoient bonnes, & ce avant d'avoir été nettoyées ni foulées. Il est défendu aussi aux foulons de recevoir de frises qui n'ont pas été marquées à la halle. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Frise Frise , en terme de Commerce , espece de ratine grossiere qui n'est pas croisée; elle est faite de laine frisée d'un côté. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Frise Frise , ( Comm. ) toile forte & ferme d'un bon usé, mais inférieure en finesse à la toile de Hollande. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=NA Frise Frise , ( Menuis. ) panneau couché dans les lambris entre le panneau du haut & celui d'appui, mais toûjours au-dessus de la frise du lambris d'appui. Voyez Planche d'Architecture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frise Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Frise Frise , Frisia propria , ( Géog. ) une des Provinces-Unies; elle est bornée à l'est par la riviere de Lauwers, qui la sépare de la province de Groningue; au sud par l'Ovérissel; à l'oüest, par le Zuyderzée; & au nord, par la mer d'Allemagne. Cette province peut avoir 12 lieues du sud au nord, & 11 du couchant au levant; son terroir est fertile en bons pâturages, où l'on nourrit quantité de boeufs & de chevaux de grande taille. La Frise se divise en quatre parties, qui sont l'Ostergow, ou partie orientale; le Westergow, ou partie occidentale; le Seven-Wolden, ou les sept forêts; & les Iles. Les villes de l'Ostergow sont Leuwarde & Doreum: celles du Westergow sont Harlingen, port de mer; Franeker, université; Bolswert, ville ancienne, Sneeck, Worcum, Hindelopen, Staveren: le pays de Seven-Wolden, ou des sept Forêts, n'est rempli que de bois & de marécages, & n'a pour ville que Slooten. Les îles sont Ameland, Schelling & Schiermonickoog. Cette province, après s'être jointe à la confédération, choisit pour son Stadhouder le prince d'Orange; & cette charge est depuis héréditaire dans sa famille. Pour ce qui regarde la Frise ancienne, qui a eu diverses bornes, & qui a été divisée différemment selon les révolutions arrivées au peuple nommé Frisii par les Romains, c'est un canos impossible à débrouiller aujourd'hui. On peut cependant consulter les savans qui l'ont entrepris, comme Spener, Altingius, Kempius, Hamconius, & Winsemius. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISER Author=unknown Normalized Classification=Perruquier Part of Speech=v.act. FRISER FRISER, v. act. ( Perruquier. ) c'est l'action de faire prendre des boucles aux cheveux, soit sur la tête de l'homme, soit détachés de sa tête. Sur la tête de l'homme, on les peigne, on en saisit une portion par la pointe, on leur fait faire plusieurs tours sur eux-mêmes, ensorte que la boucle soit en-dessus; on enferme cette boucle dans un papier coupé triangulairement, dont on rabat deux angles l'un sur l'autre, & qu on fixe en le tordant par le bout. Quand tous les cheveux sont ainsi préparés, ce qu'on appelle mis en papillottes , on a un fer plat fort chaud; ce fer a des branches comme une paire de ciseaux; ces branches sont terminées au-delà du clou par deux plaques rondes, fortes, & épaisses; on saisit la papillotte entre ces plaques; on la serre fortement; & l'action de la chaleur fait prendre aux cheveux les tours ou la frisure qu'on leur a donnée; on les peigne derechef; on les oint d'essence ou de pommade; on les poudre; on dispose les boucles comme on le souhaite; on les poudre encore, & la tête est frisée. Quant à la frisure des cheveux détachés de la tête, dont on fait ou des tours de cheveux ou des perruques, voyez l'article Perruque . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Friser les Sabords Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Friser les Sabords Friser les Sabords , ( Marine. ) c'est mettre une bande d'étoffe de laine autour des sabords, qu'on ne calfate pas, afin d'empêcher que l'eau n'entre dans le vaisseau. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Friser les Etoffes de Laine Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Friser les Etoffes de Laine * Friser les Etoffes de Laine ; cette opération s'exécute par le moyen d'une machine. Cette machine sert à velouter en quelque sorte les étoffes de laine, dont elle cache le défaut, en formant dessus une espece de grain, uniformément répandu sur toute sa surface: on y frise cependant des bonnes étoffes; mais pour l'ordinaire, celles qui sont mauvaises ou médiocres, sont soûmises à cette préparation, pour pouvoir les vendre avec plus d'avantage. L'étoffe frisée est-elle bonne pour garantir du froid ou de la pluie? On pense qu'elle n'est bonne ni pour l'une ni pour l'autre chose. Si on veut la faire valoir pour se garantir du froid, il seroit nécessaire de mettre la frisure en-dedans & non en-dehors. Si on veut se garantir de la pluie, le poil relevé n'en Jaisse pas perdre une goutte. Quelle est donc son utilité? Le goût bisarre des hommes les a déterminés à saisir avidement cette invention dont tout le mérite ne consiste que dans la nouveauté. La machine à friser est composée d'une grande cage de plusieurs pieces de bois de charpente. Voyez nos Planches de Draperie . Sa longueur est telle, que les draps les plus larges peuvent y passer librement: deux tables, dont l'une est mobile & l'autre dormante, sont tout le secret de cette invention: la table immobile est un fort madrier de bois de chêne d'environ six pouces d'épaisseur, fortement assemblé avec des sommiers qui traversent les faces latérales. La table mobile est une forte planche de bois de chêne d'environ deux pouces d'épaisseur, enduite par-dessous d'une couche de ciment d'asphalte d'un demi-pouce d'épaisseur, dans lequel on a mêlé des cailloux pilés & non pulvérisés; il faut seulement qu'ils soient réduits à la grosseur de la graine de chenevis. On dresse la face du ciment qui doit porter sur l'étoffe, en frottant la table ainsi chargée sur une grande piece bien droite, sur laquelle on a répandu du grès en poudre, de même que l'on dégrossit les glaces. Voyez à l'art . Verrerie , le travail des glaces . Cette table s'applique sur l'étoffe que l'on a posée sur la premiere, contre laquelle on la fait presser au moyen de plusieurs étrésillons a a a , qui portent par leurs extrémités supérieures contre une planche b b , & par leurs extrémités inférieures sur la table mobile DD . La planche b b , contre laquelle les bâtons ou étrésillons a a a portent par leur partie supérieure, porte elle-même contre trois planches c d, c d, c d , cloüées à la partie inférieure du chassis qui sert de couronnement à la machine; ensorte que les deux tables sont comprimées l'une contre l'autre par la force élastique des planches c d . On serre plus ou moins les tables l'une contre l'autre, en introduisant des calles entre le pié des étrésillons & la table mobile. Pour faire mouvoir cette table, il y a un arbre A B , auquel le mouvement est communiqué, au moyen de la lanterne E , par un manége ou une roue à l'eau. Aux extrémités de cet arbre, qui est horisontal, sont deux roues à couronne, garnies d'un nombre d'aluchons convenable pour faire tourner promptement les deux lanternes G G ; une de ces roues est en-dedans de la cage, & l'autre en-dehors; & leurs aluchons regardent du même côté, pour faire tourner les deux lanternes du même sens: ces deux lanternes, aussi-bien que les roues qui les conduisent, doivent avoir exactement les mêmes nombres. La tige de ces lanternes traverse par sa partie supérieure les sommiers qui soûtiennent la table immobile. La partie inférieure de la tige, qui est faite en pivot, entre dans une crapaudine de cuivre ajustée sur un sommier, placé parallelement & à une distance convenable, au-dessous de celui qui soûtient la table. Plus bas est encore un autre sommier soûtenu par deux tasseaux, qui reçoit sur des coussinets les tourillons du grand arbre AB . La partie supérieure de la tige des lanternes GG , après avoir traversé la table immobile, est un peu coudée, comme on peut voir en X , dans la partie qui traverse la table mobile; ensorte que le centre de ce tourillon décrit un cercle autour de l'axe vrai de la lanterne; ce qui fait décrire à chaque point de la table un semblable cercle: ces cercles peuvent avoir environ quatre lignes de diametre. Par ce moyen ingénieux, chaque pointe de caillou dont la table est parsemée, accroche plusieurs poils de l'étoffe qui doit avoir été chardonnée avant d'être mise à la frise, & en forme une petite houppe; ce qui est ce qu'on se propose de faire: par cette méchanique, ces houppes sont d'autant plus également parsemées sur l'étoffe, que la table mobile l'est de petites pointes de cailloux. Pour retirer l'étoffe d'entre les tables où elle est fortement serrée par les étresillons, on a un arbre cylindrique MN , placé à la partie moyenne & antérieure de la machine, qui est revêtu de vieilles cordes, dont on resserre seulement les basannes armées de leurs pointes; on les attache sur la surface du rouleau, comme elles étoient sur le fût de la carde, observant que la pointe des crocs regarde la partie vers laquelle elles marchent: le mouvement est communiqué à cet arbre par le moyen d'une ou plusieurs roues qui sont menées par une lanterne fixée à l'extrémité de l'arbre AB , à l'autre extrémité duquel est un volant LLLL , dont l'usage est d'entretenir le mouvement & son égalité dans la machine. Voyez Volant . Du rapport des dents des roues IK , & des lanternes OP , dépend la vîtesse du rouleau MN , qui tire à chaque révolution une longueur d'étoffe égale à sa circonférence, par le moyen des pointes dont il est armé, qui accrochent l'étoffe par son envers, & l'amenent insensiblement toute entiere. L'étoffe est guidée à l'entrée & à la sortie d'entre les tables, par deux bâtons très-polis H h . Le bâton h est celui qui conduit l'étoffe entre les tables, à mesure qu'elle s'avance pour être frisée, & l'autre bâton H la guide, après qu'elle a été préparée; ensorte qu'elle entre & qu'elle sort presque horisontalement. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Friser Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Friser Friser , terme d'Imprimerie ; on exprime par ce mot le mauvais effet d'une ligne d'impression qui paroît doublée sur elle-même. Ce défaut provient souvent de la façon dont un ouvrier gouverne sa presse, soit en négligeant de faire de legers changemens dans l'ordre de ses parties, ou de faire rétablir quelques-unes de ses mêmes parties qui se sont affoiblies par l'usage, ou enfin en travaillant non-chalamment & avec inégalité de force & de précision. Dans tous ces cas l'ouvrier peut y remédier; mais il ne le peut jamais si le défaut provient de la mauvaise construction d'une presse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Friser Author=unknown Normalized Classification=Plumasserie Part of Speech=NA Friser Friser , en termes de Plumassier , c'est replier les franges de plumes sur elles-mêmes en forme de boucles de cheveux; ce qui se fait en tirant la plume entre un couteau à friser & le doigt, ou tout autre chose qui a quelque consistance. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISELLES Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. FRISELLES * FRISELLES, s. f. ( Comm. ) petites étoffes moitié coton, qui se fabriquent en Hollande. On les appelle aussi cotonnées . Voyez ce mot . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISOIR Author=unknown Normalized Classification=Fourbisseur | Arquebuserie | Armurier Part of Speech=s.m. FRISOIR FRISOIR, s. m. c'est un des ciselets dont se servent les Fourbisseurs, Arquebusiers, Armuriers , & autres ouvriers qui travaillent en ciselure, pour achever les figures qu'ils ont frappées avec les poinçons ou ciselets gravés en creux, afin d'en fortifier les traits & leur donner plus de relief. Dictionn. de Trévoux. Voyez Damasquinure , & Planche du Fourbisseur , figure 6 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frisoir Author=Diderot Normalized Classification=Friseur d'étoffes Part of Speech=NA Frisoir * Frisoir , en termes de Friseur d'étoffes , est une espece de table DD , de la même longueur & largeur que la table de la machine; elle est percée comme elle à ses deux extrémités, d'un trou recouvert d'une grenouille, mais plus petit. Le frisoir est garni d'une sorte de mastic ou composition de sable, qui tord la laine des étoffes, & est mû circulairement par le fer à friser. Voyez la Planche de la machine à friser , parmi celles de la Draperie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISON Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. FRISON FRISON, s. m. ( Marine. ) ce sont des pots de terre ou de métal, dont on se sert sur quelques vaisseaux pour mettre des boissons. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frison Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Frison Frison , ( Comm. ) mesure des liquides dont on se sert en Normandie. Le frison contient deux pots, qui font environ quatre pintes de Paris. Voy. Pinte . Dict. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISQUETTE Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=s.f. FRISQUETTE FRISQUETTE, s. f. ustensile d'Imprimerie , formée de quatre bandes de fer plates, legeres, assemblées & rivées à leurs extrémités, & formant la figure d'un chassis quarré long. A une des bandes de traverses sont attachés deux couplets, qui sont destinés à être assemblés à deux pareils couplets portés au-haut du tympan: là s'attache la frisquette en passant dans les couplets réunis, des brochettes de fer, que l'on ôte & que l'on remet à volonté. On colle sur la frisquette un parchemin, ou plusieurs feuilles de papier très-fort, & on découpe autant de pages sur la frisquette , qu'il y en a à la forme; le papier blanc posé sur le tympan, on abat la frisquette , & ensuite on fait passer la feuille sous presse, d'où elle revient imprimée sans pouvoir être atteinte d'encre ailleurs qu'aux ouvertures des pages découpées sur la frisquette. Voyez la figure parmi les Planches de l'Imprimerie , où l'on a montré la frisquette d'un in-quarto attachée par le côté 44, au moyen de deux couplets au tympan. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISSON Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.m. FRISSON FRISSON, s. m. ( Medecine. ) c'est un mouvement convulsif très-prompt de la surface du corps, c'est-à-dire des tégumens, qui se fait à l'occasion d'un sentiment de froid externe, causé par l'application subite d'un air, ou de tout autre corps beaucoup plus froid que l'air dont on étoit environné dans l'instant précédent; ou par un embarras de la circulation du sang dans les vaisseaux cutanés, en conséquence duquel embarras la chaleur de la peau est considérablement diminuée, & les nerfs qui en sont affectés de la même maniere, portent à l'ame la même impression que si le froid étoit de cause externe, absolument étrangere au corps. Si ces différentes causes sont de nature à se renouveller ou à subsister, & à produire les mêmes effets pendant un tems considérable, sans interruption, ce mouvement extraordinaire de la peau est le frisson proprement dit; si elles ne sont qu'instantanées, ou qu'elles ne se fassent sentir que par intervalles, la convulsion de la peau est appellée frissonnement comme par diminutif. L'un & l'autre de ces mouvemens contre nature, constituent un véritable tremblement de la peau, dont les causes occasionnelles prochaines & finales ne different que par le siége & l'intensité de celles du tremblement des membres: celui-là, comme celui-ci, peut être produit par le froid, être un symptome de fievre, ou de différentes affections de l'ame: ainsi voyez Tremblement , ( Patholog. ) Fievre , Passion , Nature . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRISURE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRISURE FRISURE, s. f. Voyez Friser . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frisure Author=unknown Normalized Classification=Broderie Part of Speech=NA Frisure Frisure , ( Brod. ) c'est un fil d'or frisé qui se coupe par petits morceaux, & dont on fait un point pour enrichir la broderie, en l'assujettissant sur l'ouvrage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRITILLAIRE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRITILLAIRE FRITILLAIRE, fritillaria , s. f. genre de plante à fleurs liliacées, faites à-peu-près en forme de cloche pendante. Elles sont composées de six feuilles, au milieu desquelles il y a un pistil, qui devient dans la suite un fruit oblong divise en trois loges, qui renferment des semences plates, disposées les unes sur les autres en deux rangs: ajoûtez aux caracteres de ce genre que la racine est composée de deux tubercules, demi-sphériques pour l'ordinaire, & que la tige sort entre ces deux tubercules. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) De tant d'especes de fritillaires connues des fleuristes, nous ne décrirons que la plus commune, fritillaria communis, variegata . C. Bauh. Elle a la racine bulbeuse, solide, blanche, composée de deux tubercules charnus, du milieu desquels s'éleve une tige haute d'environ un pié, grêle, ronde, fongueuse en-dedans, portant cinq, six, ou sept feuilles médiocrement longues, étroites, d'un goût tirant sur l'aigre. Son sommet ne soûtient ordinairement qu'une fleur, quelquefois deux ou trois: cette fleur est fort belle, grande, composée de six pétales qui sont disposés en maniere de cloche panchée, marbrée en façon de damier, de diverses couleurs, purpurine, incarnate, rouge, blanche, très-agréable à la vûe. Lorsque cette fleur est passée, il paroît un fruit oblong, anguleux ou triangulaire, divisé en trois loges remplies de semences applaties. On trouve la fritillaire commune dans des lieux herbeux, dans des bocages, & le long des prairies; mais on la cultive dans les jardins à cause de la beauté de ses fleurs, car elle n'a point de vertus médicinales. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fritillaire Author=Jaucourt Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fritillaire Fritillaire , ( Jard. ) c'est dans les jardins des Fleuristes & des curieux, qu'on voit un grand nombre d'especes de fritillaires , toutes variées, colorées, & diversement panachées. Cette fleur paroît l'été, & demande à être dans des pots plûtôt que dans les planches d'un parterre. Elle aime le frais, & veut quelques arrosemens pendant les grandes chaleurs. Il lui faut sur-tout une bonne terre grasse, fraîche, legere, un peu détrempée avec du tan jusqu'à la profondeur de quatre doigts. Les bulbes de ses racines en perpétuent l'espece; mais en peut aussi multiplier les fritillaires , en plantant leurs rejettons dans un carreau de terre naturelle enrichie de tan, & elles seront en état d'être transplantées dans des pots à la troisieme année: alors on les levera au mois de Septembre; & comme elles sont sujettes à pourrir, il faut les tenir un peu seches pendant l'hyver & les placer dans la serre, à un endroit de chaleur médiocre. Consultez Miller, il vous apprendra l'art de perfectionner la culture de ces sortes de fleurs, d'après les diverses méthodes qu'on peut employer pour leur multiplication. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRITON ou FRITEAU Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FRITON ou FRITEAU FRITON ou FRITEAU, poisson d'eau douce, semblable aux muges fluviatiles par les nageoires, par la figure de la queue, & par la qualité de la chair. Il n'a qu'une palme de longueur. Rond. hist. des poiss. de riviere, chap. xv. Voyez Poisson . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRITTE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FRITTE * FRITTE, s. f. c'est la matiere même du verre dont on doit remplir les pots; mais qu'on a mis auparavant à calciner, pour en séparer toutes les matieres grasses, huileuses & autres, qui porteroient, sans cette précaution, quelque couleur sale dans le verre. Il y a des fours particuliers pour cette calcination; on les appelle fours à fritte. Voyez nos Plan- ches de Verrerie , & leur explication. a a gueule du four, b b b cendrier, c c c grille pour le bois, d d d barres de travers sur lesquelles on pose la grille pour le charbon, k coupe verticale du four, m m cheminée, o chambre à mettre le bois & à allumer le feu, p le mur de devant, n place à mettre sécher le sable. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRITZLAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRITZLAR FRITZLAR, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne enclavée dans la basse-Hesse, sur la riviere d'Eder, entre Cassel & Marpurg, à six lieues S. O. de Cassel, à douze de Marpurg, & à quatres S. E. de Waldeck. Cette ville, qu'on conjecture être l'ancienne Bogadium , ou du-moins bâtie sur ses débris, a été impériale & libre; mais elle appartient maintenant, avec son petit territoire, à l'archevêque de Mayence. Voyez Zeyler, Mogunt. archiep. topog . Dilichius, chroniq. de Hesse; Crantz, hist. saxonne; Serrarius, hist. rer. Mogunt; Hubner, géog. Long. 26 d . 55'. lat. 51 d . 61 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRIVOLITÉ Author=Saint-Lambert5 Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. FRIVOLITÉ FRIVOLITÉ, s. f. ( Morale. ) elle est dans les objets, elle est dans les hommes. Les objets sont frivoles , quand ils n'ont pas nécessairement rapport au bonheur & à la perfection de notre être. Les hommes sont frivoles , quand ils s'occupent sérieusement des objets frivoles , ou quand ils traitent legerement les objets sérieux. On est frivole , parce qu'on n'a pas assez d'étendue & de justesse dans l'esprit pour mesurer le prix des choses, du tems, & de son existence. On est frivole par vanité, lorsqu'on veut plaire dans le monde, où on est emporté par l'exemple & par l'usage; lorsqu'on adopte par foiblesse les goûts & les idées du grand nombre; lorsqu'en imitant & en répétant, on croit sentir & penser. On est frivole , lorsqu'on est sans passions & sans vertus: alors pour se délivrer de l'ennui de chaque jour, on se livre chaque jour à quelque amusement, qui cesse bien-tôt d'en être un; on se recherche sur les fantaisies, on est avide de nouveaux objets, autour desquels l'esprit vole sans méditer, sans s'éclairer; le coeur reste vuide au milieu des spectacles, de la philosophie, des maitresses, des affaires, des beaux arts, des magots, des soupers, des amusemens, des faux-devoirs, des dissertations, des bons mots, & quelquefois des belles actions. Si la frivolité pouvoit exister long-tems avec de vrais talens & l'amour des vertus, elle détruiroit l'un & l'autre; l'homme honnête & sensé se trouveroit précipité dans l'ineptie & dans la dépravation. Il y aura toûjours pour tous les hommes un remede contre la frivolité; l'étude de leurs devoirs comme hommes & comme citoyens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROC Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. FROC * FROC, s. m. ( Gramm. ) il se dit du vêtement & de l'état religieux; c'est proprement la partie de l'habit monacal qui couvre la tête. Il y a des frocs de toutes sortes de figures, grace à la bisarrerie & à la multitude des fondateurs d'ordres. On dit d'un homme il a pris, il a quitté le froc , pour signifier qu'il est entré en couvent, ou qu'il en est sorti. Voyez Capuchon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froc Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Froc * Froc , ( Comm. ) étoffe grossiere qui se fabrique à Bolbec, Gruches, & autres lieux de Caux. Le froc large a au-moins cinquante-deux portées de trente-deux fils chacune, dans des rots de cinq quarts moins un seize entre les doublets ou lisieres, pour être au retour du foulon, le foible, de trois quarts & demi de largeur entre les lisieres, & le fort de trois quarts. Le premier de vingt-six aulnes de long; le second de vingt quatre. Le froc ordinaire est ordonné au-moins de trente-six portées de trente-deux fils chacune, dans des rots d'une aulne moins un seize entre les doublets ou lisieres, pour être au retour du foulon, le foible de deux tiers de large, le fort de demi-aulne un seize. Il ne peut excéder vingt-six aulnes de long en foible, & vingt-quatre en fort. Il faut que le froc en foible, de trois quarts & demi & de deux tiers de large, où il y a de l'agnelin tondu à dos, soit distingué par une lisiere, composée de douze filets teints en bleu; & le froc en sort de trois quarts de large, ou de demi-aulne un seize, où il y aura aussi de l'agnelin tondu à dos, soit aussi désigné par deux entre-battes, l'une à la tête, l'autre à la queue, de chaque côté du froc; chaque entre-batte de douze fils teints en bleu. Il n'est permis d'y employer que des laines de France, & des agnelins tondus à dos. Il est défendu de le fabriquer avec plis, peignons, bourres, moraines, & autres matieres de mauvaise qualité. Le froc en foible pour doublure, doit avoir vingt-six portées de trente-deux fils chacune, dans des rots de la largeur au-moins de 1/2 aulne plus 1/12, entre les lisieres, liteaux ou doublets, pour être au retour du foulon de demi-aulne, & ne peut excéder vingt-six aulnes de long. Les lisieres, liteaux ou doublets de froc en foible de demi-aulne de large, sont de laine bege ou bleue de bon teint. Voyez les réglemens des manufactures . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frocs ou Fros Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Frocs Frocs ou Fros , ( Jurispr. ) sont des terres en friche, des lieux publics & communs à tous; en quelques endroits, frocs sont les chemins publics. On écrit ailleurs fraux. Voyez ci-devant Fraux . Il en est parlé dans l'ancienne coûtume d'Amiens, dans celles de Saint-Omer, de Teroüanne, Ponthieu, Artois. Voyez le glossaire de Ducange, au mot froccus . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROID Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FROID FROID, adj. qui sert à désigner dans les corps une qualité sensible, une propriété accidentelle appellée froid. Voyez l'article suivant . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=Ratte Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. Froid Froid , s. m. ( Physiq. ) Le mot froid pris substantivement a deux acceptions différentes; il signifie proprement une modification particuliere de notre ame, un sentiment qui résulte en nous d'an certain changement survenu dans nos organes, tel est le changement que l'on a quand on touche de la neige ou de la glace. On se sert aussi de ce même mot pour désigner une des propriétés accidentelles de la matiere, pour exprimer dans les corps l'état singulier dans lequel ils peuvent exciter en nous la sensation dont on vient de parler. Voyez Sensation & Perception . Voyez aussi Propriété & Qualité . La sensation de froid est connue autant qu'elle peut l'être par l'expérience; elle n'a pour nous d'autre obscurité, que celle qui est inséparable de toute sensation. Pour développer la nature du froid , considéré dans les corps comme une propriété ou qualité sensible, il est nécessaire d'en exposer d'abord les principaux offets; ils sont pour la plûpart entierement opposés à ceux que produit la chaleur. Voyez Chaleur & Feu . Les corps en général tant solides que fluides, se raréfient en s'échauffant, c'est-à-dire que la chaleur augmente leur volume & diminue leur pesanteur spécifique; le froid au contraire les condense, il les rend plus compacts & plus pesans, ce qui doit être entendu, comme on le verra bien-tôt, avec quelques restrictions. Cette condensation est plus grande, quand le degré de froid qui l'opere est plus vif. Les corps les plus durs, tels que les métaux, le marbre, le diamant même, à mesure qu'ils se refroidissent, se réduisent comme les autres corps à un moindre volume. L'eau & les liqueurs aqueuses suivent cette loi, jusqu'au moment qui précede leur congelation; mais en se gelant & lorsqu'elles sont gelées, elles semblent sortir totalement de la regle: elles se dilatent alors très sensiblement & diminuent de poids par rapport à l'espace qu'elles occupent; plus le froid est violent, plus la dilatation qu'elles éprouvent dans cet état est considérable. Il y a beaucoup d'apparence, comme M. d'Alembert l'a remarqué ( article Condensation ), & comme nous le ferons voir nous-mêmes à l' article Glace , que ce phénomene dépend d'une autre cause que de l'action immédiate du froid sur les parties intégrantes des liquides dont nous par lons. Les huiles se condensent toûjours par le froid , soit avant leur congelation, soit en se gelant, & sur-tout lorsqu'elles sont gelees. Les graisses, la cire, les métaux fondus (à l'exception du fer qui dans les premiers instans qu'il perd la liquidité qu'il avoit acquise par la fusion, se trouve, suivant les observations de M. de Reaumur, dans le même cas que les liqueurs aqueuses); tous ces corps, dis-je, & d'autres semblables rendus fluides par l'action du feu, à mesure qu'ils se refroidissent, se resserrent toûjours de plus en plus, & occupent constamment un moindre volume. Le froid lie les corps; il leur donne de la fermeté & de la consistance; il augmente la solidité des uns, il diminue la fluidité des autres; il rend même entierement solides la plûpart de ces derniers, lorsqu'il a atteint un certain degré, susceptible de plusieurs variétés déterminées par les circonstances, & qui d'ailleurs n'est pas le même, à beaucoup près, pour tous les fluides dont il est ici question. On ne sauroit nier au-moins qu'il n'accompagne toûjours la congelation. Le froid produit beaucoup d'autres effets moins généraux, qui paroissent se rapporter à ceux que nous venons d'indiquer. Les Philosophes ne sont pas d'accord sur la nature du froid . Aristote & les Péripatéticiens le définissent une qualité ou un accident, qui réunit ou rassemble indifféremment les choses homogenes, c'est-à-dire de la même nature & espece, & les choses hétérogenes, ou de différente nature; c'est ainsi, disent-ils, que nous voyons pendant la gelée le froid unir tellement ensemble de l'eau, des pierres, du bois, & de la paille, que toutes ces choses semblent ne plus composer qu'un seul corps. Cette définition est opposée à celle que ces mêmes philosophes nous ont donnée de la chaleur, dont le caractere distinctif, selon eux, est de rassembler des choses homogenes, & de désunir les hétérogenes. Il y a dans cette doctrine beaucoup d'illusion & d'erreur: il est faux que le froid rassemble toûjours indifféremment toutes sortes de corps. Quand on expose dans nos climats du vin, du vinaigre, de l'eau-de-vie à une forte gelée, ces liqueurs se décomposent; la partie aqueuse du vin, par exemple, est la seule qui se glace; l'esprit conserve sa fluidité, & le tartre se précipite. On voit ici une vraie séparation de plusieurs substances, une entiere desunion. En second lieu, les mots d'accident, de qualité, & tous les autres semblables, n'éclaircissant rien par eux-mêmes, il faut y joindre des explications particulieres. Epicure, Lucrece, & après eux Gassendi, & d'autres philosophes corpusculaires, regardent le froid comme une propriété de certains atomes ou corpuscules frigorifiques absolument différens par leur nature & leur configuration des atomes ignés, qui selon les mêmes philosophes sont le principe de la chaleur. Le sentiment de froid dépend de l'action de ces corpuscules frigorifiques sur les organes de nos sens. On verra dans la suite de cet article ce qu'il faut penser de cette opinion. Selon la plûpart des physiciens modernes, le froid en général n'est qu'une moindre chaleur. Ce n'est dans les corps qu'une propriété purement relative; un corps qui possede un certain degré de chaleur est froid par rapport à tous les autres corps plus chauds que lui; & il est chaud, si on le compare à des corps dont le degré de chaleur soit inférieur au sien. Les glaces d'Italie sont froides comparées à de l'eau dans son état ordinaire de liquidité; mais par rapport aux glaces du Groënland, elles sont chaudes: l'eau bouillante est froide relativement au fer fondu, Suivant cette idée, nul corps. s'il n'est privé de toute chaleur, ne sauroit être absolument froid . Nous appellons froids , dit M. s'Gravesande, element. physic. lib. III. pag. l. cap. vj. pr. edit . les corps moins chauds que les parties de notre corps, auxquelles ils sont appliqués, & qui par cela même diminuent la chaleur de ces parties, comme nous nommons chauds , ceux qui augmentent cette chaleur. A notre égard, le froid , continue le même auteur, n'est que le sentiment qu'excite en nous la diminution de chaleur que notre corps éprouve. Il y a de la chaleur, ajoûte-t-il, dans un corps que nous nommons froid ; mais une chaleur toûjours moindre que celle de notre corps, puisqu'elle diminue celle-ci. Voyez cet auteur à l'endroit que nous venons de citer ; Mariotte, troisieme essai de physique ; Musschenbroek, essai de physique, tome I. chap. xxvj. vers la fin ; Hamberger, element. physic. n°. 493 & seq. &c. Qu'est-ce qu'une moindre chaleur? La réponse à cette question dépend visiblement de l'idée qu'on doit se former de la chaleur en général; on sait que les Physiciens sont partagés sur cet article. Le plus grand nombre persuadés que le feu est un corps particulier distingué de tous les autres, croyent que la seule présence de ce même feu mis en mouvement, constitue la chaleur. C'est le sentiment le plus vraissemblable, & qui paroit le mieux s'accorder avec l'observation. Voyez Feu & Chaleur . Au reste, comme la chaleur dans tous les systèmes imaginés jusqu'ici pour en expliquer la nature, est susceptible d'augmentation & de diminution, il est clair que dans chacun de ces systèmes particuliers, le froid peut toûjours être conçû comme une chaleur affoiblie. Cette maniere de le concevoir est simple & naturelle; elle ne multiplie point les principes sans nécessité; elle rend raison des phénomenes. Pour les expliquer, elle n'a point recours à de vaines suppositions; la diminution de chaleur & la force de cohésion suffisent à tout. J'entends ici par force de cohésion , celle que tous les Physiciens admettent sous ce nom, par laquelle les parties qui composent les corps, tendent les unes vers les autres, s'unissent entr'elles, ou sont disposées à s'unir. Voyez Cohésion . Cette force qui est si obscure dans son principe, & si sensible dans la plûpart des effet, qu'elle produit, est sans cesse en opposition avec la chaleur. Ce sont deux agens, qui par la contrariété de leurs efforts toûjours subsistans, peuvent se surmonter réciproquement. L'un des deux ne sauroit un peu s'affoiblir, que l'autre à l'instant ne rentre, si je puis m'exprimer ainsi, dans une partie de ses droits. On voit par-là, que quand la chaleur qui écartoit les parties des corps les unes des autres vient à diminuer, ces mêmes parties se rapprochent aussi-tôt par leur cohésion mutuelle, d'autant plus que leur chaleur s'est plus affoiblie. Ainsi les corps qui, généralement parlant, se raréfient tous à mesure qu'ils s'échauffent, doivent se condenser quand leur chaleur diminue, pourvû toutefois que nul agent physique différent de la chaleur ne s'oppose d'ailleurs à cette condensation. Voyez Cohésion & Attraction . Ce n'est point precisément par le défaut de chaleur (on ne peut trop le faire remarquer) que les corps se réduisent à un moindre volume. Un tel effet pourroit-il dépendre d'une simple privation, d'un être purement négatif? Non sans doute, c'est la force de cohésion qui condense les corps; une moindre chaleur n'est ici qu'une résistance plus ou moins diminuée, qu'un obstacle plus facile à surmonter. Ne perdons point de vûe ce principe incontestable que la cohésion des parties intégrantes des corps est d'autant plus forte, que la chaleur est plus affoiblie. Il suit évidemment de-là qu'un corps en devenant moins chaud, acquiert plus de fermeté & de consistance. Si la solidité & la fluidité dépendent essentiellement, comme on ne sauroit en disconvenir, du plus ou du moins de cohésion; si par une conséquence nécessaire la chaleur doit être regardée comme une des principales causes de la fluidité, quelle difficulté y aura-t-il à concevoir qu'un corps auparavant fluide, devienne par une plus sorte adhésion des parties qui le composent, une masse entierement solide, quand il aura été privé d'une partie de sa chaleur? Nous venons de déduire la formation de la glace de l'idée du froid , conçû comme une moindre chaleur. Musschenbroek, quoiqu'attaché à cette même idée, explique autrement la congelation: le froid & la gelée ont beaucoup moins de rapport, selon lui, qu'on ne l'imagine communément. Il regarde le froid comme la simple privation du feu, & il croit que la gelée est l'effet d'une matiere étrangere, qui s'insinuant entre les parties d'un liquide, fixe leur mobilité respective, les attache fortement ensemble, les lie en quelque maniere, comme feroit de la colle ou de la glu. La présence de cette matiere tantôt plus, tantôt moins abondante dans l'air, & la facilité qu'elle a d'exercer son action en certaines saisons & en certains climats, supposent la réunion de plusieurs circonstances, dont le froid , s'il en faut croire l'illustre auteur que nous citons, n'est pas toûjours la plus essentielle. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner en détail cette explication. Voyez Glace . Qu'on la rejette on qu'on l'adopte, le froid entant qu'il influe plus ou moins sur la formation de la glace, pourra toûjours être conçû comme une moindre chaleur. C'est encore à l'introduction de cette matiere étrangere, que le même Musschenbroek attribue l'augmentation du volume de l'eau glacée. Essai de physique, tome I. chap. xxv . D'autres physiciens en très-grand nombre, pensent que l'air contenu dans l'eau forme différentes bulles, qui se dilatant par leur ressort, sont l'unique cause de cet effet. Il y en a qui ont eu recours au dérangement des parties d'eau, en vertu de leur tendance à former entr'elles certains angles déterminés. Voyez M. de Mairan, dissert. su la glace, pages 169 & suiv . M. de Reaumur admet un déplacement dans les parties du fer fondu, pour rendre raison de la dilatation qu'éprouve ce métal, dans l'instant qu'il perd sa liquidité acquise par la fusion. Toutes ces explications qui rapportent le phénomene dont il s'agit, à des causes particulieres, différentes de l'action générale du froid , ont chacune leur probabilité, comme nous le verrons à l' article Glace . Ce qu'il est important d'observer ici, c'est qu'elles ne donnent aucune atteinte à l'idée du froid conçû comme une moindre chaleur, & qu'elles laissent subsister entierement le principe que nous avons établi, que les corps dont la chaleur diminue se condensent de plus en plus, quand rien d'ailleurs ne s'oppose à leur condensation. Si nous considérons dans les corps froids l'action qu'ils exercent sur nos organes, nous n'aurons pas de peine à comprendre comment un corps moins chaud que les parties de notre corps auxquelles il est appliqué, peut en diminuant la chaleur de ces mêmes parties, exciter en nous la sensation de froid . Et premierement il est clair que l'application d'un tel corps doit diminuer le degré de chaleur de nos organes, suivant ce principe général, que deux corps inégalement chauds étant contigus, le plus chaud des deux communique de la chaleur à l'autre, & en perd lui-même. D'un autre côté, cette diminution de chaleur introduisant dans nos organes un véritable changement, pourquoi la sensation de froid n'en pourroit-elle pas résulter? Consultons l'expérience; elle nous apprendra que la sensation de froid est relative à l'état actuel de l'organe du toucher, de sorte qu'un corps est jugé froid , quand il est moins chaud que les parties de notre corps auxquelles il est appliqué, quoiqu'à d'autres égards le degré de sa chaleur soit considérable. C'est par cette raison que des caves d'une certaine profondeur, qui réellement sont plus chaudes en été qu'en hyver, nous paroissent si froides dans la premiere de ces deux saisons, & si chaudes dans la derniere. Voyez Caves . Il arrive souvent en été, qu'un orage succede à des chaleurs excessives & suffocantes. A peine cet orage est-il passé, que l'air semble se rafraîchir, & que cette grande chaleur est suivie d'un froid très-incommode. Nos corps sont vivement affectés de ce prompt changement; ils frissonnent, & l'on diroit presque qu'on est au milieu de l'hyver. Cependant le thermometre prouve que cet air, qui paroît si froid , est réellement si chaud, que s'il l'étoit à ce point en hyver, nous ne serions pas en état d'en supporter la chaleur. En effet, si dans le tems de la plus forte gelée, on excitoit dans une chambre un degré de chaleur, qui, au rapport du thermometre, seroit le même absolument que celui qu'a l'atmosphere au mois d'Août, après quelqu'un de ces orages, dont on vient de parler, il n'y auroit aucun homme, qui sortant d'un lieu découvert, où il auroit été exposé pendant quelque tems à un air froid , pût soûtenir la chaleur de cette chambre sans tomber en défaillance. Boerhaave, Chim. tom. I. tract. de igne . Les voyageurs nous disent que les nuits de certains pays situés sur la zone torride, sont quelquefois si froides , qu'elles causent des engelures aux Européens même établis depuis quelque tems dans ces pays. Ces mêmes nuits seroient jugées fort tempérées dans d'autres climats. Voyez observ. physiq. & mathém. faites aux Indes & à la Chine, dans les anciens mémoires de l'académie, tome VII. part. XI . Il seroit facile de multiplier ces sortes d'exemples, mais ceuxci sont plus que suffisans pour prouver que la sensation de froid peut être facilement conçûe comme une perception confuse de l'impression que fait sur nous une moindre chaleur. Tous les autres effets du froid s'expliquent avec la même facilité par la simple notion d'une chaleur affoiblie. Cette idée se soûtient toûjours parfaitement dans l'application qu'on en fait au détail des phénomenes. Eile est d'ailleurs d'une grande simplicité. Par ces deux raisons elle doit être préférée. Imaginer d'autres systèmes, ce seroit s'écarter de la premiere regle de Newton, suivant laquelle on ne doit admettre pour l'explication des effets naturels, que des causes réellement existantes, propres à rendre raison de ces mêmes effets. C'est en vain qu'on auroit recours à des parties frigorifiques, dont l'existence, pour ne rien dire de plus, n'est nullement prouvée On ne nie pas que certaines particules subtiles s'introduisant dans les pores d'un corps ne puissent en chasser le feu, au moins en partie, & on conviendra de même qu'elles pourront diminuer le mouvement intestin des parties du corps, si, comme le prétendent quelques philosophes, un certain mouvement déterminé constitue la chaleur. C'est en agissant de la sorte que les sels communiquent en se fondant un nouveau degré de froid à la neige ou à la glace pilée. Mais outre qu'il n'est pas prouvé que les corpuscules salins ou d'autres particules de cette espece se trouvent toûjours par-tout où il y a diminution de chaleur; il est certain d'ailleurs que ces sortes de particules ne sont point frigorifiques dans le sens qu'on attache communement à ce terme. Les Gassendistes & ceux qui pensent comme eux à cet égard, designent par-là des parties, qui non-seulement chassent le feu des corps, mais qui de plus exercent une action partieuliere sur les organes de nos sens, en se repliant autour des filamens de la peau, en les serrant & les tiraillant; ce qui cause ce sentiment vif & piquant que nous appellons froid . Or l'existence de ces sortes de parties n'est constatée, comme je l'ai déjà dit, par aucun phénomene. Voyez ce qu'on dira ci-après du froid artificiel . Le froid n'étant qu'une chaleur affoiblie, le plus grand degré de refroidissement d'un corps est la privation de toute chaleur. Un corps refroidi à ce degré seroit froid absolument & à tous égards; ainsi on a raison de donner à cette extinction totale de chaleur le nom de froid absolu . Il y a apparence qu'un tel froid n'existe point dans la nature. La chaleur tend toûjours à se répandre par-tout uniformément. Ainsi nul corps n'est probablement exempt de toute chaleur. En voilà assez sur la nature du froid . Il est tems de parler des causes qui peuvent opérer le refroidissement des corps, ou ce qui est le même, diminuer leur chaleur. Ces causes sont en grand nombre. les unes purement naturelles, agissent d'elles mêmes en certaines ci-constances; les autres, pour produire leur effet, attendent que l'art ou l'industrie huma ne les mette en action; de-là la division du froid en naturel & artificiel . Du froid naturel . Le froid naturel, comme nous venons de le dire, doit sa naissance à des cautes purement naturelles, à des agens que l'art des homme; n'a point excités, mais qu obéissent simplement aux lois générales de l'univers. Tel est le froid qui se fait sentir en hyver dans nos climats; tel est celui qu'éprouvent les habitans des zones glaciales pendantl a plus grande partie de l'année. C'est dans l'air de notre atmosphere que le froid dont il est ici question s'excite le plus promptement; les autres corps placés sur la superficie de notre globe reçoivent les mêmes impressions; ce froid penetre enfin dans l'intérieur de la terre, jusqu'à une profondeur qui excede rarement 90 ou 100 piés. Tout ceci ne suppose qu'une chaleur simplement diminuée. Or une grande partie de la chaleur des corps terrestres venant de l'action que le soleil exerce sur eux, il est évident que tout ce qui affoiblit cette action doit par-là même contribuer au froid . On a vû au mot Chaleur quelles sont les causes générales du chaud en été, & du froid en hyver, c'est pourquoi nous y renvoyons. Les causes particulieres & accidentelles du froid en se mêlant avec la cause générale, empêchent qu'on ne puisse reconnoitre ce qui appartient précisément à celle-ci. Ces causes accidentelles sont de plusieurs sortes. Celles qu'on a raison de regarder comme les principales, sont la situation particuliere des lieux, la nature du terrein, l'élevation ou la suppression de certaines vapeurs ou exhalaisons, les vents. Plusieurs pays sont par leur situation particuliere beaucoup plus froids que leur latitude ne semble le comporter. En général plus le terrein d'un pays est élevé, plus le froid qu'on y éprouve est considérable. C'est une chose constante qu'à toutes les latitudes & sous l'équateur même la chaleur diminue, & le froid augmente, à mesure qu'on s'éloigne de la surface de la terre; de-là vient qu'au Pérou, dans le centre même de la zone torride, les sommets de certaines montagnes sont couverts de neiges & de glaces que l'ardeur du soleil ne fond jamais La rareté de l'air toûjours plus grande dans les couches plus élevées de notre atmosphere, paroît être la principale caute de ce phénomene. Un air plus rare & plus subtil étant plus diaphane, doit recevoir moins de chaleur par l'action immédiate du soleil. En effet, quelle impression pourroient faire les rayons de cet astre sur un corps qui se laisse traverser presque sans obstacle? La chaleur du soleil refléchie par les particules de l'air échauffe beaucoup plus que la chaleur directe. Or les particules d'un air subtil étant fort écartées les unes des autres, les rayons qu'elles réfléchissent sont en trop petite quantité. A cette raison générale, ajoûtons pour expliquer le froid qui se fait sentir sur le sommet des montagnes, que le soleil n'éclaire chacune des faces d'une montagne que pendant peu d'heures; que les rayons sont souvent reçûs fort obliquement sur ces différentes faces; que sur une haute pointe de rochers fort escarpés, laquelle est toûjours d'un très-petit volume, la chaleur n'est point fortifiée comme dans une plaine horisontale par une multitude de rayons, qui refléchis sur la surface de la terre, se croisent & s'entrelacent dans l'air de mille manieres différentes, &c. M. Bouguer, relation abregée du voyage fait au Pérou , à la tête du livre intitulé la figure de la terre déterminée par les observations , &c. Les pays situés vers le milieu des grands continens sont en général plus élevés que ceux qui sont plus voisins de la mer; aussi fait-il plus de froid dans les premiers que dans les derniers, toutes choses d'ailleurs égales. Moscou par cette raison est beaucoup plus froid qu'Edimbourg, quoique les latitudes de ces deux villes different à peine de quelques minutes. La nature du terrein mérite une considération particuliere. Rien n'est plus ordinaire que de voir arriver au milieu même de l'été, de grands froids & de très-fortes gelées dans les pays dont le terrein contient beaucoup de salpetre, comme par exemple, à la Chine & dans la Tartarie chinoise. La plûpart des sels fossiles, & sur-tout le sel ammoniac, lorsqu'il s'en trouve dans les terres, produisent de semblables effets. Voyez ce que dit M. de Tournefort, voyage du levant, lettre 18 . du grand froid qu'il éprouva dans le mois de Juin aux environs d'Erzerom, ville capitale de l'Arménie, pays abondant en sel ammoniac naturel. On doit remarquer qu'Erzerom n'est tout au plus qu'au 40°. degré de latitude. En parlant du froid artificiel , nous verrons que les sels ont la propriété de refroidir l'eau dans laquelle ils sont dissous. Il suit de-là que des terres chargées de sels, pourvû qu'elles se trouvent fort humides, peuvent acquérir indépendamment de la cause générale des saisons, un degré de froid considérable. La froideur du terrein se communique en partie à l'air; & si comme le prétendent plusieurs physiciens, l'action du soleil ou quelque autre cause fait élever dans l'atmosphere une assez grande quantité de corpuscules salins, le froid redouble, ces corpuscules refroidissant les molécules d'eau dispersées & soûtenues dans l'air. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pag. 42 & suiv . Il y a dans l'intérieur de la terre, au-moins jusqu'à une certaine profondeur, un fond de chaleur qui n'est nullement assujetti à la vicissitude des saisons. La température assez constante de certaines caves, des mines, & de la plûpart des lieux un peu profonds, les sources d'eaux chaudes, les volcans, les tremblemens de terre, & mille autres phénomenes en sont la preuve incontestable. Je n'examinerai point si cette chaleur a sa source dans un feu central, ou si elle dépend principalement de la nature du soufre & de certains minéraux qui se trouvent abondamment dans les entrailles de la terre. Tout ce qu'il importe de considérer ici, c'est que la terre indépendamment de l'action du soleil, doit pousser hors d'elle-même des vapeurs chaudes, quand rien ne s'y oppose d'ailleurs. Or ces vapeurs chaudes une fois admises, il est clair que la quantité qui s'en eleve en différens tems & en différens pays, doit variet à cause des fréquens changemens qui arrivent dans l'intérieur de la terre; & il n'est pas moins évident qu'on ne peut supprimer en tout ou en partie ces mêmes vapeurs, sans que la chaleur qui en résultoit sur la terre & dans l'air n'en soit diminuée, ou ce qui revient au même, le froid augmenté. Plusieurs causes locales, telles que des bancs de rochers, des nappes d'eau soûterreines, & même en certains endroits des amas de glaces, peuvent intercepter les vapeurs dont nous parlerons. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pp. 55. & suiv. Voyez Feu central , Terre , Tremblement de Terre , &c. Tout ce qui vient d'être dit, sert à rendre raison de certains froids excessifs très-peu proportionnés à la latitude des lieux où on les éprouve. Les hyvers sont beaucoup plus rigoureux en Sibérie entre les 55 & 60 degrés de latitude, que dans la plûpart des autres pays situés entre les mêmes paralleles. C'est que la Sibérie, si on s'en rapporte aux rivieres qui y prennent leur source, est peut-être le pays du monde le plus élevé; que le terrein y est fort compacte; qu'il abonde en nitre & en autres sels; que presque toûjours on y trouve en plusieurs endroits de la glace à quelques piés sous terre, & que cette glace s'étend vraissemblablement à une très-grande profondeur. Nous verrons ailleurs comment ces amas de glace peuvent se conserver sous terre, la chaleur de l'été n'étant pas assez forte pour les fondre entierement. Voyez Glace . On éprouve à la baie de Hudson sous la latitude de 57 degrés 20 minutes, un froid pour le moins aussi grand que celui qui se fait sentir en Sibérie. En général il regne un froid extrème dans le nord-oüest de l'Amérique. Le célebre M. Halley conjecture que cette partie du nouveau monde étoit située autrefois beaucoup plus près du pole; qu'elle en a été éloignée par un changement considérable arrivé il y a fort long-tems dans notre globe. Il regarde en conséquence le froid qu'on ressent actuellement dans ces contrées, comme un reste de celui qu'elles éprouvoient dans leur ancienne position, & les glaces qu'on y trouve en très-grande quantité, comme les restes de celles dont elles étoient autrefois couvertes, qui ne sont pas encore entierement fondues. L'air froid de la Sibérie ou de la baie de Hudson étant emporté par les vents dans d'autres régions, y doit augmenter considérablement la rigueur de l'hyver. Il fait beaucoup de froid dans la partie méridionale de la Tartarie moscovite ou chinoise, par certains vents qui viennent de la Sibérie. De même les vents qui soufflent du nord-oüest de l'Amérique, causent un froid extrème dans le Canada. C'est probablement la principale raison pour laquelle Quebec & Astracan, placés à-peu-près sous les latitudes de 46 ou 47 degrés, éprouvent des froids très-supérieurs à ceux qu'on ressent en l'rance sous les mêmes paralleles. Les vents ont une influence très-marquée sur les vicissitudes des saisons; ils ne rafraîchissent point l'air par leur mouvement, mais ils apportent souvent avec eux l'air de certaines régions plus froides que la nôtre: ce qui fait le même effet. Dans notre hémisphere boréalle vent de nord est froid , principalement en hyver, parce que les pays d'où il vient sont plus froids par leur position que ceux où sa direction le porte. Il faut dire le contraire du vent de sud, qui dans notre hémisphere souffle des pays chauds vers les pays froids . Il est aisé de comprendre que dans l'hémisphere austral le vent de nord est chaud, & le vent du midi froid . Il suffit de considérer ce qui arrive dans notre hémisphere. Puisque généralement parlant, le vent de nord y est froid , & le vent du midi chaud, les plus grands froids doivent se faire sentir en hyver par le vent de nord, ou par ceux de nord-oüest, de nordest, &c. qui participent plus ou moins à la froideur du premier. C'est aussi ce que l'on observe le plus communément. On remarque souvent en hyver que quand le vent passe subitement du sud au nord, un froid vif & piquant succede tout-à-coup à une assez douce température. La raison de ce dernier changement est facile à trouver. Quand le vent de sud regne en hyver, l'air est plus échauffé par ce vent qu'il ne le seroit par la seule action des rayons du soleil. Cependant la chaleur dans ces circonstances est encore assez foible; puisque dans les provinces méridionales de la France, le vent étant au sud dans les mois de Décembre, de Janvier, & de Février, le thermometre de M. de Réaumur ne s'éleve guere le matin qu'à 6 ou 7 degrés au-dessus de la congelation, & l'après-midi à 10 ou 11 degrés. La seule privation du vent de sud doit donc causer dans l'atmosphere un refroidissement, qui sans être fort considérable, ira bien-tôt jusqu'à un terme fort approchant du terme de la glace dans des pays qui ne sont pas extrèmement froids . Si nous ajoûtons que le vent de nord augmente le refroidissement, nous verrons clairement pourquoi le froid est déjà assez vif, lorsqu'à peine le vent le nord a commencé de souffler. Si le vent de nord est déterminé à souffler en même tems sur une grande partie de la surface de notre globe, le froid pourra commencer en même tems dans des pays fort éloignés. Le froid est plus général ou plus particulier, selon que le vent de nord qui l'amene regne sur une plus grande ou sur une moindre étendue de pays; il est d'autant plus considérable que les régions d'où vient ce vent de nord, sont plus voisines du pole, ou plus froides d'ailleurs par quelqu'une des causes locales indiquées ci-dessus. Il n'y a nulle difficulté à concevoir qu'un vent de nord, ou tout autre vent regne en même tems dans une grande partie de notre hémisphere, les causes qui produisent les vents étant par elles-mêmes assez puissantes pour imprimer à une partie considérable de l'atmosphere terrestre un certain mouvement déterminé. Voyez Vent . Qu'un vent de nord apporte dans notre zone tempérée l'air glacé des régions voisines du pole, c'est ce qui doit arriver naturellement dans plusieurs circonstances. Si par exemple les vents de sud ont soufflé pendant long-tems avec beaucoup de violence dans une grande partie de notre hémisphere, l'air fortement comprimé se sera resserré vers notre pole; il se rétablira avec force, quand les causes qui produisoient les vents de sud auront cessé; il s'étendra au loin; il sera très-froid , parce que les régions d'où il viendra seront fort septentrionales. C'est dans des circonstances à-peu-près semblables que le froid devenant plus considérable & plus général, on pourra éprouver dans une grande partie de la terre un froid pareil à celui qui se fit sentir en 1709. Au reste je ne prétens nullement décider qu'on se soit effectivement trouvé en 1709 dans les circonstances que je viens d'indiquer. Différentes combinaisons des causes accidentelles du froid avec la cause générale pouvant produire à-peu-près les mêmes effets, il est souvent très-difficile, quand un froid extraordinaire arrive, de déterminer précisément ce qui peut y avoir donné lieu. Le vent de nord nous apporte en assez peu de tems l'air des pays septentrionaux. On trouve par un calcul fort aisé, qu'un vent de nord assez modéré, qui parcourroit 4 lieues par heure, apporteroit l'air du pole à Paris en moins de 11 jours. Ce même air arriveroit à Paris en 7 jours par un vent violent, qui feroit par heure jusqu'à 6 lieues. Un vent de nord-nord-est viendroit de la Norwege ou de la Laponie en moins de tems. Bien des physiciens sont persuadés que le vent de nord souffle presque toûjours de haut en-bas, parce qu'il nous apporte un air plus condensé. Je crois que cette direction de haut en-bas, à laquelle la terre resiste, n'a guere lieu que pour certains vents de nord qui soufflent dans une étendue de pays peu considerable. Un vent qui regne dans une grande partie de notre hémisphere, ne peut guere s'écarter de la direction horisontale que pour souffler de bas en-haut. Je mets à part les obstacles que les montagnes opposent à la direction du vent. Ce qui est bien certain, c'est qu'un vent est froid , par cela seul qu'il prend sa direction de haut en-bas, la raison en est sensible, après ce que nous avons dit, que les couches supérieures de notre atmosphere étoient toûjours plus froides que les inférieures. Les vents qui ont passé sur les sommets des montagnes refroidissent beaucoup les plaines voisines, dans lesquelles ils se font sentir, principalement lorsque ces montagnes sont couvertes de neige. L'effet de ces sortes de vents est assez connu; ils sont souvent bornés à une étendue de pays peu considérable, & ils occasionnent par-là des froids particuliers. Un vent de nord peut quelquefois au milieu même du printems ramener dans un climat d'ailleurs assez tempéré, toutes les rigueurs de l'hyver. On sait que la fin de l'automne & le commencement du printems sont froids , par la cause générale des saisons. Si quelque nouvelle cause survient, il ne sera pas impossible que le froid de l'hyver soit surpassé par celui de l'automne ou du printems. Sans apporter aucun changement à l'ordre des saisons, les vents peuvent causer du dérangement dans les climats. On ne niera point, par exemple, que le climat de Paris ne soit en géneral plus froid que celui de Montpellier; cependant il a fait plus de froid en certaines années à Montpellier qu'à Paris Un vent de nord-oüest ou de nord-est soufflant dans l'une de ces deux villes pendant que le sud-oüest regne dans l'autre, rend suffisamment raison de cette irrégularité. Nous avons beaucoup parlé de vents de nord, de nord-oüest, de nord-est, &c. qui régulierement parlant, sont les plus froids de tous: les vents d'est & d'oüest peuvent aussi contribuer dans certains cas à la rigueur de l'hyver. Il suffit pour cela que dans les pays d'où ils viennent, le froid soit actuellement considérable. Le vent de sud même est froid en certaines circonstances, comme on l'éprouve à Paris, quand les montagnes d'Auvergne méridionales à l'égard de cette capitale, sont couvertes de neige. Un vent de nord, comme tout autre vent, selon les obstacles & les différentes résistances qu'il trouve, change de direction & passe à l'est, à l'oüest, ou même au sud, sans perdre son degré de froid . On peut expliquer par-là pourquoi en 1709 il gela très-fortement à Paris pendant quelques jours par un petit vent de sud; ce vent succédant à un vent de nord qui venoit de loin & qui s'étendoit loin, n'étoit qu'un reflux de même air que le nord avoit poussé, & qui ne s'étoit refroidi nulle part. Voyez l'hist, de l'acad. des Scienc. année 1709. pag. 9 . On voit par tout ce qui vient d'être dit jusqu'ou peut aller l'influence des vents sur la production du froid , & en général sur les saisons. Les vents étant fort variables, fort inconstans dans les zones tempérées, les saisons par une conséquence nécessaire v seront pareillement sujettes à de grandes variations. Voyez Vent & Saison . Quoique certains vents, ceux de nord sur-tout, produisent le froid de la maniere que nous l'avons expliqué, ce n'est pourtant pas lorsqu'ils soufflent avec plus de violence que le plus grand froid se fait sentir. Il ne regne d'ordinaire qu'un petit vent pendant les plus fortes gelees. Les grands vents échauffent un peu l'air par le frottement qu'ils causent. Si le vent, géneralement parlant, refroidit plus nos corps qu'un air qui n'est point agité, c'est par une raison connue de tous les Physiciens. On sait que nos corps naturellement plus chauds qu'un air tranquille qui les environne, échauffent une partie de cet air, & par-là se trouvent comme plongés dans une atmosphere d'une chaleur souvent égale ou peu inférieure à celle de nos organes. Or les vents enlevent & dissipent promptement cette atmosphere chaude, pour mettre un air froid à sa place; il n'en faut pas davantage pour qu'un air agité nous paroisse beaucoup plus froid qu'un air tranquille refroidi précisément au même degré. L'instrument qui sert à mesurer les degrés de chaleur, comme ceux du froid , est connu sous le nom de thermometre ; il est fondé sur la propriété qu'a la chaleur de raréfier les corps, sur-tout les liqueurs, & sur celle qu'a le froid de les condenser. Voyez Thermometre . Le thermometre nous a appris que le plus grand froid se faisoit sentir chaque jour environ une demi-heure après le soleil levé; c'est au-moins ce qui arrive le plus souvent, & en voici, je crois, la principale raison. La chaleur imprimée à un corps ne se conservant que quelque tems, la terre & l'air se refroidissent depuis trois ou quatre heures après midi jusqu'au soir, & plus encore pendant la nuit: ce refroidissement doit continuer même après le lever du soleil, jusqu'à ce que cet astre, dont l'action est très foible à l'horison, ait acquis par son élévation assez de force pour communiquer à l'air & à la terre, plus de chaleur qu'ils n'en perdent par la cause qui tend toûjours à les refroidir. Or c'est ce qui n'arrive qu'au bout d'une demi-heure ou environ, la hauteur du soleil commençant alors à être un peu considérable. Au reste ici comme ailleurs, les vents peuvent causer d'assez grandes irregularités. On a vû quelquefois, mais rarement, froid de l'après-midi surpasser celui de la matinée; ce qui venoit d'un vent qui s'étoit élevé vers le milieu du jour. Depuis qu'on a rectifié la construction des thermometres, on a observé avec beaucoup d'exactitude certains froids excessifs en differens lieux de la Terre. La table suivante fera connoître quelques-uns des principaux résultats de ces diverses observations; elle est tirée d'une autre table un peu plus étendue, donnée par M. de Lisle, à la suite d'un mémoire très curieux du même académicien, sur les grands froids de la Sibérie. Ce mémoire est imprimé dans le recueil de l'académie des Sciences de l'annee 1749 . Table des plus grands degrés de fro d observés jusqu'ici en différens lieux de la terre . Degres au-dessous de la congelation, sui vant la division de M. de Reaumur. A Astracan en 1746 . . . . . . . . . . . . 24 1/2 A Petersbourg en 1749. . . . . . . . . . . 30 A Quebec en 1743 . . . . . . . . . . . . . 33 A Tornea° en 1737. . . . . . . . . . . . . 37 A Tomsk en Sibérie en 1735 . . . . . . . . 53 1/2 A Kirenga en Sibérie en 1738 . . . . . . . 66 2/3 A Yeniseik en Sibérie en 1735. . . . . . . 70 En jettant les yeux sur cette table, on sera bientôt pleinement convaincu qu'un froid egal à celui qui se fit sentir à Paris en 1709, exprime par 15 1/2 degrés au-dessous de la congelation, est un froid très-médiocre à beaucoup d'égards. Il suffit de comparer ce degré de 1709, avec la plûpartde ceux qu'on a marqués dans la table. Le froid qu'on a marqué le quatrieme est celui qu'éprouverent en 1737 MM. les académiciens, qui allerent en Laponie pour mesurer un degré de méridien vers le cercle polaire. Ce froid fit descendre au vingt-septieme degré les thermometres de mercure, reglés sur la division de M. de Reaumur; les thermometres d'esprit-de-vin se gelerent. Par un tel froid , lorsqu'on ouvroit une chambre chaude, l'air de dehors convertissoit sur le champ en neige la vapeur qui s'y trouvoit, & en formoit de gros tourbillons; lorsqu'on sortoit, l'air sembloit déchirer la poitrine. Mesure de la terre au cercle polaire , par M. de Maupertuis, &c. Un froid qui produit de tels effets, est intérieur de 30 & de 33 degrés à certains froids qui se font quelquefois sentir en Sibérie. On n'apoint d'observations du thermometre faites à la baie de Hudson; mais ce que les voyageurs anglois nous racontent des grands froids qu'on y éprouve, est prodigieux. Dans ces contrées, lorsque le vent souffle des régions polaires, l'air est chargé d'une infinité de petits glaçons que la simple vûe fait appercevoir. Ces glaçons piquant la peau comme autant d'aiguilles, y excitent des ampoules, qui d'abord sont blanches comme du linge, & qui deviennent ensuite dures comme de la corne. Chacun se renferme bien vîte par des tems si affreux; mais quelque précaution qu'on prenne, on ne sauroit s'empécher de sentir vivement le froid . Dans les plus petites chambres & les mieux échauffées, toutes les liqueurs se gelent, sans en excepter l'eau-de-vie; & ce qui paroîtra peut-être plus étonnant, c'est que tout l'interieur des chambres & les lits se couvrent d'une croûte de glace épaisse de plusieurs pouces, qu'on est obligé d'enlever tous les jours. On ne croiroit pas, si l'expérience ne prouvoit le contraire, qu'un pareil froid pût laisser rien subsister de ce qui végete & de ce qui vit. Ce qui est certain, c'est que des froids bien moins considérables sont souvent nuisibles aux plantes & aux animaux. La chaleur du soleil étant le principal agent employé par la nature dans l'ouvrage de la végétation, il est clair que quand cette chaleur diminue, les arbres & les plantes croissent avec plus de lenteur: ainsi le froid retarde par lui-même les progrès de la végétation. Il est vrai que certaines plantes exigent moins de chaleur que d'autres; & de-là vient en grande partie la diversité des plantes selon les lieux & les climats: mais d'un autre côté il n'est pas moins constant que le froid poussé jusqu'à un certain degré est toûjours nuisible, & même pernicieux à quantité de végétaux. Voyez Végétation , Plante . Les fortes gelées qui accompagnent les grands froids , produisent aussi sur les arbres & sur les plantes de funestes effets. Voyez Gelée & Glace . Plusieurs auteurs ont parlé des effets du froid sur les corps des animaux. Ils nous disent qu'un air froid resserre, contracte, racourcit les fibres animales; qu'il condense les fluides, qu'il les coagule & les gele quelquefois; qu'il agit particulierement sur le poumon, en le desséchant, en épaississant considérablement le sang qui y coule, &c. de-là les différentes maladies causées par le froid , les catarrhes, les inflammations de poitrine, le scorbut, la gangrene, le sphacele, l'apoplexie, la paralysie, &c. Le froid tue quelquefois subitement les hommes, & plus souvent les autres animaux, qui ne peuvent pas comme l'homme se procurer des défenses contre les injures de l'air. Tout ceci est parfaitement conforme à l'idée qu'on a donnée jusqu'ici de la nature du froid. Voy. Boerhaave, instit. med. n°. 747. Arbuthnot, essai des effets de l'air sur le corps humain , &c. Une différence essentielle entre les animaux vivans & les corps inanimés, tels que les plantes, les minéraux; c'est que ceux-ci prennent au bout d'un certain tems la température du milieu qui les environne, ensorte qu'ils participent aux changemens qui arrivent dans le degré de chaleur ou de froid de ce même milieu; au lieu que les animaux vivans conservent dans les saisons les plus extrèmes, un degré de chaleur constant & indépendant en quelque sorte de l'air dans lequel ils vivent. Cette chaleur animale répond dans l'homme au trente-deuxieme degré au-dessus de la congelation du thermometre de M. de Reaumur. Au reste nous parlons ici de la chaleur intérieure du corps humain, ou de la chaleur des parties qu'on a suffisamment munies contre le froid; car il est certain que la peau du visage, des mains, & en général la surface du corps humain, quand on néglige de prendre les précautions nécessaires, se refroidit plus ou moins, selon que l'air qui agit sur elle est plus ou moins froid. Voyez Chaleur animale . Nous ne parlerons point de quelques autres effets du froid , qui ont trouvé ou qui trouveront leur place ailleurs. Voyez , par exemple, sur l'évaporation des liquides pendant le grand froid , les artic . Evaporation & Glace . Du froid artificiel . On donne le nom de froid artificiel , à celui que les hommes produisent en quelque sorte par différens moyens, dont plusieurs sont très-connus. Le plus simple de tous ces moyens est l'application d'un corps plus froid ou moins chaud que celui qu'on veut refroidir; car il suit de la loi générale de la propagation de la chaleur, que ce dernier corps doit être rendu par-là moins chaud ou plus froid qu'il n'étoit auparavant. C'est ainsi que pour rafraîchir de l'eau, du vin, ou d'autres liqueurs, on les met à la glace ou dans la neige. Un autre moyen de faire naître du froid est le mélange intime de différentes substances, soit solides, soit fluides. Il faut remarquer que ces substances qu'on mêle ont souvent le même degré de température; & quand cela n'est pas, la plus chaude refroidit quelquefois celle qui l'est moins. Voici ce que l'expérience nous apprend au sujet du froid , qui résulte de ces divers melanges. 1°. Si l'on jette dans une suffisante quantité d'eau un sel alkali volatil quelconque, ou un sel neutre tel que le nitre, le sel polychreste, le vitriol, le sel gemme, le sel marin, l'alun, le sel ammoniac, &c. ce sel en se dissolvant dans l'eau, la refroidira au-delà même du degré ordinaire de la congelation, si la froideur de cette eau en approchoit déjà: à cet égard le sel ammoniac est de tous les sels le plus efficace. Une livre qu'on en jette dans trois ou quatre pintes d'eau, fait descendre la liqueur du thermometre de M. de Reaumur de quatre, cinq, ou six degrés, plus ou moins, selon le degré de froid qu'avoit l'eau avant qu'on y eût mis le sel. De l'eau qu'on a refroidie de cette maniere au-delà du terme de la glace, ne se gele pourtant point. Si quelques gouttes séparées de cette dissolution viennent à se glacer, c'est par le hasard d'une prompte crystallisation, & par le concours de plusieurs circonstances rarement réunies. M. Geoffroy, mém. de l'académ. des Sciences, ann. 1700, pag. 110. & suiv. M. de Mairan, dissert. sur la glace, pag. 374. & suiv. M. Musschenbroek, essai de Physique, tom. I. ch. xxvj. & suiv. Voyez Sel , Dissolution , & Menstrue . 2°. Tous les sels concrets ou qui sont sous forme seche, de quelque espece qu'ils soient d'ailleurs, acides, neutres, ou alkalis, tant fixes que volatils, étant mêlés avec de la neige ou de la glace pilée, ce mélange prend bien-tôt un nouveau degré de froid plus ou moins considérable, selon que les sels ont plus ou moins de vertu, ou qu'on les employe en différentes doses. La maniere si connue de faire geler des liqueurs en été malgré le chaud de la saison, est une suite de cette propriété des sels. Voyez Glace . On voit par toutes les expériences qu'on a faites jusqu'à présent, que les sels mêlés avec la glace la fondent promptement, & que ce n'est qu'en la sondant & en s'y dissolvant eux-mêmes, qu'ils la rendent plus froide . Tout ce qui accélere cette fusion réciproque de la glace & des sels, doit hâter le refroidissement: au contraire, quand par un moyen dont nous parlerons bien-tôt, on empêche cette fusion, nulle nouvelle production du froid . Deux parties de sel marin mêlées avec trois parties de glace pilée, font descendre dans les jours les plus chauds, la liqueur du thermometre de M. de Reaumur à 15 degrés au-dessous de la congelation. Le sel ammoniac un peu moins actif à cet égard, ne donne à la glace que 13 degrés de froid . L'efficacité du salpetre raffiné, ou de la troisieme cuite, est beaucoup moindre; le froid qui en résulte, n'est que de trois degrés 1/2. Le salpetre de la premiere cuite qui contient beaucoup de sel marin, fait descendre le thermometre de 11 degrés. Il suit évidemment de-là qu'on s'est trompé pendant long-tems, quand on a regardé le salpetre comme le sel le plus propre aux congelations artificielles. Le sel marin fait plus d'effet: cependant il ne tient pas ici le premier rang, puisque le froid qu'il produit est inférieur de deux degrés à celui que donne le sel gemme, & de deux degrés 1/2 au froid qu'on fait naître avec de la potasse qui est un sel alkali. Tout ceci est constant par les expériences de M. de Reaumur. Voyez le mémoire de cet académicien sur les congelations artificielles, dans le recueil de l'académie des Sciences pour l'année 1734 . 3°. Les esprits de sel & de nitre possedent à un plus haut degré que les sels concrets, la vertu de produire le froid . De l'esprit de nitre qu'on aura en soin de refroidir jusqu'au point de la congelation du thermometre, étant versé sur de la glace pilée, dont le poids soit environ double du sien, on verra bientôt le thermometre descendre avec vitesse jusqu'à 19 degrés. On produira un degré de froid plus consideble, si avant que de verser l'esprit de nitre sur la glace pilée, on a fait prendre à ces deux matieres un froid beaucoup plus grand que celui de la congelation, en les environnant séparément l'une & l'autre de glace, mêlée avec d'autre esprit de nitre. On a par cette préparation un esprit de nitre déjà très-froid , qui versé sur de la glace extrèmement refroidie, fera descendre le thermometre à 25 degrés. En refroidissant davantage par cette même voie l'esprit de nitre & la glace, nous aurons de plus grands degrés de froid . De cette maniere M. Fahrenheit a poussé le froid artificiel jusqu'à 40 degrés au-dessous du zéro de sa division, ou ce qui revient au même, au trente-deuxieme degré des thermometres de M. de Reaumur. Voyez le détail curieux de l'expérience de M. Fahrenheit, dans la chimie de Boerhaave, expér. jv. coroll. 4 . Il est possible en pratiquant cette même méthode, d'augmenter beaucoup le froid qui résulte du mélange de la glace & d'un sel concret, quoiqu'on ne puisse jamais rendre ce dernier froid égal à celui que l'on obtient en employant des esprits acides. Si, par exemple, avant de mêler la glace & le sel marin on a fait prendre à chacune de ces deux matieres 14 degrés de froid , on pourra faire naître un froid de 17 degrés & 1/2, qu'il sera facile de pousser ensuite jusqu'à 22 degrés, en suivant toûjours le même procédé, pourvû néanmoins qu'après avoir mis ensemble la glace & le sel déjà refroidis, on verse sur ce mélange de l'eau chargée de sel marin, & froide de huit à neuf degrés: sans cela, comme M. de Reaumur l'a éprouvé, le sel & la glace ne se fondant point l'un l'autre, il n'y auroit aucun nouveau froid; c'est qu'un froid de 12 à 14 degrés a congelé l'humidité necessaire à ces deux substances, pour s'entamer réciproquement. Cette maniere de dessécher le sel & la glace en les refroidissant, est le moyen que nous avons annoncé plus haut de mettre obstacle à leur fusion, & d'empécher par-là la production d'un nouveau froid . Quoique le sel marin soit fort supérieur au salpetre par rapport à l'effet dont il s'agit, l'esprit de sel est cependant un peu inférieur à l'esprit de nitre. Eût-on deviné cette bisarrerie apparente? Mais ce qui paroitra plus singulier, c'est le froid cause par une liqueur ardente & inflammable, comme l'esprit-de-vin: ce froid n'est inférieur que d'environ deux degrés à celui que produit l'esprit de nitre, employé précisément de la même façon. En général toutes les liqueurs, soit acides, soit spiritueuses, refroidissent la glace en la sondant; les liqueurs alkalines volatiles, telles que l'esprit de sel ammoniac, ou l'esprit d'urine, font le même effet. Les huiles fondent bien la glace; mais comme elles ne se mêlent point avec l'eau qui lui succede, elles ne donnent aucun nouveau froid . M. de Reaumur, dans le mémoire déjà cité . M. Musschenbroek, tentamina experimentorum naturalium , &c. 4°. Certaines dissolutions chimiques accompagnées d'effervescence, c'est-à-dire où les matieres bouillonnent & se gonflent, & même avec bruit, sont cependant froides , & font descendre le thermometre qui y est plonge. C'est ce qu'on éprouve quand on méle des alkalis volatils avec differentes liqueurs acides, par exemple le sel volatil d'urine avec le vinaigre distille; le sel ammoniac étant jetté dans l'esprit de nitre ou dans de l'huile de vitriol, fait aussi avec chacune de ces deux liqueurs une effervescence froide très-considérable. Du mélange du sel ammoniac & de l'huile de vitriol, il en sort pendant l'effervescence des vapeurs chau les. Si par exemple on projette sur trois dragmes d'huile de vitriol deux dragmes de sel ammoniac, il s'en exhalera une fumée qui sera monter un thermometre placé immédiatement au-dessus d'elle d'environ quatre degrés & demi de la division de M. de Reaumur; tandis qu'un autre thermometre placé dans le mélange, baissera de plus de cinq degrés. M. Musschenbroek ayant fait cette même expérience dans le vuide, le résultat en a été different; les vapeurs se sont élevées comme auparavant, mais elles n'ont fait aucune impression sensible sur le thermometre exposé à leur action; apparemment la chaleur de ces vapeurs s'augmente beaucoup par l'action & la réaction de l'air. A l'égard du thermometre plongé dans le mélange, il baisse également & dans l'air subtil & dans l'air grossier. M. Geoffroi, mém. de l'acad. des Seiences, année 1700, pag. 110. & suiv. M. Musschenbroek, tentamina experiment. natural. &c. Voy. Dissolution , Menstrue, & Effervescence Quand on plonge une bouteille pleine d'eau dans un mélange de sel & de glace pilée, l'eau contenue dans la bouteille ne se refroidit & ne se glace que parce qu'étant plus chaude que le mélange qui lui est en quelque maniere contigu, elle lui communique selon la loi générale une partie de sa chaleur. Il n'en est pas de même des substances, qui mêlées intimement, font naître le froid artificiel; elles ont le plus souvent le même degré de température; quelquefois même un corps se refroidit en s'unissant à un autre corps moins froid que lui; du sel, par exemple, moins froid de plusieurs degrés que de la glace, ne laisse pas de la refroidir. La loi générale de la propagation de la chaleur, paroit être ici violée; mais on doit remarquer que cette loi ne s'observe que dans les corps simplement appliqués, & qui n'agissent l'un sur l'autre que par leurs surfaces. Quand deux substances s'unissent par voie de dissolution, d'autres lois se rendent sensibles par d'autres effets. Cet article est de M. de Ratte , secrétaire perpétuel de la S. R. des Sciences de Montpellier, membre de l'institut de Bologne & de l'acad. de Cortone . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=Venel Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Froid Froid , ( Chimie. ) Les Chimistes prennent ce mot dans deux acceptions différentes. Premierement, pour la présence, l'action positive & réelle d'une chaleur foible, de celle que notre atmosphere emprunte des rayons refléchis du soleil, ou, ce qui est la même chose, pour la chaleur naturelle de l'ombre, dans toutes les saisons de l'année. C'est ainsi qu'ils disent d'une dissolution faite à l'ombre, & sans le secours d'un feu artificiel, qu'elle est faite à froid ; d'une certaine application de l'eau, chaude comme l'atmosphere qui l'environne, que c'est une macération ou infusion à froid; d'une lessive saline placée pour crystalliser loin de tout feu artificiel & à l'abri des rayons directs du soleil, qu'elle est mise ou gardée au froid , ou bien dans un lieu froid ou frais. Les variétés des saisons & les diverses températures des lieux plus ou moins bas & profonds, ou ombragés par l'interposition de corps plus ou moins denses, fournissent les differens degrés de ce froid chimique sous lequel on opere ordinairement. La perfection qu'acquierent certains vins en vieillissant dans les bonnes caves, est dûe à une espece de digestion lente ou de fermentation insensible, que le froid , c'est-à-dire la chaleur foible du lieu, entretient dans ces liqueurs. Il est quelques cas rares dans lesquels on augmente ce froid par art, par l'application de la glace, comme dans la préparation de l'éther nitreux. Voyez Ether nitreux . Il est clair que le froid dont nous venons de parler, n'est proprement qu'un degré de feu. Voyez Feu . Secondement, les Chimistes prennent le mot froid dans son acception la plus vulgaire, pour le contraire ou l'absence de la chaleur. Le froid ainsi conçû comme agent ou comme obstacle physique, est employé principalement à suspendre des mouvemens chimiques, ces altérations communément appellées spontanées , que subissent les corps composés sous la température moyenne de notre atmosphere, c'est-à-dire à conserver ces substances. Voyez Conservation , ( Pharmac. ) Ce froid est encore employé à modérer l'expansion de certains produits volatils des distillations, & à empêcher par là la dissipation de ces produits; ce qui s'appelle rafraîchir. Voy. Rafraichir ( Chimie ), & Distillation . L'emploi de ce froid chimique est toûjours absolu; & par conséquent les Chimistes cherchent toûjours à s'en procurer le degre le plus fort qu'il est possible. Mais le degré usuel, commun, vulgaire, est celui qu'on obtient dans le raffraîchissement, par l'application des linges mouillés, de l'eau froide en masse, ou tout au plus de la glace; & pour la conservation, celui que fournissent les bonnes caves. Il est clair par ce que nous venons d'exposer, que nous n'opérons & que nous n'observons que sous un degré de froid peu considérable ou peu durable. Cependant l'emploi philosophique d'un froid plus fort & plus constant, nous procureroit diverses connoissances aussi utiles que curieuses: d'abord, il feroit connoitre le premier ou le plus insensible degré de corruption, & par conséquent, l'action naissante du feu, l'énergie de son moindre degré chimique; il nous fourniroit l'occasion d'observer l'altération lente & réguliere de certaines matieres, des substances animales, par exemple, que le froid des meilleures caves ne sauroit préserver d'une corruption prompte & tumultueuse. Il y auroit même des cas, où l'action d'un feu si leger pouvant être réputée nulle, on auroit la contre-preuve de nos dogmes sur le feu, par la considération des phénomenes à la production desquels cet agent ne contribueroit pas. Une bonne glaciere qu'on pourroit disposer de diverses façons commodes, dans laquelle on pourroit pratiquer des especes d'étuves froides, des tiroirs à la façon de ceux des fours à poulets; une bonne glaciere, dis-je, fourniroit le réservoir le plus sûr & le plus commode de ce froid . Nous ne saurions dans nos climats nous procurer un froid durable plus fort; car les gelées ne s'y soûtiennent pas long-tems sans interruption, & les froids artificiels excités par des dissolutions salines, ne sont que momentanés, ou du moins fort courts. L'application continuelle de la glace à l'air ouvert, n'est pratiquable que pour un tems fort court: or la durée & la continuité du froid sont absolument essentielles; car comme la lenteur du changement chimique est proportionnelle au peu d'intensité de la cause qui le produit, du feu, il faut que cette lenteur soit compensée par la durée de l'action: il faudra souvent plusieurs années pour pouvoir observer des altérations sensibles. Le chimiste qui voudra donc connoître les effets de la suite entiere des degrés du feu chimique sur différentes substances, placera son laboratoire entre un fourneau de verrerie & une glaciere, ou se pourvoira de l'un & de l'autre. Le même degré de froid employé à conserver & à fournir en tout tems des gibiers & des fruits inconnus dans certaines saisons, pourroit procurer une source de luxe qui figureroit très-bien à côté des serres chaudes de nos modernes Apicius. Le premier moyen iroit au même but que le dernier, par une voie vraissemblablement plus commode & plus sûre, mais qui seroit moins dispendieuse, & par conséquent moins magnifique; ce qui est un inconvénient réel. La concentration à la gelée du vin & du vinaigre n'a aucun rapport avec l'usage du froid chimique, qui a fait le sujet de cet article. Voyez Concentration , Vin, & Vinaigre . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=Villiers Normalized Classification=Docimastique Part of Speech=NA Froid Froid , ( Docimastique. ) donner froid; expression usitée dans cette partie de l'Alchimie, où elle signifie ralentir l'action du feu . On donne froid à un régule qu'on affine, quand les vapeurs s'élevent jusqu'à la voûte de la moufle; que la moufle est de couleur de cerise, &c. On dit par opposition donner chaud. Voyez ce mot, & Essai . Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=d'Aumont Normalized Classification=Economie animale Part of Speech=NA Froid Froid , ( Economie animale. ) il n'y a point de corps dans la nature qui ne soit plus ou moins pénétré dans l'intensité de ses parties élémentaires, par le fluide universel, la plus subtile de toutes les substances matérielles, c'est-à-dire par l'élément du feu. Il n'est donc aucun corps dans la nature qui ne soit plus ou moins agité dans ses parties intégrantes, par l'action propre à ce fluide, qui consiste à tendre autant à opérer la desunion des parties de matiere auxquelles il est placé, que ces parties-ci tendent par elles-mêmes, c'est-à-dire par leur force de cohésion, à se rapprocher, à s'unir de plus en plus. Or comme cette action varie continuellement, ne subsiste jamais la même deux instans de suite, & qu'elle produit ainsi une sorte d'oscillation continuelle dans les corps, voyez Feu , ( Physique ); il en résulte un frottement plus ou moins fort entre leurs molécules intégrantes; d'où s'ensuit qu'il existe un mouvement continuel dans les particules ignées, qui est ce en quoi consiste la chaleur plus ou moins sensible, selon que ce mouvement est plus ou moins considérable. Voy. Feu , Chaleur , & sur-tout ce qui a rapport à ces différentes matieres; les élémens de Chimie de Boerhaave, partie II. la Physique de s'Gravesande, de Musschenbroeck, &c. On peut dire conséquemment à ce principe, qu'il n'y a point de corps qui ne soit chaud, dès qu'on regarde la chaleur comme une qualité qui suppose dans le corps où on la conçoit, une action de feu, telle qu'elle puisse être, à quelque degré qu'elle puisse avoir lieu. Il n'y a donc point de corps, c'est-à-dire d'aggrégé des parties élémentaires de la matiere, dont on puisse dire qu'il est absolument froid , en entendant par ce terme la qualité d'un corps dans la substance duquel il n'y a aucune action du feu. On ne peut imaginer que les élémens même, atomi , qui, comme ils sont les seuls solides parfaits, indivisibles, inaltérables, doivent par conséquent n'être pénétrables par aucun agent dans la nature, sur-tout par aucun agent destructeur, telle que le feu: mais comme cette exception unique, qui présente ainsi l'idée d'un froid absolu dans les seules parties élémentaires des corps ne tombe pas sous les sens, le froid qui peut nous affecter, n'est donc qu'une qualité respective par laquelle on a voulu désigner non une absence totale du feu, mais une diminution de son effet, c'est-à-dire de la chaleur relativement à celle qui a lieu naturellement dans notre corps. Ainsi c'est la chaleur animale qui fixe l'idée du chaud & du froid , selon qu'il résulte du premier de ces attributs une sorte de sensation à laquelle il est attaché de représenter à l'ame un plus grand effet du feu, que celui qu'il produit dans notre corps considéré dans l'état de santé; & qu'il suit de l'attribut opposé, qu'il n'est autre chose que la faculté d'affecter d'une autre sorte de sensation, par laquelle l'ame s'apperçoit d'un moindre effet du feu que celui qu'il opere dans notre corps bien disposé. Nous n'appellons donc chaud & froid , que ce qui nous semble plus ou moins agité par l'action du feu que ne l'est notre propre corps, autant que nous pouvons en juger par la comparaison des impressions que fait sur nos parties sensibles cette action du feu dans les substances dont nous sommes composés, avec celles qui nous viennent du dehors par le contact des corps ambians. Nous ne nous appercevons du chaud & du froid , que par les effets de cette agitation ignée, qui sont plus ou moins considérables, qui excedent ou qui n'égalent pas ceux de la chaleur vitale au degré qui est propre à l'état de santé dans chaque individu. Le terme de froid n'est donc employé que pour désigner une sorte de modification des corps, respectivement à la sensation qu'ils excitent en nous, lorsqu'ils nous affectent par une mesure de chaleur moindre que celle de la nôtre. Comme les corps ne sont dits chauds , qu'autant que l'action du feu est en eux plus forte qu'en nous; qu'autant que nous la sentons telle; car elle n'est pas toûjours réellement ce qu'elle paroît, ainsi qu'on le prouvera ci-après: c'est donc toûjours la mesure de notre chaleur animale, qui est la regle de comparaison pour juger de la chaleur ou du froid de tous les corps qui sont hors de nous. Or cette chaleur vitale, dont la mesure ne peut être déterminée que par le moyen du thermometre, ayant été fixée à l'égard de l'homme, par l'observation faite avec cet instrument, de la façon & selon la graduation de Farenheit, à la latitude de quatre-vingt-douze à quatre-vingt-dix huit degrés pour les différens tempéramens & les différens âges dans l'état naturel; & la plus grande chaleur de l'atmosphere étant limitée à un degré bien inférieur, puisqu'aucun animal ne pourroit vivre dans un milieu dont la chaleur seroit constamment portée à 98 degrés: il s'ensuit que l'on pourroit dire avec fondement, d'après ce qui a été établi ci-devant, que l'action du feu dans l'atmosphere ne va jamais jusqu'à la rendre chaude respectivement à nous, puisqu'elle n'excede & n'égale même jamais, d'une maniere durable & supportable, la chaleur qui nous est naturelle. Ainsi on peut regarder le milieu dans lequel nous vivons comme étant toûjours froid , respectivement à ce que nous en sentons: ce rapport est variable, selon que ce froid s'approche ou s'éloigne plus ou moins de la chaleur animale, non-seulement pour les hommes en général, mais encore pour chacun en particulier, selon la différence du tempérament & de l'âge, à-proportion de l'intensité ou de la foiblesse de cette chaleur naturelle, dans la latitude des limites auxquelles on vient de dire qu'elle s'étend en plus ou moins: de même tous les corps dans lesquels l'action du feu peut faire monter le thermometre à un degré quelconque supérieur à ceux de la chaleur humaine, sont constamment regardés comme chauds, à-proportion de l'excès de cette action en eux sur celle qui a lieu dans nos corps: telle est l'idée que l'on peut donner en général des qualités des corps, que nous distinguons en chauds & en froids , relativement à nos sensations à cet égard. Ainsi nous attachons toûjours l'idée d'un sentiment de froideur ou de fraîcheur à l'impression que nous sommes susceptibles de recevoir de l'application, à la surface de notre corps, de l'air renouvellé & de l'eau laissés à leur température naturelle, selon que cette température est plus ou moins éloignée de la nôtre; ce qui fait que l'air agité par le vent, par un éventail, nous paroît froid ou frais; que l'on trouve plus de fraîcheur en eté, en se baignant dans l'eau courante; parce que ces fluides, par le changement qui se fait continuellement de leur masse autour de notre corps, y sont toûjours appliqués avec leur propre température, & ne le sont pas assez pour participer à l'excès de chaleur de la nôtre sur la leur: il en est de même de tous les corps, qui n'ont d'autre chaleur que celle du milieu, dans lequel ils sont contenus; ils sont réellement tous froids , c'est-à-dire moins chauds que notre corps dans son état naturel: ainsi ils nous paroissent tous en général être froids au toucher; & ce froid est au même degré dans tous, quoiqu'il nous paroisse plus ou moins sensible, comme dans les métaux, le marbre comparé au bois & à d'autres corps. Cette différence ne vient que du plus ou moins de facilité avec laquelle notre propre chaleur se communique aux corps que nous touchons: ainsi les plus denses s'échauffent plus difficilement; ils doivent donc nous paroître plus froids , parce qu'ils résistent, pour ainsi dire, plus long-tems à devenir chauds: la durée de la disposition à procurer la sensation du froid , nous semble être son intensité, respectivement aux corps moins denses, qui participent plus promptement à la chaleur que nous leur communiquons en les touchant, & dont le froid cesse sitôt qu'il ne nous donne pas, pour ainsi dire, le tems de le sentir, & de nous appercevoir qu'ils ont moins de chaleur que notre corps. Cette différence de l'impression plus ou moins froide , que font sur nous ces différens corps, ne doit effectivement être attribuée qu'à cette cause; puisque par le thermometre, on leur trouve la même température, & que c'est une chose démontrée, qu'il n'est aucun corps dans la nature qui ait plus de chaleur par lui-même qu'un autre, dans le même milieu; une pierre à feu n'a pas plas de chaleur par elle-même, qu'un morceau de glace; & les corps mêmes des animaux chauds, n'ont après leur mort pas plus de chaleur que tous les corps inanimés qui les environnent, à-moins que ce ne soit par l'effet de la putréfaction, ainsi qu'il arrive au foin, qui est susceptible, par les différens mouvemens intestins qui peuvent s'exciter dans sa substance, de devenir plus chaud que le milieu dans lequel il se trouve: de même l'effervescence chimique fait naître de la chaleur dans l'union, le mélange de certains corps, par le rapport qu'il y a entre eux, qui séparément n'auroient que la chaleur de tous les autres corps ambians inanimés. Il suit encore de ce qui a été établi précédemment, que nous pouvons même, sans qu'un corps change de milieu, & avec une température constamment la même, juger différemment relativement au chaud & au froid dont ce corps peut exciter en nous la sensation; ce qu'on ne doit attribuer qu'à la différente disposition de l'organe de nos sensations. Qu'on expose en hyver une main à l'air jusqu'à ce qu'elle soit froide; qu'on chauffe l'autre main au feu, & qu'on ait alors un pot rempli d'eau tiede: aussi-tôt qu'on plongera la main chaude dans cette eau, on dira qu'elle est froide , respectivement au degré de chaleur qu'on sent dans cette main; qu'on plonge, après cela la main froide dans la même eau, & on jugera qu'elle est chaude, parce qu'elle a en effet plus de chaleur que cette main n'en sentoit avant d'être plongée. Voyez à ce sujet les essais de Physique de Musschenbroeck. Nous ne jugeons donc pas, suivant la véritable disposition des corps qui sont hors de nous, à l'égard du chaud ou du froid , mais suivant que ces corps sont actuellement exposés à l'action du feu comparée avec celle qui a lieu dans notre corps, dont les organes sensitifs portent continuellement à l'ame les impressions qu'ils reçoivent, par l'effet de la chaleur vitale jointe à celle du milieu, dans lequel nous nous trouvons; ensorte que l'ame porte ensuite son jugement par comparaison des corps plus ou moins chauds, que celui auquel elle se trouve unie. C'est ainsi que l'on peut rendre raison pourquoi les caves nous paroissent froides en été & chaudes en hyver. Si l'on suspend un thermometre dans une cave assez profonde, pendant toute une année, on trouvera que la cave est plus chaude en été qu'en hyver; mais qu'il n'y a pas une grande différence du plus grand chaud au plus grand froid qu'on y peut observer. Il paroît par-là que quoique les caves nous semblent être plus froides en été, elles ne le sont pourtant pas, & que cette apparence est trompeuse. Voici ce qui donne lieu à ce phénomene. En été, notre corps se trouvant exposé au grand air, notre chaleur étant toûjours de 94 à 98 degrés, la chaleur du grand air est alors dans les climats tempérés de 80 à 90 degrés; au lieu que l'air qui se trouve dans ce tems-là renfermé dans les caves, n'a qu'une chaleur de 45 à 50 degrés; de sorte qu'il a beaucoup moins de chaleur que notre corps & que l'air extérieur: ainsi dès qu'on entre dans une cave, lorsqu'on a fort chaud, on y rencontre un air que l'on sent très-froid , en comparaison de l'air extérieur, qui est presque aussi chaud qu'on l'est soi-même en hyver; au contraire, lorsqu'il gele, le froid de l'air extérieur peut augmenter depuis le trente-deuxieme degré du thermometre de Farenheit, jusqu'à zéro, tandis que la température de la cave reste encore à 43 degrés: ainsi nous trouvant exposés dans ce tems-là à l'air froid extérieur, qui fait sur notre corps une impression proportionnée, & qui le refroidit en effet, nous n'entrons pas plûtôt dans une cave, que nous trouvons chaud l'air qui nous avoit paru froid en été, lorsque la température y étoit à-peu-près la même: ce qui arrive donc par la différente disposition avec laquelle nous y entrons: d'où il résulte, que nous ne pouvons pas savoir ni juger, par la seule impression que l'air fait sur nous dans la cave, relativement au plus ou au moins de feu qu'il contient, s'il y en a effectivement davantage, ou pour mieux dire, s'il est plus en action en été qu'en hyver. Ce n'est qu'à l'aide du thermometre, que nous pouvons être assûrés qu'il y a plus de chaleur dans les caves en été qu'en hyver, puisque c'est précisément le contraire de ce que nous éprouvons, par les différentes sensations qui en résultent. Mais quelle est donc la disposition de nos corps à laquelle il est attaché, de pouvoir porter à l'ame l'idée du froid conséquemment aux impressions qu'ils reçoivent des causes frigorifiques? Cette question tient à la recherche des causes de la chaleur animale, puisque ce ne peut être qu'une diminution des effets de ces causes, qui change les sensations des organes affectés par la chaleur: on a examiné dans l'article Chaleur animale , avec une critique aussi éclairée que sage, & avec toute la précision possible, dans un sujet qui n'en est guere susceptible de sa nature, les différens systèmes les plus remarquables tant des anciens que des modernes, sur ce qui allume dans les corps animés, le feu qui y produit cet effet d'une maniere presqu'invariable dans quelque température qu'ils se trouvent. On y a prouvé presque jusqu'à la démonstration, par les raisonnemens les plus solides, que nous sommes encore bien éloignés de pouvoir regarder les sources de la chaleur animale comme sûrement découvertes, puisqu'aucune des explications tant physiques que méchaniques, les plus spécieuses, n'ont pas encore acquis le degré de perfection nécessaire, pour rendre raison de tous les phénomenes qui dépendent du principe qu'il est question de connoître. On y donne à entendre avec raison, que l'idée de Galien & des Arabes, sur le feu inné, ventillé par l'air respiré, sur-tout entant qu'il est considéré comme un agent physique & réel, ainsi que Sennert & Riviere l'ont conçû, & non pas comme une qualité, selon la plûpart des auteurs antérieurs, n'est pas autant dénuée de fondement, qu'elle l'a paru assez généralement depuis que le joug de l'ancienne école a été secoué. On fait voir cependant aussi dans l'article dont il s'agit, que de toutes les hypothèses proposées sur ce sujet, il n'en est point jusqu'à-présent qui semblent davantage approcher de la vérité, que celles qui sont fondées sur l'effet méchanique, qui est une suite nécessaire des mouvemens qui entretiennent la vie, c'est-à-dire, l'attrition ou le frottement qui se fait des solides entr'eux, ou des fluides contre les solides. On y donne l'extrait du meilleur ouvrage qui ait paru en ce genre, qui est l' essai sur la génération de la chaleur dans les animaux , du docteur Douglas; extrait par lequel on fait connoître que cet auteur en réfutant les différentes opinions des Physiologistes tant anciens que modernes, rejette également toutes les causes physiques, chimiques & méchaniques, pour substituer son sentiment, qui a néanmoins pour fondement une cause de cette derniere espece, le frottement des globules sanguins dans les vaisseaux capillaires, proportionné au resserrement de ces vaisseaux par le froid; frottement auquel il attribue de pouvoir produire & entretenir une chaleur toûjours uniforme dans la latitude ordinaire des variations de notre température, ce qui fait le principal des phénomenes à expliquer, à l'égard duquel tous les systèmes lui ont paru en défaut; mais mal-à-propos, selon l'auteur de l' art . Chaleur animale , qui fait observer fort judicieusement que dans le système des anciens, qui attribue cette chaleur au feu inné excité par l'air respiré, la proportion entre l'augmentation de la chaleur du milieu & la diminution de sa densité, diminution par laquelle il contribue moins à l'entretien du feu vital, à-mesure que celui de l'atmosphere est plus en action, y opere plus de raréfaction; entre la diminution de la chaleur du milieu & l'augmentation de sa densité (par laquelle seule, il peut rendre plus actif le feu du corps animé, à-mesure que le feu ambiant perd de son activité, & qu'il peut par conséquent en être moins communiqué à ce corps), est suffisante pour rendre raison de cette uniformité. L'auteur de l'article mentionné ne se borne pas à revendiquer le peu d'avantage que peuvent avoir les opinions réfutées par le docteur Douglas, & à les défendre autant qu'elles en sont raisonnablement susceptibles; après avoir rendu justice au système anglois, en convenant que c'est le plus satisfaisant qui ait paru sur cette matiere, il ne l'épargne pas ensuite, en lui opposant des difficultés qui paroissent sans réplique; il attaque donc l'idée qui fait la base du sentiment de ce docteur, savoir, que le resserrement causé par le froid dans les vaisseaux capillaires, donne lieu à l'augmentation de frottement entre les globules sanguins & ces vaisseaux , & par conséquent de la cause interne de la chaleur animale, à-mesure que la chaleur externe diminue, & vice versa . D'où il suit que la quantité de chaleur est à-peu-près toûjours la même dans l'animal, soit que cette chaleur lui vienne du dedans ou du dehors. Mais, dit l'auteur de l'article dont il s'agit, 1°. la même cause interne qui engendre de la chaleur, c'est-à-dire ce resserrement des capillaires qui donne lieu à une plus grande attrition des globules sanguins dans ces vaisseaux, par-là même qu'il échauffe le sang plus qu'il ne seroit échauffé par le feu de l'air ambiant, n'échauffe-t-il pas aussi ces mêmes capillaires? ne fait-il pas en même tems cesser à-proportion le resserrement de ces mêmes capillaires? & par conséquent cette cause interne de chaleur animale ne se détruit-elle pas elle-même, dès qu'elle commence à produire ces effets? 2°. En admettant le resserrement constant dans les capillaires, ne s'ensuit-il pas au-moins que le mouvement du sang doit y être diminué à-proportion; d'où il semble qu'il doive se faire une compensation entre l'augmentation des surfaces exposées au frottement & la diminution de l'impulsion des globules, qui doivent opérer le frottement: compensation qui doit rendre de nul effet ce changement de disposition? 3°. En ne s'arrêtant même pas aux deux difficultés précédentes contre l'auteur anglois, pourroit on en passer sous silence une troisieme, qui n'est pas moins forte? Elle consiste à faire observer qu'en supposant avec lui que la chaleur ne s'engendre que dans les seuls capillaires, les instrumens générateurs sont bien peu proportionnés à la masse qui doit être échauffée par leur moyen, puisqu'alors le foyer de la chaleur est censé n'exister que dans la peau. L'auteur de ces objections contre le système du docteur Douglas, les laisse subsister comme une preuve que ce système a le sort de tant d'autres; que quelque satisfaisant qu'il paroisse au premier abord, il n'est cependant pas parfait, & que la cause de la chaleur animale qui nous a été jusqu'à-présent cachée comme un de ses mysteres, ne nous a pas encore été révélée. Mais si l'on convient que le système anglois approche plus qu'aucun autre de la perfection, on ne peut disconvenir aussi qu'il ne soit avantageux au progrès des connoissances humaines, de lever autant qu'il est possible les obstacles qui l'empêchent d'y atteindre. C'est dans cette vûe que l'on va placer ici quelques réflexions sur les trois objections qui viennent d'être remises sous les yeux au sujet de ce système; ce qui sera d'autant moins étranger au sujet traité dans cet article, qu'il en résultera un grand nombre de conséquences qui y sont relatives, & serviront à rendre raison de bien des phénomenes qui en dépendent. Premierement, ne peut-on pas dire, que quoique la chaleur qui naît des frottemens des globules sanguins dans les capillaires, puisse être conçûe se communiquer en même tems aux solides mêmes de ces vaisseaux, & les relâcher par la raréfaction qui s'ensuit, ce dernier effet sera toûjours d'autant moindre, qu'il sera plus contre-balancé par celui du froid extérieur, qui cause le resserrement de ces vaisseaux; parce que le relâchement seroit bien plus considérable, tout étant égal, par l'effet de la cause interne de la chaleur, si ce froid extérieur ne s'y opposoit pas? Ainsi, ne peut-on pas conclure de-là, qu'il reste toûjours que le resserrement doit être plus considérable par les effets du froid , qu'il n'est empêché par les effets synchrones de la chaleur dont il occasionne la génération? d'où doit résulter plus de frottement, plus de chaleur par conséquent dans le cas du froid externe, que dans le cas opposé. Ne peut-on pas concevoir ainsi une contrenitence continuelle entre la cause de la chaleur animale & le froid extérieur? D'où on peut inférer que dans l'hyver, la chaleur animale appartient davantage à l'animal même; que dans l'été elle appartient plus aux causes externes; qu'il y a donc en quelque sorte moins de vie dans les animaux en été, qu'en hyver; puisqu'il y a moins d'action vitale; que l'on est plus fort, plus vigoureux en hyver, tout étant égal; parce que le froid , qui condense tous les corps en tenant les vaisseaux dans un état de plus grande constriction, & en donnant lieu par-là à l'augmentation des résistances, occasionne plus d'action, plus d'efforts par conséquent de la part de la puissance motrice pour les vaincre; d'où l'augmentation du mouvement progressif, des humeurs, plus de frottement dans les capillaires, plus de chaleur, sans que ces efforts, ce mouvement, puissent être regardés comme des effers de fievre proprement dite, puisqu'ils augmentent sans diminution de forces; au contraire, attendu que l'augmentation d'action dans les solides procure une plus grande élaboration, une plus grande atténuation d'humeur, d'où résulte une préparation, une secrétion plus abondante de fluide nerveux; plus de disposition par conséquent au mouvement musculaire, à l'exercice: au lieu qu'en été la raréfaction des solides en général, par la chaleur extérieure diminue l'élasticité des fibres des animaux, en diminuant la cohésion de leurs parties élémentaires; d'où tout étant égal, résulte moins de jeu dans leurs vaisseaux; d'où s'ensuit dans les grandes chaleurs une presqu'atonie universelle, une diminution proportionnée de l'action des organes vitaux; d'où le ralentissement du cours des humeurs dans les capillaires, le relâchement de ces vaisseaux, le moins de frottement des globules sanguins, meins de chaleur qui est l'effet de ce frottement, moins de résistance au cours des humeurs dans tous les vaisseaux; conséquemment moins d'efforts de la puissance motrice, pour surmonter cette résistance; d'où moins d'attrition, d'atténuation de la masse des humeurs, d'élaboration, de secrétions du fluide nerveux; d'où enfin la foiblesse, l'abattement que l'on éprouve toûjours par une suite de la chaleur de l'atmosphere: d'où s'ensuit, que les hommes obligés à se livrer à de grands travaux, à de grandes peines de corps, les soûtiennent mieux dans les tems froids , ont plus de forces, plus d'appétit pour les maintenir, que dans les tems chauds. C'est sans doute par cette considération, que Dioclès medecin contemporain d'Aristote, dans sa lettre à Antigonus, roi d'Asie, qui contient plusieurs préceptes, concernant la conservation de la santé, donne pour maxime, en forme d'aphorisme, qu'il faut prendre plus d'alimens, boire moins en général, & boire davantage de vin pur, àproportion qu'il fait plus froid; & qu'il faut par conséquent manger moins, boire davantage, & boire son vin plus trempé, à-proportion que les chaleurs augmentent. On peut donc conclure de ce qui vient d'être dit, que le plus ou le moins de constriction dans les vaisseaux en général, & dans les vaisseaux capillaires en particulier, influe principalement sur tous ces effets, comme sur le plus ou le moins de génération de la chaleur animale; ainsi l'on peut concevoir que cette chaleur y est produite, sans qu'elle fasse en même tems cesser le resserrement de ces mêmes vaisseaux, qui est la condition efficiente: ainsi l'assertion du docteur Douglas qui établit ce resserrement, & en conséquence le frottement des globules sanguins dans les capillaires, comme cause de la chaleur animale, semble subsister sans atteinte à l'égard de la premiere objection: passons à la seconde. On ne peut que convenir avec tous les Physiologistes, que le mouvement du sang est très-lent dans tous les capillaires; que le degré de cette lenteur doit varier à-proportion des résistances, & par conséquent qu'elle augmente avec le plus de resserrement causé par l'augmentation du froid . Mais n'y a-t-il pas lieu de penser qu'il augmente ce ralentissement du cours des humeurs, seulement jusqu'à ce que les forces vitales par la disposition naturelle de la puissance motrice, ayent surmonte les résistances qui le causent, sans changer l'état de resserrement des solides, c'est-à-dire jusqu'à ce que les humeurs ayent éprouvé l'effet de l'augmentation du ressort dans tous les vaisseaux, la plus grande action qu'ils exercent en conséquence sur elles; que celles ci en soient en général plus affinées, & que les globules sanguins en particulier soient desunis au point de pouvoir passer l'un après l'autre dans les extrémités capillaires, & même d'être forcés à s'alonger, à prendre la forme ovale; ce qui les rend propres à opérer plus de frottement, à-proportion qu'ils touchent les parois des vaisseaux par des surfaces plus étendues; qu'il se fait par conséquent entre eux un frottement plus considérable qu'il ne se faisoit, lorsqu'il passoit plus d'un globule à la fois, & qu'ils touchoient aux parois des vaisseaux par moins de pointa: ensorte que l'on peut concevoir ainsi, que le mouvement des humeurs dans les capillaires redevient aussi peu lent qu'il etoit avant le resserrement, sans que le resserrement en diminue d'aucune façon, dans la supposition que la cause en subsiste toûjours. Or comme la faculté de procurer la sensation du froid est attachée à l'impression qui résulte de la diminution du mouvement intestin causé par l'action du feu, au-dessous de celui qui constitue notre chaleur naturelle: que la cause de cette diminution dépende du froid de l'atmosphere, ou d'une gêne dans le cours du sang, occasionnée par un resserrement spasmodique des vaisseaux, ou par épaississement des humeurs; il est aisé ensuite de ce qui vient d'être dit, de rendre raison pourquoi est-ce qu'on est si sensible au froid , lorsqu'on passe tout-d'un-coup d'un milieu qui est d'une température plus approchante de notre chaleur, à une température bien plus froide . N'est-ce pas parce que celle-ci produit si promptement le resserrement des capillaires cutanés, qu'elle y forme à-proportion de plus grandes résistances au cours des humeurs qui se ralentit aussi à-proportion? d'où la sensation du froid , ainsi qu'on l'observe à l'égard des changemens subits du chaud au froid dans l'air, qui ont lieu sur-tout en automne, tems auquel on éprouve plus de sensibilité à ce changement de température, qu'on n'en éprouve dans le tems de la gelée la plus forte, quoique dans le premier cas, les effets du froid soient absolument moins considérables, quoiqu'il se fasse alors une moindre constriction dans les capillaires, & qu'il en résulte absolument moins de résistance au cours des humeurs. Cette résistance est respectivement plus effective, parce que le relâchement des solides subsistant encore intérieurement, la puissance motrice ne peut augmenter ses efforts, & opposer plus d'action pour vaincre cette résistance, qu'après que les effets du froid ont condensé de proche en proche tous les solides, en ont augmenté le ressort, ont attenué les humeurs, en ont tiré plus de fluide nerveux; ce qui n'a lieu que lorsque le froid a subsisté quelque tems. Alors un plus grand froid fait moins d'impression, parce que le cours du sang dans les capillaires étant rétabli, sans que leur resserrement ait cessé, il s'y fait plus de frottement, il s'y engendre conséquemment plus de chaleur. C'est par une raison à-peu-près semblable, que l'on est affecté d'une sensation de froideur dans les parties sujettes aux accès de douleur rhumatismale; dans ces différens cas, cette sensation dure jusqu'à ce qu'il survienne, pour ainsi dire une fievre, c'est-à-dire, une augmentation d'emploi des forces vitales, une plus grande action des organes circulatoires, qu'il n'en falloit auparavant pour surmonter une moindre résistance dans les capillaires, où le cours des humeurs s'est ralenti. De ces augmentations doivent s'ensuivre plus de division de ces humeurs, plus de fluidité qui y rétablit la disposition à passer librement par les vaisseaux resserrés ou embarrassés; d'où la cessation de celle qui donnoit lieu à cette sensation. C'est aussi pourquoi ceux qui passent en peu de tems d'un pays froid , d'un pays de montagne, par exemple, dans un pays d'un climat plus doux, dans un pays de plaine, trouvent qu'il fait chaud dans celui-ci, tandis que ceux qui l'habitent s'y plaignent du froid . On ne peut en effet attribuer cette différence de sensation dans le même milieu, qu'à ce que les premiers ayant leurs vaisseaux capillaires dans un état de resserrement plus grand que ne les ont ceux de la plaine, & la puissance motrice étant néanmoins montée dans ceux-là à surmonter ce resserrement, à en tirer plus de chaleur animale, par conséquent ils passent dans un milieu plus chaud ou moins froid , sans que la disposition génératrice de la chaleur interne, qui n'est pas la même dans ceux qui sont habitués à ce milieu, cesse aussi-tôt. Ainsi il y a donc dans ceux-là une cause de chaleur qui n'est pas dans ceux-ci: d'où suit l'explication du phénomene tirée de la lenteur des humeurs qui subsiste dans les capillaires des derniers, tandis qu'elle a été surmontée dans les premiers. Ainsi il suit de tout ce qui vient d'être dit, que la difficulté tirée de la lenteur des humeurs, ne peut plus être mise en-avant; s'il est prouvé, comme on se flate de l'avoir fait, que par la disposition la plus admirable dans le corps animal, bien loin que le resserrement des capillaires retarde le cours des humeurs; aussi constamment qu'il subsiste lui-même, il en occasionne l'accélération, par-là même qu'il lui avoit d'abord opposé de la résistance: ainsi la seconde objection contre le système anglois, paroît n'être pas plus décisive que la premiere; il reste à examiner la troisieme. Cette difficulté tirée du petit nombre de vaisseaux générateurs de la chaleur animale, en comparaison de toutes les autres parties, qui non-seulement ne contribuent pas à sa production, mais encore absorbent, pour ainsi dire, la plus grande partie de celle qui est engendrée dans ces vaisseaux. Cette difficulté paroît assez embarrassante dans le système du docteur anglois, si l'on borne, avec lui, le resserrement des capillaires causé par le froid , aux seuls capillaires cutanés, & si l'on ne considere ce resserrement comme cause occasionnelle de la chaleur animale, qu'entant qu'il a lieu dans ces seuls vaisseaux: mais en admettant, d'après ce qui a été proposé ci-devant, que le froid opere ce resserrement non-seulement à la surface du corps, mais encore dans toutes ses parties internes, à mesure que le froid , par sa durée & par son intensité, parvient à condenser tous les corps sans exception, en gagnant de proche en proche de la circonference au centre; cette condensation ne peut-elle pas être conçûe également dans le corps humain, si l'on fait attention à ce que le froid exterieur étant en opposition avec la cause interne de la chaleur animale, quant à la propagation de celle-ci, empêche que les solides se raréfient, se relâchent autant qu'il arriveroit si le milieu ambiant n'absorboit pas, pour ainsi dire, les effets de la chaleur interne, à-proportion qu'elle est plus considérable que celle de ce milieu? Cette soustraction des effets de la chaleur ne peut-elle pas être regardee, par rapport aux parties qui les éprouveroient si elle n'avoit pas lieu, comme une vraie condensation proportionnée au moins de relâchement qui résulte de cette soustraction? Ainsi, dans cette supposition, les solides de tous les vaisseaux, & par conséquent ceux des capillaires, devant être condensés par l'effet du froid , d'où s'ensuit la diminution en tout sens du volume du corps animal, dont il n'y a pas lieu de douter & de rendre raison autrement; les capillaires de toutes les parties internes peuvent donc contribuer à la génération de la chaleur animale, par leur resserrement à-proportion de ce qu'ils sont susceptibles de recevoir les impressions du froid extérieur: ils le sont à la vérité d'autant moins qu'ils sont plus éloignés de la surface du corps; mais ils le sont, & on ne peut pas refuser d'accorder que leur nombre est bien pour le moins aussi supérieur à celui des capillaires cutanés, que ceux-ci sont plus exposés au froid extérieur que ceux-là: la chose est trop évidente pour qu'il y ait besoin de calcul. On peut hardiment assûrer que la somme du resserrement des capillaires internes, quoiqu'il soit bien moindre dans chacun en particulier, doit au moins égaler celle du plus grand resserrement des externes; d'où s'ensuit que ceux-là concourent autant que ceux-ci à la génération de la chaleur: par-là même, que ceux-là pris en total sont susceptibles des effets du froid , à-proportion autant que ceux-ci. Cela posé, c'est-à-dire les trois difficultés établies contre le systeme du docteur Douglas, étant ainsi résolues, il semble, par l'addition qui vient de lui être faite, n'avoir que gagné, en acquérant plus de vraissemblance, & en devenant plus conforme à tous les phénomenes que le froid produit dans l'oeconome animale; puisqu'il n'en reste pas moins, que la génération de la chaleur interne se fait dans les capillaires par le resserrement des capillaires cutanés; mais qu'il en résulte aussi qu'elle se fait dans tous les autres capillaires; & qu'il s'ensuit ainsi de plus, que les sources de cette chaleur sont plus étendues, plus abondantes, plus proportionnées à la masse à laquelle elle doit se communiquer. On satisfait de cette maniere à toutes les objections rapportées ci-devant. On évite même une autre difficulté qui se presente à cette occasion; elle consiste en ce qu'il n'est guere possible de comprendre comment on peut être affecté de la sensation du froid , si l'organe qui est le plus exposé à en recevoir les impressions, n'est pas moins exposé en même tems aux impressions qui lui viennent des seuls organes générateurs de la chaleur: car les houpes nerveuses sont bien aussi contigues pour le moins aux vaisseaux capillaires cutanés, qu'elles le sont à la surface de l'atmosphere qui s'applique à celle du corps. Cette difficulté bien refléchie paroît être assez importante contre le système du docteur Douglas, entant qu'il n'admet que les capillaires cutanés pour foyer de la chaleur animale; au lieu qu'en l'étendant à tous les capillaires, elle tombe aisément. D'ailleurs, il est des cas où les capillaires cutanés sont si resserrés par le froid , pendant un tems considérable, soit que ce froid vienne de cause externe, soit qu'il provienne de cause interne, que l'on ne peut pas concevoir que les humeurs y conservent encore du mouvement; ou il est si peu considérable, que le frottement qui en peut résulter, entre les humeurs & les vaisseaux qui les contiennent, non-seulement n'est pas suffisant pour engendrer une chaleur assez grande pour se communiquer à toutes les parties internes du corps, & y conserver uniforme celle qui subsistoit auparavant; mais encore pour en engendrer une qui excede tant-soit-peu le degré de celle de l'atmosphere: d'ou il suit que la chaleur du dedans du corps doit bien-tôt périr dans ces cas, comme celle de sa surface, puisqu'elle n'est plus renouvellée; ce qui est contraire à l'observation, dans ceux qui sont rappellés à la vie d'une mort apparente causée par la violence du froid auquel ils ont été exposes, qui n'a pû être assez contrebalancé par la chaleur interne, & dans ceux qui sont dans un grand froid de fievre, mais sur-tout dans la fievre lypyrie. Il n'en est pas ainsi, dans la supposition que les capillaires internes contribuent à la chaleur animale, ainsi que les externes: dans tous ces cas, ceux-là peuvent conserver suffisamment la chaleur, pour empêcher la cessation du cours des humeurs dans les gros vaisseaux, & en entretenir la fluidité & la circulation, assez pour conserver un germe de vie, en empêchant que les humeurs ne perdent entierement leur fluidité: mais à l'égard de l'espece de fievre qui vient d'être mentionnée, peut-on ne pas convenir que les capillaires internes sont aussi propre, à engendrer la chaleur, que les externes, tout etant égal; puisque dans cette fievre, les malades se sentent dévorés par l'exces de chaleur interne, tandis qu'ils paroissent gelés au-dehors? ce qu'il est aisé d'expliquer, en attribuant aussi la génération de la chaleur aux capillaires internes. Le grand épaississement des humeurs chargées de beaucoup de parties huileuses, suffit pour en concevoir, qu'elles ne peuvent pas être portees dans les capillaires cutanés, sans que le froid de l'atmosphere ne les dispose davantage à suivre la tendance de leur force de cohésion, à se figer, à suspendre leur cours, qu'à produire de la chaleur par le frottement; tandis que les capillaires internes moins exposés à l'effet coagulant de l'air ambiant, contribuent d'autant plus à la génération de la chaleur, que les humeurs en général, & particulierement les globules sanguins, ont plus de densité. D'où on peut inférer ici à cette occasion, pourquoi les personnes d'un tempérament phlegmatique, cacochyme, cholorotique, ne sont pas sujettes à des fievres de cette espece, aux fievres ardentes, comme les personnes d'un temperament bilieux, sanguin, & c'est aussi pourquoi ceux-là, dans l'etat de santé même, ont moins de chaleur naturelle que ceux-ci; non-seulement donc parce que les humeurs sont plus denses, mais encore parce que les solides sont plus élastiques dans ceux-là que dans ceux-ci; ce qui rend aussi les premiers plus susceptibles, tout étant égal, que les seconds, de sensibilité au froid , & de tous les effets qui en suivent. Il n'a été question jusqu'ici, en traitant des causes de la chaleur, pour rechercher celles du froid , que du frottement entre les fluides & les solides: pourquoi ne seroit-il pas fait mention du frottement ou de l'attrition des solides entre eux, & des globules des fluides aussi entre eux? Le docteur Douglas a prétendu, dans son ouvrage cité, que les effets de ces frottemens ne devoient point être comptés parmi les puissances méchaniques qui contribuent à la génération de la chaleur animale: mais son jugement à cet égard étant dénué de preuves solides, peut-il être regardé comme sans réplique, tant qu'il reste des faits, dont il est bien difficile d'écarter l'application qui se présente à en faire au sujet dont il s'agit? Il est certain que les mains frottées l'une contre l'autre, sont susceptibles de s'échauffer: il ne se fait autre chose dans ce cas, qu'une attrition des fibres cutanées; telle qu'elle peut avoir lieu entre deux morceaux de bois frottes l'un contre l'autre, qui s'échauffent par ce seul effet. Peut-on ne pas concevoir que les vaisseaux innombrables dont est composé le corps humain, étant tous contigus, ne peuvent osciller, se dilater, augmenter de diametre, se resserrer, s'alonger, & se raccourcir; éprouver alternativement ces différens changemens sans discontinuité, pendant toute la vie, sans se frotter entre eux, sans se toucher pendant leur dilatation, par un plus grand nombre de points qu'ils ne faisoient pendant leur contraction; ce qui est sur-tout bien sensible à l'égard de l'espece de vaisseaux que l'on sait être susceptibles d'une pulsation marquée, continuellement renouvellée, tant que la vie dure. Ces changemens de continuité plus ou moins étendue, ne peuvent pas se faire sans qu'il se fasse aussi en même tems une espece d'attrition entre les parties élémentaires des fibres qui composent les vaisseaux, & le frottement étant aussi répété & aussi sort que l'impulsion des humeurs dans leurs vaisseaux, il ne peut que s'ensuivre un développement, une plus grande action des particules ignées distribuées entre ces fibres, entre ces parties élémentaires, d'ou doit être engendrée une véritable chaleur dans le corps qui en est composé. Voyez les élémens de Chimie de Boernaave, part. II. expér. X. corol. 5 . Il y a donc lieu de penser que le mouvement des vaisseaux entre eux, l'oscillation de leurs fibres, le frottement des muscles les uns contre les autres, lorsqu'ils sont mis en action dans les exercices & les travaux du corps, peuvent contribuer à la production de la chaleur animale; & par conséquent, que ces différentes sortes de mouvemens servent par cette raison à combattre, à empêcher les effets du froid , à proportion qu'ils sont plus considérables; & vice versâ . Il n'est pas moins vraissemblable, que le mouvement des fluides, sur-tout le choc des globules sanguins entre eux, leur broyement en tout sens par la contraction des vaisseaux, par la force impulsive, par la pression contre les extrémités résistantes, ont aussi part à ce phénomene. Si on a égard à ce que rapporte le docteur Martine, dans son traité de la chaleur animale , au sujet de l'eau même, qu'il assûre avoir échauffée par le seul mouvement, par la seule agitation: mais sur-tout ce qu'a observé Albinus à l'égard du lait, qui acquiert une chaleur sensible par la seule attrition nécessaire pour le convertir en beurre; ce qui n'est pas ignoré des gens même qui le font; observation fort relative à ce dont il s'agit, à cause de l'analogie que l'on sait être entre le lait & le sang, qui sont composés l'un & l'autre d'un grand nombre de globules huileux flottans dans un véhicule aqueux; & entre la maniere dont sont préparés, battus, l'un & l'autre de ces fluides, pour que le lait soit changé en beurre & le chyle en sang: de ce que le lait est susceptible d'être échauffé par le seul mouvement, on peut même en inférer, à l'égard du sang, que tout étant égal, l'effet doit être plas grand, à proportion de la densité des globules de celui-ci sur les globules de celui-là. Ainsi on peut conclure de cette derniere assertion, que la différence du sang dans les différens sujets, contribue beaucoup à la différence que l'on observe dans la chaleur naturelle; & le plus ou le moins de disposition à recevoir les impressions du chaud & du froid , à l'égard de chaque individu, respectivement au tempérament dont il est doüé, c'est-à-dire selon que la masse de ses humeurs abonde plus ou moins en globules rouges, & que ces globules sont plus ou moins denses, plus ou moins élastiques. C'est sans doute par cette considération, que l'auteur du livre sur le coeur , que l'on trouve parmi les oeuvres d'Hippocrate, dit, en comparant le sang aux autres humeurs, qu' il n'est pas chaud de sa nature, mais susceptible de s'échauffer , apparemment à cause de sa consistence: ce qui paroît en effet devoir réellement concourir, avec la disposition des solides, pour la production plus ou moins facile, plus ou moins constante de la chaleur animale, qui augmente & diminue avec l'augmentation & la diminution d'action dans les vaisseaux, & d'agitation dans les humeurs; ce qui rend raison de l'intempérie froide qui domine dans les personnes d'un tempérament pituiteux, dans les hydropiques, dans les chlorotiques, en un mot dans tous ceux dont le sang est mal travaillé, manque de condensation, ou dont les globules rouges bien conditionnés ne sont pas en suffisante quantité, comme après les grandes hémorrhagies: ce qui sert aussi à l'explication du défaut de chaleur propre dans la plûpart des poissons, & dans tous les animaux, dont les solides relâchés, les humeurs aqueuses, ne sont susceptibles entre eux & les solides, que de frottemens, de chocs très-foibles; d'où résulte si peu de chaleur, qu'elle est emportée par le milieu ambiant, à-mesure qu'elle est produite: d'où s'ensuit que ces animaux ne peuvent acquérir aucun degré de chaleur supérieur à celle de ce milieu, & que leur température éprouve toutes les variations de celle des corps inanimés. Toutes ces différentes puissances méchaniques qui viennent d'être proposées, d'après la plûpart des physiologistes modernes, comme propres à concourir à la génération de la chaleur propre aux animaux, & à la production, par la raison des contraires, de tous les phénomenes du froid , que les animaux sont susceptibles de ressentir, & dont ils éprouvent les effets les plus importans, particulierement pour le maintien de l'uniformité de cette chaleur, paroissent exister dans l'économie animale, d'une maniere si prouvée, qu'il est impossible de se persuader, avec le docteur Douglas, qu'elles doivent être rejettées, en faveur de son systeme; d'aurant plus qu'elles ne sont point incompatibles avec lui, ainsi qu'on vient de tâcher de l'établir; & qu'au contraire elles sont comme des accessoires qui servent à l'étayer & à le soûtenir contre les objections qui pourroient le renverser entierement, si elles n'étoient pas de nature à fournir des moyens de défense tirés de l'adresse même avec laquelle l'attaque a été formée. Il est vrai que ce système perd par-là l'avantage de la simplicité, & qu'il semble par conséquent n'être plus conforme aux vûes de la nature, qui opere en général avec le moins de dépense possible: mais elle ne peut en user ainsi, que pour des effets non compliqués: il lui faut des causes multipliées, là où les besoins sont essentiellement distingués & différens, quoique relativement au même objet: les diverses combinaisons qui en dérivent exigent autant de causes différentes, qui prises séparément, sont aussi simples les unes que les autres, parce qu'elles ont chacune leur destination particuliere, par rapport aux circonstances variées qui les mettent en oeuvre. Il résulte donc de tout ce qui a été dit dans cet article, que par une admirable disposition dans l'économie animale, c'est à la diminution de la chaleur dans l'atmosphere, c'est-à-dire au froid même, qu'il semble démontré que l'on doit attribuer principalement l'entretien des effets du feu, à l'égard des animaux chauds, à un degré à-peu-près uniforme dans l'état de santé, & proportionné en raison inverse, précisément à celui de l'augmentation du froid ; pourvû cependant que les efforts des organes vitaux pour conserver la fluidité, le mouvement, le cours des humeurs, soient toûjours supérieurs aux résistances causées par la constriction des solides, par le resserrement des vaisseaux; effets constans du froid , auxquels il est attaché, en donnant occasion à de plus grands frottemens entre toutes les parties du corps animal, tant solides que fluides, mais sur-tout entre les globules sanguins & les parois des vaisseaux capillaires, d'exciter l'action des particules ignées dans l'intérieur de ce corps, à-proportion qu'elle diminue au-dehors. Ce sont donc les mouvemens absolumens nécessaires pour la conservation de la vie saine dans les animaux, qu'il faut regarder comme les antagonistes du froid; puisque tout étant égal & bien disposé, la chaleur augmente constamment à-mesure qu'ils augmentent de force & de vîtesse, & qu'elle diminue de même avec la diminution de ces mouvemens, parce que le frottement qu'ils occasionnent augmente & diminue avec eux. Ainsi dans tous les cas où ils ne sont pas suffisans, soit par l'exces du froid dans le milieu ambiant, soit par le vice particulier des solides, ou par celui des fluides, pour entretenir la chaleur animale dans sa latitude ordinaire; chaleur qui doit par conséquent toujours excéder celle de l'atmosphere même, dans les plus grandes chaleurs de l'été: l'animal dans lequel ce defaut de chaleur naturelle a lieu, éprouve le sentiment & les autres effets du froid dans toutes les parties de son corps, si ce défaut y est général; ou dans quelques-unes seulement, si ce défaut n'est que particulier. Dans l'un & dans l'autre cas, le froid ne peut ainsi se faire sentir pendant un tems considérable, sans devenir une cause de desordre dans l'économie animale. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=d'Aumont Normalized Classification=Pathologie Part of Speech=NA Froid Froid , ( Patholog. ) il suit de ce qui vient d'être établi à la fin de l'article précédent, que le froid considéré entant qu'il produit ses effets dans le corps des animaux chauds, dans le corps humain, peut être lui-même produit par des causes externes & par des causes internes, par rapport à l'individu qui le souffre. La principale cause externe de ce froid animal est le froid de l'atmosphere. Le premier degre de celui-ci, relativement à ses effets physiques les plus susceptibles, hors de nous, de tomber sous les sens, est marqué par la diminution de l'action du feu à l'égard de l'eau, au point où elle cesse d'être fluide, où elle devient un vrai solide, qui est la glace: mais ce changement, qui est la congelation, ne se fait encore à ce degré de froid , que dans de très-petites masses d'eau. Il est toûjours plus considérable, à-mesure que le froid augmente; & dans les climats temperes, cette augmentation se fait jusqu'à la moitié du nombre des degrés dont augmente l'action du feu dans l'atmosphere, par-dessus le degré de la congelation, pour former la plus grande chaleur dont ces climats-ci sont susceptibles: ensorte que comme le plus grand hyver de ce siecle y fit descendre le mercure du thermometre de Farenheit environ à 32 degrés au-dessous de zéro, c'est-à-dire du point où commence la congelation, les plus grandes chaleurs l'ont fait monter à environ 98: ce qui fait une augmentation de deux tiers par-dessus le point de la congelation: ainsi le degré moyen entre le plus grand chaud & le plus grand froid dans l'atmosphere, est celui de la température qui a été observée dans les caves de l'Observatoire de Paris; ce degré est fixé à 10 au-dessus du point de la congelation. Selon la division du thermometre de M. de Réaumur, c'est le point moyen des variations de cette température, dont la latitude, selon le thermometre de Farenheit, s'étend du quarante-cinquieme degré, ou environ, au cinquante-cinquieme. Ainsi au degré moyen de cette latitude, l'eau est également éloignée d'être convertie en glace & de devenir tiede. Tant que la chaleur de l'atmosphere n'est pas diminuée jusqu'à ce degre moyen, quoiqu'elle soit toûjours moins considérable que celle qui est ordinaire au corps humain, dans l'état de santé; si la premiere diminue insensiblement jusqu'à ce degré, on ne s'en apperçoit pas beaucoup; on n'est pas fort incommodé de cette diminution dans l'action du feu de l'atmosphere; diminution a laquelle il est cependant attaché de produire les effets du froid , d'en exciter la sensation, comme étant la disposition physique qui est la principale cause externe du froid animal. Cette cause opérant à-proportion de son intensité, la sensation qui en resulte n'est pas bien forte, tant que le froid du milieu n'est pas parvenu au degré de la température dont on vient de parler; d'autant que la chaleur propre à l'animal augmente à-proportion qu'il en reçoit moins de ce milieu: & cette augmentation se fait en raison de celle du resserrement que ce froid cause dans la surface du corps. Mais plus le froid approche du degré de la congelation, plus ce resserrement devient considérable; il va toûjours en augmentant avec le froid , au point qu'il ralentit le cours des humeurs; soit par la trop grande résistance qu'il cause ainsi dans les solides, soit par la condensation des fluides, qui leur fait perdre leur fluidité dans les portions où est opérée cette condensation; effets qui diminuent par conséquent l'activité du frottement & la génération de la chaleur, qui depend de cette activité; d'où s'ensuit un double obstacle à l'impulsion des fluides dans les parties affectées du froid; duquel obstacle établi suit une sorte d'impression sur les nerfs, qui a la propriété, etant transmise à l'ame, de faire naître la sensation desagreable du froid animal, ainsi qu'il a été dit dans l'article précédent: & cette sensation devient forte de plus-en-plus, à-proportion que le froid externe, & conséquemment le resserrement des vaisseaux capillaires, le ralentissement des humeurs, augmentent & s'étendent davantage de la circonférence vers le centre: ce qui arrive sur-tout si l'on est constamment exposé à l'air libre; si l'atmosphere qu'il forme autour du corps est continuellement renouvelle par le vent: ensorte que l'air ambiant ne restant point assez appliqué au corps animal, pour le faire participer à la chaleur qu'il en tire, ne fait que lui en enlever sans cesse, & ne lui communique que son froid actuel, qui pénetre dans sa substance, opere une veritable constriction dans ses solides, dispose à la coagulation ses fluides; d'où s'ensuit qu'il diminue de volume en tout sens, & que bien des gens ont observé que les habits qui ne les entouroient, ne les enveloppoient qu'avec peine en été, pendant la raréfaction de tous les corps par l'effet de la chaleur, se trouvent alors trop amples; tant la condensation de toutes les parties se rend sensible. Ainsi les effets du froid de l'air sur le corps humain, peuvent être si considérables, qu'il y a des exemples d'hommes qui sont morts subitement par le seul effet du grand froid , sans aucune autre mauvaise disposition que celle qu'il avoit produite: ce qui arrive assez communement dans les pays septentrionaux, non seulement à l'egard des hommes, mais encore à l'égard des bêtes. On ne sauroit douter que ce qui donne lieu à des accidens de cette nature, ne soit le resserrement des vaisseaux, qui lorsqu'il est porté à un degré considérable, intercepte le cours des humeurs: à quoi se joint la coagulation de celles-ci: effets qui ont l'eu principalement dans les poumons, où les vaisseaux très-minces, très-exposés, très faciles à se laisser penetrer par le froid , & le sang très-exposé aux influences de l'air, étant presque à découvert dans ce viscere, sont, par ces différentes raisons, très susceptibles d'engorgemens inflammatoires & autres, si prompts même & si étendus, lorsqu'ils sont produits par un froid extreme, qu'ils peuvent procurer une suffocation subite; comme dans les cas qui viennent d'être mentionnés. Personne n'ignore que le sang sorti d'une veine & reau dans un vase sous forme fluide, se fige dans l'espace de trois ou quatre minutes dans un air temperé, & qu'il se change ainsi en une masse solide, qui s'attache ordinairement aux parois du récipient. Ce fluide de animal se coagule encore plus promptement, si l'air auquel il est exposé est bien froid , comme dans un tems de gelée; il n'est cependant pas aise de determiner précisément à quel degré de la diminution de la chaleur dans l'air, le sang perd ainsi sa fluidité, puisque cela arrive également dans l'été, & qu'il n'y a de différence en comparaison avec ce qui se passe à cet égard en hyver, qu'en ce que la coagulation est moins prompte dans la premiere que dans la seconde de ces circonstances: on sait seulement que la sérosité du sang ne se congele qu'au vingt-huitieme degré du thermometre de Farenheit, & que par consequent il faut un plus grand froid pour la convertir en glace. Qu'à l'égard de l'eau qui commence à se geler des le trente deuxieme, c'est peut-être parce que la sérosité est un peu salée, qu'elle résiste davantage à perdre sa fluidité: mais il suffit pour le sujet dont il s'agit ici, que l'on soit assuré que le froid hâte la tendance naturelle du sang à la coagulation; c'est pourquoi s'il arrive à ceux qui tombent en syncope de rester assez dans cet état pour que par la grande diminution du mouvement des humeurs elles ayent eu le tems de se refroidir, il se forme alors, par une suite du défaut d'agitation vitale & du froid qui s'ensuit, des concretions polypeuses autour du coeur dans les gros vaisseaux; concrétions qui sont le plus souvent de nature a ne pouvoir être resoutes. La constriction des vaisseaux & la coagulation du sang, sont donc des effets du froid de l'air sur les corps des animaux; d'où peuvent s'ensuivre de grands desordres dans leur économie, à-proportion de l'intensité de la cause qui a produit ces effets. Cette cause est même de nature à pouvoir les opérer après la mort, puisque dans cet état il ne reste plus dans le corps animal d'autre principe de chaleur, que de celle qui lui est commune avec tous les corps inanimés; chaleur qui à quelque degré qu'elle soit dans l'atmosphere, n'est jamais, comme il a été dit plusieurs fois, qu'un froid respectis: ainsi ce froid causant une constriction générale dans tous les solides, elle est plus forte dans chaque partie à-proportion de sa densité; par consequent les arteres dont les tuniques sont plus compactes que celles des veines, se resserrant davantage, tout étant égal, expriment la partie la plus fluide du sang dans les vaisseaux plus foibles, c'est-à-dire dans les veines, & ne retiennent que la plus grossiere, celle qui a perdu sa fluidité, ensorte même qu'elles se vuident souvent entierement; d'où résulte que le froid contribue à donner de l'action aux vaisseaux, non-seulement pendant la vie pour la conserver par l'exercice des fonctions, en y entretenant la chaleur à un degré uniforme & toûjours supérieur à celle de l'atmosphere, mais encore après la mort, en donnant lieu à certains mouvemens dans les solides & dans les fluides, tant que ceux-ci sont disposés à conserver de la fluidité, & à céder à l'action de ceux-là: d'où surviennent souvent dans les cadavres différentes sortes d'évacuations de sang, de sérosités, d'urine, &c. par les voies qui n'offrent pas de la résistance à ces efforts automatiques. On peut donc encore inférer de ces effets posthumes, que si le froid peut opérer des mouvemens aussi marqués dans les corps des animaux sans le concours de la vie, il doit influer bien davantage à-proportion sur les opérations des corps animés, en tant qu'il contre-balance les effets qu'y produit la chaleur qui leur est propre, en les bornant, d'autant plus qu'il a plus de part à sa génération, dans une certaine latitude; en empêchant par conséquent le trop grand relâchement des fibres, la dissolution trop considérable des humeurs qui seroient les suites de la chaleur & du mouvement laissés à eux-mêmes dans les animaux; en conservant convenablement la fermeté, l'élasticité dans celles-là, & la densité, la consistance dans celles-ci. Mais lorsque le froid augmente au point de former des résistances au cours des fluides, résistances que la puissance motrice ne peut plus surmonter, & dont conséquemment elle ne peut plus tirer avantage pour la production de la chaleur animale, les effets qui s'ensuivent ne peuvent, comme on l'a déjà fait pressentir, qu'être très-nuisibles à l'exercice des fonctions nécessaires pour la vie saine, & même seulement pour l'entretien de celles sans lesquelles la vie ne peut subsister. Le cours des humeurs est d'abord considérablement ralenti, & s'arrête même totalement dans les parties les plus exposées à l'impression du froid , & dans lesquelles la force impulsive est le plus affoiblie, à cause de l'éloignement du principal instrument qui l'a produit, c'est-à-dire du coeur: ainsi la surface du corps en général, & particulierement les extrémités, les piés, les mains, le nez, les oreilles, les levres, sont les parties les plus susceptibles d'être affectées des effets du froid; la peau se fronce, se resserre sur les parties qu'elle enveloppe immédiatement; elle comprime de tous côtés les bulbes des poils, elle rend ainsi ces bulbes saillans; elle reste soûlevée sous forme de petits boutons dans les portions qui les recouvrent comparées à celles des interstices de ces bulbes; elle est seche & roide, parce que ses pores étant resserrés, ne permettent point à la matiere de l'insensible transpiration de se répandre dans sa substance, pour l'humecter, l'assouplir, & que les vaisseaux cutanés ne recevant presque point de fluides, elle perd la flexibilité qui en dépend. Les ongles deviennent de couleur livide, noirâtre, à cause de l'embarras dans le cours du sang des vaisseaux qu'ils recouvrent: c'est par cette même raison que les levres & différentes parties déliées de la peau, paroissent violettes, attendu que les vaisseaux sanguins y sont plus nombreux, plus superficiels. Tout le reste des tégumens est extrèmement pâle; parce que le resserrement des vaisseaux cutanés empêche le sang d'y parvenir. Le sentiment & le mouvement sont engourdis dans le visage, dans les mains & les piés; parce que la constriction des solides pénétrant jusqu'aux nerfs & aux muscles, gêne le cours des esprits animaux, empêche le jeu des fibres charnues: d'où s'ensuit que même les mouvemens musculaires qui servent à la respiration, se font difficilement; ce qui contribue à l'oppression que donne le froid , joint à ce que la surface des voies de l'air dans les poumons ayant beaucoup d'étendue, n'étant pas moins exposée que la peau, & n'ayant que très-peu d'épaisseur, éprouve à proportion les mêmes effets du froid qu'elle, par conséquent avec plus d'intensité; & que le sang de ce viscere y est, comme il a été dit, très-exposé à la coagulation; ce qui ajoûte beaucoup à l'embarras du cours des humeurs dans ce principal organe auxiliaire de la circulation. Tous ces différens symptomes peuvent exister avec plus ou moins d'intensité; mais ils constituent toûjours un véritable état de maladie: lorsque la lésion des fonctions en quoi ils consistent est durable, ils peuvent même, comme il a déjà été dit, avoir les suites les plus funestes, si par la continuation des effets du froid , les embarras dans le cours des humeurs s'étendent beaucoup de la circonférence vers le centre, & deviennent à proportion aussi considérables au-dedans qu'au-dehors: d'ou tirent d'abord leur origine la plûpart des maladies causées par la suppression de la transpiration insensible ( voyez Transpiration ); d'où se forment souvent de violentes inflammations dans les membres, sur-tout dans leurs extrémités qui ont beaucoup de disposition à le terminer par la gangrene, le sphacele ( voyez Engelure , Gangrene , Sphacele ); d'où plus souvent encore prennent naissance les fluxions inflammatoires de la membrane pituitaire, de la gorge, des poumons, de la plevre, à cause du contact immédiat ou presque immédiat de l'air froid auquel sont exposées toutes ces parties. Voyez Rhume , Enchifrenement , Esquinancie , Péripneumonie , Pleurésie L'application de l'air, de l'eau, ou de toute autre chose qui peut exciter un sentiment vif de froid sur certaines parties du corps qui y sont le moins exposées, qui sont toûjours plus chaudes que d'autres, produit toûjours des constrictions, des resserremens non-seulement dans les vaisseaux de la partie ainsi affectée & même de toute l'étendue de la peau, mais encore dans l'intérieur, dans les visceres, où peuvent être produits les mêmes vices, qui sont les suites des impressions immédiates du froid: d'où il arrive souvent entre autres accidens, que les femmes éprouvent la suppression de leurs regles, par l'effet d'avoir passé subitement d'un air chaud à un air bien froid , ou d'avoir souffert le froid aux piés, aux mains avec assez d'intensité ou de durée, ou de s'être trempé ces parties dans de l'eau bien froide . Tous ces accidens surviennent dans ces cas d'autant plus aisement, si les personnes qui les éprouvent avoient auparavant tout leur corps bien chaud. Il en est de même à l'égard de la boisson bien froide , de la boisson à la glace, dans la circonstance où le corps est échauffé par quelque exercice, par quelque travail violent; ce qui donne lieu à des maladies très-aigue, & très-communes parmi les gens de la campagne, les gens de fatigue. Dans tous ces cas, quoique l'effet immédiat du froid ne porte que sur les parties externes, ou sur celles qui communiquent avec l'extérieur qu'il affecte par les propriétés physiques qui ont été si souvent mentionnées; cet effet ne se borne pas à la surface de ces parties; il est attaché à l'impression du froid , de causer une sorte de stimulus dans le genre nerveux, d'en éxciter l'irritabilité, & d'occasionner une tension, un érétisme général dans toutes les parties du corps; d'où se forme un resserrement dans, tous les vaisseaux, qui fait un obstacle dans tout le cours des humeurs, à raison de la diminution proportionnée dans le diametre de chacun d'eux, diminution qui restraint par conséquent la capacite des parties contenantes, & donne lieu à une pléthore respective; ensorte que la partie des humeurs qui devient excédente par-là, est forcée par les lois de l'équilibre, dans le systeme vasculeux du corps animal, à se porter dans la partie qui en est la plas foible; ou s'il n'en est aucune qui cede, il s'ensuit nécessairement que la circulation des humeurs trouvant par-tout une égale résistance, se trouve aussi par-tout embarrassée, & disposée à s'arrêter. Tel fut le cas d'Alexandre, mentionné dans Quinte-Curce, lib. II. cap. v. Ce prince ayant voulu pendant le fort de la chaleur du jour, dans un climat brûlant, se laver dans le fleuve Cydnus, de la poussiere mêlée à la sueur dont son corps étoit couvert, après s'être échauffé excessivement par les plus grandes fatigues de la guerre, fut tellement saisi du froid de l'eau, que tout son corps en devint roide, immobile, couvert d'une pâleur mortelle, & parut avoir perdu toute sa chaleur vitale; ensorte qu'il fut tiré du fleuve sans forces, sans usage de ses sens, en un mot comme sans vie. Tous ces effets furent produits si subitement, que le froid n'avoit pas pû pénétrer dans l'intérieur, pour agir immédiatement, comme à l'extérieur, par sa faculté de resserrer les solides, de condenser, de figer les fluides: ce ne pouvoit être que par le moyen des nerfs qu'il se fit un desordre si prompt & si terrible dans toute l'économie animale de ce jeune héros; desordre qui faisoit un état si dangereux, que l'habileté & le zele des medecins de Philippe son pere eurent bien de la peine à l'en tirer, à le rappeller, pour ainsi dire, à la vie, & à lui rendre la santé; parce que la lésion des fonctions avoit été d'autant plus considérable, que le sujet étoit plus robuste, & qu'il ne se trouva point dans son corps de partie foible disposée à souffrir pour le tout; ensorte que le mal intéressa dans ce cas généralement toutes les conditions nécessaires pour l'entretien de la santé. Voyez , sur la théorie relative aux accidens de cette espece, l' article Equilibre , ( Economie animale. ) La cause à laquelle on vient d'attribuer ces derniers phénomenes comme effets du froid , sans qu'il porte ses impressions immédiatement, en tant que froid externe, sur les parties internes de l'animal, semble être encore plus prouvée par ce qui arrive en consequence de l'application subite d'une colonne d'air froid , ou de quelqu'autre corps bien froid , sur une partie bien chaude & bien sensible de la surface de notre corps; application qui excite une sorte de tremblement sur toute la peau, un vrai frisson momentané, c'est à-dire qui dure autant que la sensation même du froid C'est ainsi que l'aspersion de l'eau bien froide sur le visage des personnes disposées à la syncope, rappelle les sens & rétablit les mouvemens vitaux prêts à être suspendus, en produisant une sorte de secousse dans tout le genre nerveux: c'est ainsi que l'on a quelquefois arrêté des hémorrhagies, en touchant quelque partie du corps bien chaude, avec un morceau de métal bien froid , ou un morceau de glace; en occasionnant par la sensation vive qui résulte de cette application, une sorte de crispation des solides en général, qui resserre comme par accident les vaisseaux qui se trouvent ouverts. Ces considérations concernant les effets lu froid externe sur le corps humain (effets que l'on peut distinguer en les appellant sympathiques , parce qu'ils influent sur des parties où ils n'ont pû être portés ou produits que par communication, & non immédiatement), menent à dire quelque chose d'autres effets du froid dans les animaux, produits par des causes absolument internes, sans aucun concours du froid externe: tels sont tous les obstacles à l'action du coeur & des arteres, tant qu'ils ne peuvent pas être facilement surmontés par sa puissance motrice; tout ce qui de la part des humeurs s'oppose à leur propre cours, comme le trop de consistance, leur épaississement, leur trop grande quantité qui fait une masse trop difficile à mouvoir, leur volume trop diminué par les grandes évacuations, les hémorrhagies surtout qui diminuent trop considérablement la partie rouge du sang, le nombre de ses globules, tout ce qui empêche la distribution du fluide nerveux & en conséquence le mouvement des organes vitaux, même de ceux qui sont soûmis à la volonté, comme dans les parties paralysées qui sont toûjours froides; enfin tout ce qui peut diminuer ou suspendre l'agitation, le frottement de la partie élastique de nos humeurs entre elles, & contre les vaisseaux qui les contiennent. Voyez Fievre maligne , lipyrie , intermittente , Venin , Poison , Gangrene , &c. Ces différentes causes internes du froid animal sont certaines & fréquentes: il en est cependant encore d'autres d'une différente nature, qui produisent des effets que l'on ne sauroit attribuer à celles qui viennent d'être exposées, puisqu'il s'agit de cas où l'on éprouve une sensation de froid très-marqué & souvent très-vif, sans qu'il y ait aucune diminution d'agitation dans les solides & dans les fluides; au contraire même souvent avec des mouvemens violens dans les principaux organes de la circulation du sang, du cours des humeurs, avec toutes les dispositions nécessaires pour la conservation de leur fluidité; ensorte qu'il arrive quelquefois que les parties supérieures du corps sont brûlantes, tandis que les inférieures sont glacées; qu'un côté du corps est refroidi, pendant que l'on sent beaucoup d'ardeur dans le côté opposé; que l'on sent comme un air froid se répandant sur un membre, comme par un mouvement progressif, tandis que l'on est fatigué de bouffées de chaleur; qu'il se fait des transports d'humeurs, des engorgemens dans d'autres parties, avec les symptomes les plus violens. On ne peut attribuer la cause de semblables phénomenes qu'à l'action des nerfs, qui par l'effet d'un cours irrégulier des esprits animaux, sont tendus & resserrent les vaisseaux dans quelques parties; d'où les humeurs devenues surabondantes par rapport à la diminution de la capacité des vaisseaux, sont comme repoussées dans d'autres parties qui n'opposent point de résistance extraordinaire, où elles sont portées avec beaucoup d'agitation, tandis que leur cours est presque arrêté dans les vaisseaux resserrés; de maniere qu'il s'établit dans ceux-ci une disposition, telle qu'elle peut être produite par le froid externe, pour exciter la sensation qui resulte de son application sur les parties sensibles; & dans ceux-là une disposition telle qu'il la faut pour faire augmenter la génération de la chaleur animale, & le sentiment qu'elle fait naître. Voyez Chaleur animale , & sur ces effets singuliers, ce qui est dit en son lieu de chacune des différentes maladies dans lesquelles on les observe, telles que la Fievre nerveuse , la Passion hypocondriaque , hystérique , les Vapeurs , l' Epilepsie , &c. Dans d'autres cas il survient en peu de tems, & quelquefois subitement, à des personnes qui ont toute leur chaleur naturelle, tant au dehors qu'au-dedans, un froid répandu sur toute la surface du corps avec pâleur, frisson, tremblement dans les membres, sueur froide; tous symptomes que l'on ne peut encore attribuer qu'au resserrement plus ou moins prompt, qui se fait dans les vaisseaux capillaires par le moyen des nerfs, ensuite d'une distribution irréguliere, plus abondante qu'elle ne devroit être, du fluide nerveux dans l'habitude du corps, & dans les organes du mouvement; resserrement qui arrête le cours des humeurs, dans tous les tégumens, & en exprime sous forme sensible la matiere de la transpiration condensée par le défaut de chaleur animale. On observe ces différens phénomenes avec plus ou moins d'intensité dans les grandes passions de l'ame, comme le chagrin, la peur, la surprise, l'effroi, la terreur, &c. Voyez Passions , animi pathemata . Après avoir considéré quelles sont les différentes causes tant externes qu'internes, qui peuvent nous affecter de la sensation du froid , il reste à dire quelque chose des différens moyens que l'on peut employer pour faire cesser la disposition contre nature qui produit cette sensation; parce que l'on peut inférer de l'effet de ces moyens, la confirmation de tout ce qui a été avancé ici concernant la théorie du froid animal. Parmi les causes, tant externes qu'internes, qui peuvent produire la disposition à laquelle en est attachée la sensation, il n'en est point de si générale & de si commune, que l'application du froid de l'air ambiant: or comme c'est par l'agitation de l'air, par le renouvellement continuel de la partie de ce fluide qui nous environne, que le froid est le plus sensible, tout étant égal; le premier moyen que les hommes nés nuds & laissés à-peu-près sans défense à cet égard, ont trouvé de se garantir un peu de cette impression desagréable, a été vraissemblablement de se mettre à couvert du vent derriere des arbres ou tout autre corps, qui pouvoient être interposés entre eux & le courant d'air. On eut ensuite bien-tôt occasion de découvrir quelque creux de rocher, quelque caverne, où l'on pouvoit encore se mettre plus aisément à l'abri de toutes les injures de l'air; mais on ne pouvoit souvent pas y rester autant qu'elles duroient; il falloit passer d'un lieu à un autre pour pourvoir à ses besoins. On s'apperçut que la nature avoit donné aux bêtes différens moyens attachés à leur individu, tels que les poils, les plumes, dont le principal usage paroissoit être de couvrir la surface de leur corps, & de la défendre des impressions fâcheuses que pouvoient leur causer les corps ambians: envier cet avantage & sentir que l'on pouvoit se l'approprier, ne furent presqu'une même réflexion. En effet l'homme ne tarda pas à se procurer par art ce dont la nature ne l'avoit sans doute laisse dépourvû, que parce qu'elle lui avoit donné d'ailleurs bien supérieurement à tous les animaux, l'intelligence nécessaire non seulement pour se défendre de toutes les incommodités de la vie, mais encore pour trouver tous les moyens possibles de se la rendre agréable, & par conséquent celui de se garantir du plus grand inconvénient de sa nudité, en se couvrant contre le froid , & de la faire servir par le moyen d'un tact plus fin & plus étendu, à des delices de différentes especes (que les animaux ne sont pas disposés à gouter), dans bien des circonstances où il pouvoit desirer d'avoir la surface de son corps découverte & exposée au contact d'autres corps propres à lui procurer des sensations agréables comme dans les chaleurs de l'été, où il lui étoit facile de se dépouiller de tout ce qui pouvoit l'empêcher de sentir la fraîcheur de l'air, lorsque l'occasion s'en présentoit; il se détermina donc bien-tôt à sacrifier au besoin qu'il avoit de se défendre du froid les bêtes, auxquelles il crut voir les couvertures les plus convenables qu'il pût convertir à son usage. Il n'eut pas à balancer pour le choix; les animaux dont les fourrures sont les plus fournies, dûrent avoir tout-de-suite la préférence: c'est-là vraissemblablement le premier motif qui a porté les hommes à égorger des animaux; ils pouvoient s'en passer à l'égard de la nourriture, les fruits pouvoient leur suffire; mais il ne se présentoit rien d'aussi propre à les couvrir, & qui demandât moins de préparation, que la peau garnie de poil, dont la nature avoit couvert un grand nombre d'animaux de différentes grandeurs. L'art ajoûta ensuite beaucoup à ce vêtement simple, pour le rendre plus commode; il ne servit d'abord qu'à envelopper le tronc; on ne parvint pas si-tôt à trouver le moyen de couvrir les extrémités séparément. Tout ce qu'on se proposa d'abord en cherchant à le perfectionner, fut d'en rendre l'application plus intime sur les parties que l'on en couvroit, & d'empêcher qu'il ne restât des issues à l'air pour pénétrer jusqu'à la peau. On s'apperçut bientôt que plus la substance du vêtement est compacte, plus elle garantit du froid: la chaleur du corps animal se répandant autour de lui, échauffe ce qui l'environne jusqu'à une certaine distance: ainsi l'air ambiant participe à cette chaleur, d'autant plus qu'il est appliqué plus long-tems à ce corps chaud sans être renouvellé, & il lui rend de cette chaleur empruntée à proportion de ce qu'il en a reçû. Mais comme les corps en général retiennent & communiquent plus de chaleur selon qu'ils sont plus denses, l'air étant de tous les corps celui qui a le moins de densité, ne peut donc retenir & communiquer que très peu de la chaleur qu'il a reçue de notre corps: c'est donc en fixant davantage cette chaleur exhalée hors de nous, & en nous la rendant pour ainsi dire reversible, que les vêtemens nous servent d'autant plus qu'ils sont plus compactes, & plus exactement appliqués à la surface de notre corps; de maniere qu'ils empêchent le contact de l'air, qui est plus propre à enlever de la chaleur animale, qu'à en rendre la dissipation profitable, & qu'ils absorbent eux-mêmes en bonne partie, ce qui s'échappe ainsi continuelle ment de cette chaleur, pour la réfléchir sur le corps qui l'a produite, pour contribuer par-là à empècher les effets du froid sur la surface du corps, & s'opposer au trop grand resserrement des vaisseaux capillaires cutanés, à la trop grande condensation des humeurs qui y sont contenues, d'où suivroit la disposition contre nature, à laquelle est attachée la sentation du froid . Ainsi c'est par le moyen des habits que l'on conserve la chaleur des parties qui en sont couvertes, que l'on garantit ces parties des effets du froid externe; c'est aussi l'inconvenient de cette précaution qui les rend plus sensibles, tandis que le visage, les mains, ou toute autre partie qui est exposée au contact immédiat de l'air, peuvent être très-froides en comparaison de celles là, sans qu'il en résulte une sensation aussi desagréable, ab assuetis non fit passio . Le plus souvent les premieres ne deviennent froides que par la communication sympathique dont il a été traite ci-devant, & non pas par l'impression immediate du froid externe, qui pénetre difficilement lorsqu'on est bien vêtu, lorsque les habits sont d'un tissu serré & qu'ils enveloppent le corps bien exactement. Ils rendent au corps la chaleur dont ils sont imbus, & qu'ils retiennent d'autant plus qu'ils y participent, qu'elle leur est communiquée sans interruption, à-mesure par conséquent qu'elle s'engendre & qu'elle se dissipe. Ainsi le resserrement causé par le froid n'est jamais si considérable dans les parties couvertes; il s'y engendre donc moins de chaleur animale, à proportion que dans celles où il y a plus d'effet, du froid , telles que le visage, que l'on n'habille jamais; celles là conservent leur chaleur par le moyen des corps chauds qui leur sont continuellement appliqués; celles-ci en engendrent davantage, à-proportion qu'elles en perdent davantage; ou elles se refroidissent lorsque le resserrement des capillaires y est si fort, qu'il empêche le mouvement des humeurs, & par consequent la génération de la chaleur animale; on peut encore dire à l'égard de l'effet des habits, en tant qu'ils servent à la conserver, qu'ils y contribuent peut-être aussi un peu par leur poids, en ce qu'ils compriment la surface du corps. & qu'en resserrant ainsi les vaisseaux, ils favorisent le frottement des humeurs contre leurs parois, auquel est attaché de reproduire la chaleur; il est certain que des couvertures pesantes contribuent autant à détendre du froid , que des couvertures d'un tissu bien dense; mais celles-là produisent cet effet d'une maniere très-incommode. Ce n'est pas encore le tout d'être bien couvert, bien vêtu pour se garantir du froid externe; il faut de plus, que comme on se propose par le moyen des habits d'empêcher la dissipation immédiate de la chaleur animale, l'on empêche aussi l'enlevement de celle qui est communiquée aux habits ou autres differentes couvertures; au-moins est il besoin de s'opposer par des moyens convenables à ce qu'ils ne perdent pas absolument toute celle qu'ils reçoivent; ce qui arrive lorsque l'air ambiant se renouvelle continuellement par agitation ou par l'effet du vent; on ne peut empêcher cette dissipation de la chaleur refléchie des vêtemens, qu'en se tenant dans un lieu bien fermé; en rendant autant qu'il est possible l'air comme immobile autour de soi par les paravents, les rideaux, les alcoves, &c. ce qui procure alors une atmosphere toûjours chaude, parce qu'on l'échauffe soi même, & que l'on se fait de cette maniere, pour ainsi dire, un poile naturel dont le foyer de la chaleur animale est lui-même le fourneau; on se procure encore plus sûrement cette atmosphere chaude par le moyen des poîles proprement dits ( hypocausta ), des chambres échauffées avec les differentes matieres combustibles dont on forme & entretient le feu domestique; il n'est pas hors de propos d'observer ici que cette chaleur artificielle ne doit jamais être assez considerable pour faire monter le thermometre au dessus de 60 degrés du thermometre de Farenheit, parce qu'etant jointe à celle que nous engendrons en tems froid , qui est beaucoup plus considerable qu'en tems chaud, elle seroit excessive, & relâcheroit trop vîte l'habitude du corps; d'ailleurs, quoique la chaleur de l'éte éleve souvent le thermometre bien au dessus du terme qui vient d'être indique pour les poîles, il y a cette différence, qu'on ne reste pas en cette saison dans un lieu fermé, dont l'air ne soit pas renouvelle; c'est le renouvellement de l'air auquel on s'expose tant qu'on peut pendant les chaleurs de l'ete, qui contribue le plus à les rendre supportables, attendu que l'air n'y participe jamais à un degré superieur, & même égal a celui de la chaleur animale dans ce tems là; par conséquent l'air agité, le changement d'atmosphere propre ou du fluide qui la forme, enlevent continuellement de cette chaleur, qui n'est pas alors bien plus considérable que celle de l'atmosphere en général, parce qu il s'en engendre d'autant moins en nous, comme il a ete établi dans l'article précédent, que l'air est plus échauffé & communique davantage de sa chaleur à notre corps. Tous les moyens que nous employons pour nous garantir ou pour nous délivrer des effets du froid externe, tendent donc tous à opérer les mêmes changemens en nous & autour de nous, qui se font par le passage de l'hyver à l'été; nous échauffons l'air qui nous environne, les corps qui nous enveloppent, & par à même la surface de notre corps médiatenient ou immédiatement, ainsi nous ne faisons autre chose qu'empêcher ou faire cesser le trop grand resserrement de nos solides, la constriction de nos vaisseaux capillaires, sur-tout de ceux de la peau, qui sont le plus exposés; la condensation excessive de nos humeurs, leur disposition à une coagulation prochaine, qui sont constamment les effets d'un trop grand froid , bien marqués par tous les symptomes qui s'ensuivent, dont la cause leur a été attribuée ci-devant à juste titre; & par les douleurs que l'on ressent en réchauffant des parties bien froides; douleurs qui ne sont produites que parce que le relâchement causé par la chaleur dans les solides, favorise le mouvement progressif, le frottement des humeurs presque coagulées, qui roulent durement, pour ainsi dire, dans les vaisseaux qui les contiennent, & causent conséquemment de l'irritation dans leurs tuniques; ensorte que cette sensation desagréable dure jusqu'à ce que la chaleur extérieure ait ramolli, dissous ces humeurs en les pénétrant, & leur ait rendu leur fluidité naturelle; les frictions sur les parties affectées du froid faites avec des linges chauds, sont plus propres à les dissiper sans douleur de l'espece dont on vient de parler, que de se présenter tout-à-coup à un grand feu. La sensation & les autres effets du froid animal causés par communication (des parties affectées immédiatement par le froid externe à celles qui ne le sont pas, & qui en reçoivent cependant les impressions,) ne sont susceptibles d'être corrigés par les mêmes moyens que lorsqu'ils proviennent entierement de quelque cause externe immédiate que ce puisse être; mais il n'en est pas tout-à-fait de même des causes internes du froid animal, c'est-à-dire de celles qui sont indépendantes du froid externe; le plus souvent elles sont de nature à ne pas céder à l'application extérieure des moyens propres à dissiper les effets du froid externe; ainsi lorsque la masse des humeurs est tellement épaissie, a contracté une si grande force de cohésion dans ses parties intégrantes, qu'elle ne cede point à l'action dissolvante des vaisseaux, ni à celle des particules ignées dont on les pénetre, comme il arrive dans le froid de la fievre, particulierement de certaines fievres malignes, pestilentielles, de celles qui sont causées par l'effet de certains poisons ou venins coagulans, de quelques especes de fievres intermittentes ( voyez à l'article Fievre ce qui concerne le froid fébrile ): dans ces différens cas, on réussit mieux le plus souvent à faire cesser les effets du froid par tout ce qui est propre à ranimer, à exciter l'action des organes vitaux, le mouvement, le cours des humeurs; à favoriser le rétablissement de leur fluidité, comme les cordiaux, les délayans aromatiques, les stimulans tant internes qu'externes, & ceux-cï particulierement à l'égard du froid des parties affectées de rhumatisme, que par quelqu'autre moyen que ce soit, appliqué à l'extérieur pour procurer de la chaleur. Le vice des solides peut aussi être tel qu'ils manquent des qualités qu'ils doivent avoir pour co-opérer à la génération de la chaleur animale; ils peuvent donc aussi contribuer à disposer à la sensation du froid; c'est ainsi que dans le corps des vieillards les tuniques des vaisseaux deviennent si solides, si peu flexibles, qu'elles ne peuvent pas se prêter aux mouvemens, à l'action nécessaire, pour entretenir le cours des humeurs avec la force & la vîtesse, d'où dépendent l'intensité du frottement des globules sanguins dans les vaisseaux capillaires, & les autres effets qui concernent la chaleur naturelle; ensorte que la vieillesse établit dans les solides une disposition contraire à la génération de la chaleur; tout comme le grand froid: senescere, sicut frigescere est continuò rigescere . C'est pourquoi l'usage modéré du vin, des liqueurs spiritueuses, & de tout ce qui peut fournir aux organes vitaux des aiguillons pour exciter leurs mouvemens, est si salutaire aux gens âgés pour l'entretien ou le rétablissement de leur chaleur naturelle; & quant aux moyens externes qu'il convient d'employer pour le même effet, il est certain que la chaleur douce & humide des jeunes personnes long-tems couchées avec les vieilles gens, est plus efficace, & leur est plus utile que la chaleur seche du feu artificiel: attendu que celle-ci raccornit toûjours plus les fibres, & augmente par-là le vice qui empêche la production de la chaleur naturelle; & que celle-là, en suppléant à ce défaut, assouplit les solides, ou au-moins entretient le peu de flexibilité qui leur reste. Mais le froid animal le plus rebelle à l'action du feu artificiel appliqué tant extérieurement qu'intérieurement sous quelque forme que ce soit, & à quelque degré que l'on le porte, c'est le froid causé par le spasme de cause interne, l'érétisme du genre nerveux: puisque la chaleur, sur-tout lorsquelle est excessive, ne fait qu'augmenter le stimulus qui en est la cause; par conséquent la disposition, le resserrement des vaisseaux qui s'opposent au cours des humeurs, d'où dépend la génération de la chaleur animale. Il n'y a que le relâchement procuré par la cessation du stimulus , de la cause qui irrite les nerfs, de l'influx irrégulier des esprits animaux, qui en augmentent la tension contre nature , selon le langage des écoles, qui puisse faire cesser cette disposition, de laquelle provient le froid animal dans les passions de l'ame, dans les maladies dont la cause occasionne un pareil desordre, qui se manifeste principalement par l'effet de tout ce qui affecte immédiatement la partie éminemment irritable & sensible du corps humain. Comme donc ce desordre dans le physique animal proprement dit, dépend le plus souvent beaucoup de la relation qui subsiste entre la faculté pensante & les organes qui y ont un rapport immédiat, & qu'il est sur-tout entretenu par l'influence réciproque entre celle-là & ceux-ci, le repos de l'esprit & du corps, la cessation des peines de l'un & l'autre, les remedes moraux sont souvent les moyens les plus propres à faire cesser le froid animal qui provient de la tension des nerfs, sans aucune cause physique qui l'entretienne. Il est cependant bien des cas où ces moyens n'étant pas suffisans, on peut avoir recours avec succès aux médicamens propres à faire cesser cette tension morbifique, le resserrement des vaisseaux qui en est l'effet: tels sont les médicamens anodyns, narcotiques, anti-spasmodiques: les émolliens chauds employés intérieurement & extérieurement, tels que les lavemens, les bains de même qualité, &c. mais ce ne sont là le plus souvent que des palliatifs: le régime, l'exercice, les médicamens propres à fortifier les solides en général, à diminuer la délicatesse, la sensibilité, l'irritabilité du genre nerveux, sont les moyens les plus propres à détruire la cause du symptome dont il s'agit, c'est-à dire du froid animal, & de tous ceux qui proviennent du vice mentionné que Sydenham appelloit ataxie du fluide nerveux. Voyez le traitement de toutes les maladies spasmodiques & convulsives, & sur-tout des vapeurs . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Froid Froid , considéré médicinalement comme cause non naturelle & externe: froid de l'atmosphere, du climat, des saisons, des bains, voyez (ainsi que pour le mot Chaleur , sous le même rapport) Air , Atmosphere , Climat , Saison , Bain , & en général ce qui sera dit à ce sujet sous le mot Hygiene . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid fébrile Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Froid fébrile Froid fébrile , Voyez , ( Patholog. ) Fievre, Fievre intermittente">Froid , ( Patholog. ) Fievre, Fievre intermittente . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Froid Froid considéré comme signe dans les maladies aiguës, voyez Fievre en général, Fievre intermittente , Extrémités du corps . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=Voltaire Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=NA Froid Froid , ( Belles-Lettres. ) on dit qu'un morceau de poésie, d'éloquence, de musique, un tableau même est froid , quand on attend dans ces ouvrages une expression animée qu'on n'y trouve pas. Les autres arts ne sont pas si susceptibles de ce défaut. Ainsi L'Architecture, la Géométrie, la Logique, la Métaphysique, tout ce qui a pour unique mérite la justesse, ne peut être ni échauffé ni refroidi. Le tableau de la famille de Darius peint par Mignard, est très froid , en comparaison du tableau de Lebrun, parce qu'on ne trouve point dans les personnages de Mignard, cette même affliction que Lebrun a si vivement exprimée sur le visage & dans les attitudes des princesses persanes. Une statue même peut être froide . On doit voir la crainte & l'horreur dans les traits d'une Andromede, l'effort de tous les muscles & une colere mêlée d'audace dans l'attitude & sur le front d'un Hercule qui soûleve Anthée. Dans la Poésie, dans l'éloquence, les grands mouvemens des passions deviennent froids quand ils sont exprimés en termes trop communs, & dénués d'imagination. C'est ce qui fait que l'amour qui est si vif dans Racine, est languissant dans Campistron son imitateur. Les sentimens qui échappent à une ame qui veut les cacher, demandent au contraire les expressions les plus simples. Rien n'est si vif, si animé que ces vers du Cid, va, je ne te hais point.... tu le dois.... je ne puis . Ce sentiment deviendroit froid s'il étoit relevé par des termes étudiés. C'est par cette raison que rien n'est si froid que le style empoulé. Un héros dans une tragédie dit qu'il a essuyé une tempête, qu'il a vû périr son ami dans cet orage. Il touche, il intéresse s'il parle avec douleur de sa perte, s'il est plus occupé de son ami que de tout le reste. Il ne touche point, il devient froid , s'il fait une description de la tempête, s'il parle de source de feu bouillonnant sur les eaux, & de la foudre qui gronde & qui frappe à sillons redoublés la terre & l'onde . Ainsi le style froid vient tantôt de la stérilité, tantôt de l'intempérance des idées; souvent d'une diction trop commune, quelquefois d'une diction trop recherchée. L'auteur qui n'est froid que parce qu'il est vif à contre-tems, peut corriger ce défaut d'une imagination trop abondante. Mais celui qui est froid parce qu'il manque d'ame, n'a pas de quoi se corriger. On peut modérer son feu. On ne sauroit en acquérir. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froid Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Froid Froid , ( Jurispr. ) en termes de droit, frigidus , est la qualité que l'on donne à un homme qui est atteint du vice de frigidité. Voyez ci-devant Frigidité . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROIDES, (semences) Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA FROIDES FROIDES, ( semences ) matiere médicale; voyez Semences . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froide, (allure) Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Froide Froide , ( allure ) Manége. si l'on s'en rapporte à certains auteurs de vocabulaires, & même à quelques-uns de ceux qui ont écrit sur notre art, on se persuadera que l'on doit entendre par allure froide , celle du cheval qui ne releve point en marchant, & qui rase le tapis; mais si l'on recherche le véritable sens de cette expression, on se persuadera qu'elle ne doit être mise en usage que relativement au cheval dont la marche n'a rien de marqué ni d'animé, dont l'action des membres ne présente rien de remarquable & de soûtenu, qui chemine, en un mot, pour cheminer, & qui convenable à des personnes d'un certain âge, ou à des personnes du sexe, parce qu'il a de la sagesse, & que son allure n'est point fatigante, ne doit point être confondu avec des chevaux naturellement foibles ou usés, & toûjours peu sûrs. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froide, (épaule) Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Froide Froide , ( épaule ) Manége. Voyez Epaule . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROISSER Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. FROISSER * FROISSER, v. act. ( Gramm. ) il se dit proprement de toutes les substances flexibles, minces, & dont la surface est unie; ainsi on froisse du papier, un étoffe, en y faisant des plis par le maniement. Il se prend cependant pour une action beaucoup plus forte, & alors ce pourroit bien être une espece de metaphore empruntée de la premiere action: lorsqu'on dit il s'est froissé tous les membres en tombant, cela signifie peut-être que sa chûte a été si rude, que le corps en a été froissé comme une feuille de papier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROLE ou CHAMAECERASUS Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA FROLE FROLE ou CHAMAECERASUS , ( Jardinage. ) arbrisseau dont il y a plusieurs especes, qui n'ayant toutes ni d'agrément, ni d'utilité, ni d'usages, sont assez méconnues & peu recherchées. Le chamaecerasus à fruit rouge; c'est un vil arbrisseau qui n'est propre à rien; aussi n'a-t-il pas de nom françois bien connu, ou généralement reçû; celui de chamaecerasus qui est moitié grec & moitié latin, signifie petit cerisier , & c'est le nom françois qu'on a commencé à lui donner dans le catalogue des arbres qu'on peut élever en pleine terre aux environs de Paris: nom peu propre au reste à désigner cet arbrisseau qui ne ressemble au cerisier en quoi que ce soit. Les Anglois l'appellent avec plus de vraissemblance par rapport à sa fleur, upright honey suckle , c'est-à-dire chevrefeuille à tige droite , par opposition au chevrefeuille ordinaire, dont les tiges sont rampantes. Dans une partie de l'Auxois en Bourgogne, on le nomme frole , & dans d'autres endroits on l'appelle petit bois blanc . Enfin Linnaeus a jugé à-propos qu'il dût s'appeller lonicera . Cet arbrisseau se trouve communément dans les buissons & dans les haies, où il s'éleve à 5 ou 6 piés, & quelquefois jusqu'à 10 dans des lieux frais & à l'ombre; ses branches peu flexibles & qui se croisent irrégulierement, sont couvertes d'une écorce cendrée, qui fait sur-tout remarquer cet arbrisseau, dont les feuilles un peu ovales & sans dentelures, sont aussi d'un verd blanchâtre; ses fleurs d'un blanc sale sont peu apparentes, quoiqu'assez ressemblantes à celles du chevrefeuille; elles paroissent au commencement de Mai, viennent toûjours par paire à la naissance des feuilles, & durent environ quinze jours. Son fruit mauvais & nuisible, est une baie de la grosseur d'un pois, qui devient rouge & molle en mûrissant au mois de Juillet, & qui ne tombe qu'après les premieres gelées. Cet arbrisseau vient dans tous les terreins, resiste à toutes les intempéries, se multiplie plus qu'on ne veut, & de toutes les façons. Le chamaecerasus à fruit rouge, marqué de deux points . Cet arbrisseau ne s'eleve qu'à quatre ou cinq piés; ses branches qui se soûtiennent droites, permettent de l'amener à une forme réguliere; sa fleur qui a une teinte legere d'une couleur pourpre obscure, est plus petite que dans l'espece précédente, & n'a pas meilleure apparence; elle paroît au commencement du mois de Mai, & dure environ quinze jours. Ses fruits qui mûrissent au mois de Juillet, sont des baies rouges de mauvais goût, qui sont remarquables par les deux points noirs qui se trouvent sur chacune. Cet arbrisseau qui est originaire des Alpes & d'Allemagne, est très-robuste, réussit par-tout, se multiplie aussi aisément que le précédent, & par autant de moyens; mais on ne lui connoît pas plus d'utilité. Le chamaecerasus à fruit bleu: c'est un arbrisseau fort rameux qui s'éleve au plus à quatre piés; ses fleurs pâles & petites paroissent de très-bonne heure au printems, dont elles ne font pas l'ornement. Son fruit qui mûrit à la fin de l'été, est une baie de couleur bleue, dont le suc aigrelet n'est pas desagréable au goût. Cet arbrisseau n'est nullement délicat; on peut le multiplier de graine & de branches couchées, qu'il faut avoir la précaution de marcotter, si l'on veut qu'elles fassent suffisamment racine, pour être transplantées au bout d'un an; mais il ne réussit que difficilement de bouture. Le chamaecerasus à fruit noir. c'est un fort petit arbrisseau qui ne s'éleve qu'à trois ou quatre piés; ses feuilles le font distinguer des autres especes par leurs dentelures. Ses fleurs qui sont petites & d'une couleur violette très-tendre, paroissent au mois de Mai, & sont suivies d'une baie noire de mauvais goût qui mûrit au mois de Juillet. Cet arbrisseau aime l'ombre & un terrein humide; il est extrèmement robuste, & on peut le multiplier de graine, de branches couchées, & de bouture; on ne lui connoît encore aucun usage. ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROMAGE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FROMAGE * FROMAGE, le lait est composé de trois substances différentes: la creme, la partie séreuse, & la partie caséeuse, ou le fromage . On sépare ces trois substances de toutes sortes de lait. Ainsi on a tout autant de sortes de fromages au moins qu'il y a d'animaux lactiferes. Nos fromages ordinaires sont de lait de vache. Les bons fromages se font au commencement du printems ou au commencement de l'automne. On prend le lait le meilleur & le plus frais. On fait le fromage avec ce lait, ou écremé ou non écremé. Pour faire du fromage , on a de la presure ou du lait caillé, qu'on trouve & qu'on conserve salé, dans l'estomac du veau, suspendu dans un lieu chaud, au coin de la cheminée. Prenez de ce lait: délayez-le dans une cuilliere avec celui que vous voulez tourner en fromage: répandez de cette presure délayée une demi-dragme, sur deux pintes de lait; & le lait se mettra en fromage . Alors vous le séparerez avec une cuilliere à écremer: vous aurez des vaisseaux percés de trous par les côtés & par le fond: vous y mettrez votre fromage pour égoutter & se mouler. Quand il est moulé & égoutté, alors on le mange, ou on le sale, ou on lui donne d'autres préparations. Voyez l'article Lait , où l'on entrera dans un plus grand détail sur les différentes substances qu'on en tire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fromage Author=Venel Normalized Classification=Diète Part of Speech=NA Fromage Fromage , ( Diete. ) le fromage est, comme tout le monde sait, un des principes constitutifs du lait, dont on le retire par une véritable décomposition, pour l'usage de nos tables. On prépare deux especes de fromage; un fromage pur, c'est-à-dire qui n'est formé que par la partie caséeuse proprement dite du lait; & un autre qui renferme ce dernier principe, & la partie butyreuse du lait, ou le beurre. Le fromage de la premiere espece est grossier, peu lié, très-disposé à aigrir; il est abandonné aux gens de la campagne. Tous les fromages qui ont quelque réputation, & qui se débitent dans les villes, sont de la seconde espece; ils sont moëlleux, gras, délicats, peu sujets à aigrir; ils ont une odeur & un goût fort agréables, au moins tant qu'ils sont récens: on les appelle communément gras ou beurrés . Plusieurs cantons du royaume en fournissent d'excellens. Le fromage de Rocquefort est sans contredit le premier fromage de l'Europe; celui de Brie, celui de Sassenage, celui de Marolles, ne le cedent en rien aux meilleurs fromages des pays étrangers: celui des montagnes de Lorraine, de Franche-Comté, & des contrées voisines, imitent parfaitement celui de Gruyere: le fromage d'Auvergne est aussi bon que le meilleur fromage d'Hollande, &c. Tous les Medecins qui ont parlé du fromage , l'ont distingué avec raison en frais ou récent, & en vieux, ou fort & picquant; ils ont encore déduit d'autres différences, mais moins essentielles, de la diversité des animaux qui avoient fourni le lait dont on l'avoit retiré; de l'odeur, du goût, du degré de salure, &c. Les anciens ont prétendu que le fromage frais étoit froid, humide, & venteux, mais qu'il excitoit moins la soif que le vieux; qu'il resserroit moins le ventre; qu'il ne fournissoit pas un suc si grossier; qu'il nourrissoit bien, & même qu'il engraissoit; que cependant il étoit de difficile digestion; qu'il engendroit le calcul; qu'il causoit des obstructions, &c. Le vieux étoit chaud & sec, selon leur doctrine, & à cause de ces qualités, difficile à digérer, très propre à engendrer le calcul, sur-tout s'il étoit fort salé. Galien, Dioscoride, & Avicenne en ont condamné l'usage, pour ces raisons; & encore, parce qu'ils ont prétendu qu'il sournissoit un mauvais suc; qu'il resserroit le ventre, & qu'il se tournoit en bile noire ou atrabile: ils ont avoüé cependant, que pris en petite quantité, il pouvoit faciliter la digestion, surtout des viandes, quoiqu'il fût difficile à digérer lui-même. La plûpart de ces prétentions sont peu confirmées par les faits. Le fromage , à-moins qu'il ne soit absolument dégénéré par la putréfaction, est très-nourrissant: la partie caséeuse du lait est son principe vraiment alimenteux. Le fromage frais assaisonné d'un peu de sel, est donc un aliment qui contient en abondance la matiere prochaine du suc nourricier, & dont la fadeur est utilement corrigée par l'activité du sel. Les gens de la campagne, & ceux qui sont occupés journellement à des travaux pénibles, se trouvent très-bien de l'usage de cet aliment, qui devient plus salutaire encore, comme tous les autres, par l'habitude. Le fromage fait, c'est-à-dire qui a essuyé un commencement d'altération spontanée, dont les progrès l'auroient porté à un vrai état de putréfaction; celui-là, dis-je, est moins nourrissant, mais plus irritant; il convient encore mieux aux corps robustes & exercés. Enfin le fromage presque pourri, état dans lequel on le mange quelquefois, doit moins passer pour un aliment que pour un assaisonnement, irritamentum gulae , qui excite souvent avec avantage le jeu de l'estomac déjà chargé de diverses viandes, & qu'on peut par conséquent manger avec succès à la fin du repas: c'est celui-ci principalement dont il s'agit dans ce vers connu de tout le monde: Caseus ille bonus quem dat avara manus . L'usage du fromage n'est pourtant point sans inconvénient: le fromage frais pris en grande quantité, produit quelquefois des indigestions chez les personnes qui n'y sont point accoûtumées: ceci est vrai, sur-tout de ces fromages mous & délicats qu'on mange très-frais, délayés avec de la creme ou du lait, & qu'on appelle communément fromages à la creme . Ceux-ci different à peine à cet égard, du lait entier. Voyez Lait , ( Diete & Mat. med. ) Le fromage fait pris aussi en trop grande quantité, excite la soif, produit une chaleur incommode dans l'estomac & dans les intestins, rend la salive gluante & épaisse, & cause de petites aphthes dans l'intérieur de la bouche. On prévient ces accidens, en usant sobrement de cet aliment; & on les guérit, en faisant avaler quelques verres d'eau froide. Le fromage vieux & piquant a toutes les mauvaises qualités des assaisonnemens très-irritans; il est presque caustique. En général, les personnes délicates, qui ont le genre nerveux sensible, ou qui sont sujettes aux maladies de la peau, doivent se priver de fromage; le sel dont il est souvent très-chargé, & les parties actives développées par l'espece de fermentation qu'il éprouve, portent singulierement vers cet organe; le fait est observé. Le fromage est un de ces alimens pour lequel certaines personnes ont une répugnance naturelle, dont la cause est assez difficile à déterminer. Lémery le fils ( traité des alimens ), nous apprend qu'un Martin Schoockius a fait un traité particulier de aversione casei , auquel il a la discrétion de renvoyer le lecteur curieux: nous aurons aussi cette attention pour le lecteur raisonnable. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fromage Author=unknown Normalized Classification=Orfévrerie Part of Speech=NA Fromage Fromage , c'est chez les Orfevres , un morceau de terre plat & rond, que l'on met au fond du fourneau, & sur lequel on pose le creuset, pour l'élever, afin qu'il soit exposé de toutes parts à l'activité du feu, & défendu des coups d'air qui pourroient le refroidir & le faire casser. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROMAGER Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FROMAGER FROMAGER, s. m. ( Hist. nat. Bot. ) l'arbre que les habitans des Antilles nomment fromager , croit d'une prodigieuse grosseur, & s'éleve à proportion: les racines qui sont très-grosses, sortent hors de terre de 7 à 8 piés, & forment comme des appuis ou arcs-buttans autour de la tige. La partie inférieure de ces mêmes racines s'enfonce peu sous terre, mais elle s'étend excessivement à la ronde. Le bois du fromager est mou, leger, & de peu de durée: on ne s'en sert qu'à faire des canots, qu'il faut renouveller souvent: il est couvert d'une écorce grise assez épaisse, remplie de rugosités épineuses. On prétend que cette écorce est employée avec succès dans les tisannes qu'on fait prendre à ceux qui sont attaqués de la petite vérole: cet arbre porte un fruit ovale de la grosseur d'un oeuf de poule d'Inde, renfermant une ouatte extrèmement fine, couleur de noisette, & aussi belle que la soie cardée: on ne s'en sert qu'à former des oreillers & des coussins. Le fromager se dépouille une fois l'année de toutes ses feuilles. Article de M. Le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROMENT Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FROMENT FROMENT, s. m. triticum , ( Hist. nat. Bot. ) genre de plante à fleurs sans pétales, disposés par petits paquets arrangés en forme d'épi. Chaque fleur est composée de plusieurs étamines qui sortent d'un calice écailleux, qui est le plus souvent garni de barbes. Le pistil devient dans la suite une semence oblongue, convexe d'un côté & sillonnée de l'autre: ces semences sont farineuses & enveloppées dans la bale qui a servi de calice à la fleur. Les petits paquets de fleurs sont attachés à un axe dentelé, & forment l'épi. Tournefort, instit. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Froment Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Froment Froment , ( Economie rustiq. ) c'est le plus pesant de tous les grains; c'est celui de tous qui contient la farine la plus blanche, de la meilleure espece, & en plus grande quantité. Destiné particulierement à la nourriture de l'homme, son excellence le rend la matiere d'un commerce nécessaire qui ajoûte encore à son prix. Voyez Grains , ( Econom. politiq. ) M. de Buffon pense que le froment , tel que nous l'avons, n'est point une production purement naturelle; que l'existence de ce grain précieux n'est dûe qu'à la culture & à une longue suite de soins. En effet, on ne trouve point dans la nature de froment sauvage; mais il n'y a encore là-dessus que des expériences trop incertaines, pour que cette opinion probable soit au rang des vérités reconnues. Le grain de froment semé en terre, germe & pousse plusieurs tiges hautes de quatre à cinq piés, droites, entrecoupées de trois ou quatre noeuds, & accompagnées de quelques feuilles longues & étroites qui enveloppent la tige jusqu'à six pouces de l'épi. Les épis placés au sommet de la tige sont écailleux, & forment un tissu d'enveloppes dont chacune renferme un grain: ce grain est oblong, arrondi d'un côté, sillonné de l'autre, & de couleur jaune. On distingue plusieurs especes de froment; la différence en est legere: quant à la forme du grain, elle se fait remarquer principalement dans les epis. L'espece la plus commune & la meilleure est celle dont l'épi est blanchâtre, sans barbe, & seulement écailleux. Celle qui est connue sous le nom de blé barbu , n'est cependant pas non plus sans mérite: on l'appelle ainsi, parce qu'effectivement l'épi est couvert & surmonté de barbes, comme sont les épis de seigle; le grain en est ordinairement plus gros, la paille plus dure & plus colorée: on dit qu'il est moins sujet à verser; mais la farine en est moins blanche que n'est celle du blé sans barbe. Le blé de Smyrne, ou blé de miracle, produit plusieurs épis assemblés en bouquet au haut de la tige. Il a quelques avantages, & encore plus d'inconvéniens. On seme tous ces grains en automne; ils levent, & doivent couvrir la terre pendant l'hyver: on les appelle blés d'hyver , pour les distinguer d'une autre espece de froment qu'on seme au printems, & qui est connue sous le nom de blé de Mars; il est communément barbu; mais on en voit aussi qui est sans barbe. Ce blé, trop délicat pour soûtenir de fortes gelées, mûrit dans les années favorables, en même tems que celui qui a passé l'hyver. En général, il produit beaucoup moins de paille, & un peu moins de grain; il manque souvent: cependant c'est une ressource à ne pas négliger dans les terres argilleuses, & dans celles que les pluies d'hyver battent aisement. Quelle que soit l'espece du froment , la culture en est la même; & c'est à cette culture que nous devons principalement nous arrêter. On sait qu'avant de confier le blé à la terre, on la laisse reposer pendant une année, qui s'employe en préparations; elles ont trois objets, d'ameublir la terre, de l'engraisser, & de détruire un nombre infini d'insectes dangereux & de mauvaises herbes. On remplit le premier objet par les labours; le second, par les fumiers, les terres, &c. le troisieme, en faisant brouter par les troupeaux les herbes qui y renaissent continuellement. Voyez Agriculture , Engrais , Labour , &c. On donne aux terres depuis trois jusqu'à cinq labours, selon leur qualité, & quelquefois selon le hasard du tems. Lorsqu'on n'en veut donner que trois, on ne fait le premier qu'après les semailles de Mars; mais si vous en exceptez les glaises, que souvent on ne peut labourer que trois fois, à cause de la difficulté de saisir le moment convenable, il est toûjours beaucoup plus avantageux de donner quatre labours aux terres pendant l'année de jachere. Dans ce cas, le premier labour se doit faire après les semailles des bles, c'est-à-dire pendant le mois de Novembre; & on laisse la terre en grosses mottes, exposée à l'action des gelées qui servent beaucoup à la façonner: lorsqu'au printems elle est devenue saine, on donne le second labour; & il est essentiel que ce soit par un tems sec, sur-tout dans les terres un peu fortes. Il est très-utile de herser la terre quelques jours après ce labour & les suivans; elle en est mieux divisée; & les herbes qui auroient repris racine sont arrachées de nouveau: mais il ne faut herser que par un beau tems, & lorsque la terre est saine. Le troisieme labour devient necessaire vers le commencement de Juillet; & à la fin d'Août, on commence à donner celui qui doit être le dernier, & qu'on appelle proprement labour à ble . Il est essentiel que ce labour soit fait au-moins quinze jours avant de semer le froment , lorsqu'on doit le couvrir avec la herse. La nielle est plus à craindre, quand on seme sur un labour frais. Pendant cette année de jachere, on choisit un intervalle entre deux labours, pour engraisser la terre. Le degré de putréfaction du fumier qu'on veut y répandre, & la facilité des charrois, reglent ce tems; la nature & les besoins de la terre doivent décider de la qualité & de la quantité du fumier. Voyez Engrais . On promene aussi pendant tout le printems & la plus grande partie de l'eté, les troupeaux sur les jacheres; elles leur sont très-utiles, parce que les prairies étant occupées par le soin, il ne reste que très peu de paturages proprement dits; & les troupeaux, beaucoup mieux que les labours, détruisent l'herbe qui renaît continuellement. On seme le froment depuis la fin de Septembre jusqu'au commencement de Novembre. En géneral, on peut assûrer qu'il est avantageux de le semer de bonne heure. Il est bon que la plante acquerre une certaine force avant l'hyver; qu'elle ait le tems de s'étaler, de se faire de la racine & de la pampe. Si dans une année où l'hyver sera trop doux, ce peut être un inconvénient d'avoir seme trop tôt, l'expérience apprend qu'il y en aura dix ou l'on se repentira d'avoir semé trop tard. Il faut sur-tout se presser dans les pays où il y a beaucoup de gibier, lievres, perdrix, &c. La quantité de lievres fait au blé un tort dont on ne peut se garantir par aucune précaution; celle de semer de bonne heure & de fumer un peu plus, est suffisante pour preserver du mal que peut faire une grande abondance de perdrix. Pour semer d'une maniere avantageuse, il faut que la terre ne soit pas trop humide; il est à souhaiter qu elle soit fraiche: mais il vaut mieux semer dans la poudre, que de trop attendre. La semence doit être choisie avec soin: il faut que ce soit du plus beau blé de l'annee; & les bons laboureurs vont l'acheter à quelque distance, parce que le bié, comme beaucoup d'autres plantes, degenere si on le laisse dans la même terre: on lessive cette semence dans une eau de chaux; quelques laboureurs y ajoûtent avec succès de l'eau putréfiée avec leur fumier; & il y a encore d'autres préparations plus avantageuses. Voyez Nielle . Dans les environs de Paris, on seme ordinairement un septier de ble, pesant deux cents cinquante livres, dans un arpent à vingt piés par perche: mais il est certain qu'un tiers de moins est suffisant dans une terre bien préparée par les labours & par l'engrais: on pourroit même avec succès en mettre encore moins. Le froment semé un peu clair, est moins sujet à verser; la paille en est plus forte; les épis sont plus longs & plus gros; & la recolte en grain n'en est que plus abondante. Lorsque la terre n'est ni seche ni froide, le blé leve au bout de quinze jours: après cela, si un reste de chaleur favorise encore la végétation, ses racines s'étendent dans l'intérieur de la terre; plusieurs tiges se préparent, & la pampe s'étale. Pendant l'hyver, la plante reste ordinairement dans un état d'inaction; & elle prend souvent une couleur un peu jaune, lorsque la terre devient trop humide. Au printems, le premier air doux la fait reverdir; la tige se forme & commence à monter: c'est alors qu'il faut nettoyer le blé des mauvaises herbes qui tendent à l'étouffer, & qui se multiplient malgré les précautions prises pendant l'année de jachere: il en est qu'il faut arracher avec la main, parce qu'elles ont des racines très-profondes; telles sont une herbe connue assez généralement sous le nom de nelle , une autre appellée amaroute en beaucoup d'endroits, & celle nommée queu: de renard . Il en est d'autres, comme sont les chardons, qu'on détruit avec un instrument appellé sarcloir . Toutes ces plantes malfaisantes croissent beaucoup plus vite que le blé; elles l'étouffent; & si on les laisse monter, leurs semences infectent la terre au point que la destruction ne peut plus en être faite que par un travail de plusieurs années. Il faut donc une très grande attention à sarcler le blé: mais il faut que cette opération se fasse avant que la tige soit à une certaine hauteur: sans cela, elle seroit rompue; & on détruiroit la plante, au lieu de la favoriser. Le blé fleurit vers la fin de Juin; chaque épi n'est en fleurs que pendant un ou deux jours: alors les pluies froides sont à craindre; elles font avorter une partie des grains; un mois se passe entre la floraison & la maturité. C'est pendant cet intervalle, qu'on redoute avec raison les brouillards, qui lorsqu'ils sont suivis du soleil, causent la maladie appellée rouille . Quelle que soit la maniere dont les brouillards agissent, leur effet malheureux n'est que trop certain, les bles qui en ont été frappés ne grossissent plus; les grains sont retraits, legers, & presque vuides: l'experience n'a point appris les moyens de prévenir cet accident; & il paroît être de nature à tromper toutes les précautions que nous pourrions prendre. La rouille n'est à craindre que dans des années humides & tardives. Cette maladie, quoique très fâcheuse, l'est beaucoup moins que celle qu'on doit appeller nielle , & qui fait quelquefois de grands ravages: mais l'humanité doit tout récemment aux soins & à la sagacite de M. Tillet la découverte des causes de cette maladie, & de plusieurs remedes qui la préviendront ou même l'anéantiront dans la suite. Voyez Nielle . On donnera à cet article les differens caracteres des maladies confondues sous le nom de nielle , ou connues en divers lieux sous d'autres noms. Lorsque le froment approche de la maturité, la tige jaunit à l'endroit nommé le collet , c'est-à-dire à l'extrémité de la tige qui approche de l'epi. Lorsqu'il en est à ce point, rien ne retarde plus les progres qui lui restent à faire: les pluies même semblent hâter l'instant où il sera bon à couper. Si l'on tarde trop, il s'égraine, & on en perd une partie: mais ce qu'il y a de plus essentiel à remarquer pour la récolte, c'est de ne lier le blé en gerbe, & de ne le serrer que par un tems sec; sans quoi, il s'échaufferoit dans la grange, prendroit un mauvais goût; & on perdroit totalement le grain & la paille. La nouvelle méthode pour la culture des terres, & sur tout pour celle du froment , a fait assez de bruit pour être examinée ici. Si vous voulez vous en instruire, lisez la fin de l' article Agriculture . Cette méthode a eu moins de partisans & de célébrité en Angleterre où elle est née, qu'en France où elle n'est qu'adoptive; elle y a été soûtenue par l'activité naturelle de M. Duhamel, par son zele plein de chaleur pour le bien public, par une sorte de tendresse paternelle qui masque les défauts de ce qu'on s'est approprié. Je ne parle pas des difficultés que l'on trouve dans l'usage des instrumens qui sont nécessaires pour la nouvelle culture; je sais par expérience, que les instrumens se perfectionnent & deviennent commodes entre les mains des cultivateurs. Il m'a paru que cette culture avoit un vice intérieur, que rien ne pourroit jamais corriger. Il est certain que de fréquens labours paroissent rendre les terres fécondes: mais il ne faut pas beaucoup d'expérience pour savoir que si les labours sont la seule préparation qu'on leur donne, ce ne sera qu'une fécondité précaire, qui amenera une stérilité très-difficile à vaincre. Les labours fréquens divisent, atténuent les molécules de la terre: mais cet avantage forcé n'est pas à comparer à celui qui résulte de la fermentation intérieure & sourde de ces mêmes parties, qui s'opere naturellement dans le repos, & qui est encore excitée par le fumier qu'on y ajoûte. On sait, qu'indépendamment des labours, on a besoin d'aider la terre par des engrais, en proportion de la quantité de récoltes qu'on lui demande. Il peut arriver qu'une très bonne terre brisée par des labours continuels, produise pendant quelque tems avec une abondance extraordinaire; mais ce seront ces efforts mêmes qui détruiront sa fécondité dans son principe; le repos long qui deviendra nécessaire, anéantira les avantages qu'on s'étoit promis. Indépendamment de ces principes généraux, on peut assûrer qu'il y a eu une erreur de calcul très-considérable, dans la comparaison qui a été faite entre cette culture nouvelle & l'ancienne. Dans le détail de la dépense, ce qu'il en coûte pour sarcler devroit être doublé plus de six fois. On n'a pas vû de jardins, si l'on ne sait pas avec quelle assiduité il faut arracher les mauvaises herbes, que la culture rend vigoureuses & dominantes: la même chose arrive dans la nouvelle culture du froment ; chaque labour amene la nécessité de sarcler de nouveau: ce n'est point une opération facile & prompte, comme celle qui se fait dans les blés ordinaires. Il faut arracher avec la main des herbes fortes, dont les racines s'étendent au loin dans une terre ameublie. Si leur tige se casse, on n'a rien fait. La répétition fréquente d'une opération aussi longue devient rebutante par les soins & les frais qu'elle exige. Il y a eu une autre erreur dans la comparaison des produits: on fait le parallele de ce que rend une terre cultivée à l'ordinaire, avec ce que donne la même quantité, suivant la nouvelle méthode. On établit la comparaison sur quelques arpens dont on a pris le plus grand soin, selon la nouvelle méthode. Pour que le parallele fût juste, il faudroit qu'on supposât l'ancienne pratiquée avec autant d'exactitude qu'elle pourroit l'être. Je connois des terres de qualité moyenne, qui ne sont bien cultivées que depuis deux ans, & dont chaque arpent a produit dix septiers de blé. Si les mêmes soins leurs sont continués, il n'est pas douteux que dans la suite elles ne produisent douze septiers dans les années heureuses. D'après cela, un nouveau parallele pourroit n'être pas favorable à la nouvelle culture; mais je ne le ferai point ici: je me contenterai de ne conseiller à personne de cultiver ses terres de cette maniere; au reste, c'est au tems à décider de la valeur de mes présomptions. Quoi qu'on dise de la paresse & de la stupidité des laboureurs, l'intérêt les éclaire toûjours sur les choses vraiment utiles, dès qu'une fois on les leur a montrées. Lorsque le froment a été serré bien sec, on peut le garder assez long-tems en gerbes dans la grange. Cependant l'usage de le battre sur le champ est établi dans plusieurs pays. Cette opération se fait de différentes manieres, dont aucune ne paroît avoir sur l'autre un avantage bien marqué. Le grain étant sorti de l'épi, on le vanne pour le séparer encore de la paille legere des enveloppes qui s'est détachée avec lui. Après cela on le passe par le crible pour le nettoyer mieux, & on le porte dans le grenier. Pendant les premiers six mois on fait bien de le remuer tous les quinze jours. Après cela il suffit de le faire tous les mois; & la premiere année étant passée, on peut encore éloigner cette opération de quelques semaines Le froment se conserve de cette maniere pendant six ans au moins. M. Duhamel a éprouvé qu'on pouvoit porter cette conservation beaucoup plus loin, avec un grenier d'une construction particuliere. On y desseche d'abord le grain par le moyen d'un étuve, & l'on entretient ensuite ce premier dessechement à l'aide d'un ventilateur. M. Duhamel, sans rien oser assurer, présume avec de fortes raisons que cette maniere de traiter le blé doit le préserver d'une espece d'insectes très dangereux, qu'on appelle charençons , & contre lesquels on n'a trouvé jusqu'à-présent aucun remede sûr. Voyez le traité de M. Duhamel sur la conservation des grains . L'importance dont est le froment pour la vie des hommes, en a soûmis d'une maniere particuliere la conservation & le commerce à la vigilance publique. La crainte de disettes a fait faire beaucoup de réglemens précaires, & fait naître plus d'une fois l'idée des magasins publics. Mais avec une connoissance mieux approfondie des hommes & des choses, on a vû que de tels magasins seroient nécessairement mal régis, & exposeroient à un monopole odieux une denrée aussi nécessaire. Voyez l'essai sur la police des grains par M. Herbert. Il est étonnant qu'en France on ait pris pendant si long-tems de fausses mesures sur un objet dont tant d'autres dépendent. Il n'y a pas deux ans que le commerce du blé étoit défendu d'une province à l'autre. Souvent une partie des citoyens soûmis au même maître mouroit de faim, pendant que la province voisine étoit incommodée d'une abondance ruineuse pour les cultivateurs. Cet abus ne pouvoit pas échapper à la sagesse du gouvernement, & il a cessé. Mais on ne peut pas penser aux avantages infinis qui résulteroient de l'exportation libre du blé dans un royaume aussi fertile, sans être affligé que cet encouragement soit encore refusé à l'agriculture. Voy . Grains , ( Economie politique. ) Cest article est de M. le Roi , lieutenant des chasses du parc de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROMENTÉE Author=unknown Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=s.f. FROMENTÉE FROMENTÉE, s. f. ( Pharmacie. ) c'est une espece de potage, dont la base est du froment qu'on fait bouillir avec du lait & du sucre. On y ajoûte quelquefois des épices. Pline rapporte que dans son tems on y mêloit de la craie. Galien en parle comme d'une espece de blé ou de bouillie fort nourrissante. Il dit qu'on la faisoit bouillir avec de l'eau, du vin, & do l'huile. Les Latins l'appelloient alica , que Festus dérive ab alendo , à cause qu'elle est fort nourrissante. Il est à observer qu'on en faisoit avec toute sorte de blé. Mais comme la nôtre ne se fait qu'avec le froment, nous lui avons donné son nom de frumentum . Une émulsion où entreroit le froment, seroit une espece de fromentée. Chambers . Cette bouillie n'est guere d'usage en France, cependant elle me paroît fort nourrissante; on pourroit s'en servir aussi-bien que du ritz, de la semoule, & de l'orge. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONCER Author=Diderot Normalized Classification=Marchand de modes Part of Speech=v.act. FRONCER * FRONCER, v. act. en terme de Marchands de modes , c'est plisser l'étoffe, le ruban, ou la blonde, en les avançant à mesure qu'on les attache; ensorte qu'il soit formé des plis égaux ou inégaux, & comme on le desire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONDE Author=Le Blond|d'Alembert Normalized Classification=Histoire | Méchanique Part of Speech=s.f. FRONDE FRONDE, s. f. ( Hist. & Méchan. ) instrument de corde & à main, dont on se servoit autrefois dans les armées pour lancer des pierres, & même des balles de plomb avec violence. Pline prétend que les peuples de la Palestine sont les premiers qui se soient servies de la fronde , & qu'ils y étoient si exercés, qu'ils ne manquoient jamais le but. Un passage de l'Ecriture rapporté par le pere Daniel dans son histoire de la Milice françoise , prouve leur adresse en ce genre. On trouve dans ce passage qu'il y avoit dans la ville de Gabaa sept cents frondeurs, qui tiroient si juste, qu'ils auroient pû sans manquer toucher un cheveu, sans que la pierre jettée se fût détournée de part ou d'autre * . Les habitans des îles Baléares, aujourd'hui Majorque & Minorque, ont été aussi très-fameux chez les anciens, par leur habileté à se servir de cette arme. Dans les expéditions militaires ils jettoient, suivant Diodore de Sicile, de plus grosses pierres avec la fronde qu'avec les autres machines de jet. « Quand ils assiégent une place, dit cet auteur, ils atteignent aisément ceux qui gardent les murailles; & dans les batailles rangées ils brisent les boucliers, les casques, & toutes les armes défensives de leurs ennemis. Ils ont une telle justesse dans la main, qu'il leur arrive peu souvent de manquer leur coup. Ce qui les rend si forts & si adroits dans cet exercice, continue ce même auteur, c'est que les meres même contraignent leurs enfans quoique fort jeunes encore, à manier continuellement la fronde . Elles leur donnent pour but un morceau de pain pendu au bout d'une perche, & elles les font demeurer à jeun jusqu'à ce qu'ils ayent abattu ce pain; elles leur accordent alors la permission de le manger ». Diodore de Sicile, trad. de M. l'abbé Terrasson, tom. II. pag. 217 . Vegece rapporte aussi à ce sujet que les enfans de ces îles ne mangeoient d'autre viande que celle du gibier qu'ils avoient abattu avec la fronde . Les frondeurs, conjointement avec les archers ou gens de trait, servoient à escarmoucher au commencement du combat; & lorsqu'ils avoient fait quelques décharges ou qu'ils étoient repoussés, ils se retiroient derriere les autres combattans, en passant par les intervalles des troupes. Les Romains ainsi que les autres nations avoient des frondeurs dans leurs armées; voyez Vélites . « Nos peres, dit Vegece, se servoient de frondeurs dans leurs batailles. En effet des cailloux ronds lancés avec force font plus de mal malgré les cuirasses & les armures, que n'en peuvent faire toutes les fleches; & l'on meurt de la contusion sans répandre une goutte de sang. Trad. de Vegece par M ». de Sigrais. Les Francois ont fait aussi usage de la fronde dans (a) Habitatores Gabaa, qui septingenti erant viri fortissimi.... sic fundis lapides ad certum jactentes, ut capillum quoque possint percutere, & nequaquam in alteram partem ictus lapidis deferretur. L. Jud. cap. xx. leurs armées. Ils ont même continué de s'en servir long-tems après l'invention de la poudre à canon. D'Aubigné rapporte qu'au siége de Sancere en 1572, les paysans huguenots refugiés dans cette ville s'en servoient pour épargner la poudre. Selon Vegece, la portée de la fronde étoit de six cents pas. Voyez ci-devant Frondeurs . ( Q ) L'effet de la fronde vient principalement de la force centrifuge. La pierre qui tourne dans la fronde tend continuellement à s'échapper par la tangente ( voyez Centrifuge & Force ), & tend la fronde avec une force proportionnelle à cette force centrifuge; elle est retenue par l'action de la main qui en faisant tourner la fronde , s'oppose à la sortie de la pierre; & elle s'échappe par la tangente dès que l'action de la main cesse. On trouve au mot Central des théoremes par lesquels on peut déterminer aisément la force avec laquelle une fronde est tendue, la vîtesse de la pierre étant donnée. Cette force est à la pesanteur de la pierre, comme le double de la hauteur d'où la pierre auroit dû tomber pour acquérir la vîtesse avec laquelle elle tourne, est au rayon du cercle. Voyez aussi le mot Force . Il est bon de remarquer que la pesanteur du corps altere un peu cette force de tendance, en la diminuant dans la partie supérieure du cercle, & en la favorisant dans la partie inférieure; il est bon de remarquer aussi que cette même pesanteur empêche la vîtesse d'être absolument uniforme, mais nous supposons ici, comme il arrive dans la fronde , que la pierre tourne avec une très-grande vîtesse, ensorte que l'effet de la pesanteur puisse être regardé comme nul. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fronde Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Fronde Fronde , terme de Chirurgie , bandage à 4 chefs, ainsi appellé parce qu'il représente une fronde . On l'employe à contenir les médicamens, les plumaceaux & les compresses sur différentes parties du corps: comme à la tête, au nez, aux levres, au menton, aux aisselles, & ailleurs. Il se fait avec une bande ou un morceau de linge d'une largeur & d'une longueur convenables à la partie sur laquelle on veut l'appliquer. Aux levres, par exemple, la bande ne doit pas avoir plus d'un bon pouce de large; & pour le menton, on prend un morceau de linge de quatre travers de doigts. Une fronde est fendue également en deux, suivant sa longueur, jusqu'à trois ou quatre travers de doigts du milieu. Le plein de la fronde s'applique sur les compresses dont on recouvre la partie malade, & les chefs de chaque côté se croisent & vont s'attacher à la partie opposée. Voyez fig. 20 . Pl. II . la fig. 7 . Pl. XXVII . représente l'application de ce bandage à la levre supérieure. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONDEUR Author=Jaucourt Normalized Classification=Art militaire des anciens Part of Speech=NA FRONDEUR FRONDEUR, ( Art milit. des anc. ) Les frondeurs dans les armées faisoient partie de la milice des anciens, & servoient à jetter des pierres avec la fronde. Les Romains pour entretenir leurs soldats dans les exercices militaires, en faisoient faire de publics dans le camp; on plantoit pour cela des pieux qui tenoient lieu du faquin, contre lesquels ils s'exerçoient avec un bouclier & un bâton à la place de l'épée; tous deux beaucoup plus pesans que leurs armes ordinaires, afin que celles-ci leur parussent plus legeres à la main: de même pour se rendre le bras plus fort, ils lançoient de faux javelots beaucoup plus pesans que les véritables. Les archers & les frondeurs pareillement dressoient un but avec des fascines, contre lequel ils tiroient des fleches avec l'arc, & des pierres avec la fronde, à 600 piés romains de distance, qui font un peu moins de 550 de nos piés. Les frondeurs sont représentés sur les marbres antiques, ayant le bras droit nud pour ajuster leurs coups avec plus de force; & ayant une petite bandouliere où pend une espece de gibeciere, pour porter les pierres ou les balles de plomb qu'ils jettoient contre l'ennemi. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONT Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie | Chirurgie Part of Speech=s.m. FRONT FRONT, s. m. ( Anat. & Chir. ) le front est une des grandes parties de la face, & une de celles qui contribuent le plus à la beauté de sa forme, & au plaisir de la considérer; frons ubi vivit honor! Un poëte galant du siecle d'Auguste, disoit, en parlant de celui de sa maîtresse, frons ubi ludit amor! Chez les Grecs & les Latins, c'étoit une beauté d'avoir le front petit, & même cette petitesse passoit encore pour une marque d'esprit: Horace en parlant de sa chere Lycoris, la peint insignis tenui fronte; ce goût étoit si géneral, & les dames si curieuses de cet agrément, qu'elles s'appliquoient à cacher une partie de leur front par des bandelettes, qu'Arnobe appelle nimbos . Il semble que nous avons un goût de beauté un peu plus exact que les Romains sur cette partie du visage. Il faut que le front , selon nous, comme le dit l'auteur de l' hist. nat. de l'homme , soit uni, sans plis ni rides, & d'une juste proportion; qu'il ne soit ni trop rond, ni trop plat, ni trop étroit, ni trop court, & qu'il soit régulierement garni de cheveux au-dessus, & aux côtés. Mais sans nous occuper de ces idées accessoires, venons aux détails qui intéressent l'anatomiste & le chirurgien; quelque secs que soient ces détails, il s'agit de les tracer dans cet article, & d'abandonner tous les autres. L'os frontal qui forme ce que nous appellons le front , est un des cinq os communs du crane, dont nous donnerons la description au mot Frontal ( os ). Nous nous contenterons de remarquer ici que sa figure est symmétrique, & à-peu-près comme une espece de coquille de mer, qui est large & presque arrondie; de sorte que deux os frontaux d'une même grandeur, joints ensemble par leurs bords, représentent en quelque maniere cette sorte de coquillage dans son entier. Comme la peau qui couvre le crane a un peu de mouvement, principalement dans sa partie antérieure où elle se ride sensiblement dans quelques personnes, ces mouvemens sont exécutés par l'action de quatre muscles; deux nommés frontaux , & deux occipitaux . Les premiers sont attachés par l'extrémité insérieure de leurs fibres charnues, immédiatement à la peau & aux apophyses angulaires de l'os frontal; leurs fibres s'avancent jusqu'à la partie moyenne & presque supérieure de cet os, où elles se terminent à la face externe d'une espece de coiffe ou calotte aponévrotique, qui, après avoir recouvert le crane, semble se continuer autour du cou jusqu'au haut des épaules; c'est dans les muscles frontaux que se distribue une branche du nerf ophtalmique qui passe par le trou sourcilier. Les muscles occipitaux attaches par leur extrémité inferieure immédiatement au-dessus de l'apophyse transversale de l'occipital, s'avancent jusqu'aux apophyses mastoïdes, & vont aussi se terminer à la calotte aponévrotique. Ces quatre muscles paroissent toûjours agir de concert, les occipitaux n'étant que les auxiliaires des frontaux. Telle est du moins l'opinion de la plûpart des anatomistes, à laquelle M. Winslow n'a pas donné son suffrage. Quoi qu'il en soit, il est bon d'avertir les jeunes chirurgiens de prendre garde, en faisant des incisions profondes au front , de couper les muscles frontaux transversalement; il faut les couper en long, selon la direction de leurs fibres; cependant quand les incisions se sont seulement à la peau, pour détruire des sinuosités superficielles, il vaut mieux suivre la direction des rides de la peau que celle des muscles; & l'on peut en ce cas faire des incisions transversales; mais s'il arrivoit à un chirurgien de couper par imperitie un muscle frontal transversalement & totalement, le sourcil tomberoit sur la paupiere, ce qui laisseroit une difformité considérable au visage, empêcheroit même le globe de l'oeil de pouvoit se découvrir dans toute son étendue, & nuiroit à l'action de cet organe. Alors dans les coupures & les plaies transversale, du front , où les fibres des muscles frontaux sont coupées, & les sourcils pendans, & où la peau du front ne peut plus se rider comme auparavant, la meilleure méthode, après avoir nettoye la blessure, sera de rapprocher les levres au moyen de deux points d'aiguille, d'y appliquer quelque poudre ou baume vulnéraire, & par-dessus une emplâtre agglutinative que l'on assûrera par le moyen du bandage; le malade de son côté doit se tenir en repos pendant quelque tems. Il arrive pourtant quelquefois, sur-tout quand le sujet est jeune, que les fibres des muscles qui ont été coupées, se réunissent sans que la plaie tourne en suppuration; mais s'il survenoit une hémorrhagie violente, on tâchera de s'en rendre maître avec des bourdonnets, des compresses, & un fort bandage; ensuite on lavera la blessure avec du vin tiede, & on réunira ses levres avec une emplâtre agglutinative. Dans presque toutes les plaies du front , il faut commencer par bien essuyer le sang, & oindre la plaie avec quelque baume, tel que celui de copahu, du Pérou, ou autre semblable; on doit ensuite rapprocher les levres de la plaie au moyen d'une emplâtre vulnéraire; cependant lorsque la plaie est considérable, ces moyens ne suffisent point pour la cicatriser également; il faut donc pour y parvenir, saupoudrer la plaie de poudre de sarcocolle, ou d'une poudre préparée avec la racine de grande consoude, de la gomme adraganth, & de la gomme arabique; on appliquera par-dessus les emplâtres dont nous avons parlé, & on assûrera le tout avec des compresses & un bandage. Il ne convient point d'user de suture dans ces sortes de plaies, sans une nécessité indispensable, non plusque dans toutes les autres plaies du visage; parce que la suture augmente l'escarre, & rend la cicatrice beaucoup plus difforme. Dans les plaies longitudinales du front , le bandage unissant est ce qu'on peut employer de mieux pour cicatriser la blessure sans difformité. Il se forme aisément des plis au front des enfans; plis qui ne manquent pas d'augmenter avec l'âge, & qui sont très-difficiles à effacer. Le meilleur moyen pour y réussir, seroit peut-être de mettre sur leur front une bonne bande d'une largeur convenable, & de l'y laisser très long-tems. D'autres enfans ont le haut du front couvert de cheveux, qui leur viennent jusque sur la racine du nez. Il faut pour les détruire jetter avec un pinceau quelques gouttes de l'esprit-de-sel dulcifié sur la partie où naissent les cheveux, ensuite frotter legerement & souvent cette partie avec du linge. On se conduira de la même maniere pour faire tomber de petites excroissances rondes, pointues, & semblables à de la corne, qui poussent quelquefois au-dessus du front . Enfin les enfans sont sujets, soit par accident ou autrement, à se donner en courant des coups au front , qui y font des bosses, se durcissent, & rendent le front inégal. On préviendra cet accident par des bourrelets; on guérira le mal en appliquant sur la bosse fraiche une petite lame de plomb, & par-dessus une compresse imbibée d'eau vulnéraire. On maintiendra la compresse par un bandeau, & on la laissera quelques jours appliquée sur le front , en l'humectant de-tems-en tems au-dehors avec de l'eau-de-vie tiéde. ( D.J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Front de Fortification Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Front de Fortification Front de Fortification , c'est un côté de l'enceinte d'une place, compose d'une courtine & dedeux demi-bastions. Voyez Fortification . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Front d'une Armée Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Front d'une Armée Front d'une Armée , d'un bataillon, ou d'un escadron, c'est la partie qui regarde l'ennemi, ou l'étendue qu'occupe la premiere ligne de l'armée, le premier rang du bataillon & de l'escadron. Voyez Armée , Bataillon & Escadron -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Front de Bandiere Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Front de Bandiere Front de Bandiere d'un camp, c'est la ligne qui sert à en déterminer l'étendue, & sur laquelle sont placés les drapeaux & les étendards des troupes qui occupent le camp. V. Camp . Cette ligne exprime la longueur de la face ou du front du camp. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Front du Camp Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Front du Camp Front du Camp , Voyez Front de Bandiere . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Front Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=NA Front Front , ( Maréchallerie. ) partie de la téte du cheval. Elle occupe precisément l'espace qui est au-dessus des salieres, du chamfrin & des yeux, & elle se trouve couverte par le toupet. Elle ne doit être ni trop large, ni trop étroite; les chevaux dont le bas du front rentre en-dedans, se nomment chevaux camus ; & nous appellons tête busquée, tête moutonnée , celle dont cette partie est avancée, relevée, & pour ainsi dire tranchante. Ces sortes de têtes busquées sont plus communes dans de certains pays que dans d'autres; les chevaux napolitains & les chevaux anglois ont presque tous une tête moutonnée. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTAIL Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.m. FRONTAIL FRONTAIL, s. m. ( Manége. ) partie du harnois & de la tétiere. C'est proprement la bande de cuir qui appuie & qui passe sur le front du cheval, à l'effet de contenir les montans dans leur place. Elle est terminée à chacune de ses extrémités par deux chasses qui résultent du retour de la courroie sous elle-même; & là le repli qui forme ces chasses est arrêté par quelques points de bredissure. Dans les deux antérieures passent les courroies qui de chaque côté descendent du dessus de tête, pour s'unir au-dessous d'elles avec les montans, par le moyen de boucles de métal. Les deux postérieures qui terminent cette piece, reçoivent les deux autres courroies, qui de ce même dessus de tête descendent pour s'unir à la sous-gorge, au moyen de boucles semblables. Quelquefois ces deux chasses n'en font qu'une, divisée simplement par les deux griffes du bouton qui sert d'ornement dans les brides, ou dans les tétieres avec garniture. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTAL, (os) Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA FRONTAL FRONTAL, ( os ) Anat. l' os frontal , autrement dit l' os coronal , est le premier des os du crane. Il est situé à la partie antérieure du crane, & a une figure demi-circulaire. On le regarde comme un seul os, quoiqu'il soit séparé dans les enfans en deux pieces égales, par une suture qui paroit comme la continuation de la sagittale, & qui n'est pas plus particuliere à un sexe qu'à l'autre. En considérant ici l' os frontal comme un seul os, on le peut diviser en partie supérieure, qui contribue à former le sommet de la tête, en partie inférieure, qui appartient à la base du crane, en antérieure ou front, & en latérales où commencent les tempes. Il y a deux faces, une externe, & une interne; l'externe se trouve convexe dans la plus grande partie de son étendue, & l'interne est concave. On découvre dans la partie intérieure de sa face externe, cinq apophyses, dont quatre sont angulaires, parce qu'elles répondent aux angles des yeux; quelques-uns les appellent orbitaires , & les distinguent en internes & en externes; la cinquieme apophyse nommée nazale , sert d'appui aux os propres du nez, & dans quelques sujets, fait une partie de sa cloison osseuse. On remarque encore dans la face externe de l' os frontal , deux enfoncemens qui font partie des orbites, & au bord supérieur des orbites, deux trous nommés sourciliers , lesquels le plus souvent ne sont que des échancrures; ces trous sont quelquefois doubles. La partie inférieure & moyenne de l' os frontal se trouve échancrée, pour loger l'os ethmoïde. On observe à la jonction de ces deux os, principalement du côté des orbites, un trou de chaque côté, auquel on donne le nom de trou orbitaire interne . On considere dans la face interne du frontal , deux fosses dites coronales , une épine, une scissure, un trou nommé borgne ou épineux , & plusieurs enfoncemens superficiels, qui répondent aux inégalités des lobes du cerveau: enfin on y remarque des sillons pour le passage des vaisseaux sanguins. En appliquant le trépan dans cet endroit, l'hémorrhagie est à craindre, & l'on court le danger de blesser la dure-mere. Ajoûtons que l' os frontal est composé de deux tables & du diploé: au milieu de la partie inférieure de cet os, les deux tables sont ordinairement écartées l'une de l'autre, pour former les deux cavités, qu'on appelle sinus frontaux ou sinus sourciliers. Voyez Frontaux (Sinus) ; & les pieces ainsi écartées sont encore composées de deux tables, ou pour le moins ont chacune deux surfaces, ce qui fait quatre surfaces ou quatre tables en tout. Mais pour avoir une idée juste de la vraie situation de toutes les parties de l' os frontal , il est bon qu'en l'examinant & en le démontrant, on le tienne de la même maniere qu'il est situé dans une tête osseuse élevée droite à son attitude naturelle. par-là, on verra que la partie supérieure de l' os frontal panche un peu en-arriere, & que la circonférence de ses bords est dans un plan incliné. Il contient les lobes antérieurs du cerveau, & une portion du sinus longitudinal; il forme le front, la partie supérieure des orbites, & une portion des tempes. Il s'articule par en-haut avec les pariétaux, & par en bas avec l'os ethmoïde, l'os sphénoïde, les os lacrymaux ou unguis, les os propres du nez, les os maxillaires, & ceux de la pomette. Quoique l' os frontal ne soit pas exempt de jeux de la nature au sujet de son épaisseur en particulier, puisqu'on voit quelquefois des cranes où il est épais d'un travers de doigt, néanmoins il est généralement si mince vers la partie supérieure des orbites, qu'il y paroît de la transparence. Aussi l'on peut dans cet endroit, c'est-à-dire à la partie supérieure de la paupiere, au-dessus du globe de l'oeil, porter de bas en-haut un coup mortel avec un instrument pointu, & ne faire en même tems qu'une fort petite plaie à la peau. En effet, un coup semblable un peu violent, perceroit l'os, atteindroit les méninges, le cerveau même, & causeroit la mort. J'ai remarqué en commençant cet article, que l' os frontal étoit séparé dans les enfans en deux pieces égales, par une suture qui s'efface lorsque les os ont pris leur accroissement. J'ajoûte ici que cette suture reste quelquefois dans les adultes, & même pendant toute la vie: M. Palfin en faisant une incision cruciale au milieu du front à un religieux âgé de quarante ans, s'apperçut que cette suture s'étoit conservée; & ce n'est pas le seul exemple qu'en fournissent les observations anatomiques. Il faut donc s'en ressouvenir quand on examine une plaie de tête, afin de ne point prendre une telle suture pour une fracture On découvrira la cause de cette division de l' os frontal par la suture sagittale, en remontant jusqu'à l'état des os du crane dans l'enfance. Dans ce tems-là, cet os est toûjours partagé en deux parties latérales; ainsi la même séparation qui se trouve entre les deux pariétaux, se rencontre aussi entre les deux pieces qui composent alors le frontal: les deux pieces du frontal commencent à s'unir entre elles par des dents, ensuite elles se soudent ensemble, & la suture disparoît. Cette soudure qui se fait pour l'ordinaire de bonne heure, se fait aussi presque entre tous les autres os du crane, mais seulement dans la vieillesse. Au reste on voit quelquefois des cranes d'enfans dont le frontal & les deux pariétaux sont soudés ensemble, sans qu'il reste le moindre vestige de leur ancienne séparation. ( D.J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frontal Author=Venel Normalized Classification=Thérapeutique Part of Speech=s.m. Frontal Frontal , s. m. ( Therapeutique. ) médicament appliqué sur le front & sur les tempes. Le cataplasme, l'épiteme sec & liquide, l'onguent, le liniment, le baume, prennent le nom de frontal , dès qu'ils sont appliqués sur ces parties. Si on employe le frontal aux usages immédiats & propres de tous ces médicamens extérieurs, il n'en differe point essentiellement; le frontal n'est qu'un cataplasme, qu'un liniment, &c. On ne l'employe plus du tout dans la vûe de remédier à des affections intérieures. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frontal & Double Frontal Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Frontal & Double Frontal Frontal & Double Frontal , outils dont les Facteurs de clavecins se servent pour faire les ornemens appellés treffles , qui sont à la partie antérieure des touches. Ces outils consistent en un fer aceré ab, Pl. de Lutherie ; l'extrémité a de ces fers qui est à deux biseaux, est profilée comme le dessein que l'on veut faire. Les fers sont emmanchés dans une piece de bois bc , semblable à celle qui tient les meches des vilbrequins. On monte de même les frontal & double frontal sur le fust de ce dernier instrument, en faisant entrer les queues c dans les boîtes de vilbrequin. Voyez Vilbrequin . On se sert de cet outil, ainsi monté, pour commencer les treffles des touches; pour cela on appuie la pointe du frontal au centre des arcs qui composent le treffle, & on tourne le fust du vilbrequin comme si on vouloit percer un trou: par ce moyen, l'outil trace un ornement circulaire, comme si la piece avoit été tournée. Voyez Planche XVII . de Lutherie, fig. 16 & 17 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frontaux, (muscles) Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Frontaux, (muscles Frontaux, (muscles ) Anat. voyez Front . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frontaux, (Sinus) Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Frontaux, (Sinus Frontaux, (Sinus ) Anat . Les sinus frontaux ou sinus sourciliers , sont deux grandes cavités situées entre les deux tables de l'os frontal, immédiatement au-dessus du nez & des sourcils, qui s'ouvrent par deux trous dans les narines. Ils sont séparés par une cloison osseuse, qui quelquefois manque, quelquefois est percée, & quelquefois n'est pas entiere. Ils varient beaucoup en divers sujets par rapport au nombre, par rapport à l'étendue, qui quelquefois est très-petite, & par rapport à la forme, qui souvent est très-irréguliere & en maniere de cellules. On les a vû manquer tout-à-fait; & dans ce cas, la cavité du nez paroît plus ample en-dedans. On a encore vû que l'un d'eux ne s'ouvroit pas dans le nez, & qu'il communiquoit seulement avec l'autre. Bartholin dit que l'on rencontre rarement les sinus frontaux dans ceux qui ont le front applati, & il n'a pas tort; il ajoûte qu'ils ne se rencontrent point dans ceux qui ont l'os du front divisé au milieu par une suture, & cette derniere décision n'est pas toûjours vraie; car Riolan a trouvé ces sinus dans des cranes qui avoient l'os du front plat, & partagé par une suture. Les deux sinus frontaux communiquent quelquefois avec l'apophyse, nommée crista galli , quand cette apophyse n'est pas creusée intérieurement. Dans certains sujets, ces cavités sont si grandes, qu'elles s'étendent jusqu'à la moitié du front, & s'avancent même sur toute la partie supérieure de l'orbite. Ruisch dans la dissection publique qu'il fit à Amsterdam d'un homme de sept piés, trouva que ces sinus frontaux s'étendoient même entre les pariétaux, ce qui est entierement contre l'ordre naturel. Enfin, quelquefois il n'y a qu'un sinus frontal au côté droit, d'autres fois au côté gauche, & en d'autres cranes presque au milieu; en un mot, c'est ici que les jeux de la nature sont infinis. Cependant quand les sinus frontaux existent dans l'ordre naturel, ils sont entre les deux tables, tapissés d'une membrane parsemée de vaisseaux sanguins qui rampent dans la partie spongieuse de l'os qu'on nomme communément le diploé , & ils séparent un suc huileux. Cette membrane est une extension de la pituitaire; les trous des sinus frontaux qui s'ouvrent dans les narines, sont percés de maniere que l'humeur mucilagineuse qui les abreuve, peut couler dans les cavités du nez, lorsque l'homme a la tête droite. Quelques anatomistes ajoûtent que lorsqu'un des sinus frontaux est percé, les mucosités séparées dans le sinus qui est bouché, passent dans l'autre par le trou qui est à la cloison, & se déchargent dans le nez avec les mucosités du sinus qui est ouvert. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frontaux, (Sinus) Author=Jaucourt Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Frontaux, (Sinus Frontaux, (Sinus ) Chirurg . Il est avantageux aux Chirurgiens d'avoir une connoissance exacte de la structure des sinus frontaux , afin de n'y pas appliquer le trépan, parce que l'ulcere resteroit toûjours fistuleux, & afin de ne pas prendre la membrane qui les revêt pour la dure-mere. Il est quelquefois arrivé au sujet des plaies pénétrantes dans les sinus frontaux , que la mucosité qu'ils fournissent étant de couleur grisâtre, abondante, trop épaissie, & s'échappant par la blessure, des chirurgiens ignorans ont pris cette humeur glutineuse pour la substance corticale du cerveau, & en conséquence ont appliqué le trépan au grand détriment du malade. On peut connoître que les plaies pénetrent dans les sinus frontaux , 1°. quand l'humeur muqueuse sort par la plaie; 2°. quand la bouche étant fermée & l'air poussé avec force, la chandelle que l'on tient allumée près de la plaie est tellement agitée, qu'elle est prête à s'éteindre; 3°. si l'on verse dans la blessure une liqueur amere, ou d'une autre saveur, elle se fait sentir dans la bouche; 4°. enfin si l'on seringue quelque liqueur dans la même plaie, elle s'écoulera par le nez. Au surplus les plaies qui pénetrent dans les sinus frontaux , se guérissent difficilement, & dégénerent d'ordinaire en fistules & en ulceres malins; parce qu'il s'amasse dans ces parties une humeur huileuse, laquelle venant à se corrompre, ne manque pas de carier les os qui sont dans le voisinage. Fallope non-seulement confirme cette vérité, mais il prétend même que les fractures pénétrantes dans les sinus frontaux ne se consolident point, tant à cause de la sécheresse de l'os, qu'à cause de l'air que l'on respire, qui s'échappe sans cesse par l'ouverture de la plaie; & il assûre n'avoir jamais vû une plaie de cette nature se fermer qu'à un seul enfant, dans lequel la cavité du sinus fut remplie d'une chair fongueuse. Enfin les plaies qui pénetrent dans les sinus frontaux ont, avec les yeux, une si grande communication, que Fabrice de Hilden dit avoir vû ( centur. ji. observ. 400. ) que le pus acre qui découloit d'une plaie de ce genre dans les cavités frontales, tomba sur la conjonctive, & poussa l'oeil hors de sa place. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTALIERS Author=unknown Normalized Classification=Histoire | Commerce Part of Speech=s.m. FRONTALIERS FRONTALIERS, s.m. ( Hist. & Comm. ) On nomme ainsi en Languedoc & en Guienne, ceux qui habitent les frontieres de France, que les Pyrenées séparent de celles d'Espagne. C'est en faveur de ces Frontaliers qu'a été accordé le privilége des passeries, c'est-à-dire la permission de transporter, même en tems de guerre entre les deux couronnes, toutes sortes de marchandises qui ne sont pas de contrebande, par les portes & passages des montagnes, dans toute l'étendue marquée par le traité. Voyez Passeries . Dict. de Comm. & de Trév . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTEAU Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FRONTEAU FRONTEAU, s. m. ( Architect. ) Voyez Fronton . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fronteau Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fronteau Fronteau se dit en parlant des cérémonies juives. Voyez Phylactere . Ce sont quatre morceaux de vélin séparés, sur chacun desquels est écrit un passage de l'Ecriture sainte, qu'on pose tous quatre sur un quarré de veau noir qui a des courroies, & que les Juifs se mettent au milieu du front lorsqu'ils sont dans la synagogue, se ceignant la tête avec les courroies de ce quarré. Dict. de Trév . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fronteau de mire Author=Le Blond Normalized Classification=Artillerie Part of Speech=NA Fronteau de mire Fronteau de mire , ( Artillerie. ) c'est dans l'Artillerie un morceau de bois de quatre pouces d'épaisseur, d'un pié de haut, & de deux piés & demi de long ou environ, dont on se sert pour pointer le canon. Voyez la figure du fronteau de mire, Planche VI . de Fortification, fig. 6 . Voyez aussi Pointer . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fronteau Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fronteau Fronteau , ( Marine. ) c'est une piece de bois plate & ouvragée de sculpture, qui est aussi longue que le vaisseau est large, & qui sert non-seulement à orner le dessus des dunettes, mais aussi les gaillards. Quelquefois ce fronteau est sur une balustrade, & il sert d'appui. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fronteau Author=Diderot Normalized Classification=Bourrelier | Sellier Part of Speech=NA Fronteau * Fronteau , terme de Sellier-Bourrelier; c'est une bande de cuir qui fait partie de la bride des chevaux, attachée par les deux bouts à la têtiere, immédiatement au-dessous des oreilles, & qui leur passe sur le front. Voyez les Planches du Bourrelier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTIERE Author=Diderot Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.f. FRONTIERE * FRONTIERE, s. f. ( Géog. ) se dit des limites, confins, ou extrémités d'un royaume ou d'une province. Le mot se prend aussi adjectivement: nous disons ville frontiere, province frontiere . Nous disons qu'il se prend dans ce cas adjectivement, à-moins qu'on n'aime mieux regarder ici frontiere comme un substantif mis par apposition. Voyez Apposition . Ce mot est dérivé selon plusieurs auteurs, du latin frons; les frontieres étant, disent-ils, comme une espece de front opposé à l'ennemi. D'autres font venir ce mot de frons , pour une autre raison; la frontiere , disent-ils, est la partie la plus extérieure & la plus avancée d'un état, comme le front l'est du visage de l'homme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTIGNAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FRONTIGNAN FRONTIGNAN, ( Géog. ) petite ville de France. au Bas-Languedoc, connue par ses excellens vins muscats, & ses raisins de caisse qu'on appelle passerilles . Quelques savans croyent, sans en donner de preuves, que cette ville est le forum Domitii des Romains. Elle est située sur l'étang de Maguelone, à six lieues N. E. d'Agde, & cinq S. O. de Montpellier. Long. 15 d . 24'. lat. 43 d . 28' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTISPICE Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FRONTISPICE FRONTISPICE, s. m. ( Architecture. ) Voyez Façade . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frontispice Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Frontispice Frontispice , ( Imprimerie. ) dans l'usage de l'Imprimerie, s'entend de la premiere page d'un livre où est annoncé le titre de l'ouvrage, quelquefois le nom de l'auteur, & ordinairement le lieu où il a été imprimé. Dans les ouvrages considérables, les frontispices ou premieres pages s'impriment ordinairement en rouge & noir. On entend aussi par frontispices l'estampe que l'on met avant le titre de l'ouvrage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRONTON Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. FRONTON FRONTON, s. m. ( Architect. ) on entend sous ce nom tout amortissement triangulaire, servant à couronner l'extrémité supérieure de l'avant-corps d'un bâtiment. L'origine des frontons vient des Grecs qui les plaçoient sur le sommet du frontispice de leurs temples, & représentoient les pignons de ces sortes de monumens; de maniere que la hauteur de ce triangle, qui étoit à sa base comme un est à cinq, a fixé pour toûjours leur proportion. Ces peuples n'employerent d'abord les frontons qu'avec beaucoup de discrétion; leurs temples étoient les seuls édifices où l'on pût les mettre en usage: mais dans la suite, leur application dans l'Architecture a dégénéré en abus, principalement en Italie, où non-seulement les architectes romains en ont placé dans tous leurs genres de bâtimens, mais les ont chantournés, enroulés, coupés & interrompus; ensorte qu'ayant perdu de vûe l'origine des frontons , ils en ont fait un ornement arbitraire, sans égard à la convenance du lieu, sans méditer l'effet qu'ils produiroient dans leurs décorations, & sans prévoir si tout autre couronnement n'eût pas été préférable. Nos premiers architectes françois n'en ont pas usé avec plus de modération que les latins; & à l'exemple des productions de leurs précédesseurs, ils en ont placé plusieurs les uns au-dessus des autres, dans un même frontispice: témoins le portail des Minimes, celui de S. Gervais, & celui du Val-de-Grace à Paris. On en remarque même trois, placés l'un dans l'autre, dans la décoration de l'intérieur de la cour du Louvre; & l'on en voit une réitération condamnable dans la façade du même palais, du côté de la riviere. En un mot, les niches, les croisées, les tables saillantes, en sont ornées; on en voit régner par-tout, couronner tout; & par-tout tenir lieu d'une architecture rectiligne, & plus analogue à la direction perpendiculaire des piés-droits, & à la forme horisontale des entablemens qui couronnent nos façades. Nos architectes modernes ont usé avec encore moins de prudence des frontons ; & à l'imitation du déréglement des Romains, du tems de Boromini , ils les ont fait circulaires, ou triangulaires, à ressauts, interrompus, retournés ou pliés, & cela sans autre but que de varier leurs compositions, & de placer dans le tympan de ces frontons des ornemens frivoles, sans choix & sans convenance. Enfin il n'est pas un de nos artisans qui ne s'imagine avoir produit un chef-d'oeuvre, lorsqu'il a terminé un ravalement par ce gente d'amortissement. La source de cet abus vient sans doute de ce que l'on perd de vûe l'origine qui a donné naissance aux diverses parties qui constituent l'Architecture; loin d'avoir recours à nos historiens & à nos auteurs les plus célebres, on prend pour modeles les exemples récents, & on laisse derriere soi la doctrine de l'art: insensiblement & à force d'imitation, on prend la partie pour le tout. Les meilleures productions prises dans leur origine, ne présentent plus que des licences intolérables, des inadvertances monstrueuses, & des compositions hasardées. Or pour éviter ce déréglement, prévoyons l'effet que produiront les frontons dans l'édifice, & réservons-les principalement pour les frontispices de nos églises; ensorte que si par tolérance nous les employons dans la décoration de nos palais ou de nos édifices publics, que ce ne soit que pour faire prééminer la partie supérieure du principal avant-corps. En supposant même que la saillie de ce dernier semble exiger séparément ce genre d'amortissement, pour lui tenir lieu de couverture, évitons qu'il couronne jamais plus de trois croisées; préférons les triangulaires aux circulaires, & ne souffrons jamais qu'ils soient interrompus ni dans leurs bases, ni dans leurs sommets, si nous voulons que nos compositions soient conformes aux principes de l'art & aux lois du bon goût. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fronton ou Miroir Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fronton Fronton ou Miroir , ( Marine. ) c'est un cadre ou une cartouche de menuiserie, qui est placée sur la voûte à l'arriere du vaisseau. On la charge des armes du prince qui a fait construire le vaisseau; quelquefois on y met la figure dont le vaisseau porte le nom. Communément on appelle cet endroit le miroir. Voyez Marine, Planche III . figure 1 . le fronton , cotté o . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROS ou FROCS Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FROS ou FROCS FROS ou FROCS, ( Jurispr. ) ce sont des terres en friche; c'est la même chose que fraux. Voyez ci-devant Fraux . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROTTEMENT Author=Necker Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=s.m. FROTTEMENT FROTTEMENT, s. m. ( Méch. ) c'est la résistance qu'apporte au mouvement de deux corps l'un sur l'autre, l'inégalité de leurs surfaces. Il n'est aucun corps qui lorsqu'il glisse sur un autre, n'éprouve une pareille résistance; parce qu'il n'en est aucun dont la surface ne soit inégale. Il est aisé de s'en convaincre, en examinant au microscope ceux mêmes que nous regardons comme les mieux polis; on y apperçoit bien-tôt bien de petites éminences & cavités qui avoient échappé à la vûe simple. Lors donc que l'on applique l'une contre l'autre deux surfaces de cette nature, les petites éminences de l'une doivent nécessairement entrer dans les petites cavités de l'autre; & pour en mouvoir une, il faut dégager ces éminences des cavités dans lesquelles elles sont enfoncées: pour cet effet il est nécessaire ou de les briser, ou de les plier comme des ressorts; ou si leur extrème dureté empêche l'un & l'autre de ces effets, il faut un peu soûlever le corps entier. Toutes ces choses exigent une certaine force, & il en doit résulter un obstacle au mouvement: c'est ce que l'on nomme frottement . On peut en distinguer deux especes. S'il s'agit de faire parcourir à un corps la surface d'un autre corps, cela peut s'exécuter de deux manieres différentes, qu'il est important de ne pas confondre: 1°. en appliquant successivement les mêmes parties de l'un à différentes parties de l'autre, comme quand on fait glisser un livre sur une table; & on peut nommer ce frottement , celui de la premiere espece: 2°. en faisant toucher successivement différentes parties d'une surface à différentes parties d'une autre surface, comme lorsqu'on fait rouler une boule sur un billard; & je le nomme frottement de la seconde espece. Le premier est celui dont j'ai parlé d'abord. Dans le second cas, les parties engagées se quittent à-peu-près comme les dents de deux roues de montre se desengrenent. Voyez figure 38 . de la Méchanique , où CD est le corps roulant, AB la surface du corps sur lequel il roule, & H, F , les inégalités des deux surfaces au point d'attouchement. S'il arrive qu'elles ayent quelquefois peine à se quitter, c'est qu'il y a disproportion entre les parties saillantes & les vuides qui les reçoivent; mais jamais cette seconde espece de frottement ne ralentit autant le mouvement que la premiere: c'est de celle-ci que je vais m'occuper plus particulierement. La quantité du frottement dépend d'une infinité de circonstances, qui me paroissent pourtant toutes pouvoir être rapportées à quelqu'un de ces cinq chefs: 1°. la nature des surfaces qui frottent; 2°. leur grandeur; 3°. la pression qui les applique l'une à l'autre, 4°. leur vîtesse; 5°. la longueur du levier auquel on peut regarder comme appliquée la résistance dont il s'agit. I. La nature des surfaces est certainement la principale considération, à laquelle il faut avoir égard pour juger de la quantité du frottement ; il est évident que plus les inégalités de ces surfaces seront ou nombreuses, ou éminentes, ou roides, ou difficiles à briser ou à plier, plus aussi le frottement qui en résultera sera considérable. Il suit de-là, 1°. que l'on doit trouver moins de résistance à faire glisser un corps poli sur une surface polie, qu'un corps rude & grossier sur une surface inégale & raboteuse. 2°. Que l'huile ou la graisse dont on enduit ordinairement les surfaces que l'on veut faire glisser avec plus de facilité, doivent effectivement diminuer le frottement; puisque se logeant dans les petites cavités de ces surfaces, elles empêchent les petites éminences d'y entrer aussi profondément; & que la forme sphérique des petites molécules de l'huile les rend propres, comme autant de rouleaux, à changer en partie le frottement , qui seroit sans cela uniquement de la premiere espece, en un autre de la seconde. Ces raisonnemens, quelques plausibles qu'ils paroissent, ne décideroient pas néanmoins ces deux points, si l'expérience ne les appuyoit. La structure des petites parties des corps, & la nature de leurs surfaces nous est si peu connue, qu'il est impossible de suivre ici d'autre guide que l'expérience; encore n'avons-nous pas l'avantage d'être conduits par elle dans cette matiere-ci aussi sûrement que dans la plûpart des autres. Nous ne trouvons dans les différens auteurs qui nous ont fait part de leurs tentatives, que des résultats opposés, & souvent des contradictions. Par exemple, M. Amontons nous dit qu'il a éprouvé que des plans de cuivre, de fer, de plomb & de bois, bien enduits de vieux-oing, placés sur d'autres plans de pareille matiere, & chargés également, ont à-peu-près le même frottement . M. Musschenbroek au contraire nous donne une table de différentes expériences qu'il a faites, pour connoître le frottement d'un arc d'acier dans des bassinets de gayac, de cuivre rouge, de cuivre jaune, d'acier, d'étain, &c. par lesquelles il paroit que le frottement de l'essieu a été très-différent dans les différens bassinets, quoique huilés. Il paroit par la machine que M. Musschenbroek a employé pour ces expériences, & par l'exactitude qu'il y a apportée, qu'on peut mieux compter sur ses résultats, que sur ceux de M. Amontons; d'autant plus que le frottement dépendant de la nature des surfaces, il seroit bien singulier que l'huile interposée rendit tout égal. L'eau fait un effet bien différent de l'huile; un grand nombre de corps glissent moins aisément quand ils sont mouillés, qu'étant secs; & il y a à cot égard de grandes différences entre les différens corps, le frottement de quelques-uns étant presque double, & celui de quelques autres au contraire diminue. Je ne crois pas que dans un ouvrage tel que celui-ci qui n'est point un traité complet du frottement , je doive entrer dans le détail des expériences faites sur les différentes sortes de matieres; je remarquerai seulement que comme on a des tables de la densité spécifique des différens corps, il seroit aussi fort à souhaiter qu'on en eût sur leur frottement: mais en même tems que nous le desirons, nous ne pouvons nous empêcher de sentir qu'un tel ouvrage est presque impossible; du-moins il demanderoit une patience infatigable, & plus d'un observateur. Il saudroit avoir grand soin que hors la différence de la matiere, il n'y en eût aucune dans les corps dont on voudroit comparer le frottement; il faudroit employer la même huile, & varier ensuite beaucoup les circonstances, en les conservant néanmoins les mêmes pour chaque sorte de matiere. Une grande difficulté qui s'y trouveroit, seroit qu'on observeroit bientôt que dans de certaines circonstances, les mêmes pour le bois & le fer par exemple, le bois éprouve plus de résistance que le fer; & que dans d'autres, aussi les mêmes pour ces deux corps, le fer en éprouve plus que le bois; ce qui obligeroit d'entrer dans de prodigieux détails, pour pouvoir tirer de ces tables quelque secours. II. La grandeur des surfaces frottées avoit paru jusqu'à M. Amontons, devoir entrer pour quelque chose dans l'évaluation du frottement; il sembloit naturel que deux corps se touchant en plus de points, il y eût aussi plus d'éminences engagées réciproquement dans les cavités des surfaces de l'un & de l'autre, & ainsi plus de difficulté à les faire glisser l'un sur l'autre. M. Amontons en examinant la chose de plus près, a remarqué que ce n'étoit pas seulement au nombre des éminences engagées dans les petites cavités des corps, qu'il falloit avoir attention, mais qu'il falloit aussi considérer le plus ou moins de profondeur où elles pénétroient. Or comme les éminences d'un corps qui en touche un autre par une large surface, doivent entrer moins profondément dans les cavités de ce dernier, que lorsque cette surface est étroite, puisqu'alors le poids du corps est employé à faire entrer un plus grand nombre d'éminences, il en conclut qu'il se faisoit ici une compensation, & que la grandeur de la surface n'entroit pour rien dans l'évaluation du frottement . Ce raisonnement auroit converti peu de physiciens, s'il n'eût été accompagné de l'expérience: on auroit accordé à M. Amontons qu'il prouvoit très-bien que, toutes choses d'ailleurs égales, le frottement n'augmentoit pas autant que la surface, mais on lui auroit contesté l'exactitude de cette compensation qu'il supposoit, & que ce raisonnement ne démontroit nullement. Il eut donc recours à l'expérience, pour se confirmer dans sa conjecture, ou pour l'abandonner; & il rapporte ( mém. de l'acad. 1703 & 4. ) qu'il a toûjours marqué que la quantité du frottement étoit absolument independante de la grandeur des surfaces: M. Camus ( des forces mouvantes ), & M. Desaguliers ( cours de Physiq. expérim. ) confirment la même chose. Malgré toutes ces autorités, la question n'est point encore decidée. M. Musschenbroek ( essais de Phys. ) nous fait part de quelques expériences qu'il a faites sur le point dont il s'agit, & qui sont entierement opposées aux précédentes. Ayant mis en mouvement sur des planches de sapin deux petites planches aussi de sapin, longues chacune de treize pouces, & larges l'une d'un pouce, & l'autre de deux pouces onze lignes, & chargées toutes les deux d'un même poids, y compris le poids de la planche; la plus large a toûjours eu plus de frottement . M. l'abbé Nollet ( Leçons de Physiq. expérim. ) nous apprend aussi qu'il a toûjours trouvé le frottement augmenté avec la surface. A ces expériences faites avec le plus grand soin, si l'on ajoûte que tous les artistes qui ont besoin pour la perfection de leur ouvrage, de diminuer le frottement , sont dans l'usage constant de diminuer le contact, & s'en trouvent bien: il sera bien difficile de ne pas pancher à croire que la grandeur des surfaces ne soit de quelque influence pour le frottement . Remarquons néanmoins, que si l'on diminuoit les surfaces jusqu'à les rendre tranchantes, le frottement , bien loia d'etre diminué, seroit dans plusieurs cas beaucoup augmenté. M. Musschenbroek est même dans l'idée que pour une pression donnee, il y a une certaine grandeur de surface à laquelle repond un minimum de frottement; de sorte que soit qu'on l'augmente ou qu'on la diminue, la résistance est augmentée. Mais cela auroit besoin d'être déterminé encore plus exactement par l'expérience. III. Tous les Physiciens conviennent que la pression qui applique l'une à l'autre les surfaces qu'on vout faire glisser, est une des principales considérations qui doit entrer dans l'évaluation du frottement . Non-seulement les expériences qu'ils nous rapportent, mais aussi les observations les plus communes & les plus journalieres, nous font voir que le frottement augmente avec cette force; & l'on conçoit aisément qu'une plus grande pression fait entrer à une plus grande profondeur les éminences d'une surface dans les petites cavités de l'autre, & augmente ainsi la difficulté qu'il y a à les en dégager. Mais il se présente ici une question sur laquelle il faut avoüer qu'il reste encore de l'incertitude; c'est de savoir si le frottement augmente proportionnellement à la force qui applique les surfaces l'une à l'autre; de façon qu'il y ait toûjours un rapport constant entre cette force & la difficulté qui en résulte pour mouvoir le corps; ou bien, si ce frottement augmente plus ou moins que proportionnellement à cette pression. Les expériences de M. Amontons l'ont porté à regarder le rapport du frottement à la pression comme constant: il a crû que le frottement étoit à-peu près le même pour les corps huilés ou graissés, & à peu de chose près le tiers du poids. M. Desaguliers le répete; & la plûpart des Physiciens partent de cette hypothèse, quand ils veulent faire le calcul de frottement de quelque machine. Cependant, après ce qui a été dit plus haut des expériences de M. Musschenbroek, pour montrer que le frottement des différens métaux huilés ou graissés, est très-différent, on ne sauroit regarder comme assez généralement vrai & exact, que le frottement soit le tiers du poids. Mais il y a plus. Si l'on examine avec soin les tables que MM. de Camus & Musschenbroek nous ont données de leurs expériences sur cette matiere, ou ne trouve pas qu'un même corps différemment chargé ait un frottement proportionnel à cette charge. Malheureusement ces expériences, d'accord en ce point, different en ce que celles du premier font le frottement d'une surface peu chargée, proportionnellement plus grand que celui de celles qui le sont plus: au lieu que suivant celles de M. Musschenbroek, il est souvent proportionnellement plus petit. Par exemple, lorsque l'essieu du tribometre de M. Musschenbroek ( voyez Tribometre ) se trouvoit dans le bassinet de cuivre rouge, il falloit quatre dragmes pour le mettre en mouvement, la charge étant de trois cents quatre-vingt-huit dragmes; & il en falloit huit, s'il étoit chargé de six cents quarante-huit; au lieu qu'il n'en auroit fallu que six & deux tiers, à-peu-près, si le frottement eût augmenté proportionnellement à la pression. Une telle contradiction entre les expériences de ces deux Physiciens, est d'autant plus singuliere, qu'on n'en sauroit soupçonner aucun de n'y avoir pas apporté toute l'exactitude & l'attention possibles. Je ne vois qu'une façon de les concilier: l'essieu du tribometre de M. Musschenbroek, & les bassinets qui le reçoivent, sont parfaitement polis, & s'appliquent ainsi l'un à l'autre très-intimement, de façon à laisser peu de vuide: cette application est d'autant plus intime, que l'essieu est plus chargé. Par-là l'essieu & le bassinet se trouvent dans le cas de deux plaques de verre bien polies, que la pression de l'air extérieur & l'attraction de contact collent si bien l'une à l'autre, que non seulement il est presque impossible de les séparer directement, mais qu'outre cela elles glissent avec plus de peine que si elles eussent été moins exactement polies. Il est vrai que l'essieu & le bassinet étant de forme cylindrique & arrondis, ne doivent se toucher que par une bien petite surface; & que par conséquent, la pression de l'air extérieur & l'attraction qui les appliquent l'un à l'autre, semblent devoir produire ici peu d'effet: mais il est aisé de s'appercevoir qu'un contact d'une ligne quarrée suffiroit seule pour occasionner le phénomene que nous cherchons ici à expliquer. Quoique la pression qui applique les surfaces de deux corps, soit une des principales causes de la difficulté qu'on éprouve à les faire glisser l'une sur l'autre, il ne faut pourtant pas croire que cette difficulté cessât toûjours entierement, si cette pression devenoit nulle. L'exemple de deux scies suspendues verticalement, de façon que les dents de l'une se logent dans les intervalles que laissent celles de l'autre, peut servir à nous convaincre du contraire. Il est sûr que si l'on vouloit mouvoir une d'elles verticalement, cet engagement réciproque de leurs dents y apporteroit quelque obstacle, & formeroit une résistance de la nature de celle que nous avons nommée frottement: il est vrai que cette résistance ou seroit absolument invincible, ou cesseroit bien-tôt, les dents s'étant dégagées, & n'y ayant aucune force qui les oblige à s'embarrasser de nouveau les unes dans les autres. IV. La vîtesse des surfaces qui frottent paroît devoir influer sur la quantité du frottement: il semble qu'un corps qui se meut plus vîte rencontre dans le même tems un plus grand nombre de petites éminences de la surface de celui sur lequel il se meut, les choque aussi plus rudement, ou les plie plus vîte; & par toutes ces considérations, doit éprouver beaucoup plus de résistance à son mouvement. Aussi M. Musschenbroek nous dit s'être assûré par des expériences dont il ne donne pas le détail, que le frottement étoit proportionnel à la vîtesse, excepté lorsque cette vîtesse est très-considérable: car dans ce cas il a trouvé le frottement beaucoup plus augmenté. Cependant M Euler considérant que dans le mouvement d'un corps qui glisse sur un autre, les petites éminences de sa surface se dégagent des petites cavités de l'autre, & y retombent alternativement, a crû qu'il ne devoit éprouver de résistance que comme par intervalle; au lieu qu'un corps en repos qu'on veut mouvoir, en éprouvoit une continuelle; & qu'ainsi la vîtesse d'un corps, bien loin d'augmenter le frottement , devoit le diminuer. A cette considération il en ajoûte une autre tirée de l'expérience: il lui a paru que lorsqu'on donnoit à un plan incliné une inclinaison très-peu différente de celle où le frottement étoit précisément égal à l'action de la pesanteur, pour mouvoir le corps, ce corps parcouroit le plan incliné beaucoup plus vîte qu'on n'auroit dû s'y attendre, vû le leger changement qui s'étoit fait dans l'inclinaison: d'où il a conclu que le mouvement une fois commencé, le frottement étoit diminué: il a même donné une méthode pour décider par le tems qu'un corps employe à parcourir un tel plan, si sa conjecture est juste & conforme à la réalité. Voyez , sur tout cela, les mém. de Berlin, ann. 1748 . De telles contradictions entre des Physiciens de cet ordre, nous montrent combien nous sommes encore éloignés de connoître la nature & les vraies lois du frottement; c'est à l'expérience seule à nous les apprendre: sur le point dont il s'agit actuellement, nous n'en avons aucune qui mérite une confiance entiere. M. Musschenbroek ne nous ayant point communiqué son procédé, nous ne pouvons pas juger s'il ne s'est point glissé quelque erreur dans les résultats qu'il nous donne; & nous croyons qu'il est plus sage d'attendre de nouvelles expériences, pour décider si & comment la vîtesse doit entrer dans l'évaluation de cette résistance. V. Le frottement retarde & détruit le mouvement d'un corps, comme le feroit une puissance qu'il tireroit dans une direction opposée à celle de ce mouvement: d'où il suit tout naturellement, que pour juger de la résistance qu'il apporte à l'action de la puissance, qui produit ou tend à produire ce mouvement, il ne suffit pas de connoitre sa quantité absolue, mais qu'il faut aussi avoir égard au bras de levier auquel il est appliqué, relativement à la longueur de celui par lequel agit la puissance. Ainsi, par exemple, quand on employe pour élever un corps une poulie mobile autour de son axe, le frottement qu'il y a à vaincre est celui de l'axe de la poulie dans les petites cavités qui le reçoivent, la résistance qui en résulte se trouve donc appliquée à un bras de levier d'autant plus court que celui par lequel agit la puissance, que le diametre de cet axe est plus petit que celui de la poulie même: aussi le frottement est-il incomparablement moindre que si cette poulie étoit immobile autour de son axe. On peut expliquer par-là l'avantage des grandes poulies & des grandes roues sur les petites, & celui des voitures montées sur des roues par-dessus les simples traineaux. Cette observation sert encore à faire comprendre pourquoi dans une descente rapide on se trouve très-bien d'enrayer les roues: c'est que par là la résistance qui provient du frottement se trouve appliquée à la circonférence de la roue, au lieu qu'elle l'étoit à celle de l'essieu: la roue enrayée augmente donc le frottement , & empêche la voiture de descendre avec trop de rapidité. Nous pourrons encore expliquer, au moyen des mêmes principes, pourquoi les balances courtes sont moins exactes que celles dont le fléau est long, & pourquoi les romaines le sont ordinairement moins que les balances communes: car il est facile de voir que si la marchandise dont on veut connoître le poids se trouve excéder tant-soit-peu ce qu'elle devroit être pour tenir en équilibre les poids auxquels on la compare, elle fera trébucher la balance d'autant plus aisément qu'elle se trouvera plus éloignée de l'axe autour duquel se fait son mouvement; puisque le bras de levier par lequel elle surmontera le frottement qu'il y a autour de cet axe, sera d'autant plus long. Il y a dans tous les Arts je ne sais combien de petites attentions de pratique, pour diminuer le frottement; par exemple, celle de faire porter les essieux sur des rouleaux ( fig. 39 . méchaniq. ): je ne crois pas nécessaire de m'y arrêter. S'il est hors de doute que la diminution du bras de levier auquel sont appliquées les parties qui frottent, est un moyen très-efficace de diminuer le frottement , il ne l'est pas également que ces diminutions soient exactement proportionnelles l'une à l'autre. L'expérience semble avoir montré aux Artistes, que lorsque le pivot autour duquel on fait tourner une roue, est extrèmement petit, le frottement n'est pas diminue à proportion de la petitesse, & qu'on se tromperoit beaucoup, si du frottement d'un pivot d'un quart de ligne de diametre, on vouloit conclure celui d'un pié, en l'estimant 576 fois plus considérable: la raison en est sans doute, que les petites éminences des surfaces des corps ont alors une proportion sensible avec le diametre du pivot, & sont ainsi plus d'obstacle à-son mouvement; à-peu-près comme une petite roue a de la peine à sortir d'une orniere qu'une grande roue franchit aisément. Voilà un précis des connoissances que nous avons de la nature & des lois du frottement; connoissances bien imparfaites, comme on peut aisément s'en appercevoir, & qui le seront vraissemblablement encore long-tems. En effet, y ayant de si grandes variétés dans le tissu des différens corps, & celui d'un même corps n'étant pas lui-même homogene, & de plus, sujet à des variations par le froid & le chaud, le sec & l'humide, & par mille autres circonstances; il paroît bien difficile de parvenir à des lois générales sur cette matiere. Ajoûtez à cela que la plûpart des Physiciens qui s'en sont occupés, ont employé pour leurs expériences des méthodes sujettes à équivoque, & propres à faire naître de l'incertitude dans leur résultat. Le tribometre de M. Musschenbroek a, par exemple, cet inconvénient, qu'une partie de la force destinée à faire tourner le disque, s'employe à plier la corde; ce qui n'est pas à négliger. Le même inconvénient a lieu, lorsque la puissance qui doit mouvoir un corps sur un plan est appliquée à une corde qui passe sur une poulie; & il y a de plus dans ce dernier cas, un frottement auquel on n'a aucun égard, qui est celui qui se fait autour de l'axe de la poulie. Il me semble que de tous les moyens qui ont été employés pour connoître par l'expérience les différentes lois du frottement , il n'y en a point de plus simple & en même tems de moins sujet à équivoque, que de se servir d'un plan incliné, auquel on donne une inclinaison telle que le frottement du plan & la pesanteur du corps soient précisément en équilibre. L'inclinaison du plan fait connoître la force qui cût été nécessaire pour retenir le corps sur un plan parfaitement poli; & de cette façon, le frottement qui tient lieu de cette force sera connu sans équivoque. Cette méthode a été suivie par quelques physiciens: mais il semble qu'on auroit pû en tirer un meilleur parti. Je ne m'arrêterai pas actuellement à calculer le frottement des différentes machines; il faudroit embrasser, pour cet effet, quelque hypothèse particuliere; & le choix ne laisseroit pas que d'en être embarrassant. D'ailleurs on peut voir dans les essais de Phys. de Musschenbroek, un exemple de ce calcul. Je finirai cet article par quelques observations. 1°. On est quelquefois surpris de ce qu'il n'est pas nécessaire que la force qui a introduit un coin dans une fente y soit continuellement appliquée, pour qu'il y reste engagé, malgré l'effort des parois de la fente pour se rapprocher. La vis nous offre quelque chose de semblable. Si l'on comprime par son moyen quelque corps élastique, on ne voit pas que le ressort des parties comprimées fasse rétrograder la vis dans son écrou, lorsque la puissance cesse de lui être appliquée. Le frottement est l'unique cause de ces deux phénomenes; car dans l'un & l'autre cas, l'essort que sont les parties séparées ou comprimées pour revenir à leur premiere situation, peut se décomposer en deux autres, dont l'un s'employe tout entier à appliquer les faces du coin contre les côtes de la fente, ou le filet de la vis contre les parois intérieures de l'écrou; & l'autre tend à faire glisser le coin hors de la fente, & la vis sur son écrou, comme sur des plans inclinés: & tant que ce dernier essort n'est pas au premier dans un plus grand rapport, que le frottement à la pression qui le cause, son action est nulle; la vis ne peut rétrograder, & le coin doit rester dans la fente. De-là vient que quand le pas de la vis est grand, c'est à-dire quand son filet fait avec son axe un angle assez aigu, la vis remonte dans l'écrou par le ressort des parties comprimées, comme on peut le voir dans les imprimeries & dans les monnoies. De même aussi il arrive quelquefois, que lorsqu'on introduit dans une fente un coin qui n'est pas assez aigu, il en ressort avec promptitude, & est chassé en-arriere avec vîtesse; par la même raison qu'un noyau de cerise s'échappe des doigts de celui qui le presse, & s'élance à une grande distance. 2°. On lit dans tous les livres de Statique, que la direction la plus avantageuse, pour mouvoir un corps sur un plan horisontal ou incliné, est celle qui est parallele au plan; & l'on a raison, tant que l'on suppose ce plan parfaitement poli, & que l'on fait abstraction de tout frottement . Mais si l'on veut y avoir égard, ce n'est plus la même chose. En ce cas voici comme je détermine cette direction. Soit un corps P qu'il faut mouvoir sur un plan horisontal AB ( fig. 39 . Méchan. n°. 2. ), au moyen d'une force donnée A , & soit CP la direction dans laquelle on fait agir cette puissance; soit prise CP =1, & soient menées PD parallele au plan & CD perpendiculaire à PD , soit CD=x; donc il est évident que l'essort de la puissance A pour mouvoir le corps peut s'exprimer par A & supposant le frottement à la pression dans le rapport donné de m à n , la résistance qui en résulte sera m/n P-m/n A x , puisque l'effort DC que fait la puissance A s'employe à diminuer la pression qu'exerce le corps sur le plan; donc le corps P est mis en mouvement par une force A ; & si la direction PC est la plus avantageuse, cette quantité doit être un maximum; donc . Ainsi le sinus de l'angle que doit faire la direction de la puissance avec le plan pour agir avec le plus d'avantage, doit être non pes zéro, mais . Si l'on suppose avec M. Amontons m/n=1/3 , on a , & l'angle CPD d'en viron 18 d 1/2. 3°. Si l'on avoit une théorie exacte des lois du frottement , on n'auroit pas besoin d'en faire abstraction dans plusieurs beaux problèmes de Méchanique, comme ceux de la brachystochrone, de la courbe isochrone paracentrique, des tautochrones, & beaucoup d'autres. J'ai fait un essai du probleme des tautochrones, soit dans le vuide, soit dans un milieu qui résiste comme le quarré des vîtesses, & dans un milieu qui résiste infiniment peu, suivant une fonction quelconque des vîtesses, en y considérant aussi le frottement; & j'ai eu le plaisir de retrouver encore pour tautochrone une portion de cycloïde, qui devient la demi-cycloïde, lorsque le frottement est nul. Comme l'académie devant qui j'ai eu l'honneur de lire la solution de ces problemes, l'a jugée digne d'être imprimée dans le volume de ses correspondans, j'y renvoie ceux qui se feront plaisir de voir le détail du calcul. Cet article est de M. Necker le fils, citoyen de Genève, & correspondant de l'académie royale des Sciences de Paris . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottement Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Frottement Frottement , ( Hydr. ) Outre les causes de frottement communes à toutes les machines, comme celles qui proviennent de l'engrenage des roues, &c. il se fait dans les pompes un frottement contre les parois d'un tuyau où l'eau passe, dans les passages des soupapes, des robinets, dans les coudes & jarrets des conduites, dans la souche d'un jet, & dans la platine d'un ajutage. Le canon d'une jauge n'en est pas même excepté, ainsi que l'épaisseur de la cloison qui est dans la cuvette. Quant aux engrenages des roues dans les lanternes, on en rend le mouvement plus doux en les graissant avec du savon noir, ce qui les fait encore durer davantage. Pour les crapaudines, les boulons, les torillons, les bielles, & autres pieces, on les frotte d'huile. On ne peut éviter le frottement qui se fait contre les parois d'un tuyau, sur-tout dans les coudes & jarrets des conduites tournantes, qu'en interrompant le diametre ordinaire de la conduite pour y mettre deux ou trois toises de suite de plus gros tuyaux, & reprendre ensuite le diametre de la conduite. Les ouvertures des soupapes & robinets sujettes aux étranglemens, se peuvent encore éviter en y employant des soupapes & des robinets d'un plus grand diametre. La souche d'un jet sera tenue aussi plus grosse, & la platine de l'ajutage la plus mince qu'il se pourra. On peut éviter plus de la moitié du frottement dans les jauges, en n'y mettant point de canons, & laissant couler l'eau par les ouvertures faites dans la platine qui sera des plus minces. Il n'y a point de frottement pareil à celui qui se fait dans les fourches trop menues d'une machine hydraulique à trois corps de pompe; le remede à cet étranglement, est de donner à chaque fourche un diametre égal à chaque corps de pompe, ainsi qu'au tuyau montant. Voyez Pompe . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottement Author=Romilly Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Frottement Frottement , ( Horlogerie. ) L'Horlogerie est de tous les arts celui qui présente sur le frottement les plus grands & les plus singuliers phénomenes; car dans tous les arts, excepté l'Horlogerie, les frottemens n'agissent que comme résistance, ou comme obstacles au mouvement des corps appliqués les uns contre les autres; & par l'altération qu'ils causent aux pieces dont les machines sont composées. Avec de la force & une réparation nécessaire aux pieces altérées, l'on satisfait à tous les frottemens dans ces machines. Il n'en est pas de même en Horlogerie; les résistances & les altérations des pieces y sont presque pour rien. C'est de la variété connue des frottemens qui agissent en retardant plus ou moins la vîtesse des corps, que provient une si grande irrégularité dans l'Horlogerie, & principalement dans les montres. Comme il sera nécessaire d'entrer dans quelque détail sur la cause de ces variétés, il est bon de poser quelques principes généraux pour nous servir de guide sur ce qui fait l'objet de nos recherches. L'Horlogerie peut être considérée comme étant la science des mouvemens: car c'est par elle que le tems, la vîtesse, & l'espace sont exactement mesurés, & à qui toutes les autres sont subordonnées. Donc ce que je dirai sur les frottemens appartenans à l'Horlogerie, pourra être de quelqu'utilité à tous les arts, n'y en ayant point dont les objets ne soient susceptibles de mouvemens, par conséquent de frottemens . Les frottemens sont cette résistance ou obstacle qu'on éprouve lorsque l'on applique des corps les uns contre les autres pour les faire mouvoir, ou simplement leur donner une tendance ou mouvement; car où il n'y a point de mouvement ni de tendance, il ne sauroit y avoir de résistance, par conséquent point de frottement . Je fais ici abstraction de l'inertie des corps. Les lois du mouvement étant connues, il paroîtroit qu'on en pourroit déduire celle des frottemens , comme l'on en déduit celle de la vîtesse, de l'espace, & du tems: car dans l'un & l'autre cas il y a de commun l'espace parcouru. Mais malgré la connexion qu'il y a entre ces choses, l'on n'a pû encore déterminer de principe sur lequel l'on puisse établir une théorie des frottemens applicable à l'Horlogerie en petit. Dans les pendules, sur-tout celles à grande vibration, le régulateur ou la puissance est si grande qu'elle réduit presque à rien les variations causées par les frottemens: de sorte que si l'on prévient l'altération des pieces par la dureté & le poli qu'on peut leur donner, & si l'on n'employe que la force nécessaire pour entretenir le mouvement, il y aura peu d'altération à craindre, par conséquent peu à réparer; c'est donc tout ce qu'il y a de plus essentiel à observer dans les pendules. Dans l'Horlogerie en petit, ou dans les montres, les altérations y sont presque pour rien. Il n'est pas rare de voir des montres qui pendant 40 ou 50 ans ont toûjours marché, & auxquelles on n'a fait autre chose que de les nettoyer de-tems-en-tems, sans qu'il y eût des altérations absolument nécessaires de réparer. Avec si peu de changement, il est étonnant que l'on voye aller fort mal tant de montres, qui sont cependant assez bien composées & exécutées. Elles varient donc par la foiblesse du régulateur, qui ne surmonte pas l'irrégularité causée par les frottemens . C'est donc ce qu'il y a de plus essentiel à examiner. Pour se former une idée des différentes causes qui entrent dans les frottemens , nous exprimerons en peu de mots toutes les choses que nous croyons concourir à les augmenter, & qui nous les présentent sous tant de faces différentes par les variations qu'elles occasionnent. P le poids ou la force qui presse. E l'espace parcouru dans un certain tems. Q la quantité de pénétration réciproque des parties provenant de deux causes; l'une, du défaut de poli qui n'est jamais parfait; l'autre, en supposant même le poli parfait, de ce que ces parties ne laissent pas que de se pénétrer par les pores de leur tissu ou texture. I l'inclinaison qui résiste le plus dans les parties qui se pénetrent; c'est celle de 45 degrés que je retrouve même par-tout dans les arts méchaniques. Le ciseau qui taille la lime, doit avoir cette inclinaison pour que dans l'usage que l'on en fait, la taille ne s'égrise ni ne glisse sans user la matiere que l'on travaille. Les dents de scie sont aussi dans le même cas, & doivent avoir la même inclinaison. Le fer du rabot doit être incliné de même pour couper plus avantageusement. Le ciseau qui taille la pierre doit aussi avoir la même inclinaison. Le soc de la charrue de même. Le burin du graveur, soit en planche ou autrement, est dans le même cas. Enfin il n'est point d'art méchanique qui ne fournisse quelqu'exemple de l'avantage de cette inclinaison, qui est celle qui resiste le plus. D les différentes directions que peut prendre le corps frottant; elles lui seront plus ou moins avantageuses selon qu'il rencontrera les inclinaisons dont nous venons de parler; car le rabot ne couperoit point s'il étoit pousse dans le sens contraire, quelque force que l'on pût employer. Il en seroit de même de la lime, de la scie, &c. T les différentes températures, c'est-à-dire le chaud & le froid, le sec & l'humide, qui changent en quelque sorte les parties intégrantes des frottemens . R la roideur de ces parties qui se pénetrent étant plus ou moins flexibles, dures ou molles, présentent plus ou moins de resistance. Les métaux & végétaux different sensiblement entr'eux de frottement . Les gommes résineuses & vitrées résistent le plus au mouvement vif, & presque point au mouvement lent. Les métaux les plus purs sont ceux qui résistent le plus; ensorte que dans différentes pratiques d'instrumens d'Horlogerie, comme le cylindre d'un tour à balancier, on est obligé de le faire d'un mélange de cuivre & d'étain; ce qui permet de le tenir juste, & l'empêche de former une adhérance ou cohésion, ainsi qu'il arrive entre les métaux semblables. N le nombre de fois que le corps frottant passera sur ses mêmes parties; car en les échauffant, il y occasionne une adhérance ou cohésion qui en augmente encore la résistance. D'où il suit que les forces ou poids qui pressent le corps en mouvement, étant constantes, les frottemens ou résistances pourront augmenter de plus en plus si toutes les parties frottantes qui se succedent les unes aux autres sont plus contraires que favorables; ensorte que la vîtesse du corps sera tellement retardée, qu'elle pourra faire équilibre & suspendre totalement le mouvement. Et réciproquement si toutes les parties frottantes qui se succedent les unes aux autres sont plus favorables que contraires, on arrivera au terme où la résistance deviendra comme nulle, & la vîtesse du corps peu ou point retardée. Ce dernier cas ne sauroit être complet, au lieu que le premier est très-fréquent. C'est donc entre ces deux termes que nous avons à traiter des frottemens relatifs à l'Horlogerie, & sur quoi roule la plus grande cause de la variation des montres. Le poids qui presse & l'espace parcouru dans un certain tems, sont la quantité constante qui fait la base de tous les frottemens , sans lesquels les autres quantités Q, I, D, T, R, N , qui n'en sont que les accidens, n'auroient pas lieu. C'est en considérant les deux premieres causes que nous parviendrons à prévenir l'irrégularité de ces dernieres. C'est pourquoi nous devons porter toute notre attention, non-seulement à réduire la somme des frottemens , mais principalement à les distribuer de maniere qu'à mesure que la vîtesse des corps augmente, la pression en soit diminuée. C'est en observant cette distribution que l'on s'éloignera des deux extrèmes de la plus grande & moindre résistance qui sont les termes où j'ai trouvé les plus grandes variations par les expériences que j'ai faites sur ces frottemens . Après ces notions préliminaires, nous allons considérer les frottemens sous sept points de vûe. 1°. Par le régulateur. 2°. Par l'échappement. 3°. Par les vibrations. 4°. Par les engrenages. 5°. Par les pivots. 6°. Par les ressorts moteurs & réglants. 7°. Enfin par quelques usages que l'on a pour faire tenir différentes pieces les unes aux autres, & que l'on appelle tenir à frottement . §. 1. Du régulateur . Dans l'énumération des différentes parties qui entrent dans l'Horlogerie, nous allons commencer par celles que nous envisageons comme les plus intéressantes, celles du balancier dans les montres, & de la verge avec la lentille dans les pendules. Dans l'une & dans l'autre ils sont nommés régulateur . L'objet du régulateur peut être considéré sous trois points de vûe. 1°. Comme modérateur de la vîtesse des roues, il suspend la force motrice; & dans ce sens c'est un retardateur. 2°. Comme retardateur & ayant un principe de mouvement, il absorbe en quelque sorte toutes les inégalites qui lui peuvent être transmises, non seulement par la force motrice, mais encore par les variations des engrenages des roues & du frottement de leurs pivots; & dans ce sens c'est un véritable régulateur. 3°. Comme régulateur, il doit faire ces mouvemens en tems égaux; ses oscillations doivent être isochrones. C'est donc l'unique piece qui mesure le tems. Alors toutes les autres ne sont que les accessoires, & ne sont relatives qu'à la durée du mouvement, & non à sa régulation. Puisque c'est du régulateur que dépend la mesure du tems, il faut donner à cette piece tout ce qui peut concourir à lui faire faire ses oscillations en tems égaux, les dégageant de tout ce qui peut les altérer ou les troubler. Ainsi pour les montres le régulateur sera le balancier représenté par la figure suivante. Soit le balancier BBB & le poids de l'anneau K. Pour ne pas faire abstraction du poids des rayons ZZZ , du poids du ressort spiral, de la virole qui le tient, du poids du cylindre ou axe du balancier, palette, ou autres; le poids de toutes ces parties ne pouvant être réduit à zéro, doit être diminué autant qu'il est possible: je le suppose réduit ou égal à un dixieme du poids K que nous ferons égal à S. Que le rayon du balancier soit CO. Comme le ressort spiral fait plusieurs tours, nous prendrons pour rayon moyen CR . Le rayon ou levier sur lequel la dent de la roue appuie, après lui avoir communiqué le mouvement, soit CM . Le rayon des pivots soit CP . La résistance du frottement des pivots qui dépend du rayon des pivots & des poids K, S , soit F . Si l'on y fait entrer la résistance du milieu, qui sera d'autant plus petite, que la figure du balancier présentera moins de surface, & que le milieu résistera moins, soit cette résistance égale à I . La force d'inertie ou force de persévérance soit appellée Q . Il est certain par l'expérience que la force du balancier, pour conserver son mouvement, sera d'autant plus grande, 1°. que le rayon CO & le poids K seront plus grands; 2°. que les rayons CR, CM, CP , seront plus courts; 3°. que le poids S & les résistances F & I seront plus petites. Ainsi nous pouvons supposer . Comme la vîtesse que l'on donnera au balancier doit multiplier les deux termes de cette équation, cela n'y changera rien, ou très peu, parce qu'il y a quelques quantités comme I, F , qui peuvent augmenter comme le quarré de leur grandeur. D'où il suit que la puissance du régulateur dépend de cette force de persévérance, qui sera d'autant plus grande, que l'on augmentera CO aux dépens du poids K , qui en diminuant diminue le frottement de ses pivots. Il est absolument nécessaire d'avoir une idée de cette équation, avant que de pouvoir se flater de donner à l'échappement toute sa perfection. En donnant à la verge dans les pendules le moins de poids & le plus de roideur, pour qu'elle ne ploye pas dans ses mouvemens oscillatoires; à la lentille le plus de poids, sous le moindre volume & sous la figure qui présentera le moins de surface dans ses mouvemens au milieu résistant, l'on aura le meilleur régulateur. §. II. De l'échappement pour les montres . Je ne ferai pas ici l'énumération de tous les différens échappemens. Je me contenterai d'examiner les frottemens des deux les plus en usage, à repos & à recul, connus sous les noms de cylindre & roue de rencontre . Par un mémoire que j'ai présenté à l'académie royale des Sciences, où je fais la comparaison des échappemens à cylindre & à roue de rencontre, j'observe dans le premier, non-seulement les frottemens des repos, mais encore ceux des plans, des dents de la roue sur les levres du cylindre. C'est donc sur ces deux parties que se fait l'altération & la ruine du cylindre. Pour prévenir cette destruction, il y a plusieurs choses à observer. Il faut que les parties du cylindre qui travaillent, soient les plus dures & les plus polies qu'il se pourra, & ainsi des dents de la roue. Quoique cet échappement soit construit dans toutes ces regles, la roue ayant fait vibrer un certain nombre de fois le balancier, le frottement que la roue éprouve sur le cylindre, soit dans l'arc de levée, soit dans l'arc de repos, abrégera insensiblement l'arc de vibration, & arrivera au terme où la résistance fera équilibre & arrêtera tout-à-fait, sans que le poli des parties frottantes nous paroisse même à la loupe avoir changé d'état. On rétablit le mouvement à cet échappement en y introduisant de l'huile qui y est absolument nécessaire. Sa constance dépend donc de la conservation & fluidité de l'huile: car si elle vient à se perdre & à s'épaissir, la poussiere & les parties qui peuvent s'être détachées de l'un & l'autre corps, forment un emeri qui use & scie le cylindre. Je sais que cette altération n'arrive pas également à tous les cylindres; mais c'est une suite de la nature des frottemens par les différentes causes énoncées ci-devant. Les frottemens accidentels de cet échappement, sont 1°. l'entaille du cylindre trop juste, le fond de la roue trop approche de l'extrémité des tranches du cylindre, & le jeu que le balancier peut avoir en hauteur ainsi que la roue, l'épaississement de l'huile qui rapproche toutes ces parties au point qu'elles ne manquent pas de causer un leger frottement , & d'altérer beaucoup l'arc de vibration. 2°. Un autre frottement aussi pernicieux que le précédent, peut venir de ce que la roue n'a pas ses dents assez creusées, pour que le cylindre qui doit tourner dedans, le puisse faire avec de l'espace de reste; car l'huile que porte la circonférence convexe du cylindre, & la poussiere que cette huile retient, forment une épaisseur qui ne manque point d'altérer la vibration. Enfin il faut éviter la trop grande justesse des chûtes; car elle augmente par l'epaississement de l'huile & gene la vibration: tous défauts qui concourent à troubler l'isochronisme, ce que j'ai vû arriver assez souvent à des montres bien faites. Dans le nouvel échappement à virgule que j'ai perfectionné, & qui a été reconnu pour tel par l'académie des Sciences, la perfection consiste 1°. dans la réduction du frottement des repos, qui dans tous les échappemens à repos se fait par un mouvement direct & rétrograde. J'insiste sur ce frottement à double sens, parce qu'il n'y a point de cas où les corps se détruisent si fort que lorsque les particules qui constituent le frottement , se couchent & se redressent alternativement; ce qui en cause la destruction & produit une très-grande variété dans le mouvement. 2°. Dans la réduction du frottement des chevilles, qui agissent sur les plans ou virgules qui forment un angle dont le sommet rapproché du centre étant plus aigu, en facilite l'arc de levée. Il faut néanmoins de l'huile à cet échappement: mais un grand avantage que je lui trouve sur celui à cylindre, c'est d'avoir de petites chevilles de cuivre qui frottent sur des plans d'acier; au lieu que dans le précédent ce sont des plans de cuivre qui frottent sur des tranches d'acier. Pour sentir l'importance de cet avantage, il faut considérer que si deux corps frottés l'un contre l'autre sont de même dureté, ils s'useront également; & que s'ils sont inégalement durs, le plus dur usera celui qui l'est le moins. L'on se sert de la lime pour tous les corps moins durs qu'elle. Mais s'il arrive que le corps à user soit plus dur qu'aucune lime, que fait-on? On interpose entre les corps frottans un troisieme corps en poudre, délayé avec l'huile ou l'eau; & ce troisieme corps est ou de la poudre de diamant, ou de l'émeri, ou de la potée d'étain, ou du rouge. Qu'arrive-t-il alors? si les corps sont également durs, ils sont également usés. S'ils sont inégalement durs, c'est le mou qui use le dur. Par quelle raison? c'est que c'est ce mou qui recevant dans son tissu les particules de la poussiere interne & acre, s'en arme & forme une espece de lime dont les grains ou de diamant, ou d'émeri, agissent nécessairement sur l'autre corps, & défendent d'usure celui qui en est armé. Voilà le fondement de l'art du diamantaire, & d'une infinité d'autres manoeuvres où les corps durs sont usés par des mous, à l'aide d'une poussiere intermédiaire plus dure que l'un & l'autre, mais dont le mou s'arme mieux, & plûtôt que le dur. On voit qu'il faut cependant au mou une certaine consistence entre ses parties, afin qu'elles servent de point d'usure aux molécules de la poussiere qui s'interposeront. Expliquons maintenant ici ce principe; si deux corps se frottent, qu'on y introduise de l'huile, & qu'il vienne à se détacher quelque partie dure, ces parties dures & la poussiere que l'huile y rassemble, s'inséreront dans les pores de la piece molle, & useront la partie sur laquelle elles auront agi. Or les chevilles ne peuvent recevoir beaucoup de ces particules qui pénetrent le cuivre, attendu qu'elles sont rondes & fort déliées, & qu'elles parcourent une grande surface d'acier qui s'use peu. Au contraire dans l'échappement à cylindre, la roue au lieu de chevilles, a des plans de cuivre auxquels les particules dures s'attachent, & forment une espece de meule qui agissant sur les tranches du cylindre, l'alterent & le détruisent. C'est par une semblable raison que la meule du diamantaire use le diamant; de sorte que l'huile que l'on est obligé de mettre aux échappemens à repos pour leur faciliter le mouvement, est elle-même la cause de leur destruction qui arrive plus ou moins vîte, selon que le propriétaire a soin de sa montre. Il y a deux cas où ces sortes d'échappemens paroissent se soûtenir assez régulierement. 1°. Lorsque la force motrice est suffisante pour faire décrire de grands arcs: mais dans ce cas la destruction a lieu. 2°. Lorsque la force motrice étant moindre, l'huile venant à se dessécher, insensiblement forme sur les surfaces du cylindre une espece de mastie qui en pénetre les pores: alors la dent glisse sur le cylindre avec assez de facilité, & l'alteration n'a pas lieu. Mais on ne peut pas répondre que ce desséchement se sera à-propos, puisqu'on le voit rarement arriver même aux meilleures montres. De l'échappement à recul, ou à roue de rencontre . Cet échappement est celui de tous qui a le moins de frottement , son arc de levée dissérant très-peu de la simple pulsion, à cause que la roue de rencontre a ses dents sur un plan; ce qui facilite cet arc. L'arc de supplément ou de recul a lieu sur les pivots de la roue de rencontre, & leur cause un frottement qui se communique à tous les mobiles, & qui diminue à proportion de leur vîtesse; mais ceux qui ont le plus de vîtesse sont ceux qui ont le moins de pression, par conséquent il y a peu d'altération à craindre; ce que l'expérience justifie à toutes les montres bien faites. Ce qui prouve la facilité du mouvement de cet échappement, c'est qu'il ne faut point d'huile pour l'entretenir; qu'au contraire si elle vient à se communiquer par la mal-adresse de l'ouvrier, bien-tôt les palettes s'usent, & la montre varie. Le mouvement du recul, qui dans cet échappement se trouve répandu sur tous les mobiles, est rassemblé sur le cylindre, dans celui à repos; car c'est sur lui seul que se passent tous ces mouvemens directs & rétrogrades. Ces frottemens accidentels ont lieu, 1°. lorsque le corps de la verge est un peu trop gros, que les pointes de la roue de rencontre en approchent au point d'y toucher. 2°. Lorsque le bord de la palette forme un angle tropaigu, & qu'elle appuie contre le devant des dents de la roue de rencontre au moment du recul, les entaille, & les creuse. Il faut donc avoir soin de laisser une épaisseur à cette palette, qui en figure le developpement; ce qui empêchera les dents de se cieuser. Enfin lorsque les dents de la roue ne sont pas suffisamment creusées par-derriere; qu'il arrive que la dent ayant passé le bord de la palette, cette palette se trouve retenue en frottant sur le creux de la dent; & lorsque ce frottement est trop considérable, il forme ce que l'on appelle accrochement par-derriere . Par ces trois causes j'ai vû varier des montres, assez bien faites d'ailleurs. Il est bon de remarquer que tous les frottemens de cet échappement vont toûjours en diminuant: ce qui est le contraire du précédent, où ils vont toûjours en augmentant par l'épaississement de l'huile. Par la théorie & la description des échappemens en pendule, il est aisé de voir que les variations du frottement y sont presque pour rien, même dans ceux à repos qui en réunissent le plus. La puissance du régulateur est si grande, qu'elle les surmonte toutes. Néanmoins l'échappement à recul à double levier, est de tous celui qui exige le moins de force, & qui par conséquent a le moins de frottement , proportion gardée, sur l'étendue de l'are que le pendule décrit. Il ne faut point d'huile dans cet échappement, au lieu qu'il en faut dans les précédens. §. III. Des vibrations . La quantité des vibrations augmente prodigieusement les frottemens ; elles occasionnent un certain nombre de roues, qui par leur révolution les augmentent encore. Il est donc à-propos de réduire les vibrations, & de distribuer les révolutions des roues le plus également qu'il sera possible, pour approcher de l'uniformité des frottemens , auxquels on doit tendre dans la communication du mouvement des différens mobiles qui composent l'horloge. Ces frottemens augmenteront d'autant plus que l'on voudra faire aller plus long-tems la piece sans être remontée; par la raison que cela ne se peut faire qu'en multipliant les mobiles; & comme chaque mobile a ses variations particulieres, produites par le frottement de ses pivots & de ses engrenages, il suit que l'on multiplie par les mobiles les causes des variations: c'est pourquoi il est aisé de sentir l'abus qui peut résulter de faire aller long-tems les montres sans les remonter. Il est vrai qu'on fait des pendules pour aller fort long-tems, plusieurs mois, même plusieurs années, sans que la quantité des frottemens que le tems occasionne, altere sensiblement l'isochronisme, tant est puissant le régulateur. La loi de la pesanteur a prévenu les Horlogers en pendule, pour fixer la quantité des vibrations, puisqu'elle les fait exécuter dans le rapport des racines quarrées des longueurs du pendule; d'où il arrive que l'on peut beaucoup varier la force qui les anime, sans que cela altere sensiblement la quantité des vibrations. Il n'en est pas de même pour les montres; le rayon & le poids du balancier ou régulateur étant donné, la quantité des vibrations ne l'est pas pour cela: elles dépendent non-seulement de la force qui les anime, mais encore du ressort spiral qui les regle. Il seroit donc bien nécessaire d'en fixer la quantité la plus convenable à l'usage des montres. Cet objet présente tant de difficultés par les circonstances qui l'accompagnent, comme les secousses, le chaud & le froid, & les différentes positions où les montres sont exposées, qu'il n'est pas étonnant que nous n'ayons rien eu jusqu'à-présent de positif sur cette matiere, à-moins que l'on ne veuille bien recevoir l'essai que j'en ai fait, dans un mémoire présenté à l'académie des Sciences, avec une montre construite en conséquence, dont voici le méchanisme abregé. La théorie & la pratique nous apprennent que les pendules sont d'autant plus justes, que le point de suspension est plus éloigné du centre d'oscillation: d'où il suit que les pendules qui font le moins de vibrations dans un tems proposé, sont celles qui vont le mieux. L'on sait que les tems des vibrations dans les pendules sont en raison des racines quarrées des longueurs; il n'y a donc autre chose à faire que d'employer la force nécessaire pour les entretenir, & il n'y aura ni augmentation ni diminution dans le tems proposé, si la longueur du pendule ne varie point, quoique l'on variât la force motrice qui entretient les vibrations. Comme les vibrations dans les montres ne sont point fixées par la nature, comme elles le sont dans les pendules, il n'est point étonnant que les Horlogers ayent beaucoup varié sur cette quantité. Ceux qui leur en font faire un grand nombre, trouvent dans la pratique tant de difficultés, par l'augmentation des roues, par la diminution des pivots que la vîtesse exige, & par la prodigieuse quantité de frottemens qui s'ensuivent, & qui exigent à leur tour une force motrice considérable, que quelle que soit la réduction du poids du balancier, cette force pour peu qu'elle perde, est bien-tôt en défaut: c'est pourquoi la plûpart des Horlogers n'ont guere passé 18000 vibrations par heure. Je ne fais pas mention de quelques montres qui ont été jusqu'à vingt mille, & qu'on a trouvées impossibles à régler. Parmi ceux qui veulent un grand nombre de vibrations, 1°. Les uns nous disent que les montres qui font un grand nombre de vibrations, ont un air de vigueur qui réjouit la vûe, & ils croyent qu'en marchant plus vîte, elles sont moins sujettes à s'arrêter. 2°. D'autres plus raisonnables, veulent que cette vîtesse que l'on donne au balancier, rende les montres moins sujettes à se déranger par les différentes secousses auxquelles elles sont exposées. 3°. Enfin il en est d'autres qui prétendent que les montres qui font beaucoup de vibrations, ont leur ressort spiral plus roide pour obtenir cette fréquence, & que cette force ou roideur dans le ressort spiral est moins sujette à l'influence du chaud ou du froid. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de répondre sérieusement aux premiers. Je me contenterai de leur faire remarquer, d'après l'auteur des mondes, qu' il n'y a rien de plus beau qu'un grand dessein qu'on exécute à peu de frais . Or mesurer beaucoup de tems en parcourant peu d'espace, c'est mettre de la simplicité dans le dessein, & l'épargne dans l'exécution . Je répondrai aux seconds, que par des expériences que j'ai faites avec assez de soin, je n'ai point remarqué que la différence des variations trouvée dans une montre qui fait 18000 vibrations par heure, & dans une autre que j'ai réduite à 14400, pût être attribuée à la différence des nombres d'oscillation. De plus, que quoique les oscillations soient inégales en nombre, les altérations que peuvent produire les différentes secousses, doivent produire des résultats égaux; parce qu'elles ne peuvent être qu'en raison réciproque du nombre des vibrations. A l'égard des derniers qui veulent que le ressort spiral étant plus roide, soit moins sujet aux impressions du chaud & du froid, il n'y a guere que l'expérience qui leur puisse répondre exactement. Ceci tient à une théorie extrèmement profonde; car pourquoi voit-on entre des montres de même vibration, les unes retarder par le froid, tandis que d'autres avancent, & réciproquement? Je répondrai que j'ai éprouvé par plusieurs expériences, que l'échappement étoit l'unique ou la plus grande cause de cette espece de paradoxe. Il y a deux choses dans l'échappement; l'arc de levée, & l'arc de supplément. Le premier est toûjours de même étendue, & suit par sa vîtesse le rapport égal des forces qui l'animent; au lieu que ce dernier suit une progression décroissante de ces mêmes forces. L'expérience m'a toûjours confirmé que les échappemens qui avoient un grand arc de levée, avançoient par la chaleur & retardoient par le froid, & vice versâ . D'où je conclus que quelque effet que puisse produire le chaud ou le froid sur le ressort spiral, il pourra être compensé par l'échappement, suivant les différens arcs de levée qu'on lui donnera à cet égard: donc toutes ces raisons ne sont pas suffisantes pour empêcher de diminuer les vibrations, & par conséquent les frottemens . Comme en fait de méchanique l'expérience doit l'emporter sur les meilleures théories, & qu'ayant l'exemple de ce que donnent les grandes quantités de vibrations, il est convenable d'opposer un grand exemple de la moindre quantité que l'on peut employer: c'est ce qui m'a engagé à faire la montre dont voici la description. Description abregée de la montre que j'ai présentée à l'académie royale des Sciences, le 20 Juin 1755 . La montre a de diametre. . . . . . . 18 lignes. Elle a de hauteur. . . . . . . . . . . 8 Le balancier a de diametre. . . . . . 11 2/3, & pese 18 grains, fait une vibration par seconde. Le barillet a de diametre. . . . . . . 7 Il a de hauteur. . . . . . . . . . . . 2 Le ressort a 12 tours 1/2 de lame dans le barillet, & a six tours d'action; il y en a 3 1/2 de travail, un tour de bande, reste un tour 1/2. Le cylindre recevant l'action de la roue fait deux vibrations par chaque dent. Divisant la roue qui en a 30 par son diviseur 1/2, le quotient ou l'exposant est 60. Divisant de même chaque roue par son pignon, l'on aura Résultat . Si l'on divise ce nombre de 702000 par 3600 vibrations qui se font dans une heure, l'on aura 195 heures = 8 jours + 3 heures. On voit par cette description, 1°. que le ressort est plus foible que ceux qu'on employe aux montres ordinaires de 24 heures & de même volume. 2°. Qu'elle va huit fois plus de tems sans être remontée; que malgré la réduction prodigieuse de la force motrice, j'ai pu donner encore au balancier près de trois fois plus de masse qu'aux montres ordinaires: ce qui fait voir qu'en diminuant les vibrations, on diminue dans un très-grand rapport celui des frottemens . Toutes les expériences que j'ai faites avec cette montre, ont tellement confirmé les raisons que j'ai opposées à celles que l'on donne communément pour le grand nombre de vibrations, que je me crois autorisé de conclure que c'est une importante découverte, puisqu'elle rend vaines les tentatives de quelques habiles horlogers qui avoient imaginé de mettre deux balanciers à leurs montres qui s'engrenoient l'un dans l'autre, pour prévenir, suivant eux, le mal que les secousses pouvoient produire: c'étoit faire une mauvaise chose pour guérir un mal qui n'existoit pas. L'importance du sujet m'engage à donner ici le rapport fait par l'Acad. R. des Sc. « Extrait des registres de l'académie royale des Sciences, du 12 Février 1757 . Nous avons examiné par ordre de l'académie une montre présentée par M. Romilly horloger, citoyen de Genève. Ce que cette montre offre de singulier, consiste principalement dans le balancier; au lieu que celui des autres montres fait quatre à cinq battemens par seconde, M. Romilly a rendu le sien assez pesant, & le ressort spiral assez foible pour qu'il n'en fasse qu'un dans le même tems. D'où il suit 1°. que les irrégularités qui se pourroient trouver dans le jeu de cette importante piece, seront quatre à cinq fois moins multipliées que dans les montres ordinaires: 2°. que le nombre des vibrations étant diminué, le même roüage qui auroit été 24 heures dans la construction ordinaire, peut avec un très leger changement dans les nombres aller huit jours: 3°. que l'aiguille avançant comme à une pendule de seconde en seconde, cette montre sera plus commode qu'une autre pour les observations. On pourroit peut-être soupçonner qu'un balancier si pesant seroit sujet à recevoir beaucoup de mouvement des impressions étrangeres, & que par conséquent cette montre iroit mal au porter; mais il paroît par les expériences que M. Camus, l'un de nous, en a faites, que dans le gousset d'un homme qui couroit la poste à franc-étrier, elle n'a pas plus varié qu'une bonne montre à balancier ordinaire. Mais ce que nous ne pouvons dissimuler, c'est que cette même montre qui a souffert les chocs les plus violens sans se dérégler, n'a jamais pu soûtenir la différence de situation verticale & horisontale, sans tomber dans des erreurs considérables * . Il faudra donc choisir de la régler pour être à plat & portée ou pour être pendue & portée, & ne la pas faire passer du plat au pendu , si on veut qu'elle conserve sa régularité. Nonobstant cet inconvénient, l'idée de M. Romilly nous a paru neuve & heureuse. Il a au-moins rempli l'objet qu'il s'étoit proposé, en faisant voir que ce n'est pas le grand nombre des vibrations du balancier d'une montre qui la rend capable d'une plus grande régularité, ce qu'on ne croyoit pas avant lui; & on ne peut que l'encourager à perfectionner cette piece, & à faire ses efforts pour lui ôter l'inconvénient dont nous venons de parler. Il est plus en état que personne d'y remédier, & de donner à la construction qu'il propose tous les avantages dont elle est susceptible. Signé , Camus & de Fouchy . Je certifie l'extrait ci-dessus & de l'autre part conforme à l'original & au jugement de l'académie. A Paris, ce 16 Février 1757. Signé , Grandjean de Fouchy , secrét. perp. de l'Acad. R. des Sc ». Des révolutions . Le nombre de vibrations étant donné, il s'agit de trouver le moindre nombre de roues pour y satisfaire. * Les erreurs qu'elle avoit données dans les situations horis. & vertic. ont été entierement corrigées, parce qu'elles n'étoient point des suites nécessaires de la construction. Une montre ordinaire fait cinq vibrations par seconde. Se fixant à remonter sa montre toutes les 24 heures, il est nécessaire de la faire aller 30 heures. C'est donc sur ces 30 heures que nous allons faire notre calcul. Ainsi 30 heures x 60'x 60" x 5 vibrations =540000. Comme la roue de l'échappement fait deux vibrations par chaque dent, il faut prendre la moitié de 540000=270000; de sorte que s'il étoit possible d'exécuter une roue de ce nombre, l'on n'auroit qu'une révolution en 30 heures, ce qui feroit bien peu de frottement . L'on sait que le ressort ou poids moteur qui fait marcher la piece, fait ordinairement sept tours & demi à la premiere roue; par conséquent il faut diviser encore ce nombre de 270000 par 7 1/2=36000. Ce nombre est encore trop grand. Il en faut tirer la roue d'échappement que l'on fera la plus grande qu'il se pourra. 1°. Cette roue étant fort grande, on y pourra faire un grand nombre de dents, ce qui diminue les révolutions. 2°. Cette roue étant bien nombrée, ses dents tendent à être paralleles entr'elles; & par ce moyen l'action des dents sur le rayon du cylindre ou palette & de l'axe du balancier rapproche de la simple pulsion; ce qui donne beaucoup de facilité pour faire décrire l'arc de levée. 3°. Le frottement des pivots est moindre sur une grande roue que sur une petite, comme nous le ferons voir en son lieu. 4°. Le recul dans l'échappement est en raison composée de la directe des arcs que le balancier décrit & de l'inverse du nombre des dents de la roue; de même l'arc de repos est d'autant plus grand, que la roue est moins nombrée. D'où il suit par le concours de ces quatre causes une diminution de frottement sur l'échappement, soit à repos ou à recul, objet le plus intéressant de toute l'Horlogerie. L'on met ordinairement 15 dents à la roue d'échappement (il faut néanmoins augmenter ce nombre toutes les fois que la place de la montre ou la nature de l'échappement le peut permettre); il faut donc diviser 36000 par 15, ce qui donnera 24000 révolutions de la roue de rencontre en 30 heures. Il est aisé de voir que pour satisfaire à ce nombre de révolutions, il est nécessaire non-seulement d'employer plusieurs roues, mais encore des pignons sur lesquels elles agissent pour se communiquer les unes aux autres. Il est encore aisé de concevoir que plus on augmentera le nombre des roues & des pignons, plus on augmentera les révolutions. De plus dans ce nombre de roues que l'on employe, il est nécessaire de distribuer le nombre des dents qu'on leur donne dans le rapport le plus avantageux, c'est-à-dire dans celui qui multiplie le moins les révolutions. Les pignons sont les diviseurs des roues qui les conduisent; les quotiens en sont les exposans ou rapports, lesquels étant multipliés les uns par les autres, font la fonction de facteur pour trouver le produit total égal au solide des roues divisé par le solide des pignons. Or 2400 révolutions doivent être considérées comme un solide dont on cherche le plus petit nombre de facteurs qui ont pu le produire. Comme nous avons besoin d'une méthode ou d'une regle qui enseigne à trouver le plus petit nombre de roues pour satisfaire aux révolutions données, nous l'allons faire par le théorème suivant. La somme de deux produisans étant donnée, on trouve que le produit de l'un par l'autre sera d'autant plus grand, que les produisans rapprocheront plus d'être égaux: de plus, que la différence des produits sera égale au quarré de l'inégalité que l'on donnera aux produisans, en donnant à l'un ce que l'on aura ôté à l'autre. Soit A + A = 2A , & A x A = A 2 . Si l'on retranche de A une quantité X , pour le joindre à l'autre, l'on aura A + X x A-X = 2A , & A + X x A-X = A 2-X 2 . D'où il suit que le produit de A par A diminue comme le quarré de X , quantité qui a formé l'inégalité. Ensuite le quarré de l'inégalité est égal au quarré de la moitié de la différence, ou la différence est toûjours double de l'inégalité; car de a+x retranchez a-x , l'on aura a+x-a+x=2x: mais (2 x )/2= x . Il est aisé de voir que ce qui est démontré sur le produit de deux facteurs, ne l'est pas moins pour un produit de tant de facteurs qu'on voudra. Les pignons étant les diviseurs des roues, & n'ayant pas encore déterminé quel nombre l'on veut employer aux pignons, nous prendrons l'unité pour pignon, & l'on aura les 2400/1. Il faut tirer la =à-peu-près 48/1, lesquelles il faudra multiplier par le nombre des aîles qu'on donnera aux pignons; supposé que l'on veuille donner 6 aîles, alors 48/1 X 6=288/6; & ce seroit pour deux roues. Comme ce nombre est trop grand, il faut tirer la =à-peu-près 13/1x6=78/6. Ce nombre est encore trop grand dans l'usage ordinaire; il faut donc tirer la = à-peu-près 7/1 x 6 = 42/6. L'on voit par cette épreuve que l'on ne peut pas employer moins de 4 roues, les trois premieres étant trop nombrées, l'on a donc 4 facteurs 7/1 x 7/1 x 7/1 x 7/1 = 2701/1. Comme il est nécessaire de changer quelques-uns de ces rapports, à cause que les pignons qui approchent de la force motrice doivent avoir des axes de résistance, parce qu'ils reçoivent immédiatement l'impression du moteur, l'usage fait ces premiers pignons de 8, 10 ou 12. Si l'on prend 12 pour premier pignon, la roue qui le conduit pourra avoir 48 dents; le rapport sera de 4/1. Comme cela diminueroit le produit total, on augmentera les autres rapports le plus également qu'il se pourra, par la raison exprimée dans le théorème. En les faisant de 4/1x9/1x8/1x8/1=2304/1, il n'est point nécessaire de rendre ces 2304 égaux à 2400, la différence étant trop peu de chose sur le total, puisque cela ne fait pas une heure sur 30. Si l'on veut qu'elle aille plus que moins, en substituant le rapport de 5/1 à celui de 4/1, le produit sera 2880 révolutions; ce qui donnera dequoi fournir 33 heures. L'on voit par cette méthode que le nombre des facteurs étant trouvé, il ne faut en augmenter la somme, ni leur donner de l'inégalité entre eux sans des raisons suffisantes, puisque cela ne peut être qu'en multipliant les révolutions. L'on sera convaincu de l'avantage qui résulte de l'application de ce principe, dans les exemples suivans. La plûpart des horlogers s'imaginent que pour la cramaillere d'une répétition, en faisant la premiere poulie petite, & augmentant d'autant le rayon sur lequel le poussoir agit, il ne résulte que la même résistance; ce qui est contraire au principe établi, d'autant que les rayons n'agissent que par voie de multiplication. Si par exemple la poulie a 4 de rayon, & la cramaillere 12, le produit de 12 x 4 = 48; au lieu que prenant deux produisans 8 x 8 dont la somme soit egale à 12 x 4, on aura pour produit 64: ce qui fait un quart de moins de resistance. Si au contraire on donnoit à la poulie 1 de rayon, & 15 à la cramaillere, toute l'action du poussoir se réduiroit à 15; ce qui obligeroit d'employer un ressort plus de quatre fois moins fort, ce qui affoibliroit le ressort du marteau, & par conséquent le coup. De même, le rayon du barillet agissant sur les rayons de la fusée, il ne faut pas trop s'éloigner de l'egalité de leurs rayons: car la fusée devenant petite, la résistance des rayons augmente comme le quarré de la quantité retranchée, par la raison que ces actions se multiplient. L'on me passera cette digression en faveur de l'application que je fais de ce principe. §. IV. Des engrenages . Supposant la théorie des engrenages; comme je ne m'arrêterai point à la décrire, je dirai seulement qu'elle suppose des dentures égales, ainsi que les pignons sur lesquels elles agissent, & l'exactitude des courbes qu'elle prescrit pour communiquer uniformément le mouvement. Mais la meilleure exécution est encore bien loin de cette théorie. Comme cet ouvrage est autant destiné pour perfectionner la pratique des Arts, que pour approfondir leur théorie, il est naturel que je choisisse l'un plûtôt que l'autre. La pratique des engrenages consiste à donner exactement la courbe que la théorie enseigne. Or comme cette courbe est fort difficile à former, & que les dentures ne sont jamais parfaitement égales, non plus que les pignons, il convient de choisir le cas où les inégalités font moins d'impression, où sans y diminuer les frottemens , on les puisse rendre moins irréguliers. Le frottement des dents sur les aîles des pignons consiste dans l'étendue de la courbe qui roule sur l'aîle du pignon: cette courbe est d'autant plus étendue, que la roue est moins nombrée, relativement à son pignon: plus elle est étendue, plus elle est difficile à former; & les accotemens ou chûtes qui résultent de leur imperfection, sont d'autant plus fréquens, que la roue étant peu nombrée, tourne plus vîte, comme nous l'avons dit aux révolutions. Donc pour accourcir ces courbes, il n'y a point de meilleur moyen que de nombrer beaucoup les roues: par-là les dents approchent d'être paralleles entre elles; ensorte que la dent qui pousse l'aîle le fait d'autant plus facilement, que le point d'attouchement de la dent se fait comme par une simple pulsion, & concourt en quelque sorte au chemin qu'elle fait décrire à l'aîle. Si l'on pouvoit placer les dents des roues sur une circonférence concave, il est aisé de pressentir l'avantage qui en résulteroit. Les dents allant en élargissant vers le fond, les aîles du pignon, qui font le contraire, conviendroient d'autant mieux dans ces dentures, qu'elles pourroient se dégager avec une grande facilité: mais ne pouvant pratiquer ces sortes de dents, il convient de s'en rapprocher le plus qu'il est possible. Or on ne le peut faire que de deux manieres; 1°. en nombrant beaucoup les roues; 2°. en faisant des roues de champ où les dents sont sur un plan, & par conséquent paralleles; mais il n'est pas possible d'en employer plusieurs de cette espece, à cause que cela change la position des axes du pignon qu'elles conduisent; ensorte qu'il faut choisir le premier parti, comme le plus avantageux pour rendre le plus uniforme le frottement de l'engrenage. L'on pourroit m'objecter, qu'en diminuant les révolutions, l'on multiplie les dents; & que les frottemens que l'on abrege du côté des révolutions, se retrouvent dans l'augmentation des dentures: mais le réponds que les dentures ne sont augmentées que proportionnellement à la diminution des révolutions, ensorte que c'est toûjours le même nombre de dents qui travaillent: & comme nous avons réduit l'étendue de la courbe, il suit pour le concours de ces deux causes, diminution de frottement . §. V. Des pivots . Cette partie est dans l'Horlogerie, la plus intéressante & la plus difficile à traiter. C'est par leur moyen qu'on employe beaucoup de mouvement dans un petit espace; mais c'est aussi par eux que l'on multiplie les frottemens . Il y a tant de causes qui concourent à ces frottemens , que pour être en état d'en démêler les principales, & estimer leurs leur, j'ai été obligé de construire une machine avec laquelle j'ai fait un grand nombre d'experiences: on trouvera à la fin des Planches d'Horlogerie , cette machine; & voici le résultat de mes principales expériences. Après avoir consulté les auteurs qui ont traité cette matiere, MM. Amontons, Bilfinger, de Camus, Musschenbroek, Nollet, Desaguliers, Euler; avoir répété une partie de leurs experiences, en avoir fait de nouvelles; enfin après avoir comparé les unes & les autres; j'ai trouvé tant de différence entr'eux, que je crois qu'il y auroit de la téméité de prononcer sur un principe général. Néanmoins, je crois pouvoir avancer, que sans connoître le frottement absolu d'un pivot donné de diametre avec sa roue, si l'on vient à varier le diametre des pivots sans rien changer à la roue, en les rendant doubles, triples, quadruples, les frottemens seront, sans erreur sensible, doubles, triples, quadruples. Je dis sans rien charger à la roue; car si l'on varie la grandeur de la roue, gardant toûjours la même pression par le même poids, l'on pourra augmenter le diametre des pivots, sans que la résistance paroisse avoir augmenté: d'où il suit que les roues étant données avec leurs pivots, l'on peut diminuer les frottemens , ou en diminuant les pivots, ou en aggrandissant les roues. Il est évident que si l'on diminue les diametres des pivots, leur vitesse est diminuée: mais les vîtesses sont comme les rayons; les frottemens sont donc diminués dans ce rapport. Mais ne pouvant estimer le frottement primordial que par hypothèse, il suit que l'expérience pourra donner quelque petite différence de la regle que nous établissons: mais on s'en écartera d'autant moins, que les pivots seront parfaitement bien faits; & à cet égard, je crois devoir donner la façon de les bien faire. On doit les faire aussi menus que l'on pourra, pourvû qu'ils soient assez forts pour résister à la force qu'ils éprouvent, pour qu'ils ne puissent ni casser ni ployer. Quand les pivots viennent extrèmement petits, il est difficile de les bien tourner, c'est-à-dire de les faire bien ronds, à cause qu'il se trouve de petites veines dans l'acier, qui sont trop dures pour etre limées. Or ces petites veines sont aux gros pivots comme aux petits; mais elles ne gardent assûrément pas la proportion des diametres; d'où il suit que les petits pivots sont toûjours moins ronds que les gros. Etant moins ronds, ils sont dans le cas d'user davantage les trous; de sorte qu'ayant diminué le frottement par le diametre des pivots, il en résulte un autre qui détruit plus le trou que s'il eût été plus gros; ce qui nous montre qu'il y a des limites dans la diminution des pivots pour réduire les frottemens . Pour exécuter de petits pivots, comme il les saut aux petites montres plates, & sur-tout aux montres en bague, il faut faire choix d'un bon acier sans veine, & d'un grain bien fin. Pour tremper, on sait qu'il faut faire rougir sen acier au feu, & le jetter ensuite subitement dans l'eau froide. On sait encore que suivant les différens aciers, il faut qu'il soit plus ou moins rouge; cè que nous ne détaillerons pas ici. Je dirai seulement, que par une suite de pratique, jai trouvé que pour avoir de l'acier le plus dur possible & le moins sujet à grener, il falloit lui donner le degré de chaleur, en le faisant rougir le plus promptement qu'il sera possible. Soit la ligne , divisée en sept parties, & que ces nombres représentent des degrés de chaleur qui se reconnoissent par la rougeur; que pour la trempe d'une qualité d'acier, il fallût le rougir au degré 4: si on passe ce degré de chaleur, quoiqu'on y laissât redescendre le corps, la trempe est absolument manquée, & l'acier ne vaut rien. L'acier ainsi trempé, pour le travailler il faut qu'il soit revenu d'un jaune tirant sur le violet, à un feu très-doux, & avoir soin de le mouvoir pour qu'il s'échauffe également. Ce n'est qu'avec un acier ainsi préparé, qu'on peut parvenir à faire des pivots très-fins & très ronds, en observant de les tourner au burin le plus petit qu'il sera possible, pour laisser très-peu à faire aux limes qui les doivent finir & polir. Comme j'ai fait beaucoup de petites montres, où il faut des pivots extrèmement fins, je sais par expérience jusqu'à quel point on les peut diminuer; & pour leur assurer une mesure connue, j'ai fait un calibre qui me donne leur diametre; & j'ai trouvé que ces pivots avoient la vingt-quatrieme partie d'une ligne: j'en ai même fait à une aiguille de boussole, que j'ai voulu suspendre par deux pivots, pour oter son frémissement; à quoi j'ai réussi, en lui donnant la même liberté qu'elle a dans les suspensions ordinaires, par la réduction des pivots, que j'ai portés à n'avoir pour diametre que la trentieme partie d'une ligne: je crois même que c'est le dernier terme, ou la limite à laquelle l'on puisse les réduire Après la diminution des pivots, il est nécessaire que leurs pressions soient paralleles aux parois de leurs trous. Pour cela, il faudroit que la toue & le pignon fussent entre les deux pivots au milieu de l'axe, & non comme on le pratique ordinairement, où le pignon est proche d'un pivot, & la roue de l'autre, & concourent par leurs action, contraires, à incliner l'axe: & cette inclinaison est d'autant plus grande que la montre est plus haute, & augmente par-là leur frottement: d'où j'infere que les montres plates, tant décriées par quelques-uns, ont une propriété que les autres n'ont pas, parce que les roues ne pouvant avoir de l'éloignement avec leurs pignons, le frottement des pivots approche plus d'être parallele à leurs trous. Que l'on dise qu'elles sont pius difficiles à faire, plus sujettes à être nettoyées & à être gâtées par la plûpart des Horlogers; j'en conviens. Mais les autres montres, pour être plus faciles à faire, y sont-elles moins exposées? Tous les jours l'on voit un bon horloger qui a porté tous ses soins à son ouvrage, & l'a décoré de son nom; ensuite ce même ouvrage passe dans les mains d'un particulier, qui ne sachant pas qu'il importe beaucoup à l'auteur de cette montre que lui seul la nettoye ou la répare, la donne indistinctement à un horloger, qui n'étant pas aussi habile que celui qui l'a faite, ne peut que la dégrader. C'est comme celui qui ayant à faire réparer dans le tableau d'un grand-maître quelques petits accidens, prendroit au hasard le premier peintre. Dans les pendules, le poids de la lentille & l'étendue de l'arc qu'elle décrit, fait la base des frottemens que la suspension éprouve: c'est la raison de préférence des petits arcs. Si la suspension ne se trouve pas être parfaitement dans le centre de l'axe de la fourchette, il se fait alors un frottement de la fourchette avec le pendule, qui est d'autant plus grand, que le centre du mouvement de l'un est plus éloigné du centre du mouvement de l'autre. Les différentes suspensions qui sont en usage présentent aussi plus ou moins de résistance par leurs frottemens: il s'en pratique de quatre sortes; à pivot, à ressort, à soie, & à couteau. Celles à pivot ne sont plus d'usage, depuis que l'on a pris celui des lentilles pesantes; ce qui demanderoit de gros pivots, & augmenteroit les frottemens . Celles à ressort causent des frottemens d'autant plus grands que le ressort est plus fort: on doit donc le diminuer & le rendre aussi foible & aussi flexible que pourra le permettre le poids de la lentille. Celles à soie sont bien flexibles, & ne résistent pas: mais elles ont l'inconvénient de s'alonger ou racourcir par le sec & l'humide; ce qui est un grand défaut. Enfin celles à couteau ont moins de frottement que les autres; mais elles exigent tant de soins par le sommet de l'angle, le coussinet sur lequel il porte, le poli, la dureté de ces parties, que je crois que l'on peut leur préferer celles à ressort avec assez d'avantage dans la pratique ordinaire. §. VI. Des frottemens des ressorts moteurs & reglans . Le ressort moteur est susceptible de frottement , par plusieurs causes; par le fond, par le couvert du barillet, par les lames les unes contre les autres; ce qui concourt à diminuer & à suspendre même toute sa force élastique. L'épaisseur de la lame éprouve encore un frottement d'autant plus grand qu'elle est plus épaisse, parce qu'il s'y trouve un plus grand nombre de parties à rentrer les unes dans les autres du côté du concave; de même, en se dilatant du côté du convexe, il y a plus de parties pour se desunir; ce qui, dans l'un & l'autre côté, augmente le frottement des parties. A cet égard, il seroit bien utile de trouver la solution de ce problème. La matiere & la solidité étant données, quelle est la figure qu'il lui faudra assigner pour avoir sa plus grande intensité élastique? Sans prétendre de la donner, je dirai que par les expériences & les réflexions que j'ai faites sur ce sujet, j'ai trouvé qu'une lame de ressort étoit d'autant plus élastique, & conservoit d'autant plus cette force, qu'elle étoit plus mince, plus large, & plus longue; ensorte que cette lame étant ployée en spirale autour de l'arbre dans son barillet, son rayon fût égal à la largeur ou hauteur du ressort. Si l'on fait la lame des ressorts en diminuant d'épaisseur imperceptiblement du dehors au-dedans, c'est encore un moyen pour que les lames ne se frottent pas. Je considere deux forces dans les ressorts; une relative à la matiere, & l'autre relative à la forme. La matiere étant constante, la force du ressort n'est plus variable que par la longueur, la largeur, l'épaisseur, & la figure. Si l'on rend encore constantes l'épaisseur & la largeur, la force du ressort ne sera plus variable que par la longueur & la figure. Donc si l'on sait encore la figure constante, la force ne variera plus que par la longueur; mais il est évident que les ressorts les plus courts, tout étant égal d'ailleurs, soûtiendront les plus grands poids, & parcourront d'autant moins d'espace. L'on sait que les tensions des ressorts, suivant les expériences de s'Gravesande, suivent assez bien la proportion des poids, pourvû qu'on s'éloigne sensiblement des premiers & derniers termes de tension. Cette raison se trouve très-analogue avec les grands & petits frottemens , qui sont les termes qui donnent le plus de variation. Je dis donc, que les ressorts agissant sur des rayons plus ou moins grands, ont plus ou moins de force; de sorte que les premiers degrés de tension sont les tours intérieurs qui se compriment sur l'axe, lesquels ont moins de longueur que les suivans. Les tours de lames agissant sur les premiers rayons de l'axe du barillet, ils parcourront d'autant moins d'espace; & comme ils ont peu de force, ils doivent agir sur les grands rayons de la fusée. A mesure qu'on augmente les tensions du ressort, les tours de lame s'enveloppent autour de l'arbre & le grossissent; conséquemment la force augmente, & nous fait diminuer les rayons de la fusée sur lesquels ils agissent; car ils sont ici précisément en raison réciproque. Or si ces tensions suivent assez bien la proportion des poids, c'est une preuve que les lames ne se frottent pas: cette expérience devroit être faite sur tous les ressorts que l'on employe, puisque cela nous serviroit à nous assûrer de leur bonté. Du ressort reglant ou spiral . Il n'a d'autre frottement que celui de la fourchette du rateau. Dans les oscillations, ce ressort a un mouvement qui le fait frotter des deux côtés de la fourchette; de sorte que s'il n'est pas bien poli, sur-tout dans cette partie, c'est alors qu'il occasionne des variations très-considérables aux montres. Je m'arrêterai peu à détailler les frottemens qu'il peut avoir accidentellement, lorsqu'il n'est pas bien fait & bien placé; comme de frotter au balancier, à la platine, au piton, à la virole, au fond & côté de la fourchette. Enfin lorsque cette fourchette, par le mouvement qu'on lui donne, tend à gêner le spiral, soit en le grandissant ou le diminuant, comme les lames sont fort éloignées les unes des autres, elles ne sont pas dans le cas de se frotter. Faire & placer le spiral dans une montre, c'est une opération qui demande une très-grande habileté, sur-tout aux petites montres plates: aussi y a-t-il peu de gens en état de le bien faire. §. VII. Des différens usages & emplois qu'on fait des frottemens en Horlogerie . L'on nomme faire un frottement , ou ajuster à frottement , toutes les fois qu'on ajuste des pieces les unes dans les autres, avec un certain degré de pression, qui est tel que deux pieces ainsi ajustées ne font plus qu'un seul & même corps, & qui laisse néanmoins le pouvoir de mouvoir l'un sans l'autre. Ainsi sont les aiguilles d'une montre, l'aiguille du ressort spiral, le porte-pivot du vîte & lentement des répétitions, la virole & piton du spiral, les charnieres & têtes de compas, &c. Ces frottemens sont d'autant meilleurs qu'il y a plus de parties frottantes; ce que l'on obtient par l'aggrandissement des surfaces. Si la pression est trop forte, les parties intégrantes du frottement , qui s'engrainent les unes dans les autres, s'accrochent si bien entr'elles, qu'il devient indifférent aux pieces de se desunir ou de se déchirer; c'est ce que l'on voit souvent arriver par les filets de matiere de l'un ou l'autre corps, qui s'y trouvent intimement appliqués. On prévient ce déchirement de parties, en mettant de la cire dans les trous, & sur-tout en rendant les parties qui pressent susceptibles d'élasticité; ce qu'on doit toûjours faire toutes les fois qu'on le peut: c'est le plus sûr moyen de rendre les frottemens doux, durables, & sensiblement uniformes. J'ai fait une suite d'expériences sur les frottemens élastiques, c'est-à-dire ceux dont la pression est élastique: mes résultats ont été, qu'il y avoit beaucoup plus d'égalité & d'uniformité que dans la pression fixe; ce qui m'a fait projetter de faire une montre où tous les pivots seroient pressés par des ressorts qui seroient dans la proportion des pressions que les mobiles ont les uns à l'égard des autres successivement. A tous ces frottemens , ajoûtez les accidentels qui arrivent aux mauvaises montres par la mal-adresse de l'ouvrier; comme des roues mal droites en cage, qui frottent d'un côté sur la platine, & de l'autre sur la roue qu'elle conduit; comme pas assez de jour entre les mobiles, ce qui les fait frotter les uns contre les autres par le jeu qu'ils acquierent; comme des vis trop longues dont le bout frotte sur le barillet, crochet de fusée, &c. Les portées des pivots augmentent encore les frottemens , lorsqu'on les laisse trop grandes. Les roues de la quadrature, lorsqu'il leur manque de la liberté, en ont d'autant plus de frottement . Il arrive encore que quoique tous les mobiles ayent été mis libres les uns après les autres séparement, la machine étant montée, rien n'est libre, soit parce que l'ouvrier n'a pas fait attention que ces goupilles bridoient les platines, soit par de fortes pieces, que l'on est obligé de faire tenir avec des vis sur les platines, qui étant mal ajustées, brident encore & augmentent le frottement , en gênant toutes les pieces. Si jusqu'à-présent les auteurs n'ont pû trouver la valeur exacte des frottemens dans un cas simple, peut-on s'attendre de le faire dans le cas de plusieurs mobiles qui agissent les uns sur les autres avec des degrés de pression qui diminuent comme la vîtesse augmente? Si l'on se représente plusieurs plans les uns dans les autres, comme M. Amontons le rapporte dans les mém. de l'académie , où il faut, suivant cet auteur, autant de force répétée pour mouvoir tous ces plans à-la-fois, qu'il en faut pour chacun en particulier: de même si l'on se représente une suite de roues agissant les unes sur les autres, comment trouver la force précise qu'il faut appliquer sur le premier mobile pour les mettre tous en mouvement, & leur donner une vîtesse déterminée, comme il est nécessaire de le faire dans une montre? Cette force ne sera pas comme le nombre des mobiles, par rapport à la machine de M. Amontons; mais elle doit être suffisante pour vaincre la résistance qui sera composée d'une suite de pressions qui vont en diminuant à mesure que les mobiles augmentent de vîtesse; du frottement des pivots, en raison de leur diametre; des engrenages, & de l'échappement, &c. Après cela, peut-on être surpris des phénomenes & variations que les frottemens produisent dans l'Horlogerie? Cet Article est de M. Romilly , horloger à Paris en 1757 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROTTER Author=Diderot Normalized Classification=Batteur d'or Part of Speech=NA FROTTER * FROTTER, voyez l'article Frottement. Frotter , en terme de Batteur d'or , c'est achever d'ôter avec un morceau de drap les parcelles d'or que le couteau n'a pû faire tomber des bords des livrets. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frotter Author=unknown Normalized Classification=Fonderie en caracteres d'Imprimerie Part of Speech=NA Frotter Frotter , ( Fondeur de caracteres d'Imprimerie. ) façon que l'on donne aux caracteres d'Imprimerie. Les lettres ne sortent pas du moule si unies, qu'il ne reste aux corps quelques bavûres qui les empêchent de se joindre. Pour ôter ces superfluités, on les frotte sur un grès préparé pour cela; ce grès qu'on appelle pierre à frotter , fait la fonction d'une lime. Les petits grains qui sont dessus enlevent tout ce qu'il y a d'étranger aux corps desdites lettres, & les unit des deux côtés qu'elles doivent s'accoller. Voyez Pierre servant aux Fondeurs de Caracteres : la fig. 7 . de la troisieme Plan. du Fondeur de caracteres représente la meule de grès sur le plat de laquelle on frotte les caracteres après que le jet en a été séparé. On ne frotte le caractere que sur les faces latérales, & non sur les faces d'en-haut & d'en-bas. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frotter Author=unknown Normalized Classification=Formier Part of Speech=NA Frotter Frotter , en terme de Formier , c'est donner la derniere façon à la forme, pour la mettre dans sa perfection; ce qui se fait avec un frottoir de peau de chien de mer. Voyez Frottoir ou Baton . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROTTIS Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=s.m. FROTTIS FROTTIS, s. m. terme de Peinture; voyez Glacer, Glacis . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROTTOIR Author=Diderot Normalized Classification=Boyaudier Part of Speech=s.m. FROTTOIR * FROTTOIR, s. m. en terme de Boyaudier , c'est un tissu de crin, avec lequel on frotte les cordes à boyau pour les débarrasser des graisses ou autres matieres qui n'en sont point tombées dans les opérations antérieures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottoir Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=NA Frottoir * Frottoir , terme de Chapelier , c'est une espece de petite pelotte de quatre ou cinq pouces en quarré, dont les Chapeliers se servent pour donner le lustre à leurs chapeaux. Le frottoir est un petit sac rempli de crin ou de bourre, & couvert de velours d'un côté & de drap de l'autre. Voyez Chapeau & Chapelier , & les Planches du Chapelier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottoir Author=Diderot Normalized Classification=Corderie Part of Speech=NA Frottoir * Frottoir , terme de Corderie , est une planche d'un pouce & demi d'épaisseur, solidement attachée sur la même table où sont les peignes. Cette planche est percée dans le milieu d'un trou de trois ou quatre pouces de diametre, & sa face supérieure est tellement travaillée, qu'elle semble couverte d'éminences taillées en pointes de diamant. Quand on veut se servir de cet instrument, on passe la poignée de chanvre par le trou qui est au milieu; on retient avec la main gauche le gros bout de la poignée qui est sous la planche, pendant qu'avec la main droite on frotte le milieu sur les crenelures de la planche; ce qui affine le chanvre plus que la préparation qu'on lui donne sur le fer: mais cette opération le mêle davantage, & occasionne plus de déchet. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottoir Author=Diderot Normalized Classification=Epinglerie Part of Speech=NA Frottoir * Frottoir , en terme d'Epinglier , c'est une espece de coffret de bois, dans lequel on entonne, pour ainsi dire, les épingles pour les sécher avec le son. Elle est suspendue sur deux montans; on la tourne avec deux manivelles. Voyez Secher , & les Planches de l'Epinglier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottoir Author=unknown Normalized Classification=Formier Part of Speech=NA Frottoir Frottoir , chez les Formiers, voyez Baton , & la fig. prem. Pl. du Cordonnier-Bottier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottoir Author=unknown Normalized Classification=Perruquier Part of Speech=NA Frottoir Frottoir , terme de Perruquier , est un linge que les Barbiers mettent sur l'épaule de la personne qu'ils rasent, & dont ils se servent pour essuyer leur rasoir, à mesure qu'il est chargé du poil coupé mêlé avec le savon. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Frottoir Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Frottoir Frottoir , outil de Relieur ; il doit être de fer mince par les deux bouts, & épais dans le milieu ou la poignée; il en faut pour les petits volumes & pour les gros. On l'appuie sur le dos des livres, lorsque la colle est seche, & sert à en ôter les inégalités pour que le veau n'ait rien qui lui fasse faire la grimace. L'ouvrier le tient à deux mains, & doit prendre garde de bien arrondir le dos, de ne point épater les têtes, ni pincer les queues, ni déchirer le parchemin. Voyez Pl. prem . de la Relieure, fig. N. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROTTON Author=Diderot Normalized Classification=Cartier Part of Speech=s.m. FROTTON * FROTTON, s. m. terme de Cartier; c'est un instrument composé de plusieurs lisieres ou bandes d'étoffe roulées les unes sur les autres, de maniere que le bas en est plat & uni, & que le haut qui lui sert de manche est terminé par une espece de cone. Le frotton sert à-peu-près aux mêmes usages chez les Cartiers, que les balles chez les Imprimeurs. Voyez les Planches du Cartier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROU Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FROU FROU, ( Jurisprud. ) dans quelques coûtumes, signifie un lieu public & commun à tous. Voyez l'ancienne coûtume d'Orléans, article 157, & ci devant au mot Frocs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FROWARD, le cap. Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FROWARD FROWARD, le cap. ( Géog. ) & par les François le cap d'Avance , cap des terres magellaniques sur la côte méridionale de l'Amérique: c'est celui qui avance le plus dans le détroit de Magellan, & qui fait le coude de ce détroit. M. Frezier le place par le 54 e degré de lat. & le 308 d 45'de long . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUCTESA Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f. FRUCTESA * FRUCTESA, s. f. ( Mythol. ) déesse qui veilloit à la conservation des fruits. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUCTIFIER Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=v.n. FRUCTIFIER FRUCTIFIER, v. n. ( Jardinage. ) ou rapporter du fruit. Voyez Fruit . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUGALITÉ Author=Jaucourt Normalized Classification=Morale Part of Speech=NA FRUGALITÉ FRUGALITÉ, ( Morale. ) simplicité de moeurs & de vie. Le docteur Cumberland la définit une sorte de justice, qui dans la société consiste à conserver, & qui a pour dispositions contraires, d'un côté la prodigalité envers des particuliers, & de l'autre une sordide avarice. On entend ordinairement par la frugalité , la tempérance dans le boire & le manger; mais cette vertu va beaucoup plus loin que la sobriété; elle ne regarde pas seulement la table, elle porte sur les moeurs, dont elle est le plus ferme appui. Les Lacédémoniens en faisoient profession expresse; les Curius, les Fabricius, & les Camilles, ne mériterent pas moins de loüanges à cet égard, que par leurs grandes & belles victoires. Phocion s'acquit le titre d'homme de bien par la frugalité de sa vie; conduite qui lui procura les moyens de soulager l'indigence de ses compatriotes, & de doter les filles vertueuses que leur pauvreté empêchoit de s'établir. Je sai que dans nos pays de faste & de vanité, la frugalité a bien de la peine à maintenir un rang estimable: quand on n'est touché que de l'éclat de la magnificence, on est peu disposé à loüer la vie frugale des grands hommes, qui passoient de la charrue au commandement des armées; & peut-être commençons-nous à les dédaigner dans notre imagination. La raison néanmoins ne voudroit pas que nous en jugeassions de la sorte; & puisqu'il ne seroit pas à-propos d'attribuer à la libéralité les excès des prodigues, il ne faut pas non plus attribuer à la frugalité la honte & les bassesses de l'avarice. C'est vouloir dégrader étrangement les vertus, que de dire avec un Laberius, frugalitas miseria est rumoris boni , ou de répéter avec S. Evremont: la frugalité tant vantée des Romains n'étoit pas une abstinence volontaire des choses superflues, mais un usage nécessaire & grossier de ce qu'ils avoient. Rendons plus de justice au tems des beaux jours de la république romaine, à ce Fabricius par exemple, ce Curius & ce Camille dont j'ai parlé. Les uns & les autres sachant se borner à l'héritage de leurs ancêtres, ne furent point tentés de changer l'usage grossier de ce qu'ils possédoient, pour embrasser le superflu. Le premier refusa sans peine les offres magnifiques qu'on lui fit de la part de Pyrrhus; le second méprisa tout l'argent qui lui fut présenté de la part des Samnites; le troisieme consacra dans le temple de Jupiter, tout l'or qu'il avoit pris à la défaite des Gaulois. Nourris tous les trois selon les regles de l'austere frugalité , ils surent les ressources de leur patrie dans les guerres périlleuses qu'elle eut à soûtenir. Le luxe & la somptuosité sont dans un état, ce que sont dans un vaisseau les peintures & les statues dont il est décoré; ces vains ornemens rassûrent aussi peu l'état engagé dans une guerre cruelle, qu'ils rassûrent les passagers d'un vaisseau, quand il est menacé de la tempête. Voyez Luxe & Fortune . Pour sentir le prix de la frugalité , il faut en joüir; ce ne seront point ceux qui sont corrompus par les délices, dit l'auteur de l'esprit des lois, qui aimeront la vie frugale; & si cela avoit été commun, Alcibiade n'auroit pas fait l'admiration de l'univers. Ce ne seront pas non plus ceux qui envient ou qui admirent le luxe des autres, qui vanteront la frugalité: des gens qui n'ont devant les yeux que des hommes riches ou des hommes aussi misérables qu'ils le sont, détestent leur misere, sans aimer & sans connoître ce qui fait le terme de la misere. L'amour de la frugalité est excité par la frugalité; & c'est alors qu'on en sent les précieux avantages: cet amour de la frugalité bornant le desir d'avoir, à l'attention que demande le nécessaire pour sa famille, reserve le superflu pour le bien de sa patrie. Aussi les sages démocraties en recommandant, en établissant pour loi fondamentale, la frugalité domestique, ont ouvert la porte aux dépenses publiques à Athenes & à Rome: pour lors la magnificence naissoit du sein de la frugalité même; & comme la religion, ajoûte M. de Montesquieu, demande qu'on ait les mains pures pour faire des offrandes aux dieux, les lois vouloient des moeurs frugales, pour que l'on pût donner à sa patrie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUGINAL, & FRUGURAL Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA FRUGINAL, & FRUGURAL * FRUGINAL, & FRUGURAL, fregintal , ( Myth. ) est le nom d'un temple dédié à la Venus pudique, appellée Venus frugi; & frugural , le nom d'un temple dédié à Jupiter. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUIT Author=d'Argenville Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. FRUIT FRUIT, s. m. ( Gram. ) On appelle en général du nom de fruits , tout ce que la terre produit pour la nourriture des hommes & des animaux: ainsi les grains, les herbes, les légumes, sont des fruits . Les fruits en particulier sont la production des arbres fruitiers, & la conclusion des opérations de la nature qu'elle nous avoit fait entrevoir en nous donnant les fleurs: ce n'est d'abord qu'un bouton, qu'un oeil; ensuite vient une branche, une fleur, enfin un fruit , qui par le moyen d'une graine, d'un pepin, d'un noyau, d'une amande, perpétue son espece à l'infini. On remarque dans les fruits les mêmes parties essentielles que dans les plantes, savoir les peaux & membranes, les pulpes ou chairs, & les fibres ou corps ligneux. Les arbres à fruit distingués d'avec les plantes à fruit , se divisent en fruits à pepins, à noyau, à coquille, & à cosse épineuse. Ceux à pepins ont plusieurs fleurs, & un pepin formant un bouton, peut avoir 9 à 10 fruits à chaque bouton. Ils sont composés de quatre parties, la peau, la pulpe, les fibres, & la capsule, Voyez tous ces mots à leur article . Les orangers, les citrons, & les raisins ont des pores plus remplis de liqueur, mais ce sont toûjours des fruits à pepins. Les fruits à noyau viennent seuls à chaque bouton, & ont les mêmes parties que ceux à pepins: quant au noyau, il vient de la pulpe qui se coagule; cinq grosses fibres s'étendent sur la surface du noyau, dont une entre dans son corps pour y nourrir l'aman de qui y est suspendue par ses peaux. Ceux à coquille n'ont que trois parties: la robbe, la coquille, & la moëlle; un grand nombre de fibres entrent par la base dans la coquille; une de ces fibres nourrit la graine, passe dans le centre de la base, & va jusqu'à la pointe de la coquille à laquelle les peaux de l'amande sont attachées. Les fruits à cosse épineuse, tels que les châtaigniers & les marrons d'Inde, viennent seuls ou plusieurs ensemble; ils sont eux-mêmes la racine qui les reproduit. Les plantes à fruits sont les melons, les courges, les citrouilles, les concombres, les coloquintes, les bonnets de prêtre. Ces fruits ont une écorce ou peau chargée de verrues, ou de parties galeuses; on trouve dans leur pulpe des loges remplies de semences, avec des amandes; plusieurs fibres sont répandues dans toute l'étendue du fruit . Les fruits par rapport à leur chair, sont cassans ou fondans. On distingue encore les fruits d'été d'avec ceux d'hyver; les fruits précoces d'avec les tardifs; nous avons encore les fruits rouges. Il y a de grosses semences, comme les marrons d'Inde, les châtaigniers, les amandes, les noisettes, les faînes, les noix, les glands, que l'on appelle fruits , parce qu'ils sont agréables au goût. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruit Author=Daubenton|d'Argenville Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Fruit Fruit , ( Botan. ) M. Linnaeus distingue dans les fruits trois parties principales, qui sont le péricarpe, la semence, & le receptacle. Le péricarpe, pericarpium , est formé par le germe; il grossit & il renferme les petites semences ou graines, mais il ne se trouve pas dans tous les fruits . Il y a huit especes de péricarpes: savoir la capsule, la coque, la silique, la gousse, le fruit à noyau, la pomme ou le fruit à pepin, la baie, & le cone. La capsule, capsula , est composée de plusieurs panneaux secs & élastiques, qui s'ouvrent le plus souvent par leur sommité lorsqu'ils sont mûrs, & qui renferment des graines dans une seule loge ou dans plusieurs; d'où viennent les dénominations des capsules uniloculaires & multiloculaires. La coque, conceptaculum , ne differe de la capsule qu'en ce que ses panneaux sont mous. La silique, siliqua , est composée de deux panneaux qui s'ouvrent d'un bout à l'autre, & qui sont séparés par une cloison membraneuse à laquelle les petites semences sont attachées chacune par un cordon ombilical. La gousse, legumen , est un péricarpe oblong a deux cosses assemblées en-dessus & en-dessous par une suture longitudinale; les semences sont attachées alternativement au limbe supérieur de chacune de ces cosses. Le fruit à noyau, drupa , est composé d'une pulpe charnue, molle & succulente, qui renferme un noyau. La pomme ou fruit à pepin, pomum , a une pulpe charnue, au milieu de laquelle les semences se trouvent dans des enveloppes membraneuses. La baie, bacca , a une pulpe succulente qui renferme les semences. Le cone, strobilus , est composé de plusieurs écailles appliquées les unes contre les autres, & contournées par le haut. Il y a deux sortes de semences, la graine & la noix. La noix, nux , est presqu'aussi dure qu'un os, & renferme la véritable semence. La graine, semen , est le corps de la semence; elle a différentes figures, & on voit des graines qui ont une couronne. La couronne, corona , est simple, ou disposée en aigrette. L'aigrette, pappus , est composée de rayons simples ou de rayons branchus comme une plume. Ces rayons simples ou branchus tiennent à un pédicule, ou sortent immédiatement de la graine. Le receptacle ou placenta, receptaculum , est la partie qui soûtient la fleur ou le fruit , ou tous les deux ensemble; il y en a de différentes figures. Florae par. Prodromus, pag. 44. & suiv . ( I ) Maniere d'avoir de beaux fruits , ( Jard. ) Pour avoir de beaux fruits , il faut detacher d'un arbre quelques boutons lorsqu'ils ne font que noüer; le mois de Mai est le vrai tems de cette opération pour les pêches & abricots; & celui de Juin & de Juillet pour les poires d'hyver & d'automne. On les détache du trochet où il y en a plusieurs, en les coupant avec des ciseaux par le milieu de la queue, & sur-tout ceux qui sont serrés, comme les plus sujets à se pourrir. Les poires d'été, telles que la robine, la cassolette, le rousselet, ne se détachent point; elles ne se nuisent point l'une à l'autre, ainsi que les prunes, parce qu'elles sont médiocrement grosses; quand le fruit est presque mûr, ôtez des feuilles tout-autour pour lui donner de la couleur & le faire mûrir. Cette pratique usitée à l'égard des pêchers, convient aussi à plusieurs poires, telles que le bon chrétien d'hyver, l'inconnue chéneau, &c. Plusieurs se servent d'une seringue faite en arrosoir à pomme, pour leur jetter de l'eau, ou les frottent dans le grand soleil, ce qui certainement leur donne de la couleur, mais diminue leur bonté, à ce qu'on prétend. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruit verreux Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA Fruit verreux Fruit verreux , ( Hist. nat. ) c'est le nom qu'on donne au fruit qui a été attaqué, habité, rongé, mangé par des vers, chenilles, fausses chenilles, ou autres insectes. Les insectes qui se trouvent dans les fruits mûrs ou non mûrs de nos arbres fruitiers, dans les poires, les pommes, les prunes, les cerises, &c. sont généralement nommés des vers , & par cette raison on appelle les fruits où ils sont logés, des fruits verreux; mais s'il y a de ces insectes qui sont des vers, c'est-à-dire qui se doivent transformer en mouches, ou en scarabées, il y en a, & en grand nombre, qui deviennent de vraies chenilles, de fausses chenilles, &c. Les prunes, par exemple, sont très-sujettes à être verreuses, par une espece de fausse chenille qui croît dans leur intérieur. Les années où il y a le moins de fruit , sont celles où l'on se persuade qu'il y en a le plus de verreux , & on ne manque pas de s'en plaindre. Quoique la quantité des vers & des chenilles ne soit pas plus grande dans ces années stériles en fruits que dans des années abondantes; si elle est la même, si la cause qui a fait périr les fruits , n'a point diminué le nombre des mouches & des papillons, dont les petits doivent croitre dans les fruits , le nombre des vers & des chenilles des fruits doit paroître plus grand, quoiqu'il ne le soit pas réellement; il l'est proportionnellement à la quantité des fruits de cette année. Il y a telles especes de fruits , de cerises, par exemple, où l'on trouve communément l'insecte logé dans l'intérieur, & tel autre fruit , comme la poire, où on le rencontre rarement, parce qu'il en est sorti avant qu'on la cueille. De plus, il y a tels insectes qui dénichent de bonne heure du fruit , & tels autres qui y font un très-long séjour. Les chenilles des pommes, des poires, des prunes, & de divers autres fruits , ne s'y tiennent que tant qu'elles ont besoin de manger, & elles les quittant quand le tems où elles doivent se transformer en chrysalides approche. Lorsque le fruit verreux tombe, ou est prêt à tomber, la chenille en est ordinairement sortie, ou est prête à en sortir. Quand cette chenille a pris tout son accroissement, quand le tems de sa métamorphose approche, on voit quelque part sur le fruit un petit tas de grains rougeâtres ou noirs; il n'est personne qui n'ait vû cent fois ces petits tas de grains, dont nous parlons, sur des pommes, sur des poires, & sur plusieurs autres de ces fruits , qu'on appelle verreux; c'est même ce qui fait connoître qu'ils le sont. Dans d'autres, au lieu de ces petits tas de grains, on voit un petit trou bordé de noirâtre; les grains sont tombés alors, & l'ouverture par laquelle ils sont sortis de l'intérieur du fruit , est à découvert. Or on demande quelle est la cause de cette bordure externe, & de cet amas le grains rougeâtres ou noirs qu'on trouve presque toûjours dans l'intérieur des fruits verreux . Les Physiciens répondent que cette bordure & ces grains ne sont autre chose que des excrémens de la chenille; ordinairement les excrémens restent dans le fruit où l'insecte a séjourné, mais quelquefois il s'en trouve des tas au-dehors; ce dernier cas arrive lorsque la chenille qui s'est tenue vers le centre du fruit , s'ouvre un chemin jusqu'à sa circonférence; alors elle entretient ce chemin ouvert, & vient pendant quelques jours de suite jetter ses excrémens à l'endroit où le trou se termine. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruit, (art de conserver le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Fruit Fruit , ( art de conserver le ) Economie rustiq . Une maniere de conserver les fruits toute l'année sans les gâter, a été communiquée par le chevalier Southwell, comme il suit. Prenez du salpetre une livre, bol ammoniac deux livres, du sable ordinaire bien net quatre livres: mêlez le tout ensemble, ensuite cueillez votre fruit de toute espece avant son entiere maturité, & avec la queue de chaque fruit; mettez ce fruit régulierement & symmétriquement un par un, dans un grand vaisseau de verre large par le haut; fermez la bouche du vaisseau d'un papier huilé; portez ce vaisseau dans un lieu sec; placez-le dans une caisse garnie de la même matiere préparée, qui ait quatre pouces d'épaisseur; remplissez le reste de la caisse de la susdite préparation, & qu'elle couvre de deux pouces l'extrémité du vaisseau: alors on pourra tirer le fruit au bout de l'an, aussi beau que quand ou l'a enterré. Nous indiquerons une autre méthode générale pour la conservation du fruit au mot Poire . Voyez l'article Frulen . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruits secs Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Fruits secs Fruits secs , ( Economie rustiq. ) c'est le nom qu'on donne aux fruits à noyau & à pepins, que l'on fait sécher au four ou au soleil, comme prunes, cerises, pêches, abricots, poires, pommes, figues, & raisins. Toutes sortes de prunes peuvent être séchées; on les cueille dans leur entiere maturité, on les range sur des claies, on les met au four lorsque le pain en est tiré: on les tourne, on les change de place, & on les serre après qu'elles sont refroidies; c'est la même méthode par rapport aux cerises. Pour secher les pêches, on les cueille d'ordinaire à l'arbre, on les porte au four pour les amortir, ensuite on les fend promptement avec un couteau: on en ôte le noyau, on les applatit sur une table, on les reporte au four; & lorsqu'on juge qu'elles sont assez séchées, on les retire, on les applatit encore, & on les conserve dans un lieu sec. Pour les abricots, on les cueille lorsqu'ils sont bien mûrs; & au lieu de les ouvrir comme les pêches pour en ôter le noyau, on se contente de repousser le noyau par l'endroit de la queue, qui lui sert de sortie. Les abricots restant ainsi entiers, on les applatit seulement sans les ouvrir, & on les seche comme les pêches. Pour faire sécher les poires, on les coupe en quartiers, on les pelle, & on les porte au four; ou bien, sans qu'il soit besoin de les couper, on les pelle entieres, observant d'y laisser les queues: ensuite on les fait bouillir dans quelque vaisseau avec de l'eau: alors on se sert de leur peau pour les tremper dans leur jus; cela fait, on les tire de leur jus, puis on les met au four sur des claies, de la même maniere qu'on se conduit pour les prunes. Les pommes, à la différence des poires, se sechent sans être pelées, en les coupant par la moitié après leur avoir ôté le trognon; on les fait bouillir afin d'en tirer le jus, & y tremper celles qu'on destine pour sécher. Les raisins secs, & sur-tout les muscats, sont très agréables à manger. On les met au four sur une claie pour les faire sécher, en prenant garde que la chaleur du four ne soit trop âpre, & en observant de tourner les raisins de tems en tems, afin qu'ils sechent également. Les figues dont on a parlé ailleurs, se sechent comme les prunes. Le commerce de tous les fruits secs est considérable pour les pays chauds; & on comprend dans la liste des fruits secs les amandes, les avelines, les capres même, & les olives, quoique ces deux derniers se conservent dans de la saumure. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruits Author=Venel Normalized Classification=Diète Part of Speech=NA Fruits Fruits , ( Diete. ) les auteurs tant anciens que modernes, qui ont écrit sur les alimens, nous ont donné sur les propriétés communes des fruits , des généralités si vagues, qu'on ne peut puiser dans ces ouvrages aucune connoissance positive sur cette matiere. Lemery les a bannies très-sagement de son traité des alimens , qu'il commence presque par un chapitre particulier sur les fraises. En effet nous ne connoissons guere d'autres qualités communes entre plusieurs especes de fruits , que la qualité très-énergique d'aliment végétal ( voyez Muqueux & Nourrissant ). Une pomme, une amande, une figue, une châtaigne, une olive, se ressemblent aussi peu qu'un fruit quelconque, & une racine ou une feuille; & les especes qui paroissent les plus analogues entr'elles, sont réellement distinctes par des propriétés médicinales très-différentes. C'est ainsi que l'abricot est regardé par tous les Medecins comme sujet à causer des dyssenteries, des coliques, des fievres intermittentes, &c. & que la pêche est au contraire regardée comme très-saine. La division que les anciens avoient faite des fruits en fruits d'été , ὡραῖοι , horaei , & fruits d'automne , est on ne peut pas plus mal entendue, plus incomplete, & fondée sur des prétentions plus précaires. Une poire fondante d'été ressemble parfaitement à une poire fondante d'automne; & deux fruits d'été, savoir une cerise & une amande, sont absolument différens. La circonstance d'être peu durables ou de pouvoir être conservés long-tems, par laquelle les deux branches de leur division étoient spécifiées, ne fait rien aux propriétés diététiques des fruits , & ne peut convenir qu'aux fruits aqueux & pulpeux. Les propriétés diététiques des fruits varient encore même dans chaque espece selon qu'on les mange dans différens degrés de maturité, frais ou séchés, vieux ou récents, cruds, cuits ou confits, seuls ou assaisonnés avec un peu de sucre, de sel, &c. Pour toutes ces raisons, nous ne nous arrêterons pas plus long-tems sur ce sujet, & nous reserverons pour les articles particuliers ce que l'on sait de positif sur l'usage de chaque fruit . Voyez ces articles . Nous rappellerons seulement en deux mots l'observation généralement connue des mauvais effets des fruits verds, que les femmes, les enfans & les estomacs malades appetent par une dépravation de goût, qu'on doit regarder comme vraiment maladive . Nous ferons encore une observation sur l'usage des fruits en général: c'est que l'opinion commune qui les fait regarder comme une source très ordinaire des maladies épidémiques qui regnent souvent en automne; que cette opinion, dis-je, n'est vraissemblablement qu'une erreur populaire. On a observé que ces maladies n'avoient été ni plus communes, ni plus dangereuses pendant certaines années qui avoient été très-abondantes en fruits de toute espece. Ce fart important mérite cependant d'être encore éclairci par de nouvelles observations. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruits Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fruits Fruits , ( Jurisprud. ) ce terme dans sa signification propre ne s'entend que des émolumens qui naissent & renaissent du corps d'une chose, comme les fruits de la terre. Cependant on donne aussi le nom de fruits à certains émolumens qui ne proviennent pas de la chose même, mais qui sont dûs à cause de la chose, tels que les fruits civils . Les fruits d'un héritage appartiennent au propriétaire, quand même il ne les auroit pas ensemencés: nam omnes fructus jure soli, non jure seminis, percipiuntur; l. 25. ff. de usuris; mais il doit rendre les labours & semences. Le possesseur de bonne foi fait les fruits siens, c'est-à-dire gagne les fruits consumés; il est seulement obligé de rendre ceux qui sont encore extans, au lieu que le possesseur de mauvaise foi est obligé de rendre même ceux qu'il a perçûs & consumés. On distingue plusieurs sortes de fruits , savoir: Fruits ameublis , c'est-à-dire qui sont devenus meubles, soit par la séparation qui en a été faite du fonds, soit après le tems de leur maturité, auquel cas quelques coûtumes les réputent meubles. Fruits annuels , sont ceux qui se reproduisent chaque année, à la différence des fruits casuels , qui ne viennent qu'extraordinairement. Fruits artificiels , sont la même chose que les fruits industriaux; ils sont opposés aux fruits naturels: voyez la loi 22. au code, lib. III. tit. xxxij . On les appelle plus communément fruits industriaux . Fruits casuels , sont ceux qui n'échéent qu'extraordiairement & par des évenemens imprévûs: tels sont les droits seigneuriaux dûs pour les mutations par succession, vente, ou autrement. Fruits civils , sont des émolumens que la loi a assimilé à certains égards aux fruits naturels; de ce nombre sont les loyers des maisons & héritages, les arrérages de rente, les intérêts, & autres profits annuels qui proviennent de la convention des parties ou de la loi; les fruits casuels sont aussi des fruits civils. Fruits consumés , sont ceux que le possesseur a perçûs & employés à son usage. Fruits décimables , sont ceux sujets à la dixme. Voyez Décimable & Dixme . Fruits échûs , sont des fruits civils dont le droit est acquis à quelqu'un, soit au propriétaire, usufruitier, fermier, ou autre possesseur. Fruits étroussés : on appelle ainsi dans quelques provinces les fruits adjugés en justice; étrousse signifie adjudication . Fruits extans , sont ceux qui subsistent encore, & ne sont pas consumés. Fruits industriaux , sont ceux que la nature seule ne produit pas, mais qui demandent de la culture & autres soins, comme les blés, & autres grains, le vin, &c. Voyez fruits naturels . Fruits insolites , sont ceux que l'on ne fait pas venir ordinairement dans le pays, ce qui est relatif à l'usage: car ce qui est insolite dans un lieu ne l'est pas dans un autre; par exemple, le ritz est un fruit insolite aux environs de Paris: il ne l'est pas en Provence. Fruits naturels , sont ceux que la nature seule produit, & qui ne demandent aucune culture, comme le foin, le bois. Fruits ordinaires , sont les fruits annuels; ils sont opposés aux fruits casuels. Fruits pendans par les racines , sont ceux qui ne sont pas encore séparés du fonds; ils sont communément réputés immeubles, excepté dans quelques coûtumes, qui les réputent meubles après le tems de leur maturité, comme celle de Normandie, art. 488 . Fruits perçûs , sont ceux que le propriétaire ou possesseur a recueillis; il ne faut pas confondre les fruits perçûs avec les fruits consumés . Voyez ci-dev. fruits consumés . Fruits siens , sont ceux que le possesseur gagne en vertu du droit ou possession qu'il a. Le possesseur de bonne foi fait les fruits siens; le seigneur dominant qui a fait le fief de son vassal par faute d'homme, droits, & devoirs non faits & non payés, fait les fruits siens pendant la main-mise. Au digeste lib. XXII. tit. j. le traité de fructibus per jo. copum . Voyez la bibliotheque de Jouet, & les decisions de la Peirere, au mot fruits . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruit Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Fruit Fruit , en Architecture , c'est une petite diminution de bas en-haut d'un mur, qui cause par dehors une inclinaison peu sensible, le dedans étant à-plomb: & contre-fruit , c'est l'effet contraire. On donne quelquefois du contre-fruit en-dedans, aux murs, quand ils portent des souches de cheminée, afin qu'ils puissent mieux résister à la charge par le double fruit . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fruits Author=Blondel Normalized Classification=Sculpture Part of Speech=NA Fruits Fruits , ornemens de Sculpture , qui imitent les fruits , & dont on fait des festons, des guirlandes, & des chûtes dans la décoration des bâtimens. Il s'en voit de fort beaux à la frise composite de la cour du louvre. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUITÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject FRUITÉ FRUITÉ, adj. en terme de Blason , se dit d'un arbre chargé de fruits . Moucy d'Inteville, d'or au pain de sinople, fruité d'or au chef d'azur, chargé de trois étoiles d'or. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUITERIE Author=d'Argenville Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. FRUITERIE FRUITERIE, s. f. ( Econ. rustiq. ) est le lieu où l'on serre les fruits, bien différent de la serre qui n'est employée qu'à recevoir pendant l'hyver des orangers, des myrthes, & autres arbres délicats. Une fruiterie doit être bien fabriquée, bien percée, élevée d'environ 10 à 12 piés, éloignée du foin, de la paille, du fumier, du fourrage, des amas de linge sale, exposée au midi ou au levant, avec des murs de deux piés d'épaisseur, des doubles chassis, & des portes; il y doit entrer peu de jour, & seulement dans la belle saison, pour purifier l'air du dedans; il faut bien calfeutrer les fenêtres & les portes durant l'hyver, en sorte que l'air étranger ne détruise point l'air tempéré de la fruiterie; s'il y geloit malgré toutes ces précautions, on couvriroit les fruits avec des couvertures de lits, de matelats, ou on les porteroit dans une cave si le froid étoit long; pour éviter d'allumer du feu, qui seroit très-nuisible à la conservation des fruits. Les fruiteries seront entourées de tablettes de 18 pouces de large, & d'un pié de distance, un peu en pente, avec des tringles dans leur bord, qui retiennent les fruits: on les rangera sur du sable fin, sur de la mousse seche, ou sur des feuilles d'arbre plûtôt que sur de la paille. Il est essentiel de mettre des sourricieres, ou de laisser des entrées pour les chats, & de faire de plus une visite journaliere pour ôter les fruits pourris & emporter ceux qui sont mûrs. Il est bon qu'il y ait dans toute fruiterie une table qui occupe le milieu de la place; cette commodité est nécessaire pour dresser les diverses corbeilles de fruits qu'on veut servir. Les pêches, pavies, brugnons, abricots, seront rangés deux ou trois jours avant d'être mangés, sur des feuilles de verjus bien seches, ou sur de la mousse d'arbre, & assises sur l'endroit de leurs queues. Les poires d'été se rangeront de même sur l'oeil, la queue en-haut. Les poires d'hyver ne veulent aucun air; les pommes se mettent dans toute sorte de situation; & pour qu'elles ne sentent point la paille ou le foin, on les rangera sur du bois. Les abricots & les prunes resteront dans les mêmes corbeilles où ils ont été mis lors de la cueillée; de peur de les défleurir, on les entourera de feuilles d'ortie, & on les laissera rafraîchir dans la fruiterie . Les figues seront rangées sur le côté, & jamais sur l'oeil, où il doit y avoir une larme de syrop; on les étendra sur des feuilles, & on ne les cueillera jamais en plein soleil. Les raisins & muscats qu'il faut cueillir un peu verds, seront suspendus au planche d'un lieu sec. Les nefles & les cormes se mettent sur la paille pour mûrir. L'expérience a appris que quand les pommes sont gelées, elles ne veulent point être approchées du feu ni maniées; elles dégeleront d'elles-mêmes, & reprendront le goût que la gelée leur avoit fait perdre, quoique la Quintinie ( page 221. tome II. ) dise le contraire. Au reste la cave ni le grenier ne sont point propres à faire une fruiterie bien entendue: la cave, à cause d'un goût moisi, & d'une chaleur humide qui pourrit tout; & le grenier, à cause de la trop grande chaleur en été, & en hyver à cause du froid ou des pluies. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUITIER Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=adject FRUITIER FRUITIER, adj. ( Jardinage. ) arbre fruitier, voyez Arbre . Ce mot se dit encore d'un jardin entierement rempli d'arbres à fruits. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUMENTAIRES Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m.pl. FRUMENTAIRES FRUMENTAIRES, s. m. pl. ( Hist. anc. ) étoient dans l'empire d'occident des soldats ou archers. S. Cyprien dit, dans une de ses lettres, qu'on avoit envoyé des frumentaires pour le prendre. Il y avoit des frumentaires dès le tems d'Adrien; Spartien dit, dans la vie de cet empereur, qu'il s'en servoit pour s'instruire de tout. On ne donnoit auparavant ce nom qu'à des marchands ou des mesureurs de blé. Les frumentaires dont nous parlons ne faisoient point un corps distingué des autres troupes; mais il y en avoit un certain nombre dans chaque légion, comme nous avons des compagnies de grenadiers dans chaque régiment. Ainsi dans les anciennes inscriptions, on trouve les frumentaires d'une telle ou telle légion. On croit que ce furent d'abord de jeunes hommes disposés par Auguste sur tous les grands chemins des provinces, pour avertir promptement l'empereur de tout ce qui se passoit. Pour cela ils avoient une espece d'intendance sur toutes les voitures; c'est pourquoi ils étoient chargés de faire porter le blé, frumentum , aux armées; & c'est de-là que leur vint le nom de frumentaires; on les incorpora ensuite dans les troupes, où ils retinrent toûjours leur nom. Leur fonction étoit de donner avis au prince de tout ce qui se passoit, comme ceux qu'on nommoit curieux, curiosi , & auxquels on les joint quelquefois. Voyez Curieux . Dict. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUSTRATOIRE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA FRUSTRATOIRE FRUSTRATOIRE, ( Jurispr. ) se dit d'un acte ou procédure qui ne tend qu'à surprendre quelqu'un, à lui faire perdre son dû, ou à éluder le jugement. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUSTUM Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=s. FRUSTUM FRUSTUM , s. n. ( Géom. ) terme latin qui signifie morceau , & que quelques auteurs ont employé pour signifier ce que l'on désigne plus communément par le mot tronqué: ainsi ils ont appellé frustum de cone, de pyramide , ce qu'on nomme cone tronqué, pyramide tronquée &c. Voyez Tronqué & Segment . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FRUTEX Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA FRUTEX FRUTEX , ( Jardinage. ) veut dire arbrisseau. Voy. Arbre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUCA Author=Diderot Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.m. FUCA * FUCA, s. m. ( Hist. nat. Ictiolog. ) poisson de mer assez semblable à la perche, il y en a de différentes especes & de diverses couleurs; on le prend sur le rivage parmi les joncs & l'algue. C'est un bon aliment, facile à digérer. Lémery, d'où cet article est tiré, ajoûte qu'il purifie le sang, & pousse par les urines. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUEGO (Isla del-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUEGO FUEGO ( Isla del-), Géog ou en françois, l'île de Feu; île de l'Océan atlantique, & l'une des îles du Cap-verd, à l'occident de la pointe la plus méridionale de San-Jago, & au levant septentrional de l'île de Brava, Les tables hollandoises lui donnent 351 d . 48'. de longit . & 14 d . 50'. de latit. M. de l'Isle met le bout septentrional de l'ile de Feu par les quinze degrés de latitude; & comme elle peut avoir cinq lieues de vingt au degré dans sa longueur N. & S. il se peut que les Hollandois n'ayent eu égard qu'à la partie méridionale de l'ile. Le géographe françois met la longit. 353 d . 12' . Au reste, cette île n'est proprement qu'une haute montagne, remarquable par les flammes sulphureuses qu'elle vomit, comme le mont AEthna & le Vésuve, & qui incommodent beaucoup le voisinage: ces flammes ne s'apperçoivent que la nuit; mais on les voit alors de bien loin en mer. Il sort de l'ouverture quantité de pierres ponces portées par les courans de côté & d'autre, & qui viennent jusqu'à San-Jago. Lisez Dampier & Owington, en attendant mieux. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuego ou Fogo (Isle de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fuego Fuego ou Fogo ( Isle de-), Géog. cette seconde ile de Feu est une île d'Asie entre le Japon, Formosa, & le Tchekian, province de la Chine. Les tables hollandoises lui donnent 148 d . 35'. de longit. & 28 d . 5'. de latit. N. ( D.J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUENCHEU ou FOUENTCHÉOU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUENCHEU ou FOUENTCHÉOU FUENCHEU ou FOUENTCHÉOU, ( Géogr. ) grande ville dans la province de Chiknsi, dont elle est la cinquieme métropole, située sur la riviere de Fuen: on fait dans son canton, avec du ritz & de la chair de bouc, un breuvage très-fort & très-nourrissant, que les Chinois nomment yangcieu , c'est-à-dire vin de bouc . Le P. Martini donne à Fuencheu 38 d . 10'. de latit. longit. 128 d . 27' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUESSEN, ou FUSSER Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUESSEN, ou FUSSER FUESSEN, ou FUSSER, en latin Fucena , & par quelques-uns, Abudiacum , ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans l'évêché d'Augsbourg en Soüabe sur le Leck, à seize lieues S. O. d'Ausbourg. Voyez Zeyler, suev. topogr. Longit. 34 d . 10'. latit. 47 d . 15' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUGALES Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA FUGALES * FUGALES, ( Mythol. ) fêtes des Romains, que quelques-uns confondent avec les régifuges. Voyez Régifuges . Si cela est, les fugales furent instituées en mémoire de l'expulsion des rois & de l'abolition du gouvernement monarchique; & elles se célebrerent le 24 de Février, après les terminales. Voyez Terminales : mais cette opinion n'est pas reçûe généralement. D'autres font venir les fugales de la fuite que prenoit le rex sacrorum hors de la place publique & des comices, après qu'il avoit fait son sacrifice. S. Augustin, le seul auteur qui ait parlé de fugales , dit que les cérémonies en étoient contraires à la pudeur & à l'honnêteté des moeurs; ce qui a fait penser à Vivès, que c'étoient les mêmes fêtes que les populi-fuges , qu'on célébroit à l'honneur de la déesse de la Réjoüissance, après quelque victoire remportée, & dont on fait remonter la premiere institution au tems de la défaite des Ficulnates, des Fidenates, & des peuples voisins, qui avoient tenté de s'emparer deRome, après que le peuple s'en fut retiré. Cette entreprise est, à la vérité, la date de l'institution des populi-fuges; mais la retraite du peuple révolté en fut la cause, comme il est évident à la lecture de Varron. Quoi qu'il en soit, la conjecture de Vivès, qui ne fait des fugales & des populi-fuges qu'une même institution, n'en est pas moins vraissemblable. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUGITIF Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA FUGITIF * FUGITIF, ( Gramm. ) qui s'enfuit, qui s'échappe; il se prend adjectivement dans cette frase, des circonstances fugitives; substantivement dans celle-ci, un fugitif . Il se dit aujourd'hui de tout homme qui s'est éloigné de sa patrie, où il n'étoit pas en sûreté, pour quelque cause que ce fût; il se disoit anciennement d'un esclave qui s'enfuyoit. Si les fugitivains le ramenoient, son maître étoit autorisé par la loi, ou à le faire marquer d'un fer rouge, ou à l'enfermer dans la prison publique, ou à le condamner au moulin, ou à lui couper les muscles des jambes, ou même à lui ôter la vie. Voyez Esclave . Si l'on vendoit un esclave, & qu'il fût sujet à s'enfuir, il paroît par un endroit d'Horace, qu'on étoit obligé d'en avertir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUGITIVES (Pieces-) Author=Diderot Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA FUGITIVES * FUGITIVES, ( Pieces-) Littérat . on appelle pieces fugitives , tous ces petits ouvrages sérieux ou legers qui s'échappent de la plume & du porte-feuille d'un auteur, en différentes circonstances de sa vie, dont le public joüit d'abord en manuscrit, qui se perdent quelquefois, ou qui recueillis tantôt par l'avarice, tantôt par le bon goût, font ou l'honneur ou la honte de celui qui les a composés. Rien ne peint si bien la vie & le caractere d'un auteur, que ses pieces fugitives: c'est là que se montre l'homme triste ou gai, pesant ou leger, tendre ou sévere, sage ou libertin, méchant ou bon, heureux ou malheureux. On y voit quelquefois toutes ces nuances se succéder; tant les circonstances qui nous inspirent sont diverses. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULDE Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FULDE FULDE, Fulda , ( Géog. ) ville & abbaye célebre d'Allemagne érigée en évêché depuis peu d'années, au cercle du haut Rhin, sur une riviere de même nom. L'évèque abbé de Fulde est le dernier des princes évéques d'Allemagne, mais le premier des princes abbés de l'Empire; il porte le titre d'archi-chancelier de l'impératrice: comme abbé, il relevoit immédiatement du S. Siége. L'abbaye de Fulde est très-riche; elle fut fondée par S. Boniface, apôtre de l'Allemagne & archevêque de Mayence; elle est de l'ordre de S. Benoît. Il faut faire preuve de noblesse pour être admis dans cette maison d'humilité; & les moines, devenus chanoines aujourd'hui, élisent un d'entre eux pour remplir la place d'évêque-abbé, lorsqu'elle est vacante. Long. 27. 28. latit. 50. 40 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUGUE Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.f. FUGUE FUGUE, s. f. en Musique , est un chant répété successivement & alternativement par deux ou plusieurs parties, selon certaines regles particulieres qui distinguent la fugue de l'imitation, & dont voici les principales. I. La fugue procede de la dominante à la tonique, ou de la tonique à la dominante, en montant ou en descendant. II. Toute fugue a sa réponse dans la partie qui la suit immédiatement, & qui doit en rendre le chant à la quinte ou à la quarte, & par mouvement semblable, le plus exactement qu'il est possible; procédant de la dominante à la tonique, quand le premier chant a procédé de la tonique à la dominante, ou vice versâ . Une partie peut aussi reprendre ce même chant après l'autre, à l'octave ou à l'unisson: mais alors c'est plûtôt répétition qu'une véritable réponse. III. Comme l'octave se divise en deux parties inégales, dont l'une comprend quatre degrés en montant de la tonique à la dominante, & l'autre seulement trois, en continuant de monter de la dominante à la tonique; cela oblige d'avoir égard à cette différence, & de faire quelque changement dans la réponse, pour ne pas quitter les cordes essentielles du mode: c'est autre chose, quand on se propose de changer de ton. IV. Il faut que la fugue soit dessinée de telle sorte, que la réponse puisse entrer avant la fin du premier chant. C'est se mocquer, que de donner pour fugue un chant qu'on ne fait que promener d'une partie à l'autre, sans autre gêne que de l'accompagner ensuite à sa volonté: cela mérite tout-au-plus le nom d'imitation. Voyez Imitation . Outre ces regles d'harmonie, qui sont fondamentales, pour réussir dans ce genre de composition, il y en a d'autres qui pour n'être que de goût, n'en sont pas moins essentielles. Les fugues en général servent plus à faire du bruit qu'à produire de beaux chants: c'est pourquoi elles conviennent mieux dans les choeurs que par-tout ailleurs. Or comme leur principal mérite est de fixer toûjours l'auditeur sur le chant principal, qu'on fait passer pour cela incessamment de partie en partie & de modulation en modulation; le compositeur doit mettre tous ses soins à rendre toujours ce chant bien distinct, & à empêcher qu'il ne soit étouffé ou confondu parmi les autres parties: il y a pour cela deux moyens; l'un est dans le mouvement qu'il faut sans cesse contraster; de sorte que si la marche de la fugue est précipitée, les autres parties procedent posément par des notes longues; & au contraire, si la fugue marche gravement, que les accompagnemens travaillent davantage. Le second moyen est d'écarter l'harmonie, de peur que les autres parties s'approchant trop de celle qui chante la fugue , ne se confondent avec elle, & ne l'empêchent de se faire entendre assez nettement; ensorte que ce qui seroit un vice par-tout ailleurs, devient ici une beauté. Les habiles maîtres ont encore soin, pour la même raison, de mettre en jeu des instrumens ou des voix d'especes différentes, afin que chaque partie se distingue mieux. En un mot, dans toute fugue , la confusion est en même tems ce qu'il y a de plus à craindre & de plus difficile à éviter; & l'on peut dire qu'une belle fugue bien traitée est le ches-d'oeuvre du meilleur harmoniste. Il y a encore plusieurs autres manieres de fugues , comme les fugues perpétuelles, qu'on appelle canons , les doubles-fugues , les contre-fugues , ou fugues renversées , qu'on peut voir à leurs mots, & qui servent plus à étaler la science du musicien qu'à flatter l'oreille de ceux qui les écoutent. Fugue vient du latin fuga , fuite, parce que les parties partant ainsi successivement, semblent se fuir & se poursuivre l'une l'autre. ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUIE Author=Diderot Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. FUIE * FUIE, s. f. ( Econom. rustiq. ) petite voliere qu'on ferme avec un volet, & où chaque particulier peut nourrir des pigeons domestiques. On appelle encore du nom de fuie des colombiers sans couverture. Il y a de ces colombiers dans la Beauce. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUIR Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA FUIR * FUIR, ( Gramm. ) c'est s'éloigner avec vitesse, par quelque crainte que ce soit: ce verbe est tantôt actif, comme dans cette frase, je fuis les ennuyeux; tantôt neutre, comme dans celle-ci, il vaut mieux s'exposer à périr, que fuir . Il est pris au simple dans les exemples précédens; au figuré, dans celui-ci, le méchant fuit la lumiere; il a quelques acceptions détournées. Voyez les deux articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuir les talons Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Fuir Fuir les talons , ( Manége. ) on désigne communément par cette expression, l'action du cheval qui chemine de côté, ses hanches étant assujetties & forcées de suivre le mouvement progressif des épaules, en traçant & en décrivant une seconde piste. L'utilité & l'avantage de cette action, relativement aux différentes manoeuvres d'une troupe de cavalerie, ne m'arrêteront point ici; je ne l'envisagerai qu'eu égard à la science du Manége; & en me bornant à cet objet, je m'attacherai d'une part à dévoiler les moyens mis en pratique pour suggérer ce mouvement à l'animal, & détailler de l'autre ceux qui me paroissent les plus propres & les plus convenables à cet effet. De tous les tems, la plûpart des maîtres ont imaginé que l'intelligence de la leçon dont il s'agit, dépend en quelque maniere de notre attention à profiter d'abord de la facilité que la muraille semble nous présenter, lorsqu'il est question de limiter les actions du cheval. On l'a par conséquent conduit le long d'un des murs du manége droit d'épaules & de hanches. Là, dans l'intention de travailler ensemble l'une & l'autre extrémité, on a insensiblement engagé la croupe par l'approche plus ou moins forte de la jambe ou du talon de dehors; & tandis que cette même jambe étoit toute entiere occupée du soin de fixer, de contraindre, & de chasser le derriere en-dedans, la main armée du caveçon, cu des rênes de la bride, entretenoit le mouvement de l'épaule sur ce même côté où l'on se proposoit de porter l'animal. Si les aides de la jambe n'avoient point d'efficacité, on recouroit à celle du pincer; & dans le cas de l'inutilité & de l'impuissance de celle-ci, on faisoit vivement sentir l'éperon. C'est ainsi que le célebre duc de Newkastle s'explique lui-même, en parlant de la méthode qu'il a suivie à cet égard; & lorsque le cheval fuyoit les talons aussi facilement à une main qu'à l'autre, il le travailloit éloigné de ce même mur vis-à-vis duquel il l'avoit commencé. Quelques écuyers, ainsi que quelques-uns de ceux qui ont paru de nos jours, ont encore ajoûté à ces aides & à ce châtiment, pour vaincre avec plus de succès l'impatience de l'animal: les uns ont employé le secours d'un homme à pié, muni d'une chambriere ou même d'un nerf de boeuf, & préposé pour frapper sans pitié sur le flanc répondant à la muraille, à l'effet d'en détacher la croupe, & de la maintenir sur le dedans; les autres se sont saisis d'une gaule dans chaque main; ils en attaquoient l'épaule, afin de la déterminer & de la mouvoir sur la main à laquelle ils travailloient; & si les hanches demeuroient, ils adressoient leurs coups sur les flancs, sans négliger l'approche du talon, tandis qu'un homme pareillement à pié & placé du côté opposé à celui où ils tendoient, dirigeoit ceux de la gaule dont il étoit pourvû sur la poitrine à l'endroit des sangles, quand l'épaule n'obéissoit pas, & sur les fesses, quand le derriere étoit rébelle. Il en est qui ont tenté de réussir par une autre voie: ceux-ci ne se donnoient pas la peine de monter le cheval pour l'exercer; ils le rangeoient la tête au mur, un homme de chaque côté tenant une longe du caveçon, laquelle avoit deux ou trois aunes de longueur. Celui qui se trouvoit sur la main, où il étoit question d'aller, tiroit fortement à lui la tête de l'animal; & dans l'instant que l'épaule portée, par exemple, à droite, la croupe se disposoit à fuir à gauche, l'écuyer qui suivoit attentivement s'opposoit au mouvement de cette partie; il la déterminoit dans le sens du devant, par le moyen du châtiment, & l'empêchoit d'échapper. D'autres enfin, & de ce nombre sont Pluvinel & la Noue, ont préféré la leçon du cercle à celle de la muraille. Dans le centre de ce cercle, étoit un pilier auquel ils attachoient l'animal, la tête en étant plus ou moins éloignée: le cavalier l'aidoit tant de la main & de la gaule que de la jambe & du talon. Il l'arrêtoit de tems en tems, & lui demandoit ensuite quelques pas semblables au premier; il le reprenoit sur l'autre jambe, & cherchoit à lui en faire entendre le tems, l'aide, & l'avertissement: après quoi, pour le confirmer dans l'habitude qu'il lui avoit donnée par ce moyen, il le promenoit en liberté sur un autre cercle qu'il lui faisoit d'abord reconnoître sans le contraindre. Ce cercle suffisamment reconnu, le cavalier faisoit insensiblement effort de la jambe & du talon, & il aidoit de la gaule, à l'effet de mettre le cheval de côté; le devant étant toûjours un peu plus avancé sur la circonférence de la volte, que le derriere; & le cercle tracé, il l'arrêtoit pour le remettre sur l'autre main; enfin il parvenoit à le travailler de suite à l'une & à l'autre. Quelle que puisse être la réputation de ceux qui ont adopté ces diverses méthodes, j'oserai en proposer une autre, persuadé que l'autorité des plus grands noms est un vain titre contre la raison & l'expérience. A en juger par les efforts & par les précautions des maîtres dont j'ai parlé, on devroit envisager l'action dont il s'agit, comme une de celles qui coûtent le plus à l'animal; la difficulté qu'il a de s'y soûmettre; le sentiment desagréable qu'elle paroît lui faire éprouver, semblent en offrir les plus fortes preuves. Nous conviendrons que quoique la nature ait construit & combiné ses ressorts de maniere à lui en permettre l'exécution, le mouvement qui opere en-avant le transport de son corps, lui est infiniment plus facile que celui qui le porte & le meut entierement de côté: mais cette observation & cet aveu ne peuvent que confirmer de plus en plus dans la persuasion où l'on doit être de la nécessité de profiter des ressources de l'art, & des secours de l'habitude, pour favoriser & pour perfectionner des déterminations primitives. Il est une gradation dans le developpement des membres, comme il en est une dans leur accroissement; c'est dans la science de cette gradation que résident les principes d'une saine théorie. Il ne suffit pas en effet de connoître ce que l'animal peut, il faut encore discerner les voies les plus propres à assouplir insensiblement les fibres destinées à l'exercice des opérations possibles, ainsi que les actes réitérés qui les rendront successivement capables de telle ou telle action, selon un certain ordre, & un certain enchaînement naturel. Tel mouvement conduit à un autre mouvement. Le passage de l'un à l'autre n'est penible qu'autant qu'il est trop subit. L'animal ne se déplaira point dans le jeu de ses organes; & ce jeu pour être excité n'aura pas besoin de l'impression de la force & de la violence, dès que les conditions sous lesquelles il peut être sollicité, seront exactement suivies, c'est-à-dire dès qu'il sera, s'il m'est permis de m'expliquer ainsi, en raison composée de la disposition premiere & de la disposition acquise de ces mêmes organes. J'entends par disposition acquise , celle qui résulte de la répétition d'une action, dont les rapports avec une nouvelle action demandée, sont évidens; & si, eu égard au mouvement dont je traite ici, je recherche les actions qui lui étant relatives peuvent par leur nature y préparer le cheval, je les trouverai sans doute dans celles que suggerent les leçons qui tendent à procurer la souplesse des épaules, & un commencement d'union. Voyez Union . Ces leçons administrées 1° sur les cercles, 2° sur le quarré représenté par le manége; non-seulement invitent l'omoplate & l'humerus au mouvement circulaire dont ces parties sont susceptibles, mais elles contraignent, lorsque ce mouvement est bien effectué, les extrémités postérieurs à un retrécissement, d'où naît de la part de ces extrémités une propension à chevaler, puisque la foulée de l'une des jambes de derriere se rencontre toûjours au-devant de la piste de celle qui l'avoisine. V. Epaule . Or l'action de cheminer de côté, soit au pas, soit au trot, ne pouvant être accomplie qu'autant que les membres du devant & du derriere croiseront successivement, & que chaque jambe de dehors passera sur chaque jambe de dedans qui forme sa paire ou qui lui répond, il s'ensuit que le mouvement qui y a le plus de rapport & d'affinité, est sans contestation celui que les leçons dont je viens d'examiner les effets, sollicitent; d'où, par une conséquence necessaire, on peut juger de l'importance d'y exercer parfaitement & long-tems l'animal, avant de tenter & d'entreprendre de lui faire fuir les talons. Supposons à-présent que nous soyons assûrés de la liberté & de la franchise de ses membres, dans le sens où leur articulation sphéroïde leur permet de se mouvoir, nous débuterons par l'observation des lignes qui traçant de simples, conduisent à des changemens de main étroits. Nous maintiendrons d'abord scrupuleusement l'animal droit de tête, d'épaules & de hanches, sur celles de ces lignes qui sont droites, ainsi que sur la ligne oblique, que nous devons décrire pour arriver au mur. Ces demi-voltes exécutées avec précision à chaque main, nous commencerons à engager legerement la croupe, lorsque nous parviendrons sur cette derniere ligne, en dirigeant la rêne de dedans en-dehors, c'est-à dire en la croisant de maniere à rejetter foiblement néanmoins l'épaule de dedans sur le dehors, & à assujettir proportionnément par ce moyen les hanches, naturellement portées à se déterminer toûjours dans une direction opposée à celle du devant. Dans cet état le corps de l'animal chemine dans un degré d'obliquité imperceptible; & les pistes de ses extremités antérieures & postérieures sont telles, que la ligne oblique qui passoit auparavant entre ses quatre jambes sur la longueur, se trouve foulée par celle de dedans de devant, & par celle de dehors de derriere. A proportion de la facilité que le cheval acquiert par un travail réitéré & assidu, ce degré d'obliquité doit à l'une & à l'autre main, accroitre insensiblement, jusqu'à ce que la foulée du pié antérieur de dehors s'effectue toujours & à chaque pas, de maniere que si depuis cette foulée on tiroit une ligne droite en-arriere, cette même ligne répondroit au milieu de la piste tracée par les extrémités postérieures; car les épaules dans cette action, doivent constamment précéder les hanches. Pour y parvenir, il s'agit d'augmenter insensiblement aussi la force de la rêne de dedans, qui doit captiver la croupe, en observant sans cesse de la croiser de telle sorte que la résistance ne cede que graduellement à l'essort de la puissance; & comme l'effet de cette même rêne agissant seule, & portée sur le dehors à un certain point. s'imprimeroit avec trop de violence sur les épaules, & que celle de dehors se trouveroit dès-lors si contrainte & si retenue, qu'il ne seroit pas possible à l'animal de chevaler, & qu'il s'entableroit infailliblement; il est indispensable à mesure qu'il presente de plus en plus le flane sur le côté où il est mú, de croiser & de mettre en oeuvre la rêne de dehors, dont l'office sera de porter continuellement la jambe de dehors sur celle de dedans, la rêne de dedans demeurant chargée de s'opposer à la sortie de la croupe. C'est ici que se manifestent principalement la nécessité & l'importance de saisir avec précision les tems des jambes. Les rênes, ces muscles artificiels, si je peux employer cette expression, n'ont d'efficacité qu'autant que la disposition actuelle des membres favorise la possibilité de l'action à laquelle elles doivent déterminer. Vainement les jambes seront-elles sollicitées dans l'instant de leur chûte, à suivre une autre direction que celle qui les attire sur le sol sur lequel elles descendent, & sur lequel elles sont en voie de se poser. Il faut donc absolument, & pour ne point faire violence à la nature, profiter des momens rapides & successifs, où elles seront dans leur soûtien. Celle de dehors est-elle en l'air? celle de dedans est à terre. Croisez la rêne de dehors en-dedans, l'épaule de dehors obligée au mouvement circulaire de la faculté duquel elle est doüée, l'extrémité qu'elle dirige sera nécessitée de passer sur celle qui repose. Celle-ci est-elle élevée à son tour? agissez de la rêne de dedans, mais en raison du mouvement que vous vous proposez de suggérer à la jambe du même coté, & opérez avec cette activité, cette finesse & cette subtilité qu'exigent les tems des deux rênes; tems qui peuvent échapper d'autant plus aisement, qu'ils sont, ainsi qu'on doit le comprendre, extremement près & voisins l'un de l'autre. Jusqu'à-présent nous ne nous sommes occupés que des aides de la main: celles des jambes du cavalier seroient-elles donc inutiles? Je n'ai garde de les envisager comme telles; mais en me défendant des piéges du préjugé, je les regarde simplement comme des aides nécessaires ou auxiliaires, à-moins qu'il soit besoin de déterminer la machine en-avant; car ce n'est que dans ce cas qu'elles doivent être tenues pour des aides capitales. Voyez Manége . Or dans la supposition où le cheval se seroit retenu lors de mes premieres opérations, j'aurois approché mes jambes à l'effet de le resoudre, tandis que ma main auroit toûjours conduit & reglé les mouvemens des membres; & si ma rêne de dedans n'avoit pû contenir les hanches, & empêcher le cheval de devuider, j'aurois d'abord & sur le champ mis à moi la rêne de dehors, sans cesser de croiser l'autre dont j'aurois accru la tension; & je n'aurois fait usage de ma jambe de dehors, que dans la circonstance de l'insuffisance de ces deux premiers agens. Cet exercice sur les changemens de main étroits, pratiqué assez constamment pour frapper l'intelligence du cheval, & pour le confirmer dans l'exécution de cette leçon, on lui proposera des changemens de main larges. De ces changemens de main larges, on le conduira sur des cercles plus ou moins étendus, en cherchant à le rendre également libre aux deux mains; & enfin on le travaillera de la même maniere, la tête ou la croupe au mur; la téte au mur s'il tire, s'il pese, s'il a de l'ardeur, parce que par ce moyen il sera forcé de se rassembler, de s'allégerir & de s'appaiser avec moins d'aide de la bride, & non s'il a de la disposition à être rétif ou ramingue; car les leçons étroites & si sort limitées le rappelleroient à son vice naturel. Ses progrès doivent au surplus nous décider, eu égard au tems où il convient de susciter le pli auquel la souplesse de son encolure le dispose, & d'exiger que sa tête soit toûjours fixée sur le dedans. Ce pli est non-seulement nécessaire à la grace, mais à l'aisance & à la liberté de l'action du devant, puisqu'il ne peut avoir lieu que la jambe de dedans ne soit portée en-arriere, & que celle de dehors n'ait par conséquent plus de facilité à chevaler & à croiser. Il sera imprimé par la tension de la rêne de dedans, dirigée d'abord près du corps du cavalier, & croisée subtilement ensuite; car une partie de l'effet de sa direction au corps du cavalier, tendroit inévitablement à chasser la croupe sur le dehors, & il est besoin que cette partie de son effet soit détruite par le port de cette même rêne en-dehors. Du reste le cheval dans les commencemens doit être plié foiblement; & on ne doit l'habituer qu'insensiblement & peu-à-peu, à regarder ainsi dans le dedans, vû la contrainte dans laquelle le jette le racourcissement que le pli occasionne, & le retrécissement de ses hanches qui se trouvent alors extrèmement pressées. Si ce retrécissement est tel qu'elles soient prétes à échapper, elles pourront être contenues par la tension de la rêne de dehors, rapprochée du corps du cavalier, dans l'instant même où l'animal alloit les dérober, & par la précision avec laquelle la rêne de dedans sera croisée; précision qui suppose dans l'une & dans l'autre une proportion exacte, mais très-difficile à rencontrer. Enfin dans le cas où l'animal se retiendra, les aides des jambes l'en détourneront, & même celles de la jambe de dehors secourront celles de la main, si elles étoient impuissantes. Je terminerai cet article par quelques réflexions très simples, que je me dispenserai d'étendre, sur la pratique de ceux qui font fuir au cheval la gaule, la chambriere, ou le nerf de boeuf, plûtôt que les talons. Il n'est pas douteux, en premier lieu, que l'action de l'animal sur une ligne vis-à-vis de la muraille, ne lui coûte infiniment davantage qu'une action moins bornée, & dans laquelle ses membres moins assujettis joüissent de la liberté de se déployer en avant. Or je n'apperçois aucune raison capable de justifier ceux qui préferent d'abord cette ligne aux lignes obliques ou diagonales. En second lieu, l'idée d'employer continuellement la jambe & même le talon, & de leur confier le soin entier de maîtriser l'arriere-main (abstraction faite de l'endurcissement même qui en résulte de la part de l'animal, & de l'action de quoüiller, que de semblables aides occasionnent), me paroît peu conforme à celle que l'on doit concevoir du système de ses mouvemens. lorsque l'on consulte sa structure. La correspondance des épaules & des hanches est intime. Celles-ci fuient naturellement du côté opposé à celui où les premieres sont mûes, & les premieres tendent toûjours au sons opposé à celui où les secondes sont portées. La propension qu'elles ont à ce mouvement contraire, est rachetée par la faculté dont les membres sont doüés, conséquemment à leurs articulations sphéroides, de croiser les uns sur les autres; & c'est par ce moyen que l'action progressive peut être effectuée de côté: mais cette propension est toûjours telle, que la dépendance du devant & du derriere ne cesse point. & que la contrainte de l'un entraine la contrainte absolue de l'autre. Or si lorsque j'entreprends de les mouvoir ensemble dans un même sens, je captive le devant par l'action de ma main, & le derriere en même tems par l'action plus ou moins violente de ma jambe, & par les châtimens que l'on substitue à cette action, dans le cas de son insuffisance, il est certain que toute la machine se trouve entreprise par la contrariété des effets qui suivent de ces differentes aides; les hanches chassées & poussées sur le dedans, l'épaule que la main veut y porter est retenue sur le dehors, tout le corps se roidit, les membres ne joüissent plus de leur liberté, & l'animal se livre aux desordres que lui inspire la difficulté d'un mouvement, dont l'exécution, bien loin d'être facilitée, lui devient comme impossible. Il arrive encore que lorsque l'on est parvenu par un excès de force & de rigueur, & aux dépens de ses ressorts affoiblis par la gêne & par le travail, à l'habituer à l'obéissance & à le soûmettre par la voie dont il est question, à ce transport de biais & de côté, il est rare que son action soit exactement juste & mesurée, le cheval s'atteint & heurte fréquemment d'un sabot l'un sur l'autre. On remarque toujours le peu d'aisance avec laquelle l'épaule & le bras accomplissent le mouvement en rond, d'où résulte celui de chevaler; il se plie, il se couche dans la volte, il pousse la côte, il s'accule, il s'entable, il croise dessous de tems-en-tems, au lieu de croiser dessus; il se traverse, il n'embrasse jamais assez de terrein; on est obligé de le presser pour l'engager à décrire une diagonale; ses hanches enfin précedent continuellement le devant; & l'on peut dire que le cavalier ne regle en aucune façon son action, puisqu'il ne dispose point à son gré les membres sur le lieu même où ils doivent se poser, & qu'il le pousse plûtôt qu'il ne le conduit. Tels sont en général les défauts qu'il est très-facile d'observer dans un nombre infini de chevaux exercés dans la plûpart de nos manéges. Ils ne naissent véritablement que de l'emploi dur, cruel & mal-entendu des jambes que l'on charge trop inconsidérément d'une grande partie des opérations que l'on doit attendre de la précision, de la finesse, de la sagacité de la main, tandis qu'elles ne devroient que la seconder dans ses effets, lorsqu'ils sont combattus par la résistance de l'animal. J'avoue que cette maniere de le travailler n'est pas propre à le conduire à l'intelligence des aides qu'elles peuvent fournir; mais les exercices qui ont eu pour objet de le déterminer & de le resoudre, ainsi que l'action du pas écouté, & du passage par le droit qui a précédé cette leçon, ont dû la lui suggérer. D'ailleurs pourroit-on lui imprimer la connoissance de toutes les gradations de ces mêmes aides dans un mouvement aussi pénible pour lui, & qui exige constamment non-seulement l'approche la plus vive de la part de la partie qui doit aider, mais encore des châtimens & des secours étrangers? Le cheval peut encore cheminer de côte dans des autres allures que dans celles du passage, & même dans les airs relevés. Voyez les articles concernant ces airs & ces allures. ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuir Author=Landois Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Fuir Fuir ; il se dit en Peinture , des objets qui dans le lointain d'un tableau, s'éloignent naturellement des yeux: il faut faire fuir cette partie . On fait fuir les objets dans un tableau, en les diminuant de grandeur, de vivacité de couleur, c'est-à-dire en les faisant participer de celle de l'air. qui est entre l'oeil & l'objet, & en les prononçant moins que ceux qui sont sur le devant. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUITE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FUITE FUITE, s. f. c'est l'action de fuir. Voyez l'article Fuir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuite Author=Liebault Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Fuite Fuite . ( Art milit. ) action prompte & machinale par laquelle un être animé s'éloigne de quelque objet dont la vûe lui fait éprouver un sentiment de crainte, d'horreur, ou d'antipathie. Fuite , à la guerre, est un mouvement rétrograde, précipité, fait malgré tous les chefs d'une armée, & par lequel le soldat cherche à se dérober aux périls d'un combat; ce mot exprime l'acte des différens particuliers qui fuient, & non l'acte géneral de toute une armée. Quand la fuite se prolonge & devient universelle, elle prend le nom de déroute: une déroute est donc l'état d'une armée dont tous les membres ont abandonné le poste qu'ils devoient occuper, & dont les soldats dispersés ne peuvent plus se rallier. Exemple . Dans le moment où les soldats prennent la fuite , la fermeté de leurs officiers peut les arrêter, dissiper leur frayeur, & les faire revenir au combat. Quand ils ont abandonné leurs camarades & leurs drapeaux; que tous sont occupés du seul intérêt de leur conservation particuliere, on dit que l'armée est en déroute; & rien alors ne la peut sauver, à-moins qu'un obstacle insurmontable ne l'arrête malgré elle, & ne la force à se rassembler avant qu'elle ait été jointe par son ennemi. Voyez l'art . Fuyards . Article de M. Liebault . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuite Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fuite Fuite , ( Jurisprud. ) en termes de Palais , signifie un détour employé par une partie ou par son procureur, pour éloigner le jugement; comme quand on affecte de demander des copies ou communication de pieces que l'on connoît bien. Ces fuites sont des chicanes très-odieuses. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA FULA FULA, ( Hist. nat. bot. ) plante très-aromatique qui croît en Chine sur le bord de quelques rivieres; elle porte des fleurs jaunes comme du safran qui ont l'odeur du musc, & qui ressemblent à des tulipes. La racine est noire & fort grosse; il en part une forte tige de trois à quatre piés de hauteur; la feuille ressemble assez à celle de la vigne. Hubner, dictionn. univers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULGORA Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f. FULGORA * FULGORA, s. f. ( Myth. ) divinité qui présidoit aux éclairs, aux foudres, & aux tonnerres; Seneque en fait une veuve: il ne faut pas la confondre avec Jupiter, qu'on invoquoit sous le nom de fulgur ou de Jupiter éclair . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULGURATION Author=unknown Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=s.f. FULGURATION FULGURATION, s. f. fulmen, coruscatio . ( Chimie. Métallurgie. ) Voyez & Essai">Eclair, Affinage, & Essai . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULGURITE Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=NA FULGURITE * FULGURITE, fulguritum , ( Hist. anc. ) c'est ainsi que les Latins appelloient les lieux ou les objets frappés de la foudre, quasi fulgure ictum,; ils étoient sacrés par accident: on ne pouvoit plus les employer à des usages profanes. On y élevoit un autel sur lequel on sacrifioit des brebis de deux ans, ce qui faisoit encore appeller le lieu frappé de la foudre, du nom de bidental . Les grecs plaçoient sur cet autel une urne ouverte dans laquelle ils renfermoient les restes des choses que la foudre avoit noircies ou brûlées; coûtume que les Romains adopterent: les augures étoient chargés de cette fonction. Quant à la purification des arbres foudroyés, elle étoit commise à des hommes particuliers connus sous le nom de strufertarii . On ne brûloit point à l'ordinaire les corps de ceux qui avoient péri par la foudre. La loi de Numa ordonnoit qu'ils fussent enterrés sur le lieu même de l'accident: fouler aux piés leur sépulture, étoit sinon un crime, du-moins un acte irreligieux pour lequel il y avoit des expiations & lustrations prescrites. Voyez Expiation & Lustration . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULIGINEUX Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=adject FULIGINEUX FULIGINEUX, adj. ( Phys. ) épithete qu'on donne à une fumée ou vapeur épaisse remplie de suie ou autre matiere crasse. Voyez Fumée , Suie, & Vapeur Ce mot vient du latin fuligo , suie; on l'employe rarement sans le joindre à vapeur . Dès que les métaux se mettent en fusion, il s'en éleve beaucoup de vapeurs fuligineuses , qui étant retenues & ramassées, forment ce que nous appellons litharge . Le noir de fumée est ce qu'on ramasse des vapeurs fuligineuses qui s'élevent des substances résineuses qu'on brûle. Voyez Noir de Fumée . Chambers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuligineux Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=adject Fuligineux Fuligineux , adj. ( Méd. ) est une épithete employée par les anciens pour désigner certaines humeurs subtiles qu'ils imaginoient pouvoir être portées sous forme de fumée, de vapeurs, des visceres des hypochondres au cerveau. Voyez Passion hypochondriaque , Hystérique , Vapeurs , ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULMINATION Author=Villiers Normalized Classification=Chimie Part of Speech=s.f. FULMINATION FULMINATION, s. f. ( Chimie. ) c'est l'action d'un corps qui en conséquence de la chaleur qu'on lui applique, s'écarte rapidement & avec fracas, & qui est capable de l'imprimer à ceux qu'il rencontre; ce, qu'on appelle explosion: telle est l'action de l'or fulminant, de la poudre fulminante, de la poudre à canon, &c. La fulmination ne differe donc de la détonation qu'en degré de force; c'est une détonation portée à l'excès, soit par la nature du corps même qui détonne, soit par sa quantité ou par les obstacles qu'il rencontre; toutes causes capables de changer l'une en l'autre. Ainsi le mélange qui fait les flux noir & blanc, détonne simplement; de même que celui qui constitue la poudre à canon, pourvû toutefois que cette poudre soit en petite quantité & à l'air libre. Mais la poudre fulminante & l'or fulminant ne détonnent pas simplement; en sorte que c'est à juste titre qu'on les a qualifiés de la sorte. Lefevre a confondu mal-à-propos la fulmination avec la fulguration, outre qu'il en donne une définition fausse dans tous ses points. Voyez Or fulminant , Poudre fulminante , Poudre à Canon , Détonation , Vapeurs , Expansion . Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fulmination Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Fulmination Fulmination , ( Jurisprud. ) est une sentence d'un évêque ou d'un official ou autre ecclésiastique qui est délégué par le pape à cet effet; laquelle sentence homologue, c'est-à-dire ordonne l'exécution de quelques bulles, dispenses, ou autres rescrits de cour de Rome. La fulmination de ces sortés d'actes doit être faite dans le diocèse où l'on veut s'en servir. Celle des bulles des évêques, abbés, & abbesses, des dispenses de mariage, des signatures portant dispense d'irrégularité des rescrits de réclamation de voeux, ou contre les ordres sacrés, de translation d'un religieux, & autres semblables, sont ordinairement adressés à l'official diocésain. Voyez la Jurisprudence canonique de Lacombe, au mot official , & le diction. des arrêts , au mot bulles, n°. 9 . On dit aussi, fulminer une excomunication , c'est-à-dire la prononcer . Suivant le pontifical, l'évêque qui la prononce est en habits pontificaux, & accompagné de douze prêtres en surplis: après que la sentence est prononcée, ils jettent à terre les cierges qu'ils tenoient allumés. Voyez Eveillon, en son traité des excommunications . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FULMINER Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA FULMINER FULMINER, ( Chimie. ) Voyez Fulmination . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FUMAGE FUMAGE, s. m. ( Jurispr. ) est un droit dû à quelques seigneurs sur les étrangers faisant feu & fumée dans leur seigneurie: le seigneur de Chevre en Bretagne joüit de ce droit. Voyez Fouage & Fournage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUM-CHIM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUM-CHIM FUM-CHIM, ( Géog. ) petite ville de la province de Kiansi. Sa long . suivant le P. Noël, 152 d . 13'. 30''. & suivant d'autres observations plus récentes, 141 d . 5'. sa latit. 28 d . 5' . ( D J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMÉE Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. FUMÉE FUMÉE, s. f. ( Physique. ) on appelle ainsi cette vapeur plus ou moins sensible & plus ou moins épaisse qui s'éleve de la surface des corps qui brûlent. Elle est composée des parties les plus grossieres qui servent à l'aliment du feu dans le corps combustible; savoir des parties terrestres, oléagineuses, aqueuses, & salines. Par conséquent, elle n'est pas fort différente de la flamme ( voyez Flamme ); & elle peut facilement se convertir en flamme, dès qu'on y joint un peu de feu: c'est pour cela qu'on peut faire prendre flamme avec très-peu de feu à du bois qui fume beaucoup. Comme il y a dans la fumée des parties qui ne peuvent servir de nourriture au feu, telles que les vapeurs, les sels, & la terre; il est nécessaire que la fumée puisse se dissiper librement, pour que le feu subsiste. Voyez Feu , & l'essai de Physique de Musschenbroek, ch. xxvj. Voyez aussi Cheminée . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumée Author=unknown Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Fumée Fumée , ( Médecine. ) Voyez Vapeurs . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumée Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Fumée Fumée , ( Vénerie. ) on prend des lapins à la fumée du soufre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumées Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fumées Fumées sont les fientes des bêtes fauves, & l'on en remarque de trois sortes; fumées formées, fumées en troches, & fumées en plateaux. En Avril & Mai, les fumées sont en plateaux; en Juin & jusque vers la mi-Juillet, elles sont en troches; & depuis la mi-Juillet jusqu'à la fin d'Août, elles sont formées en noeud. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FUMER FUMER, Voyez Fumée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumer Author=Villiers Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=NA Fumer Fumer , ( Chimie. Métallurgie. ) faire fumer l'antimoine; c'est fondre un régule d'antimoine tenant de l'or, & l'élever en fleur par le vent d'un soufflet. Dans la purification de l'or par l'antimoine, on se sert d'un creuset qu'on place au fourneau de fusion: ce demi-métal fondu se dissipe assez par l'action de l'air & du feu; mais beaucoup plus vite, quand on y joint le vent d'un soufflet à main. L'artiste lui adapte pour lors un tuyau courbe, afin de n'être pas obligé d'avoir les bras continuellement levés, & de n'être pas incommodé par la chaleur. Il est aisé de concevoir que cette opération doit se faire à l'air libre, & que le bain doit être bien liquide. Au défaut d'un fourneau de fusion, on a recours à la forge, dont on anime le feu avec le gros soufflet, indépendamment du soufflet à main, dont on dirige toûjours le vent sur le bain. Au deu d'un creuset, on peut encore employer un bon scorificatoire à fond plat, & l'opération en va plus vîte, parce que le bain a plus de contact avec l'air, en conséquence de sa plus grande étendue: mais la perte de l'or est plus considérable, surtout quand il est joint à une grande quantité d'antimoine. C'est ainsi qu'on sépare ce demi-métal de l'or: mais il n'est pas possible de dissiper le reste de la partie réguline, qu'en tenant le mélange long-tems dans un scorificatoire sur un feu vif, & le soufflant fortement; à moins qu'on n'ait recours à la cémentation, ou qu'on ne fonde l'or avec le nitre & le borax. Cramer . Si on étoit tenté de retenir les fleurs d'antimoine, pour savoir si elles contiennent de l'or. on pourroit avoir recours à un appareil que donne Libavius, part. I. lib. III. pag. 279 . Il consiste en un vaisseau elliptique, à chaque sommet duquel il y a un tuyau, l'un pour recevoir celui du soufflet, & l'autre pour conduire les fleurs dans un grand pot de terre placé à côté du fourneau. Ce pot est fermé d'un couvercle; & le vaisseau elliptique qu'on couche dans le fourneau de fusion, a aussi une ouverture qu'on ferme encore exactement sans doute: on met des charbons ardens dessus & dessous. Libavius croit trouver des vestiges de la description de ce vaisseau dans Dioscoride: mais reste à savoir si cet appareil peut aller; & s'il ne faut point quelque issue au pot de terre qui reçoit les fleurs, pour le jeu de l'air. Si l'on veut savoir en quel état est cette chaux d'antimoine, on peut consulter la section antimoine diaphorétique, à l'article Fondant de Rotrou . Voyez Or , Affinage , Purification , Précipitation, & Antimoine . Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumer Author=unknown Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=NA Fumer Fumer ( Chimie. Métallurgie. ) se dit en ce sens, faire fumer une coupelle , ou l'évaporer. Voyez Essai & Évaporer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumer Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Fumer Fumer , ( Jardin. ) c'est engraisser les terres. Voy . Engrais . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumer, Boucaner, Soreter, Sorire, des harengs, sardines, &c. Author=unknown Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA Fumer, Boucaner, Soreter, Sorire Fumer, Boucaner, Soreter, Sorire , des harengs, sardines , &c. termes synonymes de Péche. Voyez Sorrer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMET Author=unknown Normalized Classification=Vénerie | Cuisine Part of Speech=s.m. FUMET FUMET, s. m. ( Vénerie & Cuisine. ) vapeur particuliere qui s'exhale de l'animal crud ou cuit, & qui désigne sa bonté, à l'odorat du connoisseur en gibier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMETERRE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. FUMETERRE FUMETERRE, s. f. fumaria , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleurs polypétales, anomales, ressemblantes aux fleurs légumineuses, & composées de deux pétales qui ont en quelque façon la forme de deux levres; celle du dessus est terminée par une sorte de queue, & est unie à la levre du dessous, à l'endroit du pédicule. Le pistil est enveloppé d'une gaine & situé entre ces deux levres, comme une sorte de langue; il devient dans la suite un fruit membraneux, qui est plus ou moins alongé, & qui renferme une semence arrondie. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante ( I ) On compte dix à douze especes de fumeterre , entre lesquelles il suffira de décrire ici la principale fumaria vulgaris offic. C. Bauh. pinac. 143 . Tournef. inst. 422 . Boerh. ind. A. 308 . Park. 287 . J. Bauh. 3. 201 . Ray, hist. 405. synop. 3. 204 . Sa racine est menue, blanche, peu fibreuse, plongée perpendiculairement dans la terre: sa tige, ou ses tiges, sont partagées en plusieurs branches anguleuses, creuses, lisses, de couleur en partie purpurine & en partie d'un blanc verdâtre; ses feuilles inférieures sont alternes, portées sur de longues queues, un peu larges & anguleuses, d'un verd de mer, & finement découpées, comme les feuilles de quelques plantes à fleur en parassol. Ses fleurs sont ramassées en un épi qui ne sort pas de l'aisselle des feuilles, mais du côté opposé; elles sont petites, oblongues, de plusieurs pieces irrégulieres, semblables aux fleurs légumineuses. Elles sont composées seulement de deux feuilles, qui forment une maniere de gueule à deux mâchoires, dont la supérieure finit en derriere par une queue, & l'inférieure est articulée avec elle dans l'endroit où l'une & l'autre tiennent au pédicule. On trouve dans le palais qui est le creux d'entre les deux mâchoires, un pistil enveloppé d'une gaine, & accompagné de quelques étamines garnies de sommets. A chaque fleur succede un fruit membraneux, arrondi, qui renferme une très-petite graine ronde, d'un verd foncé, d'une saveur amere & desagréable. Cette plante vient naturellement dans les champs, les terres labourées, & dans les endroits cultivés. Elle fleurit en Mai, & est toute d'usage, sur tout lorsqu'elle est fleurie. Voyez Fumeterre , ( Mat. med. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumeterre Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie. Matière médicale Part of Speech=NA Fumeterre Fumeterre , ( Pharmacie. Mat. med. ) cette plante est une de celles qui sont appellées ameres par excellence. La fumeterre fraîche entre dans les infusions, les décoctions, & les bouillons appellés amers: on en exprime le suc, que l'on clarifie par ébullition ou par défécation. Voyez Suc . On tient aussi dans les boutiques l'extrait de cette plante, qui se prépare en faisant évaporer au bain-marie le suc exprimé & clarifié jusqu'à la consistance requise. Voyez Extrait . La fumeterre est une plante à laquelle on attribue de grandes vertus; elle est recommandée dans les obstructions, dans la rétention des regles & des urines; elle passe pour fortifier l'estomac & les visceres; elle est presque toûjours un des ingrédiens des remedes qu'on prescrit dans la cachexie, les maladies chroniques, hypochondriaques, scorbutiques, la mélancolie, la jaunisse, &c. Riviere & Etmuller la recommandent beaucoup dans la cachexie & la mélancolie. Cette plante est vantée comme un spécifique pour guérir la gale, même la plus invétérée: on en fait infuser une poignée dans du petit lait, qu'on fait prendre au malade; ou bien on en donne le suc exprimé & clarifié, à la dose de 2, 3, 4 onces: elle procure de très-bons effets dans toutes les maladies de la peau; elle est aussi réputée fébrifuge; & on la mêle avec les autres remedes de cette classe. Le suc exprimé de cette plante se prescrit souvent & avec succès dans le scorbut; on le mêle avec celui de cresson, de cochléaria, &c. L'extrait est très-souvent employé dans les opiates apéritives, antictériques, & fébrifuges. La fumeterre nous fournit, comme nous l'avons dit, plusieurs bons remedes, son suc, son extrait, &c. outre cela, on prépare avec son suc un sirop qu'on peut fort facilement faire prendre aux enfans auxquels on croit cette plante nécessaire. On distilloit autrefois cette plante; & l'eau que l'on retiroit passoit pour être diurétique & sudorifique: mais cette eau ne se fait plus; & en effet la fumeterre n'est pas d'une nature à être distillée. Voyez Eau distillée . La fumeterre entre dans le syrop de chicorée composé; le suc de cette plante entre dans l'electuaire de psyllium, dans les pilules angéliques: son extrait est prescrit dans la confection hamech & dans les pilules de Stahl. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMEUX Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FUMEUX FUMEUX, adj. ( Gramm. ) épithete qu'on ne donne guere qu'à certains vins mal-faisans qui portent à la tête, avec quelque modération qu'on en boive. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMIER Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. FUMIER FUMIER, s. f. ( Econom. rustiq. ) c'est un mélange des excrémens du bétail avec la paille qui lui a servi de litiere. Ces matieres étant foulées par les animaux, & macérées dans leur urine, sont dans un état de fermentation dont la chaleur se communique aux terres sur lesquelles on les répand: de plus, elles contiennent un sel alkali qui se combine avec l'acide repandu dans l'air, & forme avec lui des sels moyens dont les plantes tirent une partie de leur nourriture. Les fumiers sont le principal ressort de l'Agriculture; & ce mot, par lequel on désigne métaphoriquement ce qu'on juge méprisable, exprime réellement la vraie source de la fécondité des terres & des richesses sans lesquelles les autres ne sont rien. Tout systeme d'Agriculture dans lequel les fumiers ne seront pas mis au premier degré d'importance, peut être à bon droit regarde comme suspect. Quelques personnes ont blâmé les vûes économiques de M. de Sully, & accuse de petitesse l'opposition qu'il marquoit pour l'établissement des manufactures de soie. Cette accusation pourroit être regardée comme faite au moins legerement & sans assez d'examen. Sans adopter aucun systeme. exclusif, nous osons dire qu'il est à craindre que l'usage trop multiplié de la soie n'avilisse le prix des laines, & ne décourage sur l'entretien des troupeaux. Il est certain que notre Agriculture étoit beaucoup plus active & plus florissante du tems de M. de Sully, qu'elle ne l'est aujourd'hui: or l'état de l'Agriculture dépend de la quantité du bétail. Les terres ne peuvent emprunter que des fumiers cette fécondité non interrompue qui enrichit les propriétaires & les cultivateurs. Quand on compare attentivement le produit général des Arts avec celui des terres, il est aisé de voir combien le dernier l'emporte sur l'autre par l'importance & par la sûreté. Voyez Grains , ( Econom. politiq. ) Les Laboureurs n'ignorent pas que l'emploi continuel des fumiers est d'une nécessité absolue pour le succès de leurs travaux; mais il en coûte pour nourrir des troupeaux; & quelques-uns sont retenus sur cette dépense par l'avarice, d'autres sont arrêtés par l'impuissance: les premiers méritent de n'être corrigés que par la pauvreté, & ils doivent s'y attendre; avec quelques efforts, les autres ont un moyen de se relever. Si je me trouvois chargé d'une ferme dénuée de fumier , & peu fournie de paille, voici ce que je ferois. Je semerois en herbe, trefle, sainfoin, &c. une partie de mes terres, & je ne réserverois pour le grain que celles qu'il me seroit possible de fumer: dès-lors moins de depenses en labours, &c. Ces herbes artificielles semées dans une terre mal preparée ne produiroient pas de grandes récoltes, mais elles fourniroient à la nourriture de quelques bestiaux, aux fumiers desquels je devrois peu-à-peu la fertilité de mes terres: les prés factices seroient eux-mêmes défrichés au bout de trois ou quatre ans; améliorés par le repos, ils seroient devenus propres à porter des grains en abondance; & les pailles me mettroient en état de nourrir une plus grande quantité de bétail: alors ma cour se rempliroit de fumiers; & en peu d'années, mes terres seroient remises à ce degre de fécondité sans lequel la culture est onéreuse. Voyez Prairies artificielles . Les fumiers ont des qualités dont la différence est déterminee par l'espece de l'animal qui les façonne. Le fumier de vache est gras & frais; il convient aux terres chaudes & sablonneuses: celui de mouton a plus de chaleur; il réussit principalement dans les terres blanches & froides: celui de cheval a une sorte de sécheresse qui le rend spécialement propre aux terres fortes. Voyez Engrais Une partie des propriétés du fumier tient, comme nous l'avons dit, à son etat de fermentation. Il faut donc ne pas l'employer, avant que la fermentatation soit bien établie: on doit même attendre que la putréfaction soit à un certain degré; ce degre se reconnoît à la chaleur qui doit avoir précede, & se faire encore sentir dans le fumier , & a une odeur assez forte d'alkali volatil qui s'en exhale. Si on le répand trop tôt sur les terres, il n'a pas encore acquis l'activité qu'il doit leur communiquer. Si on le laisse se consommer en terreau, ce ne sont plus que des parties friables qui s'interposent sans chaleur entre les molécules de la terre; & l'alkali volatil est évaporé. Il y a cependant une remarque à faire; & nous la devons à M. Tillet, à qui l'Agriculture doit tant: ses expériences sur la nielle lui ont appris que cette maladie se communique par les fumiers composés de pailles suspectes, à moins qu'ils ne soient réduits presque en terreau: il y a apparence que la poussiere noire qui perpétue cette contagion, contient un acide, puisque son effet est détruit par les lessives de soude, de cendre, &c. Voyez Nielle . Article de M. le Roy , lieutenant des chasses du pare de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMIGATION Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=s.f. FUMIGATION FUMIGATION, s. f. ( Chimie. ) est l'action par laquelle une vapeur corrode, dissout, ou pénetre un corps métallique dans la cémentation. V. cet art. On la distingue en seche & en humide; & quelques auteurs, comme Cramer, donnent strictement le nom de fumigation à celle-là, & de vaporation à celle-ci. La fumigation proprement dite ou fumigation seche, est donc l'action d'exposer à une fumée ou vapeur, comme menstrue capable de devenir concrete par elle-même, le corps auquel on veut faire subir quelque changement; comme quand on stratifie des lames de fer avec des matieres contenant du phlogistique ( Voyez Fer & Acier, & Trempe en Paquet ); du cuivre avec de la calamine ou ses produits ( Voyez Cuivre & Laiton ); du soufre & de l'arsenic au fer & au cuivre. Voyez Vaporation . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumigation Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine thérapeutique Part of Speech=NA Fumigation Fumigation , en latin moderne fumigation, fumigium , ( Medec. thérap. ) medicament externe, appliqué sous la forme de vapeur ou de fumée, à diverses parties du corps humain, pour la guérison des maladies. Il résulte de-là, qu'on peut distinguer deux sortes de fumigations , les unes humides, & les autres seches. Les fumigations humides se font en exposant toute la surface du corps, ou seulement la partie malade, aux vapeurs d'un médicament qu'on fait bouillir sur le feu; telle est la vapeur des décoctions émollientes anodynes, que les Medecins conseillent de recevoir sur une chaise de commodité, pour appaiser les douleurs hémorrhoïdales. Telles sont encore les vapeurs du vinaigre que l'on tient sur le feu, & qui se répandent dans l'air, pour en purifier l'atmosphere dans les maladies contagieuses & pestilentielles. On conçoit déjà que la matiere des fumigations humides est toute liqueur qui peut par l'action du feu se résoudre en vapeurs; par exemple, l'eau, le lait, le petit-lait, le vin, le vinaigre, l'esprit-de-vin, l'urine, les préparations officinales, comme les eaux distillées, les teintures, les essences, les esprits, les infusions, les décoctions, &c. Les vapeurs humides se tirent de toutes ces choses, ou en les enflammant, ou ce qui est le plus ordinaire, en les faisant bouillir sur le feu. Ce seroit sans doute une chose ridicule, que d'employer pour fumigations humides , des mixtes dont la vertu ne pourroit se volatiliser par la chaleur de la liqueur bouillante. Par conséquent, les astringens, les extraits épaissis par la coction, les parties fixes des animaux & des fossiles, ne sauroient convenir. S'il faut appliquer de fort près la vapeur humide sur le corps, on a inventé pour y parvenir des loges, des siéges, des coffres, des machines voûtées, ou le malade debout, assis, couché, ayant la tête en-dehors, étant nud, ou simplement couvert d'un linge fin, reçoit la vapeur qui s'éleve de la liqueur bouillante ou enflammée. S'il s'agit de diriger les vapeurs dans quelque cavité du corps, par exemple, dans l'oreille, les narines, le pharynx, les bronches, le vagin. l'uterus, le fondement; on se sert d'entonnoirs faits exprès. Enfin, comme les vapeurs élevées par le feu sont d'une extrème pénétrabilité, & que le medecin n'a d'autre but que le soulagement & la guérison de son malade; c'est à lui bien instruit, qu'il appartient dans chaque cas particulier de prescrire combien de tems doit durer la fumigation humide , combien de fois il faut la répéter, ce qu'il convient de faire avant, pendant, & après le remede. Les fumigations seches , connues par quelques-uns sous le nom de parfums , se pratiquent en exposant la partie malade à la fumée de quelque médicament externe sec, inflammable, ou volatil, qu'on brûle sur des charbons ardens, & dont on introduit la fumée par artifice dans les ouvertures extérieures du corps humain. C'est ainsi qu'on employe la fumigation de l'ambre, du castoréum, du jayet, dans les suffocations de matrice; la fumigation du soufre dans les maladies cutanées, & quelquefois les fumigations mercurielles dans les maux vénériens. Voyez Fumigation mercurielle . On employe les fumigations seches dans la cure prophylactique & thérapeutique, pour fortifier, échauffer, résoudre, dessécher: en conséquence, on expose aux fumigations seches des morceaux de flanelle ou de toile, avec lesquels on peut frotter les parties malades, & de telles frictions méritent de n'être pas négligées. Voyez Friction . Mais il faut remarquer que dans les fumigations seches , ainsi que dans les fumigations humides , le medecin doit toûjours faire attention à la porosité de toute l'habitude du corps, à la sensibilité, à la délicatesse des parties internes, enfin à cette force étonnante du feu, qui sépare le principe des corps concrets, & qui les change entierement. Ces sortes d'attentions sont nécessaires, afin de choisir les matieres qui conviennent au but qu'on se propose, & qui peuvent soulager les parties malades, sans nuire à celles qui sont saines. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fumigation mercurielle Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Fumigation mercurielle Fumigation mercurielle , ( Chirurgie. ) espece particuliere de subfumigation employée par quelques personnes au traitement des maladies vénériennes, en faisant recevoir la vapeur du cinnabre, ou de quelque autre préparation mercurielle, pour exciter le flux de bouche dans la vérole. Thierry de Hery, célebre chirurgien de Paris, qui a apporté vers le milieu du xv. siecle, d'Italie en France, la méthode des frictions, propose les fumigations mercurielles comme un moyen subsidiaire dans plusieurs cas. On a voulu depuis peu en faire une méthode universelle, & donner cette fumigation en couvrant entierement le malade d'un drap ou d'une couverture, les yeux & la bouche bandés, afin qu'il puisse recevoir la vapeur mercurielle par le nez. Les épreuves de cette méthode ont été faites aux Invalides & à l'hopital de Bicêtre, sous l'autorité des ministres & des magistrats; elles ont trouvé pour protecteurs une partie des personnes chargées d'en examiner les effets. Les Chirurgiens guidés par l'expérience qu'ils ont acquise dans le traitement de cette maladie, n'ont point été les partisans de quelques réussites apparentes de ces tentatives; elles ont eu en peu de tems le sort de presque toutes les nouveautés qui s'introduisent dans la pratique de l'art de guérir, & qu'on voit tomber peu-après dans l'oubli, jusqu'à ce que quelque homme entreprenant & avide tâche d'en tirer parti & d'en imposer au public, qui se laisse aisément séduire par ceux qui lui promettent guérison par des voies extraordinaires. M. Col de Villars approuve dans son petit dictionnaire des termes de Medecine & de Chirurgie , l'usage des fumigations mercurielles . Elles réusissent sans inconvénient, dit cet auteur, pourvû que la dose du remede soit petite, & que la fumigation ne dure que deux ou trois minutes. De cette maniere le mercure ne cause point de salivation: quand elle paroît, continue M. de Villars, on cesse la fumigation , & on purge le malade. Instruits par l'exercice & la pratique de l'Art, les Chirurgiens n'admettent point les fumigations , comme une méthode générale, complette, & qu'on puisse substituer aux frictions dont elles n'ont pas les avantages; nous ne devons cependant pas les rejetter absolument: quoiqu'elles ayent été dans tous les tems la méthode de quelques empyriques, des mains habiles pourront quelquefois trouver des ressources dans leur usage. Les fumigations peuvent seconder efficacement & faciliter l'opération des frictions: celles-ci sont quelquefois insuffisantes pour déraciner entierement les maux vénériens. Lorsqu'on a emporté les principaux accidens, s'il y a des parties affligées de quelque reste de vérole, on peut les exposer aux fumigations . Hery, notre premier maître en cette partie, a traité des malades qui en ont éprouvé les plus heureux succès; elles ont emporté des caries qui rongeoient les os du nez: voyez Ozene . Elles ont soulagé des affections même du poumon. Par quelle autre voie auroit-on pû appliquer le mercure immédiatement sur ces vices locaux? Lorsque le virus vénérien n'a point déconcerté toute l'économie animale, & que quelques parties en sont seulement infectées, leurs accidens peuvent être soûmis à l'administration locale du spécifique anti-vénérien par le moyen des fumigations . M. Bruyere de l'académie royale de Chirurgie, lut à la séance publique de cette compagnie le 7 Juin 1746, une observation sur une tumeur au genou, dont les douleurs étoient si violentes, que la personne ne pouvoit supporter l'application d'une simple compresse trempée dans une décoction anodyne. M. Bruyere après les préparations générales, jugea que l'administration du mercure étoit nécessaire: mais comme la méthode ordinaire lui étoit interdite, parce que la malade s'obstinoit à ne lui point faire l'aveu de la vraie cause de son mal; entre plusieurs autres moyens accessoires, quoique moins sûrs, & souvent inefficaces, il se détermina en faveur des fumigations faites sur la partie malade; elles procurerent une salivation très-médiocre, mais beaucoup d'évacuations par les selles, les sueurs, & les urines; la tumeur & la douleur diminuerent de jour en jour, & enfin la malade fut parfaitement rétablie au bout de deux mois au moyen de vingt fumigations , des purgatifs, & de l'usage du lait. On peut lire le détail de cette cure dans le mercure de France, mois de Décembre 1746 . La fig. 12 . Pl. VII . chirur . représente un entonnoir pour recevoir les fumigations dans le vagin. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUMISTE Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. FUMISTE FUMISTE, s. m. ( Arts méc. ) On appelle ainsi celui qui empêche ou qui prétend empêcher les cheminées de fumer. Sur quoi voyez l'article Cheminée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNAMBULE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA FUNAMBULE FUNAMBULE, danseur de corde. Voyez Scenobate . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNCHAL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUNCHAL FUNCHAL, ( Géog. ) ville de l'Océan atlantique, vers les côtes de Barbarie, capitale de l'ile de Madere, sous la domination du roi de Portugal, avec un évêché suffragant de Lisbonne, un port & plusieurs forts. Le P. Biet qui y passa en 1652, l'appelle Fonsaie , & la décrit dans son voyage de la terre équinoctiale. Son commerce consiste en confitures & en vins. Lon. suivant le P. Laval jésuite, 2 d . 55'. 15". lat. 32 d . 37'. 53" . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNEBRE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA FUNEBRE * FUNEBRE, ( Gramm. ) qui appartient aux funérailles. Ainsi l'on dit, pompe funebre, oraison funebre, jeux funebres . Les jeux funebres consistoient en des processions & des combats de gladiateurs, que l'on donnoit autour du bûcher. Voyez Gladiateur , Funérailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funebre, (Colonne) Author=Jaucourt Normalized Classification=Architecture antique Part of Speech=NA Funebre Funebre , ( Colonne ) Architect. antiq . c'etoit une colonne surmontée d'une urne, dans laquelle on supposoit enfermées les cendres de quelque mort. Le fût de cette colonne étoit parsemé de larmes & de flammes, qui sont les symboles de la Tristesse & de I'Immortalité. Rien ne convenoit mieux au témoignage de la douleur & du sentiment. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNEN ou FUYNEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUNEN ou FUYNEN FUNEN ou FUYNEN, ( Géog. ) en latin Finnia , île considérable de Danemark, d'une figure presque ronde, dans la mer Baltique, entre l'île de Zéland dont elle est séparée à l'est par le grand Belt, & le sud-Jutland, dont elle est aussi séparée à l'oüest par le petit Belt. Cette ile est fort peuplée, abondante en grains, en pâturages, en chevaux très-estimés, & elle est l'apanage du fils aîné du roi de Danemark. Odensée en est la capitale. Long. 27 d . 26-28. 40. lat. 55 d : 6.50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNER un mât Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA FUNER FUNER un mât , ( Marine. ) c'est garnir le mât de son étai, de ses haubans, & de sa manoeuvre. Le défuner , c'est les ôter. Quand par de gros tems on veut mettre bas les mâts de hune ou le perroquet, il faut les défuner . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNÉRAILLES Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m.pl. FUNÉRAILLES FUNÉRAILLES, s. m. pl. ( Hist. anc. ) ce mot est dérivé du latin funus , & celui-ci de funalia; parce que les torches ( funes cerâ circumdati ) étoient d'usage dans les enterremens des Romains. Les funérailles sont les derniers devoirs que l'on rend à ceux qui sont morts, ou, pour mieux dire, c'est un appareil de la vanité & de la misere humaine. Voyons quelles étoient les cérémonies de cet appareil chez les Egyptiens, les Grecs, & les Romains; car l'histoire en parle si souvent, qu'il est nécessaire d'entrer dans quelques détails à ce sujet. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Egyptiens Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Egyptiens . Les Egyptiens sont les premiers de tous les peuples qui ont montré le plus grand respect pour les morts, en leur érigeant des monumens sacrés, propres à porter aux siecles futurs la mémoire des vertus qu'ils avoient cultivées pendant leur vie. Voici comme on se conduisoit pour les particuliers. Quand quelqu'un étoit mort dans une famille, les parens & les amis commençoient par prendre des habits lugubres, s'abstenoient du bain, & se privoient de tous les plaisirs de la bonne-chere. Ce deuil duroit jusqu'à quarante & soixante-dix jours Pendant ce tems-là on embaumoit le corps avec plus ou moins de dépense. Des que le corps étoit embat mé, on le rendoit aux parens qui l'enfermoient dans une espece d'armoire ouverte, où ils le plaçoient debout & droit contre la muraille, soit dans leur maisons, soit dans les tombeaux de la famille. C'est par ce moyen que la reconnoissance des Egyptiens envers leurs parens se perpétuoit d'âge en âge. Les enfans en voyant le corps de leurs ancêtres, se souvenoient de leurs vertus que le public avoit reconnues, & s'excitoient à aimer les préceptes qu'ils leur avoient laissés. J'ai dit des vertus que le public avoit reconnues; parce que les morts avant d'être admis dans l'asyle sacré des tombeaux, devoient subir un jugement solennel; & cette circonstance des funérailles chez les Egyptiens, offre un fait des plus remarquables de l'histoire de ce peuple. C'est une consolation en mourant de laisser un nom qui soit en estime; & de tous les biens humains, c'est le seul que le trépas ne peut ravir: mais il falloit en Egypte mériter cet honneur par la décision des juges: car aussi-tôt qu'un homme étoit privé du jour, on l'amenoit en jugement, & tout accusateur public étoit écouté. S'il prouvoit que la conduite du mort eût été mauvaise, on en condamnoit la mémoire, & il étoit privé de la sépulture; si le mort n'étoit convaincu d'aucune faute capitale, ou l'ensevelissoit honorablement. Les rois n'étoient pas exempts du jugement qu'il falloit subir après la mort; & en conséquence d'un jugement défavorable, quelques-uns ont été privés de la sépulture; coûtume qui passa chez les Israélites. En effet nous lisons dans l'Ecriture-sainte, que les méchans rois d'Israel n'etoient point ensevelis dans les tombeaux de leurs ancêtres. Lorsque le jugement qui avoit été prononcé se trouvoit à l'avantage du mort, on procédoit aux céremonies de l'inhumation; ensuite on faisoit son panégyrique, & où on ne comptoit pour objets de vraies loüanges, que ceux qui émanoient du mérite personnel du mort. Les titres, la grandeur, la naissance, les biens, les dignités, n'y entroient pour rien; parce que ce sont des présens du hasard & de la fortune: mais on loüoit le mort de ce qu'il avoit cultive la pieté à l'égard des dieux, la justice envers ses égaux, & toutes les vertus qui font l'homme de bien; alors l'assemblée prioit les dieux de recevoir de mort dans la compagnie des justes, & de l'associer à leur bonheur. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Grecs Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Grecs . Nous passons aux funérailles des Grecs qui suivirent l'usage de la république d'Athenes. Ce fut la premiere année de la guerre du Péloponese, que les Athéniens firent des funérailles publiques à ceux qui avoient été tués dans cette campagne, & ils pratiquerent depuis cette cérémonie, tant que la guerre subsista. Pour cela on dressoit, trois jours auparavant, une tente, où l'on exposoit les ossemens des morts, & chacun jettoit sur les ossemens des fleurs, de l'encens, des parfums & autres choses semblables; puis on les mettoit sur des chariots dans des cercueils de cyprès, chaque tribu ayant son cercueil & son chariot séparé; mais il y avoit un chariot qui portoit un grand cercueil vuide, pour ceux dont on n'avoit pû trouver les corps: c'est ce qu'on appelloit cenotaphe . La marche se faisoit avec une pompe grave & religieuse; un grand nombre d'habitans, soit citoyens, soit étrangers, assistoit avec les parens à cette lugubre cérémonie. On portoit ces ossemens dans un monument public, au plus beau fauxbourg de la ville, appellé le céramique , ou l'on renfermoit de tout tems ceux qui étoient morts à la guerre, excepté ceux de Marathon, qui pour leur rare valeur furent enterrés au champ de bataille. Ensuite on les couvroit de terre, & l'un des citoyens des plus considérables de la ville faisoit l'oraison funebre. Après qu'on avoit ainsi payé solennellement ce double tribut de pleurs & de loüanges à la mémoire des braves gens qui avoient sacrifié leur vie pour la défense de la liberté commune, le public qui ne bornoit pas sa reconnoissance à des céremonies ni à des larmes stériles, prenoit soin de la subsistance de leurs veuves & des orphelins qui étoient restes en bas âge: puissant aiguillon, dit Thucydide, pour exciter la vertu parmi les hommes; car elle se trouve toujours où le mérite est le mieux récompense. Les Grecs ne connurent la magnificence des funérailles , que par celles d'Alexandre le Grand, dont Diodore de Sicile nous a laisse la description; & comme de toutes les pompes funebres mentionnées dans l'histoire, aucune n'est comparable à celles de ce prince, nous en joindrons ici le précis d'après M. Rollin: on verra jusqu'où la vanite porta le luxe de cet appareil lugubre. Aridée frere naturel d'Alexandre, ayant été chargé du soin de ce convoi, employa deux ans pour disposer tout ce qui pouvoit le rendre le plus riche & le plus éclatant qu'on eût encore vû. La marche fut précédée par un grand nombre de pionniers, afin de rendre pratiquables les chemins par ou l'on devoit passer. Après qu'ils eurent été applanis, on vit partir de Babylone le magnifique chariot sur lequel étoit le corps d'Alexandre. L'invention & le dessein de ce chariot se faisoient autant admirer, que les richesses immenses que l'on y découvroit. Le corps de la machine portoit sur deux essieux qui entroient dans quatre roues, dont les moyeux & les rayons étoient dorés, & les jantes revêtues de fer. Les extrémités des essieux étoient d'or, représentant des mufles de lions qui mordoient un dard. Le chariot avoit quatre timons, & à chaque timon étoient attelés seize mulets, qui formoient quatre rangs; c'étoit en tout seize rangs & soixante-quatre mulets. On avoit choisi les plus forts & de la plus haute taille; ils avoient des couronnes d'or & des colliers enrichis de pierres précieuses, avec des sonnettes d'or. Sur ce chariot s'élevoit un pavillon d'or massif, qui avoit douze piés de large sur dix-huit de long, soûtenu par des colonnes d'ordre ionique, embellies de feuilles d'acanthe. Il étoit orné au-dedans de pierres précieuses, disposées en forme d'écailles. Tout autour régnoit une frange d'or à réseau, dont les filets avoient un doigt d'épaisseur, où étoient attachées de grosses fonnettes, qui se faisoient entendre de fort loin. Dans la décoration du dehors, on voyoit quatre bas-reliefs. Le premier représentoit Alexandre assis cans un char, & tenant à la main un sceptre environné d'un côté d'une troupe de Macédoniens, & de l'autre d'une pareille troupe de Persans, tous armés à leur maniere. Devant eux marchoient les écuyers du roi. Dans le second bas-relief on voyoit des éléphans harnachés de toutes pieces, portant sur le devant des Indiens, & sur le derriere des Macedoniens, armés comme dans un jour d'action. Dans le troisieme étoient représentes des escadrons de cavalerie en ordre de bataille. Le quatrieme montroit des vaisseaux tous prêts à combattre. A l'entrée de ce pavillon étoient des lions d'or qui sembloient le garder. Aux quatre coins étoient posées des statues d'or massif représentant des victoires, avec des trophées d'armes à la main. Sous ce dernier pavillon on avoit placé un throne d'or d'une figure quarrée, orné de têtes d'animaux, qui avoient sous leur cou des cercles d'or d'un pié & demi de largeur, d'où pendoient des couronnes brillantes des plus vives couleurs, telles qu'on en portoit dans les pompes sacrées. Au pié de ce throne étoit posé le cercueil d'Alexandre, tout d'or & travaillé au marteau. On l'avoit rempli à demi d'aromates & de parfums, tant afin qu'il exhalât une bonne odeur, que pour la conservation du cadavre. Il y avoit sur ce cercueil une étoffe de pourpre brochée d'or: entre le throne & le cercueil, étoient les armes du prince, telles qu'il les portoit pendant sa vie. Le pavillon en-dehors étoit aussi couvert d'une étoffe de pourpre à fleurs d'or; le haut étoit terminé par une très-grande couronne d'or, composée comme de branches d'olivier. On conçoit aisément que dans une longue marche, le mouvement d'un chariot aussi lourd que celui ci, devoit être sujet à de grands inconveniens. Afin donc que le pavillon & tous ses accompagnemens, soit que le chariot descendît ou qu'il montât, demeurassent toûjours dans la même situation, malgre l'inégalité des lieux & les violentes secousses qui en étoient inséparables; du milieu de chacun des deux essieux s'elevoit un axe qui soûtenoit le milieu du pavillon, & tenoit toute la machine en état. Le corps d'Alexandre, suivant les dernieres dispositions de ce prince, devoit être porté au temple de Jupiter Ammon; mais Ptolemée gouverneur d'Egypte, le fit conduire à Alexandrie, où il fut inhumé. Ce prince lui érigea un temple magnifique, & lui rendit tous les honneurs que l'antiquite payenne avoit coûtume de rendre aux demi-dieux. On ne voit plus aujourd'hui que les ruines de ce temple. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Romains Author=Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Romains . Les Romains ont eté sans contredit un des peuples les plus religieux & les plus exacts à rendre les derniers devoirs à leurs parens & à leurs amis. On sait qu'ils n'oublioient rien de ce qui pouvoit marquer combien la mémoire leur en étoit chere, & de ce qui pouvoit en même tems contribuer à la rendre précieuse. C'étoit aussi quelquefois un hommage qu'on accordoit à la vertu, pour exciter dans les citoyens la noble passion de mériter un jour de pareils honneurs. En un mot, Pline dit que les funérailles chez les Romains étoient une cerémonie sacrée: les détails en sont fort étendus. Elle commençoit cette cérémonie sacrée dès le moment que la personne se mouroit. Il falloit dans cet instant que le plus proche parent, & si c'étoit des gens mariés, que le survivant du mari ou de la femme donnât au mourant le dernier baiser comme pour en recevoir l'ame, & qu'il lui fermat les yeux. On les lui ouvroit lorsqu'il étoit sur le bûcher, afin qu'il parût regarder le ciel. On observoit en lui fermant les yeux de lui fermer la bouche, pour le rendre moins effrayant & le faire paroître comme une personne dormante. On ôtoit l'anneau du doigt du défunt, qu'on lui remettoit lorsqu'on portoit le corps sur le bûcher. On l'appelloit plusieurs fois par son nom à haute voix, pour connoître s'il étoit véritablement mort, ou seulement tombé en léthargie. On nommoit cet usage conclamatio , conclamation; & suivant l'explication qu'un célebre antiquaire a donnée d'un bas-relief, qui est au Louvre dans la salle des antiques, on ne se contentoit pas de la simple voix pour les personnes de qualité, on y employoit le son des buccines & des trompettes, ainsi qu'on peut juger par ce bas-relief. L'on y voit des gens qui sonnent de la trompette près du corps d'une personne qui paroît venir de rendre les derniers soupirs, & que, selon qu'on peut conjecturer par les apprêts qui y sont représentés, on va mettre entre les mains des libitinaires; les sons bruyans de ces instrumens frappant les organes d'une maniere beaucoup plus éclatante que la voix, donnoient des preuves plus certaines que la personne étoit véritablement morte. Ensuite on s'adressoit aux libitinaires pour procéder aux funérailles suivant la volonté du défunt, s'il en avoit ordonné, ou celle des parens & des héritiers, avec le plus ou le moins de dépense qu'on y vouloit faire. Ces libitinaires étoient des gens qui vendoient & fournissoient tout ce qui étoit nécessaire pour la cérémonie des convois; on les appelloit ainsi, parce qu'ils avoient leur magasin au temple de Vénus Libitine. On gardoit dans ce temple les registres qu'on tenoit à Rome de ceux qui y mouroient; & c'est de ces registres qu'on avoit tiré le nombre des personnes que la peste y enleva pendant une automne, du tems de Néron. Les libitinaires avoient sous eux des gens qu'on nommoient pollinctores , pollincteurs: c'étoit entre leurs mains qu'on mettoit d'abord le cadavre; ils le lavoient dans l'eau chaude, & l'embaumoient avec des parfums. Il paroît qu'ils possédoient la maniere d'embaumer les corps à un plus haut degré de perfection, que ne faisoient les Egyptiens, si l'on en croit les relations de quelques découvertes faites à Rome depuis deux cents ans, de tombeaux où l'on a trouvé des corps si bien conservés, qu'on les auroit pris pour des personnes plûtôt dormantes que mortes; l'odeur qui sortoit de ces tombeaux étoit encore si forte, qu'elle étourdissoit. Après que le corps étoit ainsi embaumé, on le revêtoit d'un habit blanc ordinaire, c'est-à-dire de la toge. Si cependant c'étoit une personne qui eût passé par les charges de la république, on lui mettoit la robe de la plus haute dignité qu'il eût possédée, & on le gardoit ainsi sept jours, pendant lesquels on préparoit tout ce qui étoit nécessaire pour la pompe des funérailles . On l'exposoit sous le vestibule, ou à l'entrée de sa maison, couché sur un lit de parade, les piés tournés vers la porte, où l'on mettoit un rameau de cyprès pour les riches, & pour les autres seulement des branches de pin, qui marquoient également qu'il y avoit-là un mort. Il restoit toûjours un homme auprès du corps, pour empêcher qu'on ne volât quelque chose de ce qui étoit autour de lui: mais lorsque c'étoit une personne du premier rang, il y avoit de jeunes garçons occupés à en chasser les mouches. Les sept jours étant expirés, un héraut public annonçoit le convoi, en criant: exequias L. tel L. filii, quibus est commodum ire, tempus est; ollus (c'est-à-dire ille ) ex oedibus effertur; ceux qui voudront assister aux obseques d'un tel, fils d'un tel, sont avertis qu'il est tems d'y aller présentement, on emporte le corps de la maison . Il n'y avoit néanmoins que les parens ou les amis qui y assistassent, à moins que le défunt n'eût rendu des services considérables à la république; alors le peuple s'y trouvoit; & s'il avoit commandé les armées, les soldats s'y rendoient aussi, portant leurs armes renversées le fer en-bas. Les licteurs renversoient pareillement leurs faisceaux. Le corps étoit porté sur un petit lit qu'on nommoit exaphore , quand il n'y avoit que six porteurs; & octophore , s'il s'en trouvoit huit. C'étoient ordinairement les parens, qui par honneur en faisoient l'office, ou les fils du défunt s'il en avoit. Pour un empereur, le lit étoit porté par des sénateurs; pour un général d'armée, par des officiers & des soldats. A l'égard des gens de commune condition, c'étoit dans une espece de bierre découverte qu'ils étoient portés par quatre hommes, de ceux qui gagnoient leur vie à ce métier. On les appelloit vespillones , parce que pendant un très-long-tems on observa de ne faire les convois que vers le soir: mais dans la suite on les fit autant de jour que de nuit. Le défunt paroissoit ayant sur la tête une couronne de fleurs, & le visage découvert, à moins que sa maladie ne l'eût entierement défiguré; en ce cas on avoit soin de le couvrir. Après que les maîtres de cérémonie du convoi avoient marqué à chacun son rang, la marche commençoit par un trompette & les joüeurs de flûte qui joüoient d'une maniere lugubre. Ils étoient suivis de plus ou de moins de gens, qui portoient des torches allumées. Proche du lit étoit un archimime qui contrefaisoit toutes les manieres du défunt; & l'on portoit devant le lit couvert de pourpre, toutes les marques des dignités dont il avoit été revêtu: s'il s'etoit signalé à la guerre, on y faisoit paroître les présens & les couronnes qu'il avoit reçûs pour ses belles actions, les étendarts & les dépouilles qu'il avoit remportés sur les ennemis. On y portoit en particulier son buste représenté en cire, avec ceux de ses ayeux & de ses parens, montés sur des bois de javelines, ou placés dans des chariots; mais on n'accordoit point cette distinction à ceux qu'on nommoit novi homines , c'est-à-dire gens qui commençoient leur noblesse, & dont les ayeux n'auroient pu lui faire honneur. On observoit aussi de ne point porter les bustes de ceux qui avoient été condamnés pour crime, quoiqu'ils eussent possédé des dignités; la loi le défendoit. Toutes ces figures se replaçoient ensuite dans le lieu où elles étoient gardées. Au convoi des empereurs, on faisoit encore porter sur des chariots, les images & les symboles des provinces & des villes subjuguées. Les affranchis du défunt suivoient cette pompe portant le bonnet qui étoit la marque de leur liberte: ensuite marchoient les enfans, les parens, & les amis atrati , c'est-à-dire en deuil, vêtus de noir; les fils du défunt avoient un voile sur la tête: les filles vétues de blanc, avoient les cheveux épars sans coeffure, & marchant nuds piés; après ce cortege venoient les pleureuses, praeficae: c'étoient des femmes dont le métier étoit de faire des lamentations sur la mort du défunt; & en pleurant, elles chantoient ses loüanges sur des airs lugubres, & donnoient le ten à tous les autres. Lorsque le défunt étoit une personne illustre, on portoit son corps au rostra dans la place romaine, ou la pompe s'arrêtoit pendant que quelqu'un de ses enfans ou des plus proches parens faisoit son oraison funebre, & c'est ce qu'on appelloit laudare pro rostris cela ne se pratiquoit pas seulement pour les hommes qui s'étoient distingués dans les emplois, mais encore pour les dames de condition; la république avoit permis de les loüer publiquement, depuis que ne s'etant point trouvé assez d'or dans le trésor public, pour acquitter le voeu que Camille avoit fait de donner une coupe d'or à Apollon delphien, après la prise de la ville de Veïes, les dames romaines y avoient volontairement contribué par le sacrifice de leurs bagues & de leurs bijoux. De la place romaine, on alloit au lieu où l'on devoit enterrer le corps ou le brûler; on se rendoit donc au champ de Mars, qui étoit le lieu où se laisoit ordinairement cette cérémonie: car on ne brûloit point les corps dans la ville. On avoit eu soin d'avance de dresser un bucher d'if, de pin, de melèze, ou d'autres pieces de bois aisé à s'enflammer, arrangées les unes sur les autres en forme d'autel, sur lequel on posoit le corps vêtu de sa robbe; on l'arrosoit de liqueurs propres à répandre une bonne odeur; on lui coupoit un doigt pour l'enterrer, avec une seconde cérémonie; on lui tournoit le visage vers le ciel; on lui mettoit dans la bouche une piece d'argent, qui étoit ordinairement une obole, pour payer le droit de passage à Caron. Tout le bucher étoit environné de cyprès: alors les plus proches parens tournant le dos par derriere & pendant que le feu s'allumoit, ils jettoient dans le bucher les habits, les armes, & quelques autres effets du défunt, quelquefois même de l'or & de l'argent; mais cela fut défendu par la loi des douze tables. Aux funérailles de Jules-César, les soldats vétérans jetterent leurs armes sur son bucher pour lui faire honneur. On immoloit aussi des boeufs, des taureaux, & des moutons, qu'on jettoit sur le bucher. On donnoit tout-aupres des combats de gladiateurs pour appaiser les manes du défunt; on avoit introduit l'usage de ces combats pour suppleer à la barbare coûtume anciennement pratiquée à la guerre, d'immoler les prisonniers auprès du bûcher de ceux qui étoient morts en combattant, comme pour les venger. Les combats des gladiateurs n'étoient pas le seul spectacle qu'on y donnoit; on faisoit aussi quelquefois des courses de chariots autour du bûcher; on y représentoit même des pieces de théatre, & par un excès de somptuosité, on y a vû donner des festins aux assistans & au peuple. Dès que le corps étoit brûlé, on en ramassoit les cendres & les os, que le feu n'avoit pas entierement consumés. C'étoit les plus proches parens ou les héritiers qui en prenoient soin: afin que les cendres ne fussent pas confondues avec celles du bûcher, on avoit la précaution en mettant sur le bûcher le corps du défunt, de l'envelopper d'une toile d'amianthe, que les Grecs appellent asbestos; on la voit ensuite ces cendres & ces os avec du lait & du vin; & pour les placer dans le tombeau de la famille, on les enfermoit dans une urne d'une matiere plus ou moins précieuse, selon l'opulence ou la qualité du défunt; les plus communes étoient de terre cuite. Ensuite, le sacrificateur qui avoit assisté à la cérémonie, jettoit par trois fois sur les assistans pour les purifier, de l'eau avec un aspersoir fait de branches d'olivier, usage qui s'est introduit dans le Christianisme à l'égard du cadavre seulement, & qu'on a jugé à-propos de conserver. Enfin, la même pleureuse congédioit la compagnie par ce mot I, licet . c'est-à-dire, vous pouvez vous en-alier; alors les parens & amis du défunt lui disoient par trois fois, en l'appellant par son nom, & à haute voix: vale, vale, vale: nos te ordine quo natura voluerit sequemur; adieu, adieu, adieu, nous te suivrons quand notre rang marqué par la nature arrivera . On portoit l'urne où étoient les cendres dans le sépulcre, devant lequel il y avoit un petit autel où l'on brûloit de l'encens & d'autres parfums: cérémonie qui étoit renouvellée de tems en-tems, de même que celle de jetter des fleurs sur la tombe. A l'égard de ceux dont on ne brûloit point les corps, on les mettoit ordinairement dans des bierres de terre cuite; ou si c'etoient des personnes de distinction, dans un tombeau de marbre creusé; on mettoit encore dans ce tombeau une lampe dite perpétuelle , & quelquefois de petites figures de divinités, avec des fioles qu'on appelloit lacrymatoires , qui renfermoient l'eau des larmes qu'on avoit répandues à leur convoi, témoignage qu'ils avoient été fort regrettés. On a trouvé dans quelques tombeaux des bijoux qui y avoient été mis avec le corps, parce qu'apparemment le défunt les avoit fort cheris de son vivant. La cérémonie des funérailles se terminoit par un festin, qui étoit ordinairement un souper, que l'on donnoit aux parens & aux amis; quelquefois même on distribuoit de la viande au peuple, & neuf jours après on faisoit un autre festin qu'on appelloit le grand souper , la novendale , c'est-à-dire la neuvaine; on observoit dans ce dernier repas de quitter les habits noirs, & d'en prendre de blancs. C'en est assez sur ce sujet, où je n'ai crû devoir employer que les traits historiques qui pouvoient convenir ici, en élaguant toutes les citations sans nombre qui m'auroient mené trop loin; mais le lecteur curieux de plus grands détails, & de détails d'érudition recherchée, peut consulter l'ouvrage latin de funeribus Romanorum , publié par Jean Kirchman, dont la premiere édition parut à Lubeck en 1604. Cet ouvrage acquit de la célébrité à son auteur, & contribua à lui procurer un bon mariage. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Funérailles Funérailles , ( Hist. mod. ) après avoir rapporté les cérémonies funebres des anciens, on peut parcourir celles qui sont usitées de nos jours chez quelques peuples d'Asie, d'Afrique, & d'Amérique; il semble que la nature a par-tout inspiré aux hommes ce dernier devoir envers leurs semblables qui leur sont enlevés la mort; & la religion, soit vraie, soit fausse, a consacré cet usage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Arabes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Arabes . Des que quelqu'un a rendu les derniers soupirs chez les Arabes, on lave le corps avec décence: on le coud dans un morceau de toile s'il s'en trouve dans la maison, ou dans quelques guenilles s'il est pauvre; on le met sur un brancard composé de deux morceaux de bois avec quelques traverses d'osier, & quatre ou six hommes le portent où il doit être enterré. Comme ces peuples changent souvent de camp, ils n'ont point de cimetieres fixes. Ils choisissent toûjours un lieu élevé & écarté du camp; ils y font une fosse profonde, où ils mettent le corps la tête du côté de l'orient, le couvrent de terre, & mettent dessus de grosses pierres, afin d'empêcher les bêtes sauvages de venir le déterrer & le dévorer. Ceux qui portent le corps à la sépulture & ceux qui l'accompagnent, chantent des prieres pour le défunt & des loüanges à Dieu. Dans ces occasions les hommes ne pleurent point, ce qu'on regarde comme une preuve de leur courage & de leur fermeté. Mais en récompense les femmes s'acquittent très-bien de cette fonction. Les parentes du défunt crient, s'égratignent le visage & les bras, s'arrachent les cheveux, & ne sont couvertes que d'un vêtement déchiré, avec un voile bleu & sale; toutes marques de douleur extraordinaire, vraie ou apparente. Les cérémonies des funérailles qui ne sont pas longues étant achevées, on revient au camp. Tous ceux qui y ont assisté trouvent un repas préparé, & mangent dans une tente; les femmes dans une autre. Les hommes à leur ordinaire gardent la gravité, les femmes essuient leurs larmes; les uns & les autres se consolent; on fait à la famille des complimens de condoléance qui sont fort courts, puisqu'ils ne consistent qu'en ces deux mots, kalherna aandek , c'est-à-dire je prends part à votre affliction: & en ces deux autres, selamet erask , qui signifient Dieu conserve votre tête . Après quoi les parens du défunt font le partage de ses biens entre ses enfans. Mém. du chevalier d'Arvieux, tom. III . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Turcs Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Turcs . En Turquie, lorsqu'une personne est morte, on met son corps au milieu de la chambre, & l'on répete tristement ces mots à-l'entour, subanna allah , c'est-à-dire, ô Dieu miséricordieux, ayez pitié de nous . On le lave ensuite avec de l'eau chaude & du savon; & après avoir brûlé assez d'encens pour chasser le diable & les autres esprits malins qu'on suppose roder autour de lui, on l'enveloppe dans un suaire sans couture, afin, dit-on, que dans l'autre monde il puisse se mettre à genoux lorsqu'il subira son jugement; tout cela est accompagné de lamentations, où les femmes ont la principale part. Autrefois on exposoit le mort sur une table, comme dans un lit de parade, orné de ses plus beaux habits, & de diverses fleurs de la saison; après quoi on le portoit sur des brancards hors de la ville, dans un lieu destiné à la sépulture des morts. Aujourd'hui on se contente de le mettre dans une bierre, couverte d'un poîle convenable à sa profession, sur lequel on répand des fleurs, pour marquer son innocence. La loi défend à qui que ce soit de garder un corps mort au-delà d'un jour, & de le porter plus loin d'une lieue. Il n'y a que le corps du grand-seigneur défunt qui en soit excepté. Les Turcs sont persuadés qu'au moment que l'ame quitte le corps, les anges la conduisent au lieu où il doit être inhumé, & l'y retiennent pendant 40 jours dans l'attente de ce corps; ce qui les engage à le transporter au plus vîte au lieu de la sépulture, afin de ne pas faire languir l'ame. Quelques-uns prétendent que les femmes & filles n'assistent point au convoi, mais demeurent à la maison pour préparer à manger aux imans, qui après avoir mis le corps dans le tombeau, reviennent pour faire bonne chere, & recevoir dix aspres qui sont leur rétribution ordinaire. Aussi tôt que le deuil est fini autour du mort & qu'on l'a enseveli, on le porte sur les épaules au lieu destiné à la sépulture, soit dans les cimetieres situés hors des villes, s'il est pauvre, soit au cimetiere des mosquées, à l'entrée desquelles on le porte s'il est riche, & à l'entrée desquelles les imans font des prieres qui ne consistent qu'en quelques complaintes & dans le récit de certains vers lugubres qui sont répétés mot pour mot par ceux qui accompagnent le convoi, & qui suivent couverts d'une piece de drap gris ou de feutre pendante devant & derriere. Arrivés au tombeau, les Turcs tirent le mort du cercueil, & le descendent dans la fosse avec quelques sentences de l'alcoran. On ne jette point la terre immédiatement sur le corps, de peur que sa pesanteur ne l'incommode; pour lui donner un peu d'air, on pose de longues pierres en-travers, qui forment une espece de voûte sur le cadavre, ensorte qu'il y est enfermé comme dans un coffre. Les cris & les lamentations des femmes cessent aussi-tôt après l'inhumation. Une mere peut pleurer son fils jusqu'à trois fois; au-delà elle peche contre la loi. Les funérailles du Sultan sont accompagnées d'une majesté lugubre. On mene en main tous ses chevaux avec les selles renversées, couverts de housses de velours noir traînantes jusqu'à terre. Tous ses officiers, tant ceux du serrail que ceux de la garde, solaks, jannissaires & autres, y marchent en leur rang. Les mutaféracas précedent immédiatement le corps, armés d'une lance, au bout de laquelle est le turban de l'empereur défunt, & portant une queue de cheval. Les armes du prince & ses étendarts traînent par terre. La forme du cercueil est celle d'un chariot d'armes: il est couvert d'un riche poile sur lequel est posé un turban, & lorsque son corps est une fois déposé dans le tombeau, un iman gagé pour y lire l'alcoran a soin de le couvrir tous les jours, surtout le vendredi, de tapis de drap sur lesquels il place ce que le feu empereur avoit coûtume de porter de son vivant, comme son turban, &c. Guer, moeurs & usag. des Turcs, tom. I . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Chinois Author=Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Chinois . Ils lavent rarement leurs morts; mais ils revêtent le défunt de ses plus beaux habits, & le couvrent des marques de sa dignité; ensuite ils le mettent dans le cercueil qu'on lui a acheté, ou qu'il s'étoit fait construire pendant sa vie; car ils ont grand soin de s'en pourvoir long-tems avant que d'en avoir besoin. C'est aussi une des plus sérieuses affaires de leur vie, que de trouver un endroit qui leur soit commode après leur mort. Il y a des chercheurs de sépulture de profession; ils courent les montagnes; & lorsqu'ils ont découvert un lieu où il regne un vent frais & sain, ils viennent promptement en donner avis aux gens riches qui accordent quelquefois à leurs. soins une récompense excessive. Les cercueils des personnes aisées sont faits de grosses planches épaisses d'un demi-pié & davantage; ils sont si bien enduits en-dedans de poix & de bitume, & si bien vernissés en-dehors, qu'ils n'exhalent aucune mauvaise odeur: on en voit qui sont ciselés délicatement, & couverts de dorure. Il y a des gens riches qui employent jusqu'à mille écus pour avoir un cercueil de bois précieux, orné de quantité de figures. Avant que de placer le corps dans la bierre, on répand au fond un peu de chaux; & quand le corps y est placé, on y met ou un coussin ou beaucoup de coton, afin que la tête soit solidement appuyée, & ne remue pas aisément. On met aussi du coton ou autres choses semblables, dans tous les endroits vuides, pour le maintenir dans la situation où il a été mis. Il est défendu aux Chinois d'enterrer leurs morts dans l'enceinte des villes & dans les lieux qu'on habite; mais il leur est permis de les conserver dans leurs maisons, enfermés dans des cercueils; ils les gardent plusieurs mois & même plusieurs années comme en dépôt, sans qu'aucun magistrat puisse les obliger de les inhumer. Un fils vivroit sans honneur, sur-tout dans sa famille, s'il ne faisoit pas conduire le corps de son pere au tombeau de ses ancêtres. & on refuseroit de placer son nom dans la salle où on les honore: quand on les transporte d'une province à une autre: il n'est pas permis, sans un ordre de l'empereur, de les faire entrer dans les villes, ou de les faire passer au-travers; mais on les conduit autour des murailles. La cérémonie solennelle que les Chinois rendent aux défunts, dure ordinairement sept jours, à-moins que quelques raisons essentielles n'obligent de se contenter de trois jours. Pendant que le cercueil est ouvert, tous les parens & les amis, qu'on a eu soin d'inviter, viennent rendre leurs devoirs au defunt; les plus proches parens restent même dans la maison. Le cercueil est exposé dans la principale salle, qu'on a parée d'étoffes blanches qui sont souvent entremêlées de pieces de soie noire ou violette, & d'autres ornemens de deuil. On met une table devant le cercueil. L'on place sur cette table l'image du défunt, ou bien un cartouche qui est accompagné de chaque côté de fleurs, de parfums, & de bougies allumées. Ceux qui viennent faire leurs complimens de condoléance saluent le défunt à la maniere du pays. Ceux qui étoient amis particuliers accompagnent ces cérémonies de gémissemens & de pleurs, qui le font entendre quelquefois de fort loin. Tandis qu'ils s'acquittent de ces devoirs, le fils aîné accompagné de ses freres, sort de derriere le rideau qui est à côté du cercueil, se traînant à terre avec un visage sur lequel est peinte la douleur, & fondant en larmes, dans un morne & profond silence; ils rendent le salut avec la même cérémonie qu'on a pratiquée devant le cercueil: le même rideau cache les femmes, qui poussent à diverses reprises les cris les plus lugubres. Quand on a achevé la cérémonie, on se leve; un parent éloigné du defunt, ou un ami, étant en deuil, fait les honneurs; & comme il a été vous recevoir à la porte, il vous conduit dans un appartement où l'on vous présente du thé, & quelquefois des fruits secs, & semblables rafraîchissemens: après quoi il vous accompagne jusqu'à votre chaise. Lorsqu'on a fixé le jour des obseques, on en donne avis à tous les parens & amis du défunt, qui ne manquent pas de se rendre au jour marqué. La marche du convoi commence par ceux qui portent différentes statues de carton, lesquelles représentent des esclaves, des tigres, des lions, des chevaux, &c. diverses troupes suivent & marchent deux à deux; les uns portent des étendarts, des banderolles, ou des cassolettes remplies de parfums: plusieurs jouent des airs lugubres sur divers instrumens de Musique. Il y a des endroits où le tableau du defunt est élevé au-dessus de tout le reste; on y voit écrits en gros caracteres d'or son nom & sa dignité. Le cercueil paroît ensuite, couvert d'un dais en forme de dôme, qui est entierement d'étoffe de soie violette, avec des houpes de soie blanche aux quatre coins, qui sont brodées & très-proprement entrelacées de cordons. La machine dont nous parlons, & sur laquelle on a posé le cercueil, est portée par soixante-quatre personnes; ceux qui ne sont point en état d'en faire la dépense, se servent d'une machine qui n'exige pas un si grand nombre de porteurs. Le fils ainé à la tete des autres enfans & des petits-fils, suit à pie, couvert d'un sac de chanvre, appuyé sur un bâton, le corps tout courbé, & comme accablé sous le poids de sa douleur. On voit ensuite les parens & les amis tous vêtus de deuil, & un grand nombre de chaises couvertes d'étoffe blanche, ou sont les filles, les femmes, & les esclaves du defunt, qui font retentir l'air de leurs cris. Quand on est arrivé au lieu de la sépulture, on voit à quelque distance de la tombe des tables rangées dans des salles qu'on a fait élever exprés; & tandis que les cérémonies accoûtumées se pratiquent, les domestiques y préparent un repas, qui sert ensuite �à régaler toute la compagnie. Quelquefois après le repas, les parens & les amis se prosternent de nouveau, en frappant la terre du front devant le tombeau. Le fils ainé & les autres enfans répondent à leurs honnêtetés par quelques signes exterieurs, mais dans un profond silence. S'il s'agit d'un grand seigneur, il y a plusieurs appartemens à sa sépulture; & après qu'on y a porte le cercueil, un grand nombre de parens y demeurent un & même deux mois, pour y renouveller tous les jours avec les enfans du défunt les marques de leur douleur. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des sauvages d'Amérique Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles � Funérailles des sauvages d'Amérique . « Parmi les peuples d'Amérique, dit le P. de Charlevoix, sitôt qu'un malade a rendu les derniers soupirs, tout retentit de gémissemens; & cela dure autant que la famille est en état de fournir à la dépense; car il faut tenir table ouverte pendant tout ce tems-là. Le cadavre paré de sa plus belle robe, le visage peint. ses armes & tout ce qu'il possédoit à côté de lui, est expose à la porte de la cabanne, dans la posture qu'il doit avoir dans le tombeau; & cette posture, en plusieurs endroits, est celle où l'enfant est dans le sein de sa mere. L'usage de quelques nations est que les parens du défunt jeûnent jusqu'à la fin des funérailles; & tout cet intervalle se passe en pleurs, en éjulations, à régaler tous ceux dont on reçoit la visite, à faire l'eloge du mort, & en complimens réciproques. Chez d'autres, on loue des pleureuses, qui s'acquittent parfaitement de leur devoir; elles chantent, elles dansent, elles pleurent sans cesse, & toûjours en cadence: mais ces démonstrations d'une douleur empruntée ne préjudicient point à ce que la nature exige des parens du défunt. On porte, sans aucune cérémonie le corps au lieu de sa sépulture: mais quand il est dans la fosse, on a soin de le couvrir de maniere que la terre ne le touche point: il y est dans une cellule toute tapissée de peaux; on dresse ensuite un poteau où l'on attache tout ce qui peut marquer l'estime qu'on faisoit du mort, comme son portrait, &c. . . . On y porte tous les matins de nouvelles provisions; & comme les chiens & d'autres betes ne manquent point d'en faire leur profit, on veut bien se persuader que c'est l'ame du defunt qui y est venue prendre sa réfection. Quand quelqu'un meurt dans le tems de la chasse, on expose son corps sur un échafaut fort elevé, & il y demeure jusqu'au départ de la troupe qui l'emporte avec elle au village. Les corps de ceux qui meurent à la guerre sont brûlés, & leurs cendres rapportées pour être mises dans la sépulture de leurs peres. Ces sepultures, parmi les nations les plus sédentaires, sont des especes de cimetieres près du village: d'autres enterrent leurs morts dans les bois au pié des arbres, ou les font secher & les gardent dans des caisses jusqu'à la fete des morts. On observe en quelques endroits, pour ceux qui se sont noyés ou qui sont morts de froid, un cérémonial assez bisarre. Les préliminaires des pleurs, des danses, des chants, & des festins, étant achevés, on porte le corps au lieu de la sépulture; ou, si l'on est trop éloigné de l'endroit où il doit demeurer en dépôt jusqu'à la fête des morts, on y creuse une fosse très-large, & on y allume du feu; de jeunes gens s'approchent ensuite du cadavre, coupent les chairs aux parties qui ont été crayonnées par un maître des cérémonies, & les jettent dans le feu avec les visceres; puis ils placent le cadavre ainsi déchiqueté dans le lieu qui lui est destiné. Durant cette opération, les femmes, & sur-tout les parentes du défunt, tournent sans cesse autour de ceux qui travaillent; les exhortent à bien s'acquitter de leur emploi; & leur mettent des grains de porcelaine dans li bouche, comme on y mettroit des dragées à des enfans pour les engager à quelque chose qu'on souhaiteroit d'eux ». L'enterrement est suivi de présens qu'on fait à la famille affligée; & cela s'appelle couvrir le mort: on fait ensuite des festins accompagnés de jeux & de combats, où l'on propose des prix; & là, comme dans l'antiquité payenne, une action toute lugubre est terminee par des chants & des cris de victoire. Le même auteur rapporte que chez les Natchez, une des nations sauvages de la Loüisianne, quand une femme chef, c'est-à-dire noble , ou de la race du soleil, meurt, on étrangle douze petits enfans & quatorze grandes personnes, pour être enterrés avec elles Journ d'un voyag. d'Amériq . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Misilimakinaks Author=Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Misilimakinaks . Il y a d'autres sauvages de l'Amérique qui n'enterrent point leurs morts, mais qui les brûlent; il y en a même, divisés en ce qu'ils nomment familles , parmi lesquelles est la prérogative attachée à telle famille uniquement, de pouvoir brûler ses morts, tandis que les autres familles sont obligées de les enterrer: c'est ce qu'on voit chez les Misilimakinaks, peuple sauvage de l'Amerique septentrionale de la Nouvelle-France, où la seule famille du grand Lievre joüit du privilége de brûler ses cadavres; dans les deux autres familles qui forment cette nation, quand quelqu'un de ses capitaines est décédé, on prepare un vaste cercueil, où après avoir couché le corps vêtu de ses plus beaux habits, on y renferme avec lui sa couverture, son fusil, sa provision de poudre & de plomb, son arc, ses fleches, sa chaudiere, son plat, son casse-tête, son calumet, sa boîte de vermillon, son miroir, & tous les présens qui lui ont été donnés à sa mort; ils s'imaginent qu'avec ce cortége, il fera plus aisément le voyage dans l'autre monde, & qu'il sera meux reçû des plus grands capitaines de la nation, qui le conduiront avec eux dans un lieu de délices. Pendant que tout cet attirail s'ajuste dans le cercueil, les parens du mort assistent à cette cérémonie en chantant d'un ton lugubre, & en remuant en cadence un bâton où ils ont attaché plusieurs petites sonnettes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Ethiopiens Author=Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Ethiopiens . Lorsque quelqu'un d'eux vient à mourir, on entend de tous côtés des cris épouvantables; tous les voisins s'assemblent dans la maison du défunt, & pleurent avec les parens qui s'y trouvent. On lave le corps mort; après l'avoir enveloppé d'un linceuil de coton, on le met dans un cercueil, au milieu d'une salle éclairée par des flambeaux de cire: on redouble alors les cris & les pleurs au son des tambour de basque; les uns prient Dieu pour l'ame du défunt, les autres disent des vers à sa loüange; d'autres s'arrachent les cheveux; & d'autres se déchirent le visage, pour marquer leur douleur: cette folie touchante & ridicule dure jusqu'à ce que les religieux viennent lever le corps. Après avoir chanté quelques pseaumes, & fait les encensemens, ils se mettent en marche, tenant à la main droite une croix de fer, un livre de prieres à la gauche, & psalmodient en chemin: les parens & amis du défunt suivent, & continuent leurs cris avec des tambours de basque. Ils ont tous la tête rasée, qui est la marque du deuil. Quand on passe devant quelque église, le convoi s'y arrête; on fait quelques prieres, & ensuite on continue sa route jusqu'au lieu de la sépulture. Là on recommence les encensemens; on chante encore pendant quelques tems des pseaumes d'un ton lugubre, & on met le corps en terre. Les assistans retournent à la maison du défunt, où l'on leur fait un festin: on s'y trouve matin & soir pendant trois jours, & on ne mange point ailleurs. Au bout de trois jours, on se sépare jusqu'au huitieme; & de huit en huit jours, on se rassemble pendant un certain espace de tems, pour pleurer le défunt, & manger chez lui. Au surplus, les gens curieux de parcourir les folies des hommes en fait de funérailles , les trouveront semées dans le grand ouvrage des cérémonies religieuses , & rassemblées dans le petit traité de Muret, pere de l'Oratoire, des cérémonies funebres de toutes les nations. Paris 1675. in-12. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funérailles des Chrétiens Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne ecclésiastique Part of Speech=NA Funérailles Funérailles des Chrétiens , ( Hist. mod. ecclésiast. ) « Les Chrétiens de la primitive Eglise, dit M. l'abbé Fleury, pour mieux témoigner la foi de la résurrection, avoient grand soin des sépultures, & y faisoient grande dépense, à proportion de leur maniere de vivre: ils ne brûloient point les corps, comme les Grecs & les Romains; ils n'approuvoient pas non plus la curiosité superstitieuse des Egyptiens, qui les gardoient embaumés & exposés à la vûe sur des lits dans leurs maisons; mais ils les enterroient selon la coûtume des Juifs. Après les avoir lavés, ils les embaumoient, & y employoient plus de parfums, dit Tertullien, que les Payens à leurs sacrifices; ils les enveloppoient de linges très-fins ou d'étoffes de soie; quelquefois ils les revêtoient d'habits précieux; ils les exposoient pendant trois jours, ayant grand soin de les garder cependant & de veiller auprès en prieres: ensuite ils les portoient au tombeau, accompagnant le corps avec quantité de cierges & de flambeaux, chantant des pseaumes & des hymnes pour loüer Dieu, & marquer l'espérance de la résurrection. On prioit aussi pour eux; on offroit le sacrifice; & l'on donnoit aux pauvres le festin nommé agapes , & d'autres aumônes. On en renouvelloit la mémoire au bout de l'an; & on continuoit d'année en année, outre la commémoraison qu'on en faisoit tous les jours au saint sacrifice. L'Eglise avoit ses officiers destinés pour les enterremens, que l'on appelloit en latin fossores, laborantes, copiatae , c'est-à-dire fossoyeurs ou travailleurs , & qui se trouvent quelquefois comptés entre le clergé. On enterroit souvent avec les corps différentes choses pour honorer les défunts, ou pour en conserver la mémoire; comme les marques de leur dignité, les instrumens de leur martyre, des phioles ou des éponges pleines de leur sang, les actes de leur martyre, leur épitaphe, ou du-moins leur nom, des médailles, des feuilles de laurier ou de quelqu'autre arbre toûjours verd, des croix, l'évangile. On observoit de poser le corps sur le dos, le visage tourné vers l'orient. Les Payens, pour garder les cendres des morts, bâtissoient des sépulcres magnifiques le long des grands chemins, & par-tout ailleurs dans la campagne. Les chrétiens au contraire cachoient les corps, les enterrant simplement ou les rangeant dans des caves, comme étoient auprès de Rome les tombes ou catacombes. Voyez Catacombes . Les anciens cimetieres ou lieux où l'on déposoit leurs corps, sont quelquefois appellés conciles des martyrs , parce que leurs corps y étoient assemblés; ou arenes , à cause du terrein sablonneux. En Afrique, on nommoit aussi les cimetieres des aires . On a toûjours eu grande dévotion à se faire enterrer auprès des martyrs; & c'est ce qui a enfin attiré tant de sépultures dans les églises, quoique l'on ait gardé long-tems la coûtume de n'enterrer que hors des villes. La vénération des reliques & la créance distincte de la résurrection, ont effacé parmi les Chrétiens l'horreur que les anciens, même les lsraélites, avoient des corps morts & des sepultures ». Moeurs des chrétiens, art. 31 . Cette coûtume d'enterrer les morts, & de les porter au lieu de leur sépulture en chantant des pseaumes, a toûjours été observée parmi les Chrétiens; les cérémonies seulement ont varié suivant les tems & les usages. M. Lancelot, dans un mémoire sur une ancienne tapisserie, qui représente les faits & gestes de Guillaume le Conquérant, observe que dans un morceau de cette tapisserie sont figurees les cérémonies des funérailles d'Edoüard le confesseur, qui ont beaucoup d'affinité avec celles qui se pratiquent encore aujourd'hui en pareil cas: « On y voit Edoüard mort & étendu sur une espece de drap mortuaire parsemé de larmes, dans lequel deux hommes, l'un placé à la tête l'autre aux piés, arrangent le corps. A côté est un autre homme debout, tenant deux doigts de la main droite élevés; cette attitude & son habillement, qui paroît ressembler à une chasuble, désignent un prêtre qui lui donne les dernieres bénédictions. . . . . On y voit aussi une église. . . . . & un homme par lequel on a voulu désigner les sonneurs de cloches. . . . . La bierre est portée par huit hommes; elle est d'une figure presque quarrée, traversée de plusieurs bandes, & chargée de petites croix & autres ornemens: de ces huit hommes quatre sont en-devant, & les quatre autres derriere; ils la portent sur leurs épaules par le moyen de longs bâtons excédans la bierre, 2 à chaque bâton: c'étoit alors la maniere de porter les morts.....cet usage s'est même conservé jusqu'à nos jours; & les hanovars ou porteurs de sel, qui avoient le privilége de porter les corps ou les effigies de nos rois, porterent encore le corps ou l'effigie d'Henri IV. de la même maniere sur leurs épaules en 1610. Dans cette même tapisserie, aux deux côtés de la bierre, paroissent deux autres hommes, qui ont une sonnette en chaque main. L'usage d'avoir des porteurs de sonnettes dans les pompes funebres, & qui subsiste encore en la personne des jurés-crieurs, lorsqu'ils vont faire leurs semonces, est très-ancien. Suidas, & un ancien scholiaste de Théocrite, en parlent; on les appelloit alors codonophori; ils ont été depuis connus sous le nom de pulsatores & exequiates , & leurs sonnettes, campanae manuales pro mortuis , ou campana bajulae ....... à la suite du cercueil, on voit un grouppe de personnes qui semblent toutes fondre en pleurs & en gémissemens ». Mémoires de l'académie, tome VIII . La description des funérailles de ce roi, conformes à la simplicité de ces tems-là, montrent que les usages & les cérémonies en étoient toutes semblables à celles qui se pratiquent aujourd'hui dans les funérailles des particuliers: car on sait que parmi les catholiques, dès qu'un homme est mort, les jurés-crieurs, pour les personnes qui ont le moyen de les employer, préparent les tentures, drap mortuaire, croix, chandeliers, luminaire, & autres choses nécessaires à la cérémonie; convient les parens & les amis, ou par billets ou de vive voix; qu'on expose ensuite le défunt, ou dans une chambre ardente, ou à sa porte dans un cercueil; que le clergé vient enlever le corps, & le conduit à l'église, suivi de ses parens, amis, &c. & qu'après plusieurs aspersions, & le chant des prieres & pseaumes convenables à cet acte de religion, on l'inhume ou dans l'église même ou dans le cimetiere. Les funérailles des grands, des princes, & des rois, sont accompagnés de plus de pompe: après qu'on les a embaumés & déposés dans un cercueil de plomb, on les expose pendant plusieurs jours sur un lit de parade, dans une salle tendue de noir & illuminée, où des prêtres & des religieux récitent des prieres jour & nuit; les cours souveraines, les communautés religieuses, & autres corps, viennent leur jetter de l'eau benite; & au jour marqué, on les transporte au lieu de leur sépulture, dans un char drapé de noir, avec leurs armoiries, & attelé de chevaux caparaçonnés de noir, grand nombre de pauvres & de domestiques portans des flambeaux: ces cérémonies sont accompagnées de discours pour remettre le corps & le recevoir, suivies à quelque tems de-là de services solennels & d'oraisons funebres. On y porte ordinairement les marques de la dignité du défunt; comme la couronne ducale, &c. ce sont des officiers ou gentilshommes qui sont chargés de ces fonctions; & aux funérailles des rois, elles sont remplies par les grands officiers de la couronne. Parmi les Protestans, on a retranché la plûpart des cérémonies de l'Eglise romaine; les aspersions; croix, luminaire, &c. Pour l'inhumation d'un particulier, le ministre le conduit au lieu de sa sépulture; & lorsqu'on l'a mis en terre, il adresse ces paroles au cadavre: dors en paix, jusqu'à ce que le seigneur te réveille . Celles des rois & des princes se font avec le cérémonial attaché à leurs dignités, & d'usage différent selon les divers pays. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNERAIRE, (sacrifice) Author=Jaucourt Normalized Classification=Antiquité Part of Speech=NA FUNÉRAIRE FUNÉRAIRE, ( sacrifice ) Antiquité . les Romains avoient coûtume d'offrir aux dieux des sacrifices sanglans ou non-sanglans, à la mort de leurs parens & de leurs amis; l'Histoire en fait mention, & les monumens qui représentent en sculpture ou en gravure, ces marques de la piété & de la tendresse des vivans envers les morts, ne sont pas rares dans les cabinets des Curieux. Le Roi de France possede une agathe onyx, dont la gravûre peut en augmenter le nombre: on y voit sous le toît d'un bâtiment rustique, & tel qu'on les construisoit dans l'enfance de l'Architecture, une femme une vis-à-vis d'un autel, sur lequel est allumé le feu sacré. Elle paroît occupée d'un sacrifice qu'elle offre aux dieux infernaux, avant que de placer dans la tombe l'urne qu'elle porte, & qui sans doute est remplie des cendres de quelqu'un qu'elle a aimé. Derriere elle, est posé sur une colonne un vase rempli de fleurs; car c'étoit une pratique usitée, & même une pratique religieuse, d'en répandre sur les tombeaux: purpureos spargam flores , dit Virgile, au sujet de la mort de Marcellus; & saltem fungar inani munere . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funéraires, frais Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Funéraires Funéraires , frais , ( Jurisprud. ) voyez ci-devant Frais funéraires . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNERE Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.f. FUNERE * FUNERE, s. f. ( Hist. anc. ) nom que les Romains donnoient dans les cérémonies funebres à la plus proche parente du mort. Celle-ci renfermée dans la maison avec les autres parentes faisoit les lamentations & les regrets usités en pareille occasion; une autre appellée praefica , qui n'étoit pas parente, mais pleureuse publique de son métier, s'acquittoit du même devoir dans la rue. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNESTE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FUNESTE * FUNESTE, adj. ( Gramm. ) qui porte malheur; comme on voit dans ces exemples, une guerre fu- neste , un conseil funeste; il signifie aussi qui menace d'un malheur , ou qui l'annonce , ainsi que dans cette phrase, il a quelque chose de funeste dans le regard . On appelle jours funestes , ceux qui sont marqués de quelques grands malheurs; les hommes redoutent le retour de ces jours comme s'ils devoient ramener avec eux les mêmes malheurs. Mais, s'ils connoissoient mieux l'histoire du monde, ils ne trouveroient peut-être pas dans tout le cours d'une année, un séul moment qui ne fût marqué par plusieurs grands accidens, & ils s'accorderoient à ne regarder aucun jour ou à regarder tous les jours comme funestes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNEURS Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA FUNEURS FUNEURS, ( Marine. ) Voyez Agréeurs . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUNG FUNG, ( Géog. ) ville de la Chine, dans la province de Nankin. Le P. Martini lui donne 35 d 20' de lat. & le fait de 35 d plus orientale que Peking. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNG-GYANG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUNG-GYANG FUNG-GYANG, ( Géog. ) ville de la Chine, dans la province de Xansi, remarquable par la naissance de Chu , qui de simple prêtre, devint empereur de la Chine. Long. 134 d 10'. latit. 35 d 20', suivant le P. Martini. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNGIFER LAPIS Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA FUNGIFER LAPIS FUNGIFER LAPIS, ( Hist. nat. ) quelques auteurs ont donné ce nom à une pierre, qui suivant Gesner, se trouve dans le royaume de Naples, & en d'autres endroits de l'Italie. Cette pierre a, diton, la propriété de produire des champignons au bout de quatre jours, pourvû qu'elle ait été couverte de terre, & arrosée d'eau tiede. Voyez Boetius de Boot, lib. II. Cette pierre est, dit-on, une espece de tophus , dont le tissu est très-spongieux; la propriété qu'elle a de produire des champignons vient, suivant les apparences, de ce que des graines de cette plante se sont logées dans les cavités dont elle est remplie, que la terre & l'eau tiede servent à développer. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNGITES Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA FUNGITES FUNGITES, ( Hist. nat. ) nom qui a été donné par les Naturalistes à une espece de corail ou de concrétion marine qui ressemble à un champignon; c'est ce qui lui a fait donner le nom qu'elle porte. La forme en est ordinairement conique, garnie de sillons à la surface, & plus évasée par une extrémité. La pierre à bâtir connue à Paris sous le nom de pierre de Verberie , contient beaucoup de fungites , il y en a plusieurs variétés. Les Naturalistes leur ont donné plusieurs noms différens, & les ont appellés coralloides undulati, kymatitae, astroitae undulati, columelli, undulago, fungitae , &c. Voyez la Minéralogie de Wallerius, tome II. pages 37 & 41, & l'article Champignon de mer . Il y a encore une pierre que les anciens ont nommée fungites ou fongites , que l'on prétend se trouver en Perse, & avoir une couleur de feu, suivant les uns, & celle du crystal de roche, suivant d'autres; c'est tout ce qu'on en sait. On lui a attribué la qualité d'appaiser les douleurs quand on la porte à la main gauche. Voyez Boetius de Boot. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNGMA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FUNGMA FUNGMA, ( Géog. ) île d'Asie, au sud du royaume de Corée, à l'E. de l'embouchure de la riviere Jaune, & à l'O. de Firando, île du Japon. Les tables hollandoises donnent à la pointe occidentale de Fungma 146 d 15' de long . & 34 d 30' de lat. M. de Lisle retranche les 30 minutes de lat. dans sa carte des Indes & de la Chine, & remarque que cette île s'appelle aussi Guelpaerts . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNGOIDASTER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FUNGOIDASTER FUNGOIDASTER, s. m. ( Hist. nat. bot. ) genre de plantes qui ont une tête comme le champignon, dont elles different en ce que leur chapiteau est lisse par-dessus & par-dessous, & que les semences sont attachées dans quelques especes sur la surface supérieure, & dans d'autres sur l'inférieure. Nova plantar. amer. gener. &c. par M. Micheli. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNGOIDES Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m.pl. FUNGOIDES FUNGOIDES, s. m. pl. ( Hist. nat. bot. ) genre de plante dont le caractere dépend de la figure de ses différentes especes. Il y en a quelques-unes qui ont la forme d'un verre à boire; d'autres ressemblent à une poire renversée; quelques-unes sont faites comme un entonnoir, un petit bouclier, une lentille, ou une coupe: on en trouve qui ont un pédicule, d'autres n'en ont point. Les semences sont très-petites dans toutes les especes; elles sont rondes ou ovoïdes, & placées sur la face supérieure de la plante; le ressort des fibres ou l'impulsion du vent les enleve & les dissipe comme de la fumée. Nova plant. amer. gener. par M. Micheli. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNGUS Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. FUNGUS FUNGUS , s. m. terme de Chirurgie; mot latin qui signifie champignon , & qui a passé par analogie dans la langue françoise, pour signifier des excroissances charnues qui viennent sur les membranes, sur les tendons, autour des articles, à l'anus, & aux parties naturelles de l'un & l'autre sexe, ou qui s'élevent en forme de champignons dans les plaies & dans les ulceres. Voyez Fongus & Excroissance , Condylome , Fic , Hypersarcose , Sarcome . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fungus Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=NA Fungus Fungus , ( Maréchall. ) se dit d'une excroissance de chairs spongieuses & superflues; elle survient dans les ulceres & dans les plaies. Nous nommons encore de ce nom certaines protubérances plus ou moins considérables qui se montrent quelquefois dans les plaies saines. Celles qui naissent des plaies qui, ensuite de quelqu'opération pratiquée, ou par d'autres causes quelconques, affectent les piés, sont appellées fort improprement par les Maréchaux cerises ou bouillons . La nécessité de consumer toute chair superflue, lâche, molle & saillante, qui s'oppose à la guérison de l'animal, & à la cicatrice que l'on s'efforce de procurer, est généralement connue. Les moyens que nous employons à cet effet varient selon la nature, le genre, & le volume des fungus . Les cathérétiques plus ou moins forts, dissiperont ceux que des topiques dessicatifs & détersifs n'auroient pû détruire. Ces derniers médicamens seront préférables dans le cas des fungus , qui naissent des plaies saines. Voyez Ulceres & Plaies . A l'égard des bouillons ou cerises , qui le plus communément n'arrivent qu'ensuite du peu d'attention du Maréchal à comprimer dans ses pansemens la partie malade, ou à faire porter son appareil également dans toute son étendue; il faut se hâter de les réprimer par la voie de la compression & par des corrosifs plus ou moins legers, tels que la poudre de sabine, l'ochre, le vitriol blanc, la chaux vive, l'alun brûlé, le précipité rouge, dont on saupoudrera le fungus , sur lequel on appliquera ensuite un plumaceau garni d'onguent aegyptiac. Voyez Sole . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fungus petraeus Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA Fungus petraeus Fungus petraeus , ( Hist. nat. ) nom donné par quelques auteurs à la terre calcaire, legere, & spongieuse, que l'on nomme lait de lune, lac lunae . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNIN Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. FUNIN FUNIN, s. m. ( Marine. ) c'est le cordage d'un vaisseau; on dit le funin d'un tel mât, d'une telle vergue, pour dire les cordages qui doivent servir au mât ou à cette vergue: mettre un vaisseau en funin , c'est le funer & l'agréer de tous ses cordages. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Funin Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Funin Funin , Voyez Franc-funin . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNICULAIRE Author=d'Alembert Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=adject FUNICULAIRE FUNICULAIRE, adj. ( Méchan. ) on appelle machine funiculaire , un assemblage de cordes, par le moyen desquelles deux ou plusieurs puissances soûtiennent un ou plusieurs poids. Cette machine est au nombre des forces mouvantes, & elle est regardée comme la plus simple. Voyez Force mouvante . Pour trouver les lois de l'équilibre dans cette machine, il faut 1°. prendre toutes les puissances qui concourent en un même point, & les réduire toutes à une seule par le principe de la composition des forces. Voyez Composition . Cette puissance dont tirer dans la direction de la corde, ce qui est évidemment nécessaire pour l'équilibre; premiere condition . 2°. En suivant cette même méthode, on réduira toutes les puissances qui agissent sur différens points de la corde, à un systeme de puissances qui agissent toutes sur un même point (on doit regarder les poids s'il y en a plusieurs, comme autant de puissances); réduisant ensuite par le principe de la composition des forces ces dernieres puissances qui agissent sur un même point, on arrivera enfin à deux puissances uniques qui doivent être égales & directement contraires, pour qu'il y ait équilibre; seconde condition . Voyez le projet de Méchanique, & la méchanique de Varignon; voyez aussi l' article Chainette où nous avons indiqué une autre méthode pour trouver les lois de l'équilibre dans la machine funiculaire . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUNTA Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. FUNTA FUNTA, s. m. ( Commerce. ) poids dont on se sert en Russie pour peser l'argent. Le funta contient 96 solotnichs, & chaque solotnich pese un peu plus d'un gros. Hubner, dictionn. univers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUREMPLAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. FUREMPLAGE FUREMPLAGE, s. m. ( Jurisprud. ) terme usite dans quelques coûtumes, pour dire à proportion du prix & valeur de la chose, au prorata & furemplage. Voyez la coûtume de Château-neuf, articles jx. & x. celle de Chartres, art. x. & Dreux, art. vij. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURET Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.m. FURET FURET, s. m. mustela sylvestris, viverra, furo seu furunculus , ( Hist. nat. Zoolog. ) animal quadrupede du genre des belettes, des foüines, des putois, &c. Il est un peu plus grand que la belette, & plus petit que le putois; il a la tête applatie par le dessus, les oreilles larges, courtes, & droites; le museau long & pointu, le corps mince & alongé, & le poil de couleur jaunâtre. Ray, synop. animal. quadr. Voyez Quadrupede . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURETER Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Chasse Part of Speech=v.n. FURETER FURETER, v. n. ( Chasse. ) faire sortir les lapins de leur terrier par le moyen des furets. Il y a plusieurs manieres de fureter . Si on veut prendre indistinctement tous les lapins, on enferme le terrier avec des panneaux, à deux toises au-moins des gueules les plus éloignées; on introduit des furets dans le terrier; on a près de soi un chien sûr, attentif & muet, & on attend en silence. Les lapins poursuivis par les furets sortent, & se précipitent dans le panneau, dont les mailles les enveloppent. Le chien les y suit, les tue, & revient à son maître. De cette maniere les lapins abandonnent le terrier presque sans résistance, parce que l'éloignement du panneau leur cache le danger. Mais on ne peut pas s'en servir dans les garennes, où il est important de ménager les hases. Voyez Garenne . Alors au lieu d'enfermer tout le terrier avec des panneaux, on adapte à chacune des gueules une bourse faite de filet, dont l'ouverture est proportionnée à celle de la gueule. Le lapin poursuivi se jette dans cette bourse avec un effort qui la referme, & on le prend vivant. Ainsi on a l'avantage de choisir les mâles pour les tuer, & on peut laisser aller les femelles. Une troisieme maniere de fureter , qui n'a guere pour objet que le plaisir, demande beaucoup d'adresse & d'habitude à tirer. Lorsqu'on a introduit le furet dans le terrier, on se place à portée, le visage tourné du côté du vent; & on tue à coups de fusil les lapins qui sortent avec une vîtesse extrème pour se dérober à la poursuite du furet. De quelque maniere qu'on surete , les furets doivent être emmuselés, assez pour qu'ils ne puissent pas tuer les lapins qu'ils chassent. Sans cela ils jouiroient d'abord, & resteroient endormis dans le terrier. Mais il ne faut pas que la museliere les gêne au point de les occuper. Leur ardeur en seroit ralentie, & souvent ils ont besoin d'opiniâtreté pour faire sortir les lapins. Dans un grand terrier, un ou deux surets se lassent inutilement; il en faut souvent six, & même plus, pour tourmenter les lapins & les forcer. La fatigue rebute les furets & les endort. Alors on a souvent de la peine à les reprendre. Quelques garenniers enfument le terrier avec de la paille, du soufre, de la poudre, &c. pour les éveiller, ou les contraindre à sortir. Mais le plus sûr moyen de reprendre son furet, c'est de faire au milieu du terrier nn trou rond, d'un pie & demi de diametre, & de deux à trois piés de profondeur. Ce trou doit être place de maniere qu'il aboutisse par plusieurs passages aux principales chambres du terrier. On place au fond un lit de foin, & on se retire. Le furet qui est accoûtumé à coucher sur le foin rencontre ce lit, & on l'y retrouve presque toûjours endormi le lendemain matin. Article de M. le Roy , lieutenant des chasses du parc de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUREUR Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire | Morale Part of Speech=s.f. FUREUR * FUREUR, s. f. ( Gramm. & Moral. ) il se dit au singulier des passions violentes: c'en est le degré extreme; il aime à la fureur . Mais il est propre à la colere. Au plurier, l'acception du terme change un peu. Il paroit marquer plutôt les effets de la passion que son degré; exemple, les fureurs de la jalousie, les fureurs d'Oreste . On dit par métaphore que la mer entre en fureur; c'est lorsqu'on voit ses eaux s'agiter, se gonfler, & qu'on les entend mugir au loin. Quand on dit la fureur des vents , on les regarde comme des êtres animés & violens. Il y a une fureur particuliere qu'on appelle fureur poétique; c'est l'enthousiasme, voyez Enthousiasme . Il semble que l'artiste devroit concevoir cette fureur avec d'autant plus de force & de facilité, que son génie est moins contraint par les regles. Cela supposé, l'homme de génie qui converse, deviendroit plus aisément enthousiaste que l'orateur qui écrit, & celui-ci plus aisément encore que le poëte qui compose. Le musicien qui tient un instrument, & qui le fait résonner sous ses doigts, seroit plus voisin de cette espece d'ivresse, que le peintre qui est devant une toile muette. Mais l'enthousiasme n'appartient pas également à tous ces genres, & c'est la raison pour laquelle la chose n'est pas comme on croiroit d'abord qu'elle doit être. Il est plus essentiel au musicien d'être enthousiaste qu'au poéte, au poëte qu'au peintre, au peintre qu'à l'orateur, & à l'orateur qu'à l'homme qui converse. L'homme qui converse ne doit pas être froid, mais il doit être tranquille. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fureur Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA Fureur Fureur , ( Mythol. ) divinité allégorique du genre masculin chez les Romains, parce que furor dans la langue latine est de ce genre. Les Poëtes représentent ce dieu allégorique, la tête teinte de sang, le visage déchiré de mille plaies, & couvert d'un casque tout sanglant; ce dieu, ajoûtent-ils, est enchaîné pendant la paix, les mains liées derriere le dos, assis sur un amas d'armes, frémissant de rage, & pendant la guerre ravageant tout, après avoir rompu ses chaînes. Voici la description qu'en fait Petrone dans son poëme de la guerre civile entre César & Pompée . . . . . . . abruptis ceu liber habenis, Sanguineum latè tollit caput, ora. . . mille Vulneribus confossa cruenda casside velat Haeret. . . . laevae. . . . umbo, Innumerabilibus telis gravis; atque flagranti Stipite dextra minax, terris incendia portat . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fureur Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Fureur Fureur , ( Medecine. ) c'est un symptome qui est commun à plusieurs sortes de délires; il consiste en ce que le malade qui en est affecté, se porte avec violence à différens excès, semblables aux effets d'une sorte colere; il ne parle, ne répond qu'avec brutalité, en criant, en insultant: & s'il cherche à frapper, à mordre les personnes qui l'environnent; s'il se maltraite lui-même, s'il déchire, brise, renverse ce qui se trouve sous ses mains; en un mot, s'il se comporte comme une bête feroce, la fureur prend le nom de rage . On ne doit donc pas confondre la fureur avec la manie, quoiqu'il n'y ait point de manie sans fureur; puisque ce symptome a aussi lieu essentiellement dans la phrénésie, assez souvent dans l'hydrophobie, & quelquefois jusqu'à la rage dans chacune de ces maladies; mais aucune d'entr'elles n'étant aussi durable que la manie, parce qu'elle est la seule qui soit constamment sans fievre; c'est aussi dans la manie que la fureur qui la distingue de la simple folie, subsiste le plus long-tems. Ainsi, comme on ne peut pas traiter de la manie sans traiter de la fureur , comme du symptome qui en est le signe caractéristique, en tant qu'il est joint à un délire universel sans fievre; pour éviter les repétitions, voyez Manie . Voyez aussi Délire , Phrénésie , Rage , Rage canine , & l'article suivant . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fureur utérine Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fureur utérine Fureur utérine , nymphomania, furor uterinus; c'est une maladie qui est une espece de délire attribué par cette dénomination aux seules personnes du sexe, qu'un appétit vénérien demésuré porte violemment à se satisfaire, à chercher sans pudeur les moyens de parvenir à ce but; à tenir les propos les plus obscènes, à faire les choses les plus indécentes pour exciter les hommes qui les approchent à éteindre l'ardeur dont elles sont dévorées; à ne parler, à n'être occupées que des idées relatives à cet objet; à n'agir que pour se procurer le soulagement dont le besoin les presse, jusqu'à vouloir forcer ceux qui se refusent aux desirs qu'elles témoignent; & c'est principalement par le dernier de ces symptomes, que cette sorte de délire peut être regardée comme unc sorte de fureur , qui tient du caractere de la manie, puisqu'elle est sans fievre. Ainsi comme la faim, ce sentiment qui fait sentir le besoin de prendre de la nourriture, & qui porte à le satisfaire, peut, par la privation des moyens trop long-tems continués, dégénérer en fureur jusqu'à la rage; de même le desir de l'acte vénérien qui est un vrai besoin naturel dans certaines circonstances, eu égard au tempérament ou à d'autres causes propres à faire naître ou augmenter la disposition à ressentir vivement les aiguillons de la chair, peut être porté jusqu'à la manie, jusqu'aux plus grands excès physiques & moraux, qui tendent tous à la joüissance de l'objet, par le moyen duquel peut être assouvie la passion ardente pour le coit. Si l'observation avoit fourni des exemples d'hommes affectés d'une envie déréglée de cette espece, poussée à une pareille extrémité, on auroit pû appeller la lésion des fonctions animales qui en seroit l'ef. fet, fureur vénérienne; nom qui auroit convenu à cette sorte de délire considéré dans les deux sexes: mais les hommes n'y sont pas sujets comme les femmes; soit parce qu'en général les moeurs n'exigent nulle part d'eux la retenue, la contrainte, en quoi consiste la pudeur, cette vertu si recommandée aux femmes dans presque toutes les nations, même dans celles qui sont le moins civilisées; parce qu'elle est une sorte d'attrait à l'égard des hommes, qui leur fait un plaisir de surmonter les obstacles opposés à leur desir, & qui contribue par conséquent davantage à entretenir le penchant des hommes pour les femmes, à favoriser la propagation de l'espece humaine; soit aussi parce que les hommes sont constitués relativement aux organes de la génération, de maniere qu'il peut s'y exciter des mouvemens spontanés; d'où s'ensuivent des effets propres à faire cesser le sentiment de besoin de l'acte vénérien (ressource dont le moyen n'est dans les femmes que bien imparfaitement); & que d'ailleurs le libertinage du coeur est assez répandu pour qu'il y ait peu d'hommes qui ne préviennent même ce soulagement naturel par l'abus de soi-même, au défaut de l'usage des femmes, dans le cas où il ne peut pas être recherché, par bienséance, ou par tout autre empêchement. Voyez Génération , Pollution , Mastupration . Ensorte qu'il peut y avoir à la vérité dans les hommes comme dans les femmes, une disposition à l'appétit vénérien, augmentée outre mesure, ainsi qu'ils l'éprouvent dans le priapisme, le satyriasis: mais elle n'est jamais portée jusqu'à dégénérer en fureur; parce que le besoin est satisfait d'une maniere ou d'autre, avant que ce dernier excès puisse avoir lieu. Voyez Salacité , Priapisme , Satyriasis . La mélancolie érotique n'a pas pour objet immédiat l'acte vénérien en général, mais le desir d'y procéder avec une personne déterminée que l'on aime éperdument. Voyez Erotique . Il ne faut pas non plus confondre le prurit du vagin avec la fureur utérine; celui-là peut être une disposition à celle-ci, mais il n'en est pas toûjours suivi; il excite, il force à porter les mains aux parties affectées, à les frotter pour se procurer du soulagement, comme il arrive à l'égard de la demangeaison dans toute autre partie du corps, que l'on gratte dans la même vûe, c'est-à-dire pour en enlever les causes irritantes. Mais dans le cas dont il s'agit ici, les attouchemens se font sans témoin, sans indécence ( voyez Vagin ), en quoi ils different de ceux qu'occasionne la fureur utérine; ou s'ils sont faits avec affectation & par des moyens contraires à l'honnêteté, c'est l'effet de la corruption des moeurs, non pas un délire. L'appétit vénérien, oestrum venereum (dont il a été omis de traiter en son lieu, à quoi il va être un peu suppléé ici, parce que le sujet l'exige; voyez d'ailleurs Génération ), ce sentiment qui porte aux actes nécessaires ou relatifs à la propagation de l'espece, peut être excité, en le comparant à celui des alimens ( voyez Faim ), par l'impression que reçoivent les organes de la génération, transmise au cerveau, avec des modifications propres à affecter l'ame d'idées lascives; ou par l'influence sur ces mêmes parties de l'ame affectée d'abord de ces idées, indépendamment de toute impression des sens; par laquelle influence elles sont mises en jeu, & réagissent sur le cerveau; d'où il s'ensuit que l'ame est de plus en plus fortement occupée de sensations voluptueuses qui ne peuvent cependant pas subsister long-tems sans la fatiguer; qui la portent en conséquence à faire cesser cette inquiétude attachée à la durée de toute sorte de sentimens trop vifs; à employer les moyens que l'instinct lui apprend être propres à produire ce dernier effet. Voyez Sens , Plaisir , Douleur , Instinct . Si l'appétit vénérien est modéré, on peut suspendre les effets des sentimens qu'il inspire, des desseins qu'il suggere pour se procurer le moyen de le satisfaire; comme on ne se porte pas à manger toutes les fois qu'on en a envie; comme on se fait violence pendant quelque tems pour supporter la faim, lorsqu'on ne peut pas se procurer des alimens, ou qu'on a des raisons de s'en abstenir, enfin lorsque la faim n'est pas canine. Voyez Faim canine . Mais ainsi que selon le proverbe ventre affamé n'a point d'oreilles , & qu'on n'écoute plus la raison qui exhorte à ne pas manger ou à prendre patience, dans les cas où on ne peut avoir des alimens à sa disposition, le sentiment du besoin pressant de nourriture l'emportant alors sur toute autre considération, & se changeant souvent en sureur: de même en est-il du besoin de satisfaire l'appétit vénérien; celui-ci comme sensitif, l'emporte sur l'appétit raisonnable: ensorte que, comme dit le poëte, Fertur equis auriga, nec audit currus habenas . C'est ce qui a lieu sur-tout dans les femmes qui sont doüées d'un tempérament plus délicat & plus sensible, dont la plûpart des organes sont aussi plus irritables, tout étant égal, que ceux des hommes, surtout ceux des parties génitales. Ainsi cet excès d'appétit vénérien qui est à cet appétit régle ce que la faim canine, la boulimie, sont au desir ordinaire de manger, forme une vraie maladie, la salacité immodérée, dont le degré extreme dans les femmes, lorsqu'elle va jusqu'à déranger l'imagination, & porte à des actions violentes, est, ainsi qu'il a été dit ci-devant, la fureur utérine . Les anciens attribuoient la cause de l'appétit vénérien excessif dans les deux sexes, à une vapeur qu'ils imaginoient s'élever en grande abondance de la liqueur séminale trop retenue & corrompue dans les testicules, qu'ils croyoient être portée par la moëlle épiniere dans le cerveau, & y troubler les esprits animaux; d'où doit, selon eux, s'ensuivre le desordre des idées, le délire relatif à celles qui sont dominantes. Mais comme il n'est plus question depuis longtems de vraie semence par rapport aux femmes, ou au-moins d'aucune liqueur vraiment analogue à la liqueur séminale virile, on a cherché ailleurs la cause prochaine commune aux deux sexes du sentiment qui les porte à l'acte vénérien; il paroît que l'on ne peut en concevoir d'autre que l'érétisme, la tension de toutes les fibres nerveuses des parties génitales, qui les rend plus susceptibles de vibrations, par les contacts physiques ou méchaniques; ensorte que ces vibrations excitées par quelque moyen que ce soit, transmettent au cerveau des impressions proportionnées, auxquelles il est attaché de représenter à l'ame, ou de lui faire former des idées relatives aux choses vénériennes; d'où s'ensuit une sorte de réaction du cerveau sur les organes de la génération, vers lesquels il se fait une nouvelle évasion de fluide nerveux, comme il arrive à l'égard de toutes les parties où s'exerce quelque sentiment stimulant, de quelque nature qu'il soit; desorte que par cette émission l'érétisme se soûtient & augmente, au point que l'ame toûjours plus affectée par la sensation qui en résulte, semble en être uniquement & entierement occupée, & n'être unie qu'aux parties dont elle éprouve de si fortes influences. Telle est l'idée générale que l'on peut prendre de ce qui produit immédiatement le desir des actes vénériens; il reste à déterminer les différentes causes occasionnelles qui établissent l'érétisme des parties génitales dont il vient d'être parlé; l'observation constante a appris qu'elles peuvent consister dans l'effet des douces irritations procurées à ces organes, & à ceux qui y ont rapport; par les attouchemens, par le coït, ou par l'action stimulante de quelques humeurs acres, dont ils sont abreuvés, humectés, ou par tout autre effet externe ou interne qui peut exciter l'orgasme; tout cela joint à la sensibilité habituelle de ces mêmes organes. Ainsi ces causes peuvent avoir leur siége dans les parties génitales mêmes, ou elles consistent dans la disposition des fibres du cerveau relatives à ces parties, indépendamment d'aucune affection immédiate de celles-ci; dans la tension dominante de ces fibres excitée par tout ce qui peut échauffer l'imagination & la remplir d'idées voluptueuses, lascives; ainsi que la fréquentation de personnes de sexe différent, jeunes, de belle figure, qui font profession de galanterie; les propos, les conversations, les lectures, les images obscenes, la passion de l'amour, les caresses de l'objet aimé; & toutes ces choses établissent, augmentent d'autant plus cette disposition, qu'elles concourent avec un tempérament naturellement chaud, vif, entretenu par la bonne chere & l'oisiveté, dans l'âge où l'inclination aux plaisirs des sens est dans toute sa force. Toutes ces causes morales & les conséquences qu'elles fournissent, regardent autant l'homme que la femme; elles produisent des effets, elles font des impressions proportionnées à la sensibilité respective dans les deux sexes; il ne peut y avoir de la différence entre les différentes causes procatartiques, qui viennent d'être rapportées, que par rapport aux causes physiques; il faudroit donc à-présent voir de quelle maniere celles-ci sont appliquées à produire les effets dans chacun d'eux; mais quant à l'homme, ce n'est pas ici le lieu, voyez Priapisme , Satyriasis . A l'égard de la femme dont il s'agit expressément dans cet article, on peut dire encore que la plûpart des causes physiques, les attouchemens, les frottemens, le coït, operent les impressions de la même maniere dans les deux sexes, en tant qu'ils ébranlent les houpes nerveuses des parties génitales, y causent des vibrations plus ou moms fortes, produisent des chatouillemens, des sensations délicieuses plus ou moins vives. Ainsi ce n'est pas dans ces sortes de causes de l'orgasme vénerien que l'on trouve une autre maniere d'affecter dans les femmes que dans les hommes; ce ne peut être que dans celles qui sont propres à leur conformation, telles que 1°. la pléthore menstruelle, qui en distendant les vaisseaux de toutes les parties génitales, donne conséquemment aussi plus de tension aux membranes nerveuses du vagin, & les rend d'une plus grande sensibilité aux approches du tems des regles, laquelle subsiste ordinairement pendant quelles sont supprimées; de maniere que tout étant égal, les femmes sont plus disposées à l'appétit vénérien dans ces différentes circonstances, que dans toutes autres. 2°. La grande abondance de l'humeur salivaire, filtrée dans les glandes du vagin, qui étant portée dans ses vaisseaux excrétoires, les tient dilatés, tendus; d'où suit le même effet que du gonflement des vaisseaux par le sang menstruel. 3° La qualité acre, irritante de cette humeur, qui étant versée dans la cavité du vagin, excite une sorte de prurit par son action sur les nerfs, lequel produit dans les membranes de cette cavité une phlogose très propre encore à les rendre susceptibles d'une grande sensibililité. Toutes les différentes causes auxquelles il peut être attaché de produire un semblable effet, peuvent être rapportées à l'une de ces trois, ou à leur concours, différemment combiné avec le tempérament du sujet & les causes morales ci-devant mentionnées, pour établir la cause de l'appétit vénérien plus ou moins vif, à proportion de l'intensité de la disposition. Ainsi on peut ranger parmi les choses qui peuvent contribuer à produire cette disposition, les drogues auxquelles on attribue une vertu spécifique pour cet effet, que l'on appelle par cette raison aphrosidiaques , c'est-à-dire propres à exciter aux actes vénériens. Celle qui a la réputation d'avoir le plus éminemment cette qualité, est la préparation des mouches cantharides. Voyez Cantharides . Sennert vante aussi beaucoup l'efficacité du borax à cet égard: elle est si grande, selon lui, qu'une femme ayant bû un verre d'hypocras, dans lequel on avoit dissous de cette drogue, en fut tellement échauffée pour les plaisirs de l'amour, qu'elle tomba dans une vraie fureur utérine . Un mélange de muse mêlé avec des huiles aromatiques, introduit par quelque moyen que ce soit dans la cavité du vagin, peut aussi, selon Etmuller, produire les mêmes effets. Mais ces prétendus aphrosidiaques n'operent pour la plûpart qu'entant qu'ils sont stimulans en général, comme tous les acres subtils, pénétrans, sans aucune détermination à porter leurs effets plus particulierement sur une partie que sur une autre. L'expérience n'a appris à excepter guere que les cantharides, qui paroissent développer leur action dans les voies des urines plus qu'ailleurs; d'où par communication elles se font sentir dans les organes de la génération, en y excitant une sorte d'érétisme. De cette disposition corporelle produite par cette cause, ou par toute autre de celles qui viennent d'être exposées, s'ensuivent des sensations qui ne peuvent que faire naître dans l'ame des idées relatives aux plaisirs de l'amour; comme un certain gonflement des tuniques de l'estomac, par le sang, par le suc gastrique, & l'écoulement de la salive doüée de certaines qualités, réveille dans l'ame des idées relatives à l'appétit des alimens ( Voyez Faim ); idées qui peuvent être si fortes, s'il n'y est fait diversion par quelqu'autre, que les fibres du cerveau, dont un degré déterminé de tension est la cause physique à laquelle il est attaché de produire ces idées, contractent pour ainsi dire l'habitude de cette disposition, restent tendues, & par conséquent susceptibles d'affecter l'ame de la même maniere, indépendamment de l'impression transmise des organes de la génération; ensorte que les causes physiques qui donnent lieu à cette impression, peuvent cesser sans que l'état des fibres correspondantes du cerveau change: & il subsiste ainsi une vraie cause de délire, en tant que l'ame est continuellement occupée d'idées relatives à l'appétit vénérien, sans qu'aucune cause externe y donne lieu, & que la personne ainsi affectée juge certainement mal durant la veille de ce qui est connu de tout le monde, puisqu'elle cherche à satisfaire ses desirs sans décence, sans discrétion, par conséquent d'une maniere contraire aux bonnes moeurs & à l'education qu'elle a reçûe. Or, comme c'est le propre de toutes les passions de devenir plus violentes à proportion qu'elles trouvent plus de résistance, celle de l'appétit vénérien immodéré dans les femmes n'étant pas ordinairement bien facile à contenter, soit parce qu'elle est quelquefois insatiable, soit parce qu'il n'est pas toûjours possible ou permis d'employer les moyens propres à cet effet, s'irrite par-ces obstacles, & dégenere en fureur , qui parce qu'elle est censée être causée par les influences de la matrice, est appellée utérine . Cependant non-seulement ce délire violent peut exister sans que cet organe continue à y avoir aucune part, après avoir concouru à en établir la cause, mais encore sans qu'il ait jamais été précédemment affecté d'aucun vice qui y ait rapport, & même d'aucune disposition propre à produire cet effet. Il suffit que les causes morales ayent fortement influé sur le cerveau, pour y établir celle de la fureur utérine; ainsi que l'idée vive, le desir pressant de différens alimens, ou autres choses singulieres, qui affectent les femmes grosses, suffisent pour leur en donner de fortes envies, qui ressemblent souvent à un vrai délire, sans qu'il y ait aucune autre cause particuliere dans les organes qui puisse faire naître l'idée de cet appétit, de ces fantaisies: c'est alors une véritable espece de mélancolie maniaque. Voyez Envie , Mélancolie , Manie Mais la fureur utérine ne s'établit jamais tout de suite, avec tous les symptomes qui la caractérisent. Les personnes qui en sont affectées, ont toûjours commencé à ressentir par degrés les aiguillons de la chair; quoiqu'elles en soient d'abord fort inquiétées, la pudeur les retient pendant quelque tems; elles tâchent de ne pas manifester le sentiment honteux qui les occupe fortement; elles sont alors d'une humeur sombre, taciturne, triste; & il leur échappe de tems en tems des soupirs, des regards lascifs, sur-tout lorsqu'il se présente à elles des hommes, ou que l'on tient quelque propos qui a rapport aux plaisirs de l'amour; elles rougissent, leur visage s'allume; & si on leur touche le pouls dans ce tems-là, on le trouve plus agité, ainsi qu'il arrive dans la passion érotique. Voyez Erotique . Galien assûre qu'il n'a jamais été trompé à employer ce moyen, lorsqu'il a eu à découvrir les maladies causées par les desirs vénériens. Après ces premiers symptomes, lorsque le mal augmente, les personnes affectées paroissent perdre peu-à-peu toute pudeur; elles deviennent babillardes; elles ne cachent plus l'inclination qu'elles ont à s'entretenir, à jaser sur les plaisirs de l'amour; elles s'emportent facilement contre les personnes qui les contrarient, qui tâchent de les contenir; elles se livrent aussi quelquefois sans sujet à des accès de colere dangereuse; elles paroissent violemment agitées; elles font de grands cris mêlés d'éclats de rire, & passent subitement à donner des marques de chagrin, de douleur, à répandre des larmes, jusqu'à paroître desolées, desespérées; ce qui dure peu, pour passer à un état opposé. Enfin ces malheureuses en viennent à ne garder plus aucune mesure, à demander, à rechercher ce qui peut les satisfaire, à témoigner leur desir par les propos, les invitations, les gestes, & à se livrer pour cet effet au premier venu, s'il se trouve quelqu'un qui veuille s'y prêter; elles ne se contentent pas de peu; elles ne font souvent qu'irriter leur desir par ce qui sembleroit devoir suffire pour les assouvir; ce qui a lieu surtout dans les cas où la cause n'a pas son siége dans les parties génitales, où elle n'est pas par conséquent de nature à cesser par les effets des actes vénériens, où en un mot elle dépend absolument du dérangement du cerveau, parce qu'il n'est pas susceptible d'être corrigé par le remede ordinaire de l'amour, qui est la joüissance: au contraire ce vice en devient toûjours plus considérable, attendu que l'érétisme des fibres nerveuses & l'orgasme doivent nécessairement augmenter de plus en plus par cet effet, & par conséquent l'idée de desir qui est attachée à cet état doit être de plus en plus forte & violente. C'étoit sans doute par l'effet d'un délire de cette espece porté à cet excès, que Messaline étoit plûtôt fatiguée, lassée, que rassasiée des plaisirs grossiers auxquels elle se prostituoit sans mesure avec la plus infame brutalité. Ce ne peut être aussi vraissemblablement que par cause de maladie, que Sémiramis, cette reine des Assyriens, après s'être rendue digne des plus grands éloges, tomba dans la plus honteuse & la plus excessive dissolution, jusqu'à se livrer à un grand nombre de ses soldats, qu'elle faisoit après cela périr par les moyens les plus cruels. Martial fait mention des énormes débauches d'une Caelia , qui ne pouvoient être aussi, selon toute apparence, que l'effet d'une fureur utérine , puisqu'elle n'étoit pas une prostituée de profession; autrement il n'y auroit rien eu de remarquable dans ses excès. Ce poëte en parle ainsi, Ep. lib. VII. Das Cattis, das Germanis, das Caelia Dacis, Nec Cilicum spernis , &c. Le peu d'exemples que l'on peut citer de personnes atteintes de cette maladie, prouve qu'elle n'a par conséquent jamais été bien commune; & elle est devenue toûjours plus rare, à mesure que les moeurs sont devenues plus séveres sur le commerce entre les deux sexes, parce qu'il en résulte moins de causes occasionnelles; mais elle se présente encore quelquefois. Il est peu d'auteurs qui ayant été grands praticiens, n'ayent eu quelques observations autoptiques à rapporter à ce sujet, avec différentes circonstances: M. de Buffon, sans être medecin ( hist. nat. tom. IV. de la puberté ), dit avoir eu occasion d'en voir un exemple dans une jeune fille de douze ans, très-brune, d'un teint vif & fort coloré, d'une petite taille, mais déjà formée avec de la gorge & de l'embonpoint: elle faisoit les actions les plus indécentes au seul aspect d'un homme; rien n'étoit capable de l'en empêcher, ni la présence de sa mere, ni les remontrances, ni les châtimens: elle ne perdoit cependant pas totalement la raison; & ses accès, qui étoient marqués au point d'en être affreux, cessoient dans le moment qu'elle demeuroit seule avec des femmes. Aristote prétend que c'est à cet âge que l'irritation est la plus grande, & qu'il faut garder le plus soigneusement les filles. Cela peut être vrai pour le climat où il vivoit: mais il paroît que dans les pays froids le tempérament des femmes ne commence à prendre de l'ardeur que beaucoup plûtard. On observe en général que les jeunes personnes sont plus sujettes à la fureur utérine , que celles d'un âge avancé. Mais les filles brunes de bonne santé, d'une forte complexion, qui sont vierges, sur-tout celles qui sont d'état à ne pouvoir pas cesser de l'être; les jeunes veuves qui réunissent les trois premieres de ces qualités; les femmes de même qui ont des maris peu vigoureux, ont plus de disposition à cette maladie que les autres personnes du sexe: on peut cependant assûrer que le tempérament opposé est infiniment plus commun parmi les femmes, dont la plûpart sont naturellement froides, ou tout-au-moins sort tranquilles sur le physique de la passion qui tend à l'union des corps entre les deux sexes. La fureur utérine est susceptible d'une guérison facile à procurer, si on y apporte remede dès qu'elle commence à se montrer, & sur-tout avant qu'elle ait dégénéré en une manie continuelle: car lorsqu'elle est parvenue à ce degré, il est arrivé quelquefois que le mariage même ne la calme point. Il y a des exemples de femmes qui sont mortes de cette maladie: cependant dans le cas même où elle est dans toute sa force, on est fondé à en attendre la cessation; il y a même lieu de la regarder comme prochaine, lorsque les accès sont moins longs, que les intervalles deviennent plus considérables, & que l'on peut parler des plaisirs vénériens, sans que la malade paroisse en être aussi affectée, aussi portée à s'occuper de l'objet de son délire qu'auparavant. On doit être prompt à empêcher les progrès de cette maladie naissante, d'autant plus qu'elle peut non seulement avoir les suites les plus fâcheuses pour la personne qui en est affectée, mais encore elle établit un préjugé deshonorant à l'égard de la famille à qui elle appartient; préjugé toûjours injuste, s'il n'y a point de reproche à faire aux parens concernant l'éducation & les soins qu'ils ont dû prendre de la conduite de la malade, qui d'ailleurs avec toute la vertu possible, peut être tombée dans le cas de paroître en avoir secoué entierement le joug, parce que l'ame ne se commande pas toûjours elle même, parce que les sens lui ravissent quelquefois tout son empire, & qu'elle est réduite alors à n'être que leur esclave. Les indications à remplir dans le traitement de la fureur utérine , doivent être tirées de la nature bien connue de la cause prochaine qui produit cette maladie, jointe à celle de ses causes éloignées, de ses causes occasionnelles, & du tempérament de la pers sonne affectée. Si elle est naturellement vive, sensible, voluptueuse, qu'elle puisse légitimement se satisfaire par l'usage des plaisirs de l'amour, c'est communément le plus sûr remede qui puisse être employé contre la fureur utérine , selon l'observation des plus fameux praticiens, qui pensent que la maxime générale doit être appliquée dans ce cas: quo natura vergit, eò ducendum ; aussi n'en trouve-t-on aucun qui ne propose cet expédient comme le plus simple, lorsqu'il peut être mis en usage. Voyez les observations à ce sujet, de Skenchius, de Bartholin, d'Horstius; les oeuvres de Sennert, de Riviere, d'Etmuller, &c. En effet il en est de cet appétit, lorsqu'il peche plutôt par excès que par dépravation, comme de celui des alimens, lorsqu'il n'est qu'un desir violent des alimens; la faim s'appaise en mangeant. Mais si la fureur utérine ne dépend ni du tempérament seul, ni d'aucun vice dans les parties génitales; si elle n'est autre chose qu'un vrai délire mélancolique, maniaque, provenant du vice du cerveau, sans aucune influence étrangere à ce viscere, on a vû dans ce cas que les actes vénériens ne procurent aucun soulagement, & qu'ils sont insuffisans, quelque répétés qu'ils puissent être, pour faire cesser la disposition des fibres nerveuses, qui entretiennent ou renouvellent continuellement dans l'ame l'idée d'un besoin qui n'existe réellement point. Il en est dans ce cas comme de la faim, que le manger ne fait pas cesser. Voyez Faim canine . Il faut alors avoir recours aux remedes physiques & moraux, propres à détruire cette disposition. On peut encore concevoir des cas où la fureur utérine , bien loin d'être calmée par les moyens qui semblent d'abord les plus propres à satisfaire les desirs déréglés en quoi elle consiste, ne fait qu'être irritée par ces mêmes moyens, en tant qu'ils augmentent & soûtiennent l'orgasme dans les parties génitales, dont l'impression ne cesse d'être transmise au cerveau, & d'y rendre l'érétisme toûjours plus violent; ensorte que dans ces différens cas ils seroient plûtôt utiles à être employés dans la suite comme préservatifs, que comme curatifs. Mais si la malade, quoique très-bien dans le cas où le coït pourroit lui être salutaire, n'est pas susceptible d'un pareil conseil, comme le mal est pressant, & qu'il ne faut pas lui laisser jetter de profondes racines, il faut recourir aux moyens convenables que l'art propose, pour faire cesser les effets d'un sentiment aussi importun que révoltant par sa nature. Ainsi lorsqu'il y a lieu d'attribuer la maladie à la pléthore, soit qu'elle soit naturelle à l'approche de l'évacuation menstruelle, soit qu'elle provienne de cette évacuation supprimée, on doit employer la saignée à grande dose & à plusieurs reprises, à proportion de l'intensité de cette cause déterminante, & il faut travailler à rétablir les regles selon l'art. Voyez Menstrues . Si la maladie dépend d'un engorgement des glandes & des vaisseaux salivaires du vagin, avec chaleur, ardeur dans les parties génitales, on peut faire usage avec succès d'injections, d'abord rafraîchissantes, tempérantes; & après qu'elles auront produit leur effet, on continuera à en employer, mais d'une nature différente. On les rendra legerement acres, apophlegmatisantes. Les bains domestiques, les lavemens émolliens, les tisanes émulsionnées, nitreuses, conviennent pour satisfaire à la premiere de ces deux indications-ci. Les purgatifs minoratifs, les doux hydragogues, les ventouses aux cuisses, les sangsues à l'anus pour procurer un flux hémorrhoïdal, peuvent être placés avec succès pour remplir la seconde. En détournant de proche en proche les humeurs dont sont surchargées les membranes du vagin, on doit observer d'accompagner l'usage de ces différens remedes d'un régime propre à changer la qualité des humeurs, à en corriger l'acrimonie, l'ardeur dominante, à en refréner la partie bilieuse stimulante: ainsi l'abstinence de la viande, sur-tout du gibier; des alimens épicés, salés; des liqueurs spiritueuses, du vin même, & un grand retranchement sur la quantité ordinaire de la nourriture ( sine baccho & cerere friget venus ); l'attention de faire éviter l'usage de tout ce qui peut favoriser la mollesse, la sensualité, comme les trop bons lits, les coetes, qui, comme on dit, échauffent les reins; en un mot de prescrire un genre de vie austere à tous égards. Si la maladie doit être attribuée principalement à des causes morales, il faut être extrèmement sévere à les faire cesser; il faut éloigner tout ce qui peut échauffer l'imagination de la malade, lui présenter des idées lascives; ne la laisser aucunement à portée de voir des hommes; lui fournir la compagnie de personnes de son sexe, qui ne puissent lui tenir que des propos sages, réservés, qui lui fassent de douces corrections, qui lui rappellent ce qu'elle doit à la religion, à la raison, aux bonnes moeurs, à l'honneur de sa famille: en même tems, on pourra faire usage de tous les remedes propres à combattre la mélancolie, la manie: les anti-hystériques, les anti-spasmodiques, les anodyns, les narcotiques, sont les palliatifs les plus assûrés à employer, en attendant que l'on ait pû détruire entierement la cause par les moyens convenables. La plûpart des auteurs proposent plusieurs médicamens, comme des spécifiques pour éteindre les ardeurs vénériennes; tels que le camphre enflammé & plongé dans la boisson ordinaire, ou employé tout autrement, sous quelque forme que ce soit: il est bon à joindre à tous les autres remedes propres à détruire l'excès de l'appétit vénérien. Horstius, epist. ad Bartholinum , assûre n'avoir jamais éprouvé que de très grands effets du camphre, l'ayant souvent mis en usage pour des filles attaquées de la fureur utérine. Voyez Camphre . On trouve aussi le suc de l' agnus castus , des tendrons de saule, de morelle, de petite joubarbe, très-recommandé pour être donné dans les juleps, contre cette maladie: on fait aussi avec succès des décoctions des feuilles de ces plantes, pour les injections, les fomentations, les bains nécessaires. On vante beaucoup aussi les bons effets du nymphéa, des violettes, de leur syrop: on conseille sur-tout très-fort l'usage des préparations de plomb, entr'aurres du sel de Saturne; mais seulement pour les personnes qui ne sont pas & qui ne doivent jamais être dans le cas de faire des enfans; parce que ce métal pris intérieurement rend, dit-on, les femmes stériles. Riviere, dans l'idée où il étoit qu'il falloit attribuer la fureur utérine à la semence échauffée, faisoit prendre, pour l'évacuer, des bols de térébenthine. Quel cas fera d'un pareil remede le medecin qui ne croit pas à l'existence de cette humeur séminale, & qui ne juge de son effet que par l'idée qu'en donne ce vénérable praticien? Mais aucun de tous ces médicamens ne convient dans le traitement de la maladie dont il s'agit, qu'entant qu'il peut satisfaire à quelqu'une des différentes indications qui se présentent à remplir, & non point par aucune autre vertu spéciale. Il n'en est aucun qui puisse être employé indistinctement dans tous les cas: c'est au medecin prudent à choisir entr'eux, conformément à l'idée qu'il s'est faite de la nature de la maladie, d'après les conséquences qu'il a judicieusement tirées de la nature de ses causes & de ses symptomes, combinée avec la constitution de la malade. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURFUR Author=unknown Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA FURFUR FURFUR, ( Chirur. ) ce mot signifie en général son; c'est un symptome ou plûtôt un effet de la gale seche, qui en rongeant la peau, sur-tout la cuticule, en éleve des couches semblables à du son. Lorsqu'il attaque la tête, la barbe, ou les sourcils, il prend le nom de porrigo . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURIES Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f.pl. FURIES FURIES, s. f. pl. ( Myth. ) divinités infernales imaginées par la Fable pour servir de ministres à la vengeance des dieux contre les méchans, & pour exécuter sur eux les sentences des juges des enfers. Expliquons ici l'origine des furies , leurs noms, leur emploi, leur caractere, le culte qu'on leur a rendu, & les figures sous lesquelles on les a représentées. Selon Apollodore, les furies avoient été formées dans la mer, du sang qui sortit de la plaie que Saturne avoit fait à son pere Coelus: Hésiode qui les rajeunit d'une génération, les fait naître de la Terre, qui les avoit conçûes du sang de Saturne: cependant le même poëte dit ailleurs, qu'elles étoient filles de la Discorde, & qu'elles étoient nées le cinquieme de la Lune, assignant à un jour que les Pythagoriciens croyoient consacré à la Justice, la naissance des déesses qui devoient la faire rendre avec la derniere rigueur. Eschyle & Lycophron prétendent que les furies étoient filles de la Nuit & de l'Achéron: Sophocle tire leur origine de la Terre & des Ténebres; Epyménide veut qu'elles soient soeurs de Vénus & des Parques, & filles de Saturne & d'Evonyme: d'autres enfin assûrent qu'elles devoient leur naissance à Pluton & à Proserpine. Ainsi chacun, en suivant en cela les traditions de son tems & de son pays, a donné à ces divinités les parens qui paroissoient le mieux convenir à leur caractere: mais la véritable origine de ces déesses se doit plus vraissemblablement attribuer à l'idée naturelle qu'ont eue les hommes, qu'il devoit y avoir après cette vie des châtimens de même que des récompenses: c'est sans doute sur cette idée que furent formés l'Enfer & les champs Elisées des poëtes; & comme on y établit des juges, pour rendre à chacun la justice qu'il méritoit, on �imagina des furies pour leur servir de ministres, & exécuter les sentences qu'ils portoient contre les scélérats. Si les anciens ont varié sur l'origine des déesses infernales, ils n'ont pas été plus uniformes sur leur nombre: cependant il paroît qu'ils en ont admis ordinairement trois, Tysiphone, Mégere, & Alecto; & ces noms, qui signifient carnage, envie, trouble perpétuel , leur conviennent parfaitement. Virgile suppose plus de trois furies; car il parle d'elles en ces termes, agmina saeva sororum , la troupe des cruelles soeurs; il comprend même les harpies au nombre des furies , puisqu'il appelle Céléno, la plus grande des furies, furiarum maxima . Plutarque, au contraire, ne reconnoît qu'une furie , qu'il nomme Adrastie , fille de Jupiter & de la Nécessité; & c'étoit elle, selon cet auteur, qui étoit le seul ministre de la vengeance des dieux. Outre le nom de furies que les Latins donnoient à ces déesses vengeresses, ils leur donnoient aussi le nom de poenoe , témoin ce vers de Virgile: Verberibus saevo cogunt sub judice poenoe . Les Grecs les appelloient Erynnies , parce que, suivant la remarque de Pausanias, ἐρινύειν signifie tomber en fureur: les Sicyoniens les nommoient déesses respectables , & les Athéniens, manies: enfin après qu' Oreste les eut appaisées par des sacrifices, on les appella Euménides , ou bien-faisantes. Voyez Euménides . Les poëtes grecs & latins donnerent souvent aux furies des épithetes qui marquent ou leur caractere, ou leur habillement, ou les serpens qu'elles portoient au lieu de cheveux, ou les lieux où elles étoient honorées: c'est ainsi qu'Ovide les appelle les déesses de Paleste, Palestinas deas , parce que ces déesses avoient un temple à Paleste en Epire. Il n'est pas difficile de comprendre à-présent quel étoit leur emploi. L'antiquité les a toûjours regardées comme des déesses inexorables, dont l'unique �occupation étoit de punir le crime, non-seulement dans les Enfers, mais même dès cette vie, poursuivant sans relâche les criminels, soit par des remords qui ne leur donnoient aucun repos, soit par des visions terribles, qui leur faisoient souvent perdre le sens. Il faudroit copier les poëtes, principalement Euripide, Sophocle, & Séneque, si on vouloit rapporter tous les traits dont ils se servent pour exprimer dans quel excès de fureur elles jettoient ceux qu'elles tourmentoient. On sait avec quelle beauté Virgile peint le desordre que produisit une de ces furies à la cour du roi Latinus: ce que fit Tysiphone à l'égard d'Etéocle & de Polynice, n'est ignoré que de ceux qui n'ont point lû la Thébaïde de Stace. Ovide représente avec la même vivacité le ravage que fit à Thebes la furie envoyée par Junon pour se venger d'Athamas, & ce que fit endurer à Isis une autre furie que la même Junon avoit suscitée pour la persécuter: mais de tous ceux que ces implacables déesses infernales ont poursuivis, personne n'a été un exemple plus éclatant de leur vengeance, que le malheureux Oreste. Les théatres de la Grece ont mille fois retenti des plaintes de ce parricide, qu'elles poursuivoient avec tant d'acharnement. Les furies étoient employées non-seulement lorsqu'il falloit punir les coupables, mais aussi quand il s'agissoit de châtier les hommes par des maladies, par la guerre, & par les autres fléaux de la colere céleste. Alecto passoit en particulier pour la mere de la guerre, comme Stace l'appelle; il falloit bien une furie pour inspirer aux hommes l'idée de s'entre-détruire, & l'art funeste d'y parvenir. Mais Cicéron rapporte à un trait de morale fort judicieux, toutes les différentes fonctions des furies . « Ne vous imaginez pas, dit-il, que les impies & les scélérats soient tourmentés par les furies qui les poursuivent avec leurs torches ardentes: les remords qui suivent le crime, sont les véritables furies dont parlent les poëtes ». Telle étoit aussi l'opinion des autres philosophes de l'antiquité. Cependant, comme les peuples ne sont pas philosophes, des déesses aussi redoutables que les furies s'attirerent un culte particulier. En effet, le respect qu'on leur portoit étoit si grand, qu'on n'osoit presque les nommer, ni jetter les yeux sur leurs temples. On regarda comme une impiété, si nous en croyons Sophocle, la démarche que fit OEdipe, lorsqu'allant à Athenes en qualité de suppliant, il se retira dans un bois qui leur étoit consacré; & on l'obligea, avant que d'en sortir, d'appaiser ces déesses par un sacrifice, dont ce poëte & Théocrite nous ont laissé la description. Comme la crainte avoit été la mesure du culte qu'on rendoit aux divinités, & qu'il n'y en avoit aucune qui fût si redoutée que les furies , on n'avoit rien oublié pour les appaiser, lorsqu'on les croyoit irritées; & c'est par ce motif qu'elles avoient des temples dans plusieurs endroits de la Grece. Les Sicyoniens, au rapport de Pausanias, leur sacrifioient tous les ans, au jour de leur fête, des brebis pleines, & leur offroient des couronnes & des guirlandes de fleurs, sur-tout de narcisse, plante chérie des filles de l'Enfer, à cause du malheur arrivé au jeune prince qui portoit ce nom. Eustathe, sur le premier livre de l'Iliade, dit que la raison pour laquelle on offroit le narcisse aux furies , venoit de l'étymologie de ce mot, ναρκοῦν , torpere , parce que les furies étourdissoient les coupables qu'elles tourmentoient. Elles avoient aussi un temple dans Céryne, ville d'Achaïe, où l'on voyoit leurs statues faites de bois & assez petites; & ce lieu étoit si fatal aux gens coupables de quelque crime, que dès qu'ils y entroient ils étoient saisis d'une fureur subite qui leur faisoit perdre l'esprit; tant la seule présence de ces déesses pouvoit causer de troubles! Il falloit même que ces événemens fussent arrivés plus d'une fois, puisqu'on fut obligé de défendre l'entrée du temple de Céryne. Pausanias nous apprend que les statues de ces déesses n'avoient rien de fort singulier ni de fort recherché, mais qu'on en voyoit dans le vestibule plusieurs autres en marbre, d'un travail exquis, qui représentoient des femmes qu'on croyoit avoir été les prêtresses de ces divinités. Néanmoins c'est peut-être là le seul endroit où il soit dit que les furies avoient des prêtresses; puisqu'on sait d'ailleurs que leurs ministres étoient des hommes nommés hésychides par les habitans de Silphonse en Arcadie, & que Démosthene avoue lui-même avoir été prêtre de ces déesses dans le temple de l'aréopage. Tous ceux qui paroissoient devant ce tribunal étoient obligés d'offrir un sacrifice dans le temple, & de jurer sur l'autel des furies , qu'ils diroient la vérité; tant il est vrai qu'il faut frapper les hommes par la terreur, pour les garantir du parjure! Mais de tous les temples dédiés à ces divinités, il n'y en eut point, après celui de l'aréopage, de plus connus que les deux que leur fit bâtir Oreste en Arcadie; le premier, au lieu même où les furies avoient commencé de le saisir après son crime, & l'autre à l'endroit où elles s'étoient montrées plus favorables, & lui avoient paru mériter le titre d' euménides . Enfin, pour terminer ce qui regarde le culte de ces déesses, je dois ajoûter, qu'outre le narcisse qui leur étoit consacré, on se servoit aussi de safran, de genievre, de branches de cedre, d'aulne, & d'aubépine; qu'on leur immoloit des brebis & des tourterelles blanches, & qu'on employoit dans Jeurs sacrifices les mêmes cérémonies que dans ceux des autres divinités infernales. Venons aux figures & aux portraits des furies . D'abord les statues de ces déesses n'eurent rien de différent de celles des autres divinités; ce fut Eschile qui les fit paroître le premier dans une de ces tragédies, avec cet air horrible qu'on leur donna depuis. Il falloit en effet que leur figure fût extrèmement hideuse; puisqu'on rapporte que dès que les furies qui sembloient endormies autour d'Oreste, vinrent à se réveiller, & à paroître tumultuairement sur le théatre, quelques femmes enceintes furent blessées de surprise, & des enfans en moururent d'effroi. L'idée du poëte fut suivie, & son portrait des furies passa du théatre dans les temples: il ne fut plus question de les représenter autrement, qu'avec un air effrayant, avec des habits noirs & ensanglantés, ayant au lieu de cheveux des serpens entortillés autour de la tête, une torche ardente à une main, un foüet de serpens à l'autre; & pour compagnes, la terreur, la rage, la pâleur, & la mort. C'est ainsi qu'assises au pié du throne de Pluton, dont elles éoient les ministres, elles attendoient ses ordres avec une impatience qui marquoit toute la rage dont elles étoient possédées. Les furies se trouvent quelquefois représentées de cette maniere dans d'anciennes médailles. Patin Spanheim & Seguin prétendent, par exemple, que ce sont elles que l'on voit sur une medaille de l'empereur Philippe, frappée à Antioche, au revers de laquelle paroissent trois figures de femmes habillées en longues robes qui leur tombent jusque sur les talons, & qu'une ceinture serre à la hauteur de la poitrine: elles sont armées d'une clé, de torches ardentes, de poignards, & de serpens. Nous n'avons point en grand de figures antiques de ces déesses. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Furie Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Furie * Furie , ( Comm. ) satin ou taffetas des Indes, dont le trait du dessein est frappé ou imprimé en noir avec des planches gravées en bois, & les couleurs mises après coup avec le pinceau. Ces étoffes ont été appellées furies , des figures hideuses de serpens, d'animaux, & de monstres imaginaires dont elles étoient chargées. Comment expliquer, comment nommer la bisarrerie de nos femmes, qui se sont chamarrées pendant long-tems de ces desseins de bêtes gothiques, telles qu'on en voit autour de nos vieilles églises, où elles servent à l'écoulement des eaux de pluie? -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURIEUX Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FURIEUX FURIEUX, adj. Voyez Fureur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Furieux Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Furieux Furieux , terme de Blason , qui se dit d'un taureau élevé sur ses piés. Dufenoil à Lyon, originaires de Naples, sous les noms de Taureau & Taurelli , d'azur au taureau furieux & levé en pié d'or; & un chevron de gueules brochant sur le tout. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURIEUSES (Passades-) Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA FURIEUSES FURIEUSES ( Passades-), Manége, voyez Passades . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURIN Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA FURIN FURIN, ( Marine. ) mener un vaisseau en furin , c'est-à-dire le mener hors du port ou havre, & le conduire en plaine mer; ce qui se fait ordinairement par des pilotes du lieu, qui connoissent parfaitement les dangers qu'il peut y avoir pour sortir du port. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURINE Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f. FURINE FURINE, s. f. ( Mythologie. ) divinité des voleurs chez les Romains, qui avoient établi en son honneur une fête nommée les Furinales, Furinalia , dont la célébration étoit marquée dans le calendrier & dans les fastes, au sixieme jour avant les calendes de Septembre. Cette déesse avoit un temple dans la quatorzieme région de Rome, & pour le desservir, un prêtre particulier, flamen furinalis , qui étoit un des quinze flamines, mais dont la gloire vint à tomber insensiblement avec celle de sa divinité. Il falloit en effet que son culte fût fort déchû du tems de Varron, puisqu'il dit qu'à peine connoissoit-on le nom de ce prêtre. Plutarque remarque que le jeune Gracchus, pour éviter la fureur du peuple qui venoit d'immoler son frere, se retira dans le bois sacré de la déesse Furine , qui étoit situé près de son temple, & qui ne put lui servir d'asyle; tant on respecte peu les droits de la religion dans le feu des guerres civiles! On tire le nom de Furine du mot latin fur , un voleur: mais cette étymologie n'auroit pas été goûtée par Cicéron, qui croyoit que cette divinité étoit la même que les furies; d'autant plus qu'il est parlé quelquefois des furines au pluriel. Turnebe, dans ses adversaria , défend l'opinion de Cicéron, par la raison que Plutarque, en parlant du bois sacré où périt le jeune Gracchus, l'appelle le bois des Erynnies ou des furies . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURINALES Author=unknown Normalized Classification=Antiquité romaine Part of Speech=NA FURINALES FURINALES, ( Antiq. rom. ) fêtes à l'honneur de la déesse Furine. Voyez Furine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURNES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FURNES FURNES, ( Géog. ) en latin Furnae , selon Grammaye & Meyer; ville forte des Pays-Bas, capitale de la châtellenie de Furnes dans la Flandre: elle a été prise & reprise bien des fois. La châtellenie de Furnes , en flamand Furner-Anibacht , est seulement considérable par la richesse de ses habitans, & par sa situation. Voyez Longuerue & Grammaye, antiq. Flandriae . La ville de Furnes est proche la mer, à deux lieues S. O. de Nieuport, trois N. O. de Dixmude, quatre N. E. de Dunkerque. Long. 20 d . 19' 38". lat. 51 d . 4'. 17" . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURONCULE, ou CLOU Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. FURONCULE, ou CLOU FURONCULE, ou CLOU, s. m. terme de Chirurgie , est une tumeur inflammatoire, douloureuse, d'un rouge vif tirant sur le pourpre, circonscrite, & s'élevant en pointe. Cette tumeur se termine toûjours par suppuration, & se guérit avec peu de secours de la part de la Chirurgie, dès que la matiere est évacuée. Le furoncule differe du charbon, en ce que ce dernier reste dur & noir, semblable à une croùte formée dans la chair; tandis que l'autre s'éleve en cône, s'enflamme, & suppure. La cure du furoncule consiste à favoriser la suppuration, & à l'évacuer autant qu'on peut par les maturatifs ordinaires, comme les figues & la racine de lys blanc bouillies dans le lait. Voyez Maturatifs . Le peuple applique sur la tumeur de la cire de cordonnier; mais l'emplâtre de melilot & le basilicum sont préférables; ils produisent la suppuration & souvent la cicatrice de la tumeur. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURSTENBERG, (Comté de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FURSTENBERG FURSTENBERG, ( Comté de-) Géog. état souverain d'Allemagne en Soüabe, qui s'étend d'orient en occident depuis l'evêché de Constance jusqu'au Brisgow. Il ne renferme que quelques bourgs ou petites villes; mais il est possédé par une des plus anciennes maisons d'Allemagne, avec le château de Furstenberg , qui donne le nom à tout le pays. Long. 25 d . 46'. latit. 48 d . 32' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURSTENFELD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FURSTENFELD FURSTENFELD, en latin Aquoe , suivant Lazius, ( Géog. ) ancienne petite ville d'Allemagne dans la basse Stirie, sur la riviere de Lauffnitz; elle est à douze lieues N. E. de Gratz, vingt S. de Vienne. Long. 39 d . 10'. latit. 47 d . 35' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FURSTENWALD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA FURSTENWALD FURSTENWALD, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne, dans la moyenne marche de Brandebourg, sur la Sprée, à 8 lieues O. de Francfort, sur l'Oder. Long. 32 d 5'. lat. 52 d . 23' . Elle a produit deux savans illustres: Hoffman (Maurice) célebre medecin y naquit en 1621, & mourut en 1698; Mentzel (Chrétien) né à Furstenwald en 1622, mort en 1701, est fort connu des Botanistes. Il a laissé manuscrit 4 vol. in-fol. des choses naturelles du Brésil, & 10 vol. in-fol. aussi manuscrit, tirés du lexicon chinois, intitulés Caguey; il est à souhaiter que de tels ouvrages paroissent un jour. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSAIN Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FUSAIN FUSAIN, s. m. evonginus , ( Hist. nat. bot. ) genre de plantes à fleurs en rose composées de plusieurs pétales disposées en rond. Il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit membraneux & anguleux, qui est partagé en différentes loges, & qui renferme des semences oblongues pour l'ordinaire. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusain Author=Daubenton, Pierre Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fusain Fusain , arbrisseau qui se trouve communément dans les pays temperés de l'Europe, parmi les buissons & les haies, où il s'éleve à six ou sept piés au plus. Sa tige est ordinairement droite; son écorce est verte sur le jeune bois qui paroît quarré, à cause de quatre lignes quadrangulaires relevées, & d'une couleur cendrée qui regnent le long des jeunes branches. Ces lignes qui sont le commencement des rides & des gersures qui doivent recouvrir toute l'écorce, se dérangent, se multiplient, & s'étendent les années suivantes, à mesure que le bois grossit. Ses feuilles sont oblongues, pointues, très-legerement dentelées, & d'une belle verdure; elles sont placées deux à deux sur les branches. Ses fleurs qui paroissent au mois de Mai, sont petites, de couleur d'herbe, & de peu d'apparence. Les graines qui leur succedent, sont renfermées dans des gousses quadrangulaires, qui ont fait donner à cet arbrisseau le nom vulgaire de bonnet de prêtre . Les gousses, ainsi que la graine qu'elles renferment, sont d'un rouge brillant, qui fait tout le mérite du fusain , qui est d'un assez bel aspect en automne, pour le faire employer dans des bosquets d'agrément. Cet arbrisseau est très-robuste, il réussit dans tous les terreins; & on peut le multiplier aisément de branche couchée, de bouture, ou de graine qui ne leve que la seconde année. Le bois du fusain est blanc, cassant, & assez dur, quoique sort moëlleux dans les jeunes branches sur tout. Il est propre à faire des fuseaux, des lardoires, & quelqu'autres menus ouvrages. Les Dessinateurs se servent du charbon de ce bois pour faire leurs esquisses, parce que les traits s'en peuvent effacer aisément. On prétend que la feuille & le fruit de cet arbrisseau sont pernicieux au bétail, à cause de leurs qualités purgatives & violentes. Ce qu'il y a de sûr, c'est que tout le bétail a de la répugnance pour cet arbrisseau, & que les insectes même ne s'y attachent point. Voici les différentes especes ou variétés du fusain . 1°. Le fusain commun à fruit rouge , c'est celui auquel on peut appliquer plus particulierement ce qui vient d'être dit en général. 2°. Le fusain à fruit blanc . Cette variété qui ne consiste que dans la couleur du fruit, est très-rare. 3°. Le fusain à fleur rouge . Cet arbrisseau se trouve en Hongrie, en Moravie, & dans la basse Autriche. Il est aussi robuste que le commun, il s'éleve à la même hauteur, & il se multiplie aussi aisément. C'est le plus beau des fusains; sa fleur d'une couleur pourprée & brillante, paroît au mois de Mai; ses fruits, dont l'enveloppe est d'un jaune vif, & les graines d'un noir luisant, font remarquer cet arbrisseau dès la fin de l'été, & pendant la plus grande partie de l'automne: mais cet arbrisseau est encore trop rare pour le voir de si-tôt embellir nos bosquets. 4°. Le fusain à large feuille , ou le grand fusain . Cet arbrisseau vient naturellement dans les provinces méridionales de ce royaume: il est en toutes ses parties plus considérable que les trois variétés ci-dessus. Il prend plus de hauteur, sa feuille est beaucoup plus grande, & son fruit plus gros: il differe aussi des précédens, en ce que son écorce est roussâtre, & qu'elle n'est pas marquée de lignes quadrangulaires, & en ce que ses boutons pendant l'hyver sont fort gros, extrèmement longs & très-pointus. Cet arbrisseau donne une belle verdure, qui fait son principal mérite; ses fruits ne sont pas si abondans que dans le fusain commun, ils n'ont pas tant d'apparence, & ne durent pas si long-tems, parce qu'ils murissent plûtôt. Cet arbrisseau est très-robuste; tous les terreins lui conviennent, & on peut le multiplier très-aisément de boutures, qui font quantité de racines dès la premiere année. 5°. Le fusain de Virginie . Sa feuille est ovale, & sa fleur d'un verd rougeâtre. Il est bon d'observer qu'il quitte ses feuilles, afin de le distinguer du suivant, qui est toûjours verd. Cet arbrisseau est si rare en France, qu'il est encore peu connu: on peut le voir à Trianon. 6°. Le fusain de Virginie toûjours verd . Ses feuilles ont quelque ressemblance avec celles du buisson ardent, & ses fruits sont rouges & couverts de petites bosses. Cet arbrisseau est délicat; il faut le conduire & l'abriter pendant l'hyver comme les orangers: mais on peut très-aisément le multiplier de bouture qu'il faut faire au mois de Mai ou en Septembre. Le seul goût pour la variété peut engager à cultiver cet arbrisseau, qui n'a pas grand agrément. ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusain Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Fusain Fusain , ( Mat. médicale. ) voyez Bonnet de Prêtre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusain Author=Landois Normalized Classification=Peinture | Dessein Part of Speech=NA Fusain Fusain , ( Peinture & Dessein. ) c'est un fait avec le charbon de l'arbre de ce nom: les l' très s'en servent beaucoup pour esquisser; les traits ou lignes qu'on fait avec le fusain s'effacent facilement en passant dessus un linge blanc & sec. On prépare ces crayons en coupant le fusain par morceaux environ de deux lignes de grosseur, & les mettant dans un petit canon ou étui de fer, qu'on rougit au feu pour le réduire en charbon. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSAROLE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. FUSAROLE FUSAROLE, s. f. en Architecture , moulure ou ornement placé immédiatement sous l'échinus ou ove dans les chapiteaux dorique, ionique & composite. Les Italiens l'appellent fusciolo; la fusarole est un membre rond, taillé en forme de collier ou de chapelet, qui a des grains en ovale. Dans le chapiteau ionique, cette moulure est précisément semblable à la baguette d'une astragal. Voyez Astragal . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSCHIA Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA FUSCHIA FUSCHIA, ( Hist. nat. bot. ) genre de plante dont le nom a été dérivé de celui de Léonard Fuschius. La fleur des plantes de ce genre est monopétale, faite en forme d'entonnoir, & découpée; son calice devient dans la suite un fruit arrondi, mou, charnu, divisé en quatre loges, & rempli de semences arrondies. Plumier, nova plantar. amer. gener. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSEAU Author=Diderot Normalized Classification=Economie domestique | Maison rustique Part of Speech=s.m. FUSEAU * FUSEAU, s. m. ( Maison rust. & Econ. domest. ) c'est un morceau de bois leger, rond, renflé dans le milieu, d'où il va en diminuant jusqu'a ses deux extrémités, où il finit en pointe; ce sont presque deux cones assemblés par leurs bases. Il y en a de toutes sortes de grandeurs, & même de plusieurs figures. Celui que nous venons de définir, est celui de fileuses du chanvre; le fuseau des faiseuses de dentelle est différent. Voyez l'article Dentelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=NA Fuseau Fuseau , ( Géom. ) quelques géometres ont appellé ainsi le solide que forme une courbe en tournant autour de son ordonnée; comme le fuseau parabolique , autrement nommé pyramidoïde. Voyez ce mot . D'autres ont appellé fuseau le solide que forme une courbe en tournant autour de sa tangente au sommet; d'autres le solide indéfini que forme une courbe de longueur infinie comme la parabole ou l'hyperbole, en tournant autour de son axe. Dans tous ces cas, si on appelle 2 n le rapport de la circonférence au rayon, u les parties de l'axe de rotation, z les ordonnés à cet axe, l'élément du solide sera n z z d u ; & comme on aura par l'équation de la courbe la valeur de z en u , le reste s'achevera par le calcul intégral: l'élément de la surface solide sera 2 n , qu'on intégrera de la même maniere quand cela sera possible. Voyez Intégral , Quadrature , &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau Author=Robert de Vaugondy Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Fuseau Fuseau , ( Géog. ) l'on nomme ainsi chaque partie d'une carte géographique ou uranographique destinée à être appliquée sur une boule, pour former un globe terrestre ou céleste; ou pour s'exprimer géométriquement, un fuseau de globe est un espace renfermé entre deux courbes égales & semblables, dont le sommet de chacune se trouve sur l'équateur du globe terrestre, ou sur l'écliptique du globe céleste. L'axe de chacune de ces deux courbes est la moitié de la partie de l'équateur ou de l'écliptique, qui forme la largeur du fuseau . Les abscisses de cet axe, en partant du sommet, croissent comme les sinus verses des distances des paralleles à l'équateur ou à l'écliptique: & les ordonnées à cet axe, en partant du même sommet, suivent la progression arithmétique 1, 2, 3, & des distances de ces mêmes paralleles à l'équateur, de sorte que la plus grande double ordonnee, commune à ces deux courbes, est le développement même du méridien du globe. L'on voit que cette courbe n'est pas une portion de cercle, comme le prétend Glareau dans sa Géographie, qui, pour tracer des fuseaux , fait prendre pour rayon les 3/4 de la circonserence de l'équateur. Voyez Globe . Cet article est de M. Robert de Vaugondy . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau Author=Villiers Normalized Classification=Chimie philosophique Part of Speech=NA Fuseau Fuseau , ( Chimie philosoph. ) tuyau de verre, qui a pris son nom de sa figure; on l'appelle encore alonge , mais ce n'en est qu'une espece. C'est un intermede qu'on employe dans les distillations à la retorte où il est nécessaire de donner un degré de feu, qui ne manqueroit pas d'échauffer un balon. Il est vrai que quand on se sert d'un matras à long col, il est naturellement aussi éloigné du fourneau qu'un balon avec son alonge; mais il s'échauffe encore plus que quand ce col est une piece séparée: & d'ailleurs ce col est plus fragile qu'une alonge; & celle-ci se répare plus aisément, si elle vient à casser. Voyez Vaisseaux , & nos Planches de Chimie . Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau du taquets de Cabestan Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fuseau du taquets de Cabestan Fuseau du taquets de Cabestan , ( Marine. ) ce sont des pieces de bois sort courtes, que l'on met au cabestan pour le renfoncer. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau Author=Diderot Normalized Classification=Boutonnier | Passementier Part of Speech=NA Fuseau * Fuseau , terme de Passementier-Boutonnier , ce sont des petits bâtons de bois ou d'autre bois dur tournés, sur lesquels ces ouvriers devident le fil d'or, d'argent, ou de soie, dont ils font différens ouvrages sur l'oreiller. Ces fuseaux sont faits en forme de quilles de cinq ou six pouces de longueur, & garnis par en-haut d'une petite tête pour en retenir les fils. Le bout d'en-bas restant est large & pesant, pour contenir par ce poids le fuseau dans la situation où l'ouvrier le place. Voyez nos Planches . C'est par le différent arrangement de ces fuseaux , qui souvent sont au nombre de plus de cent, que se forment les différens desseins de l'ouvrage. Voyez les figures du Boutonnier, & leur explication . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau Author=Diderot Normalized Classification=Cloutier d'épingle Part of Speech=NA Fuseau * Fuseau , en termes de Cloutier d'épingle , c'est une verge de fer qui traverse la meule, & est soûtenue sur deux tampons. Voyez Tampons , & les figures, Planche du Cloutier d'épingle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseaux Author=unknown Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Fuseaux Fuseaux , nom que les Horlogers donnent aux dents d'un pignon à lanterne. Voy . Pignon a Lanterne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseau Author=Diderot Normalized Classification=Poterie de terre Part of Speech=NA Fuseau * Fuseau , ( Potier-de-Terre. ) ce sont des broches de fer ou de bois, rondes & pointues, plus grosses vers le manche qu'au bout, dont ces ouvriers se servent pour percer des trous à leurs ouvrages. Ces trous s'appellent souvent des registres. Voyez l'article Fourneau , ( Chimie. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuseaux Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Fuseaux * Fuseaux , ( Rubannier. ) especes de broches quarrées, & longues de huit à dix pouces, de fer, pointues par un bout, & à tête plate par l'autre. Cette tête est percée d'un trou rond, qui sert à passer la ficelle qui suspend le fuseau aux lissettes. Chaque lissette a son fuseau particulier; il y en a de différens poids; les plus lourds sont des quatre, & les plus legers des douze à la livre. Leur usage est de faire retomber les lissettes, lorsque l'ouvrier quitte la marche qu'il enfonçoit. Dans les grands ouvrages il y a quelquefois deux cents de ces fuseaux en oeuvre; leur poids rend souvent le pas de la marche très-pesant à lever, & c'est ici l'occasion où l'ouvrier a besoin d'être sanglé. Voyez Sangle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSÉE Author=unknown Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. FUSÉE FUSÉE, s. f. ( Medec. ) est un terme employé par quelques anciens auteurs françois, comme synonyme du symptome pestilentiel, connu sous le nom de charbon. Voyez les oeuvres d'Ambr. Paré, liv. XXII. chap. xxxiij. Voyez Charbon , Peste . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusées de Bombes et Grenades Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Fusées de Bombes et Grenades Fusées de Bombes et Grenades , ( Art milit. ) sont dans l'Artillerie des especes de fusées remplies d'une composition lente, qui brûle assez de tems pour que la bombe ou grenade ne creve ou n'éclate qu'en tombant sur les lieux où elle est jettée. Les fusées pour les bombes de douze pouces de diametre sont de bois de tilleul, saule ou aulne bien sec, & sans aucune fistule. Quoique dans ces sortes de bois il se trouve quantité de noeuds ou de petits pertuis qui les rendent défectueux, ces bois ont d'autres propriétés qui obligent de s'en servir. Il faut que les fusées soient nettes & bien percées dehors & dedans; car ordinairement il se trouve dans les lumieres, quand elles ne sont pas bien percées par un bon ouvrier, qui ait des outils faits exprès, des filanges qui sont fort nuisibles; parce qu'en chargeant la fusée elles se mêlent avec la composition, & la rendent défectueuse & sujette à s'éteindre. M. de Saint-Hilaire ayant assemblé en 1713 plusieurs officiers d'artillerie & de bombardiers, pour régler avec eux les proportions des fusées des bombes, il fut convenu que pour les bombes de douze pouces, les fusées en auroient huit de longueur, vingt lignes de diametre au gros bout, qui seroit terminé par une concavité ou enfoncement, à-peu-près en demi-sphere creuse, pour recevoir la composition de la fusée; qu'à un pouce de la tête, le diametre de la fusée seroit diminué de deux lignes, & que le petit bout en auroit seulement quatorze de diametre. A l'égard de l'ame de la fusée , elle doit avoir seulement cinq lignes de diametre. Pour les bombes de huit pouces, il fut convenu de donner six pouces de longueur à leurs fusées , seize lignes de diametre au gros bout, douze au petit, & quatre à l'ame. Pour faire la composition des fusées à bombes & à grenades , selon les bombardiers, il faut battre de bonne poudre & la réduire en pulvrin, & de bon soufre qui ne soit point verdâtre, & le réduire en fleur, & de bon salpetre en farine, aussi purifié de toutes matieres nuisibles, car c'est le corps de toutes compositions & de tous artifices. Ces trois choses étant bien battues & bien pulvérisées, il faut les passer dans un tamis très fin & couvert, l'une après l'autre; & quand on en aura suffisamment, il faut prendre une mesure de soufre, deux de salpetre, & cinq de pulvrin, que l'on melera & assemblera l'un après l'autre, & l'on passera ces mixtions dans un tamis de crin commun; après quoi l'on chargera les fusées . Quand on aura bien visité les fusées à charger, qu'elles seront aussi bien conditionnées comme on l'a dit ci-devant, & qu'on aura plusieurs fois passé la grande baguette dans la lumiere, pour en sortir & chasser tout ce qui pourroit s'y trouver de nuisible, on pose le petit bout sur un billot, ou sur un fort madrier, avec un chargeoir fait comme une petite lanterne à charger du canon; on prend de la composition environ plein un petit dé à coudre, que l'on met dans la fusée , & la grande baguette dessus, sur laquelle on frappe quatre ou cinq coups égaux, de moyenne force, avec un maillet de moyenne grosseur, & l'on continuera de mettre ainsi la composition dans la fusée , sans en mettre plus grande quantite chaque fois: mais il faudra à mesure que la fusée s'emplira, augmenter la force de frapper, & le nombre des coups jusqu'à douze; car plus la composition sera serrée, plus elle fera d'effet. Proportion des fusées à grenades . Celles du calibre de 33, 24, 16, 12, 8, 4, sont grosses au gros bout de 12 lig. 11, 10 1/2, 10, 9 1/2, 8 1/2. Au petit bout de 9 lig. 8 1/2, 8, 8, 7, 6. Diametre des lumieres, 4 lig. 4, 3, 3, 3, 2. Les fusées sont longues en tout de 5 pou. 1/2, 5 pou. 4 pou. 1/2, 4 pou. 3 pou. 1/2, 2 pou. 1/2. Et comme les grosses grenades sont faites pour jetter dans les fossés, ou avec de petits mortiers, il leur faut des fusées de différentes longueurs: celles-ci sont pour les petits mortiers. Celles pour les fossés doivent être plus courtes. Mémoires d'Artillerie de Saint-Remy, troisieme édition . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=Perrinet d'Orval Normalized Classification=Artificier Part of Speech=s.f. Fusée Fusée , s. f. ( Artificier. ) espece de feu d'artifice qui s'éleve dans l'air: c'est un petit cylindre de carton, étranglé par les deux bouts, rempli de matieres inflammables, sur un moule dont la broche forme au-dedans de la fusée une cavité qui pénetre plus ou moins profondément dans la matiere inflammable. Ce cylindre est amorcé, & dirigé dans l'air par le moyen d'une baguette. Art . I. Des moules pour charger les fusées volantes . Le moule sert à soûtenir le cartouche lorsqu'on le charge, & à regler la hauteur du massif. Sa forme extérieure est celle d'une boite d'artillerie; il est percé d'un bout à l'autre, & cette cavité dans laquelle on place le cartouche, doit être bien ronde & bien unie. On les fait communément-de buis, ou de quelque autre bois dur. La hauteur des moules doit diminuer à proportion que le diametre intérieur grandit. La cause de cette diminution est que la force de la matiere enflammée n'augmentant pas en même raison que le diametre des fusées , elle ne pourroit enlever une grosse fusée , si on lui conservoit la même longueur qu'à une petite. Le moule est supporté par une base cylindrique de même matiere, qu'on nomme le culot . La hauteur du culot est d'un diametre extérieur du moule, & sa largeur d'un diametre un quart. Il porte une broche de fer dans son milieu. Cette broche, quoique d'une seule piece, a quatre parties distinguées par leurs formes & par leurs noms. La premiere, au-dessous du cylindre, est la queue de la broche; elle est faite pour entrer dans le culot, où elle doit être fixée solidement. La deuxieme partie est le cylindre; son diametre est celui de l'intérieur du moule, & sa hauteur doit être égale à son diametre. La troisieme partie est la demi-boule; elle a de diametre les deux tiers du diametre intérieur du moule, & de hauteur moitié du même diametre. Cette demi-boule qui s'engage dans la gorge du cartouche lorsqu'on le charge, sert à lui conserver sa forme. La quatrieme partie est la broche; elle sert à ménager un vuide dans l'intérieur de la fusée: c'est ce vuide qu'on nomme l' ame de la fusée , qui la fait monter en présentant au feu une plus grande surface de matiere inflammable, qui se réduisant en vapeurs dans ce vuide, fait, dit M. l'abbé Nollet dans ses leçons de physique expérimentale, l'office d'un ressort qui agit d'une part contre le corps de la fusée, & de l'autre contre un volume d'air qui ne cede pas aussi vîte qu'il est frappé . La table qui suit donne les proportions entre le diametre & la hauteur du moule, & entre sa hauteur & la longueur de la broche, dont la différence lorsque le moule est posé sur son culot, fait la hauteur du massif. L'expérience a fait connoître qu'il doit diminuer de hauteur, & la broche augmenter de longueur, à proportion que les fusées sont plus grosses. Si l'on n'observoit pas cette progression, & que prenant la proportion moyenne on donnât également aux grosses & aux petites fusées un diametre un quart de massif, il arriveroit que le massif des petites seroit trop tôt consumé, & qu'elles jetteroient leur garniture avant d'avoir fait vol, & que les grosses fusées ne jetteroient leur garniture qu'en retombant, attendu que le massif est plus épais (quoique dans la même proportion), & d'une composition plus lente, & qu'ainsi il seroit plus de tems à se consumer. Les petites fusées de cinq lignes de diametre extérieur & au-dessous, n'ont pas besoin pour monter d'être percées, c'est-à-dire d'être chargées sur une broche; il suffit de leur attacher une baguette: lorsqu'on les perce, elles montent si rapidement qu'on a peine à en voir l'effet. Art . II. Des cartouches . On les forme en roulant le carton sur la baguette, qu'on nomme baguette à rouler . Elle doit être unie & sans manche. On lui donne de diametre les deux tiers du diametre intérieur du moule; le tiers qu'elle a de moins est rempli par le cartouche, dont l'épaisseur est d'un sixieme du même diametre, ou du quart de celui de la baguette. Le carton doit être entierement collé, excepté le premier tour qui enveloppe la baguette. Il faut prendre garde que la colle ne la mouille, & la frotter de savon lorsqu'elle a été mouillée, crainte que le cartouche ne s'y attache. On trempe dans l'eau le dernier tour du carton avant de le coller, pour en ôter le ressort qui feroit dérouler le cartouche après qu'il est formé. Les cartouches pour les lances & pour les conduites de feu se font de papier. On pose la baguette sur la feuille, au tiers de sa largeur; on renverse ce tiers dessus, & on le fait bien joindre contre; on roule un tour sans colle; ensuite on colle tout ce qui reste de papier, tant la partie double formée par le tiers de la feuille renversé, que la partie simple; & on acheve de rouler le cartouche. Ces cartouches se nomment porte-feux , lorsqu'on les employe à communiquer le feu d'une piece d'artifice à une autre, par le moyen d'une étoupille qui y est renfermée. Les cartouches de serpenteaux, & autres petites fusées de quatre à six lignes de diametre extérieur, sont faits de cartes à joüer. Il faut les tremper dans l'eau, & les employer à moitié seches; elles en sont plus flexibles, & se roulent mieux. On commence par en rouler une; on y en ajoûte une seconde, & on termine le cartouche par deux tours de papier gris, dont le dernier est collé. Art . III. De l'étranglement des cartouches . Il ne faut pas attendre que les cartouches soient entierement secs pour les étrangler; ils donneroient beaucoup de peine, & s'étrangleroient mal. On commence par les rogner sur la baguette avec des ciseaux. Il ne s'agit dans cette opération que de retrancher la bavure du bout qui doit être étranglé, pour que les bords de cette partie, qui doit avoir la forme d'une calote, soient à l'uni. Pour les étrangler, on attache une corde ou une ficelle d'une grosseur proportionnée à celle de la fusée , d'un bout à un gond ou piton, vissé dans un poteau, ou scellé dans le mur, & de l'autre bout à sa ceinture, ou à un bâton que l'on place derriere & en-travers de ses cuisses, de maniere qu'il soûtienne le corps lorsque l'on fait effort pour étrangler. Dans cette situation, & la corde étant tendue, on pose le cartouche dessus; puis on prend la partie de la corde qui est entre soi & le cartouche, & l'on en fait deux tours sur le cartouche, dans la partie que l'on veut étrangler à un demi-diametre extérieur de son extrémité; on enfonce une baguette dans cette partie, la tenant de la main droite, & le cartouche de la gauche, & l'on serre la corde en jettant le corps en-arriere, & tournant chaque fois le cartouche pour en bien arrondir l'étranglement, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un trou à pouvoir passer la broche avec peine: alors il est suffisamment étranglé. Il faut frotter la corde de savon, pour empêcher que le cartouche qui est encore humide lorsqu'on l'étrangle, ne s'y attache & ne se déchire. Quand on a étranglé un certain nombre de fusées , il ne faut pas différer à les lier, crainte que l'étranglement ne se relâche. On les lie en passant trois boucles de ficelle dans la gorge, & serrant à chaque boucle; ce qui s'appelle le noeud de l'artificier . Art . IV. Compositions pour les fusées volantes . Les cinq compositions mentionnées en la table ci-dessus, donnent des feux qui different assez les uns des autres pour faire une agréable variété. La deuxieme composition dont le feu est très clair, fait particulierement un contraste bien marqué avec la cinquieme, dont le feu est fort rouge. Les fusées de 11 & de 10 lignes se chargent en feu commun à 4 onces de charbon sur la livre de poussier; celles de 9 à 7 lignes à 3 onces, & celles de 6 lignes & au-dessous à 2 onces. Lorsque l'on a pesé les matieres, on les verse dans le tamis de crin le plus clair, & on les passe trois fois pour mélanger: alors la composition est faite & prête à être employée. Une composition trop vive fait crever les fusées , comme un massif trop mince ou mal recouvert par le carton que l'on rendouble dessus, les fait défoncer. C'est le terme dont les Artificiers se servent pour exprimer qu'il n'a pu résister à l'effort du feu, faute d'être assez épais, ou parce que le carton rendoublé ne présentoit pas un point d'appui assez solide. La composition des fusées volantes ne peut être employée trop seche, pour leur plus bel effet & pour les conserver bonnes; si on l'humectoit, l'humidité en se dissipant y laisseroit des vuides qui admettroient trop de feu, & feroient crever la fusée . On en excepte le feu chinois, dont il faut un peu mouiller le sable pour que le soufre s'y attache. On renvoye à l' article des Jets pour la maniere de préparer cette composition. Art . V. Maniere de charger les fusées volantes . Il faut pour charger les fusées volantes: 1°. Une cuillere à charger, que les Artificiers nomment cornée; son diametre est celui de l'intérieur du cartouche; elle doit contenir autant de composition qu'il en faut pour remplir la hauteur d'un demi-diametre extérieur de la fusée étant refoulée. 2°. Trois baguettes creuses pour les moyennes fusées , & quatre pour les grosses. Leur cavité doit être telle que la broche puisse se loger en entier dans la premiere; dans la seconde jusqu'aux deux tiers, & dans la troisieme jusqu'au tiers; & pour la facilité de les entrer & sortir librement du cartouche, lorsqu'on le charge on les fait tant-soit-peu moins grosses que la baguette à rouler. 3°. Une baguette fort courte & de même diametre que celles à charger: on la nomme le massif; elle sert à charger la composition qui excede la broche. 4°. Une baguette qui sert à rendoubler le carton sur le massif; comme elle doit prendre & refouler la partie rendoublée du cartouche qui fait environ la moitié de son épaisseur, on lui donne de diametre deux tiers & un sixieme de celui du moule. 5°. Un maillet de bois dur, en le supposant de buis, le diametre de son cylindre doit être de deux diametres trois quarts de celui du moule, sa longueur de trois diametres un tiers, & son manche de cinq diametres, non compris la partie qui entre dans le cylindre. Les cartouches étant rognés & réduits à la longueur du moule, on frotte la broche de savon pour qu'elle puisse entrer plus facilement dans le trou de l'étranglement, qui doit être plus petit que la partie la plus grosse de la broche, afin qu'en y entrant à force, elle le forme bien rond. On remplit le vuide extérieur de l'étranglement avec de la corde pour soûtenir le cartouche, que les coups de maillet affaisseroient & feroient crever dans cette partie; & malgré cette précaution, la même chose arriveroit si l'on refouloit la composition plus fort qu'il ne convient. Le cartouche étant sur la broche, & recouvert si l'on veut du moule, car on peut très-bien s'en passer lorsque le cartouche a l'épaisseur donnée, on place le culot sur un billot bien uni & solide, on enfonce la premiere baguette à charger dans le cartouche vuide, & l'on frappe dessus dix ou douze coups pour en unir le fond & applanir les plis de l'étranglement, qui s'ils restoient pourroient occasionner quelque vuide, où l'air venant à se dilater feroit crever le cartouche. On verse ensuite une cornée de composition, on introduit doucement la baguette dans le cartouche, on l'appuie ferme sur la composition, & l'on frappe quelques petits coups pour l'asseoir; après quoi, pour les fusées de 18 lignes, on frappe quarante coups égaux. La baguette étant retirée du cartouche, on fait sortir la composition qui est entrée dans sa cavité, en frappant contre avec une autre baguette; sans quoi restant engorgée, elle se sendroit à la seconde charge. On juge qu'elle est vuide par la différence du son qu'elle rend. L'opération de la seconde & de la troisieme baguette se fait de même, excepté qu'à chaque changement de baguette on diminue de cinq le nombre des coups, & le massif ne doit être frappé que de vingt coups; la raison de cette diminution est que la matiere qui augmente d'épaisseur à mesure que la broche diminue, présentant au feu moins de surface, a moins besoin d'être refoulée. Lorsque la fusée passe 18 lignes de diametre, on augmente le nombre des coups à proportion qu'elle est grosse jusqu'à 50 pour la premiere baguette, & l'on en diminue de même le nombre jusqu'à 25 coups pour les plus petites. Une fusée doit être chargée en 12 à 13 charges, 9 à 10 pour couvrir la broche, & 2 à 3 pour le massif. Le massif étant chargé à niveau du moule, on met dessus un tampon de papier chiffonné, & on le frappe d'une douzaine de coups; puis avec un poinçon dont la pointe soit un peu émoussée, on dedouble la partie du cartouche qui est restée vuide au-dessus du massif jusqu'à la moitié de l'épaisseur du cartouche; on la replie sur le tampon; & posant dessus la baguette à rendoubler, on la frappe de vingt coups; après quoi, sans ôter la fusée de dessus la broche, on perce le carton redoublé de deux à trois trous avec le poinçon à arête, en frappant dessus avec le maillet. L'arête sert à l'empêcher de pénétrer plus avant qu'il ne faut, il suffit qu'il atteigne la composition; on conçoit que s'il pénétroit trop avant, il affoibliroit le massif, qui donneroit trop tôt feu à la chasse, ces trous étant faits pour y communiquer le feu. Après cette opération, on retire la fusée de dessus la broche, on délie la corde qui remplissoit l'étranglement, & on rogne la partie du cartouche qui excede le carton rendoublé. Si les fusées doivent être gardées, il faut coller un rond de papier sur chacun des bouts, pour les garantir de l'impression de l'air & du feu; en cet état elles se conserveront très-long-tems bonnes, si avec cette précaution on a eu celle de n'emoloyer que des matieres bien seches dans la composition. Art . VI. Du pot & chapiteau , & comment on garnit les fusées volantes . Le pot doit être fait du même carton que la fusée; on le roule sur un cylindre de bois que l'on nomme le moule à former le pot; on lui donne d'épaisseur deux à trois tours de carton, suivant que la fusée est plus ou moins grosse. Ce moule à former le pot, quoique d'une même piece, a deux parties cylindriques de différens diametres; l'une sur laquelle on roule le pot, a de diametre un & trois-quarts de celui de la fusée , pris extérieurement, & de longueur, trois diametres. Le diametre de l'autre partie, sur laquelle on étrangle le pot, est de trois quarts un huitieme, & sa longueur, de deux pareils diametres. On observera que, pour les fusées de douze lignes, on peut leur donner la hauteur des serpenteaux ordinaires, faits de cartes à joüer, que ces fusées peuvent porter pour garnitures; & comme les paquets d'étoiles sont beaucoup moins hauts, on réduira le pot à la proportion ci-dessus, lorsque ces fusées en seront garnies. Le pot étant étranglé à la mesure susdite, on rogne bien droit la partie étranglée, ne lui laissant de longueur que ce qu'il en saut pour le lier commodément sur la fusée: on trempe dans l'eau cette partie, pour la rendre flexible; & après avoir fait la ligature, on colle dessus une bande de papier brouillard, tant pour la cacher, que pour empecher qu'elle ne se relâche. Pour garnir la fusée , on commence à verser dans le pot une pincée de poussier; & en frappant un peu contre, on la fait entrer dans les trous qui doivent communiquer le feu à la chasse: on verse ensuite dans le pot une cornée de la même composition dont on a chargé la fusée; c'est ce qui s'appelle la chasse; & on arrange dessus les serpenteaux ou étoiles qu'elle doit jetter, en observant de n'en pas mettre plus pesant que le corps de la fusée; ensorte que la fusée de quatre onces n'en pese pas plus de huit, lorsqu'elle est garnie; & ainsi des autres. Une fusée dont la garniture seroit trop pesante, ne s'éleveroit qu'à une médiocre hauteur, & retomberoit à terre, en faisant un demi-cercle. On dit d'une telle fusée , qu' elle a arqué , pour exprimer la ligne courbe qu'elle a décrite. On place quelques petits tampons de papier chiffonné dans les interstices des serpenteaux ou des paquets d'étoiles, pour empêcher qu'ils ne balottent; & on ferme le pot avec un rond de papier collé dessus: il faut le taillader par les bords pour empêcher qu'il ne fasse des plis. Avant de mettre les paquets d'étoiles dans le pot, on les passe dans du poussier, pour leur faire prendre feu plus subitement. Le chapiteau est ce qui termine la fusée en forme de cône; il est fait d'une simple épaisseur de carton. Pour lui donner la grandeur qui convient, on trace sur du carton un rond au compas, dont l'ouverture doit être d'un diametre un tiers du pot; on divise ce rond en deux; & chaque moitié donne de quoi former un chapiteau; on la mouille, pour en ôter le ressort; on en colle les extrémités; & en la contournant, on lui fait prendre la forme d'un cône. Lorsqu'il est sec, on donne des coups de ciseaux sur les bords de sa circonserence, pour que cette partie joigne mieux sur le pot où elle doit être collée; & on la mouille pour en ôter le ressort. Le chapiteau étant placé bien droit sur le pot, on colle sur la scissure une bande de papier brouillard, tant pour la cacher, que pour empêcher qu'elle ne se décole en séchant. Cette bande de papier doit être mouillée de colle des deux côtés: on observera la même chose pour tout le papier que l'on employera à couvrir les scissures ou jointures des fusées ou porte-feux: le papier en est plus maniable; & les plis en paroissent moins. On amorce ensuite la fusée , en prenant un morceau d'étoupille plié double & de grosseur proportionnée, que l'on fait entrer dans le trou qu'a formé la broche, à la hauteur d'un diametre extérieur de la fusée; & on la colle dans la gorge avec de l'amorce. Il ne faut mettre de l'amorce, que ce qui est nécessaire pour la tenir: une trop grande quantité, qui donneroit beaucoup de feu, pourroit faire crever la fusée . On finit par coller un rond de papier sur la gorge; ce que les Artificiers nomment bonneter: cela sert à empêcher, lorsqu'on tire les fusées , que celle qui part ne communique son feu aux autres, & aussi à les garantir de l'humidité. Bien des Artificiers ne mettent point de pot aux petites fusées de caisse; ils se contentent de rouler & de coller dessus un quarré de papier gris, qui déborde la fusée de la hauteur de la garniture qu'ils veulent y placer. Après qu'ils y ont mis la chasse & la garniture, ils lient le papier dessus pour la renfermer. Les fusées ainsi garnies montent plus haut, parce qu'elles sont moins chargées: mais comme c'est aux dépens de leur garniture, qui est fort petite, il n'y a rien à gagner, si ce n'est pour l'artificier. Art . VII. Des baguettes & du chevalet . La baguette que l'on attache aux fusées , sert à les maintenir droites, en contrebalançant leur pesanteur, contre laquelle le feu agit par l'un des bouts, qui doit toûjours être tourné en-bas, & qu'elle force à garder cette situation. Le bois le plus leger est le plus propre à faire des baguettes; celles des fusées de dix-huit lignes & au-dessous, doivent être de sapin de sciage; quant à celles d'au-dessous, le coudre, le saule, & l'orme, fournissent abondamment des baguettes qui leur sont propres. Il faut leur donner au moins huit fois la longueur du moule. Son épaisseur en quarré par l'un des bouts doit être d'un demi-diametre extérieur de la fusée; & depuis le bout auquel on attache la fusée , elle doit aller en diminuant jusqu'à l'autre extrémité, qui se termine à un huitieme du même diametre. Plus les baguettes ont de longueur, plus les fusées montent droit; elles ne sauroient en avoir trop, pourvû que n'ayant en tête que la grosseur ci-dessus, elles se trouvent en équilibre à une certaine distance, lorsque les fusées y sont attachées: cette distance se regle par le diametre extérieur de la fusée; on en donne deux & demi aux plus petites fusées , jusque & compris celles de 12 lignes; pour celles d'au-dessus, jusque & compris celles de 2 pouces 2 diametres, & à celles par-delà, un diametre & demi; suivant lesquelles proportions, la baguette d'une fusée d'un pouce doit être en équilibre à deux pouces & demi de la gorge. On cherche l'équilibre avec un couteau, sur le tranchant duquel on pose la baguette; si elle est trop legere, il faut en changer; lorsqu'il y va de peu de chose, on peut attacher la fusée d'un pouce ou deux plus haut; cela donne plus de longueur & de poids à la baguette: si elle est trop pesante, il faut en ôter, soit en retranchant de sa longueur, si elle a plus de huit fois celle du moule, soit en ôtant de son épaisseur. On fait une cannelure aux baguettes de sapin, dans l'endroit où la fusée doit être attachée, pour qu'elle soit plus stable. A l'égard des baguettes de branchages, il suffit d'unir avec un couteau & de rendre plane la surface du même endroit: l'extrémité du gros bout doit être coupée en talus, tant pour la propreté, que pour faire moins de résistance dans l'air. La fusée étant placée dans la cannelure, jusque & non compris la ligature du pot, qui doit excéder la baguette, il faut la lier dans deux endroits du noeud de l'artificier; premierement, un peu au-dessous du talus qui termine la baguette; & en second lieu, dans l'étranglement: on fait une entaille à la baguette à chacun de ces endroits, pour que la ficelle ne glisse point. On a imaginé en Angleterre, pour éviter les accidens causés par la chûte des grosses baguettes, d'en composer avec de petits saucissons faits de cartes à joüer. On les arrange de maniere, qu'en débordant les uns sur les autres, & étant collés de colle forte, & recouverts de bandes de papier collées de colle de farine, ils puissent former une continuité unie & solide. Chacun de ces saucissons contient entre deux étranglemens, la petite quantité de poudre nécessaire pour le faire crever. Une étoupille qui tire son feu du pot de la fusée , & qui communique a tous ces petits saucissons garnis chacun d'une étoupille, leur donne feu dans l'instant que la fusée jette sa garniture; & la baguette se divise en autant de petites parties qui font une agréable escopeterie: la cherté de ces baguettes ne permet guere d'en faire que pour essais: on croit cependant que si elles étoient fabriquées par des ouvriers qui ne fissent que cela, ils parviendroient en peu de tems à un point d'habileté qui les mettroient en état de les donner à un prix modique. Le chevalet est un poteau que l'on plante en terre, ou qui est soûtenu sur terre par un pié en forme de croix: il est traversé en haut par une barre de fer plate posée sur tranche, sur laquelle on place les fusées l'une après l'autre pour les tirer. Il y en a de plusieurs formes; mais le plus simple de tous, & qui est d'autant plus commode qu'on le transporte aisément où l'on veut, est une perche armée par l'un de ses bouts d'un fer pointu qui sert à la piquer dans terre. On visse dedans à la hauteur que l'on veut, une vrille un peu longue, sur laquelle on tire les fusées . Il faut débonneter la fusée , en crevant le papier d'un coup d'ongle, dans l'instant qu'on la pose sur le chevalet; on y donne feu avec une lance placée au bout d'un porte feu, qui est un leger bâton d'environ cinq piés, & qui est terminé par une espece de porte-crayon de fer, dans lequel entre la lance, & que l'on y retient en la serrant avec un anneau coulant. Art . VIII. Des serpenteaux, pluie de feu, marrons, saucissons, & étoiles dont on garnit les fusées volantes . Les serpenteaux destinés à garnir les fusées volantes & les pots à feu, sont faits de cartes à jouer: on donne à ceux d'une carte qu'on nomme vétille , trois lignes de diametre intérieur; à deux cartes, trois lignes & demie; & à trois cartes, quatre lignes: ceux d'un plus grand diametre doivent être faits en carton. On charge ceux de trois lignes dans une espece de boisseau un peu moins haut de bord que les cartouches, de la maniere qui suit. Les cartouches étant étranglés & liés, on les arrange tous droits dans le boisseau, autant qu'il en peut tenir; on frappe dans chacun un petit tampon de papier, pour boucher le trou de l'étranglement, & on y verse une mesure de poudre qui doit le remplir jusqu'à la moitie. Les ayant ainsi tous chargés en poudre, on répand dessus de la composition; & on l'épanche avec une carte sur tous les cartouches. Lorsqu'ils en sont remplis, on prend la baguette à charger, & on les frappe avec un petit maillet, de huit coups chacun. On refait la même opération jusqu'à ce qu'ils soient remplis, à quatre lignes près, que l'on reserve pour les étrangler: on les retire ensuite du boisseau; & après qu'ils sont étranglés, on ouvre leur gorge avec la pointe du culot, qui leur est propre; on y place un bout d'étoupille, & on les amorce. Les serpenteaux à deux & à trois cartes se chargent sur un culot qui porte une pointe dont la longueur est d'un diametre un quart de l'intérieur du cartouche, & la grosseur d'un tiers du même diametre; on les frappe de dix coups à chaque charge. On commence par les charger jusqu'à moitié en composition: on met ensuite la poudre grainée & un tampon par-dessus; puis on les étrangle & on les amorce, & ainsi qu'il vient d'être dit pour la vétille. Lorsque l'on veut que les serpenteaux s'agitent beaucoup en l'air, on les charge sur une broche qui a de hauteur trois diametres & demi de l'interieur du touche & un tiers d'épaisseur; on les nomme alors serpenteaux brochetés . On en fait particulierement usage pour les pots à aigrettes. Pour la pluie de feu, on moule de petits cartouches de papier sur une baguette de fer de deux lignes & demie de diametre; on leur donne deux pouces & demi de longueur; on ne les étrangle point: il suffit, ayant mis la baguette dedans, de tortiller le bout du cartouche, & de frapper dessus pour lui faire prendre son pli. On les remplit en les plongeant dans la composition: ils en prennent autant qu'il en faut pour chaque charge; & après qu'ils sont chargés, on les amorce sans les étrangler. L'effet de cette garniture est de remplir l'air de feux ondoyans. Les marrons sont faits de poudre grainée renfermée dans un cartouche de carton de forme cubique, & recouvert d'un ou de deux rangs de ficelle collée de colle forte: on perce un trou dans un de leurs angles; & on y place une étoupille avec de l'amorce, pour y donner feu. Pour tracer & couper juste le carton, qui doit former d'une seule piece un cube régulier, on a une planchette divisée en quinze quarrés, cinq sur une face & trois sur l'autre, & percée d'un trou à chaque angle, pour les marquer sur le carton: le parallélogramme qu'ils forment étant tracé & coupé, on divise avec des ciseaux les cinq quarrés qui le bordent de chaque côté dans la longueur: on les plie ensuite, on leur fait prendre la forme d'un cube. On proportionne à leur grosseur celle du carton dont ils sont formés, & celle de la ficelle qui les couvre. On fait assez souvent usage des marrons, pour les tirer en place de boîtes de métal, pour le prélude d'un feu d'artifice. Les marrons luisans ne different des autres, que parce qu'ils sont recouverts de pâte d'étoiles, & roulés sur du poussier pour leur servir d'amorce: deux petites bandes de papier, que l'on colle en croix dessus, retiennent cette pâte, & l'empêchent de s'écailler en séchant. Les saucissons ne different des marrons que par la forme; l'effet en est le même: leurs cartouches sont ronds, & seulement de la hauteur de quatre de leurs diametres extérieurs, après les avoir étranglés. On frappe un bon tampon de papier dedans; on les charge ensuite de poudre grainée sur laquelle on met un pareil tampon que l'on presse seulement à la main avec la baguette, pour ne point écraser la poudre: on étrangle par-dessus, & on rogne ce qui excede les deux étranglemens; après cela, on les couvre de deux rangs de ficelle collée de colle forte, comme il vient d'être dit pour les marrons: on les perce par un des bouts, & on les amorce de même. On les employe aussi pour terminer avec bruit certains artifices, comme lances, jets, & autres, qui par leur petit volume & le peu d'épaisseur de leur cartouche, ne pourroient contenir assez de poudre, ni faire assez de résistance pour éclater avec autant de bruit. On forme les étoiles avec une pâte composée de L. onc. gr. Salpetre, . . . . 1 0 0 Soufre, . . . . 0 8 0 Poussier, . . . . 0 4 0 On détrempe ces matieres avec de l'eau, après les avoir passées 3 fois au tamis pour les mêler, & quand elles sont en consistence de pâte un peu solide, on coupe cette pâte avec un moule qui forme dans une virole de fer-blanc une pastille ronde & plate, de la force d'une dame à joüer, & percée au milieu: ce trou est formé par une petite broche de fer placée au centre du manche qui porte la virole: si cette virole a huit lignes de hauteur, le manche ne doit entrer dedans que de quatre lignes; les quatre autres lignes de vuide font le moule, dans lequel se forme l'etoile. Chaque fois que l'on moule une étoile, il faut ôter la virole; & avec l'autre bour du manche, on pousse la pastille dehors, & on la fait tomber doucement sur une feuille de papier. Lorsque les étoiles sont seches, on les enfile dans de l'étoupille; & les ayant un peu séparées de six en six, on coupe l'étoupille dans ces séparations, & on en colle les bouts avec de l'amorce, sur la premiere & sur la sixieme étoile de chaque paquet. On donne communément aux étoiles sept lignes de diametre sur quatre lignes d'épaisseur; lorsqu'elles sont plus grosses, l'effet n'en est pas si beau, parce qu'elles retombent trop bas. Les étoiles à pets, sont de petits saucissons auxquels on laisse une gorge longue d'un diametre & demi, que l'on remplit de pâte d'étoiles. Il ne faut pas oublier, après qu'ils sont chargés en poudre & percés, de remplir le trou de la gorge de poussier, pour que le feu de l'étoile, en finissant, se communique à la poudre grainée. Voyez Feu d'Artifice . Voyez aussi nos Pl. d'Artificier , & leur expl. Cet art. est tiré du manuel de l'artificier, par M. Perrinet d'Orv al . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée d'Aviron Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fusée d'Aviron Fusée d'Aviron , ( Marine. ) c'est un peloton d'étoupe goudronnée, avec un entrelacement de fil de carret, qui se fait vers le menu bout de l'aviron, pour empêcher qu'il ne sorte de l'étrier & ne tombe à la mer quand on le quitte le long de la chaloupe. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée de Tournevire Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fusée de Tournevire Fusée de Tournevire , ( Marine. ) ce sont des entrelacemens de fil de carret; on les fait sur la tournevire de distance en distance, pour retenir les garcettes, & les empêcher de glisser sur la corde. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée de Vindas ou de Cabestan volant Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fusée de Vindas Fusée de Vindas ou de Cabestan volant , ( Marine. ) c'est la piece ou l'arbre du milieu du vindas, dans la tête duquel on passe les barres. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=unknown Normalized Classification=Cardeur Part of Speech=NA Fusée Fusée , c'est en terme de Cardeur , la quantité de fil que l'on retire de dessus la broche du roüet. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Fusée Fusée , ( Horlogerie. ) piece d'une montre; c'est cette partie conique sur laquelle s'enveloppe la chaîne, & qui sert à transmettre son action au roüage. Voyez nos Planches d'Horlogerie . Son utilité est très-grande; car au moyen de sa figure elle remédie aux inégalités du ressort, qui étant plus bandé lorsque la montre est nouvellement montée, & moins lorsqu'elle est presque au bas, la feroit avancer dans le premier cas, & retarder dans le second. Les premiers horlogers qui firent des montres, tâcherent de remédier à cet inconvénient du ressort au moyen d'une machine qu'ils appelloient stochsred . Mais ses défauts les engagerent bien-tôt à la perfectionner, ou à y suppléer par une autre. Ainsi on l'abandonna dès qu'on eut inventé la fusée . Quelqu'ingénieuse que soit cette découverte, on n'en connoît point l'auteur; ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle est fort ancienne. Pour bien concevoir de quelle maniere la fusée compense les inégalités du ressort, il faut faire attention que dans une montre au bas, la chaîne est entierement sur le barillet ou tambour, & que lorsqu'on la remonte, on ne fait autre chose que la faire passer sur la fusée . Mais par-là on fait la même chose que si l'on tiroit la chaîne jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus sur le barillet. Or ce mouvement ne se peut faire sans qu'on fasse tourner le barillet, & cela précisément autant de fois que la chaîne feroit de tours dessus. De plus on a vû à l' art . Barillet , que par la disposition des pieces, en le tournant on bande le ressort. Il sera donc bandé d'autant de tours exactement que le barillet aura tourné de fois, ce qui sera de trois tours & demi, qui est la quantité des tours qu'une chaîne fait ordinairement autour du barillet. Ceci bien entendu, on voit manifestement que la plus grande bande du ressort, & par conséquent sa plus grande force, a lieu lorsque la montre est montée jusqu'au haut; & que cette force va toûjours en diminuant à mesure que la fusée tourne; & qu'elle est la plus petite de toutes lorsque la montre est presqu'au bas. Pour faire donc que malgré cette inégalité de force son action soit toûjours égale sur le roüage, on diminue le diametre de la fusée en haut, & on lui donne une forme telle que lorsque le ressort a le plus de force, le bras de levier de la fusée par lequel la chaîne tire, est aussi le plus petit, de façon que dans un point quelconque de la fusée , le produit formé de ce bras de levier multiplié par la force du ressort dans ce même point, est toûjours égal. Par ce moyen l'action du ressort transmise au roüage, est constamment le même; & il est pour ainsi dire mû presque aussi uniformément que s'il l'étoit par un poids. C'est un probleme parmi les Géometres, que de trouver la figure précise que doit avoir la fusée d'une montre, c'est-à-dire quelle est la courbe qui tournant autour de son axe, produiroit le solide dont cette fusée doit être formée. M. de Varignon a déterminé cette courbe, pag. 198. des mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1702 , pour toutes sortes d'hypotheses de tensions du ressort. Ce qu'il y a de singulier dans la solution, c'est que la base de la fusée , au lieu de s'étendre à l'infini, comme il sembleroit que cela devroit être, pour que le ressort tirât également lorsque sa force seroit infiniment plus petite; cette base, dis-je, est déterminee, & d'une certaine grandeur. Enfin pour parler plus géométriquement, la courbe qu'il trouve, & dont la révolution autour de son axe donneroit la figure de la fusée , n'a qu'une asymptote, au lieu qu'elle devroit en avoir deux; parce que d'un côté elle doit s'approcher de plus en plus de son axe, sans jamais le toucher, & de l'autre côté s'en éloigner toûjours à l'infini. Au reste la détermination de cette courbe ne seroit pas d'un grand secours dans l'Horlogerie, car quelque parfaits que soient les ressorts, ils ne seront jamais assez uniformément élastiques, & par la nature de l'acier, & par le défaut d'exécution, pour qu'on puisse se servir d'une fusée formée selon une courbe trouvée d'après une hypothese quelconque des tensions du ressort. Les Horlogers ont trouvé un moyen plus sûr de lui donner la forme requise, en se servant d'un instrument nommé levier, voyez Levier ; par lequel ils vérifient à chaque point de la fusée , si la force du ressort est la même en la mettant toûjours en équilibre avec un même poids. Les horlogers en Angleterre se servent de fusées dans les pendules à ressort, mais ici on ne les employe pas. 1°. Parce qu'on fait faire le ressort un peu plus long, & que l'on ne se sert que des tours qui sont les plus égaux; & 2°. parce qu'on peut toûjours construire l'échappement de façon que malgre que la force du ressort diminue à mesure qu'il se débande, la pendule aille toûjours avec la même justesse. Voyez les articles Pendule , Échappement , Ressort , &c. Après avoir parlé de la forme que doit avoir la fusée , nous allons expliquer sa construction. Elle est com posée d'un arbre ( voy. les Pl. ) avec lequel elle ne fait qu'un seul corps. Cet arbre a deux pivots C & P à ses deux extrémités; le pivot P doit être assez gros & assez long pour pouvoir déborder un peu le cadran, & pour qu'on y puisse faire un quarré sur lequel entre la clé. Lorsqu'on veut monter la montre, le pivot C doit être beaucoup plus menu, parce que le rayon de la fusée étant beaucoup plus petit à son sommet qu'à sa base, le frottement sur ce pivot en est beaucoup augmenté; inconvénient auquel on remédie en quelque façon par la petitesse de ce pivot. Parmi tous les avantages que les montres à la françoise ont sur celles qui sont à l'angloise, celui-ci n'est pas un des moindres; car dans celles ci le quarré se trouvant du côté du sommet de la fusée , oblige à faire le pivot de ce côté fort gros, ce qui en augmente beaucoup le frottement; frottement déjà assez considérable par la petitesse des bras de leviers de la fusée de ce côté, & par l'augmentation de la force du ressort. Du même côté est le crochet C ( voyez les Pl. ) qui sert à empêcher qu'on ne remonte la montre plus qu'il ne faut. Voyez Guide-Chaîne . Du côté de sa base elle a un petit rebord, où il y a des dents dont la figure ressemble à un triangle; ces dents composent ce que l'on appelle le rochet , on en verra l'usage plus bas. La grande roue ou premiere roue ( V. les Pl. ) portée sur l'arbre de la fusée , vient s'appliquer contre sa base. Elle est mobile circulairement sur cet arbre, qui pour cet effet est rond. Pour qu'elle pose continuellement contre la base de la fusée , elle est retenue par la goutte 2"'qui tient à frottement sur cet arbre, & qui entrant dans la petite creusure de la roue, la presse toûjours contre cette base. Voyez Grande Roue , Goutte , &c. voyez les Planches, & leur explication . Lorsque la fusée & la grande roue sont montées ensemble, le cliquet C de la grande roue entre dans les dents du rochet, & il s'y engage de façon que la fusée tournant dans le sens où elle est entraînée par la chaîne la montre allant, ses dents s'appuient sur le cliquet; ensorte que la fusée & la grande roue tournent ensemble du même côté; & qu'au contraire quand on tourne la fusée dans le sens opposé, elle se meut indépendamment de la grande roue, le cliquet ne s'opposant plus à son mouvement. Cette mécanique est nécessaire pour qu'en remontant la montre, la fusée tourne sans la grande roue; car un point d'appui étant nécessaire, si la grande roue tournoit avec la fusée , il seroit impossible de remonter la montre. Il y a des fusées qui sont disposées de façon qu'en tournant leur quarré d'un sens ou de l'autre, on remonte également la montre. On appelle les montres qui ont de ces sortes de fusées, montres à l'ivrogne; comme il est rare que l'on en fasse usage, nous n'en parlerons point, d'autant plus que ces sortes de fusées sont fort inutiles. Voyez Montre . ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée, (Machine à tailler les) Author=Berthoud Normalized Classification=Méchanique | Horlogerie Part of Speech=NA Fusée Fusée , ( Machine à tailler les ) Méchanique, Horlogerie , &c. c'est un outil dont se servent les Horlogers pour former les rainures qui sont sur les fusées des montres. On sait par ce qui précede, 1°. que la fusée est une espece de cone tronqué, sur lequel s'enveloppe une chaîne dans une ramure faite en ligne spirale, sur son contour, de la base au sommet. Un bout de la chaîne tient au barillet, & l'autre à la fusée . 2°. Que la propriété de la fusée est de rendre égale l'action du ressort sur le roüage. 3°. Qu'au moyen de la grandeur différente de ses rayons, lorsque le ressort est à son premier tour de bande, & par conséquent lorsque sa force est moindre, la chaîne s'enveloppe sur la plus grande partie de la fusée (ou plus grand rayon), & agit avec la même force sur le roüage, que dans le cas où le ressort étant monté au plus haut, la chaîne s'enveloppe sur le plus petit rayon de la fusée; & de même à tous les autres degrés de tension du ressort; car à mesure qu'on le remonte, sa force augmente: mais en même tems aussi les diametres de la fusée diminuent; de sorte que l'action du ressort sur le roüage est toûjours la même. 4°. Qu'une autre propriété de la fusée , & qui est une suite de cette égalité de force sur le roüage, est de faire marcher plus long-tems une montre, en se servant cependant d'un même ressort; ce qu'il est aisé de concevoir. Le barillet qui contient le ressort & sur lequel s'enveloppe la chaîne, est cylindrique; je le suppose du même diametre que la plus grande partie de la fusée: dans ce cas si toutes les parties du premier tour de bande du ressort étoient égales entr'elles, lorsque la fusée fait un tour, le barillet en feroit aussi un; mais comme cela n'est pas, & qu'à chaque degré de tension du ressort sa force augmente, & que, comme nous l'avons dit, les rayons de la fusée diminuent dans la même proportion, il s'ensuit de-là que pour le développement de la chaîne sur un tour de barillet, la fusée fera plus d'un tour; & elle en fera d'autant plus que le ressort deviendra plus fort, jusqu'au point qu'étant au-haut, & dans ce cas supposant que sa force devînt double de celle de son premier tour, la partie de la fusée sur laquelle la chaîne s'enveloppe, sera de la moitié plus petite qu'au premier tour, & par conséquent un tour de barillet en fera faire deux à la fusée . 5°. Qu'afin que les diametres de la fusée soient moins inégaux entre eux, on n'employe dans les montres qu'environ quatre tour, du ressort, quoiqu'ils en puissent cependant faire davantage: qu'on ne prend que les tours qui ont le plus d'égalité entre eux en ne remontant pas ce ressort jusqu'au-haut, & en ne le laissant pas développer jusqu'au-bas; d'où l'on voit par ce qui vient d'être dit, que les formes des fusées ne sont pas exactement les mêmes, & qu'elles sont relatives aux différentes forces des ressorts. Ainsi on ne les détermine que par l'exécution; car ce qui se feroit par la théorie, quoique satisfaisant, seroit en pure perte. On a acquis par l'habitude une forme approchante de celle qui convient aux fusées; de sorte qu'on les tourne d'abord de cette forme qui approche assez de celle d'une cloche; ensuite on les taille avec les outils que nous allons décrire; enfin on les égalise par le moyen d'un levier qui s'ajuste sur le quarré de la fusée . Ce levier porte un poids mobile, que l'on met d'équilibre avec la moindre force du ressort, & l'on diminue les parties de la fusée qui sont trop grosses. Voyez Levier à égaler les Fusées Je ne connois ni l'auteur de la fusée , ni celui de la premiere machine pour les tailler. Il y a apparence que comme les premieres montres ont été faites en Angleterre, de même cette partie essentielle pour la justesse des montres y a été trouvée. Au reste ces machines n'ont pas été composées d'abord telles qu'elles sont à-présent. Je donnerai la description des deux constructions de machine à tailler les fusées . La premiere est tirée du traité d'Horlogerie de M. Thiout, pag. 66. Je ne fais que transcrire sa description; sa planche même a servi. On dit que la seconde est de la composition de feu M. le Lievre, horloger fort habile. M. Proselle son neveu, a bien voulu me communiquer cette machine. Description de la machine à tailler les fusées à droite & à gauche, avec la même vis , par M. Regnauld de Chaalons, p. 66. du traité d'Horlogerie de M. Thiout. « Les pieces U & X ( voyez nos Planches ) marquent le chassis qui porte les pieces depuis Z jusqu'en V. Z V est un arbre, que l'on peut tarauder à droite ou à gauche; cela ne fait rien, quoique celui-ci le soit à gauche, & dans le sens que sont taillées les fusées à l'ordinaire. Cet arbre est fixé sur la piece X par les deux tenons g g , qui sont la même piece que X , en le faisant entrer par g . On passe ensuite une piece en forme de canon, taraudée en-dedans y , sur le même pas que la vis. On place sur la même vis une autre piece taraudée X , qui sert à déterminer le nombre de tours que l'on veut mettre sur la fusée . On passe l'arbre dans le tenon g , & après avoir placé la manivelle T dessus en m , dont le bout est quarré, on le fixe par le moyen de l'écrou n. A la piece y est jointe celle f ou petit bras, par la cheville z qui fait charniere avec elle; & comme cette piece f est fixée au chassis par une autre cheville au point k , ce point lui sert de centre lorsque l'on tourne l'arbre. Par le moyen de la manivelle, la vis fait avancer ou vers g , ou vers X . La piece y ne peut tourner avec la vis, & se promener seulement dessus. Ce mouvement d'aller & de venir est répété sur le grand bras e , par le moyen de la traverse a a , que l'on fixe sur l'un & sur l'autre bras par les chevilles b , que l'on met dans les trous dont on a besoin, à proportion des hauteurs de fusée . Ce grand bras a vers son milieu un emboîtement L percé quarrément, dans lequel passe la piece L , dont une partie de la longueur est limée quarré; elle remplit l'emboîtement L : l'autre partie est taraudée & passée dans un écrou N; elle sert à faire avancer ou reculer la piece L , qui à l'autre extrémité porte une tête fendue, dans laquelle on fixe à charniere la piece H , par la cheville L ; laquelle piece H porte à l'autre bout l'échope G , qui passe au-travers de la tête de cette piece, où elle est fixée par la vis 7. L'arbre Z V porte une alonge ou assiette C , percée en canon, laquelle entre dans l'arbre, & y est fixée par une cheville à l'endroit Z . C'est dessus cette assiette que l'on fait porter la base de la fusée A , dont la tige entre dans le canon B du tasseau ou assiette. Cette fusée est fixée à cet endroit par l'autre vis D , pour y être taillée. Tout étant ainsi disposé, il faut considérer deux mouvemens différens au grand bras e; par exemple, si on le fixe au chassis par une de ses extrémités, & par la cheville R ; & que l'on tourne la manivelle T , tellement que la piece y avance vers G , & qu'alors on baisse la barre H qui porte l'échoppe G jusqu'à ce qu'elle touche la superficie de la fusée A ; cette fusée se taillera dans le sens que la vis de l'arbre z v est taraudée, qui est à gauche. Si au contraire on ôte la cheville R , qui servoit à fixer le grand bras e; & que l'on donne à ce grand bras pour centre de mouvement le point P , en y plaçant la vis p dont l'assiette O arrête le grand bras: alors, si vous tournez la manivelle dans le même sens que vous avez fait ci-devant, le haut du grand bras e ira vers W; au lieu qu'auparavant il alloit vers d: la piece H , par conséquent, ira aussi dans un sens contraire à celui qu'il avoit auparavant. Ainsi on ne taillera la fusée que lorsque l'on tournera la manivelle de l'autre côté. Il faut observer de retourner le bec de l'échope G de l'autre côté, quand on veut tailler à droite. La portion de cercle Q Q est pour contenir le grand bras par le bout, & passe dans un empatement fait à la piece S qui tient au chassis: On voit que le bout supérieur du bras e est fendu en fourche dans laquelle passe la barre d , pour lui servir de guide, lorsque l'on a ôté la vis p & remis la cheville R , pour tailler à gauche. Il faut aussi que la piece F soit fendue, afin de servir d'appui à la piece H lorsqu'on la fait descendre, pour que l'échoppe touche à la fusée ». Dans toutes les machines à tailler les fusées , on a toûjours eu en vûe de former des especes de pas de vis sur la fusée , pour contenir la chaîne, ainsi que nous l'avons dit. Or il y avoit deux moyens pour produire cet effet; l'un de faire mouvoir la fusée sur la longueur de son arc, comme on le fait pour former des pas de vis autour; l'autre, qui est la meilleure & la plus simple, c'est de faire mouvoir le burin qui doit former les pas de la fusée: c'est en effet le dernier principe dont on a toûjours fait usage. Pour faire mouvoir le burin ou échope, il y a encore différens moyens; & c'est par-là particulierement que differe la machine de M. le Lievre, dont nous allons parler. On a vû dans la description précédente, que l'arbre qui porte la fusée , ainsi que la manivelle, est une vis qui fait mouvoir un levier qui porte l'échope; & que suivant les différens points d'appui que l'on donne à ce levier, il fait parcourir à l'échope des espaces plus ou moins grands par rapport à un tour de la vis; espaces qui determinent le nombre de tours de vis ou rainures de la fusée , pour les différentes hauteurs de la fusée . Dans cette construction de M. le Lievre, l'axe qui porte la manivelle de la fusée , porte un pignon qui engrene dans une espece de cramaillere ou longue regle: cette regle se meut sur le chassis; elle en porte une seconde de même longueur, qui forme un angle ou plan incliné avec elle: celle-ci agit contre un levier qui porte le burin: ainsi en faisant tourner la manivelle, & par conséquent le pignon & la fusée , la regle qui porte le plan incliné se meut sur la longueur, & fait mouvoir le burin; & suivant que l'on donne plus ou moins d'inclinaison au côté de la regle, le burin fait plus ou moins de chemin pour un tour de manivelle: venons à la description de cet outil de M. le Lievre. On voit dans nos Planches d'Horlogerie cette machine représentée en entier. A A, B B , est la piece principale ou chassis, lequel est d'une seule piece & de cuivre fondu: il porte un talon T , qui sert à tenir cette machine dans l'étau lorsque l'on veut s'en servir. L'axe V V , qui porte le pignon p de 12, se meut dans les parties saillantes C C du chassis. R R est la regle dentée; elle se meut sur la partie 1, 2, 3, 4, du chassis, creusée de sorte que cette regle y entre juste: son mouvement se fait perpendiculairement à l'axe du pignon p . L L est une seconde regle attachée après la regle R R; elle est de même longueur que la premiere, & mobile au point m; on la fait mouvoir par son extrémité h , au moyen de la vis Q; ensorte qu'on lui fait faire des angles différens qui servent, comme je l'ai dit, à faire les pas de la fusée plus près ou plus distans; chose relative à la hauteur des montres & au tems qu'on veut les faire marcher. La piece i, g , mobile en g , porte un talon qui appuie continuellement contre la regle L L : un ressort r qui agit sur le levier p p , qui se met au point o , sert à cet effet, & par conséquent à faire parcourir à cette piece i g , & au levier où elle tient, des espaces relatifs aux différens angles, que fait la regle L L avec celle R; c'est ce mouvement qui sert à promener le burin, & à former les pas de la fusée . La piece D D sur laquelle est ajoûté le coulant qui porte le burin, est mobile au point l du levier p; elle se meut donc ainsi que le levier p sur la longueur de l'axe du pignon p (ou de la fusée , ce qui est le même). La piece D se meut encore dans un autre sens, qui est en s'approchant & s'éloignant de l'axe de la fusée f; ce mouvement sert pour faire suivre au burin la forme de la fusée déterminée par les courbes faites à la piece H , sur laquelle vient poser la vis U qui tient au coulant qui porte le burin; cela regle la forme de la fusée & la profondeur des pas. Cette piece D D exige un ajustement fait avec soin, une grande solidité; celle-ci passe dans des fentes faites aux pieces K K , comme on le voit dans nos figures; à l'endroit K cette piece est vûe de prosil. Une autre figure montre l'ajustement du levier p p vû dans un autre sens, & la façon dont se meuvent les pieces g i & D D , & comment il se meut lui-même sur la piece ou chassis A A B B , aux points o o . La piece D est mobile aux points l l , hauteur de l'axe du pignon & de la fusée; elle tient à celle D D; la piece g i est mobile aux points g g du levier p; q est le prolongement du pignon p; il est quarré & entre dans la manivelle, ensorte que par son moyen on fait tourner la fusée , les regles RR, LL , & par conséquent le burin. La machine que je viens de décrire ne taille les fusées que du même sens de la base au sommet, & il est cependant nécessaire de pouvoir en tailler de l'autre, pour servir dans le cas où on ajoûte une roue de plus dans une montre, ou dans tout autre qui exige que la montre se remonte du sens contraire, ce qui s'appelle remonter à droite ou à gauche . Pour remédier à cette difficulté, M. Gédeon Dudal horloger, a construit une machine à tailler les fusées , à-peu-près dans les mêmes principes de celle-ci, mais qui en differe par cette propriété de tailler les fusées à droite & à gauche; pour cet effet il a rendu le levier LL mobile au milieu de sa longueur, comme au point x , au lieu de l'être en m; ensorte qu'on fait faire des angles à la regle LL dont les sommets sont situés ou au bout I de la regle R , ou à celui E , suivant le côté que l'on veut tailler sa fusée; pour cet effet il ne faut que faire approcher ou éloigner le point K de I , au moyen de la vis C . M. Admyrauld a aussi construit un outil qui a les mêmes propriétés de tailler à droite & à gauche; c'est en rendant le levier L L mobile alternativement au point m comme à celle ci, ou à un autre point m placé dans l'autre bout I; il s'est aussi servi d'une cramailliere & des autres principes de celle que j'ai décrite. Je ne m'arrête donc qu'à ce qui différencie ces trois machines à tailler les fusées . Passons à quelques observations. Pour tailler une fusée , il faut commencer par la fixer aux pieces t t que porte l'arbre ou pignon p v. ces pieces se rejoignent au centre de cet arbre, & y forment un trou quarré dans lequel on fait entrer la partie quarrée de l'axe de la fusée , & en serrant les visses 6, 6, cela fixe la fusée; l'autre bout de la fusée qui se termine en pointe, pose au centre de la broche E qui passe dans le canon G de la piece G K; il y a une vis de pression 7 qui fixe cette broche. Presentement si on veut tailler une fusée qui puisse contenir six tours de chaîne, je suppose, il faut tourner la manivelle de droite à gauche pour ramoner le point F de la cramaillere près de l'arbre p V , ensorte que le burin se trouve situe à la base de la fusée , à l'endroit où doit commencer le premier filet ou rainure: alors faisant tourner la manivelle de gauche à droite, on comptera le nombre de tours que fait la manivelle, & par conséquent la fusée , tandis que le burin parcourt la hauteur du cone; s'il fait plus de six tours demandés, il faut, au moyen de la vis Q , eloigner le point h de celui I , ou ce qui est le même, faire que l'angle hIL soit plus ouvert, & au contraire le diminuer si la manivelle ne fait pas six tours pendant que le burin parcourt la fusée de la base au sommet, & ainsi jusqu'à ce que les six tours demandés se fassent exactement. Il faut ensuite retourner la manivelle en ramenant le burin à la base de la fusée , où, comme j'ai dit, doit commencer le premier point de la rainure; faire appuyer le burin en pressant la piece DD au point O , & ainsi tourner la manivelle de gauche à droite jusqu'à ce qu'elle ait fait six tours. Le burin ou échope est fixé sur le coulant W , la vis g v regle sur la courbe H l'enfoncement du burin dans la fusée . 8 est une vis pour fixer le coulant W sur la piece D D; cette rainure de la fusée se fait en ramenant à plusieurs reprises le burin à la base de la fusée , & en continuant à appuyer pour que le burin coupe lorsqu'il va de la base au sommet, &c. Ce que je viens de dire pour tailler une fusée ordinaire, servira à donner une idée d'opération que la pratique même étendra. Il faut employer les mêmes raisonnemens pour tailler de l'autre côté, & recourir à la description de la machine. Article de M. Ferdinand Berthoud . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=Diderot Normalized Classification=Fileur d'or Part of Speech=NA Fusée * Fusée , en terme de Fileurs d'or , est une piece de leur roüet, qui sort du corps de la machine par-devant, & qui est soûtenu par un boulon de fer qui passe dans un support attaché aux deux piliers de devant. Elle est partagée en huit, douze, seize parties, qui sont tournées en plusieurs crans, en forme de vis, excepté qu'ils ne communiquent point l'un dans l'autre. Ces crans sont encore de différentes grandeurs, pour donner aux roues la quantité de mouvement que l'artiste juge nécessaire pour son ouvrage. Cette fusée est terminée à droite par une roue de bois en plein, qui a elle-même plusieurs de ces crans inégaux pour la même raison. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=unknown Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Fusée Fusée , ( Manége, Maréchall. ) nous appellons de ce nom deux ou plusieurs suros continus, & les uns sur les autres. Voyez Suros . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=unknown Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=NA Fusée Fusée , terme de Riviere, voyez Vindas . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusée Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Fusée Fusée , terme de Blason , qui dénote une figure rhomboïde, plus alongée que la losange; ses angles supérieurs & insérieurs sont plus aigus que ceux du milieu. Voyez nos Planches de Blason . On regarde la fusée comme la marque de la droiture & de l'équité. Quelques-uns veulent cependant que les fusées en Blason soient des marques de flétrissure pour ceux qui les portent. Ils en donnent pour raison qu'après que les croisades eurent été publiées, nos rois condamnerent les gentilhommes qui se dispenserent d'aller à la guerre contre les infideles, à changer leurs armes, & à charger leurs écus de fusées , comme reconnoissant qu'ils méritoient d'être mis au nombre des femmes. Dict. de Trév. & Chamb . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSELÉ Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FUSELÉ FUSELÉ, adj. en termes de Blason , se dit d'un champ ou d'une piece toute chargée de fusées. Voyez Fusée . Du bec de Vardes, fuselé d'argent & de gueules. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSER Author=Villiers Normalized Classification=Chimie Part of Speech=v.n. FUSER FUSER, v. n. ( Chimie ) se dit du phénomene que présente le nitre qu'on détonne sur les charbons ardens, parce qu'il ressemble à-peu-près à l'effet d'une fusée. Il seroit cependant bien singulier que ce fût-là l'origine du mot fuser en ce cas, & que ce ne fût pas ce mot au contraire qui nous cût donné celui de fusée; car celle-ci ne fuse qu'à raison du nitre qui est sa base. Cependant cela ne paroit que trop vrai. Voyez Nitre . Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSEROLLE Author=Diderot Normalized Classification=Draperie Part of Speech=s.f. FUSEROLLE * FUSEROLLE, s. f. ( Drap. ) brochette de fer qui traverse l'espolin, & qu'on place avec l'espolin dans la poche de la navette. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSIBILITÉ Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. FUSIBILITÉ FUSIBILITÉ, s. f. c'est cette qualité qui se rencontre dans les métaux & mineraux, qui les dispose à la fusion. Voyez Fusion . L'or est plus fusible que le fer ou le cuivre, mais moins que l'argent, l'étain, ou le plomb. Voyez Or , Argent , &c. On mele ordinairement du borax avec les métaux pour les rendre plus fusibles. Voyez Borax ; voyez aussi Flux noir & Fondant -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSIL Author=Le Blond Normalized Classification=Art Militaire Part of Speech=s.m. FUSIL FUSIL, s. m. c'est dans l' Art militaire , une arme à feu, qui a succédé à l'arquebuse & au mousquet, montee ainsi que ces deux armes sur un fust de bois qui est ordinairement de noyer. Outre la monture du fusil dans laquelle on comprend la baguette, on distingue dans cette arme la platine & l' équipage . La platine est une plaque de fer d'environ cinq pouces de longueur, placée à l'extrémité du canon vers sa culasse, à laquelle sont attachées les différentes pieces qui servent à tirer le fusil . Ces pieces sont un grand ressort en-dedans de la platine, une noix & bride sur le chien avec sa mâchoire; une vis au-dessus, le bassinet , une batterie qui couvre ce même bassinet, & un petit ressort qui le fait decouvrir & recouvrir. Le chien tient à la platine par le moyen d'une vis. Son extrémité en-dehors forme une espece de gueule dans laquelle est retenue fixement une pierre à fusil , par le moyen d'une grande vis. La partie supérieure de cette gueule est appellée la machoire du chien . Le bassinet est un petit bassin posé en saillie sur la platine, vis-à-vis la lumiere ou la petite ouverture faite au canon pour mettre le feu à la poudre dont il est chargé. La batterie est disposée en espece d'équerre, dont une branche couvre le bassinet, & l'autre se présente à-peu-près parallelement au chien. Lorsque le chien est tendu, ou ce qui est la même chose, lorsque le fusil est bandé, & qu'on veut le tirer, on lâche la détente qui est sous la platine, ce qui fait tomber avec force sur la batterie le chien armé de sa pierre. Cet effort fait mouvoir la batterie, & lever sa branche qui couvre le bassinet; & comme la pierre fait feu en même tems sur la partie de la batterie qui lui est opposée, elle allume la poudre du bassinet, laquelle communique le feu à la charge du fusil , & fait ainsi partir le coup. Les platines du mousqueton, du pistolet, &c. sont composées des mêmes pieces que celles du fusil . L'équipage du fusil est composé du talon , qui est une espece de plaque de fer qui couvre le bout de la crosse; de l' écusson , qui est une piece de fer qui embrasse la clé des portes-baguette; de la soùgarde avec sa détente , qui sert à lâcher le ressort du chien, &c. Les fusils ont commencé à être généralement établis dans les troupes vers l'année 1704. Avant cette époque il n'y avoit que les grenadiers des bataillons qui en fussent armés, à l'exception néanmoins du régiment des fusiliers , créé en l'an 1671, qui fut dès lors attaché au service de l'artillerie. Tous les soldats eurent des fusils à la place des mousquets, qui étoient alors en usage dans tous les corps d'infanterie. Les fusiliers outre l'épée, furent aussi armés d'une bayonnette; c'est le premier corps dont les soldats ayent été ainsi armés. Ce régiment est aujourd'hui royal artillerie . Quant aux raisons qui firent quitter les mousquets pour prendre les fusils, voyez Mousquet . ( Q ) De la portée du fusil . Pour connoître ce qu'on doit appeller la portée d'une arme à feu , il faut considérer 1°. la ligne droite par laquelle on voit l'objet vers lequel on veut porter la balle ou boulet, laquelle s'appelle ligne de mire; 2°. une autre ligne droite, qui représente l'axe qu'on peut supposer au calibre ou cylindre de l'arme, & que j'appellerai ligne de tire; 3°. la ligne que décrit le globe qui est lancé par la poudre hors le calibre de l'arme, vers le but qu'on se propose de frapper. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusil à portée de but en blanc Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fusil Fusil à portée de but en blanc . Si la ligne de tire se trouvoit parallele avec la ligne de mire, jamais la balle ou boulet ne pourroit arriver qu'au-dessous du but; car à chaque instant après sa sortie, la balle ou boulet s'éloigne de la ligne de tire, & tend à se rapprocher vers la terre; aussi la ligne de mire & la ligne de tire, sont-elles sécantes entre elles dans toutes les armes à feu, & la ligne courbe que décrit le boulet coupe d'abord la ligne de mire, s'éleve au-dessus, & redescend ensuite la recouper: le point où la ligne courbe que décrit le boulet, recoupe la ligne de mire, est la portée de l'arme à feu, le but en blanc . Ce point est plus ou moins éloigné, à proportion de l'amplitude de l'angle que forment entre elles la ligne de mire & la ligne de tire & en raison de la force qui chasse le boulet, de sa masse, de son volume, de sa densité, & de celle du milieu qu'il traverse, & de la longueur du calibre. Soit supposé le canon d'un fusil épais de quatre lignes à sa culasse, d'une ligne à sa bouche, qu'il ait quatre piés de long, que le calibre soit de six lignes, la ligne de tire & celle de mire se couperont à quatre piés au-delà de la bouche du fusil , & l'angle que les lignes de mire & de tire fermeront en se rencontrant, sera de 0 d , 10 ou 15'; la balle montera au-dessus de la ligne de mire, formant à bien peu de chose près, le même angle; donc à douze piés au-delà de la bouche du canon, elle sera sept lignes environ au-dessus de la ligne de mire. Pour calculer à quel endroit on doit trouver le point du but en blanc, il faut d'abord faire abstraction de la force d'inertie, centripete, ou pesanteur de la balle ou boulet, & calculer l'élévation que prend la ligne de tire au-dessus du point vers lequel on vise, eu égard au plus ou moins d'éloignement de ce but, estimer la vîtesse à parcourir l'étendue supposée, & diminuer sur l'élévation reconnue l'attrait occasionné par sa masse, & ce par les calculs des masses & des vîtesses, &c. Soit supposé, que pour parcourir cent toises le globe soit 0'x''x''', &c. que la ligne de mire (suivant l'angle que nous avons supposé 0 d , 10 ou 15'), soit à ce but éloigné de 600 lignes, égales à 50 pouces ou 4 piés 2 pouces. Si l'épreuve d'accord avec le calcul, fait voir que le globe frappe le but visé à cesdites 100 toises, il faudra en conclure qu'à 60 toises environ, par exemple, la balle étoit élevée au-dessus de la ligne de mire d'environ 2 piés, ce qui a été sa plus grande élévation: qu'il s'ensuit donc que s'il s'étoit trouvé à ces 60 toises un corps élevé à deux piés, ou quelque chose de moins, au-dessus de la ligne de mire, ce corps eût été frappé par la balle, quoique le coup ait été bien visé au but: on auroit dit à cela sans réfléchir: c'est que le coup releve; mots vuides de sens. J'avoue qu'il y a beaucoup d'expériences à faire, pour établir théoriquement la portée des armes à feu; j'en proposerai ci-après quelques-unes pour la pratique; on ne fait jusqu'à présent que l'estimer à-peu-près, & l'on tombe quelquefois dans des défauts que l'on n'imagine pas, faute de connoître non-seulement le point de perfection, mais même ce que peut indiquer la théorie connue: par exemple on recommande souvent aux troupes de viser vers le milieu du corps de l'ennemi; on leur prescrit même de tirer bas, & plûtôt plus que moins. Certainement rien n'est moins une loi générale que ce prétendu axiome, si (suivant la supposition faite ci-dessus) à 100 toises l'on frappe un but à l'endroit visé, quatre piés au-dessus de l'horison, à 60 toises on passera 6 piés au-dessus de l'horison, & l'on ne frapperoit pas un but M, N , qui seroit à cette distance, quand il auroit 5 piés 10 pouces de hauteur depuis le niveau de l'horison; si à 100 toises l'on a visé précisément au pié du but H, B , l'on n'arrivera qu'à ce point; & si le but eût été de quelques pas plus éloigné, on ne l'auroit pas frappé. Si à 60 pas, l'on a visé deux piés plus bas que le pié du but O K , c'est-à-dire deux piés plus bas que la ligne horisontale sur laquelle le but seroit planté, on n'atteindra pas encore ce but. Il s'ensuit donc qu'on ne peut jamais avec un fusil atteindre au but quelconque, quand on vise deux piés plus bas que l'extrémité inférieure du but, à quelque éloignement qu'il soit; que si l'on vise au pié du but, on ne peut le frapper que depuis ledit pié ou base, jusqu'à une élévation de deux piés; si dans cette distance de 100 toises un but a d'élévation trois fois deux piés, on le frappera dans la dimension du milieu, si l'on vise à deux piés au-dessus de sa base; & s'il est à 60 toises, on le frappera dans la dimension supérieure; mais si le but est plus éloigné de 100 toises, il faut viser plus haut que lui, pour le frapper dans la dimension du milieu, & de plus en plus s'élever, suivant que le but seroit plus éloigné. Je viens d'expliquer que ce qui faisoit qu'une balle ou boulet arrive au but que l'on veut attraper, c'est certainement à cause qu'on l'a dirigé vers un autre endroit; car sans s'en appercevoir, on tire avec un fusil ou canon vers un but, comme les Archers ou Arbalêtriers tirent vers celui où ils veulent faire arriver leurs fleches. Il est démontré que la ligne par laquelle un coup peut être lancé le plus loin possible, est la parabole qui formeroit à ses extrémités un angle de 45 degrés avec l'horison, abstraction faite de l'effet de la pesanteur du coup lancé. C'est parce qu'ils approchoient davantage de cette projection, que les Perses de Xenophon lançoient leurs fleches, qui portoient plus loin que celles de tous les Grecs, excepté des Archers de Candie. Voyez Retraite des dix mille . Les carabines pourroient bien n'avoir une plus longue portée que par la même raison (leurs balles trouvant peut-être plus de difficulté à vaincre le milieu qu'elles traversent par la perte qu'elles font de leur forme sphérique); & les gispes du maréchal de Puisegur ( voyez page 30 in-4°. ), dont il souhaiteroit que plusieurs soldats par compagnies fussent armés, ne sont encore autre chose que des armes renforcées par la culasse, & dont par conséquent les lignes de mire & de tire formantes un angle plus ouvert, donnent une portée plus longue que les armes ordinaires. Ce n'est point pour donner aucun blâme à ce grand maître que j'ose le citer ici, mais pour faire remarquer aux Militaires l'avantage considérable que peuvent leur procurer les premieres notions des Mathématiques, dans les moindres comme dans les plus grandes parties de leur art. J'observerai encore que les plus habiles tireurs au blanc ne peuvent le plus souvent tuer une piece de gibier à la chasse, & les chasseurs qui tuent à tout coup, ne tirent jamais, en ayant parfaitement le gibier sur la ligne de mire de leurs fusils; non-seulement ils tirent à l'endroit où sera la piece de gibier lorsque leur coup y arrivera, mais ils visent plus au-dessous ou au-dessus, suivant l'éloignement du but qu'ils veulent frapper. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusil Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fusil Fusil . Sa portée possible . Pour reconnoître la plus grande portée possible d'une balle ou boulet, il faut déterminer ses différentes portées, suivant l'élévation que l'on peut donner à la ligne de tire; il faut connoître les lois de la projection des corps; la plus longue est par l'angle de 45 degrés, & l'angle de 15 degrés donne une projection de moitié moins d'étendue. Voyez Projection . Il doit y avoir une compensation en progression, depuis la plus grande portée jusqu'à la plus courte, relativement à la longueur du calibre qui dirige la balle ou boulet dans l'une ou l'autre projection. Les expériences bien faites ne l'ont été qu'avec des bombes ou des jets d'eau, ou l'équivalent; & le calibre plus ou moins long dans ces deux cas, n'a pas dû faire une différence sensible, ni des frottemens à beaucoup près aussi grands que ceux qui se rencontrent par l'effet du calibre du fusil . Il faut observer que les différens calibres des armes ne sont pas ensemble en même raison de leur diametre à leur longueur: en général dans l'usage des armes à feu, plus le diametre est petit, plus le cylindre ou calibre est long en proportion; plus le calibre ou cylindre est petit, plus les défauts en sont considérables proportionnellement; plus le calibre a de longueur, plus il tend à donner une direction droite; plus le calibre est petit, plus il y a de différence entre le diametre du boulet & le sien; plus il y a de différence entre le boulet & son calibre, plus les ondulations du boulet dans ce calibre peuvent l'éloigner du but vers lequel il est dirigé. Seroit-il vrai que tout globe d'une densité capable de résister à la force qui le chasse, dirigé par un calibre ou cylindre en proportion semblable relativement à son volume, poussé par une poudre d'une force proportionnelle à sa masse, lancé dans la même projection, parcourroit des distances égales, & peut-être même dans des tems égaux, & décrira la même courbe? Les preuves pour ou contre ne peuvent être aisément éclaircies; il est difficile de déterminer exactement une force proportionnelle à la masse du boulet dans l'usage de la poudre, non-seulement parce que sa force augmente à-proportion de la promptitude de sa dilatation, & que cette promptitude dépend de sa qualité, de son degré de siccité, de sa disposition dans le calibre, du plus ou moins de pression de ses parties, & de la résistance de la balle, mais encore par la difficulté dont il est de connoître la quantité de poudre qui s'enflamme assez tôt pour donner au boulet toute l'impulsion qu'il acquiert, avant de quitter tel calibre qu'il parcourt. La théorie peut faire reconnoître que pour que la charge d'un fusil fît tout l'effet que sa dilatation peut produire, il faudroit que la longueur du canon d'un fusil fût de 90 piés; mais l'expérience a prouvé que la balle chassée par la même charge dans un fusil de quatre piés de canon, peut aller à deux mille cent soixante toises: il s'ensuivroit donc, qu'avec cette longueur supposée de 90 piés, la balle seroit portée à 48600 toises; ce qu'il n'est pas possible d'expérimenter, car on ne fera pas un canon de fusil de 90 piés. Si d'un côté la théorie prouve que la meilleure longueur d'un fusil , pour chasser le plus loin possible la balle, est de 90 piés; que de l'autre, l'expérience prouve que par une longueur de quatre piés de canon, on chasse la balle à 2160 toises: il doit donc s'ensuivre, que chaque pouce de longueur de plus ou de moins au canon, doit donner 45 toises de plus ou de moins de portée, & que le pistolet, qui est de 14 pouces de canon, auroit 630 toises de portée: mais des expériences faites avec des canons, des coulevrines, & autres armes à feu, ont prouvé que ces trois armes portent leurs globes à-peu-près à même distance entre 2000 & 2500 toises: donc on doit conclure qu'il n'y a pas une proportion en progression connue, entre la force qui chasse les balles ou boulets, & la longueur des calibres qui les dirigent. Il faut observer que la proportion entre la longueur du canon de 24, & son boulet, est à-peu-près la même que celle entre un petit pistolet de poche fort court, & sa balle, c'est-à-dire entre dix & douze fois le diametre respectif de leur calibre. Quand on a fait des expériences pour constater quelle étoit la longueur de calibre la plus avantageuse à un canon, on a été occupé principalement de voir la différence que ses différentes dimensions pourroient occasionner dans l'effet du boulet, lorsqu'il frappe le but: pour cela, on a tiré d'abord avec le calibre qu'on avoit fait le plus long possible; ensuite on l'a racourci à plusieurs reprises, en sciant à chaque fois l'extrèmité. Le résultat pour la force a été établi, mais celui pour la portée ne l'a point été: vraissemblablement, pour la portée du but en blanc, il auroit dû être, à bien peu de chose près, le même: mais pour la plus longue portée possible, le résultat auroit dû être différent à chaque fois, & relatif à celui de la force du choc, & par les mêmes raisons, une certaine longueur donnant le tems à plus d'effet de la poudre, qu'une moindre; & l'étendue de la portée de but en blanc, n'est pas comparable à la plus longue portée possible. D'ailleurs, les lignes de tire & de mire étoient toûjours les mêmes dans les canons d'épreuve; au lieu que dans les canons de différentes longueurs, elles forment des angles plus ouverts, àproportion que les calibres sont plus courts. Pour déterminer quelle est la courbe que décrit la balle d'un fusil de munition, de la dimension fixée par les ordonnances, & dont les troupes sont ou seroient armées; il faudroit fixer un de ces fusils dans la position horisontale qu'on choisira; placer ensuite sur la ligne de mire donnée plusieurs especes de grands tamis placés verticalement entre 300 toises à distance les uns des autres, & faire feu: la balle tirée perceroit les toiles, crins, taffetas, ou papiers dont ces tamis seroient faits; & ces points-là reconnus détermineroient la courbe qu'auroit décrit cette balle. Si l'on ne vouloit que trouver seulement le point le plus haut de cette courbe, on pourroit faire tirer dessous une voûte dont le faîte seroit de niveau, en plaçant la ligne de mire parallelement au-dessous de cette voûte, à un pié, un pié & demi, ou deux piés; & remarquant ensuite l'endroit où la balle ne feroit qu'effleurer le dessous de ladite voûte. Les épreuves exactes de la plus longue portée possible, ne peuvent se faire sans risque que sur des canaux glacés de deux à trois mille toises de longueur environ, & assez larges pour espérer que la direction de la balle ne sera pas trop détournée par les diverses résistances qu'elle peut éprouver dans les cinq à six mille toises d'atmosphere qu'elle parcourroit. Des hommes placés à distance l'un de l'autre, sous des especes de guérites, le long des bords du canal, remarqueroient où la balle tomberoit. Toutes ces épreuves pourroient se faire avec les différens calibres, & dans diverses dimensions de culasses. Il est à croire que les expériences, en fixant les idées sur les différentes portées des armes à feu, fourniroient les moyens d'en faire un usage à-peu-près semblable à celui que l'on fait des fleches. La pratique en seroit vraissemblablement beaucoup plus difficile à perfectionner; parce qu'une balle n'étant point visible comme le peut être une fleche, & sa portée étant beaucoup plus étendue, celui qui auroit tiré ne pourroit pas reconnoître aisément quel effet auroit fait sa balle: mais la théorie pourroit faire tirer parti de cette connoissance, pour faire porter des balles à des éloignemens où l'on n'auroit pas lieu d'en craindre sans cela. Les militaires instruits du résultat de ces expériences sur la partie du but en blanc & la plus longue portée possible, pourroient, suivant l'éloignement où ils se trouveroient de l'ennemi, ordonner à leurs soldats de tirer plus ou moins haut, suivant l'éloignement de leur ennemi. En visant, par exemple, à la hauteur de la pique ou fer des drapeaux, lorsqu'il seroit encore à 300 toises; & s'il étoit à 200, à la hauteur de la pique ou fer des espontons; à 150, au haut de la tête, aux chapeaux de cet ennemi; à 100, à la ceinture; à 60 toises, aux genoux, ou bien peu au-dessous; mais jamais plus bas. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusil à vent Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fusil à vent Fusil à vent , est la même chose que l'arquebuse à vent. Voyez Arquebuse à vent . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusil Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fusil Fusil , petit cône de fer sur lequel on passe les couteaux & autres instrumens tranchans, pour leur rendre le fil & les faire couper. Le fusil des Luthiers est la même chose, excepté qu'il est poli, & que celui des couteaux est rude; il sert à affiler les gratoires. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSILIERS Author=Le Blond Normalized Classification=Art Militaire Part of Speech=s.m.pl. FUSILIERS FUSILIERS, s. m. pl. dans l' Art militaire , ce sont des soldats armés de fusils, qu'ils portent en bandouliere. Voyez ci-devant Fusil . Il y a eu un régiment de fusiliers créé en 1671, pour la garde de l'artillerie. On arma ce régiment de fusils au lieu de mousquets, qui étoient alors l'arme commune presqu'à tous les corps d'infanterie. Outre l'épée, on donne aussi des bayonnettes aux soldats: c'est le premier régiment dont les soldats ayent été ainsi armés. Ce régiment commença par être composé de quatre compagnies, chacune de cent hommes, que l'on tira des autres troupes; les officiers furent pris dans le régiment du roi. La premiere de ces quatre compagnies s'appelloit la compagnie des canonniers du grand-maître; elle étoit en effet composée de canonniers: mais par une ordonnance de Louis XIV. elle fut remplie de soldats travailleurs, comme les trois autres; elle étoit commandée par le commandant du second bataillon. Une autre de ces compagnies étoit composée uniquemens de sapeurs, c'est-à-dire des gens propres aux travaux des tranchées. On y mettoit aussi autant qu'on pouvoit des tailleurs de pierres, des maçons, & d'autres gens capables de travailler aux mines; elle étoit commandée par le lieutenant-colonel du régiment, & principalement employée aux travaux de la sape. Les deux autres furent mises dans la suite à la tête du troisieme & quatrieme bataillon, & étoient composées d'ouvriers en bois & en fer: on s'en servoit pour faire les ponts & autres travaux de cette espece. Ce corps, composé d'abord de ces quatre compagnies en 1671, fut augmenté en 1672 avant la guerre de Hollande, de vingt-deux compagnies: on fit un régiment de deux bataillons, qu'on nomma le régiment des fusiliers: en 1677, on fit à ce régiment une seconde augmentation de quatre bataillons, de chacun quinze compagnies, lesquelles furent tirées des vieux régimens. Ces quatre bataillons prirent la queue des deux premiers, & le rang entr'eux par l'ancienneté du régiment d'où ils avoient été tirés. En 1679, après la paix de Nimegue, on réforma le sixieme de ces bataillons. Peu de tems après, & la même année, on réforma six compagnies de canonniers, dont les soldats furent tirés des troupes. Quatre de ces compagnies furent données à quatre anciens capitaines des deux premiers bataillons: les deux premieres furent données aux deux plus anciens des quatre derniers bataillons. En 1689 on fit aussi une augmentation de 6 compagnies de canoniers, lesquelles furent tirées des troupes, & les officiers tirés du régiment; de sorte qu'il y avoit 12 compagnies de canoniers, qui n'étoient point enbataillonnées. Cette même année, le troisieme & le quatrieme bataillon furent augmentés de chacun une compagnie de grenadiers. En 1691, le roi ayant mis les bataillons de toute l'infanterie à treize compagnies au lieu de seize, on prit les trois dernieres compagnies de chacun des trois derniers bataillons de ce régiment, auxquelles on ajoûta trois autres compagnies tirées des troupes; ce qui fit douze compagnies. Ces douze compagnies en fournirent une de grenadiers: & de tout cela, on en fit un troisieme bataillon, conformément au réglement du roi; parce que le sieur de Bouvincourt, qui fut choisi pour le commander, se trouva le troisieme capitaine du régiment. En 1693; le roi ordonna que le régiment seroit appellé desormais le régiment roy al de l'artillerie: les commissions des officiers sont du roi, mais elles sont adressées au grand-maître de l'artillerie, comme au colonel-lieutenant du régiment. Mém. d'artillerie de Saint-Remi. Le régiment royal de l'artillerie est augmenté depuis 1721 du régiment des Bombardiers, qui y fut alors incorporé, pour ne faire qu'un seul & même corps avec ce régiment. Voyez Bombardiers . Il fut divisé en cinq bataillons qui furent placés à Strasbourg, Grenoble, la Fere, & Perpignan: celui de cette derniere ville a été transféré depuis à Besançon. Ces bataillons sont composés de huit compagnies de cent hommes chacune, non compris un capitaine en premier & un capitaine en second, deux lieutenans, & deux sous-lieutenans: chaque compagnie est divisée en trois escouades. La premiere qui est double, est composée de vingt-quatre canonniers ou bombardiers, & de vingt-quatre soldats apprentis. La seconde est composée de douze mineurs ou sapeurs, & de douze apprentis. Et la troisieme est composée de douze ouvriers en fer & en bois, & autres propres à l'usage de l'artillerie, & de douze apprentis. Il y a aussi deux cadets & deux tambours dans chaque compagnie. Les bataillons sont indépendans les uns des autres; les officiers de différens bataillons ne roulent point ensemble pour les emplois; chacun monte à ceux de son bataillon. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSION Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=s.f. Fusion Fusion , s. f. ( Chim. ) c'est le changement qui arrive dans un corps solide, en conséquence de l'action du feu qui le rend fluide. Dans cette opération, le feu diminue tellement la cohésion des parties intégrantes de ce même corps, qu'il les meut & les fait rouler les unes sur les autres à la façon des liquides. On doit faire cette différence entre fonte & fusion , que fonte s'entend seulement de l'état d'un corps qui a perdu la cohésion de ses molécules aggrégatives, en conséquence de l'action du feu; au lieu que fusion s'entend de l'action qui produit ce changement, de ce changement, de ses causes, & des phénomenes qui l'accompagnent. La fusion est un phénomene difficile à expliquer; mais il n'est personne qui ne distingue la fonte d'un corps de son état de solidité. La fonte d'un métal qui doit passer à-travers un vaisseau, doit être bien liquide. Voyez Coupelle & Affinage . Quoique la plûpart des auteurs employent le mot de liquéfaction ou de liquification dans le même sens que fusion , il faut pourtant ne l'appliquer qu'aux sels qui prennent de la fluidité sur le feu, par la grande quantité de leur eau de crystallisation, comme il arrive aux vitriols, au borax, &c. On peut encore les dire des métaux qui sont soûmis à la liquation. Quand la fusion n'est que partielle, c'est-à-dire qu'elle n'a lieu qu'à l'égard des parties similaires d'une mine ou d'un alliage métallique, elle prend le nom de liquation. Voyez cet article . On donne le nom de précipitation par la voie seche ou par la fonte, à cette espece de fusion où il arrive que la matiere fondue forme deux couches distinctes; l'une pesante qui occupe le fond du vaisseau, & c'est le régule; l'autre legere & qui surnage la premiere, qu'on appelle les scories . On appelle vitrification , l'espece de fusion qui change tellement un corps, ou en combine plusieurs ensemble, de façon qu'il en résulte une matiere diaphane qui reste constamment dans le même état, quoique exposée de nouveau au feu de fonte. Il ne faut pourtant pas croire qu'on n'employe pas aussi le mot de fonte dans bien des cas pour l'action du feu qui desunit les parties aggrégatives d'un corps: on dit aussi la fonte de la cire, de la graisse , &c ensorte que le mot de fusion est plus particulierement employé pour les métaux. Cette opération est une des plus fréquentes de la partie métallurgique de la Chimie. Elle s'étend sur tous les corps fixes de la nature, avec toutefois cette restriction, qu'il y en a qui sont très-aisés, d'autres très difficiles à fondre, & d'autres qui ne prennent l'état de fonte qu'à l'aide d'un ou de plusieurs autres corps fixes aussi. Ces corps prennent le nom de fondans ou de menstrues secs. Voyez la section des fondans à l' article Flux , qu'il faut joindre avec celui-ci. On peut encore cependant comparer leur action à celle des menstrues humides. Ceux-ci n'ont besoin que d'une très-médiocre chaleur pour être dans l'état de fluidité, & joüir conséquemment de l'exercice de leurs propriétés. Les fondans en exigent une plus forte, les uns plus, les autres moins. Il est vrai qu'il s'en trouve qui demandent le même degré de feu que le corps à fondre, comme nous l'avons dit du mélange de deux corps infusibles par eux-mêmes; mais ceux ci se trouvent dans l'extrème, qui fait exception non-seulement avec les menstrues humides qui dissolvent & ne sont point dissous, quoique leurs parties soient divisées par la même raison qu'elles divisent, mais encore avec les fondans mêmes, qui doivent être plus fusibles que le corps qu'on veut fondre par leur intermede. Les corps volatils en sont aussi susceptibles. mais quelques-uns seulement, & ils se dissipent sitôt qu'ils ont éprouvé cet état. Il y a des métaux qui se calcinent au degré du feu qui les met en fonte. Quelle que soit l'intention de l'artiste, il faut toûjours que le corps auquel il fait subir la fusion , devienne le plus fluide qu'il est possible: mais si cette condition est nécessaire à l'égard d'un corps simple, à plus forte raison l'est-elle quand c'en est un composé, comme quand il s'agit de faire un alliage ou une nouvelle matiere. Ceux dont le génie est assez pénétrant & l'imagination assez forte pour atteindre aux points physiques du tems, concevront aisément que dans l'espace d'un quart-d'heure chaque molécule intégrante ou principe d'un corps tenu en fonte bien liquide, subit un nombre infini de mouvemens qui méritent consideration. Il est souvent indispensable de soûtenir long-tems cette fluidité, pour desunir d'abord les differens principes metalliques, & pour les combiner ensuite entr'eux. C'est pour lors que se font, ainsi qu'au milieu du fluide aqueux, qui est le véhicule des corps fermentatifs, ces nombres prodigieux de courses rapides de la part des molécules solitaires ou réunies, de chocs, de frottemens, qui produisent enfin ce nouvel arrangement de parties qui existe dans chaque molécule intégrante du nouveau résultat. La desunion préalable qui se fait des principes du corps primitif, arrive en conséquence de leur mouvement, tant spontané que forcé. C'est à ces différens phénomenes que nous avons donné le nom d' attraction à l' article Flux . Il est à souhaiter qu'il naisse un nouveau Newton qui en pénetre la nature, & en développe le méchanisme. Si la raison inverse du quarré des distances a lieu dans la circonstance présente, l'application en paroit difficile à démontrer. C'est pour les raisons mentionnées, que les expériences qu'on n'obtient qu'à la faveur de la fusion , sont sujettes à tant de variétés. Si l'on ne connoît ni le pouvoir de la fonte liquide, ni les avantages de la forme des vaisseaux, ni la mesure du tems qu'exige une expérience, & si l'on ne sait bien entremêler & combiner ces différentes conditions, on manque d'ordinaire tout succès. On peut citer pour exemple la mine perpétuelle de Beccher, toutes les autres vitrifications graduées, les fusions & réductions répétées, par lesquelles Isaac le hollandois retiroit toûjours quelque peu de métal précieux, & le départ par la voie seche, ou séparation de l'or d'avec l'argent. C'est dans ces sortes de cas particulierement que bon nombre d'artistes n'ont que trop éprouvé que quand ils manquoient aux conditions nécessaires, ils n'obtenoient rien de ce qu'ils pouvoient & devoient obtenir. Ce n'est pas que la réussite manque absolument parce qu'on n'a pas choisi les vaisseaux de la forme la plus avantageuse, mais ce défaut est au-moins capable de porter des imperfections dans l'expérience. Mais il faut encore être bien convaincu que la quantité des matieres apporte une différence dans l'opération, & c'est un article de conséquence qui mérite l'examen le plus réflechi. Les opérations en petit donnent des phénomenes qu'on n'a point dans les travaux en grand. Il est vrai que souvent on ne fait pas attention à la différence essentielle qu'il y a entre une fusion faite dans les vaisseaux fermés, & celle où le métal a le contact immédiat des charbons qui leur fournissent la matiere corporelle du feu. Mais il n'en est pas moins positif que la différence infinie qui se trouve entre les produits de deux opérations, l'une en petit & l'autre en grand dans les vaisseaux fermés, résulte de la réciprocité, de la mesure du tems, de la fluidité du bain, de la grandeur du vaisseau, & de la masse du corps qui y est contenu. Il est encore évident, par ce que nous avons dit, que la fusion veut être faite dans les vaisseaux fermés, quand on lui soûmet les métaux imparfaits & les demi métaux. Sans cette précaution le mouvement qui leur est imprimé, leur enleve tout-au-moins le principe du feu; Voyez Calcination . C'est ce mouvement qui constitue la fluidité; & c'est ici que l'art l'emporte sur la nature. Ce n'est pas qu'elle n'ait bien la puissance de produire une fusion ou quelque chose d'approchant, & même une réduction, c'est-à-dire d'unir le principe matériel du feu à la terre, qui constitue un métal avec lui. C'est une vérité que personne, je crois, ne révoquera en doute; mais d'imprimer à une grande masse métallique le mouvement le plus rapide, & dans un très-petit espace de tems, c'est ce qu'elle n'a jamais fait; sans compter que l'art sait aussi combiner la matiere du feu dans moins de tems encore. Voyez Réduction & Principe . Nous avons dit à l' article Flux , que ce mouvement étoit excité par les particules ignées qui pénétroient la masse du corps qu'elles embrasoient & fondoient; mais Stahl dit précisément tout le contraire. Après avoir accordé que quoiqu'on ne pût pas donner des phenomenes du tonnerre une explication qui satisfît à tout, il n'en étoit pas moins vrai qu'ils étoient l'effet d'un mouvement dont on n'a point coûtume de constater la vérité par ses propres réflexions, bien loin d'en pénétrer la nature, & dans lequel on ne savoit point assez déméler ce qui étoit en quelque façon à la portée de l'entendement humain, il continue ainsi: Unde tanto magis commendari meretur, pensitatio atque contemplatio, quid motus, motus inquam , quatenus talis, & possit & soleat, non solum in diversas, certas atque speciales materias, quam etiam vel quaslibet, si in illas impellatur . Cujus rei duo ante oculos habemus exempla, veluti quotidiana, ignitionem, imo colligationem, lapidum, vitrorum, metallorum, quibus particulas igneas corporales irrepere, & in illis actum ignitionis perpetrare, vulgus interpretatur: cum nihil sit, nisi motus nudus illis materiis per minima incussus. Id quod vel à notissimis illis allegatis exemplis elucet, quomodo solo citatissimo motu, metalla talia graviter incalescant, imo incandescant, & ligna tornabili motu in flammam concitentur , &c. secundum est , &c. experim. § 189 . Il s'ensuit qu'on ne fauroit trop recommander à ceux qui étudient la nature, de refléchir profondément sur le mouvement , afin de savoir ce que ce même mouvement considéré comme tel, peut produire & produit en effet sur les différentes especes de substances en général, & sur chacune de celles en particulier auxquelles il est appliqué. Nous en citerons deux exemples qui nous sont très-familiers. Le premier est l' ignition & la fusion des pierres, des verres, & des métaux. On pense communément que ce sont les molécules ignées qui s'insinuant corporellement à-travers les parties de ces sortes de corps, produisent ce phénomene: mais il est aisé de voir qu'il ne vient que d'un mouvement purement & simplement imprimé à leurs plus petites molécules. Ce qu'on avance est prouvé par les expériences connues que nous avons citées, où l'on voit qu'un mouvement rapide suffit pour échauffer & rougir les métaux dont il y est question, & embraser le bois sur le tout, &c. le second, &c. Voilà qui est clairement énoncé. Ce n'est plus le feu élémentaire (nous n'entendons par cette distinction que le feu qui n'est point combiné aux corps) jouant dans les pores des corps, qui entrant en agitation par la vibration de leurs parties frottées, leur communique son mouvement, ou bien à la matiere du feu qui leur est combinée, pour les échauffer & les embraser; ce n'est plus ce même feu élémentaire qui met un corps solide au ton de chaleur de l'atmosphere, à-peu-près en le traversant avec la quantité du mouvement qu'il a recu du soleil, &c. ce n'est plus le phlogistique du charbon, qui devenant feu élémentaire par son dégagement, pénetre la masse des corps. C'est le mouvement seul appliqué à la surface d'un corps, & se communiquant de proche en proche à toutes ses parties. Mais il seroit à souhaiter que Stahl eût un peu plus étendu son assertion, & nous eût prouvé que le feu élémentaire & la matiere de la lumiere ne pénetrent point les corps, ce qui répugne, & est démontré faux par les phénomenes de l'électricité; ou que celui qui y est contenu n'entre pour rien dans leur échauffement; ce qui ne paroit pas croyable par la même raison. Il auroit encore dû prouver que la mixtion du phlogistique n'est point rompue par ce mouvement, & qu'il ne concourt en rien à l'embrasement des corps frottés; ce qui est aussi dénué de vraissemblance; & que ce même phlogistique ne pénetre point l'aggrégation d'un corps; ce qui est démenti par l'expérience qui convertit en acier une barre de fer, qui ne prend ce nouvel état que par une surabondance de ce principe, & par Stahl lui-même. En attendant que ces difficultés soient levées, il n'en restera pas moins pour constant que la fusion est ce changement qui arrive à un solide: en conséquence de l'action du feu qui pénetre son aggrégation, la rompt, & imprime son mouvement à ses molécules intégrantes qu'il fait rouler les unes sur les autres. Voyez les ouvrages de Stahl. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusion Author=unknown Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Fusion Fusion , ( Chimie. ) se dit de l'espece de détonation particuliere au nitre. Voyez Fuser & Nitre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fusion Author=d'Holbach Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=NA Fusion Fusion , ( Chimie & Métallurgie. ) c'est une opération par laquelle des corps solides & durs, tels que les métaux, les pierres, les sels, &c. sont mis dans un état de fluidité par le moyen du feu qu'on leur applique médiatement ou immédiatement. Il y a des corps qui ont la propriété d'entrer en fusion par la seule application du feu; les métaux, les demi-métaux, le verre, les seuls alkalis fixes, la plupart des sels neutres, les soufres, les résines, & quelques pierres, sont dans ce cas: d'autres corps n'ont point la même propriété; & il faut leur joindre d'autres substances pour les faire entrer en fusion. Voyez l'article Fondant . Les métaux & demi-métaux exigent différens degrés de feu pour être mis en fusion , & présentent des phénomenes tout différens. Le plomb & l'étain entrent très-promptement en fusion , & même avant d'avoir rougi; l'or & l'argent y entrent en même tems qu'ils rougissent; le cuivre & le fer veulent avoir été rougis pendant long-tems & vivement, sur-tout le dernier, avant que de se fondre. Si l'on a fait fondre ou de l'or, ou de l'argent, ou du cuivre, ou du plomb, ou de l'étain, ou du zinc; & lorsque l'une de ces substances métalliques sera fondue, qu'on y jette un morceau de métal de la même espece, il tombera au fond; ou bien il restera au fond, si on verse du même métal fondu par-dessus. Ces mêmes métaux mis en fusion , occupent un plus grand espace que lorsqu'ils sont refroidis: d'où l'on voit que la fusion augmente leur volume & diminue leur pesanteur spécifique. Il n'en est pas de même du fer, du bismuth, de l'antimoine, & du soufre; si on fait fondre une de ces substances en y jettant un morceau froid de la même substance, il surnagera à la matiere fondue; ce qui prouve que ces dernieres substances acquierent par la fusion une pesanteur spécifique plus grande qu'elles n'avoient étant solides. La fusion opere encore des phénomenes très-singuliers sur les métaux que l'on allie les uns avec les autres: il y en a qui par son moyen deviennent d'un plus grand volume qu'ils n'étoient avant que d'avoir été fondus ensemble, tandis que d'autres deviennent d'un volume moins considérable. Outre cela, il y a des métaux qui s'unissent parfaitement par la fusion ; tels sont l'or & l'argent, l'or & le cuivre, &c. D'autres métaux, au contraire, ne peuvent aucunement s'unir; le zinc & le bismuth, l'argent & le fer, le cuivre & le fer, le plomb & le fer, sont dans ce dernier cas. Le but qu'on se propose dans la fusion , est fondé sur la pesanteur spécifique des métaux, qui fait qu'ils ont la propriété de tomber au fond du vaisseau dans lequel on les traite, lorsque la matiere qui les environne a été mise en fusion ou dans l'état d'un verre fluide, à l'aide des fondans. Voyez l'article Fondant . Dans cette opération, les particules métalliques éparses & répandues quelquefois dans un volume considérable de matieres pierreuses, terreuses, étrangeres, se rapprochent & se réunissent ensemble. On voit par-là que la fusion du minerai est nécessaire pour que la partie métallique se dégage de celle qui ne l'est pas; & par conséquent, on doit la regarder comme la principale opération de la métallurgie. Voyez Fondant , Métal , Métallurgie , Docimastique , &c. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUST Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s. FUST FUST, m. s. ( Architecture. ) Voyez Colonne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust, ou Fût Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. Fust Fust , ou Fût , s. m. ( Commerce. ) vaisseau long & rond, à deux fonds, fait de douves ou de bois de mairrain, & relié de cerceaux, dans lequel on met du vin ou d'autres liqueurs: ce mot n'est guere usite que dans les provinces. A Paris, on dit futaille, voyez Futaille , Dictionn. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust, ou Fût de Girouette Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Fust Fust , ou Fût de Girouette , ( Marine. ) c'est un bois plat comme une latte, & qui n'a de largeur que quatre doigts où l'on coud la giroüette. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust Author=unknown Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Fust Fust , en termes d'Arquebusier; c'est le bois sur lequel on monte les fusils, les mousquets, les arquebuses, les pistolets, & les autres petites armes à feu. Voyez Arquebusier & Fusil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust Author=Diderot Normalized Classification=Bas au métier Part of Speech=NA Fust * Fust , ( Métier à bas ) c'est toute la charpente sur laquelle les parties en fer sont montées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust d'Orgue Author=unknown Normalized Classification=Lutherie Part of Speech=NA Fust d'Orgue Fust d'Orgue , ( Luth. ) c'est la menuiserie autrement appellée la caisse ou carcasse de l'orgue , dans laquelle tous les mouvemens & les tuyaux sont renfermés. Le dessein de cette partie peut varier à l'infini, selon le goût des architectes, qui ordinairement les composent. La face du fust d'orgue , qui est ornée de sculpture, dorure, est composée de deux sortes de parties, savoir de tourelles & de plates-faces. Voyez à ces articles . Il y a un enfoncement dans le milieu de l'orgue, à l'endroit oû sont les claviers; & sur la planche du fond de cet enfoncement, est un pupître sur lequel l'organiste porte la musique qu'il veut exécuter. Aux deux côtés de cet enfoncement, sont les pommettes des bâtons quarrés des mouvemens par le moyen desquels on ouvre & on ferme les différens jeux dont l'orgue est composée. Voyez Mouvemens de l'Orgue . Les places vuides que la menuiserie laisse sont occupées par les tuyaux de la montre, qui par cette raison a ainsi été nommée, & par les tuyaux du prestant, lorsque les tuyaux de la montre ne suffisent point pour remplir la face du fust d'orgue. Voy. Planche I . d'orgue, fig. 1 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust Author=unknown Normalized Classification=Paumier Part of Speech=NA Fust Fust ; les Paumiers nomment le fut d'une raquette le bois qui en porte les cordes, & qui en fait le manche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Fust Fust , outil de Relieur; il est composé de deux pieces, chacune de cinq pouces & demi de hauteur, de neuf de longueur, sur deux d'épaisseur, à l'une desquelles sont attachées deux clés, chacune de vingt pouces de long sur un en quarré, qui traversent l'autre morceau en entier: cette piece s'appelle la piece de devant; elle est percée d'un trou dans le milieu où passe une vis de vingt-six pouces de long, y compris la main qui doit être de six pouces. Cette vis passe dans un trou vissé de la piece de derriere, qui répond directement au trou de la piece de devant. Il y a de plus sous la piece de devant une entaille pour y placer un couteau plat & large dont la pointe coupe des deux côtés: ce couteau est perce dans le manche d'un trou quarré qui sert à y placer une vis de fer à tête plate, qui passe au-travers de la piece du devant, & y est assujetti au-dessus par un écrou de fer bien serré. Il y a sous la piece de derriere une rainure à queue d'aronde dans toute la longueur de la piece dans laquelle on fait entrer la tringle, qui est taillée de même, & qui est sur la piece de derriere de la presse à rogner, afin qu'elle dirige bien droit le fust lorsque l'ouvrier rogne les livres. Le jeu de la vis est aisé, afin que la main puisse aisément rapprocher les deux pieces à mesure que le couteau travaille, & qu'il le conduise sans le déranger jusqu'à la fin de cette opération. Voyez les figures du Relieur, & leur explication. Voyez Rogner . L'ouvrier qui se sert du fust doit avoir la main gauche sur le bout & la main droite sur la poignée de la vis, qui fait aller & venir les deux pieces du fust en les serrant l'une contre l'autre. En rognant, il tourne avec la main la vis dans le sens qui fait avancer le couteau, en observant que son ouvrage se fasse si uniment sur la tranche, qu'il n'y ait aucun sillonnage du couteau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fust Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Fust Fust , terme de Vénerie , c'est la principale branche du bois d'un cerf, ou la partie d'où sortent les andouillers, les chevillures, les cimes. Les petits bourgeons qui sont au-dedans se nomment des cercles. Voyez Tête . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSTE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. FUSTE FUSTE, s. m. ( Marine. ) c'est un bâtiment de basbord & de charge, qui va à voiles & à rames. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSTÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject FUSTÉ FUSTÉ, adj. terme de Blason , qui se dit d'un arbre dont le tronc est de différente couleur; & d'une lance ou pique, dont le bois est d'autre émail que le fer. Voyez Email . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSTER Author=unknown Normalized Classification=Chasse Part of Speech=v.n. FUSTER FUSTER, v. n. ( Chasse. ) il se dit d'un oiseau lorsqu'il s'est échappé après avoir été pris, ou qu'il a découvert les piéges qu'on lui tendoit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSTET Author=Daubenton|Daubenton, Pierre Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. FUSTET FUSTET, s. m. cotinus , ( Hist. nat. bot. ) genre de plantes à fleurs en rose, composées de plusieurs pétales disposés en rond. Il sort du calice un pistil, qui devient dans la suite un fruit. On ne sait pas bien s'il est composé d'une capsule, parce qu'il ne mûrit point dans ce pays-ci. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on le trouve sur de petits rameaux qui sont terminés par des filamens velus. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Cette espece d'arbrisseau vient naturellement sur les montagnes des provinces méridionales de ce royaume, où il s'éleve à six ou sept piés; mais avec l'aide de la culture, on peut lui faire prendre jusqu'à dix ou douze piés de hauteur. Il se garnit dès le pié de beaucoup de rameaux, qui forment un buisson. Ses feuilles sont ovales, arrondies par le bout, & placées alternativement sur les branches. Ses fleurs paroissent dans le mois de Juin; elles sont petites, de couleur d'herbe, & de peu d'apparence: mais elles viennent au bout des branches, parmi de grosses touffes de filamens rameux & hérissés, qui font un singulier agrément. Elles produisent des graines lenticulaires, qui ne parviennent point à maturité dans la partie septentrionale de ce royaume; ensorte qu'on n'y peut multiplier cet arbrisseau qu'en couchant ses branches, à moins que d'en faire venir des semences des pays méridionaux. Le fustet est assez robuste pour résister à nos hyvers ordinaires; il faut de fortes gelées pour l'endommager. Il réussit dans tous les terreins; il s'accommode des lieux secs & élevés; il profite & s'éleve beaucoup plus dans les bonnes terres: mais il craint l'ombre, & l'humidité lui est tout-à-fait contraire. Le bois de cet arbrisseau est peu compacte, quoique assez dur. On y distingue l'aubier & le coeur. L'aubier est la partie qui environne le tronc, & qui est sous l'écorce. L'aubier du fustet est blanc, & il n'est composé que de la derniere couche annuelle. Le coeur est mélangé d'un jaune assez vif qui domine, & d'un verd pâle qui différentie toutes les couches annuelles. Le mélange de deux couleurs fait un bois veiné de fort belle apparence, dont les Luthiers, les Ebénistes, les Tourneurs, &c. font quelque usage. On s'en sert aussi pour teindre les draps & les maroquins en feuille morte & en couleur de caffé; mais cette teinture étant de petite qualité, on n'en use que par épargne, ou à défaut de meilleures drogues. Ses feuilles & ses jeunes branches s'employent pour la préparation des cuirs. La belle verdure de cet arbrisseau qui dure jusqu'aux gelées, & qui n'est jamais endommagée par les insectes; la singularité de sa fleur, & l'agréable odeur que rendent ses feuilles lorsqu'on les broye entre les doigts, peuvent bien lui meriter une place dans un bosquet d'arbres curieux. ( c ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUSTIGATION Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. FUSTIGATION FUSTIGATION, s. f. ( Jurispr. ) est l'exécution de la peine du fouet, à laquelle un criminel a été condamné. Voyez ci-devant Fouet . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTAILLE Author=unknown Normalized Classification=Tonnelier Part of Speech=s.f. FUTAILLE FUTAILLE, s. f. ( Tonnelier. ) vaisseau où l'on met du vin. Futaille montée , c'est celle qui est reliée & garnie de ses cerceaux, de ses fonds & de ses barres. Futaille en botte , c'est celle dont les douves sont toutes préparées, & à qui il ne reste qu'à les monter & y mettre des cerceaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTAINE Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. FUTAINE * FUTAINE, s. f. terme de Commerce , étoffe de fil & de coton, qui paroît comme piquée d'un côté. Voyez Coton . Il y a de la futaine à poil, & de la futaine à grain d'orge. Il y a aussi de la futaine à deux envers, qu'on appelle autrement bombasin , qui vient de Lyon, & qui est doublement croisée. Il y a aussi un grand nombre de futaines dont la trame est de lin, ou même de chanvre. Voyez les dictionnaires de Trévoux & du Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTAIE Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. FUTAIE FUTAIE, s. f. ( Econ. rustiq. ) c'est le nom qu'on donne en général à tous les vieux bois. On dit jeune futaie , depuis quatre-vingts jusqu'à cent vingt ans; haute futaie , depuis cet âge jusqu'au dépérissement marqué, qu'on désigne par le nom de vieille futaie . Les futaies sont l'ornement des forêts. La hauteur des arbres qui les composent, leur vieillesse, le silence & une sombre fraicheur, y pénetrent l'ame d'une émotion sacrée, fort voisine de l'enthousiasme: mais leur utilité doit encore les rendre infiniment recommandables. Les futaies seules peuvent fournir la charpente aux grands édifices, & les bois précieux à la navigation. On ne peut attendre d'ailleurs aucun secours pour ces grands objets. Voyez Bois & Forêt . On peut avec succès laisser croître en futaies plusieurs especes de bois; le chêne, le chataigner, le hêtre, le sapin, sont celles dont on tire le plus d'utilité. Les futaies de hêtre & de sapin ne peuvent être composées que d'arbres de brins; laissez vieillir au contraire des taillis de chêne & de chataigner dans un bon fonds, vous en aurez de belles futaies: chaque sepée se trouve alors composée de plusieurs brins, dont un petit nombre s'éleve aux dépens des autres. Dans ce cas-là, si vous voulez hâter l'accroissement des principaux arbres de votre futaie , il faut retrancher peu-à-peu ces brins, que leur foiblesse destine à être étouffés. Pour ne point vous y méprendre, vous pouvez tous les vingt ans choisir & couper ceux qui languissent d'une maniere marquée; par ce moyen, les brins que leur vigueur naturelle aura distingués, auront plus de nourriture & plus d'air; ils grossiront & s'éleveront plus promptement. L'économie n'indique pas d'autres moyens d'avancer les futaies . La nature fait le reste, & il faut la laisser faire. Si vous vouliez élaguer vos chênes, afin que le tronc profitât de la suppression des branches, le tronc lui-même pourriroit. Les branches inutiles meurent peu-à-peu, sans que l'arbre en souffre. Ayez donc attention que les arbres de vos futaies ne soient point élagués: c'est le genre de déprédation le plus ordinaire & le plus dangereux. Cet article est de M. Le Roy , lieutenant des chasses du parc de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTILE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject FUTILE * FUTILE, adj. ( Gramm. ) qui n'est d'aucune importance. Il se dit des choses & des personnes. Un raisonnement est futile , lorsqu'il est fondé sur des faits minutieux, ou sur des suppositions vagues. Un objet est futile lorsqu'il ne vaut pas le moindre des soins qu'on pourroit prendre, ou pour l'acquérir, ou pour le conserver. C'est dans le même sens qu'on dit d'un homme qu' il est futile . Une futilité , c'est une chose de nulle valeur. Voyez l'article suivant . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Futile Author=Diderot Normalized Classification=Antiquité Part of Speech=NA Futile * Futile , ( Antiq. ) vase à large orifice & à fond très-étroit, dont on faisoit usage dans le culte de Vesta. Comme c'étoit une faute que de placer à terre l'eau qui y étoit destinée, on termina en pointe les vases qui devoient la contenir: d'où l'on voit l'origine de l'adjectif futilis. Homme futile , c'est-à-dire homme qui ne peut rien retenir, qui a la bouche large & peu de fond, & qu'il ne faut point quitter, si l'on ne veut pas qu'il répande ce qu'on lui a confié. Le futile fut aussi une coupe que portoient à leurs mains les vierges qui entouroient le flamen dans ses fonctions sacerdotales, les femmes qui étoient au service des vestales, & les jeunes enfans qui assistoient le flamen à l'autel, & qu'on appelloit camilles . Les Romains alloient chercher à la fontaine de Juturne, l'eau dont ils remplissoient les futiles . Cette eau guérissoit les malades qui en bûvoient, ainsi que l'assûre Varron (auteur grave). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTUR Author=Dumarsais Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject FUTUR FUTUR, adj. il se dit d'une chose qui doit être, qui doit arriver, qui est à venir. M. de Vaugelas dit ( élém. p. 436. ) que ce mot est plus de la Poésie que de la bonne Prose, & le bannit du beau style. Le P. Bouhours soûtient le contraire ( élém. nouv. p. 596. ), mais il ajoûte qu'il faut éviter de donner dans le style de Notaire, futur époux, future épouse . Cette derniere restriction est favorable au sentiment de M. de Vaugelas. En effet on dira plûtôt, le voyage que nous devons faire , qu'on ne dira, notre voyage futur , &c. Il est établi qu'on dise les biens de la vie future , par opposition à ceux de la vie présente . On dit aussi, les présages de sa grandeur future . Malherbe a dit: Que direz-vous, races futures, Quand un véritable discours Vous apprendra les avantures De nos abominables jours? ( F ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Futur Author=Beauzée | Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA Futur Futur , en termes de Grammaire , est pris substantivement: c'est une forme particuliere ou une espece d'inflexion qui désigne l'idée accessoire d'un rapport au tems à venir, ajoûtée à l'idée principale du verbe. On trouve dans toutes les langues différentes sortes de futur , parce que ce rapport au tems à venir y a été envisagé sous différens points de vûe; & ces futurs sont simples ou composés, selon qu'il a plû à l'usage de désigner les uns par de simples inflexions, & les autres par le secours des verbes auxiliaires. Il semble que dans les diverses manieres de considérer le tems par rapport à l'art de la parole, on se soit particulierement attaché à l'envisager comme absolu, comme relatif, & comme conditionnel. On trouve dans toutes les langues des inflexions équivalentes à celles de la nôtre, pour exprimer le présent absolu, comme j'aime; le présent relatif, comme j'aimois; le présent conditionnel, comme j'aimerois . Il en est de même pour les trois prétérits; l'absolu, j'ai aimé; le relatif, j'avois aimé ; & le conditionnel, j'aurois aimé . Mais on n'y trouve plus la même unanimité pour le futur; il n'y a que quelques langues qui ayent un futur absolu, un relatif, & un conditionnel: la plûpart ont saisi par préférence d'autres faces de cette circonstance du tems. Les Latins ont en général deux futurs , un absolu & un relatif. Le futur absolu marque l'avenir sans aucune autre modification; comme laudabo , je louerai; accipiam , je recevrai. Le futur relatif marque l'avenir avec un rapport à quelque autre circonstance du tems; il est composé du futur du participe actif ou passif, selon la voix que l'on a besoin d'employer, & d'une inflexion du verbe auxiliaire sum; & le choix de cette inflexion dépend des différentes circonstances de tems avec lesquelles on combine l'idée fondamentale d'avenir. En voici le tableau pour les deux voix. Voix active. Voix passive. Laudaturus sum. Laudandus sum . Laudaturus eram. Laudandus eram . Laudaturus essem. Laudandus essem . Laudaturus fui. Laudandus fui . Laudaturus fueram. Laudandus fueram . Laudaturus fuissem. Laudandus fuissem . Laudaturus ero. Laudandus ero . Laudaturus fuero. Laudandus fuero . Comme la langue latine fait un des principaux objets des études ordinaires, elle exige de notre part quelque attention plus particuliere. Nous remarquerons donc que les huit futurs relatifs que l'on présente ici, ne se trouvent pas dans les tables ordinaires des conjugaisons, non plus que les tems composés du subjonctif qui ont un rapport à l'avenir, comme laudaturus sim, laudaturus essem, laudaturus fuerim, laudaturus fuissem . Il en est de même des tems correspondans de la voix passive; mais c'est un véritable abus. Ces tables doivent être des listes exactes de toutes les formes analogiques, soit simples, soit composées, que l'usage a établies pour exprimer uniformément les accessoires communs à tous les verbes. Il est assez difficile de déterminer ce qui a pu donner lieu à nos méthodistes de retrancher du tableau de leurs conjugaisons, des expressions d'un usage si nécessaire, si ordinaire, & si uniforme. Si c'est la composition de ces tems, il n'ont pas assez étendu leurs conséquences; il falloit encore en bannir les futurs qu'ils ont admis à l'infinitif, & tous les tems composés qui marquent un rapport au passé dans la voix passive. Ce n'est pas la seule faute qu'on ait faite dans ces tables; on y place comme futur au subjonctif, un tems qui appartient assûrément à l'indicatif, & qui paroît être plûtôt de la classe des prétérits, que de celle des futurs: c'est laudavero , j'aurai loüé, pour la voix active; & laudatus ero , j'aurai été loüé, pour la voix passive. 1°. Ce tems n'appartient pas au subjonctif, & il est aisé de le prouver aux méthodistes par leurs propres regles. Selon eux, la conjonction dubitative an étant placée entre deux verbes, le second doit être mis au subjonctif: qu'ils partent de-là, & qu'ils nous disent comment ils rendront cette phrase, je ne sai si je loüerai; en conséquence de la loi, je loüerai doit être au subjonctif en latin, & le seul futur du subjonctif autorisé par les tables ordinaires, est laudavero: cependant nos Grammatistes n'auront garde de dire nescio an laudavero; ils rendront cet exemple par nescio an laudaturus sim . Chose singuliere! Cette locution autorisée par l'usage des meilleurs auteurs latins, devoit faire conclure naturellement que laudaturus sim , ainsi que les autres expressions que nous avons indiquées plus haut, étoient du mode subjonctif; & l'on a mieux aimé imaginer des exceptions chimériques & embarrassantes, que de suivre une conséquence si palpable. Au contraire on n'a jamais pu employer laudavero dans les cas où l'usage demande expressément le mode subjonctif, & néanmoins on y a placé ce tems avec une persévérance qui prouve bien la force du préjugé. 2°. Ce tems est de l'indicatif; puisque, comme tous les autres tems de ce mode, il indique la modification d'une maniere positive, déterminée, & indépendante: de même que l'on dit caenabam ou caenaveram cùm intrasti , on dit coenabo ou coenavero cùm intrabis: caenabam marque l'action de souper comme présente, & coenaveram l'énonce comme passée relativement à l'action d'entrer qui est passée: la même analogie se trouve dans les deux autres tems; coenabo marque l'action de souper comme présente, & caenavero l'énonce comme passée à l'egard de l'action d'entrer qui est future. Coenavero a donc les mêmes caracteres d'énonciation que caenabo, caenabam , & coenaveram , & par conséquent il appartient au même mode. Les usages de toutes les langues déposent unaniment cette vérité. Consultons la nôtre. Nous disons invariablement, je ne sai si je dormois, si j'ai dormi, si j'avois dormi, si je dormirai; & tous ces tems du verbe dormir sont à l'indicatif: j'aurai dormi est donc au même mode, car nous disons de même, je ne sai si j'aurai dormi suffisamment lorsque , &c. mais j'aurai dormi est, de l'aveu de tous les méthodistes, la traduction de dormivero; dormivero est donc aussi à l'indicatif. Eh à quel autre mode appartiendroit-il, puisqu'il est prouvé d'ailleurs qu'il n'est pas du subjonctif? 3°. Ce tems est de la classe des prétérits, plûtôt que de celle des futurs . Quelle est en effet l'intention de celui qui dit j'aurai soupé quand vous entrerez, caenavero cum intrabis? c'est de fixer le rapport du tems de son souper au tems de l'entrée de celui à qui il parle, c'est de présenter son action de souper comme passée à l'égard de l'action d'entrer qui est future; & par conséquent l'inflexion qui l'indique est de la classe des prétérits. C'est par une raison analogue que caenabam , je soupois, est de la classe des présens; & aujourd'hui tous nos meilleurs grammairiens l'appellent présent relatif; parce qu'il exprime principalement la coexistence des deux actions comparées. S'il renferme un rapport au tems passé, ce rapport n'est qu'une idée secondaire, & seulement relative à la circonstance du tems à laquelle on fixe l'autre évenement qui sert de terme à la comparaison. C'est la même chose dans caenavero; ce n'est pas l'action de souper comme avenir que l'on a principalement en vûe, mais l'antériorité du souper à l'égard de l'entrée: cette anteriorité est donc en quelque sorte l'idée principale; & le rapport à l'avenir, une idée accessoire qui lui est subordonnée. L'analyse des phrases suivantes achevera d'établir cette vérité. Coenabam, cùm intrasti; c'est-à-dire cùm intrasii, potui dicere coeno , présent absolu. Coenaveram, cùm intrasti; c'est-à-dire cùm intrasti, potui dicere caenavi , prétérit absolu. Coenabo, cùm intrabis; c'est-à-dire cùm intrabis, potero dicere coeno , présent absolu. Coenavero, cùm intrabis; c'est-à-dire cùm intrabis, potero dicere coenavi , prétérit absolu. Il paroit inutile de développer la conséquence de cette analyse; elle est frappante: mais il est remarquable que ce tems que nous plaçons ici parmi les prétérits, en conserve la caractéristique en latin; laudavi, laudavero; dixi, dixero; qu'il en suit l'analogie en françois. Il est composé d'un auxiliaire comme les autres prétérits; on dit j'aurai soupé , comme l'on dit j'ai soupé, j'avois soupé, j'aurois soupé: & qu'enfin son correspondant au subjonctif est dans notre langue le prétérit absolu de ce mode; on dit également & dans le même sens, je ne sai si j'aurai soupé quand vous entrerez , & je ne crois pas que j'aye soupé quand vous entrerez . L'erreur que nous combattons ici n'est pas nouvelle; elle prend sa source dans les ouvrages des anciens grammairiens. Scaliger après avoir observé que les Grecs divisoient le futur , & qu'ils avoient un futur prochain, dit, nos non divisimus; & ajoûte ensuite, nisi putemus in modo subjunctivo extare vestigia & vim hujus significatûs, ut fecero . Lib. V. cap. cxiij. de causis ling. lat . Priscien long-tems auparavant s'étoit encore expliqué plus positivement, lib. VIII. de cognai. temp . Après avoir fait l'énumération des tems qui ont quelque affinité avec le prétérit, il ajoûte, sed tamen in subjunctivo futurum quoque praeteriti perfecti servat consonantes, ut dixi , dixero . Nous avons fait usage plus haut de cette remarque même, pour rappeller ce tems à la classe des prétérits; & il est assez surprenant que Priscien avec du jugement l'ait faite sans conséquence. Nos premiers méthodistes qui vivoient dans un tems où l'on ne voyoit que par les yeux d'autrui, & où l'autorité des anciens tenoit lieu de raisons, frappés de ces passages, n'ont pas même soupçonné que Scaliger & Priscien se fussent trompés. La plûpart de nos grammairiens françois qui n'ont eu que le mérite d'appliquer comme ils ont pû la grammaire latine à notre langue, ont copié presque tous ces défauts. Robert Etienne à la vérité a rapporté à l'indicatif le prétendu futur du subjonctif; mais il n'a pas osé en dépouiller entierement celui-ci, il l'y répete en mêmes termes. Il l'a appellé futur-parfait , parce qu'il y démêloit les deux idées de passé & d'avenir; mais s'il avoit fait attention à la maniere dont ces idées y sont présentées, il l'auroit nommé au contraire prétérit-futur. Voyez Prétérit . C'est un vice contre lequel on ne sauroit être trop en garde, que d'appliquer la grammaire d'une langue à toute autre indistinctement; chaque langue a la sienne, analogue à son génie particulier. Il est vrai toutefois qu'un grammairien philosophe démêlera ce qui appartient à chaque langue, en suivant toûjours une même route; il n'est question que de bien saisir les points de vûes généraux; par exemple, à l'égard du futur , il ne faut que déterminer toutes les combinaisons possibles de cette idée avec les autres circonstances du tems, & apprendre de l'usage de chaque langue ce qu'il a autorisé ou non, pour exprimer ces combinaisons. C'est par-là que l'on fixera le nombre des futurs en grec, en hébreu, en allemand, &c. & c'est par-là que nous allons le fixer dans notre langue. Nous avons en françois un futur absolu , que nous rendons par une simple inflexion, comme je partirai . Nous avons de plus deux futurs relatifs , qui marquent l'avenir avec un rapport spécial au présent; & voilà en quoi conviennent ces deux futurs: ce qui les différencie, c'est que l'un emporte une idée d'indétermination, & n'exprime qu'un avenir vague, & que l'autre présente une idée de proximité, & détermine un avenir prochain, ce qui correspond au paulo-post-futur des Grecs; nous appellons le premier futur défini , & le second futur prochain . L'un & l'autre est composé du présent de l'infinitif du verbe principal, & d'une inflexion du verbe devoir pour le futur indéfini, ou du verbe aller pour le futur prochain; le choix de cette inflexion dépend de la maniere dont on envisage le présent même auquel on rapporte le futur. Je dois partir, je devois partir , font des futurs relatifs indéfinis; je vais partir, j'allois partir , sont des futurs relatifs prochains. Dans l'un & dans l'autre de ces futurs , les verbes devoir & aller ne conservent pas leur signification primitive & originelle; ce ne sont plus que des auxiliaires réduits à marquer simplement l'avenir, l'un d'une maniere vague & indéterminée, & l'autre avec l'idée accessoire de proximité. Ces auxiliaires nous rendent le même service au subjonctif, mais notre langue n'a aucune inflexion destinée primitivement à marquer dans ce mode l'autre espece de futur; elle se sert pour cela des inflexions du présent & du passé, selon les diverses combinaisons du subjonctif avec les tems du verbe auquel il est subordonné; ainsi dans ce mode, la même inflexion fait, suivant le besoin, deux fonctions différentes, & les circonstances en décident le sens. Sens primitif . Sens futur . Je ne crois pas qu'il le Qu'il le fasse jamais. fasse présentement. Je ne croyois pas qu'il Qu'il le fît jamais. le fit alors. Je ne crois pas qu'il Qu'il l' ait fait de l' ait fait hier. main. Je ne croyois pas qu'il Qu'il l' eût fait quand l' eût fait hier. on l'en auroit prié. Quoiqu'il semble que certaines langues n'ayent pas d'expressions propres à déterminer quelques points de vûe pour lesquels d'autres en ont de fixées par leur analogie usuelle, aucune cependant n'est effectivement en défaut; chacune trouve des ressources en elle-même. On le voit dans notre langue par les futurs du subjonctif; & les latins qui n'ont point de forme particuliere pour exprimer le futur prochain, y suppléent par d'autres moyens: jamjam faciam ut jusseris , dit Plaute, ( je vais faire ce que vous ordonnerez ): on trouve dans Térence, factum puta (cela va se faire, ou regardez-le comme fait). Il ne faut pas croire non plus que l'usage d'aucune langue restreigne exclusivement ces futurs à leur destination propre; le rapport de ressemblance & d'affinité qui est entre ces tems, fait qu'on employe souvent l'un pour l'autre, comme il est arrivé au futur premier & au futur second des Grecs. Il en est de même du futur absolu & du prétérit futur des Latins; il disent également, pergratum mihi facies , & pergratum mihi feceris . Mais on ne doit pas conclure pour cela que ces tems ayent une même valeur; la différence d'inflexions suppose une différence originelle de signification, qui ne peut être changée ni détruite par aucuns usages particuliers, & que les bons auteurs ne perdent pas de vûe, lors même qu'ils paroissent en user le plus arbitrairement; ils choisissent l'une ou l'autre par un motif de goût, pour plus d'énergie, pour faire image, &c. Ainsi il y a une différence réelle & inaltérable entre le futur absolu & l'impératif, quoiqu'on employe souvent le premier pour le second, curabis pour cura, valebis pour vale: l'un & l'autre effectivement exprime l'avenir, mais de diverses manieres. La licence de l'usage sur les futurs va bien plus loin encore, puisqu'il donne quelquefois au présent & au prétérit le sens futur; comme dans ces phrases: Si l'ennemi quitte les hauteurs, nous le battons , ou nous avons gagné la bataille: il est évident que les mots quitte & battons sont des présents employés comme futurs , & que nous avons gagné est un prétérit avec la même acception. L'usage n'a pas introduit de futur conditionnel: il le faudroit dans ces phrases; c'est donc une nécessité d'employer d'autres tems, qui par occasion en deviennent plus énergiques: le present semble rapprocher l'avenir pour faire envisager l'action de battre comme présente; & le prétérit donne encore un plus grand degré de certitude en faisant envisager la victoire comme déjà remportée. On trouve même en latin le présent absolu du subjonctif employé pour le futur absolu de l'indicatif: multos reperias & reperies; mais c'est à la faveur de l'ellipse: multos reperias , c'est-à-dire fieri poterit , ou fiet ut multos reperias . Tout a sa raison dans les langues, jusqu'aux écarts. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTUR CONTINGENT Author=d'Alembert Normalized Classification=Métaphysique Part of Speech=NA FUTUR CONTINGENT FUTUR CONTINGENT, ( Métaphysiq. ) On appelle en Philosophie futur contingent ce qui doit arriver, mais qui n'arrivera pas nécessairement. Par exemple, cette proposition, j'irai demain à la campagne , est une proposition de futur contingent , non seulement parce que je pourrois d'ici à demain changer de résolution, mais encore parce que j'aurois pu ne pas prendre cette résolution, & qu'il n'implique point contradiction que j'aille ou que je n'aille pas à la campagne un tel jour. Quand nous disons que la non-existence du futur contingent n'implique pas contradiction, c'est en envisageant la chose future absolument & en elle-même, & non pas relativement au système présent de l'univers, aux lois du mouvement, aux évenemens qui doivent préparer & produire celui dont il s'agit, enfin aux decrets & à la préscience du Créateur; car si on considere les futurs contingens sous ces derniers points de vûe, on peut dire qu'ils ne sont plus con- tingens , entant qu'ils doivent infailliblement arriver. Ainsi dans cette proposition, il pleuvra demain , la pluie que j'annonce est en elle-même un futur contingent , parce que le Créateur auroit pu disposer l'univers de telle sorte, qu'il ne plût pas demain; mais relativement à l'état actuel de l'univers & aux lois établies par l'Être suprème de toute éternité, la pluie doit tomber demain infailliblement en conséquence de la disposition présente que la terre & l'atmosphere ont aujourd'hui. Voyez Fortuit & Contingent . Les Athées qui admettent l'éternité & la nécessité du monde & de la matiere, ne reconnoissent point de futur contingent; parce que le monde, selon eux, ne pouvoit être autre qu'il n'est, & que les évenemens sont une suite nécessaire du choc & du mouvement des corps: mais selon tous les autres philosophes, & selon la raison, il y a des futurs contingens en ce sens, que Dieu qui a créé & arrangé le monde, pouvoit l'arranger autrement, & que les évenemens qui arrivent infailliblement dans le monde, arrangé tel qu'il est, ne seroient pas arrivés dans un monde arrangé d'une autre maniere. L'existence des futurs contingens libres, c'est-à-dire qui dépendent de la volonté humaine, n'est pas moins infaillible que celle des futurs non libres. Par exemple, si en vertu du decret éternel de Dieu, je dois aller demain à la campagne, il est aussi infaillible que je ferai ce voyage, qu'il l'est qu'il pleuvra demain, si Dieu l'a résolu ainsi. C'est pourquoi la distinction qu'on a voulu faire dans les écoles des futurs contingens libres, & de ceux qui ne le sont pas, est en elle-même chimérique, puisque tous les futurs contingens sont dans le même cas quant à l'infaillibilité de l'existence. On nous demandera sans doute de faire sentir clairement en quoi l'existence infaillible differe de l'existence nécessaire: c'est à quoi nous ne nous engageons pas: il nous suffit que cette différence soit réelle; tant pis même pour qui l'expliqueroit, puisqu'elle tient à un des mysteres de notre religion, l'accord de la science & de la puissance divine avec la liberté. Dans le langage commun, infaillible & nécessaire sont la même chose; il n'en est pas ainsi en Métaphysique théologique. L'essence de tout mystere consiste dans une chose exprimée par des mots dont la contradiction apparente choque la raison, mais que la foi nous apprend n'être pas contradictoires. On dispute beaucoup dans les écoles pour savoir si deux propositions de futur contingent, Pierre mourra demain, Pierre ne mourra pas demain , sont toutes deux fausses, en faisant abstraction du decret de Dieu; ou si l'une est vraie, & l'autre fausse dans cette même hypothèse; question creuse, absurde, bien digne des chimeres de la scholastique, & du nombre de celles qu'on devroit bannir de la philosophie enseignée aujourd'hui dans les colléges. Voyez Collége . Il vaudroit autant demander, si en faisant abstraction de l'égalité des rayons, le cercle continue ou cesse de l'être. La solution de la question proposée (si elle en mérite une), c'est qu'elle suppose une absurdité, l'abstraction du decret de Dieu , & qu'ainsi elle ne mérite pas qu'on y réponde sérieusement; que pour un philosophe qui auroit le malheur d'être athée, & par conséquent de ne faire entrer Dieu pour rien dans les évenemens de l'univers, une des deux propositions est vraie, & l'autre fausse; mais que pour nous, faire abstraction des decrets divins, c'est faire abstraction de l'existence de Dieu, par conséquent de celle du monde, par conséquent de celle de Pierre, & qu'il est ridicule de proposer des questions par rapport à Pierre, lorsqu'on fait abstraction de son existence. L'abus des abstractions & les questions futiles que cet abus occasionne, sont le grand vice de la philosophie scholastique. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUTURITION Author=Diderot Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. FUTURITION * FUTURITION, s. f. terme de Théologie , il se dit d'un effet dont on considere l'évenement à venir, relativement à la préscience de Dieu, qui voyoit en lui-même ou dans les choses cet évenement avant qu'il fût. Cette futurition a fait dire bien des sottises. Les uns ont prétendu que Dieu voyoit les actions libres des hommes, avant que d'avoir formé aucun decret sur leur futurition: d'autres ont prétendu le contraire; & voilà les questions importantes qui ont allumé entre les Chétiens la fureur de la haine, & toutes les suites sanglantes de cette fureur. Voyez Fortuit , & l'article précédent . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=FUYARDS Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.f.pl. FUYARDS FUYARDS, s. f. pl. ( Art milit. ) on donne ce nom aux troupes, qui après un combat desavantageux, quittent le champ de bataille en desordre, & se retirent en foule en fuyant de tous côtés. Voyez Fuite . Le plus grand malheur qui puisse arriver à des troupes battues, c'est de se retirer ainsi. Car en gardant leur ordre de bataille, elles se font toûjours respecter de l'ennemi, qui n'ose s'en approcher qu'avec circonspection. Si les différentes tentatives qu'elles doivent faire pour lui échapper sont infructueuses, il est toûjours prêt à les recevoir à composition; mais en fuyant sans ordre, on s'expose à périr presqu'indubitablement. Loin de songer à se défendre, on jette les armes pour fuir plus legerement; tous les fuyards étant saisis du même esprit de crainte, s'embarrassent les uns les autres, de maniere que l'ennemi qui est à leur trousse, en fait, sans effort & sans danger, tel carnage qu'il juge à-propos. Ajoûtez à cela que lorsque la frayeur s'est une fois emparée d'une troupe, elle se précipite elle-même dans les plus grands dangers. Rivieres, marais impraticables, rien ne l'arrête. On court alors à une mort certaine & honteuse, plûtôt que de s'arrêter pour regarder l'ennemi en face, & lui en imposer par une contenance assûrée, qui suffit seule pour modérer l'activité de sa poursuite, & quelquefois même pour le faire fuir lui-même (comme il y en a plusieurs exemples), si l'on est capable de faire quelques efforts pour profiter du desordre dans lequel sa poursuite doit l'avoir mis. « Dans une armée de vaillans hommes, dit Agamemnon dans Homere, il s'en sauve toûjours plus qu'il n'en périt; au lieu que les lâches n'acquierent pas de gloire, mais leur lâcheté leur ôtant les forces, ils deviennent la proie des ennemis ». M. le maréchal de Puysegur qui rapporte ces paroles d'Homere dans son livre de l' art de la Guerre , observe aussi à cette occasion, qu'en combattant vaillamment & en bon ordre, on perd beaucoup moins de monde, & que la perte des hommes est bien plus grande dans les déroutes. Lorsqu une troupe est une fois mise en desordre, on ne doit la poursuivre, suivant les plus habiles militaires, qu'autant qu'il est nécessaire pour la disperser entierement, & la mettre hors d'état de se rallier. C'étoit la pratique des Lacédémoniens. Ils pensoient aussi, & avec raison, qu'il n'est pas digne d'un grand courage de tuer ceux qui cedent & qui ne se défendent pas. Si la poursuite des fuyards peut être susceptible de quelqu'inconvénient, lorsqu'on s'y abandonne trop inconsiderement, c'est sur-tout lorsqu'une aîle ou une autre partie de l'armée a battu celle de l'armée ennemie qui lui étoit opposée. Car si la partie victorieuse s'attache trop opiniâtrement à la poursuite des fuyards , elle laisse sans défense le flanc des troupes qu'elle couvroit dans l'ordre de la bataille; alors si l'ennemi peut tomber dessus, & qu'il attaque en même tems ces troupes par le flanc & par le front, il les mettra bientôt en desordre, ainsi que le reste de l'armée, malgré la victoire de l'une des parties de cette armée. Le chevalier de Folard en rapporte plusieurs exemples tant anciens que modernes, dans son commentaire sur Polybe, II. vol. pp. 444. & suivantes . On en trouve aussi dans l' art de la Guerre par M. le maréchal de Puysegur, qui observe que les fautes de cette espece sont aussi anciennes que la guerre. « Il est si naturel, dit cet auteur, à des hommes qui combattent de la main pour s'ôter la vie, de ne songer qu'à ce qui se passe où ils sont, & non à ce qui se fait ailleurs, que quand ils ont tant fait que de renverser ceux contre lesquels ils combattoient, il n'est pas surprenant qu'ils cherchent à profiter de l'avantage qu'ils ont pris sur eux au péril de leur vie; & il n'y a que l'art & la science de la Guerre qui puissent mettre de justes bornes à cette poursuite ». Art de la Guerre, liv. II. page 80 . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fuyard, (de milice) Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Fuyard Fuyard , ( de milice ) art milit. ce mot pris substantivement, signifie un sujet miliciable , qui ayant été averti de se rendre au jour indiqué pardevant le commissaire préposé à la levée de la milice, pour y tirer au sort, & qui ayant négligé ou refusé de s'y trouver, a été déclaré fuyard par le procès-verbal du tirage de la milice, sur la dénonciation du syndic ou des garçons de la communauté. Les garçons ou hommes mariés miliciables qui tombent dans ce cas, doivent être poursuivis & contraints de servir pendant dix ans, à la décharge de ceux auxquels le sort est échû, & qui les arrêtent, ou des communautés qui ont des miliciens à fournir. Ceux qui pour raisons légitimes ne peuvent se présenter à la levée, doivent commettre une personne, à l'effet de déclarer les causes de leur absence, & de tirer pour eux, à peine d'être déclarés fuyards . Ceux qui sont engagés pour entrer par la suite dans un état qui doit les exempter du service de la milice, ne sont pas pour cela exempts de tirer au sort. Ceux qui se prétendent engagés dans les troupes, doivent en justifier par certificats des officiers qui ont reçû leurs engagemens, & cependant joindre sans délai leurs régimens, sans pouvoir reparoître dans la province, même avec congé, qu'ils ne justifient qu'ils ont joint leurs corps & passé en revûe, à peine d'être arrêtés & mis en prison pour six mois, & condamnés de servir dans la milice pendant dix ans; ils encourent la même peine si après avoir joint ils restent plus de six mois dans la province. Ceux qui ont été déclarés fuyards ne sont plus reçûs à tirer au sort, ni déchargés de cette qualité, au cas que par surprise ou autrement, ils parviennent à s'y faire admettre. Les fuyards arrêtés sont présentés au commissaire chargé de la levée, & par lui constitués miliciens. Les fuyards constitués milicens, doivent servir dans la milice pendant dix ans, n'ont pas le droit d'en faire constituer d'autres en leur place, & sont sujets, comme tout autre milicien, aux peines des ordonnances concernant le service de la milice. Ceux qui pretendent avoir des raisons valables pour se faire décharger de la qualité de fuyard , doivent les exposer à l'intendant de la province, qui y prononce suivant le mérite de la demande. Tous ces moyens violens employés pour forcer des citoyens à embrasser un état pénible & souvent dangereux, auquel leurs inclinations répugnent, semblent attaquer les droits de la nature & de la société; mais on abandonnera cette opinion, si l'on veut bien considérer que dans tout état l'intérêt général est le fondement & la mesure de ces droits; que l'homme est à la société ce que la société est à lui; qu'il lui doit les mêmes secours relatifs qu'il peut en prétendre pour sa conservation & son bonheur, & que tout individu dans un corps politique ne peut en être regardé que comme ennemi, quand il lui refuse ces secours, & qu'il sacrifie la chose publique à son avantage particulier. Il y a autant de moyens de servir la patrie, que de classes différentes de citoyens; celui du service de la milice est un des plus nécessaires, & en même tems des plus onéreux aux sujets; le bien général & particulier exigent que la charge en soit répartie sur le plus grand nombre d'hommes possible, préférablement sur ceux qui n'ont pas d'état, d'industrie, ou fonctions essentielles pour la société, & que le législateur sévisse contre ceux qui, sans raisons légitimes, cherchent à s'y soustraire par des moyens frauduleux. Voyez Levée des Troupes . Cet article est de M. Duriv al le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=G Author=Beauzée | Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. G G, s. m. ( Gramm. ) c'est la troisieme lettre de l'alphabet des Orientaux & des Grecs, & la septieme de l'alphabet latin que nous avons adopté. Dans les langues orientales & dans la langue greque, elle représentoit uniquement l'articulation gue , telle que nous la faisons entendre à la fin de nos mots françois, digue, figue; & c'est le nom qu'on auroit dû lui donner dans toutes ces langues: mais les anciens ont eu leurs irrégularités & leurs écarts comme les modernes. Cependant les divers noms que ce caractere a reçus dans les différentes langues anciennes, conservoient du-moins l'articulation dont il étoit le type: les Grecs l'appelloient gamma , les Hébreux & les Phéniciens gimel , prononcé comme guimauve; les Syriens gomal , & les Arabes gum , prononcé de la même maniere. On peut voir ( article C & méth. de P. R. ) l'origine du caractere g dans la langue latine; & la preuve que les Latins ne lui donnoient que cette valeur, se tire du témoignage de Quintilien, qui dit que le g n'est qu'une diminution du c: or il est prouvé que le c se prononçoit en latin comme le kappa des Grecs, c'est-à-dire qu'il exprimoit l'articulation que , & conséquemment le g n'exprimoit que l'articulation gue . Ainsi les Latins prononçoient cette lettre dans la premiere syllabe de gygas comme dans la seconde; & si nous prononçons autrement, c'est que nous avons transporté mal-à-propos aux mots latins les usages de la prononciation françoise. Avant l'introduction de cette lettre dans l'alphabet romain, le c représentoit les deux articulations, la forte & la foible, que & gue; & l'usage faisoit connoitre à laquelle de ces deux valeurs il falloit s'en tenir: c'est à-peu-près ainsi que notre s exprime tantôt l'articulation forte, comme dans la premiere syllabe de Sion , & tantôt la foible, comme dans la seconde de vision . Sous ce point de vûe, la lettre qui désignoit l'articulation gue , étoit la troisieme de l'alphabet latin, comme de celui des Grecs & ces Orientaux. Mais les doutes que cette equivoque pouvoit jetter sur l'exacte prononciation, fit donner à chaque articulation un caractere particulier; & comme ces deux articulations ont beaucoup d'affinité, on prit pour exprimer la foible le signe même de la forte C , en ajoûtant seulement sur sa pointe inférieure une petite ligne verticale G , pour avertir le lecteur d'en affoiblir l'expression. Le rapport d'affinité qui est entre les deux articulations que & gue , est le principe de leur commutabilité, & de celle des deux lettres qui les représentent, du c & du g ; observation importante dans l'art étymologique, pour reconnoitre les racines génératrices naturelles ou étrangeres de quantité de mots dérivés: ainsi notre mot françois Cadix vient du latin Gades , par le changement de l'articulation foible en forte; & par le changement contraire de l'articulation forte en foible, nous avons tiré gras du latin crassus; les Romains écrivoient & prononçoient indistinctement l'une ou l'autre articulation dans certains mots, vicesimus ou vigesimus, Cneius ou Gneius . Dans quelques mots de notre langue, nous retenons le caractere de l'articulation forte, pour conserver la trace de leur étymologie; & nous prononçons la foible, pour obéir à notre usage, qui peut être a quelque conformité avec celui de la latine: ainsi nous écrivons Claude, cicogne, second , & nous prenonçons Glaude, cigogne, segond . Quelquefois au con traire nous employons le caractere de l'articulation foible, & nous prononçons la forte; ce qui arrive sur tout quand un mot finit par le caractere g , & qu'il est suivi d'un autre mot qui commence par une voyelle ou par un h non aspiré: nous écrivons sang épais, long hyver , & nous prononçons san-k-épais, lon-k-hyver . Assez communément, la raison de ces irrégularités apparentes, de ces permutations, se tire de la conformation de l'organe; on l'a vû au mot Fréquentatif , où nous avons montré comment ago & lego ont produit d'abord les supins agitum, legitum , & ensuite, à l'occasion de la syncope, actum, lectum . L'euphonie, qui ne s'occupe que de la satisfaction de l'oreille, en combinant avec facilité les sons & les articulations, décide souverainement de la prononciation, & souvent de l'ortographe, qui en est ou doit en être l'image; elle change non-seulement g en c , ou c en g; elle va jusqu'à mettre g à la place de toute autre consonne dans la composition des mots; c'est ainsi que l'on dit en latin aggredi pour adgredi, suggerere pour sub gerere, ignoscere pour in-noscere; & les Grecs écrivoient ἄγγελος, ἄγκυρα, Ἀγχίσης , quoiqu'ils prononçassent comme les Latins ont prononcé les mots angelus, ancora, Anchises , qu'ils en avoient tirés, & dans lesquels ils avoient d'abord conservé l'ortographe greque, aggelus, agcora, Agchises: ils avoient même porté cette pratique, au rapport de Varron, jusque dans des mots purement latins, & ils écrivoient aggulus, agceps, iggero , avant que décrire angulus, anceps, ingero: ceci donne lieu de soupçonner que le g chez les Grecs & chez les Latins dans le commencement, étoit le signe de la nasalité, & que ceux-ci y substituerent la lettre n , ou pour faciliter les liaisons de l'écriture, ou parce qu'ils jugerent que l'articulation qu'elle exprime étoit effectivement plus nasale. Il semble qu'ils ayent aussi fait quelque attention à cette nasalité dans la composition des mots quadringenti, quingenti , où ils ont employé le signe g de l'articulation foible gue , tandis qu'ils ont conservé la lettre c , signe de l'articulation forte que , dans les mots ducenti, sexcenti , ou la syllabe précédente n'est point nasale. Il ne paroît pas que dans la langue italienne, dans l'espagnole, & dans la françoise, on ait beaucoup raisonné pour nommer ni pour employer la lettre G & sa correspondante C; & ce défaut pourroit bien, malgré toutes les conjectures contraires, leur venir de la langue latine, qui est leur source commune. Dans les trois langues modernes, on employe ces lettres pour représenter différentes articulations; & cela à-peu-près dans les mêmes circonstances: c'est un premier vice. Par un autre écart aussi peu raisonnable, on a donné à l'une & à l'autre une dénomination prise d'ailleurs, que de leur destination naturelle & primitive. On peut consulter les Grammaires italienne & espagnole: nous ne sortirons point ici des usages de notre langue. Les deux lettres C & G y suivent jusqu'à certain point le même systeme, malgré les irrégularités de l'usage. 1°. Elles y conservent leur valeur naturelle devant les voyelles a, o, u , & devant les consonnes l, r: on dit, galon, gosier, Gustave, gloire, grace , comme on dit, cabanne, colombe, cuvette, clameur, crédit , 2°. Elles perdent l'une & l'autre leur valeur originelle devant les voyelles e, i; celle qu'elles y prennent leur est étrangere, & a d'ailleurs son caractere propre: C représente alors l'articulation se , dont le caractere propre est s; & l'on prononce cité, céleste , comme si l'on écrivoit sité, séleste: de même G représente dans ce cas l'articulation je , dont le caractere propre est j; & l'on prononce génie, gibier , comme s'il y avoit jénie, jibier . 3°. On a inséré un e absolument muet & oiseux après les consonnes C & G , quand on a voulu les dépouiller de leur valeur naturelle devant a, o, u, & leur donner celle qu'elles ont devant e, i. Ainsi on a écrit commencea, perceons, conceu , pour faire prononcer comme s'il y avoit commensa, persons, consu; & de même on a écrit mangea, forgeons , & l'on prononce manja, forjons . Cette pratique cependant n'est plus d'usage aujourd'hui pour la lettre c; on a substitué la cédille à l' e muet, & l'on écrit commença, perçons, conçu . 4°. Pour donner au contraire leur valeur naturelle aux deux lettres C & G devant e, i, & leur ôter celle que l'usage y a attachée dans ces circonstances, on met après ces consonnes un u muet: comme dans cueuillir, guérir, guider , où l'on n'entend aucunement la voyelle u . 5°. La lettre double x , si elle se prononce fortement, réunit la valeur naturelle de c & l'articulation forte s , comme dans axiome, Alexandre , que l'on prononce acsiome, Alecsandre; si la lettre x se prononce foiblement, elle réunit la valeur naturelle de G & l'articulation de ze , foible de se , comme dans exil, exemple , que l'on prononce egzil, egzemple . 6°. Les deux lettres C & G deviennent auxiliaires pour exprimer des articulations auxquelles l'usage à refusé des caracteres propres. C suivi de la lettre h est le type de l'articulation forte, dont la foible est exprimée naturellement par j: ainsi les deux mots Japon, chapon , ne different que parce que l'articulation initiale est plus forte dans le second que dans le premier. G suivi de la lettre n est le symbole de l'articulation que l'on appelle communément n mouillé , & que l'on entend à la fin des mots cocagne, regne, signe . Pour finir ce qui concerne la lette G , nous ajoûterons une observation. On l'appelle aujourd'hui gé , parce qu'en effet elle exprime souvent l'articulation jé: celle-ci aura été substituée dans la prononciation à l'articulation gue sans aucun changement dans l'ortographe; on peut le conjecturer par les mots jambe, jardin , &c. que l'on ne prononce encore gambe, gardin dans quelques provinces septentrionales de la France, que parce que c'étoit la maniere universelle de prononcer; gambade même & gambader n'ont point de racine plus raisonnable que gambe; de-là l'abus de l'épellation & de l'emploi de cette consonne. G dans les inscriptions romaines avoit diverses significations. Seule, cette lettre signifioit ou gratis , ou gens , ou gaudium , ou tel autre mot que le sens du reste de l'inscription pouvoit indiquer: accompagnée, elle étoit sujette aux mêmes variations. G. V. genio urbis, G. P. R. gloria populi romani ; Voyez les antiquaires , & particulierement le traité d'Aldus Manucius de veter. not. explanatione . G chez les anciens a signifié quatre cents suivant ce vers. G. Quadringentos demonstrativa tenebit . & même quarante mille, mais alors elle étoit chargée d'un tiret G. G dans le comput ecclésiastique, est la septieme & la derniere lettre dominicale. Dans les poids elle signifie un gros; dans la Musique elle marque une des clés G-ré-sol; & sur nos monnoies elle indique la ville de Poitiers. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=G Author=Diderot Normalized Classification=Ecriture Part of Speech=NA G * G, ( Ecriture. ) Le g dans l'écriture que nous nommons italienne , est un c ferme par un j consonne. Dans la coulée, c'est un composé de l' o & de l' i consonne. Le grand a la même formation que le petit; il se fait par le mouvement mixte des doigts & du poignet. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABALA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GABALA GABALA, ( Géog. anc. ) Il y a plusieurs villes qui dans l'antiquité ont porté le nom de Gabala ou Gabalé . La plus célebre est celle de Syrie, que quelques voyageurs modernes nomment Jebilée ou Gébail . Lucien appelle cette ville Byblos . Elle a été fameuse chez les Payens par le culte d'Adonis. On n'y trouve aujourd'hui rien de remarquable qu'une mosquée, où l'on voit le tombeau du sultan Ibrahim, qui est en grande vénération parmi les Turcs. Il y avoit une deuxieme Gabala en Syrie, entre Laodicée & Paltos. Il y avoit une troisieme Gabala dans la Phénicie, qui étoit dans les terres. Voici la position de ces trois villes selon Ptolomée. 1. Gabala (ou Byblos ), lon. 67 d . 40. lat. 33 d . 56. 2. Gabala (de Syrie), 68. 20. 34. 56. 3. Gubala (de Phén.), 67. 15. 33. 10. Il y avoit une quatrieme Gabala qui étoit une ville épiscopale d'Asie dans la Lydie, nommée Gabalona civitas dans les actes du concile de Chalcédoine. Enfin les Gabales ou Gabali étoient un peuple des Gaules, dont Strabon, Pline, César, & Ptolomée parlent. Les anciennes notices des Gaules mettent Gabalum , ou civitas Gabalina , ou civitas Gabelluorum , dans la premiere Aquitaine sous la métropole de Bourges. Cette ville, selon Catel, étoit à l'en droit où est le bourg de Javaux, à quatre lieues de Mende. Pline, en parlant des bons fromages, fait mention de celui de Lezura & de celui du Gabalici pagi , c'est-à dire sans doute de celui du mont Losere & du Gévaudan où est cette montagne, & dont les fromages ont encore de la réputation, selon le même Catel dans son histoire de Languedoc, liv. II. ch. vij. pag, 297 . Les mémoires de l'académie des Inscriptions n'ont point bien éclairci cet article de Géographie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gabale Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.m. Gabale * Gabale , s. m. ( Myth. ) dieu adoré à Emese & à Héliopolis, sous la figure d'un lion à tête rayonnante, tel qu'on le voit dans plusieurs médailles de Caracalle. On l'appelloit aussi Genaeus. Voyez Tristan, tom. II. pag. 167 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABAON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie sacrée Part of Speech=NA GABAON GABAON, ( Géog. sacrée. ) ville du pays de Chanaam en Syrie, située à trois lieues de Jérusalem sur une colline. Son nom même l'indique, car gaba signifie en hébreu colline . Ainsi on ne doit pas être surpris de voir dans un pays de montagnes comme la Judée, un si grand nombre de lieux qui commencent par Gaba . Gabaon qu'on ne connoît plus, est célebre dans l'Histoire sainte par la ruse des Gabaonites, & par la journée dans laquelle le Soleil s'arrêta, lorsque Josué remporta la victoire contre les rois chananéens. Ici les curieux peuvent consulter sur l'artifice des Gabaonites, les commentaires de Grotius & de le Clerc, de même que Barbeyrac dans sa belle édition de Puffendorf. Ils peuvent lire aussi une savante dissertation de M. s'Gravesande, dans laquelle il expose les difficultés géographiques & astronomiques, qui concernent le miracle de Josué. Cette dissertation est insérée dans les discours de M. Saurin sur la Bible; & elle est trop belle pour n'y pas renvoyer nos lecteurs. Voyez aussi Copernic . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABARE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GABARE * GABARE, s. f. bâtiment large & plat dont on se sert pour le capotage, & sur-tout pour remonter les rivieres. Comme il tire peu d'eau, il est commode à cet usage. On donne le même nom à un autre bâtiment ancré dans un port de mer, ou sur une riviere, où sont renfermés des commis du roi, établis pour la visite des bâtimens qui entrent & sortent, & pour la perception des droits d'entrée & de sortie. Les conducteurs de bâtimens sont obligés de s'approcher de la gabare , de déclarer leur charge, & de se laisser visiter. On employe le même petit bâtiment pour l'enfoncement des pilots, & dans d'autres circonstances; comme de lester ou délester un vaisseau. Le maitre de la gabare s'appelle le gabarier . La gabare est en usage sur quelques rivieres qui ont peu de fond. C'est encore une espece de filadiere ou bateau pêcheur. Voyez l'article Filadiere . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gabare Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA Gabare * Gabare , ( Péche. ) espece de filet qui ne differe de la seine que par la grandeur. Voyez l'article Seine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABARET Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GABARET GABARET, Gabaretum , ( Géog. ) ville de France du Condomois en Gascogne, capitale d'une petite contrée qu'on nomme le Gabardan . Elle est sur la Gélise entre Condom & Roquefort de Marsan, a neuf lieues de la premiere, & à l'orient de la seconde. Elle a eu ses comtes particuliers. Long. 17. 36. lat. 43. 59 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABARI ou GABARIT Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GABARI ou GABARIT GABARI ou GABARIT, s. m. ( Marine. ) est proprement le modele qu'on fait avec des planches ressciées, larges de huit à neuf pouces, qu'on joint les unes au bout des autres, & que l'on taille exactement selon les contours & les dimensions des principales couples, & sur lesquelles les charpentiers n'ont plus qu'à se conformer exactement lorsqu'ils taillent les pieces de bois qui doivent former les membres du vaisseau. On employe quelquefois ce terme pour signifier le contour vertical de la carene. C'est dans ce sens qu'on dit, ce vaisseau est d'un bon gabari . Gabari est quelquefois synonyme du mot couple; c'est pourquoi on dit le maître gabari , au lieu du maître couple; le gabari de l'avant , le gabari de l'arriere , &c. C'est dans ce dernier sens que nous en parlons ici. Voyez le mot Couple . Pour donner une idée du maître couple ou maître gabari , & de toutes les pieces qui le composent, il ne faut que jetter les yeux sur la figure 3 . de la Plan. XV. de Marine , où elles sont toutes énoncées. Le corps du vaisseau est formé par plusieurs côtes, qu'on nomme couples ou levées . Les couples diminuent en-avant & en-arriere, suivant de certaines proportions. Pour tracer un maître couple & tous les autres, & leur donner les proportions les plus convenables & les plus avantageuses, il y a beaucoup de méthodes toutes différentes; les unes de pure pratique entre les constructeurs, & les autres de théorie. Si l'on en veut prendre une connoissance exacte, il faut avoir recours au traité du navire de M. Bouguer, & au traité pratique de la construction des vaisseaux , par M. Duhamel, que j'ai déjà cité dans plusieurs occasions. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABARIER Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GABARIER GABARIER, s. m. ( Marine. ) Quelques-uns donnent ce nom au maitre qui conduit la gabare. On appelle aussi gabariers , les porte faix qui sont employés à charger & decharger la gabare. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABAROTE Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.f. GABAROTE * GABAROTE, s. f. ( Pêche. ) c'est un diminutif de gabare. Voyez Gabare . Ce petit bateau est en usage dans le ressort de l'amirauté de Bordeaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABELLE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GABELLE GABELLE, s. f. ( Jurisp. ) en latin gabella , & en basse latinité gablum, gabulum , & même par contraction gaulum , signifioit anciennement toute sorte d'imposition publique . Guichard tire l'etymologie de ce mot de l'hébreu gab , qui signifie la même chose. Ménage, dans ses origines de la langue françoise , a rapporte diverses opinions à ce sujet. Mais l'étymologie la plus probable est que ce mot vient du saxon gabel , qui signifie tribut . En France il y avoit autrefois la gabelle des vins, qui se payoit pour la vente des vins au seigneur du lieu, ou à la commune de la ville; ce qui a été depuis appellé droits d'aides . On en trouve des exemples dans le spicilége de d'Achery, tom. II. pag. 576 . & dans les ordonnances du duc de Bouillon, article 572 . Il y avoit aussi la gabelle des draps. Un rouleau de l'an 1332 fait mention que l'on souloit rendre de l'imposition de la gabelle des draps de la sénéchaussée de Carcassonne, 4500 liv. tournois par an, laquelle fut abattue l'an 1333. L'ordonnance du duc de Bouillon, art. 572 , fait mention de la gabelle de tonnieu, ou droit de tonlieu, tributum telonei , que les vendeurs & acheteurs payent au seigneur pour la vente des bestiaux & autres marchandises. L'édit d'Henri II. du 10 Septembre 1549, veut que les droits de gabelle sur les épiceries & drogueries soient levés & cueillis sous la main du roi, par les receveurs & contrôleurs établis ès villes de Roüen, Marseille & Lyon, chacun en son regard. La déclaration de Charles IX. du 25 Juillet 1566, art. 9 , veut que les épiceries & drogueries prises en guerre, soit par terre ou par mer, payent comme les autres les droits de gabelle lorsqu'elles entreront dans le royaume. Voyez Resve . Enfin on donna aussi le nom de gabelle à l'imposition qui fut établie sur le sel; & comme le mot gabelle étoit alors un terme générique qui s'appliquoit à différentes impositions, pour distinguer celle ci on l'appelloit la gabelle du sel . Dans la suite, le terme de gabelle est demeuré propre pour exprimer l'imposition du sel; & cette imposition a été appellée gabelle simplement, sans dire gabelle du sel . L'origine de la gabelle ou imposition sur le sel, ne vient pas des François; car les lois & l'histoire romaine nous apprennent que chez les Romains les salines surent pendant un certain tems possédées par des particuliers & le commerce libre, suivant la loi forma, §. salinae, sf. de censibus , & la loi 13. ff. de publicanis . Tel étoit l'état des choses sous les consuls P. Valerius & Titius Lucretius, ainsi que Tite-Live l'a écrit, liv. II. ch. cjx . Mais depuis pour subvenir aux besoins de l'état, les salines furent rendues publiques, & chacun fut contraint de se pourvoir de sel de ceux qui les tenoient à ferme. C'est ce que nous apprenons de la loi inter publica, ff. de verb. signif. & de la loi si quis sine, cod. de vectig. & commiss . Cette police fut introduite par Ancus Marcius, quatrieme roides Romains, & par l'entremise des censeurs Marcus Livius & C. Claudius; lesquels, au rapport de Tite-Live & Denis d'Halicarnasse, furent appellés de-là salinatores . Athenée rapporte aussi, que comme en la Troade il étoit permis à chacun d'enlever librement du sel sans aucun tribut, Lysimaque roi de Thrace y ayant mis un impôt, les salines tarirent & se dessécherent, comme si la nature eût refusé de fournir matiere pour cette imposition; laquelle ayant été ôtée, les salines revinrent dans leur premier état. Sur quoi Chenu remarque qu'il n'est point arrivé de semblable prodige en France, quoique l'on ait établi par degré plusieurs impositions sur le sel. On tient communément que la gabelle du sel fut établie en France par Philippe de Valois. Ils se fondent sur ce qu'Edoüard III. l'appelloit ironiquement l' auteur de la loi salique , à cause qu'il avoit fait une ordonnance au sujet du sel. Mais il est constant que le premier établissement de la gabelle du sel est beaucoup plus ancien. En effet il en est parlé dans les coûtumes ou priviléges que S. Louis donna à la ville d'Aigues-mortes en 1246: sed neque gabellae salis, seu alterius mercimonii possint ibi fieri contra homines villae . Ceci ne prouve pas à la vérité qu'on levât alors une gabelle dans cette ville, la coûtume au contraire le défend; mais cela prouve qu'elle étoit connue, & qu'apparemment on en levoit ailleurs, ou du-moins que l'on en avoit levé précédemment. Il ne paroît pas que la gabelle du sel eût lieu du tems de Louis Hutin; car ce prince, dans des lettres qu'il donna à Paris le 25 Septembre 1315, touchant la recherche & la vente du sel, ne parle d'aucune imposition sur le sel. Il paroît que le sel étoit marchand, & le roi se plaint seulement de ce que quelques particuliers en faisoient des amas considérables: il commet en conséquence certaines personnes pour faire la visite des lieux où il y aura du sel caché, & les autorise à le faire mettre en vente à juste prix. Avant Philippe-le-Long il y avoit en France plusieurs seigneurs particuliers qui avoient mis de leur autorité privée des impositions sur le sel dans leurs terres. Il y en a plusieurs exemples dans les anciennes coûtumes de Berri de M. de la Thaumassiere; ce qui étoit un attentat à l'autorité souveraine. La premiere ordonnance que l'on trouve touchant la gabelle du sel, est celle de Philippe V. dit le Long, du 25 Février 1318, que quelques-uns ont mal-à-propos attribuée à Philippe-le-Bel, ne se trouvant dans aucun recueil des ordonnances de ce prince: elle suppose que la gabelle étoit déjà établie; car ce prince dit, que comme il étoit venu à sa connoissance que la gabelle du sel étoit moult déplaisante à son peuple, il fit appeller devant lui les prélats, barons, chapitres & bonnes villes, pour pourvoir par leur conseil sur ce grief & quelques autres. Et sur ce que ses sujets pensoient que la gabelle du sel étoit incorporée au domaine, & devoit durer à perpétuité, le roi leur sit dire que son intention n'étoit pas que cette imposition durât toûjours, ni qu'elle fut incorporée au domaine, mais que pour le déplaisir qu'elle causoit à son peuple, il voudroit que l'on trouvât quelque moyen convenable pour fournir aux frais de la guerre, & que ladite gabelle fût abattue pour toûjours. On voit par-là que la gabelle étoit une aide extraordinaire, qui avoit été mise à l'occasion de la guerre, & qu'elle ne devoit pas durer toûjours. On tient que cette premiere imposition ne fut que de deux deniers pour livre. Ducange en son glossaire , au mot gabelle , dit que dans un registre de la chambre des comptes de Paris, coté B , commençant en l'année 1330, & finissant en 1340, fol. 156 , il y a une ordonnance du roi Philippe (le Long), de l'an 1331, suivant laquelle, pour être en état de fournir aux frais de la guerre, il établit des greniers à sel dans le royaume, dont les juges furent nommés souverains commissaires, conducteurs & exécuteurs desdits greniers & gabelles . Mais cette ordonnance ne se trouve point dans le recueil des ordonnances de la troisieme race, imprimé au Louvre; ce qui donne lieu de croire que l'on a voulu parler de celle de Philippe-le Long en 1318, ou de celle de Philippe de Valois, du 15 Février 1345. Ces deux ordonnances de 1318 & 1345, contiennent presque mot pour mot la même chose; ce qui pourroit faire croire que la seconde n'a été qu'un renouvellement de la premiere. Mais Philippe de Valois avoit dès le 20 Mars 1342 donné des lettres, portant établissement de greniers à sel & de gabelles . Elles sont adressées à Guillaume Pinchon archidiacre d'Avranches, Pierre de Villaines archidiacre en l'église de Paris, M e Philippe de Trye thrésorier de Bayeux, maître des requêtes de l'hôtel du roi, & à quelques autres personnes qualifiées. Le roi y annonce que desirant trouver des moyens de résister à ses ennemis, en chargeant ses sujets le moins qu'il étoit possible, il a ordonné après grande déliberation, certains greniers ou gabelles de sel être faits dan le royaume; & sur ce ordonné certains commissaires ès lieux où il appartient pour lesdits greniers & gabelles , publier, faire exécuter & mettre en ordre. Il leur donne le titre de souverains-commissaires, conducteurs & exécuteurs desdits greniers & gabelles , & de toutes choses qui sur iceux ont été & seront ordonnées & qui leur paroîtront nécessaires; qu'ils pourront demeurer à Paris ou ailleurs, ou expédient leur semblera; que si plusieurs d'entr'eux s'absentent de Paris, qu'il y en restera au moins toûjours deux; qu'ils pourront au nombre de deux ou trois établir, par lettres scellées de leurs sceaux, tels commissaires, grenetiers, gabelliers, clercs & autres officiers èsdite greniers & gabelles , par-tout où bon leur semblera, & les ôter, changer & rappeller; de leur taxer & faire payer des gages convenables; que ces officiers auront la connoissance, correction & punition de tout ce qui concerne le sel: que l'appel de leurs jugemens ressortira devant les souverains commissaires, lesquels n'auront à répondre sur ce fait qu'au roi. Cette ordonnance ne dit pas quelle étoit l'imposition que l'on percevoit alors sur le sel: mais on sait d'ailleurs qu'elle fut portée par ce prince à quatre deniers pour livre; elle n'étoit point encore perpétuelle, comme il le déclare par son ordonnance du 15 Février 1345. Le roi Jean ayant à soûtenir la guerre contre les Anglois, fit assembler en 1355 les états de la Languedoïl & du pays coûtumier, avec lesquels il fut avisé, suivant ce qui est dit dans une ordonnance du 28 Décembre 1355, que pour fournir aux frais de l'armée il seroit imposé dans tout le pays coûtumier une gabelle sur le sel, qui seroit levée suivant certaines instructions qui seroient faites à ce sujet. La même ordonnance établit une imposition de huit deniers pour livre, sur toutes les marchandises qui seroient vendues dans le même pays; & cette imposition, ainsi que la gabelle ordonnée précédemment, sont ensuite comprises l'une & l'autre sous le terme générique d' aides; & la direction de ces aides étoit faite dans chaque lieu par des commissaires députés par les trois états, au-dessus desquels commissaires étoient les généraux des aides. Au mois de Mars de la même année, le roi Jean fit une autre ordonnance, portant qu'à la Saint-André derniere il avoit fait assembler à Paris les trois états de la Languedoïl, du pays coûtumier, & deçà la riviere de la Dordoigne, pour avoir conseil sur le fait des guerres & des mises à ce nécessaires. Que par la plus grande partie des personnes des trois états, il avoit été accordé l'imposition de huit deniers pour livre, & la gabelle du sel; & que comme on ne savoit pas si ces aides seroient suffisantes, ni si elles seroient agréables au peuple, les états devoient se rassembler à Paris le premier Mars suivant, auquel jour ayant été assembles, il leur étoit apparu que ladite imposition & gabelle n'étoit pas agréable à tous, & aussi qu'elle n'étoit pas suffisante, pourquoi ils accorderent entre eux qu'il seroit fait une aide, suivant ce qui est dit par cette ordonnance: au moyen de quei, le roi ordonna que l'imposition accordée par les états au mois de Décembre précédent, cesseroit à la fin du mois, & que la gabelle cesseroit dès ce moment pour toûjours; que si aucun avoit été gabellé, c'est-à-dire si on lui avoit fait payer le droit de gabelle pour plus de trois mois, on lui rendroit ou rabattroit sur le nouveau subside ce qu'il auroit payé de trop sur le précédent; & que ce qui auroit été gabellé sur les marchands de sel, leur seroit promptement rendu, excepté leur dépense de trois mois. Cependant en 1358, le roi étant encore prisonnier, les états assemblés à Compiegne accorderent une seconde augmentation sur le prix du sel. Il fut ordonné qu'il seroit établi des greniers dans les bonnes villes & lieux notables, où tout le sel seroit acheté des marchands par le roi à juste prix, & que les grenetiers le revendroient ensuite, pour le compte du roi, un cinquieme de plus. Ce fait est rapporté par Pasquier en ses recherches, liv. II. chap. vij . En 1359, la gabelle étoit rétablie dans la ville & vicomté de Paris, ainsi qu'il est dit dans des lettres de Charles V. alors régent du royaume, par lesquelles, attendu l'extreme besoin qu'il avoit de finances pour le fait de la guerre, il ordonne que dans les villes d'Orléans, Blois, & autres villes & lieux entre les rivieres de Seine & de Loüé (que l'on croit être le Loüaire dans le Gatinois), & entre les rivieres de Loire & du Chier, on levera la gabelle du sel pendant un an en la maniere qu'elle se levoit alors en la ville & vicomté de Paris; que pour la garde & défense desdites villes & de tout le pays enclavé entre lesdites rivieres, le duc d'Orléans, lieutenant du roi & du régent èsdites parties, prendroit le quart de cette gabelle , & que le reste seroit apporté ou envoyé à Paris sous bonne & sûre garde & sans délai, pardevant les thrésoriers du roi & du régent: en conséquence il ordonne aux gens des comptes d'établir à cet effet des commissaires généraux ou particuliers, comme ils verront à faire, lesquels feront crier & publier solennellement ladite gabelle dans les lieux accoûtumés, & la leveront ou feront lever pendant un an, du jour de la publication de ces lettres. Au mois d'Octobre de la même année, il fut fait une ordonnance ou réglement sur le prix du sel, sur les rivieres de Seine, de Marne & d'Yonne. Il est dit qu'à Honfleur la prise du sel pour le marchand est de 14 écus, à Caudebec de 16 écus, & ainsi des autres villes, où l'on remarque que le prix du sel augmente à proportion de ce qu'elles sont éloignées de la mer; à Paris, par exemple, il étoit de quarante écus, & à Châlons de soixante, à Joigny soixante-quatre; c'étoit le prix le plus haut. Il s'agissoit du muid de sel, c'étoit sur le pié d'environ neuf deniers la livre; ce qui coûte aujourd'hui plus de dix sons. La gabelle fut rétablie en 1360 dans les pays de la Languedoïl, comme on l'apprend d'une ordonnance du 5 Décembre de ladite année. Le droit qui se percevoit sur le sel étoit du cinquieme; cela ne devoit durer que jusqu'à la paix. L'instruction faite à ce sujet par le grand-conseil du roi étant à Paris, porte que l'on établira des greniers à sel dans les bonnes villes & lieux notables; que tout le sel qu'on trouveroit dans ces lieux ès mains des marchands, & que l'on y ameneroit dorénavant, seroit pris en la main du roi & pour lui, à juste prix; que le grenetier le revendroit un cinquieme de plus. Et dans une instruction particuliere qui est ensuite sur l'aide du sel, il est dit que dans les lieux où il n'y avoit pas de grenier à sel, le roi prendroit le cinquieme du prix de la vente, & que cette aide seroit donnée à ferme par les élus. Les états de la sénéchaussée de Beaucaire & de Nîmes, avoient accordé au roi un droit de gabelle pour un certain tems, qui étoit prêt de finir au mois d'Avril 1363: mais le roi Jean, par une ordonnance faite en conséquence de l'assemblée de ces mêmes états, le 20 desdits mois & an, ordonna que la gabelle du sel seroit continuée pendant un certain tems; que la moitié du produit seroit employée aux dépenses de la guerre, & l'autre moitié à payer les dettes assignées dessus cette gabelle; que si cette gabelle ne suffisoit pas pour fournir aux dépenses nécessaires, on établiroit d'autres impositions. Suivant cette même ordonnance, la gabelle du sel devoit se lever sur toutes les salines, même sur celles qui appartenoient au roi. Le droit de gabelle étoit alors d'un tiers de florin, outre le vrai prix du sel. Toutes les autres impositions devoient cesser, tant que cette nouvelle gabelle auroit lieu. Le sel ne devoit payer la gabelle qu'une seule fois, après quoi il étoit libre de le vendre sans en rien payer. Il étoit défendu à toutes personnes telles qu'elles fussent, de se servir de sel qui n'eût pas payé la gabelle , sous peine d'amende arbitraire. On donnoit à ceux qui payoient la gabelle une quittance, contenant le poids & la quantité du sel, le lieu, l'année, & le jour du payement; & lorsqu'ils vouloient transporter ce sel d'un lieu à un autre, ils donnoient cet acquit au receveur des impositions; autrement leur sei étoit confisqué. Le droit de gabelle se payoit au bureau le plus prochain de la saline où on achetoit le sel, & ce sous peine de confiscation du sel & des animaux & vaisseaux qui servoient à le transporter. Comme il y a ordinairement près des salines des endroits où l'on pêche & où l'on sale le poisson, l'ordonnance dit qu'on estimera la quantité de sel que l'on peut employer à saler les poissons, & qu'on en payera la gabelle; qu'on estimera pareillement la quantité de sel que peuvent user ceux qui demeurent auprès des salines, & qu'on leur fera payer la gabelle de cette quantité chaque année en quatre payemens égaux. L'ordonnance porte qu'il y aura des gardes qui feront des perquisitions pour découvrir les fraudes; qu'ils auront la moitié du sel qui sera confisqué, & que l'autre moitié accroîtra au produit de la gabelle; que les autres personnes qui dénonceront des fraudes, n'auront que le tiers des confiscations. Les animaux employés à porter le sel dans l'étendue de la sénéchaussée de Beaucaire & de Nîmes, sont déclarés non-saisissables, même pour les deniers du roi. Enfin il est dit que la gabelle sera affermée en tout ou en partie, par évêchés & vicairies, en présence du juge du lieu & des consuls, de trois en trois mois, & que les fermiers payeront le prix de leur ferme à la fin de chaque mois. Charles V. fit le 7 Décembre de la même année 1366, une ordonnance au sujet de la gabelle , dont la levée avoit été ordonnée par-tout le royaume pour la délivrance du roi Jean. Il est dit qu'on établira des greniers à sel dans les lieux convenables, sur les rivieres & dans quelques villes éloignées des rivieres; que dans chaque grenier il y aura un grenetier & un greffier, qui sera aussi contrôleur; qu'ils auront chacun un registre, sur lequel ils écriront tout le sel qui se trouvera dans les villes où il y aura des greniers établis chez les marchands, les revendeurs, & les particuliers; qu'ils le feront mettre dans le grenier, en laissant seulement aux particuliers leur provision pour quatre ans. Le grenetier & le contrôleur devoient écrire sur leurs registres la quantité de sel qui étoit dans le grenier, le nom de celui à qui il appartenoit, & le jour qu'on l'y avoit apporté. Le grenier devoit fermer à trois clés, dont le grenetier en avoit une, le contrôleur une autre, & la troisieme étoit pour le propriétaire du sel. On vendoit le sel à tour de rôle, suivant le jour qu'il avoit été apporté au grenier. L'ordonnance porte qu'on fixeroit le prix du sel pour le marchand, & qu'outre ce prix il y auroit vingt-quatre livres pour le roi par chaque muid, mesure de Paris. Il est dit que l'on vendra du sel dans les greniers à grosses mesures, à septiers, minots & demi-minots; que les regratiers de revendront en détail, & ne pourront avoir en magasin que six septiers. Il est défendu aux grenetiers & greffiers de faire commerce de sel, ni d'être en société avec ceux qui le font, ni de recevoir d'eux aucuns présens. Les états tenus à Compiegne en 1366 ou 1367, ayant fait des plaintes à Charles V. au sujet de la gabelle , il fit quelque tems après le 19 Juillet 1367, une ordonnance, par laquelle il dit qu'ayant toujours à coeur de soulager ses sujets, il avoit retranché la moitié du droit qu'il avoit accoûtumé de prendre sur le sel, ajoûtant que le prix du marchand fût diminué à proportion. On trouve dans des priviléges accordés par Charles V. à la ville de Rhodez au mois de Février 1369, qu'il accorda entr'autres choses à cette ville une gabelle, gabellam in dicto loco: les lettres n'expliquent pas en quoi consistoit ce privilége, peut-être n'étoit-ce autre chose que le droit d'avoir un grenier à sel. La gabelle étoit établie dans le Languedoc dès 1367: mais comme elle n'avoit pas lieu dans le Dauphiné, les étrangers qui avoient coûtume d'acheter du sel en France, le prenoient dans les pays étrangers, & le voituroient dans le leur, en passant par le Dauphiné. Charles V. pour réprimer cette fraude, donna des lettres du 15 Mars 1367, portant que tant que dureroit ladite gabelle , le sel qui sortiroit du Dauphiné y payeroit des droits, à-moins qu'ils n'eussent déjà été payés dans les salines du royaume lorsqu'il y auroit été acheté; déclarant que son intention n'étoit pas que la gabelle fût levée sur le sel qui se distribuoit dans le Dauphiné; & que le droit qui se percevoit sur le sel sortant de cette province, seroit employé moitié suivant la premiere destination de la gabelle , & l'autre moitié appliquée à la recette du Dauphiné. Quoique l'imposition sur le sel n'eût été mise que pour un tems, elle fut continuée dans tous les pays tant de la Languedoïl que du Languedoc. En effet, elle se payoit encore en 1371, suivant des lettres de Charles V. du 20 Juin adressées à un conseiller général du roi sur le fait des aides ordonnées pour la guerre. Ces lettres font mention que l'aide qui avoit cours sur le sel dans les diocèses de Lyon, Mâcon, & Châlons, apportoit peu de profit au roi, parce que les habitans de ces diocèses achetoient en fraude du sel sur les terres de l'Empire, dont ils n'étoient séparés que par le Rhone ou la Saone; & comme ils amenoient ce sel audit Empire dès Avignon par terre par le Dauphiné jusqu'à la riviere d'Isere, & de-là le transportoient en l'Empire, le roi ordonna que dorénavant on leveroit des droits sur le sel qui passeroit sur la riviere d'Isere. Ce même prince fit encore en 1379 un réglement pour la police de la vente du sel, & pour la perception du droit de gabelle ; il abolit l'usage qui s'étoit établi, d'obliger les habitans de chaque paroisse de prendre du sel en certaine quantité. Il paroît qu'après le décès de Charles V. arrivé le 16 Septembre 1380, la gabelle & plusieurs autres impositions furent supprimées, au moyen d'une grande commotion qui s'éleva parmi le peuple à Paris: mais suivant des lettres de Charles VI. du 27 Janvier 1382, les bourgeois de Paris, ou la plus grande & saine partie d'iceux, accorderent au roi, pour la défense du royaume, certaines aides qui devoient être perçûes en la ville de Paris, notamment l'imposition de la gabelle , à commencer du premier Mars 1381. Suivant une instruction faite par Charles VI. & son conseil, le premier Décembre 1383, la gabelle étoit alors de vingt francs pour chaque muid de sel: mais en Poitou & Xaintonge, au lieu de ce droit, on mit une aide qui consistoit à faire payer au vendeur du sel la moitié du prix pour la premiere vente; & lorsque le sel étoit ensuite revendu ou échangé, le vendeur payoit cinq sous pour livre. Une autre instruction donnée par le même prince sur le fait des aides le 6 Juillet 1388, veut que toutes manieres de gens conduisans du sel non gabelle, avec port d'armes, ou autrement, soient par les grenetiers & contrôleurs, & par toutes justices où ils vendront & passeront, pris & punis de corps & de biens, selon que le cas le requerra: que si les grenetiers, contrôleurs, ou autres gens de justice, demandent aide pour le roi, que chacun d'eux soit tenu de leur aider, sur peine d'amende arbitraire: & si ceux qui conduisent le sel non gabellé se mettent en défense, il veut que l'on fasse que la force en demeure aux gens du roi; & que si mort ou mutilation y advient contre aucun des conducteurs du sel ou leurs aides & receveurs, le roi veut que ceux qui l'auront fait pour conserver son droit & aider ses gens, en soient quittes, & impose silence à tous ses justiciers & procureurs, de même qu'aux amis des fraudeurs qui auront été occis ou mutilés. Les généraux des aides ordonnées pour le fait de la guerre au pays de Languedoc & duché de Guienne, firent en 1398, au nom du roi, avec la reine de Jérusalem, comtesse de Provence, une société pour deux ans par rapport à la gabelle du sel qui remontoit le Rhone, pour être porté dans les terres de l'Empire. Outre le droit qui se percevoit sur le sel pour le roi, il accordoit quelquefois un octroi sur le sel aux habitans de certaines villes, comme il fit en faveur de ceux d'Auxerre, pour deux années, par des lettres du 3 Mars 1402, portant que le produit de cet octroi seroit employé aux réparations du pont de cette ville. Charles VI. avoit ordonné le 21 Janvier 1382, qu'outre les vingt francs que l'on percevoit dans le reste du royaume sur chaque muid de sel, on prendroit encore pour son compte vingt francs d'or par muid. La même chose fut ordonnée au mois de Janvier 1387: mais cette crûe de vingt francs d'or fut abolie le 23 Mai 1388, & le droit de gabelle réduit à vingt francs par muid de sel. Ce même prince, par des lettres du 28 Mars 1395, diminua d'un tiers le droit de gabelle dans tout le royaume. Louis XI. porta le droit de gabelle jusqu'à douze deniers pour livre. François I. en 1542, mit 24 liv. tournois par chaque muid de sel; l'année suivante, il fixa ce droit à 45 l. Les gages des cours souveraines & autres officiers, ayant été assignés sur les droits de gabelle , cela donna lieu de faire encore différentes augmentations sur ces droits, lesquels sont enfin parvenus à tel point, que le minot de sel se paye au grenier 52 liv. 8 s. 6 den. Nos rois ont établi divers officiers, tant pour la police de la fabrication, commerce, & distribution du sel, que pour juger les contestations qui peuvent s'elever à cette occasion. Voyez ci-après aux mots Grenetier , Grenier à Sel , Marais salans , Salines , Salorges . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABELAGE Author=Mallet Normalized Classification=Saline Part of Speech=s.m. GABELAGE GABELAGE, s. m. ( Saline. ) tems que demeure le sel dans un grenier. Les ordonnances défendent d'entamer les masses des greniers, qu'elles n'avent tout leur gabelage , c'est-à-dire que le sel n'y ait été apporté depuis deux ou trois ans au-moins. Ce sont aussi les marques que les commis des greniers mettent parmi le sel, pour découvrir dans leurs visites si le sel qu'ils trouvent chez les particuliers est du sel de gabelle ou du sel de faux saunage: ils se servent ordinairement de paille ou autres herbes hachées qu'ils changent souvent. Dictionn, du Comme. & de Trév . De gabelle , on a fait le mot précédent & ceux de gabelé , de gabeleur, &c. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABET Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GABET GABET, s. m. ( Marine. ) Quelques navigateurs se servent de ce mot au lieu de giroüette; il n'est guere d'usage que dans la Manche. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABIAN Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GABIAN GABIAN, oiseau, Voyez Mouette . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gabian, (huile de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire des drogues Part of Speech=NA Gabian Gabian , ( huile de ) Histoire des drogues , espece de petrole; voyez Petrole . C'est une huile noire, bitumineuse & inflammable, de Languedoc; la roche dont elle découle se trouve au village de Gabian, près de Beziers. On vend ordinairement cette huile pour le petrole noir d'Italie; mais il s'en faut bien qu'elle approche de ses qualités. Elle n'est ni si limpide, ni de la même couleur, ni d'une odeur aussi supportable; elle est au contraire d'une odeur forte & puante; sa consistance tient le milieu entre l'huile & le petrole noir d'Italie; son goût est acre & amer: cependant il s'en consomme beaucoup en France, où sa vente fait un des objets du revenu de l'évêque de Beziers à qui la roche appartient, & qui peut en tirer parti toute l'année. On contrefait l'huile de gabian avec de l'huile de térébenthine, du goudron, & de la poix noire. Voyez Petrole . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABIE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GABIE GABIE, s. f. ( Marine. ) la hune qui est au haut du mât; ce terme n'est d'usage que sur la Méditerranée: ce mot vient de l'italien gabbia , qui veut dire cage . A Marseille on appelle aussi gabie le mât de hune. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABIER Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GABIER GABIER, s. m. ( Marine. ) matelot qu'on place sur la hune pour y faire le guet, & donner avis de tout ce qu'il découvre à la mer. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABIEU Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GABIEU GABIEU, s. m. Voyez Toupin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABIN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GABIN GABIN, ( Géog. ) petite ville de la grande Pologne au palatinat de Riva, à six lieues S. E. de Plosko, seize O. de Varsovie. Long. 38 d . 10'. latit. 52 d . 18' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABION Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. GABION GABION, s. m. ( Art. milit. ) espece de panier cylindrique sans fond, qui sert dans la guerre des siéges à formet le parapet des sapes, tranchées, logemens, &c. Voyez Sape & Logement . Les gabions de sapes ou de tranchées ont deux piés & demi de haut, & autant de diametre: ils doivent avoir huit, neuf, ou dix piquets chacun de quatre à cinq pouces de tour, lacés, serrés, & bien bridés haut & bas avec de menus brins de fascines élagués en partie. Voyez, Pl. XIII . de Fortification , le plan & l'élévation d'un gabion de cette espece. Les gabions se posent le long de la ligne sur laquelle on veut former ou elever un parapet: on creuse le fossé de la sape ou de la tranchée derriere; & l'on en prend la terre pour les remplir. Voy. Sape . Les gabions se payent 5 sous de façon, à cause de la difficulté de leur construction, qui demande des soins & de l'adresse; c'est un ouvrage de sapeurs & de mineurs bien instruits. On y joint ordinairement un détachement de Suisses, parce qu'ils sont plus adroits que les François à cette sorte d'ouvrage. On se sert aussi quelquefois de gabions pour faire des batteries: mais alors ils sont beaucoup plus grands que les précédens; ils ont cinq ou six piés de large & huit de hauteur. Voyez Batteries . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gabion farci Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gabion farci Gabion farci , c'est un gros gabion qu'on remplit de differentes choses qui empêchent qu'il ne puisse être percé ou traversé par la balle du fusil: on s'en sert dans les sapes au lieu de mantelet , pour couvrir le premier sapeur. Voyez Sape . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gabionner Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gabionner Gabionner , c'est se couvrir de gabions pour se garantir des coups de l'ennemi. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABIUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GABIUM GABIUM , ( Géog. anc. ) ville ancienne du Latium, dont Horace & Properce parlent avec beaucoup de dédain; il n'en reste plus que des ruines à l'endroit nommé Campo-Gabio , vers Palestrine, à quatre ou cinq bonnes lieues de Rome en tirant vers l'orient. Du tems de Denis d'Halicarnasse sous Auguste, Gabium étoit presque deserte; mais ses ruines marquoient qu'elle avoit été une assez belle ville, puisqu'avant la fondation de Rome, il y avoit à Gabium une école célebre où l'on enseignoit les Beaux-Arts & les Sciences à la jeunesse. Cicéron & Plutarque la mettent au nombre des villes municipales: Junon y étoit particulierement honorée; & c'est pour cela que Virgile appelle cette déesse, Gabina Juno . La voie Gabienne, via Gabiniana , ou via Gabina , étoit un chemin qui conduisoit de Salone à Clissa, anciennement dite Andetrium . Ce fut sur la voie Gabienne que Camille défit les Gaulois après la prise & l'embrasement de Rome, comme le marque Tite-Live: sur la même voie on voyoit le superbe tombeau de Pallas, affranchi de Tibere, avec une inscription encore plus arrogante, que Panvinus nous a conservée. La ceinture, ou plûtôt la troussure Gabienne, cinctus Gabinus , dont il est parlé dans Virgile, dans Horace, Lucain, Silius Italicus, & autres auteurs, étoit une maniere particuliere qu'avoient les Romains de trousser leur robe à la guerre, & qu'ils avoient prise des Gabiens: les Consuls & les Préteurs en retinrent l'usage sous les empereurs, quand ils faisoient les fonctions de leurs charges; cette maniere consistoit à croiser les deux pans de leur robe en forme d'écharpe sur les épaules & sur la poitrine, & à les noüer ensemble pour les assujettir fixement. ( D J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GABON GABON, ( Géog. ) riviere d'Afrique au royaume de Bénin; elle a sa source à 35 d . de long. & à 2 d . 30'. de latit. septentr . ensuite serpentant vers le couchant, elle va se perdre sous l'équateur dans le golfe de Guinée, vis-à-vis l'île de S. Thomas: cette riviere est nommée Gala par Linschot. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABORDS Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m.pl. GABORDS GABORDS, s. m. pl. ( Marine. ) ce sont les premieres planches d'en-bas, qui sont le bordage extérieur du vaisseau, & qui forment par dehors une courbure depuis la quille jusqu'au-dessus des varangues; & c'est ce qu'on nomme bordage de fond . Les bordages ont à-peu-près sous la premiere préceinte la même épaisseur que cette préceinte; & leur épaisseur diminue uniformément jusqu'à la quille, où le bordage qui est reçû dans la rablure, & qu'on nomme gabord , n'a que la moitié de l'épaisseur de celui qui touche la préceinte. On leur laisse toute la longueur & la largeur que les pieces peuvent porter. A l'égard de leur épaisseur, elle se regle sur la grandeur du vaisseau. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABRIELITES Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. GABRIELITES GABRIELITES, s. m. pl. ( Hist. ecclés. ) secte particuliere d'anabaptistes, qui s'éleva dans la Poméranie en 1530. Elle porte le nom de Gabriel Scherling son auteur, qui, conjointement avec Jacques Hutten, avoit apporté cette doctrine dans cette contrée, parce qu'ils n'étoient plus tolérés ailleurs: mais ce fanatique en fut encore chassé, & mourut en Pologne. Hist. des Anabaptistes. Voyez le dictionn. de Moréri & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GABURONS, CLAMPS, JUMELLES Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GABURONS, CLAMPS, JUMELLES GABURONS, CLAMPS, JUMELLES, ( Marine. ) voyez Jumelles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GACHE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GACHE GACHE, s. f. ( Marine. ) c'est un vieux mot qui veut dire aviron ou rame, Voyez Rame . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gache Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Gache * Gache , ( Serrurerie. ) piece de fer qui sert en général à fixer une chose contre une autre; telles sont celles qui contiennent les tuyaux de descente, les boîtes de lanternes, & autres corps qu'on veut appliquer à des murs: mais on appelle particulierement gache le morceau de fer sous lequel passe le pêne de la serrure, & qui tient la porte fermée. Les gaches des tuyaux de descente sont en fer plat, & de la force requise par l'usage. On fait les gaches pour le plâtre ou pour le bois; le plâtre, lorsque le corps à fixer est adossé d'un mur de pierre ou de moëllon; le bois, lorsqu'il est adossé d'une piece de bois. La gache en plâtre est une piece de fer plat contournée suivant la forme de la piece qu'elle doit embrasser, & dont les extrémités des branches qui doivent entrer dans le mur. & qu'on appelle le scellement , sont refendues, afin qu'elles ne puissent aisément en sortir. La gache en bois a l'extrémité de ses branches en pointe, comme un clou. La gache à pate les a recoudées & en queue d'aronde, percée de plusieurs trous pour être attachée avec des clous. La gache encloisonnée est de service aux portes qui se serrent sur des chambranles; aux grilles de fer; aux gachettes des grandes portes qui sont au nud des murs, lorsqu'il n'y a point de chambranle. Elle est de fer battu, comme le palâtre & la cloison de la serrure, montée avec des étoquiaux de même largeur que la serrure, d'une longueur à recevoir les pênes de toute leur chasse, & d'une hauteur qui varie, & dont on désigne les inégalités par ces expressions, hauteur, hauteur & demie, deux hauteurs . Ces gaches sont faites dans le goût de la serrure. Les gaches recouvertes se placent aux portes qui sont ferrées entre des poteaux de bois; on les attache dans la feuillure de la porte; elles sont repliées en rond de la hauteur de la serrure; elles ont la queue à pate, & sont fixées sur la face des poteaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gache Author=unknown Normalized Classification=Pâtisserie Part of Speech=NA Gache Gache , en terme de Pâtissier , c'est une machine de bois à long manche ou queue, garnie par un bout d'un bec rond & plat. On s'en sert pour battre la pâte de toutes sortes d'ouvrages de pâtisserie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GACHER Author=Blondel Normalized Classification=Maçonnerie Part of Speech=v.act. GACHER GACHER, v. act. & neut. en terme de Maçonnerie , c'est détremper dans une auge le plâtre avec de l'eau, pour être employé sur le champ. Les ouvriers distinguent la maniere de gâcher serré & lâche. Gâcher serré , c'est mettre du plâtre dans l'eau, jusqu'à ce que toute l'eau soit bue; ce plâtre prend plus vîte. Gâcher lâche , c'est mettre peu de plâtre dans l'eau, ensorte qu'il soit totalement noyé: ce plâtre est plus long à prendre, & sert à couler des pierres, ou à jetter le plâtre au balai pour faire un enduit. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GACHETTE Author=Diderot Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=s.f. GACHETTE * GACHETTE, s. f. terme d'Arquebusier , c'est un morceau de fer coudé, dont une des branches est ronde & se pose sur la détente; l'autre est plate & taillée par le bout comme une mâchoire en demi-cercle courbé. La partie qui avance le plus sert pour la tente: la détente & le repos du chien s'arrêtent dans les crans de la noix pour la tente & le repos, & en sort pour la détente. Cette partie est percée d'un trou uni où se place une vis qui tient au corps de platine, de façon que cette piece peut se mouvoir & tourner sur sa vis. C'est de la gachette que dépend tout le mouvement de la platine: c'est elle qui fait partir le chien quand il est tendu. Pour tendre le chien, on le tire à soi. Ce mouvement force la noix sur laquelle il est arrêté à tourner & s'arrêter par le dernier cran dans la mâchoire de la gachette; ce qui fait lever l'extrémité coudée du grand ressort, autant qu'il le peut être, & le fait réagir considérablement. Pour faire partir le chien, l'on presse la gachette contre son ressort, en la poussant en en-haut par le moyen de la détente: alors la mâchoire de la gachette s'échappe du cran de la noix, qui n'étant plus arrêtée par rien, cede à l'effort que le grand ressort fait pour se restituer dans son état naturel. Le chien suit aussi le même mouvement que la noix, & va frapper de la pierre qu'il tient dans ses mâchoires contre la batterie qui se leve par la force du coup qu'elle reçoit. Ce coup fait sortir des étincelles de la pierre qui enflamme la poudre du bassinet qui se trouve découverte par la levée de la batterie: cette poudre enflammée qui communique par la lumiere à celle qui est renfermée dans le canon, y met aussi le feu. Alors cette poudre qui cherche une issue pour sortir, & qui n'en trouve pas d'autre que par le bout du canon, part avec précipitation & grand bruit, & pousse la balle ou le plomb fort au loin. Voyez l'article Fusil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gachette Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gachette Gachette , piece du métier à bas. Voyez l'article Bas au métier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gachette Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Gachette * Gachette , ( Serrurerie. ) on donne ce nom à la partie du ressort à gachette qui est sous le pêne & qui en fait l'arrêt. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GACHIERES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GACHIERES GACHIERES, Voyez Gaschieres . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GADARA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GADARA GADARA, ( Géog. anc. ) ancienne ville de la Palestine dans la Perse; elle est attribuée à la Caelé Syrie par Etienne le géographe, qui dit qu'elle a été appellée depuis Séleucie & Antioche: ses bains étoient célebres; & suivant Eunapius, ils tenoient le premier rang après ceux de Bayes. C'est à un citoyen de Gadara, à Méléagre, poëte grec, & qui fleurissoit sous le regne de Séleucus VI. qu'on doit le beau recueil des épigrammes greques, que nous appellons l' anthologie . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GADES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GADES GADES, ( Géog. anc. ) Les Gades étoient deux petites îles de l'Océan sur la côte d'Espagne, piès du détroit de Gibraltar & de l'embouchure du fleuve Guadalquivir ou Boetis: elles n'étoient éloignées l'une de l'autre que de six vingt pas: la plus petite avoit des pâturages si gras, que Strabon dit que l'on ne pouvoit faire de fromage du lait des animaux qu'on y nourrissoit, à-moins qu'on n'y mêlat de l'eau pour le détremper: maintenant ces deux îles n'en font plus qu'une, qui est Cadix; mais quand il s'agit de l'antiquité, il faut toûjours conserver le mot de Gades: car ces deux îles étoient habitées par une colonie de Phéniciens, qui y avoient un temple très célebre consacré à Hercule: ils l'avoient nommé Gadir , c'est-à-dire forteresse, lieu muni , de gader , en latin septum , enceinte de murailles. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GADRILLE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GADRILLE GADRILLE, s. m. oiseau. Voyez Gorge-rouge . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAFFE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GAFFE GAFFE, s. f. ( Marine. ) c'est une grande perche de dix à douze piés de long, à l'extrémité de laquelle il y a un croc de fer qui a deux branches, l'une droite & l'autre courbe; on s'en sert dans la chaloupe pour s'éloigner de terre ou du vaisseau: c'est le même instrument que les bateliers appellent un croc . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAFFER Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=v.act. GAFFER GAFFER, v. act. ( Marine. ) c'est s'accrocher avec une gaffe. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGATES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GAGATES GAGATES, Voyez Jayet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GAGE GAGE, pignus , s. m. ( Jurisprud. ) est un effet que l'obligé donne pour sûreté de l'exécution de son engagement. Quelquefois le terme gage est pris pour un contrat par lequel l'obligé remet entre les mains du créancier quelque effet mobilier, pour assûrance de la dette ou autre convention; soit à l'effet de le retenir jusqu'au payement, ou pour le faire vendre par autorité de justice, à défaut de payement ou exécution de la convention. Quelquefois aussi le terme gage est pris pour la chose même qui est ainsi engagée au créancier. Enfin ce même terme gage signifie aussi toute obligation d'une chose soit mobiliaire ou immobiliaire; & dans ce cas, on confond souvent le gage avec l'hypotheque; comme quand on dit que les meubles sont le gage du propriétaire pour ses loyers, ou qu'une maison saisie réellement devient le gage de la justice, qu'elle est le gage des créanciers hypothécaires, &c. Mais le gage proprement dit, & le contrat de gage qu'on appelle aussi nantissement , s'entend d'une chose mobiliaire dont la possession réelle & actuelle est transférée au créancier, pour assûrance de la dette ou autre obligation: au lieu que l'hypotheque s'entend des immeubles que le débiteur affecte & qu'il engage au payement de la dette, sans se dépouiller de la possession de ces immeubles. Chez les Romains, on distinguoit quatre sortes de gages; savoir le prétorien, le conventionnel, le légal & le judiciaire: parmi nous on ne connoît point le gage prétorien. La définition de ces différentes sortes de gages sera expliquée dans les subdivisions de cet article. On peut donner en gage toutes les choses mobilaires qui en trent dans le commerce. Il y a certains gages qui ne sont par eux-mêmes d'aucune valeur, lesquels ne laissent pas néanmoins d'être considérés comme une sûreté pour le créancier. On en peut donner pour exemple Jean de Castro, général portugais dans les Indes, lequel ayant besoin d'argent, se coupa une de ses moustaches, & envoya demander aux habitans de Goa vingt mille pistoles sur ce gage; elles lui furent aussi-tôt prêtées, & dans la suite il retira sa moustache avec honneur. Les pierreries de la couronne, quoique réputées immeubles & inaliénables, ont été quelquefois mises en gage dans les besoins pressans de l'état. Charles VI. en 1417, engagea un fleuron de la grande couronne à un chanoine de la grande église de Paris (Notre-Dame), pour la somme de 4600 liv. tournois, & le retira en la même année, en baillant un chappe de velours cramoisi semé de perles. Les reliques mêmes ont aussi été quelquefois mises en gage: présentement les choses sacrées telles que les calices, ornemens & livres d'église, appartenans a l'église, ne peuvent être mis en gage , sinon en cas d'urgente nécessité. Les personnes que l'on donne en otage, sont aussi, à proprement parler, des gages , pour l'assûrance de quelque promesse. Un créancier peut recevoir pour gage ou nantissement, des titres de propriété ou de créance, des titres de famille, &c. il n'est pas obligé de les rendre, qu'on ne lui donne satisfaction; & si les débiteurs des sommes portées dans ces titres deviennent insolvables, il n'en est pas garant. Avant que les Juifs eussent été chassés de France, ils y prêtoient beacoup sur gages: sur quoi il fut fait divers réglemens: Philippe-Auguste, au mois de Février 1218, leur défendit de recevoir en gages des ornemens d'église ni des vêtemens ensanglantés ou mouillés, dans la crainte que cela ne servît à cacher le crime de celui qui auroit assassiné ou noyé quelqu'un; il leur défendit aussi de prendre en gage des fers de charrue, des bêtes de labour, ou du blé non battu, sans doute afin qu'ils fussent tenus de rendre la même mesure de blé: il leur défendit encore, par une autre ordonnance, de prendre en gage des vases sacrés ou des terres des églises, soit dans le domaine du roi ou du comte de Troyes, ou des autres barons, sans leur permission. L'ordonnance de 1218 fut renouvellée par Louis Hutin le 28 Juillet 1315. Le roi Jean en 1360, comprit dans la défense les reliques, les calices, les livres d'églises, les fers de moulin. S. Louis leur défendit de prendre des gages qu'en présence des témoins; & Philippe V. dit le Long ordonna en 1317, qu'ils pourroient se défaire des choses qu'ils avoient prises en gage , au bout de l'an, si elles n'étoient pas de garde; & si elles étoient de garde, au bout de deux ans. Lorsque plusieurs choses ont été données en gage , on ne peut pas en retirer une sans acquitter toute l'obligation, quand même on payeroit quelque somme à proportion du gage que l'on voudroit retirer. Le créancier nanti de gages est préféré à tous autres sur le prix des gages qu'il en sa possession, quand même ce seroit un créancier hypothécaire; il ne perd pas pour cela son privilége sur le gage dont il est nanti. L'action qui naît du gage est directe ou contraire suivant le droit romain, c'est-à-dire que le gage produit une double action; savoir, celle qu'on appelle directe , laquelle a lieu au profit de celui qui a donné le gage , à l'effet de le répéter en satisfaisant par lui aux conventions: cette action sert aussi à obliger le possesseur du gage à faire raison des dégradations qu'il peut avoir commises sur le gage . L'action contraire est celle par laquelle le créancier qui a reçû le gage , demande qu'on lui fasse raison des impenses qu'il a été obligé de faire pour la conservation du gage; il peut aussi en vertu de cette action, se pourvoir en dommages & intérêts, pour raison des fraudes que l'on a pû commettre par rapport au gage; comme si on lui a remis des pierreries fausses pour des fines, ou bien s'il a été dépossédé du gage par le véritable propriétaire qui l'a reclamé. Une des principales regles que l'on suit en matiere de gages , est que ce contrat demande beaucoup de bonne foi. Il n'est pas permis de prêter à interêt sur gage . L'ordonnance du Commerce, tit. vj. art. 8. porte qu'aucun prêt ne sera fait sous gage , qu'il n'y en ait un acte pardevant notaire, dont sera retenu minute, qui contiendra la somme prêtée & les gages qui auront été délivrés, à peine de restitution des gages , à laquelle le prêteur sera contraint par corps, sans qu'il puisse prétendre de privilége sur les gages , saut à exercer ses autres actions. L'article suivant veut que les gages qui ne pourront être exprimés dans l'obligation, le soient dans une facture ou inventaire, dont il sera fait mention dans l'obligation, & que la facture ou inventaire contienne la quantité, qualité, poids, & mesure des marchandises ou autres effets donnés en gage , sous les peines portées par l'article précédent. Ces dispositions de l'ordonnance ne s'observent pas seulement entre marchands, mais entre toutes sortes de personnes. Un fils de famille peut donner en gage un effet mobilier procédant de son pécule, pourvû que ce ne soit pas pour l'obligation d'autrui. Le tuteur peut aussi, pour les affaires du mineur, mettre en gage la chose du mineur, mais non pas pour ses affaires. Il en est de même du mandataire ou fondé de procuration à l'égard de son commettant. Les lois permettent néanmoins au créancier qui a reçu un effet en gage , de le donner lui-même aussi en gage à son créancier; mais elles veulent que ce dernier n'y soit maintenu qu'autant que le gage du premier subsistera; & cela paroît peu conforme à nos moeurs, suivant lesquelles on ne peut en général engager la chose d'autrui, à-moins que ce ne soit du consentement exprès ou tacite du propriétaire. Celui qui consent de donner sa chose en gage à quelqu'un, ne consent pas pour cela que celui-ci la donne en gage à un autre; il peut y avoir du risque pour le propriétaire, que le créancier se dessaisisse du gage . Les fruits du gage sont censés faire partie du gage . Le créancier nanti de gage n'est point tenu de le rendre, qu'il ne soit entierement payé de son principal & des intérêts légitimement dûs, & même de ce qui lui est dû d'ailleurs sans gage . S'il a reçû en gage plusieurs effets, il ne peut être contraint d'en relâcher un en lui payant une partie de la dette. Il peut exiger son payement en entier. Il n'est pas permis en France au créancier de s'approprier le gage faute de payement; mais il peut après l'expiration du délai convenu, faire vendre le gage , soit en vertu d'ordonnance de justice, ou même en vertu de la convention, si cela a été expressément convenu, pourvû néanmoins que la vente soit toujours faite par un huissier, en la maniere ordinaire. Lorsque le gage est vendu, & qu'il se trouve des saisies & oppositions de la part de différens créanciers, celui qui est nanti du gage a un privilége spécial, tellement que sur cet effet il est payé par préférence à tous autres créanciers. Si le prix du gage excede la dette, le surplus doit être rendu au débiteur; si au contraire le gage ne suffit pas pour acquitter toute la dette, le créancier a la faculté de demander le surplus sur les autres biens du débiteur. Les dépenses faites par le créancier pour conserver le gage , soit du consentement exprès ou tacite du débiteur, ou même sans son consentement, supposé qu'elles fussent nécessaires, peuvent être par lui répétées sur le gage , & avec le même privilége qu'il a pour le principal. Le débiteur ou autre qui soustrait le gage , commet un larcin dont il peut être accusé par le créancier. Lorsque le créancier a été trompé sur la substance ou qualité du gage , il en peut demander un autre, ou exiger dèslors son payement, quand même le débiteur seroit solvable. Le créancier ne peut jamais prescrire le gage quelque tems qu'il l'ait possedé. Voyez au digeste les titres de pignoratitiâ actione, de pignoribus vel hypotecis , & au code si aliena rei pignori data sit, quoe res pignori obligari possunt qui potiores in pignore , &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage de bataille Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage de bataille Gage de bataille , étoit un gage tel qu'un gant ou gantelet, un chaperon, ou autre chose semblable, que l'accusateur, le demandeur ou l'assaillant jettoit à terre, & que l'accusé ou défendeur, ou autre auquel étoit fait le défi, relevoit pour accepter ce défi, c'est-à-dire le duel. L'usage de ces sortes de gages étoit fréquent dans le tems que l'épreuve du duel étoit autorisée pour vuider les questions tant civiles que criminelles. Lorsqu'une fois le gage de bataille étoit donné, on ne pouvoit plus s'accommoder sans payer de part & d'autre une amende au seigneur. Quelquefois par le terme de gage de bataille , on entendoit le duel même dont le gage étoit le signal; c'est en ce sens que l'on dit que S. Louis défendit en 1260 les gages de bataille; on continua cependant d'en donner tant que les duels furent permis. Voyez Duel . Voyez le style du parlement dans Dumoulin, ch. xvj. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage, (contre-) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage, (contre- Gage, (contre-) est un droit que quelques seigneurs ont prétendu, pour pouvoir de leur autorité faire des prises quand on leur avoit fait tort; il intervint à ce sujet deux arrêts au parlement en 1281 & 1283, contre les comtes de Champagne & d'Auxerre. Voyez le gloss . de M. de Lauriere, au mot contre-gage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage conventionnel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage conventionnel Gage conventionnel , est celui qui est contracté volontairement par les parties, comme quand un homme prête cent écus, & que le débiteur lui remet entre les mains des pierreries, de la vaisselle d'argent, une tapisserie, ou autres meubles pour sûreté de la somme prêtée. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage exprès Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage exprès Gage exprès , appellé en droit pignus expressum , c'est l'obligation expresse d'un bien pour sûreté de quelque dette; il est opposé au gage tacite; il peut être général ou spécial. Voyez la loi 3. au code, liv. VII. tit. viij. & ci-après Gage tacite . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage général Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage général Gage général , c'est l'obligation de tous les biens du débiteur. Voyez Hypotheque générale . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage judiciaire ou judiciel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage judiciaire Gage judiciaire ou judiciel , pignus judiciale , c'est lorsque les biens d'un homme sont saisis par autorité de justice; ils deviennent par-là obligés à la dette. Chez les Romains le gage judiciel étoit à-peu-près la même chose que le gage prétorien; en effet Justinien les confond l'un avec l'autre dans la loi derniere, au code de praetorio pignore: pignus , dit-il, quod à judicibus datur quod & proetorium nuncupatur; il y a cependant plusieurs différences entre le gage judiciel & le gage prétorien. Le gage judiciel proprement dit, étoit celui que l'exécuteur ou appariteur prenoit par autorité de justice pour mettre la sentence à exécution. Loyseau le définit quod in causam judicati ex bonis condemnati extra ordinem capit executor jussu & autoritate magistratus; sur quoi il ajoûte que c'étoit le magistrat qui avoit donné le juge, & non pas le juge qui avoit rendu la sentence. On exécutoit une sentence en trois manieres; ou par emprisonnement, transactis justis diebus , suivant la loi des 12 tables, & c'étoit la seule exécution connue dans l'ancien droit; ou quand le débiteur étoit absent & qu'on ne pouvoit le prendre, on se mettoit en possession de ses biens ex edicto praetoris , ensuite on les faisoit vendre, ce qui notoit d'infamie le debiteur. Depuis pour sauver au débiteur la rigueur de la prison ou de l'infamie, on inventa une forme extraordinaire, qui fut de demander au magistrat un exécuteur ou appariteur pour mettre la sentence à exécution; lequel exigebat, capiebat, distrahebat & addicebat bona condemnati secundum ordinem constitutionis de pii . c'est-à-dire qu'il faisoit commandement de payer, & pour le refus saisissoit, puis ver doit & adjugeoit d'abord les meubles, ensuite les immeubles, & en dernier lieu les droits & actions. Cette façon d'exécuter les sentences fut appellée gage judiciel . Pour connoître plus amplement la différence qu'il y avoit entre le gage judiciel & le gage prétorien, on peut voir ce qui est dit ci-après à l'article Gage . prétorien , & ce qu'en dit Loyseau, tr. du déguerpissem. liv. III. ch. j. n°. 11 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage de la Justice Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage de la Justice Gage de la Justice , c'est la chose qui répond envers la justice de l'exécution de quelque obligation, & que l'on a mis pour cet effet sous la main de la justice; tels sont tous les biens meubles & immeubles saisis par autorité de justice. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage légal Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage légal Gage légal . est la même chose que hypotheque légale , si ce n'est que parmi nous ce gage ou assûrance peut avoir lieu sur des meubles qui n'ont point de suite par hypotheque. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage mort Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage mort Gage mort , dans la coûtume de Bretagne, est celui que l'on donne pour avoir délivrance des bestiaux qui ont été pris en délit; cet usage a été introduit par la nouvelle coûtume au lieu du gage plege que l'on étoit obligé de donner. Voyez les art. 397. 403. 406. 418. & 419 . ( A ) Gage , ( mort-) appellé dans la basse latinité mortuum vadium , a plusieurs significations différentes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage, (mort- ) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage, (mort-) Gage , ( mort-) dans la coûtume de Lille, est lorsqu'un pere pour avantager un de ses enfans, ordonne qu'il joüira d'un héritage jusqu'à ce que l'autre l'air racheté de la somme réglée par le pere. Voyez Lille, tit. j. art. 53. & tit. des testam. art. 5. & des donat. art. 7 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage, (mort- ) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage, (mort-) Gage ( mort-) dans la même coûtume de Lille, est aussi lorsque celui qui tient un bien en gage , a droit d'en joüir jusqu'à ce que le propriétaire le rachette de la somme pour laquelle il a été hypothequé, & que le créancier détenteur en a les issues, c'est-à-dire qu'il en gagne irrévocablement les fruits sans en rien imputer sur sa créance; il est encore parlé de ce mort-gage dans la coûtume d'Artois & dans celle de Normandie. Le mort-gage revient à l'antrichrese des Romains, & sous ce point de vûe on peut dire que Justinien avoit restreint l'effet du mort-gage , en ordonnant que si le créancier joüissoit plus de sept ans du gage , il tiendroit compte de la moitié des fruits sur le sort principal. Voyez cod. de usuris, l. si câ lege & l. si eâ pactione . Anciennement le mort-gage avoit lieu dans toute la France, mais seulement en certains cas: savoir, lorsque le vassal engageoit son fief à son seigneur, suiv. le chap. j. extr. de feudis , dans les mariages, ou lorsqu'un pere vouloit avantager quelqu'un de ses enfans, ou enfin lorsque l'on faisoit quelqu'aumône aux églises. Voyez Boutillier, liv. I. tit. xxv. p. 139 . Présentement le mort gage n'est usité que dans les coûtumes qui l'admettent expressément. Celle d'Artois declare, art. 39. qu'on n'y use point de mort-gage , c'est-à-dire qu'il n'y est pas permis. Cette prohibition est conforme au droit canon, extra de usuris, 5. 19. lequel néanmoins permet une convention semblable à celui qui pour sureté de la dot de sa femme a reçû un immeuble en gage , afin qu'il puisse supporter les charges du mariage. Lorsqu'un laïc possede un sies dépendant de l'église, & qu'il le donne à titre de mort-gage à cette église qui lui préte de l'argent, elle n'est pas obligée d'imputer au sort principal les fruits de ce fief, ch. j. & viij. extr. de usuris . Gregoire IX. par une bulle de l'an 1127 accorda à l'abbaye de S. Bertin dans Saint-Omer en Artois, le droit de gagner les fruits des héritages qui lui sont donnés à titre de mort-gage . Le mort-gage est tolere à Arras, pour y éluder la coûtume locale de cette ville, qui defend de créer des rentes sur les maisons. Pour y pratiquer le mort-gage , le propriétaire d'une maison la vend à faculté de rachat, puis il la reprend à loyer moyennant une somme par an, qui est égale à l'intérêt de l'argent qu'il a prêté. On peut encore considérer comme une espece de mort-gage le droit accordé à la ville d'Arras par une charte du mois de Juillet 1481, de placer l'argent des mineurs à intérêt: les mineurs ayant suivant cette charte le droit de retirer le fond à leur majorité, sans imputer sur le principal les intérêts qu'ils ont touchés annuellement. Le pays de Lalloeue ressortissant au conseil provincial d'Artois, est en possession immémoriale accompagnée de titres, d'user du mort-gage en toutes sortes de cas & entre toutes sortes de personnes, même de ne payer que quatre deniers d'issue & quatre deniers d'entrée pour chaque contrat de mort-gage , pourvû que le mort-gage ne dure pas plus de 30 ans; s'il duroit plus long-tems, il en seroit dû des droits de vente. Il y a aussi plusieurs lieux hors de l'Artois où le mort-gage est usité en toutes sortes de cas, ters que le pays de Vaes & Dendermonde. Le mort-gage est pareillement usité en Anjou, au Maine, & en Touraine. Il y a d'autres endroits où le contrat pignoratif n'a lieu qu'en quelques cas. Les regles que l'on suit en matiere de mort-gage dans les pays où il est usité, sont: 1°. Que le mort-gage n'est qu'un simple engagement, & non une aliénation; c'est pourquoi l'on ne dit point vendre & engager , ni aliéner à titre de mort-gage , mais bailler, donner & délaisser à titre de mort-gage . 2°. La propriété de la chose donnée à ce titre reste toûjours pardevers celui qui la donne en gage , ou ses héritiers & ayans cause; mais ils ne peuvent pas retirer l'héritage des mains de l'engagiste sans lui payer les causes de l'engagement. 3°. L'engagiste qui joüit à titre de mort-gage ni ses ayans cause ne peuvent prescrire l'héritage, quand même ils l'auroient possédé pendant mille ans & plus. 4°. Il n'est pas permis à l'engagiste de vendre l'héritage par lui tenu à mort-gage pour être payé de son principal; il est obligé de le garder jusqu'à ce qu'il plaise au débiteur de le retirer; mais l'engagiste peut aliéner le droit qu'il a de joüir à titre de mort-gage , à la charge que l'acquéreur sera sujet aux mêmes conditions que lui. 5°. Le créancier gagne les fruits du mort-gage sans être obligé de les imputer sur son principal. 6°. Il est tenu de toutes les dépenses dont les usufruitiers sont chargés, & s'il est obligé de faire de grosses réparations, le propriétaire débiteur est tenu de les lui rendre. On ne peut pas stipuler que le débiteur ne rentrera dans l'héritage donné à titre de mort-gage , que de certain tems en certain tems; le débiteur peut y rentrer en tout tems nonobstant cette clause, en remboursant le sort principal, les labours & semences, impenses & améliorations. Les engagemens du domaine de la couronne sont une espece de mort-gage , l'engagiste n'étant point tenu d'imputer les joüissances sur le prix du rachat. Voyez l'auteur des notes sur Artois, art. 39 Le mort gage est opposé au vif-gage. Voyez ci-après Vie-gage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage, (mort- ) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage, (mort-) Gage , ( mort-) suivant Littleton, sect. 32. est aussi un gage qui est vendu au créancier quand le débiteur ne le retire pas dans le tems dont il est convenu. Voyez Rastal & Jacob goht. ad leg. unic. cod. theod. de commiss. rescind . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage plege en Normandie Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage plege Gage plege en Normandie, est l'obligation que contracte quelqu'un pour le vassal qui n'est pas resséant sur son fief de payer pour lui les rentes & redevances dûes pour l'année suivante, à raison de son fief; il doit donner plege , c'est-à-dire caution, qui demeure sur le fief, & qui s'oblige de les payer. La clameur de gage-plege , suivant l' art. 336. de la coûtume de Normandie & le style du même pays, est une action propriétaire & possessoire tout ensemble, dont use celui qui craint qu'un autre ne fasse quelqu'entreprise sur aucune saisie ou droiture à soi appartenant; l'objet de cette action est de prévenir l'entreprise. Voyez Clameur de gage-plege ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage plege Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage plege Gage-plege signifie aussi en Normandie une convocation extraordinaire que fait le juge dans le territoire d'un fief pour l'élection d'un prevôt ou sergent pour faire payer les rentes & redevances seigneuriales dûes au seigneur par ses censitaires, rentiers & redevables. Le seigneur féodal a par rapport aux rentes & redevances dûes à son fief & seigneurie, deux devoirs différens: l'un de plaids, l'autre de gage-plege; les plaids & gage-plege se tiennent par son juge bas-justicier; il ne peut pas les tenir lui-même; la convocation doit être faite dans l'étendue du fief, & non ailleurs; les plaids sont pour juger les contestations au sujet des rentes & redevances seigneuriales contre les redevables. Le gage-plege est pour élire un prevôt pour faire le recouvrement des rentes & redevances seigneuriales, & y recevoir les nouveaux aveux des censitaires & rentiers. La convocation du gage-plege doit être faite par le sénéchal si c'est dans une haute-justice, ou par le prevôt si c'est dans une moyenne ou basse-justice. Elle se fait en présence du greffier, tabellion, notaire ou autre personne publique, avant le 15 de Juillet au plus tard; & tous les aveux & autres actes du gage-plege doivent être signés tant du juge que du greffier, ou autre personne publique que l'on a commis pour en faire la fonction. Les minutes des aveux & déclarations demeurent ès mains du notaire ou tabellion, & les minutes des jugemens au greffe de la justice. Le gage-plege ne se tient qu'une fois l'année, à jour marqué. Tous les hommes de fiefs sujets ou vassaux tenans roturierement du fief, sont obligés de comparoître au gage-plege en personne, ou par procureur spécial & ad hoc , pour faire élection d'un prevôt receveur, & en outre pour reconnoître les rentes & redevances seigneuriales par eux dûes au fief & seigneurie; ils doivent spécifier les héritages à cause desquels les rentes & redevances sont dûes, & si depuis leurs derniers aveux ou déclarations ils ont acheté ou vendu quelques héritages tenus de ladite seigneurie, le nom du vendeur ou de l'acheteur, le prix porté au contrat, & le nom du notaire ou tabellion qui a reçû l'acte. Lorsque les sujets du seigneur sont défaillans de comparoir au gage-plege , on les condamne en l'amende qui ne peut excéder la somme de cinq sols pour chaque tête; cette amende est taxée par le juge, eu égard à la qualité & quantité des héritages tenus par le vassal ou sujet; & outre l'amende, le juge peut faire saisir les fruits de l'héritage, & les faire vendre pour le payement des rentes & redevances qui sont dûes sans préjudice de l'amende des plaids, qui est de 8 s. 1 den. La proclamation du gage-plege doit être faite publiquement un jour de dimanche, à l'issue de la grande messe paroissiale, par le prevôt de la seigneurie, quinze jours avant le terme d'icelui; & cette publication doit annoncer le jour, le lieu, & l'heure de la séance. Voyez la coûtume de Normandie, art. 185. & suiv . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage plege de duel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage plege de duel Gage-plege de duel , étoit le gage ou otage que ceux qui se battoient en duel donnoient à leur seigneur. Ces otages ou gages-pleges étoient des gentils-hommes de leurs parens ou amis. On disoit pleiger un tenant , ou se faire son gage-plege de duel , pour dire que l' on se mettoit en gage ou otage pour lui . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage prétorien Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage prétorien Gage prétorien , pignus proetorium , étoit chez les Romains celui qui se contractoit, lorsque par l'édit du préteur, c'est-à-dire en vertu d'un mandement & commission du magistrat, ce que l'on appelloit autore praetore , le créancier étoit mis en possession des biens de son débiteur, quoiqu'il n'eût stipulé sur ces biens aucune hypotheque. Cette mise en possession se fait avant la condamnation du débiteur ou après. Elle s'accordoit avant la condamnation, à cause de la contumace du débiteur, soit in non comparendo, aut in non satis dando; elle s'accordoit après la condamnation lorsque le débiteur se cachoit de peur d'être emprisonné faute de payement, suivant la loi des douze tables. Dans les actions réelles cette mise en possession ne s'accordoit que sur la chose contentieuse seulement, au lieu que dans les actions personnelles elle se faisoit sur tous les biens du débiteur; mais Justinien la modéra ad modum debiti , comme il est dit en l'authentique & qui jurat , inserée au code de bonis autor. jud. possid . C'est pourquoi depuis Justinien, cette mise en possession fut fort peu pratiquée, parce que l'usage du gage judiciel fut trouvé plus commode, attendu qu'il étoit plûtôt vendu, & avec moins de formalité. Le gage prétorien ne s'accordoit que quand le débiteur étoit absent, & qu'il se cachoit pour frauder ses créanciers, suivant ce qui est dit dans les deux dernieres lois au code de bonis autor. jud. poss . II avoit lieu aussi après la mort du débiteur quand il n'y avoit point d'héritier, suivant la loi pro debito au même titre; car tant qu'on trouvoit la personne, on ne s'attaquoit jamais aux biens. En France le gage prétorien n'est nullement usité. Voyez Loyseau, tr. du déguerpiss. liv. III. ch. j. n. 8. & 13 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage spécial Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage spécial Gage spécial , est celui qui est singulierement obligé au créancier, lequel a sur ce gage un privilége particulier; par exemple, le marchand qui a vendu de la marchandise, a pour gage spécial cette même marchandise, tant qu'elle se trouve en nature entre les mains de l'acheteur; à la différence du gage général qui s'étend sur tous les biens, sans qu'un créancier ait plus de droit qu'un autre sur un certain effet. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage simple Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage simple Gage simple , pignus simplex , étoit chez les Romains celui qui ne contenoit aucune condition particuliere; à la différence de l'antichrese & de la convention appellée fiducia , qui étoient aussi des especes de gages sur lesquels on donnoit au créancier certains droits particuliers. Voyez Antichrese & Fiducie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage tacite Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage tacite Gage tacite , c'est l'hypotheque tacite; les immeubles aussi bien que les meubles deviennent en certains cas le gage tacite des créanciers. Voyez Hypotheque tacite ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gage, (vif) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gage Gage , ( vif ) est celui qui s'acquitte de ses issues, c'est-à-dire dont la valeur des fruits est imputée au sort principal de la somme, pour sûreté de laquelle le gage a été donné. Tout gage est présumé vif . Voyez la loi 2. ff. de pignoribus , & ci-devant Mort-gage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages des Officiers Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gages des Officiers Gages des Officiers , ( Jurisprud. ) que l'on appelloit autrefois salaria, stipendia, annonae , sont les appointemens ou récompense annuelle que le Roi ou quelque autre seigneur donne à ses officiers. On confondoit autrefois les salaires des officiers avec leurs gages , comme il paroît par le titre du code de praebendo salario; présentement on distingue deux sortes de fruits dans les offices, savoir les gages que l'on regarde comme les fruits naturels, & les salaires ou émolumens qui sont les fruits industriaux. Dans les trois derniers livres du code, les gages ou profits annuels des officiers publics sont appelles annonae , parce qu'au commencement on les fournissoit en une certaine quantité de vivres qui étoit donnée pour l'usage d'une année; mais ces profits furent convertis en argent par Théodosius & Honorius en la loi annona au code de erogat. milit. ann . & ce fut-là proprement l'origine des gages en argent. Les officiers publics n'avoient dans l'empire romain point d'autres profits que leurs gages , ne prenant rien sur les particuliers, comme il résulte de la novelle 53, qui porte que omnis militia nullum alium questum quam ex imperatoris munificentia habet . Les magistrats, greffiers, notaires, appariteurs, & les avocats même avoient des gages; les juges même du dernier ordre en avoient ordinairement; & ceux qui n'en avoient pas, ce qui étoit fort rare, extra omne commodum erant , comme dit la novelle 15. ch. vj. C'est pourquoi Justinien permet aux défenseurs des cités de prendre au lieu de gages , quatre écus des parties pour chaque sentence définitive, & en la novelle 82, ch. xjx , il assigne aux juges pedanées quatre écus pour chaque procès à prendre sur les parties, outre deux marcs d'or de gages qu'ils prenoient sur le public. En France les officiers publics, & sur-tout les juges n'avoient autrefois d'autres salaires que leurs gages . On les payoit ordinairement en argent, comme il paroît par une ordonnance de Philippe V. dit le Long , du 18 Jui let 1318, portant que les gages en deniers assis sur le thrésor, en baillies, prévôtés, sénéchaussées, & en l'hôtel du Roi, ne seroient point échangés en terre, ni assis en terre. Suivant la même ordonnance, personne ne pouvoit avoir doubles gages , excepté certains veneurs, auxquels le roi avoit donné la garde de quelques unes de ses forêts. Charles V. étant régent du royaume, permit à Jean de Dormans, qui étoit chancelier de Normandie, & qu'il nomma chancelier de place, de joüir des gages de ces deux places. Les clercs qui avoient du roi certaines pensions, ne les conservoient plus dès qu'ils avoient un bénéfice, parce que ce bénéfice leur tenoit lieu de gages . Charles IV. dit le Bel , défendit le 15 Mai 1327, aux soudoyers & autres qui avoient gages du Roi, de vendre leurs cédules & escroës à vil prix, & à toutes personnes de les acheter, sous peine de confiscation de corps & de biens. Les gages se comptoient à termes ou par jour, de maniere que l'on diminuoit aux officiers le nombre de jours qu'ils n'avoient pas servi. En l'année 1351, le roi Jean augmenta les gages des gens de guerre, à cause de la cherté des vivres & autres biens. C'étoit d'abord sur la recette des bailliages & sénéchaussées, que les gages de tous officiers royaux étoient assignés. Charles V. en 1373 assigna ceux du parlement & des maîtres des requêtes sur les amendes; la même chose avoit déjà été ordonnée le 12 Novembre 1322. Dans la suite les gages des cours souveraines, des présidiaux & autres officiers, ont été assignés sur les gabelles. On trouve au registre de la cour de l'an 1430, tems où les Anglois étoient les maîtres du parlement, une conclusion portant que s'ils ne sont payés de leurs gages dans Pâques, nul ne viendra plus au palais pour l'exercice de son office: & in hoc signo indissolubile vinculum charitatis & societatis ut sint socii constitutionis & laboris; & le 12 Février audit an, il est dit qu'il y eut cessation de plaidoierie, propter vadia non soluta , jusqu'à la Pentecôte 28 Avril, & fut envoyé signifier au Roi & à son conseil à Rouen. Voyez la bibliotheque de Bouchel, verbo gages. Aux offices non venaux les gages ne courent que du jour de la réception de l'officier; dans les offices venaux ils courent du jour des provisions. Voyez ce qui est dit ci-après des gages intermédiaires. Les augmentations de gages ont cela de singulier, qu'elles peuvent être acquises & possédées par d'autres que par le propriétaire titulaire de l'office. Voyez l'acte de notorieté de M. le Camus, du 18 Avril 1705 . Les gages cessent par la mort de l'officier, & du jour que sa résignation est admise. On trouve néanmoins deux déclarations des 13 Décembre 1408, & 18 Janvier 1410, qui ordonnent que les conseillers qui auront servi pendant 20 années, joüiront de leurs gages , leur vie durant; mais ce droit n'a plus lieu depuis la vénalité des charges. L'ordonnance de Charles VII. du mois d'Avril 1453, article xj. défend à tous officiers de judicature, de prendre aucuns gages ou pensions de ceux qui sont leurs justiciables. Plusieurs ordonnances ont défendu aux officiers royaux de prendre gages d'autres que du roi; telle est la disposition de celle d'Orléans, art. xxxxjv; de celle de Moulins, art. xjx & xx; & de celle de Blois, art. cxij & suivans: ce qui s'observe encore présentement, à-moins que l'officier n'ait obtenu du Roi des lettres de compatibilité. François I. par son ordonnance de 1539, art. cxxjv. défendit aux présidens & conseillers de ses cours souveraines, de solliciter pour autrui les procès pendans ès cours où ils sont officiers, & d'en parler aux juges directement ou indirectement, sous peine de privation entre autres choses de leurs gages pour un an. L'ordonnance d'Orléans, art. 55. enjoint à tous hauts justiciers de salarier leurs officiers de gages honnêtes, ce qui est assez mal observé; mais lorsqu'il y a contestation portée en justice à ce sujet, on condamne les seigneurs à donner des gages à leurs juges. Les gages des officiers de la maison du Roi, de la Reine, & des Princes de la maison royale, ne sont pas saisissables, suivant une déclaration du 20 Avril 1555, qui étend ce privilége aux gages de la gendarmerie; elle excepte seulement les dettes qui seroient pour leurs nourriture, chevaux & harnois. La déclaration du 24 Novembre 1678, ordonne que les transports & cessions qui seront faits à l'avenir par les officiers du roi, des gages qui sont attribués à leurs charges, portés par les contrats & obligations qui seront passés au profit de leurs créanciers, ou en quelque autre maniere que ce soit, seront nuls & de nul effet, sans que les trésoriers de la maison du Roi puissent avoir aucun égard aux saisies qui seront faites entre leurs mains; la même chose est ordonnée pour les officiers employés sur les états des maisons de la Reine, de Monsieur, duc d'Orléans, & de Madame, duchesse d'Orléans; les gages de ces sortes d'offices ne peuvent même être compris dans une saisie réelle, parce que l'office même n'est pas saisissable. Pour ce qui est des autres offices, les gages en sont saisissables, à la différence des autres émolumens, tels que les épices, vacations, & autres distributions semblables. Voyez la déclaration du 19 Mars 1661 . Les gages des commis des fermes du Roi ne sont pas saisissables, suivant l'ordonnance de 1681, titre commun à toutes les fermes, art. 14 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages anciens Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages anciens Gages anciens , sont ceux qui ont été d'abord attribués à un office; on les surnomme anciens , pour les distinguer des augmentations de gages qui ont été attribuées dans la suite au même office. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages, (Augmentation de) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages Gages , ( Augmentation de ) sont un supplément de gages que le Roi accorde à un officier; ce qui se fait ordinairement moyennant finance. Voyez ce qui en est dit ci-devant à l'art . Gages des Officiers , & l'art. précéd . touchant les gages anciens. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages intermédiaires Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages intermédiaires Gages intermédiaires , sont ceux qui ont couru depuis le décès ou résignation du dernier titulaire, jusqu'au jour des provisions du nouvel officier. Avant la vénalité des offices, on ne parloit point de gages intermédiaires; les gages n'étant donnés que pour le service de l'officier, ne couroient jamais que du jour de sa réception, & même seulement du jour que l'officier avoit commencé d'entrer en exercice. Mais depuis que les offices ont été rendus vénaux, & qu'on leur a attribué des gages , lesquels abusivement ont été considérés plûtôt comme un fruit de l'office, que comme une récompense du service de l'officier; l'usage a introduit que pour ces sortes d'offices, les gages courent du jour des provisions, & l'on a appellé gages intermédiaires , comme on vient de le dire, ceux qui courent entre le décès ou résignation du dernier titulaire, & les provisions du nouvel officier. On entend aussi quelquefois par gages intermédiaires , ceux qui ont couru entre les provisions & la réception. On ne paye point au nouvel officier les gages intermédiaires sans lettres de chancellerie, qu'on appelle lettres d'intermédiat; & à la chambre des comptes, où l'on suit scrupuleusement les anciens usages, on ne passe point encore purement & simplement les intermédiats de gages d'officiers d'entre les provisions & la réception; si la difficulté en est faite au bureau, on laisse ordinairement cette partie en souffrance; ce qui oblige l'officier de recourir aux lettres de rétablissement. Voyez ce que dit Loyseau, tr. des offices, liv. I. ch. viij. n°. 56 & suiv . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages par jour Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages par jour Gages par jour , voyez ci-après Gages à termes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages menagers Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages menagers Gages menagers ; quelques anciennes ordonnances appellent ainsi les appointemens que l'on donnoit à certaines gens de guerre qui étoient prêts à marcher au premier ordre, & n'avoient qu'une paye modique lorsqu'ils ne servoient pas actuellement. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages à termes ou par jour Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages à termes Gages à termes ou par jour , étoient ceux qui ne se payoient aux officiers du roi, qu'à proportion du tems & du nombre de jours qu'ils avoient servi; à la différence de ceux qui étoient donnés à vie, comme cela se pratiquoit quelquefois. Il est parlé de ces gages à termes ou par jour , dans plusieurs ordonnances, & notamment dans une du 16 Juin 1349, portant que les officiers ne seront payés de leurs gages qu'à proportion du tems qu'ils serviront. C'est apparemment de-là que vint l'usage de faire donner par les officiers une cédule appellée servivi , par laquelle ils attestoient le nombre de jours qu'ils avoient servi dans leur office. Il est encore parlé de ces gages à termes ou par jour , dans une ordonnance du roi Jean, du 13 Janvier 1355. Voyez ci-après Gages à vie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gages à vie Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gages à vie Gages à vie , étoient des appointemens ou pensions qui étoient assûrés aux officiers du roi, leur vie durant, pour leur service actuel, soit qu'ils le fissent en plein, & sans y manquer un seul jour, ou qu'ils fussent absens sans nécessité ou empêchement légitime pendant un tems plus ou moins considérable. On appelloit ces gages à vie , pour les distinguer des gages ordinaires, que l'on appelloit alors gages à termes ou à jours , qui ne se payoient aux officiers qu'à proportion du tems & du nombre de jours qu'ils avoient réellement servi. Plusieurs personnes du conseil, & autres officiers du roi, qui prenoient gages de lui, ayant obtenu de lui des lettres par lesquelles ces gages leur étoient assûrés à vie, comme on vient de le dire, soit qu'ils fussent présens ou absens, qu'ils exerçassent ou n'exerçassent pas leurs offices, & ceux qui avoient obtenu ces lettres, prenant de-là occasion de s'absenter sans nécessité; Philippe de Valois ordonna le 19 Mars 1341, que ces lettres ne pourroient servir aux impétrans, si ce n'est à ceux qui par maladie ou vieillesse, ne pourroient exercer leurs offices, ou à ses officiers, qui après sa mort seroient privés sans qu'il y eût de leur faute, de leurs charges par ses successeurs; mais on conçoit aisément que cette derniere disposition ne pouvoit avoir d'effet, qu'autant qu'il plaisoit aux successeurs de ce prince, étant maîtres chacun de révoquer leurs officiers, & de continuer ou non les pensions accordées de grace par leurs prédécesseurs. Il y eut néanmoins encore dans la suite de ces gages à vie; car on trouve une autre déclaration du 3 Févr. 1405, par laquelle ils furent révoqués. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGEMENT Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GAGEMENT GAGEMENT, s. m. ( Jurisprud. ) dans la coûtume d'Orléans, signifie l'obligation & hypoteque des biens d'un débiteur. Voyez l'article 360 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.neut. GAGER GAGER, (v. neutre.) voyez l'article Gageurs . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gager Gager , ( Jurisprud. ) Ce terme a dans cette matiere différentes significations. Gager dans quelques coûtumes, c'est prendre gage. Voyez Melun, articles 327 & 328 . Sens, 129 . Senlis, 288 . Chaumont, 96 . Vitry, 120 . Bourbonnois, 134 . Auxerre, 128 . Bayonne, tit. viij. art. 2. tit. xxvj. article 13 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager l'amende Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gager l'amende Gager l'amende ou l'émende , c'est payer & acquitter l'amende de justice. Voyez la coûtume de Saint-Paul, art. 32. qui est le 63 e de la plus ample coûtume. Emendae gagiatae est l'ordonnance de saint Louis de l'an 1259. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager la clameur de bourse Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gager la clameur de bourse Gager la clameur de bourse , en Normandie; c'est lorsque celui qui est assigné en retrait, tend le giron. Voyez l'art. 497 de la coûtume de Normandie. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager la loi Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gager la loi Gager la loi , dans l'ancienne coûtume de Normandie, signifie offrir de faire serment . La loi n'étoit gagée qu'en simple action personnelle de fait ou de droit, qui se nommoit desrene . L'ancienne coûtume de Normandie porte que desrene est l'épurgement de ce dont aucun est querellé, qu'elle se fait par son serment & par le serment de ceux qui lui aident; cet ancien droit est aboli. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot gager . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager partage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gager partage Gager partage , en Normandie, c'est offrir en jugement partage à ses freres puînés. Voyez Normandie, articles 347 & 348 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager personnes en son dommage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gager personnes en son dommage Gager personnes en son dommage , c'est prendre le chapeau ou autre habillement du pas du bétail qui fait dommage en l'héritage d'autrui. Voyez la coûtume d'Auxerre, articles 271 & 272 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gager le rachat Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gager le rachat Gager le rachat , c'est offrir réellement au seigneur le droit de rachat à lui dû. C'est ainsi que s'énoncent quelques coûtumes, telles que Tours, article 144 . Lodunois, chap. xj. art. 6. chap. xjv. art. 3 . Anjou, articles 115 & 226 . Maine, articles 126 & 284 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGERIE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GAGERIE GAGERIE, s. f. ( Jurisprud. ) est une simple saisie & arrêt de meubles, sans déplacement ni transport. Cette saisie se fait ordinairement pour cause privilégiée, sans qu'il y ait obligation par écrit ni condamnation. L'effet de cette saisie est que les meubles sont mis sous la main de la justice pour la sûreté du créancier. Le saisi doit donner gardien solvable, ou se charger lui-même comme dépositaire des biens de justice, autrement l'huissier pourroit enlever les meubles; mais la vente ne peut en être faite qu'en vertu d'un jugement qui l'ordonne. Le seigneur censier peut, suivant l'article 186 de la coûtume de Paris, procéder par simple gagerie sur les meubles étant dans les maisons de la ville & banlieue de Paris, faute du payement du cens, & pour trois années dudit cens, & au-dessous. L' article 161 de la même coûtume permet au propriétaire d'une maison donnée à loyer, de procéder par voie de gagerie pour les termes à lui dûs sur les meubles étant dans cette maison. Anciennement on procédoit par voie de gagerie , sans que l'ordonnance du juge fût nécessaire en aucun cas; mais cet abus fut reformé par un arrêt de l'an 1389. Il n'est pas besoin d'ordonnance du juge pour user de simple gagerie , lorsque le bail est passé devant notaire; mais il en faut une, lorsque le bail est sous seing-privé ou qu'il n'y en a point. On peut aussi user de gagerie , suivant l' article 163. pour trois années seulement d'arrérages d'une rente fonciere dûe sur une maison sise en la ville & fauxbourgs de Paris, sur les meubles étant dans cette maison appartenans au détenteur & débiteur de la rente. Enfin le droit que l' article 173 de la même coûtume accorde aux bourgeois de Paris d'arrêter les biens de leurs débiteurs forains trouvés en la ville, est encore une saisie-gagerie qui se peut faire, quoiqu'il n'y ait point de titre; mais il faut aussi une permission du juge. Voyez ci-devant Gager, & Saisie-Gagerie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGEURE Author=d'Alembert Normalized Classification=Analyse des hasards Part of Speech=s.f. GAGEURE GAGEURE, s. f. ( Analyse des hasards. ) est la même chose que pari , qui est plus usité en cette rencontre. Voyez Pari , Jeu, & Gageure ( Jurisprud. ) Cet article nous fournit une occasion que nous cherchions d'inserer ici de très-bonnes objections qui nous ont été faites sur ce que nous avons dit au mot Croix ou Pile , de la maniere de calculer l'avantage à ce jeu si commun. Nous prions le lecteur de vouloir bien d'abord relire le commencement de cet article Croix ou Pile . Voici maintenant les objections que nous venons d'annoncer. Elles sont de M. Necker le fils, citoyen de Genève, professeur de Mathématiques en cette ville, correspondant de l'académie royale des Sciences de Paris, & auteur de l' article Frottement ; nous les avons extraites d'une de ses lettres. « On demande la probabilité qu'il y a d'amener croix en deux coups. Vous dites qu'il n'y a que trois évenemens possibles, 1°. croix d'abord, 2°. pile & croix, 3°. pile & pile; & comme de ces évenemens deux sont favorables & un nuisible, vous concluez que la probabilité d'amener croix en deux coups, est de deux contre un, Cette conclusion suppose deux choses; 1°. que cette énumération de tous les évenemens possibles est complette; 2°. qu'ils sont tous trois également possibles, aequè proclives , comme dit Bernoulli. Je conviens avec vous de la vérité du premier chef; mais nous différons sur le second point. Je crois que la probabilité d'amener croix d'abord est double de celle d'amener pile & croix ou pile & pile. La preuve directe que je crois en avoir, est celle-ci. Il est aussi facile d'amener croix d'abord que pile d'abord; mais il est bien plus probable qu'on amenera pile d'abord, que pile & croix: car pour amener pile & croix, il faut non-seulement amener pile d'abord, mais après avoir amené pile, il faut ensuite amener croix; second évenement aussi difficile que le premier. S'il étoit aussi facile d'amener en deux coups pile & pile que pile en un coup, il seroit par la même raison encore de la même facilité d'amener pile, pile, & pile en trois coups, & en général d'amener n coups; cependant qui est-ce qui ne trouve pas incomparablement plus probable d'amener pile en un coup, que d'amener pile cent fois de suite? Voici une autre façon d'envisager la chose. Ou j'amenerai croix du premier coup, ou j'amenerai pile. Si j'amene croix, je gagne toute la mise de l'autre; si j'amene pile, je ne perds ni ne gagne, parce qu'ensuite au second jet j'ai une espérance égale à la sienne. Donc, puisque j'ai chance égale à avoir sa mise ou à n'avoir rien, c'est comme s'il rachetoit tout son risque, en me donnant la moitié de sa mise. Or la moitié de sa mise qu'il me donne, avec la mienne que je rattrape, fait les 3/4 du tout, & l'autre moitié de sa mise qu'il garde fait l'autre quart du tout: j'ai donc trois parts, & lui une; ma probabilité de réussir étoit donc de 3 contre 1. Mais voici quelque chose de plus décisif. Il suivroit de votre façon, Monsieur, de compter les probabilités, qu'on ne pourroit en aucun nombre de coups gager avec parité d'amener la face A d'un dez à trois faces A, B, C; car vous la trouverez toûjours de 2 n-1 contre 2 n , n étant le nombre de coups dans lequel on entreprend d'amener la face A . Voici en effet tous les cas possibles en quatre coups, par exemple:» Il est aisé de voir qu'il y a ici 15 cas favorables & 16 défavorables; de façon qu'il y a 2 4-1 contre 2 4 , qu'on amenera la face A . Il me paroît donc certain que le cas A ne peut pas être regardé comme n'étant pas plus probable que le cas B, C, B, B, &c. Ces objections, sur-tout la derniere, méritent sans doute beaucoup d'attention. Cependant il me paroît toûjours difficile de bien expliquer pourquoi & comment l'avantage peut être triple, lorsqu'il n'y a que deux coups favorables; & on conviendra du moins que la méthode ordinaire par laquelle on estime les probabilités dans ces sortes de jeux, est très-fautive, quand même on prétendroit que le résultat de cette méthode seroit exact; c'est ce que nous examinerons plus à fond aux articles Jeu , Pari , Probabilité , &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gageure Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gageure Gageure , ( Jurisprud. ) est une convention sur une chose douteuse & incertaine, pour raison de la quelle chacun dépose des gages entre les mains d'un tiers, lesquels doivent être acquis à celui qui a gagné la gageure . On fait des gageures sur des choses dont l'exécution dépend des parties, comme de faire une course en un certain tems fixé, ou sur des faits passés, présens, ou à venir, mais dont les parties ne sont pas certaines. Les gageures étoient usitées chez les Romains; on les appelloit sponsiones , parce qu'elles se faisoient ordinairement par une promesse réciproque des deux parties, per stipulationem & restipulationem; au lieu que dans les autres contrats, l'un stipuloit, l'autre promettoit. En France on appelle ce contrat gageure , parce qu'il est ordinairement accompagné de consignation de gages; car gager signifie proprement bailler des gages ou consigner l'argent , comme on dit gager l'amende, gager le rachat . Néanmoins en France on fait aussi les gageures par simples promesses réciproques sans déposer de gages; & ces gageures ne laissent pas d'être obligatoires, pourvû qu'elles soient soient faites par des personnes capables de contracter & sur des choses licites, & que s'il s'agit d'un fait, les deux parties fussent également dans le doute. Les Romains faisoient aussi comme nous des gageures accompagnées de gages; mais les simples sponsions étoient plus ordinaires. Ces sortes de sponsions étoient de deux sortes, sponsio erat judicialis aut ludicra . Sponsio judicialis étoit lorsque dans un procès le demandeur engageoit le défendeur à terminer plûtôt leur différend, le provoquoit à gager une certaine somme, pour être payée à celui qui gagneroit sa cause, outre ce qui faisoit l'objet de la contestation. Cette premiere sorte de gageure se faisoit ou par stipulation & restipulation, ou per sacramentum . On trouve nombre d'exemples de gageures faites par stipulations réciproques dans les oraisons de Cicéron pour Quintius, pour Cecinna contre Verrès, dans son livre des offices; dans Varron, Quintilien, & autres auteurs. La gageure per sacramentum est lorsque l'on déposoit des gages in aede sacrâ . Les Grecs pratiquoient aussi ces sortes de gageures , comme le remarque Budée. Ils déposoient l'argent dans le prytanée; c'étoit ordinairement le dixieme de ce qui faisoit l'objet du procès, lorsque la contestation étoit entre particuliers, & le cinquieme dans les causes qui intéressoient la république, comme le remarque Jullius Pollux. Varron explique très-bien cette espece de gageure ou consignation dans son livre II. de la langue latine . C'est sans doute de là qu'on avoit pris l'idée de l'édit des consignations, autrement appellé de l' abbréviation des procès , donné en 1563, & que l'on voulut renouveller en 1587, par lequel tout demandeur ou appellant devoit consigner une certaine somme proportionnée à l'objet de la contestation; & s'il obtenoit à ses fins, le défendeur ou intimé étoit obligé de lui rembourser une pareille somme. L'usage des gageures judiciaires fut peu-à-peu aboli à Rome; on y substitua l'action de calomnie, pro decimâ parte litis , dont il est parlé aux instit. de paenâ temerè litigant . ce qui étant aussi tombé en non-usage, fut depuis rétabli par la novelle 112 de Justinien. On distinguoit aussi chez les Romains deux sortes de gageures, ludicres . L'une qui se faisoit par stipulation réciproque, & dont on trouve un exemple mémorable dans Pline, liv. IX. chap. xxxv. où il rapporte la gageure de Cléopatre contre Antoine; & dans Valere Maxime, liv. II. où est rapportée la gageure de Valerius contre Luctatius. Il est aussi parlé de ces gageures en la loi 3. au digeste de aleo lusu & aleat . qui dit, licuisse in ludo qui virtutis causâ fit sponsionem facere; suivant les lois, Cornelia & Publicia, alias non licuisse . L'autre sorte de gageure, ludicre , se faisoit en déposant des gages, comme on voit dans une églogue de Virgile. Depone, tu dic mecum quo pignore certes . Il en est parlé dans la loi si rem , au digeste de praescriptis verbis , par laquelle on voit qu'on mettoit assez ordinairement les anneaux en gage, comme étant plus en main que toute autre chose: si quis , dit la loi, sponsionis causâ annulos acceperit, nec reddat victori, praescriptis verbis adversus eum actio competit . Planude rapporte que Xantus maître d'Esope, ayant parié qu'il boiroit toute l'eau de la mer, avoit donné son anneau en gage. Cette sorte de gageure per depositionem pignorum étoit la seule usitée chez les Grecs, comme il résulte d'un passage de Démosthene; lequel en parlant d'une gageure , dit qu'elle ne pouvoit subsister, parce que l'on avoit retiré les gages. On ne doit pas confondre toutes sortes de gageures avec les contrats aléatoires, qui sont proscrits par les lois; & c'est une erreur de croire que toutes sortes de gageures soient défendues, qu'il n'y ait point jamais d'action en justice pour les gageures , à-moins que les gages ne soient déposés. Ce n'est pas toûjours le dépôt des gages qui rend la gageure valable; c'est plûtôt ce qui fait l'objet de la gageure: ainsi elles ont été rejettées ou admises en justice, selon que les personnes qui avoient fait ces gageures étoient capables, ou non, de contracter, & que l'objet de la gageure étoit légitime. Mornac sur la loi 3. au digeste , & sur la loi si rem de praescriptis verb. de aleat . dit qu'elles sont permises in rebus honestis, veluti ob spem futuri eventûs, & similibus . Boniface, tome I. liv. VIII. titre xxjv. chapit. v. Despeisses, tome I. part. I. tit. xviij. Catelan, t. II. rapportent plusieurs arrêts qui ont déclaré des gageures valables. L'exemple le plus récent que l'on connoît d'une gageure assez considérable, dont l'exécution fut ordonnée au conseil du Roi, est celui d'une gageure de 30000 liv. que M. le maréchal d'Estrées & le sieur Law contrôleur général, avoient faite ensemble par un écrit double du 14 Mars 1720, au sujet du cours que pourroit avoir dans cette année le change avec Londres & Amsterdam. M. le maréchal d'Estrées ayant gagné la gageure , les directeurs des créanciers du sieur Law furent condamnés à lui payer les 30000 liv. quoique la somme n'eût pas été déposée. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGIERE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GAGIERE GAGIERE, ( Jurisprud. ) en quelques pays signifie un mort-gage ou un gage , qui ne s'acquite point de ses issues & de ses fruits. Ce mot vient de gageria , qui se trouve en ce sens dans le chap. iij. extra de feudis. Voyez l'article 88 des ordonnances de Metz, le 38 des anciennes coûtumes de Bar; le 42 de celle de S. Mihel; la coûtume de Lorraine, titre xvij, articles 1 & 3 . Ducange, Spelman, & Vossius. Voyez ci-devant au mot gage l'article Mort-gage , & l'article suivant Gagieres . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gagieres Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. Gagieres Gagieres , s. f. sont aussi dans la même coûtume de Metz des acquisitions faites à ce titre, c'est-à-dire avec déclaration qu'on entend les posséder & en disposer comme de gagieres . Ces sortes de biens ont été ainsi nommés, parce qu'autrefois pour avoir la liberté de disposer des biens que l'on acquéroit, comme d'un meuble, on mettoit le contrat sous le nom d'un ami, dont on paroissoit créancier. Cet ami se reconnoissoit débiteur du prix, & à l'instant donnoit ce même fond acquis à titre de gagiere & mort-gage , avec faculté d'en joüir & d'en percevoir tous les fruits & profits. Au moyen de ces formalités, l'héritage étoit réputé meuble; au lieu que si le véritable acquéreur paroissoit lui-même avoir acquis l'héritage, il étoit réputé immeuble. Mais cet ancien usage fut aboli par l' article 88 des ordonnances de Metz de l'an 1564, qui dispense de prendre ce circuit, & permet à celui qui veut acquérir à titre de gagiere , de le faire en son propre nom. Les héritages acquis à ce titre sont toûjours réputés meubles quant à la liberté d'en disposer, & immeubles quant à l'hypotheque. Voyez le traité des acquêts de gagieres , par M. Ancillon. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGLIARDI, (chevilles de) Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GAGLIARDI GAGLIARDI, ( chevilles de ) Anat . Gagliardi a donné une anatomie des os, qui contient plusieurs nouvelles découvertes. Il a donné son nom aux petites chevilles qu'il a découvertes, & qui tiennent les différentes couches dont les os paroissent composés, unies ensemble. Son ouvrage a pour tititre, Gagliardi anatome ossium. Leid. 1724, 8°. &c. ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGNABLE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject GAGNABLE GAGNABLE, adj. ( Jurisprud. ) les terres gagnables dans la coûtume de Normandie, art. 162 , sont terres incultes, sauvages, ou sauvées de la mer. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGNAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GAGNAGE GAGNAGE, s. m. ( Jurisprud. ) dans plusieurs coûtumes signifie les fruits de la terre; quelquefois les gagnages sont pris pour les terres mêmes dont on perçoit les fruits. Voyez le gloss. de M. de Lauriere, au mot Gagnage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gagnages Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=s.m. Gagnages Gagnages , s. m. ( Venerie. ) ce sont les endroits chargés de grains où les cerfs vont faire leurs viandis. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGNÉE, (liberté.) Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA GAGNÉE GAGNÉE, ( liberté .) Manege. voyez Liberté , voyez Mors . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGNE-DENIER Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GAGNE-DENIER GAGNE-DENIER, s. m. ( Commerce. ) homme fort & robuste dont on se sert à Paris pour porter des fardeaux & marchandises en payant une certaine somme, dont on convient à l'amiable. On les nomme aussi porte-faix, crocheteurs, forts, hommes de peine, plumets, garçons de la pelle, tireurs de moulins , &c. Ils servent pour la plûpart sur les ports, & ont leurs salaires reglés par les prevôt des Marchands & échevins: ils composent différentes communautés, & ont leurs officiers, confrairies, & maîtres de confrairies. L'ordonnance de la ville de 1712 a reglé plusieurs points de police qui concernent ces gagne-deniers . On appelle du même nom à la Douane de Paris, des gens à qui seuls il appartient de travailler pour la décharge & recharge des marchandises, ballots, balles, tonneaux, &c. qui y sont portés ou qui y arrivent par les carrosses, coches, chariots, charrettes, & autres voitures publiques. Ils sont choisis par les fermiers généraux, font une espece d'apprentissage, & ne peuvent être reçûs qu'en payant certains droits qui montent à près de huit cents livres. Ce sont eux qui exécutent les ordres des principaux commis de la douane, particulierement de l'inspecteur général des manufactures & des visiteurs pour l'ouverture des balles & ballots, & pour l'envoi des draperies à la halle aux draps, des livres à la chambre syndicale des Libraires, & des toiles à la halle de cette marchandise. Leur nombre n'excede guere celui de vingt; leurs salaires ne sont pas fixés pour la plûpart, & ils font bourse commune, partageant entre eux tous les soirs ce qu'ils ont reçû. Dictionnaires de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGNER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GAGNER * GAGNER, verbe actif, & quelquefois neutre. La principale signification de ce mot est relative à l'idée d'accroissement & de profit; un marchand gagne beaucoup, lorsqu'il vend beaucoup & cher. On gagne sur un marché, lorsque la chose est achetée au-dessous de son prix; un ouvrier gagne tant par jour: gagner se dit alors de son salaire. On gagne l'estime, l'amitié, la bienveillance, la confiance, l'esprit des autres. On gagne un juge, soit en le flechissant, lorsqu'il est trop severe, soit en le corrompant, lorsqu'il est inique; on livre un combat, & on gagne une bataille ou du terrein, un prix, une partie, une gageure. Le feu gagne le toit de la maison; l'eau gagne les caves: dans ces cas, gagner est synonyme à atteindre . On gagne le vent; voyez Gagner ( Marine. ) On gagne l'epaule ou la volonté du cheval; voyez Gagner ( Manege. ) On gagne du tems; on gagne sa vie, &c. Ce verbe a une infinité d'acceptions differentes. Voyez les articles suivans , & l'article Gain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gagner le vent, Gagner le dessus de Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gagner le vent, Gagner le dessus de Gagner le vent, Gagner le dessus de vent , ( Marine. ) c'est prendre l'avantage du vent sur son ennemi; ce qui se fait en courant plusieurs bordées, en changeant promptement de bord, lorsque le vent a donné, & en faisant bien gouverner. Voyez Vent . Gagner au vent, monter au vent , c'est lorsqu'un vaisseau qui etoit sous le vent se trouve au vent par la bonne manoeuvre qu'il a faite. Gagner sur un vaisseau , c'est lorsqu'on cingle mieux que lui, & que l'on s'en est approché ou qu'on l'a dépassé. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gagner Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Gagner Gagner , ( Jardinage. ) c'est un terme reçû chez les Fleuristes, pour dire que la graine qu'on a semée a produit un nouvel oeillet, une oreille d'ours, une renoncule, une anemone, & autres. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gagner l'épaule du cheval Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gagner Gagner l'épaule du cheval , ( Manége. ) expression qui suppose dans le jeu, dans le mouvement, & dans l'action de cette partie, un défaut quelconque que l'on réprime, ou que l'on corrige par le secours de l'art; soit que ce défaut provienne de la nature & de la conformation de l'animal, soit qu'on puisse le regarder comme un de ces vices acquis, & nés de l'ignorance de celui qui l'exerce & qui le travaille. Cette maniere de s'exprimer est encore usitée, relativement aux parties mobiles de l'arriere-main, lorsque le cavalier leur imprime un mouvement auquel elles se refusent. On ne sauroit prévenir avec trop de soin & d'attention les mauvaises habitudes que la plûpart des chevaux peuvent contracter dans les leçon, qu'ils reçoivent, sur-tout quand elles sont données sans ordre, sans methode, sans choix, & qu'on ne conduit point exactement l'animal, selon les gradations & l'enchainement; d'où resulte inévitablement en lui la facilité de l'execution. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gagner la volonté du cheval Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gagner Gagner la volonte du cheval , ( Manége. ) c'est de la part du cavalier la faire plier sous le joug de la sienne. Cette définition annonce que l'expression dont il s'agit, est specialement & particulierement adoptée, dans le cas où nous triomphons d'une opposition marquée, & d'une resistance véritable de la part de l'animal. Pour contraindre & pour gêner en lui l'acte ou l'exercice de cette puissance avec quelqu'avantage, la patience & la douceur suffisent; la force & la rigueur augmentent son opiniâtreté, & l'avilissent plûtôt qu'elles ne changent ses déterminations. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAGO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAGO GAGO, ( Géog. ) royaume d'Afrique dans la Nigritie. Il est situé au couchant de celui de Guiber, dont il est séparé par un desert de cent lieues: M. de Lisle appelle ce desert plaines sablonneuses: l'on en apporte l'or à Maroc. La capitale Gago , située sur une petite riviere qui va grossir le Sénégal, est, suivant le même géographe, par le 19 d de longit. & par le 19 d de latitude . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAI Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GAI GAI, adj. ( Gramm. ) voyez l'article Gaieté . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gai Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA Gai Gai , en Musique , se dit du mouvement d'un air, & répond au mot italien allegro. Voyez Allegro . Ce mot peut aussi s'entendre du caractere de la musique, indépendamment du mouvement. ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gai, couleurs gaies Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Gai Gai , couleurs gaies, en Peinture , ne se dit guere qu'en parlant du paysage, pour exprimer la sérénité de l'air qui regne dans un tableau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gai Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Gai Gai , en termes de Blason , se dit d'un cheval nud & sans harnois. Du Gué, d'azur au cheval gai & passant d'or, au chef de même. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIAN Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.m. GAIAN GAIAN, s. m. turdus , ( Hist. nat. Icthtiolog. ) poisson de mer du genre des tourds; on l'a aussi appellé auriol; c'est le plus grand de tous les poissons de ce genre; il a une couleur rougeâtre avec des taches noires & de couleur plombée, qui est celle du ventre. Rond. hist. des poissons, liv. VI. chap. vj. Voyez Poisson . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIANITES Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.m.pl. GAIANITES GAIANITES, s. m. pl. ( Théologie. ) nom de secte qui étoit un branche des Eutychiens. Voyez Eutychiens . Cette secte étoit plus ancienne que Gaian ou Gaien, évêque d'Alexandrie dans le vj. siecle, dont elle prit le nom. Elle suivit les erreurs de Julien d'Halicarnasse, chef des Incorruptibles cu des Phantastiques; ensuite ces hérétiques prirent ou on leur donna le nom de Gaian , qui se mit à leur tête. Ils nioient que Jesus-Christ après l'union hypostatique, fût sujet aux infirmités de la nature humaine. Voyez Incorruptibles . Dictionn. de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIETÉ Author=Anonymous5 Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. GAIETE GAIETE, s. f. ( Morale. ) la gaieté est le don le plus heureux de la nature. C'est la maniere la plus agréable d'exister pour les autres & pour soi. Elle tient lieu d'esprit dans la société, & de compagnie dans la solitude. Elle est le premier charme de la jeunesse, & le seul agrément de l'âge avancé. Elle est opposée à la tristesse , comme la joie l'est au chagrin . La joie & le chagrin sont des situations; la tristesse & la gaieté sont des caracteres. Mais les caracteres les plus suivis sont souvent distraits par les situations; & c'est ainsi qu'il arrive à l'homme triste d'être ivre de joie, à l'homme gai d'être accablé de chagrin. On trouve rarement la gaieté où n'est pas la santé. Scarron étoit plaisant; j'ai peine à croire qu'il fût gai. La véritable gaieté semble circuler dans les veines avec le sang & la vie. Elle a souvent pour compagnes l'innocence & la liberté. Celle qui n'est qu'extérieure est une fleur artificielle qui n'est faite que pour tromper les yeux. La gaieté doit présider aux plaisirs de la table; mais il suffit souvent de l'appeller pour la faire fuir. On la promet par-tout, on l'invite à tous les soupers, & c'est ordinairement l'ennui qui vient. Le monde est plein de mauvais plaisans, de froids bouffons, qui se croyent gais parce qu'ils font rire. Si j'avois à peindre en un seul mot la gaieté , la raison, la vertu & la volupté réunies, je les appellerois philosophie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIETE ou GAETE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAIETE ou GAETE GAIETE ou GAETE, caieta , ( Géogr. ) ancienne ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la terre de Labour, avec une forteresse, une citadelle, un port, & un évêché suffragant de Capouë, mais exempt de sa jurisdiction. Elle est au pié d'une montagne proche la mer, à 12 lieues E. de Capouë, 15 de Naples, 28 de Rome. Long. 31. 12. lat. 41. 30 . Vio ( Thomas de ) théologien, cardinal, beaucoup plus connu sous le nom de Cayetan (mais qu'il ne faut pas confondre avec celui qui par ses intrigues vouloit faire tomber la couronne de France à l'infante d'Espagne), naquit à Gaiete le 20 Février 1469, & mourut à Rome le 9 Août 1534. Il a composé un grand nombre d'ouvrages théologiques qu'on ne lit plus; cependant ses commentaires sur l'Ecriture imprimés à Lyon en 1539 en 5 vol. in-fol. entrent encore dans quelques bibliotheques, en faveur du nom de l'auteur, & des emplois dont il a été décoré. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIGNE COÛTUMIERE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GAIGNE COÛTUMIERE GAIGNE COÛTUMIERE, ( Jurisprud. ) dans la coûtume d'Auvergne, ch. xij. art. 16. c'est ce que le survivant des conjoints par mariage gagne selon la coûtume sur les biens du prédécédé: ainsi gaigne est un mot corrompu, dérivé de gain coûtumier . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLAC Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAILLAC GAILLAC, Galliacum , ( Géogr. ) petite ville du haut Languedoc dans l'Albigeois, assez remarquable par le commerce de ses vins, & plus encore par son abbaye de Bénédictins, dont on ne trouve cependant aucune mention avant l'an 972. Cette abbaye fut sécularisée en 1536, & forme à présent un chapitre. La ville de Gaillac est sur le Tarn, à 3 lieues O. d'Albi, 6 N. de Lavaur. Long. 19. 30. lat. 43 d . 50' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLARD Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GAILLARD * GAILLARD, adj. ce mot differe beaucoup de gai . Il présente l'idée de la gaieté jointe à celle de la bouffonnerie, ou même de la duplicité dans la personne, de la licence dans la chose; c'est un gaillard, ce conte est un peu gaillard: il se dit aussi quelquefois de cette espece d' hilarité ou de galanterie libertine qu'inspire la pointe du vin: il étoit assez gaillard sur la fin du repas . Il est peu d'usage; & les occasions où il puisse être employé avec goût, sont rares. On dit très-bien il a le propos gai , & familierement il avoit le propos gaillard . Un propos gaillard est toùjours gai; un propos gai n'est pas toûjours gaillard . On peut avoir à une grille de religieuses le propos gai: si le propos gaillard s'y trouvoit, il y seroit déplacé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLARDE Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.f. GAILLARDE GAILLARDE, s. f. ( Musiq. ) espece de danse dont l'air est à trois tems gai. On la nommoit autrefois romanesque , parce qu'elle nous est, dit-on, venue de Rome, ou du-moins d'Italie. Cette danse est hors d'usage depuis long-tems; il ne reste dans la danse qu'un pas qu'on appelle pas de gaillarde . Voyez la suite de cet article . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaillarde Author=unknown Normalized Classification=Fonderie en caracteres Part of Speech=NA Gaillarde Gaillarde , ( Fonderie en caracteres. ) cinquieme corps des caracteres d'Imprimerie. Sa proportion est d'une ligne trois points, mesure de l'échelle; son corps double est le gros-romain. Voyez Proportions des Caracteres d'Imprimerie , & l'exemple à l'article Caracteres . La gaillarde est un entre-corps, & on employe souvent pour le faire l'oeil de petit-romain sur le corps de gaillarde , qui n'est que de peu de chose plus foible. Voyez Mignonne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaillarde, (pas de) Author=unknown Normalized Classification=Danse Part of Speech=NA Gaillarde Gaillarde , ( pas de ) Danse . il est composé d'un pas assemblé, d'un pas marché, & d'un pas tombé. Le pas de gaillarde se fait en-avant & de côté. Le pas en-avant se fait ayant le pié gauche devant à la quatrieme position, & le corps posé sur le talon du pié droit levé; de-là on plie sur le pié gauche; la jambe droite se leve, & on se releve pour sauter. La jambe se croise devant à la troisieme position, en retombant de ce saut sur les deux piés les genoux étendus; & cette jambe qui a croisé devant, se porte à la quatrieme position en-avant. On laisse poser le corps dessus en s'élevant du même tems; par ce moyen on attire la jambe gauche derriere la droite, & à peine la touche-t-elle que le pié se pose à terre, & le corps se posant dessus, fait plier le genou gauche par son fardeau: ce qui oblige la jambe droite de se lever. Dans le même moment le genou gauche qui est plié en voulant s'étendre, renvoye le corps sur la gauche, qui se pose à terre, en faisant un saut que l'on appelle jetté-chassé . Mais en se laissant tomber sur le pié droit, la jambe gauche se leve, & le corps étant dans son équilibre entierement posé sur le pié droit, l'on peut en faire autant du pié gauche. Ce pas se fait aussi de côté en allant sur une même ligne, mais différemment de celui en-avant. Ayant le corps posé sur le pié gauche, vous pliez & vous vous élevez en sautant & assemblant le pié droit auprès du gauche à la premiere position, en tombant sur les deux pointes, mais le corps posé sur le gauche, parce que du même tems vous portez le droit à côté à la deuxieme position en vous élevant dessus pour faire votre pas tombé , qui fait la seconde partie dont le pas de gaillarde est compose. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLARDS ou CHATEAUX Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m.pl. GAILLARDS ou CHATEAUX GAILLARDS ou CHATEAUX, s. m. pl. ( Mar. ) ce sont des étages ou des ponts qui ne s'etendent point de toute la longueur du vaisseau, mais qui se terminent à une certaine distance de l'étrave & de l'étambot. Les gaillards d'avant & derriere sont placés sur le pont le plus élevé, & la dunette est au-dessus du gaillard d'arriere. L'étendue des gaillards & dunette varie suivant la grandeur des vaisseaux. On communique du gaillard d'arriere au gaillard d'avant par une espece de couroir qu'on établit basbord & stribord, & qu'on appelle le passe-avant . Voyez, Planche I . de Marine , le dessein du vaisseau, le gaillard d'arriere coté HH , & le gaillard d'avant coté L. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLARDET Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GAILLARDET GAILLARDET, s. m. ( Marine. ) c'est une sorte de petite giroüette échancrée en maniere de cornette. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLARDELETTES, ou GALANS Author=Le Blond Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GAILLARDELETTES GAILLARDELETTES, s. f. ou GALANS, s. m. ( Mar. ) quelques navigateurs donnent ce nom aux pavillons qu'on arbore sur le mât de misene & sur l'artimon, mais il n'est guere d'usage. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAILLON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAILLON GAILLON, ( Géog. ) bourg de France en Normandie, au diocèse d'Evreux, renommé par sa situation, par un palais appartenant aux archevêques de Roüen, & par la Chartreuse qui en est voisine. Il est dans un lieu charmant près de la Seine, à 2 lieues d'Andely, & 7 de Roüen. Long. 19. lat. 49. 18 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIN Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GAIN * GAIN, s. m. profit que l'on tire de son travail, de son industrie, de son jeu. Il est l'opposé de perte Voyez l'article Gagner . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gain Gain , ( Jurispr. ) ce terme s'applique dans cette matiere à plusieurs objets différens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain d'une cause, Instance ou Procis Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain d'une cause, Instance Gain d'une cause, Instance ou Procis , c'est lorsqu'une partie obtient à ses fins. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain de la dot Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain de la dot Gain de la dot , est le droit que le mari a dans certains pays & dans certains cas de retenir pour lui en tout ou partie la dot de sa femme prédécédée. Ce gain ou avantage est aussi nommé gain de nôces desunies, droit de rétention & contr'augment , parce qu'il est opposé à l'augment de dot que la femme survivante gagne sur les biens de son mari. Voyez ci-devant Contr'augment & Dot . Voyez aussi les questions de lucro dotis de Rolland, Duval, & Phannucius de phannuccis , en son comm. sur les statuts de la ville de Lucques, sive tract. de lucro dotis, lib. II. cap. xjx . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain conventionnel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain conventionnel Gain conventionnel , est un gain de nôces & quelquefois aussi de survie, qui est fondé ou regle sur le contrat de mariage. Voyez ci-après Gains nuptiaux . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain coûtumier Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain coûtumier Gain coûtumier , est le gain de nôces & de survie que le mari ou la femme qui a survécu à son conjoint, gagne suivant la coûtume ou l'usage sur les biens de ce conjoint prédécédé. Voyez ci-après Gain statutaire . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain de nôces Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain de nôces Gain de nôces , est un avantage qui est acquis au mari ou à la femme, à cause du mariage sur les biens de l'autre conjoint. Il y a des avantages qui sont tout-à-la-fois gains de nôces & de survie, d'autres qui sont gains de nôces simplement. Voyez ci-après Gain nuptial & Gain de survie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain nuptial Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain nuptial Gain nuptial , est un avantage qui revient au mari ou à la femme sur les biens de l'autre conjoint, & qui lui est accordé en faveur du mariage. Ces sortes de gains sont fondés sur la loi, ou sur le contrat de mariage, ou sur un usage non écrit qui a acquis force de loi. Par le terme de gains nuptiaux pris dans un sens étendu, on comprend quelquefois généralement tous les avantages qui ont lieu entre conjoints en faveur de mariage. Mais le terme de gains nuptiaux est usité plus particulierement dans les pays de droit écrit, pour exprimer l'augment ou agencement, le contr'augment, les bagues & joyaux & autres avantages qui ont lieu entre conjoints, soit en vertu de la loi ou de l'usage, ou en vertu du contrat. On les appelle aussi gains de survie , parce qu'il faut survivre pour les gagner. Il y a néanmoins des cas où l'un des conjoints peut les demander du vivant de l'autre: comme en cas de faillite, séparation, mort civile. Les avantages qui ont lieu en pays coûtumier, sont compris sous le nom de reprises & conventions matrimoniales . L'usage de différentes provinces de droit écrit n'est pas uniforme sur les gains nuptiaux . Lorsqu'ils sont reglés par le contrat de mariage, il faut se conformer au contrat. S'il n'y a point de contrat ou qu'il n'en parle point, en ce cas on suit la loi ou l'usage du lieu où les conjoints ont d'abord établi leur domicile. Les gains nuptiaux pour la femme se reglent communément à proportion de sa dot, & pour le mari à proportion du gain que doit avoir la femme. Lorsque ces gains n'excedent point ce qui est fixé par la loi ou par l'usage, ils ne sont pas réductibles pour la légitime, mais ils sont sujets au retranchement de l'édit des secondes nôces. Ils ne sont ordinairement exigibles qu'un an après la mort du conjoint prédécédé; les intérêts n'en sont dûs que du jour de la demande, excepté au parlement de Paris, où ils sont dûs de plein droit, du jour du décès; leur hypotheque est du jour du mariage ou du contrat, s'il y en a un qui les regle. Ces sortes de gains sont ordinairement reversibles aux enfans, à-moins qu'il n'y ait clause au contraire. Dans le cas où ils sont reversibles, le survivant doit donner caution, mais il a une virile en propriété dont il peut disposer comme bon lui semble. Si le su vivant se remarie ayant des enfans, il perd tout droit de propriété dans les gains nuptiaux , même dans la virile, & est obligé de reserver le tout à ses enfans. Le survivant qui ne poursuit pas la vengeance de la mort du prédécédé, ou qui est lui-même auteur de sa mort, est privé des gains nuptiaux; les femmes en sont encore privées lorsqu'elles sont convaincues d'adultere, ou qu'elles ont quitté leur mari sans cause legitime, ou qu'elles se remarient à des personnes indignes, qu'elles se remarient dans l'an du deuil, ou qu'elles vivent impudiquement après la mort de leur mari. Les enfans n'ont aucun droit certain dans les gains nuptiaux du vivant de leurs pere & mere, quand on les fait renoncer d'avance à ces sortes de gains nuptiaux; il faut que la renonciation en fasse mention nommément, parce que ces gains sont un troisieme genre de biens que les enfans ont droit de prendre, quoiqu'ils ne soient point héritiers de leurs pere & mere. Voyez mon traité des gains nuptiaux & de survie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gain de survie Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gain de survie Gain de survie , est celui qui n'est acquis que par le prédécès de quelqu'un; on comprend sous ce terme toutes les donations qui sont faites à condition de survivre au donateur; mais ce terme est plus usité dans les pays de droit écrit, pour exprimer les gains nuptiaux qu'on appelle aussi quelquefois simplement gains de survie , parce qu'il faut survivre pour les gagner. Voyez ci-devant Gain de nôces & Gain nuptial . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAINE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GAINE * GAINE, s. f. étui de plusieurs instrumens en acier ou autre métal; il se dit de presque toutes les pieces de coutelleries: on le disoit même autrefois des épées, & de-là sont venus les termes de dégaîner , de rengainer , & quelques autres qui sont en usage parmi les gens d'épée. Le mot de gaîne a donné son nom à une des communautés de Paris. Voyez Gainier . La gaine se fait avec des mandrins, de la forme de l'instrument auquel on destine la faîne . On ajuste à la lime & à la rape des éclisses sur ces mandrins, de la figure, longueur, largeur, épaisseur, concavité, convexité convenables; on double ces éclisses en-dedans de papier ou de parchemin colorés & quelquefois d'étoffe; on les fixe ensemble avec de la bonne colle-forte; on les couvre en-dessus d'un parchemin sur lequel on colle de la peau, du chagrin, de la roussette, du chien-de-mer, &c. Pendant tout ce travail, on tient le mandrin entre les éclisses, & les éclisses fixées sur l'une contre l'autre & sur le mandrin, par des cordes bien serrées, qu'on ne détache que quand on est assûré que les éclisses tiennent fortement ensemble; c'est alors qu'on applique la couverture à la gaîne ou à l'étui. Cet art qui ne paroît rien & qui est assez peu de chose en lui-même, demande une propreté, une habileté, une main-d'oeuvre, & une habitude particuliere. Avec ces talens, on fait des ouvrages très-agréables; & l'on en a beaucoup à faire. Il y a peu de commerce plus étendu que la Gainerie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaine de terme Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gaine de terme Gaine de terme , en Architecture , c'est la partie inférieure d'un terme , qui va diminuant du haut enbas, & porte sur une base. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaine de scabellon Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gaine de scabellon Gaine de scabellon , en Architecture , c'est la partie ralongée qui est entre la base & le chapiteau d'un scabellon , & qui se fait de diverses manieres, & avec différens ornemens. Voyez Scabellon . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaine de flame Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gaine de flame Gaine de flame , ( Marine. ) c'est une maniere de fourreau de toile, dans lequel on fait passer le bâton de la flame. De pavillon , c'est une bande de toile cousue dans toute la largeur du pavillon: les rubans y sont passés. De giroüette , ce sont des bandes de toile par où l'on coud les giroüettes au fût. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaine ou Gaigne Author=Diderot Normalized Classification=Potier d'étain Part of Speech=NA Gaine * Gaine ou Gaigne , terme de Potier d'étain , c'est un trou quarré qui traverse les empreintes ou calibres qui servent à tourner; on pratique à ces outils de bois un trou rond avec une tarriere ou un gros vilbrequin, qui les traverse d'un bout à l'autre; on y place le mandrin de l'arbre du tour; & après avoir fait plusieurs autres petits trous autour du gros, qui y communiquent, & placé le mandrin, on jette de l'étain fondu sous la forme d'un trou quarré, juste au mandrin; on a soin de marquer un côté du mandrin sur la gaîne avant de le retirer, afin de remettre l'empreinte dans la même situation où étoit le mandrin lorsque la gaîne a été faite, & que toutes les fois qu'on aura besoin de remonter l'empreinte sur le tour, elle se trouve toûjours ronde. Lorsque la gaîne est jettée, on met l'empreinte ou calibre sur le tour, & avec des crochets on lui donne telle forme qu'il lui faut. Voyez Tourner l'Etain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAINIER Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GAINIER GAINIER, s. m. siliquastrum , ( Bot. ) genre de plante à fleur légumineuse, dont les deux pétales latérales sont plus élevées que la pétale supérieure; la partie inférieure est composée de deux pétales; il sort du calice un pistil entouré d'étamines qui devient une silique applatie, membraneuse, & remplie de semences, dont la figure approche de celle d'un rein; les feuilles de la plante sont alternes. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) On met au rang des principales especes le gaînier à fleur blanche, le gaînier à grande silique, le gaînier du Canada, le gaînier de la Caroline, outre le gaînier ordinaire qu'il suffira de décrire ici; il est nommé si- liquastrum par Tournefort, inst. 647 . Boerh. ind. alt. 2. 23, & autres . Sa racine est grosse, dure, ligneuse, vivace; elle pousse un tronc qui devient un arbre de moyenne grosseur & grandeur, divisé en branches éloignées les unes des autres, couvertes d'une écorce purpurine noirâtre; sur ses branches naissent au premier printems & avant les feuilles, des fleurs légumineuses, belles, agréables, purpurines, amassées plusieurs ensemble, attachées à des courts pédicules noirs; ses fleurs sont composées de cinq pétales, dont les deux inférieurs surpassent en grandeur les supérieurs, ce qui est le contraire des fleurs légumineuses de plusieurs autres plantes; leur goût est doux, un peu aigrelet; ensuite naissent le long des branches des feuilles seules & alternes, rondes comme celles du cabaret, mais beaucoup plus grandes, moins charnues, nerveuses, vertes en-dessus, blanchâtres en-dessous: quand les fleurs sont passées, il leur succede de longues gousses d'environ six pouces, très-applaties, membraneuses, & en quelque sorte transparentes, purpurines, faites comme des gaînes à couteaux, d'où vient en françois le nom de gaînier , qu'on donne à la plante. Ces gousses renferment entre les cosses plusieurs semences, presqu'ovales, plus grosses que des lentilles, dures, & rougeâtres. Cet arbre croît dans les pays chauds, en Espagne, en Italie, en Languedoc, en Provence, soit dans les vallées, soit sur les montagnes. Il fleurit en Avril & Mai; il n'est d'aucun usage en Medecine, mais on le cultive dans les jardins des curieux pour la beauté de ses fleurs; il réussit par des soins habiles dans les climats tempérés. Le gaînier d'Amérique donne en Angleterre de très-belles fleurs couleur de rose & en grappes; il porte ses graines à maturité, & s'éleve jusqu'à la hauteur de 20 piés. Sa culture n'est pas même difficile; on le multiplie de graine, qu'on seme sur couche au printems, dans une terre franche, mêlée d'un peu de fumier chaud; on couvre la plante avec des paillassons dans les orages pluvieux; on l'arrose dans les grandes chaleurs: on la transporte l'année suivante dans un bon terrein, où on la laisse pendant quelques années; on a soin de la nettoyer des mauvaises herbes, & d'amollir la terre avec la bêche, pour que les racines puissent s'étendre; au bout de quatre à cinq ans que l'arbuste a sejourné dans une bonne pépiniere, on le transplante avec précaution, ou dans des bosquets, ou dans des endroits sauvages, parmi les autres arbres qui viennent à la même hauteur que celui-ci. On le place au-devant de ceux qui s'élevent davantage, & l'on observe dans l'arrangement de ces sortes de plantations une gradation subsistante, dont l'ensemble paroissant en forme d'amphitéatre, forme un spectacle symmétrique qui plaît à la vûe. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaînier Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. Gaînier Gaînier , s. m. ( Arts méchan. ) artisan qui fait des gaînes: les autres ouvrages que font les maîtres Gaîniers , sont des boîtes, des écritoires, des tubes de lunettes d'approche, des coffres, & cassettes, des fourreaux d'épée & de pistolets, & autres semblables ouvrages couverts de chagrin, de maroquin, de veau, & de mouton: ils travaillent aussi à faire des flacons, des bouteilles, & autres pareils ouvrages de cuir bouilli. Les Gaîniers de la ville de Paris sont qualifiés par leurs statuts maîtres Gaîniers, Fourreliers, & ouvriers en cuir bouilli . Ils sont érigés en corps de jurande, dès l'an 1323; mais ce n'est proprement que par les reglemens du 21 Septembre 1560, donnés sous le regne de François II. que leur communauté a reçu sa derniere perfection. Suivant leurs statuts, aucun ne peut être reçû maître Gaînier , s'il n'a été apprenti pendant six ans chez un maître de Paris, & fait chef-d'oeuvre tel qu'il lui a été prescrit par les jurés de la communauté. Ceux qui ont appris le métier de Gainier dans quelque ville de France, ne peuvent être reçûs maitres à Paris, s'ils n'ont auparavant servi les maitres de cette ville l'espace de quatre années, & sait chef d'oeuvre, de même que les autres apprentis. Les fils de maîtres sont exempts du chef-d'oeuvre, & peuvent être admis à la maîtrise après une legere expérience, pourvû qu'ils ayent appris leur metier pendant six ans chez leur pere ou autre maitre de la communauté. Il est défendu à tout maître gaînier , sous peine de confiscation & d'amende, d'employer aucuns vieux cuirs dans leurs ouvrages. Chaque maître ne peut tenir qu'une seule boutique ouverte. Tous ceux qui se font recevoir à la maîtrise, doivent faire choix d'une marque pour marquer leurs ouvrages; l'empreinte de laquelle doit être mise sur la table de plomb gardée dans la chambre du procureur du roi du châtelet. Les veuves des maîtres Gaîniers peuvent pendant leur viduité, tenir boutique ouverte, & joüir des priviléges, suivant les ordonnances, à la reserve de faire des apprentis. Enfin les marchandises foraines concernant l'état de Gaînier , qui viennent à Paris pour y être vendues, doivent être vûes & visitées, lors de leur arrivée, par les jurés Gainiers , & ensuite lotties entre les maîtres. Dictionn. & réglem. du Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAIVES Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject.f. GAIVES GAIVES, adj. f. ( Jurisprud. ) choses gaives , dans l'ancienne coûtume de Normandie, & dans la nouvelle, ch. xjx. art. 604. & dans la charte aux Normands, sont choses égarées & abandonnées, qui ne sont appropriées à aucun usage d'homme, ni réclamées par aucun: ces choses doivent être gardées pendant un an & jour, & rendues à ceux qui font preuve qu'elles leur appartiennent; & après l'an & jour, elles appartiennent au roi ou aux seigneurs, quand elles ont été trouvées sur leurs fiefs. Voyez Couvel, liv. II. tit. j. Lauriere, gloss. au mot gaives. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACHIDE, ou GARACHIDE Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GALACHIDE, ou GARACHIDE GALACHIDE, ou GARACHIDE, s. f. ( Hist. nat. ) pierre dont parlent quelques auteurs, & dont ils ne donnent point de description, sinon qu'elle est noirâtre. On lui attribuoit plusieurs vertus merveilleuses, comme entr'autres de garantir celui qui la tenoit, des mouches & autres insectes: pour en faire l'épreuve, on frottoit un homme de miel pendant l'été, & on lui faisoit porter cette pierre dans la main droite; quand cette épreuve réussissoit, on reconnoissoit qu'elle étoit véritable; & on prétendoit qu'en la portant dans sa bouche, on découvroit les pensées des autres. Voyez le supplément de Chambers . Cette pierre fabuleuse se trouve encore nommée garatide, céranite , & gérachide ou gératide , dans les différens auteurs qui en ont parlé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACTITE, ou GALAXIE Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GALACTITE, ou GALAXIE GALACTITE, ou GALAXIE, s. f. ( Hist. nat. ) nom donné par quelques auteurs à une pierre que Wallerius croit avoir été une espece de jaspe blanc. Pline, liv. XXXVII. chap. x. dit qu'elle est remplie de veines rouges ou blanches. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACTOPHAGE, GALACTOPOTE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GALACTOPHAGE, GALACTOPOTE GALACTOPHAGE, GALACTOPOTE, s. m. & f. qui vit de lait, qui boit habituellement du lait; on a donné ces noms à des peuples entiers, dont le lait étoit la principale nourriture, soit comme aliment, soit comme boisson. Voyez le dictionn. de Trév . Ces mots ont été quelquefois employés par les Medecins pour désigner les malades qui sont à la diete blanche, c'est-à-dire qui ne vivent presque que de lait, par régime & par remede. Ces termes sont grecs; ils sont formés du mot commun à tous les deux, γάλακτος , génitif de γάλα lac , lait; du mot φάγος , edax , mangeur, pour l'un; & de πότης , potor , buveur, pour l'autre: d'où galactophage & galactopote . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACTOPHORE Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GALACTOPHORE GALACTOPHORE, ( Anat. ) qui porte du lait. Voyez Lait . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACTOPOIESE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GALACTOPOIESE GALACTOPOIESE, s. f. γαλακτοποικτική , lactificatio , c'est la faculté qu'ont les mammelles de servir à l'élaboration, à la secrétion du lait. Voyez Lait , Mammelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACTOPOSIE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GALACTOPOSIE GALACTOPOSIE, γαλακτοποσία , s. f. se dit du traitement des différentes maladies, par le moyen du lait. Voyez Lait , Goutte , Phthisie , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACTOSE Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GALACTOSE GALACTOSE, s. f. changement en lait, production du lait: ce terme est dérivé de γαλακτοῦμαι , qui signifie se changer en lait; & de-là, γαλάκτωσις , galactosis , employé pour désigner l'élaboration, la secrétion par laquelle le chyle, dans la masse des humeurs, est changé en lait par l'action de la vie, & séparé dans les mammelles avec les qualités du lait. Les Médecins se servent du terme de galactose , & il se trouve dans le journal des Sc. de 1665. Dict. de Trév . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAL Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GAL GAL, s. m. poisson, Voyez Dorée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALACZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALACZ GALACZ, Axiopolis , ( Géog. ) ville de la Turquie européenne, dans la Bulgarie près du Danube, entre les embouchures du Pruth & du Séret ou Moldawa. M. de Lisle écrit Galasi . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALAIQUE, galaïcos Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GALAIQUE GALAIQUE, galaïcos , s. f. ( Hist. nat. ) nom donné par Pline à une pierre qu'il dit ressembler à l'argyrodamas, c'est-à-dire, selon quelques-uns au talc; excepté que Pline dit qu'elle est d'un blanc plus sale. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALANGA Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GALANGA GALANGA, s. m. poisson, Voyez Baudroie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galanga Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=NA Galanga Galanga , ( Botan. exot. ) racine des Indes orientales, qui est d'usage en Medecine. On trouve deux especes de galanga dans les boutiques, le petit & le grand, tous deux décrits avec soin par M. Geoffroy. Le petit galanga, galanga minor , ou galanga sinensis off. est une racine tubéreuse, noüeuse, genouillée, tortue, repliée & recourbée comme par articulations de distance en distance, divisée en branches, & entourée de bandes circulaires: cette racine est inégale, dure, solide, de la grosseur du petit doigt, de couleur brune en-dehors & rougeâtre en-dedans, d'une odeur vive, aromatique: sa saveur un peu amere, pique & brûle le gosier, comme font le poivre & le gingembre. On rous apporte cette racine séchée, coupée par tranches ou en petits morceaux; on la tire de la Chine & des Indes orientales, où elle croît d'elle-même, & où les habitans la cultivent: il faut la choisir saine, nourrie, compacte, odorante, d'un goût piquant. La plante qui s'éleve de cette racine est appellée lagundi par les Indiens. On assûre qu'elle est composée de feuilles graminées, comme le gingembre; qué les fleurs, extrèmement odorantes, sont blanches & faites en maniere de casque; & que son fruit a trois loges pleines de petites graines arrondies. Le grand galanga, galanga major, galanga javanensis off. est une racine tubéreuse, noüeuse, inégale, genouillée, semblable à celle du petit galanga , mais plus grande, de la grosseur d'un ou de deux pouces, d'une odeur & d'un goût bien plus foibles & moins agréables, d'un brun rougeâtre en dehors & pâle en-dedans. La plante qui produit cette racine s'appelle aux Indes bangula; & c'est tout ce que nous en savons. Le grand & le petit galanga ont été également inconnus aux Grecs anciens & modernes, ainsi qu'aux Arabes: ces deux racines contiennent un sel volatil, huileux, aromatique, mais en plus grande abondance dans le petit galanga que dans le grand. Le petit galanga passe sur-tout pour être propre à fortifier l'estomac relâché par l'atonie des fibres: on peut alors l'employer comme stomachique, jusqu'au poids d'une dragme en poudre, & jusqu'à trois dragmes en infusion dans un véhicule convenable. Les Indiens se servent des deux racines pour assaisonner leur nourriture, & nos Vinaigriers pour donner de la force à leurs vinaigres: les Droguistes vendent quelquefois l'un & l'autre galanga pour la racine d'acorus: cependant cette derniere n'a pas une adstriction si considérable. L'huile pure des fleurs de galanga , qu'on tire aux Indes orientales, est aussi rate que précieuse: M. Tronchin en reçut en 1749 du gouverneur de Batavia, une très-petite quantité, mais d'une qualité si parfaite, que je parfumai, j'embaumai deux livres de thé avec une seule goutte de cette huile admirable. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALANT Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GALANT GALANT, adj. pris subst. ( Gramm. ) ce mot vient de gal , qui d'abord signifia gaieté & réjoüissance , ainsi qu'on le voit dans Alain Chartier & dans Froissard: on trouve même dans le roman de la rose, galandé , pour signifier orné, paré . La belle fut bien atornée Et d'un filet d'or galandée . Il est probable que le gala des Italiens & le galan des Espagnols, sont dérivés du mot gal , qui paroît originairement celtique; de-là se forma insensiblement galant , qui signifie un homme empressé à plaire: ce mot reçut une signification plus noble dans les tems de chevalerie, où ce desir de plaire se signaloit par des combats. Se conduire galamment, se tirer d'affaire galamment , veut même encore dire, se conduire en homme de coeur . Un galant homme, chez les Anglois, signifie un homme de courage: en France, il veut dire de plus, un homme à nobles procédés . Un homme galant est tout autre chose qu'un galant homme; celui-ci tient plus de l'honnête homme, celui-là se rapproche plus du petit-maître, de l'homme à bonnes fortunes. Etre galant , en général, c'est chercher à plaire par des soins agréables, par des empressemens flatteurs. Voyez l'article Galanterie . Il a été très galant avec ces dames , veut dire seulement, il a montré quelque chose de plus que de la politesse : mais être le galant d'une dame , a une signification plus forte; cela signifie être son amant; ce mot n'est presque plus d'usage aujourd'hui que dans les vers familiers. Un galant est non-seulement un homme à bonne fortune; mais ce mot porte avec soi quelque idée de hardiesse, & même d'effronterie: c'est en ce sens que la Fontaine a dit: Mais un galant chercheur de pucelage . Ainsi le même mot se prend en plusieurs sens. Il en est de même de galanterie , qui signifie tantôt coquetterie dans l'esprit, paroles flatteuses, tantôt présent de petits bijoux, tantôt intrigue avec une femme ou plusieurs; & même depuis peu il a signifié ironiquement faveurs de Vénus : ainsi dire des galanteries, donner des galanteries, avoir des galanteries, attraper une galanterie , sont des choses toutes différentes. Presque tous les termes qui entrent fréquemment dans la conservation, reçoivent ainsi beaucoup de nuances qu'il est difficile de démêler: les mots techniques ont une signification plus précise & moins arbitraire. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALANTERIE Author=Diderot3 Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. GALANTERIE GALANTERIE, s. f. ( Morale. ) on peut considérer ce mot sous deux acceptions générales; 1°. c'est dans les hommes une attention marquée à dire aux femmes, d'une maniere fine & délicate, des choses qui leur plaisent, & qui leur donnent bonne opinion d'elles & de nous. Cet art qui pourroit les rendre meilleures & les consoler, ne sert que trop souvent à les corrompre. On dit que tous les hommes de la cour sont polis; en supposant que cela soit vrai, il ne l'est pas que tous soient galans. L'usage du monde peut donner la politesse commune: mais la nature donne seule ce caractere séduisant & dangereux, qui rend un homme galant, ou qui le dispose à le devenir. On a prétendu que la galanterie étoit le leger, le délicat, le perpétuel mensonge de l'amour. Mais peut-être l'amour ne dure-t-il que par les secours que la galanterie lui prete: seroit-ce parce qu'elle n'a plus lieu entre les époux, que l'amour cesse? L'amour malheureux exclud la galanterie ; les idées qu'elle inspire demandent de la liberté d'esprit; & c'est le bonheur qui la donne. Les hommes véritablement galans sont devenus rares; ils semblent avoir été remplacés par une espece d'hommes avantageux, qui ne mettant que de l'affectation dans ce qu'ils font, parce qu'ils n'ont point de graces, & que du jargon dans ce qu'ils disent, parce qu'ils n'ont point d'esprit, ont substitué l'ennui de la fadeur aux charmes de la galanterie . Chez les Sauvages, qui n'ont point de gouvernement reglé, & qui vivent presque sans être vêtus, l'amour n'est qu'un besoin. Dans un état où tout est esclave, il n'y a point de galanterie , parce que les hommes y sont sans liberté & les femmes sans empire. Chez un peuple libre, on trouvera de grandes vertus, mais une politesse rude & grossiere: un courtisan de la cour d'Auguste seroit un homme bien singulier pour une de nos cours modernes. Dans un gouvernement où un seul est chargé des affaires de tous, le citoyen oisif placé dans une situation qu'il ne sauroit changer, pensera du-moins à la rendre supportable; & de cette nécessité commune naîtra une société plus étendue: les femmes y auront plus de liberté; les hommes se feront une habitude de leur plaire; & l'on verra se former peu-à-peu un art qui sera l'art de la galanterie: alors la galanterie repandra une teinte générale sur les moeurs de la nation & sur ses productions en tout genre; elles y perdront de la grandeur & de la force, mais elles y gagneront de la douceur, & je ne sais quel agrément original que les autres peuples tâcheront d'imiter, & qui leur donnera un air gauche & ridicule. Il y a des hommes dont les moeurs ont tenu toûjours plus à des systèmes particuliers qu'à la conduite générale; ce sont les philosophes: on leur a reproché de n'être pas galans; & il faut avoüer qu'il étoit difficile que la galanterie s'alliât chez eux avec l'idée sévere qu'ils ont de la vérité. Cependant le philosophe a quelquefois cet avantage sur l'homme du monde, que s'il lui échappe un mot qui soit vraiment galant, le contraste du mot avec le caractere de la personne, le fait sortir & le rend d'autant plus flatteur. 2°. La galanterie considérée comme un vice du coeur, n'est que le libertinage auquel on a donné un nom honnête. En général, les peuples ne manquent guere de masquer les vices communs par des dénominations honnêtes. Les mots galant & galanterie ont d'autres acceptions. Voyez l'article précédent . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALARICIDE, ou GALARICTE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GALARICIDE, ou GALARICTE GALARICIDE, ou GALARICTE, ( Hist. nat. ) nom d'une terre ou pierre grise ou de couleur de cendre, que l'on trouvoit dans le Nil en Egypte, qui étant écrasée, avoit, à ce qu'on prétend, le goût & la blancheur du lait; on ajoûte qu'en la tenant dans sa bouche, elle troubloit l'esprit; qu'attachée au cou, elle augmentoit le lait; & que placée sur la cuisse, elle facilitoit l'accouchement; en la pulvérisant & la mêlant avec du sel & de l'eau, ce mêlange privoit les brebis de leur lait, & les guérissoit de la gale. Quoi qu'il en soit de ces propriérés fabuleuses, M. Hill, qui apparemment a eu occasion de la voir, & qui la nomme galactites , dit qu'elle n'est point soluble dans les acides, & qu'elle blanchit par la calcination; que les Medecins s'en servoient dans les maladies des yeux. Voyez Hill, hist. nat. des fossiles, & Boetius de Boot. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALASO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALASO GALASO, Galaesus , ( Géog. ) ou comme Horace s'exprime, Galaesi flumen , ainsi que Virgile disoit, urbs Patavii; petite riviere de la terre d'Otrante, qui passe à Castavillanella, & tombe dans le golfe de Tarente: ses eaux sont belles, & son cours fort lent. Horace a dit: Si Parcae prohibent iniquae, Dulce pellitis ovibus Galaesi Flumen petam . « Si les injustes Parques me refusent cette faveur, je me retirerai dans le pays où le Galaso serpente à-travers de gras pâturages, & où les troupeaux sont chargés de riches toisons ». ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALATA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALATA GALATA, Chrisoseras, cornu Byzantiorum , ( Géog. ) petite ville de la Turquie en Europe, sur le port & vis-à-vis de Constantinople, dont elle passe pour un des fauxbourgs; les Chrétiens y ont quelques églises. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALATÉE Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA GALATÉE GALATÉE, ( Mythologie. ) nymphe de la mer, fille de Nérée & de Doris, selon les Poëtes, qui la nommerent Galathée , soit à cause de sa blancheur, soit suivant Eustathe, parce qu'elle étoit la mer même dont l'écume fait blanchir les flots. Quoi qu'il en soit, cette charmante nymphe fut en même tems aimée par le berger Acis, pour lequel elle eut le retour le plus tendre, & par l'affreux Polyphème qu'elle détesta souverainement. Si vous me demandiez, dit-elle dans Ovide, si je n'avois pas autant de haine pour le cyclope que d'amour pour Acis, je vous répondrois que la chose étoit bien égale. Acis fut la victime des sentimens de Galatée: un jour le cyclope le surprit avec son amante, & lança sur lui un rocher d'une grosseur immense dont il l'écrasa; la nymphe pénétrée de douleur, changea le sang du fils de Faune en un fleuve qui prit son nom; ensuite elle se jetta de desespoir dans la mer, & rejoignit pour toûjours ses soeurs les Néréides. Il paroît que cette sable n'a d'autre fondement que l'imagination des Poëtes, ou quelque avanture dans laquelle un rival puissant & furieux aura fait périr l'amant & la maîtresse. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALATIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GALATIE GALATIE, ( Géog. anc. ) c'étoit une grande contrée de l'Asie mineure, bornée à l'est par la Cappadoce, au sud par la Pamphilie, à l'oüest par la grande Phrygie, & au nord par le Pont-Euxin. Ce pays étoit divisé en trois contrées, la Paphlagonie, l'lsaurie, & la Galatie propre, autrement dite Gallo-Grece , située au milieu des deux autres. Ses peuples originaires étoient les Troêmes, les Proserliminitains, les Bycênes, & les Orondices. Les Gaulois qui s'établirent parmi eux portoient les noms de Tectosages , de Tolistobogiens , de Votures , & d' Ambians . Aujourd'hui on appelle la Galatie propre, le Chiangare; sa capitale, qu'on nommoit anciennement Ancyre , s'appelle maintenant Angouri . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALAUBAN, GALAUBANS, GALEBANS, GALANS Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GALAUBAN, GALAUBANS, GALEBANS GALAUBAN, GALAUBANS, GALEBANS, GALANS, s. m. ( Marine. ) les deux derniers sont peu en usage. Les galaubans sont des cordages sort longs qui prennent du haut des mâts de hune, & qui descendent jusqu'aux deux côtés du vaisseau; ils servent à tenir ces mâts, & secondent l'effet des haubans. Chaque mât de hune a deux galaubans , l'un à stribord & l'autre à basbord. Voyez Pl. I . à la cote 64. les galaubans du grand hunier. Les galaubans sont très-utiles quand on fait ventarriere, parce qu'ils affermissent les mâts de hune, & les empêchent de pencher trop vers l'ayant: la grosseur de ce cordage doit être les trois quarts de celle de l'étai de leur mât de hune. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALAIS, ou GALOIS Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m.pl. GALAIS, ou GALOIS GALAIS, ou GALOIS, s. m. pl. ( Jurisprud. ) sont en Poitou des épaves ou choses trouvées, & qui ne sont avoüées de personne. Voyez Constant, sur l'article 99 de cette coûtume . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALAXIE Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=s.f. GALAXIE GALAXIE, s. f. terme d'Astronomie; c'est cette longue trace blanche & lumineuse, qui occupe une grande partie du ciel, & qui se remarque aisément dans une nuit claire & sereine, sur-tout quand il ne fait point de lune. Les Grecs l'appelloient ainsi du mot grec γάλα , lait , à cause de sa couleur blanche: les Latins, pour la même raison, l'appelloient via lactea , & c'est pour cela que nous l'appellons voie lactée: cette derniere dénomination est aujourd'hui la plus en usage. Elle s'étend du Sagittaire aux Gémeaux, en passant à-travers ou aupres de différentes autres constellations, & semble diviser toute la région du ciel en deux parties: sa largeur est inégale; en quelques endroits elle est double & se divise comme en deux branches. Plusieurs Astronomes, entr'autres Galilée, ont dit que quand on dirige un bon télescope vers quelque partie que ce soit de la voie lactée, on découvre une multitude innombrable de petites étoiles dans le même endroit où on ne voyoit auparavant qu'une blancheur confuse: & que ces étoiles sont si éloignées, que l'ceil nud les confond ensemble. On prétend qu'on observe la même chose dans ces autres taches appellées étoiles nébuleuses; & que si on les examine avec un télescope, elles paroissent distinctement n'être qu'un amas de petites étoiles trop foibles pour que chacune puisse se laisser appercevoir séparément à la vûe simple. Telle est l'opinion commune aujourd'hui sur la voie lactée, & qui a été répétée en une infinité d'endroits; mais elle n'est point encore adoptée de tous les astronomes. M. le Monnier assûre qu'en employant des lunettes de 15 & de 25 piés, on n'y découvre pas plus d'étoiles que dans les autres régions du ciel: on remarque seulement dans la voie lactée une blancheur que l'on pourroit conjecturer, selon lui, venir d'une matiere semblable à celle qui compose les étoiles nébuleuses. Inst. astr. p. 60 . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALAXIES Author=unknown Normalized Classification=Antiquité grecque Part of Speech=NA GALAXIES GALAXIES, Galaxia , ( Antiq. greq. ) fête en l'honneur d'Apollon, suivant Meursius; elle prenoit son nom d'un gâteau d'orge cuit avec du lait, qui faisoit en ce jour-là la matiere principale du sacrifice. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALBA Author=Diderot Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GALBA * GALBA, s. m. ( Hist. nat. bot. ) arbres très-communs aux Antilles. Il y en a beaucoup aussi à la Martinique. Ils y forment des allées presque impénétrables aux rayons du soleil. Le galba a la feuille de moyenne grandeur, ovale, & d'un verd gai. Il donne un fruit de la grosseur d'une petite noix, exactement rond, uni, & couvert d'une peau dure & ligneuse. Il n'a point de tubercules comme la noix de galle, à laquelle il ressemble beaucoup d'ailleurs, quant à sa figure, mais non quant aux propriétés. Il renferme une substance dont on peut tirer de l'huile. Les Sauvages s'en servent quelquefois pour frotter leurs especes de meubles. Ils l'employent au défaut de celle de grougrou. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALBANUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire des drogues | Matière médicale | Pharmacie Part of Speech=s.m. GALBANUM GALBANUM, s. m. ( Hist. des drogues, Mat. méd. Pharm. ) suc résineux & gommeux, fort connu des anciens, & qui distille d'une plante férulacée. C'est le chêne des Arabes, le χαλβάνη de Dioscoride, le הלכבח , chalbane des Hébreux, mot tiré de chalbanah , qui signifie gras, onctueux, gommeux; & c'est aussi bien clairement du mot grec ou hébraique latinisé, que le terme françois prend son origine. Cette gomme-résine entroit dans la composition du parfum qui devoit être brûlé sur l'autel d'or. Le Seigneur dit à Moyse, prenez des parfums, du stacte, de l'onix, du galbanum odoriférant, avec de l'encens le plus pur, & que tout soit du même poids; vous ferez un parfum composé avec soin du mélange de toutes ces choses. Exod. ch. xxx. vers. 34 . Ce parfum ne déplairoit point aujour d'hui à nos femmes hystériques, & à nos hommes hypochondriaques; peut-être ne seroit-il pas difficile de trouver les mêmes causes analogiques qui le rendoient autrefois agréable ou nécessaire au peuple juif, par son influence sur leur genre nerveux, également affoibli comme le nôtre: mais cette discussion me meneroit trop loin. Le galbanum est une substance grasse, ductile comme de la cire, à demi-transparente, brillante, dont la nature tient en quelque maniere le milieu entre la gomme & la résine; car elle s'allume au feu comme la resine, se dissout dans l'eau, le vin, le vinaigre, comme les gommes, & point ou difficilement dans les huiles; sa couleur est blanchâtre & presque transparente lorsqu'elle est récente, ensuite jaunâtre ou rousse, d'un goût amer, acre, d'une odeur forte. On trouve deux especes de galbanum chez les droguistes & dans les boutiques d'apothicaires; l'un est en larmes, & l'autre en pains ou en masse. Le premier est le meilleur; on l'estime quand il est récent, pur, gras, médiocrement visqueux, inflammable, formé de grumeaux blanchâtres & brillans, d'un goût amer & d'une odeur forte. Le galbanum en masse doit être choisi le plus net qu'il sera possible, sec, & d'une odeur forte. On jette celui qui est brun, sordide, mêlé de matieres etrangeres, de sable, de terre, de bois, ou autres parties de la plante qui le produit. Il paroit cependant ne differer du galbanum en larmes, qu'à cause de la négligence & du peu de soin qu'on a eu à le recueillir. Pour le nettoyer, on le met dans l'eau bouillante; & quand il est fondu. on en ôte facilement les ordures qui surnagent. On l'adultere quelquefois avec de la résine, des feves blanches concassées, & de la gomme ammoniaque. Le meilleur moyen d'éviter cette sofistiquerie est de le tirer de bonne main. Les anciens Grecs ont connu cette larme. Dioscoride dit qu'elle découle d'une certaine férule, qui s'appelloit métopion . En effet elle découle d'elle-même ou par incision, d'une plante férulacée ou ombellifere que M. de Tournefort a rapportée au genre d' oreoselinum , par la structure de son fruit, & dont voici les synonymes: Oreoselinum africanum galbaniferum, frutescens, anisi folio , I. R. H. 319. Ferula africana, galbaniferae, ligustici foliis, & facie , Par. Bat. 163. Raii, hist. 3. 252 . Boerh. Ind. alt. 65 . Till. Hort. pis. 61. Anisum africanum frutescens, folio & caule colore caeruleo tinctis , Pluk. Phytog. 12. f. 12. Anisum fruticosum africanum, galbaniferum , hist. oxon. 3. 297. Oreoselinum anisoides, arborescens, ligustici foliis & facie, flore luteo, capitis Bonoe-spei , Breyn. prod. 2. 79. Ferula galbanisera syriaca, offic . Cette plante est toûjours verte. Sa racine est grosse, ligneuse, pâle, partagée en quelques branches ou fibres. Les tiges sont de la grosseur d'un pouce; elles s'élevent à la hauteur de plus de deux ou trois coudées; elles subsistent & sont ligneuses, rondes, genouillées, remplies d'une moelle blanchâtre un peu dure, & partagées en quelques rameaux. Chaque espace entre les noeuds des tiges & des rameaux, est couvert d'un feuillet membraneux, d'où sortent les feuilles semblables à celles de l'anis, mais plus amples, plus fermes, & découpées plus aigu, de couleur de verd de mer, d'une saveur & d'une odeur acres. Les tiges, les rameaux & les feuilles sont couverts d'une rosee de la même couleur. Les fleurs naissent au sommet destiges, disposées en parasol; elles sont petites, à cinq pétales, en rose de couleur jaune. Quand elles sont tombées, il leur succede des graines presque rondes, applaties, d'un brun roussâtre, cannelées & bordées tout-autour d'une aile mince & membraneuse; elles ont un goût acre, aromatique & piquant; elles ressemblent aux graines de la livêche, hormis qu'elles ne sont pas sillonnées si profondément, & qu'elles ont une bordure membraneuse que n'ont point les graines de livêche. Toute cette plante est remplie d'un suc visqueux, laiteux, clair, qui se condense en une larme, qui répond au galbanum par tous ces caracteres; il découle de cette plante en petite quantité par incision, & quelquefois de lui-même, des noeuds des tiges qui ont trois ou quatre ans: mais on a coûtume de couper la tige à deux ou trois travers de doigt de la racine, & le suc découle goutte-à-goutte; quelques heures après il s'épaissit, se durcit, & on le recueille. Cette plante croît en Arabie, en Syrie, dans la Perse, & dans différens pays de l'Afrique, sur-tout dans la Mauritanie. Quelques curieux la font venir aussi dans des serres, & elle a poussé heureusement durant quelques années dans le jardin royal de Paris. Pour réussir dans sa culture, il faut semer sa graine d'abord après qu'elle est mûre, dans un pot de bonne terre, qu'on placera dans un lit chaud durant l'hyver pour la préserver du froid. On transportera ensuite la plante dans de plus grands pots, à mesure qu'elle s'élevera, ce qu'on exécutera dans le mois de Septembre. On la tiendra toûjours en hyver dans une serre; on l'arrosera fréquemment en été, & alors on lui procurera de l'air autant qu'il sera possible. Au reste tous ces soins ne sont que pour la curiosité, car cette férule ne donne de larme que dans les lieux de sa naissance. La plante que Lobel appelle ferula galbanifera , Lob. icon. 779. est bien différente de celle dont il s'agit ici; car la férule de Lobel, malgré le nom qu'il lui a imposé, ne produit point le galbanum , comme M. de Tournefort l'a observé, mais une autre sorte de gomme fort rouge, & dont l'odeur n'est point forte. Le galbanum se dissout dans le vin, le vinaigre & dans l'eau chaude; mais difficilement dans l'huile, ou l'esprit-de-vin. Il abonde en sel tartareux, & en une huile épaisse, fétide, que l'esprit-de-vin, comme trop délié, n'extrait qu'à peine, tandis qu'elle s'enleve & se dégage avec le vinaigre, le vin, & l'eau chaude. Les auteurs modernes n'ont fait que copier ce que Dioscoride a dit de ses vertus, dont il a parlé fort au long & en général assez bien contre son ordinaire. Sa saveur est acre, amere, nauséabonde; son odeur forte & desagréable, dépendantes de son huile & de son sel tartareux, indiquent que ses propriétés sont analogues à celles des autres gommes de son espece, le bdellium, l'opopanax, le sagapenum, l'assa foetida & la gomme ammoniaque, qui sont échauffantes, pénétrantes, stimulantes, résolutives, propres pour les maladies froides du genre nerveux. Cependant le galbanum est plus foible que la gomme ammoniaque pour purger; mais il resserre ensuite un peu davantage. On l'employe intérieurement & extérieurement. Il faut en user avec reserve pour l'intérieur. Sa dose en substance est depuis un scrupule jusqu'à demi dragme: on le méle comme on veut avec les autres gommes & purgatifs, & on en fait des pilules, dont je donnerai tout-à-l'heure des exemples. Le galbanum est un très-bon médicament en qualité d'anti-hystérique, d'emmenagogue & de fondant, quand il n'y a point d'inflammation, & qu'il est besoin d'échauffer, de stimuler, de dissoudre une pituite tenace, glutineuse, abondante, qui cause des obstructions dans les intestins, dans l'utérus, & dans les autres parties du corps; ce qui est sort commun dans les pays septentrionaux. En ce cas on peut prendre galbanum , gomme ammoniaque, de chacun deux onces; vitriol de mars de riviere demi-once; diagrede trente grains; du sirop de nerprun, s. q. faire d'abord une masse de pilules dont la dose sera depuis cinq grains jusqu'à vingt, quand il s'agira de fondre des humeurs, de desobstruer, d'exciter les regles, &c. Ou bien alors dans les mêmes cas, prenez galbanum , assa foetida, myrrhe, de chacun une dragme; camphre, sel de succin, de chacun demi-scrupule; borax deux scrupules; sirop d'armoise s. q. faire d'abord une masse de pilules, dont la dose sera d'un scrupule. S'il est besoin d'agir plus puissamment, prenez galbanum un scrupule; succin pulvérisé douze grains; scammonée dix grains; formez-en un bol avec conserve de fleurs de chicorée, s. q. En un mot on peut diversifier le mélange du galbanum avec les autres gommes & purgatifs à l'infini, suivant les vûes qu'on se propose. Le galbanum s'employe extérieurement sans danger & sans limites; il incise, il attire puissamment, il amollit, & fait mûrir: c'est pour cela qu'on le mêle dans la plûpart des emplâtres émolliens, digestifs & résolutifs. Appliqué sur la région du bas-ventre en maniere d'emplâtre, il adoucit quelquefois les maladies hystériques, & les mouvemens spasmodiques des intestins. C'est dans la même intention qu'on prend parties égales de galbanum , d'assa foetida, de castoreum, dont on forme des trochisques, pour en faire des fumigations dans les accès hystériques. On peut aussi dissoudre le galbanum dans l'huile d'aspic, & en faire un liniment nervin. On se sert aussi beaucoup de l'emplâtre de galbanum dans plusieurs cas, & du galbanum de Paracelse dans des commencemens de paralysie. Or voici comme on prépare le galbanetum de Paracelse, qui passe pour un bon remede externe dans la contraction des nerfs & la suspension de leur action. prenez une livre de galbanum , demi-livre d'huile de térébenthine, deux onces d'huile d'aspic; digérez le tout pendant deux ou trois jours; distillez-le ensuite dans la cornue, & gardez la liqueur distillée dans un vase bien bouché pour l'usage. On employe le galbanum dans la thériaque, le mithridat, le diascordium, l'onguent des apôtres, l'onguent d'althaea, le diachylon avec les gommes, l'emplâtre de mucilage, le manus-Dei , le divin, l'oxicroceon, le diabotanum & autres; car cette larme gommeuse n'est d'usage qu'en Medecine. Il en arrive du Levant chaque année trente ou quarante quintaux, par la voie de Marseille en France, dont elle fait en partie la consommation, & en partie la vente dans les pays étrangers. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALBE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GALBE GALBE, s. m. ( Architecture. ) c'est le contour des feuilles d'un chapiteau ébauche, prêtes à être refendues. Ce mot se dit aussi du contour d'un dôme, d'un vase, d'un balustre, & de tout ornement dont le galbe est l'ame. C'est pour parvenir à donner à teus morceaux d'architecture de forme réguliere ou irréguliere un beau galbe , qu'il faut savoir dessiner l'ornement, la figure, &c. afin que par ce secours on puisse éviter les jarrets, & donner à chaque forme le caractere & l'expression qui lui convient. Voyez Dessinateur . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALE Author=Louis Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. GALE GALE, s. f. ( Medecine. ) maladie qui corrompt la peau par l'écoulement de certaines humeurs acres & salines, qui s'amassent en forme de pustules, & occasionnent des demangeaisons. Il y a deux especes de gale , la seche & l'humide: la premiere est appellée gale canine, scabies canina , parce que les chiens y sont sujets; ou seche, sicca, à cause qu'elle suppure peu; prurigineuse, prunginosa, à pruritu , demangeaison; car elle en cause une qui est très-importune; gratelle , parce qu'on se gratte sans cesse: on lui donne encore les noms d' impetigo, lichen, mentagara: la seconde est nommée grosse gale ou gale humide, scabies crassa & humida , parce qu'elle est plus grosse que la premiere, & qu'elle forme des pustules circonscrites qui suppurent comme autant de petits phlegmons qui dégenerent en abcès. On attribue ordinairement la premiere à une humeur atrabilaire, & la derniere à une pituite saline; elles sont toutes deux contagieuses. Voyez l'art. suiv . Le docteur Bononio prétend avoir beaucoup mieux expliqué la cause de cette maladie, qu'aucun de ceux qui l'ont précédé: voici son hypothese. Il examina plusieurs globules de matiere, qu'il fit fortir avec une épingle des pustules d'une personne qui étoit attaquée de cette maladie, avec un microscope, & les trouva remplis de petits animaux vivans semblables à une tortue, fort agiles, ayant six piés, la tête pointue, & deux petites cornes au bout du museau. Fondé sur cette découverte, il ne craint pas d'attribuer la cause de cette maladie contagieuse aux morsures continuelles que ces animaux font à la peau, & qui donnant passage à une partie de la sérosité, occasionne de petites vessies, dans lesquelles ces insectes continuant à travailler, ils obligent le malade à se gratter, & à augmenter par-là le mal, en déchirant non-seulement les petites pustules, mais encore la peau & quelques petits vaisseaux sanguins; ce qui occasionne la gale , les croûtes, & les autres symptomes desagréables dont cette maladie est accompagnée. On voit par-là d'où vient que la gale se communique si aisément; car ces animaux peuvent passer d'un corps dans un autre avec beaucoup de facilité, par le simple attouchement. Comme leur mouvement est extrèmement rapide, & qu'ils se glissent aussi-bien sur la surface du corps que sous l'épiderme; ils sont très-propres à s'attacher à tout ce qui les touche; & il suffit qu'il y en ait un petit nombre de logés, pour se multiplier en peu de tems. On voit donc par-là d'où vient que les lixiviels, les bains, & les onguens faits avec les sels, le soufre, le mercure, &c. ont la vertu de guerir cette maladie; car ils ne peuvent que tuer la vermine qui s'est logée dans les cavités de la peau; ce qu'on ne sauroit faire en se grattant, à cause de leur extrème petitesse, qui les dérobe aux ongles. Que s'il arrive quelquefois dans la pratique que cette maladie revienne lorsqu'on la croit tout-à-fait guérie par les onctions, on n'en doit pas être surpris: car quoique les onguens puissent avoir tué tous ces animaux, il n'est pas cependant probable qu'ils ayent détruit tous les oeufs qu'ils ont laisses dans la peau, comme dans un nid ou ils éclosent de nouveau pour renouveller la maladie. Chambers . On peut, sans manquer à la Medecine, ne pas se déclarer partisan de cette opinion, & regarder la gale comme une indisposition de la peau, par l'alteration de l'humeur séreuse des glandes de cette partie, dont le vice se communique bien-tôt à toute la masse du sang. L'humeur cutanée peut être viciée par contagion, en couchant avec un galeux, ou dans le même lit où il a couché: on a même des exemples de personnes qui ont gagné la gale parce que leur linge avoit été lavé avec celui d'un galeux. La stagnation de l'humeur cutanée peut acquérir par son sejour la nature d'un levain acre & en quelque sorte corrosif, qui cause non-seulement la gale , mais souvent des éruptions ulcéreuses. De-là vient que sans communiquer avec des galeux, ceux qui ont été détenus long-tems en prison, ceux qui ont mené une vie sédentaire, les personnes mal-propres, celles enfin qui ont été exposées aux ordures, &c. sont sujets à contracter cette maladie. Les principales indications se réduisent à corriger le vice de l'humeur des glandes de la peau, & à rectifier cet organe. Les applications locales peuvent l'effectuer; & lorsque la maladie est récente ou nouvellement contractée, elle est souvent guérie avec sûreté par les seuls topiques: mais si le vice a pénétré, & qu'il ait été transmis dans le sang par les voies de la circulation, il y a du danger à guérir la gale sans les préparations convenables: il faut d'abord travailler à la dépuration du sang par la saignée, les purgatifs, & les altérans convenables, tels que le petit-lait avec le suc de fumeterre, la creme de tartre mêlée avec la fleur de soufre, les bouillons de vipere, &c. Dans les gales opiniâtres, on est quelquefois obligé, après l'usage des bains, de faire usage des remedes mercuriels. La gale scorbutique demande l'administration des remedes propres à détruire le vice du sang dont elle est un symptome. Il y a beaucoup de bons auteurs qui ont traité de la gale; on ne peut faire trop d'attention aux observations qu'ils rapportent; & quoique cette maladie soit souvent confiée sans danger aux soins de personnes peu éclairées, les suites fâcheuses d'un traitement mauvais ou négligé devroient avoir appris par de tristes expériences, à se mettre en garde contre les gens qui conseillent & administrent des remedes sans connoissance de cause. Les remedes qui dessechent les pustules de gale , sans prendre de précautions par l'usage des medicamens intérieurs, peuvent n'avoir aucun inconvénient, lorsque le caractere de la maladie est doux, qu'elle est récente & gagnée par contagion: il n'en est pas de même, lorsque la gale est occasionnée ou entretenue par quelque disposition cacochymique du sang & des humeurs: dans ce cas, la répercussion de l'humeur nuisible peut causer plusieurs indispositions mortelles, parce qu'elle se porte sur le poumon, sur le cerveau, & autres parties nobles. Plusieurs personnes ont eu le genre nerveux attaqué par l'usage de la ceinture mercurielle. Les pauvres gens se traitent & se guérissent de la gale en se faisant saigner & purger; ils prennent ensuite de la fleur de soufre dans un oeuf ou dans du petit lait; & ils en mêlent dans du beurre ou de la graisse, pour se frotter les pustules galeuses: on sait qu'elles se manifestent principalement entre les doigts, où est le siége propre & patognomonique de la maladie, aux jarrets, sur les hanches, & autres parties du corps, où l'humeur acre retenue, produit des tubercules qui excitent une demangeaison qui porte à se gratter jusqu'à la douleur. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gale Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Gale Gale , ( Manége & Maréchallerie. ) maladie prurigineuse & cutanée; elle se manifeste par une éruption de pustules plus ou moins volumineuses, plus ou moins dures, précédées & accompagnées d'une plus ou moins grande demangeaison. Nous pouvons admettre & adopter ici la distinction reçûe & imaginée par les Medecins du corps humain, c'est-à-dire reconnoitre deux especes de gale; l'une que nous nommerons, à leur imitation, gale seche , & l'autre que nous appellerons gale humide . Les productions pustuleuses qui annoncent la premiere, sont en quelque façon imperceptibles; leur petitesse est extrème; elles suppurent peu & très rarement; elles provoquent néanmoins la chûte des poils dans les lieux qu'elles occupent & qui les environnent; & le prurit qu'elles excitent est insupportable. Les exanthèmes qui décelent la seconde sont toûjours sensibles; ils sont plus ou moins élevés, & paroissent comme autant de petits abcès contigus, d'où suinte une matiere purulente, dont le desséchement forme la sorte de croûte qui les recouvre: dans celle-ci, le sentiment incommode qui résulte de l'irritation des fibres nerveuses répandues dans le tissu de la peau, n'affecte pas aussi vivement l'animal que dans la gale seche, & la demangeaison est beaucoup moindre. Nous ne voyons point en général que cette maladie s'étende sur toute l'habitude du corps du cheval; elle se borne communément à de certaines parties: la gale seche n'en épargne cependant quelquefois aucune: mais cet évenement n'est pas ordinaire; & le plus souvent ses progrès sont limités, tantôt dans un espace & tantôt dans un autre. La gale humide attaque l'encolure, la tête, les épaules, les cuisses, elle se fixe aussi dans la criniere. Voyez Rouvieux ; & dans le tronçon de la queue. Voyez Eaux , maladie . Des que la gale n'est point universelle dans les chevaux, comme dans l'homme, il est assez inutile de multiplier les divisions, & d'assigner, à l'exemple des auteurs en Chirurgie, le nom particulier de dartre à telle ou telle gale , sous le prétexte d'un local, qui d'ailleurs doit nous être d'autant plus indifférent, que toutes ces productions psoriques ne sont, à proprement parler, qu'une seule & même maladie, que les mêmes causes occasionnent, & dont le même traitement triomphe. Bononius séduit par le raisonnement de quelques écrivains, a crû devoir s'efforcer d'accréditer leur opinion sur le principe essentiel de cette affection cutanée. Nous trouvons dans les Transactions philosophiques, n°. 283. une description singulierement exacte des petits animaux qu'on a supposés y donner lieu; ils y sont représentés sous la forme & sous la ressemblance d'une tortue; le micrographe se flatte même d'en avoir découvert & distingué les oeufs: mais tous les détails auxquels il s'abandonne, bien loin de mettre le fait hors de doute, n'offrent qu'une preuve très évidente de la foiblesse de ses sens, de la force de ses préjugés, & de son énorme penchant à l'erreur. La source réelle & immédiate de la gale réside véritablement dans l'acreté & dans l'épaississement de la lymphe: l'un & l'autre de ces vices suffisent à l'explication de tous les phénomenes qui assûrent l'existence de cette maladie, & qui en différentient les especes. Si l'on suppose d'abord que cette humeur soit imprégnée d'une quantité de particules salines qui ne peuvent que la rendre acre & corrosive, mais qui noyées dans le torrent de la circulation, sont, pour ainsi dire dans l'inertie & sans effet: on doit présumer que lorsqu'elle sera parvenue dans les tuyaux destinés à l'issue de l'insensible transpiration & de la sueur, ces mêmes particules qu'elle y charrie s'y réuniront en masse; de-la l'engorgement des tuyaux à leurs extrémités; de-là les exanthèmes ou les pustules. Plus la lymphe sera ténue, moins les exanthèmes seront volumineux & les exulcérations possibles; l'évaporation en sera plus prompte, elle ne laissera après elle nul sédiment, nulle partie grossiere; les sels plus libres & plus dégagés s'exerceront sans contrainte sur les fibriles nerveuses; & tous les symptomes d'une gale seche se manifesteront d'une maniere non équivoque. La viscosité est-elle au contraire le défaut prédominant? les engorgemens seront plus considérables, les pustules plus saillantes & plus étendues; & conséquemment le nombre des tuyaux sanguins qui éprouveront une compression, & des canaux blancs qui seront dilatés & forcés, sera plus grand. La lymphe arrêtée dans ceux-ci, & subissant d'ailleurs un froissement résultant du jeu & de l'oscillation de ceux-là, acquerra inévitablement plus ou moins d'acrimonie; elle corrodera les vaisseaux qui la contiennent: cette corrosion sera suivie du suintement d'une matiere purulente, qui jointe à beaucoup de parties sulphureuses, sera bien-tôt desséchée par l'air, & ces mêmes parties embarrassant les sels & s'opposant à leur activité, leur impression sera plus legere. C'est ainsi que la gale humide se forme & se montre avec tous les signes qui la caractérisent. Le virus psorique est contagieux; il se communique par l'attouchement immédiat, par les couvertures, les harnois, les étrilles, les brosses, les époussettes, &c. de quelque maniere qu'il soit porté à la surface du cuir d'un cheval sain; il s'y unit, il s'y attache, soit par l'analogie qu'il a avec l'humeur perspirante, soit par sa ténuité & sa disposition à s'introduire dans les pores. A peine s'y est-il insinué, qu'il fomente l'épaississement de la matiere qu'il y rencontre; il y séjourne néanmoins quelque tems sans s'y développer sensiblement; mais la chaleur naturelle & le mouvement des vaisseaux artériels excitant ensuite son action, nous appercevons bien-tôt des pustules qui se renouvellent & se reproduisent, selon qu'il a pénétré dans la masse. Nous devons donc regarder les parties salines exhalées du corps du cheval galeux par la transpiration & par la sueur, ou contenues dans l'humeur suppurée qui flue des exanthèmes, comme la cause prochaine externe de la maladie dont il s'agit. Tout ce qui peut troubler la dépuration des sucs vitaux, donner lieu à la corruption des humeurs, & leur imprimer des qualités plus ou moins pernicieuses, doit être mis au rang de ses causes éloignées: ainsi de mauvais fourrages, qui ne fournissent qu'un chyle crud & mal digéré; des travaux qui occasionnent une dissipation trop forte; le défaut des alimens nécessaires à la réparation des fluides & à l'entretien de la machine; un air humide & froid qui rallentit la marche circulaire; l'omission du pansement; & en conséquence le séjour d'une crasse épaisse qui obstrue & bouche les pores cutanés, sont autant de circonstances auxquelles on peut rapporter ces différentes éruptions. Quoiqu'elles nous indiquent toûjours un vice dans la masse, elles ne présagent néanmoins rien de dangereux; & les suites n'en sont point funestes, pourvû que le traitement soit méthodique, & que l'on attaque le mal dans sa source & dans son principe. Il est quelquefois critique & salutaire; car il débarrasse le sang de quantité de parties salines & hétérogenes qui auroient pû donner lieu à des maux plus formidables: nous remarquons même très-souvent dans les chevaux qui n'ont jetté qu'imparfaitement, que la nature cherche â suppléer & supplee en effet par cette voie à l'impuissance dans laquelle elle a été d'opérer une dépuration entiere & nécessaire, par les émonctoires qui dans l'animal semblent particulierement destinés à l'écoulement de l'humeur & de la matiere dont le flux décele communément la gourme. La gale seche est plus rébelle & plus difficile à dompter que la gale humide; des sucs acres & lixiviels ne sont point aisément délayés, corrigés, emportés: elle attaque plus ordinairement les chevaux d'un certain âge & les chevaux entiers, que les chevaux jeunes & que les chevaux hongres; les premiers à raison de la prédominance des sels, de la plus grande force & de la plus grande rigidité de leurs fibres; les seconds conséquemment sans doute au repompement de l'humeur séminale, qui passant en trop grande abondance dans le sang, peut l'échauffer & exciter l'acrimonie, lorsqu'ils ne servent aucune jument; ou à raison de l'acreté qui est une suite de l'apauvrissement de la masse, lorsqu'ils en servent un trop grand nombre. Nous dirons aussi que dans la jeunesse elle cede plus facilement aux remedes, parce qu'il est certain qu'alors la transpiration est plus libre, les pores de la peau plus ouverts & les fibres plus souples. La gale humide résiste moins à nos efforts: sa principale cause consistant dans l'épaississement, & non dans un vice capable d'entretenir un levain, une salure qui pervertit les nouveaux sucs à mesure qu'il en aborde & qu'il s'en forme: si les jeunes chevaux y sont réellement plus sujets, c'est qu'en eux le tissu des solides est moins fort & moins propre à atténuer les fluides. Nous observerons encore que toute maladie exanthémateuse prise par contagion, qui n'adhere qu'à la surface du corps, & qui n'a pas poussé, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, de profondes racines, n'est point aussi opiniâtre que celle qui doit son existence à la dépravation du sang & des humeurs; & l'expérience prouve qu'une gale récente est plus susceptible de guérison qu'une gale ancienne & invéterée. Pour ne point errer dans la maniere de traiter l'affection cutanée dont il est question, il est important d'en considérer l'espece, & de n'en pas perdre de vûe la cause & le principe. Dans la gale seche notre objet doit être d'adoucir, de briser, d'évacuer les sels, de relâcher le tissu de la peau. Dans la gale humide, nous devons chercher à atténuer les particules salines & sulphureuses dont elle se charge, à favoriser enfin la transpiration. Si la maladie participe en même tems & de l'épaississement & de l'acrimonie, le maréchal y aura égard & tiendra un juste milieu dans le choix & dans l'administration des médicamens. Son premier som sera de séparer le cheval malade des autres chevaux, & de le placer dans une écurie particuliere; non que j'imagine que le virus psorique soit assez subtil pour s'étendre de lui-même d'un lieu à un autre, & pour se communiquer ainsi: mais cette précaution devient essentielle, lorsque l'on réfléchit sur la facilité de la contagion par les harnois & par les couvertures, & sur la paresse ainsi que sur l'imprudence des palefreniers. La saignée est nécessaire dans tous les cas: elle sera même répétée dans le besoin: dans tous les cas aussi on doit tenir l'animal au son & à l'eau blanche, & jetter dans cette même eau une décoction émolliente faite avec les feuilles de mauve, de guimauve, pariétaire, &c. Ce régime sera observé plus long-tems par le cheval atteint d'une gale seche, que par celui qui sera atteint d'une gale humide: on purgera ensuite l'animal une ou plusieurs fois avec le séné, l'aloës, l' aquila alba ou le mercure doux, après l'avoir néanmoins préparé à cette purgation par des lavemens émolliens: on en reviendra à l'usage de la décoction émolliente; & s'il s'agit de la premiere espece de gale , on humectera soir & matin le son, que l'on donnera au cheval avec une tisanne composée dans laquelle entreront les racines de patience, de chicorée sauvage, d'althaea, & les feuilles de scabieuse, de fumeterre, &c. S'il refuse de manger le son ainsi humecté, on pourra lui donner cette boisson avec la corne: j'y ai plusieurs fois heureusement substitué des feuilles de grosse laitue que je trempois dans du lait, & que l'animal mangeoit avec avidité. Dans la circonstance d'une gale humide, on mouillera le son avec une décoction de gayac & de salsepareille, en mêlant à cet aliment des fleurs de genêt, & une demi-once de crocus metallorum . Le soufre, le cinnabre naturel, l'aethiops minéral, les poudres de viperes, de cloportes, de chamaedris & de fumeterre donnés à tems & administrés avec circonspection, sont d'une très-grande ressource contre toutes sortes de gales: celles qui sont les plus rébelles & les plus invétérées disparoissent souvent lorsque l'on abandonne l'animal dans les prairies, & qu'il est réduit au vert pour tout aliment; les plantes différentes qu'il y rencontre & dont il le nourrit excitant d'abord des évacuations copieuses & salutaires, & fournissant ensuite à la masse des sucs plus doux capables d'amortir l'acreté des humeurs. La plûpart des Maréchaux ne font que trop souvent un usage très-mal entendu des topiques, sans doute parce qu'ils n'en connoissent pas le danger: il est inutile néanmoins de chercher dans Agendornius, dans Hoechstellerus & dans une foule d'auteurs qui traitent des maladies de l'homme, quels en sont les funestes effets. La matiere morbifique répercutée & poussée de la circonférence au centre, produit dans le corps de l'animal des desordres terribles, & dont ils ont sûrement été les témoins sans s'en appercevoir & sans s'en douter: j'ai vû ensuite d'une pareille répercussion des chevaux frappés d'apoplexie, de phthisie, atteints d'un abcès dans les reins, & de plusieurs autres maux qui les conduisoient à la mort. On ne doit donc recourir aux remedes extérieurs qu'avec prudence, & qu'après avoir combattu la cause. Je ne ferai point une ample énumération des onguens, des lotions, des linimens que l'on peut employer; il suffira de remarquer ici que le soufre & ses préparations sont d'une efficacité non moins merveilleuse en cosmétiques que donnés intérieurement. On peut faire un mélange de ses fleurs avec la chaux, & incorporer le tout avec suffisante quantité d'huile d'olive: ces mêmes fleurs, l'onguent de nicotiane, l' aquila alba , & l'huile d'hypéricon, composeront un liniment dont on retirera de très-grands avantages; l'aethiops minéral mêlé avec du sain-doux, ne sera pas moins salutaire, &c. on en met sur toutes les parties que les exanthèmes occupent. On doit encore avoir attention que le cheval ne se frotte point contre les corps quelconques qui l'environnent; ce qui exciteroit une nouvelle inflammation, obligeroit le sang de s'insinuer dans les petits canaux lymphatiques, & donneroit bien-tôt lieu à une suppuration. Du reste, si le tems & la saison sont propices, on menera, après la disparition des pustules, l'animal à la riviere; les bains ne pouvant que relâcher & détendre les fibre cutanées; & il importe extrèmement de l'éloigner par un régime convenable, de tout ce qui peut susciter & reproduire en lui cette maladie. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gale Author=Jaucourt Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. Gale Gale , s. f. en latin galla , ( Physique. ) excroissance contre nature qui se forme en divers pays, sur divers chênes, & entr'autres sur le rouvre, à l'occasion de la piquûre de quelques insectes: ces sortes d'excroissances s'appellent plus communément, quoiqu'improprement, noix de galle; mais comme c'est l'usage, & que l'usage fait la loi, voyez Noix de Galle . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gale Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Gale * Gale , ( Rubannier. ) s'entend de toutes les inégalités qui se trouvent tant sur l'ouvrage qu'aux lisieres, & qui sont occasionnées par les bourres, noeuds, &c. qui sont dans les soies de chaîne ou de trame, si l'ouvrier n'a soin de les nettoyer: ces gales sont encore le plus souvent occasionnées, sur-tout aux lisieres, par le mauvais travail ou la négligence de l'ouvrier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉ Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GALÉ GALÉ, s. m. ( Botanique. ) genre de plante dont voici les caracteres. Ses feuilles sont alternes; ses fleurs mâles sont portées sur des pédicules qui sortent des parties latérales des feuilles, & sont arrangées sur la tige en forme de longues pointes; ses fleurs sont nues & ornées seulement de six étamines qui y forment comme des branches. L'ovaire est situé à un autre endroit de la même plante sur un pédicule beaucoup plus court logé dans un calice découpé en quatre parties, & foiblement attaché à son pédicule; il est environné d'autres fleurs mâles: sa forme est sphérique, écailleuse, inégale en plusieurs endroits, & contient une seule graine dans chaque écaille. Miller compte trois especes de galé; savoir, galé frutex odoratus septentrionalium , en anglois sweet-willow , ou duthe-myrtle; cette espece se plaît dans les bruyeres & dans les terres incultes. On s'en sert chez les bourgeois pour garnir les croisées & les cheminées des appartemens, à cause de la bonne odeur des fleurs & des boutons: on en met aussi dans les armoires pour les parfumer, & pour en éloigner les teignes. Les deux autres especes de galé sont étrangeres, natives d'Amérique, & bien supérieures à celles de l'Europe; l'une est le galé caroliniensis baccata, fructu racemoso, sesseli monopyreno , Pluck Phyt. l'autre est le galé caroliniensis humilior, foliis latioribus & magis serratis; Catesby, hist. nat. Carol. les Anglois les nomment candle-berry-trie , & les cultivent beaucoup soit de graine soit de bouture. Ces deux especes de galé s'élevent chez eux en buisson à la hauteur de cinq piés, & sont toûjours vertes; leurs feuilles broyées dans la main répandent une odeur suave, telle que celle de myrthe. Les Américains préparent une cire des baies, dont ils sont des bougies qui brûlent à merveille, & qui jettent une agréable odeur: une de ces deux especes de galé a produit du fruit dans le jardin d'un curieux de Londres en 1729; & toutes les deux donnent communement des fleurs. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉANTROPIE Author=d'Aumont Normalized Classification=Maladie Part of Speech=s.f. GALÉANTROPIE GALÉANTROPIE, s. f. ( Maladies. ) γαλεανθρωπία , est un mot grec composé de γαλῆ , felis , chat, & de ἄνθρωπος , homo , homme, qui sert à exprimer une sorte de délire mélancolique, dans lequel les personnes qui en sont affectées se croyent changées en chats; comme dans la lycantrophie & la cynantrophie, elles se croyent changées en loups, en chiens, & imitent les manieres des animaux auxquels elles s'imaginent être devenues semblables. V. Mélancolie . Sennert & Bellini font mention de la galéantropie; le premier rapporte même une observation concernant ce symptome singulier de maladie d'esprit. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉASSE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GALÉASSE GALÉASSE, s. f. ( Marine. ) c'est un bâtiment qui égale les plus grands vaisseaux en longueur & en largeur; mais il n'est pas, à beaucoup près, aussi haut de bord, allant à voile & à rame, & ressemblant asséz à la galere, dont il differe cependant considérablement; car la galéasse a trois mâts, qui sont un artimon, un mestre, & un trinquet, qui sont fixes, c'est-à-dire ne peuvent se desarborer; au lieu que la galere n'en a que deux & point d'artimon, & qu'elle peut les mettre bas quand il est nécesiaire. La galéasse a trente-deux bancs & 6 à 7 forçats, à chacun; l'équipage est de 1000 à 1200 hommes; elle a trois batteries à l'avant; la plus basse est de deux pieces de 36 livres de balle; la seconde, de deux pieces de 24; & la troisieme, de deux pieces de 18 livres. Il y a deux batteries à poupe, chacune de trois pieces par bande, & du calibre de 18 liv. de balle. Ce bâtiment n'est guerre d'usage; les Vénitiens en avoient autrefois; & elles ne pouvoient être commandées que par un noble, qui s'obligeoit par serment & répondoit sur sa tête, de ne pas refuser le combat contre vingt-cinq galeres ennemies. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉAIRE Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GALÉAIRE GALÉAIRE, s. m. ( Hist. anc. ) nom que les Romains donnoient aux goujats ou valets des soldats. Voyez Végece, III. vj. & Saumaise, sur le iij. ch. de la vie d'Hadrien par Spartien: on le donnoit d'abord aux soldats armés de casques, du mot latin galea , casque, armure de tête. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉE Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=s.f. GALÉE GALÉE, s. f. ustensile d'Imprimerie , est une espece de petite tablette placée sur le haut de casse, du côté des petites capitales, où elle est arrêtée par deux chevilles de cinq ou six lignes de long. Le compositeur y pose sa composition ligne à ligne, ou plusieurs lignes à-la-fois, suivant la hauteur du composteur dont il se sert. La galée est composée de deux pieces; le corps & la coulisse: le corps est une planche de chêne de six à sept lignes d'épaisseur, de la figure d'un quarré long & plus ou moins grande, suivant le format de l'ouvrage pour lequel elle est employée: aux extrémités de cette planche, sont attachés à angles droits trois tringles de bois de la même épaisseur que la planche, entaillées par-dessous pour recevoir & maintenir la coulisse, qui est une autre planche très unie, de deux lignes d'épaisseur, & de la figure du corps de la galée , portant un manche pris dans le même morceau de planche. Les tringles donnent à la galée un rebord de cinq à six lignes de haut, qui acote & maintient les lignes de composition en etat. Quand le compositeur a formé une page, il la lie avec une ficelle; tire du corps de la galée la coulisse sur laquelle la page se trouve posée; la met sur une tablette qui est sous sa casse; & remet une autre coulisse dans le corps de la galée , pour former une autre page: ces sortes de galées ne servent que pour l' in folio & l' in-4° . Pour l' in-8° . & les formes au-dessus, on se sert de petites galées sans coulisses, dont les tringles ou rebords n'ont que quatte à cinq lignes d'épaisseur. Voyez nos Planches à Imprimerie; voyez aussi Coulisse de Galée . On dit aussi dans l'Imprimerie aller en galée , c'est faire de la composition dans des galées , sans folio & sans signature, jusqu'à ce que la matiere qui précede soit finie, à la suite de laquelle on met ce qui est en galée , avec les folio & les signatures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALEGA Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GALEGA GALEGA, s. m. ( Botan. ) genre de plante à fleur légumineuse: le pistil sort du calice, & devient une silique presque cylindrique, remplie de semences ordinairement oblongues, dont la figure ressemble en quelque façon à celle d'un rein. Les feuilles de la plante sont attachées par paires à une côte qui est terminée par une seule feuille. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Boerhaave compte quatre especes de galega , & Tournefort, cinq; il suffira de décrire la principale, nommée des Botanistes, galéga commune à fleurs bleues . Ses racines sont menues, ligneuses, blanches, fibrées, longues, éparses de tous côtés; & quelques unes d'elles germent tous les ans au printems: ses tiges sont hautes de deux coudées, & plus cannelées; creuses, & fort branchues; ses feuilles sont semblables à celles de la vesse, mais plus longues, ailées, & terminées par une feuille impaire, munies d'une petite épine molle à leur extrémité, d'une saveur légumineuse. Ses fleurs sont portées sur des pédicules qui naissent des aisselles des feuilles; elles forment un long épi, sont pendantes, légumineuses, de couleur blanche, ou d'un blanc tirant sur le violet: il leur succede des gousses presque cylindriques, menues, longues, droites, qui contiennent plusieurs graines oblongues faites en forme de rein: cette plante est assez commune dans les pays chauds, où elle vient sans culture. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galega Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Galega Galega , ( Mat. med. ) cette plante est appellée un alexipharmaque & un sudorisique très-célebre, propre à dissiper puissamment le poison, sur-tout celui qui est pestilentiel. On en recommande l'usage dans les petechies; les autres maladies pestilentielles & la peste même, la rougeole, l'épilepsie des enfans, les morsures des serpens, & les lombrics. On la mange crue ou cuite, ou on en donne le suc jusqu'à une ou deux cuillerées; on la prescrit dans les bouillons & les apozemes alexiteres à la dose d'une poignée. Geoffroy, mat. med. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALEMBOULE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALEMBOULE GALEMBOULE, ( Géog. ) M. de Lisle écrit guallenboulon , anse de la côte orientale de Madagascar, très-grande, mais d'un fond dangereux, à cause des roches qui sont sous l'eau; cette anse est à deux lieues au nord de la riviere d'Ambato, à 17 d . 30'. de latit. méridionale . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALENE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.f. GALENE GALENE, s. f. ( Hist. nat. Minéralogie. ) nom générique donné par plusieurs auteurs à la mine de-plomb, & sur tout à celle qui est composée de grands cubes, galena tessulata . On ne sait pas trop l'origine du mot galena; les Allemands expriment la même chose par glantz , qui signifie éclat. Galena sterilis , est le crayon ou la mine-de-plomb. Voyez l'article Bley-Glantz . Voyez aussi Plomb . Il y a encore la galene martiale que les mineurs allemands nomment eysen-glantz; elle ressemble à la galene ou mine-de-plomb en cubes, excepté qu'elle n'a point l'éclat de cette derniere; elle est plus noire & plus dure qu'elle; il est très-difficile d'en tirer le fer; elle paroît composée de fer, d'arsenic, & de soufre. Voyez Lehmann, traité des mines . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉNIQUE Author=unknown Normalized Classification=Médecine Part of Speech=adject GALÉNIQUE GALÉNIQUE, adj. ( Medecine. ) ce terme est employé dans les écrits des medecins modernes; 1°. pour désigner la maniere de raisonner en Medecine, & de traiter les maladies selon la théorie & la pratique fondées sur les principes du fameux Galien; ce qui forme la medecine galénique , la doctrine galénique , comme on appelle hippocratiques la medecine, la doctrine fondées sur les principes du prince des Medecins; voyez Galénisme ( Medecine. ) 2°. pour distinguer une des deux parties principales de la Pharmacie, qui consiste dans la préparation des médicamens faite par une simple action méchanique, par le seul mélange de leur substance, sans égard aux principes dont elle est composée: en quoi on a voulu dans les écoles que cette sorte de pharmacie, telle que l'enseigne Galien, fût différente de celle qui est appellée chimique , dont toutes les opérations se font par des moyens physiques, & dans laquelle on a principalement pour objet la recherche des différens principes des parties intégrantes, qui entrent dans la composition des médicamens. Ainsi la premiere a été sans doute nommée galénique , parce qu'elle se pratique de la maniere qui étoit seule en usage parmi les disciples de Galien, qui n'avoient vraissemblablement aucune connoissance de la Chimie, cu au moins ne l'avoient pas introduite dans la pratique de la Medecine; cette distinction cependant n'a été faite que lorsqu'il y a eu des medecins chimistes, pour établir la différence de ceux qui restoient attachés à la doctrine de Galien, d'avec ceux qui formoient la secte chimique. Voyez Pharmacie , Chimie , Médicament -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALENISME Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.m. GALENISME GALENISME, s. m. ( Medecine. ) se dit de la doctrine de Galien, l'auteur après Hippocrate le plus célebre parmi les medecins, & qui a eu même plus d'empire dans les écoles que le pere de la Medecine. Galien naquit sous l'empereur Adrien, l'an de N. S. 131; il avoit quatre à cinq ans lorsque ce prince mourut: il étoit de Pergame, dans l'Asie mineure, ville fameuse à divers égards, & particulierement par son temple d'Esculape. Il étoit fils de Nicon, homme de bien, riche & savant, qui n'épargna rien pour l'éducation de son fils. Le jeune Galien, après avoir appris tout ce qu'on avoit alors coûtume d'enseigner dans les écoles, tourna toutes ses pensées vers la Medecine, y étant déterminé par un songe, selon qu'il le dit lui-même. Il étoit pour lors âge de 17 ans: deux ans après il se mit à étudier pendant quelque tems sous un disciple d'Athenée, & ensuite sous différens maîtres d'un mérite distingué, comme il paroît par ce qu'il en dit en divers endroits de ses ouvrages: il s'attacha néanmoins très-peu au premier de ces professeurs; il s'étoit bien-tôt rebuté de le suivre, parce que celui-ci faisoit gloire d'ignorer la Logique, bien loin de la croire necessaire à un medecin. Il goûta beaucoup la secte des Péripatéticiens, quoiqu'il maltraite Aristote en quelques endroits; en voulant faire croire que ce qu'il y a de meilleur dans la physique de ce philosophe, est tiré des oeuvres d'Hippocrate. Après ses études, Galien se mit à voyager; il fit un long séjour à Alexandrie, où toutes les sciences fleurissoient; à l'âge de 28 ans il retourna à Pergame; sa santé qui jusqu'alors avoit été chancelante, devint meilleure, selon ce qu'il en dit lui-même, & fut même très-vigoureuse tout le reste de sa vie; il parvint à une extrème vieillesse. Il avoit 32 ans lorsqu'il parut à Rome, où il trouva de la part des medecins la plus grande opposition, à ce qu'il pût exercer librement sa profession: aussi prétendoit-il savoir ce qu'ils n'avoient jamais sû & ce qu'ils ne vouloient point apprendre. Une prétention de cette espece a toûjours fait, & fera toûjours un grand nombre d'ennemis parmi ceux qui ont le même objet d'ambition, quelque bien fondé que puisse être celui qui veut s'attribuer une pareille supériorité de lumieres. Cependant Galien parvint à plaire aux grands de Rome par ses exercices anatomiques, par le succès de sa pratique, & sur-tout par celui des prognostics. Le preteur Sergius Paulus fut un de ses plus zélés partisans, aussi-bien que Barbarus, oncle de l'empereur Lucius Verus, & Severe: ce qui contribua le plus à augmenter les clameurs & les plaintes des autres medecins, au point qu'il fut forcé de sortir de cette ville, & de se retirer dans sa patrie, d'où les empereurs Marc-Aurele & Lucius Verus le firent bien-tôt revenir à Rome, & depuis ce tems-là il n'en sortit plus, selon ce qui paroît: il ne cessa pendant toute sa vie de travailler avec beaucoup de soin à s'instruire dans les Belles-Lettres, dans la Philosophie, & dans la Medecine; & comme il joignoit le talent à l'étude, il réussit très-bien. Il s'acquit la juste réputation d'un grand philosophe & d'un grand medecin; il avoit beaucoup de facilité à s'énoncer, & une éloquence sans affectation; mais comme son style est extrèmement diffus & étendu, à la maniere de celui des Asiatiques, cela est cause qu'on a quelquefois de la peine à le suivre, ou qu'on le trouve obscur en divers endroits. Le grand nombre de livres que nous avons de cet auteur célebre, & ceux qui se sont perdus, font bien voir qu'il ne lui coûtoit guere d'écrire. Suidas dit que Galien avoit composé des ouvrages non-seulement sur la Medecine, sur la Philosophie, mais encore sur la Géométrie, sur la Grammaire. L'on comptoit plus de cinq cents livres de sa façon concernant la Medecine seule, & environ la moitié autant concernant les autres sciences. Il a fait lui-même deux livres contenant la seule énumération des différens sujets sur lesquels il avoit travaillé. On peut dire que Galien fut le plus grand medecin de son siecle, soit pour la théorie, soit pour la pratique. On ne peut disconvenir qu'il n'ait écrit des choses admirables sur la Medecine en particulier. Il a été le grand restaurateur de la medecine d'Hippocrate contre celle des méthodiques, qui jusqu'a son tems s'étoit toûjours soûtenue avec distinction; toutes les autres sectes de medecine subsistoient même encore du tems de Galien. Il y avoit des dogmatiques, des empiriques, des épisynthétiques, des éclectiques, des pneumatiques, &c. mais les méthodiques avoient la plus grande vogue; les dogmatiques étoient fort divisés entr'eux; les uns tenoient pour Hippocrate, les autres pour Aristote, & d'autres encore pour Asclépiade. Galien ne se déclara pour aucune de ces sectes, & les étouffa toutes. Son principal but fut néanmoins de leur substituer la doctrine d'Hippocrate ( voyez Hippocratisme ); personne ne l'avoit étudiée, ne l'avoit saisie comme lui. C'étoit sur les idées du pere de la Medecine qu'il avoit formé les siennes, principalement pour ce qui concerne la nature, les crises, le pouvoir de l'attraction, &c. mais (dit M. Quesnay, en portant son jugement sur la secte des Galénistes, dans son traité des fievres continues tom. I. ) Galien quitta la voie qui pouvoit conduire à de nouvelles connoissances dans l'économie animale. Au lieu d'insister sur l'observation, & de se conformer à celui qu'il se proposoit pour modele, il assujettit la science encore naissante de l'art de guérir, à quelques idées générales, qui en arrêterent le progrès; il la présenta aux medecins sous un aspect si simple, si uniforme, & si commode, qu'elles furent généralement adoptées pendant une longue suite de siecles. Non-seulement Galien rapportoit comme Hippocrate les maladies aux intempéries des quatre premieres qualités, le chaud, le froid, le sec & l'humide; mais contre le sentiment d'Hippocrate & des medecins de l'antiquité, il rapporta aussi à ces qualités les causes des maladies, & les vertus des remedes. Voyez Maladie , Intempérie , Qualité , Médicament Ce système borna entierement les recherches des Medecins, parce que fixés à des idées par lesquelles ils croyoient pouvoir expliquer tous les phénomenes, ils étoient persuadés que toute la science de la Medecine se réduisoit à de tels principes; cependant l'observation & l'expérience leur présentoit beaucoup d'inductions fort opposées à ces principes; pour les concilier ou pour éluder les difficultés, ils avoient recours à des distinctions, à des interprétations, & à des subtilités qui amusoient inutilement les esprits, & qui multiplioient beaucoup les livres. Resserrés dans les bornes de leur système, ils y ramenoient toutes les connoissances qu'ils pouvoient acquérir dans la pratique de la Medecine; les lumieres qu'elles y portoient étoient obscurcies par les erreurs qui abondent nécessairement dans une doctrine dont les principes sont faux ou insuffisans, ou trop étendus. Tels sont & tels doivent être absolument ceux sur lesquels Galien a établi sa doctrine, dans un tems où la science de la Medecine étoit encore bien imparfaite. Pour réduire à un système vrai & juste, sur-tout à un système général, une science assujettie à l'expérience, il faut avoir auparavant toutes les connoissances qui peuvent nous conduire au vrai principe de cette science: car ce sont ces connoissances elles-mêmes, qui toutes ensemble doivent nous les indiquer. Avant qu'on soit arrivé là, on ne doit s'appliquer qu'à étendre ces connoissances, qu'à tirer des unes & des autres les portions de doctrine que l'on peut en déduire avec certitude; autrement on s'égare, & on retarde extrèmement le progrès des sciences. C'est-là, continue l'auteur qui vient d'être cité, c'est-là ce qu'on reproche à Galien, qui d'ailleurs étoit un medecin fort savant, très-intelligent, très-pénétrant dans la pratique, très-exact & très-clairvoyant dans l'observation; il s'est tenu à la doctrine d'Hippocrate sur l'organisme; il s'est entierement fixé aux facultés sensitives & actives des organes dirigées par la nature, dans la santé & dans les maladies; ainsi il ne paroît pas même qu'il ait eu intention de s'élever jusqu'au méchanisme physique de l'animal. Tout se réduit de la part des organes à des facultés & à un principe dirigeant, qu'il n'a point dévoilés; & de la part des liquides à des qualités qui ne lui étoient connues que par leurs effets & par les sensations qu'elles excitent. Ce ne seroit pas un grand défaut dans sa doctrine, si ces connoissances obscures qu'il a admises pour principes, avoient été réellement des principes suffisans, c'est-à-dire les vrais principes génératifs & immédiats de toute la science de la Medecine. Car malgré toutes nos recherches & tous nos efforts, il nous faudra toûjours admettre de tels principes. Le dernier terme du méchanisme des corps est absolument inaccessible à nos sens, & par conséquent hors de la sphere des connoissances sûres & intelligibles que nous pouvons acquérir en physique. Le chaud & le froid sont véritablement les causes primitives les plus générales des phénomenes physiques; par-là elles peuvent être regardées en Medecine de même que la pesanteur, le mouvement, &c. comme des principes primitifs de la Medecine communs à toutes les autres sciences physiques. Ainsi dans le système de Galien, on pouvoit ramener bien ou mal à ces principes toutes les connoissances de la Medecine: mais de tels principes ne sont que des principes éloignés; ils ne sont point les principes propres & immédiats de cette science. Le chaud & le froid sont des causes générales, qui dans l'économie animale sont déterminées par des causes immédiates & particulieres au méchanisme du corps, par des causes qui sont les principes propres & génératifs des effets physiques, qui s'operent dans la santé & dans la maladie; telle est, par exemple, l'action organique du coeur & des arteres, qui engendre la chaleur naturelle & les intempéries chaudes ou froides, selon qu'elle est suffisante, excessive, ou insuffisante. Or sans la connoissance des causes propres & immédiates, on ne peut appercevoir la liaison méchanique des effets avec des causes plus générales & plus éloignées. Le rapport qu'il y a entre de telles causes & leurs effets, ne sont donc ni connus, ni concevables, & ne seroient pas même instructifs; ceux que l'on pourroit supposer seroient incertains, obscurs, erronés, & ne pourroient servir qu'à en imposer, à introduire des erreurs, & à retarder les progrès de la science. Telles ont été en effet les productions du système de Galien; car quoique ce système soit très-riche en fait de connoissances tirées d'observations & de l'expérience, il est encore plus abondant en faux raisonnemens sur la physique de l'art. Du reste, la doctrine des qualités se réduisoit à un jargon fort simple & fort commode. Une cause produisoit une maladie, parce qu'elle étoit chaude ou froide, seche ou humide; les remedes qui y convenoient guérissoient, parce qu'ils avoient un degré de chaud ou de froid, de sec ou d'humide, opposé à cette cause. La méthode curative consistoit donc à employer le chaud & l'humide contre le froid & le sec, & à mettre en usage le froid & le sec contre le chaud & l'humide, &c. Ainsi toute la pratique se ramenoit à des idées familieres, simples, & commodes, qui favorisoient la paresse & cachoient l'ignorance des praticiens, qui négligeoient la véritable étude de la science de la Medecine. C'est par cette raison sans doute que la secte de Galien a été si généralement suivie, & a conservé son empire pendant tant de siecles. Il est donc bien facile d'appercevoir les défauts de cette doctrine, & le mal qu'elle a produit, sans qu'on puisse alléguer en compensation qu'elle ait apporté de nouvelles connoissances physiques dans la Medecine. Les quatre qualités qui servent de base à ce système, les quatre élémens auxquels on les attribue, les humeurs, c'est-à-dire le sang, la bile, la melancolie, la pituite, dont chacune a été caractérisée par quelques-unes de ces qualités; les quatre tempéramens dominans, par les unes ou les autres de ces qualités; les quatre intempéries qui forment des maladies par l'excès de ces différentes qualités; toutes ces choses se trouvent déjà établies, & au-delà même de leurs justes bornes dans les écrits d'Hippocrate. Ainsi tout ce que Galien a fait de plus, c'est de les étendre encore davantage, & de multiplier les erreurs dans son système, à proportion qu'il a plus abusé de l'application des quatre qualités tactiles aux connoissances de la Medecine. Ainsi, en distinguant le système physique de Galien d'avec ce qui appartient à Hippocrate, on voit que ce système porte à faux par-tout; qu'il n'a aucune réalité; qu'il n'a par conséquent contribué en rien au progrès de la science de la Medecine. Ce qu'on peut y appercevoir de moins défectueux, c'est qu'il n'étoit pas absolument incompatible avec la doctrine d'Hippocrate, & que les grands maitres de la secte de Galien ont pû profiter de toutes les connoissances de ces deux célebres medecins, & y rapporter celles qu'ils ont pû acquérir eux-mêmes dans la pratique. Mais une des choses qu'on petit reprocher avec le plus de fondement à la secte galénique, c'est d'avoir répandu beaucoup d'obscurité dans la supputation des jours critiques; parce qu'ils ont voulu assujettir des connoissances acquises par l'expérience, par l'observation, à des opinions frivoles; les uns ont crû avoir trouvé la cause de la force de ces jours dans l'influence des astres, & particulierement de la lune; les autres l'ont rapportée à la puissance ou à la vertu des nombres; cependant ils auroient dû l'appercevoir manifestement dans celle de la maladie même, c'est-à-dire dans les efforts, dans les exacerbations qui operent visiblement la coction, & qui sont eux-mêmes des causes très-remarquables de la gradation, des progres de cette coction, qui regle les jours critiques. La puissance prétendue de ces jours n'est que la force des mouvemens extraordinaires, des exacerbations de ces mêmes jours; & la violence qu'ils attribuoient à la crise, n'est que la véhémence des symptomes, de l'exacerbation décisive. Ainsi c'est dans le méchanisme de la maladie que réside l'efficacité des jours critiques, & de la cause irritante qui l'excite; car c'est de-là que dépend la durée des fievres & le nombre de leurs exacerbations. Cette cause se présente à l'esprit bien plus évidemment que toutes les idées obscures & chimériques du Galenisme. Voyez Effort , Coction , Crise , Fievre Il est vrai que les medecins de cette secte ignoroient le travail des vaisseaux, sur les humeurs, dans les fievres; mais ils connoissoient du-moins l'excès de la chaleur, dans lequel ils faisoient consister l'essence de la fievre. Or c'étoit connoître l'effet immédiat de la vraie cause des opérations successives de la coction, puisque c'est de l'action même des vaisseaux que dépend la chaleur animale, soit naturelle, soit contre nature: cause qui semble si dédaignée & si peu connue encore aujourd'hui de la plûpart des medecins, & même des medecins organiques, qui ne l'envisagent que confusément, & qui ne sont attentifs qu'aux altérations, aux dégénérations de la masse des liquides, presque sans égard aux vices qu'elle contracte, aux changemens qu'elle éprouve; aux vices qu'elle contracte, en tant qu'elle est exposée à l'action des solides. Voyez Coction , Crise . Telle est l'idée générale que l'on peut donner ici de la doctrine de Galien & de ses sectateurs; d'où il résulte que ce qui vient d'être dit à ce sujet, n'est pas suffisant pour faire juger complétement du prix des ouvrages de cet auteur, & pour indiquer exactement ce qu'il y a de bon & de mauvais dans le système de Medecine de cet auteur, & dans l'usage que l'on en a fait après lui. Pour suppléer un peu à ce qui manque ici à cet égard, on peut recourir à l' article Medecine . La seule liste des écrits de Galien occuperoit ici trop de place; ils sont si nombreux, comme il a déjà été dit, qu'ils peuvent à peine être contenus dans six volumes in-folio . Il y en a eu vingt-trois différentes éditions: la premiere a été faite à Venise, en 1525. La meilleure est celle de Paris, 13 vol. in-fol. grec & latin, publiée en 1639. On peut trouver différens précis de la medecine galénique dans les abrégés qui ont été donnés de cette doctrine, comme dans l' histoire de la Medecine de le Clerc; dans la préface du dictionnaire de Medecine traduit de l'anglois de James; dans l'ouvrage intitulé état de la Medecine ancienne & moderne , aussi traduit de l'anglois de Clifton. D'ailleurs, il se trouve des occasions dans ce dictionnaire ci-même, de traiter séparément de bien des parties importantes de la théorie de Galien, sous les différens mots qui en dépendent, ou qui y ont rapport, tels que Faculté , Qualité , Tempérament , Intempérie , Nature , Maladie , Médicament , &c. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALENISTE Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GALÉNISTE GALÉNISTE, adj. c'est l'épithete par laquelle on désigne les medecins de la secte de Galien, ou qui sont attachés à sa doctrine; on employe aussi ce terme substantivement, pour indiquer ces mêmes medecins. Voyez Galenisme . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALEOPSIS Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GALEOPSIS GALEOPSIS, s. m. ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur monopétale & labiée, qui a la levre supérieure concave comme une cuillere, & l'inférieure divisée en trois parties, dont celle du milieu est pointue ou obtuse, mais toûjours la plus grande. Le pistil sort du calice, & est attaché à la partie postérieure de la fleur, & entourée de quatre embryons, qui deviennent des semences oblongues, & renfermées dans une capsule en forme d'entonnoir, & divisée en cinq parties. Cette capsule vient du calice de la fleur. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Le galéopsis a une odeur de bitume & d'huile fétide, un goût herbeux un peu salé & astringent; il ne teint pas le papier bleu, ce qui fait présumer que son sel est enveloppé dans une grande quantité de soufre & de terre. Boerhaave compte quatorze especes de galéopsis , auxquelles il est inutile de nous arrêter. Il suffira de dire que les trois principales especes employées en Medecine sous ce nom, sont la grande ortie puante, la petite ortie puante, & l'ortie morte à fleurs jaunes. Le lecteur en trouvera la description au mot Ortie . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉOTES Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m.pl. GALÉOTES GALÉOTES, s. m. pl. ( Hist. ane. ) c'étoient certains devins de Sicile & d'Afrique, qui se disoient descendus du fils d'Apollon dont ils portoient le nom. Cicéron raconte que la mere de Denis I. tyran de Syracuse, étant grosse de son fils, songea qu'elle accouchoit d'un petit satyre. Les galéotes qui se mêloient d'interpréter les songes, ayant été consultés sur celui-ci, répondirent que l'enfant qui viendroit au monde seroit long-tems le plus heureux homme de la Grece. Ils auroient bien deviné, s'ils eussent prédit le contraire. Il paroît que Denis n'a jamais joüi d'aucun bonheur, ni dans sa jeunesse, ni dans un âge mûr; la nature de son caractere y mettoit un obstacle invincible. Il fut encore plus malheureux dans un âge avancé; enfin il périt de mort violente 386 ans avant J. C. Il habitoit pendant les dernieres années de sa vie, une maison soûterreine, où personne, pas même sa femme & son fils, ne pouvoient entrer sans avoir quitté leurs habits; ce tyran trembloit sans cesse qu'ils n'eussent des armes cachées dessous pour le poignarder. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALERE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GALERE GALERE, s. f. ( Marine. ) c'est un bâtiment plat, long & étroit, bas de bord, & qui va à voiles & à rames. On lui donne communément vingt à vingt-deux toises de longueur, sur trois de largeur; elle a deux mâts qui se desarborent quand il est nécessaire; l'un s'appelle la mestre , & l'autre le trinquet , qui portent deux voiles latines. Les galeres ont de chaque côté vingt-cinq à trente bancs, sur chacun desquels il y a cinq ou six rameurs. On y met cinq pieces de canon, savoir deux bâtardes, deux plus petites, & un coursier qui est placé sur l'avant pour tirer par-dessus l'éperon: c'est une piece de gros calibre d'environ 34 livres de balle. Pour faire connoître ce bâtiment, j'ai cru que des desseins exacts frapperoient davantage que de longues descriptions, qu'il est presqu'impossible de rendre claires, & qui sont presque toûjours très-ennuyantes. Voyez la Planche II . qui représente le dessein d'une galere à la rame, avec toute sa chiourme & ses mâts; & la Planche IV . fig. 2 . la coupe d'une galere dans toute sa longueur, où l'on voit la distribution & le détail de son intérieur. Et pour rendre cet article plus complet, je joindrai à la fin de cet article un état de ce qui entre dans la construction & armement d'une galere . Les galeres faisoient autrefois un corps séparé de la Marine; elles avoient leur commandant & leurs officiers: mais aujourd'hui ce corps est réuni à celui de la Marine, & les officiers des vaisseaux du roi commandent également les galeres quand il en est besoin. Il y avoit un général des galeres , des lieutenans généraux, chefs d'escadre, capitaines-lieutenans & enseignes. Parmi les galeres on distinguoit la réale & la patrone . La réale portoit l'étendard royal & trois fanaux posés en ligne droite. Elle étoit montée par le général des galeres . La patrone étoit montée par le lieutenant général; elle portoit deux fanaux & un étendard quarré long à l'arbre de mestre. La France n'est pas la seule puissance qui a des galeres; le Pape, les Vénitiens, les Génois, le roi de Naples & Malthe en ont qui ne sortent point de la mer Méditerranée. La France est la seule qui en a fait passer dans l'Océan; & actuellement il y en a dans le port de Brest. Etat d'armement d'une galere. Arboratures . L'arbre de mestre de 28 goues ( a ) de long, de quatre pans de rondeur au petit bout, & de six à sept pans de rondeur au gros bout. Pour l'antenne de mestre, il faut qu'elle ait 32 goues de long, & son quart 28 goues, & le tout quatre pans & demi de rondeur. L'arbre de trinquet de 21 goues de long, de quatre pans & demi de grosseur au gros bout, & trois pans au petit bout; l'antenne de 28 goues de long, & trois pans de rondeur, avec son quart de 18 goues de long & de ladite rondeur. Manoeuvres de la mestre . Il faut 160 brasses de cordages de cinq pouces, pour faire les cinq costieres par bande, pesant 10 quintaux. Trente brasses de six pouces faites en gumenettes pour costieres, pesant deux quintaux 75 livres. Cent trente brasses de cordages de deux pouces & demi, pour garnir les douze palanquinettes pour les costieres, pesant 200 livres. Une veste de mestre de quatre pouces & de 80 brasses, pesant quatre quintaux 25 livres. Une autre semblable. L'amande mestre de sept pouces & de 30 brasses, pesant environ six quintaux. Une piece de quatre pouces de 80 brasses pour faire l'oste, pesant quatre quintaux. Pour le bragot de l'oste de 25 pouces & de 24 brasses, pesant un quintal & demi. Pour faire les deux oncquits, 120 brasses de trois pouces & demi, pesant quatre quintaux & demi. Pour les cargues d'avant, 60 brasses de cordages de quatre pouces, pesant quatre quintaux. Pour le bragot des cargues d'avant, il faut 20 brasses de cordages de 5 pouces, pesant un quintal. Pour l'orfe nouvelle, 50 brasses de quatre pouces, pesant trois quintaux. ( a ) On nomme en Provence goue la mesure dont on se sert pour la construction des galeres . La goue a 3 pans ou 3 palmes, & chaque palme revient à 9 pouces, desorte que la goue fait 2 piés 3 pouces. Pour les deux trosses, 12 brasses de quatre pouces, pesant 75 livres. Pour le caruau, 80 brasses de trois pouces & demi, pesant trois quintaux & demi. Pour les deux orsepoupes, 80 brasses de quatre pouces, pesant quatre quintaux. Pour faire les trinquets, 24 brasses de trois pouces, pesant 40 livres. Pour le prodou de mestre, 160 brasses de cinq pouces, pesant dix quintaux. Pour l'estrop du prodou, 15 brasses de huit pouces, pesant deux quintaux. Quatorze chaînes avec leurs bandes & ganches, pour tenir les sarties de mestre, pesant chacune 20 livres. Deux autres chaînes pour les cargues de la mestre, appellées rides , pesant chacune 20 livres. Manoeuvres du trinquet . Il faut une piece de cordage de 100 brasses, de quatre pouces de grosseur, pour quatre sarties par bande dudit trinquet, pesant cinq quintaux. Quatre-vingts brasses de deux pouces & demi, pour les huit palanguinettes dudit trinquet, pesent un quintal & demi. Pour l'isson, une piece de cordage de 80 brasses & de trois pouces & demi, pesant trois quintaux & demi. Pour l'aman, 20 brasses de quatre pouces & demi, pesant un quintal & demi. Pour les deux anquis, une piece de 70 brasses & de trois pouces, pesant deux quintaux & demi. Pour les deux trosses, 20 brasses de trois pouces, pesant 80 livres. Pour cargue d'avant, 30 brasses de cordages de quatre pouces, pesant un quintal & demi. Pour les deux orses-poupes, 70 brasses de trois pouces, pesant deux quintaux & demi. Pour les deux bragots d'orse-poupe, 12 brasses de quatre pouces, pesant 60 livres. Pour les carguettes, 40 brasses de trois pouce, pesant un quintal & demi. Pour les deux ostes, 80 brasses de trois pouces, pesant trois quintaux. Pour le bragot de l'oste, deux brasses de quatre poaces, pesant 60 livres. Pour le prodou du trinquet, 80 brasses de quatre pouces, pesant quatre quintaux. Huit chaînes avec les bandes & gandes, pour tenir les sarties dudit trinquet, pesant chacune 20 livres. Tailles & poulies de mestre . Vingt-quatre tailles, appellées couladoux , garnies de leurs poulies. Deux tailles pour l'orse-devant, & une pour l'orse-nouvelle. Quatre masseprets pour les ostes & pour les orses à poupe. Deux masseprets pour les carvaux. Les deux tailles de l'arbre de mestre. Les partegues du tabernacle. Les deux poulies desdits partegues de bronze, avec leurs chevilles de fer. Trois bigotes & vingt-quatre pattes pour les anquis de mestre. Deux partegues pour arborer l'arbre de mestre. Les poulies desdits partegues seront de bronze. Pour les moisselas où passent les vestes dans le coursier, six pouces de bronze. Le cousset de l'arbre de mestre aura ses deux poulies de bronze. Deux partegues pour tirer le caïe de la galere dedans. Une partegue pour le carvau de la mestre vers le fougon. Deux partegues pour l'orse à poupe, qui s'attachent sur les apostis. Les deux tailles du prodou. Quatre masseprets pour le timon. Tailles & poulies de trinquet . Seize couladoux pour les sarties de l'arbre du trinquet. Quatre tailles pour les anquis du trinquet, avec ses bigots & pastres. Un massepret pour les cargues devant. Deux masseprets pour les ostes. Deux masseprets pour les orses à poupe. Deux autres pour les carvaux. Deux tailles pour guinder le trinquet. Deux poulies pour les tailles, qui seront de bronze. Deux tailles pour le prodou du trinquet. Deux partegues de retour du trinquet. Les poulies du cousset du trinquet de bronze, avec son per de fer. Quatre tailles pour casser la tante. Soixante-quinze anneaux tant grands que petits. Voiles de mestre . Le marabou, pour lequel il faut 540 cannes de cotonnine double. Le maraboutin, pour lequel il faut 360 cannes de ladite cotonnine. Le tréou, pour lequel 180 cannes de ladite cotonnine. La bourde, pour laquelle il faut 680 cannes de ladite cotonnine. Toiles du trinquet . Le trinquet, pour lequel il faut 340 cannes de ladite cotonnine. La mesanne, pour laquelle il faut 380 cannes de ladite cotonnine. Pour coudre toutes lesdites voiles, mestre & trinquet, il faut un quintal & demi de fil de voile. Seize livres de cire pour cirer ledit fil. Cent quarante journées de femmes pour coudre lesdites voiles. Un maître qui coupe lesdites voiles, & qui a l'oeil pendant qu'elles se font. Une voile pour le caïe, y compris la toile, fil & façon. Cordages pour garnir les voiles de mestre . Pour garnir le marabou, un cap de 50 brasses & de sept pouces au gros bout, à queue de rat, pesant trois quintaux. Pour le maraboutin, un cap de cinq pouces au gros bout, & de 45 brasses, pesant deux quintaux & demi. Pour garnir le tréou, un cap de quatre pouces & de 40 brasses, pesant deux quintaux & 20 livres. Pour garnir la boude, un cap de 60 brasses & de huit pouces, pesant cinq quintaux. Pour escottes de mestre, il en faut deux de sept pouces au gros bout, & de 30 brasses chacune, les deux pesant ensemble six quintaux. Un cap pour le palan à carguer l'escotte de 40 brasses & de 3 pouces & demi, pesant un quintal. Pour mataffions & tasserots pour toutes les voiles, il faut quatre quintaux de menu cordage. Cordages pour garnir les voiles de trinquet . Pour garnir le grand trinquet, un cap de 36 brasses & de cinq pouces au gros bout, pesant deux quintaux. Pour garnir le petit trinquet ou mesanne, un cap de 32 brasses & de quatre pouces au gros bout, pesant un quintal & demi. Pour l'escotte du trinquet, un cap de 20 brasses & de quatre pouces & demi, pesant 120 livres. Pour carguer l'escotte du trinquet, une piece de 30 brasses & de trois pouces, pesant un quintal. Pour les mataffions & tasserots desdites voiles, deux quintaux de menu cordage. Ancres, gumes, gumenettes, & autres caps pour l'ormieg . Quatre grandes ancres dits raissons , pesant chacun 14 quintaux. Une petite ancre pour le caïe, pesant 60 livres. Une gume de 12 pouces & de 80 brasses, pesant 14 quintaux. Une autre semblable. Une autre d'onze pouces & 80 brasses, pesant 12 quintaux. Une autre semblable. Une gumenette de sept pouces 80 brasses, pesant sept quintaux. Une autre semblable. Un cap de poste de six pouces & 80 brasses, pesant six quintaux & demi. Un autre semblable. Un cap de grapi de cinq pouces & 80 brasses, pesant cinq quintaux. Un autre semblable. Une piece de cordage de trois pouces & demi & de 80 brasses, pour mettre le caïe en galere & le remorguer, pesant trois quintaux. Pour faire bosses, une piece de cinq pouces & 40 brasses, pesant deux quintaux. Cordages du timon & pour lever l'échelle . Pour les deux palanquinets du timon, 12 brasses de deux pouces, pesant 20 livres. Pour la brague du timon, quatre brasses de cordages de quatre pouces, pesant 20 livres. Pour lever l'échelle de poupe, 12 brasses de cordages de trois pouces, pesant 40 livres. Tantes & tandelets . Pour une tante d'erbage & un tandelet de même pour la poupe, il faut 380 cannes d'erbage. Pour une tante de cotonnine & un tandelet, 440 cannes. Pour le mesamin auxdites deux tantes, doubler les tandelets & faire les gumes, il faut 150 cannes de toile. Soixante livres de fil de voile pour coudre lesdites deux tantes. Pour un tandelet d'écarlate, pour la poupe avec ses franges & houpes de soie. Un tandelet de guérite de drap. Une amirade pour couvrir la poupe & timoniere lorsqu'il pleut. Douze pieces de cabrit avec leurs anneaux, pour porter lesdites tantes. Cordages pour garnir les tantes & tandelets . Pour passer dans le mesamin de la tante d'erbage, un cap de 30 brasses & de quatre pouces, pesant un quintal & 20 livres. Pour garnir ladite tante d'erbage, une piece de 160 brasses & de deux pouces, pesant un quintal & 40 livres. Pour gourdins & gourdiniers de ladite tante, quatre pieces de neuf & 12 fils, pesant ensemble deux quintaux. Une piece de 80 brasses & de trois pouces pour le bout des cabris, pesant trois quintaux. Pour passer dans le mesamin de la tante de cotonnine, un cap de 30 brasses & quatre pouces, pesant un quintal & 20 livres. Pour garnir ladite tante, 160 brasses de cordages de deux pouces, pesant un quintal & 40 livres. Pour gourdins & gourdiniers de ladite tante, trois pieces de neuf fils, pesant ensemble un quintal & demi. Pour deux cargues pour carguer lesdites tantes à la poupe, 12 brasses de cordages de quatre pouces, pesant 75 livres. Pour deux cargues de proue, 40 brasses de trois pouces, pesant un quintal & 30 livres. Pour lever le tandelet de la poupe, 12 brasses de deux pouces, pesant 10 livres. Pallemente & ce qui en dépend . Cinquante-une rames. Douze rames pour le caïe. Cinquante-un cuirs de vache de Russie pour couvrir les bancs. Vingt autres pour cloüer le long des apôts, & pour les sarties de mestre & trinquet. Cordages pour ladite pallemente . Un cap de trois pouces de grosseur & de 120 brasses, pesant quatre quintaux. Pour farnes, un cap de 120 brasses d'un pouce & demi, pesant un quintal. Cinq quintaux de filasse pour garnir les estropes. Ustensiles de l'argousin . Cinquante-une brancades d'un quintal chacune. Douze chaussettes, pesant ensemble 3 quintaux. Deux aiguilles. Deux enclumes. Deux marteaux. Un taille-fer. Un pié de porc. Six pelles de fer. Six picostes. Trois aissadoux. Une aissade. Cinquante manilles avec leurs pers, pour respiech (ou rechange), pesant un quintal & demi. Six brancades de respiech, pesant ensemble six quintaux. Douze chaussettes, aussi de respiech. Pavois, bandiers & flammes . Soixante cannes de cordillat rouge, pour faire pavois, pour mettre le long en long de la galere . La garniture, le fil à les coudre, & la façon. Deux bandieres, savoir une pour mettre sur la mestre avec les armes de France, & l'autre sur le triquet avec les armes du capitaine. Une bandiere de poupe, avec les armes du général. Deux flammes de taffetas, pour mettre aux deux bouts des deux antennes. Deux autres semblables, pour mettre sur les bouts desdites deux antennes. Vingt-cinq banderolles de taffetas, pour mettre le long en long des fierets, à 24 pans chacune, ayant neuf pans de long & huit de large chacune, avec les quênes de treillis, la soie & la façon. Canons, armes & munitions de guerre . Un canon de coursier de fonte verte de 33 livres de balle, pesant environ 60 quintaux. Deux moyens aussi de sonte verte de 12 livres de balle chacun, & pesant chacun cinq quintaux. Les affuts desdits trois canons avec leurs services. Quatre gros pierriers de fonte, chacun avec deux boîtes, pesant ensemble six quintaux. Cent boulets de coursier de 33 livres chacun, faisant ensemble 33 quintaux poids de marc. Deux cents boulets pour les moyens de 12 livres chacun, faisant ensemble 24 quintaux. Cent mousquets avec leurs bandolieres. Cinquante piques. Vingt-cinq bâtons ferrés. Trente rondaches ou targues. Cinquante quintaux de poudre à canon. Douze quintaux de poudre à mousquet. Huit quintaux de meche. Six quintaux de balles de mousquet. Quatre cents balles de pierre pour les pierriers. Cordages pour les canons . Un cap pour les canons de quatre pouces & de 80 brasses pour le coursier, pesant quatre quintaux. Pour les vettes des deux moyens, un cap de trois pouces & de 120 brasses. Pour faire bragues, 16 brasses de cordages de six pouces, pesant deux quintaux. Ustensiles de cuisine & compagne . Une grande chaudiere de cuivre pour la chiourme. Une plus petite pour les soldats & matelots. Une plus petite pour les officiers. Une autre pour les malades. Deux broches de fer. Une poesle à frire. Un gril. Deux contre-hatieres. Une lechefrite. Quatre barrils à eau pour tenir dans la compagne. Deux tonnes pour cent mille rôles de vin. Une barrique pour l'huile. Une autre pour le vinaigre. Quatre barriques pour la chair salée. Les tinettes & pintes. Quatre broquets. Deux fontaines de bois. Six seillots pour la compagne. Douze autres moindres pour le suit. Cinquante autres pour les banes. Quatre cents barrils à eau pour tenir par les banes. Une balance avec coup & poids, pour peser le biscuit & autres denrées. Un quintal de vaisselle d'étain. En linge, pour la poupe & cuisine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galere Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Galere Galere , ( Jurisprud. ) ce terme est pris dans cette matiere pour la peine que doivent subir ceux qui sont condamnés aux galeres , c'est-à-dire à servir de forçat sur les galeres du Roi. On compare ordinairement la peine des galeres à celle des criminels, qui chez les Romains étoient condamnés ad metalla , c'est-à-dire aux mines . Cette comparaison ne peut convenir qu'aux galeres perpétuelles; car la condamnation ad metalla ne pouvoit être pour un tems limité, au lieu que les galeres peuvent être ordonnées pour un tems; auquel cas, elles ont plus de rapport à la condamnation ad opus publicum , qui privoit des droits de cité, sans faire perdre la liberté. Quelques auteurs ont cru que la peine des galeres étoit connue des Romains. Entre autres Cujas, Paulus, Suidas, & Josephe; la plûpart sont fondés sur un passage de Valere Maxime, lequel en parlant d'un imposteur, qui se disoit fils d'Octavie, soeur d'Auguste, dit que cet empereur le fit attacher à la rame de la galere publique, mais cela signifie qu'il y fut pendu, & non pas condamné à ramer. La plus saine opinion est que la peine des galeres n'étoit point usitée chez les Romains, ainsi que le remarque Anne Robert; & en effet, on ne trouve dans le droit aucun texte qui fasse mention de la peine des galeres; ce qui vient sans doute de ce que les Romains avoient beaucoup d'esclaves & de prisonniers de guerre qu'ils employoient sur les galeres . On pourroit plûtôt croire que la peine des galeres étoit usitée chez les Grecs, suivant ce que dit Plutarque in Lysandro , que Philocle avoit persuadé aux Athéniens de couper le pouce droit à tous leurs prisonniers de guerre, afin que ne pouvant plus tenir une pique, ils pussent néanmoins faire mouvoir une rame. La condamnation aux galeres n'est pas fort ancienne en France; car Charles IV. fut le premier de nos rois qui commença à avoir sur mer des galeres . La premiere ordonnance que j'aye trouvée qui fasse mention de la peine des galeres , est celle de Charles IX. faite à Marseille en Novembre 1564, qui défend tant aux cours souveraines qu'à tous autres juges, de condamner dorénavant aux galeres pour un tems moindre de dix ans, à laquelle peine ils pourront condamner ceux qu'ils trouveront le mériter. Un des objets de cette ordonnance paroît avoir été d'autoriser l'usage de la condamnation aux galeres qui se pratiquoit déjà plus anciennement. En effet, M. de la Roche-Flavin rapporte un arrêt de 1535, portant condamnation aux galeres; & Carondas en ses pandectes en rapporte un autre de 1532, qui défendit aux juges d'église de condamner aux galeres . En Espagne les juges d'église ne condamnent jamais les clercs aux galeres , & cela pour l'honneur du clergé; mais ils peuvent y condamner les laïcs sujets à leur jurisdiction. En France les ecclésiastiques ont voulu obtenir le pouvoir de condamner aux galeres: la chambre ecclésiastique des états de 1614 estima que pour contenir dans le devoir les clercs incorrigibles, il conviendroit que les juges d'eglise pussent les condamner aux galeres; cela fit le sujet de l'article 28 des remontrances que cette chambre présenta à Louis XIII. Malgré ces remontrances, on a toûjours tenu pour principe que les juges d'église ne peuvent condamner aux galeres , qu'autrement il y auroit abus. On doutoit autrefois si les juges de seigneurs pouvoient condamner aux galeres; mais suivant la derniere jurisprudence, tous juges seculiers peuvent prononcer cette condamnation. Après la peine de la mort naturelle, & celle de la question, à la reserve des preuves en leur entier, la plus rigoureuse est celle des galeres perpétuelles, laquelle emporte mort civile & confiscation de biens dans les pays ou la confiscation a lieu. Cette peine est aussi plus rigoureuse que celle du bannissement perpétuel, & que la question sans reserve des preuves & autres peines plus legeres. On ne suit pas l'ordonnance de 1564, en ce qu'elle défend de prononcer la peine des galeres pour un tems moindre de dix ans; on peut y condamner pour un moindre tems. Lorsque cette condamnation n'est prononcée que pour un tems limité, elle n'emporte point mort civile n confiscation, & elle est réputée plus douce que le bannissement perpétuel, lequel emporte mort civile; & même que la question sans reserve des preuves, parce que la mort peut s'ensuivre de la question par la confession & les éclaircissemens qui peuvent être tires de la bouche de l'accusé. Suivant la déclaration du 4 Mars 1724. ceux qui sont condamnés aux galeres doivent être préalablement fustigés & flétris d'un fer chaud contenant ces trois lettres, G A L , afin que s'ils sont dans la suite accusés de quelques crimes, on puisse connoître qu'ils ont déjà été repris de justice. La déclaration du 4 Septembre 1677 prononce peine de mort contre ceux qui étant condamnés aux galeres , auront mutilé leurs membres pour se mettre hors d'état de servir sur les galeres . Dans les cas où la peine des galeres est ordonnée contre les hommes, la peine du foüet & du bannissement à tems ou à perpétuité doit être ordonnée contre les femmes selon la qualité du fait. L'article 200 de l'ordonnance de Blois porte, qu'il ne sera accordé aucun rappel de ban ou de galeres à ceux qui auront été condamnes par arrêt de cour souveraine; que si par importunité ou autrement, il en étoit accordé avec clause d'adresse à d'autres juges, ils ne doivent y avoir aucun égard ni en prendre connoissance, quelque attribution de jurisdiction qui puisse leur en être faite; & neanmoins il est défendu très-étroitement à tous capitaines de galeres , leurs lieutenans, & tous autres, de retenir ceux qui y seront conduits outre le tems porté par les arrets ou sentences de condamnation, sur peine de privation de leurs états. L'ordonnance de 1670, titre xvj. article 5 , veut que les lettres de rappel de galeres ne puissent être scellées qu'en la grande chancellerie. On les adresse aux juges naturels du condamné; l'arrêt ou jugement de condamnation doit être attaché sous ces lettres, & ces lettres sont entérinées sans examiner les charges & informations. On commue quelquefois la peine des galeres en une autre, lorsque le condamné est hors d'etat de servir sur les galeres. Voyez Chaîne , Rappel de Galeres . Voyez aussi Galérien . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galere Author=unknown Normalized Classification=Chimie philosophique Part of Speech=s.f. Galere Galere , s. f. ( Chymie philosoph. ) espece de fourneau long, en usage chez les Distillateurs, pour distiller une grande quantité de liqueurs à-la-fois. Voyez Fourneau . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galere Author=unknown Normalized Classification=Lutherie Part of Speech=NA Galere Galere , ( Lutherie. ) sorte de rabot dont se servent les Facteurs d'orgues pour raboter les tables d'étain & de plomb dont les tuyaux d'orgues sont faits. Cet outil représenté dans les Planches d'orgue à la fig. 63 , est composé du corps A B , de bois en tout semblable à celui des Menuisiers. La semelle qui est la face qui porte sur l'ouvrage que l'on rabote, est une plaque de fer bien dressée & policée, qui est attachée au-dessous du corps avec des vis à tête perdue, c'est-à-dire qui sont arrasées à la plaque qui sert de semelle. La partie anterieure du corps est traversée par une cheville D C , par laquelle un ouvrier tire la galere à lui, pendant que son compagnon la pousse comme un rabot ordinaire par la partie B . Le fer de cet instrument doit être debout, comme on voit en E , le biseau tourné vers la partie suivante B , ensorte qu'il ne fait que gratter; ou si on l'incline comme aux rabots ordinaires, le biseau O doit être tourné en-dessus vers le partie précedente A de l'outil; ce qui produit le même effet, puisque la face du biseau G est perpendiculaire à la semelle. Voyez au mot Orgue la maniere de travailler le plomb & l'étain pour toutes sortes de jeux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALERICA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GALERICA GALERICA , ( Hist. nat. ) nom donné par les anciens à une pierre qui étoit d'un verd pâle. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALERIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Architecture | Histoire Part of Speech=s.f. GALERIE GALERIE, s. f. ( Archit. & Hist. ) c'est en Architecture un lieu beaucoup plus long que large, vouté ou plafonné, & fermé de croisées. Ducange dérive ce mot de galeria , qui signifie un appartement propre & bien orné . Du-moins, c'est de nos jours l'endroit d'un palais, que l'en s'attache le plus à rendre magnifique, & que l'on embellit davantage, surtout des richesses des beaux Arts; comme de-tableaux, de statues, de figures de bronze, de marbre, d'antiques, &c. Il y a dans l'Europe des galeries fameuses par les seules peintures qui y sont adhérentes, & alors on designe ces ouvrages pittoresques, par la galerie même qui en est décorée. Ainsi l'on dit, la galerie du palais Farnese, la galerie du Luxembourg, la galerie de Versailles, la galerie de Saint-Cloud. Tout le monde les connoît, nous n'en parlerons donc pas ici; mais avec le secours de M. l'abbé Fraguier, ( mém. de l'acad. des inscript. tome IX. ) nous pouvons entretenir le lecteur de la galerie de Verrès, qui valoit bien celles dont on réimprime si souvent les descriptions. Le rival d'Hortensius signala sa jeunesse à en tracer le tableau, lorsqu'il accusa & convainquit le possesseur de cette galerie , de n'être qu'un voleur public. Le goût curieux de ce voleur public embrassoit les plus rares productions de l'art & de la nature; il n'y avoit rien de trop beau pour lui; sa maison étoit superbe, ses cours & ses jardins n'offroient que marbre & statues: mais ce qu'il avoit rassemble de plus précieux par ses rapines, remplissoit sa galerie . Jouissons du spectacle qu'en donne Ciceron; il entre dans un des objets les plus importans & les plus curieux de ce Dictionnaire, la connoissance des ouvrages de l'antiquité. La statue de Jupiter étoit une des plus apparentes qu'on vit dans la galerie de Verrès; elle représentoit Jupiter surnommé ΟΥΡΙΟΣ , le dispensateur des vents favorables. On ne connoissoit dans tout le monde que trois statues de Jupiter avec ce titre; l'une étoit au Capitole, où Quintus Flaminius l'avoit consacrée des dépouilles de la Macédoine; l'autre dans un ancien temple bâti à l'endroit le plus étroit du Bosphore de Thrace; la troisieme avoit été apportée de Syracuse dans la galerie de Verrès. La Diane de Ségeste n'étoit pas moins remarquable; c'étoit une grande & belle statue de bronze. La déesse étoit voilée à la maniere des divinités du premier ordre, pedes vestis defluxit ad imos; mais dans cette grande taille, & avec une draperie si majestueuse, on retrouvoit l'air & la legereté de la jeunesse. Elle portoit le carquois attaché sur l'épaule; de la main droite elle tenoit son arc, & de la main gauche elle avoit un flambeau allumé. L'antiquité chargeoit de symboles les figures de ses dieux, pour en exprimer tous les différens attributs; en quoi elle n'a peut-être pas eu toûjours assez d'égard au tout-ensemble. Cette statue de toute antiquité, avoit appartenu à Ségeste, ville de Sicile fondée par Enée; elle en étoit en même tems un des plus beaux ornemens, & la plus célebre dévotion; les Carthaginois l'avoient enlevée. Quelques siecles s'étant écoulés, le jeune Scipion vainqueur de Carthage la rendit aux Ségestains: on la remit sur sa base avec une inscription en grands caracteres, qui marquoit & le bienfait & la piété de Scipion; Verrès peu scrupuleux se l'appropria. Deux statues de Cerès qu'on voyoit ensuite, étoient en ce genre l'élite de celles de tous les temples de la Sicile, où Verrès avoit commandé pendant trois ans; l'une venoit de Catane, l'autre d'Enna, deux villes qui gravoient sur leurs monnoies la tête de Cerès. Celle de Catane avoit de tous tems été révérée dans l'obscurité d'un lieu saint, où les hommes n'entroient point; les femmes & les filles étoient chargées d'y célebrer les mysteres de la déesse: la Ceres d'Enna étoit encore plus remarquable. Mercure chez Verrès n'étoit que trop à sa place; c'étoit celui-là même à qui les Tyndaritains offroient tous les ans des sacrifices reglés: la statue étoit d'un très-grand prix; Scipion vainqueur de l'Afrique l'avoit rendue au culte de ses peuples; Verres sans victoires, la leur enleva. L'Apollon étoit revenu de même à ceux d'Agrigente; il étoit dans leur temple d'Esculape. Myron, ce fameux statuaire si connu, y avoit épuisé tout son art; & pour rendre son nom éternel, il l'avoit écrit sur l'une des cuisses en petits caracteres d'argent. On sent combien le nom de Myron, mis contre la défense dans quelque pli de cette statue, en rehaussoit le prix dans la fantaisie des curieux. L'Hercule de Verrès étoit de la main du même artiste; son Cupidon étoit de la main de Praxitele; & Pline le met au rang des chefs-d'oeuvre de ce grand maitre. Auprès de ces divinités, on voyoit les Canéphores, qui avoient tant de part dans la pompe des fêtes athéniennes. On appelloit Canéphores à Athenes, comme on l'a dit sous ce mot, de jeunes filles, qui parées superbement, marchoient dans les processions solemnelles, portant sur leurs têtes & soûtenant avec leurs mains des corbeilles remplies de choses destinées au culte des dieux; telles on voyoit celles-ci: c'étoient des figures de bronze, dont la beauté répondoit à l'habileté & à la réputation de Polyclete. Je glisse sur l'Aristée, le Péon, & le Ténès, autres statues très précieuses qui se trouvoient dans cette riche galerie; parce qu'au milieu des dieux de toute espece qui la décoroient, on admiroit encore davantage la Sapho de bronze de Silanion: rien de plus fini que cette statue; c'étoit non un poëte, mais la Poésie; non une femme passionnée, mais la passion en personne: Verrès l'avoit tirée du prytanée de Syracuse. Quantité d'autres statues que l'orateur de Rome n'a pas décrites, ornoient la galerie de Verrès; Scio, Samos, Perge, la Sicile, le monde entier, pour ainsi dire, avoient servi tous ses goûts. Cicéron pretend que la curiosité de Verrès avoit plus coûté de dieux à Syracuse, que la victoire de Marcellus n'y avoit coûté d'hommes. Un morceau unique que j'oubliois de citer, & que Verrès ne montroit qu'à ses amis, c'étoit la statue du joüeur de lyre d'Aspende, dont la maniere de toucher cet instrument avoit fondé un proverbe parmi les Grecs. Entre les raretés de goût d'un autre genre, que Verrès avoit en grand nombre dans sa galerie , on pourroit mettre plusieurs petites victoires, telles que nous les voyons dans les médailles sur la main des divinités: il y en avoit de toutes sortes d'endroits; celles-ci avoient été tirées des statues de Ceres; celles-là d'un ancien temple de Junon bâti sur le promontoire de Malte. Un grand vase d'argent en forme de cruche, hydria , ornoit une magnifique table de bois de citre: ce grand vase étoit de la façon de Boëthus, carthaginois, dont Pline nous a transmis la gloire, avec la liste de ses principaux ouvrages. A côté de ce vase, on en voyoit un autre encore plus admirable; c'étoit une seule pierre précieuse creusée avec une adresse & un travail prodigieux: cette piece venoit d'Orient; elle étoit tombée entre les mains de Verrès, avec le riche candélabre dont nous parlerons dans la suite. Il n'y avoit point alors en Sicile, disent les historiens, de maison un peu accommodée des biens de la fortune, qui n'eût son argenterie pour servir au culte des dieux domestiques; elle consistoit en patenes de toutes grandeurs, soit pour les offrandes soit pour les libations, & en cassolettes à faire fumer l'encens. Tout cela prouvoit que les Arts dans la Sicile avoient été portés à un haut degré de perfection. Verres aidé de deux grecs qui s'étoient donnés à lui, l'un peintre, l'autre statuaire, avoit choisi parmi tant de richesses, ce qui convenoit le mieux pour l'ornement de sa galerie . Ici c'étoit des coupes de formes ovales, scaphia , chargées de figures en relief, & de pieces de rapport; là c'étoit des vases de Corinthe poses sur des tables de marbre, soûtenues sur trois piés, à la maniere du sacré trépié de Delphes, & qu'on appelloit pour cela mensae delphicae . Nous ne parlerons pas de plusieurs autres raretés de cette galerie , qui ne laissoient pas que de l'embellir; comme de cuirasses, de casques, de grandes urnes d'airain de Corinthe ciselé; des dents d'elephans d'une grandeur incroyable, sur lesquelles on lisoit en caracteres puniques, que le roi Massinissa les avoit renvoyées à Malte au temple de Junon, d'où le général de la flotte les avoit enlevées: on y trouvoit jusqu'à l'équipage du cheval qui avoit appartenu au roi Hiéron. A côté de cet équipage, deux petits chevaux d'argent placés sur deux pié-d'estaux, offroient un nouveau spectacle aux yeux des connoisseurs. Quoique les vases d'or que Verrès avoit semés dans sa galerie en très-grand nombre, fussent modernes, il avoit sçû les rendre & plus beaux & aussi respectables que l'antique; il avoit établi à Syracuse, dans l'ancien palais des rois, un grand attelier d'orfevrerie, où pendant huit mois, tous les ouvriers qui ont rapport à cet art, soit pour dessiner les vases, soit pour y ajoûter des ornemens, travailloient continuellement pour Verrès, & ne travailloient qu'en or. Toutes les tapisseries de cette galerie étoient rehaussées de ce métal dont la mode venoit d'Attalus, roi de Pergame; le reste des meubles y répondoit: la pourpre de Tyr y éclatoit de tous côtés. Verres pendant le tems de son gouvernement, avoit établi dans les meilleures villes de Sicile, & à Malte, des manufactures ou l'on ne travailloit qu'à ses meubles: toutes les laines étoient teintes en pourpre. Il fournissoit la matiere, dit Cicéron; la façon ne lui coûtoit rien. Outre quantité de tableaux très-précieux qu'il avoit tirés du temple de Minerve à Syracuse, pour sa galerie , il y avoit placé vingt-sept portraits des anciens rois de Sicile, rangés par ordre, & qu'il avoit aussi tirés du même temple. La porte de la galerie étoit richement historiée; Verres dépouil a pour son usage celle du temple de Minerve à Syracuse, la plus belle porte qui fut à aucun temple: plusieurs auteurs grecs en ont parlé dans leurs écrits; & tous conviennent que c'étoit une merveille de l'art. Elle étoit décorée d'une maniere également convenable & au temple de la déesse des Beaux-Arts, & à une galerie qui renfermoit ce que les Beaux Arts avoient produit. Verres avoit enlevé des portes du même temple, de gros clous dont les têtes étoient d'or, bullas aureas , & en avoit orné la porte de sa galerie . A côte de la porte, on trouvoit deux très-grandes statues, que Verrèsavoit enlevées du temple de Junon à Samos; elles pouvoient être d'un Theodore de Samos, habile peintre & statuaire, dont paile Pline, & dont Platon fait mention en quelque endroit. Enfin la galerie étoit éclairée par plusieurs lustres de bronze, mais sur-tout par un candelabre merveilleux, que deux princes d'Orient avoient destiné au temple de Jupiter Capitolin. Comme ce temple avoit été brûlé par le feu du ciel, & que Q. Catulus le faisoit réédifier plus superbe qu'auparavant, les deux princes voulurent attendre qu'il fût achevé de bâtir, pour y consacrer leur offrande; un des deux, qui étoit charge du candelabre, passa par la Sicile pour regagner la Comagene. Verres commandoit en Sicile: il vit le candelabre; il l'admira, il l'emprunta, il le garda: c'étoit un present digne & des princes qui le vouloient offrir au temple de Jupiter, & de ce temple même, le lieu de toute la terre le plus auguste, si l'on en excepte le temple du vrai Dieu. Telles étoient les richesses de la galerie de Verrès. Cependant quelque curieuse, quelque magnifique qu'elle fût, ce n'étoit ni la seule, ni vraissemblablement la plus belle qu'il y eût à Rome. Personne n'ignore que dès que les conquêtes des Romains eurent exposé à leurs yeux ce que l'Asie, la Macédoine, l'Achaïe, la Béotie, la Sicile, & Corinthe, avoient de beaux ouvrages de l'art; ce spectacle leur inspira l'amour passionné de ce genre de magnificence: ce fut à qui en orneroit le plus ses maisons à la ville & à la campagne. Le moyen le moins criminel qu'ils mirent en oeuvre, fut d'acheter à vil prix des choses qui n'avoient point de prix: le gouvernement des pays conquis leur en offroit l'occasion; l'avidité des uns enlevoit tout, sans qu'il fût question de payement; les autres plus mesurés dans leurs démarches, sous des prétextes plausibles, empruntoient des villes ou des particuliers ce que ces particuliers & ces villes possédoient de plus exquis; & si quelqu'un avoit le soin de le leur restituer, la plûpart se l'approprioient. Mais enfin quoique les Romains ayent orné leurs palais de tous les précieux ouvrages de la Grece, ils n'eurent en partage ni le goût ni la noble émulation qui avoit animé les Grecs; ils ne s'appliquerent point comme eux à l'etude des mêmes Arts dont ils admiroient les productions; & nous le prouverons invinciblement quand il s'agira de parler des Grecs, de leurs talens, & de leur génie. Voyez ci-après l'article Grecs . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=unknown Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=s.f. Galerie Galerie , s. f. en terme de Fortification , est une petite allée de charpente qu'on fait pour passer un fossé, qui est couvert de grosses planches de bois, chargées de terre & de gason. Les côtés de la galerie doivent être à l'épreuve du mousquet; ils sont composés d'un double rang de planches, comme de plaques de fer pour résister aux pierres & aux artifices dont l'ennemi se sert. Chamb . On se servoit autrefois de ces galeries pour faciliter l'approche du mineur à la face du bastion; elles portoient sur le fossé qu'on avoit soin de combler auparavant de barriques, de sacs à terre, & de fascines, lorsqu'il étoit plein d'eau. Pendant ce comblement, on démontoit l'artillerie des flancs opposés: cette galerie s'appelloit aussi traverse. Voyez Traverse : elle n'est plus d'usage à présent. Le mineur parvient au corps de l'ouvrage attaqué, ou par une galerie soûterreine qu'il pratique sous le fossé lorsque la nature du terrein le permet, ou à la faveur de l'épaulement qui couvre le passage du fossé. Voyez Passage du Fossé . On appelle encore galerie le conduit d'une mine, c'est-à-dire le chemin qu'on pratique sous terre pour aller jusque sous le terrein des ouvrages qu'on a dessein de faire sauter. Voyez Mine , Rameau , Araignée , &c. Les assiégeans & les assiégés poussent aussi des galeries sous terre pour éventer réciproquement leurs mines, & les detruire après qu'ils les ont trouvées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galeries d'écoute Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galeries d'écoute Galeries d'écoute . On appelle ainsi de petites galeries construites le long des deux côtés des galeries ordinaires: on y pratique de distance en distance de petits espaces pour contenir un homme. L'emploi de cet homme est d'écouter avec attention ce qui se fait dans les environs du lieu où il est placé, afin de donner avis du travail de l'ennemi. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=NA Galerie Galerie , ( Hist. nat. Minéralogie. ) on nomme ainsi dans les mines métalliques les chemins que les mineurs sont sous terre, pour percer le sein des montagnes & en détacher les filons. Voyez l'art . Mines . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Galerie Galerie , ( Marine. ) Les galeries dans les vaisseaux sont des balcons couverts ou découverts avec appui, qui sont saillie vers l'arriere du vaisseau: ces balcons ne se sont pas seulement pour l'ornement, mais encore pour la commodité de la chambre du capitaine. En 1673, le roi de France ordonna que les vaisseaux de cinquante canons & au-dessous n'auroient plus de galeries ni de balcons. Les navires anglois ont de grandes & superbes galeries; les hollandois n'en ont que de très-petites. Voyez Pl. I . de Marine , la galerie cottée E; voyez la Pl. III . fig. 1 . représentant la poupe d'un vaisseau, où la galerie est cottée G. Voyez aussi la Planche IV . fig. 1 . la galerie cottée 139 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie du fond de Cale Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galerie du fond de Cale Galerie du fond de Cale ; c'est un passage large de trois piés pratiqué le long du serrage de l'avant à l'arriere des vaisseaux qui sont au-dessous de 50 pieces de canon. cette galerie donne moyen aux charpentiers de remédier aux voies d'eau que causent les coups de canon donnés à l'eau. Ceux qui sans ordre vont aux galeries qui joignent les fontes, doivent être condamnés aux galeres, suivant l'ordonnance de 1689. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=unknown Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=NA Galerie Galerie , terme de Riviere , espace de trois piés de largeur, faite en avant de la travure d'un bateau foncet. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Galerie Galerie , ( Peinture. ) terme d'Architecture que la Peinture a emprunté pour exprimer une suite de compositions dont les galeries sont quelquefois ornées: c'est dans ce sens que l'on appelle les tableaux dans lesquels Rubens a représenté l'histoire de Marie de Médicis, la galerie de Rubens ou la galerie du Luxembourg . Si quelque chose peut rendre sensible les ressemblances si bien établies entre la Poésie & la Peinture, c'est sans doute les rapports qu'ont entre eux les différens genres de productions de ces deux Arts. Je dirai au mot Genre , les ressemblances principales qu'on peut admettre dans les ouvrages de Peinture & dans ceux de Poésie; je vais en emprunter un seul trait, qui me paroît convenir particulierement à l' article Galerie . Les compositions dont la Poésie se fait plus d'honneur, sont les poëmes composés de plusieurs parties qui susceptibles d'une beauté particuliere, exigent que cette beauté ait une juste convenance avec l'ouvrage entier, & une liaison combinée avec les parties qui précedent ou qui suivent. Dans la Peinture, un seul tableau, quelque grand qu'en soit le sujet, ne semble pas répondre parfaitement à cette idée: mais un assemblage de tableaux qui indépendamment des convenances particulieres auxquelles ils sont astreints, auroient entre eux des rapports d'action & d'intérêt qui les lieroient les uns aux autres, seroit une image sensible des poëmes dont je viens de parler. Une galerie décorée par un célebre artiste, dans laquelle les momens différens d'une histoire sont partagés avec l'intelligence nécessaire pour les rendre dépendans les uns des autres, est à la Peinture ce qu'est à la Poésie un poëme excellent, où tout marche & se suit. Despréaux, ce législateur des Poëtes, ajoûte qu'une composition de cette espece N'est pas de ces travaux qu'un caprice produit; Il veut du tems, des soins . . . . . . Il veut plus que tout cela, un véritable génie. Quelle machine, en effet, à concevoir, à disposer, à créer, à animer enfin! c'est à des ouvrages de cette espece qu'on reconnoît le caractere de divinité par lequel ce qu'on appelle génie a mérité dans tous les âges & méritera toûjours l'hommage des hommes. Il est un point de perfection où les Arts sont tellement au-dessus du méchanisme qui leur est propre, que leurs productions ne paroissent plus être que du ressort de l'ame. Mais pour revenir à l'art de la Peinture, je crois que les ouvrages de l'espece de ceux qu'on nomme galerie , ainsi que les plafonds, sont les moyens les plus propres à entretenir & à étendre ses progrés. A la vérité, les occasions d'entreprendre ces poëmes pittoresques sont encore rares; mais il ne faut, pour les rendre plus communs, qu'un simple desir du souverain, & quelques exemples. Les arts plus goûtés & plus connus, ont déjà fait naître une espece de luxe qui est prêt à l'emporter sur l'étalage de ces superfluités qui n'ont d'autre merite que de venir de fort loin. Il arrivera peut-être que non-seulement des princes, mais des particuliers, pour satisfaire leurs penchans tolérés pour la somptuosité, donneront à des artistes distingués l'occasion d'entreprendre des poëmes pittoresques de différens genres, dans lesquels le génie de la Peinture prenant un libre essor, étendra les limites de l'art, & les portera aussi loin qu'il pourra lui-même s'élever. Eh, pourquoi dirigeant à un but honnête & même utile, ces effets de la prodigalité, ne consacreroit-on pas ces compositions à la loüange & à l'encouragement des vertus? Si les descendans de ces maisons illustres auxquelles leurs chefs ont transmis une juste gloire, peuvent faire représenter dans les galeries de leurs palais les actions de ceux de leurs ayeux dont ils tiennent une distinction plus flatteuse que celle qui ne provient que d'une date éloignée, les particuliers moins illustres, en faisant retracer dans leurs maisons des actions moins éclatantes, pourroient rappeller les traits non moins honorables de la vie de leurs peres, de leurs amis, ou de leurs bienfaiteurs. Serions-nous moins sensibles à voir en action la générosité, la justice, l'attendrissement vertueux, que la majesté, la gloire, la vengeance, & ces inscriptions simples qu'on liroit au bas d'un tableau? le ressentiment étouffé ou l'amitié éprouvée, ne parleroient-elles pas autant au coeur & à l'esprit dans leur genre, que celles dans lesquelles on annonce des ennemis vaincus & des places assiégées? Il seroit donc très-possible de lier ensemble les compositions des tableaux qui orneroient un simple cabinet, comme on voit unis & dépendans les uns des autres, ceux qui décorent les galeries des rois; & des évenemens particuliers intéressans ou agréables, produiroient un plaisir vif à ceux qui connoîtroient particulierement ceux qui en seroient les acteurs, & un intérêt assez grand aux personnes indifférentes, à l'aide d'une courte inscription. Il seroit aisé d'appuyer cette idée de raisonnemens & de preuves; mais les raisonnemens & les preuves influent peu sur des usages que souvent le simple hasard introduit dans un tems; tandis que dans un autre, des volumes de dissertations ne pourroient les faire adopter. L'usage des galeries est encore d'y rassembler des tableaux de différens artistes anciens & modernes. Ces collections, loüables en elles-mêmes parce qu'elles contribuent à la conservation des chefs-d'oeuvre des Arts, demanderoient sans doute une intelligence quelquefois rare dans ceux qui les forment, pour que chaque composition fût dans la place la plus favorable aux beautés qui font son mérite. Il en est des tableaux comme des hommes; ils se font valoir ou se détruisent par les diverses oppositions de leurs caracteres. Un coloriste rigoureux est un voisin redoutable pour un dessinateur fin & correct, qui n'a pas assez entendu la magie de la couleur. Un homme dont l'esprit est plein d'images & la conversation brillante, n'obscurcit-il pas celui dont la raison moins colorée, pour ainsi dire, se montre sous des formes justes, mais avec moins d'éclat? Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galeries Author=Diderot Normalized Classification=Fonderie Part of Speech=NA Galeries * Galeries , terme de Fonderie , sont des espaces séparés par des murs de grès maçonnés d'argille, élevés de deux assises de seize pouces d'épaisseur chacune, & d'un pié de hauteur: on les pose au fond de la fosse sur un massif de deux rangs de brique l'un sur l'autre: sur ces murs de galerie on applique des plates-bandes de fer de quatre pouces de large sur huit lignes d'épaisseur, entaillées aux endroits où elles se croisent: elles servent de base à l'armature. Voyez les Planches de la Fonderie des figures equestres . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Galerie Galerie , ( Jardinage. ) il y en a de verdure; elles sont formées par des arcades des deux côté; ce qui les distingue des berceaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galeries d'Eau Author=d'Argenville Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galeries d'Eau Galeries d'Eau ; ce sont deux rangs de jets perpendiculaires qui tombent dans des rigoles ou goulettes de pierre ou de plomb, séparées ou contigues sur deux lignes paralleles: on en voit une à Sceaux, ornée de bustes de marbre & de niches de treillages du dessein du fameux Lebrun. Voy. Jet d'Eau ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galerie Author=unknown Normalized Classification=Jeu de paume Part of Speech=NA Galerie Galerie , terme de jeu de Paume; c'est un passage qui borde celui des côtés d'un jeu de paume, qui est tout ouvert depuis la hauteur de trois piés jusqu'au toît: ce côté ouvert est sépare par des poteaux qui le divisent en six parties à-peu-près égales, dont il y en a trois de chaque côte de la longueur du jeu. La premiere division, qui regne depuis la corde jusque & compris la porte ou passage par lequel on entre dans le jeu, se nomme le premier; l'espace compris depuis la porte jusqu'au poteau suivant, est appellé le second; & le reste de l'ouverture est appellé le dernier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALÉRIEN Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence | Marine Part of Speech=s.m. GALÉRIEN GALÉRIEN, s. m. ( Jurisprud. Marine. ) criminel condamné à servir de forçat sur les galeres du roi pendant un nombre d'années limité, ou à perpétuité: au premier cas, la condamnation à la peine des galeres avec flétrissure, emporte infamie, sans confiscation de corps ni de biens: au second, elle emporte mort civile, confiscation de biens dans les provinces où la confiscation a lieu, & privation de tous effets civils. Les fraudeurs & contrebandiers condamnés aux galeres faute de payement & par conversion d'amende, ne sont plus flétris & marqués ( déclaration du Roi de 1744 ); ils sont admis à payer l'amende après le jugement de conversion, même après qu'ils ont commencé à subir la peine contr'eux prononcée, & doivent être aussi-tôt remis en liberté; le jugement de conversion de peine demeurant en ce cas sans effet, & comme non avenu. Déclaration du Roi de 1756 . La peine des galeres a été sagement établie; elle conserve au service de l'état, sans danger pour la société, des sujets que leurs crimes auroient expatriés ou conduits au supplice: elle est d'ailleurs plus conforme aux lois de l'humanité. Les galériens ne furent d'abord appliqués qu'au service de la mer, suivant l'esprit de la loi: mais la méchanceté des hommes en général, l'ignorance de plusieurs juges, l'avidité des suppôts des fermes, peut-être le vice de quelques lois pénales, porterent bien-tôt le nombre de ces malheureux au-delà de ce qu'exigeoit le service des galeres, ils sont encore employés aux divers travaux des ports: c'est principalement dans ceux de Brest & de Marseille qu'on les rassemble de toutes les provinces du royaume, où les officiers & gardes de la chaine vont les prendre dans les mois d'Avril & de Mai de chaque année. Rendus dans les ports, ils sont partagés par chiourmes avec les esclaves, & renfermés enchaînés dans des bagnes ou salles de force; & à défaut, loges à-bord des vaisseaux hors de service, sous la police des intendans ou ordonnateurs, & la discipline des comites, argousins, & autres bas officiers préposés pour la faire observer. Les forçats, galériens , ou esclaves, sont nourris dans les bagnes & salles de force, à la même ration que sur les galeres dans le port. Ils sont employés de deux semaines l'une, & à tour de rôle, aux travaux de fatigue des arsenaux, suivant les ouvrages auxquels ils peuvent être destinés. On en accorde pour les manufactures utiles à la Marine, dans les différens ports; & aux fabriquans & artisans, pour travailler chez eux, aux soûmissions usitées pour leur sûreté. On permet aux forçats d'établir des barraques en-dehors des bagnes; d'y travailler de leur metier; & d'y vendre les ouvrages qu'ils ont faits, les jours qu'ils n'ont pas été destinés à la fatigue de l'arsenal. Les forçats ouvriers dans les barraques, & ceux travaillant en ville, ne peuvent être exempts de la fatigue de l'arsenal à leur tour, qu'en payant un autre forçat pour remplir leur service; & ce payement est fixé au moins à cinq sols. En cas d'armement, les chiourmes font le service des galeres pendant la campagne; au défaut d'armement, il doit être établi chaque année des galeres d'exercice, pour former & entretenir les forçats, tant au séjour sur la galere, qu'à la fatigue de la rame & aux autres manoeuvres. Les chiourmes sont dispensées, pendant leur tems d'exercice, de la fatigue de l'arsenal, & peuvent s'occuper, hors des heures d'exercice, à divers ouvrages à leur profit: moyennant quoi, il ne leur est donné que la ration ordinaire dans le port. Voyez l'ordonnance du Roi du 27 Septembre 1748 , portant réunion du corps des galeres à celui de la Marine. Quoique les galériens & les esclaves confondus dans le partage des chiourmes, ne composent qu'un même corps de forçats, associés aux mêmes travaux & au même service, il faut pourtant distinguer leur état. Les premiers sont des criminels condamnés par nos lois; les autres sont des hommes pris en guerre sur les infideles: suivant le droit de la guerre, ceuxci ne devroient être regardés que comme prisonniers; mais nous les réduisons dans une sorte d'esclavage par droit de représailles. Article de M. Durival le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALERNE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GALERNE GALERNE, s. f. ( Marine. ) vent de galerne; c'est celui qui souffle entre le couchant & le septentrion, qu'on nomme le nord-oüest. Voyez Vent . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALET Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.m. GALET GALET, s. m. ( Hist. nat. ) c'est un caillou de mer & de riviere, ordinairement rond ou plat, & fort poli, qu'on trouve sur la greve, sur-tout dans les ports & havres, & souvent en si grande abondance, qu'ils les gâtent & les comblent, à cause que la mer les pousse d'un côté & le courant de l'autre. Il est aisé de comprendre que la figure & le poli des galets leur viennent d'avoir été long-tems battus, agites par les flots, & usés les uns contre les autres; mais il s'en trouve aussi dans les terres, les vallées, & les montagnes. Un physicien assûre que les montagnes de Bonneil, de Broye, & du Quesnoy, situées a environ 18 lieues de la mer, sont remplies de ces sortes de cailloux. Il s'en trouve aussi une très-grande quantite en Dauphiné, &c. Parmi les galets qu'on rencontre dans les terres, il s'en voit plusieurs qui ont une surface inégale, irreguliere, & hérissée de pointes; & de plus cette surface est une espece d'écorce, différente du reste de leur substance. Il paroit que c'est-là leur état naturel, ear une cause étrangere ne peut guere les avoir revêtus de cette écorce, au contraire elle peut les en avoir dépouillés; & cette cause pourroit être un frottement long & violent. Il est d'ailleurs probable que ces sortes de galets sont de la même espece que les cailloux qui ont une pareille écorce, assez épaisse, & toute de craie; mais nous n'avons garde d'insister sur de telles conjectures, quoique rapportées dans l' histoire de l'académie des Sciences, année 1707 . On pretend que parmi les galets que la mer roule sur les côtes de Normandie, il y en a quelques-uns, dans lesquels on trouve d'assez beaux crystaux de différentes couleurs. Cet article de Lithologie n'est pas encore épuisé. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALETAS Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GALETAS GALETAS, s. m. terme d'Architecture , étage pris dans un comble éclairé par des lucarnes, & lambrissé de plâtre sur un lattis, pour en cacher la charpente, les tuiles, ou les ardoises. Lat. subtegulanea contignatio. Voyez Mansarde . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALETTE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GALETTE GALETTE, s. f. ( Marine. ) c'est en général un gâteau de pâte cuite sous la cendre; mais dans la Marine on donne ce nom à un biscuit rond & plat qu'on distribue aux Matelots. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALIEN, (veine de) Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GALIEN GALIEN, ( veine de ) Anatom. l'on remarque dans chaque portion latérale du plexus choroïde un trone de veine, dont les ramifications sont dispersées par toute l'étendue de ces deux portions. Ces deux troncs se rapprochent vers la glande pinéale, s'unissent derriere cette glande, & vont s'abaisser avec le torcular Herophili . On donne à ce tronc commun des deux veines le nom de veine de galien. Voyez Torcular , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALICE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.f. GALICE GALICE, s. f. ( Géog. ) province d'Espagne bornée au N. & à l'O. par l'Océan, au S. par le Portugal, dont le Minho la sépare; à l'E. par les Asturies, & par le royaume de Léon. L'air y est tempéré le long des côtes; ailleurs il est froid & humide. Saint-Jacques de Compostelle est la capitale de cette province. Elle a plusieurs ports qui sont très-bons, mais sans commerce; des mines de fer, de plomb, & de vermillon, dont on ne tire rien; des forêts remplies de bois pour la construction des vaisseaux, mais qu'on laisse dépérir; du vin, du lin, des citrons, des oranges, mais dont on ne fait point d'exportations avantageuses; enfin une quarantaine de villes dépeuplées, qu'on nommeroit ailleurs de misérables villages . La Galice a été érigée en royaume en 1060 par Ferdinand, roi de Castille, & est ensuite redevenue province jusqu'à ce jour. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galice, (la nouvelle) Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Galice Galice , ( la nouvelle ) Géog. contrée de l'Amérique septentrionale, que les Espagnols appellent aussi guadalajara. Voyez Guadalajara . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALILÉENS Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.m.pl. GALILÉENS GALILÉENS, s. m. pl. ( Théolog. ) nom de secte parmi les Juifs. Ils eurent pour chef Judas de Galilée, lequel croyant qu'il étoit indigne que les Juifs payassent tribut à des étrangers, soûleva ceux de son pays contre l'édit de l'empereur Auguste, qui ordonnoit de faire le dénombrement de ses sujets. Voyez Dénombrement , &c. Le prétexte de ces séditieux étoit que Dieu seul devoit être reconnu pour maitre , & appellé du nom de Seigneur . Du reste les Galiléens avoient les mêmes dogmes que les Pharisiens; mais comme ils ne croyoient pas qu'on dût prier pour les princes infideles, ils se séparoient des autres Juifs pour offrir leurs sacrifices en particulier. Voyez Pharisien . J. C. & ses apôtres étoient de Galilée; c'est la raison pour laquelle on les soupçonna d'être de la secte des Galiléens; & les Pharisiens lui tendirent un piége en lui demandant s'il étoit permis de payer le tribut à César, afin d'avoir occasion de l'accuser s'il le nioit. Voyez Josephe, antiq. jud. lib. XVIII. Dict. de Trévoux & de Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALIMATHIAS Author=Mallet Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=s.m. GALIMATHIAS GALIMATHIAS, s. m. ( belles-Lettres. ) discours obscur & embrouillé, où l'on ne comprend rien, où il n'y a que des mots sans ordre & sans liaison. On n'est pas d'accord sur l'origine de ce mot. Quelques-uns le dérivent de polymathie , qui signifie diversité de sciences , parce que ceux dont la mémoire est chargée de plusieurs sortes de sciences, sont d'ordinaire confus, & s'expriment obscurément. M. Huet croit que ce mot a la même origine qu' alibosum , & qu'il a été formé dans les plaidoyers qui se faisoient autrefois en latin. Il s'agissoit d'un coq appartenant à une des parties qui avoit nom Matthias . L'avocat à force de répéter les noms de gallus & de Matthias , se brouilla, & au lieu de dire gallus Matthiae , dit galli Matthias; ce qui fit ainsi nommer dans la suite tous les discours embrouillés. Au reste, nous ne donnons cette origine que comme vraissemblable, & en citant notre auteur, qui n'en garantit point du tout la vérité. Dictionn. de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALIERAN Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GALIERAN GALIERAN, s. m. Voyez & Freux">Butor & Freux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALIN Author=unknown Normalized Classification=Cornetier Part of Speech=s.m. GALIN GALIN, s. m. en termes de Cornetier , s'entend de l'ergot de boeuf encore brut, & tel qu'il sort du pié de l'animal. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALINSECTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GALINSECTE GALINSECTE, s. f. ( Hist. nat. ) genre d'insecte à six jambes, différent des progalinsectes, suivant la distinction qu'en fait M. de Réaumur. Les galinsectes , dit-il, ont le corps très-lisse quand elles sont grandes, au lieu que les progalinsectes y conservent des sortes de rides ou d'articulations qui les font mieux reconnoître pour des insectes, & pour être moins ressemblantes à des galles que ce qu'il appelle galinsectes. Voyez Progalinsectes . Il y a plusieurs especes de galinsectes; les plus grandes qu'on connoisse ne parviennent guere qu'à la grosseur d'un pois médiocre; lorsqu'elles sont très-petites, elles agissent & courent avec vivacité; mais les femelles devenues plus fortes, se fixent à quelqu'endroit de la plante ou de l'arbre dont elles sucent la substance; elles y croissent ensuite considérablement, sur-tout en grosseur, & y perdent avec la faculté de pouvoir changer de place, presque toute la figure extérieure d'un animal, prenant celle à-peu-près d'une gale, dans laquelle on diroit qu'elles se sont métamorphosées. C'est dans cette situation immobile qu'elles reçoivent la compagnie du mâle, qui transformé en une très-petite mouche, est un animal actif, qui ne ressemble en rien à la femelle. Celles ci après l'accouplement pondent, sans changer de place, un très grand nombre d'oeufs, qu'elles savent faire glisser sous leur ventre; elles meurent sur leur ponte, & leur corps qui y reste fixé, lui sert de couverture pour la garantir contre les injures de l'air, jusqu'à ce que ces petits éclos sortent de cet abri cadavéreux pour se transporter ailleurs. M. de Réaumur, dans son IV. tome sur les insectes , détaille amplément tous ces faits. Mais sur de pareilles matieres, il faut se fixer dans cet ouvrage à de simples généralités. On juge sans peine que les galinsectes se nourrissent du suc de la plante, & que le peu qu'elles en peuvent tirer du petit endroit où elles sont toûjours attachées, leur doit suffire. La trompe dont elles se servent pour sucer la plante, seroit certainement difficile à appercevoir. Parvenues à leur derniere grandeur, elles n'ont plus qu'à pondre; & non-seulement elles pondent sans changer de place, mais sans qu'il paroisse aucunement qu'elles ayent pondu. La galinsecte étoit appliquée par son ventre contre l'arbre, & n'offroit aux yeux que son dos, de sorte qu'elle avoit la figure d'un bateau renversé. Quand elle pond, elle fait passer ses oeufs entre son ventre & l'arbre à mesure qu'ils sortent, & les pousse du côté de sa tête; son ventre s'éleve donc toûjours soûtenu par les oeufs sortis, & se rapproche du dos; & comme toute la galinsecte n'étoit presqu'un paquet d'oeufs, il ne reste d'elle après sa ponte, que son ventre attaché à son dos. Les oeufs de plusieurs especes de galinsectes se trouvent posés sur un duvet cotonneux, qu'on peut appeller un lit , ou nid; tout le tas en est de même enveloppé en partie, si ce n'est qu'il y en a quelques-uns répandus dans ce duvet, comme au hasard. D'où peut venir cette matiere: car assûrement les galinsectes ne l'ont pas filée, aussi privées de mouvement qu'elles le sont? M. de Réaumur pense qu'elles l'ont transpirée, & l' histoire de l'academie des Scienc. année 1737, rapporte d'autres exemples de pareils faits. Il sort donc naturellement de la galinsecte même, un lit qui la tient plus mollement & plus commodément couchée sur l'arbre, & dans la suite ce lit devient nid pour les oeufs. Mais sa grande difficulté est de savoir comment les galinsectes ont été fécondées. M. de Réaumur croit encore avoir découvert le mystere. Il a vû, dit il, de très-petites mouches se promener sur le corps des galinsectes , dont chacune est pour elle un assez grand terrein, y chercher avec un aiguillon un endroit qu'elles veu'ent piquer, le trouver vers l'anus de la galinsecte , à une fente bien marquée, & alors plus ouverte, & y porter son aiguillon. Ces mouches seroient donc les mâles de cette espece, malgré leur grande différence de figure & de volume avec les femelles. Il est certain d'ailleurs que des mouches, quelles qu'elles soient, ne commencent pas par être mouches; il faut qu'elles ayent passé auparavant par quelque métamorphose. Parmi des galinsectes du même âge, on en voit de sort petites par rapport aux autres; & ce qui est plus remarquable, on trouve souvent que ce ne sont plus des galinsectes , mais seulement des coques vuides d'ou l'animal est sorti. Cet animal se sera métamorphosé, & devenu mouche , il fécondera des femelles de l'espece dont il tire son origine. Il y a toute apparence que les mouches qui fécondent les femelles d'une ponte, ont été des galinsectes d'une ponte précédente; il faut leur donner le tems de la metamorphose. Quand les oeufs des galinsectes éclosent, il en sort des petits très-vifs & très-agiles, qui se dispersent çà & là pour chercher quelque plante qui leur convienne; s'y fixent pour toûjours, & deviennent enfin sédentaires. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALIONS Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m.pl. GALIONS GALIONS, s. m. pl. ( Marine. ) on donne ce nom à de grands vaisseaux dont les Espagnols se servent pour le voyage des Indes occidentales. Ils ont 3 ou 4 ponts, & sont fort élevés. Autrefois on appelloit aussi en France galions , de grands vaisseaux de guerre, mais cela n'est plus d'usage. Les galions: on entend par cette expression un nombre de vaisseaux queles Espagnols envoyent à Carthagene & à Portobello pour rassembler toutes les richesses du Pérou & de la Terre-ferme, d'où ils reviennent en Espagne par la route de la Havane. Les galions sont ordinairement huit ou dix vaisseaux de guerre, qui servent de convoi à douze ou quinze vaisseaux marchands. Ils vont en droiture à Carthagene, ou se tient la premiere foire, de-là à Portobelo, autre foire la plus celebre & la plus riche de l'univers, reviennent de nouveau à Carthagene, où il y a une troisieme foire. Ils vont ensuite à la Havane, dans l'île de Cuba, d'où ils reviennent en Espagne. De galions , on a fait les mots de galionistes & flotistes . Les galionistes sont les marchands qui font le commerce des Indes espagnoles par les galions; & les flotistes , ceux qui le font par la flotte. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALIOTE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GALIOTE GALIOTE, s. f. ( Marine. ) petit bâtiment de charge, ou qui sert à porter des ordres. Il y a aussi des galiotes à bombes qui sont principalement en usage en France, qui n'ont que deux coursives, & dont les mortiers sont établis sur un fardage de cables qui s'étend jusqu'au fond de cale. La galiote va à voile & à rame; elle n'a qu'un mât, & pour l'ordinaire 16 ou 20 bancs à chaque bande avec un seul homme à chaque rame; elle est montée de deux ou trois pierriers; les matelots y sont soldats, & prennent le fusil en quittant la rame: on ne se sert guere de cette sorte de bâtiment que dans la mer Méditerranée. Les Hollandois donnent le nom de galiote à des bâtimens de moyenne grandeur, mâtés en heu: leur longueur ordinaire est de 85 à 90 piés, quoiqu'on en construise de moindres & de beaucoup plus grands: ils s'en servent pour faire de grandes traversées, & même jusqu'aux Indes. Pour donner une idée de cette sorte de bâtiment, voici le devis d'une galiote ordinaire, tiré des Hollandois. Devis d'une galiote de 85 pies de long de l'étrave à l'étambord, 21 piés de bau, & 11 piés de creux . L'étrave avoit un pié d'épaisseur & 10 piés de quête: l'étambord avoit la même épaisseur & un pié de quête. La quille avoit 14 pouces quarré. Le franc bordage jusqu'à la premiere préceinte étoit de 3 planches de Prusse ou de Pologne. Le plafond avoit 15 piés & un quart de large, & s'élevoit de 2 pouc. vers les côtés. Les varangues avoient 8 pouces & demi d'épais, & les genoux leur étoient proportionnés, mais ils n'avoient que demi-pié d'épaisseur par le haut contre le franc bordage. La carlinge avoit 2 piés de large & 9 pouces d'épais; les alonges avoient un demi-pié d'épaisseur par le bas, & 4 pouces & demi par le haut. La vraige d'empâture avoit 4 pouces d'épais, & 13 ou 14 pouces de large, & le reste du ferrage du fond depuis le fond jusqu'à la ferre banquiere, étoit de planches de 2 pouces d'épaisseur. La serre banquiere avoit 4 pouces d'épais; les baux 1 pié d'épais & onze, douze, ou treize pouces de large; ils étoient posés à 3 piés & demi l'un de l'autre. Chaque bau avoit 2 courbatons posés de haut en-bas. Il y avoit les baux proche du mât, 2 par-devant & 2 par-derriere; & chacun avoit le courbaton: 2 posés de haut en-bas, & 2 en-travers; les serre-gouttieres avoient 4 pouces d'épais. Il y avoit des barrotins de planches de chêne de 2 pouces, en travers sous le tillac. L'écoutille avoit 7 piés de long & 6 pouces de large. Les deux plus basses préceintes avoient 5 pouces d'épais, & la fourrure entre-deux avoit un pié de large; la plus haute préceinte avoit 9 pouces de large & 3 pouces d'épais, & la fourrure qui étoit dessous un pié de large; & celle qui étoit au-dessus 9 pouces; la lisse de vibord avoit 6 pouces de large & 3 pouces d'épais, & terminoit les côtés du vaisseau par le haut, ainsi que c'est l'ordinaire dans les galiotes . Le mât tomboit un peu plus vers l'arriere, qu'il ne fait dans les flûtes, pour empêcher que les voiles qui sont à de tels bâtimens, & qui donnent aux mâts beaucoup de poids en-avant, ne le fit trop pancher de ce côté-là: ce qui pourroit faire tomber le vaisseau sur leng. La chambre de proue s'étendoit à 11 piés de l'étrave; & la chambre de poupe à 11 piés & demi de l'étambord, descendant de 3 piés & demi au-dessous du tillac, & s'élevant de 2 piés & demi au-dessus. Le bâtiment avoit 5 piés de relevement à l'avant, & 8 piés & demi à l'arriere. Le petit mât d'artimon que le bâtiment portoit, étoit posé justement devant la place du timonnier, ou 2 piés & demi devant la chambre de poupe. Le grand mât étoit placé à un tiers de la longueur du vaisseau à prendre de l'avant. Le gouvernail avoit par le bas la même largeur que l'étambord, mais par le haut il étoit plus étroit; la barre passoit au-dessus de la petite voûte qui couvroit la chambre de l'arriere, en sorte qu'on la pouvoit tourner & faire jouer hors le bord, & ce qui a fait aussi donner à ces sortes de bâtimens le nom de tourne hors le bord . Quelquefois on leur donne à l'arriere la figure d'une flûte, & alors on les appelle bots; c'est au haut de leur avant qu'ils ont leur plus grande largeur; les dernieres planches du haut de l'arriere avancent un peu hors le vaisseau, de même que dans les sémales, afin que le gouvernail se puisse arrêter plus facilement, & qu'il ne s'éleve pas en-haut; auquel effet on y met aussi une planche de travers, qui sert encore de banc pour s'asseoir. On bâtit une autre sorte de petits vaisseaux en Hollande, qui ont la forme de galiotes par le bas, & celle de pinasses par le haut, avec un demi-pont; l'on s'en sert pour des voyages de long cours. Ils ont un véristant & une grande écoutille qui s'emboîte; mais ils n'ont point de dunette; la gardiennerie qui est suspendue & fort bas d'étage, sert de fonte aux poudres & au biscuit; & l'on y ménage encore assez d'autres commodités pour les provisions, par rapport à sa grandeur. La chambre de proue sert de cuisine, & il y a des cabannes & des aisemens de même qu'à l'arriere dans la chambre du capitaine, où il y a aussi une petite cheminée. Les galiotes destinees pour servir d'yachts d'avis, & non pour porter des cargaisons, comme sont celles ci-dessus mentionnées, sont un peu différentes des autres dans la forme. Ce sont des bâtimens ras à l'eau, & foibles de bois par le haut; le plafond s'éleve moins vers les côtés, & elles sont plus aiguës que les autres galiotes & ont moins de largeur, mais leurs mâts sont plus épais, & portent plus de voiles. Celles dont on se sert pour la pêche sont aussi d'une forme différente des autres; elles sont plus petites, & le fond de cale est séparé en divers retranchemens pour y mettre le poisson. Pour construire une galiotte telle qu'elle est décrite dans le devis ci-dessus, il faut douze bonnes planches pour le fond, 50 varangues, 12 guerlands & barres d'arcasses, 16 baux pour le pont, 2 vaigres d'empâture, 100 alonges, 32 courbatons, 3 planches pour le franc-bord, 2 préceintes, une autre préceinte avec la fermure de sabord & la lisse de vibord, 100 alonges de revers. Le mât d'une galiote de 85 à 88 piés, c'est-à-dire le grand mât, doit avoir 58 à 60 piés de long, & le tout doit être de 18 à 20 piés & 20 palmes de diametre. Le mât de hune ou perroquet doit avoir 14 piés de hauteur au-dessus du ton du grand mât, & 10 palmes de diametre; la vergue qui est à corne doit avoir 44 à 46 piés de long, & 10 à 11 palmes de diametre. Le beaupré doit avoir 46 à 48 piés de long & 12 palmes de diametre. Le mât d'artimon doit avoir 36 à 40 piés de haut au-dessus du pont, & 53 à 55 piés à fond de cale, & 9 pouces de diametre. La vergue de misene & de la fogue de misene doit avoir 40 à 42 piés. Le grand étai doit avoir 12 brasses de long & 9 pouces & demi d'épaisseur. L'étai du mât de hune 14 brasses de long à 6 pouces d'épaisseur. Chaque couple de haubans 18 brasses de long, & six pouces d'épaisseur. Le prudour & la caliorne, 45 brasses de long & 5 pouces d'épaisseur. Les prudours du bras, 8 brasses & demi de long & 3 pouces un quart d'épaisseur. Les garauts du bras 26 brasses de long. La drisse de misene 37 brasses de long. La drisse de la fogue de beaupré 37 brasses. Les deux galaubans 21 brasses de long & 6 pouces d'épaisseur. La corde qui descend comme étai du haut du mât à l'étrave, 15 brasses de long & 3 pouces d'épaisseur. La grande écoute 20 brasses de long & 3 pouces & demi d'épaisseur. L'écoute d'artimon 10 brasses de long. Les galaubans de perroquet d'artimon 15 brasses de long. Les gros cables chacun 100 brasses de long & 9 pouces & demi d'épaisseur. Une haussiere 120 brasses de long & 3 pouces d'épaisseur. Le palan & son teaugue 11 brasses de long, & le garau 24 brasses. Les galiotes & les bours sont ordinairement montés de 5 ou 6 hommes, & quelquefois plus, quelquefois moins, selon leur grandeur. C'est le maître ou patron qui y commande, & qui prend soin de tout ce qui regarde la charge du bâtiment. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALITE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALITE GALITE, ( Géog. ) petite île d'Afrique sur la côte de Barbarie, au royaume de Tunis, à dix lieues de l'île de Tabarca. C'est peut-être la Calathé ou AEgimurus des anciens ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALL, (Saint) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALL GALL, ( Saint ) fanum Sancti-Galli, Géog. ville de Suisse dans le haut-Thurgow, avec une riche & célebre abbaye. Cette ville forme depuis long-tems une petite république indépendante. Elle s'allia l'an 1454 avec les cantons de Zurich, de Berne, de Lucerne, de Schwits, de Zug & de Glaris; & elle embrassa la réformation l'an 1529. Sa situation est dans un vallon étroit & stérile, entre deux montagnes, & sur deux petites rivieres, à 14 lieues N. E. de Zurich, deux du lac de Constance, 46 N. de Berne, 25 N. E. de Lucerne. Long. 27. 10. lat. 47. 38 . Cette ville a produit quelques gens de Lettres connus, comme Vadianus (Joachim) littérateur du seizieme siecle, dont on a des commentaires sur Pomponius Mela. Il naquit à Saint-Gall en 1484, & mourut en 1551. L'abbaye de Saint-Gall a pris son nom d'un moine irlandois, qui en 646 vint s'établir dans ce pays-là, y bâtit un petit monastere dans lequel il vécut religieusement, & qu'on appella par cette raison après sa mort, la cella de Saint-Gall . Cette cella s'accrut comme il arrive à tous les monasteres, & finalement son abbé devint prince de l'Empire. Depuis la réformation, il fait sa résidence à Wyle, bourg de Thurgow. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLAPAGOS, (les Iles de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALLAPAGOS GALLAPAGOS, ( les iles de ) Géog. nom de plusieurs îles de la mer du Sud, sous la ligne, & qui ont été découvertes par les Espagnols, à qui elles appartiennent. Elles ne sont habitées que par quantité d'oiseaux & d'excellentes tortues qui aiment la chaleur. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLÉ, (Punta de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALLÉ GALLÉ, ( Punta de ) Géog. fort de l'ile de Ceylan, appartenant aux Hollandois qui en ont chassé les Portugais en 1640. Il est sur un rocher dans un territoire assez fertile, mais infecté de fourmis blanches. Long. 97. lat. 6. 30. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLES Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=s.m.pl. GALLES GALLES, s. m. pl. galli , ( Litt. ) prêtres de Cybele, qui avoient pris leur nom, ou du fleuve Gallus en Phrygie, parce qu'ils bûvoient de ses eaux qui leur inspiroient je ne sai quelle fureur; ou plûtôt de leur premier prêtre qui s'appelloit Gallus . Vossius propose ces deux étymologies, & paroît pencher davantage pour la seconde, qui est celle qu'Etienne le géographe a embrassée. Ovide favorise la premiere; mais Ovide est un poëte. Quoique les galles se donnassent le titre de prêtres de la mere des dieux , c'étoient néanmoins des gens de la lie du peuple, qui couroient de ville en ville joüant des cymbales & des crotales; & portant avec eux des images de leur déesse. Ils disoient sur leur route la bonne-avanture, & prédisoient l'avenir; ils menoient aussi dans leur compagnie de vieilles enchanteresses, qui faisoient des charmes pour séduire les gens simples: c'est de cette maniere qu'ils trouvoient le secret de rassembler des aumônes pour leur subsistance. Cependant l'institution des galles , après avoir commencé en Phrygie, se répandit dans toute la Grece; dans la Syrie, dans l'Afrique, & dans l'empire romain. La cérémonie qu'ils faisoient en Syrie, pour recevoir de nouveaux galles dans leur société, est ainsi décrite par Lucien. « A la fête de la déesse, se rend un grand nombre de gens, tant de la Syrie que des régions voisines; tous y portent les figures & les marques de leur religion. Au jour assigné, cette multitude s'assemble au temple, quantité de galles s'y trouvent & y célebrent leurs mysteres; ils se tailladent les coudes & se donnent mutuellement des coups de foüet sur le dos. La troupe qui les environne, joue de la flûte & du tympanum; d'autres saisis comme d'un enthousiasme, chantent des chansons qu'ils composent sur le champ. Tout ceci se passe hors du temple, & la troupe qui fait toutes ces choses n'y entre pas. C'est dans ces jours-là qu'on crée des galles; le son des flûtes inspire à plusieurs des assistans une espece de fureur; alors le jeune homme qui doit être initié, quitte ses vêtemens, & poussant de grands cris, vient au milieu de la troupe où il tire une épée, & se fait eunuque lui-même. Il court ensuite par la ville, portant entre ses mains les marques de sa mutilation, les jette dans une maison, dans laquelle il prend l'habit de femme. Quand un galle vient à mourir, ajoûte le même Lucien, ses compagnons l'emportent aux fauxbourgs, déposent la bierre & le corps du défunt sur un tas de pierres, se retirent, & ne peuvent entrer dans le temple que le lendemain après s'être purifiés ». Quant à leurs autres usages, c'est assez de remarquer qu'ils n'immoloient point de cochons, mais des taureaux, des vaches, des chevres, & des brebis; qu'ils faisoient pendant leurs sacrifices des contorsions violentes de tout le corps, tournant rapidement la tête de toutes parts, & se heurtant du front les uns contre les autres à la façon des béliers. Plutarque étoit sur-tout irrité de ce qu'ils avoient fait tomber les vrais oracles du trépié. Ces gens-là, dit-il, pour y parvenir, se sont a vises de chanter des vers par tous pays; de rendre des oracles, les uns sur le champ, les autres en les tirant au sort; après quoi ils les ont vendus à des femmelettes, qui ont été ravies d'avoir des oracles en vers & en cadence. Il y avoit deux galles à Rome, un homme & une femme, pour le service des autels de Cybele, qu'on honoroit sous le nom d' Idoea mater. Voyez ce mot . Il étoit même permis par la loi des douze tables, à cet ordre de prêtres, de demander l'aumône dans certains jours de l'année, à l'exclusion de tout autre mendiant. Vous trouverez de plus grands détails à ce sujet, dans Rosinus, antiq rom. liv. II. chap. jv . Godwin, Anthol. rom. lib. II. Vossius, & autres. J'ajoûterai seulement que les galles tout méprisables qu'ils étoient, avoient un chef très-considéré qu'on appelloit archigalle , ou souverain prétre de Cybele . Ce chef étoit vêtir de pourpre, & portoit la tiare. Voyez Archigalle . Il y a des inscriptions antiques qui font mention de l'archigalle; Lilius Gyraldus, Onuphrius & Gruter, se sont donne la peine de les recueillir. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galles, (Le pays de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Galles Galles , ( le pays de ) Géog . autrefois nommé Cambrie , en latin Cambria, Vallia , & en anglois Wales; principauté d'Angleterre, bornée à l'est par les comtés de Chester, de Shrop, de Hereford, & de Montmouth; à l'oüest & au nord par la mer d'Irlande, & au midi par le canal de Saint-Georges. Les Romains maîtres de la Grande-Bretagne, la divisoient en trois parties; savoir Britannia maxima Caesariensis , contenant la partie septentrionale; Britannia prima , contenant la méridionale; & Britannia secunda , contenant le pays de Galles . Ce dernier pays étoit alors habité par les peuples Silures, Dimetae & Ordovices . La plûpart des Bretons s'y retirerent pour y être à couvert des Saxons, lorsqu'ils envahirent l'Angleterre; & depuis il a toûjours été habité par leur postérité, les Gallois, qui ont eu leurs princes particuliers jusqu'à la in du treizieme siecle. Alors Edoüard premier les réduisit sous son obéissance, & leur pays devint par conquête l'apanage des fils aînés des rois d'Angleterre, avec titre de principauté. Cependant ces peuples ne furent jamais vraiment soûmis, que quand ils virent un roi Breton sur le throne de la Grande-Bretagne; je veux parler d'Henri VII. qui réunit les droits de la maison de Lancastre & d'Yorck, & conserva la couronne qu'il avoit acquise par un bonheur inoüi. Enfin sous Henri VIII. les Gallois furent déclarés une même nation avec l'angloise, sujette aux mêmes lois, capable des mêmes emplois, & joüissant des mêmes priviléges. Leur langue est l'ancien breton; & c'est peut-être la langue de l'Europe où il y a le moins de mots étrangers. Elle est gutturale; ce qui en rend la prononciation rude & difficile. Passons au pays. Il se divise en douze provinces; six septentrionales, qui forment le North-Wales; & six méridionales, qui constituent le South-Wales. Les Géographes vous indiqueront les noms & les capitales de ces douze provinces. L'air qu'on y respire est sain, & l'on y vit à bon prix. Le sol placé entre le neuvieme & le dixieme climat septentrional, est en général fort montagneux: cependant quelques-unes des vallées sont très-fertiles, & produisent une grande quantité de blé & de pâturages; de sorte que ses denrées principales consistent en bestiaux, peaux, harengs, coton, beurre, fromage, miel, cire, & autres choses semblables. Ce pays contient aussi de grandes carrieres de pierres de taille, & plusieurs mines de plomb & de charbon. Voyez-en le détail dans l' histoire naturelle de Childrey, Paris, 1667. in-12. Son étendue fait à-peu-près la cinquieme partie de l'Angleterre; elle comprend cinquante-huit bourgs à marché, & environ trois cents cinquante mille ames, qui payent pour la taxe des terres quarante-trois mille sept cents cinquante-deux livres sterlin. Son port de Milford, Milford-Haven , est un des plus sûrs & des plus grands qu'il y ait en Europe. Le pays de Galles a produit des gens illustres dans les Sciences, parmi lesquels je me contenterai de nommer Guillaume Morgan, traducteur de la Bible en gallois; Jean Owen poéte latin, connu par ses épigrammes; & le lord Herbert de Cherbury: ce dernier né en 1581, & mort en 1648, fut tout-ensemble un grand homme de guerre, un habile ministre d'état, & un écrivain très-distingué par ses ouvrages; son histoire du regne & de la vie d'Henri VIII. est un morceau précieux. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galles, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Galles Galles , ( les ) Géog . peuples d'Afrique dans l'Ethiopie à l'orient, au midi & au couchant de l'Abyssinie: de-là vient qu'il faut les distinguer en orientaux, occidentaux, & méridionaux. Ces peuples ennemis de la paix, ne vivent que de leurs brigandages, & sont continuellement en course contre les Abyssins. Ils ne cultivent ni ne moissonnent; contens de leurs troupeaux, soit en paix, soit en guerre, ils les chassent devant eux dans d'excellens pâturages; ils en mangent la chair souvent crue & sans pain; ils en boivent le lait, & se nourrissent de cette maniere, soit au camp, soit chez eux. Ils ne se chargent point de bagages ni de meubles de cuisine; des gamelles pour recevoir le lait, voilà tout ce qu'il leur saut. Continuellement prêts à envahir le bien des autres, ils ne craignent point les représailles, dont la pauvreté les met à couvert. Dès qu'ils se sentent les plus foibles, ils se retirent avec leurs bestiaux dans le fond des terres, & mettent un desert entr'eux & leurs ennemis. C'est ainsi qu'on vit autrefois les Huns, les Avares, les Goths, les Vandales, les Normands, répandre la terreur chez les nations policées de l'Europe, & les Tartares orientaux se rendre maîtres de la Chine. De même les Galles choisissent un chef tous les huit ans pour les commander; & ce chef ne se mêle d'aucune autre affaire. Son devoir est d'assembler le peuple, & de fondre sur l'ennemi, pour y acquérir de la gloire & y faire du butin. Telle est cette nation terrible qui a si bien affoibli le royaume de l'Abyssinie, qu'il en reste à peine au roi la moitié des états que ses ancêtres ont possédés. Les Galles l'auroient conquis entierement, si la mesintelligence ne s'étoit pas mise entre eux, & s'ils ne se fussent pas mutuellement affoiblis. Voyez l'histoire d'Ethiopie du savant Ludolf. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLIANA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GALLIANA GALLIANA, ( Hist. nat. ) pierre que quelques auteurs croyent avoit été la même que Pline appelle callaïna , & dont par corruption on a fait galliana . On croit que c'est la turquoise. Voyez le supplément du dictionnaire de Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLIAMBE Author=unknown Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=s.m. GALLIAMBE GALLIAMBE, s. m. ( Belles-Lettres. ) terme de Poésie; sorte de vers sort agréables que les galles ou prêtres de Cybele chantoient en l'honneur de cette déesse. Ce mot est formé de gallus , nom des prêtres de Cybele; & d' iambus , sorte de pié fort usité dans la poésie greque & latine. Voyez Iambe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galliambe Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galliambe Galliambe , se dit aussi d'un ouvrage en vers galliambiques. Voyez Galliambique . Dictionnaire de Trévoux & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLIAMBIQUE Author=unknown Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=NA GALLIAMBIQUE GALLIAMBIQUE, ( Belles-Lettr. ) terme de l'ancienne Poésie. On appelloit poëme galliambique , un poëme composé de vers gallïambiques. Voyez Galliambe . Le vers gallïambique étoit composé de six piés; 1°. un anapeste, ou un spondée; 2°. un ïambe, ou un anapeste, ou un tribraque; 3°. un ïambe, ensuite deux dactyles, & enfin un anapeste. On peut encore mesurer autrement le vers galliambique , & faire un arrangement de syllabe qui donnera des piés d'une autre espece. Les anciens n'avoient guere égard dans le vers galliambique qu'au nombre des tems ou des intervalles, parce qu'on chantoit ces sortes de vers en dansant, & que d'ailleurs on s'y mettoit peu en peine de l'espece des piés qu'on faisoit entrer dans sa composition. Vossius croit qu'ils imitoient fort le desordre & l'obscurité des dithyrambes. Voyez Dithyrambe . Dictionn. de Trévoux & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLICANE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=adject.f. GALLICANE GALLICANE, adj. f. ( Hist. mod. ) ce mot ne s'employe que dans les matieres ecclésiastiques, & même en peu d'occasions. L'église gallicane est l'assemblée des prélats de France. Voyez Eglise . Le breviaire gallican , c'est le breviaire particulier qu'avoit l'église de Gergenti en Sicile, & que les auteurs modernes de ce pays-là nomment le breviaire gallican . Apparemment qu'ils le nomment ainsi, parce qu'il y fut introduit par S. Gerland, qui fut fait évêque de Gergenti après que le comte Roger en eut chassé les Sarrasins, & par les autres évêques françois que les Normands y attirerent. Voyez Breviaire . La liturgie gallicane , c'est la maniere dont on célébroit autrefois le service divin dans les Gaules. Voyez Liturgie . Voyez le P. Mabillon, 1. lyturg. gall. ch. v. &c. Dictionn. de Trévoux & Chambers . Sur les libertés de l'Eglise gallicane, voyez l'article Libertés . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLICANUS SALTUS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALLICANUS SALTUS GALLICANUS SALTUS , ( Géog. ) autrement dit dans les auteurs latins Massicus & Gaurus ; trois noms synonymes d'une montagne de la Campanie heureuse. On l'appelle presentement Gerro . Elle est dans la terre de Labour au royaume de Naples. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLICISME Author=Beauzée | Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GALLICISME GALLICISME, s. m. ( Gramm. ) c'est un idiotisme françois, c'est-à-dire une façon de parler éloignée des lois générales du langage, & exclusivement propre à la langue françoise. Voyez Idiotisme . « Lorsque dans un livre écrit en latin, dit le dictionnaire de Trévoux sur ce mot, on trouve beaucoup de phrases & d'expressions qui ne sont point du-tout latines, & qui semblent tirées du langage françois, on juge que cet ouvrage a été fait par un françois; on dit que cet ouvrage est plein de gallicismes ». Cette maniere de parler semble indiquer que le mot gallicisme est le nom propre d'un vice de langage, qui dans un autre idiome vient de l'imitation gauche ou déplacée de quelque tour propre à la langue françoise; qu'un gallicisme en un mot est une espece de barbarisme. On ne sauroit croire combien cette opinion est commune, & combien on la soupçonne peu d'être fausse: elle a même surpris la sagacité de cet illustre écrivain, que la mort vient d'enlever à l'Encyclopédie; ce grammairien créateur à qui nous avons eu la témérité de succéder, sans jamais oser nous flater de pouvoir le remplacer; ce philosophe exact & profond qui a porté la lumiere sur tous les objets qu'il a traités, & dont les vûes répandues abondamment dans les parties qu'il a achevées, feront le principal mérite de celles que nous avons à remplir; en un mot M. du Marsais lui-même paroît n'avoir pas été assez en garde contre l'impression de ce préjugé. Voici comme il s'explique à l' article Anglicisme . « Si l'on disoit en françois foüetter dans de bonnes moeurs (whip into good manners), au lieu de dire fouetter afin de rendre meilleur , ce seroit un anglicisme ». Ne semble-t-il pas que M. du Marsais veuille dire que le tour anglois n'est anglicisme que quand il est transporté dans une autre langue? C'est une erreur manifeste, & que ceux mêmes qui paroissent l'insinuer ou la répandre ont sentie: la définition que les auteurs du dictionnaire de Trévoux ont donnée du mot gallicisme , & celle que M. du Marsais a donnée du mot anglicisme , en fournissent la preuve. L'essence du gallicisme consiste en effet à être un écart de langage exclusivement propre à la langue françoise. Le gallicisme en françois est à sa place, & il y est ordinairement pour éviter un vice; dans une autre langue, c'est ou une locution empruntée qui prouve l'affinité de cette langue avec la nôtre, ou une expression figurée que l'imitation suggere à la passion ou au besoin, ou une expression vicieuse qui naît de l'ignorance: mais par-tout & dans tous les cas, le gallicisme est gallicisme dans le sens que nous lui avons assigné. Chacun a son opinion , c'est un gallicisme où l'usage autorise la transgression de la syntaxe de concordance, pour ne pas choquer l'oreille par un hiatus desagréable. Le principe d'identité exigeoit que l'on dit sa opinion; l'oreille a voulu qu'on fît entendre sonn-opinion , & l'oreille l'a emporté suavitatis causâ . Eiles sont toute déconcertées; c'est un gallicisme , où l'usage qui met le mot toute en concordance de genre avec le sujet elles , n'a aucun égard à la concordance de nombre, pour éviter un contre-sens qui en seroit la suite: toute est ici une sorte d'adverbe qui modifie la signification de l'adjectif déconcertées , comme si l'on disoit, elles sont totalement déconcertées; au contraire toutes au pluriel seroit un adjectif collectif, qui détermineroit le sujet elles , comme si l'on disoit, il n'y en a pas une seule qui ne soit déconcertée: c'est donc à la netteté de l'expression que la loi de concordance est ici sacrifiée. Vous avez beau dire , c'est un gallicisme , où l'usage permet à l'ellipse d'altérer l'intégrité physique de la phrase ( voyez Ellipse ), pour y mettre le mérite de la brieveté. Un françois qui sait sa langue entend cette phrase aussi clairement & avec plus de plaisir, que si on employoit l'expression pleine, mais diffuse, lâche & pesante, vous avez un beau sujet de dire; c'est ici une raison de briéveté. Il est incroyable le nombre de vaisseaux qui partirent pour cette expédition; c'est un gallicisme , où l'usage consent que l'on soustraye les parties de la phrase à l'ordre qu'il a lui-même fixé, pour donner à l'ensemble un sens accessoire que la construction ordinaire ne pourroit y mettre. On auroit pu dire, le nombre de vaisseaux qui partirent pour cette expédition est incroyable; mais il faut convenir qu'au moyen de cet arrangement, aucune partie de la phrase n'est plus saillante que les autres: au lieu que dans la premiere, le mot incroyable qui se présente à la tête, contre l'usage ordinaire, paroît ne s'y trouver que pour fixer davantage l'attention de l'esprit sur le nombre des vaisseaux , & pour en exagérer en quelque sorte la multitude; raison d'énergie. Nous venons d'arriver, nous allons partir; ce sont des gallicismes , où l'usage est forcé de dépouiller de leur sens naturel les mots nous venons, nous allons , & de les revêtir d'un sens étranger, pour suppléer a des inflexions qu'il n'a pas autorisées dans les verbes arriver & partir , non plus que dans aucun autre: nous venons d'arriver , c'est-à-dire nous sommes arrivés dans le moment; expression détournée d'un pretérit récent, auquel l'usage n'en a point accordée d'analogique: nous allons partir , c'est-à-dire nous partirons dans le moment; expression équivalente à un futur prochain, que l'usage n'a point établi. Ces sortes de locutions ont pour fondement la raison irrésistible du besoin. Nous ne prétendons pas donner ici une liste exacte de tous les gallicismes; nous ne le devons pas, & l'exécution de ce projet ne seroit pas sans de grandes difficultés. Il est évident en premier lieu qu'un recueil de cette espece doit faire la matiere d'un ouvrage exprès, dont l'exécution supposeroit une patience à l'épreuve des difficultés & des longueurs, une connoissance exacte & réfléchie de notre langue & de ses origines, & une philosophie profonde & lumineuse; mais dont le succès, en enrichissant notre grammaire d'une branche qu'on n'a pas assez cultivée jusqu'à présent, assûreroit à l'auteur la reconnoissance de toute la nation, & une réputation aussi durable que la langue même. Si cette matiere pouvoit entrer dans un dictionnaire, elle ne pourroit convenir qu'à celui de l'académie, & nullement à l'Encyclopédie. On ne doit y trouver, en fait de Grammaire, que les principes généraux & raisonnés des langues, ou tout au plus les principes, qui, quoique propres à une langue, sont pourtant du district de la Grammaire générale; parce qu'ils tiennent plus à la nature de la parole, qu'au génie particulier de cette langue; qu'ils constituent ce génie plûtôt qu'ils n'en sont une suite; qu'ils prouvent la fécondité de l'art; qu'ils peuvent passer dans les langues possibles, & qu'ils étendent les vûes du grammairien. Mais tout détail qui concerne le pur matériel de quel que langue que ce soit, doit être exclu de ce Dictionnaire, dont le plan ne nous laisse que la liberté de choisir des exemples dans telle langue que nous jugerons convenable. Nos scrupules à cet égard vont jusqu'à nous persuader qu'on auroit dû omettre l'article anglicisme , qui ne devoit pas plus paroître ici que l'article arabisme qu'on n'y a point mis, & mille autres qui n'y seront point. L'article idiotisme qui les comprend tous, est le seul article encyclopédique sur cet objet; & nous ne donnons celui-ci que pour céder aux instances qui nous en ont été faites. Les articles A (mot) ad, anti, ce, di ou dis, elle, en & dans, es, futur (adj.) sont encore bien plus déplacés; on ne devoit les trouver que dans une grammaire françoise ou dans un simple vocabulaire. Nous ajoûtons en second lieu, que le projet de détailler tous les gallicismes ne seroit pas sans de grandes difficultés. Le nombre en est prodigieux, & plusieurs habiles gens ont remarqué que, si l'on en excepte les ouvrages purement didactiques, plus un auteur a de goût, plus on trouve dans son style de ces irrégularités heureuses & souvent pittoresques, qui ne paroissent violer les lois générales du langage que pour en atteindre plus sûrement le but. D'ailleurs, à-moins de bien connoître les langues anciennes & modernes où la nôtre a puisé, il arriveroit souvent de prendre pour gallicismes , des expressions qui seroient peut-être des hellénismes, latinismes, celticismes, teutonismes , ou idiotismes de quelque autre genre; & la précision philosophique que l'on doit sur-tout envisager dans cet ouvrage, ne permet pas qu'on s'y expose à de pareilles méprises. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLIN Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GALLIN GALLIN, s. m. poisson, Voyez Morrude . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLIPOLI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALLIPOLI GALLIPOLI, ( Géog. ) petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la terre d'Otrante, avec un évêché suffragant d'Otrante, un fort, & un port. Elle est sur un rocher toute environnée de la mer, à 12 lieues d'Otrante, & 18 de Tarente. Long. 35. 45. lat. 40. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gallipoli Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gallipoli Gallipoli , ( Géog. ) ville de la Turquie européenne, dans la Romanie, à l'embouchure de la mer de Marmara, avec un havre, & un évêché suffragant d'Héraclée. Elle est habitée par des turcs, des grecs, & des juifs. Soliman la prit en 1357; c'est la résidence d'un pacha. Elle est sur le détroit de même nom, autrement appellé le détroit des Dardanelles , à 16 lieues de Rodisto, 42 de Constantinople, 18 d'Imbro. Voyez sur Gallipoli , (car c'est son ancien nom) Thévenot, Tournefort, & Wheler. Longit. 44 d . 34'. lat. 40 d . 30'. 12'' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLIUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GALLIUM GALLIUM , s. m. ( Bot. ) genre de plante de la famille des étoilées. Ses feuilles, selon le système de Tournefort, lisses & sans poils, sortent du noeud des tiges, au nombre de cinq ou six en forme d'étoiles; sa fleur est monopétale, divisée en cinq parties; son fruit consiste en un couple de semences seches, qui ont d'ordinaire la figure d'un croissant. Dans le système de Linnaeus, le calice du gallium est divisé en quatre segmens, & situé sur le germe; les étamines sont quatre filamens plus courts que la fleur; les antheres sont simples; le germe du pistil est double; le stile est très-délicat, & de la même longueur que les étamines; les stigmates sont sphériques. Tournefort compte treize especes de gallium , dont la plus commune est le gallium luteum C. B. que nous appellons en françois caille-lait , parce que dans les pays septentrionaux on s'en sert en guise de presure pour faire prendre le lait. Les bons medecins l'employent fort rarement en Medecine; mais aucun d'eux ne la donne pour l'épilepsie. Ses fleurs contiennent un acide qu'on peut en séparer par la distillation: toutes les autres especes de gallium ne sont d'aucun usage. Il y en a cependant de curieuses pour les Botanistes, & M. de Jussieu a décrit deux de ces especes dans les mém. de l'acad. des Sciences, ann. 1714 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLOGLASSE Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.f. GALLOGLASSE GALLOGLASSE, s. f. ( Hist. mod. ) nom d'une milice d'Irlande. Cambden dans ses annales d'Irlande, page 792 , dit que la milice des Irlandois est composée de cavaliers, qu'on appelle galloglasses , qui se servent de haches très-aigues, & d'infanterie qu'on nomme kermés. Chambers . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLON Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GALLON GALLON, s. m. ( Comm. ) mesure des liquides en Angleterre; le gallon contient huit pintes de Londres, ce qui revient à quatre pintes mesure de Paris: 63 gallons font le muid ou la barrique; 126 la pipe, & 252 le tonneau. Les gallons pour le vin sont d'un cinquieme plus petits que ceux qui servent à l'aile ou à la bierre; ensorte que quatre gallons de l'une ou de l'autre de ces liqueurs en font cinq de vin. Les 63 gallons anglois font douze steckannes hollandoises; l'huile se vend aussi au gallon à Londres, le gallon pesant environ sept livres & demie. Dans la province de Cornoüailles, c'est au gallon que les Etamiers mesurent leur étain noir, c'est-à-dire la pierre de mine réduite en poudre. Le gallon en cette occasion est une espece de boisseau: un pié cube d'étain noir fait deux gallons . Cette sorte de gallon dont on se sert pour les grains, graines, légumes, & autres corps solides, est plus grand que le gallon de vin, mais plus petit que celui de l'aile & de la bierre. Ce dont il surpasse le premier est comme de 33 à 27, & ce qu'il a de moins que le second, est comme de 33 à 35; il pese environ huit livres poids de troy. Deux de ces gallons font un peck ou picotin; quatre pecks font un boisseau, quatre boisseaux un comb ou carnok, deux carnoks une quarte, & dix quartes un lest qui tient cinq mille cent-vingt pintes, ou autant de livres pesant poids de troy. M. Chambers remarque sur la continence des différentes sortes de gallons , que le gallon de vin contient 231 pouces cubiques, & huit livres aver du poids d'eau pure: que le gallon de bierre & d'aile contient 282 pouces cubiques, & que le gallon de grain & de farine contient 272 pouces cubiques, & neuf livres treize onces d'eau commune. Gallon se dit encore en quelques lieux de France, mais particulierement en Normandie, du côté de Caen, d'une mesure des liqueurs contenant deux pots ou la moitié d'un septier. Ce gallon n'est guere différent de celui d'Angleterre, & il y a même de l'apparence qu'il y a passé de Normandie avec Guillaume le Conquérant. Voyez l'article précédent. Gallon , boîte ou petit boisseau qui sert en Touraine pour mettre les prunes seches qu'on appelle pruneaux . On n'y met ordinairement que ceux qui sont les plus beaux, & qui sont l'élite de ses fruits secs. Voyez Pruneau . Gallon . Les Epiciers appellent aussi gallons , certaines boîtes rondes & peintes de diverses couleurs qui viennent de Flandres, dans lesquelles ils enferment plusieurs sortes de marchandises, sur-tout les drogues & épiceries. Chaque gallon a un cartouche ou etiquette, qui marque en gros caracteres la drogue ou marchandises qui y sont. Dictionn. de Commerce & de Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALLOWAY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALLOWAY GALLOWAY, Gallovidia, Galdia , ( Géog. ) province considérable de l'Ecosse méridionale, avec titre de comté, sur la mer d'Irlande, qui la baigne au sud & à l'oüest; elle est bornée à l'est par le Nithardale; au nord, par les provinces de Kyle & de Carrick: son terroir est tout cultivé; on en tire quantité de laines & de chevaux petits, trapus, courts, forts & estimés. C'est un pays montueux; & par-là plus propre à nourrir des bestiaux qu'à recueillir des grains. Cambden croit que le Galloway est une partie du pays des anciens Novantes; & c'est pour cela que quelques-uns l'ont appellé Novantum & Chersonerus . Withern est la capitale de cette province. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALOCHE Author=unknown Normalized Classification=Cordonnerie Part of Speech=s.f. GALOCHE GALOCHE, s. f. ( Cordonn. ) ce nom a différentes significations: c'est une chaussure de cuir qui couvre le soulier, qui le tient propre & le pié sec; c'est une espece de sandale à semelle de bois. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galoche Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Galoche Galoche , ( Marine. ) c'est une poulie dont le mouffle est fort plat, sur-tout d'un côté: on l'applique sur la grande vergue & sur la vergue de misene, afin d'y passer des cargues-boulines. On appelle aussi galoche une piece de bois en forme de demi-rond, qui sert à porter les taquets d'écoutes. On donne encore ce nom à un trou à demi couvert par une petite piece de bois voûtée qu'on fait dans le panneau d'une écoutille, pour faire passer un cable. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALOIS Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire de la chevalerie Part of Speech=s.m.pl. GALOIS GALOIS, s. m. pl. ( Hist. de la Chevalerie. ) nom que les historiens donnent aux membres d'une espece de confrairie qui parut en Poitou dans le quinzieme siecle, & qu'on pouvoit appeller la confrairie des pénitens d'amour . Les femmes, aussi-bien que les hommes, entrerent dans cette confrairie, & se disputerent à qui soûtiendroit le plus dignement l'honneur de ce fanatisme d'imagination, dont l'objet étoit de prouver l'excès de son amour par une opiniâtreté invincible à braver les rigueurs des saisons. Voici ce qu'ajoûte M. de Saint-Palaye, dans son curieux traité de la chevalerie . Les chevaliers, les écuyers, les dames & demoiselles qui embrasserent cette réforme, devoient, suivant leur institut, pendant les plus ardentes chaleurs de l'été, se couvrir chaudement de bons manteaux & chapperons doublés, & avoir de grands feux auxquels ils se chauffoient comme s'ils en eussent eu grand besoin: enfin ils faisoient en été tout ce qu'on fait en hyver; peut-être pour faire allusion au pouvoir de l'amour, qui suivant nos anciens poëtes, opere les plus étranges métamorphoses. L'hyver répandoit-il ses glaces & ses frimats sur toute la nature, l'amour alors changeoit l'ordre des saisons; il brûloit de ses feux les plus ardens les amans qui s'étoient rangés sous ses lois; une petite cotte simple avec une cornette longue & mince, composoit tout leur vêtement: c'eût été un crime d'avoir fourrure, manteau, housse, ou chapperon double, & de porter un chapeau, des gants, & des mouffles; c'eût été une honte de trouver du feu dans leurs maisons; la cheminée leurs appartemens étoit garnie de feuillages ou autres verdures, si l'on pouvoit en avoir, & l'on en jonchoit aussi les chambres. Une serge legere étoit toute la couverture qu'on voyoit sur le lit. A l'entrée d'un galois dans une maison, le mari soigneux de donner au cheval de son hôte tout ce qu'il lui falloit, le laissoit lui-même maître absolu dans la maison, où il ne rentroit point que le galois n'en fût sorti: il éprouvoit à son tour, s'il étoit de la confrairie des galois , la même complaisance de la part du mari, dont la femme associée à l'ordre sous le nom de galoise , étoit l'objet de ses soins & de ses visites. Si dura cette vie & ces amourettes grant piece (long-tems), dit l'auteur (le chevalier de la Tour) en terminant ce récit, jusques à tant que le plus de ceux en furent morts & périlz de froit: car plusieurs transissoient de pur froit, & mouroient tout roydes de lez leurs amyes, & aussi leurs amyes de lez eulx, en parlant de leurs amourettes, & en eulx mocquant & bourdant de ceulx qui étoient bien vesteus: & aux autres, il convenoit desserrer les dents de cousteaulx, & les chauffer & frotter au feu comme roydes & engellez...Si ne doubte point que ces galois & galoises, qui moururent en cet état, ne soyent martyrs d'amour , &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALON Author=unknown Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=s.m. GALON GALON, s. m. ( Rubannier. ) tissu étroit qui se fabrique avec l'or, l'argent, la soie, & quelquefois avec le fil seul. Les galons d'or & d'argent servent aux habillemens des personnes riches: on s'en sert aussi pour orner les ornemens d'église & les meubles somptueux. Les galons d'or & d'argent, qui ne servent qu'aux habillemens, aux ornemens d'église, & des meubles, se nomment bords ou bordés: les Chapeliers appellent bords les galons qu'ils mettent sur les chapeaux. Les galons de soie se sont à Lyon; il y en a de deux largeurs différentes, distinguées par le n°. 2 & le n°. 3. le n°. 2 porte sept lignes de largeur, & le n°. 3 en a 9; les pieces des uns & des autres sont de 60 aunes, qui se partagent en deux demi-pieces de 30 aunes. Le galon de laine est une espece de ruban large qui doit avoir 36 fils de chaîne, & dont la piece doit contenir 36 aunes: ce galon se fait à Amiens par des ouvriers qu'on appelle Passementiers . Les galons de livrée sont des tissus veloutés de laine ou de soie de diverses couleurs & façons dont on orne les habits des domestiques, pour faire connoître la qualité & la maison des maitres. Ce sont les Tissutiers-Rubaniers qui fabriquent toutes sortes de galons de livrée, & qui les vendent aux maîtres qui les ont commandés. Voyez Rubannier . Le mot galon vient des pieces que l'on met aux habits, pour en couvrir les trous ou les taches: ainsi les galons sont devenus l'ornement & la parure des riches, après avoir été un des signes de la pauvrete. Nous ne nous étendons pas davantage ici sur la fabrique des galons . On en saura suffisamment, lorsqu'on aura lu ce que nous avons à dire de la toile, de la gaze, du ruban, & des autres étoffes figurées. Voyez ces articles . Le galon n'est qu'une exécution de ces ouvrages en petit. Voyez aussi nos Planches, & leur explication; vous y verrez le métier à galon , & les autres instrumens propres au Galonnier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galons Author=unknown Normalized Classification=Confiseur Part of Speech=NA Galons Galons , en terme de Confiseur , ce sont des boîtes rondes dont on se sert pour serrer les dragées & autres confitures seches: on leur donne peut-être ce nom, parce qu'elles sont bordées en-haut & en-bas d'une espece de galon ou dentelle en peinture. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALONNIER Author=unknown Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA GALONNIER GALONNIER, ( Rubann. ) se dit, quoiqu'imparfaitement, des Rubanniers-Frangers, qui fabriquent toutes sortes de galons. Voyez Rubanniers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALOP Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.m. GALOP GALOP, s. m. ( Manége. ) terme qui, selon Budé, Saumaise, Vossius, Bourdelot, Ménage, & tous les étymologistes, est tiré du grec κάλπη ou κάλπα , d'où dérivent καλπᾶν, καλπάζειν : de ceux-ci les Latins ont dit calpare & calapere , & les François galoper, galop . Telle est l'origine & la filiation de ce mot consacré à l'expression de la plus élevée & de la plus diligente des allures naturelles du cheval. Cette allure consiste proprement dans une répétition & une suite de sauts en-avant: il suffit de considérer un cheval qui galope, pour s'appercevoir qu'elle n'est effectuée que conséquemment à des élancemens successifs & multipliés, qui ne sont & ne peuvent être opérés qu'autant que les parties postérieures, chargées d'abord du poids de la masse, font proportionnément aux flexions qu'elles subissent, un effort pour chasser les portions antérieures qui sont détachées de terre; & les ayant déterminées en effet, se portent & prennent elles-mêmes après chacune des foulées & des relevées de l'avant-main, & plus ou moins près de la direction perpendiculaire du centre de gravité de l'animal, un appui au moyen duquel elles sollicitent, par de nouvelles percussions, la continuation de cette action, dans laquelle, & à chaque pas complet, il est un instant où toute la machine est visiblement en l'air. Si les piés qui terminent les extrémités de l'arriere-main ne parviennent pas, lors des foulées, extrèmement près de ce centre, la flexion de ces mêmes extrémités est moindre, leur détente se fait dans une direction plus oblique de l'arriere à l'avant: l'animal s'alonge donc davantage; il embrasse plus de terrein: mais son allure étant moins racourcie, est aussi moins haute; & c'est ce qui arrive dans le galop ordinaire, qui ne nous fait entendre que trois battues exécutées, par exemple, à main droite, l'une par la jambe du montoir de derriere; l'autre par les jambes droite de derriere & gauche de devant ensemble; la troisieme, par la jambe de devant de dedans. Si au contraire la flexion des reins, ou, pour parler plus exactement, la flexion des vertebres lombaires est telle, que le derriere soit considérablement abaissé, & que les angles qui résultent des articulations des extrémités postérieures soient rendus très aigus, les foulées de ces extrémités étant beaucoup plus rapprochées de la direction du centre dont il s'agit, la masse entiere est plus élevée que chassée; l'action est moins alongée, mais elle est plus soûtenue; & de-là les differens genres de galop plus ou moins trides, plus ou moins sonores, plus ou moins cadencés, & dans lesquels notre oreille est frappée du son de quatre battues très-distinctes, dont la premiere est fournie par la jambe de derriere de dehors, la seconde par la jambe qui est avec celle-ci, compose le bipede postérieur; la troisieme, par la jambe postérieure de devant de dehors; & la quatrieme, par la jambe qui l'avoisine. Voyez Manége . Ici la succession harmonique des mouvemens des membres du cheval, differe de l'ordre observé par ces mêmes membres dans les autres allures naturelles. Les foulées des bipedes postérieur & antérieur ne sont pas mutuellement interrompues & diagonalement entrecoupées les unes par les autres, ainsi qu'on le remarque à l'action du pas. Chaque jambe du bipede antérieur n'agit pas & ne foule pas toûjours diagonalement avec celle du bipede postérieur, ainsi qu'on le voit dans le trot uni. La battue d'une jambe de l'un de ces bipedes est constamment suivie de celle de l'autre jambe de ce même bipede; & de plus, un des bipedes latéraux doit toûjours devancer l'autre: je m'explique. Soit un cheval galopant à main droite; les jambes droites, qui forment un bipede latéral, doivent régulierement outre-passer les jambes gauches dans leur marche & dans leurs foulées; comme lorsque l'animal galope à gauche; les jambes gauches, qui forment ensemble un autre bipede latéral, doivent outre-passer les jambes droites. Dans cet état, le galop est réputé juste & uni; la justesse dépendant spécialement de la jambe de devant qui outre-passe sa voisine, c'est-à-dire qui mene ou qui entame: car l'allure est falsifiée, si à droite, la jambe gauche, & à gauche, la jambe droite devancent, & l'union ne naissant que de l'accord des membres de derriere & de devant; celui de derriere étant nécessairement astreint à suivre le mouvement de la jambe à laquelle il répond latéralement: ensorte que l'une de devant entamant, celle de derriere du même côté doit entamer aussi; sans cette condition, l'animal est desuni, & sa marche est d'ailleurs chancelante & peu sûre. Voyez Manége . Quelque notable que soit la différence de l'arrangement des membres au trot, l'expérience nous apprend que si le cheval est pressé au-delà de la vîtesse de cette allure, l'ordre en est bien-tôt interverti par la foulée plus prompte de l'un des piés de derriere, dont la chûte accélérée hâte celle de l'autre pié du même bipede postérieur, qui au moment où il se meut & se porte en-avant pour effectuer sa battue, mene & entame d'accord avec le pié de devant du même côté; de maniere que dès-lors les quatre jambes procedent par une suite de mouvemens qui n'a rien de dissemblable, & qui est précisément la même que celle qui constitue véritablement le galop . Pour découvrir la raison de ce changement subit & indispensable, il suffit d'observer que dans un trot médiocrement vîte, l'intervalle où le pié de devant doit se détacher de terre à l'effet de livrer la place qu'il occupoit sur le sol au pié de derriere qui le suit immédiatement, est en quelque façon imperceptible. Or soit sensiblement diminué, à raison d'une augmentation considérable de célérité, l'espace de tems nécessaire & accordé pour l'accomplissement des deux doubles foulées diagonales qui caractérisent cette allure; il est évident que l'instant donné à chaque bipede latéral pour completer son action, sera si court & si limité, que le pié antérieur qui doit toûjours céder le terrein, ne pouvant assez promptement s'élever, & étant conséquemment atteint, rencontré & heurté à chaque pas par le pié postérieur qui le chasse, la chûte de l'animal sera inévitable: telles sont donc les bornes prescrites à la rapidité du trot, que si elle est portée à un extrème degré, le cheval, par une espece d'instinct, passe de lui-même à une autre allure, dans laquelle les jambes qui composent les bipedes latéraux, fournissant ensemble & de concert au mouvement progressif, ne peuvent absolument s'entrenuire, & qui lui donnant encore, au moyen des percussions plus obliques, l'aisance de porter par l'effort de chacun de ces membres, dont l'action n'est néanmoins pas réellement plus prompte; la masse totale de son corps beaucoup plus avant, le met en état de répondre & de satisfaire sans crainte & sans danger à l'excès de vîtesse dont le trot n'est pas susceptible. Mais parce que cette interversion forcée & suggérée par la nature, a constamment & généralement lieu dans tous les chevaux qui trottent, lorsque leur marche est vivement hâtée, s'ensuit-il que l'allure née de cette même interversion doive toûjours essentiellement reconnoître pour fondement celle à laquelle elle succede dans cette circonstance? le duc de Newkastle l'a pensé; & j'avoue qu'une déférence trop aveugle pour ses sentimens m'a induit en erreur, dans un tems où par un défaut de philosophie, de réflexions & de lumiere, je jugeois indiscrettement & sans examen du mérite d'une opinion, sur la foi du nom & de la réputation de son auteur. Voyez le nouv. Newkastle, édit. 1744 . Conclure du changement qui résulte de la véhémence du trot, que cette action est le principe du galop , c'est avancer & soûtenir que la célérité seule en est la base: or rien de plus faux que cette maxime. Nous voyons en effet, que quelque lente que soit l'allure de l'animal, pourvû qu'elle soit soûtenue, elle est plus prochaine du degré requis pour le porter à ce mouvement prompt & pressé, que celle qui étant abandonnée, est dans un plus grand degré de vîtesse. Supposons, par exemple, un cheval dans l'action tardive d'un pas parfaitement écouté, ou d'un trot exactement uni; il est incontestable que, malgré la lenteur de la progression dans l'un & dans l'autre de ces cas, ses forces se trouvant rassemblées, il sera plus libre & plus disposé à passer de ces mouvemens à une action rapide & diligente, que du pas alongé ou de campagne, ou que d'un trot simplement déterminé: il faut donc nécessairement convenir que le fondement & la condition réelle d'un vrai galop se rencontrent principalement dans le point d'union d'où naît la possibilité & la plus grande facilité que l'animal a de percuter & de s'enlever, & non dans une célérité qui l'éloignant de cet ensemble, ne sauroit produire qu'une action basse, rampante, & également précipitée sur les épaules & sur l'appui. C'est sur cette vérité que porte évidemment la regle qui nous prescrit de ne point galoper un cheval qu'il ne se présente aisément & de lui-même à cette allure, & qui fixant d'une maniere positive les progrès qui dans l'école doivent précéder cette leçon, nous astreint à ne l'y exercer qu'autant qu'il a acquis la franchise, la souplesse & l'obéissance qui doivent en favoriser l'intelligence & l'exécution: il est tems alors de l'y solliciter, l'action du galop étant infiniment moins coûteuse & moins pénible à l'animal par le droit, qu'en tournant on le travaillera d'abord sur des lignes droites. La difficulté qu'il éprouve sur des cercles, est néanmoins une ressource dont un homme de cheval profite habilement dans une foule d'occurences. Il est des chevaux naturellement ardens, qui s'animent toûjours de plus en plus en galopant, qui s'appuient & qui tirent de maniere qu'à peine le cavalier peut les maîtriser; il en est encore, qui doüés de beaucoup d'agilité & de finesse, se desunissent souvent: plusieurs, non moins fins & non moins sensibles que ceux-ci, mais dont le corps peche par trop de longueur, communément falsifient; quelques-uns ne partent jamais du pié qui doit mener. Le moyen d'appaiser la vivacité des premiers, de donner aux seconds l'habitude de la justesse des hanches, & aux autres celle de la justesse des épaules, est de les entamer préférablement sur un rond dont l'espace soit toûjours relatif à leur aptitude & aux vûes que l'on se propose; parce que la piste circulaire exigeant une plus grande réunion de forces, & occupant, pour ainsi parler, toute l'attention de l'animal, en modere la fougue, & captive tellement ses membres, qu'il ne peut que ressentir une peine extrème, lorsqu'il veut se livrer aux mouvemens desordonnés d'une allure fausse & desunie. Après qu'ils ont éte exercés ainsi, & lorsqu'ils sont parvenus au point desiré de tranquillité & d'assûrance, il est bon de les galoper devant eux, de même que de porter insensiblement sur les cercles ceux que l'on a commencé par le droit; car l'aisance & la perfection de cette action dans un cheval qui d'ailleurs y a été préparé, dépend véritablement de la succession & même du mélange éclairé des leçons sur ces terreins diversement figurés. Le trot a paru en général, eû égard aux premieres instructions, l'allure la plus propre & la plus convenable pour partir, & pour enlever l'animal: elle est telle en effet, quand elle est soûtenue; parce que la vîtesse & l'ensemble étant alors réunis, pour peu que les aides ajoûtent au degré de percussion que l'une & l'autre suscitent, le cheval est bien-tôt & facilement déterminé. Il importe cependant d'en mesurer & d'en régler avec art la véhémence & le soûtien; elle ne doit être abandonnée dans aucun cas: mais relativement à des chevaux qui tiennent du ramingue, ou qui sont pourvus d'une union naturelle, ou qui n'ont pas une certaine finesse, elle doit être plus ou moins alongée; sa célérité ne pouvant que combattre la disposition qu'ils ont à se retenir, & suppléer dans ceux qui n'ont point assez de sensibilité, à la force que l'on seroit obligé d'employer, pour les résoudre à l'action qu'on leur demande. S'il s'agit de chevaux chargés d'épaules, ou bas du devant, ou longs de corps, ou qui ont de l'ardeur, & qui sont conséquemment enclins, les uns à s'appuyer considérablement sur la main, les autres à s'étendre & à peser, & les derniers à tirer, à s'échapper & à fuir; il faut qu'elle soit proportionnément racourcie. Il arrive souvent, j'en conviens, que l'impatience & la vivacité de ceux-ci leur rendant insupportable la contrainte la plus legere, ils se gendarment & s'enlevent continuellement & plusieurs fois à la même place, sans se porter en avant. On ne peut pas néanmoins favoriser, en les pressant, leur penchant à se dérober: mais il est essentiel, dans ces momens de défense, de rendre la main avec assez de délicatesse & de subtilité pour les engager à suivre l'action entamée du galop; à-moins qu'on ne les parte de l'allure modérée du pas, plûtôt que du trot, dont la promptitude les anime toûjours davantage; cette voie étant la meilleure & la plus courte pour les tenir dans le calme, & pour obtenir d'eux l'application qui en assûre l'obéissance. C'est sur la connoissance de la méchanique du galop , que doit être fondée la science des aides, qui peuvent en suggérer & en faciliter les moyens. Renfermez le cheval en arrondissant la main, & en tournant les ongles en haut; ce qui opérera une tension & un racourcissement égal des deux rênes; & approchez dans le même instant vos jambes du corps de l'animal: vous déterminerez infailliblement l'une & l'autre de ses extrémités à un mouvement contraire: car le devant étant retenu, & le derriere étant chassé, l'antérieure sera nécessairement détachée de terre, tandis que l'extrémité postérieure. occupée du poids de la masse, sera baissée & pliera à raison de ce même poids; l'antérieure est en l'air: mais les foulées des deux jambes qui la recevront dans sa chûte, doivent être successives & non simultanées; l'action de votre main & de vos jambes, action que vous avez dû proportionner au plus ou moins de sensibilité, au plus ou moins de souplesse du cheval, & à la réunion plus ou moins intime de ses membres, lors de l'instant qui précédoit le partir, sera donc subitement suivie du port de votre rêne droite à gauche, & de votre rêne gauche à vous, s'il s'agit d'un galop à droite; ou de votre rêne gauche à droite, & de votre rêne droite à vous, s'il s'agit d'un galop à gauche. L'effet des unes ou des autres de ces rênes s'imprime sur l'épaule à laquelle elles répondent. Or l'épaule de dedans étant mûe sur le côté où la main la conduit, & celle de dehors étant arrêtée, le devant se trouve retréci, & la retombée en sera incontestablement fixée sur la jambe de dehors, dont la battue précedera celle de la jambe de dedans, qui, attendu le rejet de l'épaule sur le dehors, sera forcée dans la progression d'entamer, c'est-à-dire de devancer l'autre; en même tems que le retrécissement du devant a lieu, l'élargissement du derriere s'effectue; l'extrémité antérieure ne pouvant être portée d'un côté, que l'extrémité postérieure ne se meuve du côté contraire; & les hanches en étant sollicitées dans cette circonstance, non-seulement par l'opération des rênes dont l'impression s'est manifestée sur l'épaule de dehors & sur celle de dedans, mais par l'appui de votre jambe de dehors, dans laquelle le premier degré de force a dû subsister dans son entier, à la différence de celui qui résidoit dans l'autre, & qui a dû sensiblement diminuer. De cette détermination de la croupe dans un sens opposé à celle de l'avant-main, il résulte que la jambe de derriere de dehors est gênée, & que celle de dedans étant en liberté, accompagnera exactement celle avec laquelle elle forme un bipede latéral; de maniere que les deux jambes de dehors ne pouvant qu'être chargées, & celles ci mener ensemble la précision & la justesse, en ce qui concerne l'arrangement & l'ordre successif des membres, seront inévitables. Considérons-le encore cet arrangement. L'épaule de dedans est beaucoup plus avancée que celle de dehors, & la jambe de dehors de l'extrémité postérieure, beaucoup plus en-arriere que celle de dedans. La premiere de ces jambes est toûjours occupée du fardeau de la masse; l'autre, au moment du renversement de l'épaule, s'est approchée de la direction du centre de gravité; elle a été déchargée de celui qu'elle supportoit, & n'a pû en être chargée de nouveau, vû son extrème flexion; aussi les suites de leur percussion sont-elles différentes. Celle de la jambe de dehors, qui d'ailleurs est invitée par l'aide de la jambe du cavalier à une extension subite & violente, s'exécutera d'abord; mais par elle le corps du cheval sera porté seulement en-avant, tandis que la seconde percussion opérée par l'appui de la jambe de dedans sur le sol élevera ce même corps, & donnera une nouvelle vîtesse au mouvement progressif qu'il a dejà reçû; après quoi les deux jambes de devant, qui, dès que vous rendrez legerement la main & que vous passerez à l'appui doux, percuteront à leur tour & effectueront à chaque battue, le soûtien du corps lors de sa chûte, & la relevée de l'avant-main après cette chûte tombant, alternative nent, toute l'action se trouvera pleinement accomplie. Sa durée dépendra, non de l'application constante de toutes les forces étrangeres qui l'ont produite, puisqu'elle peut se soûtenir sans ce continuel secours, mais de la fermeté liante de votre corps, dont l'équilibre doit être tel que l'avant & l'arriere-main dans leur élévation se chargent eux-mêmes de son poids, & de l'adresse avec laquelle vous préviendrez dans l'animal le ralentissement des efforts des parties qui en conséquence du premier mouvement imprimé, se pressent mutuellement & sont contraintes d'accourir en quelque façon pour étayer successivement la machine. Soyez à cet effet attentif au moment de la descente des épaules, & sur-tout à l'instant précis où les piés atteignent le sol; si dans ce même instant le cheval est legerement renfermé, & si vos rênes agissent en raison du tems de la percussion de chacun des membres qu'elles dirigent, la relevée du devant étant aidée, la masse sera plus sûrement & plus facilement rejettée sur le derriere, & les flexions étant par conséquent entretenues & occasionnant toûjours une vélocité à-peu-près égale dans les détentes, vous serez dispensé d'employer sans cesse vos jambes, dont l'usage non interrompu endurcit l'animal, & dont l'approche réitérée n'est réellement utile & nécessaire que sur des chevaux mous, pesans, foibles, paresseux, indéterminés, & qui trainent leur allure. La leçon du galop bornée à une seule & unique main, ne rempliroit pas toutes nos vûes. Le cheval n'est propre aux différens airs, qu'autant qu'il est en quelque façon ambidextre, c'est-à-dire qu'autant qu'il a une même souplesse, une même legereté, & une même liberté dans les deux épaules & dans les deux hanches. On ne doit donc pas se contenter de le travailler sur une même jambe, & nous sommes indispensablement obligés de lui faire entamer le chemin tantôt de l'une, & tantôt de l'autre. Après l'avoir quelque tems exercé à droite, & lorsqu'il s'y présente avec quelque franchise, on peut, ou le partir à main gauche, ou le conduire de la premiere sur celle-ci. Les chevaux qui demandent à être partis, sont ceux en qui l'on observe, lorsqu'on les galope à droite, un penchant extrème à la falsification & à la desunion; on les y confirmeroit en les faisant changer de pié dans le cours & dans la suite de l'action; & l'on doit attendre qu'ils commencent à être assûrés aux deux mains, avant d'exiger d'eux qu'ils y fournissent sans interruption. Nous avons au surplus suffisamment expliqué les moyens de ce départ, & l'on se rappellera que pour le galop à gauche, la rêne gauche par son croisement opere le renversement de l'épaule sur le dehors; la rêne droite retient l'épaule contraire, & la jambe droite du cavalier aide principalement. Les conditions du changement méritent que nous nous y arrêtions. Ce seroit trop entreprendre que de le tenter d'abord sur la ligne droite parcourue. On l'abandonnera pour en décrire une diagonale plus ou moins longue, d'une seule piste, & au bout de laquelle l'animal passant à l'autre main, tracera une ligne semblable à celle qu'il a quittée. Ici la rêne gauche agira; elle déterminera le cheval à droite & sur cette diagonale, mais il est à craindre que le port de cette rêne en-dedans charge les parties droites, & délivrent les parties gauches de la contrainte dans laquelle elles sont; or, obviez à cet inconvénient par une action semblable, mais plus legere de l'autre rêne, où par l'action mixte & suivie de la premiere que vous croiserez & que vous mettrez à vous d'un seul & même tems; & soûtenez, s'il en est besoin, de votre jambe de dehors, le tout pour contenir le derriere & pour le resserrer; car dès que vous gênerez la croupe & que vous l'empêcherez de tourner, de se jetter, & de sortir, il est certain que, consequemment au rapport, à la relation intime, & à la dépendance mutuelle de la hanche & de l'épaule gauche, ou même des deux épaules & des hanches, les jambes gauches demeureront asservies, & dans cet état de sujétion qui leur ravit la faculté de devancer & de mener. Ce principe doit vous être présent encore au moment où parvenu à l'extrémité de la ligne dont il s'agit, vous chercherez à gagner l'autre, & à effectuer le passage médité. Saisissez l'instant qui precede la chûte du devant, pour detourner l'épaule avec la rêne de dehors, & pour retenir celle de dedans avec la rêne droite, & substituez votre jambe du même côté à la jambe gauche qui aidoit; l'épaule & la hanche qui étoient libres, cesseront infailliblement de l'être, & les autres membres seront indispensablement astreints à entamer. Soit que les changemens de main s'exécutent sur les cercles, ou d'une ligne droite sur une autre ligne pareille, ou sur un terrein quelconque plus ou moins vaste & plus ou moins limité; les aides doivent être les mêmes. Je sai que des écuyers qui ne pratiquent & n'enseignent cependant que d'après une routine, qui ne leur a procuré qu'une connoissance très-superficielle de ces opérations, m'objecteront qu'elles tendent à traverser le cheval, & à provoquer par conséquent une allure défectueuse, puisque dèslors le derriere sera tellement élargi, que la jambe de dedans qui en dépend se trouvera écartée de l'autre, & hors de la piste de celle avec laquelle elle mene, tandis que leurs battues & leurs foulées devroient être marquées sur une seule ligne; l'action dont je traite exigeant que les hanches suivent exactement celle des épaules. Je conviendrai de la vérité & de la solidité de cette maxime, mais je répondrai que l'animal ne peut arriver à la perfection que par des voies insensibles; & que l'ignorant seul a le droit de se persuader très-souvent qu'il l'y conduit, dans le tems même qu'il l'en éloigne: les premieres leçons sont uniquement destinées à rompre, pour ainsi dire, le cheval, à lui donner l'intelligence nécessaire; & nous ne saurions être trop occupés du soin de lui en rendre l'exécution facile; or, rien n'est plus capable de satisfaire à ces divers objets, que des aides qui ne lui suggerent d'abord que des mouvemens conformes à ceux auxquels nous voyons que la nature l'engage, quand il se livre de lui-même au galop , & qu'il change de pié sans la participation de celui qui le monte. Sa volonté est-elle gagnée? part-il librement? commence-t-il a être affermi à droite & à gauche dans l'union & dans la justesse de cette allure relativement à l'ordre dans lequel les membres doivent se succéder? alors mettez à vous la rêne de-dedans, mais observez que sa tension soit en raison des effets qu'elle doit produire sur la hanche du même côté, sans altérer notablement l'action de l'épaule qui mene; & pour rencontrer cette proportion, multipliez en la cherchant les tems de votre main; dès que vous l'aurez atteint, le derriere sera retréci; & après avoir redressé ainsi & peu-à-peu l'animal dans le cours de sa progression, vous parviendrez à le partir exactement droit & devant lui. Il est deux manieres de procéder pour l'y déterminer. L'élévation du devant & l'abaissement de l'extrémité opposée s'operent dans tous les cas par les moyens que j'ai déjà prescrits; mais les aides qui doivent accompagner la chûte de l'extrémité antérieure, different ici de celles que nous avons indiquées. Si vous croisez, ainsi que je l'ai dit, la rêne de dedans, & que vous mettiez l'autre rêne à vous dans l'intention de contraindre le pié de dehors à fouler le premier, le tems de ces rênes doit être moins fort, & bien loin de diminuer le secours que la hanche de dedans attend & doit recevoir de votre jambe de ce côté, l'approche en sera telle qu'elle puisse obvier à ce que l'arriere-main cede & se meuve, conséquemment à l'action combinée de la main; tandis que d'une autre part vous modérerez l'appui de votre autre jambe, qui contrarieroit infailliblement les effets que vous pouvez vous promettre de celui de la premiere, si vous n'en borniez la puissance au simple soûtien, d'où résulte la plus grande facilité de la détente de la hanche qui est chargée. Il est essentiel de remarquer que malgré la rapidité de cet instant, les unes & les autres de ces aides doivent être distinctes & se suivre; car les rênes & la jambe de dedans du cavalier agissant ensemble, & au même moment l'avant & l'arriere-main entrepris participeroient d'une roideur extrème, & l'animal partiroit faux ou desuni, selon celle de ces forces qui l'emporteroit. La seconde façon de pratiquer qui nous mene au même but, & à laquelle il est néanmoins bon de ne recourir qu'après s'être assûré des succès de l'autre par l'obéissance du cheval, ne demande pas moins de finesse & de précision. Elle consiste uniquement quand le devant est en l'air, & à la fin de son soûtien, à retenir subtilement au moyen de la tension de la rêne de dehors le membre qui doit atteindre d'abord le sol, tandis que l'on diminue par degrés celle de la rêne de dedans qui dirige celui qui doit entamer. Le membre retenu tombant nécessairement le premier en arriere, & celui que l'on cesse de contraindre, ne frappant que la seconde battue & embrassant plus de terrein; tous sont suivant l'arrangement desiré, d'autant plus que les hanches de dehors & de dedans n'auront pû que se ressentir l'une de la sujétion, & l'autre de la liberté des parties de l'extrémité antérieure auxquelles elles correspondent. Il n'est question ensuite que de maintenir l'animal sur la ligne droite, & de l'empêcher de la fausser en se traversant, soit du devant, soit du derriere. Je suppose que l'épaule se porte en-dedans, croisez la rêne de dedans; je suppose que la croupe s'y jette, mettez à vous cette même rêne. Agissez ainsi de la rêne de dehors dans les cas contraires: & si malgré cette action de votre part, qui doit avoir lieu précisément dans l'instant où vous sentez que l'une ou l'autre de ces extrémités se dérobent pour abandonner la piste, le cheval résiste & ne répond point, aidez la rêne mise à vous en croisant l'autre, & avec votre jambe de dedans, ou fortifiez la rêne croisée par le secours de l'autre rêne mise à vous, & par l'approche de votre jambe de dehors. Le passage d'une main à l'autre exécuté d'abord à la faveur du rejet forcé de l'épaule, s'effectue d'après ces différentes manieres de partir l'animal; & le changement qui arrive & qu'elles occasionnent, ne le contraint point dèslors à une sorte d'obliquité qui en rend la marche imparfaite & desagréable. Saisissez pour réussir plus sûrement le moment imperceptible où toute la machine est en l'air; non-seulement vous conduirez à votre gré les membres du cheval sur les cercles & sur toutes les lignes possibles, mais vous le maîtriserez alors, au point de le faire entamer successivement de l'une & de l'autre bipede sur la longueur d'une seule ligne droite, & même à chaque pas complet du galop , sans vicier la cadence, c'est-à-dire sans troubler l'ordre & la justesse des mouvemens & des tems. Ces tems & ces mouvemens ne sont pas les mêmes dans tous les chevaux. Ils varient naturellement dans les uns & dans les autres, par le plus ou le moins de hauteur, d'alongement, de raccourcissement, de lenteur, & de vîtesse; & c'est ce qu'il importe de distinguer, pour ne pas les précipiter dans le desordre, & pour ne rien exiger au-delà de leur pouvoir, en réglant leur allure. Tel cheval ne peut soûtenir l'élévation & l'ensemble que demande un galop , dont chaque est marqué par quatre battues; tel autre est susceptible du galop le plus sonore & le p'us cadencé; contentez-vous de mettre insensiblement le premier au moyen de la tension proportionnée de la rêne de dedans à vous, dans le pli leger qui doit unir & perfectionner son action; & augmentez aussi par degré la tension de cette même rêne, dont vous dirigerez & dont vous aiderez encore l'effet par l'appui de votre jambe de dehors, pour raccourcir de plus en plus les tems des seconds, & pour en fixer la mesure. Celui-ci ne déploye pas toutes les forces que vous lui connoissez: vous n'appercevez point dans le jeu de ses ressorts la prestesse & le tride dont ils sont capables; hâtez à diverses reprises plus ou moins vivement la cadence, & faites qu'il la presse, qu'il la ralentisse, & qu'il y revienne alternativement; il acquerra d'une part plus de franchise, & de l'autre, cette diligence dans les hanches, d'où naît la plus brillante, la plus réguliere, & la plus belle exécution. Celui-là s'éleve extrèmement du devant; cet autre du derriere; modérez tous ces excès, soit en secourant des gras de jambes, & en rendant la main, soit en renfermant & en pinçant plus ou moins en-arriere; mais ne perdez jamais de vûe le point où vous devez vous arrêter, & que vous ne pourriez franchir qu'en avilissant l'animal, puisque vous en forceriez la disposition & la nature. A toutes ces différentes leçons, vous pouvez faire succéder celles qui préparent le cheval à galoper de deux pistes. Si l'on se rappelle les principes que j'ai détaillés, en parlant des moyens de l'instruire à cheminer de côté ( voyez Fuir les Talons ), les regles les plus essentielles à observer pour le déterminer à cette allure, seront bien tôt connues, & l'on ne pensera pas que la sujétion des hanches dans cette action ne puisse être dûe qu'à l'effort de celle des jambes du cavalier qui les pousse, ou qui communément & très-mal-à-propos les chasse dans le sens où elles sont portées. Représentons-nous la ligne diagonale, à l'extrémité de laquelle nous avons induit l'animal à changer; c'est dans le cours de cette même ligne que nous devons commencer à engager legerement & de tems en tems la croupe, soit à l'une, soit à l'autre main, en croisant d'abord foiblement la rêne de dedans pour lui suggérer une obliquité imperceptible, & en le remettant droit aussi-tôt qu'il a fourni quelques pas. A mesure que nous entrevoyons de l'obéissance & de la facilité, nous multiplions & nous continuons les tems de cette même rêne, & nous en augmentons peu-à-peu la force & la direction sur le dehors, dans l'intention de le solliciter à ce juste brais dans lequel il doit être. Cette force pouvant jetter les épaules dans une telle contrainte qu'elles seroient dans l'impossibilité de devancer les hanches, nous la proportionnons encore avec soin aux effets que nous nous proposons de produire, & nous en contrebalançons la puissance par l'action de la rêne opposée, de maniere que le moment de la relevée de l'avant-main est celui du port de la premiere en-dehors, comme le moment de sa retombée est celui du port de la seconde sur le dedans. Je remarquerai au surplus que ces mouvemens, d'ailleurs si subtils qu'ils sont inappercevables, ne sont efficaces qu'autant qu'ils dérivent du véritable appui, & que la main agit dans un certain rapprochement du corps; car si elle en étoit éloignée, ils tendroient à déplacer l'animal. Quant à nos jambes, nous n'en ferons usage que lorsqu'il sera question de l'affermir dans son allure, d'en prévenir & d'en empêcher le ralentissement, ou de suppléer à l'impuissance des rênes, qui seules doivent diriger la machine; ainsi, par exemple, dans le cas où il se retient, où il pese, où il mollit, nous les approcherons également pour le déterminer, pour l'unir, pour l'animer, tandis que la main sera toûjours chargée de régler l'action des membres; & dans celui-ci, où la rêne de dedans croisée & même aidée de la rêne de dehors à nous, éprouveroit une résistance de la part de la croupe, nous nous servirons de la jambe de dehors, dont le soûtien deviendra dèslors un secours nécessaire. Telles sont les voies qui conduisent le plus sûrement à une observation non forcée des hanches, dans l'allure prompte & pressée du galop . Plus ce mouvement raccourci, diligent, & écouté, qui occupe toûjours considérablement les reins & le derriere de l'animal, doit être pénible, plus il importe de ne l'y inviter que par une longue repétition de ceux qui insensiblement l'y disposent; l'habitude en étant acquise, nous parvenons bien-tôt & sans violence à en obtenir l'exécution sur toutes sortes de plans. S'agira-t-il en effet d'obliger le cheval à fournir ainsi un changement de main large? Il l'entamera sans difficulté: premierement, si vous formez un demi-arrêt qui ne peut que l'unir davantage; secondement, si une legere tension de la rêne de dehors à vous, tension qui ne doit en aucune maniere lui faire abandonner le pli dans lequel je suppose que vous l'avez placé, fixe subtilement & à tems le poids de son corps sur la hanche du même côté, ce qui augmentant la flexion des parties de cette extremité en sollicitera une plus violente détente. Troisiemement, si le croisement subit & suivi de cette même rêne sur le dedans met les épaules sur le chemin qu'elles doivent décrire, il le continuera des que la rêne de dedans portée sur le dehors, assujettira successivement le derriere dans le sens où les épaules seront successivement déterminées par l'autre, & dès que l'on s'opposera soigneusement à ce qu'il dévuide ou à ce qu'il s'entable, ou à une altération quelconque de la mesure & des distances; à ce qu'il dévuide par la force sur le champ accrûe de la rêne qui captive les hanches, par le changement de direction de celle qui régit le devant & qui sera fixée pour le moment au corps du cavalier, & par l'appui de la jambe de dehors; à ce qu'il s'entable par des actions semblables, mais opérées par les rênes & par la jambe opposées; à ce que les mesures & les distances soient altérées par l'approche des deux jambes, & la modération de l'effet de la main, si le degré de vîtesse diminue, & si l'animal n'embrasse pas assez de terrein; par le raffermissement de la main seule, s'il se porte trop en-avant & si la vîtesse augmente; par son relâchement, si les hanches sont entreprises & trop chargées; par son soûtien & celui des jambes ensemble, s'il n'y a plus d'union, &c. il le fermera avec précision, lorsque l'on sera exact en employant ces différentes aides, selon la nécessité & les circonstances, à le maintenir dans son attitude & dans sa marche jusqu'à la ligne qui termine l'espace qu'il parcourt obliquement; & il reprendra enfin avec justesse en entrant sur cette même ligne, dès qu'il y sera invité par l'un ou l'autre des moyens qui le sollicitent à changer, ou à partir droit & devant lui. L'efficacité de celui qui n'exige que la simple attention de retenir les jambes du bipede qui entame, & de laisser à l'autre la liberté de s'étendre & de devancer, est sur-tout évidente, si du galop d'une piste sur une volte, vous passez à une autre volte éloignée & semblable, par un changement de deux pistes que vous entreprenez, & que vous entretenez à la faveur des secours indiqués: alors ne fermez pas au mur ou à la barriere du manege; coupez & interrompez les lignes diagonales tracées dans sa longueur, à quelques pas de ce même mur, par l'action de la rêne de dedans mise à vous, & de la rêne de dehors dont vous tempérerez insensiblement la tension. Dans ce même instant, & si vous avez agi dans celui où toute la machine est détachée du sol, les jambes de dedans se trouveront chargées, & celles de dehors qui dans l'accomplissement de la nouvelle volte sur laquelle vous êtes arrivé, deviendront les jambes de dedans, meneront infailliblement. Pliez ensuite l'animal dans le centre, comme il étoit à l'autre main; formez un second changement, & revenez plusieurs fois sur le premier cercle quitté, en opérant toûjours de même; vous vous convaincrez par votre propre expérience de la solidité d'une théorie confirmée par les succès des éleves mêmes qui s'y conforment, mais que l'on sera peut-être intéressé à condamner, parce que le sacrifice d'une ancienne routine, & l'obligation d'adopter de nouveaux principes, après avoir vieilli, ne peuvent que coûter infiniment, & blessent toûjours l'amour-propre. On conçoit au surplus que toutes les aides dont j'ai parlé, conviennent également au galop de deux pistes sur la ligne du mur, sur les changemens étroits, ainsi que sur les voltes. A l'égard des contre-changemens, on les entame de même que les changemens, & ils seront effectués par la rêne de dedans à vous, & par le croisement soudain de cette même rêne, qui portera l'épaule à se mouvoir du côté contraire à celui sur lequel elle étoit mûe, & qui faisant par consequent l'office de la rêne de dehors, sera contrebalancée dans ses effets par l'autre rêne, qui sera des-lors la rêne de dedans. Nous terminerons cet article par l'examen & la solution des deux points suivans. 1°. Quel est le tems juste qu'il faut prendre pour enlever le cheval du pas, du trot & de l'amble même au galop? 2°. Quels sont les moyens que l'on pourroit employer pour le remettre, dans le cas où il se desuniroit & falsifieroit? La premiere de ces questions n'offrira rien de difficile & d'épineux à quiconque considérera, que le tems qu'il s'agit ici de découvrir, n'est & ne peut être que l'instant où les membres du cheval, dans les unes ou les autres des allures supposées, & d'où l'on souhaite le partir, se trouvent disposés à-peu-près comme ils le sont lors de l'action à laquelle on se propose de le conduire. Soit donc saisi, à l'effet de l'enlever sur la main droite, le moment où la jambe de devant se détachera de terre; dans ce même moment la jambe de derriere du même côté est encore en mouvement pour se porter en-avant; la jambe du montoir de devant se pose à terre, plus en-arriere que celle de devant du hors montoir, & la jambe de derriere du montoir est encore moins avancée que celle de dedans. Voyez la Planche des allures naturelles , & l'échelle podométrique qu'elle contient . Or si dans cet état & lors de cet arrangement du derriere, qui est le seul à la faveur duquel il soit possible de substituer aux actions intercalaires des membres au pas, les actions successives qui effectuent le galop; vous aidez par un demi-arrêt proportionné, la levée de l'avant-main qu'operent principalement la battue & la percussion de la jambe gauche de devant qui s'est posée, & vous rejettez le poids du corps du cheval sur les hanches: le soûtien de l'extrémité antérieure sera le premier moment de l'intervention sollicitée, & la nouvelle disposition des quatre jambes étant précisément la même que celle qui est requise pour l'accomplissement du mouvement pressé, auquel vous desirez de porter l'animal, le tems recherché & qui doit être tiré de sa progression naturelle & de sa premiere allure, sera incontestablement pris. La vîtesse du trot abrégeant infiniment la durée de l'action de chaque membre, ce tems par une conséquence nécessaire, fuit & s'échappe avec une extrème rapidité: de-là la plus grande difficulté d'agir dans une précision parfaite. Aussi-tôt que la jambe de devant de dedans se leve, la jambe gauche de derriere va se détacher de terre, & elle est encore plus en-arriere que la droite de l'arriere-main, qui étoit prête à se poser près de la direction du centre de gravité, au moment où l'autre alloit s'enlever. Voyez l'échelle podométrique de la même Planche . Cette position est donc encore conforme à celle de ces deux jambes au galop à droite. Or entreprenez dans ce même instant de détacher du sol le devant, la chûte de la jambe gauche de cette extrémité, ou sa foulée sur le terrein, favorisera l'effet de vos aides; la droite sa voisine qui quittoit la terre pour se porter en-avant, s'y portera réellement en attendant la retombée de l'avant-main. La droite de derriere sera fixée sur le terrein, moins avant qu'elle ne s'y seroit fixée elle-même, mais plus avant que la gauche, qui demeurera à l'endroit où vous l'aurez surpris; & vous trouverez enfin dans la situation des membres de l'animal, tout ce qui peut vous assûrer de la justesse du tems saisi. Quant à l'amble, personne n'ignore que cette action est beaucoup plus basse que celle du pas & du trot; elle ne peut être telle, qu'autant que les reins & tout l'arriere-main baisseroit davantage. Le tems qu'exige le passage de cette allure au galop , ne differe en aucune maniere de celui que nous venons d'indiquer; parce que dès que ce tems n'est autre chose, ainsi que nous l'avons observé, que l'instant où les lambes du cheval figurent, s'il m'est permis d'user de cette expression, comme elles figurent lors de l'instant du partir, il ne peut être qu'invariable. Il se présente aussi bien plus aisément, attendu le plus de rapport du mouvement de l'animal ambulant avec le mouvement de celui qui galope; mais on doit admettre quelque distinction, eu égard aux aides. Celle de la main sera modifiée; parce que le derriere de l'animal fléchissant au point que chaque pié de derriere outrepasse dans sa portée la piste de celui de devant qu'il chasse, le poids réside naturellement sur les hanches, & l'extrémité antérieure doit être conséquemment plus aisément enlevée. D'ailleurs, outre que l'effort de la main doit diminuer, l'action des jambes doit être plus vive; & dès-lors le cheval embrassera plus de terrein. Que si les aides étoient les mêmes que celles que l'on doit mettre en usage pour passer du pas au galop; & si le tems de la main & des jambes étoit en égalité de force, il est certain que ses piés de derriere n'opéreroient en percutant que l'élevation, & non le transport du corps en-avant, comme si l'appui des jambes ne l'emportoit pas sur la force de la main, on courroit risque de provoquer sa chûte en l'acculant. On peut encore enlever l'animal du moment de parer, de l'instant du repos, de l'action de reculer, & de tous les airs bas & relevés auxquels il manie; mais quelqu'intéressans & quelque curieux que soient & que puissent être les détails auxquels la discussion des tems & des moyens de le partir, dans les uns & dans les autres de ces cas, nous assujettiroit; nous les sacrifions au desir & à la nécessité d'abreger, & nous nous bornerons aux réflexions que nous suggere la seconde difficulté que nous nous sommes proposés d'éclaircir. L'obligation de rappeller à la justesse & à l'union un cheval dont le galop est irrégulier & défectueux, suppose d'abord dans le cavalier une connoissance parfaite de l'ordre exact & précis, dans lequel les membres de l'animal doivent agir & se succéder, & un sentiment intime né de l'impression, ou de la sorte de réaction de leurs divers mouvemens sur lui. Cette connoissance infructueuse, si elle n'est jointe à ce sentiment, est bien-tôt acquise: mais ce sentiment inutile aussi, s'il n'est joint à cette connoissance, est infiniment tardif dans la plûpart des hommes; & l'on peut dire qu'il en est même très-peu qui parviennent au degré de finesse, nécessaire pour juger du vice de l'action du cheval dans le premier moment, c'est-à-dire dans celui où le soûtien de devant doit être suivi de sa retombée & de sa chûte. Quelle est donc la cause de cette extrème difficulté de discerner l'accord ou le défaut de consentement des parties mûes dans un animal que l'on monte? Elle réside moins dans l'inaptitude des éleves, que dans le peu de lumieres des maîtres, dont le plus grand nombre est incapable de les habituer à écouter, dans les leçons qui doivent précéder celle-ci, des tems, sans la science & sans l'observation desquels on ne peut maîtriser le cheval, en accompagner l'aisance & en développer les ressorts, & qui négligent encore de leur faire appercevoir dans cette allure, par la comparaison du sentiment qui les affecte quand l'animal est juste, & de celui qu'ils éprouvent quand il est faux, la différence qui doit les frapper dans l'instant & dans le cours de la falsification & de la desunion. Le cheval galope-t-il dans l'exactitude prescrite? il est certain que votre corps suit & se prête à son action avec une facilité singuliere, & que votre épaule de dedans reçoit en quelque façon la principale impression de sa battue. La jambe de dedans de devant n'entame-telle pas? l'incommodité qui en résulte s'étend jusqu'à votre poitrine, & il vous paroît même que l'animal se retient & chemine près de terre; ce qui arrive réellement sur les cercles, car son épaule étant hors du mouvement & de la proportion naturelle du terrein, il ne peut se porter en-avant & se relever que difficilement. La jambe qui doit menet mene-telle, mais n'est-elle pas accompagnée par la hanche? vos reins & toutes les parties qui reposent sur la selle en ressentent une atteinte desagréable; la mesure cesse de s'imprimer sur votre épaule de dedans, & votre épaule de dehors est sollicitée à se mouvoir, à s'avancer & à marquer malgré vous la fin de chaque pas. Enfin le bipede qui devoit entamer reste-t-il totalement en-arriere, tandis que l'autre mene? la cadence vous semble juste, mais vous reconnoissez que cette justesse prétendue est dans les parties de dehors; & si le cheval n'est pas aussi accoûtumé à galoper à cette main qu'à l'autre, il est impossible que la dureté de son allure ne vous en apprenne l'irrégularité. Voilà des faits sur lesquels, lorsque les disciples n'ont point été instruits à sentir & à distinguer dans des actions plus lentes, le lever, le soûtien, le poser, & l'appui de chaque membre, il seroit du moins plus avantageux d'arrêter leur attention, que de leur permettre de se déplacer, pour considérer dans l'extrémité antérieure des mouvemens, dont l'appréciation même la plus vraie ne détermine rien de positif, relativement à ceux du bipede postérieur auquel les yeux du cavalier ne peuvent atteindre. Il faut avoüer cependant que ces diverses réactions sont tantôt plus foibles, & tantôt plus fortes; elles sont moins sensibles de la part des chevaux qui ont beaucoup d'union, de legereté, & une grande agilité de hanches; elles sont plus marquées de la part de ceux dont les battues sont étendues, peu promptes & abandonnées; mais l'habitude d'une exécution refléchie sur les uns & sur les autres, ne peut que les rendre également familieres. Il est encore des circonstances où elles nous induisent en erreur; un instant suffit alors pour nous détromper. Que l'animal jette, par exemple, la croupe hors la volte, l'effet que le premier tems produira sur nous, sera la même que celui qui nous avertit que le cheval est faux, & nous serons obligés d'attendre le second pour en décider; parce que dans ce même second tems, les hanches étant déjà dehors, & l'animal continuant à galoper déterminément, dès qu'il est demeuré juste, nous n'appercevons aucun changement dans notre assiette. Quoi qu'il en soit, & à quelque étude que l'on se livre pour acquérir cette faculté nécessaire de percevoir & de sentir, il est de plus absolument essentiel de s'attacher à celle de la nature du cheval que l'on travaille. Les déréglemens de l'animal dans l'action dont il s'agit, comme dans toutes les autres, proviennent en général & le plus souvent de la faute des maîtres qui l'y exercent inconsidérément & trop tôt, ou du peu d'assûrance du cavalier dont l'irrésolution de la main & l'incertitude des jambes & du corps occasionnent ses desordres: mais il est certain que les voies dont il se sert pour le desunir & pour falsifier, sont toûjours relatives à sa conformation, à son inclination, à son plus ou moins de vigueur, de souplesse, de legereté, de finesse, de volonté, d'obéissance & de courage. Un cheval chargé d'épaules & de tête, ou bas du devant, falsifiera ou se desunira en s'appuyant sur la main, & en haussant le derriere. Un cheval long de corps en s'alongeant davantage, pour diminuer la peine qu'il a à rassembler ses forces & à s'unir: un cheval foible de reins, en mollissant & en ralentissant son mouvement: un cheval qui a beaucoup de nerf & de legereté, en se portant subitement en-avant: un cheval qui a du courage & de l'ardeur, en augmentant encore plus considérablement la véhémence de son allure: un cheval entier ou moins libre à une main qu'à l'autre, en portant la croupe en-dedans: un cheval qui tient du ramingue, en la portant en-dehors: un cheval qui joue vivement des hanches & qui est fort & nerveux d'échine, en la jettant tantôt d'un côté & tantôt d'un autre: un cheval d'une grande union, en se retenant & en se rassemblant de lui-même, &c. Or comment, si l'on n'est pas en état de suivre & d'observer toutes ces variations, faire un choix prudent & éclairé des moyens qu'il convient d'employer pour le remettre? Il est des chevaux tellement fins & sensibles, que le mouvement le plus leger & le plus imperceptible porte atteinte à l'ordre dans lequel leur progression s'effectue; si les aides qui tendent à les faire reprendre, ne sont administrées avec une précision & une subtilité inexprimables, elles ne servent qu'à en augmenter le trouble, & l'on est contraint de les faire passer à une action plus lente, & même quelquefois de les arrêter pour les repartir. Il en est encore qui falsifient quelques instans, & qui reviennent d'eux-mêmes à la justesse, on doit continuer à les galoper sans aucune aide violente; & comme ils pechent par trop d'union, ils demandent à être étendus dans les commencemens, & à être ramenés ensuite & insensiblement à une allure soûtenue & plus écoutée. Nous en voyons dont l'action n'est telle qu'elle doit être, qu'autant que nous les avons échappés; parce que, constitués par la falsification dans un défaut réel d'équilibre, ils ressentent dans la course une peine encore plus grande que dans la battue d'un galop ordinaire, & que la fatigue qu'ils éprouvent, les oblige à chercher dans la succession harmonique & naturelle de leurs mouvemens, l'aisance & la sûreté qui leur manquent: c'est ce que nous remarquons dans le plus grand nombre des chevaux qui galopent faux par le droit & aux passades; ils reprennent sans y être invités aussi-tôt qu'ils entrent sur la volte & qu'ils l'entament. Quelques-uns au contraire, & qui ne sont point confirmés, deviennent faux lorsqu'on les échappe. Plusieurs ne se rejettent sur le mauvais pié & ne se desunissent, que parce qu'ils jouissent d'une grande liberté. En un mot il est une foule & une multitude de causes, d'effets, d'exceptions & de cas particuliers, que le véritable maître a seul le droit de discerner, & qui ne frappent point la plûpart des hommes vains qui s'arrogent ce titre, parce qu'il en est peu qui ayent une notion même legere des difficultés qu'il faut vaincre pour le mériter. Dans l'impossibilité où nous sommes de nous abandonner à toutes les idées qui s'offrent à nous, nous simplifierons les objets, & nous nous contenterons de tracer ici en peu de mots des regles sûres & générales, 1° pour maintenir le cheval dans la justesse de son allure, 2° pour l'y rappeller. Il est incontestable en premier lieu que l'action de falsifier & de se desunir est toûjours précédée dans l'animal d'un tems quelconque, qui en altere plus ou moins imperceptiblement la cadence, ou qui change en quelque maniere & plus ou moins sensiblement la direction de son corps; sans ce tems quelconque, il seroit dans l'impuissance absolue & totale de fausser sa battue, & son allure seroit infailliblement & constamment fournie dans une même suite & un même ordre de mouvemens. Or ce principe étant certain & connu, pourrions-nous indiquer un moyen plus assûré de l'entretenir dans ce même ordre, que celui d'en prévenir l'interversion en saisissant subtilement ce même tems, à l'effet de le rompre par le secours des aides qui doivent en empêcher l'accomplissement? En second lieu, si nous supposons, ensuite de l'omission de cet instant à saisir, la fausseté ou la desunion du cheval, & si nous considérons que l'irrégularité à réprimer en lui est toûjours accompagnée, ainsi que nous l'avons observé, de quelque action relative à sa disposition, aux vices & aux qualités qui sont propres; il est indubitable que nous ne pourrons le remettre qu'autant que nous le solliciterons d'abord à une action contraire: ainsi se précipite-t-il sur les épaules, s'appuie-t-il? vous le rejetterez sur le derriere, & vous le releverez: mollit-il? vous l'animerez: rallentit-il sa mesure? vous la presserez: fuit-il? vous le retiendrez: se retient-il? vous le chasserez: se traverse-t-il? vous le replacerez sur la ligne droite: le tout pour assûrer l'efficacité des aides qui le rectifieront, & qui, soit qu'elles doivent provenir de la main seule, ou de la main & des jambes ensemble, ne different ni par le tems, ni par l'ordre dans lequel elles doivent être données, de celles dont nous faisons usage lors du partir, car elles sont positivement les mêmes. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galop gaillard Author=Bourgelat Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galop gaillard Galop gaillard : on appelle proprement de ce nom un galop dont la cadence est intervertie & la suite interrompue par des sauts auxquels se livre l'animal. Ces sauts sont souvent l'effet de sa gaieté, ou une preuve de la vigueur de son échine, de sa legereté naturelle, & du mauvais emploi qu'il fait de l'une & de l'autre pour peu qu'il soit animé, & qu'on entreprenne de le renfermer & de le retenir inconsidérément. Quelques auteurs ont très-mal-à-propos confondu cette allure avec l'air du pas & le saut; elle doit d'autant moins être mise au rang de ce que nous nommons airs de manege , que dans cette action l'animal maîtrise plûtôt le cavalier, que le cavalier ne maîtrise le cheval. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galop de Contre-tems Author=Bourgelat Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galop de Contre-tems Galop de Contre-tems , allure dans laquelle le devant procede de la même maniere qu'au galop , & le derriere de la même maniere qu'aux courbettes, l'une des jambes du bipede postérieur étant néanmoins un peu plus avancée dans sa battue que l'autre. Plusieurs écuyers italiens admirent cette action & la regardent comme une des plus belles que le cheval puisse fournir, sur-tout si les épaules s'élevent beaucoup plus haut que les hanches. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Galop de Chasse Author=Bourgelat Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Galop de Chasse Galop de Chasse , galop aisé, uni, étendu, ni trop relevé, ni trop près de terre, & dans lequel le cheval déploye librement ses membres. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALOPADE Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.f. GALOPADE GALOPADE, s. f. ( Man. ) terme spécialement employé pour désigner & pour exprimer d'un seul mot ce que nous appellons un véritable galop de Manege; c'est-à-dire un galop qui, fourni par un cheval qui a de beaux mouvemens, & dont tous les ressorts sont mis en jeu, est parfaitement sonore & cadencé. Voyez Galop & Manege . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALOPER Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=v.neut. GALOPER GALOPER, v. neut. ( Manege ) ce cheval galope faux, il galope uni. Il est encore d'usage en un sens actif: galoper un cheval . Voyez le diction. de l'acad. Voyez Galop . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALREDA Author=unknown Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=s.m. GALREDA GALREDA, s. m. ( Pharmacie. ) suc épais & visqueux, tiré à force de bouillir des parties cartilagineuses des animaux: on l'appelle communément gelée. Voyez Gelée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALUPSE ou ACONS Author=Diderot Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=NA GALUPSE ou ACONS * GALUPSE ou ACONS, terme de Riviere , sorte de bateau en usage sur la côte de Bretagne. Les galupses dont on se sert sur les eaux de tous les étangs qui bordent cette côte, sont de petits bateaux que l'on peut réduire à l'espece des acons; ils sont plats par-dessous, comme les semelles dont se servent la plûpart des bâtimens hollandois; quarrés par l'arriere, pointus à l'avant, faits de planches; d'environ quatre piés de large sur sept à huit de long, & au plus vingt-deux pouces à deux piés de haut: deux seules planches en font tout le bordage, & ils n'ont que deux hommes d'équipage dans la pêche. Celui qui gouverne avec la rame, est placé à l'arriere; & celui qui tend le filet, à l'avant. Le bachet est un diminutif de la galupse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GALWAY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GALWAY GALWAY, ( Géograph. ) quelques-uns écrivent Galloway , mais mal. C'est une contrée d'Irlande dans la province de Connaught, avec titre de Comté, d'environ 30 lieues de long sur 16 de large; ce comté est borné au nord par ceux de Maye & de Roscommon, au sud par celui de Clark, à l'orient par l'Océan Atlantique. Il y a plusieurs lacs; il abonde en grains & en pâturages. Galway en est la capitale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMBE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GAMBE GAMBE, s. f. se disoit autrefois pour jambe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gambes de Hune Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gambes de Hune Gambes de Hune , ( Marine. ) ce sont, suivant quelques-uns, de petites cordes qui sont tenues à une hauteur déterminée des haubans des deux grands mâts, & qui se terminent près de la hune à des barres de fer plates, dont l'usage est de retenir les mâts; mais, suivant d'autres, ce sont des crochets & des bandes de fer qui entourent les caps de mouton des haubans de hune, & qui sont attachés à la hune. On dit aussi jambes de hune . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMBESON ou GOBESON Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GAMBESON ou GOBESON GAMBESON ou GOBESON, s. m. ( Hist. mod. ) terme usité dans l'ancienne milice. Il signifiot une espece de cotte d'arm e ou de grand jupon qu'on portoit sous la cuirasse, pour qu'elle fût plus facile à porter, & moins sujette à blesser. Chambers . Le gambeson étoit fait de taffetas ou de cuir, & bourré de laine, d'étoupes, ou de crin, pour rompre l'effort de la lance, la quelle, sans pénétrer la cuirasse, auroit néanmoins meurtri le corps, en enfonçant les mailles de fer dont elle étoit composée. Dans un compte des baillis de France, de l'an 1268, il est dit: Expensa pro cendatis & bourra ad gambesones , c'est-à-dire pour le taffetas & la bourre pour faire des gambesons. Hist. de la milice françoise, par le P. Daniel. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMBIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAMBIE GAMBIE, ( Géog. ) petit royaume d'Afrique dans la Nigritie, fertile en bétail, gibier, grains, & éléphans. La riviere de Gambie se jette dans la mer entre le cap Sainte-Marie au sud, & l'ile aux Oiseaux au nord; & quand on est plus avancé, entre la pointe de Barre au nord, & la pointe de Bagnon au sud. Le milieu de son embouchure est par les 13 d 20' de lat. septentrionale. Il faut toûjours avoir la sonde à la main dès qu'on est entré dans cette riviere, & observer de se tenir toûjours plus près des bancs du nord que de ceux du sud; cependant les Portugais, les François & les Anglois trasiquent beaucoup sur ce fleuve. Mais ce n'est, à proprement parler, que depuis les bouches ce Gambie jusqu'au royaume d'Angola inclusivement, que les Anglois commercent en Afrique: leurs comptoirs, assez bien fortifiés, envoyent à Jamesfort du riz, du miel qui est le sorgo des Africains, de l'ivoire, de la cire, & des esclaves très-estimés, qui leur viennent en partie des terres dépendantes du Senégal. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMBIT Author=Jaucourt Normalized Classification=Echecs Part of Speech=s.m. GAMBIT GAMBIT, s. m. c'est, aux Echecs , une méthode particuliere de joüer, selon laquelle, après avoir poussé le pion du roi ou de la dame deux cases le premier coup qu'on joue, on fait ensuite avancer également de deux cases le pion de leur fou; c'est ce que le Calabrois appelle gambetto dans son traité sur les échecs , où il rassemble toutes les manieres de jouer le gambetto . Le traducteur françois a rendu le mot italien par celui de gambit , que nos joüeurs d'échecs ont adopté, tout barbare qu'il est dans notre langue. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMELIE Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.f. GAMELIE GAMELIE, s. f. ( Hist. anc. ) fête nuptiale, ou plûtôt un sacrifice que les anciens Grecs faisoient dans leur famille la veille d'un mariage. Cette fête fut ainsi appellée du mot γάμος , mariage; d'où est venu aussi Gamelios , épithete ou surnom donné à Jupiter & à Junon, que l'on regardoit comme présidant aux mariages. Le mois de Janvier, qui commençoit au solstice d'hyver chez les Atheniens, & pendant lequel on célébroit cette fête, en fut nommé Gamélion. Chambers. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMELION Author=Mallet Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=s.m. GAMELION GAMELION, s. m. ( Belles-Lettr. ) en latin gamelium; poëme ou composition en vers sur le sujet d'un mariage: c'est ce qu'on appelle aujourd'hui épithalame. Voyez Epithalame . Ce mot est dérivé du grec γάμος , mariage . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMELLE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GAMELLE GAMELLE, s. f. ( Marine. ) est en général une jatte de bois. Celle des marins est fort creuse, & sans bord; on y met le potage, ou ce qui est destiné pour le repas de chaque plat des gens de l'équipage. Voyez Plat de l'Equipage . Le nombre de gens qui doivent manger à un même plat n'est pas fixé; on met six, sept ou huit personnes a chaque gamelle . Les matelots malades ou blessés sont soignés & servis par ceux qui mangeoient avec eux à la même gamelle . Manger à la gamelle , c'est être réduit à manger avec les matelots; ce que l'on ordonne quelquefois comme une punition de fautes legeres, à ceux qui mangeoient à la table du capitaine. Dans les fontaines salantes , l'écuelle qui sert à puiser l'eau salée dans les poëles, pour s'assûrer si la mure ou muire est bonne, s'appelle aussi une gamelle . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMITES ou GEMITES Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GAMITES ou GEMITES GAMITES ou GEMITES, ( Hist. nat. ) pierre dont il est parlé dans Pline & dans d'autres auteurs anciens. On prétend qu'elle étoit blanche, & que l'on y voyoit deux mains qui se joignoient; ce qui lui a fait donner le nom qu'elle porte, qui signifie pierre de mariage . Il y a lieu de croire que cette pierre étoit factice, du moins elle est entierement inconnue des modernes, qui n'ont peut-être pas l'imagination assez vive pour remarquer les mêmes choses que voyoient les anciens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMME, GAMM'UT ou GAMMA-UT Author=Rousseau|d'Alembert|Brosses Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.f. GAMME GAMME, s. f. GAMM'UT ou GAMMA-UT, est en Musique une table ou échelle inventée par Guy Aretin, sur laquelle on apprend à nommer & à entonner juste les degrés de l'octave par les six notes de musique ut, ré, mi, fa, sol, la , suivant toutes les différentes dispositions qu'on peut leur donner; ce qui s'appelle solfier . La gamme a aussi été nommée main harmonique , parce que Guy employa d'abord la figure d'une main, sur les différens doigts de laquelle il rangea ses notes, pour montrer le rapport de ses hexacordes avec les tétracordes des Grecs. Cette mair. a été en usage pour apprendre à nommer les notes, jusqu'à l'invention du si , qui a aboli chez tous les muances, & par conséquent la main harmonique qui sert à les expliquer. Guy Aretin ayant, selon l'opinion commune, ajoûté au diagramme des Grecs un tétracorde à l'aigu & une corde au grave; ou plûtôt, selon Meibomius, ayant par ces additions rétabli ce diagramme dans son ancienne étendue, il appella cette corde grave, hypoproslambanomenos , & la marqua par le r des Grecs; & comme cette lettre se trouve à la tête de l'échelle, en commençant par les sons graves, solon la méthode des anciens, elle a fait donner à cette échelle le nom barbare de gamme . Cette gamme donc, dans toute son étendue, étoit composee de vingt cordes ou notes, c'est-à-dire de deux octaves & d'une sixte majeure. Ces cordes étoient représentées par des lettres & par des syllabes. Les lettres designoient invariablement chacune une corde déterminee de l'échelle, comme elles font encore aujourd'hui; mais comme il n'y avoit que sept lettres, & qu'il falloit recommencer d'octave en octave, on distinguoit ces octaves par les figures des lettres. La premiere octave se marquoit par des lettres majuseules, de cette maniere, r. A. B. &c. la seconde par des caracteres ordinaires, g, a, b, &c. & la sixte surnuméraire se désignoit par des lettres doubles, gg, aa, bb, &c. Pour les syllabes, elles ne représentoient que les noms qu'il falloit donner aux notes en les chantant: or comme il n'y avoit que six noms pour sept notes, c'étoit une nécessité qu'au-moins un même nom fût donné à deux différentes notes, ensorte que ces deux notes mi, fa , ou la, fa , tombassent sur les semi-tons; par conséquent dès qu'il se présentoit un dièse ou un bémol qui amenoit un nouveau semi-ton, c'étoit encore des noms à changer; ce qui faisoit donner, non-seulement le même nom à différentes notes, mais différens noms à la même note, selon le progrès du chant; & c'est-là ce qu'on appelloit les muances . On apprenoit donc ces muances par la gamme . A la gauche de chaque degré on voyoit une lettre qui indiquoit la corde précise qui appartenoit à ce degré: à la droite, dans les cases, on trouvoit les différens noms que cette même note devoit porter en montant ou en descendant par béquarre ou par bémol, selon le progrès. Les difficultés de cette méthode ont fait faire en divers tems des changemens à la gamme . La figure 10 . Pl. I . Musiq. représente cette gamme , telle qu'elle est aujourd'hui en usage en Angleterre. C'est à-peu-près la même chose en Allemagne & en Italie, si ce n'est que chez les uns on trouve à la derniere place la colonne de béquarre qui est ici la premiere, ou quelqu'autre legere différence aussi peu importante. Pour se servir de cette échelle, si l'on veut chanter au naturel, on applique ut à G ou à r de la premiere colonne, le long de laquelle on monte jusqu'au la; après quoi passant à droite dans la colonne du bénaturel, on nomme fa: on monte au la de la même colonne, puis on retourne dans la précédente à mi , & ainsi de suite. Ou bien on peut commencer par ut au C de la seconde colonne; arrivé au la , passer à mi dans la premiere colonne, puis repasser dans l'autre colonne au fa . Par ce moyen une de ces transitions forme toûjours un semi-ton; savoir la, fa , & l'autre toûjours un ton, la, mi . Par bémol on peut commencer à l' ut en C ou F, & faire les transitions de la même maniere, &c. En descendant par béquarre, ou quitte l' ut de la colonne du milieu, pour passer au mi de celle par béquarre, ou au fa de celle par bemol; puis descendant jusqu'à l' ut de cette nouvelle colonne, on en sort par fa de gauche à droite, par mi de droite à gauche, &c. Les Anglois n'employent pas toutes ces syllabes, mais seulement les quatre premieres, ut, ré, mi, fa; changeant ainsi de colonne de quatre en quatre notes, par une méthode semblable à celle que je viens d'expliquer, si ce n'est qu'au lieu de la, fa , & de la, mi , ils muent par fa, ut , & par mi, ut . Toutes ces gammes sont toûjours de véritables tortures pour ceux qui veulent s'en servir pour apprendre à chanter. La gamme françoise, qu'on a aussi appellée gamme du si , est incomparablement plus aisée; elle consiste en une simple échelle de sept degrés sur deux colonnes, outre celle des lettres. Voyez fig. 2 . Planche I . La premiere colonne à gauche est pour chanter par bémol, c'est-à-dire avec un bémol à la clé, la seconde, pour chanter au naturel. Voilà tout le mystere de notre gamme . Aujourd'hui que les musiciens françois chantent tout au naturel, ils n'ont que faire de gamme; C-solut, ut & C ne sont pour eux que la même chose: mais dans le système de Guy ut est une chose, & C en est une autre fort différente; & quand il a donné à chaque note une syllabe & une lettre, il n'en a pas prétendu faire des synonymes. ( S ) Nous joindrons à cet article quelques observations. Les sons, ou, ce qui revient au même, les cordes des instrumens chez les Grecs, n'étoient à la rigueur, selon M. Burette, qu'au nombre de quinze, dont l'assemblage formoit tout le système de l'ancienne musique. Ce grand système se partageoit naturellement en quatre petits systèmes ou tétracordes composés chacun de quatre sons ou cordes, qui faisoient l'étendue d'une quarte. La quatrieme corde du premier tétracorde étoit la premiere du second, & la quatrieme corde du troisieme étoit la premiere du quatrieme; mais le second & le troisieme n'avoient point de corde commune. Chaque corde étoit désignée par un nom particulier; ces noms étant très-difficiles à retenir, nous y substituerons ceux qui leur répondent dans la musique d'aujourd'hui. Les quatre tétracordes dont il s'agit étoient les suivans, en montant du grave à l'aigu. 1 er tétracorde, ou le plus grave, si, ut, ré, mi . Second, mi, fa, sol, la . Troisieme, si, ut, ré, mi . Quatrieme, mi, fa, sol, la . Ce qui fait en tout quatorze sons. Pour avoir le quinzieme son & compléter les deux octaves, on ajoûtoit un son la au-dessous du si du premier tétracorde. Voyez Proslambanomene . Il y avoit une seconde maniere d'entonner le troisieme tétracorde; c'étoit de lui substituer celui-ci, la, si , ut, ré , qui avoit son premier son la commun avec le tétracorde précédent, & qui donnoit au système un si de plus, & par conséquent une seizieme corde. Les noms de chacune des cordes du système étant longs & embarrassans, ne pouvoient servir pour ce que nous appelions solfier . Pour y suppléer, les Grecs désignoient les quatre cordes de chaque tétracorde, en montant du grave à l'aigu, par ces quatre monosyllabes, té, ta, té, tô . Voyez les mémoires de M. Burette, dans le recueil de l'acad. des Belles-Lettr . Par-là on voit aisément la différence du système des Grecs & de celui de Guy. On sait que les notes ut, ré, mi , &c. de la gamme de Guy , sont prites des trois premiers vers de l'hymne de S. Jean; mais on ne sait pas précisément quelle raison a déterminé Guy à ce choix. Il est certain que dans cette hymne, telle qu'on la chante aujourd'hui, les syllabes ré, mi, fa , &c. n'ont point, par rapport à la premiere syllabe ut , les sons qu'elles ont dans la gamme . Ainsi ce n'est point cette raison qui a déterminé Guy, à-moins qu'on ne veuille dire qu'alors le chant de l'hymne étoit différent de celui qu'elle a aujourd'hui, ce qu'on ne peut ni prouver, ni nier. Il n'est pas inutile de remarquer que la gamme est une des inventions dûes aux siecles d'ignorance; Guy vivoit en 1009. Il publia sur son système une lettre dans laquelle il dit: j'espere que ceux qui viendront après nous prieront Dieu pour la rémission de nos péchés, puisqu'on apprendra maintenant en un an, ce qu'on pouvoit à peine apprendre en dix . On a vû par ce qui précede, que celui qui a inventé la gamme françoise ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut , appellée gamme du si , étoit encore plus en droit de se flater de la reconnoissance de la postérité, puisque la gamme de Guy a été par ce moyen très-simplifiée. ( O ) Nous joindrons à ces remarques un écrit que M. le président de Brosses, correspondant-honoraire de l'académie royale des Belies-Lettres, a bien voulu nous communiquer sur la gamme de Guy d'Arezzo. Il y examine par quelle suite d'idées ce musicien est parvenu à la former, & ses successeurs à la perfectionner. « Les Grecs, dit-il, marquoient les caracteres de leur Musique par une grande quantité de lettres & de figures différentes, que les Latins réduisirent depuis aux quinze premieres lettres de l'alphabet, dont ils formerent une tablature. Mais quoique le gamma fût une de ces lettres, il est douteux que les Latins se soient jamais servi du mot gamma , comme le dit M. Saverien, pour nommer leur tablature: il faut s'en tenir à ce qu'il ajoûte dans la suite, sur le tems où ce mot fut en usage. Guy d'Arezzo forma, vers le commencement de l'onzieme siecle, un nouveau système de Musique: alors on se servoit de l'ancien système des Grecs, autrefois composé de deux tétracordes conjoints, représentés par des lettres, & égaux à ceux-ci, si, ut, ré, mi; mi, fa, fol, la , dans lesquels on peut remarquer que tous deux commencent par une tierce mineure, & qui plus est par un intervalle de sémi-ton: ou plûtôt tout deux sont de vrais tricordes du mode majeur, comprenant chacun une tierce majeure, au-dessous de laquelle les Grecs avoient savamment ajoûté la note sensible du ton, qui représente à son octave la septieme du même ton, c'est à-dire la principale dissonnance du ton. Il y a grande apparence que Guy d'Arezzo, lorsqu'il commença de concevoir son nouveau système, ayant égard à ce que les deux tétracordes des Grecs commençoient par deux tierces mineures, composa le sien de deux tricordes disjoints faisant chacun une tierce mineure; & qu'il les exprima de la maniere suivante, par les six premieres lettres de l'alphabet latin, a, b, c; d, e, f , équivalentes à la, si, ut; ré, mi, fa . Dans la suite, il conçut l'echelle diatonique de six sons, commençant par une tierce majeure, telle que nous l'avons aujourd'hui, & mit pour les trois premieres notes de son échelle, c, d, e , qui seules laissant entre chacune l'intervalle d'un ton entier, lui donnoient la tierce majeure. Je ne doute pas que ce ne soit le sens du premier vers de l'hymne de saint Jean. Ut queant laxis resonare fibris , qui a déterminé l'auteur à tirer de cette strophe le nom de ces six cordes qu'il vouloit faire sonner à vuide, resonare laxis fibris . C'est donc ici la cause occasionnelle de l'étymologie déjà connue des six premiers sons de la gamme . Pour imiter & perfectionner les deux tétracordes grecs, on ajoûta à l'échelle des six tons précédens, une septieme note, que l'on nomma si , & l'octave ou répetition du premier ton, nommé de même, ut . De cette sorte, l'échelle diatonique se trouva contenir une octave complette, dirigée selon la plus grande conformité avec la voix humaine, qui ne peut facilement faire trois tons entiers de suite, tels que seroient ut, ré, mi, fa #; mais qui après deux tons entiers, aime à se reposer par l'intonation succédante d'un sémi-ton; ainsi ut, ré, mi, fa, &c. Cette échelle est en même tems composée de deux tétracordes disjoints & à-peu-près pareils, ut, ré, mi, fa; sol, la, si, ut . En suivant toûjours la méthode des Grecs usitée de son tems (car les inventeurs mêmes travaillent d'exemple), Guy d'Arezzo joignit aux syllabes qu'il prenoit pour noms des sons, les lettres A, B, C, D, E, F , qui les nommoient ci-devant: mais A représentoit la , premiere note de ses deux tricordes, & non pas ut , premiere note de son échelle d'octave: tellement que pour nommer les tons, en joignant la lettre à la syllabe, & y ajoûtant entre deux le nom de la dominante du ton qui en marque toute la modulation & les subséquences, on a dit, en suivant l'ordre des tricordes, A mi la, B fa si, C sol ut, D la ré, E si mi, F ut fa . De-là viennent aussi ces anciennes expressions familieres aux Musiciens, le premier en A mi la; le quint en E si mi . Il manquoit une lettre au septieme ton; l'inventeur, suivant son plan, prit la septieme de l'alphabet latin G , qu'il écrivit en grec γ , gamma , quoique le γ se trouve la troisieme de l'alphabet grec: de cette maniere, le septieme ton fut nommé G ré sol; & le caractere grec plus singulier dans la tablature que les caracteres vulgaires, donna le nom de gamma à toute l'échelle diatonique. Pour imiter toûjours l'ancienne méthode greque, dont le tétracorde commençoit par un sémi-ton ou note sensible, l'inventeur baissa d'un demi-ton l'intervalle A, B de son premier tricorde A, B, C; ensorte qu'au lieu d'un ton entre A & B , & d'un demi-ton entre B & C , il se trouva un demi-ton entre A & B , & un ton complet entre B & C: pour avertir de ce changement, il joignit un signe particulier au B; & comme le son du B devenoit par-là plus doux & plus mou, on nomma ce signe B mol: or le B étant le si , de-là vient que le premier bémol en Musique se pose sur le si . Usant du même artifice sur son second tricorde, quand il voulut le faire commencer comme le grec, il baissa d'un demi-ton l'intervalle du ré au mi: de-là vient que le second bémol en Musique se pose sur le mi: s'il voulut remettre son premier tricorde A, B, C , dans le premier état naturel où il l'avoit composé, il joignit au B un signe quarré angulaire à-peu-près de cette figure ♮, pour avertir que l'intervalle d' A à B étoit d'un ton dur & entier; & ce signe fut nommé B quarre . Il s'étoit occupé sur ses tricordes mineurs de l'abaissement des sons qui convient au mode mineur: revenant à son échelle d'octave modulée selon le mode majeur, il s'occupa de l'élévation des sons convenable à ce mode; il éleva d'un demi-ton de plus le premier intervalle de sémi-ton qui se trouve dans l'ordre de son échelle, c'est-à-dire celui du mi au fa; & en fit autant sur le second intervalle semblable, c'est-à-dire sur celui du si à l' ut: de-là vient que dans la Musique le premier dièse se pose sur le fa , & le second sur l' ut . Cette expérience dut lui paroitre très-heureuse, & d'autant plus conforme à la suite des sons dans la nature, que le fa ⨳ annonçoit la modulation du sol , dont il est la note sensible; & qu'en effet, la modulation de sol est engendrée dans les corps sonores par la modulation d' ut , dont sol est la note dominante. L'inventeur, pour avertir qu'il vouloit mettre l'intervalle d'un ton entier entre mi & fa , joignit au fa un signe quarré ⨳, de figure à-peu-près semblable au béquarre , parce que l'effet des deux signes étoit le même: on appella ce signe dièse , du mot grec δίησις , division , parce qu'il divisoit en deux l'intervalle du ton entre fa & sol; & parce que dans les instrumens grecs, entre deux cordes formant entre elles un intervalle d'un ton, ou en mettoit un autre qui les séparoit, & formoit le sémi-ton intermédiaire. L'échelle diatonique ainsi formée avec adjonction de deux dièses par ut, ré, mi, fa ⨳, sol, la, si, ut # , est suivie progressivement par l'échelle suivante, ré, mi, fa ⨳, sol, la, si, ut ⨳, ré , entierement semblable dans l'ordre de ses intervalles à l'échelle naturelle de l'octave ut , sans aucun dièse. Or en continuant de procéder selon le mode majeur, en élevant le premier intervalle de sémi-ton qui se rencontre dans la nouvelle octave ré entre fa ⨳ & sol , pour la rendre pareille en intervalle à l'octave ut avec deux dièses, il en résulte ré, mi, fa ⨳, sol ⨳, la, si, ut ⨳, ré ⨳: de-là vient que dans la Musique le troisieme dièse se pose sur le sol , & le quatrieme sur le ré. Guy d'Arezzo s'appercevant que les sept lettres ou les sept syllabes dont il se servoit pour tracer les sons musicaux au-dessus des paroles, n'exprimoient qu'une octave, & ne distinguoient pas si le son étoit d'une octave plus basse ou plus aiguë que la moyenne, s'avisa d'un troisieme expédient plus commode, à ce qu'il lui parut, que les lettres ou les syllabes; ce fut de tracer sur le papier de longues raies paralleles, probablement pour imiter la figure des cordes tendues de la lyre, qu'il fut forcé de disposer horisontalement, non verticalement; sans quoi, il n'auroit pû y joindre avec facilité l'écriture des paroles chantées, qui parmi nous est horisontale & non verticale. Il traça donc plusieurs lignes les unes sur les autres, représentant les degrés & les intervalles des sons plus ou moins aigus; il figura sur les lignes & les entre-lignes de petites notes noires, chaque ligne & entre-ligne immédiats représentant l'intervalle d'un demi ton. D'autres musiciens ont depuis distingue la vîtesse ou la lenteur du chant, & fixé la duree intrinseque de chaque note, en traçant les notes blanches, noires, à queue, crochues, doublement crochues, &c. d'autres ont ensuite inventé divers autres signes, pour représenter les tremblemens & les renflemens du son, le tems, la mesure à deux, trois, & quatre gestes, les silences, &c. ces derniers s'appellent pauses & soupirs , parce qu'ils donnent au chanteur le tems de se reposer, de respirer, & de reprendre haleine. Quant aux clés placées au commencement de chaque ligne, soit qu'on les y voye seules, soit qu'elles soient accompagnées de dièses & de bémols, elles ouvrent l'intelligence de la modulation traitée dans l'air: elles montrent tout-d'un-coup quelle est l'octave employée dans cet air; si c'est la basse, la moyenne, ou l'aiguë; & par-là elles font voir à portée de quel genre de voix l'air est composé. Nous répétons la clé au commencement de chaque ligne: mais les Italiens se contentent de la figurer une fois pour toutes au commencement de la premiere ligne. Il y a sept clés, c'est-à - dire autant que de sons dans l'échelle diatonique: dans la regle, les sept clés devroient porter le nom des sept sons, & chacune se trouver posée au commencement de la ligne sur la place de la tonique de l'air qu'elle indique. Mais comme les clés ont été introduites moins encore pour montrer le ton final & principal de l'air, que pour indiquer si l'air est grave, moyen, ou aigu; & comme l'inventeur ne considéroit alors que son échelle naturelle de l'octave ut , il n'a donné que trois noms aux clés, sçavoir, fa, ut, sol; parce que dans cette échelle de son octave ut , la note tonique, c'est à-dire le son principal, final, & moyen, est ut , ayant pour dominante aiguë sol , & pour sous dominante grave fa . Sur ce principe, il s'est déterminé à indiquer le chant grave par la cle de fa; le chant moyen, par la clé d' ut; le chant aigu, par la clé de sol . Cette observation étoit très-heureuse de la part de l'inventeur, soit qu'il y ait été conduit par force de génie, ou par hasard; car elle indiquoit en même tems tout le plan de l'harmonie, tant consonnante que dissonnante. Elle s'est trouvée d'accord avec le fameux principe de la basse fondamentale par quintes, découvert depuis par le célebre Rameau, & qui sert de base à sa profonde théorie. Un chant, dit ce savant homme, composé du ton ut & de ses deux quintes fa & sol , l'une au-dessous, l'autre au-dessus, donne le chant ou la suite des quintes fa, ut, sol , que j'appelle basse fondamentale d' ut par quintes. Les trois sons qui forment cette basse & les harmoniques de chacun de ces trois sons, composent tout le mode majeur d' ut , & en même tems toute la gamme diatonique inventée par Guy d'Arezzo, comme nous le verrons encore mieux ci-après. Telle est la suite des procédés & des idées qu'a eu dans la tête l'inventeur de notre gamme , en réformant la méthode greque. Ces procédés sont si connexes, si bien liés, si dépendans les uns des autres, qu'on ne peut douter qu'il n'ait eu de telles pensées dans l'esprit, & à-peu-près dans le même ordre que je viens de les décrire. C'est ainsi qu'un soigneux examen des noms imposés aux choses, en nous apprenant la cause de leur imposition, nous fait remonter aux choses mêmes; nous donne lieu de pénétrer leurs causes & leurs effets; nous remet sur les voies des premiers principes des Arts & de leurs progrès successifs; nous fait suivre les opérations de l'inventeur à la trace des termes appellatifs, qu'il a mis en usage. Au reste, notre méthode d'usage actuel inventée par Guy d'Arezzo, de tracer la Musique sur le papier par des notes noires disposées sur les lignes & les entre-lignes de cinq raies, quoique très-ingénieuse, n'est pas fort bonne: elle est compliquée de figures embarrassantes & nombreuses. On sent assez que, soit que l'on se servît de raies, de notes, de lettres, de chiffres, ou des sept couleurs, il seroit facile d'inventer dix méthodes différentes d'écrire les chants, plus simples, plus courtes, & plus commodes, sur-tout pour la musique vocale: car l'instrumentale plus chargée de chants, présenteroit peut-être un peu plus de difficulté. L'ancienne tablature greque par lettres étoit, p. ex. meilleure que la nôtre. Mais à quoi serviroit d'introduire une nouvelle méthode plus parfaite, aujourd'hui que nous avons tant d'ouvrages célebres imprimés selon l'ancienne? On ne supprimera pas tout ce que nous avons de Musique gravée, imprimée, manuscrite, pour le publier de nouveau sur une nouvelle tablature. Ainsi la nouvelle introduction auroit le plus grand inconvénient qu'elle puisse avoir; c'est celui de ne pas abolir l'ancienne, & de ne procurer aux hommes qu'un travail de plus. Il faudroit que ceux qui savent lire notre Musique apprîssent à lire une seconde fois; & que ceux à qui l'on enseigneroit à lire selon la nouvelle réforme, apprîssent aussi l'ancienne maniere, pour pouvoir joüir des ouvrages écrits avec nos figures actuelles. Ceci soit dit en passant, pour tous les projets de cette espece tendant à introduire une réforme sur des choses où il n'est pas possible de supprimer les grands établissemens déjà faits sur l'ancien pié ». Nous avons donné au mot Échelle , la comparaison de la gamme ou échelle diatonique des Grecs avec notre gamme moderne. Nous avons fait voir comment ces gammes se formoient par le moyen des sons fa, ut, sol , & de leurs harmoniques: ces trois sons sont le fondement des deux gammes , par la raison suivante. Le son ut fait résonner sa douzieme au-dessus sol , & fait frémir sa douzieme au-dessous fa. Voyez Fondamental . Or au lieu des douziemes, on peut prendre ici les quintes, qui en sont les octaves ou répliques. Voyez Octave & Réplique . Ainsi on peut aller indifféremment du son ut à ses deux quintes sol & fa , quoiqu'avec un peu plus de prédilection pour sol , & révenir de même de fa & de sol à ut . Ces trois sons forment la basse fondamentale la plus simple du mode d' ut ( Voyez Mode ); & ces trois sons avec leurs harmoniques, c'est-à-dire leurs tierces majeures & leurs quintes ( Voyez Fondamental ), composent toute la gamme d' ut . Le son fondamental ut renfermant en lui-même sa tierce majeure & sa quinte ( Voyez Fondamental ), il s'ensuit que le chant le plus naturel en partant d' ut , est ut, mi, sol, ut: mais le chant diatonique le plus naturel, c'est-à-dire celui qui procede par les moindres degrés naturels à la voix, est celui de la gamme , soit des anciens, soit des modernes. Nous avons vû au mot Échelle , que pour former la basse fondamentale de notre gamme moderne, il faut ou répéter deux fois le son sol dans cette gamme ; ou, ce qui revient au même, faire porter à ce seul son deux notes de basse fondamentale, savoir ut & sol; ou en faisant porter à chaque note de la gamme une seule note de basse, introduire dans la basse des accords de septieme, savoir, sol, si, ré, fa , & ré, fa, la, ut; & dans tous les cas, introduire dans la basse la note ré , & par conséquent, le mode de sol. Voyez Mode . C'est cette introduction du mode de sol dans la basse fondamentale, qui fait que les trois tons fa, sol, la, si , peuvent se succéder immédiatement dans notre gamme; ce qui n'a pas lieu dans celle des Grecs, parce que sa basse fondamentale ne porte & ne peut porter que les sons fa, ut, sol . De plus on ne peut entonner facilement ces trois tons qu'à la saveur d'un repos exprimé ou sous-entendu après le son fa; ensorte que ces trois tons fa, fol, la, si , sont censés appartenir à deux tétracordes différens. La difficulté d'entonner naturellement trois tons de suite, vient donc de ce qu'on ne le peut faire sans changer de mode. Pour former la gamme du mode mineur, il faut dans la gamme des Grecs, substituer des tierces mineures au lieu des tierces majeures que portent les sons de la basse fondamentale. Prenons pour exemple cette basse fondamentale ré, la, mi , du mode mineur de la; il faudra faire porter le fa & l' ut au ré & au la , au lieu du fa dièse & de l' ut dièse, qu'ils porteroient si le mode étoit majeur. A l'égard de la dominante mi ( Voyez Dominante ), elle portera toûjours la tierce majeure sol dièse, lorsque ce sol montera au la: on en dira la raison, d'après M. Rameau, au mot Note sensible ; & on peut, en attendant, la voir dans nos élémens de Musique, art. 77 . Ainsi la gamme des Grecs, dans le mode mineur de la , est sol #, la, si, ut, ré, mi, fa . Mais dans le même mode mineur de la , la gamme des modernes sera la, si, ut, ré, mi, fa #, sol #, la , dans laquelle le mi porte ou est censé porter deux notes de basse fondamentale, la, mi , & dans laquelle le fa est dièse, parce qu'il est quinte du si de la basse; la basse fondamentale de cette gamme etant la, mi, la, ré, la, mi, si, mi, la . Ainsi la gamme des modernes dans le mode mineur, differe encore plus de celle des Grecs, que dans le mode majeur, puisqu'il se trouve dans celle-là un fa # , qui n'est point & ne doit point être dans celle-ci. La gamme du mode majeur en descendant, est la même qu'en montant; & nous avons vû, au mot Échelle , quelle est alors la basse fondamentale de cette gamme: on peut encore lui donner celle-ci. ut, sol, ré, sol, ut, fa, ut, sol, ut , qui est la même (renversée) que la basse fondamentale de la gamme en montant, & dans laquelle le son sol de la gamme porte à-la-fois les deux sons sol, ut , de la basse. Au moyen de cette basse, qui est la même, soit que la gamme monte, soit qu'elle descende, on peut expliquer un fait qui seroit peut-être difficile à expliquer autrement, sçavoir pourquoi la gamme s'entonne aussi naturellement en descendant qu'en montant. La difficulté est plus grande pour la gamme du mode mineur; car on sait que cette gamme n'est pas la même en descendant qu'en montant: la gamme de la mineur, par exemple, est en montant, comme on l'a déjà vû, la, si, ut, ré, mi, fa #, sol #, la; & cette gamme en descendant, est, la, sol, fa, mi, ré, ut, si, la , qui n'a plus ni sol ni fa dièse. La basse fondamentale de cette gamme est fort difficile à trouver: car le sol ne peut porter que mi , & le fa que ré: or deux sons mi, ré , immédiatement consécutifs, sont exclus par les regles de la basse fondamentale. Voy. Basse fondamentale , Harmonie, & Mode M. Rameau détermine cette basse, en retanchant de l'échelle le son sol , en cette sorte: la, fa, mi, ré, ut, si, la , dont la basse fondamentale est la, ré, la, ré, la, mi, la . C'est ce qu'on peut dire de plus plausible là-dessus; & c'est aussi ce que nous avons dit, d'après M. Rameau, dans nos élémens de Musique: mais on doit avoüer que cette solution ne satisfait pas pleinement, puisqu'il faut, ou ne point faire porter d'harmonie à sol , ou anéantir l'ordre diatonique de la gamme ; deux partis dont chacun a ses inconvéniens. Cet aveu donnera lieu à une autre observation que nous avons quelque droit de faire, ayant eu l'honneur d'être du nombre des juges de M. Rameau dans l'académie des Sciences, & ensuite ses interpretes auprès du public; c'est que cette compagnie n'a jamais prétendu approuver le systeme de Musique de M. Rameau, comme renfermant une science démontrée *, mais seulement comme un systeme beaucoup mieux fonde, plus clair, plus simple, mieux lié, & plus étendu qu'aucun de ceux qui avoient précédé; mérite d'autant plus grand, qu'il est le seul auquel on puisse prétendre dans cette matiere, où il ne paroît pas possible de s'élever jusqu'à la démonstration. Tout le systeme de M. Rameau est appuyé sur la résonnance du corps sonore: mais les conséquences qu'on tire de cette résonnance n'ont point & ne sauroient avoir l'évidence des théorèmes d'Euclide; elles n'ont pas même toutes un egal degré de force & de liaison avec l'expérience fondamentale. Voyez Harmonie , Note sensible , Mode mineur , Septieme , &c. Aussi M. Rameau dit-il très-bien au sujet de la dissonnance, qui est une branche étendue de la Musique: « c'est justement parce que la dissonnance n'est pas naturelle à l'harmonie, quoique l'oreille l'adopte, que pour satisfaire la raison sur ce point, autant qu'il est possible , on ne sauroit trop multiplier les rapports, les analogies , les convenances , même les métamorphoses, s'il y en a ». D'où il s'ensuit, qu'il ne range sa théorie musicale que dans la classe des probabilités. C'est aussi uniquement comme un systeme très-supérieur aux autres, que nous avons expliqué cette théorie dans un ouvrage particulier; très-disposés en même tems à recevoir tout ce qui pourra nous venir de bon d'ailleurs. Voyez Fondamental . Sur les différences de la gamme des Grecs dans les genres diatonique, chromatique, & enharmonique, voyez Genre . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAMUTO Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GAMUTO * GAMUTO, s. m. ( Commerce. ) espece de chanvre qu'on tire du coeur de quelques palmiers des Indes; on en fait des cordages, mais que l'eau détruit facilement. Les Espagnols & les autres Européens, excepté les Hollandois, en achetent des insulaires des Philippines. Les Hollandois les tirent de Mendanao. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANACHE Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=s.f. GANACHE GANACHE, s. f. ( Maréchallerie. ) On appelle en général de ce nom l'os qui compose la mâchoire postérieure. Cet os est partagé en deux branches dans le poulain. Dans le cheval elles sont tellement unies, qu'il ne reste qu'une legere trace de leur jonction; trace que l'on observe à la partie inférieure, & qui forme la symphise du menton. L'espace qu'elles laissent entr'elles contient intérieurement un canal dans lequel la langue est logée, & extérieurement un autre canal nommé proprement l' auge . Celui-ci doit être tel, qu'il puisse admettre & recevoir une portion de l'encolure, dans le moment où l'animal est déterminé à se placer. S'il n'est point assez évidé, si supérieurement les deux branches sont trop rapprochées, si elles ont trop de volume * N. B. La démonstration du principe de l'ha monie , par M. Rameau, ne portoit point ce titre quand elle a été présentée à l'académie, & n'a point aussi été annoncée lous ce titre dans le rapport qui en a été fait. & trop de rondeur aux angles de la mâchoire, ce qui rend d'ailleurs la ganache quarrée, & la tête difforme & pesante; il est fort à craindre que l'animal ne se ramene point & porte constamment au vent. Il importe donc d'examiner attentivement la conformation de cette partie, lorsque l'on achete un cheval, & de rechercher encore dans le canal exterieur, si les glandes maxillaires & sublinguales ne sont point sensibles au tact, c'est-à-dire si elles sont non-appercevables & dans leur état naturel. Lorsqu'elles se manifestent aux doigts, elles sont gorgées d'une lymphe épaissie; & selon qu'elles sont plus ou moins dures, plus ou moins grosses, plus ou moins adhérentes ou mobiles, & que le cheval est plus ou moins âgé, elles présagent des maladies plus ou moins dangereuses & plus ou moins funestes. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANCHE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GANCHE GANCHE, s. m. ( Hist. mod. ) sorte de potence dressée pour servir de supplice en Turquie. Le ganche est une espece d'estrapade dressée ordinairement à la porte des villes. Le bourreau éleve les condamnés par le moyen d'une poulie; & lâchant ensuite la corde, il les laisse tomber sur des crochets de fer, où ces misérables demeurent accrochés tantôt par la poitrine, tantôt par les aisselles, ou par quelqu'autre partie de leur corps. On les laisse mourir en cet état, & quelques-uns vivent encore deux ou trois jours. On rapporte qu'un pacha passant devant une de ces potences en Candie, jetta les yeux sur un de ces malheureux, qui lui dit d'un ton ironique: Seigneur, puisque tu es si charitable, suivant ta loi, fais-moi tirer un coup de mousquet pour finir cette tragédie . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAND Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAND GAND, Gandavum , ( Géogr. ) ville capitale de la Flandre autrichienne, avec un fort château bâti par Charles-Quint pour tenir en bride les habitans, & un évêché suffragant de Malines, érigé par Paul IV. en 1559. L'Escaut, la Lys, la Lieve, & la Moëre, coupent cette ville en plusieurs iles. Eile est située à 9 lieues S. O. d'Anvers, 11 O. de Malines, 10 N. O. de Bruxelles, 8 S. E. de Middelbourg. Cette ville si souvent prise, reprise, & cédée par des traités, perd tous les jours de son lustre & de sa force. Les Gantois étoient plus libres dans le xv. siecle sous leurs souverains, que les Anglois même ne le sont aujourd'hui sous leurs rois. Personne n'ignore que le mariage de leur princesse qu'ils conclurent avec Maximilien, fut la source de toutes les guerres qui ont mis pendant tant d'années la maison de France aux mains avec celle d'Autriche. Charles-Quint, rival de François I. plus puissant & plus fortuné, mais moins brave & moins aimable, naquit à Gand le 24 Février 1500. On le vit, dit M. de Voltaire, en Espagne, en Allemagne, en Italie, maître de tous ces états sous des titres différens, toûjours en action & en négociation, heureux long-tems en politique & en guerre, le seul empereur puissant depuis Charlemagne, & le premier roi de toute l'Espagne depuis la conquête des Maures, opposant des barrieres à l'empire ottoman, faisant des rois, & se dépouillant enfin de toutes les couronnes dont il étoit chargé, aller mourir en triste solitaire, après avoir trouble l'Europe, & n'ayant pas encore 59 ans. La patrie de Charles-Quint n'a pas été féconde en gens de lettres célebres. Je ne me rappelle parmi les littérateurs que Levinius Torrentius: ce savant, après s'être distingué par quelques ouvrages en vers & en prose, & sur-tout par une édition de Suétone accompagnée de bonnes notes, mourut le 26 Avril 1695. La longitude de Gand , suivant Cassini, est 21 d . 26'. 30''. latit. 51 d . 3' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANDERSHEIM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANDERSHEIM GANDERSHEIM, ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne au cercle de la basse Saxe, dans le duché de Brunswic, à 6 lieues de Goslar, remarquable par son abbaye de filles nobles, fondée l'an 852. Cette ville est aujourd'hui protestante sous la protection du duc de Brunswic-Wolfenbutel. Long. 28. 10. lat. 51. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANERBINAT Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire moderne | Jurisprudence Part of Speech=NA GANERBINAT GANERBINAT, ( Hist. mod. Jurisprud. ) en allemand gan-erbschafft . C'est ainsi qu'on nomme dans l'empire d'Allemagne une convention faite entre des familles nobles & illustres, sous de certaines clauses & avec l'approbation du suserain, pour se défendre mutuellement contre les invasions & les brigandages qui ont eu lieu pendant fort long-tems en Allemagne, & qui étoient des conséquences funestes du gouvernement féodal. On y stipuloit aussi que lorsqu'une famille viendroit à s'éteindre, sa succession tomberoit aux descendans de celle avec qui le pacte de ganerbinat avoit été fait. Ces conventions s'appellent aussi pactes de confraternité . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANESBOROUGH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANESBOROUGH GANESBOROUGH, ( Géog. ) ville à marche d'Angleterre en Lincoln-Shire sur le Frent, à quatre lieues N. O. de Lincoln, 38 N. E. de Londres. Long. 16. 45. latit. 53. 20 . Patrick (Simon) naquit dans cette ville en 1626, & mourut évêque d'Ely en 1707. On a de lui un grand nombre d'ouvrages écrits en anglois, tous pleins d'érudition; tels sont en particulier ses commentaires sur le Pentateuque, & sur d'autres livres de l'Ecriture sainte. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANFO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANFO GANFO, ( Géogr. ) ville de la Chine dans la province de Kiangsi, au département de Kiegan, neuvieme métropole de cette province. Elle est de 3 d . 10' . plus occidentale que Pekin, & sa latitude est de 27 d . 55' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANGE, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANGE GANGE, ( le ) Géogr. la plus célebre riviere de l'Asie; elle prend sa source dans les montagnes du Caucase, aux confins des états du Mogol, traverse du septentrion au midi toute l'Inde qu'elle divise en Inde en-deçà & Inde en-delà du Gange; & après avoir reçu plusieurs rivieres, elle se décharge dans le golfe de Bengale par plusieurs embouchures. Seleucus Nicanor est le premier qui ait pénétré jusqu'au Gange , & qui ait découvert le golfe de Bengale où se jette ce fleuve. Selon M. de Lisle, la source du Gange est vers le 96 d . de longit . & le 35 d . 45'. de latit . & son embouchure occidentale vers le 106. de long . & le 21 d . 15'. de lat. son embouchure orientale est vers le 108 d . 25' . & par le 22. de latit . Son cours, selon le calcul de Varenius, est de 3000 milles d'Allemagne. Ses eaux sont très-belles, & fournissent de l'or & des pierres précieuses; les Indiens prétendent même qu'elles ont une vertu sanctifiante, & que ceux qui meurent sur ses bords doivent habiter, après leur décès, une région pleine de délices. Delà vient qu'ils envoyent des lieux les plus reculés des urnes pleines de cendres de leurs morts, pour les jetter dans le Gange . Qu'importe qu'on vive bien ou mal, on fera jetter ses cendres dans le Gange , & l'on joüira d'un bonheur infini. « Toute religion qui justifie par de telles pratiques, perd inutilement le plus grand ressort qui soit parmi les hommes ». Réflexion bien importante de l'auteur de l'esprit des lois. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANGEA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANGEA GANGEA, ( Géogr. ) une des meilleures villes de Perse, dans la Géorgie, capitale de la province de même nom. Les basards ou marchés y sont magnifiques, & les maisons entre-coupées de bocages délicieux. Gangea est dans une grande plaine agréable & fertile, à 66 lieues d'Erivan, 42 S. de Teflis. Long. 65. 10. lat. 41. 32 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANGITE Author=Diderot Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GANGITE * GANGITE, ( Hist. nat. ) nom donné par les anciens naturalistes au jayet ou jais. Voyez cet article . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANGLION Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.m. GANGLION GANGLION, s. m. en Anatomie , nom de certaines tumeurs naturelles qu'on observe dans quelques nerfs. Voyez Nere . M. Lancisi est l'auteur qui paroît s'être le plus attaché à la recherche de la structure des ganglions des nerfs, & de la conformation singuliere qu'il croit y avoir découverte; il conclut que les ganglions sont propres à modérer & à diriger le mouvement des esprits animaux. Ut quoniam , dit-il, ganglia nihil aliud esse deprehendimus quam muscularia sui generis corpora, quoe tendineis nervis sanguinea proesertim vasa & musculorum fibras veluti claviculis sic apprehendunt, ut ad dirigendum, moderandumque animalis arbitrio liquidorum in illa influxum comparata fuisse videantur . Si les observations particulieres que j'ai faites sur les ganglions ne détruisent point celles de M. Lancisi, au-moins font-elles naître de si grands doutes, que les observations de cet auteur paroissent exi er un examen plus scrupuleux & plus recherche; en effet l'Anatomie nous apprend que, toutes choses d'ailleurs égales, les ganglions sont plus petits dans le fétus que dans les jeunes sujets, dans les jeunes sujets que dans les adultes. C'est un fait que j'ai confirmé par la dissection de cadavres de différens âges, & j'ai souvent observé que lorsque les tiois ganglions supérieurs du nerf intercostal etoient plus gros que l'ordinaire dans les adultes, dans ce cas-là même les ganglions de ce nerf qui s'observent ordinairement sur les parties latérales des vertebres du dos & des lombes, & sur celles de l'os sacrum, n'étoient presque pas sensibles, pour ne pas dire point-du tout . Au reste aucun anatomiste n'ignore que rien ne varie plus que ces sortes de tumeurs; & il n'est pas qu'on n'ait remarqué que les filets que le nerf intercostal puise au coeur, s'unissent & s'enchaînent quelquefois les uns avec les autres, de maniere qu'il se trouve un petit ganglion dans chaque endroit de leur union; j'en ai même observé jusqu'à trois dans chaque endroit. Observons en second lieu que les ganglions sont tous en général situés dans des endroits où ils paroissent le plus exposés au tiraillement & au frottement; la tumeur même dans certains nerfs ne paroit saillir que dans la partie du nerf qui y est la plus exposée. C'est ainsi, par exemple, que dans les nerfs qui partent de la moëlle épiniere, & sont formes par des filets qui se détachent de la partie antérieure, & d'autres qui partent de la partie postérieure; c'est ainsi, dis-je, que dans ces nerfs la tumeur se trouve vis-à-vis des apophyses obliques des vertebres lorsqu'ils passent les trous de l'épine, & même le ganglion ne s'observe que dans le cordon formé des filets qui naissent de la partie postérieure de l'epine, & cette tumeur est immédiatement placée sur l'articulation des deux apophyses obliques; les ganglions du nerf intercostal sont aussi situés de façon qu'il y a tout lieu de présumer que ses noeuds sont un produit du frottement, du tiraillement, &c. Disons en troisieme lieu que la structure des ganglions paroît bien moins compliquée que M. Lancisi ne l'a voulu faire entendre dans les descriptions & les figures qu'il en a données; en effet lorsqu'on examine dans le fétus les ganglions vertébreux, on observe distinctement que chaque filet postérieur qui concourt à former le cordon est gonflé, & que chacun d'eux se sépare facilement l'un de l'autre, parce qu'alors le tissu cellulaire qui les unit, est bien moins fort & moins serré qu'il ne l'est dans les adultes. Je serois volontiers porté à croire que c'est-là la cause pour laquelle ces filets sont si intimement unis dans les adultes, qu'on soupçonneroit d'abord lorsqu'on les a ouverts, qu'ils sont musculeux; cependant on vient à bout par la macération de relâcher le tissu cellulaire, & de séparer les uns des autres ces filets nerveux gonflés. Ajoûtons en quatrieme lieu, que presque tous les auteurs ont dit unanimement que les nerfs liés ne se gonfloient point; cependant M. Molinelli dit dans les commentaires de l'académie de Boulogne , qu'après avoir lié le même nerf dans deux endroits différens & sort près l'un de l'autre, le nerf se gonfle entre les deux ligatures; mais dans les expériences que j'ai faites, je l'ai vû gonflé au-dessus de la ligature; il est bien vrai que cela n'arrive pas aussi-tôt & aussi sensiblement que dans les vaisseaux sanguins. Ceci est confirmé par les observations que j'ai eu occasion de faire sur les cadavres de deux malades auxquels on avoit amputé à l'un la jambe, & à l'autre la cuisse. J'ai vû les nerfs sensiblement gonflés dans l'endroit où ils avoient été liés, & j'ai même observé la même disposition dans leurs filets gonflés que dans ceux des ganglions vertébraux. J'ai outre cela trouvé dans le cadavre d'un homme mort paralytique, une tumeur ganglioforme de la longueur de 7 à 8 lignes sur 4 à 5 de diametre dans la huitieme paire, un peu au-dessus de l'endroit où le nerf recurrent se détache de cette paire; les glandes jugulaires étoient gonflées au-dessus de cette tumeur; le malade avoit perdu l'usage de la parole quelque tems avant sa mort; cependant la huitieme paire du côté opposé paroissoit dans son état naturel; j'ouvris cette tumeur, & j'observai deux membranes très distinctes qui enveloppoient un corps transparent, comme de la gelée, mais beaucoup plus solide. J'ai eu d'ailleurs occasion de voir plusieurs sois les ganglions extraordinairement gonflés, mais les glandes conglobées qui les environnoient l'étoient aussi. Tout ceci ne donne-t-il pas lieu de présumer que le tiraillement, le frottement, la compression, ou d'autres mouvemens méchaniques font former ces tumeurs? & ne sembleroit-t-il pas même qu'on pourroit en déduire la présence d'un fluide, tel qu'il puisse entrer dans les nerfs? ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Ganglion Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Ganglion Ganglion , ( Chir. ) tumeur circonscrite, mobile, sans douleur, & sans changement de couleur à la peau, qui vient dans les parties membraneuses sur les articulations des os du carpe & du tarse. Ces tumeurs sont du genre des enkistées. Elles se forment communément sans qu'il ait précédé aucun accident. Si elles ne se dissipent pas d'elles-mêmes, ce qui arrive quelquefois, on qu'on ne les détruise point par les secours convenables, lorsqu'elles sont encore récentes, elles parviennent souvent à une grandeur considérable. Elles deviennent alors incommodes, en gênant le mouvement de la partie, & le rendant penible & douloureux. La cause de ces tumeurs est une lymphe retenue dans une cellule du tissu folliculeux qui est entre les tendons & les os du poignet. Les contusions, les distensions violentes, les coups, les chûtes en sont ordinairement les causes occasionnelles. La mobilité de la tumeur montre bien qu'originairement elle ne tient ni aux os, ni aux tendons. Les remedes résolutifs, discussifs, & fondans ne sont pas de grande utilité dans la cure de cette maladie, quoique les auteurs rapportent en avoir éprouvé de bons effets dans les ganglions récemment formés. La compression a communément plus de succès. On recommande aux personnes qui en ont, de les frotter fortement avec le pouce plusieurs fois par jour. Ces attritions répétées usent le kiste; & il est ordinaire de sentir enfin la tumeur se dissiper absolument sous l'action du doigt qui la frottoit. C'est pour favoriser l'ouverture du kiste & l'évacuation de l'humeur lymphatique, qu'on fait porter une plaque de plomb bien serrée sur la tumeur. On la fait frotter de vis-argent du côté qui touche à la peau; ce qui ne paroit pas donner à cette plaque plus de vertu. On a des exemples de guérisons subites des ganglions par une forte compression qui rompoit ou faisoit crever le kiste. Muys vouloit qu'on la fit avec le pouce; Job à Mecustren recommandoit que la main fut posée sur une table, & qu'on frappât plusieurs fois le ganglion à coups de poing; d'autres se sont servi avec succès d'un marteau de bois pour cette percussion: Solinger, fameux chirurgien hollandois, propose l'extirpation des ganglions; d'autres auteurs rejettent cette opération; elle n'est pas sans inconvénient, par rapport aux parties circonvoisines. Mais comme il est constant par toutes les cures qu'on a faites en comprimant, qu'il suffit que la membrane soit ouverte en un point quelconque de sa circonférence, pour laisser échapper l'humeur qu'elle renferme; on ne courroit aucun risque de piquer le kiste avec une lancette, comme on ouvre une veine en saignant. M. Warner, de la société royale & chirurgien de l'hôpital de Guy à Londres, vient de nous donner dans un recueil d'observations de Chirurgie , le détail de deux cures de ganglions très-considérables, qu'il a jugé à-propos d'extirper; ils étoient devenus adhérens aux tendons des doigts; il a été obligé de couper dans son opération le ligament transversal du carpe: les malades qui ne pouvoient plus fermer la main, ni mouvoir les doigts, ont recouvré parfaitement l'usage de ces parties, après la guérison qui fut accomplie en 40 jours. L'auteur convient que ces opérations peuvent être suivies d'inflammation & d'abcès; il ajoûte qu'il ne connoit point de cas où ils se soient mal terminés. Parlerons-nous des moyens superstitieux auxquels quelques personnes ont la foiblesse d'avoir confiance pour la cure des ganglions? L'application de la main d'un homme à l'agonie, jusqu'à ce qu'il soit mort, & tant qu'il conserve encore de la chaleur. Frotter la tumeur avec la chemise d'un homme qui vient de mourir, & qui est encore moite par la sueur de son corps. J'ai connu qu'on ne persuadoit pas de la sottise de ces moyens les gens qui s'étoient propose d'y avoir recours; je me suis plusieurs fois prêté dans les hôpitaux à ces tentatives ridicules, après avoir perdu mes raisons pour en détourner. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANGRENE Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.f. GANGRENE GANGRENE, s. f. terme de Chirurg. est la mort d'une partie, c'est-à-dire l'extinction ou l'abolition parfaite du sentiment & de toute action organique dans cette partie. Les auteurs mettent communément la gangrene au rang des tumeurs contre nature; quoiqu'il y ait des gangrenes sans tuméfaction, comme Ambroise Paré, fameux chirurgien du xvj. siecle, l'avoit remarqué; & c'est ce que les praticiens plus modernes ont reconnu par la division si utile qu'ils ont faite de la gangrene , en humide & en seche. L'on a aussi confondu la gangrene avec la pourriture. Cependant les parties peuvent être mortes sans être atteintes de putréfaction. Il est vrai que la pourriture dans bien des cas succede très-promptement à la mortification; d'un autre côté la pourriture des chairs est toûjours accompagnée de mortification: mais la pourriture a des signes certains & très-sensibles, qui sont la dissolution putride & la puanteur cadavéereuse, qui ne se trouvent pas dans toutes les especes de gangrene . Il est donc important d'examiner cet état si différent suivant ses différentes causes, dont les effets variés produisent autant de maladies distinctes, qui fournissent des indications très-opposées. La cause prochaine de la gangrene est l'extinction du principe vital dans les parties qui en sont atteintes. S'il y a de l'engorgement, la gangrene est humide. L'abondance des sucs arrêtés dans la partie qui tombe en mortification, est le caractere distinctif de cette gangrene . C'est l'engorgement qui la rend susceptible de pourriture, & qui est la principale source des indications particulieres que ce genre de gangrene fournit. Les causes éloignées de la gangrene humide, sont les inflammations, l'étranglement, l'infiltration, les contusions & stupéfactions, la morsure des bêtes venimeuses, le froid excessif, la brûlure & la pourriture. La gangrene seche vient ordinairement du défaut des sucs nourriciers. De la gangrene par inflammation . La vie ne subsiste que par le cours des fluides des arteres dans les veines. Toute inflammation suppose un obstacle dans les extrémités artérielles, par le moyen duquel le passage du liquide, qui doit traverser les vaisseaux, est intercepté. Lorsque cet obstacle a lieu dans tous les vaisseaux d'une partie, le mouvement vital y est entierement aboli, elle tombe en gangrene . Les signes qui caractérisent cette espece de gangrene sont assez faciles à saisir. L'inflammation qui étoit l'état primitif de la maladie, diminue à mesure que l'engorgement devient excessif; le jeu des arteres est empêché par le sang qui les remplit; la chaleur s'affoiblit de plus en plus: elle ne suffit plus pour entretenir la fluidité du sang: la tumeur s'affaisse, la rougeur vive de l'inflammation devient plus foncée: les sucs stagnans se putréfient: la partie exhale une odeur fétide & cadavéreuse; effets de la pourriture qui détruit les parties solides. L'essentiel de la cure des inflammations qui tendent à dégénérer en gangrene par un engorgement extrème, est de débarrasser au-plûtôt la partie malade. La diete & la saignée se présentent d'elles-mêmes pour satisfaire à cette intention; mais lorsque ces secours poussés aussi loin qu'il est possible, ne réussissent pas, & qu'on voit la tumeur s'affaisser, la chaleur s'éteindre, la rougeur s'obscurcir, l'élasticité s'anéantir, les chairs devenir compactes & un peu pâteuses, qui sont les signes de la cessation de l'action organique des vaisseaux engorgés; les saignées sont inutiles aussi-bien que les topiques, qui ne peuvent agir que par l'entremise de l'action des solides. Or dans ce cas les vaisseaux ont perdu toute action; ils ne sont donc plus capables de déplacer les humeurs arrêtées. Les scarifications produisent alors un dégorgement efficace; les cataplasmes résolutifs & antiputrides donnent aux vaisseaux le ton nécessaire pour détacher les parties mortifiées. Il se fait dans les parties vives une suppuration purulente; les chairs animées se distinguent, & l'ulcere se cicatrise suivant la marche ordinaire que tient la nature dans la réunion des plaies avec perte de substance. Voyez Incarnation & Ulcere . M. Quesnay ne croit pas qu'il puisse survenir gangrene par excès d'inflammation simplement; il pense que c'est plûtôt la malignité qui accompagne l'inflammation ou les étranglemens qu'elle suscite, lorsquelle occupe ou qu'elle avoisine des parties nerveuses qui attirent cette gangrene . A l'égard de la malignité qui accompagne les inflammations, il y en a une qui se déclare d'abord par l'extinction du principe vital: à peine l'inflammation se saisit-elle d'une partie, qu'elle la fait périr sur le champ. Les malades perdent presque tout-à-coup la sensibilité; ils sont ordinairement assez tranquilles, le pouls est petit & sans vigueur; il s'affoiblit peu-à-peu, & les malades périssent lorsque la gangrene est fort étendue. Il y a de la ressource lorsque cette sorte de gangrene est circonscrite & bornée à un certain espace. L'inflammation maligne qui la précede est causée par un hétérogene pernicieux répandu dans la masse des humeurs, & qui fait périr l'endroit où il se rassemble. L'indication qui se présente le plus naturellement, c'est de fortifier & de ranimer le principe vital affoibli & languissant, afin qu'il puisse résister à la malignité de l'humeur gangréneuse. Les saignées ne conviennent point dans ce cas, puisqu'elles diminuent la force de l'action organique: loin d'arrêter les effets funestes de cette malignité, elles peuvent au contraire les accélerer. C'est vraissemblablement, selon M. Quesnay, dans de pareils cas que Boerhaave dit que dans certaines inflammations épidémiques, on a vû les malades périr presqu'aussi tôt qu'ils ont été saignés, & plus ou moins promptement, selon qu'on leur tiroit plus ou moins de sang. On ne doit donc pas trop legerement recourir à ce remede dans ces inflammations languissantes qui tendent si fort à la gangrene: il y a des exemples sans nombre de fievres malignes & pestilentielles, de petites véroles, & de fievres pourprées, & autres maladies inflammatoires causées par des substances malignes qui tendent immédiatement à éteindre le principe vital, dans lesquelles la saignée, si utile dans d'autres cas, n'a d'autre effet que celui d'accélerer la mort. Les Chirurgiens qui voyent à découvert les effets de la malignité des inflammations dont il s'agit, pensent plûtôt à défendre & à ranimer la partie mourante, qu'à répandre le sang du malade. Cependant si ces inflammations arrivent dans des corps pléthoriques, si elles ne dégénerent pas d'abord en gangrene , ou si elles sont fort ardentes, comme le sont souvent les érésipeles malignes, quelques saignées paroissent alors bien indiquées pour faciliter le jeu des vaisseaux, & tempérer un peu, s'il est possible, l'inflammation & la fievre; mais lorsque la gangrene est décidée par l'oedématie pateuse, accompagnée de phlyctaines & de taches livides, la saignée est inutile. Il faut considérer ces inflammations sous deux états différens; savoir, lorsqu'elles font encore du progrès, & lorsqu'elles sont entierement dégénérées en gangrene . Dans le premier état, loin de s'opposer au progrès de cette inflammation, il faut la ranimer; elle dépend d'une cause maligne qu'on doit laisser déposer entierement. On se sert avec succès des topiques résolutifs fort actifs, & quelquefois même des sinapismes les plus animés. Lorsque la mortification s'est emparée de la partie qui a été frappée d'inflammation maligne, il faut soûtenir les forces du malade par des cordiaux; & s'il reste de l'esperance pour la vie, on pense à procurer la séparation des chairs mortes d'avec les chairs vives. Cette séparation dépend plus de la nature que de l'art; on favorise l'action vitale en emportant une partie des escarres gangréneuses, sans intéresser les chairs vives, en touchant la circonférence des chairs mortes avec une dissolution de mercure dans l'esprit de nitre; c'est un remede que Belloste vantoit beaucoup. Son efficacité vient de ce qu'il raffermit l'escarre, & qu'il suscite au bord des chairs vives voisines une petite inflammation, d'où résulte une suppuration purulente bien conditionnée, par laquelle se doit faire la séparation du mort d'avec le vif. Ce procédé, ou tout autre équivalent, a lieu dans toutes les gangrenes de causes humorales bornées, pour appeller la suppuration lorsqu'elle ne se déclare point, ou qu'elle est languissante. L'étranglement est une des principales causes de la gangrene , & c'est celle qui a été le plus ignorée. M. Quesnay en a parlé savamment dans son traité de la gangrene; on range sous le genre d'étranglement toutes les causes capables de comprimer ou de serrer assez les vaisseaux pour y arrêter le cours des liquides. Les anciens ne rapportoient à ce genre de cause que les compressions sensibles, qui empêchoient la distribution du sang ou des esprits dans une partie, comme une forte ligature, une tumeur, un os de plaie, ou une autre cause sensible qui comprimoit les nerfs ou les arteres d'une partie. Les étranglemens qui arrêtent le sang dans les veines, peuvent être suivis d'engorgemens prodigieux, sans inflammation considérable; M. Wanswieten rapporte porte d'après Boerhaave, le cas d'un jeune homme qui s'endormit les coudes appuyés sur la fenêtre étant ivre. Ses jarretieres étoient si étroitement serrées, que le sang retenu avoit enflé les jambes; le mouvement vital des humeurs ayant entierement été suffoqué, la gangrene survint; elle gagna promptement les deux cuisses, & causa la mort. Les étranglemens capables de causer la gangrene , ne sont pas même toûjours accompagnés d'engorgemens bien sensibles; l'inflammation qui se fait sur les parties aponévrotiques ne produit pas une tuméfaction apparente: mais les arteres étranglées ne portent bien-tôt plus les sucs nourriciers à la partie; elle devient oedémateuse, parce que les sucs graisseux sont arrêtés par l'extinction de la vie ou de l'action organique. Ces sucs croupissant se dépravent, & détruisent promptement le foible tissu qui les contient. L'espece de gangrene cachée dont nous parlons, est fort redoutable, parce qu'elle s'étend, sans presque qu'on s'en apperçoive, fort au loin dans les tissus graisseux. C'est l'etranglement qui rend les plaies des parties nerveuses & aponévrotiques si dangereuses. On a commis des fautes considérables dans la pratique, parce qu'on n'a pas connu la véritable cause de ces desordres, & qu'on a ignoré qu'ils fussent l'effet d'un etranglement causé par la construction des parties blessées. On s'étoit bien apperçu qu'en débridant par des incisions assez étendues une aponévrose blessee, les enflures qui dépendoient de cette plaie se dissipoient aussi surement, que celles qui sont causées par des ligatures trop serrées, se dissipent facilement lorsqu'on coupe ces ligatures. Mais combien de fois n'a-t-on pas reconnu cette cause, en attribuant les accidens à un vice des humeurs, ou à un excès d'inflammation, pour lequel on croyoit avoir épuisé les ressources de l'art, en faisant de grandes scarifications sur la partie tuméfiée consécutivement, lorsqu'il auroit suffi de faire un leger débridement aux parties membraneuses qui occasionnoient tout le desordre par leur tension? Une piquûre d'épine au doigt, forme une plaie imperceptible, qui suscite des étranglemens suivis d'engorgemens gangreneux très-funestes. Les morsures des animaux produisent souvent les mêmes effets, surtout lorsqu'elles sont petites: on a imagine que l'animal portoit dans la plaie quelque malignité particuliere. Cependant nous avons les exemples de morsures très-considérables qui n'ont eu aucunes suites facheuses, sans doute parce que la grande déchirure ne donne pas lieu à l'etranglement comme une plaie étroite. Les sucs qui s'épanchent dans ces sortes de plaies, & qui n'ont point d'issue, le dépravent aussi sur les parties nerveuses; ils les irritent, & excitent des étranglemens qui seroient bien-tôt suivis d'engorgemens prodigieux, si l'on ne procuroit pas un ecoulement à ces sucs épanchés. On voit que le point essentiel dans la cure des étranglemens est de lever l'obstacle que la tension des parties met au libre cours du sang. C'est aux connoissances anatomiques bien précises, à éclairer le chirurgien sur ces cas, & à diriger ses opérations; s'il ne connoit pas bien toutes les cloisons que les parties membraneuses & aponévrotiques fournissent aux muscles des parties engorgées, il risquera d'opérer au hasard & infructueusement. Quand l'etranglement est levé, il reste encore à satisfaire aux indications de l'engorgement qu'il a causé; & elles sont différentes, selon les différens états ou les différens degrés où il est parvenu. Si les sucs arrêtés n'ont point encore perdu leur chaleur & leur fluidité, ni affoibli l'action organique des solides, dès qu'il n'y a plus d'obstacle à la circulation, la partie engorgée peut se débarrasser facilement: on peut aider l'action des vaisseaux par des fomentations avec le vin aromatique ou l'eau-de-vie camphrée. Mais si l'action organique du tissu cellulaire est entierement éteinte, on ne doit plus espérer de dégorgement par la résolution; il ne se peut faire que par la suppuration; & dans ce cas, la suppuration même ne peut se faire que par la pourriture. Or il est extrèmement dangereux d'attendre qu'une suppuration putride s'ouvre elle-même une voie, parce qu'elle fait un grand progrès dans la partie avant que d'avoir fourni à l'extérieur une issue suffisante aux sucs arrêtés & aux tissus celluiaires tombés en mortification. Il faut donc hâter ce dégorgement pai des scarifications qui penetrent le tissu des parties, & qu'elles soient assez étendues, pour emporter facilement par lambeaux ce tissu, dès que la suppuration commencera à la corrompre & à la détacher. On peut favoriser ce commencement de pourriture par les suppuratifs & digestifs; mais à mesure qu'ils produiront leur effet, il faut que le chirurgien soit attentif à emporter tout le tissu qui commencera à s'attendrir par la pourriture, & à pouvoir être détaché facilement. On voit bien qu'on procure ici la pourriture des débris du tissu cellulaire, pour prévenir celle de toute la partie. C'est un mal qui sert de remede; on fait usage de la pourriture pour en prévenir les mauvaises suites. Lorsqu'on aura à-peu-près toutes les graisses que la suppuration devoit détruire, on se sert de digestifs moins pourrissans; on les anime par le mélange de substances balsamiques & antiputrides, telles que l'onguent de stirax, le camphre, l'esprit de térébenthine, &c. On travaille ensuite à déterger l'ulcere. Voyez Détersif . Si la mortification avoit fait des progrès irréparables, & que tout le membre en fût attaqué, cet état connu sous le nom de sphacele , exige l'amputation. Voyez Sphacele & Amputation . L'infiltration des humeurs cause la gangrene en suffoquant le principe vital par la gêne de la circulation, le sang épanché dans les cellules du tissu adipeux à l'occasion de la plaie d'une veine ou d'une artere, occasionne par sa masse une compression sur les vaisseaux qui intercepte le cours du sang. Cela arrive principalement dans l'anevrysme faux, si l'on n'a pas recours assez promptement aux moyens que l'art indique. Voyez Anevrysme . La collection de lymphe sereuse dans les oedemes des cuisses, des jambes & du scrotum, attire la gangrene sur ces parties, en les macérant, & y éteignant insensiblement le principe vital: quelquefois cette eau devient acrimonieuse. Le pannicule adipeux considérablement distendu se corrompt facilement, sur-tout lorsque l'air a quelque acces dans la partie à l'occasion de scarifications faites imprudemment pour l'évacuation des humeurs infiltrées. Il faut se contenter de trois legeres mouchetures qui n'intéressent que l'épiderme; on applique des compresses avec l'eau de chaux qui est un excellent antiseptique; la matiere s'évacue, la partie reprend son ressort, & l'on ne craint point la gangrene . Lorsque par quelque occasion que ce soit, la gangrene survient aux oedemes, ce n'est point la croûte gangréneuse qu'il faut scaririfier. On fera sur la partie les legeres mouchetures que je viens d'indiquer pour la cure radicale de la maladie, & l'on aura recours aux cataplasmes faits avec les farines résolutives cuites dans l'oximel, ou avec ces farines & les poudres de plantes aromatiques cuites dans du vin. Ces cataplasmes conservent plus la chaleur qu'on leur donne que de simples fomentations, & il faut les étendre fort épais. Ils se refroidissent facilement par l'écoulement de l'humeur qui forme l'oedeme; aussi recommande-t-on bien dans ces cas d'entretenir la chaleur des médicamens par quelques bouteilles d'eau bouillante, des linges & des briques chaudes, placées proche de la partie malade, ou des sachets remplis de sable échauffé. Les parties débarrassées de la lymphe reprenant du ressort, il se fait à la circonférence de l'escarre une suppuration purulente qui détache ce qui est gangrené. Le chirurgien seconde la nature, & conduit le malade à une parfaite guérison par les moyens que nous avons déjà indiqués. Dans les contusions, le froissement des chairs affoiblit ou détruit l'action organique des vaisseaux. Si l'organisation des chairs est entierement ruinée, ces parties doivent être déjà regardées comme mortes, c'est-à-dire gangrenées; leur substance écrasée se laisse pénértrer & remplir excessivement de sucs, dont la corruption attire bien-tôt celle de toute la partie. C'est le seul cas où l'engorgement succede à la gangrene . La contusion est souvent accompagnée de commotion; c'est-à-dire d'un ébranlement interne & violent, qui s'étend quelquefois fort loin dans les nerfs, & qui ralentit le mouvement des esprits. La stupeur que produit cette commotion suspend l'action des vaisseaux, & interdit la circulation dans toute la partie frappée. Cet accident est d'une grande considération dans les plaies d'armes-à-feu. L'effet de la commotion ne se borne pas toûjours à la partie blessée; elle se communique quelquefois par le moyen du genre nerveux jusqu'au cerveau, & en dérange les fonctions. Les sucs arrêtés dans les chairs mortes ou stupéfiées, ne sont plus défendus contre la pourriture par l'action des vaisseaux. Ces sucs pervertis irritent les parties nerveuses, & suscitent quelquefois des étranglemens, suivis d'un engorgement gangreneux. Nous avons parlé de cette cause de gangrene . Il suffit de remarquer ici que souvent c'est la dépravation des sucs, qui seule fait périr immédiatement les parties engorgées; parce que les sucs corrompus irritent, enflamment & éteignent le principe vital. La contagion putride contribue ensuite aux progrès de la gangrene , en infectant les sucs des chairs voisines; progrès que l'action vigoureuse des vaisseaux pourroit empêcher: mais cette action est affoiblie dans les parties qui ont souffert commotion; aussi la gangrene fait-elle des progrès fort rapides dans cette complication de causes. Dans toutes les gangrenes humides, il faut procurer l'évacuation des sucs corrompus, & emporter les chairs qui ne sont pas en état de pouvoir être revivifiées. Quelque précieuse que soit la partie, les chairs mortes ne prescrivent aucun ménagement; elles n'appartiennent plus au corps vivant, elles ne peuvent plus par leur séjour que lui être nuisibles à cause de l'infection & de la malignité de la pourriture. Ce sera sur ces vûes générales que le chirurgien dirigera ses opérations. Si le voisinage de quelque partie qu'il seroit dangereux d'intérésser, l'empêche d'emporter bien exactement les parties corrompues, il doit défendre ce qui en reste par le moyen des anti-putrides les plus pénétrans & les plus puissans. Le sel ammoniac & le sel marin sont des dissolvans anti-putrides, qui prouvent efficacement le dégorgement des chairs. On peut aussi réduire les chairs en escarres, par le feu, l'huile bouillante, des esprits acides concentrés, seuls ou dulcifiés avec l'esprit-de-vin, suivant les parties sur lesquelles on doit les appliquer. L'huile de térébenthine suffit pour le cerveau, &c. L'inflammation des parties circonvoisines, & l'établissement d'une bonne suppuration, donnent des espérances qu'on pourra conserver le membre. Lorsque le desordre est fort considérable dans les os & dans les chairs, les accidens viennent quelquefois si brusquement & sont si funestes, qu'on le repent de n'avoir pas emporté le membre. Il est certain qu'on risque souvent la vie du malade, en voulant éviter l'opération; & il n'est pas douteux qu'on ampute beaucoup de membres qu'on auroit pû guerir. Dans les cas mêmes où l'opération est nécessaire, il y en a qui exigent que l'amputation ne soit pas faite sur le champ. L'académie royale de Chirurgie a cru cette question très-importante; elle en a fait le sujet d'un prix. Les auteurs qui ont concouru, ont exposé une fort bonne doctrine sur ce point délicat, qu'il faudra lire dans le troisieme volume des mémoires des prix de cette académie. La stupeur est un effet des corps contondans, qui frappent avec beaucoup de violence. Cet accident, auquel on sera dorénavant plus attentif dans la cure des plaies d'armes-à-feu, depuis les solides réflexions qu'on doit à M. Quesnay, prescrit de la modération dans les incisions. On croit souvent avoir bien débridé une plaie par de grandes incisions extérieures, qui ne l'est point-du-tout; parce que l'on n'a point eu d'égard aux parties tendues & qui brident dans le trajet du coup. C'est en portant le doigt dans la plaie, qu'on juge s'il n'y a point d'étranglement; & il y a des personnes qui n'en veulent juger que par la vûe. La stupeur exige des remedes pénétrans & fortifians; des cataplasmes vulnéraires & aromatiques. S'il survient engorgement qui oblige à faire quelques scarifications, elles doivent se borner aux graisses, & être disposées de la façon la plus favorable à procurer le dégorgement. La morsure des animaux venimeux produit la gangrene par la faculté déletere du virus, manifestée par le grand abattement, les syncopes, les sueurs froides, les vomissemens, les ardeurs d'entrailles qui accompagnent la morsure de la plûpart des serpens. Dans la partie blessée, il y a une douleur fort vive, avec douleur, tension & inflammation, qui dégénerent en une mollesse oedémateuse. Il se forme de grandes taches d'un rouge violet très-foncé, qui annoncent une mortification prochaine. Les desordres qui troublent toute l'économie animale, dépendent de l'impression funeste que fait le venin sur le genre nerveux. Cette pernicieuse substance attaque directement le principe de la vie; aussi n'a-t-on pas cru qu'il y ait d'autre indication à remplir dans la cure de ces plaies, que de combattre la malignité du venin par des remedes pris intérieurement, & appliqués extérieurement. Les anciens, dans la piquûre de la vipere, faisoient prendre une forte dose des sels volatils & de la poudre de vipere, & frottoient la blessure avec des eaux thériacales & spiritueuses. L'alkali volatil passe actuellement pour un spécifique contre cette morsure. M. Quesnay examine à fond, dans son traité de la gangrene , toutes les cures empyriques des morsures faites par des animaux venimeux. Peut-être réussiroit-on mieux par un procédé méthodique, en s'attachant aux indications prises de l'état manifeste de la tumeur, plûtôt que de la cause particuliere qui l'a produit. Les accidens paroissant un effet de l'étranglement des incisions, aussi profondes que les piquûres faites par les dents de l'animal, changeroient la nature de la plaie & pourroient empêcher l'action du virus. Ambroise Paré proposoit le cautere actuel, ou le potenciel. Tous les grands praticiens ont recommandé cette méthode. Il faut essentiellement observer si la morsure n'est point placée dans un endroit où quelque aponévrose ou tendon pourroit avoir été piqué; car une telle piquûre seroit aussi dangereuse que le venin; & alors, comme l'observe judicieusement M. Quesnay, la maniere ordinaire de traiter ces morsures ne réussiroit certainement pas seule. Toutes les réflexions rappellent à donner la préférence à la cure rationelle sur l'empyrique. Le froid cause la gangrene , en congelant les sucs dans les vaisseaux. Il n'est pas même nécessaire que nos parties soient exposées à un froid trop vif, pour que les liqueurs s'arrêtent. Les repercussifs employés indiscretement sur une partie enflammée, y causent la gangrene . Plusieurs personnes ont été attaquées d'une esquinancie gangreneuse, pour avoir bû de l'eau fraiche étant fort échauffées. Ambroise Paré rapporte qu'il a vû un si grand froid, que des malades couchés à l'Hôtel-Dieu eurent le nez mortifié sans aucune pourriture. Il le coupa à quatre, deux guérirent. Ce n'étoit point l'amputation de la partie gelée qu'il falloit faire dans ce cas; il falloit avoir recours à l'expédient dont se servent les habitans des pays septentrionaux, où ces sortes de maux sont assez fréquens. Fabrice de Hilden dit qu'en retournant le soir à leur maison, ils se frottent d'abord les mains de neige, les extrémités du nez & les oreilles, avant que d'approcher du feu; s'ils se chauffoient sans cette précaution, les parties saisies du froid tomberoient en pourriture. C'est ce qu'on voit arriver aux pommes gelees; si on les approche du feu & qu'on les laisse geler une seconde fois, elles perdent tout leur goût & se corrompent bien-tôt: si au contraire on les plonge à plusieurs reprises dans de l'eau très froide, étant ensuite bien essuyées & bien séchées, elles jouissent encore de leur premiere saveur, & peuvent être long-tems conservées. L'application de la neige ou de l'eau froide fait sortir les particules frigorifiques que la chaleur mettroit en mouvement, & qui détruiroit par-là le tissu des vaisseaux de la partie dans laquelle elles ont pénétré. Fabrice de Hilden raconte qu'un voyageur qui étoit tombé roide de froid dans un chemin, ayant été porté à une hôtellerie comme un homme presque mort, fut sur le champ plongé par l'aubergiste dans de l'eau froide. Ayant après cela avalé un grand verre d'hydromel, avec de la canelle, du mais & du gérofle, réduits en poudre, on le mit au lit pour provoquer la sueur. Il recouvra la santé, ayant cependant perdu les dernieres phalanges des piés & des mains. On peut donc espérer de revivifier une partie actuellement saisie de froid; & l'expérience a découvert une voie à laquelle la théorie n'auroit peut-être jamais conduit. Suivant le grand axiome que les maladies guérissent par leur contraire, la chaleur auroit paru seule capable de dissiper un mal que produit un froid actuel: mais toutes les voies de la circulation étant fermées, la raréfaction des sucs retenus trop étroitement romproit les vaisseaux, & feroit périr la partie qu'on voudroit dégeler, avant que les sucs fussent en état de passer librement dans les vaisseaux voisins. La brûlure un peu profonde attire une inflammation fort vive autour des parties que le feu a détruites, & un engorgement, que le défaut d'action dans les solides ne peut pas faire suppurer. Les sucs arrêtés se dépravent, & deviennent sort susceptibles de pourriture. Il faut dans ce cas, à raison de la vive douleur, joindre aux remedes adoucissans des anodyns volatils & un peu actifs, comme le camphre, les fleurs de sureau. Les oignons cuits corrigent la suppuration putride; l'esprit-de-vin est employé utilement pour résister à la pourriture. On suit d'ailleurs dans ces cas les indications générales, qui sont de faire dégorger par les scarifications, les sucs arrêtés dans les chairs mortes, ou prêtes à tomber en mortification; de procurer la séparation des escarres, en excitant une suppuration purulente dans les chairs vives. La pourriture qui précede la gangrene humide, en est la principale cause. Lorsqu'elle vient de la dissolution putride de la masse des humeurs, les malades périssent en peu de jours. Les sucs vicieux & putrides que fournissent les vieux ulceres cacoethes, sont aussi une cause de gangrene , qu'on reprime par des détersifs irritans, lorsqu'ils dependent du vice local. L'eau phagedénique, l'aegyptiac, le sublimé corrosif, détruisent les chairs gangrenées. Les anciens avoient recours au feu pour cautériser les mauvaises chairs. Les ulceres scorbutiques sont fort sujets à la gangrene . Les remedes anti-scorbutiques doivent être pris intérieurement pour corriger le vice de la masse du sang; & l'on panse aussi avec grand succès les ulceres, dont on touche les chairs gangreneuses avec l'esprit ardent des plantes anti-scorbutiques, & les couvrant ensuite de remedes anti-putrides ordinaires. Nous parlerons des hernies avec gangrene au mot Hernie . La gangrene seche est celle qui n'est point accompagnée d'engorgement, & qui est suivie d'un desséchement, qui préserve la partie morte de tomber en dissolution putride; la partie commence à devenir froide; la chaleur cesse avec le jeu des arteres; ces vaisseaux se resserrent par leur propre ressort; les chairs mortifiées deviennent plus fermes, plus coriaces, & plus difficiles à couper que les chairs vives. Les parties sont mortes bien auparavant qu'elles ne se dessechent. J'ai vû emporter plusieurs membres beaucoup plus haut que ce qui en paroissoit gangrené. Les malades ne sentoient rien; les chairs étoient sans pourriture, comme celles d'un homme récemment mort; il ne sortit qu'un peu de sang noirâtre. Les malades éprouvent quelquefois un sentiment de chaleur brûlante, quoique la partie soit actuellement froide; quelquefois ils sentent un froid très-douloureux; & il y a des gangrenes seches qui s'emparent d'une partie sans y causer de douleur. Les malades s'apperçoivent seulement d'un sentiment de pesanteur & d'engourdissement. Cette maladie peut venir de la paralysie des arteres. M. Boerhaave parle d'un jeune homme qui avoit eu l'artere axillaire coupée. Son bras étoit devenu sec & aride, ensorte qu'il étoit en tout semblable à une momie d'Egypte. Le progrès des gangrenes seches est ordinairement fort lent: quelquefois il est très-rapide. Il y a des gangrenes seches critiques; elles sont salutaires, lorsqu'elles se placent avantageusement & qu'elles ne s'étendent pas trop; car il est impossible d'en arrêter le progres. L'amputation ne peut avoir lieu qu'après que toute la cause morbifique est déposée, que la mortification s'est fixée, & qu'on en connoît manifestement les bornes. Parmi les causes qui éteignent l'action organique des vaisseaux artériels, & qui par cette extinction causent ensuite la perte de la partie, il y en a qui s'introduisent par la voie des alimens; tel est l'usage du blé ergoté: le virus vénérien & le scorbutique produisent assez souvent de pareilles gangrenes . Les causes des maladies aiguës en se portant sur une partie, peuvent la faire tomber subitement en mortification, sans y causer aucun engorgement ni inflammation précédente. Cette maladie présente trois indications générales: prévenir le mal, en arrêter les accidens, le guérir lorsqu'il est arrivé. L'épuisement & la caducité qui donnent lieu à cette maladie dans les vieillards, n'empruntent de la Medecine que quelques remedes fortifians, presque toûjours assez inutiles. On peut opposer au vice vénérien le spécifique connu, & l'on peut combattre avec avantage les causes qui dépendent de tout autre vice humoral, qui éteint immédiatement l'action organique des vaisseaux artériels d'une partie; j'entends parler de l'usage du quinquina. Des auteurs respectables assûrent que les essais qu'on a faits en France de ce remede, n'ont que confirmé les succès équivoques, rapportés dans les observations qu'on a rendues publiques en Angleterre. Les succès seroient équivoques, si les auteurs ne nous avoient communiqué les cures qu'ils ont faites que pour se faire honneur du succès, si l'on ne voyoit pas des observateurs attentifs à démêler les effets de la nature d'avec ceux de l'art, & qu'ils n'eussent pas exposé scrupuleusement plusieurs phénomenes, sur lesquels ils ont connu qu'il etoit important d'être éclairés. Le quinquina donne du ressort aux vaisseaux, il corrige dans le sang les sucs putrides, qui sont les causes de la gangrene . C'est M. Rushworth chirurgien à Northampton, qui a fait cette découverte en 1715. MM. Amyand & Douglas, chirurgiens de Londres, ont confirmé la vertu de ce remede. M. Shipton aussi chirurgien anglois, a parlé dans les transactions philosophiques , des bons effets qu'il lui a vû produire. On lit dans les essais de la société d'Edimbourg , plusieurs observations sur l'efficacité du quinquina dans la gangrene interne: l'on y voit l'interruption de l'usage du remede marquée par un ralentissement de séparation dans les escarres, & cette séparation se rétablir en reprenant le quinquina. Dans un autre malade, toutes les fois qu'il arrivoit qu'on laissoit plus de huit heures d'intervalle entre chaque prise de quinquina, on étoit sûr de trouver une suppuration moins abondante & d'une plus mauvaise qualité. M. Monro a confirmé cette observation par sa propre expérience, & il a étendu l'usage du quinquina à beaucoup de cas, en conséquence d'effets si marqués, qu'on ne peut établir aucun doute pour les infirmer. On ne doit point toucher aux escarres; c'est à la nature à les détacher; les tentatives indiscretes sont dangereuses. On irrite les chairs vives, & la gangrene seche qui n'est pas contagieuse, peut le devenir; & au lieu d'arrêter la mortification, on contribue à ses progres. Les chairs vives découvertes doivent être pansées avec les digestifs balsamiques, comme toutes les plaies avec perte de substance. On peut aider à la séparation du membre, & même accélérer cette opération de la nature, en coupant le membre qui embarrasse au-dessous de la ligne de séparation, & préservant le moignon de pourriture avec des remedes balsamiques. Le bout du moignon se séparera comme une escarre, & plus facilement que le membre entier. On doit lire principalement, sur la gangrene , le traité de Fabricius Hildanus; les commentaires de M. Wanswieten, sur les aphorismes de Boerhaave, & le traité de M. Quesnay. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gangrene Author=unknown Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=NA Gangrene Gangrene , ( Manége & Maréchall. ) Voyez sa définition à l'article précédent. Cette maladie est infiniment moins funeste & moins commune dans le cheval que dans l'homme, dont les humeurs, conséquemment à un mauvais régime & aux différentes impuretés fournies par les substances souvent nuisibles dont il se nourrit, sont exposées à divers genres de dépravation & de perversion que nous n'observons point dans les fluides de l'animal. Nous ne la considérerons ici que sous le caractere distinctif de gangrene humide , produite par des causes extérieures, & capables par elles-mêmes de priver une partie des sucs qui l'entretiennent; telles sont les ligatures, les étranglemens, les compressions sur quelques vaisseaux considérables: ou de la suffoquer & d'éteindre en elle le mouvement & la vie; tels sont un air pestilentiel qui occasionne des charbons, & la morsure des bêtes venimeuses: ou de la détruire enfin; telles sont les fortes contusions & les brûlures. Les effets de ces causes qui réduisent plus ou moins promptement la partie affligée à un véritable état de mort, se manifestent différemment. Supposons un obstacle à la liberté du mouvement circulaire, à l'occasion d'une ligature extrèmement serrée, ou de la formation d'une tumeur dure & voisine de quelques gros tuyaux, ou du déplacement d'un os, ou de l'étranglement que peuvent éprouver des vaisseaux, conséquemment à une irritation & à une inflammation des parties nerveuses ou membraneuses. Si cet obstacle intercepte totalement le passage des liqueurs dans le canal artériel & dans le canal veineux, la partie perd bien tôt le mouvement, la chaleur, & même le sentiment, dans le cas ou le nerf se ressent de la compression. Le gonflement qui survient est médiocre; la peau & les chairs sont molles & dénuées d'élasticité; le poil tombe, l'épiderme se sépare, on apperçoit un suintement d'une sérosité putréfiée, enfin une couleur verdâtre ou livide, & une puanteur cadavéreuse, annoncent la mortification absolue. Au contraire si l'empêchement est tel que le sang puisse encore se frayer une route par la voie des arteres, l'engorgement a d'abord lieu dans les veines, une moindre opposition suffisant pour arrêter ce fluide dans son retour; il s'y accumule, il force ces tuyaux, & les artériels ensuite; l'enflure & la douleur sont excessives, la chaleur subsiste & se maintient dans la partie, tant que les pulsations du coeur & l'action des arteres peuvent y influer, & l'inflammation est véritable & réelle: mais quelque tems après la vie s'éteint totalement, les humeurs croupies se putréfient, les fibres tombent en dissolution, & l'épiderme enlevé nous presente une peau & des chairs dans une entiere pourriture. Il arrive aussi quelquefois, & le plus souvent dans les étranglemens produits par l'irritation d'une partie membraneuse ou aponévrotique, ainsi qu'on l'observe dans certaines blessures, que les arteres conservent assez de mouvement & de jeu pour déterminer une suppuration: alors il se forme des dépôts, des fusées, & la gangrene ne se montre qu'en quelques points de la portion qui est affectée. Celle qui suit la morsure des bêtes venimeuses n'offre pas d'abord les mêmes symptomes, la substance ou l'humeur maligne, qui est introduite & versée dans la plaie, fait une impression subite sur les fluides & sur les solides; elle coagule les uns, elle irrite & crispe les autres: de-là la douleur, la tension & la prompte inflammation de la partie; tandis que d'une autre part le venin se dispersant & s'insinuant dans la masse, porte dans l'économie animale un trouble que décelent un grand abattement, des syncopes, des sueurs froides, quelquefois des tranchées & un dérangement dans toutes les secrétions, également produit par l'éréthisme des solides & par l'état des liqueurs. C'est à ces divers accidens qu'il est possible de distinguer dans l'animal, privé de la faculté de se plaindre, la cause & la nature du mal, sur lequel il n'est plus permis de former aucun doute, lorsque l'enflure subsistant malgré la diminution de la tension & de la douleur, la partie lesée devient froide, molle, pâteuse, & d'un rouge extrèmement foncé en plusieurs endroits. Les charbons causés par la peste sont toûjours accompagnés d'un escarre, que l'on doit envisager comme une portion gangrenée. Cette gangrene a sa source dans l'acrimonie très-active des corpuscules pestilentiels, mêlés avec les humeurs, & qui se déposent particulierement en un lieu quelconque. Là ils suscitent aussi-tôt la douleur, la tension & l'inflammation, à laquelle nous voyons succéder la pourriture & la mort de toute la partie sur laquelle le virus s'est spécialement fixé. Dans les fortes contusions, d'un coté les solides sont écrasés & dénués de leur ressort & de leur élasticité ordinaires; de l'autre les fluides extravasés entre les fibres dilacerées & macerées, croupissent au point de se pervertir totalement. Si cet accident ne cede point à l'action des résolutifs, ou des autres moyens par lesquels on pourroit tenter d'y remédier, il n'est pas douteux que la douleur & la chaleur sévanoüiront, & que l'inflammation dégénérera en une mollesse oedémateuse, à laquelle nous ne pouvons méconnoitre une gangrene commençante, suivie de beaucoup plus d humidité que les autres, attendu l'abord & l'accumulation continuelle des sues, que la partie, dont l'action organique est en quelque façon abolie, ne sauroit dominer & renvoyer. Enfin, de tous ces différens agens pernicieux, celui qui agit le plus simplement, est le feu. En même tems qu'il crispe & qu'il resserre les parties molles, il raréfie les fluides, il en dissipe les parties les plus subtiles; les plus grossieres restent, elles se coagulent, elles se fixent dans les vaisseaux, dont les fibres sont elles-mêmes tellement resserrées, qu'elles ne font plus avec cette matiere coagulée qu'une masse informe. Les parties voisines de cette masse se ressentent aussi de l'impression de ce corps brûlant; elles eprouvent une inflammation, un engorgement, qui portant atteinte à leur jeu, ne leur permettent pas de changer en un pus louable les sucs arrêtés, & contribuent à une mortification qui ne differe en rien, par son caractere & par ses suites, d'une gangrene véritablement humide. La connoissance de la maniere dont une cause morbifique affecte & frappe une partie, & de l'etat de cette même partie, conséquemment à l'effet de cette cause, conduit aisément à celle des ressources que l'art nous suggere & nous fournit pour aider la nature, & pour triompher des obstacles qui peuvent en gêner les opérations. Dans la circonstance de l'interruption de la circulation, ou l'on ôtera les ligatures, ou l'on remettra l'os déplacé qui comprime, ou l'on remettra membranes tendues & crispées d'où résulte l'étranglement; ou l'on détruira la tumeur qui produit le mal, si elle n'est pas intérieure, inaccessible, & pourvû qu'elle n'adhere pas à quelque vaisseau qu'il seroit dangereux d'intéresser; à moins qu'on ne veuille, après avoir vainement recouru à des fondans, toûjours inefficaces en pareil cas, risquer une extirpation, qui ne peut à la vérité avoir des suites plus fâcheuses que celles d'une compression, qui occasionnera inévitablement la perte d'un membre que nous n'aurons sans doute garde d'amputer, dans le dessein & dans l'espérance de conserver les jours d'un animal des-lors inutile. S'il s'agit d'une gangrene qui se manifeste ensuite de la morsure d'une bête venimeuse, ce qui prouve que la blessure a été négligée dans les commencemens, il est fort à craindre que les ravages & les desordres que le venin a produits. tant au-dedans qu'au-dehors, ne rendent tous nos secours infructueux: on fera néanmoins des searifications jusqu'au vif, à l'effet de favoriser l'évacuation des humeurs coagulées; & l'action des médicamens aromatiques & spiritueux, qui, s'ils pénetrent très-avant, amortiront peut-être celle de la liqueur funeste qui a été introduite dans la plaie, ranimeront les parties qui sont encore susceptibles d'oscillations & des mouvemens, & pourront borner ainsi le cours de la contagion. A l'égard de la pourriture qui arrive après des charbons pestilentiels, la cautérisation est la voie la plus courte & la plus sûre d'en arrêter le progrès, & de surmonter les effets du virus qui la provoque. On doit d'abord ouvrir la tumeur, quand elle est en état d'être ouverte, par un bouton de feu appliqué vivement, & de maniere qu'il se fraye une route jusque dans le centre & dans le foyer. Lorsque la suppuration est bien établie, on peut la cerner avec quelques raies de feu donné en façon de rayons, afin de limiter l'escarre, d'en accélérer & d'en faciliter la chûte, par l'abondance de la matiere suppurée dont le flux succede à cette application. Nous ne parlons point au surplus ici du traitement intérieur qu'exige cette maladie, & qui principalement dans ce cas, ainsi que dans le précédent, consiste dans l'administration des médicamens alexiteres & cordiaux, capables d'atténuer le sang & les humeurs, & de faire passer par la voie de la transpiration & des urines, ce qui pourroit les fixer de plus en plus. Quant à la gangrene par contusion, il n'importe pas moins de solliciter la séparation des parties mortes & l'écoulement de tous les sucs putréfiés. On pourra y parvenir en soûtenant & en augmentant l'action des parties voisines par des remedes spiritueux, en même tems que par d'amples scarifications. On ménagera à ces mêmes remedes les moyens de faire des impressions salutaires & profondes; aux sucs extravasés, ceux de s'évacuer; & aux parties saines, ceux d'occasionner promptement la chûte des fibres détruites. Enfin dans la gangrene par brûlure on aura attention de mettre des défensifs, tels que ceux qui résultent des médicamens savonneux mêlés avec le vin, sur les portions qui avoisinent la partie brûlée, tandis qu'on employera sur celle-ci des émolliens & des suppuratifs pour hater la séparation du mort d'avec le vif par une suppuration purulente, qui, trop tardive quelquefois, nous impose l'obligation de faire dégorger par des taillades les sucs arrêtés dans les chairs mortes, & de la provoquer par ce moyen. Tels sont les remedes auxquels nous avons recours dans toutes les affections gangreneuses qui procedent des causes externes. Il en est d'autres qui tendent à regénérer les chairs, à les dessécher, à les cicatriser; à détruire des dépôts; à fortifier les parties après la cure, à les assouplir, à les rétablir dans leur mouvement & dans leur jeu. Mais outre que tous ces objets nous entraîneroient trop loin, il seroit assez difficile de tracer sur ces points divers, des regles certaines, chaque cas exigeant quelques différences dans le traitement; ce qui constitue conséquemment le maréchal dans la nécessité de faire usage des lumieres particulieres qu'il doit avoir, ou qu'on ne sauroit trop le presser d'acquérir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANGUE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=NA GANGUE GANGUE, ( Hist. nat. minéral. ) Ce nom est allemand, & signifie en cette langue filon ou veine métallique . Il a été adopté par les naturalistes françois, pour désigner la pierre ou substance qui sert d'enveloppe ou de matrice au minéral, & de laquelle on le sépare quand on veut en faire l'exploitation, & traiter le minerai dans les travaux de la Métallurgie. On sent que cette pierre varie considérablement, étant tantôt du quartz, tantôt du spath, de l'ardoise, de la pierre à chaux, &c. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANJAM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANJAM GANJAM, ( Géogr. ) ville commerçante d'Asie dans le Mogolistan, à 34 lieues de Bampour. Sa grandeur est médiocre, ses rues sont étroites & mal disposées; mais le peuple y est nombreux. Elle est située à la hauteur de 19 d 30'nord, sur une petite élevation le long du Tapete, à un quart de lieue de son embouchure. Ganjam est célebre par sa pagode, qui est une tour de pierre massive, de figure polygone, haute d'environ 80 piés, sur 30 à 40 de base. A cette masse de pierre est jointe une espece de salle, où est placée l'idole qui s'appelle Coppal . Elle est servie par des sacrificateurs & des devadachi , c'est-à-dire par des esclaves des dieux. Ce sont des filles prostituées, dont l'emploi est de danser & de sonner de petites cloches en cadence, en chantant des chansons infames, soit dans la pagode, quand on y fait des sacrifices; soit dans les rues, quand on promene l'idole en cérémonie. Il regne à Ganjam un déréglement de moeurs qui n'a rien de semblable dans toute l'Inde: le libertinage y est si public, que l'on y crie souvent à son de trompe, qu'il y a du péril à aller chez les devadachi qui demeurent dans la ville, mais qu'on peut voir en toute sûreté celles qui desservent le temple de Coppal. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANKING Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANKING GANKING, ( Géog. ) ville de la Chine, riche & marchande, dans la province de Nanking, dont elle étoit la dixieme métropole: elle est de 20 degrés plus orientale que Peking, c'est-à-dire au 31 d 20'de latitude sur le bord septentrional du fleuve Kiang, & aux confins de la province Kiansi. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANO Author=unknown Normalized Classification=Jeu Part of Speech=NA GANO GANO, terme de Jeu: à l'hombre à trois, il signifie laissez venir à moi; ainsi demander gano , c'est avertir qu'on ne prenne pas la carte joüée. Celui qui fait joüer ne peut pas demander gano . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANSE Author=unknown Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=s.f. GANSE GANSE, s. f. ( Rubanier. ) espece de petit cordonnet d'or, d'argent, de soie ou de fil plus ou moins gros, rond, & même quelquefois quarré, qui se fabrique sur un oreiller ou coussin avec des fuseaux, ou sur un métier avec la navette. Les ganses servent de boutonnieres pour arrêter & boutonner les boutons; on en décore aussi les habits, sur-tout aux environs des boutonnieres. Les Chapeliers s'en servent pour retrousser les chapeaux, & les femmes pour lacer leurs corps & corsets. On fait un commerce assez considérable de ganses en France: les marchands Merciers les vendent; mais ce sont les Tissutiers-Rubaniers & les Passementiers-Boutonniers qui les fabriquent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Ganse Author=Diderot Normalized Classification=Manufacture en soie Part of Speech=NA Ganse * Ganse , ( Manufact. en soie. ) petite poignée de gavassines auxquelles les lacs sont arrêtés, & que la tireuse attache avec une corde. Faire les ganses , c'est arreter la même poignée de gavassines, afin que tous les lacs ne tombent pas sur la main de la tireuse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANT Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. GANT * GANT, s. m. ( Art méchan. ) espece de vêtement d'hyver, destiné à défendre les mains du froid. Les anciens en ont eu qu'ils appelloient chiroteques . Ils étoient de cair fort. Les paysans s'en servirent pour se garantir les mains de la piquûre des épines; ensuite le reste de la nation en prit en hyver contre le froid. Il y en avoit de deux especes. Les uns étoient sans doigts, & les autres avec des doigts. On les fit de drap, & on les garnit quelquefois par les bords avec de la soie. Les gants s'introduisirent dans l'Eglise vers le moyen âge. Les prêtres en porterent en célébrant. Le don du gant marqua le transport de propriété. Le gant jetté fut un cartel; le gant relevé, un cartel accepté. Il étoit autrefois défendu aux juges royaux de siéger les mains gantées, & aujourd'hui on n'entre ni dans la grande ni dans la petite écurie du Roi, sans se déganter. Les gants se font de peaux d'animaux passées en huile ou en mégie. Voyez l'article Mégissier . Ces peaux sont celles du chamois, de la chevre, du mouton, de l'agneau, du daim, du cerf, de l'élan, &c . On fait des gants à l'aiguille ou sur le métier, avec la soie, le fil, le coton, &c . Il y en a de velours, de satin, de taffetas, de toile, & d'autres étoffes. Ce sont les Gantiers qui fabriquent les gants de peau, les Bonnetiers'qui font les gants au tricot & à l'aiguille, & les marchands de modes qui vendent les gants d'étoffes & autres. Voici le travail du Gantier. Cette profession est une de celles qui exigent le plus de propreté. Les instrumens de cet ouvrier sont le ciseau de Tailleur, ou la force; le couteau à doler, le tourne-gant , &c. Le Gantier ne prépare point ses peaux, il les prend chez le mégissier; il doit seulement apportir quelques précautions dans l'achat qu'il en fait, sur tout lorsque la partie de peaux qu'il achete est considérable. On les lui présente en douzaine, sans être parées. Celui qui les lui vend, répand toûjours deux ou trois peaux de rebut sur chaque douzaine de peaux de recette. Le gantier intelligent en fera le triage, & les achetera séparément; ou il les examinera bien avant que de les prendre, comme on dit, les unes dans les autres, & il comptera le plus exactement qu'il lui sera possible ce qu'elles peuvent toutes lui fournir d'ouvrage. Toute peau percée est censée de rebut, quoique le gantier habile puisse assez souvent en tirer le même parti que si elle n'avoit aucun défaut. Son art doit alors consister à placer dans la coupe les trous entre les fentes des doigts, ou à l'enlevûre qui se pratique pour le pouce de la main. Le gantier commence par faire parer ses peaux, ou à en ôter le pelun. S'il a à couper des chevreaux en blanc, & que ces peaux soient un peu plus épaisses au dos qu'à la tête, ou sur les flancs, il commence par lever une petite lisiere de la seconde peau, vers la tête. A l'aide de son pouce & de son ongle, il suit la coupe de cette portion de sa peau dans toute sa longueur. C'est ainsi qu'il la rend d'égale épaisseur, & plus maniable. C'est ce qu'on appelle effleurer à la main . Cela fait, il a une brosse de crins rudes; il brosse chacune de ses peaux du côté de la chair, pour en ôter ce qu'il peut y avoir de crasse & de velu. Il range toûjours ses peaux la fleur sur la chair. Il en place un grand nombre sur une table bien nettoyée. Il a une éponge qu'il trempe dans de l'eau fraîche. Il passe cette éponge le plus legerement qu'il peut sur chaque peau. Il prend sa peau par les pattes de derriere; il la retourne, & l'étend sur une autre table du côté où elle a été mise en humide, sur la fleur. Il éponge une seconde peau qu'il étend sur la premiere, chair contre chair. Il en éponge une troisieme qu'il étend sur la seconde, fleur contre fleur, & ainsi de suite, un côté humide d'une peau toûjours sur un côté humide de la suivante, & la chair de l'une toûjours contre la chair d'une autre. Après cette premiere manoeuvre, il roule toutes ses peaux & en fait un paquet rond, ce qu'il appelle les mettre en pompe . Il les tient dans cet état jusqu'à ce qu'il soit assure que ses peaux ont bû assez d'eau. Alors il ouvre le paquet. Il prend une de ces peaux qui a conservé un peu de son humidité. Il tire la tête à deux mains, l'étend & la met sur son large; il continue de la manier ainsi & mettre sur son large de la tête à la culée, & il cherche à en tirer le plus d'ouvrage qu'il est possible. C'est l'étendue de la peau qui décidera de la longueur des gants . Si l'ouvrier est un mal-adroit, & que sa coupe soit mal entendue, il perd beaucoup, & les ouvriers disent alors que les forces ont diné avant le maitre . Après qu'il a tiré la peau sur son large, il la manie & la tire sur son long; il la dépece, & donne à ses étavillons la forme & les dimensions convenables. On appelle étavillons , les grandes pieces d'un gant coupé. Il renferme ses étavillons dans une nape, où ils conservent encore un peu de leur humidité, jusqu'à ce qu'il puisse les dresser. Il les assortit de pouces & de fourchettes. Il observe de donner à la peau du pouce un peu plus d'épaisseur qu'à celle de l'étavillon, & un peu moins à la fourchette. Il colle ses fourchettes trois à trois les unes sur les autres. Il reprend les etavillons, les dresse, les fend; observant que la fente du milieu détermine la longueur & les autres dimensions du gant . La fente est d'autant plus longue que le gant doit être plus large, & les fentes suivent l'ordre de celles des doigts de la main; c'est-à-dire que la fente du premier au second doigt est un peu moins profonde que celle du second au troisieme, celle-ci un peu moins profonde que celle du troisieme au quatrieme, & cette derniere un peu moins profonde que celle du quatrieme au cinquieme. Il faut les dégager toutes, selon la douceur de la peau. Vos enlevûres faites à une distance proportionnée pour placer le pouce, vous pratiquez vos arriere-fentes; vous repliez votre étavillon; vous posez le pouce; vous donnez aux doigts leur longueur; vous les rafilez; vous posez les pieces aux rebras; vous pliez votre gant en deux; vous le garnissez de ses fourchettes, & vous l'envoyez à la couturiere. Les gants se cousent avec de la soie, ou avec une sorte de fil très-fort qu'on appelle fil à gant . Il ne faut perdre ni le pelun ni les retailles; le pelun se vend aux Tissiers; les retailles de peaux blanches, aux Blanchisseurs de murailles. Les gants , au retour de chez la couturiere, sont vergettés paire par paire avec une brosse qui ne soit ni dure ni molle; dure, elle endommageroit la couture; molle, elle ne nettoyeroit pas. On prend ensuite du blanc d'Espagne, & non de la céruse, qui brûle la peau. On en répand avec la brosse sur toute la surface du gant . On fait prendre ce blanc à la peau. On ôte le superflu en battant les gants par un tems sec, sur une escabelle, six paires à six paires, jusqu'à ce qu'ils n'en rendent plus. On les brosse, & alors les gants sont prêts à être gommés. Pour cet effet, ayez de la gomme adragant la plus blanche & la plus pure; deux ou trois jours avant le blanchissage, versez sur cette gomme un peu d'eau; que l'eau couvre à peine la gomme. A mesure que la gomme se dissout, ajoûtez de l'eau: quand votre gomme sera bien fluide, passez-la à-travers un linge blanc & serré; recevez la gomme passée dans un petit pot de fayence bien net; foüettez-la avec des verges; à-mesure que vous la foüettez, elle blanchit & s'épaissit: redélayez-la par une petite addition d'eau. Quand elle vous paroît avoir une consistence legere, étendez votre gant sur un marbre, trempez dans la gomme dissoute une éponge fine, & gommez votre gant à toute sa surface: c'est ainsi que vous y attacherez le blanc qu'il a reçû. A mesure que vous gommez, vous jettez les gants , paire par paire, sur une petite ficelle tendue: quand ils sont à moitié secs, vous les pliez en deux; vous les dressez, vous veillez à ce qu'il ne s'y forme point d'écailles, c'est-à-dire qu'il n'y ait point d'endroits où la gomme paroisse: vous les renformez sur le large; vous les dressez encore; vous les rétendez sur les cordeaux, d'où vous les portez au magasin. La premiere fois qu'on les dresse au sortir de dessus le cordeau, il faut qu'ils soient encore humides. Si les gants gommés étoient trop secs, il seroit impossible de les bien dresser: alors il faudroit les tenir en presse pendant vingt quatre heures, avant que de les mettre en paquets. Lorsqu'il s'agit de mettre des peaux de chamois en humide, on se contente de les exposer au brouillard pendant quelques heures. ou de les suspendre en un lieu frais; elles y prendront assez d'eau. Tout ce que nous venon, de dire des peaux d'agneaux ou de moutons, doit s'entendre des autres: seulement s'il arrivoit qu'on eût à en employer de trop épaisses, on se serviroit du couteau à doler, pour les rendre plus minces en tout ou en partie. Il y a un grand nombre de sortes de gants; ceux de canepin sont faits de la superficie déliée qu'on enleve de la peau des agneaux & chevreaux passés en mégie: on en fait aisément tenir la paire dans une coque de noix. Les gants de Blois sont de peaux de chevreaux bien choisies, & sont cousus à l'angloise; ils portent le nom de la ville d'où on les tire. Les Parfumeurs appellent gants de castor des gants de peau de chamois ou de chevre, apprêtée d'une maniere si douce qu'on peut aisément s'y tromper. Le gant de Fauconnier est un gros ouvrage fait de peau de cerf ou de bufle qui couvre la main & la moitié du bras; on le fait de peau forte, pour garantir de la serre de l'oiseau. On appelle gants fournis ceux qui sont faits de peaux auxquelles on a laissé pour le dedans du gant le poil ou la laine de l'animal. Les Parfumeurs préparent les gants glacés, de la maniere suivante: ils battent des jaunes d'oeuf avec de l'huile d'olive; ils arrosent ensuite le mélange d'esprit-de-vin & d'eau, & passent les gants dans ce mélange, du côté de la chair. Cela fait, ils reprennent du même mélange, mais sans eau, & ils foulent les gants pendant un quart-d'heure. Les gants se parfument d'une maniere assez simple; en les tenant enfermés bien exactement dans des boîtes, avec les odeurs qu'on veut qu'ils prennent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gants Author=Jaucourt Normalized Classification=Droit coutumier Part of Speech=NA Gants Gants , ( Droit coûtumier. ) droit seigneurial qui dans la plûpart de nos coûtumes, est dû à chaque mutation; ce droit est reglé à une petite somme, savoir deux sous en quelques lieux, & en d'autres, quatre deniers, qui suivant la coûtume de Dunois, art. 36. doivent être payés par l'acheteur, huit jours après le contrat de vente. Je n'en savois guere davantage sur ce terme de coûtume: mais M. Aubert, dans ses additions au Richelet , m'a éclairé completement & agréablement: je vais transcrire sa glose, pour n'y pas renvoyer le lecteur. « Le droit de gants , dit-il, est ancien, selon Galant, dans son traité du franc-alleu: il est dit dans la coûtume de Lorris, art. 4. tit. des cens , &c. aucunes censives sort à droit de lods & ventes, les autres, à gants & ventes . Les coûtumes d'Orléans, art. 106. de Chartres, art. 47. & plusieurs autres, s'expliquent de même; & Boutillier, dans sa somme, ch. v. en fait mention en ces termes: gants blancs pour les deux livres de tenure ». Ces gants étoient une reconnoissance de l'investiture accordée par le seigneur au nouvel acquéreur. La tradition réelle se faisoit autrefois de différentes manieres, ou par un fétu de bois ou de paille, ou par un morceau de terre, ou par des gants , que le seigneur féodal recevoit comme une marque de la gratitude de son vassal, ou de son emphitéote: on en voit la formule dans Marculphe; & l'on seroit sans doute ennuyeux, si l'on rapportoit ic toutes les preuves que l'on trouve dans plusieurs auteurs de cet ancien usage. Je me contenterai, ajoûte M. Aubert, de ces endroit du roman de la Rose, où l'amante parle: Vienne, dit-elle, à point aux gants . L'amant répond, Aux gants, dame, ains vous dis sans lobe, Que vous aurez mantel & robe . Le glossaire latin de Ducange est à consulter sur le fréquent usage de la delivrance d'un gant , pour marque de l'investiture. Si aliquam territorii partem , dit une loi anglo-saxonne, venundari contigerit, domini venditiones (les ventes) habebunt, scilicet tot denarios quot venditor indè habuerit solidos: major verò terroe illius, pro wantis (les gants) accipiet duos denarios . Il arriva de cette loi, que les gants devinrent un droit personnel au bailli du fief du seigneur: de-là s'établit encore la coûtume, dans la plûpart des marchés, de donner aux domestiques de l'argent pour une paire de gants . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gants de Notre-Dame Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Gants de Notre-Dame Gants de Notre-Dame , digitalis , ( Botan. ) Voyez Digitale . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gants de Notre-Dame Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Gants de Notre-Dame Gants de Notre-Dame , aquilegia , ( Botan. ) Voyez Ancolie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gant Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gant Gant , ( Géog. ) bourg de France dans le Béarn, à deux lieues de la ville de Pau: nous n'en parlons que parce qu'il est la patrie de M. de Marca (Pierre), un des plus célebres prélats de l'église gallicane. On fait qu'après avoir été conseiller d'état & marié, il eut plusieurs enfans, devint veuf, & entra dans l'église; obtint l'archevêché de Toulouse; & étoit nommé à celui de Paris, lorsqu'il mourut en 1662, âgé de 68 ans. Son livre, intitulé Marca hispanica , est plein de savantes observations géographiques; & son traité de la concorde de l'empire & du sacerdoce, de concordiâ sacerdotii & imperii , est très estimé; il faut l'avoir de l'édition de M. Baluze. Enfin son histoire de Béarn est la meilleure que nous ayons. L'abbé Faget a écrit la vie de M. de Marca; on peut la consulter. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANTAN Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GANTAN GANTAN, s. m. ( Commerce. ) poids dont on se sert à Bantam, une des capitales de l'île de Java, & dans quelques autres endroits des Indes orientales: le gantan revient environ à trois livres poids de Hollande. Gantan est aussi une mesure de continence, ou espece de litron pour mesurer le poivre; il en contient trois livres juste. Il faut dix-sept gantans pour faire le baruth, autre mesure des Indes. Voyez Baruth . Dictionn. de Comm. & de Trév . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gantas Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. Gantas Gantas , s. m. ( Commerce. ) poids dont on se sert à Quéda, ville située dans les Indes orientales sur le détroit de Malaca. Voyez Hali , & les dictionn. de Comm. & de Trév . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANTELEE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. GANTELÉE GANTELÉE, s. f. ( Botaniq. ) espece de campanule, nommée campanula vulgatior, foliis urticae, major & asperior , par C. B. Pin. 94. J. Bauh. ij. 805. hist. oxon. 459 . Buxb. 52. Boërh. ind. A. 249 . Tournefort, inst. 109. élém. bot. 90 . Raii, synops. iij. 276. trachelium majus , par Ger. 369. émac. 448 . Raii, hist. j. 742 . Meret, Pin. 119. campanula radice esculentâ, flore caeruleo. H. L . Sa racine est vivace, assez grosse, longue, branchue, blanche, d'un goût aussi agréable que celui de la raiponce; elle pousse plusieurs tiges hautes de deux à trois piés, quelquefois grosses comme le petit doigt, anguleuses, cannelées, creuses, rougeâtres, velues; ses feuilles disposées alternativement le long des tiges, sont semblables à celles de l'ortie commune, d'un verd foncé, rudes au toucher, pointues sans être piquantes, garnies de poils; celles d'en-bas sont attachées à de longues queues, au lieu que celles d'en-haut tiennent à des queues courtes. Ses fleurs sortent des aisselles des feuilles; elles sont velues en-dedans, faites en cloches évasées, & découpées sur les bords en cinq parties, de couleur bleue ou violette, quelquefois blanche; elles sont soûtenues chacune par un petit calice découpé aussi en cinq parties; elles ont dans leur milieu cinq étamines capillaires très courtes, à sommet long & applati. Lorsque la fleur est tombée, le calice devient un fruit membraneux, arrondi, anguleux, divisé en plusieurs loges troüées latéralement, & qui contiennent beaucoup de semences menues, luisantes, roussâtres. Cette plante, qui donne du lait quand on la coupe, croît fréquemment dans les bois taillis, dans les hauts bois, dans les haies, dans les prés, aux lieux secs comme aux lieux sombres & ombrageux; elle fleurit en été; & sa graine mûrit vers l'automne. On la cultive dans quelques jardins potagers, à cause de sa racine, qui peut tenir lieu de raiponce dans les salades, au commencement du printems: mais les curieux ont trouvé l'art de faire porter à cette plante, de belles fleurs doubles blanches, doubles bleues, même triples & quadruples. On peut, sans se servir de graines, multiplier la gantelée ainsi que la raiponce, le raifort sauvage, & plusieurs autres plantes de cette famille, par de pe tites tranches coupées de ses racines, qu'on met en terre. On fait comment cela s'exécute; d'abord après avoir tiré de la terre avec adresse & sans dommage la racine de ces sortes de plantes, pendant que cette racine est dans sa vigueur, on la taille par trancher ou par roüelles, de l'épaisseur de trois ou quatre lignes: on remet ensuite chacune de ces roüelles separément dans une terre convenable; & elles produisent chacune de la même espece. Si lorsque M. Marchand, botaniste de ce siecle, rapporta cette expérience très-vraie à l'académie des Sciences, il crut lui parler d'une nouvelle découverte qu'il avoit faite, il se trompa beaucoup; car long-tems avant lui, les fleuristes d'Angleterre, d'Hollande, & de Flandres, ne connoissoient pas de meilleure méthode pour multiplier leurs belles fleurs à racine tubéreuse; méthode qu'ils continuent toûjours de pratiquer avec succès, & qui prouve assez ce que peut l'industrie pour arracher les secrets de la nature. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANTELET Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. GANTELET GANTELET, s. m. terme de Chirurgie , bandage qui enveloppe la main & les doigts comme un gant, d'où vient son nom; il est de deux sortes, le gantelet entier & le demi-gantelet . Le gantelet entier se fait avec une bande large d'un pouce, longue de quatre à cinq aunes, roulée à un chef. On arrête d'abord la bande par deux circulaires, autour du poignet; on la passe obliquement sur le métacarpe, & l'on enveloppe les doigts successivement l'un aprés l'autre par des doloires, depuis le bout jusqu'en haut, en faisant des croisées sur les articulations des premieres phalanges avec le métacarpe, & des renversés où il est nécessaire, pour éviter les godets; ensuite on arrête la bande autour du poignet. Ce bandage est en usage dans les luxations & les fractures des doigts, pour les maintenir réduits; & dans les brûlures, pour les empêcher de s'unir & de se cicatriser ensemble. Le demi-gantelet ne differe du précédent, qu'en ce qu'il n'enveloppe que les premieres phalanges des doigts. Ces bandages font un assez bel effet sur une main saine, par les circonvolutions symmétriques de la bande; mais ils sont fort embarrassans à faire sur une main malade & douloureuse. C'est principalement à l'occasion du gantelet , qu'on peut rapporter le precepte général qu'Hippocrate nous a donné dans son traité de officinâ medici . « Le bandage le plus propre & le plus convenable est celui qui donne beaucoup de soulagement au malade, & qui aide beaucoup le chirurgien: toute sa science consiste principalement à savoir serrer où il faut & lâcher où il faut, mais on doit sur-tout avoir égard à la saison, pour voir s'il faut couvrir ou non, c'est-à-dire mettre des linges & des compresses sous les bandes, & faire un bandage serré ou lâche, afin qu'on ne peche point en couvrant & en serrant une partie foible trop ou trop peu. Il faut mépriser les bandages ajustés & qui ne sont faits que pour l'ostentation & pour la pompe; car ils sont ridicules & sentent le charlatan: souvent même ils font beaucoup de tort aux malades; & il faut se souvenir que les malades cherchent du secours & non pas de l'ornement ». ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gantelet Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Gantelet Gantelet , ( Hist. mod. ) espece de gros gant de fer dont les doigts étoient couverts de lames par écailles, & qui faisoit partie de l'ancienne armure du gendarme. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gantelet Author=unknown Normalized Classification=Bourrelier Part of Speech=NA Gantelet Gantelet , terme de Bourrelier , c'est une bande ou large courroie de cuir fort, mais maniable, avec deux trous aux deux extrémités, par lesquels ils passent le pouce de la main droite. Cette courroie, qui fait deux tours autour de la mam & qui la couvre presque toute entiere, sert à garantir l'ouvrier de l'impression du fil, lorsqu'il le tire pour serrer ses coutures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gantelet Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Gantelet Gantelet , ( Reliûre. ) les Relieurs se servent d'un morceau de peau de mouton double, dont ils garnissent leur main pour foüetter les livres plus fort; & cette peau s'appelle un gantelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANTERIAS Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GANTERIAS GANTERIAS, s. f. ( Marine. ) c'est ainsi que les Levantins appellent les barres de hune; ce mot n'est guere d'usage. Voyez Barres de Hune . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANTERIE Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GANTERIE GANTERIE, s. f. ( Comm. ) marchandise de gants, le métier de les faire, ou la faculté de les vendre. La ganterie fait partie du commerce des marchands merciers. Les maîtres Gantiers Parfumeurs de Paris ne peuvent vendre leur marchandise de ganterie que dans leurs boutiques; & il leur est défendu de la contre-porter ou faire contre-porter par la ville & fauxbourgs de Paris, sous peine d'amende; c'est la disposition de l' art. 23. de leurs nouveaux statuts du mois de Mars 1656. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANTIER Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. GANTIER GANTIER, s. m. ( Art méchan. ) est un ouvrier & marchand qui fait & qui vend des gants, mitaines, &c . Les maitres Gantiers de Paris forment une communauté assez considérable, dont les anciens statuts remontent jusqu'en 1190, & ont été depuis confirmés en 1357 par le roi Jean, & le 27 Juillet 1582, par Henri III. Suivant ces statuts, ils ont le titre de maitres & marchands Gantiers-Parfumeurs . Comme Gantiers , ils peuvent faire & vendre toutes sortes de gants & mitaines d'étoffes, & de peaux de toutes les sortes. Comme Parfumeurs, ils peuvent mettre sur les gants & débiter toutes sortes de parfums & odeurs, & même vendre des peaux lavées & cuirs propres à faire des gants. Les aspirans doivent avoir fait quatre ans d'apprentissage, servi les maîtres trois autres années en qualité de compagnon, & faire chef-d'oeuvre: mais les fils de maîtres sont exempts de toutes ces formalites, & sont reçûs sur une simple expérience. Les veuves peuvent tenir boutique, & faire travailler pour leur compte; mais elles ne peuvent point avoir d'apprentis. Cette communauté a quatre jurés, dont les deux plus anciens sortent de charge tous les ans; & à leur place on en élit deux autres en présence du procureur du roi au châtelet. Dictionn. & réglem. du Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANXUNG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GANXUNG GANXUNG, ( Géog. ) cité de la Chine dans la province de Quiecheu; elle est de 12 d . 6'. plus occidentale que Pékin, & compte 25 d . 35'. de lat . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GANYMEDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA GANYMEDE GANYMEDE, ( Mytholog. ) Homere déclare que c'étoit le plus beau de tous les hommes, & que les dieux le ravirent par cette raison: si l'on en croit les autres poëtes, il fut aimé du seul Jupiter, qui en fit sen échanson, depuis le mariage d'Hébé avec Hercule. Un jour, disent-ils, que ce charmant phrygien chassoit sur le mont Ida, l'aigle de Jupiter ou Jupiter lui-même sous la forme d'un aigle, l'enleva dans l'olympe pour lui servir à boire, & le plaça au nombre des douze signes du Zodiaque, sous le nom de verseau: tel est l'usage des Poëtes, dit Cicéron, de transporter aux dieux les passions des hommes, au lieu qu'il seroit à souhaiter qu'ils eussent appliqué aux hommes les vertus des dieux. La fable de Ganymede paroît fondée sur un fait historique, mais qui est narré diversement par les anciens. Les uns prétendent que Tros ayant envoyé en Lydie son fils Ganymede avec quelques seigneurs de sa cour, pour offrir des sacrifices dans un temple consacré à Jupiter, Tantale qui étoit souverain du pays, ignorant les projets du roi de Troie, prit cette troupe pour des espions, arrêta le jeune Ganymede , le retint prisonnier, ou peut-être le fit servir d'échanson à sa table. D'autres racontent que Ganymede fut enlevé par Tantale, qui en étoit amoureux; qu'Ilus marcha contre le ravisseur pour arracher son frere de ses mains; qu'on en vint à un combat très-vis, où les troupes de Tantale portoient un aigle sur leurs enseignes, & où Ganymede perdit la vie; son corps que l'on chercha ne s'étant point trouvé, on feignit que Jupiter l'avoit enlevé. Quoi qu'il en soit, la fable de Ganymede brille dans un ancien monument qui s'est conservé jusqu'à nous; on y voit un aigle avec les aîles déployées, ravissant un beau jeune homme, qui tient de la main droite une pique, symbole du dieu qui l'enleve, & de la main gauche une urne à verser de l'eau, marque de l'office d'un echanson. Aussi le nom de Ganymede désignoit tout valet qui donne à boire; tu getulum Ganymedem respice-quum sities: mais ce même mot désignoit principalement un efféminé . La statue de Ganymede fut transportée de la Grece à Rome, au temple de la paix; & Juvénal y a fait allusion: nuper enim , dit-il, repeto fanum Isidis, & Ganymedem hic facis . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAOGA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.m. GAOGA GAOGA, s. m. ( Géogr. ) Quelques-uns écrivent Kangha , province du Desert, à l'extrémité orientale de la Nigritie, qui a pour ville unique connue Goaga . Au nord de cette ville, on voit encore quelques vestiges de l'ancienne Cyrene, capitale de la Lybie cyrénaïque, & qui étoit autrefois une des villes principales du fameux Pentapolis. Le lac de Gaoga est par le 43 d . de long. & le 16 d . de lat. septentrionale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAONS Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.m. GAONS GAONS, s. m. ( Théologie. ) nom qu'on donne à une secte ou ordre de docteurs juifs, qui parurent en orient après la clôture du Talmud. Le nom de gaons signifie excellent, sublime . Ils succéderent aux Sebunéens ou Opinans, vers le commencement du vj. siecle, & eurent pour chef Chanaro Merichka. Il rétablit l'académie de Pundebita, qui avoit été fermée pendant trente ans, vers l'an 763. Judas l'aveugle qui étoit de cet ordre, enseignoit avec réputation. Les Juifs le surnommoient plein de lumiere , & ils estiment beaucoup quelques leçons qu'ils lui attribuent. Scherira du même ordre parut avec beaucoup d'éclat à la fin du même siecle. Il se dépouilla de sa charge pour la céder à son fils Hai, qui fut le dernier des excellens . Celui-ci vivoit au commencement du xj. siecle, & il enseigna jusqu'à sa mort, qui arriva en 1037. L'ordre des Gaons finit alors après avoir duré 280 ans selon les uns, 350 ou même 448 selon d'autres. On a de ces docteurs un recueil de demandes & de réponses, c'est-à-dire de questions & de solutions, au nombre d'environ 400. Ce livre a été imprimé à Prague en 1575, & à Mantoue en 1597. Wolf, biblioth. hebr . Calmet, dictionn. supplém. de Moréry. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAP Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAP GAP, Vapincum , ( Géog. ) De Vapincum s'est formé Gap , comme gâter de vastare . Valois, notit. gall. p. 584 . C'est une ancienne ville de France en Dauphiné, capitale du Gapençois, avec un évêché suffragant d'Aix. Le Gapençois, Vappencensis pagus , a titre de comté , & l'on sait que le parlement de Provence a inutilement reclamé cette petite contrée, comme usurpée par le parlement de Grenoble. Gap est au pié d'une montagne, sur la petite riviere de Beny, à 9 lieues de Sisteron, 7 d'Embrun, 20 de Grenoble. Long. 23 d . 44'. 23". lat. 44 d . 35'. 9" . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARAC Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARAC GARAC, ( Géog. ) île du golfe persique, à-peu-près également éloignée des côtes de Perse & de l'Arabie, à 18 lieues ou environ de l'embouchure de l'Euphrate; on y fait la pêche des perles. Long. 67. 15. lat. 28. 45 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARAMANTES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=s.m.pl. GARAMANTES GARAMANTES, s. m. pl. Garamantae , ( Géogr. ancienne. ) anciens peuples de la Lybie, c'est-à-dire de l'intérieur de l'Afrique, qui s'étendoient depuis les sources du Bragadas jusqu'aux marais de Nuba, selon Ptolomée. Ils avoient la Gétulie à l'oüest, la Cyrénaïque au nord, l'Ethiopie intérieure au midi. Pline, liv. V. ch. v. fait de grands détails de ces peuples au sujet du triomphe de Balbus; mais tout ce que nous savons d'eux & de leur pays aujourd'hui, c'est que Zaara ou le desert qui fait une partie de l'ancienne Lybie, étoit la demeure des Gétuliens & des Garamantes de Pline. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARAMANTICUS LAPIS Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GARAMANTICUS LAPIS GARAMANTICUS LAPIS , ( Hist. nat. ) nom que Pline donne à une pierre précieuse que Wallerius croit être le grenat. Voyez Grenat . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARANCE Author=Diderot Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GARANCE * GARANCE, s. f. rubia , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur campaniforme, ouverte, découpée, & ordinairement percée dans le fond. Son calice devient un fruit composé de deux baies succulentes. Ce fruit renferme une semence qui a communément un ombilic. Les feuilles de la garance sont verticellées. Tournefort, instit. rei herb. Voyez Plante . On compte quatre especes de garance . Mais la principale que nous allons décrire, est désignée par rubia tinctorum , ou rubia tinctorum sativa . Sa racine est vivace, de la grosseur du petit doigt, rampante, tortueuse, cassante, d'un goût d'abord douçâtre, puis amer & austere. Si ses racines sont vieilles, on les verra rousses à l'extérieur; si elles sont nouvelles, rouges. Elles tracent & s'étendent beaucoup sans s'enfoncer fort avant dans la terre. Cette garance pousse plusieurs tiges sarmenteuses, quadrangulaires, rudes au toucher, noüeuses, jettant d'espace en espace cinq à six feuilles oblongues pointues, plus larges au milieu qu'à l'extrémité, & hérissées de poil. Le verd en est obscur. Les fleurs sortent de leurs aisselles par épis. Ces fleurs sont jaunes, petites, d'une seule piece, & découpées en quatre parties, & quelquefois en cinq. Le calice qui les soûtient devient un fruit composé de deux baies qui se touchent, de la grosseur des baies du genevrier, d'abord vertes, puis rouges, enfin noirâtres quand elles sont tout-à fait mûres, alors succulentes. On y trouve une semence arrondie faite en nombril. Il arrive quelquefois à une de ces semences d'avorter & au fruit de n'avoir plus qu'une baie. Maniere de cultiver la garance . Il faut d'abord la choisir en rejettons ou en meres-plantes. On s'en tient toûjours aux rejettons dans le pays; il faudroit préférer les meres-plantes pour les pays éloignés. Elles soûtiendroient plus aisément le transport. Pour être bonne. il la faut pleine & cassante à tous égards. La racine en meres-plantes a été taxée dans la châtellenie de Lille à 7 liv. 10 s. le faix, pesant environ 180 ou 200 liv. de 14 onces, avec la terre dont elle est chargée. Mais on peut estimer les rejettons sur le pié de 4 s. le cent. Trente-quatre mille rejettons suffiront pour garnir un cent de terre, ou deux cents cinquante-quatre toises, trois piés, quatre lignes quarrées; mesure à laquelle il faut rapporter tout ce que nous allons dire. Ainsi à un sou le cent, il en coûteroit 68 liv. Si l'on plantoit en meres-plantes, il en faudroit environ 8 faix à 7 liv. 10 s. le faix, c'est-à-dire 60 liv. Il n'y a point de terrein qu'on ne puisse approprier à la garance par les engrais & le fumier. Il faut seulement qu'ils ayent du fond, qu'ils ne soient pas pierreux, & qu'ils soient rendus legers. Il n'y en auroit point de meilleur qu'un marais sec, défriché. Jusqu'à-présent on a cru que la même terre ne pouvoit donner qu'une bonne dépouille de garance en six ans; quelques-uns même ont dit douze ans. D'autres au contraire ont prétendu qu'on en continueroit sans interruption la culture dans un même lieu. Mais le fait est que pour profiter de son travail & de sa dépense, il faut changer de terrein. Celui qui a porté de la garance , se trouve pour l'année suivante engraissé & propre à fournir toute autre chose. C'est un engrais gagné par des renouvellemens alternatifs, un laboureur trouvera ses terres conduites insensiblement à l'état du meilleur rapport. Il n'y faut pas épargner le fumier, & fumer avec celui de vache par préférence. On en répandra plus ou moins selon la qualité de la terre, qu'on retournera à la charrue pour lui faire prendre nourriture. On peut donner jusqu'à six charretées de fumier, chacune pesant environ 1400 liv. poids de marc, par cent de terre. Les uns font ce travail en Novembre, & ne remuent plus la terre de tout l'hyver. D'autres attendent le mois de Mars. Les premiers font mieux, mais quelle que soit la culture qu'on suive, il faut en Mars labourer quatre à cinq fois pour adoucir la terre, & l'ameublir par le moyen de la herse & du cylindre; préparations qu'on lui donnera en tems sec. On plantera les rejettons au commencement de Juin, ou même plûtôt, si le tems doux précipite la pousse. On les enlevera des meres-plantes avec une broche de fer, grosse d'un doigt, & pointue; les détachant legerement avec la pointe, de maniere qu'ils emportent avec eux un peu de racine. Il faut bien se garder d'endommager la mere, ce qui pourroit arriver, si l'on se servoit d'un instrument plat & tranchant comme le couteau. Chaque rejetton doit avoir un pié de longueur. On plante au cordeau chaque rejetton à trois doigts de son voisin, couché comme le poreau, à la distance d'un pié entre chaque ligne. La terre qu'on leve pour la seconde ligne sert à couvrir la premiere, & ainsi des autres. Quant aux meres-plantes, il faudroit aussi les planter au cordeau dans le mois d'Octobre, toutes aboutissantes les unes aux autres, à cinq piés de distance; on coucheroit les rejettons dans cet intervalle, à mesure qu'ils grandiroient, de maniere que tout se rempliroit. Il est sous-entendu que pour planter dans ce mois, il faut engraisser la terre aussi-tôt après la moisson. Ainsi les cinq charretées de fumier évaluées à 15 liv. les cinq labours à 3 liv. 8 s. 9 d. les trois herses à 9 s. les trois passages de cylindre à 9 s. le tirage des rejettons à 2 liv. 10 s. & la plantation à 3 liv. 15 s. le tout reviendra à 25 liv. 11 s. 9 d Quand la garance est plantée, voici les façons qu'il faut lui donner. On a du laisser de 15 en 15 piés une distance d'un pié & demi d'un bout à l'autre de la terre, pour y pratiquer au mois de Mars une rigole profonde d'un pié & demi, dont la terre servira à couvrir les plantes, en la dispersant à droite & à gauche, comme pour le colsat. Voyez Colsat . Au mois de Juillet, lorsque la pousse sera relevée d'un pié, on la couchera de nouveau, la couvrant de la terre tirée des intervalles laissés entre chaque ligne, & l'on observera de creuser legerement sous la racine, qui tirera de-là du soulagement, de la force, de la liberté, & provignera facilement. Il en coûtera pour les rigoles 18 s. pour le provin 2 liv. 10 s. Si l'on demande quelle autre précaution il y a à prendre avant la récolte, je dirai de laisser amortir la fanne de la premiere année, de couper au mois d'Août celle de la seconde, & d'enlever le chaume restant adroitement jusqu'à la racine; on peut donner aux vaches de cette fanne, mais en petite quantité. Le tems sec est celui qui est le plus favorable pour la garance . On en fait la récolte en Novembre de la seconde année. Si on la laissoit en terre plus longtems, elle pourroit à la verité profiter en grossissant; mais on est persuadé qu'il en pourriroit une bonne partie, dommage qui ne seroit point compense; à quoi il faut ajoûter la perte d'une année. La récolte se fait à la beche, soit à la charrue. On laboure en ligne droite assez profondément pour détacher les racines sans les endommager. Cependant on préfere la beche. L'usage en est plus sûr; mais le tems est plus long. A mesure que des travailleurs détachent les racines, d'autres les retirent sur le terrein avec des fourches. Dès le lendemain ou sur le champ on peut les enlever. On peut évaluer la récolte à 5 liv. par mesure, qui avec la dépense précédente font 38 liv. 19 s. 9 d. On retire par cent de terre une année dans l'autre, depuis quatre jusqu'à dix ou douze faix au plus, ou année commune, huit faix, qui pourront peser 15 à 1600 livres, qui se réduiront à 200 livres à la sortie des étuves. On aura à-peu-près le même poids en poudre. Quand la plante donneroit graine, les rejettons qu'on a en abondance produisant tous les deux ans une dépouille, on n'auroit garde d'employer une semence dont la plante ne seroit recueillie qu'au bout de cinq à six ans. On la placera après la récolte hors des hangards, où on la laissera à l'abri de la pluie sécher pendant quelques mois. On pourra, si l'on aime mieux, la tenir dans des lieux fermés, amoncelée comme le foin, mais très-perméable à l'air. Quand elle sera séchée on la lavera, ou si l'on veut la battre, on la battra pour en ôter la terre; on la portera ensuite au séchoir, & de-là au moulin. On fait des séchoirs de mille manieres différentes. La construction d'un moulin peut coûter depuis 1000 liv. sans autre bâtiment, jusqu'à 20000 liv. selon sa grandeur. Il y en avoit un à Tournay qui ne servoit plus, qu'on disoit avoir coûté au-moins 20000 écus. On voit que l'entretien en est proportionné à sa grandeur. Pour le servir, il faut un homme qui tamise, dans un moulin à six pilons, & un cheval qui tourne. Il faudroit un second cheval pour relever le premier, dans un moulin qui tourneroit tous les jours de l'année. On peut donner 20 s. par jour au tamiseur, & estimer l'entretien du cheval au même prix. Un moulin de six pilons broyera 400 liv. & sur ce pié, si la dépouille d'un cent de terre se réduit à 200 liv. de poudre, comme nous l'avons dit, ce moulin pourra broyer en 24 heures la dépouille d'un 100 de terre, & par conséquent en 54 fois 24 heures, la dépouille de huit boniers, c'est-à-dire le produit total de presque toute la quantité de terre cultivée en garance dans la châtellenie de Lille. Toute la poudre n'est pas d'un prix égal. On distingue la robée, dont ou peut évaluer à 45 ou 501. le cent; la non-robée, à 30 ou 32 liv. la fine-grappe, à 62 ou 63 liv. & le son à 10 liv. Si l'on ramasse toute dépense faite ci-dessus depuis le commencement de la dépouille jusqu'à la fin de la récolte, on trouvera pour deux années 33 liv. 11 s. 9 d. La récolte de 8 faix à 7 10 s. produira 60 liv. il restera donc 16 liv. 8 s. 3 d. ou 13 l. 4 s. 1 d. par an; sur quoi il faut diminuer le loyer de la terre, les rentes foncieres, & autres charges, les impositions ou tailles, l'inconvénient que le laboureur compte pour quelque chose de ne pouvoir dépouiller tous les ans. Si l'on ajoûte à cela 60 liv. pour l'achat des meresplantes, ou 68 liv. pour celui des rejettons, ce qui est indispensable pour la premiere plantation, on trouvera une perte certaine dans les deux premieres années, & l'on ne peut espérer de joüir entierement qu'au bout de quatre ans. Ainsi il n'est pas étonnant que, quoiqu'on ait accordé dans la châtellenie de Lille une gratification au-dessus de l'exemption, cette culture ait bien de la peine à s'y ranimer. La garance d'un an passe pour la meilleure; celle qui reste trop perd de sa vivacité. De quelques phénomenes singuliers sur la garance . En 1737 un chirurgien anglois appellé Belchier , remarqua que les os d'un pourceau qu'on avoit nourri avec du son chargé d'un reste d'infusion de racine de garance , étoient teints en rouge. Il fit prendre de la racine pulvérisée à un coq, dont les os se teignirent aussi de la même couleur. M. Duhamel est revenu sur ces expériences qu'il a réitérées avec le même succès que Belchier, sur les poulets, les dindons, les pigeonneaux, & autres animaux. Dès le troisieme jour un pigeon avoit ses os teints. Ni tous les os dans un même animal, ni les mêmes os en différens animaux ne prennent pas la même nuance. Les cartilages qui doivent s'ossifier, ne se teignent qu'en s'ossifiant. Si on cesse de donner en nouriture les particules de garance , les os perdront peu à-peu leur teinture. Les os les plus durs se coloreront le mieux. Ils soûtiendront les débouillis. Ils ne sont cependant pas intacts à l'action de l'air. Les plus rouges y perdent de leur couleur; les autres blanchissent tout-à-fait en moins d'un an. La moëlle de ces os teints, & toutes les autres parties molles de l'animal conservent leur couleur naturelle. La garance que prennent ces animaux, agit aussi sur leur jabot & sur leurs intestins, du-moins dans la volaille; ils en sont teints; pour peu qu'on les tienne à ces alimens, ils tombent en langueur & meurent; on leur trouve quand ils sont morts, les os plus gros, plus moëlleux, plus spongieux, plus cassans. On peut demander pourquoi les parties colorantes ne se portent qu'aux os. Mizaldus qui a fait imprimer en 1566 un mauvais livre intitulé memorab. jucund. & utilium cent. IX. a dit le premier de la garance qu'elle teignoit en rouge les os des animaux vivans. On voit dans le recueil de l'acad. des Scien. année 1746. qu'elle n'est pas la seule plante qui ait cette propriété. La racine de garance est aussi d'usage en Medecine. Quelques auteurs la comptent parmi les cinq racines apéritives mineures. On a dit qu'elle résolvoit puissamment le sang épanché, les obstructions des visceres. & sur-tout celle des reins & des voies urinaires. Mais si l'on tire des expériences précédentes les conséquences naturelles qu'elles présentent, on en inférera que l'usage de la garance est tout-au-moins mal-sain. Nous nous sommes fort étendus sur cette plante, à cause de son importance dans la teinture. On s'en sert pour fixer les couleurs déjà employées sur les toiles de coton. Il y a un grand nombre de cas où le succès des opérations demande qu'on garance. Voyez l'article Teinture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARANT Author=Voltaire Normalized Classification=Histoire Part of Speech=adject GARANT GARANT, adj. pris subst. ( Hist. ) est celui qui se rend responsable de quelque chose envers quelqu'un, & qui est obligé de l'en faire joüir. Le mot garant vient du celte & du tudesque warrant . Nous avons changé en g tous les doubles v , des termes que nous avons conservés de ces anciens langages. Warant signifie encore chez la plûpart des nations du nord, assûrance, garantie; & c'est en ce sens qu'il veut dire en anglois édit du roi , comme signifiant promesse du roi . Lorsque dans le moyen âge les rois faisoient des traités, ils étoient garantis de part & d'autre par plusieurs chevaliers, qui juroient de faire observer le traité, & même qui le signoient, lorsque par hasard ils savoient écrire. Quand l'empereur Frédéric Barberousse céda tant de droits au pape Alexandre III. dans le célebre congrès de Venise en 1177, l'empereur mit son sceau à l'instrument, que le pape & les cardinaux signerent. Douze princes de l'Empire garantirent le traité par un serment sur l'évangile; mais aucun d'eux ne signa. Il n'est point dit que le doge de Venise garantit cette paix qui se fit dans son palais. Lorsque Philippe-Auguste conclut la paix en 1200 avec Jean roi d'Angleterre, les principaux barons de France & ceux de Normandie en jurerent l'observation comme cautions, comme parties garantes . Les François firent serment de combattre le roi de France s'il manquoit à sa parole, & les Normands de combattre leur souverain s'il ne tenoit pas la sienne. Un connétable de Montmorenci ayant traité avec un comte de la Marche en 1227, pendant la minorité de Louis IX. jura l'observation du traité sur l'ame du roi. L'usage de garantir les états d'un tiers, étoit très ancien, sous un nom different. Les Romains garantirent ainsi les possessions de plusieurs princes d'Asie & d'Afrique, en les prenant sous leur protection, en attendant qu'ils s'emparassent des terres protégées. On doit regarder comme une garantie réciproque, l'alliance ancienne de la France & de la Castille de roi à roi, de royaume à royaume, & d'homme à homme. On ne voit guere de traité où la garantie des états d'un tiers soit expressément stipulée, avant celui que la médiation de Henri IV: fit conclure entre l'Espagne & les Etats-Généraux en 1609. Il obtint que le roi d'Espagne Philippe III. reconnût les Provinces-Unies pour libres & souveraines; il signa, & fit même signer au roi d'Espagne la garantie de cette souveraineté des sept provinces, & la république reconnut qu'elle lui devoit sa liberté. C'est sur-tout dans nos derniers tems que les traités de garantie ont été plus fréquens. Malheureusement ces garanties ont quelquefois produit des ruptures & des guerres; & on a reconnu que la force est le meilleur garant qu'on puisse avoir. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Garant Garant , ( Jurispt. ) Voyez l'article précédent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant absolu Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant absolu Garant absolu , au style du pays de Normandie, est celui qui prend le fait & cause du garanti, & qui le fait mettre hors de cause. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant contributeur Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant contributeur Garant contributeur , suivant le même style, est-celui qui prend la garantie pour partie seulement, & non pour le tout. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant de droit ou naturel Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant de droit Garant de droit ou naturel , est celui qui est tenu à la garantie par la loi & l'équité, sans qu'il y ait aucune stipulation de garantie. Voy. l'art. suiv . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant de fait Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant de fait Garant de fait , est celui qui est garant de la solvabilité du débiteur, ou de la bonté & qualité de la chose vendue; à la différence du garant de droit qui est seulement garant que la somme lui est dûe, & que la chose lui appartient. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant formel Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant formel Garant formel , est celui qui est non-seulement tenu de l'éviction d'une chose envers une autre personne, mais qui est tenu de prendre son fait & cause, comme le vendeur à l'égard de l'acheteur, le propriétaire à l'égard du locataire: au lieu que le garant simple est celui qui est tenu de faire raison de l'éviction, sans néanmoins être obligé de prendre le fait & cause; comme cela a lieu entre co-héritiers, associés & autres, qui sont obligés ensemble solidairement au payement de quelque dette. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant naturel Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant naturel Garant naturel , Voyez Garant de droit . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant simple Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant simple Garant simple , est opposé à garant formel. Voyez Garant formel, & Garantie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. Garant Garant , s. m. ( Marine. ) c'est le bout des cordages qui passent par les poulies, ou qui servent à amarrer quelque chose. On hale sur les garants pour faire joüer le reste du cordage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garant de Palan Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garant de Palan Garant de Palan . Tenir en garant , c'est tenir le bout de la corde qui leve ou traine quelque fardeau, en la tournant deux ou trois tours autour du morceau de bois ou de quelqu'autre chose, au moyen de quoi on la retient plus aisément, & l'on empêche la pesanteur du fardeau de faire trop de force contre celui qui tient la corde. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garanti Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Garanti Garanti , ( Jurispr. ) est celui dont le garant a pris le fait & cause. Voyez l'ordonnance de 1667, titre des garants . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARANTIE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GARANTIE GARANTIE, s. f. ( Jurisprud. ) est l'obligation de faire joüir quelqu'un d'une chose, ou de l'acquitter & indemniser du trouble ou de l'éviction qu'il souffre par rapport à cette même chose ou partie d'icelle. On distingue plusieurs sortes de garanties; savoir 1°. celle de droit, & celle de fait ou conventionnelle. La garantie de droit , qu'on appelle aussi garantie naturelle , est celle qui est dûe de plein droit par les seules raisons de justice & d'équité, quand même elle n'auroit pas été stipulée: telle est la garantie que tout vendeur ou cédant doit à l'acquéreur, pour lui assûrer la propriété de la chose vendue ou cédée. L'action résultant de cette garantie dure trente ans, à compter du jour du trouble. La garantie conventionnelle est celle qui n'a lieu qu'en vertu de la convention On l'appe le aussi garantie de fait , pour la distinguer de la garantie de droit , en ce que celle-ci ne concerne que la propriété de la chose; au lieu que la garantie de fait regarde la solvabilité du débiteur, ou la bonté & la qualité de la chose vendue. Elle est appellée en droit redhibition ou action redhibitoire , parce qu'elle tend à faire résilier le contrat; au lieu que dans la garantie de droit, le contrat subsiste toûjours; du-moins le garanti en demande d'abord l'exécution, & ne demande une indemnité que subsidiairement. Le vendeur n'est tenu de la garantie de fait, qu'autant qu'elle est stipulée, à-moins qu'il ne s'agît de défauts ou vices dont il soit garant par quelque disposition expresse des lois. L'action résultante de la garantie de fait, ne dure que trente ans, à compter du jour du contrat. Voy. au digeste de oedilitio edicto , & au code de oedilitiis action . La garantie est formelle ou simple. On appelle garantie formelle , celle où le garant est obligé de prendre le fait & cause du garanti, même de le faire mettre hors de cause: telle est l'obligation du vendeur appellé en garantie par l'acquéreur. La garantie simple est celle qui oblige seulement à faire raison de l'éviction, soit pour le tout ou pour partie, sans assujettir le garant à prendre le fait & cause du garanti: telle est la garantie que les co-héritiers se doivent les uns aux autres pour la sûreté de leurs lots. Le transport d'une dette, rente, ou autre effet, peut être fait sans garantie , ou avec garantie . Quand la garantie y est stipulée, elle peut l'être de quatre manieres différentes; savoir, 1°. Lorsque le cédant ne promet la garantie que de ses faits & promesses, c'est-à-dire que la chose lui appartient légitimement; clause qui est toûjours sousentendue, mais elle n'emporte point de garantie de la solvabilité du débiteur. 2°. Le cédant peut promettre la garantie de tous troubles & empêchemens quelconques, ce qui emporte tout-à-la-fois une garantie de la propriété de la chose, & de la solvabilité du débiteur au tems du transport. 3°. Si le cédant a promis de garantir, fournir & faire valoir, il est tenu de l'insolvabilité du debiteur, quand même elle. seroit survenue depuis le transport, à moins qu'il ne s'agisse d'une dette mobiliaire à une fois payer; car en ce cas il suffit que le débiteur fût solvable au tems du transport: c'est au cessionnaire à s'imputer de n'avoir pas alors exigé son payement. Enfin si le cédant promet de garantir, fournir & faire valoir, même payer après un simple commandement, cette clause décharge le cessionnaire de faire une plus ample discussion de la personne & biens du debiteur. Dans tous les contrats, chacun est garant de son dol & des sautes grossieres qui approchent du dol. Pour ce qui est des fautes appellées moindres & très-legeres , dans quelques contrats on est tenu des unes & des autres; dans d'autres on n'est pas tenu des fautes legeres. Voyez Dol & Faute . Pour ce qui est des cas fortuits & des forces majeures, personne en général n'en est tenu, à-moins que cela ne soit expressément stipulé par le contrat. On n'est pas non plus garant des faits du prince, à-moins que cela ne soit stipulé. Voyez le titre de evictionibus , au digeste; & le titre des garants, de l'ordonnance de 1607 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garantie de Fief Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garantie de Fief Garantie de Fief , est dans quelques coûtumes l'obligation où est l'aîné d'acquitter ses puînés de la foi & hommage, pour la portion qu'ils tiennent du fief dont il a le surplus comme aîné. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garantie Author=Bourgelat Normalized Classification=Vente des chevaux Part of Speech=NA Garantie Garantie , en ce qui concerne la vente des chevaux . Il faut distinguer, suivant l'article précédent, la garantie de droit , la garantie conventionnelle , & la garantie d'usage . La garantie de droit ne s'exprime point; elle a lieu constamment, & quelles que puissent être les circonstances de la vente. Tout homme qui vend un cheval est nécessairement astreint à répondre que l'animal lui appartient; c'est une loi immuable & de rigueur, à laquelle il ne sauroit se soustraire; parce qu'on ne peut, sous aucun prétexte & sans blesser les bonnes moeurs, transmettre une propriété que l'on n'a pas. La garantie conventionnelle s'étend à tous les engagemens pris par le vendeur; il en est indispensablement tenu. Enfin la garantie d'usage, ut mos regionis postulabat , est relative aux vices déclarés par les maximes usitées & reçûes, être de nature à annuller la vente. Ces vices ont été restreints parmi nous à la pousse, à la morve & à la courbature. Voyez les coûtumes de Sens, art. 160; de Bar, art. 205; d'Auxerre, art. 151; de Bourbonnois, art. 87 , &c. Dès que le cheval est atteint de l'une de ces maladies, l'acheteur est en droit de contraindre le vendeur à reprendre l'animal, & à lui restituer le prix donné: redhibere, est facere ut rursus habeat venditor quod habuerit . On ne doit point être étonné que la facilité de dérober & de pallier pour quelque tems, & au moyen de certains médicamens, les signes caractéristiques de l'espece de courbature, qu'un flux considérable d'humeurs par les nasaux décele, ainsi que les symptomes évidens de la pousse & de la morve, qui d'ailleurs ont été regardées comme des maladies incurables, ait suggéré une disposition qui obvie aux fraudes que cette même facilité peut occasionner; mais il est surprenant que la Jurisprudence varie & differe sur la durée de l'action redhibitoire, admissible dans ces trois cas. Il est des pays où l'acheteur doit se pour voir dans les huit jours, à compter de celui de la délivrance du cheval. Voyez la coûtume de Bourbonn. art. 87; Coquille, instit. au droit franç. l'ancienne ordonnance de la police de Paris , &c. Il en est d'autres où l'usage est d'en accorder quarante, après lesquels le vendeur est à couvert & à l'abri de toutes recherches. Voyez la coûtume de Bar, article 205. Voyez les commentaires de Basnage, sur la coûtume de Normandie, de l'acte en garantie , &c. Quoique la fixation du plus court de ces délais soit autorisée sur le risque des évenemens qui peuvent arriver dans l'espace & dans la circonstance d'un terme plus long, il est certain qu'elle n'en est ni plus juste, ni moins illusoire. En premier lieu, la condition de l'acheteur est assez favorable pour qu'on ne doive pas craindre de prendre tous les partis & toutes les voies capables de réprimer dans le vendeur des infidélités qu'il commet, encore avec plus de hardiesse, lorsque la loi même qui la condamne ne lui interdit pas toutes les exceptions captieuses qu'il peut employer pour en abuser. S'il est vrai, en second lieu, qu'il soit possible de faire disparoître, au-delà des huit jours prescrits & pendant le cours d'un mois entier, les symptomes principaux & univoques des maladies dont il s'agit, par le secours de quelques remedes que je n'indiquerai point ici, parce qu'il seroit dangereux de mettre de pareilles armes dans des mains qui ne sont que trop disposées à s'en servir, il faut nécessairement convenir que les coûtumes & les ordonnances qui prescrivent l'action en redhibition, quand elle n'est pas intentée dans la huitaine, non-seulement ne remplissent pas l'objet qu'elles semblent & qu'elles doivent s'être d'abord proposé, mais favorisent en quelque maniere la mauvaise foi du vendeur. Il seroit donc à souhaiter que tous les tribunaux, auxquels de semblables contestations sont déférées, prononçassent uniformément & d'après un principe généralement établi pour l'entiere sûreté des acheteurs, tel que celui qui est suivi rigoureusement au parlement de Roüen. Voyez Basnage. Persuadé au surplus de l'inutilité de nos réflexions sur toutes les ruses & sur tous les artifices pratiqués par la plus grande partie des marchands de chevaux, nous ne nous y livrerons point. Eh, comment espérer de mettre un frein au dol, dès que des personnes de tous les états ne rougissent pas de les imiter, & sur-tout lorsqu'une portion considérable de la noblesse même, par une sorte d'exception des regles de la probité & des sentimens d'honneur, qui néanmoins sont, après ses titres, ce qu'elle vante ordinairement le plus, dispute publiquement & sans remords à des ames viles & mercenaires, la gloire ou plûtôt la honte d'avoir porté aussi loin qu'elles l'art & la science funeste de la fraude & du mensonge? A l'aspect de tous les détours odieux, qu'il nous seroit aisé de dévoiler, & qui seroient peut-être moins communs si, conformément à la police observée par les Romains & à l'édit fameux des édiles, tout vendeur étoit obligé de déclarer les défauts & les imperfections de l'animal qu'il vend, & n'avoit pas même la faculté de s'excuser sur son ignorance, le philosophe ne peut que s'écrier avec Montagne: La vertu assignée aux affaires de ce monde est une vertu à plusieurs plis, encoigneures & coudes, pour s'accommoder à l'humaine foiblesse . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARATRONIUS LAPIS, ou GAGATRONIUS Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GARATRONIUS LAPIS, ou GAGATRONIUS GARATRONIUS LAPIS , ou GAGATRONIUS , ( Hist. nat. ) nom donné par quelques auteurs à une espece d'astroïte. Voyez Astroïte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARBELAGE Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GARBELAGE GARBELAGE, s. m. ( Comm. ) terme usité à Marseille, & qui signifie une espece de petit droit de quatorze sols par quintal, qui se compte parmi les frais qu'on fait pour les marchandises envoyées dans les échelles du Levant. Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARBIN Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GARBIN GARBIN, s. m. ( Marine. ) on donne ce nom sur la Méditerranée au vent de sud-oüest. Voy . Vent . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARCETTES Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GARCETTES GARCETTES, s. f. plur. ( Marine. ) ce sont des cordes faites avec le fil de carret des vieux cordages; on en fait de différentes grosseurs, suivant les usages à quoi l'on les destine. Les garcettes de fourrure de cables sont celles qui servent à fauver les cables. Maitresse garcette , est celle qui étant au milieu de la vergue, sert à ferler le tond de la voile. Garcettes de ris , ce sont celles qui servent à prendre les ris dans les voiles quand il y a trop de vent; ces cordes sont plus grosses par le milieu, & vont en diminuant par les bouts. Garcettes de tournevire , elles servent à joindre le cable au cordage appellé tournevire , quand on leve l'ancre. Celles-ci sont d'une égale grosseur par-tout. Garcettes de voiles , ce sont celles qui servent à plier les voiles; elles ont une boucle à un bout, & vont en amincissant vers l'autre. Garcettes de bonnettes , ce sont de petites cordes qui amarrent les bonnettes à la voile. Serre la garcette ou bonne garcette , terme de commandement, pour dire de bien faire joindre la tournevire au cable lorsqu'on leve l'ancre. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARCIS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARCIS GARCIS, ( Géog. ) petite ville d'Afrique assise sur un roc, près la riviere de Malacan dans la province de Cutz, au royaume de Fez. Elle est dans les cartes de la Lybie de Ptolomée, à 11 d . de long . & à 32 d . 40. de lat . sous le nom de Galafa . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARÇON Author=unknown Normalized Classification=Grammaire | Commerce Part of Speech=s.m. GARÇON GARÇON, s. m. ( Gramm. & Comm. ) enfant mâle à qui cette dénomination demeure tant qu'il reste dans le célibat; ainsi il y a des garçons de tout âge. On appelle chez les Marchands garçons de boutique , ou garçons de magasin , ou simplement garçons , des apprentis qui ayant fait le tems de leur apprentissage servent encore chez les Marchands le tems marqué par les statuts de chaque corps, avant que de pouvoir être reçûs à la maîtrise & de faire le commerce pour eux-mêmes. Il y a des apprentis qui, quoique reçûs maîtres, se fixent à la qualité de garçons , & qui par leur intelligence sont très-utiles aux maîtres qui les employent & qui les gagent, au lieu que les apprentis payent à leurs maîtres. Ces garçons aident à ranger, à plier, à remuer & à vendre les marchandises dans la boutique ou dans le magasin; ils les portent même en ville lorsqu'il en est besoin. Ce sont eux qui vont recevoir & faire accepter les lettres & billets de change, qui tiennent les livres, en tirent des extraits pour dresser les mémoires & parties des débiteurs, &c. Les Banquiers donnent toûjours à ceux qui les aident dans leur commerce le nom de commis , & jamais celui de garçons . Les Marchands donnent quelquefois à leurs garçons le nom de facteurs & commis , mais improprement. Garçons , se dit aussi des compagnons ou apprentis qui travaillent chez les artisans; un garçon menuisier, un garçon perruquier, &c. Dict. de Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garçons de bord Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garçons de bord Garçons de bord , ( Marine. ) ce sont de jeunes garçons au-dessous de dix-huit ans, mais plus grands & plus âgés que les mousses, qui servent sur les vaisseaux & commencent de travailler à la manoeuvre; les garçons de bord qui ont servi sur les marchands ou les pêcheurs, sont réputés matelots à l'âge de dix-huit ans, & les maîtres ne peuvent plus les retenir comme garçons de bord: les garçons de bord ne gagnent que peu au-dessus des mousses. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garçons de pelle Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garçons de pelle Garçons de pelle , sont des manouvriers ou gagnes-deniers qui se tiennent sur le port de la Greve ou autres ports de Paris où arrivent les bateaux de charbon. Ce sont eux qui avec de grandes pelles de bois ferrées remplissent les mines & minots dans lesquels on mesure & distribue cette marchandise. Voyez Gagne-Denier . Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARD (pont-du) Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA GARD GARD ( pont-du ) Architect. Voyez Pont-du-Gard . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. GARDE * GARDE, s. f. ( Grammaire. ) dans un sens général, signifie défense ou conservation de quelque chose; action par laquelle on observe ce qui se passe, afin de n'être point surpris; soin, précaution, attention que l'on apporte pour empêcher que quelque chose n'arrive contre notre intention ou notre volonté. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde ou Gardien Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m. Garde Garde ou Gardien , s. m. ( Hist. ecclés. ) nom qu'on trouve dans les auteurs ecclésiastiques appliqué à différentes personnes chargées de diverses fonctions. 1°. On appelloit gardes ou gardiens des églises, custodes ecclesiarum , certaines personnes specialement chargées du soin & des réparations des églises. Bingham croit que c'étoient les mêmes officiers, qu'on nommoit communément portiers , ce qui paroît revenir à ce que nous appellons marguilliers ou fabriciens . C'étoient des économes ou des administrateurs qui veilloient à la régie des biens temporels de l'Eglise. Le même auteur remarque dans un autre endroit que ces gardiens recevoient non-seulement les revenus des églises, mais encore en gardoient les thrésors, les vases, l'argenterie; qu'ils n'étoient pas tirés du clergé, mais d'entre les principaux du peuple, & quelquefois du corps des magistrats. On a une lettre de S. Augustin à l'église d'Hippone, intitulée clero, senioribus & universae plebi; & M. Laubepine dans ses notes sur Optat, fait aussi mention de ces anciens ou gardiens des églises. Peut-être étoit-ce en Afrique la même charge que celle des défenseurs en Orient & en Europe. Voyez Défenseurs . 2°. On nommoit gardes ou gardiens des saints lieux, custodes sanctorum locorum , ceux à qui l'on avoit confié la garde des lieux sanctifiés par la présence du Sauveur, comme le lieu où il étoit né en Bethléem, le Calvaire, la montagne des Oliviers, le saint Sépulchre, &c. Cet emploi n'étoit pas toûjours confié à des ecclésiastiques; mais ceux qui l'exerçoient joüissoient des mêmes priviléges que les clercs, & étoient exemts de tributs, d'impositions, & des autres charges publiques, comme il paroît par le code théodosien, lib. XVI. tit. xj. leg. 26 . Ce sont aujourd'hui les Franciscains ou Cordeliers qui ont la garde du saint Sépulcre, sous le bon plaisir du grand-seigneur. Bingham, orig. eccles. tom. I. lib. II. cap. xjx. §. 19. & tom. II. lib. III. cap. xiij. §. 2 . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=NA Garde Garde , ( la ) Hist. anc . elle se faisoit jour & nuit chez les Romains; & les vingt-quatre heures se divisoient en huit gardes . Premierement, le consul étoit gardé par sa cohorte ordinaire; puis chaque corps posoit la garde autour de son logement: en outre on posoit trois gardes , l'une au logis du questeur, & les deux autres au logis des deux lieutenans du consul. Les tergiducteurs ou chefs de la queue conduisoient les gardes , lesquelles tiroient au sort à qui commenceroit: les premiers à qui étoit échû de commencer, étoient menés au tribun en exercice, lequel distribuoit l'ordre de la garde , & donnoit outre cela à chaque garde une petite tablette avec une marque; toutes les gardes ensuite se posoient de la même façon. Les rondes se faisoient par la cavalerie, dont le chef en ordonnoit quatre pour le jour & quatre pour la nuit. Les premiers alloient prendre l'ordre du tribun, qui leur donnoit par écrit quelle garde ils devoient visiter. Le changement & visite des gardes se faisoit huit fois en vingt-quatre heures, au son de la trompette; & c'étoit le premier centurion des Triaires qui avoit charge de les faire marcher au besoin. Quand la trompette les avertissoit, les 4 mentionnés tiroient au sort, & celui à qui il échéoit de commercer prenoit avec lui des camarades pour l'accompagner. Si en faisant la ronde, il trouvoit les gardes en bon état, il retiroit seulement la marque que le tribun avoit donnée, & la lui rapportoit le matin: mais s'il trouvoit la garde abandonnée, quelques sentinelles endormies, ou autre desordre, il en faisoit son rapport au tribun, avec ses témoins; & aussi tôt on assembloit le conseil pour vérifier la faute, & chatier le coupable selon qu'il le méritoit. Les vélites faisoient la garde autour du retranchement, par le dehors, par le dedans, & aux portes. L'on ne trouve point dans les auteurs le nombre des corps-de-garde des Romains; la maniere dont ils posoient leurs sentinelles autour du camp; & combien on avoit de journées franches de la garde . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde prétorienne Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde prétorienne Garde prétorienne , voyez Cohorte prétorienne au mot Cohorte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Terme de guerre Part of Speech=NA Garde Garde , en terme de Guerre , est proprement un certain nombre de soldats d'infanterie & de cavalerie, destinés à mettre à couvert une armée ou une place des entreprises de l'ennemi. Il y a plusieurs especes de gardes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde avancée Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde avancée Garde avancée , est un corps de cavaliers ou de fantassins qui marchent à la tête d'une armée, pour avertir de l'approche de l'ennemi. Quand une armée est en marche, les grandes gardes qui devoient être de service ce jour-là, servent de garde avancée à l'armée. On donne le nom de garde avancée à un détachement de quinze ou vingt cavaliers, commandés par un lieutenant, portés au delà de la grande garde du camp. Chambers . Les officiers généraux de l'armée ont chacun une garde particuliere pour leur faire honneur & veiller à leur sûreté dans les différens logemens qu'ils occupent. La garde des maréchaux de France est de cinquante hommes avec un drapeau; celle des lieutenans généraux, de trente; des maréchaux de camp, de quinze; & celle des brigadiers, de dix. Voyez le tome III. du code militaire de M. Briquet, pag. 7. & suiv. Voyez aussi Garde d'Honneur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes du Camp Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes du Camp Gardes du Camp , c'est dans l'infanterie une garde de quinze hommes ou environ par bataillon, qui se porte à-peu-près à soixante pas ou environ en-avant du centre de chaque bataillon de la premiere ligne, & à même distance en-arriere du centre des bataillons de la seconde. Dans la cavalerie, il y a une garde à pié par régiment, laquelle se tient à la tête du camp. Des grands-gardes ou gardes ordinaires qui forment l'enceinte du camp . Ces gardes sont d'infanterie & de cavalerie. Les gardes d'infanterie se placent toûjours dans quelque lieu défendu par une espece de fortification, soit naturelle ou artificielle. On regarde comme fortification naturelle une église, un cimetiere, un jardin fermé de tous côtés, un endroit entouré de haies fortes & difficiles à percer, &c. & on regarde comme fortifications artificielles celles dans lesquelles il est besoin de quelque précaution pour les former, comme un abbatis d'arbres dont on se fait une espece d'enceinte, un fossé dont la terre sert de parapet, &c. Tous les hommes qui composent ces gardes doivent être absolument dans leur poste, & n'en sortir qu'avec la permission du commandant. Les fusils doivent être placés de maniere que tous les soldats puissent les prendre ensemble & commodément; pour cet effet, on le place dans le lieu que chaque homme doit occuper en cas d'attaque. Ces gardes ont des sentinelles devant elles ou sur le retranchement, ou de tous les côtés par où les ennemis peuvent pénétrer; elles avertissent aussi-tôt qu'elles apperçoivent quelque chose dans la campagne: alors tout le monde prend les armes pour être en état de combattre en moins de tems qu'il n'en faut à l'ennemi, depuis sa découverte par les sentinelles, pour arriver au poste occupé par la garde . Les gardes doivent faire ferme, & tenir dans l'endroit où elles sont placées, jusqu'à ce qu'elles soient secourues du camp. C'est pour favoriser cette défense, qu'on les place dans les villages & autres lieux fourrés, où il est aisé, avec quelque connoissance de la fortification, de se mettre en état de soûtenir les attaques des partis qui veulent les enlever. Des gardes de cavalerie . Comme les gardes de cavalerie peuvent se mouvoir avec plus de vitesse que celles de l'infanterie, elles sont ordinairement placées dans les plaines, ou dans d'autres endroits découverts; elles ont des vedettes placées encore en-avant, qui découvrent au loin tous les objets de la campagne. On appelle vedettes dans le service à cheval ce que l'on nomme sentinelle dans le service à pié. Voyez Vedette . Comme les vedettes sont placées d'autant plus avantageusement qu'elles découvrent plus de terrein devant elles, on les avance quelquefois à une assez grande distance de la troupe; & on les place sur les lieux les plus avantageux pour cette découverte, comme les hauteurs à portée de la grande garde . Pour la sûreté des vedettes, & pour que la garde soit informée promptement de ce qu'elles peuvent découvrir, on place à une petite distance de ces vedettes, c'est-à-dire entre elle & la garde , un corps d'environ huit cavaliers; on le nomme petit corps-de-garde; il est commandé par un cornette ou autre officier alternativement. Ce corps doit être toûjours à cheval, & très-attentif aux vedettes; il doit par conséquent être à-portée de les voir; & il doit aussi être vû de la grande garde: mais il n'est pas nécessaire qu'il découvre lui-même le terrein, comme les vedettes; il est seulement destiné à les soûtenir & à veiller à ce qu'elles fassent leur devoir: aussi arrive-t-il quelquefois que les vedettes sont sur le sommet d'une hauteur, & que le petit corps-de-garde est derriere à une distance médiocre, & caché par la hauteur, pendant que la grande garde est encore dans un lieu plus bas, d'où elle découvre seulement le petit corps-de-garde . On éloigne aussi les vedettes les unes des autres, pour qu'elles soient à-portée de découvrir un plus grand espace de terrein, sans qu'il soit besoin de trop avancer les troupes de la garde , & par-là de les exposer à être enlevées. Lorsque les vedettes sont dans des endroits dangereux, il les faut doubler, c'est-à-dire en mettre deux ensemble ou dans le même lieu. S'il paroît des ennemis, ou quelque corps de troupes que ce puisse être, les vedettes en avertissent; & suivant que le commandant de la troupe le juge à propos, ou suivant les ordres qu'il a, il fait rester les vedettes à leur poste, & il ordonne au corps-de garde d'avancer pour les soûtenir; lui-même marche avec sa troupe pour joindre ce corps, & s'opposer ensemble aux ennemis; ou bien le commandant fait replier ses vedettes sur les corps-de-garde; celui-ci sur sa troupe; & cette troupe sur quelqu'autre poste, ou enfin sur le camp, s'il le juge nécessaire. Les commandans de ces gardes doivent prendre les mêmes précautions par rapport à leurs troupes, que les généraux d'armée par rapport à leur armée; ce sont les mêmes principes appliqués à un grand objet ou à un petit; c'est pourquoi ils doivent avoir pour premieres regles de disposer les vedettes de maniere qu'après qu'elles ont averti de ce qu'elles ont découvert, elles ayent le tems de former leur troupe, & de se mettre en état de combattre avant l'arrivée de l'ennemi. Le commandant d'une garde ordinaire, ou en général de troupes détachées, à la guerre, peut faire mettre pié à terre à un rang de sa troupe, pour reposer les hommes & faire manger les chevaux, suivant le tems qu'il juge nécessaire à une troupe ennemie pour qu'elle approche de lui, depuis le moment de sa découverte par les vedettes: mais il faut toûjours que chaque cheval soit prêt à être bridé dans un instant, & que le cavalier soit à-portée pour monter dessus au premier ordre. Il y a des circonstances où les commandans peuvent faire mettre pié à terre aux deux rangs que forment leur troupe; mais ce n'est qu'après s'être bien assûré que l'ennemi sera découvert dans un assez grand éloignement, pour qu'il soit plus de tems à parcourir l'espace découvert par les vedettes, qu'il n'en faut pour faire monter toute la troupe à cheval: c'est pourquoi la maniere de faire la guerre à l'ennemi qu'on combat, doit faire prendre à cet égard des mesures au commandant pour n'être point surpris. Ainsi si l'on a affaire à un ennemi qui manoeuvre avec une grande vîtesse comme les Turcs, les Tartares, &c. il faut, pour n'en être point surpris, prendre plus de précautions que contre les Allemands ou les Hollandois, quoique les troupes de ces deux nations soient supérieures à celles des Turcs. Il suit des observations qu'on vient de voir, que moins une troupe ou ses vedettes découvrent de terrein, plus elle doit redoubler son attention, pour être en état d'être formée le plus promptement qu'il est possible; & qu'au contraire, lorsqu'elle découvre un espace de terrein assez grand pour avoir le tems de se former avant que l'ennemi puisse le parcourir, le commandant peut profiter de cette position pour donner plus de repos aux hommes & aux chevaux. Si les sentinelles de l'infanterie sont placées ordinairement dans les lieux moins favorables que les vedettes de la cavalerie, pour découvrir beaucoup de terrein; il faut aussi moins de tems à des gens à pié pour prendre un fusil & se mettre en défense, qu'il n'en faut à des cavaliers qui sont pié à terre, pour brider leurs chevaux, monter dessus, & se former en ordre de bataille. Essai sur la castramétation . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde de fatigue Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Garde de fatigue Garde de fatigue , ( Art milit. ) c'est celle qui est commandée pour conduire les travailleurs, les fourrageurs; mener les soldats au bois, à la paille, & autres choses semblables. Pour ces sortes de gardes , que les troupes font successivement, le tour n'en passe jamais: soit que l'officier commandé soit absent ou de service ailleurs, il doit toûjours le reprendre après son retour au camp. Ordonnance du 17 Février 1753 . Les gardes de fatigue sont aussi appellées gardes de corvées . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde de Piquet Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Garde de Piquet Garde de Piquet , ( Art milit. ) c'est celle qui est faite par les officiers & les soldats de piquet. Voy. Piquet . Celui dont le tour vient de marcher à un détachement armé, pendant qu'il est de piquet, le quittera & sera censé l'avoir fait, pourvû que le détachement passe les gardes ordinaires; & à l'instant qu'il sera commandé, on le remplacera par celui de ses camarades qui le suivra dans le tour du piquet. Ordonn. du 17 Février 1753 . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde d'honneur Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Garde d'honneur Garde d'honneur , ( Art militaire. ) c'est à la guerre la garde accordée aux officiers généraux & à plusieurs autres officiers relativement à leur grade militaire. Celui dont le tour viendra de marcher à un détachement armé, pendant qu'il sera à une garde d'honneur , demeurera à cette garde. Ordonn. du 17 Février 1753 . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-du-Corps Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne | Art militaire Part of Speech=NA Gardes-du-Corps Gardes-du-Corps , ( Hist. mod. & Art. milit. ) c'est en France un corps de cavalerie destiné à la garde du Roi. Les gardes-du-corps ont le premier rang dans la gendarmerie de France, par une ordonnance de Louis XIV. donnée en 1667. Ils sont divisés en quatre compagnies, dont une qui étoit autrefois écossoise, & qui en porte encore le nom, est toûjours la premiere; les trois autres prennent rang ensemble suivant l'ancienneté de leurs capitaines. Chaque compagnie est divisée en six brigades; ce qui forme, à quelques différences près, comme des compagnies dans un régiment. C'est le Roi qui choisit lui-même ses gardes . Ils sont habillés de bleu avec des galons d'argent, & une bandouliere, qui est la marque de garde-du-corps ou de garde-du-Roi . Les capitaines des gardes-du-corps , ainsi que ceux des gendarmes, chevau-legers de la garde, & mousquetaires, sont premiers mestres-de-camp de cavalerie, c'est-à-dire qu'ils ont rang avant les autres mestres-de-camp, & qu'ils les commandent indépendamment de leur ancienneté dans ce grade. Les lieutenans & les enseignes ont rang de mestres-de-camp, & les exempts ont rang de capitaines de cavalerie. On appelle exempts dans les gardes-du-corps des officiers qui sont au-dessous des enseignes. Ce mot vient de ce qu'originairement ils étoient gardes-du-corps exempts de faire faction. Les simples gardes-du-corps , gendarmes, chevau-legers de la garde , & mousquetaires, ont d'abord rang de lieutenant de cavalerie: lorsqu'ils ont quinze ans de service, ils obtiennent la commission de capitaine de cavalerie * . Les lieutenans des gardes-du-corps n'ont pas coûtume de monter au grade de capitaine de leurs compagnies; mais ils parviennent à celui de maréchal-decamp & de lieutenant géneral à leur rang, sans être obligés de quitter leurs emplois. Les enseignes montent par ancienneté à la lieutenance. Pour remplir les places d'enseigne, Louis XIV. prenoit alternativement un exempt de la compagnie & un colonel de cavalerie. Les places d'exempt sont données alternativement à un brigadier de la compagnie & à un capitaine de cavalerie: pour celles de brigadier & sous-brigadier, elles sont toûjours données à de simples gardes-du-corps . Les étendarts ne sont point portés par les enseignes, mais par d'anciens gardes , à qui on donne le nom de porte-étendarts , & qui ont une paye un peu plus forte que les autres. Il en est de même pour les étendarts de toutes les autres compagnies de la gendarmerie. Comme il y a dans toutes les compagnies des gardes-du-corps six brigadiers & six étendarts, & que chaque compagnie ne forme que deux escadrons, il y a trois étendarts par escadron, & trois brigades. Dans la compagnie écossoise, il y a vingt-quatre gardes qu'on nomme gardes de la manche; lorsque Sa Majesté est à l'église, il y en a toûjours deux à ses côtés qui ont des halebardes, & qui sont revêtus d'une cote-d'armes à l'antique. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes à pié de la maison du roi Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes à pié Gardes à pié de la maison du roi . Sous ce titre sont compris les cent-suisses, les gardes-françoises, & les gardes-suisses. Les cent-suisses sont une compagnie de cent-hommes divisée en six escoüades, sous dix huit officiers; ils portoient autrefois la livrée; mais ils ont depuis quelques années un habit bleu avec des galons d'or, & un ceinturon qu'ils portent par-dessus leur habit; ils sont armés, outre leur épée, d'une pertuisane ou hallebarde: dans les solennités, ils ont conservé l'habit antique, savoir le pourpoint à manches tailladées, la fraise, le chapeau de velours noir orné d'une plume blanche, les hauts-de-chausses très-amples, & les souliers garnis de noeuds de ruban; ils sont de la création de Louis XI. en 1481, approchent de très-près de la personne du roi, marchent à la portiere de son carosse: ils doivent être suisses naturels, & joüissent en France de plusieurs priviléges. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-françoises Author= Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes-françoises Gardes-françoises ; c'est un régiment d'infanterie créé par Charles IX. en 1563, composé de trente-trois compagnies divisées en six bataillons. Tout le corps est commandé par un colonel; chaque compagnie par un capitaine, qui a sous lui un lieutenant, un sous-lieutenant, un enseigne, & quatre sergens, à l'exception de la colonelle, où l'on compte trois lieutenans, autant de sous-lieutenans, deux enseignes, six sergens: chaque bataillon a outre cela son commandant, son major, & ses aides-majors. Les gardes-françoises tiennent toûjours la droite sur les gardes-suisses; & leurs officiers portent le hausse-col * Cette derniere distinction ne leur est accordée que depuis quelques années. doré; au lieu que ceux des gardes-suisses le portent d'argent. Ils ont aussi leur juge particulier, qu'on nomme le prevôt des bandes . Leur uniforme est bleu, paremens rouges, avec des agrémens blancs, leurs drapeaux bleus traversés d'une croix blanche & parsemés de fleurs-de-lis d'or. Plusieurs compagnies montent la garde chez le roi, & sont relevées par autant d'autres au bout de quatre jours. Ils gardent les bâtimens extérieurs du louvre, les cours & avant cours, où ils se rangent en haie, lorsque le roi ou la reine doivent sortir; ils restent dehors jusqu'à la rentrée du roi ou de la reine; les tambours battent au champ pendant leur passage. Ils appellent pour les enfans de France, & ils rendent le même honneur à leur colonel. On les employe aussi à différentes gardes dans Paris, où ils sont logés dans les fauxbourgs, & ont divers corp-de-garde; & lorsque le roi n'est pas à Versailles, ils fournissent toûjours un certain nombre d'hommes pour la garde de la reine & des enfans de France. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-Suisses Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes-Suisses Gardes-Suisses , régiment d'infanterie composé de douze compagnies en quatre bataillons. Leur uniforme est rouge avec des paremens bleus & des agrémens blancs. Ce corps a ses officiers de justice; mais la compagnie colonelle a son juge particulier, qui ne dépend que du colonel général. Les gardes-suisses montent la garde chez le roi, conjointement avec les gardes-françoises. Il faut remarquer ici que pour désigner les officiers de ces différens corps, on dit capitaine des gardes-du-corps , pour les commandans des quatre compagnies des gardes-du-corps; capitaine aux gardes , pour les commandans de celles des gardes-françoises; & pour les suisses, capitaine aux gardes-suisses . Capitaine des gardes, exempt des gardes, brigadier des gardes, colonel des gardes, capitaine aux gardes; Voyez Capitaine , Exempt , Brigadier , Colonel , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde du dedans, & Garde du dehors Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde du dedans, & Garde du dehors Garde du dedans, & Garde du dehors ; ce sont deux parties de la garde du roi, ainsi nommées l'une & l'autre du poste qu'elles occupent, & des lieux où elles servent. La garde du dedans est composée des gardes-du-corps, dont quelques uns sont gardes de la manche, des cent-suisses, des gardes de la porte, & des gardes du grand-prevôt de l'hôtel. La garde du dehors est de gendarmes, chevau-legers, mousquetaires, deux régimens des garces , l'un françois & l'autre suisse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes de la Manche Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes de la Manche Gardes de la Manche ; ce sont vingt-quatre gentilshommes, gardes du corps, de la compagnie écossoise, qui servent toujours au côté du Roi. On y a joint le premier homme d'armes qui fait le vingt-cinquieme. Ils ne servent que deux-à-deux, sinon dans les jours de cérémonie où ils sont six. Leur service est d'un mois. Ils ont sur le just-au-corps un corcelet ou hoqueton à fond blanc brodé d'or, avec la devise du Roi. Ils sont armés de l'épée qu'ils ont au côté, & d'une pertuisanne dont le bois est semé de clous d'or, & le haut frangé: ils l'ont à la main droite. Ils se tiennent toûjours debout, excepté à l'élévation. Aux funérailles des rois, ils sont debout aux côtés du lit. Ils déposent le corps dans le cercueil, & le cercueil au lieu qui lui est destiné. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes de la Porte ou des Portes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes de la Porte Gardes de la Porte ou des Portes , hommes d'armes qui veillent jour & nuit aux portes intérieures du palais où est le Roi. Il y en a cinquante. Ils sont armés de l'épée, de la carabine, avec la bandouliere chargée de deux cles en broderie, & just-au-corps bleu comme les gardes du corps, mais les galons & les ornemens différens. Ils ont un chef & quatre lieutenans qui les commandent; on appelle le chef capitaine des portes . Ils servent par quartier. Ils se placent aux portes du dedans du logis où est le Roi: le matin à six heures, ils relevent les gardes du corps, & n'en sont relevés que le soir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes de la Prevôté de l'Hôtel Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes de la Prevôté de l'Hôtel Gardes de la Prevôté de l'Hôtel , hommes d'armes qui font exécuter la police où demeure le Roi. Ils sont commandés par le prevôt de l'hôtel, qui est aussi grand-prevôt de France, & par quatre lieutenans qui servent par quartier. Quand le Roi marche en carrosse à deux chevaux, ils précedent les cent-suisses qui sont devant le carrosse. Ils arrêtent les malfaiteurs qui s'introduisent dans les lieux qu'habite le Roi. Ils portent le hoqueton incarnat-bleu-blanc, avec broderie, & la devise d'Henri IV. ou la massue, & ces mots, erit hoec quoque cognita monstris . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde ou Quart Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garde Garde ou Quart , ( Marine. ) Voyez Quart . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-corps Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gardes-corps Gardes-corps , ( Marine. ) ce sont des nattes ou des tissus que l'on fait avec des cordages tressés, & qu'on met sur le haut des vaisseaux de guerre de chaque côté pour couvrir les soldats & les garantir des coups de mousquet de l'ennemi. Ces gardes-corps sont hauts de deux piés & demi, & ont quatre à cinq pouces d'épaisseur; ils sont soûtenus par des épontilles & recouverts de pavois par-dessus. On les fait ordinairement de gros cables nattés; ils ne descendent pas jusque sur le pont, afin de laisser l'espace pour tirer le mousquet. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-côtes Author=Tressan Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes-côtes Gardes-côtes . Ces gardes sont composés des communes des villages les plus proches de la mer; les habitans des villages destinés à la garde-côte ne tirent point à la milice. Les gardes-côtes sont distribués par capitaineries. Le commandant de la province leur fait donner des armes & des munitions en tems de guerre; le major de la capitainerie répond des armes, & les fait reporter dans les arsenaux à la paix. Les capitaineries & la nomination des officiers dépendent du ministre de la Marine; les capitaines & les principaux officiers sont toûjours choisis parmi les gens de condition de la province qui servent ou qui ont servi. Par des arrangemens particuliers faits sous les ordres de l'intendant de la province, ces troupes ont des gratifications en tems de guerre, & ont presque toutes des uniformes de serge ou de grosse toile avec des paremens de différentes couleurs; elles ont aussi des drapeaux. Les gardes-côtes sont très-utiles pour épargner le service aux troupes du Roi; & lorsqu'une capitainerie est bien tenue, comme celles du Calaisis, de Verton, du Crotoy, & de Cayeux, qui ont fort bien servi pendant la derniere guerre, elles sont suffisantes pour la défense de la côte, dont elles connoissent les plages & les points où l'ennemi pourroit aborder pour faire un coup-de-main. Cependant nous croyons que l'ordre établi dans le Boulonnois, est meilleur que celui des capitaineries gardes-côtes . Le Boulonnois en tout tems a cinq régimens d'infanterie & trois de cavalerie, dont les colonels & les officiers sont brevetés par le Roi. Ces troupes sont sous les ordres du ministre de la guerre. Chaque village ou hameau fournit un nombre de cavaliers & de soldats, proportionné aux fermes & aux habitans qui le composent. En tems de guerre on choisit dans ce nombre trois ou quatre bataillons, qui sont armés, équipés & entretenus par le Roi, comme les autres régimens d'infanterie. Ces régimens ont leur inspecteur particulier; ils servent en garnison à Boulogne & dans les places maritimes voisines, & prennent rang dans l'infanterie du jour de leur création. On assemble à Boulogne deux compagnies de cavalerie, armées, montées, équipées & payées comme le reste de la cavalerie. Ces compagnies servent à envoyer des détachemens à la découverte le long de l'Estran; & en cas d'alerte elles fournissent des ordonnances pour envoyer en différens bourgs & villages du Boulonnois, pour commander aux régimens de s'assembler & de marcher aux rendez-vous généraux, tant au-delà qu'en-deçà de la Lyane. Cette opération est d'une exécution facile & prompte; & en douze heures l'officier général qui commande en Boulonnois, peut être sûr d'avoir 7 à 8 mille hommes sous les armes. L'ordre établi en Boulonnois est très-bon, n'est point à charge au pays: l'esprit militaire s'y conserve. Cette province, la plus voisine de l'Angleterre, peut se garder par ses propres forces, sans que la culture des terres en souffre. Pendant la derniere guerre les troupes enrégimentées étoient fort belles, ont bien servi, & étoient très-bien composées en officiers. Nous avons plusieurs provinces maritimes où le même ordre seroit très utile à établir. En tems de guerre tous les postes des gardes-côtes ont un signal qui peut être apperçû des postes de droite & de gauche. Ces signaux s'exécutent pendant le jour avec des drapeaux & des flammes, telles que celles des galeres; pendant la nuit avec des fanaux & des feux. Dans le Boulonnois, le Roi entretient en tems de guerre un guetteur sur la montagne du Grinéz & sur celle du Blanéz. Ces deux montagnes forment les pointes de la petite baie de Willan, que l'on croit être l'ancien port d'Ictium des Romains; mais qui n'est plus aujourd'hui d'aucun usage, par la quantité de sables qui l'ont comblé, & qui ont même entierement couvert tout le terrein où l'ancienne ville de Willan étoit bâtie. Le guetteur du Grinéz se trouve dans le cap de France le plus proche de l'Angleterre: le trajet en droite ligne n'est que de cinq lieues & demie, à 2400 toises la lieue. Ce guetteur découvre avec sa lunette la moindre barque qui sort du port de Douvres: deux cavaliers d'ordonnance restent de garde au Grinéz, pour faire leur rapport à Boulogne. Le guetteur de Blanéz découvre tout ce qui sort des Dunes, & double la pointe de Danjeneasse; des ordonnances du Calaisis y restent de garde, & font leur rapport à Calais. De la tour de Dunkerque le guetteur découvre tout ce qui sort de la Tamise; toute cette partie des côtes de France voit à l'instant ce qui se passe sur les bords opposés, d'où l'on ne peut découvrir nos manoeuvres, nos côtes étant plus basses, & la mer les couvrant; ce qui se définit, en terme de marine, en disant que la mer mange la côte . Les capitaines des gardes-côtes doivent connoître tous les sondages de l'étendue de la côte qu'ils ont à garder, pour juger sûrement des endroits où il est possible de faire une descente. Cette connoissance est très-facile à prendre sur les côtes de la Méditerranée, où le flux le plus haut ne monte pas à un pié; mais sur les côtes de l'Océan il faut évaluer toutes les différentes hauteurs des marées, qui varient selon les saisons & le tems des équinoxes, & deux fois tous les mois régulierement, en suivant les quartiers de la lune; ce qui fait deux changemens considérables en vingt-huit jours. Les gens de mer nomment ces flux réglés, vive-eau & morte-eau . Tel petit port des côtes de l'Océan ne pourroit recevoir de morte-eau un bâtiment de 60 tonneaux, qui peut en recevoir un de 300 de vive-eau. Cette connoissance paroît avoir été négligée, cette évaluation est cependant très-importante à faire, soit lorsqu'on médite quelqu'embarquement, soit lorsqu'on peut craindre quelque descente. D'espace en espace il y a des batteries & des redoutes sur le bord de la mer; quelques-unes sont armées en bronze; & les canons, leur service & leur garde appartiennent à l'artillerie & aux troupes de terre; les autres sont armées en fer & appartiennent à la marine, & sont gardées & servies par des détachemens de troupes de la marine ou des gardes-côtes . En tems de guerre les unes & les autres sont également sous les ordres de l'officier général commandant dans la province. Ces batteries sont placées, le plus qu'il est possible, dans les endroits où la mer fait échor, terme dont les Marins se servent pour indiquer un point de la côte où le fond est assez profond pour que la mer reste près de la côte à basse mer, même pendant le tems de morte-eau. Il seroit à desirer qu'on mît plus d'uniformité dans le service des gardes-côtes; il est facile aussi de perfectionner ce service, qui devient quelquefois très-important: il le sera toûjours beaucoup en tems de guerre, de mettre ce service au point que les côtes puissent être défendues par leurs propres forces, & que les armées en campagne ne soient point obligées de détacher des brigades ou des régimens pour remplacer ce qui manque à la défense des côtes. Article de M. le comte de Tressan . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Côtes Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garde Côtes Garde Côtes , ( Marine. ) on donne ce nom à des vaisseaux de guerre ou des frégates que le Roi fait croiser le long de nos côtes pour la sûreté du Commerce, & protéger les marchands contre les corsaires qui pourroient troubler leur navigation. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Côtes, Capitaineries Garde-Côtes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-Côtes, Capitaineries Garde-Côtes Garde-Côtes, Capitaineries Garde-Côtes ; c'est un nombre de villages voisins de la mer, qui sont sujets à la garde d'une certaine étendue de côtes reglées par des ordonnances du Roi, qui fixent l'etendue de chaque capitainerie, & les lieux qui y sont compris. Chaque capitainerie a son capitaine, un lieutenant, & un enseigne: en tems de guerre, ces compagnies sont obligées de faire le guet, & de marcher aux endroits où les ennemis voudroient tenter quelques descentes, ou faire quelques entreprises. Voyez ci-devant Gardes-côtes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde de Feux Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garde de Feux Garde de Feux , ( Marine. ) ce sont des caisses de bois qui servent à mettre les gargousses, après qu'on les a remplies de poudre pour la charge des canons, & à les garder dans le fond de cale. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Magasin Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garde-Magasin Garde-Magasin , ( Marine. ) c'est un commis chargé de tenir état de tout ce qui entre & sort des magasins qui sont dans un port, soit pour la construction, armement ou desarmement des vaisseaux. L'ordonnance de Louis XIV. pour les armées navales & arsenaux de la marine, du 15 Avril 1689, regle les fonctions des gardes-magasins , & leur prescrit ce qu'ils doivent observer. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes de la Marine, ou Gardes-Marine Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes de la Marine Gardes de la Marine , ou Gardes-Marine ; ce sont de jeunes gentilshommes choisis & entretenus par le Roi dans ses ports pour apprendre le service de la marine, & en taire des officiers. Ils sont par compagnies, distribuées dans les ports de Brest, de Toulon, & de Rochefort. Le Roi paye des maîtres pour les instruire de tout ce qu'il est nécessaire de savoir pour faire de bons officiers; ils en ont pour les Mathématiques, le Dessein, l'Ecriture, la Fortification, la Construction, l'Hydrographie, la Danse, l'Escrime, &c. On les embarque sur les vaisseaux du Roi, où ils servent comme soldats, & en font toutes les fonctions; & pour entretenir & cultiver pendant qu'ils sont à la mer les connoissances qu'ils auront prises dans les ports, leur commandant de concert avec le capitaine du vaisseau, marque quatre heures destinées à leurs différens exercices. La premiere pour le Pilotage & l'Hydrographie, la seconde pour l'exercice du mousquet & les évolutions militaires, la troisieme pour l'exercice du canon, la quatrieme pour l'exercice de la manoeuvre quand le tems le permettra, qui sera commandée par le capitaine en chef, ou le capitaine en second, & qui la fera commander aussi par les gardes chacun à son tour. Ce sont de ces compagnies que l'on tire tous les officiers de la marine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Ménagerie Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garde-Ménagerie Garde-Ménagerie , ( Marine. ) c'est celui qui a soin des volailles & des bestiaux qu'on embarque pour la table du capitaine & les besoins de l'équipage. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Garde Garde , ( Jurisprud. ) signifie conservation & administration; ce terme s'applique aux personnes & aux choses. Il y a pour les personnes plusieurs sortes de garde; savoir la garde des enfans mineurs, que l'on distingue en garde noble & bourgeoise, garde royale & seigneuriale. Il y a aussi la garde-gardienne pour la conservation des priviléges de certaines personnes. On donne aussi en garde la justice & plusieurs autres choses; c'est de-là que certains juges ne sont appellés que juges-gardes ou gardes simplement de telle prevôté. Enfin, plusieurs autres officiers ont le titre de garde , comme garde des Sceaux, garde des rôles, garde-marteau, &c. Nous allons expliquer ces differentes sortes de gardes , en commençant par la garde des personnes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde d'Enfans mineurs Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde d'Enfans mineurs Garde d'Enfans mineurs , appellée dans la basse latinité bailia, ballum, warda , & en latin plus correct custodia , est l'administration de leur personne pendant un certain tems, & le droit qui est accordé au gardien pour cette administration, de jouir des biens du mineur ou d'une partie d'iceux, sans en rendre compte, aux charges prescrites par la coûtume. Quelques-uns prétendent trouver l'origine de la garde jusque chez les Romains, & citent à ce sujet la loi 6 au code de bonis quoe liberos , qui fait mention du droit d'usufruit accordé au pere ou ayeul sur les biens du fils de famille étant en sa puissance. Cet usufruit est accordé comme une suite du droit de puissance paternelle, avec lequel la garde a en effet quelque rapport; mais elle differe en ce que la puissance paternelle n'est accordée qu'aux peres & ayeuls, au lieu que la garde est aussi accordée aux meres & ayeules, & même en quelques coûtumes aux collatéraux. L'usufruit que donne la puissance paternelle ne finit que par l'émancipation du fils de famille, à la différence de la garde , qui finit à un certain âge, qui est toûjours avant la majorité. D'autres comparent la garde à l'administration que les meres avoient de leurs enfans étant en pupillarité, lorsque le pere ou ayeul étoit décédé. Seneque en son livre de la consolation ad Martiam , dit: pupillus relictus est usque ad quattordecimum annum sub matris custodia; à quoi il rapporte aussi ce que dit Horace, liv. I . de tes epîtres. Ut piger annus Pupillis, quos dura premit custodia matrum . Pontanus sur la coûtume de Blois, tit. ij. art. 4 . tient que la garde est une espece de tutelle qui vient des moeurs & coûtumes des Gaulois. Mais il est plus vraissemblable que l'origine de la garde vient des fiefs; qu'elle fut établie en faveur des vassaux mineurs qui n'étoient point en âge de faire le service de leurs fiefs. Le Roi ou autre seigneur dont le fief relevoit, prenoit sous sa garde & protection le vassal mineur; & comme il avoit soin de son éducation, & qu'il faisoit desservir le fief par un autre, il joüisoit pour cela des revenus du fief, jusqu'à ce que le vassal fut en âge de faire la foi, sans être tenu d'en rendre aucun compte. Loisque le Roi avoit la garde , on l'appelloit garde royale; lorsqu'elle appartenoit au seigneur, elle étoit appellée garde seigneuriale . Quelquefois le Roi ou le seigneur la cédoient aux pere, mere, ou autres ascendans ou parens du mineur: & comme en ce tems on ne donnoit les fiefs qu'aux nobles, qu'il n'y avoit presque point de noble qui n'eût quelque fief, & que les roturiers auxquels on permit dans la suite d'en posséder, devenoient nobles par la possession de ces fiefs lorsqu'ils se soûmettoient à en faire le service; on appella garde noble , la garde de tous les mineurs nobles ou possédant fiefs; & à l'imitation de cette garde noble, on accorda dans la suite aux pere & mere non nobles la garde bourgeoise de leurs enfans mineurs. La premiere source de la garde se trouve donc dans le droit féodal des Saxons, où il est dit article xviij. §. 6. dominus etiam est tutor pueri in bonis quoe de ipso tenet infrà annos pueriles, dum nulli contulie hoc emolumentum, & debet inde reditas accipere, donec puer ad annos perveniat suprà scriptos, infra quos puer se negligere non valebit, si à domino non potuerit investiri . Quelques-uns prétendent qu'il est parlé de la garde dans les capitulaires de Charlemagne; mais il est constant que le droit de garde est moins ancien en France, & qu'il ne commença d'y être usité, que lorsque les fiefs devinrent héréditaires; ce qui n'arriva, comme on sait, que vers le commencement de la troisieme race, ou au plûtôt vers la fin de la seconde. En effet, tant que les fiefs ou bénéfices ne furent qu'à vie, il ne falloit point de gar lien pour administrer ces sortes de biens, parce qu'on ne les donnoit jamais qu'à des gens en état de porter les armes & d'administrer leurs biens. Ce ne fut donc que quand les fiefs commencerent à devenir héréditaires, que les seigneurs prévoyant que ces fiefs pourroient échoir à des mineurs qui ne seroient pas en état de faire le service militaire dû à cause des fiefs, se réserverent en quelques lieux la joüissance de ces fiefs, lorsque ceux auxquels ils appartenoient, n'étoient pas en âge de remplir leurs devoirs de vassaux; savoir lorsque les mâles n'avoient pas vingt ou vingt-un ans accomplis, parce qu'avant cet âge, ils n'etoient pas réputés capables de porter les armes, comme il est dit dans Fleta, liv. I. chap. jx. §. 3. & à l'égard des filles, elles tomboient en garde pour leurs fiefs jusqu'à ce qu'elles eussent atteint l'âge de puberté, parce que jusque-là elles n'étoient point en etat de prendre un mari pour servir le fief. De-là vint la garde royale & seigneuriale; la garde royale étoit devolue au Roi pour les fiefs mouvans immédiatement de lui, qui appartenoient à des mineurs; & le Roi dans ce cas joüissoit non-seulement des fiefs mouvans de lui, mais aussi des arriere-fiefs; au lieu que les autres seigneurs ne joüissoient que des fiefs qui étoient mouvans d'eux immédiatement, comme il est dit dans les articles 215. & 216. de la coûtume de Normandie. Dans quelques endroits les seigneurs, au lieu de se réserver cette joüissance, permirent aux parens les plus proches des mineurs du côté dont les fiefs leur étoient échûs, de desservir ces fiefs; ils choisissoient même quelquefois entre ces parens celui qui étoit le plus propre à s'acquitter de ce devoir, comme on voit dans la chronique de Cambrai & d'Arras, liv. XXXIII. ch. lxvj . où la garde est nommée custodia: hujus custodiae puerum cum bono ejus commisit , dit cette chronique; & en françois cette commission fut nommée bail ou garde; & les parens qui en étoient chargés furent appellés bails ou baux , & baillistres , du latin bajulus , qui dans la moyenne & basse latinité signifioit gouverneur, administrateur . Dans quelques coûtumes on distinguoit la garde du bail; la garde proprement dite n'étoit accordée qu'aux ascendans, le bail aux collatéraux. D'autres ont resusé à ces derniers la garde ou le bail, comme on voit dans la coûtume de Châteauneuf en Thimerais, art. 139. qui porte que dans cette baronnie bail de mineurs n'aura plus lieu, mais qu'il sera pourvû de tuteurs & curateurs, sinon que les peres ou meres eussent pris la garde d'iceux mineurs. Les anciennes ordonnances ont compris sous le terme de bail l'administration des ascendans aussi bien que celle des collatéraux; l'une & l'autre est nommée ballum dans une ordonnance de saint Loüis du mois de Mai 1246. Cette même ordonnance distingue néanmoins la garde du bail; la garde paroît prise pour le soin de la personne, & le bail pour l'administration des biens. En effet cette même ordonnance veut que le collatéral héritier présomptif du fief du mineur en ait le bail, mais que la garde de la personne du mineur appartienne au collatéral qui est dans le degré suivant. Les Anglois qui ont emprunté comme nous la garde du droit féodal, nous en fournissent des exemples fort anciens. Malcome II. roi d'Ecosse, qui monta sur le throne en 1004, traita avec ses sujets auxquels il donna les terres qu'ils possédoient, à la charge de les tenir de lui à foi & hommage, & tous les barons lui accorderent le relief & la garde; & omnes barones concesserunt sibi wardam & relevium de haerede cujuscumque baronis defuncti ad sustentationem domini regis . La charte des libertés d'Angleterre de l'an 1215, fait aussi mention de la garde . En France l'acte le plus ancien que je connoisse où il soit parlé du bail ou garde des mineurs, c'est une charte de l'an 1227, rapportée par Duchesne dans ses preuves de l'histoire de la maison de Chatillon. Matthieu Paris en parle aussi aux années 1231, 1245 & 1257, où l'on voit que le roi vendoit ou donnoit la garde des mineurs à qui bon lui sembloit. La plus ancienne ordonnance qui concerne le bail & la garde , est celle de saint Loüis du mois de Mai 1246, qui a pour objet de régler le bail & le rachat dans les coûtumes d'Anjou & du Maine. Le chap. xvij . des établissemens faits par ce même prince en 1270, porte que la mere noble a le bail de son hoir mâle jusqu'à 21 ans, & celui de la fille jusqu'à 15, au cas qu'il n'y ait pas d'hoir mâle. Il paroît résulter de-là que quand il y avoit un enfant mâle, la fille ne tomboit pas en garde ou en bail, l'aîné étoit apparemment saisi de toute la succession, & gagnoit les fruits jusqu'à ce que ses puînés l'eussent sommé de leur en faire partage. Le chap. cxvij . de cette même ordonnance veut que la garde du fief soit donnée à celui qui en est héritier présomptif, & la garde de la personne à un autre parent, de crainte que l'héritier ne desirât plûtôt la mort que la vie des enfans; & l'on ne donnoit joüissance de la terre du mineur à celui qui avoit la garde de sa personne, qu'autant qu'il en falloit pour le nourrir. A l'égard des roturiers, les pere & mere étoient les seuls qui eussent le bail de leurs enfans; & en cas qu'ils fussent tous deux décédés, l'héritier présomptif pouvoit bien tenir les enfans; mais ils avoient la liberté d'aller demeurer chez un autre parent ou même chez un étranger qui avoit le soin de leurs personnes & de leurs biens. Le roi Jean qui étoit bail & garde du duc de Bourgogne, étant prisonnier en Angleterre, son fils aîné, comme le représentant, fit les fonctions de bail, & en cette qualité donna des bénéfices dont la nomination appartenoit au duc de Bourgogne. Anciennement il n'y avoit que les fruits des héritages féodaux qui tombassent en garde , ce qui s'observe encore dans les coûtumes de Vermandois & de Melun. La garde n'étoit point considérée comme un avantage; mais insensiblement les gardiens étendirent leurs droits au préjudice des mineurs. Ces usages furent reçus diversement dans les coûtumes. Quelques-unes n'usent que du terme de garde pour designer cette administration , comme celle de Paris; d'autres l'appellent simplement bail , comme celle du Maine; d'autres disent garde ou bail indifféremment, telle que la coûtume de Peronne. D'autres distinguent la garde du bail. Celle d'Orléans dit que les ascendans sont gardiens, que les baillistres sont la mere ou ayeule remariée & les collatéraux; celles de Melun & de Mantes déferent le bail aux collatéraux; celle de Reims dit que bail d'enfant n'a lieu, & elle ne défere la garde qu'aux ascendans. La coûtume de Blois joint ensemble les termes de garde, gouvernement , & administration . Quelques coûtumes, comme celles de Mantes & d'Anjou, n'admettent la garde que pour les nobles, & non pour les roturiers; d'autres, comme Paris, admettent l'une & l'autre. En Normandie il y a garde royale & garde seigneuriale . En Bretagne les enfans tomboient aussi en la garde du duc & des autres seigneurs; mais ce droit fut changé en rachat par accord fait entre Jean duc de Bretagne, fils de Pierre Mauclerc, & les nobles du pays. Quelques coûtumes, comme celle de Châlons, n'admettent ni garde ni bail. Enfin quelques-unes n'en parlent point, & ont pourvû en diverses autres manieres à l'administration des mineurs & de leurs biens, & aux droits des pere, mere, & autres ascendans. Le droit commun & le plus général que l'on suit présentement par rapport à la garde qui a lieu pour les pere, mere, & autres parens, est qu'on la considere comme un avantage accordé au gardien, parce qu'ordinairement il y trouve du bénéfice, & qu'il ne l'accepte que dans cette vûe. Elle participe de la tutelle, en ce que le gardien est chargé de nourrir & entretenir les mineurs selon leur condition, & qu'il a l'administration de leurs biens qui tombent en garde: mais le pouvoir du tuteur est beaucoup plus étendu. Les pere & mere mineurs ont la garde de leurs enfans, aussi-bien que les majeurs: mais on donne un tuteur ou curateur au gardien, lorsqu'il est mineur. Les dispositions entre-vifs ou testamentaires, par lesquelles les ascendans ordonneroient que leurs enfans ne tomberont pas en garde , ne seroient pas valables, parce qu'ils ne peuvent pas ôter ce droit au survivant, qui le tient de la coutume. La garde n'est jamais ouverte qu'une fois à l'égard des mêmes enfans; quand on ne l'a pas prise lorsqu'elle étoit ouverte, on ne peut plus y revenir; & elle ne se réitere point, c'est-à-dire que les enfans ne tombent jamais deux fois en garde . Si les ascendans ont laissé créer un tuteur à leurs enfans ou petits-enfans, ils ne peuvent plus en prendre la garde , quand même ce seroit eux qui seroient tuteurs, à-moins qu'ils ne se soient reservé expressément la faculté de prendre la garde . La garde doit être acceptée en personne, & non par procureur. L'acceptation ne peut pas être faite au greffe, mais en jugement, c'est-à-dire l'audience tenante. L'usage est que le gardien se présente assisté d'un procureur, qui requiert lettres de ce que sa partie accepte la garde; ce que le juge lui accorde. Les juges de privilége ne peuvent pas déférer la garde; c'est au juge ordinaire du domicile du défunt à la déférer. Cette regle ne reçoit d'exception qu'à l'égard des princes & princesses du sang, auxquels la garde est déférée par le parlement; & il est bon à ce propos de relever une fausse tradition qui a eu cours à ce sujet, savoir, que lorsque Gaston, frere de Louis XIII. voulut prendre la garde noble de ses filles; pour le dispenser d'aller au châtelet, le roi rendit une déclaration, par laquelle il transféra le châtelet pour vingt-quatre heures au palais d'Orléans, dit Luxembourg , où demeuroit Gaston; que le châtelet y tint son audience, pendant laquelle Gaston vint en personne accepter la garde . Cependant il est certain qu'il y a arrêt du parlement du 2 Septembre 1627, qui montre que l'acceptation de la garde noble y fut véritablement faite par Gaston duc d'Orléans. Dans les coûtumes qui ne fixent point le tems pour accepter la garde , elle peut toûjours être demandée tant qu'il n'y a pas de tuteur nommé. L'acceptation de la garde faite rebus integris , a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la garde . Celui qui a une fois accepté la garde ne peut plus s'en démettre que du consentement de ses mineurs; mais il peut s'en démettre malgré ses créanciers. Le gardien même mineur n'est point relevé de son acceptation, sous prétexte de minorité, lésion, ou autrement. Dans les coûtumes où le gardien, soit noble ou roturier, gagne les meubles, il n'en fait point d'inventaire: mais il doit toûjours faire inventorier les titres & papiers, pour en constater la quantité & la valeur, afin que l'on ne puisse pas lui en demander davantage: cet inventaire doit être fait avec le tuteur ou subrogé-tuteur des enfans. Si le gardien est en communauté de biens avec ses enfans, il faut que l'inventaire soit fait & clos dans le tems & la forme prescrits par la coûtume; autrement la communauté continueroit, & le bénéfice de la garde y seroit confondu jusqu'à ce qu'il y ait un inventaire clos. Le gardien doit aussi, pour sa sûreté, faire un procès-verbal de l'état des immeubles, pour les rendre au même état de grosses réparations. La tutelle n'appartient pas de plein droit au gardien; ainsi il ne peut, sans être tuteur, recevoir le remboursement volontaire ou forcé des rentes dûes à ses mineurs; il ne peut aliéner leurs immeubles, & on ne peut en faire le decret sur lui; il ne peut déduire en jugement aucunes actions réelles de ses mineurs, soit en demandant ou en défendant, ni même y déduire d'autres actions personnelles que celles qui concernent la joüissance qu'il a droit d'avoir comme gardien. Lors donc qu'il s'agit de quelque acte que le gardien ne peut pas faire, on crée un tuteur ou curateur au mineur. Si le mineur n'a pas d'autres biens que ceux compris dans la garde , le gardien doit avancer au tuteur l'argent nécessaire pour exercer les droits du mineur, quand ce seroit pour procéder contre le gardien lui-même, sauf à celui-ci à répéter ces avances après la fin de la garde , s'il y a lieu. Quant à l'émolument de la garde , c'est un statut réel qui se regle par chaque coûtume pour les biens qui y sont situés. Les coûtumes ne sont pas uniformes sur ce point; les unes donnent au gardien les meubles en propriété; d'autres ne les donnent qu'au gardien noble; d'autres n'en donnent que l'administration. La coûtume de Paris & plusieurs autres donnent au gardien l'administration des meubles, & le gain de tous les fruits des immeubles pendant la garde; à la charge de payer les dettes & arrérages des rentes que doivent les mineurs; les nourrir, alimenter & entretenir selon leur état & qualité; payer & acquitter les charges annuelles que doivent les héritages, & entretenir lesdits héritages de toutes réparations viageres. D'autres coûtumes ne donnent la joüissance que des héritages nobles. Voyez les commentateurs sur les titres des coûtumes où il est parlé de la garde noble & bourgeoise, & le traité qu'en a fait de Renusson. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde bourgeoise Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde bourgeoise Garde bourgeoise , est celle qui est déférée par la coûtume au pere ou mere bourgeois & non nobles. Quelques auteurs ont écrit que ce privilége fut accordé aux bourgeois de Paris par Charles V. par des lettres-patentes du 9 Août 1371: mais en examinant avec attention ces lettres, on voit que l'usage de la garde bourgeoise étoit plus ancien, & que Charles V. ne fit que le confirmer. On voit en effet dans ces lettres, que les bourgeois de Paris représenterent au roi, que dans les tems passés, tant de son regne que de celui de ses predécesseurs, ils avoient joüi des droits de garde & baux de leurs enfans & cousins, consanguineorum; ce qui suppose qu'alors la garde avoit lieu à Paris au profit des collatéraux; Charles V. les confirma dans tous leurs priviléges, sans les spécifier. Ce droit de garde bourgeoisie n'a lieu dans la coûtume de Paris, qu'en faveur des bourgeois de la ville & fauxbourgs de Paris, & non pour les bourgeois des autres villes; mais il a été étendu dans d'autres coûtumes aux bourgeois de certaines villes. Les ayeux & ayeules ne peuvent prétendre la garde bourgeoise . Pour regler la capacité de celui qui prétend la garde bourgeoise , on ne considere pas le domicile du gardien, mais la coûtume du lieu où le défunt qui a donné ouverture à la garde , avoit son dernier domicile; & certe garde n'a son effet que sur les biens situés dans la coûtume qui accorde la garde , & ne comprend pas ceux qui seroient dans d'autres coûtumes, quand même elles accorderoient aussi la garde bourgeoise , parce qu'elle n'est donnée qu'à ceux qui sont domiciliés dans la coûtume; & que le défunt ne pouvoit pas être domicilié à-la-fois dans plusieurs coûtumes. Voyez les arrêtés de M. de Lamoignon, tit. j. art. 29 . La garde bourgeoise ne dure que jusqu'à quatorze ans pour les mâles, & douze ans pour les filles, excepté dans la coûtume de Reims, où elle dure jusqu'à vingt-cinq ans, tant pour les mâles que pour les femelles. Du reste le pouvoir & les droits du gardien bourgeois sont les mêmes que ceux du gardien noble. Voyez ci-après Garde noble . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde coutumiere Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde coutumiere Garde coutumiere , est la garde soit royale ou seigneuriale, noble ou bourgeoise, des enfans mineurs, qui est déférée à certaines personnes par les coûtumes, à la différence de la garde royale ou sauve-garde accordée à certaines personnes par des lettres-patentes. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde noble Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde noble Garde noble , est celle qui appartient aux pere, mere, ou autres ascendans nobles. Par rapport à l'origine de cette garde, voyez ce qui a été dit ci-devant sur la garde des enfans mineurs en général. L'émolument de cette garde est reglé diversement. Quelques coûtumes donnent au gardien les meubles en propriété; d'autres ne lui en donnent que l'administration. Dans quelques coûtumes, le gardien ne gagne que les fruits des fiefs du mineur; dans d'autres, il a les revenus de tous leurs biens, même roturiers; d'autres les chargent de rendre compte de tous les fruits. L'âge auquel finit la garde noble est le même que celui de la majorité féodale, lequel est reglé diversement par les coûtumes. Voyez ci-devant Garde bourgeoise , & ci-après Garde royale et seigneuriale -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde royale Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde royale Garde royale , en Normandie, est celle qui appartient au roi sur les enfans mineurs à cause des fiefs nobles qu'ils possedent, mouvans immédiatement du roi, soit à cause de sa couronne ou à cause de son domaine. Cette espece particuliere de garde , qui est propre à la province de Normandie, paroît avoir eu la même origine que la garde seigneuriale, & conséquemment la même origine que la garde noble, c'est-à-dire de suppléer au service militaire que les vassaux mineurs n'étoient pas en état de faire. Nous croyons par la même raison que l'usage de la garde royale est aussi ancien que celui de la garde seigneuriale ou garde noble dans les autres coûtumes. Mais il y a aussi lieu de croire que cette garde fut d'abord ducale avant d'être royale ; les fiefs ayant commencé à devenir héréditaires vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme, c'est-à-dire dans le dixieme siecle. Rollo qui fut premier duc de Normandie en 910, ou quelqu'un de ses successeurs ducs, établit sans doute la garde seigneuriale ou ducale, à l'imitation des autres seigneurs. Ceux-ci la remirent ensuite aux parens, moyennant un droit de rachat; au lieu que les ducs de Normandie continuerent de joüir par eux-mêmes du droit de garde: aussi Terrien, qui a travaillé sur l'ancienne coûtume, ne parle-t-il pas de la garde royale , mais seulement de la garde d'orphelins, qu'il divise en deux especes, savoir celle qui appartient au duc de Normandie, & celle qui appartient aux autres seigneurs de la même province. Cette garde ducale devint royale , soit lorsque Guillaume II. dit le Bâtard & le Conquérant , septieme duc de Normandie, eut conquis le royaume d'Angleterre, ce qui arriva l'an 1066; ou bien lorsque la Normandie fut réunie à la couronne de France par Philippe-Auguste. Mais Terrien s'est trompé, en supposant que la garde avoit été introduite en Angleterre depuis que les ducs de Normandie en ont été rois: car les barons d'Ecosse accorderent le relief & la garde à Malcome II. qui monta sur le throne d'Ecosse en 1004. Il n'y a en Normandie que deux sortes de garde , savoir la garde royale & la garde seigneuriale; la garde bourgeoise n'y a pas lieu. Le privilége de la garde royale est que le roi fait les fruits siens, non-seulement de ce qui échet pour raison des fiefs nobles tenus immédiatement de lui, & pour raison desquels on tombe en garde: mais il a aussi la garde , & fait les fruits siens de tous les autres fiefs, rotures, rentes, & revenus, tenus d'autres seigneurs que lui, médiatement ou immédiatement; au lieu que la garde seigneuriale ne s'étend que sur les fiefs nobles ou qui relevent immédiatement des seigneurs particuliers, & non sur les autres fiefs nobles ou autres héritages relevans & mouvans d'autres seigneurs que d'eux. La raison de cette différence est que la majesté royale seroit blessée de souffrir un partage avec d'autres seigneurs qui sont les sujets du roi. Si les arriere-vassaux du roi viennent à tomber en garde noble, pour raison des fiefs nobles qui relevent immédiatement des mineurs tombés en la garde noble royale , le roi fait pareillement siens les fruits & revenus de ces arriere-fiefs, tant que dure la garde noble royale des vassaux immédiats, & que les arriere-vassaux sont mineurs: de sorte que si la minorité de ceux-ci duroit encore après la garde noble royale finie, ils tomberoient en la garde du seigneur immédiat pour le restant de leur minorité, & ne seroient plus dans la garde royale . La garde royale ne s'étend point sur des fiefs & biens situés dans une autre coûtume que celle de Normandie, à-moins qu'elle n'eût quelque disposition semblable. Les apanagistes ni les engagistes du domaine n'ont point la garde royale; c'est un droit de la couronne qui est inaliénable. Le roi ne tire aucun bénéfice de la garde noble royale; il en gratifie ordinairement les mineurs, ou leurs pere ou mere, ou quelqu'un de leurs parens ou amis: mais le droit de patronage qui appartient aux mineurs étant en la garde du roi, n'est point compris dans le don ou remise que le roi fait de la garde . S'il n'y a qu'un seul bénéfice, le roi y présente à l'exclusion de la doüairiere qui joüit du fief; mais s'il y en a plusieurs, la doüairiere présente au bénéfice dont le patronage est attaché au fief dont elle joüit. La garde royale ou seigneuriale ne commence que du jour qu'elle est demandée en justice, si ce n'est par rapport à la présentation aux bénéfices. Elle finit à l'âge de vingt-un ans accomplis, pour les mâles; au lieu que la garde seigneuriale finit à vingt ans, tant pour les mâles que pour les filles. La garde royale finit à l'âge de vingt ans accomplis pour les filles, & même plûtôt si elles sont mariées du consentement de leur seigneur & des parens & amis: c'est la même chose, à cet égard, pour la garde seigneuriale. Les charges de la garde royale sont les mêmes que celles de la garde seigneuriale & de la garde noble en général. Ceux auxquels le roi a fait don ou remise de la garde royale , sont en outre obligés d'en rendre compte aux mineurs lorsque la garde est finie, excepté lorsque le donataire est étranger à la famille. Le donataire de la garde qui est parent du mineur, est seulement exempt des intérêts pupillaires; il ne peut demander que ses voyages & séjours, & non des vacations. Le don ou remise de la garde fait à la mere, quoiqu'elle ne soit pas tutrice, ou au tuteur depuis son élection, est réputé fait au mineur, au profit duquel ils sont obligés de tenir compte des intérêts pupillaires; ce qui a lieu pareillement quand lors de l'élection le tuteur ne s'est point réservé à joüir de la garde qui lui étoit acquise avant sa tutelle. Art. 36. du réglement de 1666 . En concurrence de plusieurs donataires de la garde royale , celui qui est parent est préféré à l'étranger; & entre parens, c'est le plus proche. Voyez ci-après Garde seigneuriale ; & les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les articles 214. & suiv . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde seigneuriale Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde seigneuriale Garde seigneuriale , en Normandie, est la garde noble des enfans mineurs, qui appartient aux seigneurs particuliers de fiefs, à cause des fiefs qui relevent immédiatement d'eux. L'origine de ce droit est la même que celle de la garde royale & de la garde noble en général. Cette garde ne s'étend point sur les autres fiefs & biens des mineurs; quand même ces biens seroient aussi situés en Normandie. Le seigneur qui a la garde fait les fruits siens, sans être obligé d'en rendre compte, ni de payer aucun reliquat. Le devoir du seigneur est de veiller sur la personne & sur les intérêts du mineur; de ne rien faire à son préjudice; enfin d'en user comme un bon pere de famille: autrement, si le seigneur abusoit de la garde , on pourroit l'en faire décheoir. Il est libre au seigneur, quoiqu'il ait accepté la garde , d'y renoncer dans la suite, s'il reconnoît qu'elle lui soit plus onéreuse que profitable. Le seigneur n'est obligé à la nourriture, & n'entretient des mineurs sur les biens compris en la garde , qu'au cas qu'ils n'ayent point d'ailleurs de revenu suffisant. On donne un tuteur au mineur pour les biens qui n'entrent pas dans la garde . Mais si le tuteur & les parens du mineur abandonnent au seigneur la joüissance de tous les biens des mineurs, alors il est obligé d'entretenir le mineur selon son état & eu égard à la valeur des biens, de contribuer au mariage des filles, de conserver le fief en son intégrité, & d'acquitter les arrerages des rentes foncieres hypothécaires & charges réelles. S'il y a plusieurs seigneurs ayant la garde noble à cause de divers fiefs appartenans au mineur, chacun contribue aux charges de la garde pour sa quote-part; & si les seigneurs y manquoient, les tuteurs ou parens pourroient les y contraindre par justice. Le seigneur qui a la garde doit entretenir les biens comme un bon pere de famille. Si pendant que le mineur est en la garde de son seigneur, ceux qui tiennent quelque fief noble de ce mineur tombent aussi en garde , elle appartient au mineur, & non à son seigneur; à la différence de la garde royale, qui s'étend sur les arriere fiefs. La garde seigneuriale finit à l'âge de vingt ans accomplis, tant pour les mâles que pour les filles; & pour la faire cesser, il suffit de faire signifier au seigneur le passé-âge, c'est-à-dire que le mineur est devenu majeur. Elle peut finir plûtôt à l'égard des filles par leur mariage, pourvû qu'il soit fait du consentement du seigneur gardien & des parens & amis. Si la fille qui est sortie de garde épouse un mineur, elle retombe en garde . La femme mariée ne retombe point en garde encore que son mari meure avant qu'elle ait l'âge de 20 ans. Celui qui sort de garde ne doit point de relief à son seigneur. La fille aînée mariée, qui n'a pas encore vingt ans accomplis, ne tire point ses soeurs puînées hors de garde jusqu'à ce qu'elles soient mariées ou parvenues à l'âge de vingt ans; sauf à la fille aînée à demander partage au tuteur de ses soeurs. Voyez les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les art. 214. & suiv. jusque & compris l' art. 234; & ci-devant Garde royale . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde, (Droit de-) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde, (Droit de- Garde, (Droit de-) droit qui se levoit anciennement par les seigneurs, & que les titres appellent garda ou gardagium; il est souvent nommé conjointement avec le droit de guet. Les vassaux & autres hommes du seigneur etoient obligés de faire le guet & de monter la garde au château pour la défense de leur seigneur. Ce service personnel fut ensuite converti en une redevance annuelle en argent ou en grains. Il en y a des titres de l'an 1213, 1237, & 1302, dans l' histoire de Bretagne, tome I. pp. 334, 372, & 452: il y en a aussi des exemples dans l' histoire de Dauphiné par M. de Valbonnais. La plûpart des seigneurs s'arrogerent ces droits, sous prétexte de la protection qu'ils accordoient à leurs vassaux & sujets dans les tems des guerres privées & des incursions que plusieurs barbares firent dans le royaume: dans ces cas malheureux, les habitans de la campagne se retiroient avec leurs femmes, leurs enfans, & leurs meilleurs effets, dans les châteaux de leurs seigneurs, lesquels leur vendirent cette garde , protection ou avoüerie, le plus cher qu'ils purent; ils les assujettirent à payer un droit de garde en blé, vin, ou argent, & les obligerent de plus à faire le guet. On voit dans le chap. liij. des établissemens de S. Louis , que dans certains lieux les sujets étoient obligés à la garde avec leurs femmes; en d'autres, ils n'étoient pas obligés de mener leurs femmes avec eux; & quand ils n'en avoient pas, ils devoient mener avec eux leurs sergens, c'est-à-dire leurs serviteurs ou leur ménage. La garde ou le guet obligeoient l'homme à passer les nuits dans le chateau du seigneur, lorsqu'il y avoit necessité; & l'homme avoit le jour à lui. Ces droits de guet & de garde furent dans la suite reglés par nos rois; Louis XI. les regla à cinq sols par an. Voyez ci-après Guet ; & le gloss. de M. de Lauriere, aux mots lige-étage & guet & garde . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde, (Denier de-) Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde, (Denier de- Garde, (Denier de-) est une modique redevance de quelques deniers, qui se paye au seigneur pour les années qu'une terre labourable se repose; & la rente, champart, terrage, agrier, ne se paye que pour les autres années où la terre porte des fruits. Il est parlé de ce droit dans plusieurs anciens baux passés sous le seel de la baillie de Mehun-sur-Yevre, qui ont été faits à la charge de rente fonciere & de garde . On voit dans le proces-verbal de la coûtume du grand Perche , que ce droit est prétendu par le baron de Loigny: il en est aussi fait mention en la quest. jx. des decisions de Grenoble . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Eglises Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde des Eglises Garde des Eglises , est la protection spéciale que le roi ou quelqu'autre seigneur accorde à certaines églises; nos rois ont toûjours pris les églises sous leur protection. S. Louis confirma en 1268 toutes les libertés, franchises, immunités, prérogatives, droits & priviléges accordés, tant par lui que par ses prédécesseurs, aux églises, monasteres, lieux de piété, & aux religieux & personnes ecclésiastiques. Philippe-le-Bel, par son ordonnance du 23 Mars 1308, déclara que son intention étoit que toutes les églises, monasteres, prélats, & autres personnes écclésiastiques, fussent sous sa protection. Le même prince déclara que cette garde n'empêchoit pas la jurisdiction des prélats: lorsque cette garde emportoit une attribution de toutes les causes d'une église à un certain juge, elle étoit limitée aux églises qui étoient d'ancienneté en possession de ce droit; & Philippe-le-Bel déclara même que dans la garde des eglises & monasteres, les membres qui en dépendent n'y étoient pas compris. Il étoit défendu aux gardiens des églises, ou aux commissaires députés de par le roi & par les sénéchaux, de mettre des pannonceaux ou autres marques de garde royale sur les biens des églises, à-moins qu'elles n'en fussent en possession paisible, ou à-peu-près telle. Lorsqu'il y avoit quelque contestation sur cette possession, le gardien ou le commissaire faisoit ajourner les parties devant le juge ordinaire; & cependant il leur faisoit défense de rien faire au préjudice l'un de l'autre: il ne poursuivoit personne pro fractione gardiae , c'est-à-dire, pour contravention à la garde , à-moins que cette garde ne fût notoire, telle qu'est celle des cathédrales & de quelques monasteres qui sont depuis très-long-tems sous la garde du roi, ou que cette garde n'eût été publiée dans les assises, ou signifiée à la partie. Philippe VI. dit de Valois, promit par rapport à certaines sénéchaussées qui étoient par-delà la Loire, qu'il n'accorderoit plus de garde dans les terres des comtes & barons, ni dans celles de leurs sujets, sans connoissance de cause, les nobles appellés, excepté aux églises & monasteres, qui de toute ancienneté sont sous la garde royale, & aux veuves, pupilles, & aux clercs vivant cléricalement, tant qu'ils seroient dans cet état; que si dans ces sénéchaussées, les sujets des hauts-justiciers ou autres violoient une garde , les juges royaux connoîtroient de ce délit, mais qu'ils ne pourroient condamner le délinquant qu'à la troisieme partie de son bien; que la poursuite qu'ils feroient contre lui, n'empêcheroit pas le juge ordinaire du haut-justicier de procéder contre le délinquant, comme à lui appartiendroit; mais que si le crime étoit capital, il ne pourroit rendre sa sentence que les juges royaux n'eussent rendu la leur au sujet de la sauve-garde. On voit aussi dans les lettres du même prince de 1349, qu'il y avoit des personnes qui étoient immédiatement en la garde du roi, d'autres qui n'y étoient que par la voie de l'appel. Le roi Jean déclara en 1351, que les juges royaux pourroient tenir leurs assises sur les terres des seigneurs, quand le roi y avoit droit de garde . Ce même prince donnant à Jean son fils les duchés de Berry & d'Auvergne, retint la garde & les régales des églises cathédrales & des églises de fondation royale. Le temporel de l'abbaye de Lagny fut saisi en 1364, à la requête du receveur de Meaux, pour payer la somme de 800 livres dûe par cette abbaye pour les arrérages de la garde dûe au roi. Par des lettres du mois de Juillet 1365, Charles V. déclara que toutes les églises de fondation royale sont de droit sous la sauve-garde royale. Quand Charles VI. donna le duché de Touraine à Jean son second fils, il se réserva la garde de l'église cathédrale de Tours, & de celles qui sont de fondation royale, ou en pariage, ou qui sont tellement privilégiées, qu'elles ne peuvent être séparées du domaine de la couronne. Il fit la même réserve lorsqu'il lui donna le duché de Berri & le comté de Poitou: il en usa aussi de même lorsqu'il donna le comté d'Evreux au duc d'Orleans son frere. Voyez Conservateurs royaux & apostoliques . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde enfrainte Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde enfrainte Garde enfrainte , est lorsqu'un tiers fait quelque acte contraire au droit de garde , ou sauve-garde accordé par le roi à quelqu'un. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-faite Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-faite Garde-faite , est défini par l' article 531 de la coûtume de Bourbonnois, quand celui qui est commis à la garde du bétail est trouvé gardant le bétail en l'héritage auquel le dommage est fait, ou que le gardien est près du bétail, de maniere qu'il le puisse voir, & ne fait néanmoins diligence de le mettre dehors, ou lorsqu'il mene & conduit le bétail dans l'héritage, ou qu'il l'a déclos & débouché afin que son bétail y puisse entrer, & qu'ensuite par ce moyen le bétail y soit entré. Quand le bétail qui a fait le dommage n'étoit pas gardé, le maître du bétail peut l'abandonner pour le délit; mais quand le bétail étoit à garde-faite , le maître doit payer le dommage. Voyez Despommiers sur l' article 531 de la coutume de Bourbonnois. Voyez aussi l' article 309 de celle de Melun, celle d'Amiens, article 206 & suivant . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-gardienne Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-gardienne Garde-gardienne , ce sont des lettres accordées par le roi à des abbayes, chapitres, prieurés, & autres églises, universités, colléges, & autres communautés, par lesquelles le roi déclare qu'il prend en sa garde spéciale ceux auxquels il les accorde, & pour cet effet leur assigne des juges particuliers, pardevant lesquels toutes leurs causes sont commises; le juge auquel cette jurisdiction est attribuée, s'appelle juge conservateur de leurs priviléges . Ceux qui ont droit de garde-gardienne peuvent, en vertu de ces lettres, attirer leur partie adverse qui n'a point de privilége plus éminent, hors de la jurisdiction naturelle, soit en demandant ou défendant, pourvû que les lettres de garde-gardienne ayent été vérifiées au parlement où le juge conservateur ressortit. On entend quelquefois par le terme de garde-gardienne , le privilége résultant des lettres d'attribution. L'usage des gardes-gardiennes est fort ancien, surtout pour les églises cathédrales, & autres de fondation royale, que nos rois ont toujours prise sous leur protection; ce que l'on appelloit alors simplement garde ou sauve-garde , ou bien garde royale . Dans la suite on se servit du terme de garde-gardien- ne , soit parce que cette garde étoit administrée par un gardien ou juge conservateur, ou bien pour distinguer cette espece particuliere de garde , de la garde royale des enfans mineurs qui a lieu en Normandie. Les priviléges de garde-gardienne furent confirmés par l' article 9 de l'édit de Cremieu, qui veut que les baillifs & sénéchaux ayent la connoissance des causes & matieres des églises de fondation royale, auxquelles ont été & seront octroyées des lettres en forme de garde-gardienne , & non autrement. Cet article a été confirmé par l' article 3 d'un édit du mois de Juin 1559, qui restraint cependant les priviléges des gardes-gardiennes , en ce qu'il ordonne qu'il n'y aura que ceux qui sont du corps commun de l'église à laquelle elles ont été accordées, qui en jouiront, & qu'elles ne s'étendront pas aux bénéfices étant de sa collation. L'ordonnance de 1669, titre 4 des committimus & gardes-gardiennes , ordonne, article 18 , que les églises, chapitres, abbayes, prieurés, corps & communautés qui prétendent droit de committimus , soient tenus d'en rapporter les titres pour être examinés, & l'extrait envoyé aux chancelleries près les parlemens, & que jusqu'à ce il ne leur soit expédié aucunes lettres. L' article 18 permet aux principaux des colléges, docteurs, régens, & autres du corps des universités qui tiennent des pensionnaires, de faire assigner de tous les endroits du royaume, pardevant le juge de leur domicile, les redevables des pensions & autres choses par eux fournies à leurs écoliers, sans que leurs causes en puissent être évoquées ni renvoyées devant d'autres juges, en vertu de committimus ou autre privilége. L' article suivant porte, que les recteurs, régens & lecteurs des universités exerçant actuellement, ont leurs causes commises en premiere instance devant les juges conservateurs des priviléges des universités, auxquels l'attribution en a été faite par les titres de leur établissement; & qu'à cet effet il sera dressé par chacun an un rôle par le recteur de chaque université, pour être porté aux juges conservateurs de leurs priviléges. Les écoliers étudians dans une université, ont un autre privilége qu'on appelle privilége de scholarité. Voyez Scholarité. Committimus , Conservateur , Conservation . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-lige Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-lige Garde-lige , est le service qu'un vassal lige doit à son seigneur; on entend aussi quelquefois par ce terme le vassal même qui fait ce service, & qui est obligé de garder le corps de son seigneur avec armes suffisantes. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde ou Protection Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde Garde ou Protection , dans le tems des incursions des Barbares & des guerres privées, les habitans de la campagne, & même ceux des villes, se mettoient sous la garde & protection de quelque seigneur puissant qui avoit droit de château & forteresse, pour les mettre en sûreté, & les défendre des violences auxquelles ils étoient exposés; & comme il se faisoit à ce sujet un contrat entre le seigneur & ses sujets, & que ceux-ci s'engageoient par reconnoissance à certains droits & devoirs envers le seigneur, cette garde devenoit aussi par rapport au seigneur un droit qu'il avoit sur ses sujets. C'est pourquoi dans des lettres du roi Jean, du mois d'Août 1354, portant confirmation des priviléges des habitans de Jonville-sur-Sône; il est dit que ces habitans ne pourront, sans le consentement de leur seigneur, se mettre sous la garde & protection d'un autre, si ce n'est contre les violences de gens qui ne seroient pas soumis à leurs seigneurs; mais que dans ce cas ils seront tenus d'exprimer dans les lettres de garde qu'ils obtiendront de ces seigneurs étrangers, le nom des gens contre les violences desquels ils demandent protection. Et dans des lettres de Charles V. du mois d'Août 1366, il est dit que la garde de quelques lieux appartenant à l'abbaye de Molesme, ne pourra être mise hors la main des comtes de Champagne; & l'on voit que ce droit de garde emportoit une jurisdiction sur les personnes qui étoient en la garde du seigneur. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde royale des Eglises Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde royale des Eglises Garde royale des Eglises . Voyez ci-devant Garde des Eglises . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde seigneuriale ou Protection Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde seigneuriale Garde seigneuriale ou Protection . Voyez ci-devant Garde ou Protection . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Ablées, ou Grains pendans par les racines Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde des Ablées Garde des Ablées , ou Grains pendans par les racines . Charles V. par-des lettres du 19 Juin 1369, permit aux mayeurs & échevins d'Abbeville d'en établir, avec pouvoir à ce garde de saisir les charrois & bestiaux qui causeroient du dommage dans les terres, & de condamner en l'amende ceux qui les conduiroient. Voyez Messier . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-bois Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-bois Garde-bois . Voyez ci-après Garde des Eaux et Forêts . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Decrets & Immatricules Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde des Decrets & Immatricules Garde des Decrets & Immatricules , & ita est, du Châtelet . Cet officier a trois fonctions; comme garde des decrets , il doit garder les decrets du châtelet 24 heures en sa possession depuis qu'ils sont signés, recevoir les oppositions s'il en survient, sinon donner son certificat sur lesdits decrets, & les remettre au scelleur pour les sceller. Comme garde des immatricules , il doit faire immatriculer & signer sur son registre les notaires & huissiers qui sont immatriculés au Châtelet, & qui en cette qualité ont le droit d'instrumenter par tout le royaume: enfin comme ita est , il a le droit d'expédier les grosses que les notaires qui ont reçu les minutes n'ont pû expédier, soit par mort ou par vente; il signe au milieu, en mettant au-dessus de sa signature ita est , qui veut dire collationné à la minute , que le successeur à l'office & pratique lui représente; ce successeur signe à droite, & le notaire en second à gauche. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Droits royaux de souveraineté de ressort & des exemptions dans la ville de Limoges Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde des Droits royaux Garde des Droits royaux de souveraineté de ressort & des exemptions dans la ville de Limoges; cette qualité étoit donnée à des sergens que le sénéchal de Limoges commettoit pour être les conservateurs des priviléges de ceux qui étoient en la sauve-garde du roi. Voyez les lettres de Charles V. du 22 Janvier 1371, pour le chapitre de Limoges. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Fermes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Fermes Gardes des Fermes . Voyez ci-devant Fermes générales . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes ou Maîtres des Foires ou des Privileges des Foires Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes Gardes ou Maîtres des Foires ou des Privileges des Foires , étoient ceux qui avoient l'inspection sur la police des foires, & la manutention de leurs priviléges. L'ordonnance de Philippele Bel, du 23 Mars 1302, porte que les gardes des foires de Champagne seront choisis par délibération du grand-conseil; c'étoient les mêmes officiers qui ont depuis été appellés juges conservateurs des priviléges des foires . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Gabelles Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Gabelles Gardes des Gabelles . Voyez ci-devant Gabelles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde d'un Greffe Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde d'un Greffe Garde d'un Greffe . Voyez ci-devant Garde de Justice . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde ou Greffier des Prisons Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde Garde ou Greffier des Prisons : cette qualité est donnée au greffier des prisons du châtelet dans une ancienne ordonnance. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, tom. III. à la table . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde ou Juge-Garde des Monnoies Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde Garde ou Juge-Garde des Monnoies , est un juge qui veille sur tout le travail de la monnoie. Voyez au mot Monnoie , où il en sera parlé plus amplement. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde de Justice Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde de Justice Garde de Justice , est le nom que l'on donne à certains juges, qui sont considérés comme n'ayant la justice qu'en dépôt & en garde . Par exemple, le prevôt de Paris n'est, selon quelques-uns, que garde de ladite prevôté, parce que c'est le roi qui en est le premier juge & prevôt: c'est pourquoi il y a un dais au-dessus du siége du prevôt de Paris. M. le procureur - général est garde de la prevôté de Paris, le siége vacant; ce qui signifie qu'il n'a cette prevôté qu'en dépôt, & non en titre d'office. Voyez Prevôt de Paris . On disoit aussi donner en garde une prevôté ou autre justice, les sceaux ou un greffe. Anciennement on les donnoit à ferme; mais cet abus fut reformé, & on les donna en garde , c'est-à-dire seulement par commission révocable ad nutum , jusqu'au tems de Charles VIII. lequel, en 1493, ordonna qu'il seroit pourvû aux prevôtés en titre d'office de personnes capables, par élection des praticiens du siége; & depuis ce tems les prevôts ne s'intitulerent plus simplement gardes de la prevôté , mais prevôts simplement. Voyez Loiseau des offices, liv. III. ch. j. n. 75. & suiv . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-maneurs Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes-maneurs Gardes-maneurs , sont des gardiens que l'on établit à une saisie de meubles. On appelle aussi quelquefois de ce nom des sergens ou archers, que l'on met en garnison chez un debiteur jusqu'à ce qu'il ait satis fait ou donné caution. Voy. Garnison & Mangeurs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Marchands et de certains Arts et Métiers Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Marchands et de certains Gardes des Marchands et de certains Arts et Métiers , sont des personnes choisies entre les maitres dudit état, pour avoir la manutention des statuts & priviléges de leur corps. Chaque corps de marchands & artisans a ses jures & prépoposés, qui exercent à-peu-près les mêmes fonctions que les gardes: mais il n'est pas permis à ces jurés de prendre le titre de corps; cela n'appartient qu'aux préposés des six corps des marchands, & à quelques autres corps de marchands, qui ont ce privilége par leurs statuts. Il est parlé des gardes & jurés dans des ordonnances fort anciennes; ils sont nommés en latin magistr & custodes , dans des lettres de Philippe-de-Valois de 1329; & dans d'autres lettres de Philippe VI. du mois de Mars 1355, pour les Parmentiers de Carcassonne, ils sont nommés supra positi . Les gardes font des visites annuelles chez tous les marchands & maitres de leur état, pour voir si les statuts sont observés. Ils en font aussi en cas de contravention, chez ceux qui, sans qualité, s'ingerent de ce qui appartient à l'état, sur lequel ces gardes sont établis pour dresser les procès-verbaux de contravention. Ils se font assister d'un huissier & même quelquefois d'un commissaire, lorsqu'il s'agit de faire ouverture des portes. Voyez Jurés & Maîtres . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-marteau Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-marteau Garde-marteau , est un officier établi dans chaque maitrise particuliere des eaux & forêts, pour garder le marteau avec lequel on marque le bois que l'on doit couper dans les forêts du roi. Quand on fait des ventes, il assiste aux audiences en la chambre du conseil, & au jugement des affaires, où il a voix délibérative avec les autres officiers; & en leur absence il administre la justice. Il doit vaquer en personne au martelage, & ne peut confier son marteau à autrui, sinon en cas d'empêchement légitime. Il assiste aux visites des grands-maîtres, à celles des maîtres particuliers. & autres officiers. Il en fait aussi de particulieres. Voyez l'ordonnance des eaux & forêts, tit. vij . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-note Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-note Garde-note , est un des titres que prennent les notaires; ce qui vient de ce qu'anciennement ils ne gardoient qu'une simple note des conventions en abregé. Voyez Notaires . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Ports et Passages Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Ports et Passages Gardes des Ports et Passages , sont des personnes établies pour empêcher que l'on ne fasse entrer ou sortir quelque chose contre les ordonnances. Ils sont nommés dans quelques ordonnances, gardes des passages & détroits . Les baillifs & sénéchaux avoient anciennement le droit d'établir de ces gardes sur les ports & passages des frontieres du royaume, aux lieux accoûtumés, pour empêcher que l'on ne fit sortir de l'or & de l'argent hors du royaume, ou que l'on n'y fît entrer de la monnoie fausse ou contrefaite. Ces gardes avoient la cinquieme partie des consiscations. Ils avoient au-dessus d'eux un maître ou garde général des ports & passages , qui fut supprimé en 1360. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Rôles des Offices de France Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gardes des Rôles des Offices de France Gardes des Rôles des Offices de France , ( Jurispr. ) sont des officiers de la grande-chancellerie, dépositaires des rôles arrêtés au conseil des taxes de tous les offices, tant par résignation, vacation, que nouvelle création ou autrement. Les rôles étoient anciennement gardés par le chancelier ou par le garde des sceaux, lorsqu'il y en avoit un. En 1560, le chancelier de l'Hôpital commit Gilbert Combant son premier secrétaire, à la garde de ces rôles & registres des offices de France. Cette fonction fut ainsi exercée par des personnes commises par le chancelier ou par le garde des sceaux, jusqu'à l'édit du mois de Mars 1631, par lequel Louis XIII. les mit en titre d'office. Par cet édit il créa en titre d'office formé, quatre offices de conseillers du roi, gardes des rôles des offices de France, pour être exercés par les pourvûs chacun par quartier, comme sont les grands-audienciers. Il attribua à ces offices, privativement à tous autres, la fonction qui se faisoit auparavant par commission, de présenter aux chanceliers & gardes des sceaux, toutes les lettres & provisions d'offices qui s'expédient & se scellent en la chancellerie de France, sur les quittances des thrésoriers des parties casuelles, hérédité, & sur toutes sortes de nomination de quelque nature qu'elles soient. Pour cet effet, les thrésoriers des parties casuelles doivent remettre aux gardes des rôles durant leur quartier, les doubles des rôles arrêtés au conseil des offices, tant par résignation, vacation, que nouvelle création ou autrement. Les secrétaires du roi doivent aussi leur remettre les provisions, qu'ils expédient en vertu de ces quittances, hérédité, & sur toute sorte de nomination, ensemble celles qui sont à réformer pour quelque cause & occasion que ce soit. L'édit de création leur attribuoit des gages, tant sur l'émolument du sceau que sur le marc-d'or, & en outre les six cents livres qui se payoient au thrésor royal, pour l'entretien de la charrette commune, destinée à transporter à la suite du conseil les coffres où se mettoient les rôles & provisions d'offices. Ces différens droits ne subsistent plus, au moyen des autres droits qui ont été attribués aux gardes des rôles par différens édits & déclarations postérieurs, dont on va parler dans un moment. Leurs honneurs, prérogatives & priviléges, sont les mêmes que ceux des grands-audienciers & contrôleurs de la grande-chancellerie. Leur place en la grande-chancellerie est à côté du chancelier ou garde des sceaux, où ils font le rapport des provisions après le grand audiencier & le grand-rapporteur. Après que M. le chancelier ou M. le garde des sceaux a ouvert la cassette qui renferme les sceaux, c'est le garde des rôles , qui est de service en la chancellerie, auquel appartient le droit de tirer les sceaux de la cassette, pour les mettre entre les mains du scelleur; & le sceau fini, il est chargé de les retirer de lui pour les replacer dans la cassette. Le roi en créant ces offices ne se reserva que la premiere finance qui en devoit provenir, & accorda au chancelier & garde des sceaux la nomination de ces offices pour l'avenir, avec la finance qui en proviendroit, vacation advenant d'iceux par mort, résignation ou autrement. Ensuite le roi Louis XIV. par édit du mois d'Octobre 1645, statua qu'en confirmant le pouvoir accordé par le roi Louis XIII. son prédécesseur, aux chanceliers & gardes des sceaux de France, de nommer aux offices de gardes des rôles contrôleurs généraux de l'augmentation du sceau, comme il vient d'être dit, ils auroient aussi celui d'en accorder dorénavant & à toûjours, le droit de survivance à ceux qui en seroient pourvûs, sans être tenus par ceux-ci de payer aucune finance au roi, attendu la liberté accordée auxdits chanceliers & gardes des sceaux, de disposer desdits offices. Par un autre édit du mois d'Avril suivant, le même prince ordonna que les gardes des rôles auroient la clé du cofre où se mettent les lettres scellées; qu'ils tiendroient le registre & contrôle, qui avoit été jusqu'alors tenu par commission, de la valeur des droits & émolumens, provenant de l'augmentation du sceau; qu'ils feroient chaque mois l'état & rôle des gages & bourses, appartenant aux officiers assignés sur icelle: après le payement desquels il est dit que les gardes des rôles prendront chacun pendant le quartier de leur exercice, cinq cents livres par forme de bourse. C'est en conséquence de cet édit, que les gardes des rôles ont depuis aussi été qualifiés de contrôleurs généraux de l'augmentation du sceau . Cet édit accorde aussi aux gardes des rôles l'entrée dans les conseils du roi, afin qu'ils puissent le servir avec de connoissance & utilité en leurs charges. Ce sont les gardes des rôles qui reçoivent les oppositions que l'on forme au sceau ou au titre des offices; toutes oppositions formées ailleurs seroient nulles. Il a même été défendu aux thrésoriers des parties casuelles, commis au contrôle général des finances & autres, d'en recevoir aucunes, ni de s'y arrêter; & il leur est enjoint de déclarer aux parties qu'elles ayent, si bon leur semble, à se pourvoir au bureau des gardes des rôles . Lorsqu'il se trouve quelque opposition au sceau ou au titre d'un office, le garde des rôles qui est de quartier, doit en faire mention sur le repli des provisions qu'il présente au sceau, soit pour les faire sceller à la charge des oppositions, quand ce sont des oppositions pour deniers, soit pour faire commettre un rapporteur, quand ce sont des oppositions au titre; ces dernieres empêchant formellement le sceau des provisions qui en sont chargées. Ces officiers ont prétendu jouir seuls, à l'exclusion des grands-audienciers, du droit de registre de toutes les lettres d'offices, attributions de qualités, priviléges, taxations, gages & droits qui payent charte (on appelle charte , suivant le tarif du sceau de 1704 & 1706, une patente qui accorde un droit nouveau & à perpétuité). Il y eut à ce sujet une transaction passée entr'eux le 6 Janvier 1633, qui fut homologuée par lettres patentes du roi; portant que les gardes des rôles auront le tiers du droit de registre de toutes les lettres de charte qui seroient scellées en la grande chancellerie de France, tant de lettres de rémission, abolition, naturalité, ennoblissement, amortissement, érection de duché, comté, marquisat, baronnie, châtellenie, fiefs, justice, fourches patibulaires, foires, marchés, pont-levis, dispense de mariage, & autres de nature à être visés; & les grands audienciers les deux autres tiers. Mais le réglement du 24 Avril 1672, fait en conséquence de l'édit du même mois, article 62 . attribue aux gardes des rôles en quartier une bourse de préférence de quatre mille livres, & aux quatre gardes des rôles une bourse ordinaire de secrétaire du roi, chacun par quartier, conformément à l'article 69 du même réglement, pour tenir lieu du registrata dont ils joüissoient conjointement avec les grands-audienciers, suivant la transaction de 1633. L'édit de création des offices de gardes des rôles leur avoient attribué les mêmes droits qu'aux grands-audienciers; mais comme on n'avoit pas exprimé nommément qu'ils seroient en conséquence secrétaires du roi, ils ne joüissoient point du droit de signature & expédition des lettres de chancellerie: c'est pourquoi Louis XIII. en interprétant l'édit de création des offices de gardes des rôles , par un autre édit du mois de Décembre 1639, déclara qu'ils joüiroient comme les grands-audienciers & contrôleurs, du titre, droits, fonctions, qualités & priviléges de ses conseillers & secrétaires, pour signer & expédier en la chancellerie de France & autres chancelleries, tant en exercice que hors d'icelui, toutes sortes de lettres, sans que le titre de secrétaire du roi pût être desuni de leurs charges; lequel édit de 1639 a été confirmé par autre édit du mois d'Octobre 1641, vérifié au parlement le 26 Juillet 1642, & en la cour des aides le 8 Janvier 1643. Au mois de Septembre 1644, on créa en titre d'office quatre commis attachés aux quatre charges de gardes des rôles , pour soulager ces officiers & servir sous eux durant leur quartier. L'édit porte qu'ils recevront dans le bureau du garde des rôles , toutes les lettres d'offices & dépendantes d'iceux, qui leur seront apportées par les secrétaires du roi ou autres, pour être par eux vûes & paraphées au dos, & vérifier les oppositions qui pourroient être sur icelles, tant au titre que pour deniers; qu'elles seront après par eux portées aux gardes des rôles , pour les présenter au chancelier: que ces commis tiendront registre de toutes les oppositions qui seront faites sur les offices, tant au titre que pour deniers; qu'ils parapheront les originaux des exploits qui seront faits par les huissiers; & que si les originaux des oppositions ne sont paraphés par eux, ou par les gardes des rôles , les exploits seront nuls. L'édit ayant permis aux gardes des rôles de tenir ces charges de commis conjointement ou séparément avec la leur, avec pouvoir de les faire exercer par telles personnes que bon leur sembleroit, à la charge de demeurer responsables de leurs exercices & fonctions, les gardes des rôles ont acquis en corps ces charges, & les font exercer par un commis amovible. Le nombre des gardes des rôles & de leurs commis devoit être augmente de deux, suivant un édit de Décembre 1647, qui ordonnoit une semblable augmentation pour tous les offices du conseil, de la chancellerie & des cours: mais il fut révoqué pour ce qui concernoit la grande-chancellerie seulement, par un autre édit du mois de Mars suivant. Au mois de Mai 1655, Louis XIV. donna un édit registré au sceau le 5, portant attribution aux grands-audienciers, contrôleurs généraux, gardes des rôles , & leurs commis, de la joüissance, par droit de bourse, des droits & augmentations établis sur les lettres de chancellerie par les édits de Mars & Avril 1648, nonobstant la suppression qui avoit été faite des offices nouvellement créés pour la grande-chancellerie. L'édit du mois de Mai 1697, leur attribue en outre à chacun une bourse d'honoraire ou d'expédition. Il y eut encore une semblable création de deux gardes des rôles & de deux commis en titre, faite par édit du mois d'Octobre 1691; de maniere que les gardes des rôles tant anciens que nouveaux, ne devoient plus servir que deux mois de l'année: mais par édit du mois de Novembre suivant, ces offices furent encore supprimés, & les droits en furent attribués aux anciens moyennant finance. Les gardes des rôles ont été maintenus & confirmés dans leurs priviléges par plusieurs édits & déclarations, notamment par ceux des mois d'Avril 1631, Décembre 1639, Avril 1664, & Avril 1672, & tout récemment par l'édit du mois de Décembre 1743, au moyen du supplément de finance par eux payé en exécution de cet édit. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-sacs, greffier garde-sacs Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde-sacs Garde-sacs , greffier garde-sacs , est celui qui est dépositaire des sacs & productions des parties dans les affaires appointées. Il y a de ces greffiers au conseil & au parlement. L'établissement de ces sortes d'officiers remonte jusqu'au tems des Romains; on les appelloit custodes . Leur office principal étoit de tenir les boîtes ou sacs, dans lesquels on gardoit les pieces des procès: c'étoit sur-tout pour les matieres criminelles, pour empêcher la collusion entre l'accusateur & l'accusé. Voyez le mercure de France de Nov. 1753. p. 21 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Salines Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Salines Gardes des Salines , Voyez & Sel">Fermes, Gabelles, Salines & Sel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Sceaux de France Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence | Histoire Part of Speech=NA Garde des Sceaux de France Garde des Sceaux de France , ( Hist. & Jur. ) est un des grands officiers de la couronne, dont la principale fonction est d'avoir la garde du grand sceau du roi, du scel particulier dont on use pour la province de Dauphiné, & des contre-scels de ces deux sceaux; il avoit aussi autrefois la garde de quelques autres scels particuliers, tels que ceux de Bretagne & de Navarre, qui depuis la réunion de ces pays à la couronne, furent pendant quelque tems distingués de celui de France; ces sceaux particuliers ne subsistent plus. Il avoit aussi la garde des sceaux de l'ordre royal & militaire de S. Louis, établi en 1693; mais le roi ayant, par édit du mois d'Avril 1719, créé un grand-croix chancelier de cet ordre, lui a donné la garde des sceaux de ce même ordre . C'est lui qui scelle toutes les lettres qui doivent être expédiées sous les sceaux dont il est dépositaire. Il a aussi l'inspection sur les sceaux des chancelleries établies près des cours & des présidiaux. L'anneau ou scel royal a toujours été regardé chez la plûpart des nations, comme un attribut essentiel de la royauté, & la garde & apposition de ce scel ou anneau comme une fonction des plus importantes. Les rois de Perse avoient leur anneau ou cachet dont ils scelloient les lettres qu'ils envoyoient aux gouverneurs de leurs provinces. Alexandre le Grand se voyant près de mourir, commanda que l'on portât son anneau sigillaire à celui qu'il désignoit pour son successeur. Aman, favori & ministre d'Assuerus, étoit dépositaire de l'anneau de ce prince; mais ayant abusé de la faveur de son maître, & fini ses jours d'une maniere ignominieuse, Assuerus donna à Mardochée le même anneau que portoit auparavant Aman, pour marque de la confiance dont il honoroit Mardochée, & du pouvoir qu'il lui donnoit d'administrer toutes les affaires de son état. Pharaon pratiqua la même chose, lorsqu'il établit Joseph viceroi de toute l'Egypte: tulit annulum de manu suâ, & dedit eum in manu ejus . Enfin Balthazar dernier roi de Babylone, avoit aussi confié la garde de son anneau à Daniel. Les Romains ne connoissoient point anciennement l'usage des sceaux publics; ainsi l'institution de la charge de garde des sceaux n'a point été empruntée d'eux: les édits des empereurs n'étoient point scellés; ils étoient seulement souscrits par eux d'une encre de couleur de pourpre, appellée sacrum encautum , composée du sang du poisson murex , dont on faisoit la pourpre; nul autre que l'empereur ne pouvoit user de cette encre sans commettre un crime de leze-majesté, & sans encourir la confiscation de corps & de biens; en sorte que cette encre particuliere tenoit en quelque sorte lieu de sceau. Auguste avoit à la vérité un sceau ou cachet, dont en son absence & pendant les guerres civiles, ses amis se servirent pour sceller en son nom des lettres & des édits; mais ce qui fut pratiqué dans ce cas de nécessité ne formoit pas un usage ordinaire, & les empereurs ne se servoient communément de leur cachet que pour clorre leurs lettres particulieres, & non pour leurs édits & autres lettres qui devoient être publiques. Justinien ordonna seulement par sa novelle 104, que tous les rescrits signés de l'empereur seroient aussi souscrits ou contre-signés par son questeur, auquel répond en France l'office de chancelier. En France au contraire, dès le commencement de la monarchie, nos rois au lieu de souscrire ou sceller leurs lettres, les scelloient ou faisoient sceller de leur sceau, soit parce que les clercs & les religieux étoient alors presque les seuls qui eussent l'usage de l'écriture, ou plutôt parce que les rois ne voulant pas alors s'assujettir à signer eux-mêmes toutes les lettres expédiées en leur nom, chargerent une personne de confiance de la garde de leur sceau , pour en apposer l'empreinte à ces lettres au lieu de leur signature. Celui qui étoit dépositaire du sceau du roi, du tems de la premiere race, étoit appellé grand référendaire , parce qu'on lui faisoit le rapport de toutes les lettres qui devoient être scellées; & comme sa principale fonction étoit de garder le scel royal qu'il portoit toujours sur lui, on le désignoit aussi souvent sous le titre de garde ou porteur du scel royal: gerulus annuli regalis, custos regii sigilli . Le premier qui soit designé comme chargé du scel royal est Amalsindon, lequel se trouve avoir scellé du sceau de Thierri premier roi de Metz, la charte portant dotation du monastere de Flavigny, au diocèse d'Autun; sigillante , est-il dit, perillustri viro Amalsindone sigillo regio . Le titre de perillustris que l'on donne à cet officier, marque en quelle considération étoit dès-lors celui qui avoit la garde du sceau . Gregoire de Tours, liv. V. ch. iij. fait mention de Siggo référendaire qui gardoit l'anneau de Sigebert premier, roi d'Austrasie, qui annulum Sigeberti tenuerat; & que Chilperic roi de Soissons, sollicita d'accepter auprès de lui le même emploi qu'il avoit eu près de son frere. Sous Clotaire II. Ansbert archevêque de Rouen fut chargé de cette fonction, ainsi qu'il est dit en sa vie, écrite par Angrade ou Aigrade religieux bénédictin, qui fait mention que ce prélat étoit conditor regalium privilegiorum, & gerulus annuli regalis quo eadem signabantur privilegia . Surius en la vie de S. Oüen, qui fut grand référendaire de Dagobert premier, & ensuite de Clovis II. son fils, dit qu'il gardoit le scel ou anneau du roi pour sceller toutes les lettres & édits qu'il rédigeoit par écrit: ad obsignanda scripta vel edicta regia quoe ab ipso conscribebantur, sigillum vel annulum regis custodiebat . Aimoin, liv. IV. ch. xlj. & le moine Sigebert en sa chronique de l'année 637, font aussi mention que S. Oüen avoit la garde de l'anneau ou scel royal dont il scelloit toutes les lettres du roi qui devoient être publiques. On lit en la vie de S. Bonit évêque de Clermont en Auvergne, qu'étant aimé très-particulierement de Sigebert III. roi d'Austrasie, il fut pourvu de l'office de référendaire, en recevant de la main du roi son anneau, annulo ex manu regis accepto . Du tems de Clotaire III. la même fonction étoit remplie par un nommé Robert: quidam illustris Robertus nomine, generosa ex stirpe proditus, gerulus fuerat annuli regii Clotarii; c'est ainsi que s'explique Aigrard qui a écrit la vie de S te Angradisine sa fille. Il paroît par ces différens exemples, que tous ceux qui remplissoient la fonction de référendaire sous la premiere race de nos rois, étoient tous en même tems chargés du scel ou anneau royal. Il en fut de même sous la seconde race, des chanceliers qui succéderent aux grands-référendaires; quoiqu'on n'ait point trouvé qu'aucun d'eux prît le titre de garde du scel royal , il est néanmoins certain qu'ils étoient tous chargés de ce scel. Sous la troisieme race de nos rois, la garde des sceaux du roi a aussi le plus souvent été jointe à l'office de chancelier, tellement que la promotion de plusieurs chanceliers des premiers siecles de cette race, n'est désignée qu'en disant qu'on leur remit le sceau ou les sceaux, quoiqu'ils fussent tout-à-la-fois chanceliers & gardes des sceaux . On voit aussi dans les historiens de ce tems, qu'en parlant de plusieurs chanceliers qui se démirent volontairement de leurs fonctions, soit à cause de leur grand âge ou indisposition, ou qui furent destitués pour quelque disgrace, il est dit simplement qu'ils remirent les sceaux; ce qui dans cette occasion ne signifie pas simplement qu'ils quittoient la fonction de garde des sceaux , mais qu'ils se démettoient totalement de l'office de chancelier que l'on désignoit par la garde du sceau , comme en étant la principale fonction. Aussi voit-on que les successeurs de ceux qui avoient ainsi remis les sceaux, prenoient le titre de chanceliers, même du vivant de leur prédécesseur; comme le remarque M. Ribier conseiller d'état, dans un mémoire qui est inséré dans Joli, des off. tom. I. aux addit . On ne parlera donc ici ni de ceux auxquels on donna les sceaux avec l'office de chancelier, ni de ceux qui les quitterent en cessant totalement d'être chanceliers; mais seulement de ceux qui sans être pourvus de l'office de chancelier, ont tenu les sceaux, soit avec le titre de garde des sceaux , ou autre titre équipollent. Depuis la troisieme race, il y a eu plus de quarante gardes des sceaux; les uns pendant que l'office de chancelier étoit vacant, les autres dans le tems même que cet office étoit rempli, lorsque nos rois ont jugé à propos pour des raisons particulieres, de séparer la garde de leur sceau de la fonction de chancelier; on comprend dans cette seconde classe plusieurs chanceliers qui ont tenu les sceaux séparément, avant de parvenir à la dignité de chancelier. On fera aussi mention des vices-chanceliers, attendu qu'ils ont fait la fonction de gardes des sceaux . Les rois de la premiere & de la seconde race n'avoient qu'un seul sceau ou anneau, dont le chancelier ou le garde du scel royal étoit dépositaire. Pour le conserver avec plus de soin, & afin que personne ne pût s'en servir furtivement, il le portoit toujours pendu à son cou: cet usage avoit passé de France en Angleterre. En effet, Roger vice-chancelier de Richard I. roi d'Angleterre, ayant péri sur mer par une tempête, on reconnut son corps parce qu'il avoit le scel du roi suspendu à son cou. Depuis que l'on se servit en France de sceaux plus grands, & que le nombre en fut augmenté, il ne fut pas possible au chancelier ou garde des sceaux de les porter à son cou; il n'en a plus porté que les clés qu'il a toûjours sur lui dans une bourse. Anciennement le coffre des sceaux étoit couvert de velours azuré, semé de fleurs-de-lis d'or; & dans les cérémonies ce coffre étoit porté sur une hacquenée qu'un valet-de-pié conduisoit par la main: autour de cette hacquenée chevauchoient les héraux & poursuivans du roi, & autres seigneurs qui étoient présens; d'autres disent que c'étoient des archers, d'autres les appellent des chevaliers vêtus de livrée: cela se trouve ainsi rapporté par Alain Chartier, sous l'an 1449 & 1451, & par Monstrelet au troisieme volume , en parlant des entrées faites par le roi Charles VII. à Roüen & à Bordeaux. On trouve ailleurs que quand le chancelier alloit en voyage, c'étoit le chausse-cire qui portoit le scel royal sur son dos, ainsi qu'il est dit dans un hommage rendu par Philippe archiduc d'Autriche, au roi Louis XII. le 5 Juillet 1499, pour les comtés de Flandre, Artois & Charolois. Présentement le roi donne pour renfermer les sceaux un grand coffre couvert de vermeil, lequel est distribue en trois cases, contenant chacune une petite cassette fermante à clef. La premiere qui est couverte de vermeil renferme le grand sceau de France & son contre-scel. La seconde qui est couverte de velours rouge, parsemée de fleurs-de-lys & de dauphins de vermeil, contient le sceau particulier dont on use pour la province de Dauphiné, & son contre-scel. La troisieme cassette contenoit le sceau & le contre-sceau de l'ordre de S. Louis, établi en 1693; mais présentement cette cassette est vuide, les sceaux de cet ordre ayant été donnés en 1719 au chancelier garde des sceaux créé pour cet ordre, par édit du mois d'Avril de la même année. Comme il n'y a plus que les deux premieres cassettes qui servent, le garde des sceaux pour les transporter plus facilement, a fait faire un petit coffre de bois dans lequel ces deux cassettes sont renfermées; & lorsqu'il marche par la ville ou qu'il va en voyage, il fait toujours porter avec lui ce coffre dans son carrosse. Ce fut vers le commencement de la troisieme race que le nombre des sceaux du roi fut multiplié, que le roi garda lui-même depuis ce tems son petit scel ou anneau, qu'on appelloit le petit signet du roi , dont il scelloit lui-même toutes les lettres particulieres qui devoient être closes; & au lieu de ce scel ou anneau, on donna au chancelier ou au garde des sceaux d'autres sceaux plus grands, pour sceller les lettres qui devoient être publiques, & que par cette raison l'on envoyoit ouvertes, ce que l'on a depuis appellé lettres-patentes . Le premier exemple que j'aye trouvé de ces grands sceaux, est dans une charte du tems de Louis-le-Gros, datée de l'an 1106, pour l'église de S. Eloy de Paris; elle est scellée de deux grands sceaux appliqués sur le parchemin de la lettre: dans l'un le roi est assis sur son throne, dans l'autre il est à cheval, & à l'entour sont écrits ces mots, Philippus gratiâ Dei Francorum rex; ce qui prouve que ces sceaux étoient en usage dans le tems de Philippe I. Depuis que l'on se servit ainsi de plusieurs sceaux, il étoit naturel que celui qui en étoit dépositaire fût appellé garde des sceaux; cependant on continua encore long-tems à l'appeller simplement garde du scel royal , comme si le scel du roi étoit unique; ce qui feroit croire que le second sceau dont on a parlé, représentant le roi à cheval, n'étoit autre chose que le revers du premier sceau: mais on n'étoit point encore dans l'usage d'appliquer ce second sceau par forme de contre-scel, c'est-à-dire, derriere le premier. Le scel fabriqué du tems de Philippe I. étant beaucoup plus grand que le sceau ou anneau dont on s'étoit servi jusqu'alors, fut surnommé le grand scel , & celui qui en étoit chargé étoit quelquefois appellé le porteur du grand scel du roi . Cette distinction du grand scel fut sans doute établie, tant à cause du cachet ou sceau privé du roi, qu'à cause du contre-scel ou scel secret, qui fut établi sous Louis VII. & qui étoit porté par le grand chambellan. La chancellerie étoit vacante en 1128, suivant une charte de Louis-le-Gros pour S. Martin-des-Champs, à la fin de laquelle il est dit cancellario nullo; ce qui peut d'abord faire penser qu'il y avoit alors quelqu'un commis pour tenir le grand scel du roi, mais il n'en est point fait mention; & il est plûtôt à croire que pendant cette vacance le roi tenoit lui-même son sceau, comme plusieurs de nos rois l'ont pratiqué en pareille occasion. On trouve plusieurs chartes du douzieme siecle, que les rois faisoient sceller en leur présence, & à la fin desquelles il y a ces mots, data per manum regiam vacante cancellaria; ce qui fait de plus en plus sentir la dignité attachée à la fonction de garde des sceaux , puisque nos rois ne dédaignent point de tenir eux-mêmes le sceau en certaines occasions. La chancellerie étoit dite vacante lorsqu'il n'y avoit ni chancelier ni garde des sceaux . Hugues de Chamfleuri fut nommé chancelier de France en 1151, mais sa disgrace le fit destituer de cet office; de sorte que la chancellerie vaqua durant les années 1172, 1173, 1174, 1175, 1176 & 1177. Il paroît néanmoins que Hugues fut rétabli dans ses fonctions en 1175, qui est l'année de sa mort. La chancellerie vaqua encore en 1179, comme il paroît par un titre du cartulaire de S. Victor. Elle vaqua pareillement durant tout le regne de Philippe-Auguste, si l'on en excepte les années 1180 & 1185, où il est parlé de Hugues de Puiseaux en qualité de chancelier, l'année 1201, où Gui d'Athies vice-chancelier pendant la vacance de la chancellerie, fit la fonction de garde des sceaux , & les années 1203, 1204, 1205. & 1207, ou frere Guerin, chevalier de l'ordre de S. Jean de Jérusalem, fit la même fonction de garde des sceaux, vacante cancellariâ; il fut depuis élevé à la dignité de chancelier dont il releva beaucoup l'éclat. Il paroît par une charte de l'année 1226, qui est la premiere du regne de S. Louis, que frere Guerin faisoit encore les fonctions de chancelier: mais depuis il n'y en eut point pendant tout le regne de S. Louis; il se contenta de commettre successivement différentes personnes à la garde du sceau . Suivant une cédule de la chambre des comptes au mémorial A , qui est sans date; & une autre cédule au mémorial E, fol. 132 . Philippe d'Antogny portoit le grand scel du roi S. Louis: il prenoit pour soi, ses chevaux & valets à cheval, sept sous parisis par jour pour l'avoine & pour toute autre chose, excepté son clerc, & son valet qui le servoit en la chambre, qui mangeoient à la cour; & leurs gages étoient doubles aux quatre fêtes annuelles. La derniere des deux cédules dont on vient de parler, fait aussi mention de Philippe de Nogaret qui portoit le grand scel du roi. Nicolas, doyen & archidiacre de Chartres, chapelain & conseiller du roi S. Louis, fut choisi en 1249 pour porter le sceau du roi dans le voyage de la Terre-Sainte; il mourut en Egypte après la prise de Damiete, en 1250. Gilles, archevêque de Tyr en Phénicie, aussi conseiller du roi S. Louis, avoit la garde du sceau de ce prince en 1253, comme on l'apprend de l' histoire de Joinville , & de la vie de S. Louis écrite par Guillaume de Nangis. Raoul de Piris, doyen de S. Martin de Tours, fut fait garde des sceaux au retour de la Terre-Sainte, & évêque d'Evreux en 1256; il fut cardinal & légat, & mourut l'an 1270: il se trouve un titre pour l'abbaye de S. Remi de Reims, scellé par lui, où on lit ces mots: & has litteras dominus episcopus ebroicensis, tunc decanus turonensis, sigillavit . Plusieurs titres de S. Denis & du prieuré de S. Sauveur-lez-Bray sur Seine, font mention que la chancellerie vaqua en 1255 & 1258. Mais dans cette même année 1258, Raoul de Gros-Parmy, thrésorier de l'église de S. Frambaud de Senlis, fut fait garde du sceau du roi. Tessereau, en son histoire de la chancellerie , cite à ce sujet le registre olim de la chambre des comptes de ladite année, où on lit, dit-il: Radulphus Gros-Permius, thesaurarius sancti Framboldi sylvanectensis, qui deferebat sigillum domini regis; & le fait rapporté par Tessereau est véritable: mais il faut qu'il y ait erreur dans la citation qu'il fait du registre olim de la chambre des comptes, n'y ayant jamais eu dans cette chambre de registre ainsi appellé: ce registre est au parlement, & contient en effet mot pour mot les termes rapportés par Tessereau. La chronique de S. Martial de Limoges fait mention de Simon de Brion ou de Brie, thrésorier de S. Martin de Tours, qui fut garde des sceaux du roi depuis 1260 jusqu'en l'année suivante, qu'il fut créé cardinal, & envoyé légat en France: il fut élu pape le 22 Février 1281, sous le nom de Martin IV . & mourut le 22 Mars 1285. La chancellerie vaqua en 1261 & 1262, comme il est dit dans quelques titres de ce tems; & l'on ne voit point à qui la garde du sceau fut confiée jusqu'en 1270, que le roi S. Louis, avant de s'embarquer à Aigues-mortes le premier Juillet, laissa le gouvernement de son royaume à Matthieu de Vendôme, abbé de S. Denis, & à Simon de Neesle, & leur donna un sceau particulier dont ils scelloient les lettres en son absence; ce sceau n'avoit qu'une couronne simple sans écusson, & ces mots à l'entour: S. Ludovici, dei gratiâ Francorum regis, in partibus transmarinis agentis; le contre-scel avoit un écusson sans couronne, semé de fleurs-de-lis. La chancellerie vaqua sous le regne de Philippe III. dit le Hardi , pendant les années 1273 & 1274, comme le prouve la charte de confirmation des priviléges de la ville de Bourges, du mois de Mars 1274. Du tems de Philippe-le-Bel, Etienne de Suicy, appellé l' archidiacre de Flandres , qui fut chancelier de France en 1302, après Pierre Flotte, avoit été garde du scel royal au mois de Janvier 1290, comme il paroît par une ordonnance du roi donnée à Vincennes, datée desdits mois & an, au sujet de l'état de sa maison, où il y a un article concernant les gages ou appointemens de l'archidiacre de Flandres, qui porte, est-il dit, le scel à 6 sous par jour, outre la bouche à cour pour lui & les siens; & quand il seroit à Paris, à 20 sous par jour pour toutes choses, en mangeant chez lui. Il falloit que le prix des denrées fût moindre alors qu'il n'étoit du tems de S. Louis, sous lequel Philippe d'Antogny avoit 7 s. parisis par jour, outre le droit de bouche à cour; au lieu que celui-ci n'avoit que six sous: on voit aussi par-là que le droit de bouche à cour pour le garde des sceaux & pour tous les siens, n'étoit évalué qu'à quatorze sous par jour, puisqu'on ne lui donnoit que cela de plus lorsqu'il étoit à Paris & mangeoit chez lui. Ce même Etienne de Suicy fut archidiacre de Bruges en l'église de Tournay, chancelier de France en 1302, & cardinal en 1305; il mourut en 1311. Pierre Flotte, qui fut nommé chancelier en 1302, prenoit indifféremment la qualité de chancelier ou de garde des sceaux , comme il paroît par un titre pour l'archevêque de Bordeaux du mercredi avant Pâques de l'an 1302, où on lui donne la qualité de garde des sceaux . Après sa mort arrivée dans la même année, Guillaume de Nogaret, seigneur de Calvisson, fut fait pour la premiere fois garde des sceaux , ainsi qu'on l'apprend d'une ordonnance de l'an 1303, portant qu'il y aura au parlement treize clercs & treize lais, que les treize clercs seront M e Guillaume de Nogareth, qui porte le grand scel; & Philippe le Bel, dans le parlement qu'il établit à Paris en 1302, lui donna rang immédiatement après un évêque & un prince du sang, & avant tous autres juges. Dans une autre ordonnance de 1304, le roi dit: « Or est notre entente, que cil qui portera notre grand scel ordonne de bailler ou envoyer aux enquêtes de langue d'oc & de la langue françoise des notaires, tant comme il verra à faire pour les besognes dépêcher ». Pierre de Belleperche, qui fut nommé chancelier en 1306, paroît être le premier qui ait joint au titre de chancelier celui de garde du sceau royal . Les sceaux furent rendus à Guillaume de Nogaret en 1307, comme il paroît par un registre du thrésor; traditum fuit sigillum domino Guillelmo de Nogareto . Il n'avoit pour son plat à la suite du roi, que « dix soudées de pain, trois septiers de vin, l'un pris devers le roi, & les deux autres du commun, & quatre pieces de chair, & quatre pieces de poulaille; & au jour de poisson à l'avenant; & ne prenoit que six provendes d'avoine, couste, feurres, busches, chandelles, & point de forge ». Gilles Aicelin de Montagu, archevêque de Narbonne, fut garde des sceaux depuis le 27 Févr. 1309 jusqu'au mois d'Avril 1313, suivant le registre 45 e du thrésor, où il est qualifié, habens sigillum . Il eut pour successeur en cette fonction Pierre de Latilly, archidiacre de l'église de Châlons-sur-Marne: le registre 49 du thrésor porte: tradidit dominus rex ..... magnum sigillum suum magistro Petro de Latilliaco . L'état de la maison du roi arrêté le 2 Décembre 1306 par Philippe-le-Long, regle les droits du chancelier, à l'instar de ce qui avoit été accordé à Guillaume de Nogaret, garde des sceaux; ensorte que les droits du garde des sceaux furent assimilés à ceux du chancelier. Il sembloit même que le chancelier ne tirât ses plus grands priviléges que de la garde du sceau: en effet, les habitans de la ville de Laon ayant prétendu recuser le chancelier Pierre de Chappes, comme leur étant suspect, il fut décidé dans le conseil tenu en présence du roi le lundi avant l'ascension de l'année 1318, que le chancelier ne devoit être tenu pour suspect; d'autant que par le moyen de l'office du sceau, il étoit personne publique & tenu à une spéciale fidélité au roi. Il y avoit deux gardes des sceaux au mois de Juillet 1320, suivant un mémorial de la chambre des comptes, coté H , portant que le 9 dudit mois Pierre le Mire, chauffe-cire, avoit prêté serment pour cet office « entre les mains des deux préposés à la garde du sceau ». Au mois de Février suivant, Philippe-le-Long fit un réglement sur le port & état du grand scel & sur la recette des émolumens d'icelui. Suivant ce réglement, tous les émolumens, tant du grand sceau que des chancelleries particulieres de Champagne, de Navarre, & des Juifs, devoient à l'avenir. appartenir au roi. Jean de Marigni, chantre de l'église de N. D. de Paris, évêque de Beauvais en 1312, tint les sceaux après Matthieu Ferrand, chancelier, depuis le dernier Avril 1329 jusqu'au 6 Juillet de la même année, qu'il les rendit; il les eut encore depuis le 7 Septembre jusqu'à la S. Martin 1329, qu'il en fut déchargé, & les remit ès mains de Guillaume de Sainte-Maure, doyen de Tours. Après la mort de Guillaume de Sainte-Maure, chancelier, arrivée en 1334, Pierre Rogier, abbé de Fécamp, reçut les sceaux, & en fut déchargé lorsqu'il eut l'archevêché de Sens: il ne se trouve cependant aucun acte qui marque qu'il ait été chancelier ni garde des sceaux; il fut depuis archevêque de Roüen, cardinal, & pape sous le nom de Clément VI . Foulques Bardoul, conseiller au parlement de Paris, fut garde de la chancellerie pendant la prison du roi Jean, après la destitution du chancelier Pierre de la Forêt; il y avoit déjà été employé sous Philippe de Valois, pendant un voyage du chancelier Cocquerel, & l'étoit au mois de Mars 1356, comme il se voit par le journal du thrésor du 24 Mars de cette année, & par une lettre du 15 Juin 1357: ce qui cessa lorsque le régent donna les sceaux à Jean de Dormans. On ne voit pas au surplus qu'il eût le titre de garde des sceaux . Jean de Dormans fut aussi d'abord commis seulement au fait de la chancellerie de France le 18 Mars 1357, par Charles, régent du royaume; il exerçoit la charge de chancelier au traité de Brétigni, le 9 Mai 1360. Le roi Jean lui donna les sceaux le 18 Septembre 1361, & l'institua chancelier de France après la mort du cardinal de la Forêt. Le parlement ayant été transféré à Poitiers, & la grande chancellerie établie dans la même ville, Jean de Bailleul, président au parlement, tint pendant ce tems les sceaux. Quelques manuscrits supposent qu'Adam Fumée, chevalier, seigneur des Roches, maître des requêtes, fut commis à la garde des sceaux de France depuis l'an 1479 jusqu'en 1483; à quoi il y a néanmoins peu d'apparence, vû que pendant ce tems Pierre d'Oriole exerçoit l'office de chancelier: mais il est du-moins certain qu'il fut commis à la garde des sceaux après la mort du chancelier Guillaume de Rochefort, arrivée le 12 Août 1492. Dans quelques actes il est qualifié de garde des sceaux; & comme il ne tenoit cette charge que par commission, il conserva toûjours celle de maître des requêtes, & exerça l'une & l'autre jusqu'à sa mort arrivée au mois de Novemb. 1494. Robert Briçonnet, archevêque de Reims, exerça la fonction de garde des sceaux après le décès d'Adam Fumée, & fut ensuite pourvû de l'office de chancelier de France au mois d'Août 1495. Etienne Poncher, évêque de Paris, fut pareillement commis à la garde des sceaux de France en 1512, & les tint jusqu'au 2 Janvier 1515. François I. ayant dans la même année nommé Antoine Duprat pour chancelier, & ordonné qu'il passeroit les monts avec lui, Messire Mondot de la Marthonie, premier président au parlement de Paris, fut chargé de la garde du petit sceau en l'absence du grand. Ce même prince allant à Lyon en 1523, & laissant à Paris le chancelier Duprat; il commit M. Jean Brinon, premier président du parlement de Roüen, pour avoir près de S. M. la garde du petit scel , en l'absence du grand. Le chancelier du Bourg étant mort en 1538, la garde des sceaux fut donnée en commission à Matthieu de Longuejoue, chevalier, seigneur d'Yverni, évêque de Soissons, en attendant que Guillaume Poyet eût ses provisions de chancelier; il reçut les sceaux pour la seconde fois après la mort de François Erraut en 1544, & en fut déchargé l'année suivante. Lorsque le chancelier Poyet fut emprisonné en 1542, François de Montholon, premier du nom, président au parlement, fut commis à la garde des sceaux de France par des lettres du 9 Août de ladite année; il prêta serment entre les mains du cardinal de Tournon, le 22 du même mois: le dauphin l'établit aussi garde des sceaux du duché de Bretagne, par des lettres du 7 Septembre de la même année; ce qui est remarquable, en ce que l'office de chancelier de Bretagne avoit été supprimé des l'an 1494. Le premier Juin 1543, le roi lui fit remettre tous les papiers & enseignemens concernant les principales affaires du royaume, qui avoient été trouvés dans les coffres du chancelier Poyet, afin qu'il prît une plus grande connoissance des affaires de S. M. il mourut le 15 dudit mois de Juin 1543. François Erraut, seigneur de Chemans, maître des requêtes & président en la cour de parlement de Thurin, lui succéda en la charge de garde des sceaux , & conserva ses autres charges: le roi lui fit remettre les mêmes papiers & enseignemens qu'avoit eus son prédécesseur; il fut destitué en 1544. Ce fut alors que Matthieu de Longuejoue reçut pour la seconde fois les sceaux, comme on l'a déjà dit. Le chancelier Olivier étant tombé en paralysie, les sceaux furent mis entre les mains de Jean Bertrand ou Bertrandi, président au parlement de Toulouse; lequel sans lettres de commission, les garda & scella jusqu'à ce que le chancelier crût être en état de reprendre ses fonctions: mais ayant perdu la vûe, il fut déchargé des sceaux le 2 Janvier 1550. Par un édit donné à Amboise au mois d'Avril suivant, le roi érigea un état de garde des sceaux de France en titre d'office, sans désignation d'aucune personne, avec attribution des honneurs & autorités appartenans à un chancelier de France, même de présider au parlement & au grand-conseil; pour être ledit office supprimé après la mort du chancelier Olivier, & subrogé à icelui. Cet édit fut vérifié contre les conclusions du procureur-général, & publié en l'audience le 8 Mai 1551. Bertrandi fut pourvû de cet office de garde des sceaux par lettres du 22 du même mois, vérifiées le 14 Août suivant; il fut archevêque de Sens, cardinal, & mourut à Venise, faisant la fonction d'ambassadeur, le 4 Décembre 1560. Il joüit paisiblement de son office de garde des sceaux; présida souvent au parlement de Paris, tant en la grand-chambre, qu'aux grandes cérémonies des lits de justice, & processions générales, comme il paroît par les registres de ladite cour des 12 Novembre, 12, 15, 16, 17, & 18 Février, 28 Mars 1551, 13 Juin 1552, & autres. Durant le voyage du roi en Allemagne, il demeura avec le conseil-privé établi à Châlons près de la reine régente, où il rendit pour elle en sa présence & en plein conseil les réponses nécessaires aux remontrances des-députés du parlement. Il faisoit les mêmes fonctions que si le roi y eût été, comme il se voit par les registres du parlement du 13 Juin 1552; il exerça l'office de garde des sceaux jusqu'à la mort d'Henri II. arrivée le 10 Juillet 1559. Le roi François II. remit alors le chancelier Olivier dans l'exercice de son office: mais étant mort le 30 Mars 1560, & le cardinal Bertrandi ayant donné sa démission de l'office de garde des sceaux , le roi nomma pour chancelier Michel de l'Hôpital, auquel en 1658 il fit redemander les sceaux, attendu que le chancelier étoit indisposé & hors d'état de suivre le roi, qui se disposoit à faire un grand voyage. Les sceaux furent aussi-tôt donnés à Jean de Morvilliers, évêque d'Orléans, auquel François II. les avoit déjà offerts dès 1560; il les garda sans commission jusque sur la fin de l'année 1570. Jamais personne n'avoit gardé les sceaux si long-tems sans aucun titre. Il obtint étant évêque d'Orléans, le 13 Mai 1557, des lettres-patentes portant qu'il auroit séance & voix délibérative au parlement, tant aux jours de plaidoirie que de conseil, comme conseiller d'état, en conséquence de l'édit fait en faveur de tous les conseillers du conseil-privé, nonobstant les modifications qui y avoient été apportées pour l'exclusion des jours de conseil; lesquelles lettres-patentes furent vérifiées au parlement le 13 Janvier suivant, à la charge de ne pouvoir présider en l'absence des présidens: en 1570, étant accablé d'infirmités, il obtint la permission de se démettre des sceaux. Charles IX. les donna à René de Biragues, président, qui les garda quelques années sans avoir non plus aucunes provisions du roi; & pendant ce tems, Jean de Morvilliers qui s'étoit démis des sceaux, retint toûjours comme plus ancien conseiller d'état, le rang & la préséance sur le sieur de Biragues, & présida au conseil en l'absence du roi, comme il avoit fait auparavant, quoique le sieur de Biragues eût les sceaux, & qu'il eût voulu tenir rang de garde des sceaux au-dessus du premier président du parlement, à l'entrée du roi à Paris le 6 Mars suivant. Ledit sieur de Morvilliers continua d'avoir la principale direction des affaires, même après que le président de Biragues fut garde des sceaux en titre, & même depuis qu'il eut été nommé chancelier en 1573. Le chancelier de Biragues ayant obtenu sa décharge des sceaux en 1573, Philippe Huraut, comte de Chiverny, commandeur de l'ordre du S. Esprit, fut fait garde des sceaux de France; ses provisions furent expédiées en forme d'édit, portant création & provision en sa faveur de l'office de garde des sceaux , aux mêmes honneurs & préséances des autres gardes des sceaux de France, sous la réserve du titre de chancelier audit sieur de Biragues; & à la charge que vacation avenant dudit état & titre de chancelier , il seroit joint & réuni avec celui de garde des sceaux . Ces lettres qui sont du mois de Septembre, furent vérifiées au parlement le 9 Décembre de la même année. Le comte de Chiverny fut fait chancelier après la mort du cardinal de Biragues; il quitta les sceaux en 1588: mais il fut rappellé à la cour par Henri IV. qui lui rendit les sceaux en 1590, & il les tint jusqu'à sa mort arrivée en 1599. François de Montholon II. du nom, avocat au parlement, fils de François de Montholon, qui avoit été garde des sceaux de France sous le regne de François I. fut nomme pour remplir la même fonction par des lettres du 6 Septembre 1588, par lesquelles le roi le commit à l'exercice de la charge & état de son chancelier, sous le nom & titre toutefois de garde des sceaux , aux honneurs & prérogatives des précédens gardes des sceaux , & aux gages de 4000 écus par an; & ce par commission seulement, & pour tant qu'il plairoit audit seigneur roi: avant de procéder à la vérification de ces lettres, la cour députa vers le chancelier de Chiverny, pour lui en donner communication; ces lettres furent présentées à l'audience par de Fontenay, avocat, le 29 Novembre suivant, & registrées oüi & consentant le procureur-général du roi. Le garde des sceaux de Montholon harangua au lit de justice que le roi Henri III. tint à Tours le 23 Mars 1589, pour y établir son parlement, & interdire celui de Paris. Henri IV. étant parvenu à la couronne par la mort d'Henri III. arrivée le premier Août 1589, Montholon se démit volontairement des sceaux entre les mains de Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme, qui se trouva alors chef du conseil du roi; il revint ensuite au palais, où il continua la profession d'avocat, comme il faisoit avant d'être garde des sceaux . Le cardinal de Vendôme garda les sceaux jusqu'au mois de Décembre suivant, tems auquel le roi les lui fit redemander & retirer de ses mains par le sieur de Beaulieu Ruzé, conseiller d'état & secrétaire de ses commandemens, qui porta les sceaux au roi à Mantes. Le roi tint pendant quelque tems le sceau en personne, ou le fit tenir par son conseil, auquel présidoit le maréchal de Biron. Quand le roi faisoit sceller en sa présence, il mettoit lui même le visa sur les lettres, ou le faisoit mettre par le sieur de Lomenie, conseiller d'état secrétaire des commandemens de Navarre & du cabinet, qui avoit la garde des clés du sceau . Quand le roi avoit d'autres affaires, il laissoit à son conseil le soin de tenir le sceau, ou bien il faisoit commencer à sceller en sa présence, & laissoit continuer le sceau par son conseil. Quoique le maréchal de Biron y présidât, il ne mettoit pourtant pas le visa sur les lettres; c'étoit le sieur de Lomenie qui y demeuroit pour cet effet; & après que le sceau étoit levé, il retiroit les sceaux, les remettoit dans le coffre & en gardoit les clés. L'adresse des lettres qui a coûtume de se faire au chancelier, se faisoit alors aux conseillers d'état de S. M. ayant la garde des sceaux près de sa personne, & les sermens se faisoient entre les mains du plus ancien conseiller. Cet ordre fut gardé jusqu'au mois d'Août 1590, que le roi rendit les sceaux au chancelier de Chiverny, qui les garda jusqu'à son décès. Du tems du chancelier de Bellievre, le Roi créa à sa priere, par des lettres en forme d'édit du mois de Décembre 1604, vérifiées au parlement le 14 Mars 1605, un office de garde des sceaux de France , en faveur de Nicolas Brulart, seigneur de Sillery, aux mêmes honneurs, prérogatives, autorités, & pouvoirs des autres gardes des sceaux de France , pour le tenir & exercer en cas d'absence, maladie, ou autre empêchement dudit chancelier, à condition que vacation advenant de l'office de chancelier, il demeureroit joint & uni avec celui de garde des sceaux , sans qu'il fût besoin de prendre de nouvelles lettres de provisions ni de confirmation. Le sieur Brulart de Sillery prêta serment le 3 Janvier 1605: on vit alors une chose qui n'avoit point encore eu d'exemple; c'est que le garde des sceaux fut quatre ou cinq mois sans avoir les sceaux, parce que le chancelier les retint jusqu'au voyage que le roi fit en sa province de Limosin. Cependant le garde des sceaux siégeoit dans le conseil au-dessous du chancelier, quoiqu'il n'eût point les sceaux. Mais le roi étant arrivé à Tours, fit retirer les sceaux des mains du chancelier, pour les mettre en celles du garde des sceaux , lequel les garda toûjours depuis, & en fit la fonction tant que le chancelier vécut, sans souffrir même qu'il reçût les sermens des officiers, ni qu'il disposât des offices & autres droits dépendans de la charge de chancelier; & le chancelier de Bellievre étant mort en 1607, sa place fut donnée au garde des sceaux . Pendant que la cour étoit à Blois au mois de Mai 1616, le chancelier de Sillery ayant pressenti que le sieur du Vair avoit été mandé pour le faire garde des sceaux , il remit les sceaux au roi en présence de la reine sa mere, se contentant de supplier S. M. de lui laisser seulement ceux de Navarre, ce qui lui fut accordé. On voit par-là que l'on usoit encore alors de sceaux particuliers pour le royaume de Navarre, ce qui ne se pratique plus. Les sceaux de France furent donnés à Guillaume du Vair, évêque de Lizieux, qui avoit été premier président au parlement de Provence. Il avoit reçu divers commandemens du roi pour venir recevoir les sceaux, & s'en étoit long-tems excusé. Enfin étant venu, le roi lui en fit expédier des lettres en forme d'édit, signées & visées de la propre main de S. M. & scellées en sa présence, données à Paris au mois de Mai 1616, portant reserve au chancelier de Sillery, sa vie durant, de ses droits, gages, états, pensions, avec création & don audit sieur du Vair d'un état de garde des sceaux de France , pour le tenir & exercer aux honneurs, pouvoirs, prééminences, gages, pensions, droits, dont les gardes des sceaux avoient joüi, & qui lui seroient ordonnés & attribués, & de faire toutes fonctions avec pareille autorité que les chanceliers, même de présider en toutes cour de parlemens & autres compagnies souveraines, & sur icelles, & sur toutes autres justices, avoir l'oeil & surintendance comme un chancelier, à condition que vacation advenant de l'office de chancelier, il demeureroit uni à celui de garde des sceaux , sans aucunes lettres de confirmation ni de provision; il en fit le serment entre les mains du roi le 16 du...... Du Vair ayant fait présenter ses lettres au parlement de Paris, elles y furent vérifiées & registrées le 17 Juin 1616, sans approbation de la clause d'y présider , quoique pareille clause y eût été passée autrefois sans difficulté aux offices des garde des sceaux Bertrandi & de Biragues. Il ne laissa pourtant pas nonobstant cette modification d'y prendre la place des chanceliers aux piés du roi, au lit de justice tenu le 7 Septembre suivant, lors de l'arrêt de M. le Prince; d'y recueillir les voix & opinions, & d'y prononcer comme président: mais en entrant dans la grand-chambre avant le roi, il ne se plaça point dans le banc des présidens; il alla tout droit s'asseoir dans la chaire des chanceliers. Le 25 Novembre suivant, il remit les sceaux au roi; il ne laissa pas de faire présenter ses lettres de provisions à la chambre des comptes de Paris, pour valider les payemens qu'il avoit reçus de ses gages. Elles y furent registrées sans approbation de la clause de présider en toutes cours. Les sceaux lui surent rendus le 25 Avril 1617; il les garda jusqu'au jour de son décès, arrivé le 3 Août 1621. Le même jour qu'il remit les sceaux, c'est-à-dire le 25 Novembre 1616, Claude Mangot, conseiller & secrétaire d'état, fut pourvû de l'office de garde des sceaux de France , comme vacant par la démission volontaire du sieur du Vair, pour le tenir & exercer aux mêmes honneurs, autorités, & droits, dont lui & les autres gardes des sceaux de France avoient joüi. Ses provisions contenoient les mêmes clauses que celles de son prédécesseur, à l'exception toutefois du droit de présider au parlement; & il fut dit que c'étoit sans diminution des droits, gages, états, & pensions, tant du garde des sceaux du Vair, que du chancelier de Sillery que S. M. vouloit leur être continues leur vie durant. Il prêta serment le 26 Novembre, & quelque tems après fit présenter ses lettres au parlement, où elles furent vérifiées le 17 Décembre de la même année, après néanmoins qu'on eut député le doyen du parlement, rapporteur de ces lettres, & quelques autres conseillers, vers le sieur du Vair, pour apprendre de sa bouche la vérité de sa démission. Le sieur Mangot garda les sceaux jusqu'au 24 Avril 1617; le maréchal d'Ancre ayant été tué ce jour-là, le sieur Mangot qui tenoit le sceau chez lui, fut mandé au louvre, où il remit les sceaux au roi; le lendemain le roi les renvoya au sieur du Vair par le fleur de Lomenie secrétaire d'état, avec de nouvelles lettres de déclaration & de jussion datées du 25 du même mois, par lesquelles S. M. déclaroit que « son intention étoit que le sieur du Vair exerçât la charge de garde des sceaux , & en joüît pleinement & entierement avec tous les honneurs, autorités, &c. à icelle appartonans, en vertu de ses premieres lettres de provision, nonobstant toutes autres lettres contraires: mandant S. M. aux gens de son parlement, chambre des comptes, &c. de faire lire, publier, & registrer, si fait n'avoit été, lesdites lettres de déclaration & provision, & d'obéir audit sieur du Vair ès choses touchant ladite charge de garde des sceaux ». Et alors lesdites provisions furent purement & simplement registrées sans modification, pour en joüir suivant lesdites lettres de déclaration, qui furent lûes & publiées le dernier Juillet suivant. Le chancelier de Sillery ayant été rappellé par le roi dans le même mois d'Avril 1617, pour présider dans ses conseils, le garde des sceaux du Vair lui laissa par honneur la réception des sermens des conseillers du grand-conseil, & retint la signature des arrêts, conjointement avec lui; & comme les guerres civiles qui affligeoient alors la France, obligerent le roi de faire plusieurs voyages dans les provinces les plus éloignées, le garde des sceaux suivoit & présidoit au conseil qui étoit à la suite de S. M. & le chancelier qui étoit demeuré à Paris, présidoit au conseil des parties & des finances, sans toutefois avoir eu aucun pouvoir ni commission expresse pour cela, comme il s'étoit pratiqué autrefois. Les arrêts qui se rendoient dans les conseils tenus à Paris, étoient scellés du sceau de la chancellerie du palais, en l'absence du grand sceau qui étoit près de S. M. L'union de la couronne de Navarre ayant été faire à celle de France, la charge de chancelier de Navarre fut supprimée; il est probable que ce fut aussi alors que l'on cessa d'user d'un sceau particulier pour la Navarre. Au lit de justice tenu par le roi au parlement de Paris le 18 Février 1620, pour la publication de quelques édits, le garde des sceaux du Vair recueillit les opinions, comme il avoit fait en 1616. Il fit aussi la même fonction au lit de justice tenu à Rouen le 11 Juillet 1620, & à celui tenu à Bordeaux le 8 Septembre de la même année. Le garde des sceaux du Vair mourut le 3 Août 1621, étant à la suite du roi au siége de Cleirac. Le sieur Ribier, conseiller d'état, son neveu, s'étant trouvé près de lui, porta les sceaux à Sa Majesté, qui les donna à Charles d'Albert, duc de Luynes, pair & connétable de France, lequel étoit alors chef du conseil du roi. Il les garda jusqu'à son décès, arrivé le 15 Décembre suivant. Il scelloit ordinairement en présence des conseillers d'état qui étoient près de Sa Majesté. L'adresse des lettres qu'on avoit coûtume de faire au chancelier ou au garde des sceaux , se faisoit au connétable, quelquefois avec la qualité de tenant le sceau du roi , ou bien ayant la garde des sceaux du roi; & d'autres fois sans l'y mettre. Il recevoit les sermens avec telle plénitude de fonction pour ce regard, qu'un officier qui se trouva à Paris, voulant y prêter serment entre les mains du chancelier de Sillery, fut obligé d'obtenir des lettres, non-seulement de simple relief d'adresse, mais de commission particuliere pour recevoir ce serment; & le danger des chemins pendant la guerre, servit de prétexte pour obtenir ces lettres, & pour dispenser l'impétrant d'aller prêter le serment entre les mains du connétable. Après la mort du connétable, arrivée le 15 Décembre 1621, le roi tint le sceau en personne, & fit sceller diverses fois en présence de son conseil, jusqu'au 24 du même mois, qu'étant alors à Bordeaux, il donna les sceaux à Meric de Vic, Seigneur d'Ermenonville, conseiller d'état, & intendant de justice en Guienne. Les lettres de don ou provision de l'office de garde des sceaux , vacant par la mort de Guillaume du Vair, sont datées du 24 Décembre 1621. Elles contenoient presque les mêmes clauses que celles dudit du Vair, à l'exception seulement de la clause contenant droit de succéder en la charge de chancelier, vacation avenant, & de celle de présider & avoir la surintendance de la justice du royaume; où on ajoûta que ce seroit seulement en l'absence du chancelier de Sillery, auquel S. M. réservoit tous les honneurs & prééminences qui lui appartenoient, tout ainsi qu'il en avoit joui depuis la promotion dudit du Vair. Le sieur de Vic conserva les sceaux jusqu'à son décès, qui arriva le 2 Septembre 1622. Les sceaux furent portés au roi par l'abbé du Bec, fils du sieur de Vic. Le roi, en attendant qu'il eût choisi un autre garde des sceaux , commit verbalement les sieurs de Caumartin, de Preaux, de Léon, & d'Aligre, conseillers au conseil d'état; & les sieurs Godard & Machault, maîtres des requêtes de son hôtel, qui se trouvoient alors à sa suite, pour, quand il faudroit sceller, se transporter au logis du roi, & vaquer à la tenue du sceau, ainsi qu'ils aviseroient pour raison. Lorsqu'ils y étoient arrivés, Galleteau, premier valet-de-chambre du roi, tiroit le coffret des sceaux hors les coffres du roi, & le leur portoit avec les clés: M. de Caumartin, comme le plus ancien, en faisoit l'ouverture, & tenoit la plume pour mettre le visa . Le sceau étant levé, on remettoit les sceaux dans le coffret, & on le rendoit audit Galleteau, avec les clés. Cet ordre s'observa jusqu'au 23 dudit mois. Les conseillers d'état & maîtres des requêtes qui tenoient le sceau, firent demander au roi une commission par des lettres-patentes, pour leur décharge; mais ils ne purent l'obtenir. Le 13 du même mois le chancelier de Sillery obtint des lettres-patentes qui furent publiées au sceau le 22, portant qu'il joüiroit sa vie durant de tous les honneurs, droits, prérogatives, prééminences, fruits, profits, revenus & émolumens qui appartiennent à la charge de chancelier de France, tout ainsi qu'il faisoit lorsqu'il avoit la fonction & exercice des sceaux, sans y rien changer ou innover, & spécialement de la nomination, présentation aux offices, tant de la chancellerie de France, que des autres chancelleries établies près les cours & présidiaux; réception de tous les sermens des officiers pourvûs par le roi; foi & hommage, & autres sermens que les chanceliers ont accoûtumé de recevoir; droits de bourse, & autres droits dont il jouissoit pendant la fonction & exercice des sceaux, encore qu'il en fût pour lors déchargé; & sans que celui ou ceux auxquels le roi commettroit dans la suite la garde des sceaux , puissent prétendre leur appartenir aucune chose desdits droits, pouvoirs & émolumens, que le roi déclare appartenir à la charge de chancelier de France, privativement à tous autres. L'adresse de ces lettres est: « A nos amés & féaux les conseillers d'état & maîtres des requêtes ordinaires de notre hôtel, & autres tenant les sceaux de la grande & petite chancellerie ». Le 23 Septembre 1622, le roi donna la garde des sceaux à Louis Lefebvre, sieur de Caumartin, président au grand-conseil. Les lettres de provision de cet office énoncent qu'il étoit vacant par le décès du garde des sceaux de Vic, & contiennent les mêmes clauses que celles du garde des sceaux du Vair, avec droit de présider en routes les cours de parlement, grand-conseil, & autres cours souveraines; avoir l'oeil & la surintendance, comme un chancelier, sur toutes les justices & jurisdictions du royaume; & que vacation avenant de l'office de chancelier, il demeureroit joint & uni avec ledit état de garde des sceaux , pour en user par ledit sieur de Caumartin, en la même qualité, titre & dignité, & tout ainsi qu'avoient accoûtumé de joüir les autres chanceliers de France, sans qu'il eût besoin de prendre de nouvelles lettres de provision ni de confirmation; qu'il joüiroit dèslors des gages, états & pensions attribués audit office de garde des sceaux , sans diminution toutefois des droits, gages, états & pensions du chancelier de Sillery, que Sa Majesté entendoit lui être payés & continués sa vie durant: voulant aussi qu'il joüît des droits réservés par les lettres-patentes du 13 Septembre, dont on a parlé ci-devant, comme ledit chancelier en joüissoit avant qu'il eût été déchargé des sceaux. M. de Caumartin étant mort le 21 Janvier 1623, le même jour les sceaux furent apportés au roi par le président de Boissy, son fils aîné, accompagné de l'évêque d'Amiens, son second fils, & autres parens, le président de Boissy portant la parole. Le roi les fit mettre dans ses coffres par son premier valet-de-chambre, & le lendemain il les renvoya par le sieur de Lomenie, secrétaire d'état, au chancelier de Sillery, sans aucunes nouvelles lettres. Le 2 Janvier 1624, le chancelier de Sillery ayant appris que le roi se disposoit à faire un voyage dans lequel sa santé ne lui permettoit pas d'accompagner Sa Majesté, il demanda d'être déchargé de la garde des sceaux , & les renvoya au roi par le sieur de Puisieux son fils, secrétaire d'état. Le roi les donna à son premier valet-de-chambre pour les mettre dans les coffres du roi, dont il avoit les clés. Le 6 du même mois, le roi ordonna au sieur de la Ville-aux-Clercs, secrétaire de ses commandemens, d'expédier des provisions de garde des sceaux , le nom en blanc; & le roi les ayant signées & visées de la main, les fit remplir de la personne d'Etienne d'Aligre, qui avoit été conseiller au grand-conseil, & étoit pour-lors conseiller d'état & finances, lequel prêta serment entre les mains du roi immédiatement après que ses provisions furent scellées. Ses provisions portoient que c'étoit pour tenir led. office, aux honneurs, droits, &c. dont les gardes des sceaux de France avoient ci-devant joüi, ou qui lui seroient attribués par S. M. & généralement de toutes les fonctions qui dépendoient dudit office, avec pareille autorité & pouvoir que celui dont les chanceliers de France avoient accoûtumé d'user & de joüir; même de présider en toutes les cours de parlement, grand conseil & autres cours souveraines; pour sur icelles, & toutes autres justices & jurisdictions du royaume, avoir l'oeil & surintendance, comme un chancelier pouvoit & devoit faire, à cause de sondit office & dignité: & encore qu'avenant vacation dudit office de chancelier, il demeureroit joint & uni avec ledit état de garde des sceaux , pour en joüir comme les chanceliers de France, sans qu'il eût besoin d'autres lettres de provision ni de confirmation; sans diminution toutefois des droits, gages, états & pensions du chancelier de Sillery, que S. M. voulut lui être continués sa vie durant. Le chancelier de Sillery s'étoit retiré en sa maison de Sillery, suivant l'ordre qu'il en avoit reçu du roi le 4 Février 1624; il y mourut le premier Octobre suivant: le roi donna le 3 de nouvelles provisions de chancelier à M. d'Aligre, éteignant & supprimant l'office de garde des sceaux dont il étoit pourvû. Le premier Juin 1626 le chancelier d'Aligre rendit les sceaux au roi, qui lui ordonna de se retirer en sa maison du Perche, où il demeura jusqu'à son décès. Les sceaux furent donnés le même jour à Michel de Marillac, conseiller d'état & surintendant des finances, lequel prêta serment entre les mains de S. M. Ses provisions portoient création & érection en sa faveur, d'un office de garde des sceaux de France , pour l'exercer aux mêmes honneurs & droits que les autres gardes des sceaux , avec pareille autorite & pouvoir que les chanceliers; même de présider dans toutes les cours souveraines, pour sur icelles, & toutes autres jurisdictions, avoir l'oeil & surintendance comme un chancelier; & que vacation avenant de l'office de chancelier, il fût joint & uni avec ledit état de garde des sceaux , sans qu'il eût besoin d'autres provisions ni confirmations; sous la reserve néanmoins des gages, droits, états & pensions du sieur d'Aligre, sa vie durant. Toutes les grandes qualités & les services du sieur de Marillac n'empêcherent pas ses ennemis d'exciter le roi à lui ôter les sceaux, qu'il avoit lui-même souvent voulu remettre. Le 12 Novembre 1630, le roi envoya le sieur de la Ville-aux-Clercs, secrétaire d'état, retirer les sceaux des mains du sieur de Marillac, lequel fut conduit à Caen, puis à Lisieux, & enfin à Châteaudun, où il mourut le 7 Août 1632. Deux jours après que les sceaux eurent été ôtés au sieur de Marillac, le roi les donna à Charles de l'Aubespine, marquis de Châteauneuf, commandeur & chancelier de l'ordre du Saint-Esprit, conseiller d'état & finances. Il prêta le serment accoûtumé entre les mains du roi. Ses provisions contenoient les mêmes clauses que celles du sieur de Marillac. Etant venu au parlement pour y présider, & les présidens ne s'étant pas levés à son arrivée, le roi, par une lettre adressée au procureur général, déclara que sa volonté étoit que les présidens se levassent lorsque le garde des sceaux viendroit au parlement. Cet ordre ayant été réïtéré aux présidens de la bouche même du roi, & le garde des sceaux étant entré en la grand'chambre le 12 Août 1632, avant l'arrivée du roi qui vint tenir son lit de justice, les présidens se leverent; mais le premier président lui dit que ce qu'ils en faisoient n'étoit que par le très-exprès commandement du roi; que cela n'étoit pas dû à sa charge, & qu'il en seroit fait registre. Le 25 Février 1633, le sieur de la Vrilliere, secrétaire des commandemens, eut ordre du roi d'aller retirer les sceaux des mains de M. de Châteauneuf, lequel remit aussi-tôt le coffre où étoient les sceaux; & M. de la Vrilliere l'ayant remis au roi, retourna demander à M. de Châteauneuf la clé du coffre, qu'il avoit pendue à son cou: il fut ensuite conduit à Angoulesme. Pierre Seguier, président au parlement, reçut les sceaux de la main du roi le dernier du même mois. Ses provisions portoient érection & création en sa faveur d'un état & office de garde des sceaux , & toutes les autres clauses que celles des sieurs de Châteauneuf & de Marillac. Après la mort de M. le chancelier d'Aligre, arrivée en 1635, il fut choisi pour le remplacer, & prêta le serment accoûtumé le 19 Décembre 1635. Il obtint aussi des lettres d'érection de la baronnie de Villemor en duché. Lorsque Louis XIV. fut parvenu à la couronne, les sceaux furent refaits à l'effigie de S. M. par l'ordre du chancelier Seguier, lequel, après qu'ils furent achevés, fit rompre les vieux en plusieurs pieces, & les donna aux chauffes-cire, comme leur appartenant. Le premier Mars 1650, le sieur de la Vrilliere secrétaire d'état, eut ordre du roi d'aller retirer les sceaux des mains du chancelier Seguier, le lendemain ils furent rendus au sieur de Châteauneuf, qui les avoit quittés en 1633. Ils lui furent redemandés par le sieur de la Vrilliere le 3 Avril 1651, & donnés le lendemain à Matthieu Molé, premier président au parlement de Paris, qui prêta serment le même jour. Celui-ci les garda jusqu'au 13 dud. mois, qu'ils furent remis au chancelier Seguier, auquel on les retira encore le 7 Septembre suivant; & le 8 du même mois, le roi fit sceller en sa présence trois let tres; celle de duc & pair pour le maréchal de Villeroi, son gouverneur; les provisions de garde des sceaux pour le premier président Molé, & la commission de sur-intendant des finances pour le marquis de la Vieuville. Ensuite il envoya les sceaux à M. Molé, avec de nouvelles provisions, portant « que S. M. ayant par ses lettres patentes, en date du mois d'Avril 1651, pour les causes y contenues, fait don de la charge de garde des sceaux de France au sieur Molé chevalier, premier président en son parlement de Paris. & l'état de ses affaires l'ayant obligé après de les retirer, elle avoit depuis ce tems attendu le moment pour les remettre entre ses mains, prenant assûrance de sa conduite par tant d'actions passées qui avoient témoigné son courage & sa fidélité; S. M. déclaroit & vouloit que ledit sieur Molé joüît de la charge de garde des sceaux de France , & qu'il l'exerçât avec tous les honneurs qui lui étoient dûs, conformément à ses lettres patentes précédentes, sans qu'il fût tenu de prêter nouveau serment, attendu celui qu'il avoit ci-devant fait entre ses mains ». Il conserva depuis les sceaux jusqu'à sa mort, arrivée le 3 Janvier 1656. Le lendemain quatre, les sceaux furent rendus au chancelier Seguier, lequel les garda depuis sans aucune interruption jusqu'à son décès, arrivé le 28 Janvier 1672. Le roi jugea alors à-propos de tenir lui-même le sceau, à l'exemple de ses prédécesseurs, jusqu'à ce qu'il eût fait choix d'une personne qui eût les qualités requises; & en conséquence il fit un réglement daté du même jour 4 Février 1672, pour la maniere dont le sceau seroit tenu en sa présence. Il nomma les sieurs d'Aligre, de Seve, Poncet, Boucherat, Pussort & Voisin, conseillers d'état ordinaires, pour avoir séance & voix délibérative dans ce conseil, avec six maîtres des requêtes, dont S. M. feroit choix au commencement de chaque quartier, & le conseiller du grand-conseil, grand-rapporteur en semestre. Il fut ordonné que les conseillers d'état seroient assis selon leur rang; les maîtres des requêtes & le grand-rapporteur debout, autour de la chaise de S. M. Il y eut un certain nombre de secrétaires du roi, députés pour assister aux divers sceaux qui furent tenus par S. M. à Saint-Germain & à Versailles. Le premier sceau fut tenu à Saint-Germain le 6 Février 1672, en la chambre du château, où le conseil a coûtume de se tenir. Le roi voulant marcher en personne à la tête de ses armées, nomma le 3 Avril 1672 pour garde des sceaux , messire Etienne d'Aligre second du nom, alors doyen du conseil d'état, lequel fut depuis chancelier. Il étoit fils d'Etienne d'Aligre premier du nom, aussi chancelier & garde des sceaux de France . Ses provisions contiennent les mêmes clauses que les précédentes, c'est-à-dire création de l'office de garde des sceaux , avec les honneurs & droits dont les précédens gardes des sceaux & chanceliers avoient joüi, même le droit de présider dans les cours, & d'avoir la sur intendance sur toute la justice du royaume. Il prêta serment le 24, & ses lettres surent registrées au parlement le 19 Septembre 1672, & à la chambre des comptes le 14 Juin 1673. M M. Boucherat, de Pontchartrain, Voisin & d'Aguesseau, qui furent successivement chanceliers après M. d'Aligre, eurent tous les sceaux en même tems qu'ils furent nommés chanceliers . Leurs provisions ne leur donnent néanmoins d'autre titre que celui de chanceliers . Marc René de Voyer de Paulmy marquis d'Argenson, conseiller d'état, lieutenant-général de police, chancelier garde des sceaux de l'ordre royal & militaire de S. Louis, fut créé garde des sceaux de France , par édit du mois de Janvier 1718. Il prêta serment entre les mains du roi le 28 du même mois. Il remit les sceaux entre les mains du roi le 7 Juin 1720, qui lui en conserva les honneurs. Les sceaux furent alors rendus à M. le chancelier d'Aguesseau. Joseph Jean-Baptiste Fleuriau d'Armenonville secrétaire d'état, fut créé garde des sceaux par lettres du 28 Février 1722. Il prêta serment entre les mains du roi le premier Mars suivant. Il représenta & fit les fonctions de chancelier au sacre du roi, le 25 Octobre 1722; se trouva au lit de justice pour la majorité de S. M. Ses provisions de garde des sceaux de France fout mention que l'état & office de garde des sceaux étoit vacant par la mort de M. d'Argenson. Du reste elles sont conformes à celles de ses prédécesseurs, & furent registrées au parlement le 12 Février 1723. Il se trouva encore au lit de justice que le roi tint au parlement de Paris le 8 Juin 1725, pour l'enregistrement de différens édits & déclarations; remit les sceaux le 15 Août 1727, & mourut le 27. Novembre 1728. Germain Louis Chauvelin président à mortier, fut nommé garde des sceaux de France le 17 Août 1727. Ses provisions contiennent la clause, que vacation arrivant de l'office de chancelier, il demeureroit réuni à celui de garde des sceaux , sans nouvelles provisions & sans nouveau serment. Du reste elles sont conformes à celles de ses prédécesseurs, si ce n'est qu'elles ne détaillent point les droits que le roi lui attribue; il est dit seulement que c'est pour en joüir aux honneurs, autorités, prééminences & droits, dont les pourvûs dudit office ont ci-devant joüi & usé. Il prêta serment le 18 du même mois. Le roi lui donna ensuite la charge de secrétaire d'état, avec le département des affaires etrangeres, & le fit ministre d'état. Les sceaux lui furent redemandés le 20 Février 1737, lorsqu'il fut exilé à Gros-Bois; il y eut alors un édit de suppression de la charge de garde des sceaux créée en sa faveur. Le 21 du même mois, ils furent rendus à M. d'Aguesseau chancelier, qui les garda jusqu au 27 Novembre 1750, qu'il les remit à M. de Saint-Florentin secrétaire d'état. M. de Lamoignon ayant été nommé chancelier de France le neuf Décembre suivant, M. de Machault d'Arnouville, ministre d'état, conseiller au conseil royal, contrôleur-général des finances, & commandeur des ordres du roi, fut nommé garde des sceaux . Ses provisions portent que c'est pour en joüir avec pareille autorité que les chanceliers; elles furent scellées par le roi même, qui écrivit de sa main le visa en ces termes. « Visa , LOUIS, pour création de la charge de garde des sceaux de France , en faveur de J. B. de Machault. Il prêta serment le dix, & donna sa démission le premier Février 1757». La forme du serment des chanceliers & gardes des sceaux de France a changé plusieurs fois. Celle qui se trouve dans les registres du parlement en l'annee 1375, ne contient rien qui soit relatif singulierement à la garde du sceau . Mais le serment qui fut prêté par le chancelier du Prat, entre les mains du roi, le 7 Janvier 1514, est remarquable en ce qui concerne la fonction de garde des sceaux . « Quand on vous apportera, est-il dit, à sceller quelque lettre signée par le commandement du roi; si elle n'est de justice & de raison, vous ne la scellerez point, encore que ledit seigneur le commandât par une ou deux fois: mais viendrez devers icelui seigneur, & lui remontrerez tous les points par lesquels ladite lettre n'est raisonnable; & après que aura entendu lesdits points, s'il vous commande de la sceller, la scellerez, car lors le péché en sera sur ledit seigneur & non sur vous: exalterez à votre pouvoir les bons, savans, & vertueux personnages, les promouverez & ferez promouvoir aux états & offices de judicature, dont avertirez le roi quand les vacations d'iceux offices arriveront, &c. » La forme particuliere du serment pour la charge & commission de garde des sceaux , est telle: « Vous jurez Dieu votre créateur, & sur la part que vous prétendez en paradis, que bien & loyaument vous servirez le roi à la garde des sceaux qu'il vous a commise & commet présentement par moi, ayant de lui suffisant pouvoir en cette partie; que vous garderez & observerez, & ferez garder, observer & entretenir inviolablement les autorités & droits de justice, de sa couronne & de son domaine, sans faire ni souffrir faire aucuns abus, corruptions & malversations, ne autre chose que ce soit ou puisse être, directement ou indirectement, contraire, préjudiciable, ni dommageable à iceux; que vous n'accorderez, expédierez, ne ferez sceller aucunes lettres inciviles & déraisonnables, ni qui soient contre les commandemens & volontés dudit seigneur, ou qui puissent préjudicier à ses droits & autorités, priviléges, franchises & libertés de son royaume; que vous tiendrez la main à l'observation de ses ordonnances, mandemens, édits, & à la punition des transgresseurs & contrevenans à iceux; que vous ne prendrez ni n'accepterez d'aucun roi, prince, potentat, seigneurie, communauté, ne autre personnage particulier, de quelque qualité & condition qu'il soit, aucuns états, pensions, dons, présens & bienfaits, si ce n'est des grés & consentement dudit seigneur; & si aucuns vous en avoient jà été promis, vous les quitterez & renoncerez; & généralement vous ferez, exécuterez; & accomplirez en cette charge & commission de garde des sceaux du roi , en ce qui la concerne & en dépend, tout ce qu'un bon, vrai & loyal chancelier de France, duquel vous tenez le lieu, peut & doit faire pour son devoir en la qualité de sa charge: & ainsi vous le promettez & jurez ». Le garde des sceaux prête serment entre les mains du roi. Ses provisions lui donnent le titre de chevalier; elles sont enregistrées au parlement, au grand-conseil, en la chambre des comptes, & en la cour des aides. Son habillement est le même que celui du chancelier; & aux Te Deum , il a un siége de la même forme que celui du chancelier, mais placé à sa gauche. Il porte toûjours sur lui la clé du sceau. Il a au-dessus de ses armes le mortier à double galon, semblable à celui du chancelier; derriere ses armes le manteau & deux masses passées en sautoir, en signe de celles que les huissiers de la chancellerie portent devant lui dans les cérémonies. Lorsqu'il va par la ville ou en voyage, il est toûjours accompagné d'un lieutenant de la prevôté de l'hôtel, qu'on appelle le lieutenant du sceau; & de deux hocquetons ou gardes de la prevôté de l'hôtel, qui ont des charges particulieres attachées à la garde du sceau . Il siége au conseil du roi immédiatement après le chancelier. Sa fonction à l'égard de la grande-chancellerie, consiste à présider au sceau, lequel se tient chez lui pour les lettres de grande-chancellerie. Il est juge souverain de la forme & du fond de toutes les expéditions que l'on présente au sceau. C'est à lui que l'on fait le rapport de toutes les lettres; & il dépend de lui de les accorder ou refuser: le scelleur n'appose le sceau sur aucune que de son ordre. Il a droit de visa sur toutes les lettres qui sont sujettes, appellées lettres de charte , qui sont adressées à tous, présens & à venir. Il a aussi inspection sur toutes les autres chancelleries établies près des cours, conseils & présidiaux. Il nomme à tous les offices de ces chancelleries; ses nominations sont intitulées de son nom, signées par lui, contre-signées de son secrétaire, scellées de son sceau & contre-sceaux particuliers. Les principaux officiers lui doivent à leur réception un droit de robe & un droit de serment, pour le serment qu'ils prêtent entre ses mains, ou entre celles de la personne qu'il commet à cet effet sur les lieux. Enfin il a sur ces offices le droit de survivance & le droit de casualité; au moyen de quoi ceux qui ont les offices sujets à ce droit, lui payent la paulette. C'est lui qui reçoit le serment des gouverneurs particuliers de toutes les villes du royaume. C'est lui qui accorde toutes les lettres de pardon, rémission, abolition, commutation de peine, érection en marquisat, comté, baronnie, & autres graces dépendantes du sceau. Il a le droit de placer les indults sur les collateurs du royaume. Ceux qui voudront en savoir davantage sur les honneurs, fonctions, droits & prérogatives attachés à la dignité de garde des sceaux , peuvent consulter l'histoire de la chancellerie par Tessereau; Joly, des offices de France, tome I. liv. II. tit. j. Fontanon, tome I. liv. I. tit. j. &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Sceaux des Apanages, ou Gardes des Sceaux des Fils et Petits fils puînés de France, et premier Prince du sang pour leur Apanage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Sceaux des Apanages Gardes des Sceaux des Apanages , ou Gardes des Sceaux des Fils et Petits fils puînés de France, et premier Prince du sang pour leur Apanage , sont des officiers publics créés par le roi pour l'apanage, & pourvûs par le prince apanagiste pour garder ses sceaux & en faire sceller toutes les provisions, commissions, & autres lettres qui émanent du prince pour son apanage. Cette fonction de garde des sceaux est ordinairement jointe à celle de chancelier de l'apanage: néanmoins elle en a été quelquefois séparée, de même que la garde des sceaux de France l'a été plusieurs fois & l'est encore présentement de l'office de chancelier de France. Les chanceliers & gardes des sceaux des fils & petits-fils de France, prennent tout-à-la-fois le titre de chancelier & garde des sceaux du prince & de son apanage. Il en est de même des chanceliers & gardes des sceaux d'un prince du sang qui est régent du royaume, lequel a droit d'avoir un sceau particulier comme les fils & petits-fils de France: mais les chanceliers & gardes des sceaux des autres princes du sang apanagistes non-régens du royaume, ne prennent point le titre de chancelier & garde des sceaux du prince; ils sont seulement chanceliers & gardes des sceaux de l'apanage, parce qu'en ce cas le sceau est moins un droit attaché à la personne du prince, qu'un droit dont il joüit à cause de l'apanage. On a déjà parlé dans le troisieme volume de cet ouvrage, des chanceliers d'apanage en général; c'est pourquoi l'on ne s'attachera ici principalement qu'à ce qui concerne singulierement la fonction de garde des sceaux de l'apanage , soit lorsque les sceaux sont tenus par le chancelier, soit lorsque la garde en est confiée à quelque autre personne. L'institution des chanceliers des princes de la maison de France est presque aussi ancienne que la monarchie: en les appelloit au commencement custodes annuli ou sigilli; ce qui fait voir que la garde du sceau du prince étoit leur principale fonction, & qu'ils ont porté le titre de garde des sceaux avant de porter celui de chancelier . On les appelloit aussi référendaires , parce que c'étoient eux qui faisoient le rapport des lettres auxquelles on appliquoit le sceau. L'apposition de ce sceau servoit à donner l'authenticité à l'acte; & cette formalité étoit d'autant plus importante, que pendant long-tems elle tint lieu de signature: c'est pourquoi les princes avoient leur sceau, comme le roi avoit le sien. Sous la premiere race & pendant une partie de la seconde, lorsque le royaume étoit partagé entre plusieurs enfans mâles du roi défunt, chacun tenoit sa part en souveraineté, & avoit son garde-scel ou rêférendaire, appellé depuis chancelier , & ensuite chancelier garde des sceaux . Lorsque les puînés cesserent de prendre leur part à titre de souveraineté, & qu'ils reçurent leur légitime en fiefs & seigneuries, ils avoient comme tous les grands vassaux de la couronne leur chancelier garde des sceaux , dont la fonction s'étendoit dans toutes leurs seigneuries. Enfin lorsque la coûtume de donner des apanages aux puînés fut introduite, ce qui arriva, comme on sait, dès le tems de Philippe-Auguste, vers l'an 1209, les princes apanagistes continuerent d'avoit leur chancelier garde des sceaux . Il est fait mention en plusieurs endroits de ces chanceliers gardes des sceaux des princes apanagistes, dès le milieu du xjv. siecle, entre autres des chanceliers des comtes de Poitiers, de ceux des comtes d'Anjou & de la Marche, &c . Le dauphin de France avoit aussi son chancelier garde des sceaux pour le Dauphiné, comme les dauphins de Viennois en avoient auparavant. Charles V. étant dauphin de France & duc de Normandie, avoit un chancelier particulier pour cette province, comme les anciens ducs de Normandie en avoient eu. Présentement le dauphin n'ayant plus d'apanage, n'a point de chancelier ni de garde des sceaux; il en est de même du fils aîné du dauphin & des autres princes du sang qui n'ont point d'apanage: les princesses n'ont point non plus d'apanage ni de chancelier & garde des sceaux , à l'exception de la reine qui a son chancelier garde des sceaux , comme on l'a dit en son lieu. Les grands vassaux de la couronne n'ont plus aussi de chancelier ni de garde des sceaux; de sorte que les fils & petits-fils de France, les princes du sang apanagistes ou régens du royaume, sont les seuls qui ayent comme le roi & la reine leur chancelier & garde des sceaux . Il y a néanmoins quelques églises, académies & autres corps qui ont leur chancelier particulier, mais ces chanceliers sont d'un ordre différent; & il n'y a pas d'exemple que la garde des sceaux dont ils sont chargés ait jamais été séparée de leur office. On ne voit point si dans les premiers tems de l'établissement des apanages, les princes apanagistes ont eu des gardes des sceaux autres que leurs chanceliers, c'étoit ordinairement le chancelier qui portoit le scel du prince; mais comme la garde des sceaux de France sur le modele de laquelle se regle celle des apanages, a été depuis la troisieme race plusieurs fois séparée de l'office de chancelier, il se peut faire aussi que dès l'institution des apanages, le prince ait quelquefois séparé la garde de son scel de l'office de chancelier: on en a trouvé des exemples assez anciens dans la maison d'Orleans. Le sieur Joachim Seigliere de Boisfranc, garde des sceaux de Monsieur, fiere du roi Louis XIV. & Thimoleon Gilbert de Seigliere son fils qui étoit reçu en survivance, ayant eu ordre de s'abstenir de leurs charges, Monsieur tint lui-même son sceau depuis le mois de Septembre jusqu'au 29 Décembre 1687, qu'il donna des provisions de cet office à M. de Bechameil de Nointel; & assez récemment dans la même maison, les sceaux furent donnés à M. Baille conseiller au grand-conseil, qui les a depuis remis à M. de Silhouette; & par la démission de celui-ci, ils ont été remis à M. l'abbé de Breteuil, actuellement chancelier garde des sceaux: ainsi ce qui s'est pratiqué dans cette maison en ces occasions & autres semblables, a pû se pratiquer de même longtems auparavant dans les differentes maisons des princes apanagistes. Ce qui pourroit d'abord faire douter si l'office de garde des sceaux peut être séparé de celui de chancelier, est que le roi semble n'établir pour l'apanage qu'un seul office, qui anciennement n'étoit désigné que sous le titre de chancelier, & présentement sous celui de chancelier garde des sceaux ; & comme il n'appartient qu'au roi de créer des offices dans son royaume, le prince apanagiste ne peut pas multiplier ceux que le roi a établis pour l'apanage. Mais comme l'office de chancelier simplement ou de chancelier garde des sceaux , renferme toûjours deux fonctions différentes, l'une de chancelier, l'autre de garde des sceaux , & que ces deux fonctions ont été considérées comme deux offices différens, réunis en la personne du chancelier, l'usage a introduit que le prince apanagiste peut, quand bon lui semble, faire exercer ces deux offices ou fonctions par deux personnes différentes. Les chanceliers & gardes des sceaux des apanages sont des officiers publics créés par le roi; car lorsqu'il établit par édit ou lettres patentes, un apanage pour quelqu'un des princes de sa maison, il donne ensuite d'autres lettres patentes par lesquelles il crée, érige & établit en titre d'office, les officiers nécessaires pour la direction de l'apanage, dont le premier est le chancelier garde des sceaux; les autres officiers inférieurs sont un controlleur de la chancellerie, deux secrétaires des finances, un audiencier-garde des rôles des offices, un chauffe-cire, & deux huissiers de la chancellerie. Tous ces officiers sont attachés principalement au sceau, de sorte que quand la garde des sceaux est séparée de l'office de chancelier, c'est le garde des sceaux qui tient les sceaux du prince pour l'apanage, & qui fait sceller tout ce qui concerne l'apanage; & dans ce cas les autres officiers inférieurs font leurs fonctions près du garde des sceaux . La premiere création du chancelier garde des sceaux est ordinairement faite par le même édit qui établit l'apanage, ou par un édit donné dans le même tems: ces offices une fois créés doivent naturellement subsister aussi long-tems que l'apanage pour lequel ils ont été établis; le décès du prince apanagiste par le moyen duquel sa maison se trouve éteinte, ne devroit pas régulierement éteindre les offices de chancelier & de garde des sceaux , ni les autres offices créés pour l'apanage, de sorte que ces offices n'auroient pas besoin d'être créés de nouveau pour le prince qui succede à l'apanage; il est néanmoins d'usage que quand l'apanage passe d'un prince à un autre par succession, sous prétexte que la maison du défunt est éteinte par son décès, le roi par des lettres patentes crée de nouveau un chancelier garde des sceaux , & autres officiers pour l'apanage qui passe à un autre prince: mais par les dernieres lettres patentes du mois de Fév. 1752, portant création d'un chancelier garde des sceaux , & autres officiers pour l'apanage de Louis-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, premier prince du sang, cette création n'a été faite qu'en tant que besoin seroit. Quoique ces différentes créations d'officiers soient faites par le roi, on ne peut pas néanmoins les regarder comme des officiers royaux; car le roi crée bien l'office, mais ce n'est pas lui qui y pourvoit: il laisse au prince apanagiste la nomination, provision & institution du chancelier & garde des sceaux , & des autres officiers attachés au sceau. Chaque prince apanagiste a la liberté de les changer quand bon lui semble; & s'il continue le même chancelier garde des sceaux , & autres officiers qu'avoit son prédécesseur, il ne laisse pas de leur donner de nouvelles provisions. On trouve néanmoins que quand Louis XIII. for ma un apanage pour Gaston son frere, il pourvut en 1617 M. de Verdun premier président du parlement, de l'office de chancelier de Gaston, qu'on appelloit alors duc d'Anjou, & que le 11 Septembre 1625, il donna des provisions du même office à M. le Coigneux président de la chambre des comptes, mais c'étoit peut-être à cause de la minorité de ce prince; & l'on voit même que le 25 Septembre 1625, Gaston donna à M. le Coigneux des provisions sur celles du roi, & qu'il continua depuis d'en donner seul. Lorsqu'il y eut des mutations par rapport à cet office, les premiers chanceliers de ce prince ne joignoient point le titre de garde des sceaux à celui de chancelier, quoiqu'ils eussent en effet les sceaux; mais dans la suite ceux qui remplirent cette place, joignirent les deux titres de chancelier garde des sceaux , à l'imitation des chanceliers de France qui les prennent de même depuis quelque tems lorsqu'ils ont les sceaux: ainsi les sceaux de Gaston étant vacans par la démission de M. de Chavigny ministre d'etat, M. de Choissy par ses provisions du 27 Avril 1644, fut nommé chancelier garde des sceaux . Il en a été de même pour l'apanage de Monsieur fils de France, établi par édit du mois de Mars 1661. M. de . . . . . . . comte de Seran qui étoit son chancelier garde des sceaux , ayant donné sa démission en 1670, le 2 Janvier 1671, il en fut donné des provisions sous le même titre à M. du Housset; la garde du sceau qui avoit été séparée pendant quelque tems de l'office de chancelier, comme on l'a dit ci-devant, y fut réunie en faveur de Gaston J. B. Terrat, suivant ses provisions du 3 Février 1688. M. Terrat fut aussi chancelier garde des sceaux de M. le duc d'Orleans régent du royaume, jusqu'à son décès arrivé le 19 Mars 1719. M. le Pelletier de la Houssaye conseiller d'état lui succéda; il mourut au mois de Septembre 1723. M re Pierre-Marc de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson, grand croix & chancelier de l'ordre royal & militaire de S. Louis, alors lieutenant général de police, succéda en cet emploi à M. de la Houssaye le 20 Septembre, suivant les provisions qui lui en furent données le 24 Septembre 1723. Après la mort de ce prince arrivée le 2 Décembre 1723, M. d'Argenson fut choisi par Louis duc d'Orleans, premier prince du sang, pour remplir la même place, laquelle sur sa démission fut donnée en 1741 à M re René-Louis de Voyer de Paulmy d'Argenson, conseiller d'état, son frere. M re Julien-Louis Bidé de la Grandville conseiller d'état, lui succéda en 1745; & sur sa démission qu'il donna au mois de Mars 1748 entre les mains de Louis duc d'Orleans, ce prince n'étant pas pour lors dans le dessein de pourvoir à l'office de chancelier garde des sceaux vacant par ladite démission, donna le 14 du même mois la commission de garde des sceaux à M re Nicolas Baille, conseiller-honoraire du roi en son grand-conseil. Le prince ayant dans la suite révoqué cette commission, tint lui-même son sceau depuis le 26 Juillet 1748, jusqu'au 6 Août suivant, qu'il donna une semblable commission à M re Etienne de Silhoüette, maître des requêtes de l'hôtel du roi; & le 5 Décembre suivant e prince tint encore lui-même son sceau, à l'effet de donner au même M re Etienne de Silhoüette des provisions de l'office de chancelier garde des sceaux de son apanage. Le 15 Mars 1752 Louis Philippe duc d'Orleans lui donna de nouvelles provisions dudit office, comme il est d'usage d'en donner à tous les officiers de l'apanage, lorsque la maison du prince est renouvellée après le décès de son prédécesseur. Louis XIV. ayant par des lettres patentes du mois de Juin 1710 établi un apanage pour Charles de France duc de Berry, créa aussi pour lui un office de chancelier garde des sceaux; cet office subsista peu de tems, le duc de Berry étant décédé sans enfans le 4 Mai 1714. Les sceaux des princes apanagistes dont la garde est confiée à leur chancelier ou au garde des sceaux , sont de deux sortes, savoir le grand sceau & le contre-scel ou petit sceau; ils sont l'un & l'autre enfermés dans un coffret couvert de velours, dont le chancelier ou le garde des sceaux a toûjours la clé sur lui. Le grand sceau est ainsi appellé pour le distinguer tant du contre-scel ou petit sceau qui est beaucoup plus petit, que du sceau ou cachet particulier du prince. Les princes apanagistes usent de cire rouge molle pour leur sceau & contre-sceau, de même que le roi en use pour le Dauphiné. L'empreinte du grand sceau représente le prince à cheval, armé de pié en cap, & la légende contient ses noms & qualités; par exemple sur le sceau de M. le duc d'Orleans, il y a Louis Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, de Valois, de Chartres , &c. Il y a aussi ordinairement une inscription sur la tranche du sceau; par exemple sur celui de M. le duc d'Orleans, on lisoit ces mots, vox muta Philippi . Le contre-scel qui est beaucoup plus petit que le grand sceau est aux armes du prince; on l'applique au revers du grand sceau ou séparément: il ne faut pas le confondre avec le sceau particulier ou cachet du prince, quoique l'empreinte & la grandeur soient à-peu-près de même. Le cachet ou sceau particulier qui est gardé par le secrétaire des commandemens du prince, ne sert que pour les brevets & autres dépêches particulieres qui concernent la maison du prince, ou ses terres & seigneuries autres que celles qui composent l'apanage; il s'applique comme un cachet ordinaire sur le papier ou parchemin, avec un papier qui recouvre la cire ou pâte qui en reçoit l'empreinte, au lieu que le sceau & le contre-scel sont en cire rouge non couverte; & ces sceaux s'appliquent de maniere qu'ils sont pendans. Le sceau se tient ordinairement un certain jour de chaque semaine chez le chancelier ou chez le garde des sceaux , lorsqu'il y en a un; chez M. le duc d'Orleans c'est le mercredi. L'audiencier-garde des rôles fait le rapport des lettres qui sont présentées au sceau. Le controlleur de la chancellerie assiste au sceau. Le scelleur chauffe-cire applique le sceau lorsque le chancelier ou le garde des sceaux l'ordonne. On scelle du sceau du prince toutes les provisions & commissions d'office de judicature & autres pour l'apanage, même pour les officiers qui ont le titre d' officiers royaux; mais pour les cas royaux le prince n'a que la simple nomination des officiers; & sur ces lettres de nomination scellées du sceau de l'apanage, le roi donne à l'officier des provisions. Quoique les chanceliers & gardes des sceaux des princes apanagistes ne soient établis principalement que pour l'apanage, néanmoins le prince n'a qu'un seul sceau & qu'un même dépositaire de son sceau: le chancelier ou garde des sceaux donne aussi par droit de suite toutes les provisions & commissions nécessaires dans les terres patrimoniales du prince apanagiste. Il n'est pas d'usage chez les princes apanagistes de sceller sur des lacs de soie, mais seulement en queue de parchemin. Ce qui est de plus essentiel à remarquer par rapport au sceau des apanages, c'est qu'il est proprement une portion du scel royal, ou du-moins il y est subrogé, & opere le même effet, soit pour l'authenticité & l'autorité, soit pour purger les priviléges & hypotheques qui peuvent être affectés sur des offices, soit royaux, municipaux ou autres de l'apanage: aussi l'audiencier-garde des rôles de la chancellerie de l'apanage est-il consideré comme un officier public dont les registres font foi, tant ceux qu'il tient pour les rôles des offices qui se taxent au conseil, que pour les provisions des offices; & ceux qu'il tient pour les oppositions qui peuvent être formées entre ses mains, pour raison des offices de l'apanage, soit au sceau ou au titre: ces oppositions se forment au sceau de l'apanage de même qu'au sceau du roi, & elles ont le même effet qui est de conserver le droit de l'opposant. Les huissiers de la chancellerie de l'apanage semblent avoir le caractere nécessaire pour former ces sortes d'oppositions; cependant pour prévenir toute difficulté sur la capacité de ces officiers, on est dans l'usage de former ces sortes d'oppositions par le ministere des huissiers des conseils du roi, de même que pour les autres oppositions aux offices qui ne sont point de l'apanage. Les chanceliers gardes des sceaux de l'apanage étant les premiers officiers de l'apanage & de la maison du prince, joüissent en conséquence de tous les priviléges accordés par le roi aux officiers du prince qui sont sur l'état arrêté par le roi; & en conformité duquel le prince fait son état qui est mis & reçû au greffe de la cour des aides. Ces priviléges sont les mêmes que ceux dont jouissent les officiers, domestiques & commensaux de la maison du roi, comme on peut voir par les lettres patentes du mois de Février 1752, concernant les offices de l'apanage du défunt prince Louis duc d'Orleans; ceux qui étoient attachés au prince défunt joüissent des mêmes priviléges leur vie durant; leurs veuves en joüissent pareillement tant qu'elles demeurent en viduité: c'est ce que porte la déclaration du roi du 20 Février 1752, registrée en la cour des aides le 21 Avril 1752, qui conserve aux officiers de feu M. le duc d'Orleans lesdits priviléges, franchises & exemptions, nonobstant qu'ils ne soient pas spécifiés ni déclarés par cette loi. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Sceaux des Chancelleries établies près les Cours Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Sceaux des Chancelleries Gardes des Sceaux des Chancelleries établies près les Cours , sont les officiers qui sont chargés de la garde du petit sceau, dont on use dans ces chancelleries. La garde du petit sceau aussi-bien que du grand, appartient naturellement au chancelier ou au garde des sceaux de France, lorsque la garde des sceaux est séparée de l'office de chancelier. En l'absence du chancelier ou du garde des sceaux de France, s'il y en a un, la garde des petits sceaux des chancelleries établies près les cours souveraines , appartient aux maîtres des requêtes, lorsqu'ils se trouvent dans la ville où la chancellerie est établie. A Paris, c'est toûjours un maître des requêtes qui tient le sceau en la chancellerie du palais: c'est pourquoi il n'y a poin: de garde des sceaux . Mais comme ces magistrats ne résident point ordinairement dans les autres villes de province où il y a de semblables chancelleries, nos rois ont établi un officier dans chacune de ces chancelleries, pour garder les sceaux en l'absence des maîtres des requêtes; & ce sont ces officiers auxquels le nom de garde des sceaux de ces chancelleries est propre. Il y a eu de ces officiers aussi-tôt que l'on a établi des chancelleries particulieres dans les provinces. Il y en avoit un en la chancellerie de Toulouse dès 1490, suivant l'ordonnance de Charles VIII. du mois de Décembre de ladite année, où il est nommé garde-scel . Les autres gardes des sceaux ont été établis à mesure que l'on a établi chaque chancellerie près des parlemens, conseils supérieurs, cours des aides, &c . Dans celles de Navarre, de Bretagne, de Dauphiné, & de Normandie, ils ont pris la place des chanceliers particuliers de ces chancelleries, qui ont été supprimés. Ils furent tous supprimés par un édit du mois de Février 1561, portant que le sceau de ces chancelleries seroit tenu par le pius ancien conseiller, chacun en son rang, par semaine ou par mois; ils ont depuis été rétablis par différens édits. Dans les parlemens semestres, tels que celui de Bretagne & celui de Metz, il a été créé un second garde-des-sceaux , pour servir l'un & l'autre par semestre; ce qui a été étendu à toutes les chancelleries près des cours qui sont semestres, par un édit du mois de Juin 1715. En quelques endroits ces offices furent unis à un office de conseiller de la cour près de laquelle est établie la chancellerie, ou ne peuvent être possédées que par un conseiller. Par exemple, la déclaration du roi du 20 Ianvier 1704, ordonna que l'office de garde-scel du conseil supérieur d'Alsace seroit possédé par un conseiller de ce conseil. L'édit du mois d'Octobre suivant supprima les titres & fonctions des gardes-scels des chancelleries , unis aux offices des conseillers des cours supérieures, & créa un office de garde scel en chacune des chancelleries établies près desdites cours. La déclaration du 31 Mars 1705 ordonna que les sceaux de ces chancelleries près les cours, seroient remis aux officiers nommés par M. le chancelier, jusqu'à ce que les offices de gardes-scels créés par édit du mois d'Octobre 1704, fussent remplis. Dans quelques villes où il y a deux chancelleries, une près le parlement & une autre près la cour des aides, comme à Rouen & à Bordeaux, il y a ordinairement un garde des sceaux en chaque chancellerie. Cependant l'édit du mois de Juin 1704 a attribué au garde-scel de la chancellerie près le parlement de Roüen, les fonctions de garde-scel de celle près la cour des aides de la même ville, & a desuni cet office de garde-scel de la chancellerie près ladite cour des aides, de l'office de conseiller en icelle. Quand un maître des requêtes arrive dans une ville où il y a chancellerie, le garde des sceaux est tenu de lui porter les sceaux; & l'audiencier, contrôleur, ou commis, la clé. Le maître des requêtes ou le garde des sceaux qui tient le sceau, ne peut sceller que les lettres qui s'expédient ordinairement dans ces chancelleries; ils ne peuvent sceller aucunes rémissions, si ce n'est pour homicides involontaires, & pour ceux qui sont commis dans une légitime défense de la vie, & quand l'impétrant aura couru risque de la perdre. Voyez Chancelleries près les Cours Le garde des sceaux est chargé de tenir la main au sceau & à la taxe des lettres, & de pourvoir aux contestations qui peuvent survenir pendant la tenue du sceau, ou à l'occasion d'icelui: il peut rendre en cette matiere des ordonnances & jugemens, sauf l'appel devant M. le chancelier ou devant M. le garde des sceaux de France, lorsqu'il y en a un. L'édit du mois de Juin 1715 attribue aux gardes des sceaux des chancelleries près les cours , la noblesse au premier degré, droit de committimus , exemption de logement de gens de guerre, tutele, curatelle, guet & garde, & de droits seigneuriaux dans la mouvance du roi. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Sceaux des Chancelleries présidiales ou des Présidiaux Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Sceaux des Chancelleries Gardes des Sceaux des Chancelleries présidiales ou des Présidiaux , sont des officiers qui ont la garde du sceau dont on scelle toutes les expéditions des chancelleries présidiales & les jugemens des présidiaux. Henri Il. ayant établi en 1551 des siéges présidiaux dans plusieurs villes du royaume, avoit alors laissé aux greffiers des présidiaux la garde du scel , ordonnés pour sceller les expéditions de ces nouveaux tribunaux: mais comme ces greffiers n'avoient pas communément les connoissances nécessaires pour juger du mérite des requêtes civiles & autres lettres qui leur étoient présentées pour sceller, Henri II. par édit du mois de Décembre 1557, établit des conseillers gardes des sceaux près des présidiaux: il ordonna que quant aux lettres de chancellerie qui ne peuvent être concédées que par S. M. comme requêtes civiles, propositions d'erreur, restitutions en entier, relief d'appel, desertions, anticipations, acquiescemens, & autres semblables, qui ont accoûtumé être dépêchées ès chancelleries au nom du roi, seroient dépêchées par les gardes des sceaux des présidiaux, signées & expédiées par les secrétaires du roi, & en leur absence par le greffier d'appeaux de chaque siége présidial, ou par leur commis. Il fut ordonné que ces expéditions seroient scellées de cire jaune, d'un scel qui seroit fabriqué aux armes du roi à trois fleurs-de-lis, qui seroient de moindre grandeur que celles des autres chancelleries; & qu'autour de ce sel seroit écrit, le scel royal du siége présidial de la ville de , &c. La garde de ce scel est attribuée à un conseiller & garde des sceaux créé par cet édit dans chaque présidial, avec les mêmes droits que les autres conseillers. Il fut en même tems créé un clerc & commis à l'audience, pour sceller les expéditions & recevoir les émolumens provenans dudit scel. Le roi déclare néanmoins que par l'attribution faite aux gardes des sceaux des présidiaux , il n'entend point empêcher ses sujets de se pourvoir pour les lettres dont ils auront besoin en la grande chancellerie ou en celles établies près les cours de parlement, comme ils faisoient auparavant. Il déclare aussi que par cet édit il n'entend point préjudicier aux droits, prééminences, & autorités, tant des maîtres des requêtes que des secrétaires du roi, lesquels il veut demeurer dans le même ordre qu'ils ont tenu ci-devant avec les officiers des cours & siéges présidiaux. Ces gardes des sceaux furent supprimés, ainsi que les clercs commis à l'audience, par un édit du mois de Février 1561, qui permit néanmoins à ceux qui étoient pourvûs de ces offices, d'en joüir leur vie durant, à-moins qu'ils ne fussent plûtôt remboursés. Le même édit ordonna qu'après la suppression de ces gardes des sceaux par mort ou remboursement, le sceau seroit tenu par les lieutenant général, particulier, & conseillers présidiaux, chacun par mois & l'un après l'autre, à commencer par le lieutenant général; que le lieutenant ou conseillers qui tiendront le sceau, auront la garde du coffre, & le fermier, la clé. Les troubles survenus dans le royaume furent cause que cet édit fut mal observé; de sorte que l'usage ne fut pas par tout uniforme: mais Henri III. par édit du mois de Février 1575, rétablit les conseillers gardes des sceaux , dans les présidiaux près desquels il y a une chancellerie présidiale, conformément à l'édit de 1561. Enfin par un édit du mois de Juin 1715, tous les offices de conseillers-gardes des sceaux ou de conseillers-gardes-scel , par quelques edits qu'ils eussent été créés, tant dans les chancelleries près les cours, que dans les chancelleries présidiales, furent supprimés; & par le même édit, il fut créé dans chaque chancellerie présidiale, un nouvel office de conseiller du roi garde-scel , avec le privilége de noblesse au premier degré, en considération de l'honneur qu'il a d'être dépositaire du sceau du roi, pour en joüir par les pourvûs, leurs veuves & descendans, comme les officiers des chancelleries près les cours. L'édit les décharge de toute recherche pour la noblesse; leur accorde droit de committimus , exemption de logement de gens de guerre, tutele, curatelle, guet & garde . En conséquence de cet édit, les conseillers-gardes-scel des présidiaux font dans les chancelleries présidiales les mêmes fonctions que les gardes des sceaux des chancelleries établies près les cours, font dans ces chancelleries. Par un arrêt du conseil du 22 Janvier 1697, ils ont été maintenus dans le droit de sceller tous les actes, sentences, & jugemens rendus dans les cas présidiaux. A l'égard des sentences, jugemens, & actes des bailliages & sénéchaussées auxquels les présidiaux sont joints, ils doivent être scellés par les conseillers gardes-scels des bailliages & sénéchaussées, suivant l'édit du mois de Novembre 1696. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Sceaux aux Contrats Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Garde des Sceaux aux Contrats Garde des Sceaux aux Contrats , sont ceux qui ont la garde du petit sceau dont on scelle les actes passés devant notaires & tabellions royaux. Anciennement c'étoit le juge qui scelloit les contrats de même que les jugemens, parce que les contrats sont censés passés sous son autorité, & que les notaires n'étoient considérés que comme les greffiers du juge pour la jurisdiction volontaire. Dans la suite les sceaux furent joints au domaine & donnés à ferme; au moyen de quoi, le scel des contrats aussi-bien que des jugemens, fut remis au fermier du sceau, lequel par lui ou son commis, scelloit tous les jugemens & contrats. En 1568, Charles IX. créa dans toutes les jurisdictions royales des gardes des sceaux , tant pour les contrats que pour les sentences. Ces offices furent supprimés par édit du mois de Novembre 1696, qui créa en même tems des offices de conseillers-garde-scels , pour faire la même fonction. Mais par une déclaration du 18 Juin 1697, Louis XIV. desunit les offices & droits de gardes-scels des contrats & actes des notaires & tabellions royaux, de ceux des sentences & actes des jurisdictions royales, pour être vendus séparément. L'exécution de cette déclaration ayant souffert plusieurs difficultés de la part des notaires & tabellions royaux, il y eut d'abord une déclaration du mois d'Avril 1697, qui desunit l'office de garde-scel aux contrats de celui de garde scel aux sentences, pour la ville & prevôté de Paris, & créa vingt notaires au châtelet, qui auroient seuls droit de sceller tous les actes; mais la communauté acheta ces vingt charges: au moyen de quoi tous les notaires de Paris sont garde-scels , & ont droit de sceller eux-mêmes les actes qu'ils reçoivent. A l'égard des gardes-scels aux contrats pour les autres villes, par une autre déclaration du 17 Septembre 1697, on rétablit tous les offices de garde-scels des contrats des notaires & tabellions, qui avoient été supprimés par l'édit du mois de Novembre précédent; à l'exception de ceux de la ville de Paris, qui étoient déjà unis au corps des notaires. Ces offices de garde-scels ainsi rétablis, furent aussi unis au corps des notaires; & dans les lieux où les notaires ne formoient pas de communauté, le droit de garde-scel fut donné à chaque notaire en particulier: & en conséquence de cette union, la déclaration permet à tous notaires, dans les villes où il y a parlement ou autres siéges présidiaux, de prendre le titre de conseiller du roi garde-scel , soit qu'ils ayent acheté les offices en commun ou en particulier; de sorte que dans les lieux où la communauté n'a pas acheté ces offices, il faut envoyer sceller l'acte chez celui qui est garde-scel . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-Scels des Jurisdictions royales et subalternes Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes-Scels des Jurisdictions royales Gardes-Scels des Jurisdictions royales et subalternes , sont ceux qui ont la garde du petit scel dont les expéditions du tribunal doivent être scellées. Anciennement chaque juge avoit son sceau ou cachet particulier, dont il scelloit lui-même tous les jugemens & autres actes émanés de sa jurisdiction, & même les contrats & autres actes que l'on vouloit mettre à exécution. Le châtelet de Paris fut le premier siége qui commença à user du scel royal, du tems de S. Louis. Il y avoit dès-lors au châtelet un officier appellé scelleur , dont la fonction étoit d'apposer le scel aux jugemens & mandemens émanés du tribunal; ce qui subsiste encore présentement. On donna aussi aux autres siéges royaux des sceaux aux armes du roi, pour sceller tous les jugemens & autres actes passés dans le détroit de la jurisdiction. Mais Charles IX. étant informé que dans plusieurs jurisdictions royales les juges apposoient encore leurs sceaux, marques, cachets, ou signatures, au lieu du scel royal, ou bien les sceaux des villes, & qu'il se commettoit encore d'autres abus, créa par édit du mois de Juin 1568, des gardes des sceaux dans toutes les jurisdictions royales, excepté dans les chancelleries & présidiaux, pour sceller tous les jugemens & contrats que l'on veut mettre à exécution. Cet édit fut interprété & confirmé par plusieurs autres des 8 Février 1571, Mai & Décembre 1639, Juin 1640, & autres; en conséquence desquels il fut établi des gardes des sceaux dans la plûpart des jurisdictions royales. Depuis, par édit du mois de Novembre 1696, Louis XIV. supprima tous ces offices de gardes-scels , soit qu'ils eussent été établis en conséquence des édits de Juin 1568 & autres postérieurs, ou que lesdits offices ou les titres & fonctions d'iceux, eussent été joints & unis à d'autres offices rétablis oû réunis au domaine du roi; à l'exception néanmoins des offices de gardes-scels créés depuis l'année 1688: & au lieu de ces offices de gardes-scels simplement, il créa par le même édit dans toutes les jurisdictions royales un conseiller du roi garde-scel , pour sceller tous les jugemens & autres expéditions, contrats & actes des notaires & tabellions royaux, qui furent joints & attribués au garde-scel , avec attribution des mêmes fonctions, autorités, priviléges, droits, rang, séance, voix délibérative, part aux épices & distribution des procès, que les autres conseillers & officiers des jurisdictions royales. Par une déclaration du 18 Juin 1697, les offices & droits de garde-scels des contrats & actes des notaires & tabellions royaux, furent desunis de ceux des sentences & actes des jurisdictions royales, pour être vendus séparément. Voyez Garde-Scel aux Contrats . Enfin par une autre déclaration du 17 Décembre suivant, Louis XIV. rétablit tous les offices de garde-scels qui étoient établis avant l'édit du mois de Novembre 1696, dans les bailliages, sénéchaussées, vicomtés, prevôtés, vigueries, châtellenies, & autres jurisdictions royales ordinaires, à l'exception de ceux du châtelet & des autres jurisdictions de la ville de Paris, pour laquelle l'exécution de l'édit de 1696 fut ordonnée. La même déclaration ordonna que les propriétaires des anciens offices de garde-scels en joüiroient, comme ils faisoient avant l'édit de 1696, sans être tenus d'acquérir ni de se faire pourvoir, si bon ne leur sembloit, des offices de conseillers-gardes-scels créés par le même édit de 1696; desquels offices de conseillers le roi se réserva de disposer comme il jugeroit à propos, avec faculté néanmoins aux propriétaires des anciens offices de garde-scels , aux compagnies, ou autres particuliers, d'acquérir ces offices de conseillers. A l'égard des jurisdictions des provinces & généralités où les offices & droits de garde-scels n'étoient pas rétablis avant l'édit du mois de Novembre 1696, le roi par la déclaration du 17 Septembre 1697, unit aux corps des jurisdictions lesdits offices de conseillers-garde-scels créés par édit du mois de Novembre 1696, avec faculté auxdites jurisdictions de joüir desdits offices en commun, ou de les vendre, même les droits y attachés. Il a été défendu aux gardes-scels des jurisdictions royales , par plusieurs réglemens, & notamment par une déclaration du 16 Mars 1576, de sceller aucun des actes qui sont du fait des chancelleries établies près des cours ou présidiaux. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde des Coffres, ou Thrésorier de l'Épargne Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Garde des Coffres Garde des Coffres , ou Thrésorier de l'Épargne , ( Hist. mod. ) c'est un des principaux officiers dans la cour du roi d'Angleterre, immédiatement après le contrôleur; lequel dans la cour du tapis-verd, & quelquefois ailleurs, a la charge ou l'inspection particuliere des autres officiers de la maison, afin qu'ils tiennent une bonne conduite, ou qu'ils fassent avec exactitude les fonctions de leurs offices: c'est lui qui paye leurs gages. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes des Foires Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes des Foires Gardes des Foires , officiers établis dans les foires pour en conserver les franchises, & juger des contestations en fait de commerce survenues pendant la durée de ces foires; on les nomme plus ordinairement juges-conservateurs. Voyez Juges & Conservateurs . Dictionnaire de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes de Nuit Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardes de Nuit Gardes de Nuit , petits officiers de ville à Paris, commis par les prevôt des marchands & échevins, pour veiller la nuit sur les ports à la conservation des marchandises qui y ont été mises à bord, & répondre à leurs frais des dégats ou dommages qui par leur faute ou négligence seroient arrivés à ces marchandises, pourvû que dans les vingt-quatre heures les propriétaires des effets détournés ou gâtés intentent action contre ces gardes: telle est la disposition de l'ordonnance de la ville de 1672, art 7. ch. jv. Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde noire Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Garde noire Garde noire , ( Commerce. ) on nomme ainsi à Bordeaux une escoüade d'archers qui veille pendant la nuit pour empêcher qu'il n'entre dans la ville, ou qu'il n'en sorte aucune marchandise en fraude; elle est composée d'un capitaine, d'un lieutenant, & de neuf soldats. Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Visiteur Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Garde-Visiteur Garde-Visiteur , ( Commerce. ) on appelle de la sorte à Bordeaux un commis qui accompagne le visiteur d'entrée de mer, lorsqu'il va faire sa visite sur les navires & barques qui arrivent dans le port de cette ville, & dont il est comme le contrôleur. Les fonctions du garde-visiteur sont, 1°. en accompagnant le visiteur, de faire mention sur son portatif du nom des navires & de celui des maîtres, du lieu d'où ils viennent, & du nombre & qualité des marchandises: 2°. de donner chaque jour au receveur de la comptablie, un état des vaisseaux & barques visités: 3°. de fournir un pareil état aux receveur & contrôleur du convoi des barques de sel, de leur nom, de celui de leurs maîtres, de leur port, & de la quantité & qualité des sels dont elles sont chargées: 4°. de transcrire tous les jours les déclarations qui se font au bureau. Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. Garde Garde , s. f. en terme de Commerce , signifie conservation, durée en un même état, comme dans les phrases suivantes. Les marchandises sujettes à la corruption ne sont pas de garde: on dit d'un vin foible, qu'il n'est pas de garde . On appelle aussi dans le commerce, garde-boutique, garde-magasin , une étoffe dont la couleur est éteinte, qui est fripée, piquée de vers, tarée ou hors de mode. Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Garde Garde , ( Commerce .) Dans les six corps des marchands de Paris, on appelle maîtres & gardes ceux qui sont élus & choisis parmi les maîtres de chaque corps pour tenir la main à l'exécution des statuts & réglemens de chaque corps en particulier, & pour en soûtenir les priviléges. Chez les artisans, il n'y a point de maîtres & gardes , mais simplement des jurés. Voyez Juré . Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Magasin Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Garde-Magasin Garde-Magasin , ( Commerce. ) celui qui a soin des marchandises renfermées ou déposées dans un magasin. Voyez Magasin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Magasin Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Garde-Magasin Garde-Magasin , ( Art milit. ) dans l'Artillerie, c'est un préposé par le grand-maître pour veiller au magasin des armes & des munitions des places, & tenir un état de tout ce qui entre & qui en sort. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Chasse Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Garde-Chasse Garde-Chasse , ( Vénerie. ) celui qui est chargé de la conservation du gibier dans un canton limité. Un garde-chasse a deux objets sur lesquels il doit particulierement veiller, les braconniers & les bêtes carnacieres: avec de l'attention & quelquefois de la hardiesse, il arrête les entreprises des uns; il y a un art particulier à se défaire des autres, qui demande de l'adresse, quelques connoissances, & sur-tout un goût vif pour les occupations de ce genre. Sans ce goût, il ne seroit pas possible qu'un garde-chasse soûtînt les fatigues, les veilles, & la vigilance minutieuse qu'exige la destruction des animaux ennemis du gibier. Voyez Piége . Les gens qui ont des gardes-chasse , ne peuvent prendre trop de précautions pour qu'ils soient sages & d'une probité à toute épreuve. On ne sauroit croire combien de détails sourds de tyrannie s'exercent par eux: ils sont armés & crûs sur leur parole; cela est nécessaire pour l'exercice de leurs fonctions. Mais s'ils ne portent pas, dans l'usage qu'ils font de ces droits, l'exactitude jusqu'au dernier scrupule, combien ne sont-ils pas à craindre pour le paysan? Ils deviennent sur-tout dangereux, s'ils reconnoissent en leur maître un goût vif pour la chasse: alors ils n'épargnent rien pour flater en lui une passion qui, comme toutes les autres, voit injustement ce qui la favorise ou ce qui la blesse. Article de M. le Roi , lieutenant des chasses du parc de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes-Étalon Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gardes-Étalon Gardes-Étalon , ( Manége. ) on appelle de ce nom tous particuliers auquel la garde d'un étalon est confiée, ou qui se chargent eux-mêmes de l'achat & de l'entretien d'un cheval propre à servir les jumens, d'un arrondissement quelconque: les uns & les autres joüissent de certains priviléges. Voyez Haras . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-meuble Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Garde-meuble Garde-meuble , ( Manége. ) lieu de dépôt, & où l'on enferme les selles, les harnois, les couvertures, les émouchoirs, les brides, les licols, les caveçons, &c. & tous les divers instrumens qui sont propres au manége, à l'écurie, & nécessaires dans un équipage. Lorsqu'on ne perd point de vûe l'objet pour lequel on le destine, on le construit de maniere qu'il soit à la portée de tous les besoins. Il faut surtout qu'il soit à l'abri de la chaleur excessive, du grand froid, de l'humidité, & de toutes odeurs fétides; autrement les cuirs & tous les ouvrages en bois, en métaux & en dorures qu'il contiendra, seront bien-tôt desséchés, gersés, pourris, décolorés, rouillés & changés, quelqu'attention que l'on puisse apporter à leur conservation. On y dispose différemment des armoires; on y pratique divers arrangemens tendans à garantir les meubles de la poussiere & des injures des rats, ou autres animaux malfaisans, & dans des tems où l'humidité s'étend, & se fait jour & perce par-tout; on en garantit le garde meuble , à l'aide d'un feu plus ou moins considérable, ou ce qui convient encore mieux, à l'aide d'un poële médiocrement chauffé. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-meuble Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Garde-meuble Garde-meuble , ( Manége. ) on appelle de ce nom l'officier auquel on confie le soin & la garde de tous les meubles d'une écurie, d'un manége, & d'un équipage. Son devoir consiste à tenir un compte fidele de tout ce qui lui est remis, à faire attention à ce qu'il distribue, à observer l'état dans lequel les choses lui sont rendues, à n'en recevoir aucunes qui n'ayent été parfaitement nettoyées, à faire exactement réparer celles qui ont souffert quelqu'atteinte, à être d'une assiduité extrème, & toûjours prêt à fournir ce dont on peut avoir besoin; enfin, à faire soigneusement arranger ce qu'on lui rapporte, selon l'ordre établi dans le garde-meuble , à la propreté duquel il doit constamment & scrupuleusement veiller. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Fourbisseur Part of Speech=s.f. Garde Garde , s. f. en termes de Fourbisseur , se dit de la partie qui est auprès de la poignée d'une épée, pour empêcher que la main ne soit offensée par l'ennemi. Voyez Épée & Poignée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-Sale Author=unknown Normalized Classification=Escrime Part of Speech=NA Garde-Sale Garde-Sale , ( Escrime. ) Voyez Prevost . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde, (être en) Escrime. Author=unknown Normalized Classification=Escrime Part of Speech=NA Garde Garde , ( être en ) Escrime . C'est être dans une attitude aussi avantageuse pour se défendre que pour attaquer. Il y a deux façons de se mettre en garde , qui sont la garde ordinaire ou garde basse , & la garde haute . Elles se pratiquent toutes deux, suivant les différentes occasions. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-haute Author=unknown Normalized Classification=Escrime Part of Speech=NA Garde-haute Garde-haute , ( Escrime. ) est celle où l'on tient le poignet plus haut que la pointe. Façon de se mettre en cette garde: 1°. vous placerez le bras gauche, les piés & le corps, comme il est enseigné dans la garde ordinaire; 2°. vous leverez le bras droit, & mettrez le poignet à la hauteur du noeud de l'épaule; 3°. vous pourrez faire descendre la pointe de votre épée jusqu'au niveau de la ceinture, & jamais plus; mais il est mieux de la tenir entre l'épaule & la ceinture. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde ordinaire ou Garde-basse Author=unknown Normalized Classification=Escrime Part of Speech=NA Garde ordinaire Garde ordinaire ou Garde-basse , ( Escrime. ) est celle où le poignet est plus bas que la pointe. Façon de se mettre en cette garde: 1°. tournez la tête & le pié droit en face de l'ennemi; 2°. portez le talon gauche à deux longueurs de piés de distance du talon droit; 3°. mettez le pié gauche perpendiculaire au droit; 4°. alignez les piés, desorte que le droit paisse passer derriere le talon gauche, sans laisser d'intervalle; 5°. alignez les épaules sur le pié droit, ou ce qui est le même, mettez-les perpendiculaires au pié gauche; 6°. pliez le jarret gauche en avançant le genou, jusqu'à qu'il soit sur l'à-plomb du bout de son pié (ceux qui ont le pié petit, peuvent un peu passer cet à plomb); 7°. portez tout le corps sur le jarret gauche, & enfoncez le dans les hanches; 8°. étendez le genou droit sans le roidir, au contraire il faut en avoir l'articulation flexible; 9°. posez le tronc du corps bien à-plomb, & ne tendez ni le ventre ni le derriere; 10°. levez le bras gauche, & arrondissez-le, ensorte que la naissance de la main soit au niveau & vis-à vis le noeud de l'épaule, & la distance de la naissance de la main à ce noeud doit être de la longueur de l'humerus; 11°. levez le coude à la hauteur de l'oeil, pour diminuer le poids du bras; 12°. avancez la main droite jusqu'à ce que le pouce soit sur l'à-plomb du bout de son pié; 13°. tournez la main droite de façon que le plat de la lame faste un angle de 45 degrés avec l'horison; 14°. mettez le pommeau à hauteur de la ceinture; 15°. tenez la pointe de votre épée à hauteur du noeud de l'epaule, & jamais plus. Nota . Que les jointures de votre bras soient souples sans être trop pliées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-corps Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Garde-corps Garde-corps ; en Architecture , c'est une balustrade ou un parquet à hauteur d'appui, ordinairement le long d'un quai, d'un fosse, ou aux côtés d'un pont de pierre. C'est aussi un assemblage de charpente aux bords d'un pont de bois, pour empêcher de tomber dans l'eau. Le mot latin par lequel on exprime le garde-corps , est peribolus . Les ouvriers l'appellent garde fou . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-manger Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Garde-manger Garde-manger , en latin cella promptuaria , ( Architect. ) c'est un petit lieu près d'une cuisine, pour serrer les viandes de la desserte de la table, le gibier, la volaille, &c . Il faut que ce lieu soit sec & muni de quelques tables, corps d'armoires, & autres ustenciles à son usage. Voyez le garde-manger, n°. 14. Planc. XI . Arhitect. qui est échauffé l'hyver par la cheminée de la cuisine, & l'été rafraîchi par la croisée qui donne sous le peristile; les provisions que ces sortes de pieces contiennent étant sous la garde du ches de cuisine, il leur faut ménager une issue du côté de la cuisine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-meuble Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Garde-meuble Garde-meuble , ( Architecture. ) c'est dans une maison une grande piece ou galerie, le plus souvent dans le comble, où l'on serre les meubles d'été pendant l'hyver, & ceux d'hyver pendant l'été. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Garde Garde , ( Commerce. ) se dit de certaines membrures ou pieces qui font partie de la balance romaine, autrement dite peson ou crochet . Dans la composition de cette balance, il y a trois sortes de gardes , la garde du crochet, la garde sorte, & la garde foible. Voyez Balance . Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-corde Author=unknown Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Garde-corde Garde-corde , terme d'Horlogerie. Voyez Guide-Chaîne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Garde Garde : les Relieurs appellent garde une bande de parchemin de la longueur du livre qu'ils mettent à moitié en-dedans du carton; l'autre moitié est entaillée par bande pour passer sur le dos dans les entre-nerfs où on les colle; on colle la bande du dedans, lorsque le livre est prêt à dorer: il y en a des deux côtés du livre. Quelquefois on se contente de deux ou trois bandes de parchemin qui passent du carton sur le dos, pour le renforcir & mieux assûrer le carton. Voyez Endosser . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes Author=unknown Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Gardes Gardes , ( Rubanier. ) ce sont deux bandes de fort papier pliées en trois, de la hauteur du peigne, & qui servent à le tenir fixe dans le battant; d'ailleurs ces gardes servent encore à garnir les vuides qui resteroient aux deux côtés du peigne, & autravers desquels la navette passeroit sans cette précaution. Les gardes ont encore une autre utilité, qui est de recevoir la navette quand elle ne travaille pas; il y a des ouvriers curieux & propres qui font ces gardes de toile cirée, dont on met le ciré en-dehors: ces gardes , outre la propreté & la durée, ont encore l'avantage de tenir les doigts de l'ouvrier dans une fraîcheur qui lui est nécessaire sur-tout en été. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes Author=unknown Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=NA Gardes Gardes , ( Verrerie. ) on nomme gardes dans l'art de la Verrerie les morceaux de verre que l'on place perpendiculairement dans la poële, lorsqu'on procede à la calcination du verre. Ces gardes servent à faire connoitre quand l'opération est achevée; car lorsqu'ils commencent à plier & à fondre par la chaleur, il ne faut plus pousser le feu. Voyez Verre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardes Author=unknown Normalized Classification=Tisseranderie Part of Speech=NA Gardes Gardes , terme de Tisserand; les gardes sont deux morceaux de bois placés aux deux bouts des rots ou peignes, qui assujettissent les broches ou dents & les empêchent de s'écarter. Voyez Peigne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-malade, ou simplement Garde Author=unknown Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s. Garde-malade Garde-malade , ou simplement Garde , s. fém. ( Medecine. ) c'est le nom que l'on donne à des femmes, dont la profession est de garder & soigner les malades dans les maisons particulieres où elles sont appellées; il s'en faut beaucoup que cet état obscur soit indifferent pour la société. En effet ces femmes, par leur habitude & leur expérience dans les cas de maladies, sont plus intelligentes, plus adroites, & infiniment plus propres que toutes autres personnes, à prévenir & soulager les besoins des malades qui leur sont confiés; elles remplissent auprès d'eux les mêmes fonctions que les infirmiers ou infirmieres dans les hôpitaux. Voyez Infirmier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDEROBE, ou PETIT-CYPRÈS Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GARDEROBE GARDEROBE, s. f. ou PETIT-CYPRÈS, santolina; genre de plante à fleur en fleurons ramassés en boule, qui est composée de plusieurs fleurons découpés & portés sur les embryons, séparés les uns des autres par de petites feuilles pliées en gouttieres, & soûtenus par un calice écailleux de figure hémisphérique; les embryons deviennent des semences qui n'ont point d'aigrettes. Les fleurs de cette plante sont plus grandes que celles de l'absynthe & de l'auronne. Tournef. instit. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Cette plante s'appelle aussi santoline , de son nom latin. Ainsi voyez Santoline , ( Matiere med ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-robe Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Garde-robe Garde-robe , ( Architecture. ) s'entend du lieu où l'on tient les aisances, les cabinets de toilette, ceux où l'on serre les habits, le linge, & où couchent les domestiques que l'on veut tenir près de soi. Voyez les pieces marquées C dans le plan de la Pl. XI . Architect . Ce sont ces gardes-robes que M. Perrault entend dans Vitruve par cella familiarica . On appelle garde-robe , chez le roi & les princes, un appartement où l'on tient les habits, mais où logent même les officiers qui y servent; en latin vistiarium . Le mot de garderobe se prend chez les Italiens pour garde-meuble . Garde-robe de bain; c'est près d'un bain le lieu où l'on se deshabille, & que Vitruve appelle apoditerium. Voyez la piece marquée I dans le plan de la Planche XI . Architecture . Garde-robe de théatre; c'est derriere ou à côté de la scene d'un théatre un lieu qui comprend plusieurs petits cabinets, où s'habillent séparément les acteurs & les actrices. C'est aussi l'endroit où l'on tient les habits, où l'on dispose tout ce qui dépend de l'appareil de la scene, & où se font les petites répétitions. Vitruve nomme cette partie du théatre choragium . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-robe, (grand-maître de la) Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Garde-robe Garde-robe , ( grand-maître de la ) Hist. mod. Cette charge a été creée le 26 Novembre 1669. Alexandre duc de la Rochefoucauld la possede depuis 1718. Il prête serment de fidélité entre les mains du Roi, & le reçoit des autres officiers de la garde-robe . Sa charge est de faire faire & d'avoir soin des habits, du linge, & de la chaussure du Roi. Il dispose de toutes les hardes lorsque le Roi ne veut plus s'en servir. Le grand-maître de la garde-robe donne la chemise à Sa Majesté, en l'absence des princes du sang ou légitimés, du grand-chambellan, & des premiers gentilshommes de la chambre. Le matin quand le Roi s'habille, il lui met la camisolle, le cordon bleu, & le just-au-corps. Quand Sa Majesté se deshabille, il lui présente la camisolle de nuit, le bonnet, le mouchoir, & lui demande quel habit il lui plaira de prendre pour le lendemain. Les jours de grandes fêtes, le grand maître de la garde-robe met au Roi le manteau & le collier de l'ordre, fait les fonctions de chambellan & des deux premiers gentilshommes de la chambre, en leur absence. Il a son appartement. Les jours d'audience aux ambassadeurs, il a place derriere le fauteuil de S. M. à côté du premier gentilhomme ou du grand-chambellan, & prend la gauche du fauteuil du Roi. Il y a d'ancienne création deux maîtres de la garde-robe servant par année. Ils font serment de fidélité entre les mains du Roi. En l'absence des princes du sang ou légitimés, du grand-chambellan, des premiers gentilshommes de la chambre, & du grand-maître de la garde-robe , ils donnent la chemise au Roi. Ils se trouvent aussi aux audiences des ambassadeurs, & montent sur l'estrade ou le haut-dais. Celui qui est d'année a un appartement. C'est lui qui présente la cravate au Roi, son mouchoir, ses gants, sa canne, & son chapeau. Lorsque Sa Majesté quitte un habit, & qu'il vuide ses poches dans celles de l'habit qu'il prend, le maître de la garde-robe lui présente ses poches pour les vuider le soir. Lorsque le Roi sort de son cabinet, il donne ses gants, sa canne, son chapeau, son épée au maître de la garde-robe; & après que Sa Majesté a prié Dieu, elle vient se mettre sur son fauteuil, & acheve de se deshabiller. Le maître de la garde-robe tire le just-au-corps, la veste, le cordon bleu, & reçoit aussi la cravate. Ces deux charges sont possédées: l'une par M. le maréchal de Maillebois depuis 1736, ayant M. le comte de maillebois pour survivancier; & l'autre par M. le marquis de Souvré, depuis 1748. Les officiers de garde-robe sont: quatre premiers valets de garde-robe servant par quartier, seize valets de garde-robe servant aussi par quartier, un porte-malle, quatre garçons ordinaires de la garde-robe , trois tailleurs-chaussetiers & valets-de-chambre, un empeseur ordinaire, & deux lavandiers du linge de corps. Etat de la France, édit. 1749 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garde-robes Author=unknown Normalized Classification=Layetier Part of Speech=NA Garde-robes Garde-robes , ( Layetier. ) les maîtres Coffretiers-Malletiers appellent ainsi les plus grands coffres qu'ils font, soit peut-être parce qu'ils les font pour être placés dans les garde-robes , soit aussi parce qu'ils veulent faire entendre que ces coffres sont capables de servir seuls de garde-robes . Il y a aussi des demi-garde-robes; & les unes & les autres sont rondes ou plates, c'est-à-dire ont le couvercle, ou arrondi en forme de demi-cercle, ou simplement applani. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDE, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARDE GARDE, ( la ) Géogr. petite ville d'Italie au Veronois, dans les états de Venise. Elle est sur un lac auquel elle donne son nom, à sept lieues de Verone. Long. 28. 16. lat. 45. 35 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDELEBEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARDELEBEN GARDELEBEN, ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne dans la vieille marche de Brandebourg, sujette au roi de Prusse. Son commerce principal consiste en houblon & en bierre. Elle est sur la Bise, à 15 lieues de Magdebourg, 22 de Brunswic. Long. 29. 30. latit. 52. 44 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDER le chamois en chaleur Author=unknown Normalized Classification=Chamoiseur Part of Speech=NA GARDER le chamois en chaleur GARDER le chamois en chaleur , terme de Chamoiseur; c'est échauffer les peaux qui ont été passées en huile, en les mettant sous des couvertures de laine; ce qui se nomme plus ordinairement mettre les peaux en chaleur. Voyez Chamois . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garder au liquide Author=unknown Normalized Classification=Confiseur Part of Speech=NA Garder au liquide Garder au liquide , terme de Confiseur; c'est confire un fruit quel qu'il soit, de façon qu'on puisse le conserver toûjours liquide. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDIEN ou CUSTODE Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m. GARDIEN ou CUSTODE GARDIEN ou CUSTODE, s. m. custos , ( Hist. ecclés. ) est le nom qu'on donne parmi les Franciscains au supérieur de chaque maison particuliere. Ainsi l'on dit le gardien des cordeliers de Paris, le gardien des récollets de Montargis, le gardien des capucins du Marais, le gardien des pénitens de Picpus. Les autres ordres mendians ou rentés ont conservé les titres de prieur, recteur, ministre, supérieur , &c. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardien Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gardien Gardien , ( Jurisprud. ) est celui qui a la garde de quelque personne ou de quelque chose. Gardien bourgeois; c'est le pere ou la mere non-nobles qui ont la garde bourgeoise de leurs enfans. Voyez ci-devant Garde bourgeoise . Gardien noble , est celui des pere ou mere, ou autres ascendans, & même, dans quelques coûtumes, des collatéraux, qui a la garde noble d'un enfant mineur. Voyez ci-devant Garde noble . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardien des Meubles Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardien des Meubles Gardien des Meubles , est celui qui s'est chargé de la garde des meubles saisis sur un débiteur. L'huissier ne doit établir pour gardien qu'une personne solvable & de facile discussion, qui est ce que l'on appelle un gardien bon & solvable . On ne doit établir pour gardien , ni les parens de l'huissier, ni le saisi, sa femme, enfant, ou petitsenfans; mais on peut établir pour gardiens les freres, oncles, & neveux, pourvû qu'ils y consentent. Celui qui accepte la commission du gardien , doit signer sur le procès-verbal, ou déclarer qu'il ne peut signer. Si l'huissier ne trouve pas de gardien solvable, il doit établir garnison. Il n'est pas permis d'empêcher l'établissement du gardien , ni de le troubler, à peine de payer le double de la valeur des meubles saisis, & de 100 livres d'amende, sans préjudice des poursuites extraordinaires. Le gardien suit ordinairement la foi de celui sur qui la saisie est faite, c'est-à-dire qu'il laisse la partie saisie en possession des meubles; il peut néanmoins requérir l'huissier qui en fait la saisie de le mettre en possession de ces meubles, & de les enlever. Lorsqu'il fait enlever les meubles, il ne doit ni s'en servir, ni les loüer à personne; il doit les conserver fidelement comme un dépositaire, à peine de tous dommages & intérêts. Les gardiens étant dépositaires de justice, sont contraignables par corps à la représentation des meubles saisis, soit pour être vendus à la requête du créancier, soit pour être restitués à la partie saisie, lorsqu'il y a eu déplacement, & que la partie saisie a obtenu main-levée. La contrainte par corps n'a lieu néanmoins qu'en vertu d'un jugement qui la prononce. S'il survient des oppositions qui retardent la vente, le gardien est déchargé deux mois après qu'elles ont été jugées; ou si elles ne le sont pas, il est déchargé au bout d'un an: mais s'il a été mis en possession réelle des meubles, il en est chargé pendant trente ans. Voyez l'ordonnance de 1667, tit. xjx. & xxxiij . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardien Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gardien Gardien ; ce titre étoit quelquefois donné au lieu de celui de garde , à certains juges établis par le roi pour la manutention des priviléges accordés à certaines églises, villes, ou autres communautés: par exemple, après l'abolition de la commune de Laon, il y fut établi par le roi un gardien pour rendre la justice, comme il est dit en l'ordonnance de Philippe de Valois du mois de Décembre 1331. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDIENS, matelots gardiens Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m.pl. GARDIENS GARDIENS, s. m. pl. ( Marine. ) matelots gardiens; ce sont des matelots commis dans un port pour la garde des vaisseaux & pour veiller à la conservation des arsenaux de Marine. On partage les matelots gardiens en trois brigades égales en nombre & force, suivant le rôle qui est arrêté par le capitaine de port; chaque brigade est conduite par un maitre des matelots choisi par le capitaine du port. Sur les vaisseaux du premier rang il doit y avoir huit matelots gardiens; sur ceux du second rang, six; sur ceux du troisieme, quatre; sur ceux du quatrieme & cinquieme, trois; sur les frégates, brûlots, flûtes, & autres bâtimens, deux ou un, selon le besoin. Dans le nombre des gardiens , il doit y avoir le quart qui soient calfats ou charpentiers; l'ordonnance de la Marine de 1689 regle tout ce qui concerne les gardiens . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gardien de la fosse aux-lions Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gardien de la fosse aux-lions Gardien de la fosse aux-lions , ( Marine. ) c'est le matelot qu'on y met de garde pour fournir ce qu'on y demande pour le service du vaisseau. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDIENNE Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GARDIENNE GARDIENNE, ( Jurispr. ) voyez ci-devant Gardien & Garde-gardienne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDIENNERIE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GARDIENNERIE GARDIENNERIE, s. f. ( Marine. ) chambre des canonniers. Voyez Sainte-barbe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDIER Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire de France Part of Speech=s.m. GARDIER GARDIER, s. m. ( Hist. de France. ) officier supérieur établi autrefois dans quelques villes du royaume, comme à Lyon, à Vienne, &c. pour faire payer à ceux que le souverain avoit mis sous leur sauvegarde, les impositions dûes pour cela; pour leur faire rendre justice des vexations qu'on pouvoit exercer contre eux; pour donner l'investiture des biens mouvans du domaine; enfin pour connoître par lui-même, ou par ses officiers, des infractions à tous ces egards. Il falloit que cet emploi fût une dignité de confiance, puisque dauphin ne dédaigna pas d'être gardier dans la ville & cité de Lyon; & pour le dire en passant, ce Gui dauphin n'est point ce malheureux chevalier templier, brûlé à Paris avec le grand maître Jacques de Molay, comme l'ont écrit la plûpart de nos historiens, Nicole Gille, Paul Emile, Dupleix, Mezerai, le P. Labbe, & M. Dupuy lui-même, sur l'autorité de Villani. Gui dauphin, gardier de Lyon, baron de Montauban, & frere de Jean dauphin de Viennois, étoit le troisieme fils d'Humbert premier, seigneur de la Tour & de Coligni, appellé en 1282 à la souverainete du Dauphiné. Ce fils Gui fut marié avec Beatrix de Baux, & mourut en 1318. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARDON Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.m. GARDON GARDON, s. m. leucisci species prima , ( Hist. nat. Ichthiologie. ) poisson de riviere semblable au meunier par la figure des écailles, par le nombre & par la position des nageoires: mais il a la tête plus petite & le corps plus large. Le dos est bleu, la tête verdâtre, & le ventre blanc; les yeux sont grands, & il n'y a point de dents à la bouche. Ce poisson a la chair molle. Rondelet, hist. des poiss. de riviere, chap. xiij. Voyez Poisson . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GARE GARE, s. m. ( Marine. ) les mariniers donnent ce nom à des lieux préparés sur une riviere étroite, pour y ranger leurs bateaux lorsqu'ils en rencontrent d'autres qui embarrasseroient la navigation, la riviere n'étant pas assez large pour qu'il en puisse passer deux en même tems sans courir risque de s'endommager. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARED Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARED GARED, ( Géog. ) nouvelle petite ville d'Afrique dans la Barbarie, au royaume de Maroc, dans la province de Suz, remarquable par ses moulins à sucre. Elle a été bâtie par le cherif Abdalla qui regnoit du tems de Marmol. Long. 8. 40. lat. 29. 11 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARENNE Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Chasse Part of Speech=s.f. GARENNE GARENNE, s. f. ( Chasse. ) on appelle ainsi tout espace peuplé d'une grande quantité de lapins. Cependant les garennes proprement dites sont enfermées de murs, & par cette raison on les nomme garennes forcées . Celles qui ne sont pas forcées font trop de tort à leur voisinage, pour qu'il dût être permis d'en avoir. On établit une garenne pour avoir commodément des lapins pour son usage, ou pour les donner à loyer: dans l'un & dans l'autre cas, les intérêts & les soins sont les mêmes. Une garenne n'est avantageuse qu'autant que les lapins y sont bons, qu'ils y multiplient beaucoup, & que les lapreaux y sont hâtifs. Pour cela, il faut que le terrein soit sec, qu'il produise des herbes fines & odoriférantes, comme le serpolet, &c. & qu'il soit exposé au midi ou au levant. Le lapin est de tous les animaux celui dont la chair garde le mieux le goût des herbes dont il s'est nourri. Une odeur rebutante décele ceux qui ont mangé des choux, & les autres nourritures que la domesticité met dans le cas de leur donner. L'eau ne vaut rien non plus pour les lapins. Les prés humides, ceux où l'herbe se charge d'une grande quantité de rosée, leur donnent une constitution mal-saine & un goût déplaisant. Il faut donc pour asseoir une garenne , choisir un lieu élevé. L'exposition que nous avons indiquée n'est pas moins nécessaire pour avancer la chaleur des bouquins & la fécondation des hazes. Une garenne n'étant bonne qu'autant qu'elle est hâtive, il s'ensuit que tous les soins du propriétaire ou du fermier doivent concourir à la rendre telle. Pour cela, il faut qu'elle ne contienne qu'une quantité de lapins proportionnée à son étendue, qu'ils y soient bien nourris pendant l'hyver, & qu'il n'y reste que le nombre de bouquins nécessaire. Il ne faut pas moins que de deux à trois arpens pour une centaine de lapins de fond: ainsi dans une garenne de cent arpens, il n'en faudra jamais laisser pendant l'hyver plus de quatre mille. Malgré cet espace il faudra les nourrir un peu pendant les gelées, & beaucoup lorsque l'herbe sera couverte de neige ou de givre. Si les lapins manquent de nourriture pendant trois ou quatre jours, ils maigriront à l'excès; & la premiere portée, qui est à tous égards la plus avantageuse, en sera considérablement retardée. Le meilleur fourrage qu'on puisse leur donner, c'est le regain de luserne, ou celui de trefle: on peut aussi leur jetter des branches de saule & de tremble, dont l'écorce leur plaît & les nourrit bien. Pour ne rien perdre du fourrage, qui souvent est assez cher, on peut le leur donner sur de petits rateliers faits en forme de berceau comme ceux des bergeries, & élevés d'un demi pié. On les place à portée des terriers. On peut les couvrir aussi d'un petit toît de planches, pour garantir l'herbe de la pluie & de la neige. La faim y accoûtume les lapins en peu de jours. Il ne faut d'abord que les affriander; & lorsqu'il ne reste rien aux rateliers, on augmente peu-à-peu. Pour joüir des lapins ou en ôter le surperflu, il y a trois moyens; le fusil, les panneaux, & les furets. Le premier est infidele & dangereux; on tue quelquefois des hazes; & d'ailleurs pour peu qu'un lapin qui a été tiré ait encore de vie, il rentre au terrier, y meurt & l'infecte. Les garenniers intelligens ne laissent tirer dans leurs garennes qu'avec beaucoup de précautions: cependant depuis les premiers lapreaux jusqu'à la fin de Juillet, il est difficile de s'en dispenser: mais dès qu'on le peut, il vaut mieux recourir aux panneaux & aux furets. Depuis le mois d'Août jusqu'au mois de Novembre, le panneau est à préférer, parce que c'est un moyen plus facile & plus prompt. Pour s'en servir on a une petite route couverte, si l'on peut, d'un côteau ou d'un revers de fossé, & tracée entre les terriers & l'espace dans lequel les lapins s'écartent pour aller au gagnage pendant la nuit; on file un panneau le long de cette route; on l'attache à des fiches ou piquets de deux piés de haut; on a soin d'enfoncer ces fiches assez pour qu'un lapin ne les renverse pas, & elles sont placées à six toises les unes des autres. Un homme reste à ce panneau; deux autres parcourent l'espace dans lequel les lapins sont répandus; l'esfroi les faisant revenir aux terriers, ils sont arrêtés par le filet, & saisis par celui qui le garde: c'est-là ce qu'on appelle faire le rabat . Dans une garenne un peu étendue, on en peut faire jusqu'à trois dans une nuit en commençant deux heures après la nuit fermée. Lorsqu'on a le vent faux, ou qu'il fait clair de lune, les rabats ne réussissent guere. On voit que de cette maniere les lapins étant pris vivans, il est aisé de ne tuer que les bouquins, & de laisser aller les hazes: cela est d'autant plus avantageux, qu'il ne doit pas rester dans la garenne plus d'un bouquin pour quatre ou cinq hazes. On a le même avantage pendant l'hyver, en faisant sortir les lapins du terrier avec des furets emmuselés, & les prenant avec des bourses, qu'on adapte aux gueules. Voyez Fureter . Si le terrein d'une garenne est sablonneux, il faut que les murs qui l'entourent ayent des fondemens très-profonds, afin que les lapins ne percent point au-dessous. Ces murs doivent avoir sept à huit piés de haut, & être garnis au-dessous du chaperon d'une tablette sailante, qui rompe le saut des renards. Si on est forcé de laisser des trous pour l'écoulement des eaux, il faut les griller de maniere que les belettes même ne puissent y passer. Il est presque nécessaire que dans une garenne les lapins trouvent de-tems en-tems du couvert. On ne peut pas espérer d'y élever du bois; il faut donc y entretenir des bruyeres, des genêts, des genievres qui font ombre, & que les lapins ne dévorent pas comme le reste. Lorsque rien n'y peut croître, on est contraint de former un couvert artificiel. On assemble plusieurs branches d'arbres, des genêts, &c. on les couche, & elles servent de retraite aux lapreaux, que les vieux lapins tourmentent dans les terriers pendant l'été. On devra à ces soins réunis, rout l'avantage qu'on peut retirer d'une garenne , si l'on y joint une attention continuelle à écarter & à détruire toutes les bêtes carnassieres qui sont ennemies des lapins. Les murs peuvent garantir des renards, des blairaux, des putois, & même des chats; mais il faut des précautions journalieres pour se défendre des foüines, que les murs n'arrêtent pas; des belettes, auxquelles le plus petit trou donne passage, &c. Voyez Piége . Il est donc inutile d'avoir une garenne , si l'on n'en confie pas le soin à un garennier très-intelligent & très-exercé. Cet article est de M. le Roy , lieutenant des chasses du parc de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARER un Vaisseau Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GARER un Vaisseau GARER un Vaisseau , pour dire calfater , ( Mar. ) c'est un vieux terme qui n'est plus d'usage. Voyez Calfater . Garer un bateau, un train de bois , c'est le ranger & l'attacher de façon qu'il soit en sûreté. Ce terme n'est en usage que parmi les bateliers. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garer Author=unknown Normalized Classification=Flottage Part of Speech=NA Garer Garer , c'est en termes de flotage , arrêter les trains dans certains lieux désignés par la police aux environs de Paris, ou sur la route, pour la commodité des floteurs. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARET Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARET GARET, ( Géog. ) contrée d'Afrique dans la Barbarie, au royaume de Fez. Melilla, Chasaca, Tesota & Maggéa, en sont les villes principales. Cette province baignée au nord par la Méditerranée, est bornée E. par la riviere de Mulvia, qui la sépare de la province d'Errif. Le Garet a de bounes mines de fer, & des montagnes au centre qui sont cultivées. Voyez Marmol, liv. IV. chap. xcxvj. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GARGAN GARGAN, ( Géog. anc. ) montagne d'Italie au pays nommé autrefois la Pouille Damienne , & maintenant la Capitanate , au royaume de Naples, près de Manfrédonie. Pomponius Méla & Pline le nomment garganus mons . Il étoit couvert de forêts de chênes: aquilonibus querceta Gargani laborant , dit Horace. Cette montagne s'appelle aujourd'hui le mont Saint-Ange, monte di Sant'Angelo; & le promontoire de cette montagne qui s'avance dans la mer Adriatique, capo viestice . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGANCY Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GARGANCY GARGANCY, oiseau. Voyez Sarcelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGARA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GARGARA GARGARA, ( Géog. anc. ) le plus haut promontoire du mont Ida dans la Troade, & l'un des quatre qui partant de cette montagne s'avançoient dans la mer. Jupiter y avoit un temple & un autel, c'est-là que ce Dieu, dit Homere toujours géographe dans ses écrits, c'est-là que ce dieu vint s'asseoir pour être tranquille spectateur du combat entre les Grecs & les Troyens. Le Gargara ne manqua pas de se peupler insensiblement, & tenoit déjà son rang parmi les villes oeoliques, du tems de Strabon. Il ne faut pas confondre Gargara avec Gargarum , qui etoit une autre ville de l'Asie mineure, selon Etienne le géographe. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGARISER, (se) Author=Louis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GARGARISER GARGARISER, ( se ) c'est l'action de se laver la bouche & l'entrée du gosier avec quelque liqueur. On se gargarise ordinairement avec de l'eau simple, par propreté: cette ablution enleve les matieres limoneuses qui pendant la nuit s'attachent à la langue, au voile du palais, & dans le fond de l'arriere-bouche. Lorsqu'on fait usage de gargarismes dans des maladies du fond de la bouche, on a coûtume de porter la tête en-arriere; on retient la liqueur, & on l'agite en lui faisant faire un gargouillement. Ce mouvement de l'air avec l'eau peut irriter les parties, & empêche l'action du médicament. Il opereroit plus efficacement, si l'on retenoit la liqueur sans aucune agitation, de façon qu'elle baignât simplement les parties malades. Voy. Gargarisme . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGARISME Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. GARGARISME GARGARISME, s. m. terme de Chirurgie , forme de médicament topique, destiné à laver la bouche dans les différentes affections de cette partie. On compose différemment les gargarismes , suivant les diverses intentions qu'on a à remplir. La décoction des racines, feuilies, fleurs, fruits ou semences, se fait dans de l'eau, dans du vin blanc ou rouge, dans du lait: des eaux distillées sont aussi quelquefois la base des gargarismes . On ajoûte à la liqueur des sirops, des mucilages, des élixirs. En général la formule d'un gargarisme admet sur six onces de décoction, deux onces de sirop, deux ou trois dragmes de poudre, & des substances mucilagineuses à une quantité bornée, pour ne pas ôter à la composition la fluidité qu'elle doit avoir. On a l'attention de ne point faire entrer dans les gargarismes , de drogue, qu'il seroit dangereux d'avaler: le collyre de Lanfranc, par exemple, est un excellent détersif dans les ulceres putrides de la bouche; mais quand on s'en sert, ainsi que de différens esprits acides & caustiques, tels que l'esprit de sel qui arrête puissamment le progrès des escarres gangreneuses, on touche avec précaution les parties, avec un pinceau chargé du médicament irritant; & on fait ensuite laver la bouche & gargariser avec un liquide convenable, avant que de permettre au malade d'avaler sa salive. Les drogues fort ameres, telles que l'agaric blanc & la coloquinte, sont communément proscrites de la formule des gargarismes; la decoction & le sirop d'absynthe sont exceptés: on en fait de bons gargarismes détersifs dans les aphthes putrides. La décoction de quinquina & de sommités de sapin, avec de l'esprit de vitriol jusqu'à une agréable acidité, donne une liqueur anti-septique, fort convenable dans les esquinancies gangreneuses. Les gargarismes émolliens & anodyns, se font avec les racines d'althaea, les feuilles de mauves, les semences de lin & de fenugrec, cuites dans de l'eau ou dans du lait. La décoction de figues grasses est adoucissante & maturative. La décoction des plantes vulnéraires avec du miel, & à laquelle on ajoûte du sirop de roses seches, est un gargarisme détersif pour les ulceres de la bouche qui n'ont aucune malignité. Lorsqu'il est question de resserrer & de fortifier, on fait bouillir ces plantes dans du vin. Les gargarismes astringens se font avec l'écorce de grenades, les balaustes, le sumach, & les roses rouges, cuites dans du gros vin. Les gargarismes rafraîchissans se sont avec la décoction d'orge & du sirop de mûres, en y ajoûtant quelques gouttes d'esprit de vitriol. On préfere l'esprit de cochléaria dans les gargarismes anti-scorbutiques. Voyez Scorbut . Le vinaigre & l'eau donnent une liqueur rafraîchissante très-simple. Il n'y a point de maladies plus communes que les maux de gorge inflammatoires. Voyez Esquinancie . Les gargarismes repercussifs dont on se sert quelquefois imprudemment dans cette maladie, sont une cause de métastase sur le poumon: M. Recolin qui a lû un mémoire sur cette matiere intéressante, à la séance publique de l'académie royale de Chirurgie, en 1756, joint son expérience aux observations des plus grands maîtres, pour démontrer le danger des gargarismes repercussifs dans ce cas. Il remarque que les anciens qui recommandoient en général ses topiques qui ont cette vertu dans le commencement de toutes les inflammations, ont posé pour exception les cas où la métastase étoit à craindre. Pourquoi ne pas faire l'application d'un principe si lumineux & si sûr aux esquinancies inflammatoires? Les remedes froides dont on use impunément dans les inflammations legeres, font presque toûjours refluer l'humeur sur le poumon, lorsque la fluxion a saisi vivement. Voyez ci-devant au mot Gargariser , la façon de se servir des gargarismes . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gargarisme Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège. Maréchallerie Part of Speech=NA Gargarisme Gargarisme , ( Man. Marechall. ) médicament liquide, & propre à humecter les parties de la bouche & de l'arriere-bouche de l'animal. C'est une espece d'infusion ou de decoction, ou de suc exprimé, ou de mixture moyenne, &c. & il offre de véritables ressources dans des cas d'inflammation, de sécheresse, de tumeurs, d'ulceres, d'aphthes dans l'une ou l'autre de ces cavités. Son efficacité ne sauroit être rapportée ni à une collution réelle, car nous ne connoissons aucun moyen de forcer l'animal d'agiter la liqueur dans sa bouche, de maniere que toutes les parties en soient imbibées, détergées & pénétrées; ni au séjour que le remede y fait, car il nous est impossible de le contraindre à l'y retenir long-tems: il ne peut donc être salutaire que par l'attention que l'on a d'en renouveller souvent l'usage. L'impuissance où nous serions encore d'inviter avec succès l'animal à prendre le fluide que nous lui présenterions, ne nous laisse que la voie des injections. Nous poussons le gargarisme avec une seringue dont l'extrémité de la canule ou du syphon, qui présente une forme ovalaire & legerement arrondie, est percée de plusieurs trous, semblables à ceux dont sont percés les arrosoirs; & pour l'adresser plus sûrement au lieu qu'il importe de baigner, nous faisons ouvrir la bouche du cheval par le secours d'un pas-d'âne ou autrement, s'il s'agit néanmoins d'humecter les parties qu'elle renferme. Lorsqu'il est question de porter la liqueur dans l'arriere-bouche & au-delà de la cloison du palais, nous dirigeons notre injection dans les nazeaux, à l'aide d'un syphon percé d'une seule ouverture; & cette route l'y conduit directement, parce qu'elle enfile les arriere-narines. Cette pratique est sans doute preférable à celle d'introduire des médicamens jusque dans le fond du gosier par le moyen d'un nerf de boeuf, aux risques d'estropier l'animal, & d'augmenter tous les accidens qu'un ignorant s'efforce toujours vainement de combattre. Au surplus, le choix des matieres à injecter dépend du genre de la maladie; ainsi il est des gargarismes antiseptiques, antiphlogistiques, resolutifs, rafraîchissans, émolliens, détersifs, consolidans, &c. & l'on doit ne faire entrer dans leur composition aucune chose qui, prise interieurement, pourroit nuire & préjudicier au cheval. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGOUGES Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA GARGOUGES GARGOUGES, ( Art milit. ) Voyez Cartouches . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGOUILLADE Author=Cahusac Normalized Classification=Danse Part of Speech=s.f. GARGOUILLADE GARGOUILLADE, s. f. ( Danse. Ce pas est consacré aux entrées de vents, de demons, & des esprits de feu; il se forme en faisant du côté que l'on veut, une demi-piroüette sur les deux piés. Une des jambes, en s'élevant, forme un tour de jambe en-dehors, & l'autre un tour de jambe en-dedans, presque dans le même tems. Le danseur retombe sur celle des deux jambes qui est partie la premiere, & forme cette demi-piroüette avec l'autre jambe qui reste en l'air. Voyez Tour de jambe . Ce pas est compose de deux tours. Il est rare qu'on puisse faire ce tour également bien des deux côtés. Le célebre Dupré faisoit la gargouillade très bien lorsqu'il dansoit les démons; mais il lui donnoit une moindre elevation que celle qu'on lui donne à-présent: on l'a vûe pius haute & de la plus parfaite prestesse dans le quatrieme acte de Zoroastre. M lle Lyonnois qui y dansoit le rôle de la Haine, & qui y figuroit avec le Desespoir, est la premiere danseuse qui ait fait ce pas brillant & difficile. Dans les autres genres nobles la gargouillade est toûjours déplacée; & fût-elle extrèmement bien faite, elle dépare un pas, quelque bien composé qu'il puisse être d'ailleurs. Dans la danse comique on s'en sert avec succès, comme un pas qu'on tourne alors en gaieté; au lieu qu'il ne sert qu'à peindre la terreur dans les entrées des démons, &c. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGOUILLE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. GARGOUILLE GARGOUILLE, s. f. terme d'Architect . c'est un canal rond & étroit que l'on construit entre des murs, pour faciliter l'entrée & la sortie des eaux, lorsque l'on bâtit en des lieux sujets à des inondations, ou qui sert à dégager une terrasse. Gargouille est aussi à une fontaine ou cascade, un mascaron d'où sort de l'eau. C'est encore, dans un jardin, une petite rigole où l'eau coule de bassin en bassin, & qui sert de décharge. Ce mot peut venir du latin gurgulio , le gosier. On appelle aussi gargouilles les petites ouvertures-cimaises d'une corniche, par où les eaux qui tombent dessus sa saillie, s'échappent; & qui auparavant de tomber, s'assemblent dans une goulotte pratiquée sur le talud ou revers d eau de la corniche, tel qu'il est pratique à celle du pérystile du louvre. Ces gargouilles sont souvent ornées de masques, de têtes d'animaux, & partieulierement de mufles de lion. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gargouille Author=Bourgelat Normalized Classification=Eperonnier Part of Speech=NA Gargouille Gargouille , terme d'Eperonnier , espece d'anneau diversement contourné, qui termine les branches des mors. Communément sa partie la plus basse présente une sorte de plate-forme ronde, legere, & percée dans son milieu d'un trou que l'on nomme l' oeil du touret . Ce trou est pratiqué dans la direction de la ligne du banquet, ou parallelement à cette même direction, selon que la branche est droite, hardie ou flasque. Quelquefois aussi cette plate-forme est placée en-arriere, & dans la direction que doivent avoir les renes. Outre l'oeil destiné à loger le touret, c'est-à-dire la demi-S , qui supérieurement est terminé par une tête ronde dont le contour repose librement sur la plate-forme, tandis que l'anneau résultant inférieurement de sa courbure, reçoit un autre anneau rond & beaucoup plus considérable, auquel on boucle la rene; il en est encore un plus petit, placé tantôt dans la partie supérieure de la gargouille , plus ou moins près du lieu où elle commence, & où finit la branche; tantôt dans sa partie inférieure, immédiatement au-dessus de la plate-forme, mais toûjours postérieurement: celui-ci reçoit la chaînette par un autre touret plus délié. Voyez Mors . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGOUILLEMENT Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. GARGOUILLEMENT GARGOUILLEMENT, s. m. on se sert de ce terme, en Chirurgie , pour exprimer le bruit qu'on entend quand l'intestin rentre d'une tumeur herniaire dans sa place naturelle. Ce bruit est formé par l'air que contient la portion du canal intestinal déplacé. On doit être fort attentif à ce bruit, car le gargouillement est un signe pathognomatique que la hernie est intestinale. L'épiploon ne rentre qu'avec lenteur, & sans bruit. On connoît que la hernie est composée, c'est-à-dire qu'elle est formée par l'intestin & par l'épiploon, quand après l'intestin réduit (ce que le gargouillement a manifesté), la tumeur n'est que diminuée & ne disparoît pas entierement. Voyez Hernie . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARGOULETTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Terme de relation Part of Speech=s.f. GARGOULETTE GARGOULETTE, s. f. terme de relation . La gargoulette est un vase de terre du Mexique, extrèmement legere & transparente. Ce vase est double, c'est-à-dire qu'il y en a deux en partie l'un dans l'autre. Le premier, ou supérieur, a la forme d'un entonnoir qui n'est pas percé, dont le bout est enchâssé dans le fecond, ou inférieur. Celui-ci a un petit goulot, comme une théyere, pour rendre la liqueur qu'il a reçûe. C'est dans le supérieur qu'on verse la liqueur, d'où elle passe en filtrant dans celui de dessous. On met une attache aux ances de la gargoulette , pour la suspendre à l'ombre, & l'eau y devient d'une grande fraîcheur. On a voulu imiter ces vases en Europe, & particulierement en Italie; mais on n'a pas pû y réussir jusqu'à-présent: c'est la terre qui en fait toute la bonté, & ils sont d'une commodité merveilleuse au Mexique. On n'y met pour l'ordinaire que de l'eau pure, parce que le vin est trop chargé de corpuscules hétérogenes qui ne passeroient pas au-travers des pores de la terre, ou qui les rempliroient bientôt; au lieu que l'eau étant plus homogene, se filtre avec facilité, & se rafraîchit considérablement par le moyen de l'air frais qui pénetre les pores des deux vaisseaux. Mais les gargoulettes des Indes orientales, faites avec la terre de Patna, sont encore au-dessus de celles du Mexique. Ce sont des bouteilles assez grandes, capables de contenir autant de liqueur qu'une pinte de Paris; cependant elles sont si minces & si legeres, qu'elles pourroient être enlevées en l'air, étant vuides, par le souffle seul, comme les boules d'eau de savon que font les enfans. On se sert de ces sortes de vases pour rafraîchir l'eau dans un lieu frais, & l'on dit que dans le pays cette eau y contracte une odeur & un goût très-agréable. L'on ajoûte que les dames indiennes, après avoir bû l'eau, mangent avec délices le vase qui la contenoit; ensorte qu'il y a telle femme grosse au Mogol, qui, si on ne l'en empêchoit, dévoreroit en peu de tems les plats, les pots, les caraffes, les bouteilles, & tous les autres ustensiles de la terre de Patna qu'elle trouveroit sous sa main. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARIDELLE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. GARIDELLE GARIDELLE, s. f. garidella , ( Bot. ) genre de plante à fleur en rose, qui a plusieurs pétales voûtés, divisés en deux parties, & disposés en rond. Le calice est composé de plusieurs feuilles; il en sort un pistil qui devient une sorte de bouquet fait de plusieurs capsules à deux panneaux, & oblongues, qui renferment une semence ordinairement arrondie. Tournef. inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARIEUR Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GARIEUR GARIEUR, s. m. ( Jurisp. ) dans quelques coûtumes signifie la même chose que garant. Voy. Poitou, art. 94. 95. S. Jean d'Angely, 115. la Bourt, tit. xviij. art. 6. 7. 8. & 9. la coût. loc. de Saint-Sever, tit. j. art. 19. & 20. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARILLAN, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARILLAN GARILLAN, ( le ) Géogr . en italien Garigliano , riviere d'Italie au royaume de Naples. Elle étoit connue des anciens sous le nom de Clanis & de Liris: Horace l'appelle Taciturnus , qui coule sans bruit ses eaux paisibles. Il traversoit autrefois le pays des Herniques, des Volsques & des Ausoniens. Sa source est dans l'Abruse, & son embouchure dans la terre de Labour. Il passe à Sora, & reçoit le Sacco, qui est le Trevus des Latins. Enfin, après s'être accrû par beaucoup de petites rivieres, il se jette dans la mer à l'orient de Gaïete. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARIMENT Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GARIMENT GARIMENT, s. m. ( Jurisprud. ) terme usité dans quelques coûtumes, au même sens que garantie . Voyez ce dernier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARITES Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f.pl. GARITES GARITES, s. f. pl. ( Marine. ) ce sont des pieces de bois plates & circulaires qui entourent la hune, étant posées sur leur plat tout-autour du fond; au lieu que les cercles sont sur les côtés en forme de cerceaux. C'est dans ces pieces de bois qu'on passe les cadenes des haubans. Voyez Hune . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARIZIM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie sacrée Part of Speech=NA GARIZIM GARIZIM, ( Géogr. sacrée. ) mont de la Palestine près de Sichem, dans la tribu d'Ephraïm, & dans la province de Samarie. Cette montagne étoit célebre par le temple que les Samaritains y avoient construit pour l'opposer à celui de Jérusalem. Hircan renversa de-fond-en-comble ce temple, deux cents ans après qu'il avoit été bâti par Manassès, sous le regne d'Alexandre-le-Grand. Les curieux doivent lire la dissertation de M. Réland sur le mont Garizim . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARLET Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GARLET GARLET, s. m. poisson; Voyez Carrelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNESEY (l'isle de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARNESEY GARNESEY, ( l'Isle de ) Sarnia, Géogr. île de la Manche sur la côte de France, appartenant aux Anglois. Elle a environ dix lieues de long, & la forme d'un luth. Sa capitale s'appelle S. Pierre . On fait dans cette île un commerce assez considérable; on y trouve l'éméril, qui est d'un grand usage pour polir l'acier, le fer, le verre, & les pierres les plus dures. Garnesey est située à 6 lieues de l'île de Gersey, 8 du Cotentin, 15 de Saint-Malo. Long. 14. 48-15. 5. lat. 49. 28. 36. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNI, GARNIR, GARNITURE Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA GARNI, GARNIR, GARNITURE GARNI, GARNIR, GARNITURE, ( Gramm. ) Voyez ce dernier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garni Author=Villiers Normalized Classification=Chimie Part of Speech=s.m. Garni Garni , s. m. ( Chimie. ) enduit qu'on applique dans l'intérieur d'un fourneau de tôle pour y conserver la chaleur, & pour le garantir de l'action du feu; cet enduit se fait ordinairement d'un pouce ou d'un pouce & demi d'épais: la composition qu'on employe à ce sujet est de l'argille bien lavée & nettoyée des matieres étrangeres qu'elle peut contenir, à laquelle on ajoûte du sable, ou du verre pilé, ou des caillous calcinés, ou des creusets cassés, ou enfin des substances apyres, mais non crétacées; on en fait une pâte ferme qu'on détrempe ensuite avec du sang de boeuf, étendu de trois ou quatre parties d'eau. Avant que de l'appliquer on garnit le dedans du fourneau de clous qu'on y rive, ou bien de petits morceaux de tôle qu'on y cloue, & l'on en humecte les parois d'une détrempe claire d'argille, à mesure qu'il seche on le casse avec un maillet, afin que les gersures soient en moindre quantité & moins considérables: & quand il est bien sec, on y passe une détrempe composée d'un peu d'argille, de verre pilé & de minium pour en vitrifier l'extérieur; on répare avec la même composition les trous qui peuvent s'y faire; on y allume un petit feu pour le secher peu-à-peu. Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garni ou Remplissage Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. Garni Garni ou Remplissage , s. m. en Architecture , s'entend de la maçonnerie qui est entre les carreaux, &c. les boutisses d'un gros mur; il y en a de moilon, de brique, &c. Il y en a aussi de caillous ou de blocage employé à sec, qui sert derriere les murs de terrasse pour les conserver contre l'humidité, comme il a été pratiqué à l'orangerie de Versailles. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garni Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Garni Garni , en terme de Blason , se dit d'une épée dont la garde ou la poignée est d'autre émail. Boutin, d'azur, à deux épées d'argent en sautoir garnies d'or, accompagnées de quatre étoiles de même. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNIR Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GARNIR GARNIR, voyez les articles suivans , & l' article Garniture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garnir un Vaisseau Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Garnir un Vaisseau Garnir un Vaisseau , ( Marine ) c'est y placer toutes les pieces qui servent à la manoeuvre. Voyez Agréer . Garnir le cabestan , c'est y passer la tournevire & les barres pour s'en servir. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garnir Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Garnir Garnir , ( Jardinage ) on dit qu'un espalier est bien garni , lorsqu'il couvre de ses feuillages tout un mur; un buisson est dit mal garni , lorsque dans la circonférence il y a des vuides. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garnir Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=NA Garnir Garnir , ( Art méch. ) il se dit chez les Couteliers & autres ouvriers des ouvrages ornés d'argent, or, & autres matieres précieuses. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garnir Author=unknown Normalized Classification=Piqueur de tabatiere Part of Speech=NA Garnir Garnir , en terme de Piqueur en tabatiere , c'est remplir les trous qu'on a faits à une tabatiere, de clous d'or, d'argent, ou même de fil de l'un ou l'autre de ces métaux; on se sert dans le premier cas d'un poussoir, ( voyez Poussoir ) & dans le second de tenailles qui coupent le fil. Voyez Tenailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNISON Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.f. GARNISON GARNISON, s. f. ( Art. milit. ) corps de soldats qu'on met dans une place forte pour la défendre contre les ennemis, ou pour tenir les peuples dans l'obéissance, ou pour subsister pendant le quartier d'hyver. Voyez Forteresse . Du Cange dérive ce mot de garnicio , dont se sont servi les auteurs de la basse latinité, pour signifier tous les vivres, armes & munitions nécessaires pour défendre une place & soutenir un siége. Ces mots de garnison & de quartier d'hyver , se prennent quelquefois indifféremment pour une même chose, quelquefois on les prend dans un sens différent; & alors garnison marque un lieu où les troupes sont établies pour le garder, & où elles font garde, comme les villes frontieres, les citadelles, les châteaux, &c. La garnison doit être plus forte que les bourgeois. Quartier d'hyver , marque un lieu où les troupes sont durant l'hyver, sans y faire la garde & le service de guerre: les soldats aiment mieux être en quartier d'hyver qu'en garnison. Voyez Place & Quartier d' hyver . Chambers . Dans les premiers tems de la monarchie françoise, on ne mettoit point de garnison dans les villes, excepté en tems de guerre, ou lorsqu'on craignoit les entreprises de quelque prince voisin: dans la paix les bourgeois des villes, ou ceux qui en étoient seigneurs, prétendoient que c'étoit violer leurs priviléges que de les charger d'une garnison . Louis XI. par les fréquentes guerres qu'il eut sur les bras, accoûtuma les villes à avoir de plus grosses garnisons; ses successeurs par la même raison en userent de même. Les habitans d'Amiens sous Henri IV. ayant refusé, sous prétexte de leurs priviléges, une garnison , & leur ville ayant été ensuite surprise par Portocarrero gouverneur espagnol de Dourlens, cela fit que pour le bien de l'état, quand la ville fut reprise, on n'eut plus tant d'égards pour ces sortes de priviléges, & qu'on mit de fortes garnisons dans toutes les villes où elles paroissoient nécessaires. Ce qui rendoit les villes difficiles à recevoir des garnisons , étoit la licence des gens de guerre; mais depuis que les rois se sont mis en possession de multiplier les troupes dans les villes frontieres, ils y ont pour la plûpart maintenu la discipline &; l'on peut dire que la France s'est distinguée par-là de toutes les autres nations. Rien sur-tout n'est plus beau que les reglemens & les ordonnances qui ont été faites par Louis XIV. surce sujet, & qui ont eu leur exécution. Les casernes qu'il a fait bâtir dans les villes de guerre pour les soldats, délivrent les bourgeois de l'incommodité de les loger, si ce n'est dans les passages des troupes; ce qui se fait par billets, & avec un très-grand ordre. Voyez Logement . Voyez aussi dans les ordonnances militaires de service des troupes dans les garnisons . Il n'est pas aisé de fixer le nombre des troupes d'infanterie & de cavalerie dont il faut composer la garnison des places; il dépend de la grandeur des places, de leur situation, & de ce qu'elles ont à craindre, tant de la part de l'ennemi, que de celle des habitans. M. le maréchal de Vauban prétend dans ses mémoires, que dans une place fortifiée suivant les regles de l'art, avec de bons bastions, demi-lunes & chemins couverts, il faut en infanterie cinq ou six cents hommes par bastion. Ainsi si l'on a une place de huit bastions, elle doit, suivant cet illustre ingenieur, avoir 4000 ou 4800 hommes d'infanterie; à l'égard de la cavalerie il la regle à la dixieme partie de l'infanterie. Cette fixation qui a pour objet la garnison d'une place pour soûtenir un siege, ne peut pas convenir également à toutes les villes; d'ailleurs en tems de paix les garnisons peuvent être moins fortes que pendant la guerre: si elles ne le sont pas, c'est que la plûpart des princes de l'Europe entretenant presque autant de troupes en paix qu'en guerre, ils se trouvent obligés de les distribuer dans les différentes villes de leurs états, sans égard au nombre qu'il conviendroit pour la sûreté & la conservation de ces villes. Comme l'on n'a pas dans la guerre un grand nombre de places exposées à être assiégées dans le même tems, ce sont celles pour lesquelles on craint, qu'on doit particulierement fortifier de bonnes garnisons . Les places frontieres ou en premiere ligne doivent avoir aussi des garnisons plus nombreuses que les autres, & d'autant plus fortes qu'elles se trouvent plus à portée des entreprises de l'ennemi, & plus éloignées des autres places. Ce n'est pas une chose indifférente pendant la guerre, de savoir réduire les garnisons des places au seul nombre d'hommes nécessaire pour leur sûreté; on a déja observé que les garnisons des places affoiblissent les armées: c'est un inconvénient que produit le trop grand nombre de places fortifiées qu'il faut garder; mais aussi dans les évenemens malheureux, ces places & leurs garnisons vous donnent le loisir de racommoder vos affaires pendant le tems que l'ennemi employe à en faire la conquête. « Le royaume d'Angleterre, remarque Montecuculi, étant sans forteresses, a été trois fois conquis en six mois; & Frédéric palatin qui avoit été proclamé roi de Boheme, perdit tout ce royaume par la perte de la seule bataille de Prague. Si quelque prince barbare, dit cet auteur, se fiant à ses armées nombreuses, s'imagine qu'il n'en a pas besoin, il se trompe; il faut qu'il ait continuellement une armée sur pié, ce qui est insupportable, ou qu'il » soit exposé aux courses de ses voisins. Dès que les places de guerre sont jugées nécessaires pour la sûreté & la conservation des états, les garnisons le sont également, & elles doivent être proportionnées à la grandeur des places & au nombre des ouvrages de leur fortification; car ce ne sont point les murailles qui défendent les villes, mais les hommes qui sont dedans. Voyez Forteresse . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNISSEUR Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. GARNISSEUR GARNISSEUR, s. m. ( Art méch. ) on appelloit Selliers-Garnisseurs ceux qui étoffoient, garnissoient & montoient les corps des carrosses, coches, &c. par opposition aux Lormiers-Eperoniers qu'on appelloit ouvriers de forge , parce que ceux-ci forgeoient les ouvrages de leur métier; ces deux communautés n'en faisoient qu'une autrefois, mais elles ont été séparées vers le milieu du dix-septieme siecle. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNITURE DE COMBLE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. GARNITURE DE COMBLE GARNITURE DE COMBLE, s. f. en Architecture , s'entend non-seulement des lattes, tuiles ou ardoises, mais aussi du plomb, comme enfaîtement, amortissement, &c. qui servent à garnir un comble . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARNITURE D'UN VAISSEAU, d'un mat Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GARNITURE GARNITURE D'UN VAISSEAU, d'un mat , ( Marine ) c'est l'assemblage de toutes les pieces & manoeuvres nécessaires pour mettre le vaisseau ou le mât en état de servir. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Garniture Garniture , ( Artificier ) se dit des petits artifices dont on remplit les pots des fusées volantes, les pots à feu, à aigrettes, & les balons. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture Author=unknown Normalized Classification=Bijoutier Part of Speech=NA Garniture Garniture , en terme de Bijoutier , est une tabatiere dont l'encadrement seulement est d'or: il y en a de deux sortes. La premiere se nomme cage: les moulures, fermetures, charnieres & revétissement des coins sont d'or; & les dessus, dessous & bastes sont de cailloux, nacres, écailles, émaux, porcelaines, lacqs, ou autres choses qui ne sont point d'or; cette sorte de tabatiere forme le tableau encadré sur ses six parties. Voyez Cage . La seconde se nomme simplement garniture ou garniture à cuvette , parce que ce n'est qu'une fermeture garnie de sa charniere, surmontée d'une moulare, & qui encadre deux morceaux de cailloux, porcelames ou émaux dont le dessous est taillé en cuvette; quand ces sortes de cuvettes ne sont pas assez hautes pour former une tabatiere de hauteur raisonnable, on soude à la fermeture une demi-boîte d'or, au bas de laquelle est attachée la sertissure qui doit encadrer la cuvette; dans le cas où ces cuvettes sont de hauteur desirée, la sertissure se trouve attachée au bas de la fermeture. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture Author=unknown Normalized Classification=Bottier Part of Speech=NA Garniture Garniture , en terme de Bottier , s'entend d'une piece de cuir ajoûtée sur le devant de la tige, pour préserver le corps de la botte du dommage que le frottement continuel de l'étrier pourroit y faire; il y en a à oreilles, rondes, quarrées, &c. Voyez ces mots à leurs articles . Les garnitures à oreilles, en terme de Bottier , c'est une garniture dont les deux extrémités plus longues que dans les garnitures , sont arrondies, & représentent assez bien l'oreille d'un chien. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture ou Fourniture Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=NA Garniture Garniture ou Fourniture , ( Cuisine. ) mot dont on se sert communément pour exprimer les assortimens nécessaires à plusieurs choses pour s'en servir, ou pour les orner. Voyez Appareil . La garniture d'un service de viande ou de mets consiste en un certain nombre de choses qui l'accompagnent, ou comme parties, ou comme ingrédiens; en ce sens les marinades, les mousserons, les huîtres, sont de s garnitures: quelquefois la garniture est un ornement ou un accompagnement; comme quand on met autour d'un service, des feuilles, des fleurs, des racines, pour recréer ou pour amuser les yeux. On se sert aussi du mot fourniture pour signifier les fines herbes, les fruits, &c. que l'on met autour d'une salade, comme citron, pistaches, grenades, jaunes d'oeufs durs, culs d'artichaux, capres, truffes, ris de veau, &c. Garniture d'Épée , terme de Fourbisseur , c'est la garde, le pommeau, la branche & la poignée. Voyez Épée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture de Diamans, de Rubis, d'Émeraudes Author=unknown Normalized Classification=Lapidaire Part of Speech=NA Garniture de Diamans, de Rubis, d'É Garniture de Diamans, de Rubis, d'É meraudes, &c. ( Lapidaire ) c'est chez les Jouailliers certains assortimens de quelques-unes de ces pierreries en particulier, ou de toutes ensemble, dont les hommes garnissent leurs just-au-corps, & les femmes leurs robes & leurs têtes. Les garnitures de pierreries pour les habits des hommes ne consistent ordinairement qu'en boutons de just-au-corps, en boucles de chapeaux, de manchons & de souliers, & en poignées de cannes & d'épées; celles des habits des femmes dépendent de la mode & du goût qui regne. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture de Robe Author=unknown Normalized Classification=Marchand de modes Part of Speech=NA Garniture de Robe Garniture de Robe , terme de Marchand de Modes . L'on a commencé à garnir les robes il y a environ quatorze ou quinze ans, avec de la même étoffe qui étoit coupée & taillée par bandes plus étroites par en-haut que par en-bas; cette garniture étoit posée & cousue sur le collet, & descendoit sur le parement de la robe jusqu'à la ceinture: pour la poser, on la fronce par le milieu en la plissant avec du fil; cette façon de garnir les robes s'appelle bavaroise . Depuis l'on a garni les robes en plein, c'est-à dire tout-du-long & dessus les bottes; ensuite l'on a ajoûté plusieurs noeuds de ruban qui se posent sur les bottes, dans les festons de la garniture ; &c. l'on a encore découpé tout-autour cette garniture ; & l'on en a posé sur toutes les coutures des côtés de la robe. L'on garnit aussi les jupons d'un grand morceau de même étoffe découpé & posé en feston tout autour & au bas du jupon: l'on y a ajoûté ensuite plusieurs falbalas qui se posent par rang & au-dessus les uns des autres; mais ils ne garnissent que le devant: entre ces falbalas, l'on y pose des noeuds de même étoffe & de ruban, des pompons, des franges, des clinquans, &c. Autrefois au lieu de ces falbalas, l'on mettoit au bas des jupons de longues franges de soie de la même couleur; ensuite l'on en a mis par rang, comme les falbalas d'aujour hui. L'on garnit les robes avec des blondes, des réseaux d'or, d'argent, des gazes, des sourcils d'hanneton, des rubans, des pompons, des dentelles de la même étoffe découpée, & quelquefois de la mousseline. Il y a environ trente-cinq ou quarante ans que l'on garnissoit les robes avec des gances & des boutons, des guipures, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Garniture * Garniture , ( Serrurerie. ) on comprend sous ce mot les roüet, rateau, pertuis, planches, bouterolles, & en un mot toutes les pieces qui dans une serrure empêchent les différentes clés de pouvoir l'ouvrir, & la rendent propre à la seule clé qu'on lui 2 faite. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garniture de Chambre Author=unknown Normalized Classification=Tapisserie Part of Speech=NA Garniture de Chambre Garniture de Chambre , ( Tapissier. ) les maîtres Tapissiers & les Frippiers appellent ainsi ce qui meuble une chambre ordinaire, comme la tapisserie, le lit, les chaises, & la table: garniture se dit aussi parmi eux de ce qui compose un lit, comme le matelas, le lit de plume, le traversin, la couverture, la paillasse, & les rideaux. Quelquefois encore par le mot de garniture de lit , on n'entend que les rideaux, pentes, soubassemens, bonnes graces, & courte-pointes, aussi-bien que les doublures de toutes ces pieces. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAROCHOIR, ou CORDE DE MAIN TORSE Author=unknown Normalized Classification=Corderie Part of Speech=NA GAROCHOIR, ou CORDE DE MAIN TORSE GAROCHOIR, ou CORDE DE MAIN TORSE, ( Corderie. ) ce cordage differe des autres, en ce qu'on en tord les torons dans le même sens que les fils. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARONNE, (la-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARONNE GARONNE, ( la-) Garumna, Varumna , ( Géog. ) grande riviere qui prend sa source aux Pyrénées dans le Cousérans, près de la Catalogne; elle baigne une partie de la Gascogne, du haut Languedoc, & toute la Guienne; elle se jette enfin dans la mer au-dessus de Bordeaux, après s'être jointe à la Dordogne. Depuis le village de Gironde, elle porte le nom de Gironde: c'est sur cette riviere que de tems à autre il y remonte de la mer une espece de reflux d'eau, qu'on nomme dans le pays le mascaret. Voyez Mascaret . La Garonne , selon l'ancienne géographie, séparoit le pays des Celtes de celui des Aquitains, & avoit son cours dans le pays des Bituriges, dont les Aquitains faisoient partie. Voyez la-dessus M. de Valois, notit. Gall. p. 221 , &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAROU Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GAROU GAROU, s. m. thymelaea , ( Hist. nat. Bet. ) genre de plante à fleur monopétale, en quelque façon infundibuliforme, & divisée en quatre parties: le pistil sort du fond de la fleur, & devient un fruit qui a la figure d'un oeuf, qui est succulent dans quelques especes & sec dans d'autres, & qui renferme une semence oblongue. Tournefort, instit. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garou, Thymélée de Montpellier, Trentanel Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Garou, Thymélée de Montpellier, Trentanel Garou, Thymélée de Montpellier, Trentanel , ( Mat. médie. ) les anciens medecins se servoient, pour purger les sérosités, des feuilles de cette plante & de ses fruits, qui étoient connus sous le nom de granum chidium , selon plusieurs auteurs; car d'autres pensent que ces grains étoient les baies de lauréole. Voyez Lauréole . Ce purgatif est si violent, qu'on a fait sagement de le bannir de l'usage de la Medecine, du-moins pour l'intérieur. Ce seroit un fort mauvais raisonnement, & dont on se trouveroit très-mal; de se rassûrer contre le danger que nous annonçons ici, parce qu'on sauroit que les perdrix & quantité d'autres oiseaux sont très friands de ce fruit, & qu'ils n'en sont point incommodés: l'analogie des animaux ne prouve rien sur le fait des poisons. Voyez Poison . La racine de cette plante prise intérieurement, est un poison mortel, selon Camérarius; on s'en sert quelquefois extérieurement, lorsqu'elle est seche, pour faire couler les sérosités dans les migraines & dans les fluxions sur les yeux. Dans ces cas, on perce l'oreille, & on y passe un petit morceau de cette racine; mais l'emplâtre épipastique ordinaire préparé avec les cantharides, appliqué derriere l'oreille ou à la nuque du cou, fournit un secours de la même classe, plus efficace & moins dangereux. Voyez Vésicatoire . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARROT Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.m. GARROT GARROT, s. m. clangula Gesn . ( Hist. nat. ) oiseau de mer du genre des canards; il est plus petit que le canard ordinaire; il a le corps plus épais & plus court; la tête est grosse & d'un verd obscur, ou d'un verd noirâtre mêlé de pourpre. Il y a de chaque côté de la tête, près des coins de la bouche, une marque blanche assez grande & arrondie; c'est pourquoi les Italiens ont appellé cet oiseau quatre-yeux, quattro-occhii . L'iris est de couleur d'or; le cou, les épaules, la poitrine, & le ventre, sont blancs; l'entre-deux des épaules & le bas du dos ont une couleur noire; les aîles sont mêlées de noir & de blanc. La membrane des piés est brune ou noirâtre, & les jambes sont courtes & jaunes. Raii, synop. avium, p. 142. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garrot Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège. Maréchallerie Part of Speech=NA Garrot Garrot , ( Manége. Maréchall. ) partie du corps du cheval; elle est supérieure aux épaules, postérieure à l'encolure, & formée principalement par les apophyses épineuses des huit premieres vertebres dorsales. Le garrot est parfaitement conformé, lorsqu'il est haut & tranchant. Dans le premier cas, l'encolure est beaucoup plus relevée, & la selle a moins de facilité de couler en-avant, & d'incommoder les épaules. Dans le second, il n'est point aussi sujet aux accidens dont il est menacé, quand il est trop garni de chair; car cette partie est dès-lors fort aisément soulée, meurtrie, & blessée, soit que des arçons trop larges ou trop ouverts occasionnent la descente de l'arcade de la selle, soit que l'animal éprouve la morsure d'un autre cheval, quelques corps, ou un frottement violent contre des corps durs. Il est certain que les blessures du garrot peuvent avoir des suites très-funestes, sur tout lorsque le traitement en est confié à des maréchaux incapables d'en prévoir & d'en redouter le danger. Les apophyses épineuses dont j'ai parlé sont recouvertes par le ligament cervical; ligament qui soûtient & affermit la tête des quadrupedes: il en est deux autres attaches à ces mêmes apophyses, servant conjointement avec les muscles, à suspendre les omoplates & à leur donner un point d'appui stable, fixe, & détermine. Or s'il y a plaie dans cette partie, ou que la tumeur survenue dégenere en plaie, dès qu'elle sera considérable, il est evident qu'à-moins qu'on ne favorise l'écoulement de la matiere, elle cavera dans le garrot; elle y creusera des sinus & des clapiers, qui ne pourront être alors que très-difficilement susceptibles de contre-ouverture; elle intéressera le ligament cervical, les muscles, les apophyses; elle détruira les ligamens suspensoires; & l'animal sera véritablement égarroté. Voyez Plaies , Tumeurs , Fistule . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Garrot Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.m. Garrot Garrot , s. m. ( Jardinage. ) c'est un bâton fort court passé entre les deux branches d'un jeune arbre, pour en contraindre une troisieme qui est au milieu, & est le véritable montant de l'arbre; ce qui s'appelle garroter an arbre . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARSOTE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GARSOTE GARSOTE, s. f. oiseau. Voyez Sarcelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARTZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GARTZ GARTZ, Gartia , ( Géog. ) ville d'Allemagne dans la Poméranie, aux confins de la Marche de Brandebourg, & sujette au roi de Prusse. Barnime premier, duc de Poméranie, en fit une ville murée en 1258, & lui donna des terres. Longit. 38. 45. latit. 53. 13 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GARUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=s.m. GARUM GARUM, s. m. ( Littérature. ) saumure très-précieuse chez les Grecs & les Romains, qui en faisoient grand cas pour la bonne-chere: mais ou la composition de cette saumure n'étoit pas par-tout la même; ou. ce qui est fort vraissemblable, elle a souvent changé pour l'apprêt; & c'est le moyen le plus simple de concilier les auteurs qui la décrivent si diversement. Quelques modernes nous disent que le garum n'étoit autre chose que des anchois fondus & liquéfiés dans leur saumure, après en avoir ôté la queue, les nageoires, & les arêtes; que cela se faisoit en exposant au soleil le vaisseau qui les contenoit; ou bien, quand on vouloit en avoir promptement, en mettant dans un plat des anchois sans les laver, avec du vinaigre & du persil, on portoit ensuite le plat sur la braise allumée; & on remuoit le tout, jusqu'à ce que les anchois fussent fondus. Mais les anciens auteurs ne parlent point d'anchois. Quelques-uns d'eux prétendent qu'on employoit à cette saumure les maquereaux, scombri , que l'on pêchoit près des côtes d'Espagne: d'où vient qu'Horace dit, garum de succis piscis Iberi , en parlant de la méchante saumure de thon, que Nasidienus vouloit faire passer pour de la saumure de maquereau; & suivant Pline, c'étoit-là la saumure la plus estimée de son tems. Cependant d'autres auteurs assûrent que le garum étoit fait de la pourriture des tripes du poisson nommé par les Grecs garos , & que Rondelet croit être le picarel, qui a conservé son nom de garon sur les côtes d'Antibes. On gardoit les tripes de ce poisson jusqu'à ce que la corruption les eût fondues, & on les conservoit ainsi fondues dans une espece de saumure. La couleur en étoit si brune, que Galien & Aétius l'appellent noire . Ce ragoût, qu'on est venu à détester ter dans les derniers siecles, a fait long-tems les délices des gens les plus sensuels. Enfin l'on composa le garum des entrailles de différens poissons confites dans le vinaigre ou dans l'eau, le sel, & quelquefois dans l'huile, avec du poivre & des herbes fines. Une chose certaine, c'est que le vrai garum du tems de Pline étoit une friandise tellement estimée, que son prix égaloit celui des parfums les plus précieux: on s'en servoit dans les sauces, comme nous nous servons de verjus ou de jus de citron; mais on n'en voyoit que sur les tables des grands seigneurs. Au reste, il paroît que pour bien entendre les auteurs anciens, il faut distinguer les deux mots garus & garum . Le premier étoit ordinairement le poisson, des intestins duquel on faisoit la saumure, le second étoit la saumure même; & quoiqu'on la fît d'un poisson différent que le garus , ou de plusieurs poissons, elle conservoit toûjours le même nom. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAS Author=Venel Normalized Classification=Chimie Part of Speech=s.m.pl. GAS GAS, s. m. pl. ( Chim. ) terme créé par Vanhelmont pour exprimer une vapeur invisible & incoercible qui s'éleve de certaines substances, par ex. des corps doux actuellement fermentans, du charbon embrasé, du soufre brûlant, du sel ammoniac auquel on applique de l'acide vitriolique ou des substances alkalines, &c. Vanhelmont a compris encore sous le nom de gas les exhalaisons produites dans des soûterreins profonds, tels que les galeries des mines, ou sortant de certains creux, grottes, ou fentes de la terre, telles que la grotte du chien; le prétendu esprit des eaux minérales; les odeurs fortes & suffocantes; en un mot toutes les vapeurs sur lesquelles M. Hales a fait les expériences rapportées dans son VI. chapitre de la statique des végétaux , & dans l'appendice qui termine cet ouvrage. Quelques auteurs avoient auparavant appellé ces vapeurs spiritus sylvestres , esprits sauvages. Comme nous n'avons point de dénomination commune pour désigner ces substances, il sera commode de retenir celle de gas , & de désigner sous ce nom générique toutes les vapeurs invisibles & incoercibles qui sont capables de fixer l'air, de détruire son élasticité, ou plûtôt de le dissoudre, pour parler le langage chimique, qui étant respirées par les animaux, gênent singulierement le jeu de leurs poumons, au point même de les suffoquer quelquefois subitement, qui éteignent la flamme, qui se décelent d'ailleurs par une odeur plus ou moins fétide, & souvent en irritant les yeux jusqu'à en arracher des larmes. Les vapeurs connues qui produisent tous ces effets, sont, outre celles dont nous avons déjà parlé, la vapeur des bougies, des chandelles, des lampes allumées, c'est-à-dire la fumée des substances huileuses brûlantes; celles de toutes les substances végétales & animales brûlantes; celles des corps pourrissans; certains clissus; les acides minéraux volatils, & les alkalis volatils, sur-tout ceux qui sont animés par la chaux. M. Hales a pensé que le phénomene de la suffocation des animaux n'étoit qu'une suite de la fixation de l'air ou de la destruction de son élasticité; c'est-à-dire qu'un animal frappé de la foudre ou placé dans une atmosphere infectée par le gas du vin ou par celui du charbon, mouroit « parce que l'élasticité de l'air qui environne l'animal venant à manquer tout-d'un-coup, les poumons sont obligés de s'affaisser; ce qui suffit pour causer une mort subite ». Statique des végétaux, traduct. franç. p. 221 . Cette explication, quoique très-séduisante par sa simplicité, ne paroît pas satisfaire entierement à toutes les circonstances qui accompagnent ce phénomene: il nous paroît que la considération suivante suffit pour nous empêcher de l'admettre. Les gas suffoquent en plein air, quoique leur action soit moins énergique sur les animaux, en ce cas, que lorsqu'ils les respirent dans des lieux fermés: or comment imaginer que l'atmosphere qui environne immédiatement un animal, étant détruite ou supprimée, l'air voisin ne la répare pas soudainement? Peut-on penser qu'un animal seroit suffoqué parce qu'on établiroit devant sa bouche & ses narines une espece de pompe qui absorberoit à chaque instant autant de piés cubiques d'air qu'on voudra supposer? Je crois que M. Roüelle est le premier qui a réfuté publiquement ce sentiment de M. Hales. Les gas sont des êtres encore fort inconnus pour nous: nous n'avons jusqu'à-présent bien observé que les qualités génériques que nous venons de rapporter; & vraissemblablement leur incoercibilité les soustraira encore long-tems à nos recherches. Becher tenta inutilement de ramasser du gas de vin, en appliquant des chapiteaux armés de réfrigérant, au bondon d'un gros tonneau plein de moût actuellement fermentant: on a exposé en vain différens aimans à la bouche des latrines les plus puantes; on n'a retenu aucun principe sensible: on sait que la nature de la mouffette de la grotte du chien s'est refusée aux fameuses expériences de M. l'abbé Nollet. Voyez Exhalaisons , Moffete , Charbon , Soufre , Clissus , Fermentation , Putréfaction , Vin , Vinaigre . Vanhelmont a donné encore le nom de gas à l'esprit vital, à un prétendu baume ennemi de la putréfaction, &c. mais ce n'est ici, comme on voit, qu'une expression figurée, ou qu'une chimere. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASCOGNE, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GASCOGNE GASCOGNE, ( la ) Vasconia , ( Géog. ) grande province de France qui fait une partie du gouvernement général de la Guienne; elle est entre la Garonne, l'Océan, & les Pyrénées: les Géographes l'étendent plus ou moins & la divisent en haute & basse, ou en Gascogne proprement dite, & Gascogne improprement dite. La Gascogne proprement dite comprend, suivant plusieurs auteurs, les Landes, la Chalosse, le Tursan, le Mursan, & le pays d'Albret: la Gascogne improprement dite ajoûte à ces pays le Basque, le Béarn, la Bigorre, le Comminges, l'Armagnac, le Condommois, le Bazadois, & le Bourdelois. On comprend aussi quelquefois sous le nom de Gascogne , le Languedoc & la Guienne entiere. La Gascogne a pris ce nom des Gascons ou Vascons , peuples de l'Espagne tarragonoise, qui s'en emparerent; ils descendirent sous les petit-fils de Clovis, sur la fin du sixieme siecle, des montagnes qu'ils habitoient dans le voisinage des Pyrénées, se rendirent maîtres de la Novempopulanie, & s'y établirent sous un duc de leur nation. Théodebert & Thierri les attaquerent en 602, & les vainquirent; mais ils se révolterent ensuite plusieurs fois, & ne céderent qu'à Charlemagne. Voyez les détails dans l'abbé de Longuerue, descript. de la France; dans Hadrien de Valois, notit. Gallioe; & dans M. de Marca, hist. de Béarn . Grégoire de Tours est le premier écrivain dans lequel on trouve le nom de Gascogne . Ces peuples ont apporté d'Espagne l'habitude qu'ils ont encore de confondre l' V & le B; & c'est ce qui a donné lieu à la plaisanterie de Scaliger: felices populi, quibus bibere est vivere . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASCON Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GASCON GASCON, s. m. poisson. Voyez Saurel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASETTES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GASETTES GASETTES, voyez ce que c'est à l' art . Fayence . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASFOTS Author=unknown Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.m.pl. GASFOTS GASFOTS, s. m. pl. terme de Pêche; ce sont des petits crocs de fer qui servent à ramasser des crabes de toute espece, des homars, & même des congres, que les Pêcheurs retirent d'entre les roches avec cet instrument. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASPÉSIE, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GASPÉSIE GASPÉSIE, ( la ) Géog . province de l'Amérique septentrionale dans la Nouvelle-France, bornée par les monts Notre-Dame; au nord, par les golfes de S. Laurent; au sud, par l'Acadie; à l'oüest, par le Canada: elle est habitée par des sauvages robustes, adroits, & d'une extrème agilité; ils campent sans cesse d'un lieu à un autre, vivent de la pêche, se barbouillent de noir & de rouge, se font percer le nez, & y attachent des grains en guise de pendans. Ce pays comprend environ cent-dix lieues de côte, & s'avance beaucoup dans les terres. Le P. Leclerc récollet, en a donné une description qui paroît plus romanesque que vraie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTALDE ou CASTALDE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GASTALDE ou CASTALDE GASTALDE ou CASTALDE, s. m. ( Hist. mod. ) nom d'un officier de la cour de différens princes. Le gastalde étoit ce qu'on appelle en Italie & en Espagne, majordome: il étoit comte; ce qui prouve que sa charge étoit considérable. Voyez Comte . Gastalde ne signifie quelquefois que courier , dans les actes qui regardent l'ltalie. On donnoit aussi ce nom à un officier ecclésiastique; ce qui faisoit craindre qu'il n'y eût simonie à acheter cette charge. Dict. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTER Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.m. GASTER GASTER, s. m. ( Medec. ) c'est le mot grec γαστὴρ , qui signifie ventre en géneral, la capacité du basventre, & qui se prend quelquefois pour l'estomac, le ventricule, en particulier. Thevenin, diction. des mots grecs de Medecine . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTERANAX Author=d'Aumont Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. GASTERANAX GASTERANAX, s. m. ( Phys. ) c'est un terme composé du grec γαστὴρ , inventé & employé par Dolaeus, pour signifier la faculté dans l'animal, que les anciens appelloient digestive & nutritive; parce qu'ils établissoient son siége dans l'estomac & dans les intestins, c'est-à-dire dans les principaux visceres du bas-ventre, dont la fonction principale est de servir à la digestion des alimens & à la préparation du chyle, qui doit ensuite fournir le suc nourricier. Le même Dolaeus entendoit aussi par son gasteranax l'ame végétative, qui préside à toutes les fonctions nécessaires pour la nourriture & l'accroissement de l'animal. Voyez sur ces différentes significations l' encyclopédie médicale de cet auteur. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTINE Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GASTINE GASTINE, s. f. ( Jurisprud. ) terme de coûtume qui signifie terre inculte & stérile: il est synonyme à landes . C'est de ce vieux mot qu'a été fait le nom de la province de Gatinois. Voyez ci-après Gatinois . Son étymologie est sans doute le mot suivant. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTIS Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GASTIS GASTIS ( Jurisprudence. ) terme qui se trouve employé dans de vieilles coûtumes, pour signifier quelque dévastation arrivée aux biens de la terre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTRILOQUE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GASTRILOQUE GASTRILOQUE, s. m. & f. se dit de ceux qui parlent en inspirant, de maniere qu'il semble que la voix se forme & se fait entendre dans le ventre. Voyez Engastremithe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTIER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GASTIER GASTIER, s. m. ( Jurisprud. ) en Auvergne est celui qui est commis par justice pour la garde des fruits des héritages du lieu, pour empêcher qu'on n'y fasse aucun dégât. Voyez l'édit d'Henri II. de 1559, art. 5. la coûtume d'Auvergne, chap. xxxj. article 69 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTRIQUE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GASTRIQUE GASTRIQUE, adj. en Anatomie , c'est un nom qu'on donne à plusieurs parties relatives de l'estomac. Voyez Estomac . La plus grande veine gastrique s'insere dans la veine splénique, & la petite s'unit au tronc de la veine-porte. L'artere gastrique droite vient de l'artere hépatique, la gauche vient de la splénique. Voyez Hépatique & Splénique . On donne aussi le nom de gastrique au suc qui est séparé par les glandes de l'estomac. Voyez Estomac . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTROCNÉMIENS Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GASTROCNÉMIENS GASTROCNÉMIENS, en Anatomie , nom de deux muscles de la jambe appellés aussi jumeaux. Voyez Jumeaux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTRO-COLIQUE Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GASTRO-COLIQUE GASTRO-COLIQUE, en Anatomie , se dit de ce qui a rapport à l'estomac & au colon. Voyez Estomac & Colon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTROMANTIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Divination Part of Speech=s.f. GASTROMANTIE GASTROMANTIE, s. f. ( Divinat. ) on dit aussi gastromance; sort qui se tiroit par des fiolle, à large ventre. Cette espece de divination ridicule, à laquelle le peuple seul ajoûtoit créance, consistoit à placer entre plusieurs bougies allumées, des vases de verre de figure ronde, & pleins d'eau claire. Ceux qui se mêloient de tirer le sort, après avoir interrogé les démons, faisoient considérer la surface de ces vases à un jeune garçon ou une jeune femme grosse. Ensuite, en regardant eux-mêmes le milieu des vases, ils prétendoient découvrir le sort de ceux qui les consultoient, par la réfraction des rayons de lumiere dans l'eau des bouteilles. La forme ronde de ces bouteilles, & le soin que prenoit le prétendu devin, de regarder avec attention au-travers du corps du vase, fit donner à cet art chimérique, le nom de gastromantie , tiré des mots grecs γαστὴρ , ventre , & μαντεία , divination. Voyez Divination . On appliqua le même nom de gastromantie à la prétendue divination, que d'autres fourbes nommés engastremithes exerçoient, en faisant semblant de parler du ventre, & de ne pas desserrer les levres. Voy. Engastremithe & Ventriloque . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTRORAPHIE Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.f. GASTRORAPHIE GASTRORAPHIE, s. f. terme de Chirurgie , suture qu'on fait pour réunir les plaies du bas-ventre qui pénetrent dans sa capacité. Ce mot est grec, γαστροραφία , composé de γαστὴρ , ventre , & de ῥαφὴ , sutura , couture. La réunion des plaies pénétrantes du bas-ventre n'est praticable qu'après qu'on a fait la réduction des parties contenues, si elles étoient sorties. Voyez Plaies du Bas-ventre . On fait autant de points qu'on le juge nécessaire, suivant l'étendue de la plaie: il faut préparer pour chaque point deux aiguilles courbes enfilées du même cordonnet, composé de plusieurs brins de fil ciré, unis & applatis, ensorte qu'ils forment un ruban d'un pié & demi ou de deux piés de long. Une aiguille sera placée au milieu de ce fil, & les deux bouts seront passés à-travers l'oeil de l'autre aiguille: c'est celle-ci qu'il faut tenir dans la main, & c'est avec elle qu'il faut commencer chaque point. Pour pratiquer la gastroraphie , l'opérateur met le doigt index de la main gauche dans la plaie sous la levre la plus éloignée de son corps. Ce doigt est contre le péritoine, pour pincer & soulever toutes les parties contenantes, conjointement avec le pouce, qui appuie extérieurement sur la peau. De l'autre main on introduit une des aiguilles dans le ventre, en conduisant sa pointe sur le doigt index, pour éviter de piquer l'épiploon ou les intestins. On perce de-dedans en-dehors le bord de la plaie, environ à un pouce de distance, plus ou moins selon l'épaisseur des parties, en poussant le talon de l'aiguille avec les doigts de la main droite, pendant que le pouce de la main gauche qui appuie extérieurement, facilite le passage de la pointe. Dès qu'elle est suffisamment sortie, on acheve de la tirer avec la main droite, qui à cet effet abandonne le talon de l'aiguille pour en aller prendre la pointe. Sans ôter du ventre le doigt index de la main gauche, on le retourne vers l'autre levre de la plaie; on prend de la main droite l'aiguille qui contient l'anse du fil; on conduit cette aiguille le long du doigt index; on perce du-dedans au-dehors, comme on a fait à l'autre levre, & à pareille distance, à la faveur du pouce qui appuie extérieurement la peau contre la pointe de l'aiguille. Lorsque le fil est passé à-travers les deux levres de la plaie, on ôte les aiguilles; il faut couper l'anse pour retirer celle qui a servi la derniere. On fait alors rapprocher les levres de la plaie par un aide-chirurgien, & on se dispose à noüer les fils. On ne doit point les arrêter à un des côtés de la plaie par un noeud simple soûtenu d'une rosette, ce qui formeroit une suture entre-coupée; parce l'action continuelle des muscles du bas-ventre pourroit causer le déchirement des parties comprises dans le trajet du fil, & sur-tout dans la levre opposée au côté où se seroit fait le noeud, en réunissant les deux extrémités du cordonnet. On préfere de diviser en deux chaque bout du lien, pour mettre dans cet écartement un petit rouleau de tassetas ciré ou de toile gommée, qu'on assujettit par un double noeud de chaque côté de la plaie ( Planche XXXI . figure 2 . ). On ne craint point que cette suture manque, parce que l'action des muscles ne peut pas la fatiguer, l'esfort du fil portant entierement sur les chevilles de tassctas ou de toile gommée. Cette suture se nomme enclievillée: les anciens s'en servoient; mais au lieu de petits rouleaux flexibles que nous employons, ils avoiant des vraies chevilles de bois auxquelles on a substitué après des tuyaux de plume. On sent que ces corps pouvoient occasionner des contusions & autres accidens par leur dureté & le défaut de souplesse. Le pansement consiste dans l'application des remedes & de l'appareil: on met sur la plaie un plumaccau trempé dans un baume vulnéraire; on fait une embrocation sur tout le bas-ventre avec l'huile rosat tiede. On a trois petites compresses de la longueur de la plaie, aussi larges que la distance qu'il y a entre les deux chevilles: deux doivent être un peu plus épaisses que les chevilles pour se mettre à chaque côté extérieurement, & la troisieme un peu moins épaisse pour mettre entre deux. On applique une ou deux compresses d'un pié en quarré sur la plaie, & une plus longue & aussi large qu'on nomme ventriere; le tout soûtenu du bandage de corps & du scapulaire. Voyez Bandage de corps & Scapulaire La cure demande des attentions différentes, suivant les diverses complications de la plaie. Voyez Plaies du Bas-ventre . S'il est permis au malade d'être dans la situation qui lui paroîtra la plus commode, & qu'il ait à se retourner dans le lit, il est bon qu'il ne s'aide en aucune maniere, & qu'il se laisse remuer par des gens assez forts & adroits. Lorsque la réunion est faite, on ôte les points de suture en coupant avec des ciseaux les fils qui embrassent une des chevilles; & on retire l'anse soûtenue par la cheville opposée. Il se forme quelquefois une hernie ventrale à la suite de ces plaies pénétrantes, parce que les parties contenantes ne sont point capables d'une aussi grande résistance dans cet endroit qu'ailleurs, à raison du péritoine, qui ne se cicatrise point avec lui-même; chaque levre de sa plaie contractant adhérence avec les parties musculeuses les plus voisines. On fait ordinairement la gastroraphie à la suite de l'opération césarienne. Voyez Césarienne . On convient en général que les sutures sont des moyens violens, auxquels on ne doit avoir recours que dans les cas où il ne seroit pas possible de maintenir les levres de la plaie rapprochées par la situation & à l'aide d'un bandage méthodique. M. Pibrac croit ces circonstances extrèmement rares: il est entré dans un grand détail sur cette matiere, dans un excellent mémoire sur l'abus des sutures, inseré dans le troisieme volume de l'académie royale de Chirurgie. Nous en parlerons plus amplement au mot Suture Il rapporte sur les plaies du bas-ventre deux observations intéressantes de guérison obtenue par un appareil & un bandage méthodiques. Les auteurs qui ont parlé de l'opération césarienne, disent que la suture a été pratiquée. On voit par le détail de leurs observations, que les points ont manqué; on a été obligé de se contenter du bandage, & les malades sont gueris. Ces raisons ne nous avoient point échappé en composant l'article Césarienne , & nous y avions déjà proscrit la suture. Il y a cependant peu de plaies au bas-ventre d'une plus grande étendue, si l'on en excepte une éventration telle que j'en ai vû une par un coup de corne de taureau, qui ouvrit presqu'entierement le ventre d'une femme. Dans un cas de cette nature, il seroit bien à-propos de faire quelques points de suture; & cela suffit pour justifier le détail dans lequel je suis entré sur l'opération de la gastroraphie . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gastroraphie Author=unknown Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=NA Gastroraphie Gastroraphie , ( Maréchall. ) voyez Plaies du Bas-ventre & Suture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GASTROTOMIE Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA GASTROTOMIE GASTROTOMIE, terme de Chirurgie , ouverture qu'on fait au ventre par une incision qui pénetre dans sa capacité, soit pour y faire rentrer quelque partie qui en est sortie, soit pour en extraire quelques corps. Ce mot est grec, γαστροτομία , composé de γαστὴρ , ventrer , ventre, & de τομὴ , sectio , incision, du verbe τέμνω , seco , je coupe. On a pratique avec succès la gastrotomie , pour donner issue au sang épanché dans le bas-ventre, à la suite des plaies pénétrantes de cette partie. On en peut lire plusieurs observations très-detaillées dans un mémoire de feu M. Petit le fils sur les épanchemens, inséré dans le premier volume de ceux de l'académie royale de Chirurgie. L'opération césarienne & la lythotomie par le haut appareil, sont des especes de gastrotomie . Dans le premier cas, on fait ouverture au bas-ventre pour pouvoir inciser la matrice, afin d'en tirer un setus qui n'a pu passer par les voies ordinaires. Voyez Césarienne (Opération) . Dans le second cas, on pénetre dans la vessie au-dessus de l'os pubis pour en tirer la pierre. Voyez Lithotomie . La gastrotomie a été mise en usage pour tirer au moyen d'une incision à l'estomac, des corps étrangers arrêtés dans ce viscere. L'histoire de Prusse & plusieurs auteurs rapportent qu'un paysan prussien qui sentoit quelques douleurs dans l'estomac, s'enfonça fort avant dans le gosier un manche de couteau pour s'exciter à vomir; que ce couteau lui échappa des doigts, & glissa dans l'estomac. Tous les medecins & chirurgiens de Konisberg jugerent que pour prévenir les accidens fâcheux auxquels cet homme étoit exposé, il falloit faire une incision aux parties contenantes du bas-ventre & à l'estomac pour retirer le corps étranger. Cette opération fut faite par Daniel Schwaben, chirurgien lythotomiste, & le malade fut parfaitement guéri en peu de tems. On conserve le couteau dans la bibliotheque électorale de Konisberg, où l'on voit aussi le portrait du paysan à qui l'accident est arrivé. Voyez Plaies de l'Estomac . Il y a plusieurs exemples de pareils cas où la gastrotomie a été pratiquée avec succès. M. Hevin après avoir établi la possibilité & la nécessité de cette ouverture sur plusieurs expériences, donne des regles fondées sur le méchanisme de l'estomac, pour assûrer le succès de l'opération. Les remarques judicieuses qu'il fait sur l'état de plénitude ou de vacuité de l'estomac sont très-importantes, & la méthode qu'il propose est fort sûre. Voyez le premier volume des mémoires de l'acad. royale de Chirurgie , à l'article des corps étrangers de l'oesophage . L'incision du bas-ventre peut aussi être pratiquée pour tirer des corps étrangers arrêtés dans les intestins. Voyez Enterotomie . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GATE, (les Montagnes de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GATE GATE, ( les Montagnes de ) Géog. longue chaîne de montagnes en Asie, dans la presqu'ile en-deçà du Gange, qu'elle divise dans toute sa longueur, en deux parties fort inégales. Celle qui est au couchant est appellée la côte de Malabar . Les voyageurs nous disent que le pays séparé par cette chaine de montagnes, a deux saisons très-différentes dans le même tems; par exemple, tandis que l'hyver regne sur la côte de Malabar, la côte de Coromandel qui est au même degré d'élévation, & qui en quelques endroits n'est éloignée que de vingt à trente lieues de celle de Malabar, joüit d'un agréable printems: mais cette diversité de saisons dans un même tems & en des lieux si voisins, n'est pas particuliere à cette presqu'île. La même chose arrive aux navires qui vont d'Ormus au cap de Rosalgate, où en passant le cap, ils passent tout-à-coup d'un très-beau ciel à des orages & des tempêtes effroyables. Des montagnes de Gate , il sort un grand nombre de rivieres qui arrosent la presque ile, ou qui se jettent à l'orient. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GATEAU Author=unknown Normalized Classification=Pâtisserie Part of Speech=s.m. GATEAU GATEAU, s. m. ( Pâtisserie ) c'est un morceau de pâte façonné & cuit au sour sans autre appareil. Il y en a d'une infinité de façons, selon les differens ingrédiens qu'on unit à la pate, ou dont on fait même des gâteaux en entier: tels sont les gâteaux d'amandes, faits d'amandes, de sucre & d'oeufs; les gâteaux de Compiegne, qui ne different des gâteaux d'amandes que par un levain particulier ajoûté aux autres ingrédiens, &c. Les gâteaux prennent aussi des noms différens de la maniere dont ils sont travaillés; ainsi il y a des gâteaux feuilletés, ou dont la pâte extrèmement pliée & repliée sur elle-même, se sépare en cuisant, & se met en feuillets menus & legers; les gâteaux à la reine, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gateau Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Gateau Gateau , terme de Chirurgie , petit matelas fait avec de la charpie, pour couvrir la plaie du moignon dans les pansemens, après l'amputation des membres. On étend sur le gâteau les médicamens digestifs, mondisians, détersifs, &c. que prescrit l'état des chairs, & la nature de la suppuration. L'on se sert encore d'un gâteau ou grand plumaceau, pour panser la plaie qui reste après l'extirpation d'une mammelle: mais dans l'un & dans l'autre cas, les praticiens rationnels préferent aujourd'hui l'usage de plusieurs plumaceaux moins étendus; on les ajuste mieux aux différentes inégalités de la plaie, qu'un grand plumaceau d'une seule piece; on n'est pas obligé de la découvrir tout-à-la-fois en entier, & de l'exposer par-là aussi long-tems à l'action de l'air, toûjours pernicieux aux plaies trop long-tems découvertes, quelque précaution qu'on puisse prendre pour eu prévenir les mauvais effets. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gateau Author=unknown Normalized Classification=Chimie métallurgique Part of Speech=NA Gateau Gateau , ( Chimie métalliq. ) on nomme ainsi les lingots en plaque. Voyez Lingot . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gateau Author=Diderot Normalized Classification=Fonderie Part of Speech=NA Gateau * Gateau , ( Fond. ) les Fondeurs appellent ainsi les portions de métal qui se figent dans le fourneau après avoir été fondues. Cet accident vient, ou de ce que le métal est tombé à froid dans le fourneau où il y en avoit déjà de fondu, ou bien de ce qu'il est entré dedans une fumée noire, épaisse & chargée de beaucoup d'humidité; ou bien de ce que la chaleur s'est ralentie dans le fourneau; ou enfin de ce qu'un air trop froid, qui a passé à-travers les portes du fourneau, a rafraîchi tout-à-coup le métal. Le gâteau se forme encore lorsque l'aire du fourneau se trouve au rez-de-chaussée & sur un terrein humide; & pour lors il ne reste d'autre remede que de le rompre, pour en tirer le métal & le faire fondre de nouveau. Voyez Fonderie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gateau Author=unknown Normalized Classification=Sculpture Part of Speech=NA Gateau Gateau , ( Sculpture. ) Les Sculpteurs nomment ainsi les morceaux de cire ou de terre applanis, dont il remplissent les creux & les pieces d'un moule où ils veulent mouler les figures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GATER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GATER * GATER, v. act. c'est occasionner quelque défaut dans une chose où l'on n'en remarquoit pas, où l'on en remarquoit moins. Il se prend au simple & au figuré. On gâte un tableau d'un grand maître, en le faisant retoucher par un mauvais artiste; on gâte une belle action, par quelque circonstance où l'on n'a pas montré toute la délicatesse possible; on gâte le métier, en ne soûtenant pas son ouvrage à un haut prix, ou en en développant inconsidérément le mystere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GATINOIS, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GATINOIS GATINOIS, ( le ) Vastinium, Géog. province de France d'environ dix-huit lieues de longueur, sur douze dans sa plus grande largeur, bornée au nord par la Beauce, au sud par l'Auxerrois, à l'est par le Sénonois, à l'oüest par le Hurepois, & la riviere de Vernison. Cette province se divise en Gatinois françois , & en Gatinois orléannois , qui abonde en prairies, pâturages, rivieres, & en excellent safran. Remarquons en passant que le Gatinois tire son nom du mot gastine , qui signifie lieu d'une forêt où le bois a été abattu, vastum, vastare , ravager. De ces mots latins, nos vieux François en firent les mots de gast, guast, guaster , d'où sont venus les mots de dégât & de gâter . Ensuite il est arrivé qu'après que plusieurs lieux incultes ont commencé à être cultivés, on leur a conservé le nom de gastine , assez commun en Touraine, Beauce, le Maine, &c. Le Gatinois du tems des Romains avoit une bien plus vaste étendue qu'il n'a présentement; il étoit alors presque tout couvert de bois & de pâturages. D. Guillaume abbé de Ferrieres, a fait l'histoire générale du pays de Gatinois , Sénonois & Hurepois: c'est un ouvrage curieux, & qui mérite d'être lu. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GATTE, JATTE, AGATHE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GATTE, JATTE, AGATHE GATTE, JATTE, AGATHE, s. f. ( Mar. ) c'est une enceinte ou retranchement fait avec planches vers l'avant du vaisseau, pour recevoir l'eau qui tombe du cable quand on leve l'ancre, & celle qui peut entrer par les écubiers, lorsqu'elle y est poussée par un coup de mer. Voyez la situation de la gatte, Planc. IV . fig. 1 . cotte 90 . Il est fait d'un bordage de trois à quatre pouces d'épaisseur, soûtenu par quatre courbatons; on y perce deux dalots, pour laisser échapper l'eau qui s'y amasse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gattes Author=Bellin Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gattes Gattes : on donne aussi ce nom aux planches qui sont à l'encoignure ou à l'angle commun, que font le plat-bord & le pont. Voyez Gouttieres . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAU, GO, GOW, ou GOU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAU, GO, GOW, ou GOU GAU, GO, GOW, ou GOU, ( Géog. ) canton ou contrée distinguée par ses propres bornes des cantons ou contrées du voisinage, mais qui d'ordinaire faisoit partie d'un autre peuple. Ce que les Celtes, c'est-à-dire les Gaulois, les Germains, appelloient Gan, Go, Gow , ou Gou , les Latins le nommoient Pagi , le peuple entier se nommoit civitas , & se divisoit in pagos: c'est dans ce sens que Jules César dit que les Helvétiens étoient partagés in quatuor pagos , en quatre cantons. De ces Gau, Go, Gow, Gou , est venu la terminaison à plusieurs noms géographiques: telle est par exemple l'origine de la distinction établie en Frise, d'Ostergo & de Westergo, c'est-à-dire le canton oriental & le canton occidental. Il faut rapporter à la même origine le nom de Rheingau , donné au canton qui est entre Mayence & Baccharach; celui de Brisgaw que porte le canton situé entre le Rhin, la Soüabe & la forêt Noire; celui de Sundgau , qui signifie le pays situé entre le Rhin, l'évêché de Bâle & l'Alsace, &c. Remarquez que cette terminaison en Gou , ou Gau , est particuliere à l'Allemagne & aux pays dont la langue est un dialecte de l'allemand. Ces Gau ou Pagi avoient anciennement leurs chefs, qui tous ensemble en choisissoient un d'entre eux pour commander la nation. Les Francs & les Allemands ayant établi chez eux l'état monarchique & héréditaire, conserverent l'ancienne coûtume de donner à chaque canton un chef, mais avec de nouveaux titres; & c'est par cette raison qu'avec le tems cette premiere division a disparu dans beaucoup d'endroits, quoique dans le fond elle ait été conservée sous d'autres noms, comme de duché , de comté , &c. Voyez Fief , ( Droit politiq .) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAVASSINES Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f.pl. GAVASSINES * GAVASSINES, s. f. pl. partie du métier d'étoffe de soie. La gavassine est une ficelle de moyenne grosseur, d'une aune de long, à laquelle on fait une boucle dans le milieu, pour le passage d'une corde de bonne grosseur, qu'on appelle gavassiniere . La gavassine a deux bouts, entre lesquels on place une petite corde qui fait partie de la gavassiniere, & qui sert à faciliter la tireuse dans le choix du lac. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAVASSINIERE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GAVASSINIERE * GAVASSINIERE, s. f. partie du métier d'étoffe de soie; c'est ainsi qu'on appelle l'assemblage d'une grosse corde & d'une petite qui descendent à côté du semple, auxquelles on enfile les gavassines. La gavassiniere est attachée à l'arbaleste. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUCHE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GAUCHE GAUCHE, adj. en Anatomie , se dit de toutes les parties situées à la gauche du plan qu'on peut imaginer diviser le corps de devant en-arriere & de haut en-bas, en deux parties égales & symmétriques. ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gauche Author=unknown Normalized Classification=Coupe des pierres Part of Speech=NA Gauche Gauche , ( Coupe des pierres. ) il se dit de toute surface qui n'a pas quatre angles dans un même plan; ensorte qu'étant regardée en profil, les côtés opposés se croisent. Telle est une portion de la surface d'une vis & de la plûpart des arriere-voussures. Ce terme est de tous les Arts, tant de Maçonnerie que de Charpenterie & Menuiserie; d'où l'on a fait gauchir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUCHIR Author=Diderot Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=v.n. GAUCHIR * GAUCHIR, v. n. ( Menuiserie. ) il se dit des faces ou paremens de quelque piece de bois ou ouvrage, lorsque toutes les parties n'en sont pas dans un même plan; ce qui se connoît en présentant une regle d'angle en angle: si l'angle ne touche point par-tout en la promenant sur la face de l'ouvrage, l'on dit que cette face a gauchi . Une porte est gauche ou voilée , si quand on la présente dans ses feuillures qui sont bien d'à-plomb, elle ne porte point par-tout également. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUDAGE Author=unknown Normalized Classification=Teinture Part of Speech=s.m. GAUDAGE GAUDAGE, s. m. ( Teint. ) Voyez l'article suivant Gaude . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUDE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GAUDE GAUDE, s. f. luteola , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur polypélate & anomale, car elle est composée de plusieurs pétales différens les uns des autres; il sort du calice un pistil qui devient un fruit presque rond, creux & rempli de semences arrondies. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) La gaude ou la luteola salicis folio des Botanistes, Bauh. Tournef. Boerh. &c. est le reseda foliis simplicibus lanceolatis integris , de Linnaeus, hort cliff. 212. Sa racine est ordinairement grosse comme le petit doigt, quelquefois de la grosseur du pouce, simple, ligneuse, blanche, garnie d'un très-petit nombre de fibres, d'un goût âcre, approchant du cresson; elle pousse des feuilles oblongues, étroites, lisses, entieres & sans crénelures, quelquefois un peu frisées; il s'éleve d'entr'elles des tiges à la hauteur de trois piés, rondes, dures, lisses, verdâtres, rameuses, revêtues de feuilles plus petites que celles d'en-bas, & garnies le long de leurs sommités de petites fleurs composées chacune de trois pétales inégaux, d'une belle couleur jaune verdâtre. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des capsules presque rondes, terminées par trois pointes, renfermant plusieurs semences menues, arrondies, noirâtres. Lacuna, Gesner, Honorius Bellus & Dale, se sont persuadés que la gaude est le strathium des anciens; mais vraissemblablement nous ignorerons toûjours ce que c'étoit que leur strathium dont ils ont tant parlé, & qu'ils n'ont point décrit. Voyez Strathium . La gaude fleurit en Mai, & sa graine mûrit en Juin & en Juillet. Cette plante croît d'elle-même dans presque toutes les provinces du royaume, à cinq ou six lieues de Paris, & particulierement à Pontoise: il paroît qu'elle aime les lieux incultes, le long des chemins, les bords des champs, les murailles & les décombres; mais la gaude qu'on cultive est bien meilleure que celle qui vient naturellement, & on y donne beaucoup de soin à cause de son utilité pour la teinture, car on n'en fait point d'usage en Medecine. On la some claire au mois de Mars ou de Septembre, dans des terres legeres & bien labourées, & elle se trouve mûre au mois de Mai ou de Juillet; il faut seulement la sarcler quand elle leve. Dans les pays chauds, comme en Languedoc, elle est souvent assez seche lorsqu'on la recueille; mais dans les pays tempérés, comme en Normandie, en Picardie & en plusieurs autres lieux, il est essentiel de la faire sécher exactement. Il faut encore observer de ne la point couper qu'elle ne soit mûre, & d'empêcher qu'elle ne se mouille quand elle est cueillie. En la cueillant, il faut la couper à fleur de terre. Les Teinturiers regardent la gaude la plus menue & la plus roussette comme la meilleure; ils la font bouillir avec de l'alun, pour teindre les laines & les étoffes en couleur jaune & en couleur verte; savoir les blanches en jaune, & en verd les étoffes qui ont été préalablement mises au bleu. Suivant les réglemens de France, les céladons, verd de pomme, verd de mer, verd naissant & verd gai, doivent être alunés, ensuite gaudés avec gaude ou sarrelle, & puis passés sur la cuve d'inde. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUDENS, (Saint-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAUDENS GAUDENS, ( Saint-) fanum Sancti-Gaudentii , ( Géog. ) petite ville de France, capitale du Nébousan. Les états du pays s'y tiennent. C'est la patrie de S. Rémond, fondateur de l'ordre de Calatrava, en Espagne. Elle est sur la Garonne, à deux lieues N. de Saint-Bertrand. Longit. 18 d . 36'. latit. 43 d . 8'. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUDRON Author=unknown Normalized Classification=Metteur en oeuvre Part of Speech=s.m. GAUDRON GAUDRON, s. m. en termes de Metteur-en-oeuvre, d'Orfevre, de Serrurier , &c. est une espece de rayon droit ou tournant, fait à l'échoppe sur le fond d'une bague ou d'un cachet qui part du centre de ce fond & se termine à la sous-batte. Il y en a de creux & de relevés. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUDRONNER Author=unknown Normalized Classification=Epinglerie Part of Speech=NA GAUDRONNER GAUDRONNER, en termes d'Epinglier , c'est l'action de tourner les têtes sur le moule à l'aide du roüet, qui fait tourner la broche & le moule, & de la porte qui conduit le fil le long de ce moule. Voyez les articles Moule , Tête . Voyez aussi les Planches de l'Epinglier , & leur explication , qui représentent la premiere la tête du roüet AE; D les deux potenceaux, entre lesquels est la bobine traversée, comme les deux potenceaux, par la broche. La corde sans fin du roüet passe autour de cette bobine. F est la partie représentée séparément, fig. 10 . n°. 2. I une poignée de bois; K la porte; M une pointe qui retient le moule GI sur la poignée L. GH l'extrémité antérieure de la broche, sur laquelle est lié le moule GI , autour duquel s'entortille le fil dont les têtes doivent être formées. Ce fil passe par la porte K , pour aller sur le tourniquet dont il vient s'entortiller sur le moule GI . On éloigne la poignée L de la broche G , à mesure que l'ouvrage s'avance. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAVE, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAVE GAVE, ( le ) Géog. ce nom est commun à plusieurs rivieres de Béarn, qui toutes ont leurs sources dans les Pyrénées, aux confins de l'Arragon: telles que sont le Gave d'Aspe, le Gave d'Ossan, le Gave d'Oléron, le Gave de Pau. La rapidité de ces Gaves est cause qu'ils ne portent point de bateaux; mais ils sont très-poissonnenx. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAVETTE Author=unknown Normalized Classification=Tireur d'or Part of Speech=s.f. GAVETTE GAVETTE, s. f. ( Tireur-d'or. ) c'est le nom qu'on donne au lingot d'or, après qu'il a déjà reçû quelques-unes des préparations qui doivent le mettre en fil-d'or. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUFRER Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire | Gravure | Manufacture d'étoffes Part of Speech=v.act. GAUFRER * GAUFRER, v. act. ( Gramm. Grav. & Manuf. d'étoffes. ) c'est en général par le moyen de deux corps, sur l'un desquels on a tracé quelques traits en creux, imprimer ces mêmes traits sur une étoffe ou sur quelque matiere interposée. Le mot de gaufrer vient d'un mets de pâte legere & friande qu'on étend fluide entre deux plaques de fer qui sont assemblées à tenaille, & sur lesquelles on a gravé quelque dessein, que la pâte mince pressée entre ces plaques chaudes, prend en se cuisant. Ce mets s'appelle une gaufre . Les velours d'Utrecht & ceux qui sont fil & coton, sont les étoffes particulieres que l'on gaufre; comme elles sont épaisses & velues, la partie solide du corps gravé contre lequel on les presse, entre profondément & donne beaucoup de relief au reste. Nous nous contenterons d'expliquer la machine à gaufrer: cette machine bien entendue, on aura compris le reste de la manoeuvre. A A est un chassis de charpente, dont l'assemblage doit être solide. B un gros rouleau de bois, ou un cylindre tournant sur un essieu, auquel est attachée la puissance K: c'est entre ce rouleau & le petit cylindre de fonte, que nous allons décrire que passe l'étoffe à gaufrer . C petit cylindre de fonte, creux dans toute sa longueur, pour recevoir deux, trois, ou quatre barres de fer, qu'on fait rougir au feu: c'est sur ce cylindre de fonte que sont gravés & ciselés les ornemens & fleurons, qui doivent paroître en relief sur l'étoffe. D piece de bois horisontale, mobile de haut enbas, entre les montans du chassis, & portant par ses extrémités sur les deux tasseaux E . E tasseaux, ayant chacun à la partie inférieure une échancrure, qui saisit & embrasse le collet pratiqué a chaque bout du petit cylindre de fonte. F deux grosses vis, dont l'usage est de presser la piece de bois mobile D sur les deux tasseaux E , qui doivent aussi serrer le petit cylindre de fonte contre le gros cylindre de bois; celui-ci porte sur son essieu; n'a de mouvement qu'autour de son axe, & il faut observer qu'il communique son mouvement au petit cylindre de fer, & le fait tourner en sens contraire. G l'étoffe à gaufrer , qui doit être prise & serrée entre les deux cylindres; mais avant que de l'engager, on a soin d'étendre par-dessous & immédiatement sur le gros cylindre, une autre étoffe de laine commune, qui sert comme de lit à l'étoffe à gaufrer . La souplesse de ce lit fait que les ornemens gravés sur le petit cylindre s'impriment mieux, plus profondément & plus correctement. H plusieurs bâtons ou petits rouleaux de bois, entre lesquels les deux étoffes sont enlassées, de maniere qu'il en résulte un frottement qui les étend, les bande un peu, les arrête & les empêche de passer trop vîte entre les cylindres BC . I forme des barres de fer dont l'usage est de remplir le petit cylindre de fome & de l'échauffer; elles ont à leur extrémité un oeil ou trou rond, dans lequel on passe un crochet de fer: c'est avec ce crochet & par cet oeil qu'on les prend & qu'on les porte de dessus un brasier, dans l'intérieur du petit cylindre. L crochet de fer à prendre les barres quand elles sont rouges. Au sortir d'entre les cylindres, l'étoffe porte une empreinte si forte du dessein tracé sur le petit cylindre de fer, qu'elle ne la perd presque jamais, à moins qu'elle ne soit mouillée. On se sert beaucoup de ces velours & autres étoffes gaufrées, pour les meubles, les carrosses, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUFRURE Author=Papillon Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GAUFRURE GAUFRURE de carton pour Ecrans, Boîtes à pou- dre, soit de toilette ou autres, Portefeuilles, Bonnets, couvertures de Livres ou d'Almanachs , &c. papier d'Eventails , &c. dorés ou argentés . Pour gaufrer le carton, on se sert de moules ou de bois, ou de corne, ou d'autres matieres; il faut graver le dessein en creux & en dépouille sur la planche; que les portées plates soient comme imperceptiblement arrondies ou adoucies sur les bords, afin qu'il ne s'y trouve point d'angles ou de vives arêtes qui puissent casser ou couper le carton en le gaufrant . La planche C est en cet état; si elle est petite, elle pourra entrer dans une autre planche B de même épaisseur, troüée à queue d'aronde, & terminée de la même maniere, pour qu'on la puisse placer dans une entaille, qui a en profondeur l'épaisseur de cette planche, & qui est pratiquée dans une table de presse d'imprimeur en taille-douce. Voyez les figures, Planche de la gaufrure de carton , figures 1 . 2. & 3. A, B, C , l'on ajustera la planche gravée C dans la planche B , & cette derniere avec l'autre dans l'entaille A de la table, qu'on placera entre les rouleaux de la presse, à environ demi-pié du bout ou de l'entrée de la table, avec deux ou trois langes tout prêts, relevés sur le rouleau, & destinés à la même fonction que ceux de l'imprimeur en taille-douce, qui va tirer une planche de cuivre. Avec ces précautions, l'on aura des cartons unis blancs, & point trop épais; avec une éponge trempée dans l'eau, on les mouillera par l'envers; & lorsqu'ils paroîtront un peu moites, on en prendra un que l'on posera sur la planche gravée C; on rabattra les langes dessus, & on passera le tout sous la presse entre ses rouleaux; puis ayant de l'autre côté relevé les langes & le carton, l'on trouvera ce carton gaufré de tout le dessein de la gravure en relief dessus: on l'ôtera & on le laissera sécher sur une table. L'on comprend qu'il faut que la presse soit garnie à-propos pour faire cette opération. Voyez, fig. 4 . la planche gravée, & celle dans laquelle elle se place, montées & mises toutes les deux dans l'entaille de la table, où l'on fait entrer par le côté la grande planche B . Si l'on veut que le carton soit doré ou argenté, il faut avoir du papier doré ou argenté tout uni d'Allemagne, le coller sur le carton, & sur le champ, même avant que l'or ou l'argent se détache à cause de l'humidité, mettre le carton sur la planche gravée, le passer aussi-tôt sous la presse, lever promptement, & mettre à plat sécher, comme on a dit ci-dessus. Mais si l'on veut que la dorure ne se verdegrise pas & puisse se garder; au lieu de papier uni d'Allemagne qui n'est que cuivré, il faut sur une feuille de papier jaune que l'on aura collée sur le carton & laissé sécher, y coucher un mordant, soit de gomme claire, d'adragant, arabique ou autre, y appliquer de l'or en feuille, faire bien sécher, humecter legerement par l'envers, mettre sur le champ du bon côté sur la planche, passer sous la presse, & l'ôtant ensuite promptement, de peur que l'or ne quitte & ne s'attache au creux de la planche. Si l'on veut mettre or & argent ensemble, or au fond & argent aux fleurs & bordures, l'on piquera un patron exact des places où l'en veut de l'argent; l'on poncera ce patron sur le carton doré, & l'on couchera dans ces places avec le pinceau un mordant, qu'on laissera sécher; après quoi on y appliquera l'argent en feuille; on laissera sécher; l'on humectera avec l'éponge le derriere du carton; on le posera sur la planche gravée; on le passera sous la presse, & on retirera aussi-tôt. Pour éventails, écrans, ou autres ouvrages gaufrés , à fleurs d'or & fond d'argent, ou à fleurs d'argent & fond d'or, il faut avoir deux moules ou planches gravées en bois, à rentrées bien justes du même dessein, dont l'une ait les fleurs mates & de relief, & l'autre le fond mate & pareillement de relief, & imprimer sur du papier ce dessein en or & en argent moulu, avec les balles & le rouleau, comme on imprime les papiers de tapisserie. Voyez Papier de Tapisserie . Ces impressions étant seches, l'on collera le papier sur le carton, & aussitôt on le posera par l'endroit de la dorure & argenture sur une autre planche gravée comme en C , du même dessein que les autres planches, mais les fleurs creusées & en dépouille, & placées dans celle marquée B ; puis les langes rabattus sur le tout, on passera sous la presse, & l'on gaufrera le carton, que l'on retirera promptement pour le mettre sécher. Si l'on vouloit épargner, ne point employer d'or, & cependant avoir une gaufrure d'or & d'argent, il ne faudroit que passer sous la presse avec cette troisieme planche seulement, le carton sur lequel l'on auroit collé du papier d'argent fin d'Allemagne, le gaufrer; & lorsqu'il seroit sec, mettre avec le pinceau sur les fleurs ou l'or, le fond qu'on voudroit qui parût or, une couche de vernis fait avec la terra merita , & l'argent paroîtra-là aussi beau & de la même couleur que l'or. Pour des écrans gaufrés des deux côtés & d'un même tour de presse, voici comment M. Papillon pere s'y prenoit. Il gravoit deux planches en creux & de dépouille de desseins différens, faits néanmoins de façon que ce qui étoit de relief & mate à l'une de ces planches & servoit de fond, étoit opposé aux parties du dessein creusées dans l'autre planche, afin que les planches posées l'une sur l'autre bien juste, gravure contre gravure, & le carton entr'elles, elles pussent sans se nuire le gaufrer des deux côtés. Et sur une planche unie comme en B, fig. 2 . il avoit percé des trous chantournés en forme d'écrou. Il plaçoit d'abord dans chaque trou une planche, fig. 6 . la gravure en-dessus; il en avoit quatre à cet effet pour creuser avec plus de célérité deux écrans à-la-fois; ses cartons étoient chantournés de même forme, dorés & argentés; il les colloit deux ensemble par l'envers, & tandis qu'ils étoient moites de cette collure, il les portoit sur ces planches gravées, déjà mises dans les trous; & par-dessus il plaçoit les autres planches, la gravure du côté du carton; & ces planches & les autres ne passoient pas la superficie & le plan de la grande planche troüée: alors les langes rabattus, il passoit le tout sous la presse comme ci-dessus, & le carton pressé entre deux planches se trouvoit gaufré des deux côtés; il levoit promptement, crainte que l'or & l'argent ne se détachassent. Il faisoit sécher. Il ne restoit qu'à border au pinceau avec de l'or moulu, & mettre les bâtons. Il prenoit à cet effet des cartons bien minces ou à boutonnieres, afin que deux collés ensemble ne fussent pas trop durs à gaufrer . Nous avons fait encore des écrans qui n'étoient gaufrés que d'un côté, mais avoient au milieu une estampe qui s'imprimoit du même tour de presse ou de rouleau, en même tems que la gaufrure se faisoit. Pour ce travail, les planches gravées, pour les gaufrer , étoient précisément de l'épaisseur de la grande planche B, fig. 5 . & au milieu de ces planches il y avoit un creux fait exprès, à pouvoir mettre la planche de cuivre destinée à imprimer l'estampe ou passe-partout, comme en D, fig. 7 . On encroit cette planche de cuivre, on l'essuyoit bien, & on la mettoit dans la planche de bois à gaufrer , placée dans la grande planche B , comme il est représenté en E, fig. 8 . puis le carton humecté par l'envers & posé sur le tout; la place de l'estampe non-dorée & laissée blanche, on passoit sous la presse, & la gaufrure & l'impression en taille-douce se faisoient en même tems & du même tour de moulinet ou croisée de la presse. Ces manieres de gaufrer le carton sont plus expéditives & beaucoup moins fatigantes que celles de le gaufrer par le frottement avec la dent de loup ou de sanglier, sur le moule de corne, comme se poussent les couvertures d'almanachs dont l'on parlera bientôt. Pour ces couvertures il seroit facile en troüant & creusant à cet effet la planche à queue d'aronde B , d'y mettre demi-douzaine de moules, soit de bois ou de corne, lesquels gaufreroient autant de couvertures d'almanachs ou autre chose, comme boîtes, portefeuilles, &c. Si l'on vouloit faire des éventails, écrans ou autre chose à fleurs d'or & fond de couleur comme les couvertures de livres, il faudroit que les planches fussent de cuivre jaune, épaisses de demi-pouce au moins, & évidées dans les champs, soit en y laissant mordre l'eau-forte, soit en échopant avec de forts & larges burins; & que les mates de fleurs & de figures en relief fussent gravées & ombrées avec le burin: & pour accélérer l'ouvrage, il seroit à-propos d'en avoir deux, afin que tandis qu'une passeroit sous la presse avec la feuille d'éventail ou d'écran, &c. l'autre pût chauffer. En suivant cette manoeuvre, l'on dore premierement à l'eau froide le papier que l'on veut gaufrer , appliquant les feuilles d'or en plein par tout, par dessus la couleur du papier; & quand le papier est un peu sec ainsi que l'or, la planche de cuivre un peu chaude & placée dans la table entaillée en A, fig. prem. le papier mis sur cette planche du côté de la dorure, les langes rabattus dessus, & le tout passé sous la presse, l'impression de cette dorure est faite. Par-tout où le cuivre aura appuyé & marqué, l'or ou l'argent en feuille seront attachés au papier. Le verre séché peu après, s'épouste avec la patte de lievre, ou avec du coton, & quitte le papier ou le carton, ensorte qu'il ne reste dessus l'un ou l'autre que les fleurs & les figures, comme l'on voit aux papiers dorés d'Allemagne. Si l'on vouloit imprimer en même tems à ces sortes d'ouvrages, des estampes gravées à certains endroits, l'on creuseroit la planche de cuivre jaune, pour y placer celle de cuivre rouge & gravée au burin; on l'encreroit, on l'essuyeroit, on le placeroit comme a été dit plus haut sur semblable opération, & l'on passeroit le tout ensemble sous la presse. Quant à la maniere de gaufrer le carton avec les moules de corne, l'on fait graver de relief ou plûtôt ciseler le dessein, le plus proprement qu'il est possible: ayant amolli la corne, on tire avec cette corne le creux du dessein qu'on a fait ciseler, donnant environ demi-pouce d'épaisseur à ces moules; puis aux quatre coins l'on met à force des pointes de laiton ou de fer, que l'on rive par dessous, comme il est représente fig. 9 . pour servir de repaires ou de guides à tenir en respect le carton que l'on voudra gaufrer . Cela fait, le carton doré ou argenté, coupé & préparé de la grandeur un peu excédante du moule, on le place de maniere que les pointes du moule le fixent en le traversant; l'endroit est tourné sur le moule, & tout de suite avec la dent pointue, emmanchée à pouvoir être commodément remuée, l'on frotte fermement le carton par-tout, appuyant & repassant souvent la dent où l'on voit que le carton fléchit & entre dans les creux du moule; après quoi on le retire d'entre les pointes. Si par hasard l'on remarque quelques endroits de la gaufrure manqués, ou peu marqués, on replace le carton dens les pointes, aux endroits déjà troüés, on le refrotte où il est nécessaire, on le retire, & l'on en pousse un autre si l'on veut. C'est ainsi communément que se font les couvertures d'almanachs de carton doré & argenté, qui se vendent à Paris, que l'on enjolive, qu'on découpe, & auxquels on donne des fonds de couleur: si on les a gaufré en blanc, on peut les peindre à volonté, & les vernir ensuite. Pour faire quelque chose de plus riche, j'avois imaginé des couvertures dont le fond étoit de velours. Voici comme je les exécutois: j'avois un fer de relief de même forme que les masses du dessein des gaufrures de carton découpé dont je me servois; je faisois chauffer ce fer assez pour qu'en le posant sur le velours que j'avois collé auparavant avec de la gomme ou colle-forte sur un carton mince, je brûlasse tout le poil du velours qu'il touchoit; de sorte qu'il m'étoit facile ensuite de placer dessus ma couverture de carton doré, argenté & découpé, & d'y faire entrer &, pour ainsi dire, incruster le dessein. L'effet en étoit très-joli. Cet article est de M. Papillon , graveur en bois . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAVITEAU Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GAVITEAU GAVITEAU, s. m. ( Mar. ) terme dont on se sert sur les côtes de Provence pour dire une bouée; c'est un morceau de bois qu'on attache à l'orin de l'ancre, & qu'on laisse flotter pour faire connoitre l'endroit où elle est mouillée. Voyez Bouée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAULAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie sacrée Part of Speech=NA GAULAN GAULAN, ( Géog. sacrée ) Gaulan ou Gaulon , étoit une ville de Judée capitale de la Gaulonitide, petit pays situé vers les montagnes de Galaad, le long du Jourdain, à environ 15 lieues de la mer de Galilée. Voyez Reland de Palaest. tom. I. lib. I. cap. xxiij. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAULE ou LES GAULES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAULE ou LES GAULES GAULE ou LES GAULES. ( Géog. ) L'ancienne Gaule a été une des plus célebres regions de l'Europe; elle avoit au levant la Germanie & l'Italie, les Alpes la séparant de celle-ci, & le Rhin de celle-là. La mer d'Allemagne & celle de Bretagne la baignoient au nord, l'océan Aquitanique ou occidental au couchant, & la mer Méditerranée au midi; les montagnes des Pyrénées la séparoient de l'Espagne entre le midi & le couchant. Cette région n'étoit pas une monarchie particuliere; elle étoit possedée par un grand nombre de peuples indépendans les uns des autres: ses plus considérables montagnes étoient les Alpes, les Pyrénées, le Mont-Jura & les Cevenes; ses principales rivieres le Rhin, la Meuse, la Seine, la Loire, la Garonne, le Rhone & la Saone. Elle renfermoit le royaume de France, tel qu'il est aujourd'hui, la Savoie, la Suisse, le Piémont, une partie du pays des Grisons, & toute la partie d'Allemagne & des Pays-bas qui sont au couchant du Rhin. C'étoit-là la vraie Gaule; mais les Gaulois ayant passé les Alpes, & conquis une partie de l'Italie, ils donnerent le nom de Gaule à leurs conquêtes; ce qui fit naître la division de la Gaule en Gaule cisalpine ou citérieure, & en transalpine & ultérieure, dont la premiere fut encore subdivisée en cispadane & en transpadane: la transalpine le fut aussi en Gaule chevelue ou comata , & en Gaule bracatte; & après qu'elle eut été conquise par les Romains, en Gaule narbonnoise, aquitanique, lyonnoise & belgique; ce fut à cause de ces différentes parties qu'on fit de la Gaule , qu'elle reçut fort souvent le nom de Gaules au pluriel. Tous ces différens noms viennent des divisions qui s'en firent sous les empereurs romains; divisions qui changerent plusieurs fois, comme changent aujourd'hui nos gouvernemens & nos généralités. A la mort de César toute la Gaule étoit romaine, & consistoit en quatre parties principales au nord des Alpes; ces quatre parties étoient la Gaule narbonnoise, la Gaule aquitanique, la Gaule celtique, & la Gaule belgique. Auguste devenu arbitre souverain de Rome & de tout l'Empire, continua de partager la Gaule en quatre grandes régions, auxquelles il conserva leurs anciens noms, hormis celui de celtique , qui paroissant appartenir à la Gaule entiere, fut abrogé, & cette partie fut nommée la lyonnoise; & parce que ces parties étoient trop inégales, il ôta à quelques-unes pour donner à d'autres. On peut consulter la table que le P. Briet a dressée des peuples distribués dans ces quatre grandes provinces. La division de la Gaule en quatre provinces par Auguste, est attestée par tant d'auteurs qu'il n'est pas possible d'en douter. Dion-Cassius, Ammien-Marcellin, & quantité d'autres anciens en ont parlé; de-plus elle est décrite par Strabon, Mela, Pline & Ptolomée. Il paroît cependant par des monumens incontestables, que dans la Gaule même on persista à ne compter que les trois provinces de Jules César. Il se fit un nouveau partage des Gaules vers le tems de Constantin, suivant l'opinion générale; toûjours est il sûr que nous en avons une ancienne notice publiée par le P. Sirmond dans les conciles de l'église gallicane , par Duchesne dans ses ecrivains de l'histoire de France , & par Hadrien de Valois dans la préface de sa notice des Gaules . On croit qu'elle a été dressée vers le tems d'Honorius, lorsque c'étoit l'usage de distinguer les Gaules des sept provinces. Selon cette notice dont on peut tirer de grands avantages pour la connoissance de l'histoire ecclésiastique & politique, il y avoit dix-sept provinces dans la distribution de la Gaule , & cent quinze cités, dont seize jouissoient du rang de métropole; au lieu qu'avant Constantin on ne connoissoit que quatorze provinces & quatre métropoles. Dans la suite des tems, les papes & les rois ont fait tant de changemens à cette distribution de provinces par l'érection de nouveaux évêchés & archevéchés, outre le changement du gouvernement civil des provinces qui ont été unies ou démembrées en introduisant de nouveaux noms, que la géographie de l'ancienne Gaule , pour ne parler ici que de la Gaule françoise, est actuellement un cahos indéchiffrable; c'est peine perdue de chercher à le débrouiller. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaule Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.f. Gaule Gaule , s. f. ( Manége ) On appelle ainsi dans l'école la branche de bouleau mince, legere & effeuillée, dont la main droite de chaque cavalier est armée; de-là la dénomination particuliere de main de la gaule pour designer cette même main. La gaule doit avoir quatre piés ou environ de longueur; lorsqu'elle en a davantage, on s'en sert moins commodément & avec moins de grace. Les commençans sont assujettis à la tenir la pointe en l'air à la hauteur de leurs yeux, & au-dessus de l'oreille gauche du cheval; les éleves avancés la tiennent de même, ou la pointe en bas & le long de l'épaule de l'animal, ou la pointe en arriere au-dessus de sa croupe, ou différemment, selon leur volonté, l'usage qu'ils se proposent d'en faire, & la plus grande facilité de leur action, relativement aux effets qu'elle peut produire. L'habitude de la porter de la main droite dispose d'ailleurs le cavalier à se servir ensuite de son épée avec liberté, & à manier, quoique cette main en soit saisie, toûjours son cheval avec aisance. Par le moyen de la gaule , tantôt nous prévenons les fautes, & tantôt nous les corrigeons; nous l'employons donc ou comme aide ou comme châtiment. Sion en frappe vigoureusement le cheval, on le punit par l'impression douloureuse qui en résulte, tandis que des coups legers ne sont que des moyens de l'inviter avec douceur & sans l'étonner à des mouvemens que l'on desire de lui; c'est dans ce dernier sens que la gaule est véritablement une aide. Nous touchons de la gaule sur l'épaule d'un cheval que nous voulons lever à courbettes, dont nous souhaitons tirer des pesades, qui dans les sauts se montre trop leger du derriere. Nous aidons le sauteur qui s'accroupit, qui balotte, qui n'épare point, en adressant nos coups sur la place du trousse-queue; nous sollicitons des croupades en les dirigeant au-dessus des jarrets, &c. Le sens du toucher n'est pas le seul que la gaule affecte, ses aides s'impriment encore sur ceux de l'oüie & de la vûe: l'action de la faire siffler en avant & en arriere, ou d'en frapper les murs, chasse le cheval en avant, & l'effraye même quelquefois trop, puisqu'elle le détermine à fuir, sur-tout quand il n'est pas accoûtumé ce bruit; celle de la porter tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, lui indique celui sur lequel il doit se mouvoir, soit dans les changemens, soit dans les contre-changemens de main de deux pistes, & dans lesquels les hanches sont observées: mais on doit bannir des manéges bien réglés cette aide prétendue qui confirme les chevaux dans une mauvaise routine, & qui est fort éloignée des principes que les éleves doivent recevoir. Du reste, rien n'est plus pitoyable que de voir des maîtres harceler eux-mêmes sans cesse les chevaux avec la gaule , & abuser misérablement d'un moyen utile dans de certains cas, mais qui dans d'autres est aussi desagréable aux spectateurs que fatiguant pour l'animal. Gaule d'écuyer , est une gaule semblable à celle des éleves, à l'exception qu'elle est un peu plus forte, & beaucoup plus longue; le maître en fait usage sur les chevaux des piliers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAULIS Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA GAULIS GAULIS, subst. m. ( Jardinage. ) veut dire bois marmentaux ou de touche , que l'on pratique dans les beaux jardins, lesquels forment de la moyenne futaie. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAULOIS Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GAULOIS GAULOIS, s. m. ( Hist. anc. ) habitans de l'ancienne Gaule. Ceux qui ont cherché curieusement l'étymologie du mot, ont commencé par perdre leur tems & leurs peines. L'un tire cette étymologie du grec, l'autre du cimbrique, & un troisieme la trouve dans l'ancien breton. Cluvier est venu jusqu'à se persuader que Gallus dérive du celtique Gallen , qu'on dit encore en allemand, & qu'on écrit Wallen , qui signifie voyager ; & là-dessus il suppose qu'on donna ce nom aux Gaulois lorsqu'ils sortirent de leur pays, & qu'ils s'emparerent d'une partie de la Germanie, de l'Italie & de la Grece. César moins savant que Cluvier dit simplement, qui ipsorum linguâ celtae, nostrâ Galli appellantur . Mais ce n'est pas à l'étymologie du mot que se borne ici notre ignorance, c'est à tout ce qui concerne les Gaulois; nous ne savons rien par nous-mêmes de l'état de l'ancienne Gaule, de l'origine de ses peuples, de leur religion, de leurs moeurs & de leur gouvernement: le peu qu'on en connoît se recueille de quelques passages échappés, comme par hasard, à des historiens de la Grece & de Rome. Si nous assûrons qu'il y a eu des Gaulois voisins des Alpes, qui joints aux habitans de ces montagnes, se sont une fois établis sur les bords du Tesin & de l'Eridan; si nous savons que d'autres Gaulois vinrent jusqu'à Rome l'année 363 de sa fondation, & qu'ils assiégerent le capitole, ce sont les historiens romains qui nous l'ont appris. Si nous savons encore que de nouveaux Gaulois , environ cent ans après, entrerent dans la Thessalie, dans la Macédoine, & passerent sur le rivage du Pont-Euxin, ce sont les historiens grecs qui le racontent, sans nous dire même quels étoient ces Gaulois , & quelle route ils prirent: en un mot il en reste dans notre pays aucun vestige de ces émigrations qui ressemblent si fort à celles des Tartares; elles prouvent seulement que la nation celtique étoit très-nombreuse, qu'elle quitta par sa multitude un pays qui ne pouvoit pas la nourrir, & chercha pour subsister des terres plus fertiles, suivant la remarque de Plutarque: je ne le cite guere que sur ce point; car ce qu'il nous débite d'ailleurs sur les premiers Gaulois qui se jetterent en Italie, & sur leurs descendans qui assiegerent Rome, est chargé d'exagérations, d'anachronismes ou d'anecdotes populaires; ainsi nous devons nous borner aux témoignages de Tite-Live & de César. Ce fut, selon Tite-Live, liv. V. chap. xxxjv. sous le regne de l'ancien Tarquin, l'an de Rome 165, qu'une grande quantité de Gaulois transalpins passerent les monts, sous la conduite de Bellovese & de Sigovese, deux neveux d'Ambigate chef de cette partie de la nation. Les deux freres tirerent au sort les pays où ils se porteroient; le fort envoya au-delà du Rhin Sigovese, qui prenant son chemin par la forêt Hercinienne, s'ouvrit un passage par la force des armes, & s'empara de la Boheme & des provinces voisines. Bellovese eut pour son partage l'Italie; ce dernier prit avec lui tout ce qu'il y avoit de trop chez les Bituriges, les Arverniens, les Sénonois, les Eduens, les Ambarres, les Carnutes & les Aulerques qui voulurent tenter fortune; il passa les Alpes avec cette multitude de différens Gaulois , qui ayant vaincu les Toscans assez près du Tesin, se fixerent dans cet endroit, & y bâtirent une ville qu'ils nommerent Milan . Quelque tems après une autre bande de Cenomans conduits par un chef nommé Elitovius , marchant sur les traces déja frayées, passa les Alpes par le même chemin, & fut aidée des troupes du même Bellovese qui avoit amené les premiers Gaulois dans le Milanès; ces derniers venus s'arrêterent dans le Bressan & dans le Véronois. Quelques auteurs leur attribuent l'origine & la fondation de Vérone, Padoue, Bresse, & autres villes de ces belles contrées qui subsistent encore aujourd'hui. A la suite de ces deux émigrations se fit celle des Boyens & des Lingons qui vinrent par le grand Saint-Bernard, & qui trouvant occupé tout l'espace qui est entre les Alpes & le Pô, passerent ce fleuve, chasserent les Ombriens, de même que les Etrusques, & se tinrent néanmoins aux bords de l'Apennin. Les Sénonois qui leur succéderent se placerent depuis le Montoné jusqu'à l'Esino. Environ deux cents ans après les premiers établissemens des Gaulois cisalpins, ils attirerent les transalpins, & leur donnerent entrée sur les terres de Rome; tous ensemble marcherent à la capitale dont ils se rendirent les maîtres l'an 363 de sa fondation, & n'en firent qu'un monceau de ruines. Sans Manlius le capitole auroit été pris, & sans Camille on alloit leur payer de grandes contributions; on pesoit déja l'or quand il parut à la tête des troupes du sénat: « Remportez cet or au capitole, dit-il aux députés; & vous Gaulois , ajoûta-t-il, retirez-vous avec vos poids & vos balances; ce n'est qu'avec du fer que les Romains doivent recouvrer leur pays ». A ces mots on prit les armes de part & d'autre; Camille défit Brennus & ses Gaulois , qui furent la plûpart tués sur la place, ou dans la suite par les habitans des villages prochains. Une nouvelle nuée de Gaulois rassemblés des bords de la mer Adriatique, s'avança vers Rome l'an 386 de sa fondation, pour venger cette défaite de leurs compatriotes; mais la victoire des romains ne fut ni difficile ni douteuse sous ce même Camille élevé pour la cinquieme fois à la dictature. Il périt un grand nombre de Gaulois sur le champ de bataille; & le reste dispersé par la fuite, & sans se pouvoir rallier, fut assommé par les paysans. L'on vit encore l'an 404 de Rome une armée de Gaulois se répandre sur les terres des Romains pour les ravager; mais au combat particulier d'un de leurs chefs vaincu par Valerius surnommé Corvus , succéda le combat général qui eut les mêmes revers pour l'armée gauloise. Depuis cette derniere époque, les Gaulois ne firent que de foibles & stériles efforts pour s'opposer à l'accroissement des Romains; ceux-ci après les avoir éloignés de leur territoire, leur enleverent Picenum, le Milanès, le Bressan, le Véronois & la Marche d'Ancone. Si les succès d'Annibal ranimerent les espérances des Gaulois , ils furent bientôt contraints de les abandonner, & de partager pour toûjours le sort de cet allié: Rome maîtresse de Carthage porta ses armes en orient & en occident, & au milieu de ses triomphes subjugua toute la Gaule; Jules-César eut l'honneur d'en consommer la conquête. Il est vrai cependant que les Gaulois furent d'abord les ennemis les plus redoutables de Rome, & qu'ils soutinrent opiniâtrément les guerres les plus vives contre les Romains. L'amour de la gloire, le mépris de la mort, l'obstination pour vaincre, étoient les mêmes chez les deux peuples; mais indépendamment des progrès rapides & merveilleux que les Romains firent dans l'art de la guerre, les armes étoient bien différentes; le bouclier des Gaulois étoit petit, & leur épée mauvaise, aussi succomberent-ils sans cesse; & ce qu'il y a de surprenant, c'est que ces peuples que les Romains rencontrerent dans presque tous les lieux & dans presque tous les tems, se laisserent détruire les uns après les autres, sans jamais connoître, chercher & prévenir la cause de leurs malheurs. Ils ne songerent point à se réunir pour leur défense mutuelle, & à se regarder comme formant une nation dont les intérêts étoient inséparables. Enfin, la seule chose qui ait subsisté de tous les peuples Gaulois qui furent soûmis après leur établissement en Italie, c'est la conservation des noms de leur divers pays que nous reconnoissons encore. Par exemple, nous voyons assez clairement que les Bituriges habitoient le Berry, les Arverniens l'Auvergne, les Sénonois Sens, Auxerre, & autres endroits voisins jusqu'à Paris; les Eduens la Bourgogne, les Ambarres les environs de Châlons-sur-Saone, les Carnutes le pays Chartrain, les Aulerques une portion de la Bretagne, les Insubriens un canton de la Bourgogne, les Saliens la Provence, les Cénomans le Maine, les Salluviens le long du Rhône, les Boïens le Bourbonnois, les Lingons le pays de Langres, & les Vénetes le canton de Vannes en Bretagne. Mais tous ces divers peuples étoient au si barbares les uns que les autres; la colonie des Grecs qui fonda Marseille six cents ans avant l'erc vulgaire, ne put ni polir ses voisins, ni étendre sa langue au-delà du territoire de la ville. Les dialectes du langage celtique étoient affreux; l'empereur Julien sous qui ce langage se parloit encore, dit qu'il ressembloit au croassement des corbeaux. On ignore jusqu'aux noms des dieux que se forgerent les Gaulois ; & si César donne à leurs divinités les noms qu'on leur donnoit à Rome, ce n'est sans doute que parce qu'il avoit remarqué dans quelques-unes, quelque attribut ou quelque symbole ressemblant à ceux des dieux de son pays; car dans le fond, les divinités des anciens Gaulois devoient être bien inconnues, soit aux Grecs, soit aux Romains, puisque Lucien dans un de ses dialogues fait dire à Mercure, qu'il ne sait comment s'y prendre pour inviter les dieux des Gaulois à se trouver à l'assemblée des autres dieux, parce qu'ignorant leur langue, ii ne peut ni les entendre, ni se faire entendre d'eux. Il est vrai que depuis la conquête des Gaules par les Romains, tous les dieux d'Athènes & de Rome s'y introduisirent insensiblement, & prirent la place des anciens dieux du pays, ou du-moins se confondirent avec eux; mais ce ne fut-là qu'un accroissement de superstitions. Les moeurs des Gaulois du tems de César, étoient la barbarie même; ils faisoient voeu, s'ils réchappoient d'une dangereuse maladie, d'un péril éminent, d'une bataille douteuse, d'immoler à leurs divinités tutélaires, des victimes humaines, persuadés qu'on ne pouvoit obtenir des dieux la vie d'un homme, que par la mort d'un autre. Ils avoient des sacrifices publics de ce genre, dont les Drüides qui gouvernoient la nation, étoient les ministres; ces sacrificateurs brûloient des hommes dans de grandes & hideuses statues d'ozier faites exprès. Les drüidesses plongeoient des couteaux dans le coeur des prisonniers, & jugeoient de l'avenir par la maniere dont le sang couloit: de grandes pierres un peu creuses qu'on a trouvées sur les confins de la Germanie & de la Gaule, sont, à ce qu'on prétend, les autels où l'on faisoit ces sacrifices. Si cela est, voilà tous les monumens qui nous restent des Gaulois . Il faut, comme le dit M. de Voltaire, détourner les yeux de ces tems horribles qui font la honte de la nature. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaulois, (philosophie des) Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gaulois * Gaulois , ( philosophie des ) Voyez l'article Celtes , où l'on a exposé en même tems les opinions des Gaulois , des habitans de la grande-Bretagne, des Germains, & des nations septentrionales. Consultez aussi l' article Druide . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUMINE Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GAUMINE GAUMINE, s. f. ( Jurisprud. ) mariages à la gaumine . On appelle ainsi les mariages contractés en présence du curé à la vérité, mais malgré lui, & sans aucune bénédiction, ni de lui, ni d'un autre. Mém. au sujet des mariages des protestans de France, 1755, page 82 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAVOTTE Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.f. GAVOTTE GAVOTTE, s. f. ( Musique ) sorte de danse dont l'air a deux reprises, chacune de quatre, de huit, ou de plusieurs fois quatre mesures à deux tems; chaque reprise doit toûjours commencer avec le second tems, & finir sur le premier. Le mouvement de la gavotte est ordinairement gracieux, souvent gai, quelquefois aussi tendre & lent. ( S ) M. Rameau parmi nous a beaucoup réussi dans les gavottes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAURES, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA GAURES GAURES, ( les ) Littérat . sectateurs de Zoroastre en Perse & aux Indes; ils ont pour cet ancien philosophe de l'antiquité la plus profonde vénération, le regardant comme le grand prophete que Dieu leur a envoyé pour leur communiquer sa loi, & les instruire de sa volonté. Disons un mot de leur état & de leur caractere. Ceux de cette secte sont qualifiés en Perse du nom odieux de gaure , qui en arabe signifie infidele ; on le leur donne comme si c'étoit leur nom de nation, & c'est sous ce nom seul qu'ils sont connus dans ce pays-là. Quand on y parle d'un gaure , on entend toûjours un adorateur du feu, un ignicole, un idolatre par excellence. Ils ont un fauxbourg à Ispahan capitale de Perse, qui est appellé Gaurabad ou la ville des Gaures , & où ils sont employés aux plus basses & aux plus viles occupations. Quelques-uns sont dispersés en d'autres endroits de Perse, où l'on s'en sert aux mêmes offices; mais le pays où il s'en trouve davantage, c'est le Kerman: comme cette province est la plus stérile & la plus mauvaise de toute la Perse, & que personne n'y veut demeurer, les mahométans leur ont permis d'y vivre librement, & d'y joüir des exercices de leur religion. Par-tout ailleurs les Perses les traitent avec le dernier mépris, & les regardent, par rapport à leur croyance, comme les pires de tous ceux qui different d'eux; c'est une chose admirable de voir avec quelle douceur, avec quelle patience, ces honnêtes-gens-là supportent leur oppression. Il y a quelques siecles que plusieurs gaures se refugierent aux Indes, & s'y fixerent aux environs de Surate, où leur postérité subsiste encore. Il y en a une colonie établie à Bombain, île de ces quartiers-là, qui appartient aux Anglois, & où plus que par-tout ailleurs, ils joüissent d'une entiere liberté, sans être troublés le moins du monde dans l'exercice de leur religion. Les Gaures sont ignorans, pauvres, simples, patiens, superstitieux à divers égards, d'une morale rigide, d'un procédé franc & sincere, & du reste très-zélés pour leurs rites. Ils font profession de croire la résurrection, le jugement dernier, & de n'adorer que Dieu seul. Quoiqu'ils pratiquent leur culte en présence du feu, & en se retournant vers le soleil levant, ils déclarent hautement qu'ils n'adorent ni l'un ni l'autre; mais que ces deux êtres étant les symboles les plus exprès de la divinité, ils l'adorent en se tournant vers eux, & s'y tournent toûjours par cette seule raison. Si vous desirez de plus grands détails, voyez les voyages de Thévenot, de Tavernier, & sur-tout Thomas Hyde, rel. vet. Pers. c. xxjv . Il n'est point de persan qui ait mieux connu que ce savant anglois la religion de Zoroastre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaure, (Pays de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gaure Gaure , ( Pays de-) Gaurensis ou Verodunensis comitatus , ( Géog. ) contrée de la Gascogne dans l'Armagnac, renfermant le petit pays de Lomagne, dont Verdun est la capitale: ce pays est séparé du haut Languedoc par la Garonne. Selon quelques géographes, c'est le pays des Garites de César; d'autres prétendent que les Garites étoient dans le territoire de Lectoure. M. de Valois n'a osé prendre parti entre ces deux opinions: des savans plus téméraires ou plus éclairés, pourront décider. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUTE Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GAUTE GAUTE, s. f. ( Comm. ) espece de boisseau dont les Maures se servent en quelques endroits des côtes de Barbarie, particulierement les Anledalis, tribus de Maures qui ne sont pas éloignées du Bastion de France. Il faut trente gautes pour faire une mesure qui est d'un cinquieme plus grande que celle de Gennes. Dictionn. de Commerce, tome II. p. 1450 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAUTIERS Author=unknown Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=s.m.pl. GAUTIERS GAUTIERS, s. m. pl. terme de Riviere, voyez Pertuis . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAYAC Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GAYAC GAYAC, s. m. gayacum , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur en-rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond; il s'éleve du fond du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit charnu & arrondi. Ce fruit renferme un ou plusieurs noyaux ovoïdes & revêtus d'une pulpe fort tendre. Plumier, nova plant. americ. gener. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gayac Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=NA Gayac Gayac , ( Botan. exot. ) genre de plante dont la fleur est en rose, c'est-à-dire composée de plusieurs pétales disposés en rose. Du milieu du calice s'éleve un pistil qui se change ensuite en un fruit charnu & arrondi, plein d'un ou de plusieurs osselets en forme d'oeufs, & enveloppés d'une pulpe très-tendre. Le P. Plumier ne rapporte que deux especes de gayac , qu'il décrit dans son histoire manuscrite des plantes d'Amérique . La premiere espece s'appelle gayac à fleurs bleues , dont le fruit est arrondi, guaiacum flore cerulaeo, fructu subrotundo , Plum. nov. gen. 39. ou guaiacum tetraphyllum, fructu singulari, ejusdem histor. mss. 86. pruno vel evonymo affinis arbor, folio alato, buxeo, subrotundo; flore pentapetalo, cerulaeo, racemoso; fructu aceris cordato, cujus cortex luteus, corrugatus, semen unicum, majusculum, nigricans, nullo ossiculo tectum operit . Sloane Cat. pl. Jamaïc . Cette espece de gayac devient quelquefois un très grand arbre; quelquefois aussi n'est-il que médiocre; différence qui procede de la fertilité du terroir où il croît. Son tronc est le plus souvent cylindrique; mais ceux qui se trouvent dans l'île de Saint-Domingue, du côté du port de paix, ne sont pas tout-à-fait cylindriques; car si on les coupe transversalement, leur section représente la figure d'une poire. Lorsqu'on regarde ces arbres de loin, ils ressemblent à nos chênes; les jeunes sont couverts d'une écorce un peu ridée: ceux qui sont vieux ont l'écorce lisse, un peu épaisse, & se séparant en des lames minces; elle est variée, ou de couleur pâle, parsemée de taches verdâtres & grisâtres. Le tronc de cet arbre a peu d'aubier, qui est pâle; le coeur est de couleur verte d'olive, foncée & brune; son bois est très-solide, huileux, pesant, d'une odeur qui n'est pas desagréable; d'un goût amer & un peu acre. Ses branches ont beaucoup de noeuds; & le plus souvent elles sont partagées en deux petits rameaux aussi noüeux, lesquels portent à chaque noeud deux petites côtes opposées, longues d'environ un pouce, & chargées de deux paires de feuilles, savoir, deux feuilles à l'extrémité, & deux autres vers le milieu. Chaque feuille est arrondie, longue d'environ un demi-pouce, large presque d'un pouce, lisse, ferme, compacte comme du parchemin, d'un vert pâle; elles ont dessous cinq petites nervures un peu saillantes; elles n'ont point de queue, si ce n'est la côte commune sur laquelle elles sont rangées; leur couleur est un peu rouge à l'endroit de leur attache; leur goût un peu acre & amer. Les fleurs naissent à l'extrémité des rameaux; elles sont en grand nombre, entierement semblables & égales à celles du citronnier; car elles sont composées de cinq feuilles de couleur bleue, disposées en rose sur un calice qui a aussi cinq feuilles verdâtres, du fond duquel s'éleve un pistil dont la figure est celle d'un coeur terminé en pointe, porté sur un pédicule un peu long. Ce pistil est accompagné d'environ vingt étamines bleues, qui ont chacune un petit sommet jaune: ce pistil devient dans la suite un fruit de la grandeur de l'ongle, charnu, qui a la figure d'un coeur, & un peu creusée en maniere de cuillier, d'une couleur de vermillon ou de cire rouge. Ce fruit renferme une seule graine dure, de la forme d'une olive, qui contient une amande plus petite que celle de l'olive, & enveloppée d'une pulpe fort tendre. On trouve cet arbre à la Jamaïque, dans presque toutes les îles Antilles, & sur-tout dans celles de Saint-Domingue & de Sainte-Croix, & en général dans la partie de l'Amérique qui est située sous la zone torride. La seconde espece de gayac du P. Plumier, se nomme gayac à fleurs blanches dentelées , dont le fruit est quadrangulaire, gayacum flore caerulaeo, fimbriato, fructu tetragono , Plumier, nova plant. amer. jx. 39. ou guaiacum polyphyllum, fructu singulari, tetragono, ejusd. hist. mss. 87. hoaxacam seu lignum sanctum , Hernand. Les naturels d'Amérique le nomment hajacan , d'où est venu le nom de gayac qu'on lui donne en Europe. Cette espece est moins haute que la précédente; son bois est aussi solide & aussi pesant, mais de couleur de boüis: son écorce qui est un peu plus épaisse, est noirâtre en-dehors, parsemée de plusieurs taches grises & sillonnées de rides réticulaires & transversales; elle est pâle au-dedans, & d'un goût legerement amer. Ses branches sont disposées de la même maniere que dans la premiere espece; elles sont de même noüeuses, & portent quatre ou cinq paires de feuilles plus minces, plus petites, & plus pointues, sur-tout les jeunes, soûtenues sur des côtes très-minces, vertes, & longues d'environ deux pouces. Les fleurs sont entierement semblables & égales à celles de la premiere espece; mais elles sont bleues & un peu dentelées. Les fruits sont de couleur de cire, quadrangulaires comme ceux de notre fusain, partagés intérieurement en quatre loges, dans chacune desquelles est contenue une seule graine osseuse, rouge, qui a presque la figure d'une olive. Cette seconde espece de gayac est très-fréquente dans l'île de Saint-Domingue, aux environs du port de Paix. Ces arbres fleurissent au mois d'Avril, & donnent des fruits mûrs au mois de Juin. On ne réussit qu'avec bien de la peine & du tems à élever cette plante dans nos climats. Il faut d'abord pour le succès, que sa graine semée sur les lieux dans un petit pot de terre alongé, nous parvienne en été. Il faut éviter soigneusement de les trop arroser en route; à leur arrivée, il faut ôter du petit pot la jeune plante, en conservant un peu de terre autour de ses racines: ensuite on la transportera de cette façon dans un nouveau pot rempli de terre préparée, riche, & fraîche; on plongera ce pot dans un lit de ton propre à faire pousser les petites racines, afin qu'elles puissent subsister & passer l'hyver. Dès le mois de Septembre ou d'Octobre, on mettra la plante dans la serre, & on la placera à une chaleur qui soit de vingt degrés au-dessus du tempéré. Les arrosemens seront fréquens, mais très-legers; on nettoyera les feuilles de tems en tems de la saleté qui se loge sur leur surface. Au commencement de l'été, on donnera de l'air à la plante, en ouvrant les fenêtres de la serre à moitié, & seulement dans le fort de la chaleur: mais on ne sortira point les pots de la serre, à moins que ce ne soit pour peu d'heures; & on n'y manquera pas dans le tems des ondées de pluies chaudes qui la feront prospérer. Voilà les soins & les précautions avec lesquelles Miller est parvenu à élever des arbres de gayac dans le jardin de medecine de Chelséa: il en avoit déjà quelques-uns assez avancés en 1726. On sait que dans le pays natal même, ils croissent très-lentement; ils ne jettent point de résine dans nos climats. Personne n'ignore l'usage qu'on fait en Europe du bois, de l'écorce & des larmes résineuses qui découlent des gayacs d'Amérique; lisez à ce sujet les articles suivans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gayac Author=Venel Normalized Classification=Chimie | Matière médicale Part of Speech=NA Gayac Gayac , ( Chim. Mat. med. ) le gayac ou bois saint, lignum sanctum , a été connu en Europe à-peu-près dans le même tems que la maladie vénérienne, par le secours qu'on en tira contre cette maladie, avant que l'on eût trouvé la maniere de la traiter plus efficacement par le mercure. On nous assure que dans les pays chauds, dans l'Amérique méridionale, par exemple, le gayac est un spécifique aussi éprouvé contre la vérole, que le mercure l'est dans nos climats. Quoi qu'il en soit, nous ne l'employons que dans le traitement des maladies vénérienne; legeres ou particulieres à certains organes, dans celles qui sont censées n'avoir point infecté la masse entiere des humeurs, ou du-moins n'y avoir répandu qu'une petite quantité de virus qui peut être évacué par les couloirs de la peau: c'est cette excrétion que le gayac détermine particulierement. Ce remede est un sudorifique très-actif; il fait la base ou le principal ingrédient des remedes sudorifiques composés, que l'on employe dans les traitemens de diverses maladies chroniques, comme dartres, tumeurs froides, oedèmes, fleurs-blanches, rhûmatisme, paralysie, vieux ulceres humides & sanieux. Voyez ces articles & l'art . Maladies vénériennes . C'est sous la forme de tisanne qu'on le prescrit ordinairement dans ces derniers cas, aussi-bien que dans les maladies venériennes ( voyez Tisanne ): on l'ordonne ou seul ou mêlé avec d'autres sudorifiques, & même avec des purgatifs ( voyez Sudorifique & Purgatif ); on le fait entrer dans ces tisannes composées, ou dans la décoction simple depuis deux gros jusqu'à demi-once par livre d'eau; & le malade convenablement préparé, en prend trois, quatre, ou cinq verres par jour. Le bois de gayac est très-résineux, & contient une fort petite quantité d'extrait proprement dit. Voyez Extrait & Résine . Ceci a fait croire à quelques chimistes que l'eau ne pouvoit point se changer des parties médicamenteuses de ce corps, & qu'on le feroit bouillir en vain dans les menstrues aqueux: cette prétention est démentie par l'expérience; une courte ébullition suffit pour obtenir du gayac , par le moyen de l'eau, une substance d'un goût vif & piquant, & qui étant retirée par l'évaporation, séchée, & pulvérisée, est sternutatoire, selon l'observation d'Hoffmann. Voyez Fr. Hoffmann, observat. physico-chimic. l. I. observat. xxj . Selon cet auteur, l'extrait de gayac est d'une odeur balsamique & agréable, & d'une saveur vive & piquante Il est en petite quantité en comparaison de la résine que l'on retire du gayac par l'application de l'esprit-de-vin: car le gayac fournit plus de deux onces de résine par livre; au lieu qu'il fournit à peine un ou deux gros d'extrait, par des décoctions longues & répétées: cela n'empêche point que la décoction & l'extrait de gayac ne soient des remedes plus actifs que sa résine ou sa teinture; le goût & la vertu sternutatoire de l'extrait décident en sa faveur, aussi-bien que l'expérience. La résine du gayac est presque insipide, & elle n'est point sternutatoire; elle a passé pourtant pour un préservatif contre les maladies vénériennes, summum adversus luis venereae virus proesidium alexi-pharmacum , dit Hoffmann dans la dissertation que nous venons de citer. On réduit le bois de gayac en rapure, lorsqu'on veut en faire la décoction, ou en tirer la teinture. On trouve encore dans les boutiques l'écorce de gayac , que quelques-uns assûrent avoir les mêmes vertus que le bois, & même de plus grandes; nous nous en servons fort peu, quoique vraissemblablement elle puisse très-bien suppléer au bois. On nous apporte aussi une résine qui découle de l'arbre de gayac , & que l'on appelle improprement dans les boutiques gomme de gayac; elle est brune en-dehors, quelquefois blanche, tantôt roussâtre & tantôt verdâtre en-dedans, d'un goût un peu acre, d'une odeur très-agréable quand on la brûle; elle est fort analogue avec celle qu'on tire du gayac par le moyen de l'esprit-de-vin. L'extrait de gayac entre dans les pilules de Bécher, & la résine dans la thériaque céleste. Le gayac donne dans la distillation à la violence du feu un phlegme insipide, un esprit qui donne des marques d'acidité & d'alkalicité, une huile ténue, limpide, jaune, qui nage sur l'eau; une huile noire, très-épaisse, plus pesante que l'eau; une grande quantité d'air, & une quantité considérable d'un charbon dur & sonnant. Nous ne ferons point ici des observations sur cette analyse, parce que c'est celle-là même que nous choisirons au mot Végétal , pour exemple de l'analyse des bois durs. Voyez Végétal . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gayac, (Gomme de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire des drogues Part of Speech=NA Gayac Gayac , ( Gomme de-) Hist. des drogues; nom impropre qu'on donne dans les boutiques des Droguistes, à la résine qui découle de l'arbre gayac; cette résine bien choisie doit être nette, luisante, transparente; elle est brune en-dehors, blanche en-dedans, tantôt roussâtre, tantôt verdâtre, friable, d'un goût un peu acre, d'une odeur agréable de résine quand on l'écrase ou quand on la brûle, & qui approche de celle du bois de gayac; sa dose est depuis un scrupule jusqu'à trois; elle passe pour exciter puissamment la transpiration insensible, & pour être propre aux maladies de la peau qui naissent de l'obstruction des glandes miliaires. On peut tirer aussi du gayac une substance gommeuse, en faisant bouillir long-tems dans de l'eau commune, de la rapure de gayac . Alors après avoir fait épaissir cette décoction sur le feu, il reste au fond du vaisseau une résine épaisse, d'une odeur balsamique, & d'un goût legerement acre. Cette substance sechée, pulvérisée, & tirée par le nez, irrite vivement la membrane pituitaire, & fait évacuer le phlegme qui est logé dans cet endroit. Hoffmann préféroit ce remede à tous les sternutatoires, & lui attribuoit en même tems une vertu corroborative: mais Hoffmann vantoit beaucoup tous les remedes qu'il composoit lui-même. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAYER Author=unknown Normalized Classification=Terme de riviere Part of Speech=NA GAYER GAYER, terme de Riviere , pour exprimer combien un bateau prend d'eau: le grand-maître gaye sept piés d'eau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZAILLE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GAZAILLE GAZAILLE, ( Jurisprud. ) en quelques pays signifie un bail de bestiaux. Voy. la coûtume de Saint-Sever, tit iij. art. 13. le for de Navarre, tit. xvj. art. dernier; la Roche-Flavin, des droits seigneur. p. 90 . Caseneuve, au mot gain . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZE Author=Diderot Normalized Classification=Manufacture Part of Speech=s.f. GAZE *GAZE, s. f. ( Manufactur .) tissu leger ou tout de fil, ou tout de soie, ou fil & soie, travaillé à claire voie, & percé de trous comme le tissu de crin dont on fait les cribles: la fabrication de cette espece d'étoffe ou de toile est très-ingénieuse; ceux qui en ont parlé n'ont pas considéré le métier d'assez près; & à juger de la gaze par ce qu'on en lit dans le dictionnaire du Commerce , il est bien difficile de la distinguer de la toile ou du satin. Pour fabriquer la gaze , il faut commencer par disposer la chaîne comme si on avoit à fabriquer une autre étoffe de soie; je veux dire la devider sur l'ourdissoir ( Voyez l'article Ourdissoir ); la porter de l'ourdissoir sur le plioir ( Voyez l'article Plioir ); & du plioir sur les ensuples; l'encroiser, & achever le montage du métier. Le métier du gazier ne differe guere des autres métiers de la fabrique des étoffes en soie, soit unies soit figurées; & il se monte exactement de la même maniere. Il y a lecture du dessein, gravassine, gravassiniere, lacs, semple, rame, tirage, &c. Voyez à l'art . Soie , le travail des étoffes en soie; voyez sur-tout l'article Velours ciselé , frisé , & de plusieurs couleurs . Quoique nous renvoyions ici à un grand nombre d'articles étrangers à la gaze , cela n'empêchera point que nous ne fassions entendre très-distinctement la différence qu'il y a entre la fabrication de cette étoffe & celle de la toile ou du satin. Pour cet effet, laissant-là toutes les manoeuvres qui sont communes au gazier, au tisserand, & au manufacturier d'étoffes en soie, nous nous attacherons à celles qui lui sont propres; & nous insisterons sur la partie qui distingue son métier des autres métiers à ourdir. Cette partie est une lisse qui porte des petits grains de chapelets qu'on appelle des perles . C'est la fonction de cette lisse qui empêche que la gaze unie ne soit une toile ou un satin, & qui en fait une gaze: c'est ce que nous allons démontrer de la maniere la plus simple & la plus claire. Si vous comparez nos Planches I . & II. du Gazier avec nos Planches du Manufacturier en soie , vous appercevrez d'un coup-d'oeil ce qu'il y a de commun entre le métier à gaze & les autres métiers à ourdissage: mais pour bien entendre la fabrication de la gaze , il suffit de s'occuper de la III. Pl. Voyez donc cette Planche . Les cylindres A B, ab , ( fig. 1 . Pl. IV . ) sont les ensuples; A B est celle de devant; ab une de celles de derriere. 1, 2; 1, 2; 1, 2; 1, 2 , sont les fils de la chaîne portés sur les deux ensuples: c, c; c, c; c, c , &c... représentent les dents du peigne: d, d, e, e, e, e , la lisse avec ses perles; f, f, g, g, g, g , une autre lisse avec des annelets de verre qu'on appelle des maillons; h h, i i , les bâtons d'encroix. On voit que les fils de chaîne 1, 1, 1 , &c. passent dans les perles e, e, e, e , & dans les maillons g, g, g, g , & qu'ils sont placés sur les ensuples de maniere qu'ils se croisent aux points k, k, k, k . D'où il suit que, si nous supposons que la lisse d, d , soit levée, les fils de chaîne restant dans leurs situations relatives; les fils 1, 1, 1, 1 , feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2 , le fil 1 devant le fil 2 , le fil 1 devant le fil 2 , le fil 1 devant le fil 2, & ainsi de suite, comme ils sont rangés sur les ensuples. Donc, si le fil l, l, l, l, l, m, m, m, m, m, &c. représente un fil de trame, & que le gazier ait donné un coup de navette de droite à gauche, ce fil de trame sera pris en l, l, l, l , entre les fils de chaîne, comme on voit fig. 2 . même Pl . Mais si on laisse retomber la lisse d d , & qu'on fasse lever la lisse f f , comme on voit fig. 2 . même Pl. qu'arrivera-t-il? que les fils de chaîne 1, 1, 1, 1, &c. ne garderont plus leurs situations relatives avec les fils 2, 2, 2, 2; que ces fils 1, 1, 1, 1 , passeront de l'autre côté des fils 2, 2, 2, 2; que les fils 2, 2, 2, 2 , feront angle avec les fils 1, 1, 1, 1 , le fil 2 devant le fil 1 , le fil 2 devant le fil 1 , le fil 2 devant le fil 1 , & ainsi de suite; & que, si l'ouvrier donne un second coup de navette de gauche à droite, le fil de trame l, l, l, l, m, m, m, m, &c. sera pris entre les fils de chaîne, comme on le voit fig. 2 . en m, m, m, m; il y aura donc entre ces deux coups de navette, ou la portion du fil de trame l, l, l, l , & la portion du même fil m, m, m, m , une espece d'encroix 0, 0, 0, 0 , ou de tour des fils de chaîne 1, 1, 1, 1 , sur les fils de chaîne 2, 2, 2, 2 , qui tient les portions de fil de trame séparées, & qui ne leur permet jamais de s'approcher, & de former un tissu serré comme il est à la toile & au satin: c'est ce tour ou cet encroix & le déplacement alternatif des fils de chaîne qui écartent les coups de navette ou les portions de fil de trame; & c'est cet écart qui forme les trous ou claires voies de la gaze . Qu'on laisse retomber la lisse f f , & qu'on fasse lever la lisse d d , comme on la voit fig. 3 . même Pl. les fils de chaîne reprendront leur position relative aussi-tôt que la lisse f f sera retombée, & les fils 1, 1, 1, 1 , feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2; de maniere que le fil 1 soit devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2 , le fil 1 devant le fil 2 , & ainsi de suite, comme il est arrivé figure 1 . Donc si l'ouvrier donne un troisieme coup de navette de droite à gauche, le fil de trame se trouvera pris, comme on le voit figure 3 . en n, n, n, n; ensorte que la portion m, m, m, m , de ce fil se trouvera séparée de la portion n, n, n, n , comme celle-ci l'étoit de la premiere l, l, l, l , par un tour ou espece d'encroix p, p, p, p , qui empêchera que le coup de battant ne puisse tenir les portions de trame m, m, m, m & n, n, n, n , approchées; ce qui donnera lieu à une nouvelle rangée de trous. Ainsi à chaque coup de navette, chaque fil de chaîne 1, 1, 1, 1 , faisant par le moyen de la lisse à perle & de la lisse à maillon, sur chaque autre fil de chaîne 2, 2, 2, 2 , une espece de tour ou d'encroix, ces fils ne pourront jamais être serrés; ces tours ou encroix les tiendront séparés; & à l'aide de ces séparations, il y aura à chaque coup de navette une rangée de petits espaces vuides entre chaque portion de fil de trame & de chaîne; ce qui fera la claire voie de la gaze . Voici en un mot tout le mystere de la gaze expliqué, sans même qu'il soit besoin de figures. Imaginez des fils horisontaux & paralleles les uns aux autres, comme sur le métier du tisserand; soit le premier de ces fils nommé a , le second b , le troisieme a , le quatrieme b , le cinquieme a , le sixieme b , & ainsi de suite: si vous faites lever tous les fils a, a, a, a , les fils b, b, b, b , restant horisontaux & paralleles, & que vous donniez un coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame; que vous fassiez baisser les fils a, a, a, a; & que les laissant horisontaux & paralleles, vous fassiez lever les fils b, b, b, b; & que vous donniez un second coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame; il est clair que le battant pressera l'une contre l'autre ces deux portions des fils de trame; & que vous ferez de la toile, en continuant toûjours ainsi. Mais si, après avoir fait lever les fils a, a, a, a; laissé les fils b, b, b, b , dans la situation horisontale & parallele; donné un coup de trame, & laissé retomber les fils a, a, a, a; au lieu de lever les fils b, b, b, b , vous levez une seconde fois a, a, a, a , mais en les faisant passer de l'autre côté des fils b, b, b, b: ensorte qu'au lieu de se trouver dans la situation ab, ab, ab, ab , comme au premier coup de navette, ils se trouvent au second coup de navette dans la situation ba, ba, ba, ba; il est évident que les fils b, b, b, b , seront toûjours restés immobiles & paralleles; mais que les fils a, a, a, a , auront perpétuellement serpenté sur eux une fois en-dessus, une fois en-dessous; une fois en-dessus, une fois en-dessous, de gauche à droite, de droite à gauche; & que ces petits serpentemens des fils a, a, a, a , empêcheront les fils de trame lancés à chaque coup de navette, de se serrer, & d'être voisins; ce qui fera une toile à claire voie. Or c'est précisément là ce qui s'exécute par le moyen de la lisse à perle & de la lisse à maillon: aussi ces perles sont-elles enfilées dans des brins de fil ou de soie d'une certaine longueur; afin que quand on leve la lisse à maillon, comme on voit fig. 2 . ces brins de fils puissent faire boucle autour des fils de chaîne qui restent immobiles, ne point gêner ces fils, & leur laisser bien leur parallélisme. Outre ces deux lisses, il y en a une troisieme au métier de tisserand; cette lisse est pour le fond. L'on distingue donc dans la fabrication de la gaze trois pas; le pas de gaze , le pas de fond, & le pas dur. Voilà pour les gazes unies; & ce qu'il falloit savoir pour distinguer le métier & la manoeuvre du gazier de tout autre ourdissage. Quant aux gazes figurées, brochées, elles s'exécutent comme toutes les autres étoffes figurées, tantôt à la petite tire, tantôt à la grande tire. Le brocher se fait à l'espolin à l'ordinaire: il faut autant d'espolins que de couleurs: les couleurs se placent par le moyen de la lecture, du rame, & du semple, ainsi que nous l'avons dit & que nous le démontrerons avec clarté aux étoffes de la manufacture en soie; le brocher se fait en-dessus. Comme les fils du brocher s'étendent sur route la largeur de l'étoffe, quoiqu'ils ne soient pris entre les fils de chaîne qu'en quelques endroits; on n'apperçoit point le dessein, & toutes les façons ou figures sont cachées, tant que la piece de gaze est sur le métier: mais quand la piece est levée de dessus le métier, on la donne à des ouvrieres appellées coupeuses , qui étendent la piece sur deux ensuples placées & retenues aux deux extrémités d'un chassis de bois qu'on voit Pl. III . & qu'on appelle le découpoir: elles se rangent assises autour du découpoir comme autour d'une table; & avec des forces ou ciseaux d'un demi-pié de long; elles enlevent toutes les soies inutiles ou portions de fils non compris entre les fils de chaîne, & font paroître la figure. Ces lacis ou portions de fils non compris entre les fils de chaîne & superflus, s'appellent recoupes; c'est une belle matiere; c'est tout fil, ou c'est du fil & de la soie mêlés: on ne lui a encore trouvé aucun usage. J'ai bien de la peine à croire qu'elle n'en puisse avoir aucun, & que l'industrieuse économie des Chinois ne parvînt pas à en tirer parti: on en feroit des magasins à très-peu de frais dans ce pays-ci où les ouvrieres la brûlent. Celui qui imagina la lisse à perle; qui fit serpenter ainsi un fil de chaîne sur son voisin; & qui vit que ce serpentement écartoit les fils de chaîne les uns des autres; empêchoit les fils de trame d'être approchés par le coup de battant, & formoit de cette maniere un tissu criblé de trous, eut le génie de son art. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaze de Cos Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne des Arts Part of Speech=NA Gaze de Cos Gaze de Cos , ( Hist. anc. des Arts. ) coa vestis , dans Tibulle & dans Properce, qui dit, & tenues cod veste movere sinus: Horace l'appelle coa purpura . Cette gaze avoit été inventée par une femme nommée Pamphila ; car, selon la remarque de Pline, il ne faut pas frustrer cette femme de la gloire qui lui appartient, d'avoir trouvé ce merveilleux secret de faire que les habits montrent les femmes toutes nues, non fraudanda gloria excogitatae rationis, ut denudet feminas vestis , hist. nat. libr XI. cap. xxij . En effet, cette étoffe étoit si déliée, si transparente, qu'elle laissoit voir le corps comme à nud; c'est pourquoi Varron appelloit les habits qui en étoient faits, vitreas togas: Publius Syrus les nomme joliment ventum textilem , du vent tissu, & nebulam lineam , une nuée de lin; aequum est , dit-il, induere nuptam ventum textilem, & palàm prostare nudam in nebulâ lineâ? « Est-il honnête qu'une femme mariée porte » des habits de vent, & paroisse nue sous une nuée de lin? Cependant les femmes & les filles d'Orient, & en particulier celles de Jérusalem, étoient vêtues d'habits semblables à la gaze de Cos , & qu'Isaïe nomme διαφανῆ Λακωνικὰ , interlucentes laconicas . On faisoit la gaze de Cos d'une soie très-fine qu'on teignoit en pourpre avant que de l'employer, parce qu'après que la gaze étoit faite, elle n'avoit pas assez de corps pour souffrir la teinture; c'étoit à Misiras, aujourd'hui Mascari, tout auprès de l'île de Cos, qu'on pêchoit les huîtres qui produisoient cette pourpre dont on teignoit la gaze , pour en rendre encore les habits plus precieux. Il est vrai qu'il n'y avoit dans les commencemens que les courtisanes qui osassent mettre à Rome de tels habits; mais les honnêtes femmes ne tarderent pas à les imiter; la mode en subsistoit même encore du tems de S. Jérôme: car écrivant à Loeta sur l'éducation de sa fille, il recommande ut talia vestimenta paret quibus pellatur frigus, non quibus vestita corpora nudentur . Horace dans une de ses odes, ode 13. liv. IV. traite Lycé, une de ses anciennes maîtresses, de ridicule, de ce qu'elle portoit des habits transparens de Cos, pour faire la jeune: nec coae referunt jam tibi purpurae; « croyez-moi, lui dit il, ces habits de gaze de Cos ne vous conviennent plus ». ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gaze Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gaze Gaze , ( Géog .) ancienne ville d'Asie dans la Palestine, à environ une lieue de la mer, avec un port qu'on appelle la nouvelle Gaze, Majama , & Constantia . Il y a près de la ville un château qui est la résidence d'un pacha; elle est à vingt lieues de Jérusalem. Long. 52. 30. latit. 31. 28 . Nous avons encore des médailles de Gaze , qui prouvent que quand S. Luc ( Act. VIII. vers. 26. ) dit que cette ville étoit ἔρημος , ce mot ne doit point signifier deserte , mais comme l'entend Hesychius, ἀφύλακτος , c'est-à-dire démantelée. Gaze en hébreu signifie forte, fortifiée , & munie . En effet, la ville de Gaze étoit très-forte, au rapport de Méla, d'Arrien, & de Quinte-Curce, liv. IV. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZELLE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GAZELLE GAZELLE, s. f. gazella , animal quadrupede à pié fourchu; il y en a de différentes especes. M. Perraut a donné la description de sept gazelles d'Afrique, dont la plus grande étoit de la taille & de la figure d'un chevreuil; elles avoient le poil aussi court. Cet animal étoit blanc sur le ventre & sur l'estomac, noirâtre sur la queue & brun le long d'une bande, qui s'étendoit depuis l'oeil jusqu'au museau, & fauve sur tout le reste du corps. La peau étoit très-noire & très luisante. Toutes ces gazelles avoient les oreilles grandes & pelées en-dedans, où la peau étoit noire & polie comme de l'ébene; les yeux étoient grands & noirs; les cornes étoient aussi noires, cannelées en-travers, creuses jusqu'à la moitié de leur longueur, pointues à l'extrémité, assez droites, mais un peu tournées en-dehors vers le milieu; elles se rapprochoient par le bout, comme les branches d'une lyre; elles avoient quinze pouces de longueur & dix lignes de diametre par le bas; elles étoient rondes dans les femelles, un peu applaties dans les mâles, & plus recourbées en-arriere: le museau ressembloit au museau des chevres; celui des mâles étoit plus camus que celui des femelles. Il y avoit sur le palais une peau dure en forme d'écailles, & au-dedans des levres, quantité de papilles. Les gazelles ruminent; celles dont il s'agit ici n'avoient point de dents incisives à la mâchoire supérieure; les dents du bas étoient au nombre de huit, plus larges à l'extrémité qu'à la racine: les deux du milieu avoient autant de largeur que les six autres prises ensemble. La queue des femelles étoit garnie d'un poil long & noirâtre, plate & large à son origine, plus étroite à l'extrémité, dont le poil descendoit jusqu'au jarret & étoit dur comme du crin: dans les mâles, il se trouvoit plus doux & seulement un peu plus long que le poil du reste du corps. Il y avoit sur les jambes de devant, au-dessous du genou, un poil plus dur & plus long que celui du reste de la jambe; il étoit couché à droite & à gauche comme l'épi d'un cheval; & dans cet endroit la peau étoit plus épaisse qu'ailleurs. Le devant des piés étoit formé par les ergots, & le derriere par la peau qui formoit la plante du pié, & n'étoit pas défendue par la corne des ergots, comme dans le cerf, le chevreuil, & les autres animaux à pié fourchu. Les piés des gazelles étoient fendus d'une maniere particuliere; les deux ergots pouvoient s'éloigner beaucoup l'un de l'autre, & étoient joints par une peau qui s'étendoit aisément; il n'y avoit que deux mammelles & deux mammelons. Il se trouvoit à côté & au-dessous de chaque mammelle dans les aînes deux cavités ou poches peu profondes dont la peau étoit sans poil & parsemée de grains formés par de petites glandes, & percées dans le milieu d'où il sortoit une matiere onctueuse. Mém. pour servir à l'hist. naturelle des anim. premiere partie . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZETTE Author=Voltaire Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.f. GAZETTE GAZETTE, s. f. ( Hist. mod. ) relation des affaires publiques. Ce fut au commencement du xvij e siecle que cet usage utile fut inventé à Venise, dans le tems que l'Italie étoit encore le centre des négociations de l'Europe, & que Venise étoit toûjours l'asyle de la liberté. On appella ces feuilles qu'on donnoit une fois par semaine, gazettes , du nom de gazetta , petite monnoie revenante à un de nos demisous, qui avoit cours alors à Venise. Cet exemple fut ensuite imité dans toutes les grandes villes de l'Europe. De tels journaux étoient établis à la Chine de tems immémorial; on y imprime tous les jours la gazette de l'empire par ordre de la cour. Si cette gazette est vraie, il est à croire que toutes les vérités n'y sont pas. Aussi ne doivent-elles pas y être. Le medecin Théophraste Renaudot donna en France les premieres gazettes en 1631; & il en eut le privilége, qui a été long-tems un patrimoine de sa famille. Ce privilége est devenu un objet important dans Amsterdam; & la plûpart des gazettes des Provinces-Unies sont encore un revenu pour plusieurs familles de magistrats, qui payent les écrivains. La seule ville de Londres a plus de douze gazettes par semaine. On ne peut les imprimer que sur du papier timbré, ce qui n'est pas une taxe indifférente pour l'état. Les gazettes de la Chine ne regardent que cet empire; celles de l'Europe embrassent l'univers. Quoiqu'elles soient souvent remplies de fausses nouvelles, elles peuvent cependant fournir de bons matériaux pour l'Histoire; parce que d'ordinaire les erreurs d'une gazette sont rectifiées par les suivantes, & qu'on trouve presque toutes les pieces autentiques que les souverains mêmes y font insérer. Les gazettes de France ont toûjours été revûes par le ministere. C'est pourquoi les auteurs ont toûjours employé certaines formules qui ne paroissent pas être dans les bienséances de la société, en ne donnant le titre de monsieur qu'à certaines personnes, & celui de sieur aux autres; les auteurs ont oublié qu'ils ne parloient pas au nom du Roi. Ces journaux publics n'ont d'ailleurs été jamais souillés par la médisance, & ont été toûjours assez correctement écrits. Il n'en est pas de même des gazettes étrangeres. Celles de Londres, excepté celles de la cour, sont souvent remplies de cette indécence que la liberté de la nation autorise. Les gazettes françoises faites en pays étranger ont été rarement écrites avec pureté, & n'ont pas peu servi quelquefois à corrompre la langue. Un des grands défauts qui s'y sont glissés, c'est que les auteurs, en voyant la teneur des arrêts du conseil de France qui s'expriment suivant les anciennes formules, ont cru que ces formules étoient conformes à notre syntaxe, & ils les ont imitées dans leurs narrations; c'est comme si un historien romain eût employé le style de la loi des douze tables. Ce n'est que dans le style des lois qu'il est permis de dire, le Roi auroit reconnu, le Roi auroit établi une lotterie . Mais il faut que le gazetier dise, nous apprenons que le Roi a établi , & non pas auroit établi une lotterie , &c... nous apprenons que les François ont pris Minorque , & non pas auroient pris Minorque . Le style de ces écrits doit être de la plus grande simplicité; les épithetes y sont ridicules. Si le parlement a une audience du Roi, il ne faut pas dire, cet auguste corps a eu une audience, ces peres de la patrie ont revenus à cinq heures précises . On ne doit jamais prodiguer ces titres; il ne faut les donner que dans les occasions où ils sont nécessaires. Son altesse dina avec Sa Majesté, & Sa Majesté mena ensuite son altesse à la comédie, après quoi son altesse joua avec Sa Majesté; & les autres altesses & leurs excellences messieurs les ambassadeurs assisterent au repas que Sa Majesté donna à leurs altesses . C'est une affectation servile qu'il faut éviter. Il n'est pas nécessaire de dire que les termes injurieux ne doivent jamais être employés, sous quelque prétexte que ce puisse être. A l'imitation des gazettes politiques, on commença en France à imprimer des gazettes littéraires en 1665; car les premiers journaux ne furent en effet que de simples annonces des livres nouveaux imprimés en Europe; bien-tôt après on y joignit une critique modérée qu'elle étoit. Nous ne voulons point anticiper ici l'art . Journal ; nous ne voulons point anticiper ici l'art. Journal ; nous ne parlerons que de ces gazettes littéraires, dont on surchargea le public, qui avoit déjà de nombreux journaux de tous les pays de l'Europe, où les sciences sont cultivées. Ces gazettes parurent vers l'an 1723 à Paris sous plusieurs noms differens, nouvelliste du Parnasse, observations sur les écrits modernes , &c. La plûpart ont été faites uniquement pour gagner de l'argent; & comme on n'en gagne point à loüer des auteurs, la satyre fit d'ordinaire le fonds de ces écrits. On y mêla souvent des personnalités odieuses; la malignité en procura le débit; mais la raison & le bon goût qui prévalent toûjours à la longue, les firent tomber dans le mépris & dans l'oubli. Article de M. de Voltaire . Une espece de gazette très-utile dans une grande ville, & dont Londres a donné l'exemple, est celle dans laquelle on annonce aux citoyens tout ce qui doit se faire dans la semaine pour leur intérêt ou pour leur amusement; les spectacles, les ouvrages nouveaux en tout genre; tout ce que les particuliers veulent vendre ou acheter; le prix des effets commerçables, celui des denrées; en un mot tout ce qui peut contribuer aux commodités de la vie. Paris a imité en partie cet exemple depuis quelques années. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZETIER Author=Diderot3 Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GAZETIER GAZETIER, s. m. ( Hist. mod. ) celui qui écrit une gazette; un bon gazetier doit être promptement instruit, véridique, impartial, simple & correct dans son style; cela signifie que les bons gazetiers sont très-rares. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZIE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.f. GAZIE GAZIE, s. f. ( Hist. mod. ) nom que les princes mahométans donnent à l'assemblée des troupes qu'ils levent pour la propagation de leur religion; comme les Chrétiens ont appellé croisades leurs guerres saintes. Ils arborent l'étendard de la religion; & c'en est assez pour lever en peu de tems des armées formidables. Vers l'an 1200 Almansor II. passa d'Afrique en Espagne avec une armée de quatre cents mille hommes qu'il avoit assemblés de cette maniere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZIER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GAZIER GAZIER, le fabriquant ou le marchand de gaze. Ceux qui fabriquent la gaze à Paris sont du nombre des Ferrandiniers, qui, quoique formant un même corps, sont divisés en deux sociétés: savoir, ceux qui ne font que des ferrandines, & qui ont retenu le nom de Ferrandiniers , & ceux qui ne travaillent qu'en gazes, & qui se font appeller Gaziers ou Gazetiers. Voyez Ferrandines . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZNAH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GAZNAH GAZNAH, ( Géogr. ) ville d'Asie en Perse, & dans la province de Zablestan. Nassir Edden & Vlug Beig lui donnent 104 d . 20'. de long. & 33 d . 35'. de latit . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZON Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=s.m. GAZON GAZON, s. m. ( Agricult. ) motte plus ou moins grande de terre fraiche, molle, garnie d'une herbe courte & touffue. Le gazon est l'objet de la campagne le plus agréable aux yeux; c'est le plus grand ornement des parterres & des jardins de propreté. Il nait de lui-même dans un terrein favorable, ou bien il vient par culture; la culture se fait de graine ou de placage. Parlons de ces deux manieres de culture, & tirons nos instructions du pays qui joüit des plus beaux gazons du monde. Pour faire un gazons de graine, on prépare en Angleterre le terrein qu'on destine à ce gazon . On le nivelle, on l'épierre, on le beche, on le laboure, en sorte que la terre en soit bien ameublie; on la passe au rateau, on en casse les mottes, on on unit la surface, & on répand dessus un ou deux pouces d'épaisseur de bon terreau, pour facilite encore mieux la levée du gazon . La semence ordinaire du gazon est de graine de bas-pré, choisie dans les plus belles communes, & dans celles où l'herbe est la plus fine & la moins mélangée. On seme dans la terre préparée cette graine fort épaisse, afin que le gazon qui en naîtra le soit aussi. On couvre d'un peu de terre humide cette graine pour empêcher qu'elle ne soit point dissipée par les vents. On choisit même un tems calme pour semer le gazon , parce que lorsqu'il vente, la graine qui est fort legere, s'envole, & tombe sur terre par tas, au lieu d'être également distribuée. On seme le gazon au milieu du jour, & quand le tems est à la pluie, parce qu'il épargne la peine des arrosemens; outre que la pluie venant à tomber, plombe la terre, & fait lever la graine beaucoup plùtôt. On préfere, pour semer du gazon , le commencement du printems ou de l'autonne, c'est-à-dire les mois de Mars ou de Septembre, avant & après les grandes chaleurs de l'été. On s'estime très-heureux, si le gazon qu'on a semé dans un tems favorable, & qui vient de monter, se trouve pur, épais, & d'un beau verd; mais néanmoins, comme on sait qu'il périroit bien-tôt, si on l'abandonnoit à lui-même, on prend grand soin de l'entretenir. Ce soin consiste à le tondre très-souvent, tous les huit ou tous les quinze jours. Plus l'herbe est coupée fréquemment, plus elle s'épaissit & devient belle. Ensuite on seme chaque année de la nouvelle graine dans tous les endroits où le gazon est trop clair, afin de l'épaissir, le rafraîchir, & le renouveller. On lui donne tous les arrosemens nécessaires; on n'oublie pas de le battre, quand il s'éleve trop, & de rouler continuellement par-dessus un rouleau de bois, de pierre, ou de fer, afin d'affaisser, d'arrasier l'herbe de bien près, & d'empêcher qu'un brin ne passe l'autre. Malgré toutes ces précautions, les Anglois ont remarqué que leur gazon semé de graine n'avoit point une certaine beauté uniforme, qu'il ne venoit point pur, qu'il étoit toûjours mêlé d'herbes qui le déparoient, & que ces herbes dégénéroient encore chaque année. Ils ont long-tems tâché d'y remédier, en arrachant ces mauvaises herbes, & en semant à leur place de la nouvelle graine. Mais tous ces remedes ne répondant point à leurs desirs, ils ont enfin imaginé l'art de gazonner, & l'ont mis en pratique avec un succès surprenant. Cet art de gazonner consiste à enlever des plus belles pelouses des carreaux de gazon, & à les appliquer ailleurs. Voici comme on se conduit pour réussir. Après avoir préparé la terre de la même maniere, que s'il s'agissoit de la semer de graine, on prend une beche pour enlever le gazon qu'on a choisi d'avance dans un pré, ou dans quelque riche pelouse toute pleine d'herbes fines. On taille ce gazon par pieces quarrées de l'épaisseur d'environ trois pouces & de la largeur d'environ dix-huit pouces; ensuite on couche la beche presque sur la surface de la terre, on la pousse contre les pieces de gazon taillées, on les coupe entre deux terres, on les enleve, on les porte au lieu qui leur est destiné, on les place proprement à l'endroit qu'il s'agit de gazonner, & on les arrange pressées les unes contre les autres, comme font nos carreleurs quand ils carrelent un appartement. S'il s'agit de gazonner un espace de terrein considérable, on commence à bien niveller le terrein préparé; ensuite on place le long d'un cordeau les pieces équarries de gazon qu'on a levées, on les joint ensemble très-exactement; & pour cimenter les joints, des plaqueurs applatissent uniment le placage avec leurs battes. Quand le gazon est nivelé, joint, plaqué, on l'arrose amplement pour le réunir encore à la terre, à laquelle il est appliqué; & enfin on y passe divers rouleaux pour l'affermir. Tous ces moyens font que le gazon s'attache inébranlablement à la nouvelle terre, s'incorpore avec elle, y jette ses racines de toutes parts, & s'en nourrit. Il ne s'agit plus pour la conservation du gazon , que de le tondre, le rouler, & l'entretenir. Telle est la maniere dont les Anglois gazonnent, non-seulement des bordures, des rampes, des talus, des glacis, mais des boulingrins, des parterres, des allées, des promenades entieres; c'est un spectacle admirable que ces beaux tapis ras & unis de velours verd qu'on voit dans toutes leurs campagnes, & que les autres nations n'ont encore pu se procurer. On a tenté vainement de les imiter en France; on y seme, il est vrai, d'assez grandes pieces de gazon; on en plaque çà & là quelques massifs; on fait venir à ce dessein de la graine & des carreaux de gazon d'Angleterre: mais le gazon qui leve en France n'est ni fin, ni garni, ni d'un beau verd; il fait de larges jets, pousse des touffes séparées, de mauvaises herbes, dégénere en chien-dent; & d'ailleurs il n'est ni roulé, ni tondu avec le soin & l'intelligence nécessaires. En un mot, à l'exception peut-être du gazon du palais royal, tous les autres gazons du royaume, comparés à ceux d'Angleterre, ne paroissent que des compartimens ou des pieces d'un pré nouvellement fauché. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gazons Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications Part of Speech=NA Gazons Gazons , en terme de Fortification , sont des especes de mottes de terre de pré, coupées ou taillées en forme de coin, dont la base a quinze ou seize piés de longueur ou de queue sur six de largeur. La hauteur est de six pouces; elle va se terminer en glacis à l'extrémité de la base, en sorte que le profil ou la coupe du gazon , pris selon sa longueur, est un triangle rectangle. Le gazon , pour être bon, doit être coupé dans un terrein gras qui produit beaucoup d'herbes; on en forme quelquefois le côté extérieur du rempart des ouvrages de la fortification; & l'on dit alors que ces ouvrages sont revêtus de gazons. Voyez Revêtement . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gazon d'Olympe ou de Montagne Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Gazon d'Olympe Gazon d'Olympe ou de Montagne , ( Botan. ) voyez Staticé . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GAZONNER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GAZONNER GAZONNER, v. act. voyez ci-devant Gazon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉ ou JÉ Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GÉ ou JÉ * GÉ ou JÉ, s. m. ( Comm. ) mesure de longueur d'usage au Mogol; elle n'est pas réelle, elle n'est que de compte: Savary l'évalue à 34 aunes 1/2 de Hollande. Voyez le dictionn. du Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEADA, GEDA, GETA Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA GEADA, GEDA, GETA * GEADA, GEDA, GETA, ( Mythol. ) ce sont trois differens noms d'un même dieu honoré par les anciens Bretons. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEAI Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=s.m. GEAI GEAI, s. m. pica glandularia, gracculus, garrulus , ( Hist. nat. Ornithol. ) oiseau. Celui qui a été décrit par Willughby, pesoit sept onces; il avoit onze pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité des pattes, & treize pouces jusqu'au bout de la queue; l'envergure étoit de vingt pouces: il avoit le bec noir, fort, & long presque d'un pouce & demi depuis la pointe jusqu'à l'angle que forment les deux pieces du bec; la langue noire, mince, transparente, & fourchue à l'extremité; & l'iris des yeux de couleur blanchâtre. Les plumes de cet oiseau sont plus fines & plus élevées qu'elles ne le son. ordinairement sur les autres. Il y avoit deux taches noires aupres de la partie inférieure du bec; le menton & le bas-ventre étoient blanchâtres; les plumes qui se trouvoient entre ces deux parties, avoient une couleur rousse-cendrée; le croupion étoit blanc, & le dos étoit roux & mêlé d'une teinte de bleu; les plumes de la tête étoient tachetées de noir & de blanc. Le geai a vingt grandes plumes dans les ailes; la premiere étoit plus courte de moitié que la seconde; la quatrieme avoit plus de six pouces de longueur: la premiere étoit noire, à l'exception du bas de la plume, qui avoit une couleur blanche; les barbes extérieures des six plumes suivantes étoient cendrées: la huitieme, la neuvieme & la dixieme plumes avoient une couleur plus foncée que les précédentes, & les trois suivantes étoient teintes de bleu. Il y avoit sur la partie inférieure de ces plumes, des taches transversales, dont les unes étoient noires, & les autres bleues; les barbes extérieures des cinq plumes qui suivent, étoient en partie noires & en partie blanches; les barbes extérieures de la seizieme avoient depuis le bas jusqu'au milieu, des taches transversales de couleur blanche, noire & bleue; la dix-septieme plume étoit noire, à l'exception d'une ou deux taches bleues; la dix-huitieme avoit une couleur noire, mêlée d'une teinte de roux; la dix-neuvieme étoit rousse, excepté l'extrémité, qui avoit une couleur noire: elles étoient toutes brunes sur la face intérieure, excepté la derniere, qui avoit sur la face intérieure la même couleur que sur l'extérieure. Les petites plumes qui sont au-dessus des quinze premieres grandes plumes, étoient très-belles, & bigarrées de lignes transversales bleues, blanches & noires; les autres petites plumes qui suivoient celles qui avoient du bleu, étoient noires: la queue avoit la même couleur; elle étoit longue de six pouces & demi, & composée de douze plumes: les piés & les doigts avoient une couleur de rouille foncée: le doigt du milieu étoit le plus long; l'extérieur étoit égal à celui de derriere, qui avoit un ongle plus grand que les autres: la premiere phalange du doigt extérieur n'est pas séparée du doigt du milieu. Les oeufs du geai sont cendrés, avec des taches plus apparentes. Il se trouve des glands dans l'estomac de cet oiseau; c'est parce qu'il s'en nourrit, qu'on l'a appellé pica glandularia . Il mange aussi des groseilles, des cerises, & les fruits de la ronce: il n'y a presqu'aucune différence entre le mâle & la femelle. Le geai apprend à parler, & articule comme la pie. Willughby, Ornithol. Voyez Oiseau . On donne le nom de geai à plusieurs autres oiseaux, sur-tout à ceux que l'on appelle geais de Bengale & geais de Boheme . Le geai de Bengale est plus grand que le geai commun; il a le sommet de la tête bleu, le cou & la poitrine de couleur cendrée, mêlée de brun-clair & de rouge; les ailes, le dessous du ventre & les cuisses bleues; le dos & le croupion d'un verd-obscur; la queue noire ou noirâtre près du corps, bleuâtre dans le milieu, & de couleur obscure vers l'extremité; les piés de couleur brune-jaunâtre, & les ongles noirs. Le geai de Boheme est de la grandeur d'un merle; il a le bec de couleur cendrée, verdâtre sur la plus grande partie de sa longueur, & noirâtre près de la racine; la tête est droite, de couleur de châtaigne, & surmontée par une hupe de même couleur qui se renverse en-arriere; les yeux sont d'un beau rouge, & environnés de noir: il y a sur la gorge une tache noire bordée de blanc de chaque côté; le dessus du cou & le dos sont de couleur d'ambre: les grandes plumes des ailes ont une teinte noirâtre; la moitié de ces plumes sont jaunes à la pointe, les autres plumes des ailes ont des taches rouges & blanches; la queue est composée de douze plumes noirâtres, excepté la pointe, qui est jaune. Cet oiseau se nourrit de fruits, sur-tout de raisins: on l'apprivoise aisément. Hist. nat. des oiseaux par Derham, tom. I. pag. 16. & tom. II. rag. 19 . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉANT Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne | Histoire moderne Part of Speech=s.m. GÉANT GÉANT, s. m. ( Hist. anc. & mod. ) homme d'une taille excessive, comparée avec la taille ordinaire des autres hommes. La question de l'existence des géants a été souvent agitée. D'un côté, pour la prouver, on allegue les témoignages de toute l'antiquité, laquelle fait mention de plusieurs hommes d'une taille demesurée qui ont paru en divers tems; l'Ecriture-sainte en parle aussi: les poëtes, les historiens profanes & les anciens voyageurs s'accordent à en dire des choses étonnantes. De plus, pour donner un poids décisif à cette opinion, on rapporte des découvertes de squelettes ou d'ossemens si monstrueux, qu'il a fallu que les hommes qui les ont animés ayent été de vrais colosses: enfin on le confirme par le récit des navigateurs. Cependant, d'un autre côté, lorsqu'on vient à examiner de près tous ces témoignages; à prendre dans leur signification la plus naturelle les paroles du texte sacré; à réduire les exagérations orientales ou poétiques à un sens raisonnable; à peser le mérite des auteurs; à ramener les voyageurs d'un certain ordre, aux choses qu'ils ont vûes eux-mêmes, ou apprises de témoins irréprochables, à considérer les prétendus ossemens de squelettes humains; à apprécier l'autorité des navigateurs dont il s'agit ici, & à suivre la sage analogie de la nature, presque toûjours uniforme dans ses productions, le probleme en question ne paroît plus si difficile à résoudre. Suivons pour nous éclairer, la maniere dont on le discute. On remarque d'abord au sujet du texte sacré, que les mots employés de nephilim & de gibborim , que les septante ont traduits par celui de gigantes , & nous par le mot géants , signifient proprement des hommes tombés dans des crimes affreux, & plus monstrueux par leurs desordres que par l'énormité de leur taille . C'est ainsi que ces termes hébreux ont été interprétés par Théodoret, S. Chrysostome, & après eux par nos plus savans modernes. On dit ensuite que le fondement sur lequel Josephe, & quelques peres de l'Eglise après lui, ont crû qu'il y avoit eu des géants , est manifestement faux, puisqu'ils supposent qu'ils étoient sortis du commerce des anges avec les filles des hommes; fable fondée sur un exemplaire de la version des septante & sur le livre d'Enoch, qui au lieu des enfans de Dieu, c'est-à-dire des descendans de Seth, qui avoient épousé les filles de Cain, ont rendu le mot hébreu par celui d' anges . On observe, en troisieme lieu, qu'il n'est pas question dans le Deutéronome ( ch. iij. v. 2. ) de la taille gigantesque d'Og, roi de Basan; il ne s'agit que de la longueur de son lit, qui étoit de neuf coudées; c'est-à-dire, suivant l'appréciation de quelques modernes, de treize piés & demi. Si présentement l'on considere que les Orientaux mettoient leur faste en vastes lits de parade, l'on trouvera que l'exemple le plus respectable qu'on allegue d'un géant , ne porte que sur la grandeur d'un lit qui servoit à sa magnificence. Pour ce qui regarde Goliath, on croit qu'il seroit très-permis de prendre les six coudées & une palme que l'auteur du premier livre des Rois lui donne, pour une expression qui ne désigne autre chose qu'une grande taille au-dessus de l'ordinaire; elle étoit telle dans Goliath, qu'il paroissoit avoir plus de six coudées: il sembloit grand comme une perche de six coudées & une palme. Notre foi n'est point intéressée dans le plus ou le moins d'exactitude du récit des faits qui ne la concernent point. Si l'on passe aux témoignages des auteurs profanes allégués en faveur de l'existence des géants , on pense qu'il n'est pas possible de s'y laisser surprendre, quand on se donnera la peine de faire la discussion du caractere de ces auteurs, & des faits qu'ils avancent. Dans cette critique, Hérodote, accusé en général d'erreur & même de mensonge par Strabon, en cent choses de sa connoissance, l'est en particulier par ce géographe & par Aulu-Gelle, au sujet de douze piés & un quart que cet historien donne au squelette d'Oreste qu'on avoit découvert je ne sais où. Plutarque doit être repris avec raison d'avoir copié de Gabinius, écrivain tenu pour suspect de son tems même, la fable de 60 coudées qu'il dit que Sertorius reconnut sur le cadavre du géant Antée, qu'il fit déterrer dans la ville de Tanger. Le passage dans lequel Pline semble attribuer au squelette d'Orion trouvé en Candie, xlvj. coudées, s'il est bien examiné, ne peut qu'être altéré par quelque copiste, qui aura placé au-devant du chiffre vj. celui de xl. car il n'est pas naturel que l'ordre d'une gradation, comme celle qu'il paroît qu'a voulu suivre cet auteur, en comptant depuis vij. jusqu'à jx. coudées, se trouve interrompu par le nombre de xlvj. placé au milieu de la gradation. La variation de Solin sur le même fait, ne lui donne pas plus de crédit qu'à Pline, dont on sait qu'il n'est que le copiste. Phlégon sera sifflé dans la relation de son géant Macrosyris, par le ridicule de cinq mille ans de vie qu'il lui donne dans l'épitaphe qu'il en rapporte. Apollonius, Antigonus, Caristius, & Philostrate le jeune, auteurs déjà décrédités par le faux merveilleux dont ils ont rempli leurs écrits, le deviennent bien davantage par leur fable d'un géant de cent coudées. Quantité d'autres narrations de ce caractere se trouvent détruites par les seules circonstances dont les auteurs les ont accompagnées. Plusieurs nous disent que d'abord qu'on s'est approché des cadavres de ces géants , ils sont tombés en poussiere; & ils le devoient, pour prévenir la curiosité de ceux qui auroient voulu s'en éclaircir. Où y a-t-il plus de contradictions & d'anachronismes que dans la prétendue découverte du corps de Pallas, fils d'Evandre? la langue dans laquelle est faite son épitaphe, son style, cette lampe qui ne s'éteignit, après 2300 ans de clarté, que par l'accident d'un petit trou, & autres puérilités de ce genre, ne sont qu'une preuve de la simplicité de Fostat, évêque d'Avila, qui a pris pour vrai un conte de la chronique du moine Hélinand, forgé dans un siecle d'ignorance. Les corps des Cyclopes qui ont été trouvés dans différentes cavernes, avoient, selon Fazel, 20 ou 30 coudées de hauteur; & le P. Kircher, qui a vû & mesuré toutes ces cavernes, ne donne à la plus grande de toutes que 15 à 20 palmes. Pour ce qui regarde les découvertes de dents, de côtes, de vertebres, de fémur, d'omoplates, qu'on donne, attendu leur grandeur & leur grosseur, pour des os de géants , que tant de villes conservent encore, & montrent comme tels, les Physiciens ont prouvé que c'étoient des os, des dents, des côtes, des vertebres, des fémurs, des omoplates d'éléphans, de vraies parties de squelettes d'animaux terrestres, ou de veaux marins, de baleines, & d'autres animaux cétacés, enterrés par hasard, par accident, en différens lieux de la terre; ou quelquefois d'autres productions de la nature, qui se joue souvent en de pareilles ressemblances. Ces os, par exemple, qu'on montroit à Paris en 1613, & qui furent ensuite promenés en Flandres & en Angleterre, comme s'ils eussent été de Teutobochus dont parle l'histoire romaine, se trouverent des os d'éléphans. On envoya en 1630 à MM. de Peyresc une grosse dent qu'on lui donna pour être celle d'un géant; il en prit l'empreinte sur de la cire; & quand on vint à la comparer à celle d'un éléphant qui fut déterré dans le même tems à Tunis, elles se trouverent de la même grandeur, figure, & proportion. La fourberie n'est pas nouvelle: Suétone remarque dans la vie d'Auguste, que dès ce tems-là, l'on avoit imaginé de faire passer de grands ossemens d'animaux terrestres pour des os de géans ou des reliques de héros. Tout concouroit à tromper le peuple à ces deux égards. Quoique Séneque parle des géans comme d'êtres imaginaires, son discours prouve que le peuple en admettoit l'existence. La coûtume de anciens de représenter leurs héros beaucoup plus grands que nature, avoit nécessairement le pouvoir sur l'imagination. de la porter à admettre dans certains hommes au-dessus du vulgaire, une taille demesurée. Les statues de nos rois ne nous en imposent-elles pas encore tous les jours à cet égard? il est vraissemblable que parmi ceux qui considéreront dans quatre ou cinq cents ans la figure de bronze qui représente Henri IV, sur le pont-neuf, si cette statue subsiste encore, la plus grande partie se persuaderont que ce monarque immortel par ses exploits & ses rares qualités, étoit un des hommes de la plus haute taille. Cependant quelques modernes assez philosophes pour connoître les sources de nos illusions, assez versés dans la critique pour démêler la vérité du mensonge, assez sages pour ne donner aucune confiance ni aux prétendus ossemens humains ni à toutes les relations de l'antiquité sur l'existence des géans , ne laissent pas que d'être ébranlés par les récits de plusieurs navigateurs, qui rapportent qu'à l'extrémité du Chily vers les terres Magellaniques, il se trouve une race d'hommes dont la taille est gigantesque, ce sont les Patagous. M. Frezier dit avoir appris de quelques espagnols, qui prétendoient avoir vû quelques-uns de ces hommes, qu'ils avoient quatre varres de hauteur, c'est-à-dire neuf à dix piés. Mais on a très-bien observé que M. Frezier ne dit pas avoir vû lui-même quelques-uns de ces géans; & comme les relations vagues des Portugais, des Espagnols, & des premiers navigateurs hollandois, ne sont point confirmées par des voyageurs éclairés de ce siecle; que de plus elles sont remplies d'exagérations ou de faussetés en tant d'autres choses, on ne sauroit trop s'en défier. Enfin il est contre toute vraissemblance, comme le remarque l'auteur de l' histoire naturelle , « qu'il existe dans le monde une race d'hommes composée de géans , sur-tout lorsqu'on leur supposera dix piés de hauteur; car le volume du corps d'un tel homme seroit huit fois plus considérable que celui d'un homme ordinaire. Il semble que la hauteur ordinaire des hommes étant de cinq piés, les limites ne s'étendent guere qu'à un pié au-dessus & au-dessous; un homme de six piés est en effet un homme très-grand, & un homme de quatre piés est très petit: les géans & les nains qui sont au-dessus & au-dessous de ces termes de grandeur, doivent donc être regardés comme des variétés très-rares, individuelles & accidentelles ». L'expérience nous apprend que lorsqu'il se rencontre quelquefois parmi nous des géans , c'est-à-dire des hommes qui ayent sept à huit piés, il, sont d'ordinaire mal conformés, malades, & inhabiles aux fonctions les plus communes. Après tout, si ces géans des terres Magellaniques existent, ce que le tems seul peut apprendre, « ils sont du-moins en fort petit nombre; car les habitans des terres du détroit & des îles voisines sont des sauvages d'une taille médiocre ». On lit dans les journaux que le P. Joseph Tarrubia, espagnol, a fait imprimer tout récemment (1756) une giganthologie, dans lequel ouvrage il prétend réfuter le chevalier Hans-Sloane, & prouver l'existence des géans sur des monumens d'antiquité indienne: mais en attendant que quelqu'un se donne la peine d'examiner la valeur de pareils monumens, qui selon toute apparence ne seront pas plus authentiques que tant d'autres en ce genre; le lecteur curieux d'une bonne giganthologie physique, fera bien d'étudier celle du même chevalier Hans-Sloane, qui n'a pas plû au bon pere espagnol; elle est insérée dans les Transact. philosoph. n°. 404; & par extrait, dans le suppl. du dict. de Chambers . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Géans Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA Géans Géans , ( Mytholog. ) enfans de la Terre qui firent la guerre aux dieux: Hésiode fait naître ces géans du sang qui sortit de la plaie d'Uranus; Apollodore, Ovide, & les autres poëtes les font fils de la terre, qui dans sa colere les vomit de son sein pour faire la guerre aux dieux exterminateurs des Titans. Ces géans , disent-ils, étoient d'une taille monstrueuse & d'une force proportionnée à cette prodigieuse hauteur; ils avoient cent mains chacun, & des serpens au lieu de jambes. Résolus de déthroner Jupiter, ils entreprirent de l'assiéger jusque sur son throne, & entasserent pour y réussir le mont Ossa sur le Pélion, & l'Olympe sur le mont Ossa, d'où ils essayerent d'escalader le ciel, jettant sans cesse contre les dieux de grands quartiers de pierre, dont les unes qui tomboient dans la mer, devenoient des îles, & celles qui retomboient sur la terre faisoient des montagnes. Jupiter effrayé lui même à la vûe de si redoutables ennemis, appella les dieux à sa défense; mais il en fut assez mal secondé; car ils s'enfuirent tous en Egypte, où la peur les fit cacher sous la figure de différentes especes d'animaux. Un ancien oracle avoit prononcé que les géans seroient invincibles, & qu'aucun des dieux ne pourroit leur ôter la vie, à-moins qu'ils n'appellassent quelque mortel à leur secours. Jupiter ayant défendu à l'Aurore, à la Lune & au Soleil d'annoncer ses desseins, devança la Terre qui cherchoit à soûtenir ses enfans, & par l'avis de Pallas fit venir Hercule pour combattre avec lui; à l'aide de ce héros, il extermina les géans Encélade, Polybetès, Alcyonée, Porphyrion, les deux Aloides, Ephialte, Othus, Eurytus, Clytius, Tithyus, Pallas, Hippolitus, Agrius, Thaon, & le redoutable Typhon, qui seul, dit Homere, donna plus de peine aux dieux que tous les autres géans ensemble. Jupiter après les avoir défaits, les précipita jusqu'au fond du Tartare, ou, suivant d'autres poëtes, il les enterra vivans, soit sous le mont Ethna, soit en différens pays; Encélade fut enseveli sous la Sicile, Polybetès sous l'île de Lango, Othus sous l'île de Candie, & Typhon sous l'île d'lschia. Ces prétendus géans de la fable n'étoient, suivant plusieurs de nos Mythologistes, que des brigands de Thessalie qui vinrent attaquer Jupiter sur le mont Olympe où ce prince avoit fait bâtir une forte citadelle: ce mont Olympe, ajoûtent-ils, a été pris par les plus anciens poëtes pour le Ciel, & parce que les monts Ossa & Pélyon, qui sont peu éloignés de l'Olympe, servoient de retraite à ces bandits qui s'y étoient fortifiés, & qui de-là tenoient en respect la garnison de l'Olympe, on imagina de leur faire entasser montagnes sur montagnes, pour atteindre jusqu'au ciel. Mais quoique cette explication soit généralement adoptée, je croirois plûtôt que toute la fable des géans n'est qu'une tradition defigurée de l'histoire de Typhon & d'Osiris. On sait qu'il y avoit en Egypte des monumens plus anciens que les fables des Grecs, des villes fondées & un culte établi en l'honneur des mêmes animaux dont leurs poetes nous disent que les dieux prirent la figure, en se retirant de frayeur dans ce pays là. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Géans, (ossemens de) Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA Géans Géans , ( ossemens de ) Hist. nat. nat. Voyez Ossemens fossiles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Géans, (pavé des) Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Lithologie Part of Speech=NA Géans Géans , ( pavé des ) Hist. nat. Lythol. en anglois Giant's causeway. Voyez Pavé . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEARON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉARON GÉARON, ( Géog. ) ville de Perse au Tarsistan, entre Schiras & Bander-Congo, dans un terrein qui produit les meilleures dattes de toute la Perse. Long. 72. 32. latit. 28. 25. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEASTER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GEASTER GEASTER, s. m. ( Hist. nat. bot. ) genre de plante ronde, composée de deux écorces, dont la premiere est découpée jusqu'à la base en forme d'étoile à plusieurs rayons; l'autre n'est ouverte qu'au sommer par un orifice étoilé, rayonné, ou frangé: la substance du fruit adhere à la seconde écorce, & se trouve placée avec des semences & des filamens dans plusieurs cellules. Ajoûtez au caractere de ce genre, que dans le tems de la maturité la substance du fruit & les semences sortent au-dehors, comme dans le lycoperdon, par l'ouverture dont il a été fait mention. Nova plantar. americ. genera , &c. par M. Micheli. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEBHA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEBHA GEBHA, ( Géog. ) ancienne ville ruinée de Barbarie au royaume de Fez dans la province d'Errif, à huit lieues de Vélez du côté du levant. Il y a tout près de cette ville un cap que les anciens nommoient le cap des oliviers , à cause de la quantité d'oliviers sauvages qui y sont. Ptolomée donne à Gebha 9 d . de long. & 34 d . 56 y . de latit . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEDENG Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GEDENG * GEDENG, s. m. ( Commerce. ) mesure d'usage aux Indes, où l'on s'en sert à mesurer le poivre & autres denrées de la même nature: Savari dit qu'elle contient quatre livres pesant de poivre, la livre sur le pié de seize onces. Voyez le dict. de Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉDROSIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GÉDROSIE GÉDROSIE, ( Géog. anc. ) grande province d'Asie qui s'étendoit depuis la Carmanie jusqu'à l'Inde, & avançoit beaucoup vers le nord. Les peuples les plus remarquables de ce pays étoient les Arbites, les Orites, & les Ichtyophages, ou mangeurs de poisson: Arrien donne en étendue à cette province 450 milles de côtes. La Gédrosie est présentement le pays de Mekran, qui en renferme la plus grande partie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEELAEUM Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GEELAEUM GEELAEUM , ( Hist. nat. ) ce mot qui signifie huile de la terre , a été employé par quelques anciens auteurs, pour désigner la même chose que nous appellons pétrole. Voyez cet article . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉELMUYDEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉELMUYDEN GÉELMUYDEN, ( Géog. ) petite ville des Pays-Bas dans l'Overyssel, à l'embouchure du Wecht dans le Zuydersée, à une lieue de Kampen. Longit. 23 d . 28 1 . latit. 52 d . 37 1 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEGENBACH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉGENBACH GÉGENBACH, ( Géog. ) petite ville libre impériale d'Allemagne dans la Soüabe au Mordenaw, sous la protection de la maison d'Autriche; elle est sur le Kintsig, à six lieues S. de Strasbourg, dix N. E. de Fribourg. Lon. 25. 40. 58. latit. 48. 24. 50. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEHENNE Author=Diderot Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. GEHENNE * GEHENNE, s. f. ( Théolog. ) terme de l'Ecriture qui a fort exercé les critiques; il vient de l'hébreu gehinnon , c'est-à-dire la vallée de Hinnon: cette vallée étoit dans le voisinage de Jérusalem; & il y avoit un lieu appellé tophet , où des Juifs alloient sacrifier à Moloch leurs enfans qu'on faisoit passer par le feu. Pour jetter de l'horreur sur ce lieu & sur cette superstition, le roi Josias en fit un cloaque où l'on portoit les immondices de la ville & les cadavres auxquels on n'accordoit point de sepulture; & pour consumer l'amas de ces matieres infectes, on y entretenoit un feu continuel. Ainsi en rapportant au mot gehenne toutes ces idées, il signifieroit une caverne remplie de matieres viles & méprisables, consumées par un feu qui ne s'éteint point; & par une métaphore assez legere, on l'auroit employé à désigner le lieu où les damnés seront détenus. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉHON, (le-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie sacrée Part of Speech=NA GÉHON GÉHON, ( le-) Géog. sacrée , fleuve dont parle Moyse dans la description du paradis terrestre: « Le nom du second fleuve, dit-il, est Gehon; c'est celui qui tournoye dans la terre de Chus ». On sait combien l'explication des quatre fleuves de Moyse embarrasse les savans, & en particulier combien ils ont disputé sur le Géhon . Ce fleuve a passé chez les uns pour le Gange, chez les antres pour l'Oxus; on l'a pris pour l'Araxe ou pour le Nahar-Malea, canal fait à la main afin de joindre l'Euphrate au Tigre. Josephe, la plûpart des peres de l'Eglise, & une infinité d'interpretes, veulent que le Gehon soit le Nil; & M. Huet prétend que c'est le canal oriental du Tigre & de l'Euphrate: c'est ainsi que plusieurs critiques prévenus que le paradis terrestre étoit auprès du Tigre & de l'Euphrate, cherchent le Géhon dans un des bras de ces deux fleuves. M. Leclerc persuadé au contraire que le paradis terrestre étoit vers la source du Jourdain, croit que le Géhon est l'Oronte; & par la terre de Chus, que le Géhon arrosoit, il entend la Cassiotide. Le P. Hardoüin a un sentiment particulier; il donne un sens nouveau à ces paroles du texte latin: Et fluvius egrediebatur de loco voluptatis ad irrigandum paradisum, qui indè dividitur in quatuor capita; c'est-à-dire, selon le P. Hardoüin: « il sortoit de ce lieu de délices un fleuve pour arroser le paradis, qui delà se divise en quatre têtes ou sources ». Il trouve avec raison qu'il n'est pas commode de supposer sans nécessité que les quatre fleuves, savoir, le Phison, le Géhon , le Tigre, & l'Euphrate fussent autant de branches dérivées du fleuve qui sortoit du lieu de délices: il rapporte donc ces mots, se divise , non pas au fleuve duquel il ne s'agit plus, mais au paradis. C'est, ajoûte-t-il, comme si Moyse eût dit: « & de ce lieu de délices sortoit un fleuve pour arroser le paradis, dont la beauté ne subsiste plus entierement, mais dont on voit encore des restes autour des sources des quatre fleuves ». Si cette explication du P. Hardoüin ne satisfait pas tout le monde, du-moins faut-il convenir qu'elle est ingénieuse, & qu'elle a l'avantage de sauver les difficultés géographiques de toutes les autres interprétations. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEISLENGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEISLENGEN GEISLENGEN, ( Géog. ) ville impériale d'Allemagne dans la Soüabe, à 7 lieues nord-oüest d'Ulm. Long. 27. 37. latit. 48. 38. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉLA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GÉLA GÉLA, ( Géog. anc. ) petite ville de Sicile qui prenoit son nom de la riviere Géla qui l'arrosoit: Virgile le dit, immanisque Géla fluvii cognomine dicta . Le nom moderne de cette riviere est fiume di Terra-Nova; & la ville ou bourg s'appelle Terra-Nova . Il falloit que ce fût une grande ville du tems de Virgile, puisqu'il la nomme immanis . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELALÉEN, (Calendrier) Author=unknown Normalized Classification=Chronologie Part of Speech=NA GELALÉEN GELALÉEN, ( Calendrier ) Chronolog. Voyez Calendrier & An . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELÉE Author=Ratte Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. GELÉE GELÉE, s. f. ( Physique. ) froid par lequel l'eau & les liquides aqueux se gelent naturellement, se convertissent d'eaux-mêmes en glace dans un certain canton, dans toute une région déterminée. La gelée est opposée au dégel . qui est proprement ce relâchement du grand froid, cet adoucissement qui rend à l'eau sa liquidité, & qui détrempe la terre en fondant les glaces & les neiges dans tout un pays. Voy. Froid , Glace , Congelation , & Dégel . L'eau & les liquides aqueux sont les seuls fluides dont on ait dû faire mention dans les deux définitions précedentes: ce n'est pas que d'autres liqueurs, l'huile d'olive, par exemple, ne gelent plus facilement & plus promptement que l'eau, & à de moindres degrés de froid: mais tant que la froideur de l'air n'opere que la congelation des huiles grasses, & que l'eau se maintient dans sa liquidité ordinaire, l'usage autorise à dire qu'il ne gele point. La gelée n'arrive dans un pays, que quand l'eau & les liqueurs aqueuses qui ne sont pas trop agitées, se glacent d'elles-mêmes à l'air libre; c'est-là le premier & le moindre degré de la gelée . On verra ailleurs ( artic. Glace ), comment la grande agitation d'un liquide peut mettre obstacle à sa congelation. Si le froid augmente, la gelée sera plus forte; des fluides dont la liquidité résiste au degré de froid qui fait geler l'eau, se convertiront en glace; il gelera dans l'intérieur des maisons & jusque dans les chambres les plus exactement fermées; les rivieres les plus rapides obéissant à l'impression du froid, se glaceront en partie, ou même entierement jusqu'à une certaine profondeur: tout ceci est facile à concevoir. Ce qu'il est important de bien remarquer, c'est ce qu'on a dit du caractere essentiel & distinctif de la gelée , laquelle a toûjours lieu quand l'eau ou tranquille ou peu agitée se glace d'elle-même à l'air libre dans tout un pays. Nous connoissons divers agens capables d'opérer dans une certaine étendue de pays la congelation naturelle de l'eau: on peut consulter sur ce sujet les articles Froid , Glace, & Congelation . La gelée ayant un rapport marqué à la température de l'air & à la constitution de l'atmosphere, c'est principalement sous ce rapport que nous devons d'abord la considérer dans cet article. Il se présente une question que l'observation seule pourra résoudre: on demande si dans tous les pays du monde l'eau se gele constamment par le même degré de froid; ou si le climat, dont l'influence est si sensible sur une infinité de phénomenes, met ici de la diversité. Plusieurs physiciens célebres parmi lesquels on compte le savant M. Musschenbroek, ont adopté ce dernier sentiment; ils pensent que dans les pays méridionaux, en Italie, par exemple, il gele assez constamment à un degré de froid fort inférieur à celui qui en France, en Allemagne, en Angleterre, &c. est nécessaire pour ôter à l'eau sa liquidité. Les preuves de cette assertion se réduisent à quelques observations faites à Naples par M. Cyrillo, professeur en Medecine, & rapportées dans les Transactions philosophiq. n°. 430. mais, comme l'a fait voir M. de Mairan, ces observations ne sont rien moins que décisives; elles sont même démenties par des observations postérieures, dont nous sommes redevables à M. Taitbout, ci-devant consul de la nation françoise à Naples, par lesquelles il paroît que la glace ne se forme dans cette ville que quand le thermometre est au degré qui indique à Paris & ailleurs le commencement de la gelée . Une infinité d'observations pareilles faites dans d'autres villes de l'Europe, s'accordent toutes à donner la même conclusion. On peut donc assûrer que l'eau se gele par-tout au même degré de froid, & qu'elle ne se convertit naturellement en glace, que quand la température de l'air ou du milieu quelconque qui l'environne, est parvenue à ce degré. Ceux qui ont crû voir le contraire ont été certainement trompés par quelque circonstance particuliere qui leur a échappé. M. de Mairan, dissertation sur la glace, II. part. 2. sect. ch. vj. & vij. Le degré de froid nécessaire pour la formation naturelle de la glace, est celui auquel s'arrête la liqueur d'un thermometre, dont on a plongé la boule dans de l'eau qui commence à se geler, ou ce qui revient au même, dans de la glace ou de la neige prête à se fondre. C'est le degré marqué zéro sur le thermometre de M. de Reaumur; 32, sur celui de Fahrenheit, &c. Il ne gele point avant que la liqueur du thermometre soit descendue à ce degré. Lorsqu'elle y est parvenue, si la froideur de l'air se soûtient ou qu'elle augmente pendant quelque tems, la glace paroît, à-moins que des circonstances particulieres ou certains accidens, dont nous ferons mention ailleurs, n'empêchent sa formation. Remarquons que la glace ne fond pas toûjours, lorsque la température de l'air fait remonter le thermometre de quelques degrés au-dessus du terme ordinaire de la congelation; ce qui s'accorde avec d'autres expériences qui prouvent que la glace est communément beaucoup plus de tems à se fondre, qu'elle n'en a employé à se former. Voyez ci-après Glace . La gelée dépendant principalement de la froideur de l'air, il est évident que, toutes choses d'ailleurs égales, la gelée sera d'autant plus forte, que le froid sera plus vif. Dans notre hémisphere boréal le froid se fait sentir d'ordinaire par les vents de nord; communément aussi ces mêmes vents nous donnent les gelées . On imagine aisément que les vents de sud doivent produire un semblable effet dans l'hémisphere opposé. Le vent de nord est sec, & nous lui devons le plus souvent le beau tems; c'est la raison pour laquelle, généralement parlant, il gele plus souvent quand l'air est sec & assez serein, que dans des tems humides & couverts. Les gelées qui arrivent dans des tems sereins, sont connues sous le nom de belles gelées . Lorsqu'il gele très-fortement, le soleil paroît un peu pâle, & la sérénité de l'air n'est pas si grande que dans certains jours d'hyver, où l'on n'a que des gelées médiocres. C'est que d'une part l'évaporation des liquides est considérable dans les grandes gelées , & que de l'autre les vapeurs qui s'élevent alors, ne peuvent arriver dans l'atmosphere à une médiocre hauteur, sans y rencontrer un froid qui les force de se réunir, sinon en nuages épais, du moins en petites masses assez sensibles, pour diminuer la transparence de l'air qui ne transmet dans ces circonstances que des rayons foibles & languissans. Ceci fait comprendre pourquoi les belles gelées sont moins fréquentes dans le voisinage des lacs & des grandes rivieres, le froid & la glace y étant assez souvent accompagnés de brouillards. Les grands vents, tant par l'agitation qu'ils communiquent aux liquides exposés à leur action, que parce qu'ils diminuent toûjours un peu l'intensité du froid, sont un obstacle à la formation de la glace. Ainsi, quoique le vent de nord nous amene d'ordinaire la gelée , ce n'est point à beaucoup près lorsqu'il souffle avec le plus de violence, qu'il gele le plus fortement. L'air dans les fortes gelées est tranquille ou médiocrement agité. Nous ferons voir en parlant de la glace, qu'un petit vent sec accélere toûjours la congelation. Le vent de nord & la sérénité de l'air étant souvent réunis avec le froid & la gelée , l'air dans ces circonstances est plus dense, plus pesant; il soûtient le mercure dans le barometre à d'assez grandes hauteurs: on peut même regarder le dégel comme très prochain, quand on voit le mercure baisser considérablement & promptement après quelques jours de gelée; cet abaissement étant causé par le vent de sud, qui en hyver nous donne communément le tems doux. Nous avons dit que l'évaporation des liquides étoit considérable pendant les gelées; elle l'est même d'autant plus, qu'il gele plus fortement. Voyez sur ce sujet les articles Evaporation & Glace . La sécheresse qui accompagne les fortes gelées , rend certains jours d'hyver très-favorables aux expériences de l'électricité. Voyez Electricité . Les effets de la gelée sur les végétaux méritent une attention particuliere. On connoît une infinité de plantes que li moindre gelée fait périr: ce sont celles qui, ne croissant naturellement que dans les pays chauds, ne sauroient résister à un degré de froid qui approche beaucoup du terme de la glace. En se bornant aux plantes de nos climats, plus robustes & plus vigoureuses, on ne peut nier que les fortes gelées ne leur soient nuisibles par le grand froid qui les accompagne. De plus, quand l'humidité de la terre est congelée à une certaine profondeur, quantité de plantes sont privées d'une partie des sucs nécessaires à leur entretien. On les voit alors languir; & ce n'est qu'au dégel qu'elles reprennent leur premiere vigueur. Il en est qui périssent entierement; d'autres perdent leurs parties les plus délicates, telles que les boutons de fleurs, les fruits naissans, &c. Celles qui ont dans leurs racines une ample provision de seve, résistent beaucoup mieux à la gelée & au froid. Jamais une forte gelée ne produit de plus funestes effets sur les plantes & sur les arbres, que quand elle succede tout-à-coup à un dégel, à de longues pluies, à une fonte de neiges; car dans ces circonstances toutes les parties des végétaux se trouvent imbibées de beaucoup d'eau, qui, venant à se glacer dans les petits tuyaux où elle s'étoit glissée, écarte les fibres & toutes les parties organiques des arbres même, dont le bois est le plus dur, y cause une violente distension & les rompt. C'est la raison pour laquelle la plûpart des oliviers, & beaucoup d'autres arbres, périrent en Languedoc & en Provence dans le rigoureux hyver de 1709. Les arbres les plus forts & les plus vieux moururent en plus grande quantité, parce que leurs fibres moins flexibles se prêtoient moins à l'effort que faisoit l'eau gelée en se dilatant. Ce phénomene a donc pour cause la dilatasion & la force expansive de la glace dont nous parlerons ailleurs; & il est parfaitement semblable à celui de la rupture des vaisseaux, causée par la congelation de l'eau qui y étoit contenue. Voyez ci-après Glace . Tout le monde sait que les fruits se gelent & se durcissent pendant les hyvers qui sont un peu rudes. Dans cet état ils perdent ordinairement tout leur goût; & lorsque le dégel arrive, on les voit le plus souvent tomber en pourriture. Les parties aqueuses que les fruits contiennent en grande quantite, étant changées en autant de petits glaçons, dont le volume augmente, brisent & crevent les petits vaisseaux qui les renferment, ce qui détruit l'organisation. On observe quelque chose de semblable sur les animaux mêmes qui habitent les pays froids. Il n'est pas rare d'y voir des gens qui ont perdu le nez ou les oreilles, pour avoir été exposés à une forte gelée . Ces accidens nè sent pas sans exemple dans les climats tempérés. Quand un membre a été gelé, on ne peut espérer de le sauver, qu'en le faisant dégeler fort lentement, en le tenant, par exemple, quelque tems dans la neige, avant que de l'exposer a un air plus doux. On previent de la même maniere la perte d'un fruit gelé. Voyez sur ce sujet l'article Glace . La lenteur du dégel est absolument necessaire. Une fonte trop brusque, qui ne laisseroit pas aux parties d'un corps gelé le tems de reprendre l'ordre qu'elles ont perdu, détruiroit dans ce corps l'organisation qu'on y veut conserver. Il suit de là que les fruits qui se sont gelés sur les arbres, sont perdus sans ressource, s'il survient un dégel trop considérable & trop prompt. Un pareil degel n'est guere moins nuisible qu'une forte gelee , qui succede tout à coup à une très-grande humidité. Tous les pays ne ressentent point les funestes effets de la gelee . On sait qu'il ne gele jamais sous la zone torride, m aux extrémites des zones tempérées voisines des tropiques; au contraire il gele dans les zones glaciales pendant presque toute l'année. Les zones tempérées ont des vicissitudes de gelee , & de dégels, qui, paroissant au premier coup-d'oeil n'avoir rien de régle, sont pourtant moins irrégulieres qu'on ne pense. Dans la Nature, dit à ce sujet M. de Mairan, tout tend à une espece d'équilibre & d'uniformité, & on ne peut douter que l'inconstance même n'y ait ses lois. Dans le milieu des zones tempérées on a des hyvers sans glace, mais qui, en comparaison des hyvers ou il gele, sont en petit nombre. On y voit des printems & des automnes où la gelée se fait sentir vivement; il y gele très-rarement en été. Les plus fortes gelees arrivent, comme le plus grand froid, environ un mois après le solstice d'hyver. Quand on distingue les pays où il gele de ceux où il ne gele point, on a simplement égard à ce qui a lieu sur la surface de notre globe; car en s'éloignant de cette superficie, on rencontre dans tous les pays du monde, & sous l'équateur même, un froid suffisant pour glacer l'eau: on arrive même à une hauteur, au-delà de laquelle, jusqu'à une distance qui nous est inconnue, il ne degelle jamais. Il est évident que cette hauteur est moindre dans les pays septentrionaux, & plus froids par leur situation. Peut-être est-elle nulle sous les poles, qui dans ce cas seroient couverts d'une croute de glace qui ne se fondroit jamais. M. Bouguer, relation du Perou . Le froid qui devient toûjours plus vif, à-mesure qu'on s'éleve à une plus grande hauteur dans l'atmosphere, n'augmente pas de même quand on pénetre dans l'interieur de la terre, la chaleur étant constamment assez considérable à soixante-dix piés de profondeur. De-là vient que la congelation ne gagne point dans les terres aussi avant qu'on pourroit se l'imaginer. En France, en Allemagne, & dans les pays situés au milieu de l'Europe, la glace ne pénetre guere dans les grandes gelées au-delà de deux piés de profondeur; elle va en Moscovie à six & à dix piés. M. de Mairan, dissertation sur la glace; M. Musschenbroek, essais de Physique; leçons de Physique de M. l'abbé de Nollet, tome IV. &c. Cet article est de M. de Ratte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gelée blanche Author=Ratte Normalized Classification=Physique Part of Speech=NA Gelée blanche Gelée blanche , ( Physique. ) c'est le nom que l'on donne à une multitude de petits glaçons fort menus qu'on apperçoit le matin vers la fin de l'autonne, en certains jours d'hyver, quelquefois même dans le printems, sur le gazon, sur les toîts des bâtimens, &c. où ils forment une couche, dont la blancheur égale presque celle de la neige. La gelée blanche , lorsqu'elle paroît, tient la place de l'humidité, dont la rosée mouille en d'autres tems la plûpart des corps terrestres. Il faut plus de froid pour la production de la gelée blanche , que pour humecter la terre de rosée. A cela près, la disposition de l'atmosphere est absolument la même dans l'un & l'autre cas. La gelée blanche n'est donc qu'une rosée congelée. Voyez Rosée . Toutes les especes de rosée peuvent se réduire à deux, dont l'une tombe de l'air, & l'autre s'eleve de la terre. Chacune de ces deux especes peut être changée en gelee blanche . Les particules d'eau qui composent l'une & l'autre rosée, sont invisibles dans l'atmosphere; ou, si elles s'y rendent sensibles, c'est seulement sous la forme d'un brouillard peu épais: en un mot elles sont dans l'air en forme de vapeurs. Elles ne se réunissent en gouttes sensibles que sur la surface des corps, qui attirent avec une certaine force l'humidité de l'air. Or l'eau réduite en vapeurs, soit visibles, soit invisibles, ne se gele point tant qu'elle est dans cet état. C'est une vérité constante par toutes les observations, & qui doit passer pour un principe d'experience. L'eau, quand elle se convertit en neige ou en grêle, n'est plus en état de vapeurs. Voyez Neige & Grêle . Il suit évidemment de-là que la rosée ne se gele point dans l'air, mais sur la surface de la terre, & de la plupart des corps terrestres, lorsqu'elle y rencontre un froid suffisant pour la glacer. Une autre preuve que la rosée ne se gele point dans l'air, c'est que la gelée blanche adhere sensiblement à la surface des corps sur lesquels on l'apperçoit le matin. Or la glace n'adhere d'une maniere sensible aux autres corps solides, que quand l'eau dont elle est formée s'est glacée sur ces corps mêmes, qu'elle mouilloit auparavant. La neige & la grele n'adherent point aux corps sur lesquels elles tombent, lorsque ces corps sont bien secs, & qu'elles ne s'y fondent point pour geler de nouveau. De Chales, cursus mathemat. tome IV. de meteoris . Ce que nous venons de dire, que la rosee se convertit en gelée blanche sur la surface des corps terrestres, & non dans l'air, est reconnu de tous les Physiciens. On a donc de la gelee blanche toutes les fois que les petites gouttes d'eau, dont la rosee couvre les corps solides par lesquels elle est attirée, trouvent sur la surface de ces corps un froid assez considérable pour ôter à ces gouttelettes leur liquidité, & les changer en autant de petits glaçons. Celles de ces differentes gouttes qui se sont formées les premieres, sont aussi les premieres à se geler. A celles-ci il en succede d'autres qui se glacent de même, & ainsi de suite. Toutes ces particules d'eau très-deliées, & qui, comme nous venons de le dire, se sont glacées separement, s'unissent en un corps rare & leger. L'arrangement qu'elles prennent est sujet à plusieurs variétés, au-travers desquelles il est facile d'appercevoir quelque chose de constant. La gelée blanche est toûjours composée de plusieurs filets oblongs, diversement inclinés les uns par rapport aux autres, ce qu'on observe dans toutes les autres congelations. Chacun des petits glaçons qui composent la gelée blanche , étant vû séparément au microscope, est transparent; cependant la gelée blanche considérée en total ne l'est point; les intervalles très-peu réguliers que laissent entr'eux les petits glaçons qui se touchent par un petit nombre de points, donnent lieu à une forte réflexion de la lumiere: de-là l'opacité & la blancheur. C'est ainsi que le verre est blanc, quand il est pulvérisé. La blancheur de la neige dépend de la même cause. Voyez Neige . Vers la fin de l'autonne l'atmosphere se refroidit; bien-tôt ce refroidissement se communique à la terre, qui par-là acquiert la froideur nécessaire pour la formation de la gelée blanche . Pendant l'hyver la terre est souvent froide au terme de la glace, & au-dessous; lorsque le tems s'adoucit après quelques jours de gelée , la froideur de l'air surpasse pendant quelque tems celle de l'atmosphere, parce que les corps plus denses s'échauffent plus difficilement. Dans ces circonstances, si l'air est chargé de particules d'eau, on aura de la gelée blanche . La gelée blanche doit être mise, comme la rosée, au nombre des météores aqueux. Voyez Météore . Les corps que la rosée ne mouille point, ne se couvrent point de gelée blanche; ainsi on n'en voit jamais sur les métaux polis; au contraire elle est fort abondante sur le verre & la porcelaine, sur les plantes, & sur tous les autres corps qui attirent puissamment l'humidité de l'air. Voyez dans le recueil de l'académie des Sciences, année 1751. un excellent mémoire de M. le Roy docteur en Medecine, sur la suspension de l'eau dans l'air & sur la rosée. L'article Evaporation est du même auteur . Dès que le soleil commence à faire sentir sa chaleur, la gelée blanche ne manque pas de se fondre & de se dissiper. Lorsqu'elle est fondue, elle se dissipe en deux manieres; ou elle entre dans les terres arides & dans les corps poreux, qui ont de la disposition à l'absorber; ou, ce qui est plus ordinaire, elle se réduit en vapeurs & s'éleve dans l'air. La gelée blanche participe aux qualités souvent nuisibles de la rosée qui a servi à la former. De plus, par le froid qui l'accompagne, elle nuit à plusieurs plantes, sur-tout dans le printems, où les parties de la fructification qui alors commencent à paroître dans la plûpart des végétaux, sont fort tendres & fort délicates. Dans la même saison un soleil vif & ardent succede tout-à-coup à la grande froideur du matin; & ce contraste, toutes proportions gardées, n'est pas moins nuisible que celui que forme en hyver un dégel considérable & prompt après une forte gelée. Voyez ci-devant Gelée . La gelée blanche ne differe pas essentiellement de ce qu'on appelle givre ou frimat . Voyez ci-après Givre . De Chales, Musschenbroek, Hamberger, Gersten , &c. Article de M. de Ratte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gelée Author=unknown Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Gelée Gelée , ( Medecine. ) les effets de la gelée sur le corps humain ont été expliqués en traitant de ceux du froid dans l'économie animale. Voyez Froid . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gelée Author=Jaucourt Normalized Classification=Pharmacie | Art culinaire | Confiturier Part of Speech=NA Gelée Gelée , ( Pharm. Art culin. Art du Confitur. ) suc de substances animales ou végétales qu'on réduit par l'art, en consistance d'une colle claire & transparente. Les gelées de substances animales sont de fortes décoctions de cornes, d'os, de piés d'animaux, bouillies dans de l'eau, au point d'acquérir étant froides, une consistance ferme & gélatineuse. Les gelées de végétaux sont des décoctions de fruits mûrs cuits avec du sucre, jusqu'à consistance convenable. Les gelées de pain sont des décoctions de la croute de pain, ou du biscuit de mer qu'on fait bouillir dans de l'eau à petit feu, jusqu'à ce que la décoction ait acquise la forme d'une gelée refroidie. La maniere de tirer des gelées de substances anima les appartient à l'art culinaire; celle des fruits est du ressort du confiseur; mais le medecin sait profiter des unes & des autres pour la guérison des maladies. La gelée de substances animales se tire ordinairement des extrémités des parties d'animaux, de volaille, & autres viandes qu'on juge convenables. On fait cuire ces viandes dans une certaine quantité d'eau proportionnée; quand les viandes sont presque défaites, on les exprime, on en coule le bouillon par l'étamine ou un linge fort dans une casserolle; on dégraisse ce bouillon soigneusement avec des ailes de plume; on y ajoûte quelquefois du sucre, un peu de canelle, de cloux de girofle, de l'écorce de citron, ou tel autre ingrédient approprié; on fait un peu recuire le tout ensemble; ensuite on le clarifie avec des blancs d'oeufs; on y joint pour l'agrément du jus de citron; on passe le tout par la chausse; on le porte dans un lieu froid où il se fige. On fait aussi de la gelée d'os qu'on amollit avec la machine industrieuse de Papin. Voyez ce que c'est que cette machine au mot Digesteur . L'art de la cuisine s'étend encore à masquer la couleur naturelle des gelées animales: on les blanchit avec les amandes pilées & passées à l'ordinaire; on les jaunit avec des jaunes d'oeufs; on les rougit avec du suc de beterave; on les verdit avec du jus de poirée, qu'on fait cuire dans un plat pour en ôter la crudité, &c. La gelée qu'on fait avec des piés de veau, de la volaille, des amandes douces blanchies, de la farine de ris, du sucre, & quelques gouttes d'eau de fleur d'orange, est ce qu'on nomme blanc-manger , nourriture avantageuse dans les cas où l'on se propose de tempérer l'âcreté des humeurs. Voyez Blanc-manger . On se conduit de la même maniere pour le blanc-manger de corne de cerf, & pour la gelée simple de corne de cerf qu'on employe fréquemment en Medecine. Voyez Corne de cerf . La gelée de poisson se tire de divers poissons qu'on vuide, qu'on dégraisse, qu'on fait bouillir, & dont on passe le bouillon par une étamine, après quoi on le met dans un pot pour l'usage; mais on n'employe guere en Medecine que la gelée de viperes, & c'est peut-être encore assez mal-à-propos. Toutes les gelées de substances animales sont alkalescentes, mais moins lorsqu'on les assaisonne de jus de limon & de sucre. Elles ne conviennent en qualité de remede, que quand l'acidité domine dans les premieres voies. Il faut toûjours les avoir fraichement faites & nouvelles, parce qu'elles se gâtent promptement: en général elles sont plus alimenteuses & restaurantes, que médicamenteuses. On faison autrefois entrer dans ces gelées des drogues medicinales en forme de poudres ou d'extraits, & on les appelloit gelées composées; mais ces sortes de gelées ridicules ne sont plus d'usage aujourd'hui; on n'a conservé que la seule gelée d'avoine simplifiée. Voyez Gelée d'avoine . Passons aux gelées de fruits dont la consommation est immense dans toute l'Europe. On fait généralement de la gelée de fruits de la maniere suivante. On prend tels sortes de fruits qu'on veut; on coupe les uns par morceaux, on presse les autres, on en ôte les grains, on les fait cuire dans de l'eau plus ou moins à-proportion de la dureté des fruits. Quand ils sout cuits, on les passe dans des linges; on ôte en les passant le plus de décoction qu'il est possible; on met cette décoction dans un poëlon ou dans une bassine à confiture avec une livre de sucre, plus ou moins, sur chaque pinte d'eau. On fait cuire le tout ensemble jusqu'à ce que la gelée soit bien formée; ce qu'on connoit facilement, si en prenant de cette gelee dans une cuilliere, & la versant dans la bassine ou sur une assiette, elle tombe par floccons, & non pas en coulant ou en filant. C'est ainsi qu'on fait les gelées d'abricots, de cerises, de coins, d'epine-vinette, de framboises, de grenades, de groseilles, de poires, de pommes, de verjus. Il faut seulement observer que les gelées rouges & vertes doivent cuire à petit feu, & être couvertes pendant qu'elles cuisent; au lieu que les gelées blanches se cuisent à grand feu & découvertes. Il faut aussi plus de sucre à certains fruits qu'à d'autres; enfin le confiseur a son art de manipulation qu'on ne sauroit décrire, & qui ne s'apprend que par le coup d'oeil & la pratique. Les gelées de fruits sont agréables, rafraîchissantes, savonneuses, acescentes, propres dans pluseurs maladies, & toûjours avantageuses dans l'alkalescence & la putridité des humeurs. On les dissout, on les bat dans de l'eau, on en use en boisson ou d'autre maniere. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gelée d'Avoine Author=Jaucourt Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=NA Gelée d'Avoine Gelée d'Avoine , ( Pharm. ) gelatina avenacea , preparation d'avoine recommandée par plusieurs medecins dans les maladies naissantes de consomption. On prend une grande quantité d'avoine mondée, par exemple une livre & demie, de la rapure de corne de cerf deux onces, de raisins de Corinthe trois onces, un bon jarret de veau coupé par morceaux, & dont les os ont été rompus. On fait bouillir le tour ensemble à petit feu dans un vaisseau bien fermé pendant un tems suffisant; on dégraisse ce bouillon s'il en est besoin; on le coule, & sur le champ il se convertit en gelée , dont on avale plusieurs sois par jour quelques cuillerées dissoutes, soit dans le bouillon leger des mêmes ingrédiens, soit dans du bouillon de limaçons, d'écrevisses, soit dans quelqu'autre véhicule convenable. On en continue long tems l'usage, & d'ordinaire avec succès. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELINOTTE, GELINOTTE DES BOIS Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GELINOTTE, GELINOTTE DES BOIS GELINOTTE, GELINOTTE DES BOIS, s. f. gallina corylorum, Attagen Gesneri , oiseau J lus gros que la perdrix, & presqu'aussi gros qu'une poule. Willughby a décrit une gelinotte mâle qui avoit quatorze pouces de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout de la queue, & vingt pouces d'envergure. Le bec en étoit noir, & avoit presqu'un pouce de longueur; la piece du dessus étoit un peu arquée; il y avoit au-dessus des yeux à l'endroit des sourcils une membrane dégarnie de plumes & rougeâtre; cette membrane étoit d'une couleur moins foncée dans la femelle; les jambes étoient nues jusqu'à environ la moitié de leur longueur. Les deux doigts extérieurs tenoient l'un à l'autre par une membrane jusqu'à la premiere jointure; ils avoient de chaque côté un feuillet dentelé; l'ongle du doigt du milieu étoit tranchant sur le côté intérieur; le ventre & la poitrine étoient blancs avec des taches noires sur le milieu des plumes de la poitrine; le jabot avoit une couleur rousse & la gorge une couleur noire environnée d'une bande blanche; la gorge de la femelle n'étoit pas noire; le mâle avoit une ligne blanche qui s'étendoit depuis les yeux jusqu'à l'occiput; la tête étoit d'une couleur cendrée mêlée d'une teinte de roux; le dos & le croupion avoient une couleur cendrée plus foncée comme sur les perdrix; la partie inférieure du jabot avoit des bandes transversales de couleur noirâtre; les plumes des côtés de la poitrine au-dessous des épaules étoient rousses ou fauves, à l'exception de la pointe qui avoit une couleur blanche; les grandes plumes qui s'étendoient sur le dos depuis les épaules étoient blanches; il y avoit vingt-quatre grandes plumes dans les aîles; les barbes extérieures des premieres étoient brunes & blanches, & les barbes intérieures entierement brunes; les petites plumes avoient des couleurs rousses, noires, & blanchâtres; la queue étoit composée de seize plumes longues de cinq pouces; les sept premieres de chaque côté étoient d'un blanc sale à la pointe; il y avoit du noir au-dessus de ce blanc, & le reste de la plume étoit mêlé de blanc & de noir; les deux plumes du milieu avoient la même couleur que le corps, avec des bandes transversales blanches & parsemées de petites taches brunes. La chair de la gelinotte devient blanche par la cuisson, & elle est fort tendre & très-délicate. Willughby, Ornith . Il y a beaucoup de gelinottes dans les Ardennes, dans la Lorraine, dans le Forès, dans le Dauphiné, dans les Alpes, &c. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gelinotte, ou Gelinotte de bois Author=Venel Normalized Classification=Diète Part of Speech=NA Gelinotte Gelinotte , ou Gelinotte de bois , ( Diete .) La viande de cet oiseau est aussi salutaire qu'elle est délicieuse au goût; elle doit être rangée, comme objet diététique, avec celle du faisan, du coq de bruyere, de la perdrix, &c. Voyez Faisan & Viande . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELIVURE Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=s.f. GELIVURE GELIVURE, s. f. ( Agricult ) défaut, maladie, dommage qui arrive aux arbres par de fortes gelées. La physique des végétaux, & sur-tout des principaux végétaux, qui sont les arbres, se porte même à la connoissance des accidens qui arrivent extraordinairement; tels sont ceux que produisent les fortes gelées d'hyver. Eiles font quelquefois fendre les arbres, suivant la direction de leurs fibres, & même avec bruit; c'est ce que les Forestiers appellent gelivures , terme expressif qu'on ne trouve point dans nos meilleurs dictionnaires, & dont il faut pourtant enrichir notre langue. Nos forêts ont été attaquées de maladies considérables par le froid de 1709; & quoique cette énorme gelée paroisse être très-ancienne, elle a produit dans les arbres du royaume des défauts ineffaçables. Telles sont les gelivures , c'est-à-dire les fentes, les gerçures considérables des arbres dans toute la direction de leurs fibres. Ces arbres ainsi fendus ou gercés, sont marqués d'une arête ou éminence formée par la cicatrice qui a recouvert les gerçures qui restent dans l'extérieur de ces arbres sans se réunir, parce qu'il ne se fait jamais de réunion dans les fibres ligneuses, sitôt qu'elles ont été séparées. On conçoit fort bien que la seve, qui augmente de volume, comme toutes les liqueurs aqueuses, lorsqu'elle vient à geler, produit nécessairement des gelivures; mais ne pourroit-il pas y en avoir qui fussent quelquefois occasionnées par d'autres causes, comme par une trop grande abondance de seve, ou autres vices de l'arbre? Quoi qu'il en soit, on a trouvé de ces défectuosités d'arbres dans tous les terroirs, & à toutes les expositions; & même on a trouvé quantité d'arbres qui non-seulement étoient gelivés , mais qui avoient même une portion de bois mort renfermée dans de bon bois; ce que les gens des forêts appellent gelivure entre-lardée . Alors les arbres ainsi malades étant sciés horisontalement, découvrent une portion de l'aubier mort & de l'écorce, entierement recouvert par le bois vif. Quand ce défaut n'occupe pas toute la longueur du tronc, il y a telles pieces carriées qui paroissent très-saines, & dont on n'a reconnu la gelivure que par hasard; savoir, quand on a refendu ces pieces équarries, pour en faire des planches & des membrures. Voyez le mémoire de MM . Duhamel & de Buffon sur cette matiere, ann. 1737, de l'acad. des Sciences . On peut tirer une utilité de ces faits; c'est qu'il faut rebuter pour les ouvrages de conséquence, tous les bois attaqués de gelivures . Il n'y a ni terroir, ni exposition, ni art, qui puisse détourner le tort que les fortes gelées font aux arbres des forêts; mais ce qui doit nous tranquilliser, c'est que l'évenement est très-rare. La gelée de 1709 a été accompagnée des circonstances d'un faux dégel, & de sur gelées plus fortes que la premiere, qui sont des hasards si singuliers, que l'histoire ne parle guere que de trois à quatre hyvers semblables. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELNHAZEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GELNHAZEN GELNHAZEN, Gelnusa , ( Géogr. ) petite ville impériale d'Allemagne, dans la Wétéravie, sous la protection de l'électeur Palatin, avec un château bâti par l'empereur Frédéric I. Elle est sur le Kintzig, à 10 lieues N. de Hanau, & 10 N. d'Achaffenbourg. Long. 26. 48. lat. 50. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELONS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=s.m.pl. GELONS GELONS, s. m. pl. Gelonii, Gelones , ( Géog. anc. ) peuples d'Europe & d'Asie. Les Lithuaniens remplacent aujourd'hui les anciens Gelons européens, qui faisoient partie des Scythes, & qui étoient voisins des Sarmates. Les Gelons asiatiques habitoient la mer Noire & la mer Caspienne, proche des Melancténiens & des Colques. Ils buvoient du sang de cheval avec du lait caillé, comme les petits Tartares font encore aujourd'hui. Ils avoient aussi la réputation d'être d'excellens archers, & c'étoit-là l'épithete qu'on joignoit souvent à leur nom, sagittiferi Gelones . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GELOSCOPIE Author=Diderot Normalized Classification=Divination Part of Speech=s.f. GELOSCOPIE * GELOSCOPIE, s. f. ( Divinat. ) Ce mot vient de γέλως , ris , & de σκοπέω , je considere . C'est une espece de divination qui se tiroit du ris de la personne: on prétendoit acquérir ainsi la connoissance de son caractere & ses penchans, bons ou mauvais. Voyez l'article Physionomie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMAAJEDID Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEMAAJEDID GEMAAJEDID, ( Géog. ) ville & place forte d'Afrique, bâtie sur une haute montagne; elle est marchande, assez bien peuplée, & située à vingt-cinq milles de Maroc. Au milieu de la ville est une belle mosquée, & le palais du prince. On nourrit force troupeaux de chevres sur la montagne, & c'est une des plus riches habitations du mont Atlas; elle paye tous les ans avec ses villages 35 mille pistoles à son prince. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMARE Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. GEMARE GEMARE, s. f. ( Théol. ) seconde partie du Talmud de Babylone. Voyez Talmud . Il signifie supplément , ou plûtôt complément . Les rabbins appellent le Pentateuque simplement la loi . Ils nomment bischna ou seconde loi , la premiere partie du Talmud, qui n'est qu'une explication & une application de cette loi aux cas particuliers, avec les decisions des anciens rabbins sur ces cas: & la seconde partie, qui est une explication plus étendue de la même loi, & une collection des décisions des rabbins, postérieure à la mischna, ils la nomment gemara , c'est-à-dire perfection, complément, achevement , parce qu'ils la regardent comme un achevement de la loi, & une explication après laquelle il n'y a plus rien à souhaiter. Voyez Mischna . La gemare se nomme aussi ordinairement Talmud , du nom commun de tout l'ouvrage. Il y a deux gemares ou deux Talmuds, celui de Jérusalem & celui de Babylone. La gemare n'est autre chose que l'explication de la mischna donnée par des docteurs juifs dans leurs écoles, à-peu-près comme les commentaires de nos théologiens sur le maître des sentences, ou sur S. Thomas, sont des explications des livres de ces deux auteurs. M. de Tillemont prétend que la mischna a été commentée par un certain Johanan, que les Juifs mettent vers la fin du second siecle; mais le P. Morin prouve qu'il n'a été écrit au plûtôt que sous l'empire d'Héraclius, vers l'an 620, un peu avant l'hégire; c'est ce qu'on appelle la gemare ou le Talmud de Jérusalem , que les Juifs lisent & estiment peu, parce qu'il est sort obscur. Ils font bien plus de cas de la gemare ou du Talmud de Babylone, commencé par un nommé Asa , discontinué pendant 73 ans, à cause des guerres des Sarrasins & des Perses, & achevé par Josa au commencement du vij. siecle. Quoiqu'on comprenne sous le nom de Talmud , & la mischna & les deux gemares , néanmoins ce n'est proprement qu'à l'ouvrage d'Asa & de Josa qu'on donne ce nom. Les Juifs l'estiment plus que tous leurs autres livres; ils l'égalent à l'Ecriture, & lui donnent une autorité absolue, malgré les fables & les rêveries dont il est rempli. Ils le regardent comme la parole de Dieu venue par tradition de Moyse, & conservé par tradition constante jusqu'à ce que R. Jehuda, & ensuite R. Johanan, R. Asa & R. Josa, craignant qu'elle ne se perdît, à cause de la dispersion des Juifs, l'ont recueillie dans la mischna & dans la gemare. Dictionn. de Trév. & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMATRIE ou GAMETRIE Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. GEMATRIE ou GAMETRIE GEMATRIE ou GAMETRIE, s. f. ( Théol. ) nom de la premiere espece de cabale artificielle des Juifs. Voyez Cabale . La gématrie est une espece d'explication géométrique & arithmétique des mots, qui se fait en deux manieres, ce qui forme deux especes de gématries: la premiere tient plus de l'Arithmétique, & la seconde a plus de rapport à la Géométrie. Celle-là consiste à prendre la valeur numérique de chaque lettre dans un mot ou dans une frase, & à donner à ce mot la signification d'un autre mot ou d'une autre frase, dont les lettres prises de même pour des chiffres, sont le même nombre; car on sait que chez les Hébreux, comme chez les Grecs, il n'y a point d'autres chiffres que les lettres de l'alphabet. Voyez Lettre & Caractere . Ainsi un cabaliste ayant trouvé que les lettres de la frase hébraïque, il a créé au commencement , présentent le même nombre que les lettres de cette autre frase hébraïque, il a été créé au commencement de l'année , il en conclura que le monde a été créé au commencement de l'année. Ainsi c'est une opinion reçue chez les Cabalistes, que le monde a été créé au mois Thisri, qui étoit autrefois le premier de l'année. C'est le premier mois d'autonne, qui répondoit à-peu-près à notre mois de Septembre. De même dans la prophétie de Jacob, Genes. 49. 10. où il est dit, celui qui est envoyé viendra , ils disent que celui qui est promis là est le Messie, parce que les lettres font le même nombre que celles du nom qui signifie Messiah , Messie; car les unes & les autres font le même nombre 358. La seconde espece de gématrie est plus difficile & plus obscure, aussi est-elle plus rare: elle s'occupe à chercher des signification abstruses & cachées dans les masures des édifices dont il est fait mention dans l'Ecriture, en divisant, multipliant ces grandeurs les unes par les autres. En voici un exemple pris de quelques cabalistes chrétiens. L'Ecriture dit que l'arche de Noé étoit longue de 300 coudées, large de 50, & haute de 30. Le cabaliste prend pour la base de ses opérations la longueur de l'arche, 300; c'est en hébreu un : il divise cette longueur par la hauteur, qui est 30: il trouve 10, qui en hébreu s'exprime par un , qu'il met à droite du : il divise ensuite la même longueur par la largeur, qui est 50; ce qui lui donne pour quotient 6, qui en hébreu s'exprime par un , qui étant mis au côté gauche du , fait avec les deux autres lettres le nom de Jesus , . Ainsi par les regles de la cabale il s'ensuit qu'on ne peut se sauver que par Jesus-Christ, comme au tems du déluge porsonne ne fut sauvé hormis ceux qui étoient dans l'arche. On trouve de même le nom de Jesus dans les dimensions du temple de Salomon. Mais c'est faire tort à la religion, que de l'appuyer de ces vaines subtilités. Voyez Figure . Diction. de Trév. & Chamb. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMBLOURS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEMBLOURS GEMBLOURS, Geminiacum , ( Géogr. ) petite ville des Pays-Bas dans le Brabant, distinguée par une abbaye qui est remarquable par son ancienneté, & pour avoir donné des hommes illustres à l'Eglise. L'abbé joüit du titre de comte , & tient le premier rang dans les états de Brabant. Dom Juan d'Autriche gagna près de Gemblours une bataille sur l'armée des Etats-Généraux en 1578. Elle est sur l'Orne au diocese de Namur, à 7 lieues de Louvain, 4 N. O. de Namur, 9 S. de Bruxelles. Long. 22. 20. lat. 50. 32. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMEAUX (Les) Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=NA GEMEAUX GEMEAUX, ( les ) en Astronomie , sont une constellation ou signe du Zodiaque: ils représentent dans la fable Castor & Pollux. Ce signe est le troisieme. Voyez Signe & Constellation . Les Gemeaux ont 24 étoiles dans Ptolomée, 29 dans Tycho, 89 dans le catalogue britannique. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMELLE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GEMELLE GEMELLE, s. f. ( Marine. ) Voyez Jumelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gemelles Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Gemelles Gemelles , en termes de Blason , se dit des barres que l'on porte par paires ou par couples sur un écu d'armoiries. Il porte de gueules, au chevron d'argent, trois barres gemelles de sable. Voyez Barre & nos Planches de Blason . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMINI Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GEMINI GEMINI , nom latin de la constellation des Gemeaux. Voyez Gemeaux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMINY, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEMINY GEMINY, ( le ) Géog. grande riviere des Indes, qui a sa source dans les montagnes qui sont au nord de Delli, prend sa pente vers cette ville, devient ensuite un fleuve considérable, passe à Agra, & se jette enfin dans le Gange: c'est vraissemblablement le Jomanes de Pline. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMIR Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.n. GEMIR * GEMIR, v. n. c'est exprimer sa douleur ou sa peine par une voix languissante, foible & inarticulée. Il se prend au simple & au figuré: au simple, comme dans cet exemple, je poussois de longs gémissemens: au figuré, il fait gémir les coussins sous le poids de son corps . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMITES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GEMITES GEMITES, Voyez Gamites . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMME, (Sel) Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GEMME GEMME, ( Sel ) Hist. nat. Voyez Sel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMMINGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEMMINGEN GEMMINGEN, Gimminga , ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans le palatinat du Rhin, sujette à l'électeur Palatin, entre Hailbron & Philisbourg. Lon. 26. 56. lat. 9. 7. . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMONIES Author=Mallet Normalized Classification=Histoire Part of Speech=s.f.pl. GEMONIES GEMONIES, s. f. pl. ( Hist. ) les gemonies étoient chez les Romains à-peu-près ce que sont les fourches patibulaires en France. Voyez Gibet . Elles furent ainsi nommées, ou de celui qui les construisit, ou de celui qui y fut exposé le premier, ou du verbe gemo , je gémis. D'autres disent gemoniae scalae , ou gradus gemonii . C'étoit, selon Publius Victor ou Sextus Rufus, un lieu élevé de plusieurs degrés, d'où l'on précipitoit les criminels. D'autres les représentent comme un lieu où l'on exécutoit & où l'on exposoit les malfaiteurs. Les gemonies étoient dans la dixieme région de la ville, auprès du temple de Junon. C'est Camille qui, l'an de Rome 358, destina ce lieu à exposer le corps des criminels à la vûe du peuple; ils étoient gardés par des soldats, de peur qu'on ne vînt les enlever pour les enterrer; & lorsqu'ils tomboient de pourriture, on les traînoit de-là avec un croc dans le Tibre. Dictionn. de Trév. & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEMUND Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEMUND GEMUND, ( Géog. ) ville d'Allemagne dans la haute Autriche, considérable par ses salines. Cluvier pense que cette ville est le Laciacum d'Antonin. Elle est sur le Draun au nord d'un lac de même nom, que l'on croit être le lacus Foelix des anciens dans la Norique ripeuse, & qui prit le nom de Foelix , de la troisieme légion qui y avoit ses quartiers d'hyver. Long. 31. 40. lar. 47. 45 . Remarquons ici que les Allemands ont souvent donné le nom de Gémund , de Gmund, Gmuind ou Mund , aux lieux qui étoient à l'entrée ou à la sortie d'une eau coulante. Le mot mund signifie bouche ou embouchure . Tel est notre Gémund, Uzermund , dans la Marche; Travemund dans le Holstein, &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gemund Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gemund Gemund , Gemunda , ( Géog. ) petite ville impériale d'Allemagne dans la Soüabe. Son principal commerce consiste en chapelets, & la seule religion catholique romaine y est soufferte. Cette ville étoit originairement une abbaye de bénédictins. L'empereur Frédéric le Borgne l'entoura de murailles vers l'an 1090; & Frédéric Barberousse la fit ville impériale. Voyez Zeyler, suev. topogr . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gemund Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gemund Gemund , ( Géog. ) petite ville d'Allemagne au cercle de Franconie, dans l'évêché de Wurtzbourg, sur le Mein. Long. 27. 20. lat. 50. 8 . Il y a encore d'autres lieux de ce nom dont il est inutile de parler dans ce Dictionnaire. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENABUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GENABUM GENABUM, ( Géog. anc. ) ancienne ville de la Gaule sur la Loire, au pays des Carnutes, c'est-à-dire au pays chartrain. Cette ville dont César fit le siége avant que d'aller à son expédition du Berri, est vraissemblablement Orléans & non pas Gien. Voyezen les preuves dans une dissertation de M. Lancelot, mém. de littérat. tom. XII . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENAL Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GENAL GENAL, adj. en Anatomie , ce qui appartient aux joues. La glande génale est une glande conglomérée, & comme une appendice de la parotide: il n'est donc pas surprenant que son canal s'insere toûjours dans celui de la parotide. Voyez Parotide . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENAP ou GENEP Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GENAP ou GENEP GENAP ou GENEP, Genapium , ( Géog. ) petite ville franche & mairie du Brabant autrichien: elle est sur la Dyle à une lieue de Nivelle, sept de Louvain, six de Bruxelles. Longit. 22. 4. latit. 50. 36 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENAUNES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=s.m. GENAUNES GENAUNES, s. m. plur. Genauni , ( Géog. anc. ) Strabon dit que les Génaunes & les Brennes habitoient la partie extérieure des Alpes, avec les Noriques & les Vindéliciens. On place les Génaunes au val d'Anagnia, entre le lac de Côme & l'Adige; & les Brennes au val Bregnia vers les sources du Tesin, sur les frontieres du Vallais & du canton d'Uri. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENCIVE Author=Louis Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GENCIVE GENCIVE, s. f. en Anatomie , se dit de la chair ferme & immobile, qui occupe le dessus des alvéoles ou petits trous, dans lesquels les dents sont comme enchâssées. Voyez Dent . Maladies chirurgicales des gencives . Les personnes saines ont les gencives fermes, vermeilles, & bien collées autour de la couronne de chaque dent, dont elles fortifient l'union dans l'alvéole. Les gencives sont sujettes à se tuméfier dans différentes affections contre nature; elles deviennent lâches & molles, quelquefois elles s'enflamment & deviennent noirâtres; elles s'ulcerent & exhalent une odeur putride & gangreneuse: c'est ce qu'on voit principalement dans le scorbut. Lorsque le vice des gencives vient de la mauvaise disposition du sang, il faut y remédier en attaquant la cause par les remedes convenables. Voyez Cachexie & Scorbut . Les remedes topiques ne doivent pas être négligés. Dans la tension inflammatoire des gencives , on se sert de gargarismes adoucissans & relâchans: lorsqu'elles sont molles, blanches & disposées à l'extubérance, on met en usage les gargarismes fortifians & astringens: si elles sont gonflées & engorgées de sang à un certain point, on est obligé de les scarifier avec une lancette, pour en procurer le dégorgement; on met alors en usage les gargarismes vulnéraires. Dans le gonflement scorbutique sans ulcération, lorsqu'il est leger, le suc des limons est un excellent topique. L'eau-de-vie camphrée fortifie les gencives , & est fort utile contre la disposition à l'ulcération putride; & dans le cas d'ulcération gangreneuse, on a recours aux anti-putrides, parmi lesquels l'esprit de cochléaria, la teinture de gomme laque, &c. sont fort recommandés. Fabrice d'Aquapendente prescrit de cautériser legerement, avec un fer mince, les gencives tuméfiées, livides & pourries; il les frottoit ensuite avec du miel, & faisoit gargariser avec du vin miellé. Il survient quelquefois autour des dents une excroissance charnue, dont il a été parlé au mot Epulide . Pour completer cet article, nous dirons que de tous les moyens proposés, l'extirpation par l'instrument tranchant est le plus convenable; mais que pour obtenir la guérison parfaite de cette tumeur, il faut presque toûjours la cautériser. Les épulis sont susceptibles de grossir au point d'empêcher le malade de parler & de manger. Ambroise Paré dit en avoir emporté de si considérables, qu'elles sortoient en partie de la bouche, & qu'il a été obligé de cautériser à différentes fois la racine de la tumeur, parce qu'elle répulluloit; il n'a obtenu la consolidation parfaite de l'ulcere, qu'après avoir détruit la portion cariée de l'os maxillaire, sur laquelle cette excroissance avoit végété. La carie de l'os est presque toûjours la cause ou l'effet des épulis. La plûpart des observations qu'on a sur cette maladie, montrent que la carie de la dent en est fréquemment la premiere cause, comme nous le remarquerons plus bas. Job à Meerkréen fameux chirurgien d'Amsterdam, rapporte qu'un homme vigoureux & de la meilleure constitution, se fractura la mâchoire inférieure par une chûte. Il survint une excroissance songueuse, du volume du poing; elle empêchoit le malade de parler & de manger, & le rendoit fort difforme. L'amputation de cette tumeur parut indispensable; mais l'opérateur voyant en commençant son incision qu'il ne sortoit pas une goutte de sang, il jugea qu'il falloit nécessairement procéder à l'extirpation éradicative de la tumeur; ce qui fut exécuté sur le champ. L'ouverture de la bouche n'étoit point assez grande pour permettre l'issue de cette excroissance; il fallut la couper ensuite pour la tirer en différentes parties. On se servit de gargarismes vulnéraires & détersifs, convenables à la mondification de l'os carié. Le surlendemain de l'opération, on sentit deux esquilles vacillantes, & assez fortes; on en fit l'extraction, & le malade guérit en très-peu de tems. Il est à-propos que les Chirurgiens soient prévenus que l'amputation des épulis peut être accompagnée d'une hémorrhagie assez considérable. L'auteur que je viens de citer, en donne un exemple remarquable. Une jeune demoiselle étoit sujette à des fluxions à la tête, aux oreilles, & aux dents. Il lui survint au palais une tumeur blanchâtre, grosse comme un gland, qu'on crut pleine de pas. L'ouverture ne donna issue qu'à du sang vermeil, & en grande quantité. L'hémorrhagie fut arrêtée par une compression avec le doigt, continuée assez long-tems. Cinq ou six jours après, la tumeur avoit acquis un volume plus considétable qu'auparavant; personne ne doutoit plus qu'elle ne contînt véritablement du pus: on en fit l'ouverture; le sang sortit avec beaucoup d'impétuosité & d'abondance. On se servit de linge brûlé pour arrêter cette seconde hémorrhagie, & l'on ne jugea plus devoir revenir à l'opération, qu'après qu'on auroit des signes certains de purulence. Pour la procurer, l'on fit user de gargarismes avec la décoction d'oignons de lis & de racines d'althaea, de feuilles de mauve & de guimauve, de graines de lin & de figues; on ajoûtoit une once de sirop d'althaea à une livre de cette décoction. La malade en tenoit fréquemment dans sa bouche: la tumeur diminua de volume, elle s'ouvrit d'elle-même; mais la guérison ne fut parfaite qu'après l'exfoliation de l'os. Scultet parle d'une excroissance fongueuse à la partie antérieure du palais, derriere les dents incisives, qui rendoit du sang abondamment, pour peu que la malade la poussât avec la langue. Il fit diminuer cette tumeur en la touchant avec un mélange d'esprit de vitriol rectifié, de suc de pourpier, & de teinture de roses: il extirpa le reste en l'arrachant avec des pinces à polype; la cure fut terminée radicalement en dix jours. Dans ce dernier cas, l'os n'étoit point altéré; mais s'il y avoit carie, il faudroit après l'extirpation avoir recours au cautere actuel. Ruisch rapporte, dans la quarante-huitieme de ses observations anatomiques & chirurgicales, une très-elle cure d'une excroissance fongueuse au palais, avec carie de l'os maxillaire, & opérée par les moyens que je viens de citer. La carie des dents produit souvent des maladies du sinus maxillaire, qui s'annoncent quelquefois par une tumeur fongueuse aux gencives . Une femme, au rapport de Ruisch, observat. 77. étoit très-mal d'une tumeur à la joue, avec excroissance maligne aux gencives . Après l'extirpation de cette excroissance & l'arrachement de quelques dents molaires, d'habiles chirurgiens porterent le cautere actuel jusque dans le sinus maxillaire, dont on tira quelques jours après avec le petit doigt, quantité de tubercules polypeux de la grosseur d'un pois ou environ. La carie des dents étant la cause la plus fréquente des maladies du sinus maxillaire, leur extraction, si bien indiquée par le mal même dont elles sont attaquées, devient aussi nécessaire par le traitement des maladies du sinus: on peut même arracher une dent saine pour procurer l'issue du pus & déterger le sinus. Drake chirurgien anglois, traitant un homme qui avoit un ozene dont le siége étoit dans le sinus maxillaire, voyant que la matiere acre & purulente ne sortoit par le nez qu'en très-petite quantité, lorsque le malade étoit couché sur le côté sain, il prit le parti de tirer la seconde des dents molaires; il perça ensuite avec un instrument convenable, le fond de l'alvéole, & parvint ainsi dans le sinus même. La matiere prit son cours de ce côté; on fit des injections spiritueuses, & le malade guérit radicalement. Il peut rester à la suite de l'extraction d'une dent par l'alvéole, de laquelle on a pénétré dans le sinus, un écoulement de sérosité muqueuse, fournie par les tuyaux excréteurs de la membrane qui tapisse le sinus. Higmar, qui a décrit avec tant d'exactitude le sinus maxillaire, qu'on a donné son nom à ce sinus, dit qu'une dame avoit un écoulement continuel d'une humeur séreuse à la suite de l'extraction d'une dent canine, avec laquelle une portion de la mâchoire supérieure fut emportée, de sorte qu'il y avoit un passage libre dans le sinus. Cette dame fut un jour fort effrayée en cherchant l'origine de cet écoulement. Elle introduisit un stilet d'argent dans l'alvéole, & il entra jusque vers l'orbite; elle prit ensuite une petite plume dont elle avoit ôté les barbes, & la passa presque toute entiere dans le sinus, quoiqu'elle cût plus de six travers de doigts de longueur: elle croyoit l'avoir portée jusqu'au cerveau. Higmar qu'elle consulta, reconnut que la plume avoit tourné en spirale dans le sinus, & il la tranquillisa en lui faisant voir l'étendue de cette cavité sur un os maxillaire préparé; mais il ne donna aucun conseil sur l'incommodité dont cette personne se plaignoit. J'ai vû au mois de Mai 1751, avec M. Morand, une dame de 45 à 50 ans, à qui l'on avoit arraché dix ans auparavant la premiere dent molaire de la mâchoire supérieure du côté droit. La racine étoit restée, ou du-moins la pointe de la racine. Il y avoit dix mois, que fatiguée de douleurs & de fluxions, accompagnées d'une issue de pus fétide par le nez dont quelques gouttes coulerent enfin par l'alvéole de la dent arrachée, cette dame consulta à Compiegne M. de la Martiniere & différens medecins & chirurgiens de la cour. M. le premier chirurgien conseilla l'extraction de la seconde molaire, quoiqu'elle fût saine. M. Capperon dentiste du roi, extirpa la dent; il sortit beaucoup de pus par l'alvéole: il est resté une ouverture dont il distilloit une eau salée. Cette dame se plaignoit qu'en se mouchant, l'air entroit par l'alvéole dans le sinus maxillaire, & l'incommodoit. Nous avons sondé ce trou, & avons jugé que les parties molles qui en tapissent la circonserence & l'interieur, étant bien consolidées, ce trou ne se fermeroit jamais naturellement, & qu'on pouvoit obtenir le bon effet d'une réunion parfaite par l'usage d'un bouchon de cire. J'ai lû depuis dans le quatrieme volume du recueil de dissertations anatomiques, publié par M. de Haller, une these de M. Reininger sur les cavités des os de la tête; il y donne une observation de M. Trew, laquelle a beaucoup de rapport avec le cas dont je viens de parler. Un homme de quarante ans étoit tourmente depuis plusieurs années d'une douleur de dents, avec un gonflement de la joue. La troisieme dent molaire étoit entierement cariée, & il y avoit à sa base un trou dans lequel le stilet entroit de la longueur d'un travers de doigt. L'application d'un cataplasme émollient sur la tumeur, determina une suppuration par ce trou; on arracha la dent, & il sortit beaucoup de matieres purulentes, dont le foyer étoit dans le sinus. Les injections qu'on y fit pour le mondifier, sortoient en partie par le nez, lorsque le malade panchoit la téte en-devant. L'ouverture de l'os ne se consolida point; & pour empêcher les alimens & l'air de pénetrer dans le sinus & d'incommoder, on conseilla un obturateur fait avec de la cire, à laquelle on ajoûtoit de la poudre de corail, afin de lui donner plus de consistance. Par ce moyen la personne n'a plus éprouvé la moindre incommodité. Scultet a tenté avec succès l'application du cautere actuel pour obtenir une cure absolument radicale dans un cas de cette nature. Il avoit fait des injections dans le sinus maxillaire, après l'extraction d'une dent cariée: ennuyé de ce que l'ouverture ne se fermoit point, il porta un fer rouge dans l'alvéole, & en cautérisa assez fortement la circonférence. A la chûte de l'escarre, l'os lui parut carié; il le toucha trois ou quatre fois avec les fers chauds, & se servit de remedes dessicatifs: après l'exfoliation, l'ulcere se consolida fort exactement. Si l'auteur ne s'est pas mépris sur la carie, en prenant pour une altération primitive ce qui n'étoit que l'effet du cautere actuel & de la chûte de l'escarre, il auroit épargné de la douleur à son malade, en lui faisant porter un obturateur, comme dans les cas précédens. Quand la maladie du sinus manifestée par les signes propres, n'est point accompagnée de dent cariée, c'est la troisieme molaire qu'il faut arracher, si aucune circonstance ne détermine qu'on en tire une autre, parce qu'elle répond plus précisément au centre du sinus: mais si les dents etant tombees depuis du tems, & l'arcade alvéolaire diminuée dans toutes ses dimensions & en partie effacée, sa substance osseuse étoit devenue plus compacte & plus serrée dans cet endroit, on pourroit ouvrir le sinus dans sa paroi extérieure, au-dessus de l'arcade alvéolaire, à l'endroit où répondoit la racine de la troisieme dent molaire. Il n'est pas difficile de concevoir les instrumens convenables pour pratiquer cette opération. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENDARME Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne | Art militaire Part of Speech=s.m. GENDARME GENDARME, s. m. ( Hist. mod. & Art milit. ) c'étoit autrefois un cavalier armé de toutes pieces, c'est-à-dire qui avoit pour armes défensives le casque, la cuirasse, & toutes les autres armures nécessaires pour couvrir toutes les parties du corps. Le cheval du gendarme avoit la tête & les flancs aussi couverts d'armes défensives. Les cavaliers armés de cette maniere, furent d'abord appellés hommes d'armes , & ensuite gendarmes. Voyez Homme d'armes . « De tout tems les hommes d'armes ou gendarmes , dit le P. Daniel, ont été regardés comme la plus noble partie de la milice françoise. Depuis l'institution des compagnies d'ordonnance par Charles VII. les grands seigneurs, les maréchaux de France, les connétables, les princes du sang, se sont fait honneur de commander ces sortes de compagnies; & dans la suite les rois mêmes ont voulu en avoir une dont ils se faisoient les capitaines ». Hist. de la milice franç. tom. II. pag. 182 . Le poids considerable des armes du gendarme qui le rendoit propre à soûtenir un choc & à combattre de pié ferme, ne lui permettoit pas de poursuivre l'ennemi lorsqu'il étoit rompu; il y avoit pour y suppléer une autre espece de cavalerie plus legerement armée, qu'on appelloit par cette raison cavalerie legere . Quoique cette différente maniere d'armer la cavalerie ait été totalement abolie sous le renge de Louis XIV. on a conservé néanmoins le nom de gendarmerie à plusieurs corps qui avoient autrefois l'armure du gendarme; & l'on a appellé cavalerie legere , tous les autres corps de la cavalerie. Le corps de la gendarmerie de France est divisé en troupes particulieres, appellées compagnies . Les compagnies sont de deux sortes: les unes sont destinées à la garde du roi, & elles forment le corps qu'on appelle la maison du roi; les autres, qui n'ont pas le même objet, retiennent l'ancien nom de gendarmerie , ou de compagnies d'ordonnance . Les compagnies du corps de la gendarmerie qui composent la maison du roi, sont les quatre compagnies des gardes-du-corps, celle des gendarmes de la garde , celle des chevau-legers, & les deux compagnies de mousquetaires. La compagnie des grenadiers-à-cheval est toûjours à la suite de ce corps, mais elle n'en fait pas partie. Dans l'usage ordinaire, lorsqu'on veut exprimer un maître ou un cavalier des gendarmes de la maison du roi, on lui donne le titre de gendarme de la garde: on se sert simplement de celui de gendarme pour tous les maîtres des compagnies d'ordonnance. La compagnie des gendarmes de la garde avoit autrefois le premier rang dans la maison du roi. Les gardes-du-corps obtinrent ensuite ce privilége vers l'an 1665. « Sa majesté étant à Vincennes, dit le P. Daniel, fit une revûe des troupes de sa maison, où les gendarmes qui avoient toûjours eû la droite sur les gardes-du-corps, eurent ordre de passer à la gauche. La volonté du roi, & la grande ancienneté des quatre compagnies des gardes du roi, en comparaison des autres compagnies de la maison du roi, furent alors & ont été depuis, leur titre de préséance ». Hist. de la milice franç. t. II. p. 190 . Le même auteur prétend que c'est le roi Louis XIII. qui à son avenement à la couronne, voulant donner à la compagnie des gendarmes une marque particuliere de confiance, la mit dans le corps de troupes destinées à sa garde. Cette compagnie est de deux cents maîtres; on l'augmente quelquefois jusqu'à deux cents quarante en tems de guerre. C'est le roi qui en est capitaine. Le commandant a le titre de capitaine-lieutenant , comme l'ont tous les autres commandans des compagnies qui composent le corps de la gendarmerie de France. Les gendarmes de la garde ont, après le commandant, deux officiers supérieurs qui ont le titre de capitaines-sous-lieutenans . Ils ont de plus trois officiers, qui ont chacun le titre d' enseigne , & trois autres qui ont celui de guidon . Il y a dix maréchaux-des-logis dans cette compagnie, parmi lesquels on en choisit deux pour remplir les fonctions de major, sous le titre d' aides-major . Les deux sous-lieutenans des gendarmes de la garde ont, en qualité de capitaines-sous-lieutenans, la préséance & le commandement dans le service de la maison du roi, sur les lieutenans des gardes-du-corps: c'est un privilége que n'ont point les autres sous-lieutenans des compagnies de la maison du roi. La compagnie des gendarmes de la garde est divisée en quatre brigades. Il y en a une de service chaque quartier chez le Roi. Cette compagnie a rang immédiatement après les gardes-du-corps. A l'armée, son camp ferme la gauche de celui de la maison du roi. Il y a quatre étendarts dans cette compagnie, savoir un à chaque brigade. Ils sont de satin blanc relevé en broderie d'or. Leurs devises sont des foudres qui tombent du ciel, avec ces mots pour ame, quo jubet iratus Jupiter . Ces étendarts sont déposés dans la ruelle du lit de Sa Majesté; la compagnie les envoye prendre par un détachement lorsqu'elle en a besoin, & on les reporte au même lieu escortés par un pareil détachement. La compagnie des chevau-legers de la garde du roi joüit de ce même privilége, pour le dépôt de ses étendarts. L'uniforme des gendarmes de la garde est d'écarlate avec des galons d'or sur toutes les tailles; les paremens de l'habit sont de velours noir. Il y a quatre trompettes & un tymballier à la suite de la compagnie. Les gendarmes de la garde , ainsi que les autres maîtres de la maison du roi, ont d'abord le grade de lieutenant de cavalerie; après quinze ans de service ils obtiennent celui de capitaine de cavalerie. Voyez Gardes-du-Corps . Les compagnies d'ordonnance auxquelles on donne en particulier le nom de gendarmerie , sont au nombre de seize, qui forment huit escadrons. Les quatre premieres compagnies sont, 1°. les gendarmes écossois, 2°. les gendarmes anglois, 3°. les gendarmes bourguignons, 4°. les gendarmes flamands; ces quatre premieres compagnies sont celles du roi. Les autres compagnies portent le nom des princes qui les commandent. Les gendarmes de la reine, les chevau-legers de la reine; les gendarmes de M. le dauphin, les chevau-legers de M. le dauphin; les gendarmes de Bourgogne, les chevau-legers de Bourgogne, &c. Chaque compagnie de gendarmes ou de chevau-legers est divisée en deux brigades; le capitaine-lieutenant en entretient une, & le sous-lieutenant l'autre. Outre ces deux officiers il y a dans les compagnies des gendarmes pour troisieme & quatrieme officier un enseigne & un guidon; & dans les compagnies de chevau-legers un premier cornette & un second cornette. Les gendarmes & les chevau-legers sont armés comme la cavalerie. Ils sont habillés de rouge, avec quelques galons d'argent, & ils ont des bandoulieres qui distinguent les compagnies. Les capitaines-lieutenans des gendarmes ont rang de mestre-de-camp, aussi-bien que tous les sous-lieutenans, l'enseigne & le guidon des écossois. Ce rang a été fixé par une ordonnance du premier Mars 1718, laquelle accorde aussi aux enseignes & guidons des autres compagnies, le rang de lieutenant-colonel. Les maréchaux-des-logis de ce corps ont rang parmi les capitaines de cavalerie; mais ils ne montent point aux charges supérieures de leurs compagnies. Tous les emplois, jusqu'à ceux des guidons compris, se vendent avec l'agrément & la permission du roi. La compagnie des gendarmes écossois est très-ancienne; elle etoit sur pié dès le tems de Charles VII. Elle étoit autrefois composée d'écossois; mais il y a du tems qu'elle ne l'est plus que de françois, comme les autres compagnies. Il lui reste encore pour priviléges particuliers, celui d'avoir rang avant les deux compagnies de mousquetaires: elle monte la garde à cheval chez le roi avant ces deux compagnies, lorsque sa majesté est à l'armée ou en voyage. La gendarmerie forme à la guerre huit escadrons; les huit premieres compagnies sont les premieres de chaque escadron, & les huit dernieres achevent chaque escadron. Toutes les compagnies de la maison du roi & de la gendarmerie sont subordonnées au commandant de la cavalerie, mais elles font corps entr'elles: elles ont un même commandant, qui a sous lui deux brigadiers; savoir, l'un pour la maison du roi, & l'autre pour la gendarmerie . A l'armée la maison du roi & la gendarmerie campent ensemble. La gendarmerie est à la gauche des gendarmes de la garde ; son camp en est seulement separé par un intervalle de vingt ou vingt-cinq toises. La gendarmerie a la droite sur tous les régimens de cavalerie de l'armée. « C'est le corps, comme le dit le P. Daniel, le plus distingué après la maison du roi. Les quatre officiers supérieurs des compagnies sont toûjours des personnes de naissance. Ce corps s'est souvent signalé & a beaucoup contribué au gain des batailles, comme à Senef, à Cassel, à la Marsaille, à Spire, & sur-tout il s'acquit beaucoup de gloire à la journée de Fleurus » Hist. de la milice franç. tome II. page 233 . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENDRE Author=unknown Normalized Classification=Terme de relation Part of Speech=s.m. GENDRE GENDRE, s. m. terme de relation , celui qui épouse, devient le gendre du pere & de la mere de la femme qu'il prend; & le pere & la mere sont, l'un son beau-pere, & l'autre sa belle-mere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉALOGIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire Part of Speech=s.f. GÉNÉALOGIE GÉNÉALOGIE, s. f. ( Hist. ) mot tiré du grec, & qui n'a que la terminaison françoise. il est composé de γόνος , race, lignée , & de λόγος discours, traité . On entend ordinairement par généalogie , une suite & dénombrement d'ayeux, ou une histoire sommaire des parentés & alliances d'une personne ou d'une maison illustre, tant en ligne directe qu'en ligne collatérale. Voyez Ligne directe , Collatéral , Degré , &c. Il faut prouver sa noblesse par sa généalogie , quand on entre dans des ordres nobles & militaires, ou dans certains chapitres, & c'est ce qu'on appelle faire ses preuves . On est aussi quelquefois obligé de faire apparoir de sa généalogie dans un procès où il s'agit de succession. Voyez Preuves & Naissance . On forme d'une généalogie une espece d'arbre. Voyez l'article suivant . L'etude des généalogies est d'une extrème importance pour l'histoire; outre qu'elles servent à distinguer les personnages historiques du même nom & de MVO- = perionnages ENCFREQ = 3 même famille, elles montrent les liaisons de parenté, les successions, les droits, les prétentions. Mais il faut être en garde contre les absurdités de certains historiens, qui par adulation font remonter jusqu'aux tems héroïques, l'origine des maisons ou des princes en faveur de qui ils écrivent; comme il arriva à un auteur espagnol, qui vouloit faire la cour à Philippe II. Il le faisoit descendre en ligne directe d'Adam, depuis lequel jusqu'à ce prince, il comptoit cent dix-huit générations sans lacune ou interruption. Il n'est guere de nation qui n'ait ses fables à cet égard. Si l'on avoit la généalogie exacte & vraie de chaque famille, il est plus que vraissemblable qu'aucun homme ne seroit estimé ni méprisé à l'occasion de sa naissance. A peine y a-t-il un mendiant dans les rues qui ne se trouvât descendre en droite ligne de quelque homme illustre, ou un seul noble élevé aux plus hautes dignités de l'état, des ordres & des chapitres, qui ne découvrit au nombre de ses ayeux, quantité de gens obscurs. Supposé qu'un homme de la premiere qualité, plein de sa haute naissance, vit passer en revûe sous ses yeux, toute la suite de ses ancêtres, à-peu-près de la même maniere que Virgile fait contempler à Enée tous ses descendans, de quelles différentes passions ne seroit-il pas agité, lorsqu'il verroit des capitaines & des pastres, des ministres d'état & des artisans, des princes & des goujats, se suivre les uns les autres, peut-être d'assez près, dans l'espace de quatre mille ans? De quelle tristesse ou de quelle joie son coeur ne seroit-il pas saisi à la vûe de tous les jeux de la fortune, dans une décoration si bigarrée de haillons & de pourpre, d'outils & de sceptres, de marques d'honneur & d'opprobre? Quel flux & reflux d'espérances & de craintes, de transports de joie & de mortification, n'essuyeroit-il pas, à-mesure que sa généalogie paroitroit brillante ou ténébreuse? Mais que cet homme de qualité, si fier de ses ayeux, rentre en lui-même, & qu'il considere toutes ces vicissitudes d'un oeil philosophique, il n'en sera point altéré. Les générations des mortels, alternativement illustres & abjectes, s'effacent, se confondent, & se perdent comme les ondes d'un fleuve rapide; rien ne peut arrêter le tems qui entraine après lui tout ce qui paroît le plus immobile, & l'engloutit à jamais dans la nuit éternelle. ( D. J. ) Quand les familles modernes remontent jusqu'au tems des premieres croisades, & qu'à partir de-là elles prennent pour tige un homme déjà illustre ou de quelque considération, leur généalogie peut être regardée comme respectable. On peut s'aider sur ces matieres des généalogies anciennes de Claude de l'Isle, & d'un livre du P. Buffier, intitulé les souverains de l'Europe , & pour la maison de France en particulier, de l'histoire généalogique qu'en a donné M. le Gendre de Saint-Aubin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉALOGIQUE, (Arbre) Author=Jaucourt Normalized Classification=Héraldique Part of Speech=NA GÉNÉALOGIQUE GÉNÉALOGIQUE, ( Arbre ) Art. héraldique, stemma dans Séneque, grande ligne au milieu de la table généalogique , qu'elle divise en d'autres petites lignes, qu'on nomme branches , & qui marquent tous les descendans d'une famille ou d'une maison; les degrés généalogiques se tracent dans des ronds rangés au-dessus, au-dessous, & aux côtés les uns des autres, ce que nous avons imité des Romains, qui les appelloient stemmata , d'un mot grec qui veut dire une couronne de branches de fleurs . C'est un amusement pour un philosophe, que de voir l' arbre généalogique d'un gentilhomme buriné sur une grande feuille de vélin; vous trouvez toûjours cet arbre taillé, émondé, cultivé, sans mousse, sans bois-mort, & sans aucune branche pourrie; vous êtes encore presque sûr de trouver à la tête de la plûpart des arbres généalogiaues , un grand ministre d'état, ou un célebre militaire. L'honnête artisan qui a donné la naissance à cet homme illustre, dont on prétend descendre, est retranché de l' arbre généalogique , avec tous ses ancêtres d'une vie frugale, & vous diriez que le fondateur de la maison n'a jamais eu de pere. Mais si nous remontions plus haut vers la source de plusieurs nobles de tout pays, nous les perdrions peut-être dans une foule d'artisans ou de fermiers, sans espérance de les en voir sortir, à-peu-près comme la voie appienne des anciens Romains, qui après avoir couru plusieurs milles, s'alloit perdre dans un marais. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Table généalogique Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Table généalogique Table généalogique , est la table des ancêtres de quelqu'un. On dispose ces tables en colonnes ou en arbres. Voyez ci-dessus Arbre Généalogique . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNEALOGISTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Héraldique Part of Speech=s.m. GÉNÉALOGISTE GÉNÉALOGISTE, s. m. ( Art. hérald. ) faiseur de généalogies, qui décrit l'histoire sommaire des parentés & des alliances d'une personne, ou d'une maison illustre, qui en établit l'origine, les branches, les emplois, les décorations. C'est une science toute moderne, faite par M. d'Hozier en France; c'est lui qui a débrouillé le premier les généalogies du royaume, & qui les a tirées des plus profondes ténebres. D'Hozier (Pierre) dont il s'agit ici, étoit fils d'un avocat, & nâquit à Marseille en 1592. Le pur hasard le jetta dans le goût des recherches généalogiques, lorsqu'il y pensoit le moins, & uniquement pour rendre service à M. Créqui de Bernieulle, qui avoit des raisons personnelles d'être au fait de sa généalogie. M. d'Hozier après y avoir travaillé longtems, publia pour son coup d'essai, la généalogie de la maison de Créqui-Bernieulle; le succès qu'il eut, fit sa réputation & sa fortune. Louis XIII. lui conféra en 1641 la charge de juge d'armes de France, vacante par la mort de François de Chevrier de Saint-Mauris, qui exerça le premier cette fonction en 1614; mais M. d'Hozier laissa son prédécesseur bien loin derriere lui, en réduisant la connoissance de tous les titres des nobles, en principes & en art. Alors la noblesse du royaume desira d'avoir une généalogie dressée de sa main; on lui remit les armes, les noms, les sur-noms, & les contrats de chaque famille: à son travail prodigieux il joignoit une mémoire étonnante en ce genre. M. d'Ablancourt disoit qu'il falloit qu'il eût assisté à tous les mariages & à tous les baptêmes du royaume. Louis XIV. à son avenement à la couronne, avoit créé en sa faveur la charge de généalogiste de France, & lui donna en 1651 un brevet de conseiller d'état. Il mourut comblé de saveurs le premier Décembre 1660, & laissa trois fils qui marcherent sur ses traces. Louis-Roger d'Hozier son fils ainé, fut non-seulement pourvû en 1666 de l'emploi de généalogiste & de juge d'armes de France, mais encore d'une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, & du collier de l'ordre de S. Michel. Louis Pierre d'Hozier son second fils eut les mêmes titres & les mêmes graces. Enfin Charles d'Hozier, autre fils de Pierre d'Hozier, trouva dans les mémoires de son pere, quantité de matériaux pour augmenter le nobiliaire de France, & dressa toutes les généalogies des maisons anciennes & illustres, sous le titre de Grand Nobiliaire , qu'il publia à Châlons. Il réduisit dans une forme nouvelle les preuves de noblesse pour les pages du roi, ceux de ses écuries, & les demoiselles de saint Cyr. Sa majesté le gratifia des mêmes titres qu'avoient eu ses freres, & d'une pension de deux mille livres. M. le duc de Savoie l'honora de la croix de la religion, & des ordres militaires de S. Maurice & de S. Lazare. Parmi les généalogistes les plus accrédités, l'on peut mettre au premier rang M. de Clérambault, spécialement chargé des généalogies & preuves des personnes nommées chevaliers des ordres du roi. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNEHOA ou GHENIOA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉNEHOA ou GHENIOA GÉNEHOA ou GHENIOA, ( Géog. ) pays d'Afrique dans la Nigritie, le long du Niger; il abonde en coton, orge, ris, troupeaux & poisson. La province de Gualata le borne au nord, la riviere du Sénéga au sud, & l'Océan atlantique le baigne au couchant; c'est-là du-moins en gros ce qu'en disent les voyageurs, qui ont successivement copié Leon l'affriquain. Les cartes de Dapper, celles de Sanson, de Nolin & autres, conservent le pays de Génehoa , au nord du Niger; les nouvelles cartes nomment ce même pays, le pays de Sénega . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNEP Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉNEP GÉNEP, ( Géogr. ) Genepum , ville d'Allemagne, dans le cercle de Westphalie, au duché de Cleves, sujette au roi de Prusse, avec un château & titre de comté. Les Hollandois la prirent en 1641, & les François en 1672; elle est sur la Néers, proche la Meuse, à deux lieues sud-oüest de Cleves, cinq sud-oüest de Nimegue, dix nord-oüest de Venlo. Long. 23. 25. lat. 51. 52. Voyez Genap . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÊNER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GÊNER * GÊNER, v. act. vient de mettre à la gêne, questionner, tourmenter, donner la torture; il se dit même encore en ce sens: si l'on eût gêné violemment ce criminel, croit-on qu'il n'eût pas nommé ses complices ? Mais il se prend en deux autres sens assez différens; l'un au moral, comme dans cet exemple; les juges ont été gênés dans leur conduite, dans leur procédure; & l'autre en physique, comme dans celui-ci: cette piece gêne celle-ci, & l'empêche de se mouvoir librement. Toutes les expressions telles que celles-ci ont été empruntées des phénomenes sensibles, & ce sont les obstacles au mouvement des corps qu'on a d'abord designés, ensuite les mêmes dénominations ont été transportées aux mouvemens de l'ame. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRAL Author=d'Alembert Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GÉNÉRAL GÉNÉRAL, adj. ( Gram. ) on désigne par cet adjectif quelque chose de commun à tout ce qui peut être considéré sous un même point de vûe; ainsi on dit en Physique de la pesanteur, que c'est une propriété générale de la matiere; en Métaphysique de la sensibilité, que c'est une propriété générale des animaux; en Mathématique d'un théorème , d'un problème , d'où résultent un grand nombre de conséquences & d'applications, & qui s'étendent quelquefois sur presque toute une science, qu'ils sont généraux : on dit aussi d'une formule qui comprend un très-grand nombre de cas, & dont on peut tirer plusieurs autres formules particulieres, qu'elle est générale. Voyez Formule . Lorsque d'une formule particuliere, on s'éleve à une formule générale , cela s'appelle généraliser la formule . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRAL D'ARMÉE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=NA GÉNÉRAL GÉNÉRAL D'ARMÉE, ( Hist anc. ) chef ou commandant de l'armée. Chez les Grecs, on le nommoit polémaque , & c'étoit à Athènes l'un des archontes; à Rome sous la république, c'étoient les consuls, les préteurs ou les pro-consuls, qui commandoient les armées, en conséquence des decrets du sénat; ils avoient un ou plusieurs lieutenans sous leurs ordres. Quoique la cavalerie eût un chef particulier nommé magister equitum , il étoit toûjours subordonné aux consuls. S'il y avoit un dictateur, ce premier magistrat nommoit le général de la cavalerie, lequel faisoit exécuter ses ordres, & lui servoit de lieutenant; mais Jules César s'étant servi de la dictature, pour faire revivre en sa personne le gouvernement monarchique, il abolit la charge de général de la cavalerie. Dans les campemens & les marches, le général de l'armée romaine se plaçoit ordinairement au centre, entre les princes & les triaires, accompagné de ses gardes & de ses véterans, s'il en avoit; car quelquefois il jugeoit à propos de les distribuer dans les rangs, pour animer & soûtenir les autres soldats. Quelquefois avant que de combattre, il haranguoit ses troupes, soit pour leur inspirer plus de courage, soit pour les instruire de ses projets. Il est vrai qu'il ne pouvoit pas être entendu de toute l'armée; mais il suffisoit qu'il le fût de ceux qui étoient les plus près de sa personne, des tribuns, des centurions, & d'autres officiers subalternes des cohortes; ceux-ci faisoient passer jusque aux dernier soldats, le précis ou l'objet de la harangue. Le général des armées romaines avoit le droit, entr'autres prérogatives, de porter le paludamentum , ou la cotte d'armes teinte en pourpre; il la prenoit en sortant de Rome, & la quittoit avant que d'y rentrer. Il avoit seul le pouvoir de dévoüer un de ses soldats pour le falut de l'armée; & ce qui est plus étonnant il se dévoüoit quelquefois lui-même, avec certaines cérémonies qu'il étoit obligé de suivre, & que nous avons exposées au mot Dévouement . S'il avoit remporté quelque grande victoire, il ne manquoit guere d'envoyer au sénat des lettres ornées de feuilles de laurier, par lesquelles il lui rendoit compte du succès de ses armes, & lui demandoit qu'il voulût bien décerner en son nom, des supplications & des actions de graces aux dieux. Le decret du sénat étoit souvent une assûrance du triomphe pour le vainqueur, triumphi proerogativa . Ce fut cet honneur du triomphe, qui dans les beaux jours de la république, anima tant de ses généraux à faire les plus grands efforts pour obtenir la victoire. Mais dès qu'ils eurent passé les Alpes & les mers, & qu'ils eurent séjourné plusieurs campagnes avec les légions dans les pays qu'ils soûmettoient, ils sentirent leurs forces, disposerent des armées, & s'arrogerent le triomphe, sans daigner le demander au sénat. Les soldats à leur tour commencerent à ne reconnoître que leur général , à fonder sur lui toutes leurs espérances, & à regarder la ville de loin: ce ne furent plus les soldats de la république, mais de Sylla, de Pompée, de César. Rome douta quelquefois, si celui qui étoit à la tête d'une armée dans une province, étoit son général ou son ennemi. Enfin, quand les empereurs eurent succédé à la république, ils garderent pour eux les triomphes, & donnerent à des gens qui leur marquoient un dévoüement inviolable, le commandement des armées; alors ceux qui furent nommés généraux , craignant d'entreprendre de trop grandes choses, en firent de petites. Ils modérerent aisément leur gloire que rien ne soûtenoit, & se conduisirent de maniere qu'elle ne réveillât que l'attention, & non pas la jalousie des empereurs, afin de ne point paroître devant leur throne avec un éclat que leurs yeux ne pouvoient souffrir. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Général Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne | Art militaire Part of Speech=s.m. Général Général , s. m. ( Art milit. & Hist. mod. ) en France le général est ordinairement le maréchal de France, qui a sous lui des lieutenans généraux & des maréchaux de camp pour l'aider dans ses fonctions: ces derniers officiers sont appellés officiers généraux , parce qu'ils n'appartiennent à aucun corps particulier, & qu'ils commandent indifféremment tout le corps de l'armée sous les ordres du général en chef. On ne peut guere se dispenser d'entrer ici dans quelque détail sur les qualités qu'exige l'emploi de général : mais l'on fera parler sur ce sujet M. le maréchal de Saxe. C'est aux grands maîtres, comme cet illustre général , qu'il appartient de prescrire les regles & les préceptes pour marcher sur leurs traces & servir avec la même distinction. « La premiere de toutes les qualités du général , dit le célebre maréchal que nous venons de nommer, est la valeur, sans laquelle je fais peu de cas des autres, parce qu'elles deviennent inutiles: la seconde est l'esprit; il doit être courageux & fertile en expédiens: la troisieme est la santé. Le général doit avoir le talent des promptes & heureuses ressources; savoir pénétrer les hommes, & leur être impénétrable; la capacité de se prêter à tout; l'activité jointe à l'intelligence; l'habileté de faire en tout un choix convenable; & la justesse du discernement. Il doit être doux, & n'avoir aucune espece d'humeur; ne savoir ce que c'est que la haine; punir sans miséricorde, & sur-tout ceux qui lui sont les plus chers; mais jamais ne se fâcher; être toûjours affligé de se voir dans la nécessité de suivre à la rigueur les regles de la discipline militaire; & avoir toûjours devant les yeux l'exemple de Manlius; s'ôter de l'idée que c'est lui qui punit; & se persuader à soi-même & aux autres, qu'il ne fait qu'administrer » « les lois militaires. Avec ces qualités, il se sera aimer, craindre, & sans doute obéir. Les parties d'un général sont infinies. L'art de savoir faire subsister une armée, de la ménager; celui de se placer de façon qu'il ne puisse être obligé de combattre que lorsqu'il le veut; de choisir ses postes, de ranger ses troupes en une infinité de manieres, & savoir profiter du moment favorable qui se trouve dans les batailles, & qui décide de leur succès. Toutes ces choses sont immenses & aussi variées que les lieux & les hasards qui les produisent. Il faut pour les voir, qu'un général ne soit occupé que de l'ennemi un jour d'affaire: l'examen des lieux & celui de son arrangement pour ses troupes, doit être prompt comme le vol d'un aigle; sa disposition doit être courte & simple. Il s'agit de dire, par exemple, la premiere ligne attaquera, la seconde soûtiendra; ou tel corps attaquera & tel soûtiendra. Il faudroit que les généraux qui sont sous lui fussent bien bornés pour ne pas savoir exécuter cet ordre, & faire faire la manoeuvre qui convient chacun à sa division: ainsi le général ne doit pas s'en occuper ni s'en embarrasser; car s'il veut faire le sergent de bataille & être par-tout, il sera precisément comme la mouche de la fable, qui croyoit faire marcher un coche. Il faut donc qu'un jour d'affaire un général ne fasse rien; il en verra mieux; il se conservera le jugement plus libre, & il sera plus en état de profiter des situations où te trouve l'ennemi pendant la durée du combat; & quand il verra sa belle, il devra baisser la main pour se porter à toutes jambes dans l'endroit défectueux; prendre les premieres troupes qu'il trouve à portée, les faire avancer rapidement, & payer de sa personne: c'est ce qui gagne les batailles & les décide. Je ne dis point ou ni comment cela se doit faire, parce que la variété des lieux & celle des dispositions que le combat produit, doivent le démontrer; le tout est de le voir & d'en savoir profiter. Bien des généraux en chef ne sont occupés un jour d'affaire, que de faire marcher les troupes bien droites; de voir si elles conservent bien leurs distances; de répondre aux questions que les aides de camp leur viennent faire; d'en envoyer par-tout, & de courir eux-mêmes sans cesse; enfin ils veulent tout faire, moyennant quoi ils ne font rien. Je les regarde comme des gens à qui la tête tourne, & qui ne voyent plus rien; qui ne favent faire que ce qu'ils ont fait toute leur vie, je veux dire, mener des troupes méthodiquement. D'où vient cela? c'est que très-peu de gens s'occupent des grandes parties de la guerre; que les officiers passent leur vie à faire exercer des troupes, & croyent que l'art militaire consiste seulement dans cette partie: lorsqu'ils parviennent au commandement des armées, ils y sont tout neufs; & faute de savoir faire ce qu'il faut, ils font ce qu'ils savent. L'une de ces parties est méthodique, je veux dire, la discipline & la maniere de combattre; & l'autre est sublime: aussi ne faut-il point choisir pour celle-ci des hommes ordinaires pour l'administrer. L'on doit, une fois pour toutes, établir une maniere de combattre que les troupes doivent savoir, ainsi que les généraux qui les menent: ce sont des regles générales, comme, par exemple, qu'il faut garder ses distances dans la marche; que lorsqu'on charge, il faut le faire vigoureusement; que s'il se fait des troüées dans la premiere ligne, c'est à la seconde à les boucher; il ne faut point d'écritures pour cela, c'est l' a b c des troupes: rien n'est si aisé; & le général ne doit pas y donner toute son attention, comme la plûpart le font. Mais ce qui mérite toute son attention, c'est la contenance de l'ennemi, les mouvemens qu'il fait, & où il porte ses troupes: il faut chercher à lui donner de la jalousie dans un endroit, pour lui faire faire quelque fausse démarche, le déconcerter; profiter des momens, & savoir porter le coup de mort où il faut. Mais pour tout cela, il faut se conserver le jugement libre, & n'être point occupé de petites choses ». Réveries , ou mémoires sur la Guerre, par M. le maréchal de Saxe. Si l'on veut s'instruire plus particulierement de tout ce qui concerne l'emploi de général , on pourra consulter Vegece, le commentaire sur Polybe du chevalier Folard, les réflexions militaires de M. le marquis de Santa-Crux, &c. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Général des Dragons Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Général des Dragons Général des Dragons , ( Art milit. ) c'est le colonel général de ce corps auquel on donne souvent ce titre dans l'usage ordinaire. « M. de Boufflers a le régiment des gardes vacant par la mort de M. de la Feuillade, & vend sa charge de général des dragons au comte de Tessé ». Abrégé chronologique de l'histoire de France, par M. le président Hénault. Le corps des dragons a un autre chef, c'est le mestre de camp général : en l'absence de ces deux officiers, c'est le plus ancien brigadier du corps qui en a le commandement. Lorsque les dragons sont mêlés dans les brigades de cavalerie, ils doivent obéir à celui qui commande; s'il arrive que ce soit un officier de dragons, il est en ce cas sous les ordres du général de la cavalerie; s'il se trouve dans les brigades mêlées de cavalerie & de dragons, un brigadier de ce dernier corps, il roule avec les brigadiers de cavalerie; & il est obligé de reconnoître le général ou le commandant de la cavalerie. Les officiers de cavalerie & de dragons de pareils grades, tiennent rang entr'eux de la date de leurs commissions; lorsqu'elles sont datées du même jour, l'officier de cavalerie commande celui de dragons. S'il arrive que par ancienneté, le brigadier, colonel ou autre officier de dragons, se trouve commander un corps ou un détachement composé de cavalerie & de dragons, l'officier de dragons doit, en ce cas, après avoir rendu compte au général de l'armée, le rendre ensuite au général de la cavalerie ou à celui qui la commande, comme étant le premier corps, & ensuite au commandant des dragons. Dans tout autre service qui concerne les dragons, les officiers de ce corps n'ont aucun compte à rendre ni aucun ordre à recevoir de celui qui commande la cavalerie; les dragons faisant un corps distinct & séparé. Code milit. par M. Briquet. Ce qu'on vient d'ajoûter à l' article Général des Dragons , doit servir de supplément & de rectification au mot Dragons , où l'on ne s'est pas expliqué exactement sur ce qui concerne ce corps: on y dit, que le major général des dragons reçoit l'ordre du maréchal général des logis de la cavalerie ; il falloit dire, que les ordres du général lui sont remis par le maréchal général des logis de la cavalerie, verbalement ou par écrit . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Général de la Cavalerie Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Général de la Cavalerie Général de la Cavalerie , ( Art militaire. ) est l'officier qui commande la cavalerie; ce grade est le premier dans l'armée après celui de maréchal de camp: la cavalerie a trois autres chefs, qui font le colonel général , le mestre de camp général , & le commissaire général ; en l'absence de ces trois officiers, c'est le plus ancien brigadier du corps qui la commande. Les princes ont ordinairement le commandement de la cavalerie dans leur seconde campagne. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Général des Galeres Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Général des Galeres Général des Galeres , ( Marine. ) c'est celui qui les commande & qui est à la tête du corps. Lorsque les galeres faisoient un corps particulier, la place de général des galeres étoit considérable; & tout ce qui concernoit le service des galeres étoit sous ses ordres: mais depuis que le corps des galeres a été réuni à celui de la Marine, la place de général des galeres a été supprimée. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Général Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA Général Général , ( Hist. ecclésiastique. ) est usité parmi les moines pour signifier le ches d'un ordre, c'est-à-dire de toutes les maisons & congrégations qui sont sous la même regle. Voyez Ordre . Nous disons dans ce sens le général des Cisterciens, des Franciscains, &c. Voyez Franciscains , &c. Le P. Thomassin fait venir l'origine des généraux des ordres, des priviléges que les anciens patriarches avoient accordés aux monastères de leurs villes capitales, par le moyen desquels ils étoient exempts de la jurisdiction de l'évêque, & soûmis immédiatement au seul patriarche. Voyez Exemption . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Générale Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.f. Générale Générale , s. f. ( Art milit. ) on se sert de ce mot pour signifier une marche particuliere ou une certaine maniere de battre le tambour, par laquelle on avertit les troupes de se tenir prêtes à marcher ou à combattre. Voyez Tambour . Ainsi faire battre la générale , c'est faire battre le tambour pour que tout le monde prenne les armes. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRALISSIME Author=Mallet|Le Blond Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GÉNÉRALISSIME GÉNÉRALISSIME, s. m. ( Hist. anc. ) c'est ce que les Grees appelloient archistrategos . Les Romains n'ont eu de dignité semblable que dans la personne du dictateur. Le titre de généralissime est en usage parmi les modernes, sur-tout quand une armée composée de diverses nations alliées, outre les chefs particuliers, a un général qui commande également à tous les autres, & du consentement de toutes les puissances intéressées: c'est ainsi que dans la guerre de 1733 le maréchal de Villars étoit généralissime de l'armée des trois couronnes en ltalie. ( G ) On donne aussi le nom de généralissime à un général qu'on veut mettre au-dessus des autres généraux ou commandans ordinaires des armées: ainsi en France lorsqu'on envoye un prince commander une armée où il y a des maréchaux de France, on lui donne le nom de généralissime; Walstein obtint la qualité de généralissime des troupes de l'empereur; Montécuculi & le prince Eugene ont eu le même titre. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRALITÉ Author=Anonymous5 Normalized Classification=Politique Part of Speech=s.f. GÉNÉRALITÉ GÉNÉRALITÉ, s. f. ( Politique. ) est une certaine étendue de pays déterminee par la jurisdiction d'un bureau des finances. L'établissement de ces bureaux, & les divisions des provinces en généralités , ont eu pour objet de faciliter la régie des finances du Roi. C'est aux généraux des finances qu'est due l'origine des généralités . Sous les deux premieres races, nos rois n'avoient point d'autres recettes que les revenus de leurs propres domaines; bien avant sous la troisieme, on ne parloit point de généralités , parce qu'il n'existoit point de receveurs généraux. Il n'y avoit alors qu'un seul officier qui avoit l'intendance & l'administration du domaine; c'étoit le grand trésorier de France. Ce fut à l'occasion des guerres pour la Religion, que Louis le jeune le premier obtint la vingtieme partie du revenu de ses sujets pour quatre ans. Il commença à lever cette taxe en 1145 pour le voyage de la Terre-Sainte; Philippe Auguste son fils, se fit donner la dixme des biens meubles des laïcs, & le dixieme du revenu des biens de l'Eglise. En 1188 saint Louis établit une aide dans le royaume, & leva en 1247 le vingtieme du revenu. En 1290 ( a ) Philippe-le-Bel mit une aide sur les marchandises qu'on vendoit dans le royaume. Philippe-le-Long introduisit ( a ) Il est le premier qui jugea à propos d assembler les états de son royaume, pour dedommager un peu le peuple de ces impositions. le droit de gabelle sur le sel en 1321; ces subsides continuerent sous Charles le-Bel, & sous Philippe de Valois. Jusques-là les impositions furent modiques & passageres; il n'y avoit pour veiller à cette administration que le grand trésorier: Philippe de Valois en ajoûta un second. Ce ne fut que sous le roi Jean, que les aides & gabelles prirent une forme, qui encore ne fut rendue stable & fixe que par Charles VII. Le roi Jean pour prévenir les cris du peuple, donna un édit daté du 28 Décembre 1355, par lequel il établit certains receveurs & neuf personnes, trois de chaque ordre, que les trois états, du consentement du roi, choisissoient & nommoient, pour avoir l'intendance & la direction des deniers de subside. On nommoit élus & grenetiers , ceux qui devoient veiller sur les aides & gabelles particulieres des provinces; on appelloit les autres généraux , parce qu'ils avoient l'inspection générale de ces impositions partout le royaume. Voilà l'époque du parfait établissement des généraux des finances: ils furent établis alors tant pour la direction des deniers provenans des aides, que pour rendre la justice en dernier ressort sur le fait des aides ( b ). Aux états tenus à Compiegne en 1358 sous le régent Charles, pendant la prison du roi Jean son pere, on élut trois généraux dans chacun des trois ordres. Les états les nommoient, le roi les confirmoit; c'étoit entre ses mains ou de ses officiers, qu'ils faisoient le serment de remplir leurs fonctions avec honneur & fidélité. Charles V. parvenu à la couronne, outre les aides, sorte d'imposition sur les marchandises, établit par feux l'impôt qu'on nomma foüage , par lettres du 20 Novembre 1379. Alors il supprima tous les receveurs généraux des aides, & n'en laissa qu'un résident à Paris. Depuis ce fut toûjours le roi qui institua & destitua les généraux à sa volonté. Ce qu'on appelloit foüage sous Charles V. on le nomma taille sous Charles VI. La commission de lever ces deniers étoit donnée aux favoris du prince; c'étoient les personnes les plus qualifiées de la cour, les plus distinguées dans l'état ecclésiastique & parmi la noblesse, qui les remplissoient. Charles V. par ordonnance du 17 Avril 1364 rétablit trois généraux des finances, à qui il donna un pouvoir universel pour gouverner les finances du royaume; il fixa leurs fonctions le 22 Février 1371. Ce fut vers ce tems que les généraux des finances, pour mieux veiller à la direction des deniers, & pour prendre une connoissance plus exacte du domaine de la couronne, se départirent en Languedoc , en Languedouy , en outre Seine & Yonne , & en Normandie ; ce qui composoit alors tout le royaume. Voilà la premiere notion qu'on puisse donner des généralités , qui étoient au nombre de quatre. Dans leurs tournées les généraux s'informoient de la conduite des élus, receveurs, & autres officiers soûmis à leur jurisdiction. Ils examinoient s'ils se comportoient avec équité tant envers le roi, que par rapport à ses sujets; ils avoient le pouvoir d'instituer & de destituer les élus, grenetiers, contrôleurs, receveurs, & sergens des aides. Des le tems de Charles VI. on commença à met tre quelque distinction entre les généraux des finances, & les généraux de la justice, comme il paroît par l'ordonnance du 9 Février 1387, où le roi nomma quatre généraux, deux pour la finance, & deux pour la justice ( c ). Cette distinction de géneraux ( b ) Il en falloit quatre, ou trois au moins, pour la répartition & direction des deniers: deux suffisoient pour rendre la justice, même avec force d'arrêt. ( c ) On peut fixer à cette division l'origine de la cour des aides, & ses distinctions avec les trésoriers de France. des finances des aides, & généraux de la justice des aides, dura jusques vers la fin du regne de François premier, qui au mois de Juillet 1543, érigea ces offices en cour souveraine, sous le nom de cour des aides . Les officiers furent nommés conseillers généraux sur le fait des aides , nom qu'ils ont conservé jusqu'en 1654. Le même roi François premier créa 16 recettes générales pour toutes sortes de deniers, soit du domaine, des tailles, aides, gabelles, ou subsides. Ces recettes furent établies dans les villes de Paris, Châlons, Amiens, Roüen, Caën, Bourges, Tours, Poitiers, Issoire, Agen, Toulouse, Montpellier, Lyon, Aix, Grenoble & Dijon. Dans chacune de ces villes, le roi nomma un receveur général; voilà déjà seize généralités formées. Henri second créa un trésorier de France & un général des finances dans chaque recette générale établie par son prédécesseur. Il créa une dix-septieme généralité à Nantes; il réunit dans un même office les charges de trésoriers de France & de généraux des finances, & voulut que ceux qui en seroient revétus fussent appellés dans la suite trésoriers généraux de France , ou trésoriers de France & généraux des finances . Par édit du mois de Septembre 1558, le même roi créa deux autres recettes générales; l'une à Limoges, composée d'un démembrement des généralités de Riom & de Poitiers; l'autre à Orléans, démembrée de la généralité de Bourges. Ces deux généralités furent supprimées bien-tôt après, & ne furent rétablies que sous Charles IX. au mois de Septembre 1573. Sur les remontrances des états généraux tenus à Orléans, Charles IX. au mois de Février 1566 réduisit les dix-sept anciennes recettes générales au nombre de sept, qui étoient Paris, Rouen, Tours, Nantes, Lyon, Toulose & Bordeaux; mais la réduction n'eut pas d'effet. Henri III. établit des bureaux des finances dans chaque généralité , au mois de Juillet 1577. Par lettres-patentes du six Avril 1579, le roi réduisit les dix-neuf généralités (celles de Limoges & d'Orléans étoient rétablies) au nombre de huit; & le 26 du même mois, il les rétablit. La généralité de Limoges fut encore supprimée au mois de Décembre 1583, & rétablie au mois de Novembre 1586. Ce fut encore Henri III. qui créa la généralité de Moulins au mois de Septembre 1587. Henri IV. au mois de Novembre 1594 érigea une nouvelle généralité à Soissons; en 1598 il supprima tous les bureaux des finances, & les rétablit au mois de Novembre 1608. Au mois de Novembre 1625, Louis XIII. créa des bureaux des finances & des généralités à Angers, à Troyes, à Chartres, à Alençon, & à Agen ( d ), qu'il supprima au mois de Février 1626. Il en érigea une à Grenoble pour le Dauphiné au mois de Décembre 1627 (la généralité dans cette ville lors de la grande création par Henri second, avoit été supprimée): le même roi créa un bureau des finances & une recette générale à Montauban, au mois de Février 1635; il établit aussi une nouvelle généralité à Alençon au mois de Mai 1636; au mois d'Avril 1640, il en avoit institué une à Nimes, qu'il supprima au mois de Janvier 1641. Louis XIV. aux mois de Mai & de Septembre 1645, créa des généralités à la Rochelle, à Chartres & à Angers: elles furent supprimées bien-tôt après. Il en établit encore une dans la ville de Beaucaire au mois de Juin 1646, qu'il révoqua tout de ( d ) La généralité créée à Agen en 1551, avoit été transsérée à Bordeaux avant 1566. suite. Il en érigea une à Metz, au mois de Novembre 1661, une autre à Lille au mois de Septembre 1691. Par même édit du mois d'Avril 1694, le roi rétablit la généralité de la Rochelle, & créa celle de Rennes. Au mois de Février 1696, il établit celle de Besançon, mais les charges des trésoriers furent réunies à la chambre des comptes de Dole. Par édit du mois de Septembre 1700, le roi supprima le bureau des finances qu'il avoit établi à Rennes, & qui depuis avoit été transféré à Vannes. Louis XIV. avoit encore érigé une généralité à Ypres pour la Flandre occidentale au mois de Février 1706. Louis XV. par un édit du mois d'Avril 1716, registrée en la chambre des comptes de Paris le 6 Mai suivant, créa un bureau des finances & une généralité à Ausch pour la province de Gascogne. Il composa cette généralité d'élections démembrées des généralités de Bordeaux & de Montauban. Il y a actuellement en France vingt-cinq généralités ; dix-neuf dans les pays d'élection, & six dans les pays d'états: le premieres sont Paris, Châlons, Soissons, Amiens, Bourges, Tours, Orléans, Roüen, Caën, Alençon, Poitiers, Limoges, la Rochelle, Bordeaux, Montauban, Lyon, Riom, Moulins, & Ausch; les autres sont Bretagne, Bourgogne, Dauphiné, Provence, Montpellier, & Toulouse. Dans chaque généralité il y a plusieurs élections; chaque élection est composée de plusieurs paroisses. Sous Louis XIII. en 1635, on commença à envoyer dans les généralités du royaume des maîtres des requêtes en qualité d' intendans de justice, police, & finances; on les nomme aussi commissaires départis dans les provinces pour les intérêts du roi & le bien du public dans tous les lieux de leurs départemens. Il n'y a dans la France considérée comme telle, que vingt-quatre intendans pour vingt-cinq généralités , parce que celles de Montpellier & de Toulouse sont sous le seul intendant de Languedoc. Mais il y en a encore sept departis dans la Flandre, le Haynaut, l'Alsace, le pays Messin, la Lorraine, la Franche-Comté, & le Roussillon. Voyez l'article Intendant . Il y a aussi dans chaque généralité deux receveurs généraux des finances, qui sont alternativement en exercice; ils prennent des mains des receveurs des tailles les deniers royaux, pour les porter au tresor royal. La division du royaume en généralités , comprend tout ce qui est soûmis en Europe à la puissance du roi. Comme cette division a sur-tout rapport aux impositions, de quelque nature qu'elles soient, aucun lieu n'en est excepté; il en est cependant où le roi ne leve aucune imposition, & dont, par des concessions honorables, les seigneurs joüissent de plusieurs droits de la souveraineté: telle est en Berry la principauté d'Enrichemont, appartenant à une branche de la maison de Bethune; en Bresse, celle de Dombes; & telle étoit aussi la principauté de Turenne, avant que le Roi en eût fait l'acquisition. Dans ces principautés, les officiers de justices royales, les intendans ni les bureaux des finances n'ont aucune autorite directe. Comme les généralités ont été établies, supprimées, réunies, divisées en differens tems sans rapport à aucun projet général; que le royaume a aussi changé de face en différens tems par les conquêtes de nos rois & les traités avec les princes voisins, & enfin par les différentes natures de droits & d'impôts qui ont été établis en differentes circonstances, & avec des arrondissemens particuliers, suivant la différente nature du pays, & autres impositions plus anciennes auxquelles on les assimiloit pour une plus facile perception; il n'est pas surprenant que les généralités soient aussi mal arrondies qu'elles le sont: les unes sont trop fortes pour qu'un seul homme puisse porter par-tout une attention égale, & sur-tout depuis que les besoins de l'état ont obligé à augmenter les charges du peuple; d'autres sont trop petites eu égard aux premieres; & ces dernieres cependant sont bien suffisantes pour occuper tout entier un homme attentif & laborieux. Dans la même généralité , il se trouve des cantons tout entiers où certaines natures de droits se perçoivent sous l'autorité du commissaire départi d'une autre province: il y a même des paroisses dont une partie est d'une généralité , & l'autre partie d'une autre; ce qui donne souvent lieu à des abus & des difficultés. Maintenant que le royaume paroît avoir pris toute la consistence dont il est susceptible, il seroit à souhaiter qu'il se fît un nouveau partage des généralités , qui les réduiroit à une presque-égalite , & dans lequel on auroit égard aux bornes que la nature du pays indique, à la nature des impositions, & aux formes d'administration particulieres à chaque province. S'il ne s'agissoit dans ce partage que de dispenser entre un certain nombre d'intendans l'administration de toutes les parties, ce seroit une opération fort aisée; comme ils n'ont que des commissions, on leur feroit à chacun telle part de cette administration qui conviendroit le mieux au bien des affaires: mais la multitude des charges relatives aux impositions, & dont les finances ont été fixées eu égard aux droits ou à l'étendue de jurisdiction qui leur étoient accordés sur ces impositions mêmes, ou sur un nombre déterminé de paroisses; telles que les charges de receveurs généraux des finances, receveurs des tailles, trésoriers de France, élus, officiers de greniers à sel, & autres pareils offices: cette multitude de charges, dis-je, donneroit lieu à de grandes difficultés: & c'est sans doute le motif qui empêche le conseil d'y penser. Voyez , pour l'établissement & succession des généralités , Pasquier, recherches de la France, liv. VII. & VIII . Miraumont, Fournival; les registres de la chambre des comptes; les mémoires sur les priviléges & fonctions des trésoriers généraux de France, imprimés à Orléans en 1745; l'état de la France, imprimé à Paris en 1749, tome V. à l'article des généralités ; le Dictionnaire encyclopédique, tome IV. au mot Cour des Aides . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRATEUR, GÉNÉRATRICE Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=NA GÉNÉRATEUR GÉNÉRATEUR, GÉNÉRATRICE, subst. terme de Géométrie , se dit de ce qui engendre par son mouvement, soit une ligne soit une surface, soit un solide: ainsi on appelle cercle générateur de la cycloïde , le cercle qui dans son mouvement trace la cycloïde par un des points de sa circonférence. Voyez Cycloïde . On appelle ligne génératrice d'une surface , la ligne droite ou courbe qui par son mouvement engendre cette surface, &c. Voyez Génération . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRATION Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=s.f. GÉNÉRATION GÉNÉRATION, s. f. en Géometrie , est la formation qu'on imagine d'une ligne, d'un plan, ou d'un solide, par le mouvement d'un point, d'une ligne, ou d'une surface. Voyez Ligne , Point , Surface Par exemple, on peut imaginer qu'une sphere est formée par le mouvement d'un demi-cercle autour de son diametre: on appelle pour lors ce diametre, axe de révolution ou de rotation . De même on peut regarder un parallélogramme comme engendre par le mouvement d'une ligne droite qui se meut toûjours parallelement à elle-même, & dont tous les points se meuvent en ligne droite: dans ce dernier cas, la ligne suivant laquelle le mouvement se fait, s'appelle quelquefois la directrice. Voyez Directrice & Engendrer . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=NA Génération Génération , en Physique , c'est en général l'action de produire ce qui n'existoit point auparavant; ou, pour parler plus exactement, c'est le changement d'un corps en un autre, qui ne conserve aucun reste de son état précédent. Car, à proprement parler, la génération ne suppose point une production de nouvelles parties, mais seulement une nouvelle modification de ces parties: c'est en cela que la génération differe de ce que nous appellons création. Voyez Création . Génération differe d' altération , en ce que dans celle-ci le sujet paroît toûjours le même; les accidens seuls & les affections sont changés; comme quand un animal en santé tombe malade, ou quand un corps qui étoit rond devient quarré. Enfin génération est opposée à corruption , qui est la destruction d'une chose qui existoit; comme lorsque ce qui étoit auparavant bois ou oeuf, n'est plus ni l'un ni l'autre. Les anciens philosophes concluoient de-là que la génération d'une chose est proprement la corruption d'une autre. Voyez Corruption . Chambers . La génération des corps en général, est un mystere dont la nature s'est reservé le secret. Pour savoir comment les corps s'engendrent, il faudroit résoudre des questions qui sont fort au-dessus de notre portée. Il faudroit savoir 1°. si les parties d'un corps quelconque, d'une plante, par exemple, sont differentes des parties d'un autre corps, comme d'une pierre; en sorte que les parties qui composent une plante, combinées comme on voudra, ne puissent jamais faire une pierre: ou si les parties de tous les corps, les premiers élémens qui les composent, sont les mêmes, & produisent par la seule diversité de leur arrangement, les différens corps que nous voyons. 2°. Quand cette question seroit décidée, le mystere de la génération n'en seroit pas plus clair. Il faudroit ensuite savoir comment il arrive qu'un grain de blé, par exemple, étant mis en terre, ce grain de ble aide par l'action des sucs terrestres, attire & dispose d'une maniere convenable pour former l'épi, ou les parties de blé qui sont dans le sein de la terre, ou les parties de terre, & d'autres substances, qui par une nouvelle modification deviennent des parties de blé. Que répondre à ces questions? se taire & admirer les ressources de la nature: sans doute on peut faire sur ce sujet des systèmes, des raisonnemens à perte de vûe, de grands discours; mais que nous apprendront-ils? rien. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération Author=unknown Normalized Classification=Théologie Part of Speech=NA Génération Génération , en Théologie , se dit de la procession ou de la maniere dont le Fils de Dieu procede du Pere éternel; on l'appelle génération , au lieu que la procession du S. Esprit retient le nom de procession. Voyez Trinité . On dit en ce sens, que le Pere produit son Verbe & son Fils de toute éternité, par voie de génération ; expression fondée sur plusieurs textes précis de l'Ecriture, & qui attache au mot génération une idée particuliere; elle signifie une progression réelle quant a l'entendement divin, qui produit un terme semblable à lui même en nature; parce qu'en vertu de cette progression, le verbe devient semblable à celui dont il tire son origine; ou, comme S. Paul l'exprime, il est la figure ou l'image de sa substance, c'est à-dire de son être & de sa nature. Les anciens peres grecs appelloient cette génération προβολὴν , en latin prolationem , terme qui pris à la lettre signifie l'émanation d'une chose de la substance d'une autre chose . Cette expression fut d'abord rejettée par l'abus qu'en faisoient les Valentiniens pour expliquer la prétendue génération de leurs cons. Voyez Éons . Aussi voit-on qu Origene, S. Athanase, S. Cyrille, ne veulent pas qu'on se serve de ce mot pour expliquer la génération éternelle du Verbe: mais depuis on fit réflexion que ce terme pris en lui-même & en écartant les idées d'imperfection qu'emporte avec soi le mot génération applique aux hommes, n'avoit rien de mauvais; & l'on ne balança plus à s'en servir, comme il paroit par Tertullien, dans son ouvrage contre Praxée, chap. viij. par S. Irénée, liv. II. chap. xlviij. & par S. Gregoire de Nazianze, orat. 35 . Les scholastiques définissent la génération, l'origine d'un être vivant d'un autre être vivant par un principe conjoint en ressemblance de nature ; définition dont tous les termes sont inintelligibles: voici celle qu'en donne M. Wuitasse, un des auteurs les plus estimés sur cette matiere. On l'appelle, dit-il, origine , c'est-à-dire émanation, procession ; nom commun à toute production. 2°. D'un être vivant , parce qu'il n'y a que ce qui est vivant qui soit proprement engendré. 3°. D'un autre être vivant ; parce qu'il n'y a point de génération proprement dite, si ce qui engendre n'est vivant: ainsi, ajoûte cet auteur, on dit qu'Adam fut formé du limon, mais non pas engendré du limon. 4°. Par un principe conjoint ; ce qui signifie deux choses. 1°. Que cet être vivant d'où procede un autre être vivant, doit être le principe actif de la production de celui-ci: par cette raison, Eve ne peut point être appellée proprement la fille d'Adam , parce qu'Adam ne concourut pas activement, mais seulement passivement, à la formation d'Eve: 2°. que cet être vivant qui produit un autre être vivant, doit lui être conjoint ou uni par quelque chose qui lui soit propre; comme les peres, quand ils engendrent leurs enfans, leur communiquent quelque partie de leur substance. 5°. En ressemblance de nature; termes qui emportent encore deux idées; 1°. que la génération exige une communion de nature au-moins spécifique; 2°. que l'action qu'on nomme génération doit par elle-même tendre à cette ressemblance de nature; car le propre de la génération est de produire quelque chose de semblable à celui qui engendre. De-là ils concluent que la procession du Verbe doit seule être appellée génération , & non procession ; & que la différence qui se trouve entre cette génération & la procession du S. Esprit vient de ce que le Verbe procede du Pere par l'entendement, qui est une faculté affirmative, c'est-à-dire qui produit un terme semblable à elle-même en nature; au lieu que le S. Esprit procede du Pere & du Fils par la volonté, qui n'est pas une faculté assimilative; ce que S. Augustin a exprimé ainsi, lib. IX. de trinit. c. xij. mens notitiam suam gignit cum se novit; & amorem suum non gignit cum se amat . Cependant il faut convenir que les anciens peres n'ont pas poussé si loin que les théologiens leurs recherches sur ces matieres mystérieuses; & S. Augustin lui-même avoue qu'il ignore comment on doit distinguer la génération du fils de la procession du S. Esprit, & que sa pénétration succombe sous cette difficulté: distinguere inter illam generationem & hanc processionem nescio, non valeo, non sufficio. lib. II. contrà Maxim. c. xjv. n°. 1 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Génération Génération , se dit encore, quoique un peu improprement, pour signifier généalogie , ou la suite des enfans & des descendans qui sortent tous d'une même tige. Ainsi l'évangile de S. Mathieu commence par ces mots, liber generationis Jesu-Christi , que les traducteurs les plus exacts rendent par ceux-ci, le livre de la génealogie de Jesus-Christ. Voyez Généalogie . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne | Histoire moderne Part of Speech=NA Génération Génération , ( Hist. anc. & mod. ) est synonyme à peuple, race, nation , sur-tout dans les traductions littérales de l'Ecriture-sainte, dans laquelle on rencontre presque par-tout le mot génération , où le latin porte generatio , & le grec γενεὰ ou γένεσις : ainsi, « c'est une génération méchante & perverse qui demande des miracles, &c. ». Une génération passe, & il en vient une autre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Génération Génération , se dit aussi de l'âge ou de la vie ordinaire d'un homme. Voyez Age . De là nous disons, jusqu'à la troisieme & quatrieme génération : en ce sens les Historiens comptent ordinairement une génération pour l'espace de trente-rois ans ou environ. Voyez Siecle . Hérodote met trois générations pour cent ans; & ce calcul, selon les auteurs modernes de l'arithmétique politique, paroît assez juste. Voyez Arithmétique politique & Chronologie -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération Author=d'Aumont Normalized Classification=Physiologie Part of Speech=NA Génération Génération , ( Physiologie. ) on entend en général par ce terme, la faculté de se reproduire, qui est attachée aux êtres organisés, qui leur est affectée, & qui est par conséquent un des principaux caracteres par lequel les animaux & les végétaux sont distingués des corps appellés minéraux . La génération actuelle est donc, par rapport au corps végétant & vivant, la formation d'un individu semblable par sa nature à celui dont il tire son origine, à raison des principes préexistans qu'il en reçoit, c'est-à-dire de la matiere propre & de la disposition à une forme particuliere que les êtres générateurs fournissent pour la préparation, le développement & l'accroissement des germes qu'ils produisent ou qu'ils contiennent. Voyez Germe . C'est donc par le moyen de la génération que se forme la chaine d'existences successives d'individus, qui constitue l'existence réelle & non interrompue des différentes especes d'êtres, qui n'ont qu'une durée limitée relativement à l'état d'organisation qui donne une forme déterminée & propre aux individus de chaque espece. C'est par la disposition même des parties en quoi consiste cette organisation, que celle-ci est bornée dans sa durée; disposition que l'auteur de la nature a établie de telle maniere, que ce qui est dans les êtres organisés le principe de leur existence comme tels, c'est-à-dire de la vie végétante ou animée dont ils joüissent entant qu'il y entretient l'action, le mouvement des parties solides & fluides dont ils sont composés, tend continuellement à devenir sans effet, & par conséquent à détruire la vie par l'exercice même des moyens vivisians; parce qu'après avoir employé un certain tems à procurer à ces êtres le degré de consistance soit absolue soit respective qui en fait la perfection essentielle, il ne peut continuer à agir sans augmenter cette consistance à un point où elle devient excessive, & forme un défaut radical en rendant les organes toûjours moins propres à perpétuer le jeu qui leur est affecté, entant qu'il les prive insensiblement de la flexibilité qui leur est nécessaire pour cet effet, & qu'il laisse perdre la fluidité des parties, qui ne la conservoient que par accident, par l'effet de l'action à laquelle elles étoient exposées, de cette action qui dépend de la flexibilité dont on vient de dire que les organes étoient enfin privés. C'est cette considération qui a fait dire à un ancien, que vivere est continuò rigescere; c'est-à-dire que la condition de tous les corps organisés est de prendre par degré de la solidité, de se durcir, de se rendre roides de plus en plus, & de devenir ainsi dans la suite toûjours moins propres à entretenir la vie par les mêmes effets qui ont d'abord formé ces corps, & qui les font subsister: d'où il s'ensuit dans les individus tant végétaux qu'animaux, le changement d'état qu'on appelle mort , qui n'est autre chose que la cessation du mouvement propre à ces individus entant que vivans, qui ne présente pour toute différence qu'une inaction commune à tout corps privé d'organisation, ou dont l'organisation n'est pas actuellement vivifiée: par conséquent, cet état laisse les corps organisés, comme tous ceux qui ne le sont pas, exposés aux impressions des agens destructeurs de toutes les formes particulieres qui dégradent l'organisation, & réduisent la matiere qui l'avoit reçûe à la condition de la matiere brute, informe, jusqu'à ce que ces matériaux des corps organisés soient de nouveau tités du cahos & mis en oeuvre pour servir à la construction d'un corps vivifié, à la reproduction d'un végétal ou d'un animal. Cette disposition, qui sans cesser d'être la même essentiellement, produit dans le même individu des effets si contraires en apparence: cette disposition, qui commence, entretient & finit la vie dans les êtres organisés, est sans doute un ouvrage bien merveilleux; mais quelque étonnant, quelque admirable qu'il nous paroisse, ce n'est pas dans la maniere dont existe chaque individu qu'est la plus grande merveille, c'est dans la succession, dans le renouvellement & dans la durée des especes, que la nature paroît tout-à-fait inconcevable, qu'elle présente un sujet d'admiration tout opposé dans cette vertu procréatrice, qui s'exerce perpétuellement sans se détruire jamais; dans cette faculté de produire son semblable, qui réside dans les animaux & dans les végétaux, qui forme cette espece d'unité toûjours subsistante. C'est pour nous un mystere dont on a si peu avancé jusqu'à-présent à sonder la profondeur, que les tentatives les plus multipliées semblent n'avoir servi qu'à convaincre de plus en plus de leur inutilité; ensorte même que c'est, pour ainsi dire, violer le sein de la pudeur, où la nature cache son travail, que d'oser seulement tenter de chercher à en appercevoir la moindre ébauche. Aussi ayant à traiter dans cet article d'une matiere si difficile & si délicate, nous ne ferons point de recherches nouvelles, nous nous bornerons à faire un exposé simple & aussi discret qu'il est possible, des moyens évidens qu'elle a voulu employer pour préparer ce travail secret, & du peu de phénomenes que de hardis observateurs ont pû dérober à cette chaste ouvriere. Ces moyens, c'est-à-dire les opérations méchaniques qui servent à la reproduction des végétaux & des animaux, sont de différente espece, par rapport à ces deux genres d'êtres & à chacun d'eux en particulier. Généralement les animaux ont deux sortes d'organisations, essentiellement distinctes, destinées à l'ouvrage de la reproduction. Cette organisation constitue ce qu'on appelle les sexes. Voyez Sexe . C'est par l'accouplement ou l'union des deux sexes, que les individus de ce genre se multiplient le plus communément; au lieu qu'il n'y a aucune sorte d'union, d'accouplement sensible des individus générateurs, dans le genre végétal; la reproduction s'y fait en général par le développement des graines ou des semences qui ont été fécondées par le moyen des fleurs. Voyez Végétal , Plante , Fleur . Ce développement des semences s'opere entierement hors de l'individu, qui les fournit: la reproduction des végétaux s'opere aussi par l'extension d'une portion de plante, qui, lorsqu'elle est une branche vivante, ou portion de branche séparée du tronc, du corps de la plante, & en tant qu'elle est destinée à cet usage, s'appelle bouture. Voyez Bouture . Et lorsqu'elle est une partie détachée de la racine de la plante, elle porte le nom de cayeu . Il vient d'être dit que l' accouplement ou l'union des sexes dans les animaux est le moyen le plus commun par lequel se fait la multiplication des individus; ce qui suppose qu'il n'est par conséquent pas l'unique. En effet il y a des animaux qui se reproduisent comme les plantes & de la même maniere. La génération des pucerons qui se fait sans accouplement, est semblable à celle des plantes par les graines, qui sont fécondées & disposées au développement sans le concours de deux individus; & celle des polypes, qui peut se faire en les coupant par pieces, ressemble à la reproduction des végétaux par boutures. Mais ces mêmes animaux avec la faculté particuliere de se multiplier à la maniere des plantes, sans accouplement, ne laissent pas d'avoir aussi la faculté commune à tous les autres animaux, de se reproduire par l'accouplement qui est la plus ordinaire pour ceux-là, comme elle est unique pour la plûpart de ceux-ci; ce qui fait aussi que c'est celle que l'on désigne spécialement par le mot de génération , & qui doit faire le sujet de cet article. Pour ce qui est donc des autres manieres mentionnées dont se reproduisent ou peuvent se reproduire les animaux & les végétaux, manieres qui établissent à cet égard quelques rapports particuliers entre eux, voyez les articles Animal , Végétal , Plante , Reproduction , Semence , Graine , Bouture , Puceron , Polype La génération de l'homme entre tous les animaux étant celle qui nous intéresse le plus, est par conséquent celle qui doit nous servir d'exemple, & qui va faire ici le principal objet des recherches dont nous allons rendre compte; d'autant plus que ce qui peut être dit sur ce sujet par rapport à l'espece humaine, convient presqu'entierement à toutes les autres especes d'animaux, pour la reproduction desquels il est nécessaire que se fasse le concours de deux individus, c'est-à-dire qu'un mâle & une femelle exercent ensemble la faculté qu'ils ont de produire un troisieme, qui a constamment l'un ou l'autre des deux sexes. Ces sexes consistant dans une disposition particuliere d'organes destinés à la génération , il est nécessaire d'avoir une connoissance exacte de la structure de ces organes & des rapports qui existent entr'eux: mais cette exposition etant faite dans les différens articles appartenant aux noms de ces organes, elle ne sera pas répétée ici. On la peut consulter si on en a besoin, pour l'intelligence de ce qui va être dit ici concernant la génération . L'âge auquel l'homme commence à être propre à se reproduire, est celui de la puberté: jusqu'alors la nature paroit n'avoir travaille qu'à l'accroissement & à l'affermissement de toutes les parties de cet individu; elle ne fournit à l'enfant que ce qui lui est nécessaire pour se nourrir & pour augmenter de volume; il vit, ou plûtôt il ne fait encore que végéter d'une vie qui lui est particuliere, toûjours foible, renfermée en lui-même, & qu'il ne peut communiquer: mais bien-tôt les principes de vie se multiplien en lui; il acquiert de plus en plus non-seulement tout ce qu'il lui faut pour son être, mais encore dequoi donner l'existence à d'autres êtres semblables à lui. Cette surabondance de vie, source de la force & de la santé, ne pouvant plus être contenue au-dedans, cherche à se répandre au-dehors. L'âge de la puberté est le printems de la nature, la saison des plaisirs; mais sur-tout de ceux que l'usage de nouveaux sens peut procurer: tout ceux dont l'homme est doüé, se forment avec lui & s'exercent ^dès qu'il joüit de la vie; parce qu'ils lui sont tous nécessaires ou utiles pour l'exciter ou pour l'aider à satisfaire aux différens besoins attachés à la conservation de son individu. Les organes susceptibles du sentiment qui le porte à s'occuper des moyens par lesquels il peut contribuer à la propagation de son espece, sont les seuls qui ne se développent, & n'ont de fonctions que lorsque l'individu est presque parvenu à son dernier degré d'accroissement, & que toutes les parties ont acquis la fermeté, la solidité qui en fait la perfection: ces organes n'étant pas destinés à son propre service, il convenoit qu'il fût pourvû de tout ce qui peut contribuer à sa duree, avant qu'il contribuât lui-même à la reproduction. Ainsi le développement des parties destinees à la génération , tant dans l'individu masculin que dans le féminin, est, pour ainsi dire, une nouvelle production qui s'annonce par plusieurs signes, & principalement par les premieres impressions de l'appetit vénérien: d'où s'ensuit le sentiment, qui fait connoitre dans chaque individu la différence des deux sexes, d'une maniere plus caractérisée qu'elle n'avoit été jusqu'alors. Voyez Puberté , Orgasme . Le sentiment du desir dont il vient d'être fait mention; cet appétit qui porte les individus des deux sexes, ordinairement de même espece, à se faire réciproquement une tradition de leurs corps pour l'acte prolifique, est attaché à une disposition physique de l'animal, qui consiste dans une sorte d'érétisme des fibres nerveuses des organes de la génération . Cet érétisme est produit par la qualité stimulante des humeurs particulieres qu'ils contiennent, cu par la dilatation des vaisseaux qui entrent dans leur composition, remplis, distendus au-delà de leur ton naturel; effet d'un abord de fluides plus considérable, tout étant égal, qu'il ne se fait dans les autres vaisseaux du corps, ou par tout attouchement, tout contact propre à exciter une sorte de prurit dans ces organes; ou par les effets de l'imagination dirigée vers eux, effets qui y produisent les mêmes changemens que le prurit. D'où s'ensuit une sorte de fievre dans ces parties, une sorte d'inflammation commençante qui les rend susceptibles d'impressions propres à ebranler tout le genre nerveux, à rendre ses vibrations plus vives, à redoubler le flux & le reflux qui s'en fait du cerveau à ces organes, & de ces organes au cerveau; ensorte que l'animal dans cet état ne sent presque plus son existence, que par celle de ce sens voluptueux, qui semble alors devenu le siége de son ame, de toute sa faculté sensitive, à l'exclusion de toute autre partie, c'est-à-dire qui absorbe toute la sensibilité dont il est susceptible, qui en porte l'intensité à un point qui rend cette impression si forte, qu'elle ne peut être soûtenue long-tems sans un desordre général dans toute la machine. En effet la durée de ce sentiment fait naître une sorte d'agitation, d'inquiétude, qui porte l'animal à en chercher le remede comme par instinct, dans ce qui peut tirer de cette intensité même des efforts propres à en détruire la cause, en produisant une excrétion des humeurs stimulantes, en faisant cesser l'érétisme, & par conséquent en faisant tomber dans le relâchement les fibres nerveuses & tous les organes, dont la tension étoit auparavant comme l'aliment même de la volupté. Telle est donc la disposition physique que l'auteur de la nature a voulu employer pour porter l'homme par l'attrait du plaisir, à travailler à se reproduire, comme il l'a engagé par le même moyen à se conserver, en satisfaisant au sentiment qui le porte à prendre de la nourriture; il ne s'occupe dans l'un & l'autre cas, que de la sensation agréable qu'il se procure, tandis qu'il remplit réellement l'objet le plus important qu'ait pu se proposer le conservateur supreme de l'individu & de l'espece. La secrétion de la liqueur spermatique; la reserve de cette liqueur toûjours renouvellée. mais en même tems toûjours retenue en suffisante quantité pour remplir plus ou moins les vésicules seminaires; la disposition constante à ce que le membre viril acquierre l'état d'érection, qui peut seul le rendre propre à être introduit dans le vagin, & à y être mis en mouvement à différentes reprises, pour donner lieu au frottement de l'extremite de ce membre, doüée d'un sentiment exquis, contre les plis veloutés des parois de ce canal, resserrées & lubrifiées (comme sont dans le vivant celles d'un boyau vuide), pour continuer ce frottement jusqu'à ce qu'il excite par communication, dans toutes les parties relatives, une sorte de prurit convulsif, d'où s'ensuive l'éjaculation: telles sont dans l'homme les conditions réquises pour qu'il soit habile à la fonction appellée coït ou copulation , par laquelle il concourt essentiellement à l'oeuvre de la génération. Voyez Semence ( Physiolog. ) Testicule , Vésicule séminale , Verge , Erection , Ejaculation . Le coït ou la copulation n'étant autre chose que l'acte par lequel l'homme s'unit à la femme par l'intromission de la verge dans le vagin, & par lequel s'opere la fécondation, moyennant le concours des dispositions efficaces pour le succès de cette oeuvre; elles consistent ces dispositions de la part de la femme, en ce que le canal dans lequel doit se faire cette intromission, en soit susceptible; qu'il puisse être dilaté; que ses parois se laissent écarter & pénétrer sans de grands obstacles, jusqu'à l'orifice de la matrice, & qu'elles résistent cependant assez pour donner lieu au frottement nécessaire, qui doit produire dans les parties génitales de l'homme qui en sont susceptibles, le prurit & l'émission convulsive de la liqueur séminale dans ce même canal, ensorte que cette liqueur puisse y être retenue, pour opérer ensuite les effets auxquels elle est destinée. Ce frottement excité dans le coït entre la verge & le vagin, ne donne pas seulement lieu au prurit, qui s'excite en conséquence dans les parties génitales de l'homme: il produit aussi cet effet dans celles de la femme, attendu le sentiment délicat dont est doüé ce canal; sentiment qui par le moyen des nerfs correspondans, se communique à tous les organes qui concourent au même usage; d'où s'ensuit une véritable érection du clitoris, un gonflement & une tension générale dans toute l'étendue des membranes spongieuses & nerveuses du vagin & de la matrice; une sorte de constriction spasmodique dans le cercle de fibres musculaires qui entourent le vagin; d'où suit un retrécissement du canal & un plus grand resserrement de la verge qui y est actuellement contenue; d'où suit encore vraissemblablement en même tems une autre sorte d'érection dans les trompes de Fallope, qui les applique à ce qu'on appelle les ovaires , pour les effets qui seront expliqués dans la suite. Ce sont ces différentes dispositions qui constituent le plus grand degré d'orgasme, qui n'est autre chose qu'un érétisme commun à toutes ces parties, par l'effet duquel, s'il est suffisamment continué, les glandes qui ont leur conduit excrétoire dans les cavités du vagin & de la matrice, étant fortement exprimées, y répandent l'humeur dont leurs vaisseaux sont remplis; & cette effusion se fait comme celle de la semence dans l'homme, par une sorte d'action convulsive qui la rend semblable à l'éjaculation, & n'a pas peu contribué sans doute à faire regarder cette liqueur de la femme comme une vraie semence, une liqueur aussi prolifique que celle de l'homme. Voyez Semence ( Physiol. ). C'est parce que la copulation produit cet orgasme, cette tension du genre nerveux dans les organes de la génération de l'un & de l'autre sexe, tension qui se communique, s'étend souvent à toutes les parties du corps, au point d'y causer aussi des secousses, des agitations comme convulsives, que Démocrite a comparé les phénomenes qui accompagnent le coït, à ceux que l'on observe dans de legeres attaques d'épilepsie. Voyez Orgasme . Telle est l'exposition abregée que l'on a cru devoir placer ici, du méchanisme qui dispose à l'oeuvre de la génération , & de ce qui est relatif à ce méchanisme: mais cette oeuvre ne dépend elle même essentiellement d'aucune opération méchanique, tout y est physique: la nature employe les moyens les plus secrets, les moins susceptibles de tomber sous les sens pour opérer elle-même la fécondation, dont les individus des deux sexes n'ont fait par la copulation que lui fournir les matériaux, ou, pour parler plus exactement, rassembler ceux qu'elle avoit préparés elle-même dans chacun de ces individus. C'est dans la maniere dont elle les met en oeuvre ces matériaux, que consiste le grand mystere de la génération , qui a excité dans tous les tems la curiosité des Physiciens, & les a portés à faire tant de recherches pour parvenir à le pénétrer, tant d'expériences pour réussir à prendre la nature sur le fait; c'est pour révéler son secret que l'on a imaginé tant de différens systèmes, qui se sont détruits les uns les autres, sans que du choc des opinions si long-tems & si violemment répété, il en ait résulté plus de lumieres sur ce sujet: au contraire il semble que l'on ne fait que se convaincre de plus en plus, que le voile derriere lequel la nature se cache, est essentiellement impénétrable aux yeux de l'esprit le plus subtil, & qu'il faut ranger la cause de la formation de l'animal parmi les causes premieres, telles que celles du mouvement & de la pesanteur, dont nous ne pourrons jamais connoître que les résultats, sans doute parce qu'il n'y a que cette connoissance qui nous soit utile. Nous nous bornerons donc à faire ici l'histoire des differentes idées par lesquelles les Philosophes ont tenté de représenter l'ouvrage de la nature dans la génération (ouvrage qu'ils n'ont jamais vû); & afin qu'il ne manque dans cet article rien de ce qui appartient aux connoissances humaines sur ce sujet, ou pour mieux dire, aux efforts que l'on a faits dans tous les tems pour étendre ces connoissances sur toute sorte de matiere, il sera joint à cette exposition des principaux systèmes sur la reproduction de l'homme, un précis des raisons qui ont été employées ou qui peuvent l'être, pour réfuter ou pour faire sentir l'insuffisance de ces explications. Platon, dans le Timée , établit que la génération de l'homme, des animaux, des plantes, des élémens, & même celle du ciel & des dieux, se fait par des simulacres réfléchis, & par des images extraites de la Divinité créatrice, lesquelles par un mouvement harmonique, se sont arrangées selon les propriétés des nombres, dans l'ordre le plus parfait. L'essence de toute génération consiste donc, selon ce philosophe, dans l'unité d'harmonie du nombre trois, ou du triangle; celui qui engendre, celui dans lequel on engendre, & celui qui est engendré: c'est pour cela qu'il a fallu deux individus pour en produire un troisieme: c'est-là ce qui constitue l'ordre essentiel du pere & de la mere, & la relation de l'enfant. Quelle idée plus sublime, s'écrie à cette occasion le célebre auteur moderne de l' histoire naturelle! quelles vûes plus nobles! mais quel vuide, quel desert de spéculations! Nous ne sommes pas en effet de pures intelligences; d'ailleurs le réel peut-il être produit par l'abstrait? Prendre les nombres pour des êtres effectifs, dire que l'unité numérique est un individu général, qui non-seulement représente en effet tous les individus, mais même qui peut leur communiquer l'existence; prétendre que cette unité numérique a de plus l'exercice actuel de la puissance d'engendrer réellement une autre unité numérique, à-peu-près semblable à elle-même; constituer par-là deux individus, deux côtés d'un triangle qui ne peuvent avoir de lien & de perfection que par le troisieme côté de ce triangle, par un troisieme individu qu'ils engendrent nécessairement: n'est-ce pas le plus grand abus que l'on puisse faire de la raison? Mais quand on accorderoit au divin Platon que la matiere n'existe pas réellement, en peut-il résulter que nos idées soient du même ordre que celles du créateur; qu'elles puissent en effet produire des existences? la supposition d'une harmonie triangulaire peut-elle faire la substance des élémens? le pere & la mere n'engendrent-ils un enfant que pour terminer un triangle? Ces idées platoniciennes, grandes au premier coup-d'oeil, ont deux aspects bien différens; dans la spéculation, elles semblent partir de principes nobles & sublimes; dans l'application, elles ne peuvent arriver qu'à des conséquences fausses & puériles, puisque nos idées ne viennent que par les sens, & que par conséquent bien loin qu'elles puissent être les causes des choses, elles n'en sont que des effets, & des effets très-particuliers, &c. On peut voir une exposition plus étendue de ce système si singulierement métaphysique, à l'article où il sera traité de la philosophie de Platon en général. Voyez Platonisme . Les autres anciens philosophes, tels qu'Epicure, au lieu de se perdre comme Platon dans la région des hypotheses, s'appuient au contraire sur des observations, rassemblent des faits, & parlent un langage plus intelligible. L'homme & la femme ayant l'un & l'autre la faculté de répandre une liqueur dans le congrès, elle fut d'abord regardée comme prolifique en tant que leur mélange se présenta naturellement à l'esprit, pour expliquer l'origine de l'homme: c'est pourquoi tel fut le premier système physique sur la génération , qui est reproduit de nos jours sous différentes combinaisons. Lucrece l'a décrit aussi clairement qu'aucun philosophe de l'antiquité. Et commiscendo, cum semen forte virile Foemina commulsit subitâ vi, corripuitque; &c. . . . . . . . . Semper enim partos duplici de semine constat . &c. . . . . . . . . . Lib. IV. de naturâ rerum . Selon ce grand poëte philosophe lui-même, non seulement le sperme viril doit être mêlé avec celui de la femme pour qu'elle conçoive, mais il ajoûte encore deux singularités frappantes par le rapport qu'elles ont avec quelques systèmes modernes; c'est que chacune de ces semences a un caractere qui lui est propre, relativement au sexe de l'individu qui la fournit; ensorte que si dans le mélange qui s'en fait dans le corps de la femme, la qualité de sa semence contribue plus à la formation de l'enfant, il a beaucoup de ressemblance avec elle; de même qu'il tient beaucoup du pere, si c'est sa semence qui est prédominante par ses effets; & si l'ouvrage se forme également des deux liqueurs, il arrive que le résultat de cette tendre alliance est le portrait du pere & de la mere: d'ailleurs pour la construction des différentes parties du corps, les deux semences étant composées de parties hétérogenes, le concours de celles qui ont de l'analogie entr'elles, forme les différens organes, comme le concours des atomes en géneral a pu former les différentes parties de l'univers. Hippocrate paroit avoir adopté ce qu'il y a d'essentiel dans le systeme d'Epicure, pour en former le sien, avec quelques legeres différences, qui consistent principalement en ce qu'il fait de plus grandes recherches sur les causes & sur les effets. Il suppose que la semence vient de toutes les parties du corps, mais particulierement de la tête, d'où il la fait descendre par la moëlle épiniere dans les reins; & en admettant donc la liqueur prolifique de chaque sexe, il prétend que ces deux semences sont chacune de deux qualités différentes, dont l'une est forte, a plus de chaleur, c'est-à-dire plus d'esprits; l'autre foible, chargée d'humidité, moins active; que les mâles se forment lorsque la semence, tant du mâle que de la femelle, se trouve forte; & les femelles, lorsque les semences dominantes sont foibles; & pour la ressemblance de l'enfant au pere & à la mere, elle dépend, comme dans le système précédent, du plus ou du moins de semence que l'un ou l'autre fournit. Hippocrate, d'après le maître de Lucrece, appuie son hypothèse sur le fait suivant; savoir, que plusieurs femmes, qui d'un premier mari, n'ont produit que des filles, d'un second ont produit des garçons; & que ces mêmes hommes, dont les premieres femmes n'avoient produit que des filles, ayant pris d'autres femmes, ont engendré des garçons, selon, dit ce médecin philosophe, que la semence forte ou foible du mâle ou de la femelle est prédominante dans ces differens cas; mais s'il arrive que le mélange des liqueurs prolifiques se fasse en quantité & en qualité égales, qui contribuent par conséquent autant l'une que l'autre à l'oeuvre de la géneration , l'enfant participera-t-il également à la ressemblance & au sexe de son pere & de sa mere? Et d'ailleurs, dans le cas même le plus ordinaire, à supposer où cette égalité dans les semences n'existe pas, & où la liqueur séminale d'un des deux individus générateurs prédomine & influe le plus sur la ressemblance, pourquoi cette ressemblance n'est-elle pas autant dans le sexe, que dans les traits du visage? L'expérience démontre que ces deux choses se rencontrent très-rarement ensemble; ainsi cela seul sembleroit suffisant pour faire rejetter cette opinion de l'existence des deux semences dans chaque sexe, & même d'une seule semence prolifique dans la femme en particulier; ce qui dans la suite de cet article sera encore réfuté par d'autres raisons. Voici comment se fait, selon Hippocrate, la formation du fétus: les liqueurs séminales s'étant mêlées dans la matrice, s'y épaississent par la chaleur du corps de la mere; le mélange recoit & tire l'esprit de la chaleur; & lorsqu'il en est tout rempli, l'esprit trop chaud sort au-dehors: mais par la respiration de la mere, il arrive un esprit froid; & alternativement il entre un esprit froid, & il sort un esprit chaud dans le mélange; ce qui lui donne la vie, & fait naitre une pellicule à la surface du mélange, qui prend une forme ronde; parce que les esprits agissant du milieu comme centre, étendent également de tous côtés le volume de cette matiere. Il se forme peu-à-peu une autre pellicule, de la même façon que la premiere pellicule s'est formée; le sang menstruel dont l'évacuation est supprimée, fournit abondamment à la nourriture: ce sang fourni par la mere au fétus, se coagule par degrés, & devient chair; cette chair s'articule à mesure qu'elle croît, & c'est l'esprit qui donne cette forme à la chair: chaque chose prend sa place. Les parties solides se joignent aux parties solides; celles qui sont humides aux parties humides: chaque chose cherche à s'unir à celle qui lui est semblable; & le fétus est enfin entierement formé par ces causes & ces moyens. Aristote, qui est celui de tous les anciens qui a le plus écrit sur la reproduction des êtres organisés, & qui a traité de ce sujet le plus généralement, établit pour principe à cet égard, que la matiere n'étant qu'une capacité de recevoir les formes, prend dans la génération une forme semblable à celle des individus qui la fournissent; & par rapport aux animaux qui ont des sexes, son sentiment est que le mâle fournit seul le principe prolifique, & que la femelle ne donne rien qu'on puisse regarder comme tel. Voyez les oeuvres de ce philosophe, de generatione, lib. I. cap. xx. & lib. II. cap. jv . Car quoiqu'il dise ailleurs, en parlant des animaux en général, que la femelle dans le coit répand une liqueur au-dedans d'elle-même, il paroit qu'il ne regarde pas cette liqueur comme un principe prolifique; & cependant selon lui, la femelle fournit toute la matiere nécessaire à la génération . Cette matiere est le sang menstruel, qui sert à la formation, à la nourriture & au développement du fétus; mais le principe efficient existe seulement dans la liqueur séminale, laquelle n'agit pas comme matiere, mais comme cause. Averroès, Avicenne & plusieurs autres philosophes, qui ont suivi le sentiment d'Aristote, ont cherché des raisons pour prouver que les femelles n'ont point de liqueur prolifique. Ils ont dit que comme les femelles ont la liqueur menstruelle, & que cette liqueur est nécessaire & suffisante à la génération , il ne paroît pas naturel de leur en accorder une autre, & qu'on peut penser que le sang menstruel est en effet la seule liqueur fournie par les femelles pour la génération , puisqu'elle ne commence à paroitre que dans le tems de la puberté; comme la liqueur prolifique du mâle ne paroît aussi que dans ce tems. D'ailleurs, disent-ils, si la femelle a réellement une liqueur séminale & prolifique, comme celle du mâle, pourquoi les femelles ne produisent-elles pas d'elles-mêmes, & sans l'approche du mâle, puisqu'elles contiennent le principe de fécondation, aussi-bien que la matiere nécessaire pour former l'embryon? Cette raison métaphysique est une difficulté très-considérable contre tous les systèmes de la génération , dans lesquels on admet une semence prolifique, propre à chaque individu des deux sexes. M. de Buffon en traitant de ce sujet, dans son grand ouvrage de l' histoire naturelle , témoigne avoir senti toute la force de cette difficulté, à l'égard même de son système, qui est un de ceux de ce genre; mais cette objection peut être encore étayée par bien d'autres que font les Aristotéliciens. Ils ajoûtent donc, que s'il existoit une liqueur prolifique dans les femelles, elle ne pourroit être répandue que par l'effet du plaisir vénérien, comme il arrive à l'égard de celle du mâle; mais qu'il y a des femmes qui conçoivent sans aucun plaisir; que ce n'est pas le plus grand nombre des femmes qui répandent de la liqueur dans l'acte de la copulation; qu'en général celles qui sont brunes, & qui ont l'air hommasse, ne répandent rien, & cependant n'engendrent pas moins que celles qui sont blanches, & dont l'air est plus féminin, qui répandent beaucoup; qu'ainsi on peut conclure aisément de toutes ces raisons, que la liqueur que les femmes répandent, ou qu'elles ont la faculté de répandre dans le coït, n'est point essentielle à la génération; qu'elle n'est par conséquent point prolifique. N'est-il pas en effet plus vraissemblable qu'elle n'est que comme une salive excrémenteuse, destinée à lubrifier les cavités du vagin & de la matrice; que lorsquelle est répandue d'une maniere sensible, ce n'est que par l'effet d'une plus forte expression des glandes ou vaisseaux qui la contiennent, excitée par la tension ou la constriction convulsive qu'y opere le prurit vénérien? Mais pour revenir aux raisonnemens des Péripatéticiens, ils pensent absolument que les femelles ne fournissent rien que le sang menstruel, qui est la matiere de la génération , dont la liqueur séminale du mâle est la cause efficiente, en tant qu'elle contient le principe du mouvement; qu'elle communique aux menstrues une espece d'ame, qui donne la vie; que le coeur est le premier ouvrage de cette ame; que cet organe contient en lui-même le principe de son accroissement; qu'il a la puissance d'arranger, de réaliser successivement tous les visceres, tous les membres; qu'ainsi les menstrues contiennent en puissance toutes les parties du fétus. Voilà le précis du système sur la génération , proposé par Aristote, & étendu par ses sectateurs: Hippocrate & lui ont eu chacun les leurs. Presque tous les philosophes scholastiques, en adoptant la philosophie d'Aristote, ont aussi pensé comme lui à l'égard de la reproduction des animaux; presque tous les médecins ont suivi le sentiment d'Hippocrate sur ce sujet; & il s'est passé dix-sept ou dix-huit siecles sans qu'il ait plus rien paru de nouveau sur cette matiere, attendu la stupide vénération pour ces deux maîtres, que l'on a conservée pendant tout cet espace de tems, au point de regarder leurs productions comme les bornes de l'esprit humain: ensorte qu'il ne pouvoit pas être permis même de tenter de les franchir, parce qu'on le croyoit impossible; jusqu'à Descartes qui a été heureusement assez osé pour prouver le contraire, & pour convaincre par ses succès, qu'il falloit l'imiter, en secoüant comme lui le joug de l'autorité, pour n'être soûmis qu'à celui de la raison. Cependant ce même Descartes a cru, comme les anciens, que l'homme étoit formé du mélange des liqueurs que répandent les deux sexes. Ce grand philosophe, dans son traité de l'homme , a cru pouvoir aussi expliquer, comment par les seules lois du mouvement & de la fermentation, il se formoit un coeur, un cerveau, un nez, des yeux, &c. Voyez l'homme de Descartes, & la formation du fétus dans ses oeuvres. Le sentiment de Descartes sur cette formation a quelque chose de remarquable, & qui préviendroit en sa faveur, dit l'auteur de la Vénus physique , si les raisons morales pouvoient entrer ici pour quelque chose; car on ne croira pas qu'il l'ait embrassé par complaisance pour les anciens, ni faute de pouvoir imaginer d'autres systèmes. En effet, au renouvellement des sciences, quelques anatomistes ayant fait des recherches plus particulieres sur les organes de la génération , elles firent découvrir auprès de la matrice, au lieu de deux testicules qu'y avoient vûs les anciens, deux corps blanchâtres, formés de plusieurs vesicules rondes, remplies d'une liqueur semblable à du blanc d'oeuf; l'analogie s'en empara ensuite. On regarda ces deux corps dans l'espece humaine & dans toutes les especes d'animaux où ils se trouvoient, comme faisant le même office, que ce qu'on appelle les ovaires dans les oiseaux; & les vesicules dont étoient composés ces corps, parurent être de véritables oeufs . Sténon fut le premier qui assûra que les testicules des femelles sont de vrais ovaires; ils furent après lui plus particulierement examinés par Wanhorne & Graaf. Mais c'est principalement au fameux Harvey & au célébre Malpighi, que l'on doit les observations qui ont le plus contribué à établir le nouveau système sur la génération , d'après la découverte des oeufs; mais comme ils sont placés au-dehors de la matrice, comment les oeufs, quand ils seroient détachés de l'ovaire, pourront-ils être portés dans la cavité de la matrice, dans laquelle, si l'on ne veut pas que le fétus se forme, il est du-moins certain qu'il prend son accroissement? Fallope avoit trouvé deux tuyaux dépendans de la matrice, qui furent bientôt jugés propres à établir une communication entre les deux sortes d'organes dont il s'agir: on vit bientôt que les extrémités des deux tuyaux flottantes dans le basventre, qui se terminent en forme de trompe par des especes de membranes frangées, peuvent par l'effet d'une sorte d'érection s'approcher des ovaires, les embrasser, recevoir l'oeuf, & servir à le transmettre dans la matrice, où ces especes de tuyaux ont leur embouchure. Dans ce tems donc, dit l'auteur de la Vénus physique (en faisant l'exposition des differens systèmes sur la génération ), dans ce tems la Physique renaissoit, ou plutôt prenoit un nouveau tour: on vouloit tout comprendre, & on croyoit le pouvoir. La formation du fétus par le mélange des deux liqueurs, ne satisfaisoit plus les savans: des exemples de développement que la nature offre par-tout à nos yeux, firent penser que les fétus sont peut-être contenus, & déja tous formés dans chacun des oeufs; que ce qu'on prenoit pour une nouvelle production, n'est que le développement des parties contenues dans le germe, rendues sensibles par l'accroissement. Il suivoit de-là que la fécondité retombe presque toute sur les femelles, puisque dans cette hypothèse, les oeufs destinés à fournir les rudimens des corps des mâles, ne contiennent chacun qu'un seul mâle; & que l'oeuf d'où doit sortir une femelle, contient non seulement cette femelle entiere, mais la contient avec ses ovaires, dans lesquels d'autres femelles contenues & déja toutes formées, sont une source de générations à l'infini: car toutes les femelles contenues ainsi les unes dans les autres, & de grandeur toûjours diminuante, dans le rapport de la premiere a son oeuf, n'allarment que l'imagination. La matiere divisible, au-moins à l'indéfini , peut avoir aussi distinctement dans l'oeuf la forme du fétus qui naîtra dans mille ans, que celle du fétus qui doit naître dans neuf mois: la petitesse qui cache le premier à nos yeux, ne le dérobe point aux lois, suivant lesquelles le chêne qu'on voit dans le gland, se développe & couvre la terre de ses branches. Cependant quoique tous les hommes soient déjà formés dans les oeufs de mere en mere, ils y sont sans vie: ce ne sont que de petites statues renfermées les unes dans les autres, comme les ouvrages du tour, où l'ouvrier s'est plû à faire admirer l'adresse avec laquelle il conduit son ciseau en formant cent boëtes, qui se contenant les unes les autres, sont toutes contenues dans la derniere. Il faut pour que ces petites statues deviennent des hommes, quelqu'agent nouveau, quelqu'esprit subtil, qui s'insinue dans leurs organes, leur donne le mouvement, la végétation & la vie. Cet esprit est fourni par le mâle dans la liqueur qu'il répand avec tant de plaisir dans la copulation; liqueur dont les effets sont semblables à ceux du feu, que les poëtes ont feint que Prométhée avoit dérobé au ciel, pour donner l'ame à des hommes qui n'étoient auparavant que des automates. Mais avant de passer outre concernant ce système de la génération , par le moyen des oeufs, il faut observer que les Anatomistes n'ont pas cependant d'abord tous entendu la même chose par le mot oeuf . Lorsque le fameux Harvey a pris pour devise, omnia ex ovo , ce n'est qu'entant qu'il pensoit que le premier produit de la conception dans les vivipares , comme dans les ovipares , est une espece d'oeuf: il croyoit avoir vû cet oeuf se former comme un sac sous ses yeux, après la copulation du mâle & de la femelle; cet oeuf, selon lui, ne venoit pas par conséquent de l'ovaire, ou du testicule de la femelle. On voit bien qu'il n'y a rien là qui soit semblable à ce qu'on entend ordinairement par le mot oeuf , si ce n'est que la figure d'un sac peut être celle d'un oeuf sans coquille, comme celle d'un tel oeuf peut être celle d'un sac. Cet auteur établit que la génération est l'ouvrage de la matrice; qu'elle conçoit le fétus par une espece de contagion que la liqueur du mâle lui communique, à-peu-près comme l'aimant communique au fer la vertu magnétique: non-seulement cette contagion masculine agit sur la matrice, mais elle se communique encore à tout le corps féminin qui est fécondé en entier, quoique dans toute la femelle il n'y ait que la matrice qui ait la faculté de concevoir le fétus, comme le cerveau a seul la faculté de concevoir les idées; & ces deux sortes de conceptions se font de la même façon. Les idées que conçoit le cerveau sont semblables aux images des objets qu'il reçoit par les sens; le fétus qui est l'idée de la matrice, est semblable à celui qui le produit; & c'est par cette raison que le fils ressemble au pere, &c. (Cette explication paroît si étrange, qu'elle semble n'être propre qu'à humilier ceux qui veulent pénétrer les secrets de la nature). Ensuite cet auteur, au lieu de représenter l'animal croissant par l' intussusception d'une nouvelle matiere, comme il devroit arriver, s'il étoit formé dans l'oeuf de la femelle, paroît être persuadé que c'est un individu qui se forme par la juxta-position de nouvelles parties; & après avoir vû, comme il a été dit, se former le sac qui doit contenir l'embryon, il pense que ce sac, au lieu d'être la membrane d'un oeuf qui se dilateroit, se fait sous ses yeux comme une toile dont il observe les progrès. Il ne parle point de la formation du sac intérieur; mais il a vû l'animal qui y nage se former de la maniere suivante. Ce n'est d'abord qu'un point, mais un point qui a la vie, punctum saliens , & autour duquel toutes les autres parties venant s'arranger, achevent bientôt la formation de l'animal. Tel est le précis du système de ce grand anatomiste, qu'il semble avoir formé d'après le plus grand appareil d'expériences; d'où il ne résulte cependant presqu'autre chose, sinon qu'Aristote l'a guidé plus que l'observation: car à tout prendre, il a vû dans l'oeuf de la matrice tout ce que le philosophe a dit; & il n'a pas vû beaucoup au-delà. D'ailleurs la plûpart des observations essentielles qu'il rapporte, ne sont qu'une confirmation de celles qui avoient été faites avant lui par Parisanus, Volcher-Coïter, Aquapendente. Il est bon ensuite de remarquer, pour juger sainement de la valeur des autres expériences de l'anatomiste anglois, qu'il y a grande apparence qu'il ne s'est pas servi du microscope qui n'étoit pas perfectionné de son tems; & qu'ainsi il ne peut qu'avoir mal vû, puisque la plûpart de ses observations sont si peu conformes à la vérité. Il ne faut pour s'en assûrer, que répéter les expériences sur les oeufs, ou seulement lire avec attention celles de malpighi ( Malpighii pullus in ovo ), qui ont été faites environ trente-cinq ou quarante ans après celles de Harvey; d'où il résulte que ce dernier n'a pas fait les siennes, à beaucoup près, avec autant de succès: car s'il avoit vû ce que Malpighi a vû, il n'auroit pas assûré, comme il l'a fait, que la cicatricule d'un oeuf infécond & celle d'un oeuf fécond, n'ont aucune différence; tandis que Malpighi ayant examiné avec soin cette partie essentielle de l'oeuf, l'a trouvée grande dans tous les oeufs féconds, & petite dans les oeufs inféconds. Harvey n'auroit pas dit que la semence du mâle ne produit aucune altération dans l'oeuf, & qu'elle ne forme rien dans la cicatricule: il n'autoit pas dit qu'on ne voit rien avant la fin du troisieme jour; & que ce qui paroît le premier est un point animé, dans lequel il croit que s'est chargé le point blanc. Il auroit vû que ce point blanc étoit une bulle qui contient l'ouvrage entier de la génération , & que toutes les parties du fétus y sont ébauchées, au moment que la poule a eu communication avec le coq: il auroit reconnu de même, que sans cette communication, elle ne contient qu'une mole qui ne peut devenir animée, que lorsqu'elle est pénétrée des parties vivifiantes de la semence du mâle. Il paroît d'ailleurs que Harvey s'est trompé sur plusieurs autres choses essentielles. Il assûre que cette liqueur prolifique n'entre pas dans la matrice de la femelle, & même qu'elle ne peut pas y entrer; cependant Verrheyen a trouvé une grande quantité de semence du mâle dans la matrice d'une vache, disséquée seize heures après l'accouplement. Verrheyen sup. anat. tract. V. cap. iij . Le célébre Ruysch assûre avoir disséqué la matrice d'une femme, (qui ayant été surprise en adultere, avoit été assassinée sur le champ), & avoir trouvé non-seulement dans la cavité de la matrice, mais aussi dans les deux trompes, une grande quantité de la liqueur séminale du mâle. Ruysch. thes. anat. tab. VI . On ne peut guere douter après le témoignage positif de ces grands anatomistes, que Harvey ne se soit trompé sur ce point important, à-moins que l'on ne dise que ce qu'ils ont pris pour de la liqueur du mâle, n'étoit en effet que de la prétendue semence de la femelle; mais son existence n'est pas assez bien établie, comme il a été déjà dit (& il en sera encore fait mention), pour entrer en opposition avec des observations d'un si grand poids. Harvey qui a disséqué tant de femelles vivipares, assûre encore qu'il n'a jamais apperçû d'altération dans leurs testicules après la fécondation: il les regarde même comme de petites glandes tout-à-fait inutiles à la génération; tandis que ces testicules sont des parties fort considérables dans la plûpart des femelles, & qu'il y arrive des changemens & des altérations très-marquées, ainsi qu'on peut le voir aisément dans les vaches sur-tout. Ce qui a trompé Harvey, c'est que ce changement n'est pas à-beaucoup-près si marqué dans les biches & dans les daines. Conrad-Peyer qui a fait plusieurs observations sur les testicules des daines, croit avec quelque raison, que la petitesse des testicules dans les daines & dans les biches, est cause que Harvey n'y a pas remarqué de changement: Conrad-Peyer myrecolog . Enfin, si ce fameux observateur anglois eût été aussi exact dans ses recherches que ceux qui l'ont suivi, & particulierement encore Malpighi, il se seroit convaincu que dès le moment de la fécondation, par l'effet de la semence du mâle, l'animal paroit formé tout entier; que le mouvement y est encore imperceptible, & qu'il ne se découvre qu'au bout de quarante heures d'incubation. Il n'auroit pas assûré que le coeur est formé le premier; que les autres parties viennent s'y joindre extérieurement, puisqu'il est évident par les observations de l'anatomiste italien, que les ébauches de toutes les parties sont toutes formées d'abord, mais que ces parties ne paroissent qu'à mesure qu'elles se développent. Les observations de Malpighi ont donc ainsi contribué principalement à rectifier les idées d'Harvey sur les premiers faits de la génération par le moyen des oeufs; & à faire regarder, d'après la confirmation de ses expériences par celles de Graaf & de Vallisnieri, les testicules des femelles comme de vrais ovaires, & les oeufs comme contenant véritablement les rudimens du fétus, qui n'ont besoin, pour être vivifiés d'un mouvement qui leur soit propre, que de l'influence de la semence du mâle dardée dans le vagin, pompée par l'orifice de la matrice, & élevée dans les trompes (au-moins quant à sa partie la plus atténuée) par une sorte de suction semblable à celle des tubes capillaires des points lacrymaux supérieurs; ou par l'effet d'un mouvement péristaltique que l'on prétend avoir observé dans ces conduits; ensorte que cette liqueur prolifique pénetre & est portée jusqu'aux ovaires, sur lesquels elle est versée, pour y féconder un ou plusieurs des oeufs qui sont le plus exposés à la contagion. Ce systeme auroit emporté le suffrage unanime de tous les Physiciens, si dans le tems même où on étoit le plus occupé à perfectionner cette maniere d'expliquer la génération , pour l'espece humaine sur-tout, & à la rendre incontestable, on n'eût pas mis au jour une autre opinion fondée sur une nouvelle découverte qui avoit fait voir, par le moyen du microscope, des corpuscules singuliers paroissant animés dans la liqueur spermatique de la plûpart des animaux; corpuscules que l'on crut d'abord devoir regarder aussi comme de vrais animaux: & comme on n'en trouva pas d'abord dans les autres humeurs du corps, on ne put pas se refuser à l'idée que ces animalcules découvertes dans la seule semence des mâles, étoient de vrais embryons, auxquels il étoit réservé de reproduire les différentes especes d'animaux; car malgré leur petitesse infinie & leur forme de poisson, le changement de grandeur & de figure coûte peu à concevoir au physicien, & encore moins à executer à la nature: mille exemples de l'un & de l'autre sont sous nos yeux, d'animaux dont le dernier accroissement ne semble avoir aucune proportion avec leur état au tems de leur naissance, & dont les premieres figures se perdent totalement dans les figures nouvelles qu'ils acquierent. Qui pourroit reconnoître le même animal dans le ver dont se forme ensuite le papillon? &c. Cette découverte des animalcules dans la semence, qu'on doit à Lewenhoeck principalement, & à Hartsoëker, fut confirmée ensuite par Valisnieri, Andry, Bourguet, & plusieurs autres observateurs. Ces animalcules sont, disoient-ils, de différente figure dans les différentes especes d'animaux; cependant ils ont tous cela de commun, qu'ils sont longs, menus, sans membres: ils sont en si grand nombre, que la semence paroît en être composée en entier, & Lewenhoeck prétend en avoir vû plusieurs milliers dans une goutte plus petite qu'un grain de sable. Selon les observations d'Andry, ils ne se trouvent que dans l'âge propre à la génération , que dans la premiere jeunesse; & dans la grande vieillesse ils n'existent point. Ils se remuent avec beaucoup de vîtesse dans la semence des animaux sains; ils sont languissans dans ceux qui sont incommodés, sur-tout dans la semence des vérolés: ils n'ont aucun mouvement dans la semence des impuissans. Ces vers dans l'homme ont la tête, c'est-à-dire l'une des deux extrémités par lesquelles se termine leur corps, plus grosse, par rapport à l'autre extrémité, qu'elle ne l'est dans les autres animaux; ce qui s'accorde, dit le même Andry, avec la figure du fétus, dont la tête en effet est beaucoup plus grosse, à proportion du corps, que celle des adultes. D'après ces différentes observations, la plûpart de ceux qui les avoient faites crurent être bien fondés à renoncer au système des oeufs, & à s'y opposer de toutes leurs forces. Ils disoient que les femelles ne fournissant rien de pareil aux animalcules de la semence des mâles, qui avoient été trouvés par Lewenhoeck dans la matrice même & dans les trompes d'une chienne, peu de tems après avoir été couverte; il étoit évident que la fécondité qu'on attribuoit aux femelles de tous les animaux, appartenoit au contraire aux mâles; que n'y ayant que la semence de ceux-ci dans la quelle on puisse découvrir quelque chose de vivant, ce fait seul avançoit plus l'explication de la génération , que tout ce qu'on avoit imaginé auparavant, puisqu'en effet ce qu'il y a de plus difficile à concevoir dans la génération , c'est la production de l'être qui a vie, l'origine de la vie elle-même; que tout le reste est accessoire, & qu'ainsi on ne pouvoit pas douter que ces petits animaux de la semence humaine ne fussent destinés à devenir des hommes, comme ceux de la semence des autres animaux à devenir des animaux parfaits dans chaque espece. Et lorsqu'on opposoit aux partisans de ce système, qu'il ne paroît pas naturel d'imaginer que de plusieurs millions d'animalcules, dont chacun pouvoit devenir un homme ou un autre animal parfait, il n'y eût qu'un seul de ces animalcules qui eût cet avantage; lorsqu'on leur demandoit pourquoi cette profusion inutile de germes d'hommes, ils répondoient que c'étoit la magnificence & la profusion ordinaire de la nature; que dans les plantes & dans les arbres on voyoit bien que de plusieurs millions de graines qu'ils produisent naturellement, il n'y en a qu'un très-petit nombre employées à la reproduction de l'espece; & qu'ainsi on ne devoit point être étonné de celui des animaux spermatiques, quelque prodigieux qu'il fut. Tout concourt donc, concluoient-ils, à favoriser le systeme qui leur attribue d'être les principaux agens de la génération , & à faire rejetter celui des oeufs. Cependant, disoient quelques-uns, si l'on veut absolument leur attribuer encore quelqu'usage pour l'oeuvre de la fécondation, & qu'ils soient employés dans les femelles des vivipares comme dans celles des ovipares, ces oeufs, dans les unes & dans les autres, peuvent être admis, comme un reservoir qui contient la matiere nécessaire pour fournir à l'accroissement du ver spermatique: il y trouve une nourriture préparée à cet effet; & lorsqu'il y est une fois entré, après avoir rencontré l'ouverture du pédicule de l'oeuf, & qu'il s'y est logé, un autre ne peut plus y entrer, parce, disent-ils, que celui qui s'y est introduit, bouche absolument le passage, en remplissant la cavité; ou bien parce qu'il y a une soupape à l'ouverture du pédicule, qui peut jouer lorsque l'oeuf n'est pas absolument plein, mais qui ne peut plus s'ouvrir lorsque l'animalcule a achevé de remplir l'oeuf. Cette soupape est d'ailleurs imaginée là fort à-propos, parce que s'il prend envie au nouvel hôte de sortir de l'oeuf, elle s'y oppose; il est obligé de rester & de se transformer. Le ver spermatique est alors le vrai fétus, la substance de l'oeuf le nourrit, les membranes de cet oeuf lui servent d'enveloppe; & lorsque la nourriture contenue dans l'oeuf commence à manquer, que l'oeuf lui-même a grossi par l'humidité qu'il pompe dans la matrice, comme une graine dans la terre, il s'applique à la surface intérieure de ce viscere, s'y attache par des racines, & tire par leur moyen sa nourriture & celle du fétus, du sang de la mere, jusqu'à ce qu'il ait pris assez d'accroissement & de force pour rompre enfin ses liens, & sortir de la prison par sa naissance. Par ce système des vers spermatiques en général, ce n'est plus la premiere femme qui renfermoit les races passées, présentes & futures; mais c'est le premier homme qui en effet contenoit toute sa postérité. Les germes préexistans ne sont plus des embryons sans vie, renfermés comme de petites statues dans des oeufs contenus à l'infini les uns dans les autres; ce sont de petits animaux, de petits homuncules, par exemple, réellement organisés & actuellement vivans, tous renfermés les uns dans les autres, auxquels il ne manque rien, & qui deviennent parfaits par un simple développement aidé d'une transformation semblable à celle que subissent les insectes avant d'arriver à leur état de perfection. Cette transformation, qui ne fut d'abord proposée que comme une conjecture, que comme le résultat d'un raisonnement fait par analogie, parut ensuite être prouvée, démontrée par la prétendue découverte concernant les animalcules de la semence de l'homme, publiée dans les nouvelles de la république des Lettres (année 1669), sous le nom de Dalempatius , qui assûroit qu'ayant observé cette liqueur prolifique, il y avoit trouvé des animaux semblables aux têtards, qui doivent devenir des grenouilles; que leur corps lui parut à-peu-près gros comme un grain de froment; que leur queue étoit quatre ou cinq fois plus longue que le corps; qu'ils se mouvoient avec une grande agitation, & frappoient avec la queue la liqueur dans laquelle ils nageoient. Mais, chose plus merveilleuse, il ajoûtoit qu'il avoit vû un de ces animaux se développer, ou plûtôt quitter son enveloppe; que ce n'étoit plus un animal tel qu'auparavant, mais un corps humain, dont il avoit très-bien distingué les deux bras, les deux jambes, le tronc, & la tête, à laquelle l'enveloppe servoit de capuchon. Il ne manquoit à cette observation, pour les conséquences qu'on vouloit en tirer, que la vérité du fait. L'auteur, qui étoit, sous le nom emprunté de Dalempacius , M. de Plantade, secrétaire de l'académie de Montpellier, a souvent avoüé que toute cette prétendue découverte est absolument supposée, & qu'il n'avoit eu, en la produisant, d'autre dessein que de s'amuser aux dépens des admirateurs, trop crédules, de ces sortes d'observations; en quoi il ne réussit que trop bien dans le tems ou il voulut ainsi en imposer au monde savant, de sorte qu'il ne contribua même pas peu à faire adopter au grand Boerhaave le système des animalcules, avec toutes ses dépendances. Les deux opinions sur la génération , qui viennent d'être rapportees; c'est-à-dire celle des oeufs, comme contenant les rudimens du fétus; & celle des vers spermatiques, comme formant eux-mêmes ces rudimens, ont partagé presque tous les Physiciens depuis environ un siecle. La plûpart de ceux qui ont écrit nouvellement sur ce sujet, ont embrassé l'un ou l'autre de ces sentimens; mais le système qui attribue aux oeufs presque tous les principes de la génération , a été le plus reçu, & est resté le dominant dans les écoles. Il est donc important de rapporter ici les principales raisons qui ont été employées pour soûtenir, pour defendre ce systeme, & pour combattre celui des animalcules. On a commencé par objecter contre la destination des animalcules, qu'il ne paroît pas vraissemblable que l'Auteur de la nature ait voulu les employer en si grande quantité (en tant qu'une seule goutte de semence versée dans la matrice, en contient un nombre infini), pour les sacrifier tous, selon la supposition de quelques partisans des vers, au plus fort d'entr'eux, qui parvient à en faire un massacre général avant que de s'emparer seul de la matrice ou de l'oeuf; ou, selon que l'ont imaginé d'autres, pour faire périr presque tous ces animalcules dans l'une de ces deux cavités, en tant qu'elles ne sont propres à fournir asyle qu'à un ou deux animalcules tout-au-plus; tandis que tout le reste se trouvant pour ainsi dire dans un climat qui lui est contraire, ne peut pas s'y conserver, & qu'il n'y a que les plus robustes qui resistent. On oppose ensuite le défaut de proportion entre le volume des animalcules, observé dans la semence des differens animaux, & les animaux même qui sont supposés devoir en être produits. En effet Lewenhoeck avoue qu'il n'a point trouvé de différence entre les animalcules de la semence des plus petits insectes, & ceux de la semence des grands animaux; d'où on peut, ce semble, assez raisonnablement inférer qu'ils ne sont point destinés à changer d'état, & qu'ils sont simplement habitans de la liqueur séminale, comme ils le sont dans bien d'autres humeurs animales, où il en a aussi été découvert, telles que la salive, à l'egard de laquelle Lewenhoeck dit qu'il avoit trouve que sa bouche contenoit plus de ces animalcules que la Hollande ne contient d'habitans. On prétend encore prouver que les animalcules ne sont point destinés à joüer le principal rôle dans la génération , de ce qu'il ne s'en trouve point dans la semence de plusieurs animaux, tels que les petits cochons d'Inde, & le coq sur-tout, cet animal si porté à travailler à la multiplication de son espece, tandis qu'il se trouve de ces animalcules dans la prétendue semence de la femme, selon que le rapporte Valisnieri, d'après l'observation certaine d'un docteur italien de ses amis, nommé Buono , qui s'etoit permis des recherches à ce sujet. On remarque enfin, contre les animalcules considérés comme propres à former le fétus dans tous les animaux, que quoiqu'ils ayent éte facilement observés dans la semence du mâle tirée de ses propres reservoirs, il n'est aucun observateur, selon le temoignage même de Valisnieri, qui ait jamais assûré les avoir retrouvés dans cette semence, lorsqu'elle a été injectée dans la matrice, où ii devroit y en avoir au moins quelqu'un qui parut plus sensiblement & avec plus de vigueur, à proportion qu'il seroit plus disposé à changer de forme. Il ne conste pas davantage que l'on en ait decouvert dans les trompes & dans les ovaires, où l'imagination seule d'Andry les a fait pénétrer, puisque les meilleurs microscopes ne les y ont pu faire appercevoir. Pour achever de renverser l'opinion des animalcules prolifiques, on demande de quelle maniere ils se reproduisent eux-mêmes; ce qui ramene la difficulté commune à tous les systèmes, pour trouver en quoi consiste le premier principe vivifiant dans l'ordre physique de la fécondation; principe qu'on ne peut attribuer aux animalcules, qu'en remontant de ceux qui contiennent d'autres animalcules dans leur semence, à ceux qui y sont contenus, & ainsi de ceux-ci à d'autres, par un progrès de diminution à l'infini qui paroît absurde, d'autant plus qu'il ne décide rien. Mais ne peut-on pas douter même si ces prétendus animalcules sont veritablement des êtres organisés, vivans? M. Lieberkuhn, célebre observateur microscopique de Berlin, prétend être fondé à le nier; ainsi il ne resteroit plus aucun fondement au système qui les fait regarder comme les propagateurs de la vie animale. Enfin on a observé des animalcules, ou de petits êtres crus tels, dans l'infusion de plusieurs sortes de plantes: il ne s'ensuit pas cependant qu'ils soient des embryons de plantes, & qu'ils servent à la reproduction des végétaux. C'est donc d'après ces différentes raisons, si propres à faire rejetter le système des animalcules dans l'oeuvre de la génération , que la plûpart des medecins & autres physiciens se sont plus fortement attachés au systeme des oeufs fournis par les testicules des femelles, fécondés par la liqueur seminale des mâles, sans qu'elle opere autre chose que de mettre en jeu les rudimens du fétus, déjà délinéés dans l'oeuf. Ils ont crû devoir préférer ce système, qui est fondé sur an si grand nombre d'expériences, qu'il semble étonnant que l'on puisse se refuser aux apparences de certitude qu'il présente, s'il y a quelque chose de bien certain en fait d'observations physiques. Eu effet, les partisans des oeufs alleguent pour fondement de leur opinion, 1° que l'on ne peut pas douter que les petites bulles qui composent ce que les anciens appellent les testicules des femelles vivipares , ne soient de vrais oeufs, comme dans les femelles ovipares; que ces oeufs ne renferment les rudimens du fetus, puisqu'il a été trouvé des oeufs encore attachés à leur ovaire, qui n'ayant pû s'en détacher après y avoir été fécondés, y avoient pris leur accroissement, au point que l'embryon y étoit apperçû sensiblement, ayant toutes ses parties bien formées: tel est le cas rapporté par M. Littre, mém. de l'acad. 1707 . Valisnieri rapporte un exemple pareil, d'après un journal de Médecine de 1663. Selon plusieurs auteurs cités par M. de Haller dans ses notes sur les commentaires des institutions de Boerhaave , on a vû des oeufs adhérans à l'ovaire, qui contenoient des portions de fétus, telles que des os, des dents, des cartilages qui s'y étoient formés, c'est-à-dire qui y avoient pris accroissement par une suite de fécondation imparfaite. 2°. Que l'on a trouvé plusieurs fétus de différentes grandeurs, qui étoient attachés par leur placenta à quelque partie du bas-ventre, de la même maniere qu'ils doivent être naturellement attachés aux parois de la matrice, & qui n'avoient pû s'être égarés ainsi, qu'en tant que des oeufs avoient été détachés de l'ovaire après la fécondation, sans avoir été reçûs par les trompes de Fallope, pour être portés dans la matrice. Il y a une infinité d'exemples de conceptions suivies de grossesses, dans lesquelles les fétus étoient placés hors de la matrice, dans les enveloppes qui leur sont propres. On peut consulter à ce sujet, entr'autres ouvrages, l' histoire de l'académie de 1716; les éphémerides des curieux de la nature, Déc. II. année . Santorinus fait mention d'une femme qui ne laissa pas de concevoir, quoiqu'elle eût dans le ventre un enfant qu'elle portoit depuis vingt-trois ans; ce qui fit juger que cet enfant n'étoit pas dans la matrice, comme on s'en convainquit ensuite. 3°. Qu'il y a un grand nombre d'observations de conceptions qui se sont faites dans les trompes de Fallope, dans lesquelles les oeufs fécondés ont pris leur accroissement, & les fétus ont grossi comme dans la matrice. Riolan, Duverney, Mauriceau, Dionis, Douglas, & bien d'autres auteurs, rapportent des exemples de grossesses tubales . Mais outre ce que des accidens, des écarts de la nature ont appris à cet égard, on ne doit pas omettre ce que l'art a confirmé sur ce sujet par la fameuse expérience faite & rapportée par Nuck ( adenogr. curios. ), qui ayant lié la trompe d'une chienne trois jours après la copulation, assûre avoir trouvé le vingt-unieme jour deux fétus entre l'ovaire & la ligature, tandis que la portion de la trompe entre la ligature & la matrice se trouvoit absolument vuide. L'accord de ce fait avec ceux qui viennent d'être allégués, qui ont un rapport très-direct à celui-ci, ne laissent aucun doute sur la vérité du résultat. 4°. Que l'érection des trompes, l'application du pavillon aux ovaires, le mouvement péristaltique de ces conduits, concourent à annoncer qu'ils sont destinés à recevoir les oeufs détachés des ovaires & à les transporter dans la matrice. Toutes ces propriétés étant prouvées par les observations de plusieurs anatomistes célebres, tels que Graaf, Malpighi, Valisnieri, Bohn, &c. semblent ne devoir laisser aucun doute sur les effets qui doivent s'ensuivre, sans lesquels on ne verroit point de quel usage peuvent être ces organes dans l'économie animale. Voyez Ovaire , OEuf , Trompe de Fallope ( Anat. ) 5°. Que la qualité alkalescente halitueuse , qui est reconnue dans la partie subtile de la semence du mâle ( voyez Semence ), la rend très-propre à pénétrer la substance de l'oeuf, à produire une sorte de dissolution dans les différentes humeurs du petit corps de l'embryon qu'il contient, qui, comme elles ne participoient auparavant que d'une maniere fort éloignée aux effets du principe du mouvement commun à toutes les parties de l'individu femelle, ne pouvoient avoir que peu de fluidité, & se mouvoir qu'avec une extreme lenteur; ensorte que, ayant acquis par l'influence de la liqueur séminale une plus grande disposition à circuler, qu'elles n'avoient, étant laissées à elles mêmes; l'ame ou la puissance motrice, telle qu'elle puisse être, que le Créateur place en même tems dans cette petite machine, y met tous les organes en jeu, & commence une vie qui est propre à l'embryon, dont les effets tendent dès-lors à convertir en sa substance les sucs nourriciers renfermés dans l'oeuf, à le faire croître par ce moyen, & à en former un animal parfait. 6°. Que l'on ne peut pas douter que la semence ne puisse être portée jusqu'à l'ovaire, par le moyen de la matrice & des trompes en érection. Si l'on fait attention que cette liqueur n'est pas d'une gravité spécifique plus considérable que celle des parois de la matrice & des trompes; qu'elle peut par conséquent contracter adhésion avec la surface intérieure de ces organes, & qu'elle peut être attirée de proche en proche jusqu'à l'extrémité des trompes par une suction semblable à celle des tubes capillaires; qu'on peut aussi se représenter le transport de la semence dans les cavités de la matrice & des trompes, comme étant fait par un méchanisme semblable à celui de la déglutition dans l'oesophage, par une sorte de mouvement péristaltique que l'on a dit ci-devant avoir été observé dans les trompes, qui devient antipéristaltique, pour porter en sens opposé les oeufs de l'ovaire dans la matrice, qui, quoiqu'ils soient d'un plus grand diametre que celui des trompes, dilatent ces conduits, comme le bol alimentaire fait à l'égard de l'oesophage dans la déglutition. 7°. Que la comparaison se soûtient à tous égards entre ce qui se passe pour la génération des animaux vivipares & des animaux ovipares; que comme les oeufs de ceux-là ont besoin de l'incubation, pour que la chaleur y prépare les sucs nourriciers de l'embryon qui y est contenu, & le dispose à prendre de l'accroissement, à se fortifier assez pour sortir de sa prison & devenir ensuite un animal parfait; de même les oeufs fécondés dans les vivipares sont retenus dans la matrice, pour y être gardés & exposés à une véritable incubation au même degré de chaleur pendant un tems plus ou moins long, pour les mêmes effets que le poulet, par exemple, éprouve dans l'oeuf couvé. 8°. Que cette analogie, à l'égard de la génération entre les animaux ovipares & les vivipares, paroît bien complete, sur-tout en raisonnant d'après les expériences nombreuses & rapportées par plusieurs auteurs ( vid. comment. instit. medic. Boerhaav. §. 669. not. 20. Haller), qui prétendent que les femmes, & par conséquent les femelles de la plûpart des autres animaux vivipares, ont non-seulement des oeufs susceptibles d'être portés dans la matrice, après avoir été fécondés, mais encore de ceux qui peuvent y être portés, sans être fécondés: que ceux-ci ont la faculté de grossir assez, par la seule nourriture qui leur est fournie, de l'individu femelle dont ils font partie, pour se détacher de l'ovaire, être reçus dans les trompes, portés dans la matrice, & en sortir avec le sang menstruel, ou même avec la liqueur qui s'en repand dans les actes voluptueux, comme le coït, & les autres moyens propres à exciter l'orgasme vénérien; dans lesquels oeufs inféconds on n'observe cependant aucune trace de l'embryon contenu, parce qu'il est imperceptible tant qu'il ne joüit pas d'une vie qui lui soit propre, & qui puisse commencer à rendre sensible le développement de ses parties. 9°. Enfin que l'analogie conduit à adopter le sentiment des oeufs à l'égard de la génération , non-seulement par rapport aux animaux ovipares, mais encore par rapport aux plantes, qui, selon l'observation des plus habiles botaniologistes, tels que MM. Linnaeus, de Sauvages, se reproduisent toutes par le moyen d'une trompe qui sert à porter dans l'amas de graines, que l'on peut regarder comme un ovaire, la poussiere séminale pour les féconder; ensorte que cette trompe étant liée, & cette poussiere n'y pouvant pénétrer, elles restent infécondes. Quelques auteurs ont prétendu qu'il n'est pas absolument nécessaire que la semence du mâle entre dans la matrice pour parvenir aux ovaires, & pour rendre par cette voie la femelle féconde; parce que, selon quelques observations, des femelles bouclees, qui n'avoient par conséquent pu recevoir cette liqueur, ou d'autres, qui de fait ne l'avolent point reçue dans le vagin, mais seulement sur les bords de son orifice extérieur, n'avoient pas laissé que d'être imprégnées. Ils ont imaginé que pour résoudre cette difficulté, il suffit de supposer que la semence ainsi versée sur les bords du vagin, est reçue dans les vaisseaux absorbans qui la portent dans les veines; d'où elle est bien-tôt mélée dans toute la masse du sang, & portée par la circulation jusqu'aux ovaires; ensorte que l'oeuf disposé à être fécondé, n'est fait tel, qu'après que toute la masse des humeurs de la femelle a été, pour ainsi dire, fécondée elle-même. C'est à ce mélange de la liqueur séminale du mâle dans le sang de la femelle, que M. Fizes, qui entr'autres a adopté ce sentiment ( exercitatio de generat. homin. perioch. III. ), attribue tous les desordres, dont sont fatiguées, tourmentées la plûpart des femmes nouvellement enceintes. On peut en voir une raison plus vraissemblable dans l'article Equilibre , ( Economie animale. ) Mais, d'après cette idée de fécondation procurée par le moyen de la circulation, il devroit s'ensuivre que cette oeuvre admirable pourroit être opérée, par quelque voie que la semence soit introduite dans la masse du sang, & que les oeufs des ovaires devroient être rendus féconds tous à-la-fois, ce qui est contre l'expérience. Quoi qu'il en soit, de quelque maniere que l'oeuf soit fécondé; soit que la semence du mâle portée immédiatement jusqu'à lui, par la voie de la matrice ou des trompes de Fallope, en pénetre la substance; soit que délayée dans la masse des humeurs, elle n'y parvienne que par les routes de la circulation vers les ovaires: cette semence ou cet esprit séminal ayant la propriété d'exciter l'irritabilité des parties de l'embryon imperceptible, qui sont déjà toutes formées dans l'oeuf, y met ainsi en jeu le principe du mouvement qui leur est particulier, & les dispose à se développer, à se rendre sensibles. L'oeuf jusque-là fixement attaché à l'ovaire, s'étend en tous sens, sort de la cavité qui ne peut plus le contenir, rompt son pédicule, se détache par conséquent de l'ovaire: il est reçu dans le canal de la trompe, dont l'extrémité appellée le pavillon , embrasse alors l'ovaire pour recevoir cet oeuf, qui delà est porté dans la matrice par le méchanisme dont il a été fait mention ci-devant. Alors semblable aux graines des plantes ou des arbres, lorsqu'elles sont reçues dans un terrein propre à les faire germer & végéter, l'oeuf pousse des racines de la surface des membranes dont il est composé, qui, pénétrant dans les pores de la matrice jusqu'à s'anastomoser avec les vaisseaux de cet organe, en tirent les sucs nourriciers nécessaires pour son accroissement, & pour celui de l'embryon qu'il contient, & qui fait un tout avec lui; ensorte qu'il se nourrit du sang de sa mere, comme les plantes des sucs de la terre, & qu'il commence à vivre par une véritable végétation. Voyez ci-après Grossesse . Au reste, qu'une espece de solidité, de dureté qui se trouve ordinairement dans l'enveloppe extérieure des oeufs des oiseaux, n'empêche pas de comparer à ces oeufs les sacs dans lesquels sont enfermés les embryons des vivipares; les oeufs de plusieurs animaux, des tortues, des serpens, des lésards, & des poissons, n'ont point d'enveloppe dure, & n'en ont qu'une mollasse & flexible; ce ne sont pas moins des oeufs, comme plusieurs de ceux que font bien des poules, qui sont sans coquille. Ainsi il est bien des animaux qui confirment cette analogie par rapport aux enveloppes respectives des embryons; on peut même rapprocher encore davantage la génération des animaux vivipares de celle des ovipares, si l'on fait attention qu'il n'y a pas d'autre différence, qu'en ce que dans ceux-ci les oeufs n'éclosent que quelque tems après être sortis du corps de la femelle; au lieu que dans les vivipares les oeufs éclosent immédiatement en sortant du corps de la mere: d'ou il s'ensuit que l'incubation qui est nécessaire pour le développement des parties de l'embryon, tout formé dès la fécondation, se fait dans le corps à l'égard des vivipares & hors le corps des ovipares, & que par conséquent ces deux sortes de générations reviennent au même. Voyez OEuf , Incubation . Quelque bien fondé que paroisse, par toutes ces raisons, le système des oeufs, on n'a pas laissé de le trouver encore susceptible de bien des difficultés, tant générales que particulieres: celles-ci regardent principalement l'existence réelle des oeufs & leur forme, à l'égard desquels on propose des doutes, des questions, qui ne semblent pas aisées à résoudre. Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans ce détail. Voyez Ovaire , OEuf . Quant aux difficultés du premier genre, une de celles que l'on ne doit pas omettre ici, d'autant plus que l'on la regarde comme étant des plus fortes; c'est la ressemblance des enfans, tantôt au pere, tantôt à la mere, & quelquefois à tous les deux ensemble. Si le fétus est préexistant dans l'oeuf de la mere, comment se peut-il que l'enfant ressemble à son pere? Cette objection passe communément pour être insurmontable; mais ne pourroit-on pas la faire cesser d'être telle, en répondant que la disposition des organes de l'embryon, avant & après la fécondation, dépend beaucoup de l'activité plus ou moins grande, avec laquelle s'exerce, s'entretient la vie de la mere, & de l'influence de cette activité, pour qu'il soit conformé de telle sorte ou de telle maniere, analogue à celle dont cette même action de la vie ( vis vitae ) dans la mere a conformé ses propres organes, & que cette même disposition des parties de l'embryon ne peut que dépendre aussi plus ou moins de la force avec laquelle elles ont été mises en jeu par l'effet de l'esprit séminal du pere, dont elles ont été imprégnées: d'où il s'ensuit que la ressemblance tient plus ou moins du pere ou de la mere, selon que l'un ou l'autre a plus ou moins influé, par cela même qu'il fournit dans la génération & la formation ou le développement du fétus, sur le principe de vie & l'organisation de l'embryon, qui en reçoit à-proportion une forme plus ou moins approchante de celle du pere ou de la mere; ce qui peut rendre raison, non seulement de ce qu'on observe par rapport à la ressemblance quant à la figure, mais encore par rapport à celle du caractere. Une autre des difficultés générales que l'on propose, qui est plus embarassante que la précédente, c'est le progrès à l'infini par rapport aux embryons contenus dans les oeufs; de maniere que la premiere femme devoit renfermer tous les embryons des hommes qui ont été, qui sont & qui seront, & de ceux qui par la fécondation auroient pû, peuvent, & pourroient être. On ne peut pas se dissimuler que cette difficulté ne soit d'un très-grand poids, malgré l'idée de la divisibilité possible de la matiere à l'infini; parce que ce n'est qu'une idée, qui lorsqu'on essaye de la réduire en acte par le calcul, étonne l'imagination autant qu'elle paroissoit d'abord la contenter. En effet, selon la supputation que l'on trouve dans l' histoire naturelle de M. de Buffon, tome III. chap. v. l'homme seroit plus grand par rapport à l'embryon contenu dans l'oeuf de la sixieme génération en remontant, que la sphere de l'univers ne l'est par rapport au plus petit atome de matiere qu'il soit possible d'appercevoir au microscope. Que seroit-ce, dit cet illustre auteur, si l'on poussoit ce calcul seulement à la dixieme génération; calcul qui peut s'appliquer aux vers spermatiques, comme aux oeufs? Il faut encore convenir que l'expansibilité des matieres odoriférantes, de la lumiere même, ne fait pas évanoüir ce que cette supputation présente de fort contre la vraissemblance du progrès à l'infini. C'est pour éviter cet écueil, que quelques physiciens modernes ont crû devoir chercher dans les opinions des anciens des explications plus satisfaisantes du mystere de la génération , comme on a fait à l'égard de celles de la formation de l'univers, que l'on a pour la plûpart renouvellées des Grecs, & sur-tout d'Epicure: c'est ainsi que le savant auteur de la Vé- nus physique a commencé par proposer de revenir au mélange des deux semences, fait de celle qui est attribuée à la femme, comme de celle de l'homme; & pour rendre raison du résultat de ce mélange, il a recours à l'attraction: pourquoi, dit-il, si cette force existe dans la nature, n'auroit-elle pas lieu dans la formation des animaux? Qu'il y ait dans chacune des semences des parties destinées à former le coeur, les entrailles, la tête, les bras, & les jambes; & que ces parties ayent chacune un plus grand rapport d'union avec celle qui pour la formation de l'animal, doit être sa voisine, qu'avec toute autre, le fétus se formera; & fût-il encore mille fois plus organisé qu'il n'est, ajoûte ce physicien, il se formeroit; ce qu'il assûre comme une induction, par comparaison de ce qui se passe dans la formation de l'arbre de Diane, qui se fait par un pareil principe du rapport d'affinité; d'après lequel il ne s'agit, dans le phénomene de cette végétation, que de rapprocher des parties métalliques absolument sans organisation, qui ne forment après tout dans cette réunion, rien de plus admirable que ce qui se passe à l'égard de la formation de la glace dans de petites lames d'eau, dans lesquelles la congelation commence toûjours par former de petites ramifications de glace absolument semblables à des branches de fougere. Mais dans l'un & l'autre cas, ce sont des particules de matiere homogenes qui s'unissent les unes aux autres d'une maniere assez uniforme dans la disposition & la substance de toutes ces ramification; au lieu que dans la formation des animaux, il n'y a point d'uniformité dans l'arrangement & dans la consistance des parties qui les composent. La force qui unit les molécules nécessaires pour les parois d'un conduit dans le corps animal, doit être de nature à éviter d'attirer de ces molécules dans l'espace qui doit former la cavité de ce vaisseau. Cette force doit attirer & unir entre elles un plus grand nombre de molécules pour les parties d'une substance plus dense, comme les os, que pour les parenchymes. Voilà des modifications nécessaires dont on ne trouve point le principe dans l'attraction, qui forme l'arbre de Diane ou les ramifications de la glace: d'ailleurs les parties élémentaires du corps humain étant vraissemblablement les mêmes pour tous les organes qui le composent, & ne différant dans les différens aggrégés qui en résultent, que par la différence de leur position différemment combinée; il s'ensuit que la force qui distribue ces parties intégrantes, ne peut pas être soumise à une seule loi, telle que celle du rapport de l'affinité. Il y a des vaisseaux de différente espece dans chaque partie du corps; il y a des muscles, des tendons, des nerfs, des os dans les doigts; il y a de toutes ces parties dans les orteils: cependant chacun de ces organes est différemment combiné tant dans l'un que dans l'autre; quoique les parties élémentaires d'un muscle du doigt puissent vraissemblablement entrer dans la composition d'un muscle du pié, & réciproquement. Ainsi le total des parties composées des mains, est un tout hétérogene, mais seulement par rapport à la différence des organes qui entrent dans la composition des mains: la différence n'étant donc que dans l'organisation, de ce qu'un principe particulier de mouvement peut seul donner une forme déterminée à un corps, mais sans organisation, il ne s'ensuit pas qu'il puisse être suffisant pour la formation d'un corps organisé: ainsi le système de la Vénus physique semble manquer essentiellement par son propre fondement, quelque spécieux qu'il paroisse d'abord, sur-tout pour rendre raison des ressemblances des enfans aux peres & meres, des conformations monstrueuses, & de la plûpart des autres phénomenes relatifs à la génération , dont l'explication est si difficile à donner. Peu de tems après que ce dernier système a été mis au jour, il en a paru un autre d'une nature approchante, mais plus compliqué; c'est celui du celebre auteur de l' histoire naturelle générale & particuliere . Il admet d'abord que les femelles, ainsi que le systeme précédent, ont une liqueur séminale prolifique, tout comme les mâles; il admet encore, d'après un grand nombre d'expériences & d'observations microscopiques, que cette liqueur, dans chacun des deux sexes, contient des corpuscules en mouvement; mais il prétend être fondé à assûrer que ces petits corps ne sont pas de vrais animaux, mais seulement des parties des molécules qu'il appelle organiques , parce qu'elles ont la propriété exclusive de pouvoir entrer dans la composition des corps organisés; il les regarde cependant comme vivantes, quoique prises separément elles soient sans organisation. Selon cet auteur, tous les animaux mâles & femelles, tous ceux qui sont pourvus des deux sexes ou qui en sont privés; tous les végétaux, de quelque espece qu'ils soient; tous les corps, en un mot, vivans & végétans, sont composés de parties organiques qu'il prétend que l'on peut démontrer aux yeux de tout le monde. Ces parties organiques sont en grande quantité dans les liqueurs seminales des animaux, dans les germes des amandes des fruits, dans les graines, enfin dans les parties les plus substantielles de l'animal ou du végétal. C'est de la réunion des parties organiques renvoyées de toutes les parties du corps de l'animal ou du végétal, entant qu'elles composent le superflu de celles qui sont destinées à la nutrition & au développement de l'individu, que se fait la reproduction de ces êtres toûjours semblable à celui dans lequel elle s'opere; parce que la réunion de ces parties organiques ne se fait qu'au moyen du moule intérieur, c'est-à-dire dans l'ordre que produit la forme du corps de l'animal ou du végétal; & c'est en quoi consiste l'essence de l'unité & de la continuité des especes qui des-lors d'elles-mêmes ne doivent jamais s'épuiser. Pour un plus grand détail des idées de notre naturaliste sur ces parties organiques & le moule où elles s'arrangent, il faut recourir à son ouvrage même, & à l' art . Organiques (parties ), où on en trouvera l'exposition abregée qui donneroit trop d'étendue à celui-ci. Comme l'organisation de l'homme & des animaux est la plus parfaite & la plus composée, dit M. de Buffon, leur reproduction est aussi la plus difficile & la moins abondante; il prend pour exemple celle de l'homme. Il conçoit que le développement ou l'accroissement des différentes parties de son corps, se faisant par une force propre à faire pénétrer intimement dans le moule intérieur des organes, les molécules organiques analogues à chacune de ces parties; force qui ne peut être autre que celle de l'attraction: toutes ces molécules organiques sont absorbées dans le premier âge, & entierement employées au développement: par conséquent il n'y en a que peu ou point de superflues, tant que le développement n'est pas achevé: c'est pour cela que les enfans sont incapables d'engendrer; mais lorsque le corps a pris la plus grande partie de son accroissement, il commence à n'avoir plus besoin d'une aussi grande quantité de molécules organiques pour se développer ultérieurement. Le superflu de ces mêmes molécules qui ne peut pas trouver à se faire un établissement local en pénetrant les parties du corps organisé, parce que celles-ci ont reçû tout ce qu'elles pouvoient recevoir, est donc renvoyé de chacune des parties du corps dans des réservoirs destinés à les recevoir; ces réservoirs sont les vésicules séminales dans l'homme, & dans la femme les testicules; dont les corps glanduleux contiennent ainsi une vraie liqueur séminale qui distille continuellement sur la matrice & la pénetre, & qui y est même aussi portée par les trompes ensuite de leur érection, dans les circonstances propres à l'exciter. Les molécules organiques forment dans ces différens réservoirs la liqueur prolifique, qui dans l'un & l'autre sexe est, comme l'on voit, une espece d'extrait de toutes les parties du corps; ensorte que la liqueur séminale du mâle répandue dans le vagin, & celle de la femelle répandue dans la matrice, sont deux matieres également actives, également chargées de molécules organiques propres à la génération: ces deux liqueurs ont entre elles une analogie parfaite; puisqu'elles sont composées toutes les deux de parties non-seulement similaires par leur forme, mais encore absolument semblables dans leur mouvement & dans leur action: ainsi par le mélange des deux liqueurs séminales, cette activité des molécules organiques de chacune des liqueurs, est comme fixée par l'action contre-balancée de l'une & de l'autre; de maniere que chaque molécule organique venant à cesser de se mouvoir, reste à la place qui lui convient; & cette place ne peut être que celle de la partie qu'elle occupoit auparavant dans le moule intérieur de l'animal, ou plûtôt dont elle a été renvoyée avec les dispositions propres à entrer dans la composition de cette partie: ainsi toutes les molécules qui auront été renvoyées de la tête de l'animal, se disposeront & se fixeront dans un ordre semblable à celui dans lequel elles ont en effet été renvoyées; & il en est de même de toutes les autres parties du corps: par conséquent cette nouvelle disposition des molécules organiques formera nécessairement par leur réunion un petit être organisé semblable en tout à l'animal dont elles sont l'extrait. On doit observer, continue notre naturaliste, que ce mélange des molécules organiques des deux individus mâle & femelle, contient des parties semblables & des parties différentes. Les parties semblables sont les molécules qui ont été extraites de toutes les parties communes aux deux sexes; les parties différentes ne sont que celles qui ont été extraites des parties par lesquelles les mâles different des semelles. Ainsi il y a dans ce mélange le double des molécules organiques pour former, par ex. la tête ou le coeur; ou telle autre partie commune dans les deux individus; au lieu qu'il n'y a que ce qu'il faut pour former les parties du sexe. Or les parties semblables peuvent agir les unes sur les autres, sans se déranger, & se rassembler comme si elles avoient été extraites du même corps: mais les parties dissemblables ne peuvent agir les unes sur les autres nise mêler intimement, parce qu'elles ne sont pas semblables. Dès-lors ces parties seules conserveront leur nature sans mélange, & se fixeront d'elles mêmes les premieres, sans avoir besoin d'être pénétrées par les autres; & toutes celles qui sont communes aux deux individus se fixeront ensuite indifféremment & indistinctement, soit celles du mâle, soit celles de la femelle; ce qui formera un être organisé, qui par les parties sexuelles ressemblera parfaitement à son pere si c'est un mâle, & à sa mere si c'est une femelle; mais qui, à l'égard des autres parties du corps, pourra ressembler à l'un ou à l'autre, ou à tous les deux, par le mélange plus ou moins dominant des molécules organiques qui proviennent de l'un ou de l'autre individu. Il suit de tout ce qui vient d'être dit, que les mêmes molécules qui sont destinées à la nutrition & au développement du corps animal, servent aussi à la reproduction; que l'une & l'autre s'operent par la même matiere & par les mêmes lois: se nourrir, se développer, & se reproduire, sont donc les effets d'une seule & même cause. Le corps organisé se nourrit par les parties organiques des alimens qui lui sont analogues; il se développe par la susception intime des molécules organiques qui lui conviennent; & il se reproduit parce qu'il contient un superflu de ces mêmes parties organiques qui lui ressemblent, en ressemblant à celles qui forment les organes dont il est composé. Tel est le précis du système de M. de Buffon, qui présente autant de difficultés dans toutes ses parties, qu'il fournit de preuves du génie & de la sagacité de son auteur. En effet, peut-on bien concevoir & conçoit-il bien lui-même ce que sont les molécules organiques sans organisation; des parties vivantes, sans la condition essentielle qui peut seule rendre la matiere susceptible des effets auxquels on a attaché l'idée de la vie? Peut-on aisément se rendre raison pourquoi les molécules organiques superflues par rapport à la nutrition & au développement, & destinées à la reproduction, après avoir néanmoins pénétré comme les autres dans le moule intérieur, par la force attractive, n'y sont pas retenues par cette même force, à l'égard de laquelle on ne voit rien qui doive en suspendre l'effet? pourquoi & comment elles acquierent la liberté d'être portées dans les réservoirs? Si tous les matériaux qui doivent servir à la construction d'un nouvel animal, se trouvent réunis dans les reservoirs de chacun des individus mâle & femelle; pourquoi la formation d'un fétus ne se fait-elle pas dans le corps du mâle & dans celui de la femelle, indépendamment l'un de l'autre, comme cette formation se fait dans les animaux qui ont les deux sexes dans chaque individu, tels que les limaçons? ce qui exclut le point d'appui fourni par les molécules organiques provenues des parties sexuelles? Peut-on se contenter de la solution que donne l'auteur à cette difficulté, après avoir examiné bien des réponses qu'il ne trouve pas satisfaisantes? suffit-il de dire avec lui, que c'est uniquement faute d'organes, de local propre à la formation, à l'accroissement du fétus, que le mâle ne produit rien par sa propre vertu? Mais s'il s'est formé des fétus dans les petites bulles des testicules des femelles que l'on a prises pour des oeufs, pourquoi ne s'en pourroit-il pas former dans les vésicules séminales des mâles, qui ont bien plus de capacité que ces bulles? D'ailleurs, pour faire sentir en un mot l'insuffisance de cette solution; pourquoi les femelles qui ont tous les organes nécessaires pour servir de local à l'oeuvre de la reproduction, ne se suffisent-elles pas à elles-mêmes, au moins pour former d'autres individus de même sexe, sans le concours de la liqueur séminale des mâles? M. de Buffon paroît porté à croire que chaque liqueur séminale, soit du mâle soit de la femelle, peut seule produire quelque chose d'organisé: pourquoi ne peut-elle pas produire un animal parfait? Mais en admettant même que les molécules organiques dissemblables fournies par les parties sexuelles, puissent former un centre de réunion pour les parties semblables; pourquoi le mélange des liqueurs séminales des deux sexes ne produit-il pas toûjours la formation d'un mâle & d'une femelle en même tems; puisqu'il se trouve toûjours dans ce mélange des matériaux suffisans au-moins pour la reproduction d'un individu de chacun des sexes? Mais si la formation du fétus se fait par la réunion des molécules organiques, dans le même ordre que celui des parties d'où elles ont été renvoyées, quelles seront les parties organiques destinées à former le placenta & la double membrane qui forme la double enveloppe du fétus? Il n'y a ni dans le mâle ni dans la femelle aucun moule intérieur qui ait pû préparer les matériaux de ces organes accessoires; il n'y en a aucun par conséquent qui ait renvoyé dans les reservoirs des matériaux propres à former ces organes particuliers & à déterminer l'ordre dans lequel ils doivent être formés: comment se forme donc le placenta & la double enveloppe du fétus? c'est ce que notre auteur n'explique point & ce qui paroît inexplicable dans ce système, contre lequel on peut d'ailleurs alléguer la difficulté commune à tous les systèmes qui admettent le mélange des deux liqueurs séminales dans la copulation, & par conséquent l'existence d'une vraie semence fournie par les femelles, à l'égard de laquelle on n'est pas même d'accord sur les organes qui sont supposés destinés à la préparer & à lui servir de reservoir. Voyez Semence , Testicules . Mais sans s'arrêter à cette difficulté, & sans entrer dans la discussion à laquelle elle peut donner lieu, ne semble-t-il pas suffisant pour faire sentir le peu de fondement de l'idée d'une vraie semence dans les femmes, de demander pourquoi, si elles ont de la semence entierement semblable à celle de l'homme, elle ne produit pas les mêmes effets, les mêmes changemens dans le corps des filles, qu'elle produit dans celui des garçons à l'âge de puberté? Voyez Puberté , Eunuque . Il suit donc de tout ce qui vient d'être rapporté du système sur la génération , proposé dans la nouvelle histoire naturelle, qu'il ne sert qu'à prouver de plus en plus que le mystere sur ce sujet est impénétrable de sa nature; puisque les lumieres de l'auteur n'ont pû dissiper les ténebres dans lesquelles la faculté réproductrice semble être enveloppée. Le peu de succès des tentatives que les plus grands hommes ont faites pour l'en tirer, n'a cependant pas rendu nos physiciens plus réservés à cet égard. En effet, à la derniere opinion dont on vient de faire l'exposition, il n'a pas tardé d'en succéder une autre qui se trouve dans l'ouvrage intitulé Idée de l'homme physique & moral (Paris 1755.). Comme la théorie de l'économie animale a toûjours éprouvé ses révolutions, ses changemens, conséquemment à ceux qu'éprouve la Physique en général; la philosophie de Newton ayant influé essentiellement sur la maniere dont on a tâché d'expliquer la reproduction des individus organisés, & particulierement de l'espece humaine dans la Venus physique , & dans l' Histoire naturelle , par le principe des forces attractives & des affinités qu'on y a principalement mises en jeu: il convenoit bien aussi que les découvertes faites au sujet de l'électricité, qui avoient déjà porté bien des écrivains à introduire cette nouvelle puissance dans la physique du corps humain, & même dans la partie médicale, fissent encore naître l'idée d'en faire une application particuliere à l'oeuvre de la génération . C'est ce que l'on voit dans l'ouvrage qui vient d'être cité; l'auteur y propose donc ainsi son sentiment. La propriété, dit-il, qu'ont les organes excrétoires de la liqueur séminale de devenir au moment de l'émission de cette liqueur le centre de presque tout mouvement & tout sentiment du corps, est un phénomene trop considérable, pour qu'il soit permis de restreindre une telle révolution au seul méchanisme de l'excrétion de la liqueur séminale. On ne sauroit disconvenir, selon cet auteur, que le fluide éthérien ou électrique, ne doive être considéré dans chaque animal, comme une atmosphere active, qui embrasse également toutes les parties extérieures & intérieures du corps, depuis les plus simples jusqu'aux plus composées. Or on peut concevoir conséquemment que ce fluide doit par la révolution générale qui arrive au moment de l'émission, se réfléchir de toutes les parties du corps vers les organes de la génération , & s'imprimer dans la liqueur séminale, à-peu-près comme les rayons de lumiere, qui étant réfléchis d'un objet, dont en quelque maniere ils portent l'image, se peignent sur divers foyers, & notamment sur la rétine; avec la différence par rapport au fluide éthérien, qu'étant réfléchi dans l'acte de la génération , il est déterminé avec beaucoup plus de force, & concentré en beaucoup plus grande quantite que la matiere de la lumiere ne l'est dans les faisceaux de rayons qui tombent sur la rétine, & que la liqueur séminale dans laquelle le fluide éthérien porte son impression, est autrement disposée par sa nature, par sa chaleur & sa fluidité, à recevoir & à conserver la force & l'étendue de l'impression de ce fluide, que ne l'est la rétine, qui n'est susceptible que de quelques ébranlemens peu durables. Or, poursuit notre auteur, que le fluide électrique puisse, suivant la sorte d'esquisse qu'il reçoit dans le corps du pere & de la mere, tracer des linéamens & déterminer une organisation dans la liqueur séminale; on en a presque la preuve dans la formation de ces toiles membraneuses, ou pour mieux dire, de cette espece de tissu qui se fait dans le lait chaud, qu'on laisse refroidir. On ne peut chercher la cause de cette formation, que dans les propriétés du fluide électrique. Ainsi dans ce système, la liqueur séminale du mâle parvenue dans la matrice avec l'esquisse qui y a été destinée, de la maniere qui a été rapportée, reçoit encore des modifications ultérieures, soit par l'addition d'une nouvelle matiere séminale fécondée, c'est-à-dire chargée aussi de son esquisse, soit par des mouvemens particuliers de la matrice, dans laquelle la matiere électrique accumulée pendant la copulation, doit probablement recevoir des déterminations particulieres par l'action propre de cet organe, qui doivent s'accorder avec celles qui lui viennent des différens foyers qui constituent l'esquisse imprimée dans la liqueur séminale du mâle & de la femelle; ensorte que dans la formation des empreintes que reçoit la liqueur séminale, il y a des endroits dans lesquels l'impression est plus forte ou plus marquée que dans d'autres; parce qu'il est à présumer que les organes du corps qui sont les plus actifs, & par conséquent les plus chargés de matiere électrique, sont aussi ceux qui envoyent à la liqueur séminale une plus grande quantité de rayons, dont la force supérieure fait de plus fortes impressions que les rayons qui partent des autres organes. Ainsi le cerveau & la moëlle épiniere étant regardés comme les principales sources de l'action du corps, les impressions faites dans la liqueur séminale par leur irradiation, sont celles qui sont le mieux marquées: d'où il doit s'ensuivre que conformément aux observations de Malpighi & de Valisnieri, de semblables organes sont les premiers à se former dans cette liqueur par des especes de coalitions , qui sont les élémens des parties solides, & qui sont comme des points sives d'où la matiere électrique se réfléchit & en entraîne des filamens, qui devenant à leur tour de nouveaux foyers, déterminent les réflexions différemment combinées pour qu'il en résulte la formation successive des différentes parties du corps, à mesure que le fluide électrique étend les traits de l'esquisse, selon les diverses attractions & répulsions des foyers, & selon le concours de l'action de la matrice. Au reste, selon notre auteur, le plus ou le moins de force des traits imprimés dans l'une des deux semences, doit déterminer la production d'un mâle ou d'une femelle: les traits plus ou moins imprimés, selon le divers concours effectif du pere & de la mere, décident les ressemblances ou les dissemblances des enfans à l'égard de leurs parens, soit dans la forme du corps, soit dans le caractere. Il trouve aussi dans son principe des raisons à donner des phénomenes de la génération les plus difficiles à expliquer. Mais la seule exposition des fondemens de ce système, tout ingénieux qu'il paroisse d'abord, suffit pour faire sentir combien l'homme est le joüet de son imagination, lorsqu'il n'a d'autre guide qu'elle dans les recherches de la vérité. En effet, la comparaison proposée entre les modifications ou l'action de la lumiere qui peint les objets sur la rétine & les modifications où l'action du fluide électrique réfléchi des différentes parties du corps sur la semence dans ses reservoirs, pour y imprimer l'esquisse de toutes ces parties; cette comparaison qui paroît avoir fourni seule le fondement de l'explication dont il s'agit sur la génération , n'auroit-elle pas dû au contraire faire sentir à l'auteur, avec un peu de réflexion, combien une idée aussi singuliere est peu suffisante pour remplir cet objet? car la lumiere ne donne à aucune portion de matiere la forme des choses sensibles qu'elle représente à l'ame: elle affecte seulement les organes par des impressions de différens degrés de force, qui portent à l'ame l'image de l'objet, non par la ressemblance qu'elles ont avec lui, mais sans laisser aucune trace, & par le seul effet des lois de l'union de l'ame avec le corps, conséquemment auquel effet il est attaché à tel degré d'impression de représenter telle chose, sans qu'il y ait aucun rapport absolu entre cette impression & l'idée qui en résulte. Ainsi les impressions de la lumiere ne produisant aucune modification intrinseque dans les parties qui composent la rétine, si la matiere électrique n'agit sur la semence que comme la lumiere sur cet organe, il ne doit s'ensuivre aucun effet propre à donner à la matiere séminale la disposition nécessaire pour qu'elle acquiere l'organisation. La modification produite dans le lait, pour qu'il s'en forme des toiles, ne suppose qu'une adunation de parties huileuses homogenes, qui surnageant le reste du fluide, se rapprochent avec une certaine force de cohésion, à-mesure que le feu, ou même la seule chaleur de l'été, fait évaporer les parties aqueuses, hétérogenes, intermédiaires. La construction du corps animal est-elle aussi simple que cela? Peut-on, de bonne foi, trouver quelque ressemblance dans la production de ces différens phénomenes? Mais en admettant l'irradiation de la matiere électrique sur la semence, comment peut-on concevoir si celle du mâle en a reçu quelque modification dans ses reservoirs, qu'elle conserve cette modification, malgré les secousses violentes qu'elle a à éprouver dans l'éjaculation qui la divise en plusieurs parties. puisqu'elle est lancée à-plusieurs reprises? Quelle est la portion modifiée, chargée de l'empreinte? sortira-t-elle entiere? peut-elle sortir telle? si elle se partage, que résulte-t-il des deux portions? s'il en reste une dans le reservoir, quelle confusion pour les nouvelles impressions électriques qui y seront ajoûtées avant une nouvelle éjaculation? Mais en supposant la semence du mâle déposée dans la matrice avec son empreinte entiere, comment se conservera t-elle cette empreinte dans le mélange des deux semences? Si elles reçoivent encore de nouvelles impressions de l'irradiation électrique dans la matrice, à quoi serviront-elles? qu'ajoûteront-elles aux premieres qui leur soit nécessaire? Comment conçoit-on que la force plus ou moins grande avec laquelle elles sont produites, pouvant agir indistinctement sur tous les points de l'empreinte, puisse décider de la production particuliere des organes de l'un ou de l'autre sexe? La différence de cette organisation peut-elle dépendre du plus ou moins de force dans la puissance qui l'opere? Enfin, pour abréger & terminer d'une maniere décisive les objections contre ce système singulier, il suffit de demander comment on peut se former l'idée de la formation de l'embryon, d'après des effets qui ne portent que sur la surface des matieres, à modifier pour cette formation qui demande assûrément, quelle que soit la puissance modifiante, des arrangemens, des dispositions, des altérations intrinseques, pour qu'il en résulte une organisation ou un développement de parties déjà organisées. Le jugement qu'on peut porter en général de ce système, c'est qu'il semble ajoûter à l'obscurité de la matiere qui en est l'objet, dans les ténebres de laquelle se sont égarés de grands génies qui s'y sont plongés, pour tenter de les dissiper; ensorte que l'auteur de l' idée de l'homme physique & moral , n'a fait que grossir le nombre de ceux qui ont éprouvé un pareil sort, comme feront vraissemblablement encore dans la suite bien d'autres, c'est-à-dire tous ceux qui entreront dans la même carriere. En fait de recherches physiques, nous ne pouvons marcher & juger de ce qui nous environne, qu'en aveugles, quand nous sommes dénués des secours des sens, comme dans le cas où il est question de sonder la profondeur du mystere de la génératiou , dont la plûpart des phénomenes ne sont que le résultat de différentes opérations, qui de leur nature se dérobent constamment à la lumiere; en sorte que de tous les faits qu'on a pû recueillir à cet égard d'après les expériences, les observations les plus nombreuses & faites avec le plus d'exactitude, il n'a pû résulter encore assez de connoissances pour qu'on puisse seulement déterminer en quoi consiste l'acte qu'on appelle la conception , & pour donner une définition précise de ce mot si ancien, dont il seroit si important pour l'histoire naturelle des animaux, & de l'homme sur-tout, de fixer le vrai sens: on a été borné jusqu'à présent à ne pouvoir en donner qu'une idée vague, & à dire avec Boerhaave, que c'est l'action par laquelle ce en quoi le mâle concourt à la reproduction des individus de son espece, se joint à ce que la femelle fournit pour la même opération: de maniere que la réunion de ces différens moyens se faisant dans le corps de la femelle, il en résulte la formation d'un ou de plusieurs des êtres organisés destinés à perpétuer le genre animal. Voilà toute l'idée qu'on a, & peut-être toute celle qu'il est possible d'avoir de la conception. Ce que la femelle éprouve de la part du mâle; ce qu'il y a de passif dans les changemens qui se font en elle dans l'acte principal efficace de la génération , est appellé la fécondation; & ce qui s'opere de la part de la femelle dans cet acte, ou par une suite de cet acte, entant qu'elle retient ce que le mâle lui a communiqué d'effectif, est donc proprement la conception , κύησις , conceptio . Mais qu'est-ce que le mâle lui communique essentiellement? en quoi contribuent-ils précisément l'un & l'autre à la genération? ont-ils chacun quelque chose de prolifique à fournir? quel est spécialement l'organe de la femelle où se fait la conception, la fécondation, &c? Tous ces problèmes sont encore à résoudre, malgré tout ce qui a été écrit sur ce sujet, dont on n'a donné dans cet article, tout long qu'il est, qu'un très petit abregé, eu égard aux ouvrages immenses ou au-moins très-nombreux, qui ont été mis au jour sur cette matiere; ouvrages qui n'ont presque servi, & ne serviront encore que de monumens pour l'histoire des erreurs de l'esprit humain, & de preuves de l'obscurité dans laquelle le principe de la vie semble obstiné à rester enveloppé, pour se dérober aux regards des mortels, d'autant que sa connoissance ne leur seroit d'aucune utilité. Voyez le recueil d'une bonne partie des systèmes sur la génération , & de ce qui y a rapport, dans la bibliotheque anatomique de Manget; les oeuvres fort détaillées de Schurigius, sur le même sujet; la Physiologie de M. de Sénac, sur l' anatomie d'Heister; les institutions médicales de Boerhaave, avec leur commentaire & les notes savantes de M. de Haller; la Vénus physique; l' Histoire naturelle, générale & particuliere de M. de Buffon; l'ouvrage intitulé Idée de l'homme physique & moral . C'est de la plûpart de ces derniers ouvrages qu'a été extraite une bonne partie des matériaux de cet article. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génération, (maladies concernant la) Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Génération Génération , ( maladies concernant la ) Les lesions des fonctions qui servent à la génération dans l'espece humaine, doivent être considérées par rapport à chacun des sexes. Ainsi il peut y avoir dans les hommes excès ou défaut dans les dispositions & dans les conditions qui sont nécessaires pour la génération . Telles sont la séparation de la semence & sa préparation dans les testicules, l'érection du membre viril, l'éjaculation de la liqueur spermatique. Voyez Testicule , Semence , Verge , Priapisme , Satyriasis , Impuissance , Frigidité A l'égard des femmes, les vices physiques dont elles sont susceptibles relativement à la génération , regardent principalement les déréglemens du flux menstruel, les défauts de conformation de la matrice & du vagin, le tempérament trop ou trop peu sensible. Voyez Menstrues , Matrice , Vagin , Tempérament , Salacité , Stérilité , Fleurs-blanches , Fureur utérine , Faux-germe , Mole , &c. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉREUX, GÉNÉROSITÉ Author=Boufflers5 Normalized Classification=Morale Part of Speech=adject|s.f. GÉNEREUX GÉNEREUX, adj. GÉNÉROSITÉ, s. f. ( Mor. ) La générosité est un dévoüement aux intérêts des autres, qui porte à leur sacrifier ses avantages personnels. En général, au moment où l'on relâche de ses droits en faveur de quelqu'un, & qu'on lui accorde plus qu'il ne peut exiger, on devient généreux . La nature en produisant l'homme au milieu de ses semblables, lui a prescrit des devoirs à remplir envers eux: c'est dans l'obéissance à ces devoirs que consiste l'honnêteté, & c'est au-delà de ces devoirs que commence la générosité . L'ame généreuse s'éleve donc au-dessus des intentions que la nature sembloit avoir en la formant. Quel bonheur pour l'homme de pouvoir devenir ainsi supérieur à son être, & quel prix ne doit point avoir à ses yeux la vertu qui lui procure cet avantage! On peut donc regarder la générosité comme le plus sublime de tous les sentimens, comme le mobile de toutes les belles actions, & peut-être comme le germe de toutes les vertus; car il y en a peu qui ne soient essentiellement le sacrifice d'un intérêt personnel à un intérêt étranger. Il ne faut pas confondre la grandeur d'ame, la générosité , la bienfaisance & l'humanité: on peut n'avoir de la grandeur d'ame que pour soi, & l'on n'est jamais généreux qu'envers les autres; on peut être bienfaisant sans faire de sacrifices, & la générosité en suppose toûjours; on n'exerce guere l'humanité qu'en vers les malheureux & les inférieurs, & la générosité a lieu envers tout le monde. D'où il suit que la générosité est un sentiment aussi noble que la grandeur d'ame, aussi utile que la bienfaisance, & aussi tendre que l'humanité: elle est le résultat de la combinaison de ces trois vertus; & plus parfaite qu'aucune d'elles, elle peut y suppléer. Le beau plan que celui d'un monde où tout le genre humain seroit généreux! Dans le monde tel qu'il est, la générosité est la vertu des héros; le reste des hommes se borne à l'admirer. La générosité est de tous les états: c'est la vertu dont la pratique satisfait le plus l'amour-propre. Il est un art d'être généreux: cet art n'est pas commun; il consiste à dérober le sacrifice que l'on fait. La générosité ne peut guere avoir de plus beau motif que l'amour de la patrie & le pardon des injures. La libéralité n'est autre chose que la générosité restreinte à un objet pécuniaire: c'est cependant une grande vertu, lorsqu'elle se propose le soulagement des malheureux; mais il y a une économie sage & raisonnée qui devroit toûjours régler les hommes dans la dispensation de leurs bienfaits. Voici un trait de cette économie. Un prince * donne une somme d'argent pour l'entretien des pauvres d'une ville, mais il fait ensorte que cette somme s'accroisse à mesure qu'elle est employée, & que bien-tôt elle puisse servir au soulagement de toute la province. De quel bonheur ne joüroit-on pas sur la terre, si la générosité des souverains avoit toûjours été dirigée par les mêmes vûes! On fait des générosités à ses amis, des libéralitét à ses domestiques, des aumônes aux pauvres ** . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNÉRIQUE Author=Douchet | Beauzée Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GÉNÉRIQUE GÉNÉRIQUE, adj. Les noms établis pour présenter à l'esprit des idées générales, pour exprimer des attributs qui conviennent à plusieurs especes ou à plusieurs individus, sont nommés appellatifs par le commun des Grammairiens. Quelques-uns trouvant cette dénomination peu expressive, peu conforme à l'idée qu'elle caractérise, en ont substitué une autre, qu'ils ont cru plus vraie & plus analogue; c'est celle de génériques ; & il faut convenir que si cette derniere dénomination n'est pas la plus convenable, la premiere, quand on l'a introduite, devoit le paroître encore moins. Autant qu'il est possible, l'étymologie des dénominations doit indiquer la nature des choses nommées: c'est un principe qu'on ne doit point perdre de vûe, quand la découverte d'un objet nouveau exige qu'on lui assigne une dénomination nouvelle; mais une nomenclature déjà établie doit être respectée & conservée, à-moins qu'elle ne soit absolument contraire au but même de son institution: en la conservant, on doit l'expliquer par de bonnes définitions; en la réformant, il faut en montrer le vice, & ne pas tomber dans un autre, comme a fait M. l'abbé Girard, lorsqu'à la nomenclature ordinaire des différentes especes de noms, il en a substitué une toute nouvelle. Les noms se divisent communément en appellatifs & en propres , & il semble que ces deux especes soient suffisantes aux besoins de la Grammaire; cependant, soit pour lui fournir plus de ressources, soit pour entrer dans les vûes de la Métaphysique, on soûdivise encore les noms appellatifs en noms génériques ou de genre, & en noms spécifiques ou d'espece. « Les premiers, pour employer les propres termes de M. du Marsais, conviennent à tous les individus ou êtres particuliers de différentes especes; par exemple, arbre convient à tous les noyers , à tous les orangers , à tous les oliviers , &c. Les derniers ne conviennent qu'aux individus d'une seule espece; tels sont noyer, olivier, oranger , &c.». Voyez Appellatif . M. l'abbé Girard, tom. I. disc. v. pag. 219. partage les noms en deux classes, l'une des génériques , & l'autre des inviduels; c'est la même division générale que nous venons de présenter sous d'autres expressions. Ensuite il soûdivise les génériques en appellatifs, abstractifs & actionnels , selon qu'ils servent, dit-il, à dénommer des substances, des modes, ou des actions. Mais on peut remarquer d'abord que le mot appellatif n'est pas appliqué ici plus heureusement que dans le système ordinaire, & que l'auteur ne fait que déroger à l'usage, sans le corriger. D'autre part, la soûdivision de l'académicien n'est ni ne peut être grammaticale, & elle devoit l'être dans son livre. La diversité des objets peut fonder, si l'on veut, une division philosophique; mais une division grammaticale doit porter sur la diversité des services d'une même sorte de mots; & cette diversité de service dépend, non de la nature des objets, * Il s'agit dans cet endroit du Roi de Pologne Duc de Lorraine: ce Prince a donné aux magistrats de la ville de Bar dix mille écus qui doivent être employés à acheter du blé, lorsqu'il est à bas prix, pour le revendre aux pauvres à un prix médiocre, lorsqu'il est monté à certain point de cherté. Par cet arrangement, la somme augmente toûjours; & bien-tôt on pourra la répartir sur d'autres endroits de la province. ** Ce n'est la qu'une partie des idées qui étoient renfermées dans un article sur la générosité , qu'on a communique à M. Diderot. Les bornes de cet Ouvrage n'ont pas permis de faire usage de cet article en entier. mais de la maniere dont les mots les expriment. Ainsi la division des noms appellatifs en génériques & spécifiques , peut être regardée comme grammaticale, en ce que les noms génériques conviennent aux individus de plusieurs especes, & que les noms spécifiques qui leur sont subordonnés, ne conviennent, comme on l'a déjà dit, qu'aux individus d'une seule espece; ce qui constitue deux manieres d'exprimer bien différentes: animal convient à tous les individus, hommes & brutes; homme ne convient qu'aux individus de l'espece humaine. Si l'on avoit appellé communs les noms auxquels on a donné la dénomination d' appellatifs , on auroit peut-être rendu plus sensible tout-à-la-fois & leur nature intrinseque & leur opposition aux noms propres: mais nous croyons devoir nous en tenir aux dénominations ordinaires, les mêmes que M. du Marsais paroît avoir adoptées; parce qu'elles sont autorisées par un usage, qui au fond n'a rien de contraire aux vûes légitimes de la Grammaire, & que de plus elles sont en quelque sorte l'expression abrégée de la génération de nos idées, & des effets merveilleux de l'abstraction dans l'entendement humain. Voyez Abstraction . On peut voir au mot Appellatif une sorte de tableau raccourci de cette génération d'idées qui sert de fondement à la division des mots; mais elle est amplement développée au mot Article , t. I. p. 722 . Nous y ajoûterons quelques observations qui nous ont paru intéressantes, parce qu'elles regardent la signification des noms appelletifs, & qu'elles peuvent même produire d'heureux effets, si, comme nous le présumons, on les juge applicables au système de l'éducation. On peut remonter de l'individu au genre suprême, ou descendre du genre suprême à l'individu, en passant par tous les dégrés différenciels intermédiaires: Médor, chien, animal, substance, être , voilà la gradation ascendante; être, substance, animal, chien, Médor , c'est la gradation descendante. L'idée de Médor renferme nécessairement plus d'attributs que l'idée spécifique de chien; parce que tous les attributs de l'espece conviennent à l'individu, qui a de plus son suppôt particulier, ses qualités exclusivement propres & incommunicables à tout autre. Par une raison semblable & que l'on peut appliquer à chaque dégré de cette progression, l'idée de chien renferme plus d'attributs que l'idée générique d' animal , parce que tous les attributs du genre conviennent à l'espece, & que l'espece a de plus ses propriétés différencielles & caractéristiques, incommunicables aux autres especes comprises sous le même genre. La gradation ascendante de l'individu à l'espece, de l'espece au genre prochain, de celui-ci au genre plus éloigné, & successivement jusqu'au genre suprême, est donc une véritable décomposition d'idées que l'on simplifie par le secours de l'abstraction, pour les mettre en quelque sorte plus à la portée de l'esprit; c'est la méthode d'analyse. La gradation descendante du genre suprême à l'espece prochaine, de celle-ci à l'espece plus éloignée, & successivement jusqu'aux individus, est au contraire une veritable composition d'idées que l'on réunit par la réflexion, pour les rapprocher davantage de la verité & de la nature; c'est la méthode de synthèse. Ces deux méthodes opposées peuvent être d'une grande utilité dans des mains habiles, pour donner aux jeunes gens l'esprit d'ordre, de précision, & d'observation. Montrez-leur plusieurs individus; & en leur faisant remarquer ce que chacun d'eux a de propre, ce qui l'individualise, pour ainsi dire, faites-leur observer en même tems ce qu'il a de commun avec les autres, ce qui le fixe dans la même espece; & nommez-leur cette espece, en les avertissant que quand on désigne les êtres par cette sorte de nom, l'esprit ne porte son attention que sur les attributs communs à toute l'espece, & qu'il tire en quelque sorte hors de l'idée totale de l'individu, les idées singulieres qui lui sont propres, pour ne considérer que celles qui lui sont communes avec les autres. Amenez-les ensuite à la comparaison de plusieurs especes, & des propriétés qui les distinguent les unes des autres, qui les spécifient; mais n'oubliez pas les propriétés qui leur sont communes, qui les réunissent sous un point de vûe unique, qui les constituent dans un même genre; & nommez-leur ce genre, en y appliquant les mêmes observations que vous aurez faites sur l'espece; savoir que l'idée de genre est encore plus simplifiée, qu'on en a séparé les idées différencielles de chaque espece, pour ne plus envisager que les idées communes à toutes les especes comprises sous le même genre. Continuez de même aussi loin que vous pourrez, en faisant remarquer avec soin toutes les abstractions qu'il faut faire successivement, pour s'élever par dégrés aux idées les plus générales. N'en demeurez pas là; faites retourner vos éleves sur leurs pas; qu'à l'idée du genre suprême ils ajoûtent les idées différencielles constitutives des especes qui lui sont immédiatement subordonnées; qu'ils recommencent la même opération de degrés en degrés, pour descendre insensiblement jusqu'aux individus, les seuls êtres qui existent réellement dans la nature. En les exerçant ainsi à ramener, par l'analyse, la pluralité des individus à l'unité de l'espece & la pluralité des especes à l'unité du genre, & à distinguer, par la synthese, dans l'unite du genre la pluralité des especes & dans l'unité de l'espece la pluralité des individus; ces idées deviendront insensiblement précises & distinctes, & les élémens des connoissances & du langage se trouveront disposes de la maniere la plus méthodique. Quel préjugé pour la facilité de concevoir & de s'exprimer, pour la netteté du discernement, la justesse du jugement, & la solidité du raisonnement! Seroit-il impossible, pour l'exécution des vûes que nous proposons ici, de construire un dictionnaire où les mots seroient rangés par ordre de matieres? Les matieres y seroient divisées par genres, & chaque genre seroit suivi de ses especes: le genre une fois défini, il suffiroit ensuite d'indiquer les idées différencielles qui constituent les especes. Il y a lieu de croire que ce dictionnaire philosophique, en apprenant des mots, apprendroit en même tems des choses, & d'une maniere d'autant plus utile, qu'elle seroit plus analogue aux procédés de l'esprit humain. Quoi qu'il en soit, il résulte des principes que nous venons de présenter sur la composition & la décomposition des idées, que les noms qui les expriment ont une signification plus ou moins déterminée, selon qu'ils s'éloignent plus ou moins du genre suprême; parce que les idées abstraites que l'esprit se forme ainsi, deviennent plus simples, & par-là plus générales, plus vagues & applicables à un plus grand nombre d'individus; les noms plus ou moins génériques qui en sont les expressions, portent donc aussi l'empreinte de ces divers degrés d'indétermination: la plus grande indétermination est celle du nom le plus générique , du genre suprême; elle diminue par dégrés dans les noms des especes inférieures, à mesure qu'elles s'approchent de l'individu, & disparoît entierement dans les noms propres qui ont tous un sens déterminé. On tire cependant les noms appellatifs de leur indétermination, pour en faire des applications précises. Les moyens abrégés qu'on employe à cette fin dans le discours, sont quelquefois des équivalens de noms propres qui n'existent pas ou qu'on ignore; cette pierre, mon chapeau, cet homme . D'autres fois on supplée par cet artifice à une énumération ennuyeuse & impossible de noms propres; les philosophes de l'antiquité , au lieu du long étalage des noms de tous ceux qui dans les premiers siecles ont fait profession de philosophie. Il y a diverses manieres de restreindre la signification d'un nom générique: ici c'est l'apposition d'un autre nom, le prophete roi: là c'est un autre nom lié au premier par une préposition, ou sous une terminaison choisie à dessein; la crainte du supplice, metus supplicii: dans une occasion c'est un adjectif mis en concordance avec le nom; un homme savant, vir doctus: dans une autre c'est une phrase incidente ajoûtée au nom; la loi qui nous soûmet aux puissances: souvent plusieurs de ces moyens sont combinés & employés tout-à-la-fois. C'est ainsi que l'esprit humain a su trouver des richesses dans le sein même de l'indigence, & assujettir les termes les plus vagues aux expressions les plus précises. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÈNES, (l'État de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie historique Part of Speech=NA GÈNES GÈNES, ( l'État de ) Géog. hist . République d'Italie, dont Gènes est la capitale; elle comprend la côte de Gènes , en latin ligustica littora , l'île de Corse, & l'île de Capraïa vis-à-vis la côte de Toscane. De tous les états qui partagent l'Europe, il n'y en a peut-être pas qui ait éprouvé autant de révolutions que celui de Gènes . Connu dans l'histoire plus de deux siecles avant J. C. il a été successivement exposé aux entreprises-des Romains jusqu'à la chûte de leur empire; des Goths, jusqu'à ce que Narsès eut renversé le nouveau royaume qu'ils avoient formé; des Lombards sous Rotharis, de Charlemagne, & de ses descendans en Italie. Les Sarrasins qui ont ravagé la côte à plusieurs reprises, ont considérablement inquiété la ville jusqu'au dixieme siecle; mais comme c'étoit un port commerçant, le négoce qui l'avoit fait fleurir, servit à la soûtenir. En peu de tems même les Génois furent en état de chasser les Arabes de leurs côtes, & de reprendre sur eux l'île de Corse dont ils s'étoient emparés. Les richesses & les autres avantages de la navigation mirent cette nouvelle république à portée de donner de puissans secours aux princes armés dans les croisades: en vain les Pisans lui déclarerent la guerre en 1125; l'avantage fut entierement du côté des Génois. Enfin l'enthousiasme de la liberté rendit cet état capable des plus grandes choses, & il parvint à concilier l'opulence du commerce avec la supériorité des armes. Dans le treizieme siecle il remporta de telles victoires contre Pise & Venise réunies ensemble, que les Pisans ne se releverent jamais de leurs défaites, & que les Vénitiens furent obligés de demander la paix. Malheureusement les esprits échauffés d'abord par l'amour de la patrie, ne le furent dans la suite que par la jalousie & par l'ambition. Ces deux cruelles passions n'arrêterent pas seulement les progrès de la république de Gènes , elles la remplirent cent fois d'horreur & de confusion par la part que prirent dans ses troubles les empereurs Robert roi de Naples, les Visconti, les marquis de Monferrat, les Sforces, & la France, qui y furent successivement appellés par les différens partis qui la divisoient. Enfin André Doria ayant eu le bonheur & l'habileté de réunir les esprits de ses concitoyens, il parvint en 1528 à établir dans Gènes l'ordre du gouvernement aristocratique qui y subsiste encore aujourd'hui, & qui est connu de tout le monde. Ce grand homme qui auroit pu peut-être s'emparer de la souveraineté, se contenta d'avoir affermi la liberté, & procuré la tranquillité si nécessaire à sa patrie. Gènes dans ses tems florissans possédoit plusieurs îles de l'Archipel, & plusieurs villes sur les côtes de la Grece & de la mer Noire; Pera même, un des fauxbourgs de Constantinople, étoit sous sa domination: mais l'aggrandissement de la puissance ottomane lui ayant fait perdre toutes ces possessions là, son commerce du Levant en a tellement souffert, qu'à peine voit-on paroître à-présent quelqu'un de ses vaisseaux dans les états du grand-seigneur. Son principal commerce consiste en soies greges & en matasses qu'elle tire de toute l'Italie; en velours, damas, satins, tapis, draps d'or & d'argent, papeteries, fer en oeuvre, & autres manufactures considérables. La construction des vaisseaux, tant pour sa propre navigation que pour l'usage des étrangers, est encore un objet fort important. La république entretient cinq galeres & quelques frégates, & autres bâtimens, en course contre les Barbaresques, avec lesquels elle est habituellement en guerre. Gènes & Venise long-tems rivales, sont aujourd'hui revenues à une espece d'égalité pour le négoce; avec cette différence que les Vénitiens en font un plus considérable dans le Levant; & les Génois un plus grand que les Vénitiens en France, en Espagne, en Portugal, & ailleurs. Une grande partie des particuliers génois trafiquent en banque, ou autrement; & leur opulence est communément d'une grande ressource à l'état. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gènes Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gènes Gènes , ( Géog. ) Genua; & dans les siecles ignorans du moyen âge, Janua , comme si Janus en étoit le fondateur; ancienne, forte, riche ville, & l'une des principales d'Italie, capitale de la république de Gènes , avec un archevêché & un bon port. Les églises, les édifices publics & les palais y sont magnifiques: les palais se suivent sans être joints avec des maisons ordinaires; ce qui fait le plus bel effet qu'on puisse desirer. Cette ville commerçante est presque au milieu de l'état de Gènes , en partie dans la plaine, & en partie sur une colline près de la Méditerranée, dans une heureuse & riante situation, à 28 lieues sud-oüest de Milan, 25 sud-est de Turin, 26 sud-oüest de Parme, 45 nord-oüest de Florence, 90 nord-oüest de Rome. Long. suivant Salvego, Cassini & le pere Grimaldi, 26 d . 7'. 15". latit. 44 d . 25'. 0" . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENESE Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. GENESE GENESE, s. f. ( Théolog. ) premier livre de l'ancien testament où la création & l'histoire des premiers patriarches est écrite. Le livre de la Genese est à la tête du Pentateuque, & Moyse en est l'auteur. Quelques-uns croyent qu'il l'a écrit avant la sortie d'Egypte; mais il est plus vraissemblable qu'il la composé depuis la promulgation de la loi. Il comprend l'histoire de 2369 ans ou environ, qui s'étendent depuis le commencement du monde jusqu'à la mort de Joseph. Il est défendu chez les Juifs de lire les premiers chapitres de la Genese & ceux d'Ezéchiel avant l'âge de trente ans. Voyez Bible , Écriture . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENESTROLLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. GENESTROLLE GENESTROLLE, s. f. ( Botan. ) genista tinctoria , C. Bauh. Pin. 395 . Tournef. instit. 643 . Boerh. ind. A. 2. 25. genistella tinctoria . Ger. Emac. 1136. Raü hist. 2. 1725. synops 3. 474 . &c. Le port de cette plante herbeuse est le même que celui du genêt dont elle est la plus petite espece, & vient beaucoup moins haut; ses verges sont plus minces & plus courtes; ses feuilles, ses fleurs & ses gousses sont aussi plus petites. La genestrolle croît naturellement & sans culture, ce qui lui a donné le nom de genêt, de pâturage ou d'herbe de pâturage; elle sert quelquefois aux Teinturiers pour teindre en jaune les choses de peu de conséquence, & c'est pour cela qu'on l'appelle en françois comme en latin, le genêt des Teinturiers . Cette herbe ne se peut garder que quand elle a été cueillie en maturité; mais si l'on veut s'en servir aussi-tôt après l'avoir cueillie, il n'importe pas qu'elle soit si mûre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENET Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GENET GENET, s. m. geneta , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur légumineuse, dont le pistil sort du calice, & devient une silique applatie qui s'ouvre en deux parties, & qui renferme des semences en forme de rein. Les feuilles de la plante sont alternes ou verticillées. Tournef. inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt commun Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Genêt commun Genêt commun , ( Botan. ) genista vulgaris , Park. theat. 228 . Merete, bot. 1. 37 . Phyt. britst. 43 . &c. arbrisseau qui s'éleve quelquefois à la hauteur d'un homme; sa racine est dure, ligneuse, longue, pliante, s'enfonçant profondément en terre, jaune, garnie en quelques endroits de fibres obliques. Les tiges sont serrées, jettant plusieurs autres menues verges anguleuses, vertes, flexibles, que l'on peut entrelacer facilement, & qui sont souvent partagées en d'autres verges plus greles; sur les tiges naissent plusieurs petites feuilles pointues, velues, d'un verd fonce, dont les premieres sont trois à-trois, & les autres seules-à seules; elles tombent de bonne heure. Ses fleurs viennent aussi sur les verges; elles sont papilionacées d'une belle couleur jaune, larges, garnies d'étamines, recourbées & surmontées de sommets jaunes. Il succede à ces fleurs des gousses applaties, larges, noirâtres, quand elles sont mûres, à deux cosses remplies de graines plates, dures, roussâtres, faites en forme de rein. Cette plante croît par-tout en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Portugal & en France; elle est cultivée aux environs de Paris, parce que ses verges y sont d'un grand débit pour des balais. Quelques medecins font usage de cette plante; & ce qui vaut peut-être mieux, on tire de ses fleurs par artifice une belle laque jaune, recherchée des Peintres & des Enlumineurs. Voyez l'article suivant pour la matiere médicale, & pour la Peinture Laque artificielle . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt d'Espagne Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique | Agriculture Part of Speech=NA Genêt d'Espagne Genêt d'Espagne , ( Botan. & Agric. ) genista juncea , J. Bauh. 1. 395. Spartiam arborescens , C. B. p. 396. en anglois, spanish broom . C'est un arbrisseau qui s'eleve à la hauteur de cinq à six piés, & par une bonne culture à douze & quatorze piés; son tronc est de la grosseur du bras. Il en sort des jets cylindriques, plians, verdâtres, sur lesquels lorsque la plante est en fleur & encore jeune, se trouvent quelques feuilles oblongues, étroites, semblables aux feuilles de l'olivier qui tombent, & qui sont presque de la couleur des branches. Les fleurs naissent comme en épi au sommet des rameaux, & en grand nombre; elles sont légumineuses, amples, d'un jaune doré, très odorantes & agréables au goût. Leur pistil se change en une gousse à deux cosses droites, longues de quatre ou cinq pouces, applaties, un peu courbes, presque de couleur de chataigne; elle contient des graines quelquefois au nombre de vingt, souvent en moindre nombre, plates en forme de rein, rougeâtres, luisantes, d'une saveur légumineuse qui approche de celle des pois. Cet arbuste vient de lui-même dans les pays chauds, en Languedoc, en Italie, en Espagne, en Portugal; on le cultive dans les jardins des curieux. Il se distingue du genêt commun par sa grandeur, par l'odeur suave de ses fleurs, par ses branches pleines d'une moëlle fongueuse, & par ses feuilles qui ne sont point posées au nombre de trois sur une même queue. On le multiplie de graine dont on seme une ou deux dans un pot, pour ensuite déplanter l'un ou l'autre des deux piés qu'elles auront produit, & les replanter dans un autre pot qu'on aura rempli d'une terre à potager bien criblée; il aime une belle exposition, mais point trop chaude. Quand ceux qu'on aura plantés seront devenus trop grands pour être contenus dans des pots, on les dépotera; on les plantera en pleine terre en lieu convenable. La fleur que donne cet arbrisseau fait un bel effet dans un grand parterre, ou dans de longues plates-bandes. On a remarqué qu'elle est émetique, & que la graine pilée prise en moindre dose qu'un dragme, est un cathartique qui irrite & picote les membranes des intestins. Bradley dit que les jardiniers ont bien de la peine à assujettir le genêt d'Espagne à aucune forme; il conseille de la planter dans les bosquets parmi les autres arbrisseaux à fleurs, entre lesquels il figure fort bien. Il produit tous les ans quantité de fleurs d'un jaune agréable, résiste au froid de l'Angleterre, & y perfectionne sa graine. Miller enseigne la maniere de le cultiver dans les pepinieres; il ne faut pas l'y garder plus de trois ans, après lequel tems il seroit dangereux de l'en retirer, parce que c'est un des arbustes à fleurs des plus difficiles à transplanter quand il est parvenu à une certaine grosseur. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Genêt Genêt , ( Mat. med. ) on employe en Pharmacie deux sortes de genêt , le commun & celui d'Espagne; leur vertu passe pour être à peu-près la même. On se sert à Paris du premier qui est fort commun dans les environs; mais dans nos provinces méridionales, on employe indifferemment celui-ci ou celui d'Espagne qui y croit fort abondamment. L'infusion ou plutôt la lessive des cendres de genêt , est un remede très-employé dans la leucoplegmatie & dans l'hydropisie; les medecins de Montpellier s'en servent beaucoup dans ce cas. Ce remede évacue en effet très-efficacement par les couloirs du ventre & par les voies des urines; mais on ne voit point pourquoi on le préféreroit à la lessive des cendres de tout autre végétal qui fourniroit à-peu-près la même quantité d'alkali fixe & de sel neutre qu'on retire de la plus grande partie des végétaux par la combustion. Les cendres de genêt paroissent avoir tiré lear célébrité particuliere de la proprieté qu'a la plante inaltérée, & sur-tout sa semence, d'exciter puissamment les selles & les urines, selon l'observation de Mathiole, de Lobel, de Rai & plusieurs autres medecins. La fleur de genêt est un vomitif doux selon Lobel; quoi qu'il en soit, nous employons fort peu les feuilles, les sommités, les graines & les fleurs de genêt , parce que nous avons des hydragogues & des émétiques plus sûrs. Sa cendre ou plutôt son sel lixiviel n'a, comme nous l'avons insinué déjà, que les propriétés communes des sels lixiviels. Voyez Sel lixiviel . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt-Cytise Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. Genêt-Cytise Genêt-Cytise , s. m. ( Hist. nat. bot. ) cytiso-genista , genre de plante qui differe du genêt & du cytise , en ce qu'elle a des feuilles seules, & d'autres qui sont trois ensemble. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt épineux Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique | Agriculture Part of Speech=NA Genêt épineux Genêt épineux , ( Botan. & Agric. ) genista spinosa vulgaris , Ger. Emacul. genista ou eartium majus, aculeatum . Tournef. en anglois, the, common, furz, wheins ou gorse . Les épines dont de cet arbrisseau est couvert le distinguent des autres genêts; ses fleurs en épis sont succédées par des gousses applaties, courbes, contenant trois ou quatre graines faites en forme de rein. Le grand & le petit genêt épineux sont communs dans les montagnes & bruyeres d'Angleterre, & l'on en voit de cultivés dans leurs jardins qui y font une belle figure, & qui ne le cedent point aux meilleurs arbrisseaux toûjours verds. On les tond comme l'if, mais ils les surpassent à tous égards; car ils fleurissent dans toutes les saisons de l'année, & gardent long-tems toutes leurs fleurs. Quand ils sont bien taillés & soignés, ils forment des haies impénétrables; on observe seulement de ne les point tailler dans un tems fort sec, ni trop tôt au printems, ni trop tard en automne. Leur culture est la même que celle du genêt d'Espagne; ils le plaisent dans une terre seche & sablonneuse. On les multiplie de graine, car les boutures ne reprennent point; & on ne réussiroit pas mieux en coupant leurs branches: comme ils ont peu de parties spongieuses, il leur faut peu d'eau; enfin on ne doit pas les transplanter plus tard qu'au bout de l'an. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Genêt Genêt , ( Econ. rust. ) Quoique quelques genêts méritent d'être cultivés, cependant comme la plûpart perdent les bonnes terres où ils pullulent, il ne faut pas alors hésiter de les détruire, parce qu'ils jettent de profondes racines, qui sucent le sel de ces terres précieuses. La bonne méthode pour parvenir à leur entiere destruction, est de brûler ces terres, les labourer profondément, & les fumer ensuite, soit avec du fumier & des cendres, soit en y répandant de la marne & de l'urine des bestiaux. Si c'est un terrein de pâturage, le meilleur parti seroit de couper les genêts raz terre au mois de Mai, qui est le tems de leur seve; ensuite d'y jetter du bétail qui fourragera l'herbe, & dont l'urine fera mourir les racines des genêts , outre qu'ils ne viennent point dans un lieu qui est bien foulé par les piés des animaux. Au reste cette plante pernicieuse dans les cas dont nous venons de parler, n'est pas toûjours nuisible au laboureur; au contraire il peut quelquefois en tirer un parti fort utile, comme par exemple en former du chaume, qui fait avec art est aussi durable qu'excellent pour la couverture des granges. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genêt Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Genêt Genêt , ( Manége. ) Quelques personnes prétendent que ce mot, qui est aujourd'hui très-peu usité parmi nous, est dérivé du grec εὐγενὴς , bene natus: d'autres avancent qu'il n'a d'autre origine que le terme espagnol ginette , cavalier, homme de cheval; d'où ces derniers concluent que les Francois l'ont transporté de l'animal à l'homme, puisqu'il s'applique spécialement à certains chevaux d'Espagne qui sont d'une petite taille & parfaitement bien conformes. Il paroît aussi que du tems de Louis XI. cette espece de chevaux étoit en usage, & servoit de monture à des cavaliers qui étoient nommés génétaires . On a dit encore genêt de Portugal, genêt de Sardaigne. Je me déchargerai d'un faix que je dédaigne, Suffisant de crever un genêt de Sardaigne . Regn. Voyez Ménage. Voyez aussi le dictionn. de Trévoux , de l'autorité duquel on ne me reprochera pas d'abuser. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENETER un Fer Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA GENETER un Fer GENETER un Fer , ( Manége & Maréchallerie. ) c'est en courber les éponges sur plat en contre-haut. Voyez Fer , Ferrure . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENETHLIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA GENETHLIE GENETHLIE, ( Myth. ) c'étoit une solennité d'usage chez les Grecs, en mémoire d'une personne morte; & Genetyllis étoit une grande fête célébrée par toutes les femmes de la Grece en l'honneur de Genetyllis, la déesse du beau sexe. Poter, arch aeol. Groec. lib. II. cap. xx. Voy. Genetyllides . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENETHLIAQUES Author=Mallet Normalized Classification=Astrologie Part of Speech=s.m.pl. GENETHLIAQUES GENETHLIAQUES, s. m. pl. terme d'Astrologie , c'étoit le nom qu'on donnoit dans l'antiquité aux astrologues qui dressoient des horoscopes, ou qui prédisoient ce qui devoit arriver à quelqu'un par le moyen des astres, qu'ils supposoient avoir présidé à sa naissance. Voyez Horoscope & Astrologie . Ce mot est forme du grec γένεσις , origine, génération, naissance . Les anciens appelloient ces sortes de devins Chaldaei , & en général Mathematici . Les lois civiles & canoniques que l'on trouve contre les Mathématiciens, ne regardent que les Généthliaques ou Astrologues. Voyez Géométrie . L'assûrance avec laquelle ces insensés osoient prédire l'avenir, faisoit qu'ils trouvoient toûjours des dupes; & qu'après avoir été chassés par arrêt du sénat, ils savoient encore se ménager assez de protections pour demeurer dans la ville. C'est ce que disoit un ancien: homimum genus quod in civitate nostrâ semper & vetabitur & retinebitur. Voyez Divination . Antipater & Archinapolus ont prétendu que la Généthliogie devroit être plûtôt fondée sur le tems de la conception, que sur celui de la naissance. Qu'en savoient-ils? Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genethliaque, (Poëme) Author=Mallet Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA Genethliaque Genethliaque , ( Poëme ) Littérat. espece de poëme qu'on fait sur la naissance de quelque prince ou quelqu'autre personne illustre, à laquelle on promet de grands avantages, de grandes prospérités, des succès & des victoires, par une espece de prédiction: c'est sur-tout dans ces sortes de pieces que les Poëtes se livrent à l'enthousiasme, & qu'ils prononcent des oracles que leurs héros n'ont pas toûjours soin de justifier. Telle est l'églogue de Virgile sur la naissance du fils de Pollion, qui commence ainsi: Sicelides Musoe, paulò majora canamus . On appelle aussi discours généthliaques , ceux qu'on fait à l'occasion de la naissance de quelque prince ou autre personne d'un rang très-distingué. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENETTE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.f. GENETTE GENETTE, s. f. genetta , ( Hist. nat. Zoolog. ) animal quadrupede qui a beaucoup de rapport aux foüines, mais qui est plus gros. Il a une couleur mêlée de jaune & de noir, avec des taches noires. Gesner a fait la description d'une peau de genette qui avoit sur la queue huit anneaux noirs & huit de couleur blanchâtre. Cet animal ne monte pas sur les lieux élevés, il reste le long des rivieres. On dit qu'il se trouve en Espagne. Bellon a vû à Constantinople des genettes qui étoient apprivoisées dans les maisons comme des chats. La peau a une bonne odeur qui approche de celle du musc. Raii, synop. anim. quadrup. pag. 201. Voyez Quadrupede . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genette Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.f. Genette Genette , s. f. ( Man. ) embouchure autrefois en usage. Il y avoit des genettes vraies; il y en avoit de bâtardes: elles étoient employées dans l'intention d'assûrer la tête du cheval, de lui former l'appui, de l'empêcher de peser, de tirer, &c. Pour concevoir une idée de cette sorte de mors, qui differe peu de celui que l'on nomme mors à la turque , il suffit de se représenter d'une part un canon non-brisé, ayant assez de montant pour s'élever à la hauteur de l'oeil du banquet, & de l'autre un anneau de fer d'une seule piece, mobilement engagé dans le sommet de ce montant, & diversement contourné pour embrasser la barbe de l'animal & tenir lieu de gourmette. La genette tient une place distinguée parmi cette foule d'embouchures & d'instrumens effrayans, que les anciens avoient imaginés, & que nous avons rejettés avec d'autant plus de raison, que nous ne les devions qu'à leur ignorance. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENETYLLIDES Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f.pl. GENETYLLIDES * GENETYLLIDES, s. f. pl. ( Myth. ) Pausanias qui a parlé seul de ces divinités, se contente de nous apprendre que c'étoient des déesses qui avoient des statues dans le temple de la Vénus Colliade. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENÈVE Author=d'Alembert Normalized Classification=Histoire | Politique Part of Speech=NA GENÈVE GENÈVE, ( Hist. & Politiq. ) Cette ville est située sur deux collines, à l'endroit où finit le lac qui porte aujourd'hui son nom, & qu'on appelloit autrefois lac Leman . La situation en est très-agréable; on voit d'un côté le lac, de l'autre le Rhone, aux environs une campagne riante, des côteaux couverts de maisons de campagne le long du lac, & à quelques lieues les sommets toûjours glacés des Alpes, qui paroissent des montagnes d'argent lorsqu'ils sont éclairés par le soleil dans les beaux jours. Le port de Genève sur le lac avec des jettées, ses barques, ses marchés, &c. & sa position entre la France, l'Italie & l'Allemagne, la rendent industrieuse, riche & commerçante. Elle a plusieurs beaux édifices & des promenades agréables; les rues sont éclairées la nuit, & on a construit sur le Rhone une machine à pompes fort simple, qui fournit de l'eau jusqu'aux quartiers les plus élevés, à cent piés de haut. Le lac est d'environ dix-huit lieues de long, & de quatre à cinq dans sa plus grande largeur. C'est une espece de petite mer qui a ses tempêtes, & qui produit d'autres phénomenes curieux. Voyez Trombe , Seiche , &c. & l' hist. de l'acad. des Seiences des années 1741 & 1742 . La latitude de Geneve est de 46 d . 12'. sa longitude de 23 d . 45' . Jules César parle de Genève comme d'une ville des Allobroges, alors province romaine; il y vint pour s'opposer au passage des Helvétiens, qu'on a depuis appellés Suisses . Dès que le Christianisme fut introduit dans cette ville, elle devint un siége épiscopal, suffragant de Vienne. Au commencement du v. siecle, l'empereur Honorius la céda aux Bourguignons, qui en furent dépossédés en 534 par les rois francs. Lorsque Charlemagne, sur la fin du jx. siecle, alla combattre le roi des Lombards & délivrer le pape (qui l'en récompensa bien par la couronne impériale), ce prince passa à Genève , & en fit le rendez-vous général de son armée. Cette ville fut ensuite annexée par héritage à l'empire germanique, & Conrad y vint prendre la couronne impériale en 1034. Mais les empereurs ses successeurs occupés d'affaires très-importantes, que leur susciterent les papes pendant plus de 300 ans, ayant négligé d'avoir les yeux sur cette ville, elle secoüa insensiblement le joug, & devint une ville impériale qui eut son évêque pour prince, ou plûtôt pour seigneur, car l'autorité de l'évêque étoit tempérée par celle des citoyens. Les armoiries qu'elle prit dès-lors exprimoient cette constitution mixte; c'étoit une aigle impériale d'un côté, & de l'autre une clé représentant le pouvoir de l'Eglise, avec cette devise, post tenebras lux . La ville de Genève a conservé ces armes après avoir renoncé à l'église romaine, elle n'a plus de commun avec la papauté que les clés qu'elle porte dans son écusson; il est même assez singulier qu'elle les ait conservées, après avoir brisé avec une espece de superstition tous les liens qui pouvoient l'attacher à Rome; elle a pensé apparemment que la devise post tenebras lux , qui exprime parfaitement, à ce qu'elle croit, son état actuel par rapport à la religion, lui permettoit de ne rien changer au reste de ses armoiries. Les ducs de Savoie voisins de Genève , appuyés quelquefois par les évêques, firent insensiblement & à différentes reprises des efforts pour établir leur autorité dans cette ville; mais elle y résista avec courage, soûtenue de l'alliance de Fribourg & de celle de Berne: ce fut alors, c'est-à-dire vers 1526, que le conseil des deux-cents fut établi. Les opinions de Luther & de Zuingle commençoient à s'introduire; Berne les avoit adoptées; Genève les goûtoit, elle les admit enfin en 1635; la papauté fut abolie; & l'évêque qui prend toûjours le titre d' évêque de Genève sans y avoir plus de jurisdiction que l'evêque de Babylone n'en a dans son diocese, est résident à Annecy depuis ce tems-là. On voit encore entre les deux portes de l'hôtel-de-ville de Genève , une inscription latine en mémoire de l'abolition de la religion catholique. Le pape y est appellé l' antechrist; cette expression que le fanatisme de la liberté & de la nouveauté s'est permise dans un siecle encore à demi-barbare, nous paroit peu digne aujourd'hui d'une ville aussi philosophe. Nous osons l'inviter à substituer à ce monument injurieux & grossier, une inscription plus vraie, plus noble, & plus simple. Pour les Catholiques, le pape est le chef de la véritable église; pour les Protestans sages & modérés, c'est un souverain qu'ils respectent comme prince sans lui obéir: mais dans un siecle tel que le nôtre, il n'est plus l'antechrist pour personne. Genève pour defendre sa liberté contre les entreprises des ducs de Savoie & de ses évêques, se fortifia encore de l'alliance de Zurich, & sur-tout de celle de la France. Ce fut avec ces secours qu'elle resista aux armes de Charles Emmanuel & aux thrésors de Philippe II. prince dont l'ambition, le despotisme, la cruauté & la superstition, assûrent à sa mémoire l'exécration de la postérité. Henri IV. qui avoit secouru Genève de 300 soldats, eut bien-tôt après besoin lui-même de ses secours; elle ne lui fut pas inutile dans le tems de la ligue & dans d'autres occasions: de-là sont venus les priviléges dont les Génevois joüissent en France comme les Suisses. Ces peuples voulant donner de la célébrité à leur ville, y appellerent Calvin, qui joüissoit avec justice d'une grande réputation, homme de lettres du premier ordre, écrivant en latin aussi-bien qu'on le peut faire dans une langue morte, & en françois avec une pureté singuliere pour son tems; cette pureté que nos habiles grammairiens admirent encore aujourd'hui, rend ses écrits bien supérieurs à presque tous ceux du même siecle, comme les ouvrages de MM. de Port-Royal se distinguent encore aujourd'hui par la même raison, des rapsodies barbares de leurs adversaires & de leurs contemporains. Calvin jurisconsulte habile & théologien aussi éclairé qu'un hérétique le peut être, dressa de concert avec les magistrats, un recueil de lois civiles & ecclésiastiques, qui fut approuvé en 1543 par le peuple, & qui est devenu le code fondamental de la république. Le superflu des biens ecclésiastiques qui servoient avant la réforme à nourrir le luxe des évêques & de leurs subalternes, fut appliqué à la fondation d'un hôpital, d'un collége & d'une académie: mais les guerres que Genève eut à soûtenir pendant près de soixante ans, empêcherent les Arts & le Commerce d'y fleurir autant que les Sciences. Enfin le mauvais succès de l'escalade tentée en 1602 par le duc de Savoie, a été l'époque de la tranquillité de cette république. Les Génevois repousserent leurs ennemis qui les avoient attaqués par surprise; & pour dégoûter le duc de Savoie d'entreprises semblables, ils firent pendre treize des principaux généraux ennemis. Ils crurent pouvoir traiter comme des voleurs de grand-chemin, des hommes qui avoient attaqué leur ville sans déclaration de guerre: car cette politique singuliere & nouvelle, qui consiste à faire la guerre sans l'avoir déclarée, n'étoit pas encore connue en Europe, & eut-elle été pratiquée dès-lors par les grands états, elle est trop préjudiciable aux petits, pour qu'elle puisse jamais être de leur goût. Le duc Charles Emmanuel se voyant repoussé & ses généraux pendus, renonça à s'emparer de Genève . Son exemple servit de leçon à ses successeurs; & depuis ce tems, cette ville n'a cessé de se peupler, de s'enrichir & de s'embellir dans le sein de la paix. Quelques dissensions intestines, dont la derniere a éclaté en 1738, ont de tems en tems altéré legerement la tranquillité de la république; mais tout a été heureusement pacifié par la mediation de la France & des Cantons confédérés; & la sûreté est aujourd'hui établie au-dehors plus fortement que jamais, par deux nouveaux traités, l'un avec la France en 1749, l'autre avec le roi de Sardaigne en 1754. C'est une chose très-singuliere, qu'une ville qui compte à peine 24000 ames, & dont le territoire morcelé ne contient pas trente villages, ne laisse pas d'être un état souverain, & une des villes les plus florissantes de l'Europe: riche par sa liberté & par son commerce, elle voit souvent autour d'elle tout en feu sans jamais s'en ressentir; les évenemens qui agitent l'Europe ne sont pour elle qu'un spectacle, dont elle joüit sans y prendre part: attachée aux François par ses alliances & par son commerce, aux Anglois par son commerce & par la religion, elle prononce avec impartialité sur la justice des guerres que ces deux nations puissantes se font l'une à l'autre, quoiqu'elle soit d'ailleurs trop sage pour prendre aucune part à ces guerres, & juge tous les souverains de l'Europe, sans les flater, sans les blesser, & sans les craindre. La ville est bien fortifiée, sur-tout du côté du prince qu'elle redoute le plus, du roi de Sardaigne. Du côté de la France, elle est presque ouverte & sans défense. Mais le service s'y fait comme dans une ville de guerre; les arsénaux & les magasins sont bien fournis; chaque citoyen y est soldat comme en Suisse & dans l'ancienne Rome. On permet aux Génevois de servir dans les troupes étrangeres; mais l'état ne fournit à aucune puissance des compagnies avoüées, & ne souffre dans son territoire aucun enrôlement. Quoique la ville soit riche, l'état est pauvre par la répugnance que témoigne le peuple pour les nouveaux impôts, même les moins onéreux. Le revenu de l'état ne va pas à cinq cents mille livres monnoie de France; mais l'économie admirable avec laquelle il est administré, suffit à tout, & produit même des sommes en reserve pour les besoins extraordinaires. On distingue dans Genève quatre ordres de personnes: les citoyens qui sont fils de bourgeois & nés dans la ville; eux seuls peuvent parvenir à la magistrature: les bourgeois qui sont fils de bourgeois ou de citoyens, mais nés en pays étranger, ou qui étant étrangers ont acquis le droit de bourgeoisie que le magistrat peut conférer; ils peuvent être du conseil général, & même du grand-conseil appellé des deux-cents . Les habitans sont des étrangers, qui ont permission du magistrat de demeurer dans la ville, & qui n'y sont rien autre chose. Enfin les natifs sont les fils des habitans; ils ont quelques priviléges de plus que leurs peres, mais ils sont exclus du gouvernement. A la tête de la république sont quatre syndics, qui ne peuvent l'être qu'un an, & ne le redevenir qu'après quatre ans. Aux syndics est joint le petit conseil, composé de vingt conseillers, d'un thrésorier & de deux secrétaires d'état, & un autre corps qu'on appelle de la justice . Les affaires journalieres & qui demandent expédition, soit criminelles, soit civiles, sont l'objet de ces deux corps. Le grand-conseil est composé de deux cents cinquante citoyens ou bourgeois; il est juge des grandes causes civiles, il fait grace, il bat monnoie, il élit les membres du petit-conseil, il délibere sur ce qui doit être porté au conseil général. Ce conseil général embrasse le corps entier des citoyens & des bourgeois, excepté ceux qui n'ont pas vingt-cinq ans, les banqueroutiers, & ceux qui ont eu quelque flétrissure. C'est à cette assemblée qu'appartiennent le pouvoir législatif, le droit de la guerre & de la paix, les alliances, les impôts, & l'élection des principaux magistrats, qui se fait dans la cathédrale avec beaucoup d'ordre & de décence, quoique le nombre des votans soit d'environ 1500 personnes. On voit par ce détail que le gouvernement de Genève a tous les avantages & aucun des inconvéniens de la démocratie; tout est sous la direction des syndics, tout émane du petit-conseil pour la délibération, & tout retourne à lui pour l'exécution: ainsi il semble que la ville de Genève ait pris pour modele cette loi si sage du gouvernement des anciens Germains; de minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes, ita tamen, ut ea quorum penes plebem arbitrium est, apud principes praetractentur . Tacite, de mor. Germ . Le droit civil de Genève est presque tout tiré du droit romain, avec quelques modifications: par exemple, un pere ne peut jamais disposer que de la moitié de son bien en faveur de qui il lui plaît; le reste se partage également entre ses enfans. Cette loi assûre d'un côté l'indépendance des enfans, & de l'autre elle prévient l'injustice des peres. M. de Montesquieu appelle avec raison une belle loi , celle qui exclut des charges de la république les citoyens qui n'acquittent pas les dettes de leur pere après sa mort, & à plus forte raison ceux qui n'acquittent pas leurs dettes propres. L'on n'étend point les degrés de parenté qui prohibent le mariage, au-delà de ceux que marque le Lévitique: ainsi les cousins-germains peuvent se marier ensemble; mais aussi point de dispense dans les cas prohibés. On accorde le divorce en cas d'adultere ou de désertion malicieuse, après des proclamations juridiques. La justice criminelle s'exerce avec plus d'exactitude que de rigueur. La question, déjà abolie dans plusieurs états, & qui devroit l'être par-tout comme une cruauté inutile, est proscrite à Genève; on ne la donne qu'à des criminels déjà condamnés à mort, pour découvrir leurs complices, s'il est nécessaire. L'accusé peut demander communication de la procédure, & se faire assister de ses parens & d'un avocat pour plaider sa cause devant les juges à huis ouverts. Les sentences criminelles se rendent dans la place publique par les syndics, avec beaucoup d'appareil. On ne connoît point à Genève de dignité héréditaire; le fils d'un premier magistrat reste confondu dans la foule, s'il ne s'en tire par son mérite. La noblesse ni la richesse ne donnent ni rang, ni prérogatives, ni facilité pour s'élever aux charges: les brigues sont séverement défendues. Les emplois sont si peu lucratifs, qu'ils n'ont pas de quoi exciter la cupidité; ils ne peuvent tenter que des ames nobles, par la considération qui y est attachée. On voit peu de procès; la plûpart sont accommodés par des amis communs, par les avocats même, & par les juges. Des lois somptuaires défendent l'usage des pierreries & de la dorure, limitent la dépense des funérailles, & obligent tous les citoyens à aller à pié dans les rues: on n'a de voitures que pour la campagne. Ces lois, qu'on regarderoit en France comme trop séveres, & presque comme barbares & inhumaines, ne sont point nuisibles aux véritables commodités de la vie, qu'on peut toûjours se procurer à peu de frais; elles ne retranchent que le faste, qui ne contribue point au bonheur, & qui ruine sans être utile. Il n'y a peut-être point de ville où il y ait plus de mariages heureux; Genève est sur ce point à deux cents ans de nos moeurs. Les réglemens contre le luxe font qu'on ne craint point la multitude des enfans; ainsi le luxe n'y est point, comme en France, un des grands obstacles à la population. On ne souffre point à Genève de comédie; ce n'est pas qu'on y desapprouve les spectacles en eux-mêmes, mais ou craint, dit-on, le goût de parure, de dissipation & de libertinage que les troupes de comédiens répandent parmi la jeunesse. Cependant ne seroit-il pas possible de remédier à cet inconvénient, par des lois séveres & bien exécutées sur la conduite des comédiens? Par ce moyen Genève auroit des spectacles & des moeurs, & joüiroit de l'avantage des uns & des autres: les représentations théatrales formeroient le goût des citoyens, & leur donneroient une finesse de tact, une délicatesse de sentiment qu'il est très-difficile d'acquérir sans ce secours; la littérature en profiteroit, sans que le libertinage fît des progrès, & Genève réuniroit à la sagesse de Lacédémone la politesse d'Athenes. Une autre considération digne d'une république si sage & si éclairée, devroit peut-être l'engager à permettre les spectacles. Le préjugé barbare contre la profession de comédien, l'espece d'avilissement où nous avons mis ces hommes si nécessaires au progrès & au soûtien des Arts, est certainement une des principales causes qui contribue au déréglement que nous leur reprochons: ils cherchent à se dédommager par les plaisirs, de l'estime que leur état ne peut obtenir. Parmi nous, un comédien qui a des moeurs est doublement respectable; mais à peine lui en sait-on quelque gré. Le traitant qui insulte à l'indigence publique & qui s'en nourrit, le courtisan qui rampe, & qui ne paye point ses dettes, voilà l'espece d'hommes que nous honorons le plus. Si les comédiens étoient non-seulement soufferts à Genève , mais contenus d'abord par des réglemens sages, protégés ensuite, & même considérés dès qu'ils en seroient dignes, enfin absolument placés sur la même ligne que les autres citoyens, cette ville auroit bientôt l'avantage de posséder ce qu'on croit si rare, & ce qui ne l'est que par notre faute, une troupe de comédiens estimable. Ajoûtons que cette troupe deviendroit bientôt la meilleure de l'Europe: plusieurs personnes pleines de goût & de disposition pour le théatre, & qui craignent de se deshonorer parmi nous en s'y livrant, accourroient à Genève , pour cultiver non-seulement sans honte, mais même avec estime, un talent si agréable & si peu commun. Le séjour de cette ville, que bien des François regardent comme triste par la privation des spectacles, deviendroit alors le séjour des plaisirs honnêtes, comme il est celui de la Philosophie & de la liberté; & les étrangers ne seroient plus surpris de voir que dans une ville où les spectacles décens & réguliers sont défendus, on permette des farces grossieres & sans esprit, aussi contraires au bon goût qu'aux bonnes moeurs. Ce n'est pas tout: peu-à-peu l'exemple des comédiens de Genève , la régularité de leur conduite, & la considération dont elle les feroit joüir, serviroient de modele aux comediens des autres nations, & de leçon à ceux qui les ont traités jusqu'ici avec tant de rigueur & même d'inconséquence. On ne les verroit pas d'un côté pensionnés par le gouvernement, & de l'autre un objet d'anathème; nos prêtres perdroient l'habitude de les excommunier, & nos bourgeois de les regarder avec mépris; & une petite république auroit la gloire d'avoir réformé l'Europe sur ce point, plus important peut-être qu'on ne pense. Genève a une université qu'on appelle académie , où la jeunesse est instruite gratuitement. Les professeurs peuvent devenir magistrats, & plusieurs le sont en effet devenus, ce qui contribue beaucoup à entretenir l'émulation & la célébrité de l'académie. Depuis quelques années on a établi aussi une école de dessein. Les avocats, les notaires, les medecins, &c. forment des corps auxquels on n'est aggrégé qu'après des examens publics; & tous les corps de metier ont aussi leurs réglemens, leurs apprentissages, & leurs chefs-d'oeuvre. La bibliotheque publique est bien assortie; elle contient vingt-six mille volumes, & un assez grand nombre de manuscrits. On prête ces livres à tous les citoyens, ainsi chacun lit & s'éclaire: aussi le peuple de Genève est-il beaucoup plus instruit que par-tout ailleurs. On ne s'apperçoit pas que ce soit un mal, comme on prétend que c'en seroit un parmi nous. Peut-être les Génevois & nos politiques ont-ils également raison. Après l'Angleterre, Genève a reçù la premiere l'inoculation de la petite vérole, qui a tant de peine à s'établir en France, & qui pourtant s'y établira, quoique plusieurs de nos medecins la combattent encore, comme leurs prédécesseurs ont combattu la circulation du sang, l'émétique, & tant d'autres vérités incontestables ou de pratiques utiles. Toutes les Sciences & presque tous les Arts ont été si bien cultivés à Genève , qu'on seroit surpris de voir la liste des savans & des artistes en tout genre que cette ville a produits depuis deux siecles. Elle a eu même quelquefois l'avantage de posséder des étrangers célebres, que sa situation agréable, & la liberté dont on y joüit, ont engagés à s'y retirer; M. de Voltaire, qui depuis trois ans y a établi son séjour, retrouve chez ces républicains les mêmes marques d'estime & de considération qu'il a reçûes de plusieurs monarques. La fabrique qui fleurit le plus à Genève , est celle de l'Horlogerie; elle occupe plus de cinq mille personnes, c'est-à-dire plus de la cinquieme partie des citoyens. Les autres arts n'y sont pas négligés, entr'autres l'Agriculture; on remédie au peu de fertilité du terroir à force de soins & de travail. Toutes les maisons sont bâties de pierre, ce qui prévient très-souvent les incendies, auxquels on apporte d'ailleurs un prompt remede, par le bel ordre établi pour les éteindre. Les hôpitaux ne sont point à Genève , comme ailleurs, une simple retraite pour les pauvres malades & infirmes: on y exerce l'hospitalité envers les pauvres passans; mais sur-tout on en tire une multitude de petites pensions qu'on distribue aux pauvres familles, pour les aider à vivre sans se déplacer, & sans renoncer à leur travail. Les hôpitaux dépensent par an plus du triple de leur revenu, tant les aumônes de toute espece sont abondantes. Il nous reste à parler de la religion de Genève; c'est la partie de cet article qui intéresse peut-être le plus les philosophes. Nous allons donc entrer dans ce détail; mais nous prions nos lecteurs de se souvenir que nous ne sommes ici qu'historiens, & non controversistes. Nos articles de Théologie sont destinés à servir d'antidote à celui-ci, & raconter n'est pas approuver. Nous renvoyons donc nos lecteurs aux mots Eucharistie , Enfer , Foi , Christianisme , &c. pour les prémunir d'avance contre ce que nous allons dire. La constitution ecclésiastique de Genève est purement presbytérienne; point d'évêques, encore moins de chanoines: ce n'est pas qu'on desapprouve l'épiscopat; mais comme on ne le croit pas de droit divin, on a pensé que des pasteurs moins riches & moins importans que des évêques, convenoient mieux à une petite république. Les ministres sont ou pasteurs , comme nos curés, ou postulans , comme nos prêtres sans bénéfice. Le revenu des pasteurs ne va pas au-delà de 1200 liv. sans aucun casuel; c'est l'état qui le donne, car l'église n'a rien. Les ministres ne sont reçus qu'à vingt-quatre ans, après des examens qui sont très-rigides, quant à la science & quant aux moeurs, & dont il seroit à souhaiter que la plûpart de nos églises catholiques suivissent l'exemple. Les ecclésiastiques n'ont rien à faire dans les funérailles; c'est un acte de simple police, qui se fait sans appareil: on croit à Genève qu'il est ridicule d'être fastueux après la mort. On enterre dans un vaste cimetiere assez éloigné de la ville, usage qui devroit être suivi par-tout. Voyez Exhalaison . Le clergé de Genève a des moeurs exemplaires: les ministres vivent dans une grande union; on ne les voit point, comme dans d'autres pays, disputer entr'eux avec aigreur sur des matieres inintelligibles, se persécuter mutuellement, s'accuser indécemment auprès des magistrats: il s'en faut cependant beaucoup qu'ils pensent tous de même sur les articles qu'on regarde ailleurs comme les plus importans à la religion. Plusieurs ne croyent plus la divinité de Jesus-Christ, dont Calvin leur chef étoit si zélé défenseur, & pour laquelle il fit brûler Servet. Quand on leur parle de ce supplice, qui fait quelque tort à la charité & à la modération de leur patriarche, ils n'entreprennent point de le justifier; ils avouent que Calvin fit une action très-blâmable, & ils se contentent (si c'est un catholique qui leur parle) d'opposer au supplice de Servet cette abominable journée de la S. Barthélemy, que tout bon françois desireroit d'effacer de notre histoire avec son sang, & ce supplice de Jean Hus, que les Catholiques mêmes, disent-ils, n'entreprennent plus de justifier, où l'humanité & la bonne-foi furent également violées, & qui doit couvrir la mémoire de l'empereur Sigismond d'un opprobre éternel. « Ce n'est pas, dit M. de Voltaire, un petit exemple du progrès de la raison humaine, qu'on ait imprimé à Genève avec l'approbation publique (dans l' essai sur l'histoire universelle du même auteur ), que Calvin avoit une ame atroce, aussi-bien qu'un esprit éclairé. Le meurtre de Servet paroît aujourd'hui abominable ». Nous croyons que les éloges dûs à cette noble liberté de penser & d'écrire, sont à partager également entre l'auteur, son siecle, & Genève . Combien de pays où la Philosophie n'a pas fait moins de progrès, mais où la vérité est encore captive, où la raison n'ose élever la voix pour foudroyer ce qu'elle condamne en silence, où même trop d'écrivains pusillanimes, qu'on appelle sages , respectent les préjugés qu'ils pourroient combattre avec autant de décence que de sûreté? L'enfer, un des points principaux de notre croyance, n'en est pas un aujourd'hui pour plusieurs ministres de Genève; ce seroit, selon eux, faire injure à la divinité, d'imaginer que cet Être plein de bonté & de justice, fût capable de punir nos fautes par une éternité de tourmens: ils expliquent le moins mal qu'ils peuvent les passages formels de l'Ecriture qui sont contraires à leur opinion, prétendant qu'il ne faut jamais prendre à la lettre dans les Livres saints, tout ce qui paroît blesser l'humanité & la raison. Ils croyent donc qu'il y a des peines dans une autre vie, mais pour un tems; ainsi le purgatoire, qui a été une des principales causes de la séparation des Protestans d'avec l'Eglise romaine, est aujourd'hui la seule peine que plusieurs d'entr'eux admettent après la mort: nouveau trait à ajoûter à l'histoire des contradictions humaines. Pour tout dire en un mot, plusieurs pasteurs de Genève n'ont d'autre religion qu'un socinianisme parfait, rejettant tout ce qu'on appelle mysteres , & s'imaginant que le premier principe d'une religion véritable, est de ne rien proposer à croire qui heurte la raison: aussi quand on les presse sur la nécessité de la révélation, ce dogme si essentiel du Christianisme, plusieurs y substituent le terme d' utilité , qui leur paroit plus doux: en cela s'ils ne sont pas orthodoxes, ils sont au-moins conséquens à leurs principes. Voyez Socinianisme . Un clergé qui pense ainsi doit être tolérant, & l'est en effet assez pour n'être pas regardé de bon oeil par les ministres des autres églises réformées. On peut dire encore, sans prétendre approuver d'ailleurs la religion de Genève , qu'il y a peu de pays où les théologiens & les ecclésiastiques soient plus ennemis de la superstition. Mais en récompense, comme l'intolérance & la superstition ne servent qu'à multiplier les incrédules, on se plaint moins à Genève qu'ailleurs des progrès de l'incrédulité, ce qui ne doit pas surprendre: la religion y est presque réduite à l'adoration d'un seul Dieu, du moins chez presque tout ce qui n'est pas peuple: le respect pour J. C. & pour les Ecritures, sont peut-être la seule chose qui distingue d'un pur déisme le christianisme de Genève . Les ecclésiastiques font encore mieux à Genève que d'être tolérans; ils se renferment uniquement dans leurs fonctions, en donnant les premiers aux citoyens l'exemple de la soûmission aux lois. Le consistoire établi pour veiller sur les moeurs, n'inflige que des peines spirituelles. La grande querelle du sacerdoce & de l'empire, qui dans des siecles d'ignorance a ébranlé la couronne de tant d'empereurs, & qui, comme nous ne le savons que trop, cause des troubles fâcheux dans des siecles plus éclairés, n'est point connue à Genève; le clergé n'y fait rien sans l'approbation des magistrats. Le culte est fort simple; point d'images, point de luminaire, point d'ornemens dans les églises. On vient pourtant de donner à la cathédrale un portail d'assez bon goût; peut-être parviendra-t-on peu-à-peu à décorer l'intérieur des temples. Où seroit en effet l'inconvénient d'avoir des tableaux & des statues, en avertissant le peuple, si l'on vouloit, de ne leur rendre aucun culte, & de ne les regarder que comme des monumens destinés à retracer d'une maniere frappante & agréable les principaux évenemens de la religion? Les Arts y gagneroient sans que la superstition en profitât. Nous parlons ici, comme le lecteur doit le sentir, dans les principes des pasteurs génevois, & non dans ceux de l'Eglise catholique. Le service divin renferme deux choses, les prédications, & le chant. Les prédications se bornent presqu'uniquement à la morale, & n'en valent que mieux. Le chant est d'assez mauvais goût, & les vers françois qu'on chante, plus mauvais encore. Il faut espérer que Genève se réformera sur ces deux points. On vient de placer un orgue dans la cathédrale, & peut-être parviendra-t-on à loüer Dieu en meilleur langage & en meilleure musique. Du reste la vérité nous oblige de dire que l'Être suprème est honoré à Genève avec une décence & un recueillement qu'on ne remarque point dans nos églises. Nous ne donnerons peut-être pas d'aussi grands articles aux plus vastes monarchies; mais aux yeux du philosophe la république des abeilles n'est pas moins intéressante que l'histoire des grands empires, & ce n'est peut-être que dans les petits états qu'on peut trouver le modele d'une parfaite administration politique. Si la religion ne nous permet pas de penser que les Génevois ayent efficacement travaillé à leur bonheur dans l'autre monde, la raison nous oblige à croire qu'ils sont à-peu-près aussi heureux qu'on le peut être dans celui-ci: O fortunatos nimiùm, sua si bona norint! ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENEVOIS, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GENEVOIS GENEVOIS, ( le ) Géog. petit état entre la France, la Savoie & la Suisse; il est extrèmement fertile, beau & peuplé. Genève en est la capitale. Voyez ci-devant Genève . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENEVRETTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. GENEVRETTE GENEVRETTE, s. f. ( Econ. rustiq. ) c'est le vin de genievre, dont la boisson est agréable, saine & peu coûteuse. Voyez Genievre . Cette boisson tient lieu de vin aux pauvres, & seroit un bon médicament pour les riches. On fait la genevrette avec six boisseaux de baies de genievre pilées & concassées, que l'on met infuser & fermenter dans cent pintes d'eau pendant trois semaines ou un mois, au bout duquel tems la liqueur est bonne à boire; mais en vieillissant davantage, elle acquiert encore du goût & de la force: on peut en laisser tomber le marc, & la tirer au clair; on y mêle aussi quelquefois trois ou quatre poignées d'absynthe. Le journal historique ( Avril 1710 ) enseigne la maniere de faire de bonne genevrette; mais simplifiez sa maniere, & vous réussirez encore mieux. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENEVRIER Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GENEVRIER GENEVRIER, s. m. juniperus , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur en chaton, composée de plusieurs petites feuilles qui ont des sommets. Cette fleur est stérile. Le fruit est une baie qui renferme des osselets anguleux, dans lesquels il se trouve une semence oblongue. Les feuilles de la plante sont simples & plates. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Cet arbrisseau, quelquefois arbre, est connu de tout le monde; parce qu'il croît dans toute l'Europe, dans les pays septentrionaux & dans ceux du midi, dans les forêts, dans les bruyeres, & sur les montagnes. Il est sauvage ou cultivé, plus grand ou plus petit, stérile ou portant du fruit, domestique ou étranger. On a autrefois confondu sous le même nom, les cedres & les genévriers . Théophraste nous dit que quoiqu'il y eût deux sortes de cedres, le licien & le phénicien, néanmoins c'étoient l'un & l'autre des arbres de même nature que le genévrier , avec cette seule différence que le genévrier s'élevoit plus haut, & que ses feuilles étoient douces; au lieu que celles du cedre étoient dures, pointues & piquantes: c'est à-peu près le contraire; mais cette confusion de noms qui étoit plus ancienne que Théophraste, & qui ne changea pas de son tems, s'est perpétuée d'âge en âge. Les Grecs appelloient indifferemment thion , l'un & l'autre de ces deux arbres; de sorte que le thion, le cedre & le genévrier devinrent synonymes. Ces mêmes Grecs nommoient aussi genévrier , le cyprès sauvage; & les Arabes à leur tour ont appellé genévrier , le cedre sauvage: non-seulement Myrespse en agit ainsi, mais il les confond tous les deux avec le citre des Romains. Quelques auteurs depuis la découverte de l'Amérique, sont tombés dans la même faute, en donnant le nom de cedres atlantiques aux genévriers des Indes occidentales. Les Espagnols comprennent sous le nom d' énebro , toute espece de genévrier & de cyprès. Enfin il y a plus, on appelle en anglois cedres de Virginie & des Bermudes , les genévriers de ces pays-là. Mais heureusement les noms vulgaires ne peuvent causer des erreurs, depuis qu'on a décrit & caractérisé le genévrier d'une maniere à la distinguer infailliblement du cedre, du cyprès, & de tout autre arbre. Ses feuilles sont longues, étroites & piquantes; ses fleurs mâles sont de petits chatons qui ne produisent point de fruit; le fruit est une baie molle, pulpeuse, contenant trois osselets qui renferment chacun une graine oblongue. Entre les especes de genévriers que comptent nos Botanistes, il y en a deux générales & principales; le genévrier commun arbrisseau, & le genévrier commun qui s'éleve en arbre. Le genévrier arbrisseau se trouve par-tout; c'est le juniperus vulgaris, fruticosa , de C. B. P. 488. J. R. H. 588. Ses racines sont nombreuses, étendues de tout côté; & quelques-unes sont plongées profondément dans la terre. Son tronc s'éleve quelquefois à la hauteur de cinq ou six piés; il n'est pas gros, mais branchu & fort touffu. Son écorce est raboteuse, rougeâtre, & tombe par morceaux. Son bois est ferme, un peu rougeâtre, sur-tout quand il est sec; il sent bon & jette une odeur agréable de résine. Ses feuilles sont pointues, très-étroites, longues d'un pouce, souvent plus courtes, roides, piquantes, toûjours vertes, placées le plus souvent trois à trois autour de chaque noeud. Ses fleurs sont des chatons qui paroissent au mois d'Avril & de Mai, à l'aisselle des feuilles; ils sont longs de deux ou trois lignes, panachés de pourpre & de couleur de safran, formés de plusieurs écailles, dont la partie inférieure est garnie de trois ou quatre bourses plus petites que la graine de pavot, remplies d'une poussiere dorée très-fine: ces sortes de fleurs sont stériles. Les fruits viennent en grand nombre sur d'autres especes de genévriers qui n'ont pas d'étamines; ce sont des baies ordinairement sphériques, contenant une pulpe huileuse, aromatique, d'un goût résineux, âcre & doux. Le genévrier commun qui s'éleve en arbre, ou le grand genévrier, juniperus vulgaris, arbor , de C. B. P. Tournef. juniperus vulgaris, celsior , de Clusius, ne differe du petit genévrier qu'on vient de décrire, que par sa hauteur, qui même varie beaucoup suivant les lieux de sa naissance. On dit qu'en plusieurs pays d'Afrique, il égale en grandeur les arbres les plus élevés. Son bois dur & compact est employé pour les bâtimens. Cet arbre pousse en-haut beaucoup de rameaux, garnis de feuilles épineuses, toûjours vertes. Les chatons sont à plusieurs écailles & ne laissent aucun fruit après eux; car les fruits naissent en des endroits séparés, quoique sur le même pié qui porte les chatons; ils sont noirs, odorans, aromatiques, d'un goût plus doux que ceux du petit genévrier . On distingue cet arbre du cedre, non-seulement par son fruit, mais encore par ses feuilles qui sont simples & plates; au lieu que les feuilles du cedre sont différentes, & semblables à celles du cyprès. C'est ce qui prouve que les Grecs en confondant les cyprès, les genévriers & les cedres, n'ont point connu les cedres du mont Liban. Le grand genévrier est cultivé dans les pays chauds, comme en Italie, en Espagne & en Afrique; il en découle naturellement ou par incisions faites au tronc & aux grosses branches pendant les chaleurs, une résine qu'on appelle gomme du genévrier , ou sandaraque des Arabes. Voyez Sandaraque des Arabes . Le genévrier à baie rougeâtre, juniperus major, baccâ rubescente , de C. B. & de Tournefort, est du nombre des grands genévriers . Il est commun en Languedoc, où il porte de gros fruits rougeâtres, mais peu savoureux. On distille par la cornue son bois, pour en tirer une huile fétide, que les Maréchaux employent pour la galle & les ulceres des chevaux: c'est-là cette huile qu'ils nomment l' huile de Cade. Voyez Huile de Cade . Le genévrier d'Asie à grosses baies, juniperus Asiatica, latifoliae, arborea, cerasi fructu , de Tournefort, peut être une variété du genévrier précédent. On le trouve, dit-on, sur les montagnes en Asie, & il n'y croît qu'à la hauteur de sept ou huit piés. Son fruit est gros comme une prune de damas, rouge, rempli d'une chair seche, fongueuse, de la même couleur, d'un goût doux, aigrelet, astringent, agréable, sans odeur apparente, contenant cinq ou six osselets plus gros que des pepins de raisins, durs, rouges, & oblongs. Les genévriers de Virginie & des Bermudes sont du nombre des genévriers exotiques qu'on cultive le plus en Angleterre. On a trouvé le moyen de les élever dans cette île jusqu'à la hauteur de vingt-cinq piés, en coupant leurs branches inférieures de tems à autre, & pas trop près, pour ne point les blesser à cause de l'abondance de leur seve qui ne manqueroit pas de s'écouler. Ils font des progrès considérables au bout de quatre ans, & résistent aux plus grands froids du climat. On les multiplie de graine, qu'on retire de la Caroline on de la Virginie. Dès que la graine est levée, ce qui n'arrive pas toûjours à la premiere année, on a soin de nettoyer la jeune plante des mauvaises herbes, & on la transporte le printems suivant avec de la terre attachée aux racines, dans une couche qu'on lui a préparée: on la laisse se fortifier dans cette couche deux ans entiers, on se contentant de couvrir le pié de terre & de gason retourné, pour le garantir de la gelée; ensuite on transplante l'arbrisseau dans le lieu qu'on lui destine à demeure: ce lieu doit être une terre fraîche, legere & non fumée; sans autre précaution, sans arrosement & sans amender cette terre, l'arbuste prospere, s'éleve en arbre qui, par sa hauteur & sa verdure, ne déplaît dans aucune plantation. Le genévrier des Bermudes ne demande qu'un peu plus de soin dans les premiers tems, à cause de sa délicatesse. Le bois de l'un & de l'autre tire sur le rouge, & abonde en résine d'une odeur charmante. On honore communément leur bois, sur-tout celui des Bermudes, du nom de bois de cedre , quoiqu'il y ait dans la Grande-Bretagne d'autres bois de ce même nom, qui viennent d'arbres bien différens des Indes occidentales; cependant c'est du bois de ces especes de genévrier , qu'on fait en Angleterre des escaliers, des boiseries, des lambris, des commodes, & meubles pareils. La durée de ce bois l'emporte sur tout autre; ce qu'il faut peut-être attribuer à l'extrème amertume de sa résine. On l'employe dans l'Amérique à la construction des vaisseaux marchands; c'est dommage qu'il ne convienne pas à la bâtisse des vaisseaux de guerre, parce qu'il est si cassant qu'il se fendroit au premier coup de canon. Le bois de nos genévriers n'est d'aucun usage en charpenterie ni en menuiserie; il ne sert qu'à être brûle à cause de sa bonne odeur, pour corriger l'air corrompu par de mauvaises exhalaisons. Voyez donc ci-après Genievre . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genevrier Author=Venel Normalized Classification=Chimie | Matière médicale Part of Speech=NA Genevrier Genevrier , ( Chimie & Mat. méd. ) Toutes les parties du genévrier contiennent une huile essentielle qui se manifeste par une odeur forte: cette huile est unie dans les bois & dans les racines, à une substance résineuse qui en découle dans les pays chauds, par l'incision que l'on fait à son écorce. Cette matiere abonde sur-tout dans le grand genévrier qui croît dans les provinces méridionales du royaume, & qui y est connu sous le nom de cade . On retire dans ces pays de cette derniere espece de genévrier , une huile empyreumatique, noire & épaisse, en distillant le tronc & les branches de cet arbrisseau dans un appareil où le fourneau sert en même tems de vaisseau contenant, & qui est construit sur les mêmes principes que celui dans lequel on prépare la poix noire. Nous décrirons cette manoeuvre à l' article Poix . Cette huile empyreumatique qui est connue sous le nom d' huile de cade , est fort usitée dans nos provinces méridionales contre les maladies extérieures des bestiaux, & surtout dans la maladie éruptive des moutons, appellée petite vérole ou picote . Cette huile antre dans la composition du baume vert; elle est véritablement caustique, si l'on en touche l'intérieur d'une dent creuse, elle cautérise le nerf & calme la douleur: mais si l'on continue à l'appliquer, elle fait bien-tôt tomber la dent en pieces. Quelques uns ont osé la donner intérieurement contre la colique & les vers; mais on ne peut avoir recours à ce remede sans témérité. C'est-là l'unique médicament que le grand genévrier fournit à la Medecine; médicament encore dont les usages sont très peu étendus comme l'on voit. C'est du petit genévrier , du genévrier commun, de celui qui croît dans toute l'Europe, que nous allons parler dans le reste de cet article. Ce sont ses baies que l'on employe principalement en Medecine. On retire des baies de genievre une eau distillée, une huile essentielle; on en prépare un vin & un rob ou extrait. Voyez Eau distillée , Huile essentielle , Vin , Rob & Extrait . Les Allemands employent fréquemment dans leurs cuisines les baies de genievre à titre d'assaisonnement. Etmuller les appelle l' aromate des Allemands . Nous en faisons un fréquent usage, mais seulement à titre de médicament. Nous les employons principalement dans les maladies de l'estomac, qui dépendent de relâchement, de foiblesse & d'un amas de glaires tenaces & épaisses. Nous les regardons comme souveraines contre les vents, les coliques venteuses, les digestions languissantes. Elles passent aussi pour déterger les reins & la vessie, pour faire chasser les glaires des voies urinaires, & pour faire sortir hors du corps les sables & les calculs. Elles sont célébrées aussi comme béchiques & comme principalement utiles dans l'asthme humide: on leur a accordé aussi la qualité sudorifique, emménagogue & alexipharmaque: c'est à ce dernier titre que quelques-uns les ont appellées la thériaque des gens de la campagne . On prescrit les baies de genievre à la dose d'un gros ou de deux, que l'on mange de tems en tems dans la journée, ou que l'on prend en infusion dans de l'eau ou dans du vin. L'extrait ou le rob de genievre, qui est aussi appellé la thériaque des Allemands , se prescrit dans les mêmes vûes à la dose d'un gros dans du vin d'Espagne, dans de l'eau de genievre, ou dans quelqu'autre liqueur convenable: on le fait entrer aussi avec d'autres remedes dans les électuaires magistraux. L'eau distillée des baies de genievre est fort vantée par Etmuller pour les coliques & la néphrétique; elle excite doucement l'excrétion de l'urine, selon cet auteur; & elle corrige sur-tout la disposition au calcul, si on en boit à jeun pendant un certain tems quatre ou six onces. On ne sauroit compter sur l'efficacité de l'eau distillée de genievre, comme sur l'extrait ou sur le fruit même pris en substance. On retire du vin de genievre par la distillation un esprit ardent, auquel on accorde communément des vertus particulieres; mais on ne peut en attendre raisonnablement que les effets communs des esprits ardens. Voyez Esprit ardent . L'huile essentielle de genievre dissoute dans l'esprit-de-vin, ou donnée sous forme d' aleo-saccharum dans une liqueur convenable, est fort diurétique, emménagogue & carminative: mais, selon Michel Albert cité par Geoffroi, on ne doit pas en permettre trop facilement l'usage intérieur, parce qu'elle échauffe beaucoup. On peut l'employer à l'extérieur dans les onguens nervins & fortifians. Les auteurs de Pharmacopée recommandent de brûler le marc de la préparation du rob, & d'en retirer un sel, auquel ils attribuent plusieurs vertus particulieres, & analogues pour la plûpart aux propriétés du fruit dont il est retiré: mais nous ne croyons plus que les sels préparés par la combustion des végétaux, retiennent les propriétés de la matiere qui les a fournis; & nous ne reconnoissons dans ces sels que des qualités communes. Voyez Sel Lixiviel . On fait un elixir de genievre avec l'extrait délayé dans l'esprit ardent, c'est un bon stomachique & un diurétique actif. La dose est d'une cuilleréc. Le ratafia préparé par l'infusion des baies de genievre dans de l'eau-de-vie, est un cordial stomachique fort usité, & qui produit réellement de bons effets. M. Chomel recommande fort pour la teigne, un onguent fait avec les baies de genievre pilées & bouillies, & le saindoux. De toutes ces vertus du genievre que nous venons de rapporter, les plus évidentes sont sa qualité stomachique, carminative & diurétique. M. Geoffroi observe très-judicieusement que si on l'employe sans distinction de cas dans toutes les maladies de l'estomac & des voies urinaires, on causera quelquefois des ardeurs ou des suppressions d'urine, des distensions dans l'estomac, des rots, & une plus grande quantité de vents qu'auparavant: mais cela même est le plus grand éloge qu'on puisse faire de ce remede; car ces médicamens innocens qui, s'ils ne font point de bien ne peuvent jamais faire du mal selon l'expression vulgaire, peuvent être très-raisonnablement soupçonnés d'être dans tous les cas aussi inutiles que peu dangereux. Les baies de genievre entrent dans les compositions suivantes de la pharmacopée de Paris; savoir l'eau thériacale, l'eau générale, l'eau prophylactique, l'opiate de Salomon, l'orviétan, le trochisque de Cyphi, l'huile de scorpion composée, le baume oppodeldoc, leur extrait dans la thériaque diatessaron, l'orviétan ordinaire, l' orvietanum praestantius; leur huile distillée dans la thériaque celeste, le baume de Leictoure, le baume verd de Metz, l'emplâtre stomacal, l'emplâtre styptique. La résine de genievre entre dans les pilules balsamiques de Stahl. On brûle dans les hôpitaux & dans les chambres des malades, le bois & les baies de genievre, pour en chasier le mauvais air. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENGOUX (Le royal saint) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GENGOUX GENGOUX, ( Le royal saint-) Géog. Gengulsinum regale , ville de France en Bourgogne au diocese de Châlons, avec une châtellenie royale; elle est au pié d'une montagne près de la riviere de Grône, à huit lieues nord-ouest de Mâcon, sept sud-ouest de Châlons, soixante-six sud-est de Paris. Long. 22. 8. latit. 46. 40 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNIAL Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=adject GÉNIAL GÉNIAL, adject. ( Histoire anc. ) mot dérivé du latin, dont on est obligé de se servir dans notre langue; c'est une épithete que l'on donnoit dans le paganisme à quelques dieux qui présidoient à la génération. Ils etoient ainsi appelles à gerendo , ou, selon la correction de Scaliger & de Vossius, a genendo , qui dans l'ancienne latinité signifie produire . Cependant Festus ajoûte que de-là on les nomma aussi dans la suite getuli; ce qui demande qu'on lise à gerendo . M. Dacier prétend que gerere a le sens de πράττειν . Les dieux géniales , dit Festus, étoient l'eau, la terre, le feu, & l'air, que les Grecs appellent élémens . On mettoit aussi au nombre de ces dieux les douze signes, la lune & le soleil. Dictionn. de Trév. & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNIANE Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GÉNIANE GÉNIANE, s. f. ( Hist. nat. ) pierre fabuleuse dont il est parlé dans Pline & quelques auteurs anciens, & dont on ne trouve aucune description; on nous dit seulement qu'elle avoit la vertu de chagriner les ennemis. Boetius de Boot . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie | Littérature | Antiquité Part of Speech=s.m. GÉNIE GÉNIE, s. m. genius , ( Mythologie. Littérat. Antiq. ) esprit d'une nature très-subtile & très-déliée, que l'on croyoit dans le paganisme, présider à la naissance des hommes, les accompagner dans le cours de leur vie, veiller sur leur conduite, & être commis à leur garde jusqu'à leur mort. La tradition la plus ancienne, la plus générale, & la plus constamment répandue, puisqu'elle subsiste encore, est que le monde soit rempli de génies . Cette opinion chimérique, après avoir si souvent changé de forme, successivement adoptée sous le nom de démons , de manes, de lares, de lémures, de pénates, a finalement donné lieu à l'introduction des fées, des gnomes, & des sylphes; tant est singuliere la propagation permanente des erreurs superstitieuses sous différentes métamorphoses! mais nous nous arrêtons aux siecles de l'antiquité, & nous tirons le rideau sur les nôtres. Les génies habitoient dans la vaste étendue de l'air, & dans tout cet espace qui occupe le milieu entre le ciel & la terre; leur corps étoit de matiere aérienne. On regardoit ces esprits subtils comme les ministres des dieux, qui ne daignant pas se mêler directement de la conduite du monde, & ne voulant pas aussi la négliger tout-à-fait, en commettoient le soin à ces êtres inférieurs. Ils étoient envoyes sur la terre par un maitre commun, qui leur assignoit leur poste auprès des hommes pendant cette vie, & la conduite de l'ame après leur mort. Ces sortes de divinités subalternes avoient l'immortalité des dieux & les passions des hommes, se réjoüissoient & s'affligeoient selon l'état de ceux à qui elles étoient liées. Les génies accordés à chaque particulier ne joüissoient pas d'un pouvoir égal, & les uns étoient plus puissans que les autres; c'est pour cela qu'un devin répondit à Marc-Antoine, qu'il feroit sagement de s'éloigner d'Auguste, parce que son génie craignoit celui d'Auguste. De plus on pensoit qu'il y avoit un bon & un mauvais génie attaché à chaque personne. Le bon génie étoit censé procurer toutes sortes de félicités, & le mauvais tous les grands malheurs. De cette maniere, le sort de chaque particulier dépendoit de la supériorité de l'un de ces génies sur l'autre. On conçoit bien de-là que le bon génie devoit être très-honoré. Dès que nous naissons, dit Servius commentateur de Virgile, deux génies sont députés pour nous accompagner; l'un nous exhorte au bien, l'autre nous pousse au mal; ils sont appellés génies fort à-propos, parce qu'au moment de l'origine de chaque mortel, cum unusquisque genitus fuerit , ils sont commis pour observer les hommes & les veiller jusqu'après le trépas; & alors nous sommes ou destinés à une meilleure vie, ou condamnés à une plus fâcheuse. Les Romains donnoient dans leur langue le nom de génies à ceux-là seulement qui gardoient les hommes, & le nom de junons aux génies gardiens des femmes. Ce n'est pas-là toute la nomenclature des génies: il y avoit encore les génies propres de chaque lieu; les génies des peuples, les génies des provinces, les génies des villes, qu'on appelloit les grands génies . Ainsi Pline a raison de remarquer qu'il devoit y avoir un bien plus grand nombre de divinités dans la région du ciel, que d'hommes sur la terre. On adoroit à Rome le génie public , c'est-à-dire la divinité tutélaire de l'empire; rien n'est plus commun que cette inscription sur les médailles, genius pop. rom. le génie du peuple romain, ou genio pop. rom. au génie du peuple romain. Après l'extinction de la république, la flaterie fit qu'on vint à jurer par le génie de l'empereur, comme les esclaves juroient par celui de leur maitre; & l'on faisoit des libations au génie des césars, comme à la divinité de laquelle ils tenoient leur puissance. Mais personne ne manquoit d'offrir des sacrifices à son génie particulier le jour de sa naissance. Ces sacrifices étoient des fleurs, des gâteaux & du vin; on n'y employoit jamais le sang, parce qu'il paroissoit injuste d'immoler des victimes au dieu qui présidoit à la vie, & qui étoit le plus grand ennemi de la mort: quand le luxe eut établi des recherches sensuelles, on crut devoir ajoûter les parfums & les essences aux fleurs & au vin; prodiguer toutes ces choses un jour de naissance, c'est, dans le style d'Horace, appaiser son génie . « Il faut, dit-il, travailler à l'appaiser de cette maniere, parce que ce dieu nous avertissant chaque année que la vie est courte, il nous presse d'en profiter, & de l'honorer par des fêtes & des festins. Que le génie vienne donc lui-même assister aux honneurs que nous lui rendons, s'écrie Tibulle; que ses cheveux soient ornés de bouquets de fleurs; que le nard le plus pur coule de ses joues; qu'il soit rassasié de gâteaux; & qu'on lui verse du vin à pleines coupes ». Ipse suos adsit genius visurus honores, Cui decorent sanctas mollia serta comas, Illius puro distillent tempora nardo; Atque satur libo sit madeatque mero . Le platane étoit spécialement consacré au génie; on lui faisoit des couronnes de ses feuilles & de ses fleurs; on en ornoit ses autels. Pour ce qui regarde les représentations des génies , on sait que l'antiquité les représentoit diversement, tantôt sous la figure de vieillards, tantôt en hommes barbus, souvent en jeunes enfans aîlés, & quelquefois sous la forme de serpens; sur plusieurs médailles, c'est un homme nud tenant d'une main une patere qu'il avance sur un autel, & de l'autre un foüet. Le génie du peuple romain étoit un jeune homme à demi-vêtu de son manteau, appuyé d'une main sur une pique, & tenant de l'autre la corne d'abondance. Les génies des villes, des colonies, & des provinces, portoient une tour sur la tête. Voyez Vaillant, numism. imper . Spon, recherches d'antiquit. dissert. ij. & le P. Kircher, en plusieurs endroits de ses ouvrages. On trouve aussi souvent dans les inscriptions sépulcrales, que les génies y sont mis pour les manes, parce qu'avec le tems on vint à les identifier; & le passage suivant d'Apulée le prouve: « Le génie , ditil, est l'ame de l'homme délivrée & dégagée des liens du corps. De ces génies , les uns qui prennent soin de ceux qui demeurent après eux dans la maison, & qui sont doux & pacifiques, s'appellent génies familiers; ceux au contraire qui errans de côté & d'autre causent sur leur route des terreurs paniques aux gens de bien, & font véritablement du mal aux méchans, ces génies-là ont le nom de dieux manes , & plus ordinairement celui de lares: ainsi l'on voit que le nom de génie vint à passer aux manes & aux lares; enfin il devint commun aux pénates, aux lémures, & aux démons: mais dans le principe des choses, ce fut une plaisante imagination des philosophes, d'avoir fait de leur génie un dieu qu'il falloit honorer ». ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génie Author=Saint-Lambert5 Normalized Classification=Philosophie | Littérature Part of Speech=NA Génie Génie , ( Philosophie & Littér. ) L'étendue de l'esprit, la force de l'imagination, & l'activité de l'ame, voilà le génie . De la maniere dont on reçoit ses idées dépend celle dont on se les rappelle. L'homme jetté dans l'univers reçoit avec des sensations plus ou moins vives, les idées de tous les êtres. La plûpart des hommes n'éprouvent de sensations vives que par l'impression des objets qui ont un rapport immédiat à leurs besoins, à leur goût, &c. Tout ce qui est étranger à leurs passions, tout ce qui est sans analogie à leur maniere d'exister, ou n'est point apperçû par eux, ou n'en est vû qu'un instant sans être senti, & pour être à jamais oublié. L'homme de génie est celui dont l'ame plus étendue frappée par les sensations de tous les êtres, intéressée à tout ce qui est dans la nature, ne reçoit pas une idée qu'elle n'éveille un sentiment, tout l'anime & tout s'y conserve. Lorsque l'ame a été affectée par l'objet même, elle l'est encore par le souvenir; mais dans l'homme de génie , l'imagination va plus loin; il se rappelle des idées avec un sentiment plus vif qu'il ne les a reçûes, parce qu'à ces idées mille autres se lient, plus propres à faire naître le sentiment. Le génie entouré des objets dont il s'occupe ne se souvient pas, il voit; il ne se borne pas à voir, il est ému: dans le silence & l'obscurité du cabinet, il joüit de cette campagne riante & féconde; il est glacé par le sifflement des vents; il est brûlé par le soleil; il est effrayé des tempêtes. L'ame se plaît souvent dans ces affections momentanées; elles lui donnent un plaisir qui lui est précieux; elle se livre à tout ce qui peut l'augmenter; elle voudroit par des couleurs vraies, par des traits ineffaçables, donner un corps aux phantômes qui sont son ouvrage, qui la transportent ou qui l'amusent. Veut-elle peindre quelques-uns de ces objets qui viennent l'agiter? tantôt les êtres se dépouillent de leurs imperfections; il ne se place dans ses tableaux que le sublime, l'agréable; alors le génie peint en beau: tantôt elle ne voit dans les évenemens les plus tragiques que les circonstances les plus terribles; & le génie répand dans ce moment les couleurs les plus sombres, les expressions énergiques de la plainte & de la douleur; il anime la matiere, il colore la pensée: dans la chaleur de l'enthousiasme, il ne dispose ni de la nature ni de la suite de ses idées; il est transporté dans la situation des personnages qu'il fait agir; il a pris leur caractere: s'il éprouve dans le plus haut degré les passions héroïques, telles que la confiance d'une grande ame que le sentiment de ses forces éleve au-dessus de tout danger, telles que l'amour de la patrie porté jusqu'à l'oubli de soi-même, il produit le sublime, le moi de Médée, le qu'il mourût du vieil Horace, le je suis consul de Rome de Brutus: transporté par d'autres passions, il fait dire à Hermione, qui te l'a dit? à Orosmane, j'étois aimé; à Thieste, je reconnois mon frere . Cette force de l'enthousiasme inspire le mot propre quand il a de l'énergie; souvent elle le fait sacrifier à des figures hardies; elle inspire l'harmonie imitative, les images de toute espece, les signes les plus sensibles, & les sons imitateurs, comme les mots qui caractérisent. L'imagination prend des formes différentes; elle les emprunte des différentes qualités qui forment le caractere de l'ame. Quelques passions, la diversité des circonstances, certaines qualités de l'esprit, donnent un tour particulier à l'imagination; elle ne se rappelle pas avec sentiment toutes ses idées, parce qu'il n'y a pas toûjours des rapports entre elle & les êtres. Le génie n'est pas toûjours génie; quelquefois il est plus aimable que sublime; il sent & peint moins dans les objets le beau que le gracieux; il éprouve & fait moins éprouver des transports qu'une douce émotion. Quelquefois dans l'homme de génie l'imagination est gaie; elle s'occupe des legeres imperfections les hommes, des fautes & des folies ordinaires; le contraire de l'ordre n'est pour elle que ridicule, mais d'une maniere si nouvelle, qu'il semble que ce soit le coup-d'oeil de l'homme de génie qui ait mis dans l'objet le ridicule qu'il ne fait qu'y découvrir: l'imagination gaie d'un génie étendu, aggrandit le champ du ridicule; & tandis que le vulgaire le voit & le sent dans ce qui choque les usages établis, le génie le découvre & le sent dans ce qui blesse l'ordre universel. Le goût est souvent séparé du génie . Le génie est un pur don de la nature; ce qu'il produit est l'ouvrage d'un moment; le goût est l'ouvrage de l'étude & du tems; il tient à la connoissance d'une multitude de regles ou établies ou supposées; il fait produire des beautés qui ne sont que de convention. Pour qu'une chose soit belle selon les regles du goût, il faut qu'elle soit élégante, finie, travaillée sans le paroître: pour être de génie il faut quelquefois qu'elle soit négligée; qu'elle ait l'air irrégulier, escarpé, sauvage. Le sublime & le génie brillent dans Shakespear comme des éclairs dans une longue nuit, & Racine est toûjours beau: Homere est plein de génie , & Virgile d'élégance. Les regles & les lois du goût donneroient des entraves au génie; il les brise pour voler au sublime, au pathétique, au grand. L'amour de ce beau éternel qui caractérise la nature; la passion de conformer ses tableaux à je ne sais quel modele qu'il a créé, & d'après lequel il a les idées & les sentimens du beau, sont le goût de l'homme de génie . Le besoin d'exprimer les passions qui l'agitent, est continuellement gêné par la Grammaire & par l'usage: souvent l'idiome dans lequel il écrit se refuse à l'expression d'une image qui seroit sublime dans un autre idiome. Homere ne pouvoit trouver dans un seul dialecte les expressions nécessaires à son génie; Milton viole à chaque instant les regles de sa langue, & va chercher des expressions énergiques dans trois ou quatre idiomes différens. Enfin la force & l'abondance, je ne sais quelle rudesse, l'irrégularité, le sublime, le pathétique, voilà dans les arts le caractere du génie; il ne touche pas foiblement, il ne plait pas sans étonner, il étonne encore par ses fautes. Dans la Philosophie, où il faut peut-être toûjours une attention scrupuleuse, une timidité, une habitude de réflexion qui ne s'accordent guere avec la chaleur de l'imagination, & moins encore avec la confiance que donne le génie , sa marche est distinguée comme dans les arts; il y répand fréquemment de brillantes erreurs; ii y a quelquefois de grands succès. Il faut dans la Philosophie chercher le vrai avec ardeur & l'espérer avec patience. Il faut des hommes qui puissent disposer de l'ordre & de la suite de leurs idées; en suivre la chaîne pour conclure, ou l'interrompre pour douter: il faut de la recherche, de la discussion, de la lenteur; & on n'a ces qualités ni dans le tumulte des passions, ni avec les fougues de l'imagination. Elles sont le partage de l'esprit étendu, maître de lui-même; qui ne reçoit point une perception sans la comparer avec une perception; qui cherche ce que divers objets ont de commun & ce qui les distingue entre eux; qui pour rapprocher des idées éloignées, fait parcourir pas à-pas un long intervalle; qui pour saisir les liaisons singulieres, délicates, fugitives de quelques idées voisines, ou leur opposition & leur contraste, sait tirer un objet particulier de la foule des objets de même espece ou d'espece différente, poser le microscope sur un point imperceptible; & ne croit avoir bien vû qu'après avoir regardé long-tems. Ce sont ces hommes qui vont d'observations en observations à de justes conséquences, & ne trouvent que des analogies naturelles: la curiosité est leur mobile; l'amour du vrai est leur passion; le desir de le découvrir est en eux une volonté permanente qui les anime sans les échauffer, & qui conduit leur marche que l'expérience doit assûrer. Le génie est frappé de tout; & dès qu'il n'est point livré à ses pensées & subjugué par l'enthousiasme, il étudie, pour ainsi dire, sans s'en appercevoir; il est forcé par les impressions que les objets sont sur lui, à s'enrichir sans cesse de connoissances qui ne lui ont rien coûté; il jette sur la nature des coups-d'oeil généraux & perce ses abîmes. Il recueille dans son sein des germes qui y entrent imperceptiblement, & qui produisent dans le tems des effets si surprenans, qu'il est lui-même tenté de se croire inspiré: il a pourtant le goût de l'observation; mais il observe rapidement un grand espace, une multitude d'êtres. Le mouvement, qui est son état naturel, est quelquefois si doux qu'à peine il l'apperçoit: mais le plus souvent ce mouvement excite des tempêtes, & le génie est plûtôt emporté par un torrent d'idées, qu'il ne suit librement de tranquilles réflexions. Dans l'homme que l'imagination domine, les idées se lient par les circonstances & par le sentiment: il ne voit souvent des idées abstraites que dans leur rapport avec les idées sensibles. Il donne aux abstractions une existence indépendante de l'esprit qui les a faites; il réalise ses fantômes, son enthousiasme augmente au spectacle de ses créations, c'est-à-dire de ses nouvelles combinaisons, seules créations de l'homme: emporté par la foule de ses pensées, livré à la facilité de les combiner, forcé de produire, il trouve mille preuves spécieuses, & ne peut s'assûrer d'une seule; il construit des édifices hardis que la raison n'oseroit habiter, & qui lui plaisent par leurs proportions & non par leur solidité; il admire ses systèmes comme il admireroit le plan d'un poëme; & il les adopte comme beaux, en croyant les aimer comme vrais. Le vrai ou le faux dans les productions philosophiques, ne sont point les caracteres distinctifs du génie . Il y bien peu d'erreurs dans Locke & trop peu de vérités dans milord Shafsterbury: le premier cependant n'est qu'un esprit étendu, pénétrant, & juste; & le second est un génie du premier ordre. Locke a vû; Shafsterbury a créé, construit, édifié: nous devons à Locke de grandes vérités froidement apperçûes, méthodiquement suivies, séchement annoncées; & à Shafsterbury des systèmes brillans souvent peu fondés, pleins pourtant de vérités sublimes; & dans ses momens d'erreur, il plaît & persuade encore par les charmes de son éloquence. Le génie hâte cependant les progrès de la Philosophie par les découvertes les plus heureuses & les moins attendues: il s'éleve d'un vol d'aigle vers une vérité lumineuse, source de mille vérités auxquelles parviendra dans la suite en rampant la foule timide des sages observateurs. Mais à côté de cette vérité lumineuse, il placera les ouvrages de son imagination: incapable de marcher dans la carriere, & de parcourir successivement les intervalles, il part d'un point & s'élance vers le but; il tire un principe fécond des ténebres; il est rare qu'il suive la chaîne des conséquences; il est prime-sautier , pour me servir de l'expression de Montagne. Il imagine plus qu'il n'a vû; il produit plus qu'il ne découvre; il entraîne plus qu'il ne conduit: il anima les Platon, les Descartes, les Malebranche, les Bacon, les Leibnitz; & selon le plus ou le moins que l'imagination domina dans ces grands hommes, il fit éclorre des systèmes brillans, ou découvrir de grandes vérités. Dans les sciences immenses & non encore approfondies du gouvernement, le génie a son caractere & ses effets aussi faciles à reconnoître que dans les Arts & dans la Philosophie: mais je doute que le génie , qui a si souvent pénétré de quelle maniere les hommes dans certains tems devoient être conduits, soit lui même propre à les conduire. Certaines qualités de l'esprit, comme certaines qualités du coeur, tiennent à d'autres, en excluent d'autres. Tout dans les plus grands hommes annonce des inconvéniens ou des bornes. Le sang froid, cette qualité si nécessaire à ceux qui gouvernent, sans lequel on feroit rarement une application juste des moyens aux circonstances, sans lequel on seroit sujet aux inconséquences, sans lequel on manqueroit de la présence d'esprit; le sang froid qui soumet l'activité de l'ame à la raison, & qui préserve dans tous les évenemens, de la crainte, de l'yvresse, de la précipitation, n'est-il pas une qualité qui ne peut exister dans les hommes que l'imagination maîtrise? cette qualité n'est-elle pas absolument opposée au génie? Il a sa source dans une extrème sensibilité qui le rend susceptible d'une foule d'impressions nouvelles par lesquelles il peut être détourné du dessein principal, contraint de manquer au secret, de sortir des lois de la raison, & de perdre par l'inégalité de la conduite, l'ascendant qu'il auroit pris par la supériorité des lumieres. Les hommes de génie forcés de sentir, décidés par leurs goûts, par leurs répugnances, distraits par mille objets, devinant trop, prévoyant peu, portant à l'excès leurs desirs, leurs espérances, ajoûtant ou retranchant sans cesse à la réalité des êtres, me paroissent plus faits pour renverser ou pour fonder les états que pour les maintenir, & pour rétablir l'ordre que pour le suivre. Le génie dans les affaires n'est pas plus captivé par les circonstances, par les lois & par les usages, qu'il ne l'est dans les Beaux-Arts par les regles du goût, & dans la Philosophie par la méthode. Il y a des momens où il sauve sa patrie, qu'il perdroit dans la suite s'il y conservoit du pouvoir. Les systèmes sont plus dangereux en Politique qu'en Philosophie: l'imagination qui égare le philosophe ne lui fait faire que des erreurs; l'imagination qui égare l'homme d'état lui fait faire des fautes & le malheur des hommes. Qu'à la guerre donc & dans le conseil le génie semblable à la divinité parcoure d'un coup d'oeil la multitude des possibles, voye le mieux & l'exécute; mais qu'il ne manie pas long-tems les affaires où il faut attention, combinaisons, persévérance: qu'Alexandre & Condé soient maîtres des évenemens, & paroissent inspirés le jour d'une bataille, dans ces instans où manque le tems de délibérer, & où il faut que la premiere des pensées soit la meilleure; qu'ils décident dans ces momens où il faut voir d'un coup-d'oeil les rapports d'une position & d'un mouvement avec ses forces, celles de son ennemi, & le but qu'on se propose: mais que Turenne & Marlborough leur soient préférés quand il faudra diriger les opérations d'une campagne entiere. Dans les Arts, dans les Sciences, dans les affaires, le génie semble changer la nature des choses; son caractere se répand sur tout ce qu'il touche; & ses lumieres s'élançant au-delà du passé & du présent, éclairent l'avenir: il dévance son siecle qui ne peut le suivre; il laisse loin de lui l'esprit qui le critique avec raison, mais qui dans sa marche égale ne sort jamais de l'uniformité de la nature. Il est mieux senti que connu par l'homme qui veut le définir: ce seroit à lui-même à parler de lui; & cet article que je n'aurois pas dû faire, devroit être l'ouvrage d'un de ces hommes extraordinaires * qui honore ce siecle, & qui pour connoître le génie n'auroit eu qu'à regarder en lui-même. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genie, (le) Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. Genie Genie , ( le ) s. m. ( Art. milit. ) ce mot signifie proprement dans notre langue la science des Ingénieurs; ce qui renferme la fortification, l'attaque & la défense des places. Voyez Fortification , Attaque , Défense . Il signifie aussi le corps des Ingénieurs , c'est-à-dire des officiers chargés de la fortification, de l'attaque & de la défense des places. Voyez Ingenieur . C'est à M. le maréchal de Vauban que l'on doit l'établissement du génie ou du corps des Ingénieurs . « Avant cet établissement rien n'étoit plus rare en France, dit cet illustre maréchal, que les gens de cette profession. Le peu qu'il y en avoit subsistoit si peu de tems, qu'il étoit plus rare encore d'en voir qui se fussent trouvés à cinq ou six siéges. Ce petit nombre d'ingénieurs obligé d'être toûjours sur les travaux étoit si exposé, que presque tous se trouvoient ordinairement hors d'état de servir dès le commencement ou au milieu du siége; ce qui les empêchoit d'en voir la fin, & de s'y rendre savans. Cet inconvénient joint à plusieurs autres défauts dans lesquels on tomboit, ne contribuoit pas peu à la longueur des siéges, & autres pertes considérables qu'on y faisoit ». Attaque des places par M. le maréchal de Vauban. Un général qui faisoit un siége avant l'établissement des corps des Ingénieurs, choisissoit parmi les officiers d'infanterie ceux qui avoient acquis quelqu'expérience dans l'attaque des places, pour en conduire les travaux; mais il arrivoit rarement, comme le remarque M. de Vauban, qu'on en trouvât d'assez habiles pour répondre entierement aux vûes du général, & le décharger du soin & de la direction de ces travaux. Henri IV. avoit eu cependant pour ingénieur Errard de Barleduc, dont le traité de fortification montre beaucoup d'intelligence & de capacité dans l'auteur. Sous Louis XIII. le * M. de Voltaire, par exemple . chevalier de Ville fervit en qualité d'ingénieur avec la plus grande distinction. Son ouvrage sur la fortification des places, & celui où il a traité de la charge des gouverneurs, font voir que ce savant auteur étoit également versé dans l'artillerie & le génie; mais ces grands hommes qui ne pouvoient agir par tout trouvoient peu de gens en état de les seconder. Dans le commencement du regne de Louis XIV. le comte de Pagan se distingua beaucoup dans l'art de fortifier. Il fut le précurseur de M. le maréchal de Vauban, qui dans la fortification n'a guere fait que rectifier les idées générales de ce célebre ingénieur; mais qui a par-tout donné des marques d'un génie supérieur & inventif, particulierement dans l'attaque des places, qu'il a portée à un degré de perfection auquel il est difficile de rien ajoûter. Le chevalier de Clerville paroît aussi, par les différens mémoires sur les troubles de la minorité du roi Louis XIV, avoir eu beaucoup de réputation dans l'attaque des places. M. de Vauban commença à servir sous lui dans plusieurs siéges; mais il s'éleva ensuite rapidement au-dessus de tous ceux qui l'avoient précédé dans la même carriere. Par l'établissement du génie , le roi a toûjours un corps nombreux d'ingénieurs, suffisant pour servir dans ses armées en campagne & dans ses places. On ne fait point de siége depuis long-tems qu'il ne s'y en trouve trente-six ou quarante, partagés ordinairement en brigades de six ou sept hommes, afin que dans chaque attaque on puisse avoir trois brigades, qui se relevant alternativement tous les vingt quatre heures, partagent entr'eux les soins & les fatigues du travail, & le font avancer continuellement sans qu'il y ait aucune perte de tems. C'est à l'établissement du génie que la France doit la supériorité qu'elle a, de l'aveu de toute l'Europe, dans l'attaque & la défense des places sur les nations voisines. Le génie a toûjours eu un ministre ou un directeur général, chargé des fortifications & de tout ce qui concerne les Ingénieurs. Voyez Directeur ou Inspecteur général des Fortifications L'Artillerie qui avoit toûjours formé un corps particulier sous la direction du grand-maître de l'Artillerie, vient, depuis la suppression de cette importante charge, d'être unie à celui du génie . Par l'ordonnance du 8 Décembre 1755, ces deux corps n'en doivent plus faire qu'un seul sous la dénomination de corps royal de l'Artillerie & du Génie . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENIES Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA GENIES GENIES en Architecture , figures d'enfans avec des aîles & des attributs, qui servent dans les ornemens à représenter les vertus & les passions, comme ceux qui sont peints par Raphaël dans la galerie du vieux palais Chigi à Rome. Il s'en fait de bas-reliefs, comme ceux de marbre blanc dans les trente-deux tympans de la colonnade de Versailles, qui sont par grouppes, & tiennent des attributs de l'amour, des jeux, des plaisirs, &c. On appelle génies fleuronés , ceux dont la partie inférieure se termine en naissance de rinceau de feuillages, comme dans la frise du frontispice de Néron à Rome. Voyez nos Planch . d'Archit . On se sert aussi du mot de génie , pour désigner le feu & l'invention qu'un architecte, un dessinateur, décorateur, ou tous autres Artistes mettent dans la décoration de leurs ouvrages; c'est une partie très nécessaire dans l'Architecture. Un homme sans génie , quoique muni des préceptes de son art, va rarement loin: la diversité des occasions & le detail immense d'un bâtiment, exigent absolument des dispositions naturelles, qui soient aidées d'un exercice laborieux & sans relâche; qualités essentielles à un architecte pour mériter la confiance de ceux qui lui abandonnent leurs intérêts. Voyez Architecte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genie Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Genie Genie en Peinture. Voyez Peinture . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENIOGLOSSE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GENIOGLOSSE GENIOGLOSSE, adj. pris s. en Anatomie , se dit d'une paire de muscles qui prennent leur origine de la partie interne de la symphise du menton, au-dessous des génio-hyoïdiens; ils s'élargissent ensuite, & vont s'attacher à la base de la langue. Voyez Langue , Menton . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENIO-HYOIDIEN Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GENIO-HYOIDIEN GENIO-HYOIDIEN, adj. en Anatomie , se dit d'un muscle de l'os hyoïde, qui aussi-bien que son pareil est court, épais & charnu; ils prennent leur origine de la partie interne de la machoire inférieure qu'on appelle menton; ils sont larges à leur origine; ils se retrécissent ensuite, & vont s'attacher à la partie supérieure de la base de l'os hyoïde. Voyez Hyoide . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENIO-PHARYNGIENS Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GENIO-PHARYNGIENS GENIO-PHARYNGIENS, en Anat . se dit d'une paire de muscles du pharynx qui viennent de la symphise du menton, au-dessous des muscles genio-glosses, & qui s'attachent aux parties latérales du pharynx. Voyez Pharynx . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENIPANIER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GENIPANIER GENIPANIER, s. m. ( Hist. nat. bot. ) genipa , genre de plante observé par le P. Plumier; la fleur est monopétale, campaniforme, évasée; il sort du calice un pistil qui entre dans la partie postérieure de la fleur; le calice devient un fruit qui a ordinairement la figure d'un oeuf, qui est charnu & partagé en deux sortes de loges, & qui renferme des semences plates pour l'ordinaire. Tournef, rei herb. appendix. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENISTELLE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GENISTELLE GENISTELLE, s. f. genistella , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante qui differe du genêt en ce que ses feuilles naissent l'une de l'autre, & sont comme articulées ensemble. Tournef. inst. rei herb. & élémens de Botanique. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENITA-MANA Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=NA GENITA-MANA GENITA-MANA , ( Mythol. ) déesse qui présidoit aux enfantemens; les Romains lui sacrifioient un chien, comme les Grecs en sacrifioient un à Hécate. On faisoit à cette déesse une priere conçue en termes fort singuliers: on lui demandoit la faveur que de ce qui naîtroit dans la maison rien ne devint bon. Plutarque dans ses questions romaines, quest. 52 , donne deux explications de cette façon de parler énigmatique; l'une est de ne pas entendre la priere des personnes, mais des chiens, Alors, dit-il, l'on demandoit à la déesse que ces animaux qui naîtroient dans la maison, ne fussent pas doux & pacifiques, mais méchans & féroces; ou bien, selon Plutarque, en appliquant la priere aux personnes, le mot devenir bon signifioit mourir; dans ce dernier sens l'on prioit la déesse qu'aucun de ceux qui naîtroient dans la maison, ne vînt à mourir dans cette même maison. Cette derniere explication, ajoûte-t-il, ne doit pas paroître étrange à ceux qui savent que dans un certain traité de paix conclu entre les Arcadiens & les Lacédémoniens, il fut stipulé qu'on ne feroit bon , c'est-à-dire, selon Aristote, qu'on ne tueroit personne d'entre les Tégates pour les secours qu'ils auroient pû prêter aux Lacédémoniens. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENITAL Author=unknown Normalized Classification=Economie animale Part of Speech=adject GENITAL GENITAL, adj. dans l' économie animale , c'est ce qui appartient à la génération. Voyez Génération . Parties génitales dénotent les parties qui servent à la génération dans les deux sexes. Voyez Verge , Testicule , Clitoris , Hymen , &c. & les Planches anatomiques . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENITES Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=adject GENITES GENITES, adj. pl. pris sub. ( Théolog. ) c'est-à-dire engendrés; nom qui parmi les Hébreux signifioit ceux qui descendoient d'Abraham sans aucun mélange de sang étranger, c. à d. dont tous les ancêtres paternels & maternels étoient israëlites, & issus en droite ligne d'autres israëlites en remontant ainsi jusqu'à Abraham. Les Grecs distinguoient par le nom des genites , les Juifs nés de parens qui ne s'étoient point alliés avec les Gentils pendant la captivité de Babylone. Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENITIF Author=Beauzée | Douchet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GENITIF GENITIF, s. m. c'est le second cas dans les langues qui en ont reçu: son usage universel est de présenter le nom comme terme d'un rapport quelconque, qui détermine la signification vague d'un nom appellatif auquel il est subordonné. Ainsi dans lumen solis , le nom solis exprime deux idées; l'une principale, désignée sur-tout par les premiers élemens du mot, sol , & l'autre accessoire, indiquée par la terminaison is: cette terminaison présente ici le soleil comme le terme auquel on rapporte le nom appellatif lumen (la lumiere), pour en déterminer la signification trop vague par la relation de la lumiere particuliere dont on prétend parler, au corps individuel d'où elle émane; c'est ici un détermination fondée sur le rapport de l'effet à la cause. La détermination produite par le génitif peut être fondée sur une infinité de rapports différens. Tantôt c'est le rapport d'une qualité à son sujet, fortitudo regis; tantôt du sujet à la qualité, puer egregiae indolis: quelquefois c'est le rapport de la forme à la matiere, vas auri; d'autre fois de la matiere à la forme, aurum vasis . Ici c'est le rapport de la cause à l'effet, creator mundi; là de l'effet à la cause, Ciceronis opera . Ailleurs c'est le rapport de la partie au tout, pes montis; de l'espece à l'individu, oppidum Antiochioe; du contenant au contenu, modius frumenti; de la chose possédée au possesseur, bona civium; de l'action à l'objet, metus supplicii , &c. Partout le nom qui est au génitif exprime le terme du rapport; le nom auquel il est associé en exprime l'antécédent; & la terminaison propre du génitif annonce que ce rapport qu'elle indique est une idée déterminative de la signification du nom antécédent. Voyez Rapport . Cette diversité des rapports auxquels le génitif peut avoir trait, a fait donner à ce cas différentes dénominations, selon que les uns ont fixé plus que les autres l'attention des Grammairiens. Les uns l'ont appellé possessif , parce qu'il indique souvent le rapport de la chose possédée au possesseur, praedium Terentii; d'autres l'ont nommé patrius ou paternus , à cause du rapport du pere aux enfans, Cicero pater Tuiliae: d'autres uxorius , à cause du rapport de l'épouse au mari, Hectoris Andromache . Toutes ces dénominations péchent en ce qu'elles portent sur un rapport qui ne tient point directement à la signification du génitif , & qui d'ailleurs est accidentel. L'effet général de ce cas est de servir à déterminer la signification vague d'un nom appellatif par un rapport quelconque dont il exprime le terme; c'étoit dans cette propriété qu'il en falloit prendre la dénomination, & on l'auroit appellé alors déterminatif avec plus de fondement qu'on n'en a eu à lui donner tout autre nom. Celui de génitif a été le plus unanimement adopté, apparement parce qu'il exprime l'un des usages les plus fréquens de ce cas; il naît du nominatif, & il est le générateur de tous les cas obliques & de plusieurs especes de mots: c'est la remarque de Priscien même, lib. V. de casu: Genitivus, dit-il, naturale vinculum generis possidet, nascitur quidem à nominativo, generat autem omnes obliquos sequentes; & il avoit dit un peu plus haut, Generalis videtur esse hic casus genitivus, ex quo ferè omnes derivationes, & maximè apud Groecos, solent fieri . En effet les services qu'il rend dans le système de la formation s'étendent à toutes les branches de ce système. Voyez Formation . I. Dans la dérivation grammaticale, le génitif est la racine prochaine des cas obliques; tous suivent l'analogie de sa terminaison, tous en conservent la figurative. Ainsi homo a d'abord pour génitif hom-inis , où l'on voit o du nominatif changé en in-is; is est la terminaison propre de ce cas, in en est la figurative: or la figurative in demeure dans tous les cas obliques, la seule terminaison is y est changée; hom-in-is, hom-in-i; hom-in-em, hom-in-e, hom-in-es, hom-in-um, hom-in-ibus . De même de temp-or-is, génitif de tempus , sont venus temp-or-i, temp-or-e, tempor-a, temp-or-um, temp-or-ibus . C'est par une suite de cet usage du génitif , que ce cas a été choisi comme le signe de la déclinaison, voyez Déclinaison . C'est le signal de ralliement qui rappelle à une même formule analogique tous les noms qui ont à ce cas la même terminaison. Il est vrai que la distinction des déclinaisons doit résulter des différences de la totalité des cas; mais ces différences suivent exactement celles du génitif , & par conséquent ce cas seul peut suffire pour caractériser les déclinaisons. Les noms de la premiere ont le génitif singulier en oe , comme mensa (table) gén. mensae: ceux de la seconde ont le génitif en i , comme liber (livre), génit. libri . Ceux de la troisieme l'ont en is , comme pater (pere), gén. patris . Ceux de la quatrieme l'ont en ûs , comme fructus (fruit), génit. fructûs; & ceux de la cinquieme l'ont en ei , comme dies (jour), génit. diei . On en trouve quelques-uns dont le génitif s'éloigne de cette analogie; ce sont des noms grecs auxquels l'usage de la langue latine a conservé leur génitif originel: Andromache (Andromaque), génit. Andromaches , premiere déclinaison: Orpheus (Orphée), génit. Orphei & Orpheos , seconde déclinaison: syntaxis (syntaxe), génit. syntaxis & syntaxeos , troisieme déclinaison. Ces exceptions sont, pour ainsi dire, les restes des incertitudes de la langue naissante. Les cas, & spécialement le génitif , n'y furent pas fixés d'abord à des terminaisons constantes, & les premieres qu'on adopta étoient greques, parce que le latin est comme un rejetton du grec; elles s'altérerent insensiblement pour se défaire de cet air d'emprunt, & pour se revêtir des apparences de la propriété. Ainsi as fut d'abord la terminaison du génitif de la premiere déclinaison, & l'on disoit musa, musas , comme les Doriens μοῦσα, μούσας : outre le pater familias connu de tout le monde, on trouve encore bien d'autres traces de ce génitif dans les auteurs; dans Ennius, dux ipse vias , pour viae; & dans Virgile ( AEnaeid. xj. ) nihil ipsa, nec auras, nec sonitus memor , selon Jules Scaliger qui attribue à l'impéritie le changement d' auras en auroe . Le génitif de la premiere déclinaison fut aussi en ai, terraï, aulaï; on lit dans Virgile, aulaï in medio , pour aulae: comme on rencontre plus d'exemples de ce génitif dans les poëtes, on peut présumer qu'ils l'ont introduit pour faciliter la mesure du vers, & qu'ils se régloient alors sur la déclinaison éolienne, où au lieu du μούσας dorien, on disoit μούσαις . Les noms des autres déclinaisons ont eu également leurs variations au génitif . On trouve plusieurs fois dans Salluste senati . Aulu-Gelle ( lib. VI. c. xvj. ) nous apprend qu'on a dit senatuis, fluctuis; & le génitif senatûs, fluctûs paroît n'en être qu'une contraction. Le génitif de dies se présente dans les auteurs sous quatre terminaisons différentes: 1°. en es , comme equites daturos illius dies poenas ( Cic. pro Sext. ): 2°. en e , comme César l'avoit indiqué dans ses analogies, & comme Servius & Priscien veulent qu'on le lise dans ce vers de Virgile ( j. Géorg. 208. ) Libra die somnique pares ubi fecerit horas . 3°. en ii , comme dans cet autre passage du même poëte, munera laetitiam que dii; quod imperitiores dei legunt , dit Aulu-Gelle, lib. jx. cap. xjv. 4°. enfin en ei , & c'est la terminaison qui a prévalu. II. Dans la dérivation philosophique le génitif est la racine génératrice d'une infinité de mots, soit dans la langue latine même, soit dans celles qui y ont puisé; on en reconnoît sensiblement la figurative dans ses dérivés. Ainsi du génitif des adjectifs l'on forme, à peu d'exceptions près, leurs degrés comparatif & superlatif, en ajoûtant à la figurative de ce cas les terminaisons qui caractérisent ces degrés: docti, docti-or, docti-ssimus; prudenti-s, prudenti-or, prudenti-ssimus . Il en est de même des adverbes dérivés des adjectifs; ils prennent cette figurative au positif, & la conservent dans les autres degrés: prudent-is, prudent-er, prudent-iùs, prudent-issimé . Le génitif des noms sert à la dérivation de plusieurs especes de mots: de patris sont sortis les noms de patria, patriciatus, patratio, patronus, patrona, patruus; les adjectifs patrius, patricius, patrimus; l'adverbe patriè; les verbes patrare, patrissare . On trouve même plusieurs noms dont le génitif , quant au matériel, ne differe en rien de la seconde personne du singulier du présent absolu de l'indicatif des verbes qui en sont dérivés: lex, legis; lego, legis: dux, ducis; duco, ducis . Quelques génitifs inusités hors de la composition, se retrouvent de même dans des verbes composés de la même racine élémentaire: tibicen, tibi-cinis; con-cino, con cinis; parti-ceps, participis; ac-cipio, ac-cipis . Nous avons dans notre langue des mots qui viennent immédiatement d'un génitif latin; tels sont capitaine, capitation , qui sont dérivés de capitis; tels encore les monosyllabes art, mort, part, sort , &c. qui viennent des génitifs art-is, mort-is, part-is, sort-is , dont on a seulement supprimé la terminaison latine. De-là les dérivés simples: de capitaine, capitainerie; d'art, artiste, artistement; de mort, mortel, mortellement, mortalité, mortuaire; de part, partie, partiel; de sort, sorte, sortable , &c. III. Dans la composition, c'est encore le génitif qui est la racine élémentaire d'une infinité de mots, soit primitifs, soit dérivés. On le voit sans aucune altération dans les composés legis-lator, legis-latio; juris-peritus, juris-prudentia; agri-cola, agri-cultura . On en reconnoît la figurative dans patri-monium, patro-cinium, fronti-spicium, juri-stitium; & on la retrouve encore dans homi-cidium malgré l'altération; hom-o , c'est le nominatif; hom-in-is , c'est le génitif dont la figurative est in; & la consonne n de cette figurative est retranchée pour éviter le choc trop rude des deux consonnes n c , mais i est resté. Nous appercevons sensiblement la même influence dans les mots composés de notre langue, qui ne sont pour la plûpart que des mots latins terminés à la françoise; patri-moine, légis-lateur, légis-lation, juris-consulte, juris-prudence, agri-culture, frontis-pice, homi-cide: & l'analogie nous a naturellement conduits à conserver les droits de ce génitif dans les mots que nous avons composés par imitation; part-ager, as-sort-ir, res-sort-ir , &c. On voit par ce détail des services du génitif dans la génération des mots, que le nom qu'on lui a donné le plus unanimement a un juste fondement; quoiqu'il n'exprime pas l'espece de service pour lequel il paroît que ce cas a été principalement institué, je veux dire la détermination du sens vague du nom appellatif auquel il est subordonné. C'est pour cela qu'en latin il n'est jamais construit qu'avec un nom appellatif, quoiqu'on rencontre souvent des locutions où il paroît lié à d'autres mots: mais on retrouve aisément par l'ellipse le nom appellatif auquel se rapporte le génitif . I. Il est quelquefois à la suite d'un nom propre; Terentia Ciceronis , supp. uxor; Sophia Septimi , supp. filia . Il. D'autres fois il suit quelqu'un de ces adjectifs présentés sous la terminaison neutre, & réputés pronoms par la foule des Grammairiens; ad id locorum , c'est-à-dire ad id punctum locorum; quid rei est? c'est-à-dire quod momentum rei est? III. Souvent il paroît modifier tout autre adjectif dont le corrélatif est exprimé ou supposé: plenus vini, lassus viarum , supp. de copiâ vini, de labore viarum . C'est la même chose après le comparatif & le superlatif; fortior manuum, primus ou doctissimus omnium , supp. è numero manuum, è numero omnium . IV. Plus souvent encore le génitif est à la suite d'un verbe, & les méthodistes énoncent expressément qu'il en est le régime; c'est une erreur, il ne peut l'être en latin que d'un nom appellatif, & l'ellipse le ramene à cette construction. Il est aisé de le vérifier sur des exemples qui réuniront à-peu-près tous les cas. Est regis , c'est-à-dire est officium regis. Refert Coesaris , c'est-à-dire refert ad rem Coesaris , comme Plaute a dit ( in Pers. ). Quid id ad me aut ad meam rem refert? Interest reipublicoe; est inter negotia, est inter commoda reipublicoe. Manet Romoe , c'est à-dire manet in urbe Romoe . On trouve communément le génitif après les verbes poenitere, pudere, pigere, taedere, miserere; & les rudimentaires disent que ces verbes sont impersonnels, que leur nominatif se met à l'accusatif, & leur régime au génitif . Il est aisé d'appercevoir les absurdités que renferme cette décision: nous ferons voir au mot Impersonnel , que ces verbes sont réellement personnels, & que leur sujet doit être au nominatif quand on l'exprime. Nous allons montrer ici que leur prétendu régime au génitif est le régime déterminatif du nom qui leur sert de sujet; & que ce qu'on envisage ordinairement comme leur sujet sous la dénomination ridicule de nominatif, est véritablement leur régime objectif. On lit dans Plaute ( Stich. in arg. ) & me quidem hoec conditio nunc non poenitet: il est évident que hoec conditio est le sujet de poenitet , & que me en est le régime objectif; & l'on pourroit rendre littéralement ces mots me hoec conditio non poenitet , par ceux-ci: cette condition ne me peine point, ne me fait aucune peine; c'est le sens littéral de ce verbe dans toutes les circonstances. Cet exemple nous indique le moyen de ramener tous les autres à l'analogie commune, en suppléant le sujet sousentendu de chaque verbe: poenitet me facti veut dire conscientia facti poenitet me , le sentiment intérieur de mon action me peine. Pareillement dans cette phrase de Cicéron ( pro domo ), ut me non solum pigeat stultitiaoe meae, sed etiam pudeat; c'est tout simplement, ut conscientia stultitiae meae non solum pigeat, sed etiam pudeat me . Dans celle-ci, sunt homines quos infamiae suoe neque pudeat neque taedeat ( 2. verr. ); suppléez turpitudo , & vous aurez la construction pleine: sunt homines quos turpitudo infamiae suoe neque pudeat neque taedeat . De même dans cette autre qui est encore de Cicéron, miseret me infelicis familiae; suppléez sors , & vous aurez cette phrase complete, sors infelicis familiae miseret me . On voit donc que les mots facti, stultitiae, infamiae, familiae , ne sont au génitif dans ces phrases, que parce qu'ils sont les déterminatifs des noms conscientia, turpitudo, sors , qui sont les sujets des verbes. Le génitif se construit encore avec d'autres verbes; quanti emisti? c'est-à-dire, pro re quanti pretii emisti? Cicéron ( Attic. viij. ) parlant de Pompée, dit facio pluris omnium hominum neminem; c'est comme s'il avoit dit, facio neminem ex numero omnium hominum virum pluris momenti: c'est la même chose du passage de Térence ( in Phorm. ) meritò te semper maximi feci , c'est-à-dire virum maximi momenti . Mais si le régime objectif est le nom d'une chose inanimée, le nom appellatif qu'il faut suppléer, c'est res; illos scelestos qui tuum fecerunt fanum parvi (Plaut. in Rudent. ), c'est-à-dire, qui tuum fecerunt fanum rem parvi pretii. Accusare furti , c'est accusare de crimine furti; condemnare capitis , c'est condemnare ad poenam capitis. Oblivisci , cordari, meminisse alicujus rei; suppléez memoriam alicujus rei; c'est ce même nom qu'il faut sous-entendre dans cette phrase de Cicéron & dans les pareilles, tibi tuarum virtutum veniat in mentem ( de orat. ij. 61. ) suppléez memoria . V. Quand on trouve un génitif avec un adverbe, il n'y a qu'à se rappeller que l'adverbe a la valeur d'une préposition avec son complément, voyez Adverbe ; & que ce complément est un nom appellatif: en décomposant l'adverbe, on retrouvera l'analogie. Ubi terrarum , décomposez; in quo loco terrarum: nusquam gentium , c'est-à-dire in nullo loco gentium . Il faut remarquer ici qu'on ne doit pas chercher par cette voie l'analogie du génitif , après certains mots que l'on prend mal-à-propos pour des adverbes de quantité, tels que parum, multum, plus, minus, plurimum, minimum, satis , &c. ce sont de vrais adjectifs employés sans un nom exprimé, & souvent comme complément d'une préposition également sousentendue: dans ce second cas, ils font l'office de l'adverbe: mais par-tout, le génitif qui les accompagne est le déterminatif du nom leur corrélatif; satis nivis , c'est copia satis nivis , ou copia conveniens nivis . De l'adjectif satis vient satior . VI. Enfin on rencontre quelquefois le génitif à la suite d'une préposition; il se rapporte alors au complement de la préposition même qui est fous-entendue. Ad Castoris , suppléez aedem; ex Apollodori (Cic.) suppléez chronicis; labiorum tenus , suppléez extremitate . Nous nous sommes un peu étendus sur ces phrases elliptiques; premierement, parce que le génitif qui est ici notre objet principal, y paroissant employé d'une autre maniere que sa destination originelle ne semble le comporter, il étoit de notre devoir de montrer que ce ne sont que des écarts apparens, & que les assertions contraires des méthodistes sont fausses & fort éloignées du vrai génie de la langue latine: en second lieu, parce que nous regardons la connoissance des moyens de suppléer l'ellipse, comme une des principales clés de cette langue. On doit être suffisamment convaincu par tout ce qui précede, que le génitif fait l'office de déterminatif à l'égard du nom auquel il est subordonné: mais il faut bien se garder de conclure que ce soit le seul moyen qu'on puisse employer pour cette détermination. Il faut bien qu'il y en ait d'autres dans les langues dont les noms ne reçoivent pas les inflexions appellées cas . En françois on remplace assez communément la fonction du génitif latin par le service de la préposition de , qui par le vague de sa signification semble exprimer un rapport quelconque; ce rapport est spécifié dans les différentes occurrences (qu'on nous permette les termes propres) par la nature de son antécédent & de son conséquent. Le créateur de l'univers , rapport de la cause à l'effet: les écrits de Cicéron , rapport de l'effet à la cause: un vase d' or , rapport de la forme à la matiere: l'or de ce vase , rapport de la matiere à la forme, &c. En hébreu, on employe des préfixes, sortes de prépositions inséparables, dont quelqu'une est spécialement déterminative d'un terme antécédent. Chaque langue a son génie & ses ressources. La langue latine elle-même n'est pas tellement restrainte à son génitif déterminatif, qu'elle ne puisse remplir les mêmes vûes par d'autres moyens: Evandrius ensis , c'est la même chose qu' ensis Evandri; liber meus , c'est liber mei, liber pertinens ad me; domus regia , c'est domus regis . On voit que le rapport de la chose possédée au possesseur, s'exprime par un adjectif véritablement dérivé du nom du possesseur, mais qui s'accorde avec le nom de la chose possédée; parce que le rapport d'appartenance est réellement en elle & s'identifie avec elle. Le rapport de l'espece à l'individu, n'est pas toûjours annoncé par le génitif: souvent le nom propre déterminant est au même cas que le nom appellatif déterminé; urbs Roma, flumen Sequana, mons Parnassus , &c. Mais cette concordance ne doit pas s'entendre comme le commun des Grammairiens l'expliquent: urbs Roma ne signifie point, comme on l'a dit, Roma quoe est urbs; c'est au contraire urbs quoe est Roma; urbs est déterminé par les qualités individuelles renfermées dans la signification du mot Roma . Il y a précisément entre urbs Romoe & urbs Roma , la même différence qu'entre vas auri & vas aureum; aureum est un adjectif, Roma en fait la fonction; l'un & l'autre est déterminatif d'un nom appellatif, & c'est la fonction commune des adjectifs relativement aux noms. N'est-il pas en effet plus que vraissemblable que les noms propres Asia, Africa, Hispania, Gallia , &c. sont des adjectifs dont le substantif commun est terra; que annularis, auricularis, index , &c. noms propres des doigts, se rapportent au substantif commun digitus? Quand on veut donc interpréter l'apposition, & rendre raison de la concordance des cas, c'est le nom propre qu'il faut y considérer comme adjectif, parce qu'il est déterminant d'un nom appellatif. Voyez Apposition . La langue latine a encore une maniere qui lui est propre, de déterminer un nom appellatif d'action par le rapport de cette action à l'objet; ce n'est pas en mettant le nom de l'objet au génitif , c'est en le mettant à l'accusatif. Alors le nom déterminé est tiré du supin du verbe qui exprime la même action; & c'est pour cela qu'on le construit comme son primitif avec l'accusatif. Ainsi, au lieu de dire, quid tibi hujus cura est rei? Plaute dit, quid tibi hanc curatio est rem? Nous avons vû jusqu'ici la nature, la destination générale, & les usages particuliers du génitif; n'en dissimulons pas les inconvéniens. Il détermine quelquetois en vertu du rapport d'une action au sujet qui la produit, quelquefois aussi en vertu du rapport de cette action à l'objet; c'est une source d'obscurités dans les auteurs latins. Est-il aisé, par exemple, de dire ce qu'on entend par amor Dei? La question paroîtra singuliere au premier coup-d'oeil; tout le monde répondra que c'est l' amour de Dieu: mais c'est en françois la même équivoque; car il restera toûjours à savoir si c'est amor Dei amantis ou amor Dei amati . Il faut avouer que ni l'expression françoise ni l'expression latine n'en disent rien. Mais mettez ces mots en relation avec d'autres, & vous jugerez ensuite. Amor Dei est infinitus , c'est amor Dei amantis ; amor Dei est ad salutem necessarius , c'est amor Dei amati . Cette remarque amene naturellement celle-ci. Il ne suffit pas de connoître les mots & leur construction méchanique, pour entendre les livres écrits en une langue; il faut encore donner une attention particuliere à toutes les correspondances des parties du discours, & en observer avec soin tous les effets. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENITOIRES Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f.pl. GENITOIRES GENITOIRES, s. f. pl. terme d'Anatomie , qui s'entend quelquefois des testicules de l'homme, parce qu'ils contribuent à la génération. Voyez Testicule . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENOU Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.m. GENOU GENOU, s. m. ( Anat. ) partie du corps humain située antérieurement entre la partie supérieure de la jambe & la partie insérieure de la cuisse, l'os du genou ou la rotule. Voyez Rotule . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genou Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Genou Genou , ( Manége, Maréchal. ) partie des jambes antérieures du cheval. Elle est formée principalement de sept os d'un très-petit volume, & qui lui sont propres & particuliers. Ces os par lesquels le cubitus ou l'avant-bras se trouve joint au canon, sont disposés de maniere qu'ils composent deux rangs; il en est quatre au premier, & trois au second; ils semblent néanmoins, attendu l'intimité de leur union qui est affermie par de forts ligamens, ne faire ensemble qu'un seul corps, à l'exception de l'un de ceux du premier rang qui paroît être détaché des autres, & d'où résulte une eminence en-arriere. Il sert d'attache à un ligament considérable qui se fixe encore & d'une autre part, à la partie supétieure du canon & aux petits osselets opposés à ce dernier os. De-là l'arcade ligamenteuse qui livre passage aux tendons fléchisseurs du pié, & à laquelle le petit os detaché dont il s'agit contribue, vû une sinuosité considérable que l'on observe à sa partie interne. Cet assemblage de petites piece, osseuses ne peut que rendre cette articulation extrèmement libre & mobile. En la considérant extérieurement, on doit observer d'abord que la beaute de sa conformation dépend de la régularité de sa proportion avec la jambe. Il faut encore remarquer que la rondeur & l'enflure de cette partie annoncent presque toujours des jambes travaillées; il en est de même lorsqu'elle se trouve dénuée de poils dans sa partie anterieure. Si neanmoins l'animal s'est couronné en tombant, & si la chûte du poil ne peut point être attribuée à quelques accidens extraordinaires, ou à quelques heurts dans l'écurie, contre l'auge, ou ailleurs, contre un corps dur quelconque. Souvent aussi on apperçoit une sorte d'inégalité dans l'une des portions latérales du genou , plus communément en-dedans qu'en-dehors, & à mesure de son union avec le canon. Cette inégalité est une tumeur du canon même désignée par le nom d' osselet , & dont les suites & les progres ne peuvent être que funestes, puisqu'elle tend à detruire le mouvement articulaire, & à mettre le cheval hors d'etat de servir. Tout genou qui n'est pas effacé, c'est-à-dire, sur lequel l'os de l'avant-bras ne tombe pas perpendiculairement, est véritablement défectueux. Dans cet état l'animal est dit arqué ou brassicourt; arque, lorsque sa jambe n'est en que que façon courbée en are, que conséquemment à un travail excessif, annoncé c'ailleurs par son âge, & par une infinité de maux qu'un exercice violent & outré peur attirer & produire; brassicourt , lorsque cette difformité lui est naturelle. Ce défaut est plus essentiel dans le premier que dans le second; car l'un est entierement ruiné, mais il faut convenir aussi à l'égard de l'autre, que vû cette fausse position du genou , la jambe perd considérablement de la force qu'elle auroit dans une situation perpendiculaire. Il est de plus des chevaux dont les genoux se rapprochent, & sont extrèmement serrés l'un contre l'autre, tandis que leurs piés demeurent écartés. Ces sortes de genoux sont appellés genoux de boeuf , & ce vice doit toûjours être impute à la nature. Enfin il n'arrive que trop fréquemment en-arriere & dans le plis de cette articulation, des especes de crevasses que l'on nomme tantôt malandres , tantôt rapes . Quelquefois la partie la plus subtile de l'humeur qui y donne lieu s'étant évaporée & dissipée par la voie de la suppuration, la partie la plus grossiere se durcit, & forme une espece de tumeur capable d'embarrasser & de gêner le mouvement, & assez douloureuse pour occasionner une claudication. Voyez Malandres & Rapes . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genou Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Genou Genou , ( Manége. ) Expression par laquelle nous désignons le pli ou la courbure que l'on donne quelquefois aux branches du mors en-avant, & entre le coude & la gargouille. C'est ordinairement dans la partie la plus éminente de cette courbure, que l'oeil destiné à recevoir par un touret la chainette la plus élevée, se trouve placé. Voyez Mors . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genou Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Genou Genou , ( Marine. ) ce sont des pieces de bois très courbes qui s'empatent sur les varangues & fourcats, c'est-à-dire, que le genou est placé à la moitié de sa longueur sur le côté de la varangue, où il est assujetti par de forts clous rivés qui percent toute l'épaisseur de la varangue & des genous; ainsi la varangue est alongée de la moitié de la longueur du genou , qui prolonge verticalement le contour du vaisseau. On distingue ces pieces en genoux de fond & genoux de revers. Les genoux de fond s'assemblent sur les varangues de fond, de façon qu'ayant leur convexité au-dehors du vaisseau, ils en augmentent les capacités. Les genoux de revers sont assemblés sur les varangues acculées & sur les fourcats; mais comme leur convexité est en-dedans du vaisseau, ils en diminuent la capacité. Voyez Pl. V . fig. 1 . les genoux cotès 27 . & dans la Pl. IV . fig. 1 . cotés 27. Voyez aussi Pl. VI . fig. 65 . la forme de cette piece de bois qui dans les vaisseaux du premier rang doit avoir un pié deux ou trois pouces d'épaisseur sur le droit. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genou Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.m. Genou Genou , s. m. ( Hydr. ) est la partie au-dessous d'un niveau qui le soûtient, & qui sert à le monter au moyen des douilles où se forment de longs bâtons ferrés. Voyez Douilles & Genou ( Arts. ) ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genou Author=d'Argenville Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Genou Genou , ( Econom. rustiq. ) se dit en parlant des grains tels que le blé, l'avoine & autres; ce sont des noeuds qui se voyent le long de leurs tiges, & qui servent beaucoup à les faire croître, & à leur donner assez de force pour se soûtenir. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genou Author=Diderot Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.m. Genou * Genou , s. m. ( Arts méchaniques. ) espece d'assemblage de pieces de fer, de cuivre, de bois, &c. dont le nom a été pris de la nature du mouvement des pieces assemblées. Si un corps concave est fixe & se meut sur un corps convexe emboîté dans sa cavité, ces corps sont assemblés & se meuvent à genou . Quelquefois on limite ce mouvement; en d'autres occasions on lui laisse toute l'étendue qu'il peut avoir. Le mouvement à genou est très-doux, & l'arrêt en est solide, parce qu'il dépend de l'application exacte de deux surfaces. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENOUILLERE Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.f. GENOUILLERE GENOUILLERE, s. f. ( Art. milit. ) dans l'artillerie est la partie basse de l'embrasure d'une batterie: elle a depuis la plate-forme jusqu'à l'ouverture de l'embrasure deux piés & demi de haut, & même jusqu'à trois piés. Elle se trouve immédiatement sous la volée de la piece; son épaisseur qui est un fascinage, est la même que celle des merlons & le reste de l'épaulement. Elle se nomme genouillere , parce qu'elle se trouve à-peu-près à la hauteur du genou. Voyez Batterie . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genouillere Author=unknown Normalized Classification=Bottier Part of Speech=NA Genouillere Genouillere , en terme de Bottier , c'est la partie d'une botte qui surpasse la tige, & enferme le genou. Il y en a de plusieurs formes, qui tirent leur nom de la chose à laquelle elles ressemblent le plus, comme à chaudrons, à bonnets, &c. Voyez nos Planches & leur explication . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genouillere Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Genouillere Genouillere , ( Artifice. ) les genouilleres sont pour l'artifice d'eau, ce que les serpenteaux sont pour l'artifice d'air; on les employe à garnir les pots à feu, les ballons d'eau & les barrils de trompe; on les nomme aussi dauphins & canards; leur effet est de serpenter sur l'eau, de s'élancer à plusieurs reprises en l'air, & de finir par éclater avec bruit. On donne aux cartouches la longueur de neuf diametres intérieurs, non compris la gorge, & on les charge sur une pointe de culot qui ait d'épaisseur le quart du même diametre. Après trois charges de composition, on y met une demi-charge de poussier, & ainsi en continuant de trois charges en trois charges, & lorsqu'on a atteint la hauteur du septieme diametre, on frappe un tampon sur la composition, on le perce avec le poinçon à arrêt, on met un peu de poussier dans le trou, & on y verse de la poudre grainée ce qu'il en peut tenir, en réservant de la place pour un tampon dont on la couvre, & pour l'étranglement. On attache ensuite le fourreau sur ce même bout de la fusée; c'est un cartouche vuide fort mince, de même grosseur que la fusée, & fermé par un bout, soit par un étranglement, soit par un rond de carton collé dessus: on le découpe par l'autre bout en plusieurs languettes, on fait entrer la fusée dans cette partie découpée qui sert à couder le fourreau: cette coudure doit former un angle d'environ cinquante degrés, on le lie dessus avec de gros fil, & on colle une bande de papier sur la ligature; le fourreau, non compris la ligature, doit avoir de longueur la moitié de celle du cartouche, on les engorge & on les amorce comme les jets. Tout artifice d'eau doit être enduit de suif pour empêcher l'eau de le pénétrer. On fait fondre du suif, & avec un gros pinceau de poil de porc, on en couvre entierement les genouilleres , elles sont alors en état d'être employées en garnitures ou d'être tirées à la main. Le fourreau sert à soûtenir sur l'eau la partie sur laquelle il est attaché; quant à la gorge elle est soûtenue par le vuide qui se fait dans la fusée à mesure que la matiere enflammée en sort, la coudure du fourreau leur donne un mouvement inégal & tortueux, & le poussier dont on a mis une demi-charge, après trois charges de composition, les fait élancer en l'air, lorsque le feu parvient à cette matiere. Manuel de l'artificier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENRE Author=Beauzée | Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GENRE GENRE, s. m. terme de Grammaire. Genre ou classe , dans l'usage ordinaire, sont à-peu-près synonymes, & signifient une collection d'objets réunis sous un point de vûe qui leur est commun & propre: il est assez naturel de croire que c'est dans le même sens que le mot genre a été introduit d'abord dans la Grammaire, & qu'on n'a voulu marquer par ce mot qu'- une classe de noms réunis sous un point de vûe commun qui leur est exclusivement propre. La distinction des sexes semble avoir occasionné celle des genres pris dans ce sens, puisqu'on a distingué le genre masculin & le genre féminin, & que ce sont les deux seuls membres de cette distribution dans presque toutes les langues qui en ont fait usage. A s'en tenir donc rigoureusement à cette considération, les noms seuls des animaux devroient avoir un genre; les noms des mâles seroient du genre masculin; ceux des femelles, du genre féminin: les autres noms ou ne seroient d'aucun genre relatif au sexe, ou ce genre n'auroit au sexe qu'un rapport d'exclusion, & alors le nom de genre neutre lui conviendroit assez: c'est en effet sous ce nom que l'on désigne le troisieme genre , dans les langues qui en ont admis trois. Mais il ne faut pas s'imaginer que la distinction des sexes ait été le motif de cette distribution des noms; elle n'en a été tout-au-plus que le modele & la regle jusqu'à un certain point; la preuve en est sensible. Il y a dans toutes les langues une infinité de noms ou masculins ou féminins, dont les objets n'ont & ne peuvent avoir aucun sexe, tels que les noms des êtres inanimés & les noms abstraits qu'il est si facile & si ordinaire de multiplier: mais la religion, les moeurs, & le génie des différens peuples fondateurs des langues, peuvent leur avoir fait appercevoir dans ces objets des relations réelles ou feintes, prochaines ou éloignées, à l'un ou à l'autre des deux sexes; & cela aura suffi pour en rapporter les noms à l'un des deux genres . Ainsi les Latins, par exemple, dont la religion fut décidée avant la langue, & qui admettoient des dieux & des déesses, avec la conformation, les foiblesses & les fureurs des sexes, n'ont peut-être placé dans le genre masculin les noms communs & les noms propres des vents, ventus, Auster, Zephyrus , &c. ceux des fleuves, fluvius, Garumna, Tiberis , &c. les noms aer, ignis, sol , & une infinité d'autres, que parce que leur mythologie faisoit présider des dieux à la manutention de ces êtres. Ce seroit apparemment par une raison contraire qu'ils auroient rapporté au genre féminin les noms abstraits des passions, des vertus, des vices, des maladies, des sciences, &c. parce qu'ils avoient érigé presque tous ces objets en autant de déesses, ou qu'ils les croyoient sous le gouvernement immédiat de quelque divinité femelle. Les Romains qui furent laboureurs dès qu'ils furent en société politique, regarderent la terre & ses parties comme autant de meres qui nourrissoient les hommes. Ce fut sans doute une raison d'analogie pour déclarer féminins les noms des régions, des provinces, des iles, des villes, &c. Des vûes particulieres fixerent les genres d'une infinité d'autres noms. Les noms des arbres sauvages, oleaster, pinaster , &c. furent regardés comme masculins, parce que semblables aux mâles, ils demeurent en quelque sorte stériles, si on ne les allie avec quelque autre espece d'arbres fruitiers. Ceux-ci au contraire portent en eux-mêmes leurs fruits comme des meres; leurs noms dûrent être féminins. Les minéraux & les monstres sont produits & ne produisent rien; les uns n'ont point de sexe, les autres en ont en vain: de-là le genre neutre pour les noms metallum, aurum, oes , &c. & pour le nom monstrum , qui est en quelque sorte la dénomination commune des crimes stuprum, furtum, mendacium , &c. parce qu'on ne doit effectivement les envisager qu'avec l'horreur qui est dûe aux monstres, & que ce sont de vrais monstres dans l'ordre moral. D'autres peuples qui auront envisagé les choses sous d'autres aspects, auront réglé les genres d'une maniere toute différente; ce qui sera masculin dans une langue sera féminin dans une autre: mais décidés par des considérations purement arbitraires, ils ne pourront tous établir pour leurs genres que des regles sujettes à quantité d'exceptions. Quelques noms seront d'un genre par la raison du sexe, d'autres à cause de leur terminaison, un grand nombre par pur caprice; & ce dernier principe de détermination se manifeste assez par la diversité des genres attribués à un même nom dans les divers âges de la même langue, & souvent dans le même âge. Alvus en latin avoit été masculin dans l'origine, & devint ensuite féminin; en françois navire , qui étoit autrefois féminin, est aujourd'hui masculin; duché est encore masculin ou féminin. Ce seroit donc une peine inutile, dans quelque langue que ce fût, que de vouloir chercher ou établir des regles propres à faire connoître les genres des noms: il n'y a que l'usage qui puisse en donner la connoissance; & quand quelques-uns de nos grammairiens ont suggéré comme un moyen de reconnoître les genres , l'application de l'article le ou la au nom dont est question, ils n'ont pas pris garde qu'il falloit déjà connoître le genre de ces noms pour y appliquer avec justesse l'un ou l'autre de ces deux articles. Mais ce qu'il y a d'utile à remarquer sur les genres , c'est leur véritable destination dans l'art de la parole, leur vraie fonction grammaticale, leur service réel: car voilà ce qui doit en constituer la nature & en fixer la définition. Or un simple coup-d'oeil sur les parties du discours assujetties à l'influence des genres , va nous en apprendre l'usage, & en même tems le vrai motif de leur institution. Les noms présentent à l'esprit les idées des objets considérés comme étant ou pouvant être les sujets de diverses modifications, mais sans aucune attention déterminée à ces modifications. Les modifications elles-mêmes peuvent être les sujets d'autres modifications; & envisagées sous ce point de vûe, elles ont aussi leurs noms comme les substances. Les adjectifs présentent à l'esprit la combinaison des modifications avec leurs sujets: mais en déterminant précisément la modification renfermée dans leur valeur, ils n'indiquent le sujet que d'une maniere vague, qui leur laisse la liberté de s'adapter aux noms de tous les objets susceptibles de la même modification: un grand chapeau, une grande difficulté , &c. Pour rendre sensible par une application décidée, le rapport vague des adjectifs aux noms, on leur a donné dans presque toutes les langues les mêmes formes accidentelles qu'aux noms mêmes, afin de déterminer par la concordance des terminaisons, la corrélation des uns & des autres. Ainsi les adjectifs ont des nombres & des cas comme les noms, & sont comm'eux assujettis à des déclinaisons, dans les langues qui admettent cette maniere d'exprimer les rapports des mots. C'est pour rendre la corrélation des noms & des adjectifs plus palpable encore, qu'on a introduit dans ces langues la concordance des genres , dont les adjectifs prennent les différentes livrées selon l'exigence des conjonctures & l'état des noms au service desquels ils sont assujettis. Les verbes servent aussi, à leur façon, pour présenter à l'esprit la combinaison des modifications avec leurs sujets; ils en expriment avec précision telle ou telle modification; ils n'indiquent pareillement le sujet que d'une maniere vague qui leur laisse aussi la liberté de s'adapter aux noms de tous les objets susceptibles de la même modification: Dieu veut, les rois veulent, nous voulons, vous voulez , &c. En introduisant donc dans les langues l'usage des genres , on a pû revêtir les verbes de terminaisons relatives à cette distinction, afin d'ôter à leur signification l'équivoque d'une application douteuse au sujet auquel elle a rapport: c'est une conséquence que les Orientaux ont sentie & appliquée dans leurs langues, & dont les Grecs, les Latins, & nous-mêmes n'avons fait usage qu'à l'égard des participes, apparemment parce qu'ils rentrent dans l'ordre des adjectifs. C'est donc d'après ces usages constatés, & d'après les observations précédentes, que nous croyons que, par rapport aux noms, les genres ne sont que les différentes classes dans lesquelles on les a rangés assez arbitrairement, pour servir à déterminer le choix des terminaisons des mots qui ont avec eux un rapport d'identité; & dans les mots qui ont avec eux ce rapport d'identité, les genres sont les diverses terminaisons qu'ils prennent dans le discours relativement à la classe des noms leurs corrélatifs. Ainsi parce qu'il a plu à l'usage de la langue latine, que le nom vir fût du genre masculin, que le nom mulier fût du genre féminin, & que le nom carmen fût du genre neutre; il faut que l'adjectif prenne avec le premier la terminaison masculine, vir pius; avec le second, la terminaison féminine, mulier pia; & avec le troisieme, la terminaison neutre, carmen pium: pius, pia, pium , c'est le même mot sous trois terminaisons différentes, parce que c'est la même idée rapportée à des objets dont les noms sont de trois genres différens. Il nous semble que cette distinction des noms & des adjectifs est absolument nécessaire pour bien établir la nature & l'usage des genres: mais cette nécessité ne prouve-t-elle pas que les noms & les adjectifs sont deux especes de mots, deux parties d'oraison réellement différentes? M. l'abbé Fromant, dans son supplément aux ch. ij. iij. & jv. de la II. partie de la Grammaire générale , décide nettement contre M. l'abbé Girard, que faire du substantif & de l'adjectif deux parties d'oraison différentes, ce n'est pas là poser de vrais principes . Ce n'est pas ici le lieu de justifier ce systeme; mais nous ferons observer à M. Fromant, que M. du Marsais lui-même, dont il paroît admettre la doctrine sur les genres , a été contraint, comme nous, de distinguer entre substantif & adjectif, pour poser de vrais principes , au-moins à cet égard. On ne manquera pas de répliquer que les substantifs & les adjectifs étant deux especes différentes de noms, il n'est pas surprenant qu'on distingue les uns des autres; mais que cette distinction ne prouve point que ce soient deux parties d'oraison différentes. « Car, dit M. Fromant, comme tout adjectif uniquement employé pour qualifier, est nécessairement uni à son substantif, pour ne faire avec lui qu'un seul & même sujet du verbe, ou qu'un seul & même régime, soit du verbe soit de la préposition: comme on ne conçoit pas qu'une substance puisse exister dans la nature sans être revêtue d'un mode ou d'une propriété: comme la propriété est ce qui est conçû dans la substance, ce qui ne peut subsister sans elle, ce qui la détermine à être d'une certaine façon, ce qui la fait nommer telle; un grammairien vraiment logicien voit que l'adjectif n'est qu'une même chose avec le substantif; que par conséquent ils ne doivent faire qu'une même partie d'oraison; que le nom est un mot générique qui a sous lui deux sortes de noms, savoir le substantif & l'adjectif ». Un logicien attentif doit voir & avoüer toutes les conséquences de ses principes; mettons donc à l'épreuve la fécondité de celui qu'on avance ici. Tout verbe est nécessairement uni à son sujet, pour ne faire avec lui qu'un seul & même tout; il exprime une propriété que l'on conçoit dans le sujet, qui ne peut subsister sans le sujet, qui détermine le sujet à être d'une certaine façon, & qui le fait nommer tel: un grammairien vraiment logicien doit donc voir que le verbe n'est qu'une même chose avec le sujet . On l'a vû en effet, puisque l'un est toûjours en concordance avec l'autre, & sur le même principe qui fonde la concordance de l'adjectif avec le substantif, le principe même d'identité approuvé par M. Fromant: le verbe & le substantif ne doivent donc faire aussi qu'une même partie d'oraison . Conséquence absurde qui dévoile ou la fausseté ou l'abus du principe d'où elle est déduite; mais elle en est déduite par les mêmes voies que celle à laquelle nous l'opposons, pour détruire, ou du-moins pour contre-balancer l'une par l'autre; ce qui suffit actuellement pour la justification du parti que nous avons pris sur les genres . Nous renverrons à l' article Nom , les éclaircissemens nécessaires à la distinction des noms & des adjectifs. Reprenons notre matiere. C'est à la grammaire particuliere de chaque langue, à faire connoître les terminaisons que le bon usage donne aux adjectifs, relativement aux genres des noms leurs corrélatifs; & c'est de l'habitude constante de parler une langue qu'il faut attendre la connoissance sûre des genres auxquels elle rapporte les noms mêmes. Le plan qui nous est prescrit ne nous permet aucun détail sur ces deux objets. Cependant M. du Marsais a donné de bonnes observations sur les genres des adjectifs. Voyez Adjectif . Nous allons seulement faire quelques remarques générales sur les genres des noms & des pronoms. Parmi les différens noms qui expriment des animaux ou des êtres inanimés, il y en a un très-grand nombre qui sont d'un genre déterminé: entre les noms des animaux, il s'en trouve quelques-uns qui sont du genre commun d'autres qui sont du genre épicene: & parmi les noms des êtres inanimés, quelques-uns sont douteux , & quelques autres hétérogenes . Voilà autant de termes qu'il convient d'expliquer ici pour faciliter l'intelligence des grammaires particulieres où ils sont employés. I. Les noms d'un genre déterminé sont ceux qui sont fixés déterminément & immuablement, ou au genre masculin, comme pater & oculus , ou au genre féminin, comme soror & mensa , ou au genre neutre, comme mare & templum . II. A l'égard des noms d'hommes & d'animaux, la justesse & l'analogie exigeroient que le rapport réel au sexe fût toûjours caractérisé ou par des mots différens, comme en latin aries & ovis , & en françois bélier & brebis; ou par les différentes terminaisons d'un même mot, comme en latin lupus & lupa , & en françois loup & louve . Cependant on trouve dans toutes les langues des noms, qui, sous la même terminaison, expriment tantôt le mâle & tantôt la femelle, & sont en conséquence tantôt du genre masculin, & tantôt du genre féminin: ce sont ceux-là que l'on dit être du genre commun , parce que ce sont des expressions communes aux deux sexes & aux deux genres . Tels sont en latin bos, sus , &c. on trouve bos mactatus & bos nata, sus immundus & sus pigra; tel est en françois le nom enfant , puisqu'on dit en parlant d'un garçon, le bel enfant; & en parlant d'une fille, la belle enfant, ma chere enfant . On voit donc que quand on employe ces noms pour désigner le mâle, l'adjectif corrélatif prend la terminaison masculine; & que quand on indique la femelle, l'adjectif prend la terminaison féminine: mais la précision qu'il semble qu'on ait envisagée dans l'institution des genres n'auroit elle pas été plus grande encore, si on avoit donné aux adjectifs une terminaison relative au genre commun pour les occasions où l'on auroit indiqué l'espece sans attention au sexe, comme quand on dit l' homme est mortel? Il ne s'agit ici ni du mâle ni de la femelle exclusivement, les deux sexes y sont compris. III. Il y a des noms qui sont invariablement du même genre , & qui gardent constamment la même terminaison, quoiqu'on les employe pour exprimer les individus des deux sexes. C'est une autre espece d'irrégularité, opposée encore à la précision qui a donné naissance à la distinction des genres; & cette irrégularité vient apparemment de ce que les caracteres du sexe n'étant pas, ou étant peu sensibles dans plusieurs animaux, on a décidé les genre de leurs noms, ou par un pur caprice, ou par quelque raison de convenance. Tels sont en françois les noms aigle ( a ), renard , qui sont toûjours masculins, & les noms tourterelle, chauve-souris , qui sont toûjours féminins pour les deux sexes. En latin au contraire, & ceci prouve bien l'indépendance & l'empire de l'usage, les noms correspondans aquila & vulpes sont toûjours féminins; turtur & vespertilio sont toûjours masculins. Les Grammairiens disent que ces noms sont du genre épicene , mot grec composé de la préposition ἐπὶ suprà , & du mot κοινὸς , communis: les noms épicenes ont en effet comme les communs, l'invariabilité de la terminaison, & ils ont de plus celle du genre qui est unique pour les deux sexes. Il ne faut donc pas confondre le genre commun & le genre épicene . Les noms du genre commun conviennent au mâle & à la femelle sans changement dans la terminaison; mais on les rapporte ou au genre masculin, ou au genre féminin, selon la signification qu'on leur donne dans l'occurrence: au genre masculin ils expriment le mâle, au genre féminin la femelle; & si on veut marquer l'espece, on les rapporte au masculin, comme au plus noble des deux genres compris dans l'espece. Au contraire les noms du genre épicene ne changent ni de terminaison ni de genre , quelque sens qu'on donne à leur signification; vulpes au féminin signifie & l'espece, & le mâle, & la femelle. IV. Quant aux noms des êtres inanimés, on appelle douteux ceux qui sous la même terminaison se rapportent tantôt à un genre , & tantôt à un autre: dies & finis sont tantôt masculins & tantôt féminins; sal est quelquefois masculin & quelquefois neutre. Nous avons également des noms douteux dans notre langue, comme bronze, garde, duché, équivoque , &c. Ce n'étoit pas l'intention du premier usage de répandre des doutes sur le genre de ces mots, quand il les a rapportés à différens genres; ceux qui sont effectivement douteux aujourd'hui, & que l'on peut librement rapporter à un genre ou à un autre, ne sont dans ce cas que parce qu'on ignore les causes qui ont occasionné ce doute, ou qu'on a perdu de vûe les idées accessoires qui originairement avoient été attachées au choix du genre . L'usage primitif n'introduit rien d'inutile dans les langues; & de même qu'il y a lieu de présumer qu'il n'a autorisé aucuns mots exactement synonymes, on peut conjecturer qu'aucun n'est d'un genre absolument douteux , ou que l'origine doit en être attribuée à quelque mal-entendu. En latin, par exemple, dies avoit deux sens différens dans les deux genres: au féminin il signifioit un tems indéfini; & au masculin, un tems déterminé, un jour . Asconius s'en explique ainsi: Dies feminino genere, tempus, & ideò diminutivè diecula dicitur breve tempus & mora: dies horarum duodecim generis masculini est, unde hodie dicimus, quasi hoc die. En effet les composés de dies pris dans ce dernier sens, sont tous masculins, meridies, sesquidies , &c. & c'est dans le premier sens que Juvenal a dit, longa dies igitur quid contulit? c'est-à-dire longum tempus; & Virg. (xj. AEneid. ) Multa dies, variusque labor mutabilis aevi rettulit in melius . La méthode de Port-Royal remarque que l'on confond quelquefois ces différences; & cela peut être vrai: mais nous devons observer en premier lieu, que cette confusion est un abus si l'usage constant de la langue ne l'autorise: en second lieu, que les Poëtes sacrifient quelquefois la justesse à la commodité d'une licence, ce qui amene insensiblement l'oubli des premieres vûes qu'on s'étoit proposées dans l'origine: en troisieme lieu, que les meilleurs ( a ) On dit cependant l'aigle romaine , mais a'ors il n'est pas question de l'animal; il s'agit d'une enseigne, & peut-être y a-t-il ellipse; l'aigle romaine , au lieu de laigle enseigne romaine . écrivains ont égard autant qu'ils peuvent à ces distinctions délicates si propres à enrichir une langue & à en caractériser le génie: enfin que malgré leur attention, il peut quelquefois leur échapper des fautes, qui avec le tems font autorité, à cause du mérite personnel de ceux à qui elles sont échappées. Finis au masculin exprime les extrémités, les bornes d'une chose étendue; redeuntes inde Ligurum extremo fine (Tite-Liv. lib. XXXIII. ) Au féminin il désigne cessation d'être; hoec finis Priami fatorum . (Virg. AEneid. ij. ) Sal au neutre est dans le sens propre, & au masculin il ne se prend guere que dans un sens figuré. On trouve dans l'Eunuque de Térence, qui habet salem qui in te est; & Donat fait là-dessus la remarque suivante: sal neutraliter, condimentum; masculinum, pro sapientia . En françois, bronze au masculin signifie un ouvrage de l'art , & au féminin il en exprime la matiere. On dit la garde du roi , en parlant de la totalité de ceux qui sont actuellement postés pour garder sa personne, & un garde du roi , en parlant d'un militaire aggrégé à cette troupe particuliere de sa maison, qui prend son nom de cette honorable commission. Duché & Comté n'ont pas des différences si marquées ni si certaines dans les deux genres; mais il est vraissemblable qu'ils les ont eues, & peut-être au masculin exprimoient-ils le titre, & au féminin, la terre qui en étoit décorée. Qui peut ignorer parmi nous que le mot équivoque est douteux , & qui ne connoît ces vers de Despréaux? Du langage françois bisarre hermaphrodite, De quel genre te faire équivoque maudite, Ou maudit? car sans peine aux rimeurs hazardeux, L'usage encor, je crois, laisse le choix des deux . Ces vers de Boileau rappellent le souvenir d'une note qui se trouve dans les éditions posthumes de ses oeuvres, sur le vers 91. du quatrieme chant de l'art poétique: que votre ame & vos moeurs peintes dans vos ouvrages , &c. & cette note est très-propre à confirmer une observation que nous avons faite plus haut: on remarque donc que dans toutes les éditions l'auteur avoit mis peints dans tous vos ouvrages , attribuant à moeurs le genre masculin; & que quand on lui fit appercevoir cette faute, il en convint sur le champ, & s'étonna fort qu'elle eût échappé pendant si long-tems à la critique de ses amis & de ses ennemis. Cette faute qui avoit subsisté tant d'années sans être apperçue, pouvoit l'être encore plûtard, & lorsqu'il n'auroit plus été tems de la corriger; la juste célébrité de Boileau auroit pû en imposer ensuite à quelque jeune écrivain qui l'auroit copié, pour l'être ensuite lui-même par quelque autre, s'il avoit acquis un certain poids dans la Littérature: & voilà moeurs d'un genre douteux , à l'occasion d'une faute contre laquelle il n'y auroit eu d'abord aucune réclamation, parce qu'on ne l'auroit pas apperçue à tems. V. La derniere classe des noms irréguliers dans le genre , est celle des hétérogenes . R. R. ἕτερος , autre , & γένος , genre . Ce sont en effet ceux qui sont d'un genre au singulier, & d'un autre au pluriel. En latin, les uns sont masculins au singulier, & neutres au pluriel, comme sibilus, tartarus , plur. sibila, tartara: les autres au contraire neutres au singulier, sont masculins au pluriel, comme coelum, elysium , plur. coeli, elysii . Ceux-ci féminins au singulier sont neutres au pluriel, carbasus, supellex; plur. carbasa, suppellectilia: ceux-là neutres au singulier, sont féminins au pluriel; delicium, epulum; plur. deliciae, epulae . Enfin quelques-uns masculins au singulier, sont masculins & neutres au pluriel, ce qui les rend tout-à - la-fois hétérogenes & douteux; jocus, locus , plur. joci & joca, loci & loca: quelques autres au contraire neutres au singulier, sont au pluriel neutres & masculins; fraenum, rastrum; plur. fraena & fraeni, rastra & rastri . Balnaeum neutre au singulier, est au pluriel neutre & feminin; balnea & balneae . Cette sorte d'irrégularité vient de ce que ces noms ont eu autrefois au singulier deux terminaisons différentes, relatives sans doute à deux genres , & vraisemblablement avec différentes idées accessoires dont la memoire s'est insensiblement perdue; ainsi nous connoissons encore la différence des noms féminins, malus pommier, prunus prunier, & des noms neutres malum pomme, prunum prune; mais nous n'avons que des conjectures sur les différences des mots acinus & acinum, baculus & baculum . Il etoit naturel que les pronoms avec une signification vague & propre à remplacer celle de tout autre nom, ne fussent attachés à aucun genre détermine, mais qu'ils se rapportassent à celui du nom qu'ils représentent dans le discours; & c'est ce qui est arrivé: ego en latin, je en françois, sont masculins dans la bouche d'un homme, & féminins dans celle d'une femme: ille ego qui quondam , &c. ast ego qu ae divûm incedo regina , &c. je suis certain, je suis certaine . L'usage en a déterminé quelques-uns par des formes exclusivement propres à un genre distinct: ille, a, ud; il, elle . « Ce est souvent substantif, dit M. du Marsais, c'est le hoc des latins; alors, quoi qu'en disent les grammairiens, ce est du genre neutre: car on ne peut pas dire qu'il soit masculin ni qu'il soit féminin ». Ce neutre en françois! qu'est ce donc que les genres? Nous croyons avoir suffisamment établi la notion que nous en avons donnée plus haut; & il en résulte très-clairement que la langue françoise n'ayant accordé à ses adjectifs que deux terminaisons relatives à la distinction des genres , elle n'en admet en effet que deux, qui sont le masculin & le féminin; un bon citoyen, une bonne mere . Ce doit donc appartenir à l'un de ces deux genres; & il est effectivement masculin, puisqu'or donne la terminaison masculine aux adjectifs corrélatifs de ce , comme ce que j'avance est certain . Quelles pouvoient donc être les vûes de notre illustre auteur, quand il prétendoit qu'on ne pouvoit pas dire de ce , qu'il fût masculin ni qu'il fût féminin? Si c'est parce que c'est le hoc des Latins, comme il semble l'insinuer; disons donc aussi que temple est neutre, comme templum , que montagne est masculin comme mons . L'influence de la langue latine sur la nôtre, doit être la même dans tous les cas pareils, ou plûtôt elle est absolument nulle dans celui-ci. Nous osons espérer qu'on pardonnera à notre amour pour la vérité cette observation critique, & toutes les autres que nous pourrons avoir occasion de faire par la suite, sur les articles de l'habile grammairien qui nous a précédé: cette liberté est nécessaire à la perfection de cet ouvrage. Au surplus c'est rendre une espece d'hommage aux grands hommes que de critiquer leurs écrits: si la critique est mal fondée, elle ne leur sait aucun tort aux yeux du public qui en juge; elle ne sert même qu'à mettre le vrai dans un plus grand jour: si elle est solide, elle empêche la contagion de l'exemple, qui est d'autant plus dangereux, que les auteurs qui le donnent ont plus de mérite & de poids; mais dans l'un & dans l'autre cas, c'est un aveu de l'estime que l'on a bour eux; il n'y a que les écrivains médiocres qui puissent errer sans conséquence. Nous terminerions ici notre article des genres , si une remarque de M. Duclos, sur le chap. v. de la ij. partie de la Grammaire générale , n'exigeoit encore de nous quelques réflexions. « L'institution ou la distinction des genres , dit cet illustre académicien, est une chose purement arbitraire, qui n'est nullement fondée en raison, qui ne paroit pas avoir le moindre avantage, & qui a beaucoup d'inconvéniens ». Il nous semble que cette décision peut recevoir à certains égards quelques modifications. Les genres ne paroissent avoir été institués que pour rendre plus sensible la corrélation des noms & des adjectifs; & quand il seroit vrai que la concordance des nombres & celle des cas, dans les langues qui en admettent, auroient suffi pour caractériser nettement ce rapport, l'esprit ne peut qu'être satisfait de rencontrer dans la peinture des pensées un coup de pinceau qui lui donne pius de fidélité, qui la détermine plus sûrement, en un mot, qui éloigne plus infailliblement l'équivoque. Cet accessoire étoit peut-être plus nécessaire encore dans les langues où la construction n'est assujettie à aucune loi méchanique, & que M. l'abbé Girard nomme transpositives . La corrélation de deux mots souvent très-éloignés, seroit quelquefois difficilement apperçue sans la concordance des genres , qui y produit d'ailleurs, pour la satisfaction de l'oreille, une grande variété dans les sons & dans la quantité des syllabes. Voyez Quantité . Il peut donc y avoir quelqu'exagération à dire que l'institution des genres n'est nullement fondée en raison, & qu'elle ne paroît pas avoir le moindre avantage; elle est fondée sur l'intention de produire les effets mêmes qui en sont la suite. Mais, dit-on, les Grecs & les Latins avoient trois genres; nous n'en avons que deux, & les Anglois n'en ont point: c'est donc une chose purement arbitraire. Il faut en convenir; mais quelle conséquence ultérieure tirera t-on de celle-ci? Dans les langues qui admettent des cas, il faudra raisonner de la même maniere contre leur institution, elle est aussi arbitraire que celle des genres: les Arabes n'ont que trois cas. les Allemands en ont quatre, les Grecs en ont cinq, les Latins six, & les Arméniens jusqu'à dix, tandis que les langues moderne, du midi de l'Europe n'en ont point. On repliquera peut-être que si nous n'avons point de cas, nous en remplaçons le service par celui des prépositions ( voyez Cas & Préposition ), & par l'ordonnance respective des mots ( voyez Construction & Régime ), mais on peut appliquer la même observation au service des genres , que les Anglois remplacent par la position, parce qu'il est indispensable de marquer la relation de l'adjectif au nom. Il ne reste plus qu'à objecter que de toutes les manieres d'indiquer la relation de l'adjectif au nom, la maniere angloise est du moins la meilleure; elle n'a l'embarras d'aucune terminaison: ni genres , ni nombres, ni cas, ne viennent arrêter par des difficultés factices, les progrès des étrangers qui veulent apprendre cette langue, ou même tendre des piéges aux nationaux, pour qui ces variétés arbitraires sont des occasions continuelles de fautes. Il faut avouer qu'il y a bien de la vérité dans cette remarque, & qu'à parler en général, une langue débarrassée de toutes les inflexions qui ne marquent que des rapports, seroit plus facile à apprendre que toute autre qui a adopté cette maniere; mais il faut avouer aussi que les langues n'ont point été instituées pour être apprises par les étrangers, mais pour être parlées dans la nation qui en fait usage; que les fautes des étrangers ne peuvent rien prouver contre une langue, & que les erreurs des naturels sont encore dans le même cas, parce qu'elles ne sont qu'une suite ou d'un défaut d'éducation, ou d'un défaut d'attention: enfin, que reprocher à une langue un procédé qui lui est particulier, c'est reprocher à la nation son génie, sa tournure d'idées, sa maniere de concevoir, les circonstances où elle s'est trouvée involontairement dans les différens tems de sa durée; toutes causes qui ont sur le langage une influence irrésistible. D'ailleurs les vices qui paroissent tenir à l'institution même des genres , ne viennent souvent que d'un emploi mal-entendu de cette institution. « En féminisant nos adjectifs, nous augmentons encore le nombre de nos e muets ». C'est une pure maladresse. Ne pouvoit-on pas choisir un tout autre caractere? Ne pouvoit-on pas rappeller les terminaisons des adjectifs masculins à certaines classes, & varier autant les terminaisons féminines? Il est vrai que ces précautions, en corrigeant un vice, en laisseroient toûjours subsister un autre; c'est la difficulté de reconnoître le genre de chaque nom, parce que la distribution qui en a été faite est trop arbitraire pour être retenue par le raisonnement, & que c'est une affaire de pure mémoire. Mais ce n'est encore ici qu'une mal-adresse indépendante de la nature intrinseque de l'institution des genres . Tous les objets de nos pensées peuvent se réduire à différentes classes: il y a les objets réels & les abstraits; les corporels & les spirituels; les animaux, les végétaux, & les minéraux; les naturels & les artificiels, &c. Il n'y avoit qu'à distinguer les noms de la même maniere, & donner à leurs corrélatifs des terminaisons adaptées à ces distinctions vraiment raisonnées; les esprits éclairés auroient aisément saisi ces points de vûe; & le peuple n'en auroit été embarrassé, que parce qu'il est peuple, & que tout est pour lui affaire de mémoire. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=Formey Normalized Classification=Métaphysique Part of Speech=s.m. Genre Genre , s. m. ( Métaph. ) notion universelle qui se forme par l'abstraction des qualités qui sont les mêmes dans certaines especes, tout comme l'idée de l'espece se forme par l'abstraction des choses qui se trouvent semblables dans les individus. Toutes les especes de triangle se ressemblent en ce qu'elles sont composées de trois lignes qui forment trois angles; ces deux qualités, figure de trois lignes & de trois angles , suffisent donc pour former la notion générique du triangle. Les chevaux, les boeufs, les chiens, &c. se ressemblent par les quatre piés: voilà le genre des quadrupedes qui exprime toutes ces especes. Le genre le plus bas est celui qui ne contient sous lui que des especes, au lieu que les genres supérieurs se subdivisent en de nouveaux genres . Le chien, par exemple, se partage en plusieurs especes, épagneuls, lévriers, &c. mais comme ces especes n'ont plus que des individus sous elles, si l'on veut regarder l'idée du chien comme un genre , c'est le plus bas de tous; au lieu que le quadrupede est un genre supérieur, dont les especes en contiennent encore d'autres, comme l'exemple du chien vient d'en fournir la preuve. La méthode de former la notion de ces deux sortes de genre est toûjours la même, & l'on continue à réunir les qualités communes à certains genres jusqu'à ce qu'on soit arrivé au genre suprème, à l'être; ces qualités s'appellent déterminations génériques . Leur nombre s'accroit à mesure que le genre devient moins étendu; il diminue lorsque le genre s'éleve: ainsi la notion d'un genre inférieur est toûjours composée de celle du genre supérieur, & des déterminations qui sont propres à ce genre subalterne. Qui dit un triangle équilatéral désigne un genre inférieur ou une espece, & il exprime la notion du genre supérieur , c. à. d. du triangle; & ensuite la nouvelle détermination qui caractérise le triangle équilateral; c'est la raison d'égalité qui se trouve entre les trois côtés. Les genres & les especes se déterminent par les qualités essentielles. Si l'on y faisoit entrer les modes qui sont changeans, ces notions universelles ne seroient pas fixes, & ne pourroient être appliquées avec succès; mais comme il n'est pas toûjours possible de saisir les qualités essentielles, on a recours en physique & dans les choses de fait aux qualités qui paroissent les plus constantes aux possibilités des modes, à l'ordre & à la figure des parties; en un mot à tout ce qui peut caracteriser les objets qu'on se propose de réduire en certaines classes. La possibilité des genres & des especes se découvre en faisant attention à la production ou génération des choses qui sont comprises sous ces genres ou especes; dans les êtres composés les qualités des parties & la maniere dont elles sont liées servent à déterminer les genres & les especes. Art. de M. Formey . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=NA Genre Genre , en Géometrie: les lignes géometriques sont distinguées en genres ou ordres, selon le degré de l'équation qui exprime le rapport qu'il y a entre les ordonnées & les abscisses. Voyez Courbe & Géométrique . Les lignes du second ordre ou sections coniques sont appellées courbes du premier genre , les lignes du troisieme ordre courbes du second genre , & ainsi des autres. Le mot genre s'employe aussi quelquefois en parlant des équations & des quantités différentielles; ainsi quelques-uns appellent équations du second, du troisieme genre , &c. ce qu'on appelle aujourd'hui plus ordinairement équations du second, du troisieme degré, &c. Voyez Degré & Equation . Et on appelle aussi quelquefois différentielles du second, du troisieme genre , &c. ce qu'on appelle plus communément différentielles du second, du troisieme ordre. Voyez Différentiel . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA Genre Genre , en Hist. nat. Lorsque l'on fait des distributions méthodiques des productions de la nature, on désigne par le mot genre les ressemblances qui se trouvent entre des objets de différentes especes; par exemple, le cheval, l'âne & le zébre qui sont des animaux de trois différentes especes, se rapportent à un même genre , parce qu'ils se ressemblent plus les uns aux autres qu'aux animaux d'aucune autre espece; ce genre est appellé le genre de solipedes , parce que les animaux qu'il comprend n'ont qu'un seul doigt à chaque pié: ceux au contraire qui ont le pié divisé en deux parties, comme le taureau, le bélier, le bouc, &c. sont d'un autre genre , appellé le genre des animaux à pié fourchu , parce qu'ils ont plus de rapport les uns avec les autres qu'avec les animaux solipedes, ou avec les fissipedes qui ont plus de deux doigts à chaque pié, & que l'on rassemble sous un troisieme genre: de la même façon que l'on établit des genres en réunissant des especes, on fait des classes en réunissant des genres . Les animaux solipedes, les animaux à pié fourchu & les fissipedes sont tous compris dans la classe des quadrupedes, parce qu'ils ont plus de ressemblances les uns avec les autres qu'avec les oiseaux ou les poissons qui forment deux autres classes. Voyez Classe , Espece , Méthode . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Genre Genre , en Anatomie . Le genre nerveux , est une expression assez fréquente dans nos auteurs, & signifie les nerfs considérés comme un assemblage ou système de parties similaires distribuées par tout le corps. Voyez Nerf . Le tabac contient beaucoup de sel piquant, caustique & propre à irriter le genre nerveux; le vinaigre pris en trop grande quantité incommode le genre nerveux. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre de Style Author=Voltaire Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA Genre de Style Genre de Style , ( Littérat. ) Comme le genre d'exécution que doit employer tout artiste dépend de l'objet qu'il traite; comme le genre du Poussin n'est point celui de Teniers, ni l'architecture d'un temple celle d'une maison commune, ni la musique d'un opéra tragédie celle d'un opéra bouffon: aussi chaque genre d'écrire a son style propre en prose & en vers. On sait assez que le style de l'histoire n'est point celui d'une oraison funebre; qu'une dépêche d'ambassadeur ne doit point être écrite comme un sermon; que la comédie ne doit point se servir des tours hardis de l'ode, des expressions pathétiques de la tragédie, ni des métaphores & des comparaisons de l'épopée. Chaque genre a ses nuances différentes; on peut au fond les réduire à deux, le simple & le relevé. Ces deux genres qui en embrassent tant d'autres ont des beautés nécessaires qui leur sont également communes; ces beautés sont la justesse des idées, leur convenance, l'élégance, la propriété des expressions, la pureté du langage; tout écrit, de quelque nature qu'il soit, exige ces qualités. Les différences consistent dans les idées propres à chaque sujet, dans les figures, dans les tropes; ainsi un personnage de comédie n'aura ni idées sublimes ni idées philosophiques, un berger n'aura point les idées d'un conquérant, une épitre didactique ne respirera point la passion; & dans aucun de ces écrits on n'employera ni métaphores hardies, ni exclamations pathétiques, ni expressions véhémentes. Entre le simple & le sublime il y a plusieurs nuances; & c'est l'art de les assortir qui contribue à la perfection de l'éloquence & de la poésie: c'est par cet art que Virgile s'est élevé quelquefois dans l'églogue; ce vers Ut vidi! ut perii! ut me malus abstulit error! seroit aussi beau dans la bouche de Didon que dans celle d'un berger; parce qu'il est naturel, vrai & élégant, & que le sentiment qu'il renferme convient à toutes sortes d'états. Mais ce vers Custaneaeque nuces mea quas Amarillis amabat . ne conviendroit pas à un personnage héroïque, parce qu'il a pour objet une chose trop petite pour un héros. Nous n'entendons point par petit ce qui est bas & grossier; car le bas & le grossier n'est point un genre , c'est un défaut. Ces deux exemples font voir évidemment dans quel cas on doit se permettre le mélange des styles, & quand on doit se le défendre. La tragédie peut s'abaisser, elle le doit mème; la simplicité releve souvent la grandeur selon le précepte d'Horace. Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri . Ainsi ces deux beaux vers de Titus si naturels & si tendres, Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois, Et crois toûjours la voir pour la premiere fois . ne seroient point du tout déplacés dans le haut comique. Mais ce vers d'Antiochus Dans i'orient desert quel devint mon ennui! ne pourroit convenir à un amant dans une comédie, parce que cette belle expression figurée dans l'orient desert , est d'un genre trop relevé pour la simplicité des brodequins. Le défaut le plus condamnable & le plus ordinaire dans le mélange des styles, est celui de défigurer les sujets les plus sérieux en croyant les égayer par les plaisanteries de la conversation familiere. Nous avons remarqué déjà au mot Esprit , qu'un auteur qui a écrit sur la Physique, & qui prétend qu'il y a eu un Hercule physicien, ajoûte qu'on ne pouvoit résister à un philosophe de cette force. Un autre qui vient d'écrire un petit livre (lequel il suppose être physique & moral) contre l'utilité de l'inoculation, dit que si on met en usage la petite vérole artificielle, la mort sera bien attrapée . Ce défaut vient d'une affectation ridicule; il en est un autre qui n'est que l'effet de la négligence, c'est de mêler au style simple & noble qu'exige l'histoire, ces termes populaires, ces expressions triviales que la bienséance réprouve. On trouve trop souvent dans Mezeray, & même dans Daniel qui ayant écrit long-tems après lui, devroit être plus correct; qu'un général sur ces entrefaites se mit aux trousses de l'ennemi, qu'il suivit sa pointe, qu'il le battit à plate couture . On ne voit point de pareilles bassesses de style dans Tite-Live, dans Tacite, dans Guichardin, dans Clarendon. Remarquons ici qu'un auteur qui s'est fait un genre de style, peut rarement le changer quand il change d'objet. La Fontaine dans ses opéra employe ce même genre qui lui est si naturel dans ses contes & dans ses fables. Benserade mit dans sa traduction des métamorphoses d'Ovide, le genre de plaisanterie qui l'avoit fait réussir à la cour dans des madrigaux. La perfection consisteroit à savoir assortir toûjours son style à la matiere qu'on traite; mais qui peut être le maître de son habitude, & ployer à son gré son génie? Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=Mallet Normalized Classification=Rhétorique Part of Speech=NA Genre Genre , en Rhétorique , nom que les rhéteurs donnent aux classes générales auxquelles on peut rapporter toutes les différentes especes de discours; ils distinguent trois genres , le démonstratif, le délibératif, & le judiciaire. Le genre démonstratif a pour objet la loüange ou le blâme, ou les sujets purement oratoires; il renferme les panégyriques, les discours académiques, &c. Voyez Démonstratif . Le délibératif comprend la persuasion & la dissuasion. Il a lieu dans les causes qui regardent les affaires publiques, comme les philippiques de Démosthene, &c. Voy . Délibératif . Le judiciaire roule sur l'accusation ou la demande & la défense. Voyez Judiciaire . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=Rousseau|d'Alembert Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA Genre Genre , en Musique . On appelloit genres dans la musique des Grecs, la maniere de partager le tétracorde ou l'étendue de la quarte, c'est-à-dire la maniere d'accorder les quatre cordes qui la composoient. La bonne constitution de cet accord, c'est-à-dire l'établissement d'un genre régulier, dépendoit des trois regles suivantes que je tire d'Aristoxene; la premiere étoit que les deux cordes extrèmes du tétracorde devoient toûjours rester immobiles, afin que leur intervalle fût toûjours celui d'une quarte juste ou du diatessaron. Quant aux deux cordes moyennes, elles varioient à la vérité; mais l'intervalle du lichanos à la mése (voyez ces mots ) ne devoit jamais passer deux tons, ni diminuer au-delà d'un ton; de sorte qu'on avoit précisément l'espace d'un ton pour varier l'accord de lichanos, & c'est la seconde regle. La troisieme étoit que l'intervalle de la parhypate ou seconde corde à l'hypate, ne passât jamais celui de la même parhypate au lichanos. Comme en général cet accord pouvoit se diversifier de trois façons, cela constituoit trois principaux genres , qui étoient le diatonique, le chromatique & l'enharmonique; & ces deux derniers genres où les deux premiers intervalles du tétracorde faisoient toûjours ensemble une somme moindre que le troisieme intervalle, s'appelloient à cause de cela genres épais ou denses. Voyez Epais . Dans e diatonique la modulation précédoit par un semi-ton, un ton & un autre ton, mi, fa, sol, la; & comme les tons y dominoient, de-là lui venoit son nom. Le chromatique procédoit par deux semi-tons consécutifs, & une tierce mineure ou un ton & demi, mi, fa, fa diése, la . Cette modulation tenoit le milieu entre celles du diatonique & de l'enharmonique, y faisant pour ainsi dire sentir diverses nuances de sons, de même qu'entre deux couleurs principales on introduit plusieurs nuances intermédiaires; & de-là vient qu'on appelloit ce genre chromatique ou coloré . Dans l'enharmonique la modulation procédoit par quart de ton, en divisant, selon la doctrine d'Aristoxene, le semi-ton majeur en deux parties égales, & un diton ou tierce majeure, comme mi, mi dièse enharmonique, fa & la; ou bien, selon les Pythagoriciens, en divisant le semi-ton majeur en deux intervalles inégaux qui formoient, l'un le sémi-ton mineur, c'est-à-dire notre dièse ordinaire, & l'autre le complément de ce même sémi-ton mineur au sémi-ton majeur; & ensuite le diton comme ci-devant, mi mi dièse ordinaire, fa, la. Dans le premier cas les deux intervalles égaux du mi au fa , étoient tous deux enharmoniques ou d'un quart de ton; dans le second cas il n'y avoit d'enharmonique que le passage du mi dièse au fa , c'est-à-dire, la différence du sémi-ton mineur au sémi-ton majeur, laquelle est le dièse pythagorique dont le rapport est de 125 à 128. Voyez Dièse . Cette derniere division enharmonique du tétracorde, dont nul auteur moderne n'a fait mention, semble confirmée par Euclide même, quoique Aristoxenien; car dans son diagramme général des trois genres , il insere bien pour chaque genre un lichanos particulier, mais la parhypate y est la même pour tous les trois; ce qui ne peut se faire que dans le système des Pythagoriciens: comme donc cette modulation, dit M. Burette, se tenoit d'abord très-serrée, ne parcourant que de petits intervalles, des intervalles presqu'insensibles; on la nommoit enharmonique , comme qui diroit bien jointe, bien assemblée, probè coagmentata . Outre ces genres principaux, il y en avoit d'autres qui résultoient tous des divers partages du tétracorde, ou des façons de l'accorder différentes de celles dont on vient de parler. Aristoxene subdivise le genre chromatique en mol, hémiéolien & tonique; & le genre diatonique en syntonique & diatonique mol, dont il donne toutes les différences. Aristide-Quintilien fait mention de plusieurs autres genres particuliers, & il en compte six qu'il donne pour très-anciens; savoir, le lydien, le dorien, le phrygien, l'ionien, le mixolydien & le syntonolydien Ces six genres qu'il ne faut pas confondre avec les tons ou modes de même nom, différoient en étendue; les uns n'arrivoient pas à l'octave, les autres la remplissoient, les autres excédoient: on en peut voir le détail dans le musicien grec. Nous avons comme les anciens le genre diatonique, le chromatique & l'enharmonique, mais sans aucunes subdivisions; & nous considérons ces genres sous des idées fort différentes de celles qu'ils en avoient. C'étoit pour eux autant de manieres particulieres de conduire le chant sur certaines cordes prescrites; pour nous ce sont autant de manieres de conduire le corps entier de l'harmonie, qui forcent les parties à marcher par les intervalles prescrits par ces genres; de sorte que le genre appartient encore plus à l'harmonie qui l'engendre, qu'à la mélodie qui le fait sentir. Il faut encore remarquer que dans notre musique les genres sont presque toûjours mixtes; c. à. d. que le diatonique entre pour beaucoup dans le chromatique, & que l'un & l'autre sont nécessairement mêlés à l'enharmonique. Tout cela vient encore des regles de l'harmonie, qui ne pourroient souffrir une continuelle succession enharmonique ou chromatique, & aussi de celles de la mélodie qui n'en sauroit tirer de beaux chants; il n'en étoit pas de même des genres des anciens. Comme les tétracordes étoient également complets, quoique divisés différemment dans chacun des trois systèmes, si un genre eût pû emprunter de l'autre d'autres sons que ceux qui se trouvoient nécessairement communs entr'eux, le tétracorde auroit eu plus de quatre cordes, & toutes les regles de leur musique auroient été confondues. Voyez Diatonique , Chromatique , Enharmonique . ( S ) Il est donc aisé de voir qu'il y avoit dans le système de musique des Grecs des cordes communes à tous les genres , & d'autres qui changeoient d'un genre à l'autre; par exemple, dans le premier tétracorde si, ut, re, mi , les cordes si & mi se trouvoient dans tous les genres , & les cordes ut & re changeoient. Les communes à tous les systèmes s'appelloient cordes stabies & immobiles , les autres se nommoient cordes mobiles: de sorte que si l'on traitoit séparément les trois genres sur des instrumens à cordes, il n'y avoit autre chose à faire que de changer le degré de tension de chaque corde mobile; au lieu que quand on exécutoit sur le même instrument un air composé dans deux de ces genres à la fois ou dans tous les trois, il falloit multiplier les cordes selon le besoin qu'on en avoit pour chaque genre. Voyez les mém. de M. Burette dans le recueil de l'académie des Belles-Lettres . Il est possible de trouver la basse fondamentale dans le genre chromatique des Grecs; ainsi mi, fa, fa #, la , a ou peut avoir pour basse ut, sa, re, la . Mais il n'en est pas de même dans le genre enharmonique; car ce chant, mi, mi dièse enharmonique, fa , n'a point de basse fondamentale naturelle, comme M. Rameau l'a remarqué. Voyez Enharmonique . Aussi ce grand musicien paroît rejetter le système enharmonique des Grecs, comme le croyant contraire à ses principes. Pour nous, nous nous contenterons d'observer, 1°. que ce genre n'étoit vraissemblablement employé qu'à une expression extraordinaire & détournée, & que cette singularité d'expression lui venoit sans doute de ce qu'il n'avoit point de basse fondamentale naturelle; ce qui paroît appuyer le système de M. Rameau, bien loin de l'infirmer. 2°. Qu'il n'est guere permis de douter, d'après les livres anciens qui nous restent, que les Grecs n'eussent en effet ce genre; peut-être n'étoit-il pratiqué que par les instrumens, sur lesquels il est évidemment pratiquable, quoique très difficile: aussi étoit-il abandonné dès le tems de Plutarque. Ce genre pouvoit produire sur les Grecs, eu égard à la sensibilité de leur oreille, plus d'effet qu'il n'en produiroit sur nous, qui tenons de notre climat ces organes moins délicats. M. Rameau, il est vrai, 2 prétendu depuis peu qu'une nation n'est pas plus favorisée qu'une autre du côté de l'oreille; mais l'expérience ne prouve-t-elle pas le contraire? & sans sortir de notre pays, n'y a-t-il pas une différence marquée à cet égard entre les françois des provinces méridionales, & ceux qui sont plus vers le Nord? On a vû au mot Enharmonique , en quoi consiste ou peut consister ce genre dans notre musique moderne. Il y en a proprement ou il peut y en avoir de trois sortes; l' enharmonique simple, qui est produit par le seul renversement de l'accord de septieme diminuée dans les modes mineurs, & dans lequel, sans entendre le quart de ton, on sent son effet. Ce genre est évidemment possible, soit pour les instrumens, soit même pour les voix, puisqu'il existe sans qu'on soit obligé de faire les quarts de ton; c'est à l'oreille à juger si son effet est agréable, ou du-moins assez supportable pour n'être pas tout-à-fait rejetté, quoiqu'il doive d'ailleurs être employé rarement & sobrement. Le second genre est le diatonique enharmonique , dans lequel le quart de ton a lieu réellement, puisque tous les semi-tons y sont majeurs; & le troisieme est le chromatique-enharmonique , dans lequel le quart de ton a également lieu, puisque les semi-tons y sont tous mineurs. Ce dernier genre , possible ou non, n'a jamais été exécuté: M. Rameau assûre que le diatonique-enharmonique peut l'être, & même l'a été par de bons musiciens; mais M. le Vens, maître de musique de la métropole de Bordeaux, doute de ce fait dans un ouvrage publié en 1743. « Il est vrai, dit-il, qu'une des parties de symphonie frappe le la b dans le tems que la haute-contre frappe le sol ⨳, & ensuite fa avec mi ⨳. Si c'est-là en quoi consiste le genre enharmonique, il est très aise d'en donner, & toute la musique le deviendra, si l'on veut, puisque tout consistera dans la maniere de la copier. On me dira peut-être que réellement il y a un quart de ton de sol ⨳ à la ♭, & de sa à mi ⨳: j'y consens; mais qu'en résulte-t-il, si les deux partis disent la même chose, à la faveur du tempérament qui a rapproché ces deux notes de si près, qu'elles ne sont plus qu'un seul & même son; & si l'intervalle du quart de ton existoit réellement, il n'y a point d'oreille assez forte pour résister au tiraillement qu'elle souffriroit dans cet instant »? Qu'opposer à ce raisonnement? l'expérience contraire que M. Rameau assure avoir faite, & sur laquelle c'est aux connoisseurs à décider. L'enharmonique du premier genre , où le quart de ton n'a point lieu, & où il se fait pour ainsi dire sentir sans être entendu, a été employé par M. Rameau avec succès dans le premier monologue du quatrieme acte de Dardanus; & nous croyons que le mélange de ce genre avec le diatonique & le chromatique, aideroit beaucoup à l'expression, sur-tout dans les morceaux où il faudroit peindre quelque violente agitation de l'ame. Quel effet, par exemple, le genre enharmonique sobrement ménagé & mélé de chromatique, n'eût-il pas produit dans le fameux monologue d'Armide, où le poete est si grand & le musicien si foible; où le coeur d'Armide fait tant de chemin, tandis que Lulli tourne froidement autour de la même modulation, sans s'écarter des routes les plus communes & les plus élémentaires? Aussi ce monologue est-il tout-à-la-fois une très-bonne leçon de composition pour les commençans, & un.très mauvais modele pour les hommes de génie & de goût. M. Rameau, il est vrai, a entrepris de la défendre contre les coups qui lui ont été portés: . . . . . . . Si Pergama dextrâ Defendi possent, etiam hâc defensa fuissent . Mais en changeant, comme il l'a fait, la basse de Lulli en divers endroits, pour répondre aux plus fortes objections de M. Rousseau, en supposant dans cette basse mille choses sousentendues qui ne devroient pas l'être, & auxquelles Lulli n'a jamais pensé, il n'a fait que montrer combien les objections étoient solides. D'ailleurs, en se bornant à quelques changemens dans la basse de Lulli, croit-on avoir rechauffé ou pallié la froideur du monologue? Nous en appellons au propre témoignage de son célebre défenseur. Eût-il fait ainsi chanter Armide? eût-il fait marcher la basse d'une maniere si pédestre & si triviale? Qu'il compare ce monologue avec la scene du second acte de Dardanus, & il sentira la différence. Les beautés de Lulli sont à lui, ses fautes viennent de l'état d'enfance où la musique étoit de son tems; excusons ces fautes, mais avoüons-les. La scene de Dardanus, que nous venons de citer, vient ici d'autant plus à-propos, qu'elle nous fournit un exemple du genre chromatique employé dans le chant & dans la basse: nous voulons parler de cet endroit, Et s'il étoit un coeur trop foible, trop sensible, Dans de funestes noeuds malgré lui retenu, Pourriez vous? &c. Le chant y procede en montant par semi-tons, ce qui amene nécessairement le demi-ton mineur dans la mélodie, & par conséquent le chromatique; la basse fondamentale, au premier vers, descend de tierce mineure de la tonique sol sur la dominante tonique mi , & remonte à la tonique la portant l'accord mineur, laquelle devient ensuite dominante tonique elle-même, c'est-à-dire porte l'accord majeur. Voyez Dominante . Cette dominante tonique remonte à sa tonique ré , qui dans le second vers descend de tierce mineure sur la dominante tonique si , pour remonter de-là à la tonique mi . Or une marche de basse fondamentale dans laquelle la tonique qui porte l'accord mineur, reste sur le même degré pour devenir dominante tonique, ou dans laquelle la basse descend de tierce d'une tonique sur une dominante, produit nécessairement le chromatique par l'effet de l'harmonie. Voyez Chromatique , & nos élémens de Musique . Le genre chromatique qui procede par semi-tons en montant, a été employé avec d'autant plus de vérité dans ce morceau, qu'il nous paroît représenter parfaitement les tons de la nature. Un excellent acteur rendroit infailliblement le second & le troisieme vers comme ils sont notés, en élevant sa voix par semi-tons; & nous remarquerons que si on chantoit cet endroit comme on chante le récitatif italien, sans appuyer sur les sons, sans les filer, à-peu-près comme si on parloit ou on lisoit, en observant seulement d'entonner juste, on n'appercevroit point de différer ce entre le chant de ce morceau & une belle déclamation théatrale: voilà le modele d'un bon récitatif. Je ne sai, pour le dire en passant, si la méthode de chanter notre récitatif à l'italienne, seroit impraticable sur notre théatre. Dans les récitatifs bien faits, elle n'a point paru choquante à d'excellens connoisseurs devant lesquels j'en ai fait essai; ils l'ont unanimement préférée à la langueur insipide & insupportable de notre chant de l'opéra, qui devient tous les jours plus traînant, plus froid, & d'un ennui plus mortel. Ce que je crois pouvoir assûrer, c'est que quand le récitatif est bon, cette maniere de le chanter le fait ressembler beaucoup mieux à la déclamation. J'ajoûte, par la même raison, que tout récitatif qui déplaira étant chanté de cette sorte, sera infailliblement mauvais; ce sera une marque que l'artiste n'aura pas suivi les tons de la nature, qu'il doit avoir toûjours présens. Ainsi un musicien veut-il voir si son récitatif est bon? qu'il l'essaye en le chantant à l'italienne; & s'il lui déplaît en cet état, qu'il en fasse un autre. On peut remarquer que les deux vers du monologue d'Armide, que M. Rousseau trouve les moins mal déclamés, Est ce ainsi que je dois me venger aujourd'hui? Ma colere s'éteint quand j'approche de lui , sont en effet ceux qui, étant récités à l'italienne, auroient moins l'air de chant. Nous prions le lecteur de nous pardonner cette legere digression, dont une partie eût peut-être été mieux placée à Récitatif ; mais on ne sauroit trop se hâter de dire des vérités utiles, & de proposer des vûes qui peuvent contribuer au progrès de l'art. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Genre Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Genre Genre , ( Peinture. ) Le mot genre adapté à l'art de la Peinture, sert proprement à distinguer de la classe des peintres d'histoire, ceux qui bornés à certains objets, se font une étude particuliere de les peindre, & une espece de loi de ne représenter que ceux-là: ainsi l'artiste qui ne choisit pour sujet de ses tableaux que des animaux, des fruits, des fleurs ou des paysages, est nommé peintre de genre . Au reste cette modestie forcée ou raisonnée qui engage un artiste à se borner dans ses imitations aux objets qui lui plaisent davantage, ou dans la représentation desquels il trouve plus de facilité, n'est que loüable, & le résultat en est beaucoup plus avantageux à l'art, que la présomption & l'entêtement qui font entreprendre de peindre l'histoire à ceux dont les talens sont trop bornés pour remplir toutes les conditions qu'elle exige. Ce n'est donc point une raison d'avoir moins de considération pour un habile peintre de genre , parce que ses talens sont renfermés dans une sphere qui semble plus bornée; comme ce n'est point pour un peintre un juste sujet de s'enorgueillir, de ce qu'il peint médiocrement dans tous les genres: pour détruire ces deux préjugés, on doit considérer que le peintre dont le genre semble borné, a cependant encore un si grand nombre de recherches & d'études à faire, de soins & de peines à se donner pour réussir, que le champ qu'il cultive est assez vaste pour qu'il y puisse recueillir des fruits satisfaisans de ses travaux. D'ailleurs le peintre de genre par l'habitude de considérer les mêmes objets, les rend toûjours avec une vérité d'imitation dans les formes qui donne un vrai mérite à ses ouvrages. D'un autre côté le peintre d'histoire embrasse tant d'objets, qu'il est très-facile de prouver & par le raisonnement & par l'expérience, qu'il y en a beaucoup dont il ne nous présente que des imitations très-imparfaites: d'ailleurs le peintre d'histoire médiocre est à des yeux éclairés si peu estimable dans ses productions, ces êtres qu'il produit, & dans l'existence desquels il se glorifie, sont des fantômes si contrefaits dans leur forme, si peu naturels dans leur couleur, si gauches ou si faux dans leur expression, que loin de mériter la moindre admiration, ils devroient être supprimés comme les enfans que les Lacédémoniens condamnoient à la mort, parce que les défauts de leur conformation les rendoient inutiles à la république, & qu'ils pouvoient occasionner par leur vûe des enfantemens monstrueux. C'est donc de concert avec la raison, que j'encourage les Artistes qui ont quelque lieu de douter de leurs forces, ou auxquels des tentatives trop pénibles & peu heureuses, démontrent l'inutilité de leurs efforts, de se borner dans leurs travaux, pour remplir au moins avec quelque utilité une carriere, qui par-là deviendra digne de loüange. Car, on ne sauroit trop le répéter aujourd'hui, tout homme qui déplace l'exercice de ses talens en les laissant diriger par sa fantaisie, par la mode, ou par le mauvais goût, est un citoyen non-seulement très-inutile, mais encore très-nuisible à la société. Au contraire celui qui sacrifie les desirs aveugles de la prétention, ou la séduction de l'exemple, au but honnête de s'acquitter bien d'un talent médiocre, est digne de loüange pour l'utilité qu'il procure, & pour le sacrifice qu'il fait de son amour propre. Mais ce n'est pas assez pour moi d'avoir soûtenu par ce que je viens de dire, les droits du goût & de la raison, je veux en comparant les principaux genres des ouvrages de la Peinture, avec les genres différens qui distinguent les inventions de la Poésie, donner aux gens du monde une idée plus noble qu'ils ne l'ont ordinairement des artistes qu'on appelle peintres de genre , & à ces artistes un amour propre fondé sur la ressemblance des opérations de deux arts, dont les principes sont également tirés de la nature, & dont la gloire est également établie sur une juste imitation. J'ai dit au mot Galerie , qu'une suite nombreuse de tableaux, dans lesquels la même histoire est représentée dans différens momens, correspond en peinture aux inventions de la Poésie, qui sont composés de plusieurs chants; tels que ces grands poëmes, l'Iliade, l'Odyssée, l'Enéide, la Jérusalem délivrée, le Paradis perdu, & la Henriade. Comme il seroit très-possible aussi que trois ou cinq tableaux destinés à orner un salon, eussent entre eux une liaison & une gradation d'intérêt, on pourroit suivre dans la façon dont on les traiteroit quelques-uns des principes qui constituent la tragédie ou la comédie; telle est une infinité de sujets propres à la Peinture, qui fourniroient aisément trois ou cinq situations agréables, intéressantes & touchantes. Cette unité d'action feroit naître une curiosité soûtenue, qui tourneroit à l'avantage de l'habile artiste, qui pour la nourrir mieux, réserveroit pour le dernier tableau la catastrophe touchante ou le dénouement agréable de l'action. Les suites composées pour les grandes tapisseries, présentent une partie de cette idée, mais souvent on n'y observe pas assez la progression d'intérêt sur laquelle j'insiste; on est trop sujet à ne choisir que ce qui paroîtra plus riche, & ce qui fournira plus d'objets, sans réfléchir que les scenes ou le théatre est le plus rempli, ne sont pas toûjours celles dont le spectateur retire un plaisir plus grand. J'ajoûterai encore que ces especes de poëmes dramatiques pittoresques devroient toûjours être choisis tels que les places où ils sont destinés le demandent; il est tant de faits connus, d'histoires & de fables, de caracteres différens, que chaque appartement pourroit être orné dans le genre qui conviendroit mieux à son usage, & cette espece de convenance & d'unité ne pourroit manquer de produire un spectacle plus agréable que ces assortimens ordinaires, qui n'ayant aucun rapport ni dans les sujets, ni dans la maniere de les traiter, offrent dans le même lieu les austeres beautés de l'histoire confondues avec les merveilles de la fable, & les rêveries d'une imagination peu reglée; mais passons aux autres genres . La pastorale héroïque est un genre commun à la Poësie & à la Peinture, qui n'est pas plus avoüé de la nature dans l'un de ces arts, que dans l'autre. En effet décrire un berger avec des moeurs efféminées, lui prêter des sentimens peu naturels, ou le peindre avec des habits chargés de rubans, dans des attitudes étudiées, c'est commettre sans contredit deux fautes de vraissemblance égales; & ces productions de l'art qui doivent si peu à la nature, ont besoin d'un art extrème pour être tolérées. La pastorale naturelle, ce genre dans lequel Théocrite & le Poussin ont réussi, tient de plus près à la vérité; il prête aussi plus de véritables ressources à la Peinture. La Nature féconde & inépuisable dans sa fécondité, se venge de l'affront que lui ont fait les sectateurs du genre précédent, en prodiguant au peintre & au poëte qui veulent la suivre, une source intarissable de richesses & de beautés. L'idyle semblable au paysage, est un genre qui tient à celui dont nous venons de parler ( le Poussin ). Un artiste représente un paysage charmant, on y voit un tombeau; près de ce monument un jeune homme & une jeune fille arrêtés lisent l'inscription qui se présente à eux, & cette inscription leur dit: je vivois ainsi que vous dans la délicieuse Arcadie; ne semble-t-il pas à celui qui voit cette peinture, qu'il lit l'idyle du ruisseau de la naïve Deshoulieres? Dans l'une & dans l'autre de ces productions les images agréables de la nature conduisent à des pensées aussi justes & aussi philosophiques que la façon dont elles sont présentées est agréable & vraie. Le nom de portrait est commun à la Poésie comme à la Peinture; ces deux genres peuvent se comparer dans les deux arts jusque dans la maniere dont on les traite; car il en est très-peu de ressemblans. Les descriptions en vers des présens de la nature sont à la Poésie ce qu'ont été à la Peinture les ouvrages dans lesquels Desportes & Baptiste ont si bien représenté les fleurs & les fruits: les peintres d'animaux ont pour associés les fabulistes; enfin il n'est pas jusque à la satyre & à l'épigramme, qui ne puissent être traitées en Peinture comme en Poésie; mais ces deux talens non seulement inutiles mais nuisibles, sont par conséquent trop peu estimables, pour que je m'y arrête. J'en resterai même à cette énumération, que ceux à qui elle plaira pourront étendre au gré de leur imagination & de leurs connoissances. J'ajoûterai seulement que les genres en Peinture se sont divisés & peuvent se subdiviser à l'infini: le paysage a produit les peintres de fabriques, d'architecture, ceux d'animaux, de marine; il n'y a pas jusque aux vûes de l'intérieur d'une église qui ont occupé tout le talent des Pieter-nefs & des Stenwits. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENS Author=Jaucourt Normalized Classification=Grammaire françoise Part of Speech=s.m. GENS GENS, s. m. & f. ( Gramm. franç. ) Voici un mot si bizarre de notre langue, un mot qui signifie tant de choses, un mot enfin d'une construction si difficile, qu'on peut en permettre l'article dans ce Dictionnaire en faveur des étrangers; & même plusieurs françois le liroient utilement. Le mot gens tantôt signifie les personnes, les hommes, tantôt les domestiques, tantôt les soldats, tantôt les officiers de justice d'un prince, & tantôt les personnes qui sont de même suite & d'un même parti. Il est toûjours masculin en toutes ces significations, excepté quand il veut dire personnes; car alors il est féminin si l'adjectif le précede, & masculin si l'adjectif le suit. Par exemple, j'ai vû des gens bien faits , l'adjectif bien faits après gens , est masculin. Au contraire on dit de vieilles gens , de bonnes gens; ainsi l'adjectif devant gens est féminin. Il n'y a peut-être qu'une seule exception qui est pour l'adjectif tout , lequel étant mis devant gens , est toûjours masculin, comme tous les gens de bien, tous les honnêtes gens; on ne dit point toutes les honnêtes gens . Le P. Bouhours demande, si lorsque dans la même phrase, il y a un adjectif devant, & un adjectif ou un participe après, il les faut mettre tous deux au même genre, selon la regle générale; ou si l'on doit mettre le féminin devant, & le masculin après; par exemple, s'il faut dire, il y a de certaines gens qui sont bien sots , ou bien sotes; ce sont les meilleures gens que j'aye jamais vûs ou vûes; les plus savans dans notre langue croyent qu'il faut dire sots & vûs au masculin, par la raison que le mot de gens veut toûjours le masculin après soi. C'est cependant une bizarrerie étrange, qu'un mot soit masculin & féminin dans la même phrase, & ces sortes d'irrégularités rendent une langue bien difficile à savoir correctement. Le mot gens pris dans la signification de nation , se disoit autrefois au singulier, & se disoit même il n'y a pas un siecle. Malherbe dans une de ses odes dit: ô combien lors aurta de veuves , la gent qui porte le turban; mais aujourd'hui il n'est d'usage au singulier qu'en prose ou en poésie burlesque: par exemple, Scaron nomme plaisamment les pages de son tems, la gent à gregues retroussées. Il y a pourtant tel endroit dans des vers sérieux, où gent a bonne grace, comme en cet endroit du liv. V. de l'Enéïde de M. de Segrais, de cette gent farouche adoucira les moeurs . Il se pourroit bien qu'on a cessé de dire la gent , à cause de l'équivoque de l' agent . On demande, si l'on doit dire dix gens , au nombre déterminé, puisqu'on dit beaucoup de gens, beaucoup de jeunes gens . Vaugelas, Ménage, & le P. Bouhours, le grand critique de Ménage, s'accordent unanimement à prononcer que gens ne se dit point d'un nombre déterminé, desorte que c'est mal parler, que de dire dix gens . Ils ajoûtent qu'il est vrai qu'on dit fort bien mille gens , mais c'est parce que le mot de mille en cet endroit, est un nombre indéfini; & par cette raison, on pourroit dire de même cent gens , sans la cacophonie. Cette décision de nos maîtres paroît d'autant plus fondée qu'ils ajoûtent, que si en effet il y avoit cent personnes dans une maison, ou bien mille de compte, fait, ce seroit mal parler que de dire, il y a cent gens ici, j'ai vû mille gens dans le sallon de Versailles; il faudroit dire, il y a cent personnes ici, j'ai vû mille personnes dans le sallon de Versailles . Cependant quoiqu'il soit formellement décidé, que c'est mal parler que de dire dix gens , on dira fort bien, ce me semble, dix jeunes gens, trois honnêtes gens , en parlant d'un nombre préfix; il paroît que quand on met un adjectif entre le mot gens , ou un mot quelconque devant gens , on peut y faire précéder un nombre déterminé, dix jeunes gens, trois honnêtes gens; c'est pour cela qu'on dit, très-bien en prenant gens pour soldat ou pour domestique: cet officier accourut avec dix de ses gens; le prince n'avoit qu' un de ses gens avec lui. Il reste à remarquer qu'on dit en conséquence de la décision de Vaugelas. Bouhours, & Ménage, c'est un honnête homme: mais on ne dit point en parlant indéfiniment, ce sont d'honnêtes hommes , il faut dire ce sont d'honnêtes gens; cependant on dit, c'est un des plus honnêtes hommes que je connoisse; on peut dire aussi, deux honnêtes hommes vinrent hier chez moi. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens de Lettres Author=Voltaire Normalized Classification=Philosophie | Littérature Part of Speech=NA Gens de Lettres Gens de Lettres , ( Philosophie & Littérat. ) ce mot répond précisément à celui de grammairiens: chez les Grecs & les Romains: on entendoit par grammairien , non-seulement un homme versé dans la Grammaire proprement dite, qui est la base de toutes les connoissances, mais un homme qui n'étoit pas étranger dans la Géométrie, dans la Philosophie, dans l'Histoire générale & particuliere; qui sur-tout faisoit son étude de la Poésie & de l'Eloquence: c'est ce que sont nos gens de lettres aujourd'hui. On ne donne point ce nom à un homme qui avec peu de connoissances ne cultive qu'un seul genre. Celui qui n'ayant lû que des romans ne fera que des romans; celui qui sans aucune littérature aura composé au hasard quelques pieces de théatre, qui dépourvû de science aura fait quelques sermons, ne sera pas compté parmi les gens de lettres . Ce titre a de nos jours encore plus d'étendue que le mot grammairien n'en avoit chez les Grecs & chez les Latins. Les Grecs se contentoient de leur langue; les Romains n'apprenoient que le grec: aujourd'hui l' homme de lettres ajoûte souvent à l'étude du grec & du latin celle de l'italien, de l'espagnol, & sur-tout de l'anglois. La carriere de l'Histoire est cent fois plus immense qu'elle ne l'étoit pour les anciens; & l'Histoire naturelle s'est accrûe à proportion de celle des peuples: on n'exige pas qu'un homme de lettres approfondisse toutes ces matieres; la science universelle n'est plus à la portée de l'homme: mais les véritables gens de lettres se mettent en état de porter leurs pas dans ces différens terreins, s'ils ne peuvent les cultiver tous. Autrefois dans le seizieme siecle, & bien avant dans le dix-septieme, les littérateurs s'occupoient beaucoup de la critique grammaticale des auteurs grecs & latins; & c'est à leurs travaux que nous devons les dictionnaires, les éditions correctes, les commentaires des chefs-d'oeuvres de l'antiquité; aujourd'hui cette critique est moins nécessaire, & l'esprit philosophique lui a succédé. C'est cet esprit philosophique qui semble constituer le caractere de gens de lettres; & quand il se joint au bon goût, il forme un littérateur accompli. C'est un des grands avantages de notre siecle, que ce nombre d'hommes instruits qui passent des épines des Mathématiques aux fleurs de la Poésie, & qui jugent egalement bien d'un livre de Métaphysique & d'une piece de théatre: l'esprit du siecle les a rendus pour la plûpart aussi propres pour le monde que pour le cabinet; & c'est en quoi ils sont fort supérieurs à ceux des siecles précédens. Ils furent écartes de la société jusqu'au tems de Balzac & de Voiture; ils en ont fait depuis une partie devenue nécessaire. Cette raison approfondie & épurée que plusieurs ont répandue dans leurs écrits & dans leurs conversations, a contribué beaucoup à instruire & à polir la nation: leur critique ne s'est plus consumée sur des mots grecs & latins; mais appuyée d'une saine philosophie, elle a détruit tous les préjugés dont la société étoit infectée; prédictions des astrologues, divinations des magiciens, sortiléges de toute espece, faux prodiges, faux merveilleux, usages superstitieux; elle a relegué dans les écoles mille disputes puériles qui étoient autrefois dangereuses & qu'ils ont rendues méprisables: par-là ils ont en effet servi l'état. On est quelquefois étonné que ce qui boulversoit autrefois le monde, ne le trouble plus aujourd'hui; c'est aux véritables gens de lettres qu'on en est redevable. Ils ont d'ordinaire plus d'indépendance dans l'esprit que les autres hommes; & ceux qui sont nés sans fortune trouvent aisément dans les fondations de Louis XIV. de quoi affermir en eux cette indépendance: on ne voit point, comme autrefois, de ces épîtres dédicatoires que l'intérêt & la bassesse offroient à la vanité. Voyez Epitre . Un homme de lettres n'est pas ce qu'on appelle un bel esprit: le bel esprit seul suppose moins de culture, moins d'étude, & n'exige nulle philosophie; il consiste principalement dans l'imagination brillante, dans les agrémens de la conversation, aidés d'une lecture commune. Un bel esprit peut aisément ne point mériter le titre d' homme de lettres; & l' homme de lettres peut ne point prétendre au brillant du bel esprit. Il y a beaucoup de gens de lettres qui ne sont point auteurs, & ce sont probablement les plus heureux; ils sont à l'abri des dégoûts que la profession d'auteur entraîne quelquefois, des querelles que la rivalité fait naître, des animosités de parti, & des faux jugemens; ils sont plus unis entre eux; ils joüissent plus de la société; ils sont juges, & les autres sont jugés. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens de Corps, ou de Poeste, ou de Poste Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gens de Corps Gens de Corps , ou de Poeste , ou de Poste , ( Jurisprud. ) quasi potestatis alienae , sont des serfs ou gens main-mortables. V. Main-mortables . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens main-mortables Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gens main-mortables Gens main-mortables , Voyez & Affranchissement">Main-mortables, Main-morte, & Affranchissement . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens de Main-morte Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gens de Main-morte Gens de Main-morte , Voyez & Main-morte">Amortissement & Main-morte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens du Roi Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gens du Roi Gens du Roi , ( Jurisprud. ) est un terme générique qui dans une signification étendue comprend tous les officiers du roi, soit de judicature, de finance, ou même d'épée. Par exemple, le roi en parlant des officiers de son parlement, les qualifie de nos gens tenant la cour de Parlement . Dans une ordonnance de Philippe de Valois, du mois de Juin 1338, on voit que ce prince donne à des trésoriers des troupes les titre de gentes nostroe . Charles VI. dans des lettres du mois de Juin 1394, en parlant des juges royaux de Provins, les appelle les gens du roi; & dans d'autres lettres du mois de Janvier 1395, il désigne même par les termes de gentes regias , les officiers de la sénéchaussée de Carcassonne. Ces exemples suffisent pour donner une idée des différentes significations de ces termes, gens du roi . Ce titre paroît venir du latin agentes nostri , qui étoit le titre que les empereurs, & après eux nos rois, donnoient aux ducs & aux comtes, dont l'office s'appelloit agere comitatum . Du mot agentes on a fait par abbréviation gentes regis , & en françois gens du roi . Dans l'usage présent & le plus ordinaire, on n'entend communément par les termes de gens du roi , que ceux qui sont chargés des intérêts du roi & du ministere public dans un siége royal, tels que les avocats & procureurs généraux dans les cours souveraines, les avocats & procureurs du roi dans les bailliages & sénéchaussées, & autres siéges royaux. Les substituts des procureurs généraux & des procureurs du roi, sont aussi compris sous le terme de gens du roi , comme les substituant en certaines occasions. La fonction des gens du roi n'est pas seulement de défendre les intérêts du roi, mais aussi de veiller à tout ce qui intéresse l'église, les hôpitaux, les communautés, les mineurs, & en général tout ce qui concerne la police & le public; c'est pourquoi on les désigne quelquefois sous le titre de ministere public , lequel néanmoins n'est pas propre aux gens du roi , leur étant commun avec les avocats & procureurs fiscaux, lesquels dans les justices seigneuriales, défendent les intérêts du seigneur comme les gens du roi défendent ceux du roi dans les jurisdictions royales, & ont au surplus les mêmes fonctions que les gens du roi pour ce qui concerne l'église, les hôpitaux, les communautés, les mineurs, la police, & le public. A la rentrée des tribunaux royaux, les gens du roi font ordinairement une harangue; ce sont eux aussi qui sont chargés de faire le discours des mercuriales. Ils portent la parole aux audiences dans toutes les causes tant civiles que criminelles, dans lesquelles le roi, l'église, ou le public, sont intéressés: dans quelques siéges il est aussi d'usage de leur communiquer les causes des mineurs. Ils donnent des conclusions par écrit dans toutes les affaires civiles de même nature qui sont appointées, & dans toutes les affaires criminelles. Ils font aussi d'office des plaintes & requisitions, lorsque le cas y échet. Les fonctions que les gens du roi exercent étoient remplies chez les Romains par différens officiers. Il y avoit d'abord dans la ville deux magistrats, l'un appellé comes sacrarum largitionum; l'autre appellé comes rei privatae , qui étoient chacun dans leur district, comme les procureurs généraux de l'empereur. Les lois romaines font aussi mention qu'il y avoit un avocat du fisc dans le tribunal souverain du prefet du prétoire, qui étoit le premier magistrat de l'empire: dans la suite, les affaires s'étant multipliées, on lui donna un collegue. Il y avoit aussi un avocat du fisc auprès du premier magistrat de chaque province. La fonction de ces avocats du fisc étoit d'intervenir dans toutes les causes où il s'agissoit des revenus de l'empereur, de son thrésor, de son domaine, & autres affaires semblables; les juges ne les pouvoient décider sans avoir auparavant oüi l'avocat du fisc: celui-ci étoit tellement obligé de veiller aux intérêts du prince, que si quelque droit se perdoit par sa faute, il en étoit responsable. Il y avoit aussi dans chacune des principales villes de l'empire un officier appellé procurator Coesaris; ses fonctions consistoient non-seulement à veiller à la conservation du domaine & des revenus du prince; mais il étoit aussi juge des causes qui s'élevoient à ce sujet entre le prince & ses sujets, à l'exception des causes criminelles & des questions d'état de personnes, dont il ne connoissoit point, à-moins que le pré sident ne lui en donnât la commission. Les avocats du fisc ni les procureurs du prince n'étoient pas chargés de la protection des veuves, des orphelins, & des pauvres; on nommoit d'office à ces sortes de personnes dans les occasions un avocat qui prenoit leur défense; & lorsque c'étoient des pauvres, l'avocat étoit payé aux dépens du public. Le même ordre étoit établi dans les Gaules par les Romains, lorsque nos rois en firent la conquête: mais suivant les capitulaires, il paroît qu'il y eut quelque changement. En effet, il n'y est point fait mention qu'il y eût alors des avocats du roi ou du fisc en titre d'office; il paroit que tous les avocats en faisoient les fonctions. Lorsque les églises & personnes ecclésiastiques avoient besoin d'un defenseur, le roi leur donnoit un de ces avocats. Pour ce qui est des procureurs du roi, il y en avoit dès les commencemens de la monarchie; les anciennes chartes & les capitulaires en font mention sous les différens titres de actores, dominici actores fisci, actores publici, actores vel procuratores reipublicoe . Il est souvent parlé dans les registres olim , de gentes regis; gentibus d. regis pro d. rege multa proponentibus: mais il ne paroît pas que l'on entendit par-là un procureur & des avocats du roi qui fussent attachés au parlement; on y voit au contraire que toutes les sois qu'il étoit question de s'opposer ou plaider pour le roi, ce sont toûjours le prevôt de Paris ou les baillifs royaux qui portent la parole pour les affaires qui intéressoient le roi, dans le territoire de chacun de ces officiers: c'est de là que le prevôt de Paris & les baillifs & sénéchaux ont encore une séance marquée en la grand'chambre du parlement, que l'on appelle le banc des baillis & sené haux , lequel est couvert de fleurs de-lis. C'est peut-être aussi par un reste de cet ancien usage, que l'officier qui fait les fonctions du ministere public à l'échevinage de Dunkerque, s'appelle encore grand bailli . On ne trouve aucune preuve qu'il y cût des avocats & procureurs du roi en titre au parlement, avant 1302: il paroît pourtant difficile de penser que le roi n'eût pas des-lors des officiers chargés de défendre ses droits, spécialement pour le parlement, vû que le roi d'Angleterre, comme duc de Guienne, le comte de Flandres, le roi de Sicile, &c. en avoient en titre. Il est dit dans un arrêt de 1283, que le procureur du roi de Sicile parla, procurator regis Sicilioe: mais celui qui parla pour le roi Philippe III. n'est pas désigné autrement que par ces mots: verum parte d. Philippi regis ....... adjiciens pars regis , &c. Ce qui fait encore croire que le roi avoit dès-lors des gens chargés de ses intérêts au parlement, est qu'il avoit dès-lors des procureurs & quelquefois aussi des avocats dans les bailliages, comme au châtelet. Un arrêt de 1265 juge que les avocats du roi ne sont justiciables que de sa cour, tant qu'ils seront chargés de ce ministere. L'ordonnance de 1302 parle des procureurs du roi dans les bailliages & sénéchaussées; elle leur ordonne de faire dans chaque cause le serment ordinaire, qu'ils la croyent bonne, & leur défend d'eire procureurs dans aucune affaire de particuliers; il y est même dejà parlé de leurs substituts. Jean le Bossu & Jean Pastoureau remplissoient les fonctions d'avocats du roi au parlement, des 1301, avant même que le parlement fût sédentaire à Paris. Ce n'est qu'en 1308 qu'on trouve pour la premiere fois un procureur du roi parlant pour sa majesté au parlement: encore n'est-il pas certain que ce fût un magistrat attaché au parlement; il paroît même qu'en ces occasions c'étoit le procureur du roi de tel ou tel bailliage, qui venoit au parlement défendre les droits du roi conjointement avec le bailli du lieu. On voit dans les olim , les baillis & sénéchaux, & le prevôt de Paris continuer de parler pour le roi, jusqu'en 1319 où finissent ces registres: une ordonnance de cette année les charge même expressément de cette fonction. Une lettre de Philippe le Bel à l'archevêque de Sens fait mention du procureur du roi au parlement, qu'elle qualifie catholicum juris conditorem . Cependant l'ordonnance de 1319 dont on a déjà parlé, semble supposer qu'il n'y avoit point alors de procureur du roi au parlement; peut-être avoit-il été supprimé avec les autres procureurs du roi: car le roi y ordonne qu'il y ait en son parlement une personne qui ait cure de faire délivrer & avancer les propres causes du roi, & qu'il puisse être de son conseil avec ses avocats; ce qui confirme qu'il y avoit dèslors des avocats du roi; mais il paroît qu'ils n'étoient que pour conseiller: & supposé qu'il y eût un procureur du roi attaché au parlement, ceux des bailliages, les baillis & sénéchaux & le prevôt de Paris parloient comme lui pour le roi, chacun dans les affaires de leur territoire qui l'intéressoient. Depuis ce tems, on trouve des preuves non équivoques qu'il y avoit deux avocats & un procureur du roi au parlement. Philippe le Bel en parlant de ces trois magistrats, les nommoit ordinairement gentes nostras , c'est-à-dire les gens du roi; titre qui est demeuré aux avocats & procureurs généraux des cours souveraines, & qui est aussi commun aux avocats & procureurs du roi des bailliages & autres siéges royaux. Avant la vénalité des charges, ces sortes d'officiers étoient choisis dans l'ordre des avocats; & présentement il faut encore qu'ils ayent prêté le serment d'avocat, avant de pouvoir posséder un office d'avocat ou procureur du roi. Les gens du roi dans les cours souveraines sont les avocats généraux & le procureur général, lequel a rang & séance après le premier avocat général: il n'y a pas de même des gens du roi au conseil, à cause que le roi est présent ou réputé présent. L'inspecteur du domaine donne son avis, & fait des requisitoires lorsqu'il y échet dans les matieres domaniales. Dans les siéges royaux insérieurs, il y a ordinairement un avocat du roi; dans certains siéges il y en a plusieurs; il y a dans tous un procureur du roi, qui a rang & séance après le premier avocat du roi. L'habillement des gens du roi est le bonnet quarré & le rabat, la robe à longues manches, la soutane, & le chaperon herminé de même que les avocats. Les gens du roi des parlemens, cours des aydes & cours des monnoies, c'est-à-dire les avocats & procureurs généraux, portent la robe rouge dans les cérémonies: cette prérogative ne paroît point leur avoir été accordée par aucun titre particulier; elle paroît une suite du droit que les avocats au parlement ont pareillement de porter la robe rouge, ainsi qu'on le dira en son lieu; les avocats & procureurs du roi de quelques présidiaux joüissent aussi du même honneur; ce qui dépend des titres & de la possession. La place des gens du roi est ordinairement à la tête du barreau; les avocats géneraux du parlement se placent encore au premier barreau dans les petites audiences; à l'égard de celles qui se tiennent sur les hauts siéges, le procureur général se mettoit de tout tems sur le banc qui est au-dessous des présidens & des conseillers-clercs: les avocats généraux se plaçoient autrefois à ces audiences sur le banc des baillis & sénéchaux; ce n'est que depuis 1589 qu'ils se placent sur le banc au-dessous des présidens & des conseillers-clercs: ce changement fut fait pour la commodité du premier président de Verdun, qui tardè audiebat . Dans les cérémonies, ils marchent à la suite du tribunal, & sont précédés d'un ou deux huissiers. Lorsque les gens du roi portent la parole, ils sont debout & couverts, les deux mains gantées. Tous ceux qui ont séance après celui d'entre eux qui porte la parole, se tiennent aussi debout & couverts pendant tout le tems qu'il parle. Ils ont le privilége de ne pouvoir être interrompus par les parties ni par les avocats contre lesquels ils plaident. Le 21 Février 1721, M. l'avocat général parlant dans l'affaire du duc de la Force qui étoit présent, celui-ci l'interrompit; M. l'avocat général dit qu'il ne pouvoit être interrompu par qui que ce soit que par M. le premier président. Il n'est pas d'usage que les juges interrompent la plaidoirie des gens du roi , quoique l'heure à laquelle l'audience finit ordinairement vienne à sonner; mais il y a des exemples que dans de grandes affaires les gens du roi ont eux-mêmes partagé leur plaidoirie en plusieurs audiences. Dans les affaires où le ministere public est appellant ou demandeur, l'avocat de l'intimé ou du défendeur a la replique sur les gens du roi: mais il est aussi d'usage que ceux-ci ont la replique en dernier. On dit communément que les gens du roi sont solidaires, c'est-à-dire qu'ils agissent & parlent toûjours en nom collectif; ils sont présumés se concerter entre eux pour les conclusions qu'ils doivent prendre. Il y a néanmoins des exemples que dans la même affaire un des gens du roi n'a pas suivi les mêmes principes que son collegue, & s'est fait recevoir opposant à un arrêt rendu sur les conclusions des gens du roi . Le procureur général ou procureur du roi peut lui-même se faire recevoir opposant à un jugement rendu sur ses conclusions. Le ministere des gens du roi est purement gratuit; excepté que dans les affaires civiles appointées, & dans les affaires criminelles où il y a une partie civile, leurs substituts ont des épices pour les conclusions. On n'adjuge jamais de dépens ni de dommages & intérêts aux gens du roi ; mais on ne les condamne aussi jamais à aucune amende, dépens, ni dommages & interêts. Les gens du roi de chaque siége ont un parquet ou chambre, dans lequel les avocats & procureurs vont leur communiquer les causes où ils doivent porter la parole: c'est aussi dans ce même lieu que l'on plaide devant eux les affaires qui doivent être vuidées par leur avis: les substituts y rapportent aussi au procureur général ou au procureur du roi, si c'est dans un siége inférieur, les affaires civiles & criminelles qui leur sont distribuées. V. Communication des Gens du Roi , & Parquet des Gens du Roi . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens de Mer Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gens de Mer Gens de Mer , ( Marine. ) on donne ce nom à ceux qui s'appliquent à la navigation & au service des vaisseaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gens de l'Équipage Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gens de l'Équipage Gens de l'Équipage , ( Marine. ) Voyez Équipage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTES Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=s.f.pl. GENTES GENTES, s. f. pl. terme de Charron; pour les grandes roues, ce sont six pieces de bois d'orme formant un cercle entier, & jointes ensemble par des fortes chevilles: chaque partie démontée forme un sixieme de cercle. Les petites roues sont à quatre ou à cinq gentes. Voyez la fig. 2 . Pl. du Charron . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gente de rond Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=NA Gente de rond Gente de rond , terme de Charron , c'est une piece de bois composée de quatre gentes , & qui forme un rond qui est enchâssé sur la selette de l'avant-train. Voyez la fig. 1 . Pl. du Charron . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTIANE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GENTIANE GENTIANE, s. f. gentiana , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur monopétale campaniforme, évasée ou tubulée & découpée. Le pistil sort du calice, traverse le fond de la fleur, & devient un fruit membraneux, ovoïde, & pointu, compose de deux panneaux & d'une capsule, & rempli de semences ordinairement plates, rondes, & entourées d'un limbe. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Les Botanistes comptent plusieurs especes de gentiane , dont quelques-unes sont cultivées dans les jardins des curieux, entr'autres la gentianelle , qui en vaut bien la peine; Bradley dit qu'elle est d'un si beau bleu, que l'outre-mer ne l'égale pas. On cultive aussi la grande gentiane jaune, gentiana major lutea de C. Bauh. Parkins. Tournef. Boerh. elle est employée des Medecins, & c'est celle qu'il nous suffira de décrire. Ses racines sont longues, charnues, jaunâtres, un peu branchues, & fort ameres; ses fleurs ressemblent à celles de l'hellébore blanc; elles sont en grand nombre près de la racine, placées vis-à-vis les unes des autres le long de la tige, qu'elles embrassent en se réunissant par leur base; elles ont trois ou cinq nervures, comme les feuilles de plantain; elles sont unies, luisantes, ce qui les distingue des feuilles de l'hellébore blanc: ses tiges ont une à deux coudées, & quelquefois davantage; elles sont simples, lisses, & portent des fleurs qui naissent par tas au nombre de huit ou de dix, disposées en maniere d'anneaux; elles sont d'une seule piece, en forme de cloche, évasées, découpées en cinq quartiers, de couleur d'un jaune-pâle, garnies d'un pistil de même couleur, qui s'éleve du fond du calice à la hauteur d'un pouce, & perce la partie inférieure de la fleur: ce pistil devient ensuite un fruit membraneux, ovale, terminé en pointe, qui n'a qu'une loge: cette loge s'ouvre en deux panneaux, & est remplie de plusieurs graines rougeâtres, rondes, applaties, & bordées d'un feuillet membraneux. Pline prétend que cette plante doit son nom à Gentius roi d'Illyrie. Elle vient dans les Pyrénées, dans les montagnes d'Auvergne, & sur-tout dans les Alpes. Haller en donne une charmante description poétique. « C'est ici, dit-il en parlant des Alpes, que la noble gentiane éleve sa tête altiere au-dessus de la foule rampante des plantes plébéïennes; tout un peuple de fleurs se range sous son étendard; l'or de ses fleurs est formé en rayons, il embrasse sa tige; ses feuilles peintes d'un verd-foncé, brillent du feu d'un diamant humide; la nature suit chez elle la plus juste des lois, elle unit la vertu avec la beauté ». Il est du-moins vrai, pour parler plus simplement, que sa racine est d'un très-grand usage. Voyez Gentiane , ( Matiere méd. ) Je n'ajoûte qu'un mot sur la petite gentiane d'Amérique, à fleur bleue, gentiane la americana, flore caeruleo , parce que l'artifice & la précaution de la nature pour la conservation de son espece, paroissent en elle évidemment. Il ne faut pas douter que les capsules ne soient les meilleures défenses qu'on puisse imaginer pour la conservation des graines; car c'est dans cet étui qu'elles demeurent garanties des injures de l'air & de la terre, jusqu'à l'approche du tems le plus propre à les faire sortir. Alors aussi les graines mûres de cette plante sont répandues & semées en terre presqu'aussi exactement que le pourroit faire le plus habile semeur. Dès que la moindre humidité touche le bout de ces capsules, elles crevent avec force, sautent subitement, & par leur vertu élastique répandent les graines à une distance où elles rencontrent un lieu propre à les recevoir. C'est une observation faite par le chevalier Hans Sloane, pendant son séjour à la Jamaïque, sur les capsules de la gentiane de ces pays-là, & cette observation se trouve vérifiée par d'autres exemples semblables. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentiane, ou Grande-Gentiane Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gentiane Gentiane , ou Grande-Gentiane , ( Matiere médic. ) La racine de gentiane est la seule partie de cette plante qui soit employée en Medecine; elle est très-amere, & elle est fort employée à ce titre, comme stomachique & vermifuge. Voy. Stomachique & Vermifuge . Elle est recommandée contre les obstructions des visceres du bas-ventre, contre la jaunisse, & contre les fievres intermittentes. C'étoit un des fébrifuges que l'on employoit avec le plus de succès avant la découverte du quinquina; elle passe pour résister aux poisons & à la peste même; elle est célebre depuis long-tems contre la morsure des animaux venimeux: c'est une des vertus que lui donne Dioscoride. Elle a été recommandée aussi contre la morsure des chiens enragés; on peut la donner en poudre depuis demi-gros jusqu'à deux. On n'employe intérieurement ni sa décoction ni son suc, à cause de sa grande amertume; mais on les applique extérieurement pour mondifier les plaies & les ulceres. Ces liqueurs fournissent aussi de bons collyres dans les legeres inflammations des yeux. On préparoit un extrait de gentiane dès le tems de Dioscoride. Cet extrait contient la partie vraiment médicamenteuse de la plante, qui peut être administrée très-commodément sous cette forme. La racine de gentiane entre dans les compositions suivantes de la pharmacopée de Paris; savoir l'eau générale, le décoctum amer, l'élixir de vitriol, le sirop de longue vie, le dioscordium, l'opiate de Salomon, la thériaque, la thériaque diatessaron, le mithridate, l'orviétan ordinaire, l' orvietanum praestantius , le baume oppodeldoc, la poudre arthritique amere. L'extrait entre dans la thériaque céleste. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentiane, (petite) ou Gentiane-croisette Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gentiane Gentiane , ( petite ) ou Gentiane-croisette , ( Mat. médicale. ) La racine de petite gentiane est très estimée par les modernes, dit Ray, contre la peste & la morsure des animaux venimeux. Mathiole assûre que cette racine étant pilée & appliquée sur le bas-ventre en forme de cataplasme, est un remede éprouvé contre les vers des intestins; & que la plante fraîche pilée ou séchée, & pulverisée, est d'une grande efficacité contre les ulceres écroüelleux. Cette plante est absolument inusitée parmi nous. Usage chirurgical de la racine de gentiane . C'est un fort bon dilatant pour aggrandir un ulcere fistuleux, & en entretenir l'ouverture. Voyez Dilatans & Dilatation . Pour completer sommairement ces articles, nous devons remarquer que la dilatation des sinus fistuleux convient principalement à ceux qui sont environnés de toutes parts de parties respectables, telles que sont les nerfs, les gros vaisseaux, les tendons, les ligamens, &c. Le seul moyen de conserver une ouverture nécessaire contre les progrès de la réunion, est l'usage des dilatans. On dilate, & l'on entretient une ouverture dilatée, pour deux vûes générales; 1°. pour attendre une exfoliation ou un corps étranger, dont l'extraction ou la sortie se doivent différer; 2°. pour conserver dans certains cas une issue aux écoulemens, & une entrée aux secours nécessaires à la cure. Ce sont ordinairement des cannules qui remplissent cette seconde vûe. La racine de gentiane s'employe particulierement pour écarter & forcer, pour ainsi dire, la plaie ou l'ulcere à devenir plus large. Elle n'a pas l'inconvénient de l'éponge préparée, qui acquiert dans un sinus où on l'a mise, cinq ou six fois autant de volume qu'elle en avoit en l'y mettant; & comme elle se gonfle plus où elle trouve moins de résistance, on a quelquefois beaucoup de peine à la retirer. La racine de gentiane introduite dans une plaie, se gonfle, à la vérité; mais elle ne peut pas acquérir un si grand volume, capable de mettre trop de disproportion. Elle mérite d'ailleurs des préférences sur l'éponge préparée, parce qu'elle a une qualité détersive & antiputride; elle détruit les chairs fongueuses & calleuses. La poudre de racine de gentiane mise sur les fontanelles ou cauteres dont la suppuration se tarit, ranime les chairs, & produit de nouveau une exudation purulente; on peut en former des boules en forme de pois, pour mettre dans le creux de ces ulceres artificiels. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTIERE Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=NA GENTIERE GENTIERE, f. f. outil de Charron; ce sont quatre morceaux de bois enchâssés quarrément, aux quatre coins desquels sont posées quatre chevilles qui servent à embrasser plusieurs gentes accolées les unes à côté des autres, pour y percer des mortaises, après les avoir assujetties des quatre côtés avec des coins. Voyez la fig. Planche du Charron . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTIL Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GENTIL GENTIL, s. m. ( Hist. anc. ) payen qui adore les idoles. Voyez Idole , Payen , Dieu Les Hébreux appelloient gentes , nations, tous les autres peuples de la terre, tout ce qui n'étoit pas israélite ou hébreu. Il y en a qui disent que les Gentils ont été appellés de ce nom, par opposition aux Juifs & aux Chrétiens, qui ont une loi positive qu'ils suivent dans leur religion; au lieu que les Gentils n'ont que la loi naturelle, & celle qu'ils s'imposent librement à eux-mêmes: Gentiles quia sunt & geniti fuerunt . Les Juifs se servoient du mot de gentil dans le sens que les Chrétiens employent celui d' infidele . S. Paul est appellé le docteur & l'apôtre des Gentils; c'est ainsi qu'il s'appelle lui-même, Rom. xj. 13 . « Tant que je serai l'apôtre des Gentils , je travaillerai à rendre illustre mon ministere ». La vocation des Gentils à la foi a été prédite dans l'ancien Testament, comme elle s'est accomplie dans le nouveau. Voyez Ps. ij. 8. Is. ij. 2. Joel, ij. 29. Matth. viij. 2. xij. 18. Act. xj. 18. xiij. 47. 48. xxviij. 28. Rom. j. 5. iij. 29. xj. 12. 13. 25. Eph. ij. Apoc. xj. 2. xxij. 2 . Dans le Droit & dans l'Histoire romaine, le nom de gentil, gentilis , signifie quelquefois ceux que les Romains appelloient barbares , soit qu'ils fussent leurs alliés ou non. Dans Ammien, dans Ausone, & dans la notice de l'Empire, il est parlé des Gentils dans le sens qui vient d'être expliqué. Les Romains ont aussi appellé Gentils , les étrangers qui n'étoient pas sujets de l'Empire, comme on le voit dans le code théodosien, au traité de nuptiis Gentilium , où gentiles est opposé à provinciales , c'est-à-dire aux habitans des provinces de l'Empire. Ce mot ne s'est introduit dans le latin & dans le grec, où il est aussi en usage, que depuis l'établissement du Christianisme, & il est pris de l'Ecriture. Dictionn. de Trévoux & de Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentils, (philosophie des) Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentils * Gentils , ( philosophie des ) Voyez les articles Philosophie des Grecs , des Romains , & l'article Histoire de la Philosophie en général . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTIL-DONNES Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.f.pl. GENTIL-DONNES * GENTIL-DONNES, s. f. pl. ( Hist. ecclésiast. ) religieuses de l'ordre de saint Benoît. Elles ont trois maisons à Venise. Ces maisons sont composées des filles des sénateurs & des premieres maisons de la république; c'est ce qui les a fait appeller gentil-donnes , ou les couvents des dames nobles . Le premier fut fondé par les ducs de Venise, Ange & Justinien Partiapace, en 819. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTILHOMME Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GENTILHOMME GENTILHOMME, s. m. ( Jurisp. ) nobilis genere , signifie celui qui est noble d'extraction, à la différence de celui qui est annobli par charge ou par lettres du prince, lequel est noble sans être gentilhomme; mais il communique la noblesse à ses enfans, lesquels deviennent gentilshommes . Quelques-uns tirent l'étymologie de ce mot du latin gentiles , qui chez les Romains signifioit ceux qui étoient d'une même famille, ou qui prouvoient l'ancienneté de leur race. Cette ancienneté que l'on appelloit gentilitas , étoit un titre d'honneur; mais elle ne formoit pas une noblesse, telle qu'est parmi nous la noblesse d'extraction: la noblesse n'étoit même pas héréditaire, & ne passoit pas les petits-enfans de celui qui avoit été annobli par l'exercice de quelque magistrature. D'autres veulent que les titres d' écuyers & de gentilshommes ayent été empruntés des Romains, chez lesquels il y avoit deux sortes de troupes en considération, appellées scutarii & gentiles . Il en est parlé dans Ammian-Marcellin, sous le regne de Julien l'Apostat, qui fut assiégé en la ville de Sens par les Sicambriens, lesquels savoient scutarios non adesse nec gentiles, per municipia distributos . Enfin une troisieme opinion qui paroît mieux fondée, est que le terme de gentilshommes vient du latin gentis homines , qui signifioit les gens dévoüés au service de l'état , tels qu'étoient autrefois les Francs, d'où est venue la premiere noblesse d'extraction. Tacite pariant des Gaules, dit que les compagnons du prince ne traitent d'aucunes affaires qu'ils n'ayent embrassé la profession des armes; que l'habit militaire est pour eux la robe virile; qu'ils ne sont jusque-là que membres de familles particulieres, mais qu'alors ils appartiennent à la patrie & à la nation, dont ils deviennent les membres & les défenseurs. Dans les anciennes ordonnances on trouve écrit tantôt gentishommes , tantôt gentilshommes . Les gentilshommes joüissent de plusieurs priviléges qui seront expliqués au mot Nobles . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme à Drapeau Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne | Art militaire Part of Speech=NA Gentilhomme à Drapeau Gentilhomme à Drapeau , ( Hist. mod. & Art milit. ) c'étoit autrefois dans le régiment des gardes, un jeune homme de condition qui portoit l'habit d'officier dans chaque compagnie. Il n'avoit point de paye; c'étoit une espece d'officier surnuméraire, destiné à remplir les places d'enseigne dans le régiment lorsqu'elles devenoient vacantes. Il n'y a plus aujourd'hui de gentilshommes à drapeau dans ce régiment. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de Ligne ou de Sang Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de Ligne ou de Sang Gentilhomme de Ligne ou de Sang , c'est celui qui est noble d'extraction. Voyez ci-près Gentilhomme de quatre Lignes, & Gentilhomme de Sang . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de Nom et d'Armes Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de Nom et d'Armes Gentilhomme de Nom et d'Armes : l'opinion la plus naturelle & la plus suivie, est que c'est un noble d'ancienne extraction, qui justifie que ses ancêtres portoient de tems immémorial le même nom & les mêmes armoiries qu'il porte. Il y a néanmoins diverses opinions sur l'origine de ces termes noms & armes , qui sont rapportées par de la Roque en son traité de la noblesse, chap. v. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de Parage Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de Parage Gentilhomme de Parage , étoit celui qui étoit noble par son pere. Le privilége de ces sortes de gentilshommes étoit de pouvoir être faits chevaliers; à la différence de ceux qui n'étoient gentilshommes ou nobles que par la mere, lesquels pouvoient bien posséder des fiefs, mais non pas être faits chevaliers: ce qui est très-bien expliqué par Beaumanoir, chap. xlv. pp. 252 & 255 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de haut Parage Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de haut Parage Gentilhomme de haut Parage , est celui qui descend d'une famille illustre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de bas Parage Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de bas Parage Gentilhomme de bas Parage , est celui qui descend d'une famille moins noble. Voyez la Roque, traité de la noblesse, chap. xj. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de quatre Lignes Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de quatre Lignes Gentilhomme de quatre Lignes , est celui qui est en état de prouver sa noblesse par les quatre lignes paternelles & autant de lignes du côté maternel; ce qui fait huit quartiers. Il en est parlé dans le traité de la noblesse par de la Roque, ch. x. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhomme de Sang ou de Ligne Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gentilhomme de Sang Gentilhomme de Sang ou de Ligne , est la même chose que noble d'extraction . Les statuts de l'ordre de la jarretiere, faits par Edoüard III. roi d'Angleterre en 1347, portent que nul ne sera élû compagnon dudit ordre s'il n'est gentilhomme de sang ou de ligne . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilshommes de la Chambre Author=unknown Normalized Classification=Histoire de France Part of Speech=NA Gentilshommes de la Chambre Gentilshommes de la Chambre , ( Hist. de France. ) ils sont au nombre de quatre, & servent par année. Les deux premieres charges de gentilshommes ordinaires de la chambre furent instituées par François I. qui supprima en 1545 la charge de chambrier. Louis XIII. a créé les deux autres charges de gentilshommes de la chambre , ce qui a continué jusqu'à présent. Les quatre premiers gentilshommes de la chambre existans sont, M. le duc de Gesvres, depuis 1717. M. le duc d'Aumont, depuis 1723. M. le duc de Fleury, depuis 1741. M. le marechal-duc de Richelieu, depuis 1744, qui a pour survivancier depuis 1756, M. le duc de Fronsac son fils. Les premiers gentilshommes de la chambre prêtent serment de fidélité au Roi: ils font tout ce que fait le grand-chambellan; en son absence ils servent le Roi toutes les fois qu'il mange dans sa chambre; ils donnent la chemise à Sa Majesté, quand il ne se trouve pas quelques fils de France, princes du sang, princes légitimés, ou le grand-chambellan. Ils reçoivent les sermens de fidélité de tous les officiers de la chambre, leur donnent les certificats de service: ils donnent l'ordre à l'huissier, par rapport aux personnes qu'il doit laisser entrer. Les quatre premiers gentilshommes de la chambre , chacun dans son année, sont les seuls ordonnateurs de toute la dépense ordinaire & extraordinaire employée sur les états de l'argenterie pour la personne du Roi, ou hors la personne du Roi; comme aussi sur l'état des menus plaisirs & affaires de la chambre. Ils ont sous eux les intendans & les thrésoriers généraux des menus, & les autres officiers de la chambre. C'est aux premiers gentilshommes de la chambre à faire faire pour le Roi les premiers habits de deuil, tous les habits de masques, ballets & comédies, les théatres, & les habits pour les divertissemens de Sa Majesté. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilhommes ordinaires de la Maison du Roi Author=Jaucourt|Margency Normalized Classification=Histoire de France Part of Speech=NA Gentilhommes ordinaires de la Maison du Roi Gentilhommes ordinaires de la Maison du Roi , ( Hist. de France. ) ou simplement gentilshommes ordinaires . Quoiqu'ils soient réduits présentement à vingt-six, on sait qu'Henri III. les avoit créés au nombre de quarante-cinq: mais, comme M. de Voltaire le remarque, il ne faut pas les confondre avec les gentilshommes nommés les quarante-cinq , qui assassinerent le duc de Guise; ceux-ci étoient une compagnie nouvelle formée par le duc d'Epernon, & payée au thrésor-royal sur les billets de ce duc. Encore moins faut-il dire avec le P. Maimbourg, que Lognac chef des assassins du duc de Guise, fut premier gentilhomme de la chambre du roi; le maréchal de Rets & le duc de Villequier étoient seuls premiers gentilshommes de la chambre, parce que dans ce tems-là il n'y en avoit que deux; Louis XIII. en créa deux autres. Voyez ci-devant Gentilshommes de la Chambre . ( D. J. ) Les gentilshommes ordinaires servent par semestre; ceux de service doivent se trouver au lever & au coucher du Roi tous les jours; l'accompagner dans tous les lieux, afin d'être à portée de recevoir ses commandemens. C'est au Roi seul qu'ils rendent réponse les ordres qu'ils ont exécutés de sa part: ils sont à cet effet introduits dans son cabinet Leurs fonctions sont uniquement renfermées dans le service & dans la personne du Roi. S'il y a quelques affaires à négocier dans les pays étrangers, Sa Majesté quelquefois les y envoye avec le titre & la qualité de ministre ou d' envoyé extraordinaire . Elle s'en sert aussi s'il faut conduire des troupes à l'armée, ou les établir dans des quartiers d'hyver; pour porter ses ordres dans les provinces, dans les parlemens & dans les cours souveraines. Le Roi se sert de ses gentilshommes ordinaires pour notifier aux cours étrangeres la naissance du dauphin & celle des princes de la famille royale, & lorsqu'il desire témoigner aux rois, aux princes souverains, qu'il prend part & s'intéresse aux motifs de leur joie ou de leur affliction. Ce sont les gentilshommes ordinaires qui invitent de la part du Roi, les princes & les princesses de se trouver aux nôces du dauphin, & d'assister au banquet royal & aux différentes fêtes qui les suivent. Le roi les charge d'aller sur la frontiere recevoir les rois ou princes souverains, pour les accompagner & les conduire tout le tems de leur séjour en France. C'est un gentilhomme ordinaire qui va recevoir sur la frontiere les ambassadeurs extraordinaires, ou de Perse, ou du grand-seigneur; il est chargé aux dépens du Roi, de toutes les choses qui regardent le traitement, entretien, & les autres soins qui lui sont ordonnés pour lesdits ambassadeurs; & il les accompagne dans leurs visites, aux spectacles, promenades, soit dans Paris ou à la campagne, même jusqu'à leur embarquement pour le départ. Lorsque Sa Majesté va à l'armée, quatre gentilshommes ordinaires de chaque semestre ont l'honneur d'être ses aides-de-camp, & de le suivre toutes les fois qu'il monte à cheval. Le Roi régnant ayant jugé à-propos de donner un ceinturon & une fort belle épée de guerre à ceux qui l'ont suivi dans ses glorieuses campagnes; cette faveur de distinction fut précédée & annoncée par une lettre de M. le comte d'Argenson, ministre & secrétaire d'état de la guerre, écrite à chacun en particulier, & conçûe en ces termes: A Alost, le 5 Août 1745 . « Je vous donne avis, Monsieur, par ordre du Roi, que Sa Majesté a ordonné au sieur Antoine son porte-arquebuse, de vous délivrer une épée de guerre; & Elle m'a chargé en même tems de vous marquer la satisfaction qu'Elle a des services que vous lui avez rendus pendant cette campagne ». Je suis très-parfaitement, Monsieur, &c. Il y a eu dans ce corps des personnes illustres par leur naissance, leurs grades militaires, ou d'un mérite distingué: tels que le connétable de Luynes, MM. de Toiras & de Marillac, maréchaux de France & chevaliers des ordres du roi; MM. Malherbe, Racine, de Voltaire. Article de M. de Margency , Gentilhomme ordinaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gentilshommes servans Author=unknown Normalized Classification=Histoire de France Part of Speech=NA Gentilshommes servans Gentilshommes servans , ( Hist. de France. ) Ces gentilshommes, fixés au nombre de trente-six, font journellement à la table du Roi les fonctions que font aux grandes cérémonies le grand-pannetier de France, représenté par douze de ces gentilshommes; le grand-échanson & le grand-écuyer-tranchant, représentés aussi chacun par douze de ces gentilshommes servans: cependant ils sont indépendans de de ces trois grands-officiers; car lorsqu'il arrive à ces grands-officiers d'exercer leurs charges, comme à la cene, les gentilshommes servans servent conjointement avec eux, & font alternativement leurs fonctions ordinaires: il y en a neuf par quartier, trois de chaque espece. Ils sont nommés gentilshommes servans le Roi , parce qu'ils ne servent que Sa Majesté, les têtes couronnées, ou les princes du sang & les souverains, quand le Roi les traite, le premier maître d'hôtel ou les maîtres d'hôtel de quartier y servant alors avec le bâton de cérémonie. Le jour de la cene ils servent conjointement avec les fils de France, les princes du sang & les seigneurs de la cour, qui présentent au Roi les plats que Sa Majesté sert aux treize enfans de la cene. Ils ont rang aux grandes cérémonies; ils servent toûjours l'épée au côté, & ont séance immédiatement après les maîtres d'hôtel. Ils prêtent serment de fidélité au Roi entre les mains du grand-maître, ainsi que les douze maîtres-d'hôtel. Etat de la France . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENTILÉ Author=Jaucourt Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GENTILÉ GENTILÉ, s. m. ( Gramm. ) terme latin, que l'usage a francisé pour exprimer le nom qu'on donne aux peuples par rapport au pays ou aux villes dont ils sont habitans. Le gentilé d'un seul homme peut être de trois manieres & de trois sortes de dénominations: le gentilé , par exemple, du peintre Jean Rothénamer est allemand, bavarois & munichien; allemand signifie qu'il est d'Allemagne; bavarois, qu'il est du cercle de Baviere; & munichien, qu'il est de Munich. Le dictionnaire d'Etienne de Bisance enseigne le gentilé des habitans des villes, & des pays dont il parle. Notre langue manque souvent de cette sorte de richesse; ce qui nous oblige d'employer des circonlocutions, parce que nous n'avons point de dénomination tirée du nom de plusieurs villes. On seroit bien embarrassé de désigner le gentilé des habitans d'Amiens, de Saint-Omer, d'Arras & d'autres lieux; il est vrai cependant qu'il y a plusieurs pays & villes qui ont leur gentilé déjà fait, & que tout le monde ne connoît pas: tels sont les habitans de l'Artois, de Salé & de Candie, qui s'appellent artésiens, saletins & candiots . Mais on trouve encore dans les auteurs le gentilé des peuples de certaines provinces, qu'il est plus difficile de deviner, comme berruyers, guespins & hennuyers. La plûpart des François ignorent que ce sont les habitans de Berri, d'Orléans & du Hainaut. Je crois que l'on pourroit former avec succès le gentilé qui nous manque de plusieurs de nos villes & provinces, & que ces sortes de dénominations faites dans la regle, & transportées ensuite dans les livres de Géographie, prendroient faveur. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GENUFLEXION Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.f. GENUFLEXION GENUFLEXION, s. f. ( Hist. eccl. ) fléchissement de genoux. Rosweid, dans son onomasticon , prétend que la génuflexion dans la priere est un usage très-ancien dans l'Eglise, & même dans l'ancien Testament; que cet usage s'observoit toute l'année, excepté le dimanche, & que pendant le tems qui est depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte, elle étoit défendue par le concile de Nicée. D'autres ont prétendu que cette différence venoit des apôtres, comme cela paroît par S. Irénée & Tertullien. L'église d'Ethiopie qui est scrupuleuse ment attachée aux anciennes coûtumes, a retenu celle de ne point réciter le service divin à genoux. Les Russes regardent comme une chose indécente de prier Dieu à genoux. Les Juifs prient toûjours debout. Rosweid tire les raisons de la défense de ne point faire de génuflexion le dimanche, de S. Basile, de S. Athanase & de S. Justin. Baronius prétend que la génuflexion n'étoit point établie l'an 58 de Jesus-Christ, à cause de ce qu'on lit de S. Paul dans les Actes xx. 36: mais d'autres ont crû qu'on n'en pouvoit rien conclure. Le même auteur remarque que les Saints avoient porté si loin l'exercice de la génuflexion , que quelques uns en avoient usé le plancher à l'endroit où ils se mettoient; & S. Jérôme dit que S. Jacques avoit par-là contracté une dureté aux genoux égale à celle des chameaux. Eusebe l'assûre de S. Jacques de Jérusalem. Dict. de Trévoux & Chambers . Bingham, dans ses antiquités ecclésiastiques , prouve fort bien ce que prétend Rosweid, qu'à l'exception des dimanches & du tems depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte, les fideles prioient toûjours à genoux, & principalement les jours de station, c'est-à-dire les jours de jeûne. Il cite sur ce sujet plusieurs peres & conciles; entr'autres le troisieme concile de Tours, qui s'exprime de la sorte: Sciendum est quod exceptis diebus dominicis & illis solemnitatibus quibus universalis ecclesia ob recordationem dominicae resurrectionis solet stando orare, fixis in terrâ genibus, suppliciter clementiam Dei nobis profuturam nostrorumque criminum indulgentiam deposcendum est . Bingham, orig. ecclesiastiq. tom. V. lib. XIII. ch. viij. §. 4. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Génuflexion Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Génuflexion Génuflexion , ( Hisl. mod. ) marque extérieure de respect, de soûmission, de dépendance d'un homme à un autre homme. L'usage de la génuflexion passa de l'Orient dans l'Occident, introduit par Constantin, & précédemment par Dioclétien; il arriva de-là que plusieurs rois, à l'exemple de l'empereur d'Occident, exigerent qu'on fléchît les genoux en leur parlant, ou en les servant. Les députés des communes prirent la coûtume de parler à genoux au roi de France, & les vestiges en subsistent toûjours. Les ducs de Bourgogne tâcherent aussi dans leurs états de conserver l'étiquete des chefs de leur maison. Les autres souverains suivirent le même exemple. En un mot, un vassal se vit obligé de faire son hommage à son seigneur les deux genoux en terre. Tout cela, comme dit très-bien M. de Voltaire, n'est autre chose que l'histoire de la vanité humaine; & cette histoire ne mérite pas que nous nous y arrêtions plus long-tems. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉNUSUS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GÉNUSUS GÉNUSUS, ( Géog. anc. ) riviere de l'Illyrie, entre Apsus & Apollonie. César & Lucain en parlent. Le P. Briet dit que le nom moderne de Génuse est l'Arzenza. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOCENTRIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=adject GÉOCENTRIQUE GÉOCENTRIQUE, adj. ( Astron. ) se dit de l'orbite d'une planete en tant qu'on considere cette orbite par rapport à la Terre. Ce mot signifie proprement concentrique à la Terre; & c'est un terme des anciens astronomes, qui regardoient la Terre comme le centre du monde. Mais, selon le système aujourd'hui reçû, les orbites des planetes ne sont point géocentriques; il n'y a proprement que la Lune qui le soit. Voyez Planete , Lune , &c. Le mot géocentrique n'est en usage dans la nouvelle Astronomie que pour signifier 1°. la latitude géocentrique d'une planete, c'est-à-dire sa latitude telle qu'elle paroît étant vûe de la Terre. Cette latitude est l'angle que fait une ligne qui joint la planete & la Terre avec le plan de l'orbite terrestre qui est la véritable écliptique: ou, ce qui est la même chose, c'est l'angle que la ligne qui joint la planete & la Terre, forme avec une ligne qui aboutiroit à la perpendiculaire abaissée de la planete sur le plan de l'écliptique. Voyez Latitude . Ainsi, dans les Planches d'Astronomie , figure 40 . menant de la planete la ligne e perpendiculaire au plan de l'écliptique, l'angle T e est la latitude géocentrique de cette planete, lorsque la Terre est en T ; & l'angle et est la latitude géocentrique de cette même planete, quand la Terre est en t. Voyez Latitude . 2°. Le lieu géocentrique d'une planete est le lieu de l'écliptique, auquel on rapporte une planete vûe de la Terre. Ce lieu se détermine en cherchant le point ou degré de l'écliptique, par lequel passe la ligne T e . On peut voir dans les instr. astronomiq. de M. le Monnier, pag. 551 , la méthode de trouver le lieu géocentrique. Voyez Lieu ; voyez aussi Héliocentrique . 3°. On appelle longitude géocentrique d'une planete, la distance prise sur l'écliptique & suivant l'ordre des signes, entre le lieu géocentrique , & le premier point d'Ariès. Voyez Longitude . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉODE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.m. GÉODE GÉODE, s. m. ( Hist. nat. Minéral. ) on donne ce nom à une pierre, ou brune, ou jaune, ou de couleur de fer, qui est ordinairement arrondie, mais irrégulierement, creuse par-dedans, assez pesante, & contenant de la terre ou du sable, que l'on entend remuer lorsqu'on la secoue. Wallerius regarde avec raison le géode comme une espece d'aetite, ou de pierre d'aigle, avec qui il a beaucoup de rapport; il est comme elle formé de plusieurs couches ou croûtes de terre ferrugineuse, qui se sont arrangées les unes sur les autres, & se sont durcies. Ces croûtes ou enveloppes sont quelquefois sillonnées; d'autres sont luisantes & lisses; d'autres sont gersées & remplies de petites crevasses. La géode ne differe de la pierre d'aigle, que parce que le noyau que cette derniere contient est de pierre; au lieu que le géode contient de la terre. Cette terre est ordinairement de l'ochre mêlée de sable; & M. Hill prétend qu'elle n'est jamais de la même nature que la couche de terre dans laquelle les géodes se trouvent: d'où il conclut que ces pierres ont dû être formées dans d'autres endroits que ceux où on les rencontre actuellement. Cela peut être vrai pour les géodes d'Angleterre; mais il s'en trouve en Normandie dans de l'ochre, où tout prouve qu'ils ont été formés. Le même auteur compte cinq especes de géodes dans son histoire naturelle des fossiles: mais les différentes figures qu'on y remarque sont purement accidentelles; & les géodes , ainsi que les aetites, doivent ètre regardées comme de vraies mines de fer. On en trouve en une infinité d'endroits, de France, d'Allemagne, de Bohème, &c. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉODÉSIE Author=d'Alembert Normalized Classification=Géodésie Part of Speech=s.f. GÉODÉSIE GÉODÉSIE, s. f. ( Ordre encyclop. Entendement. Raison, Philosoph. Science de la Nat. Mathématiques. Géométrie. Géodésie. ) c'est proprement cette partie de la Géométrie pratique qui enseigne à diviser & partager les terres & les champs entre plusieurs propriétaires. Voyez ci-après Géométrie . Ce mot vient de deux mots grecs, γῆ terra , terre, & δαίω , divido , je divise. Ainsi la Géodésie est proprement l'art de diviser une figure quelconque en un certain nombre de parties. Or cette opération est toûjours possible, ou exactement, ou au-moins par approximation. Si la figure est rectiligne, on la divisera d'abord en triangles, qui auront un sommet commun pris où l'on voudra, soit au-dedans de la figure, soit sur la circonférence. On calculera par les méthodes connues l'aire de chacun de ces triangles, & par conséquent on aura la valeur de chaque partie de la surface, & on connoîtra par-là de quelle maniere il faut diviser la figure; toute la difficulté se réduira dans tous les cas à diviser un triangle en raison donnée. C'est ce qu'il est nécessaire de développer un peu plus au long. Soit proposé, par exemple, de diviser un hexagone par une ligne qui parte d'un de ses angles, en deux parties qui soient entr'elles comme m à n; on divisera d'abord cet hexagone en quatre triangles par des lignes qui partent du point donné; ensuite soit A l'aire de l'hexagone, & pA, qA, rA, sA , l'aire de chacun des triangles; comme les aires des deux parties cherchées doivent être mA & nA , supposons que , il s'ensuit qu'il faudra prendre dans le triangle qA une partie xA , telle que ; d'où l'on tire ( p+q ) n ( r+s ) m=mx+nx , & par conséquent . Il s'agit donc de diviser le triangle qA en deux parties xA & ( q-x ) A , qui soient entr'elles comme x est à q-x , & par conséquent en raison donnée, puisque x est connue par l'équation qu'on vient de trouver. Or pour cela il suffit de diviser le côté de l'hexagone qui est la base de ce triangle qA , en deux parties, qui soient entre elles comme x à q-x; opération très-facile. Voyez Triangle . Le problème n'auroit pas plus de difficulté, si le point donné étoit non au sommet des angles, mais sur un des côtés de la figure à volonté. Si la figure que l'on propose de diviser est curviligne, on peut quelquefois la diviser géométriquement en raison donnée, mais cela est rare; & en général la méthode la plus simple dans la pratique consiste à diviser la circonférence de la figure en parties sensiblement rectilignes, à regarder par conséquent la figure comme rectiligne, & à la diviser ensuite selon la méthode précédente. Quelquefois, au lieu de diviser un triangle en raison donnée par une ligne qui passe par le sommet, il s'agit de le diviser en raison donnée par une ligne qui passe par un point placé hors du sommet, soit sur l'un des côtés, soit au-dedans du triangle, soit au-dehors; alors le problème est un peu plus difficile; mais la Géométrie, aidée de l'Analyse, fournit des moyens de le résoudre. Voyez dans l'Application de l'Algebre à la Géométrie de M. Guisnée la solution des problemes du second degré, vous y trouverez celui dont il s'agit. Il est résolu & expliqué fort en détail; & il servira, comme on le va voir, à diviser une figure quelconque en raison donnée par une ligne menée d'un point donné quelconque. Si le point par lequel passe la ligne qui doit diviser une figure quelconque en raison donnée, est situé au-dedans ou au-dehors de la figure, alors il est évident que le probleme peut avoir plusieurs solutions, au-moins dans un grand nombre de cas, & quelquefois être impossible. Pour le sentir, il suffit de remarquer que si la figure, par exemple, est réguliere & d'un nombre pair de côtés, que le point donné soit le centre, & qu'il faille diviser la figure en deux parties égales, le probleme est indéterminé, puisque toute ligne tirée par le centre résoudra ce probleme; que si les deux parties doivent être inegales, le problème est impossible; & que si dans ce dernier cas le point est placé hors de la figure, soit réguliere, soit irréguliere, le probleme a toûjours deux solutions, dont l'une s'exécutera par une ligne tirée à droite, & l'autre à gauche, toutes deux partant du point donne. Or menant du point donné à tous les angles de la figure des lignes, qui prolongées, s'il est nécessaire, au-dedans de la figure, partagent cette figure en quadrilateres, ce qui est toûjours possible, on voit évidemment que, comme la question s'est réduite dans le premier cas a partager un triangle en raison donnée, par une ligne qui parte d'un point donné; de même la question se reduit ici, après avoir calculé séparément les surfaces de tous ces quadrilateres, à partager l'un d'eux en raison donnée par une ligne tirée du point donné. Il y a donc ici trois choses à trouver, 1°. quel est le quadrilatere qu'il faut partager; 2°. quelle est la raison suivant laquelle il faut le partager; 3°. comment on partage un quadrilatere en raison donnée par une ligne menée d'un point donne, qui se trouve au concours des deux côtés du quadrilatere. Les deux premiers de ces problèmes se résoudront par une methode exactement semblable à celle qu'on a donnée ci-dessus, pour le cas de la division de la figure en triangles. Le troisieme demande un calcul analytique fort simple, & tout-à-fait analogue à celui que M. Guisnée a employé pour résoudre le même problème par rapport au triangle. Nous y renvoyons le lecteur, afin de lui laisser quelque sujet de s'exercer à l'analyse géométrique; mais si l'on veut se dispenser de cette peine, on pourra réduire le problème dont il s'agit, au cas de la division du triangle de la maniere suivante. On prolongera les deux côtés du quadrilatere qui ne concourront pas au point donné, & on formera un triangle extérieur au quadrilatere qui aura un des autres côtés du quadrilatere pour base, & qui sera avec le quadrilatere en raison donnée de k à 1, k étant un nombre quelconque entier ou rompu. Cela posé, scient pA, qA les deux parties dans lesquelles il faut diviser le quadrilatere, il est évident que le quadrilatere total sera pA+qA; que le triangle sera k ( pA+qA ), & que le triangle joint au quadrilatere (ce qui formera un nouveau triangle qui aura le quatrieme côté du quadrilatere pour base), sera ( k +1) ( pA+qA ). Il s'agit donc, en menant une ligne par le point donné, de diviser ce triangle en deux parties, dont l'une soit k ( pA+qA )+ pA , & l'autre qA; c'est-à-dire que le problème se réduit à diviser un triangle connu & donné, en deux parties qui soient entr'elles comme k ( p+q )+ p est à q , par une ligne qui passe par un point donné hors du triangle: or on a dit ci-dessus comment on peut résoudre ce problème. Si le point donné est placé dans la figure, on menera par ce point à tous les angles de la figure, des lignes terminées de part & d'autre à cette figure; & on divisera par ce moyen la figure en triangles dont chacun aura son opposé au sommet. Cela posé, on cherchera les aires de ces triangles, & on aura les aires de chaque partie de la figure terminées par une des lignes tirées du point donné; lignes qu'on peut appeller, quoiqu'improprement, diametres de la figure . Connoissant ces aires, on cherchera quels sont les deux diametres voisins qui divisent la figure, l'un en plus grande raison, l'autre en plus petite raison que la raison donnée; & par-là on saura que la ligne cherchée doit passer dans l'angle formé par ces deux diametres: & comme il peut y avoir plusieurs diametres voisins qui divisent ainsi la figure, l'un en plus grande raison, l'autre en plus petite raison que la raison donnée, il s'ensuit que le probleme aura autant de solutions possibles qu'il y aura de tels diametres. Cela posé, soit A l'aire de la figure totale; pA l'aire d'un des triangles formé par les deux diametres voisins; qA l'aire du triangle opposé au sommet de celui-ci, & que je suppose lui être inférieur; mA l'aire de la partie de la figure qui est à droite de ces deux triangles; nA l'aire de la partie qui est à gauche, on aura mA+pA+nA+qA pour l'aire de la figure entiere; ensorte que m+p+n+q sera=1, & il sera question de mener entre les deux diametres donnés, & par le point donné où ces diametres se coupent, une ligne qui divise les deux triangles opposés au sommet en deux parties; savoir xA & pA-xA , d'une part, & de l'autre zA & qA-zA , & qui soient telles que mA+pA-xA +zA soit à nA+qA-zA+xA en raison donnée, par exemple de s à 1, que nous supposons être la raison demandée. On aura donc, 1° m+p-x +z:n+q-z+x::s. 1; ce qui donnera une premiere équation entre x & z: or comme les triangles xA & zA sont opposés au sommet, & font partie des triangles donnés & aussi opposés au sommet pA & qA , on trouvera facilement une autre équation générale entre x & z , puisque xA étant connue, zA le sera nécessairement; c'est pourquoi on aura deux équations en x & en z , par le moyen desquelles on trouvera x , & il ne s'agira plus que de diviser la base du triangle pA en raison de x à p; ce qui donnera la solution complete du problème. S'il falloit diviser une figure en raison donnée, par une ligne qui ne passât pas par un point donné, mais qui fût parallele à une ligne donnée, on commenceroit par diviser la figure en trapézoïdes, par des lignes menées de tous les angles de cette figure, parallelement à la ligne donnée, & il est évident qu'il ne s'agiroit plus que de diviser en raison donnée un de ces trapézoïdes, ce qui seroit très-facile. Voilà la méthode génerale pour diviser une figure en raison donnée, méthode qui réussira infailliblement dans tous les cas; mais cette méthode peut être abregée en plusieurs occasions, selon la nature de la figure proposée. Ceux qui voudront en trouver des exemples, n'auront qu'à lire le traité de Géométrie sur le terrein , de M. le Clerc, imprimé à la suite de sa Géométrie pratique , ou pratique de la Géométrie sur le papier & sur le terrein , par le même auteur. Ils trouveront dans le chap. v. de ce traité de Géométrie , des pratiques abrégées pour diviser dans plusieurs cas les figures données en différentes parties. Ce chap. v. a pour titre, division des plans; le chap. jv. qui le précede, & qui mérite aussi d'être lû, a pour objet la réduction ou transfiguration des plans , & l'auteur y enseigne principalement à changer en triangle une figure donnée; ce qu'il exécute pour l'ordinaire fort simplement au moyen de cette proposition, que deux triangles de même base & entre mêmes paralleles, sont égaux. Un coup-d'oeil jetté sur les propositions de ce chap. jv. en apprendra plus que tout ce que nous en pourrions dire. Cette réduction ou changement des figures en triangles est fort utile à l'auteur, dans le chapitre v. dont il s'agit principalement ici, pour la division des figures; & il y fait aussi un grand usage de l'égalité des triangles de même base entre mêmes paralleles. Le chap. vj. a aussi rapport à la matiere dont nous traitons: il a pour titre, comment on peut assembler les plans, les retrancher les uns des autres, & les aggrandir ou les diminuer selon quelque quantité proposée . L'auteur résout les problemes relatifs à cet objet, avec la même élégance que ceux des deux chapitres qui précedent. Cet ouvrage de M. le Clerc, une des meilleures Géométries pratiques que nous connoissions, est devenu rare; & les gravûres agréables dont l'auteur l'a accompagné, le rendent assez cher, eu égard à son volume: il seroit à souhaiter qu'on le réimprimât, en supprimant les gravûres pour diminuer le prix du livre; l'utilité de l'ouvrage, & sa clarté, en assûreroient le débit. L'édition que nous avons sous les yeux, est celle d'Amsterdam, en 1694, qu'on pourroit prendre pour modele. On pourroit même se contenter, pour rendre l'ouvrage encore moins cher, de réimprimer le seul traité de Géométrie sur le terrein; car la Géométrie pratique qui le précede, & qui est imprimée à Amsterdam en 1691, ne contient rien ou presque rien qu'on ne trouve dans la plûpart des élémens de Géométrie pratique. Quoique le mot Géodésie ait principalement l'acception que nous lui avons donnée dans cet article, de la science de partager les terres, cependant il se prend aussi assez communément & en général pour la science pratique de la mesure des terreins, soit quant à leur circonférence, soit quant à leur surface; mais cette derniere science s'appelle encore plus communément arpentage. Voyez Arpentage . La Géodésie prise en ce dernier sens, le plus étendu qu'on puisse lui donner, n'est proprement autre chose que la Géométrie pratique, dont elle embrasse toutes les parties; ainsi les opérations géométriques ou trigonométriques nécessaires pour lever une carte, soit en petit, soit en grand, seront en ce dernier sens des opérations de Géodésie , ou pourront être regardées comme telles. C'est pour cette raison que quelques auteurs ont appellé opérations géodésiques , celles qu'on fait pour trouver la longueur d'un degré terrestre du méridien, ou, en général, d'une portion quelconque du méridien de la terre. Ils les appellent ainsi pour les distinguer des opérations astronomiques , que l'on fait pour trouver l'amplitude de ce même degré. Voyez Degré , Figure de la Terre , Géographie , Géographique , &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉODÉSIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie pratique Part of Speech=adject GÉODÉSIQUE GÉODÉSIQUE, adj. ( Géométrie prat. ) se dit de tout ce qui appartient à la Géodésie; ainsi on dit mesure géodésique, opération géodésique: & comme on a vû au mot Géodésie , que ce mot peut avoir différentes acceptions plus ou moins étendues, il s'ensuit que le mot géodésique a aussi différentes acceptions relatives à celles-là. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOGRAPHE Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GÉOGRAPHE GÉOGRAPHE, s. m. se dit d'une personne versée dans la Géographie, & plus particulierement de ceux qui ont contribué par leurs ouvrages au progrès de cette science. Voyez Géographie . On trouve à cet article la liste des Géographes les plus célebres. Ceux qui publient des cartes dans lesquelles il n'y a rien de nouveau, & qui ne font que copier quelquefois assez mal les ouvrages des autres, ne méritent pas le nom de géographes; ce sont de simples éditeurs. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOGRAPHIE Author=Robert de Vaugondy Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.f. GÉOGRAPHIE GÉOGRAPHIE, s. f. ( Ordre encycl. Entend. Rais. Philosopie ou Sciences, Sciences de la Nature, Mathém. Mathem. mixtes, Astron. Gosmogr. Géograph. ) composé de deux mots grecs, γῆ , terre , & γράφειν , peindre . La Géographie est la description de la terre. L'on ne sait guere à quel tems cette science peut remonter dans l'antiquité. Il est naturel de penser que si les premiers hommes frappés de l'éclat des astres ont été excités à en observer les cours différens, ils n'auront pas eu moins de curiosité à connoitre la terre qu'ils habitoient. Ce qu'il y a de certain, c'est que les peuples qui ont eu le plus de réputation, ont reconnu l'utilité de la Géographie: en effet sans elle il n'y eût eu ni commerce étendu ni navigation florissante; elle servit aux conquérans & aux généraux célebres, comme aux interpretes des écrivains sacrés & profanes; elle guida toûjours l'historien & l'orateur: florissante avec les Arts, les Sciences, & les Lettres, elle s'est trouvée toûjours marcher à leurs côtés dans leurs transmigrations. Née, pour ainsi dire, en Egypte comme les autres beaux arts, on la vit successivement occuper l'attention des Grecs, des Romains, des Arabes, & des peuples occidentaux de l'Europe. La premiere carte dont parlent les auteurs anciens, s'il faut les en croire sur des tems si éloignés, est celle que Sesostris le premier & le plus grand conquérant de l'Egypte, fit exposer à son peuple pour lui faire connoître, dit-on, les nations qu'il avoit soûmises & l'étendue de son empire, dont les embouchures du Danube & de l'Inde faisoient les bornes. L'on reconnoît encore l'antiquité de la Géographie dans les descriptions des livres de Moyse le plus ancien des historiens, né en Egypte, & élevé à la cour par la propre fille du roi. Ce chef du peuple de Dieu & son successeur Josué ne s'en tinrent pas à des descriptions historiques, lorsqu'ils firent le partage de la terre promise aux douze tribus d'Israël. Josephe & les plus habiles interpretes de l'Ecriture, assûrent qu'ils firent dresser une carte géographique de ce pays. La navigation contribua beaucoup aux progrès de la Géographie . Les Phéniciens les plus habiles navigateurs de l'antiquité fonderent un grand nombre de colonies en Europe & en Afrique, depuis le fond de l'Archipel ou de la mer AEgée jusqu'à Gades. Ils avoient soin d'entretenir ces colonies pour conserver & même augmenter leur commerce. Le besoin que nous avons de connoître les pays où nous faisons des établissemens, doit faire croire que cette connoissance leur étoit indispensable: la nécessité a presque toûjours été l'origine de la plûpart des sciences & des arts. Il faut convenir que quelqu'antiquité que l'on puisse donner à la Géographie , elle fut long-tems à devenir une science fondée sur des principes certains. C'est dans la suite que les Grecs asiatiques réunissant les lumieres des astronomes chaldéens & des géometres d'Egypte, commencerent à former différens systèmes sur la nature & la figure de la terre. Les uns la croyoient nager dans la mer comme une balle dans un bassin d'eau; d'autres lui donnoient la figure d'une surface plate, entre-coupée d'eau: mais en Grece des philosophes plus conséquens jugerent qu'elle formoit avec les eaux un corps sphérique. Thalès le Milesien fut le premier qui travailla sur ce dernier système; il construisit un globe, & représenta sur une table d'airain la terre & la mer. Selon plusieurs auteurs, Anaximandre disciple de Thalès est le premier qui ait figuré la terre sur un globe. Hécatée, Démocrite, Eudoxe & autres adopterent les plans ou cartes géographiques, & en rendirent l'usage fort commun dans la Grece. Aristagoras de Milet présenta à Cléomène roi de Sparte une table d'airain, sur laquelle il avoit décrit le tour de la terre avec les fleuves & les mers, pour lui expliquer la situation des peuples qu'il avoit à soûmettre successivement. Socrate réprima l'orgueil d'Alcibiade par l'inspection d'une carte du monde, en lui montrant que les domaines dont il étoit si fier ne tenoient pas plus d'espace sur cette carte qu'un point n'en pouvoit occuper. Scylax de Caryande publia sous le regne de Darius Hystaspes roi de Perse, un traité de Géographie & un périple. Voyez Périple . L'on voit dans les nuées d'Aristophane un disciple de Socrate montrant à Strepsiade une description de la terre. Ce fut sous les Grecs que la Géographie commença à profiter des secours que l'Astronomie pouvoit lui procurer; la protection qu'elle trouvoit dans les princes contribua beaucoup à ses progrès. Alexandre étoit toûjours accompagné de ses deux ingenieurs Diognetes & Beton, pour lever la carte des pays que leur prince traversoit. Ils prenoient exactement les distances des villes & des rivieres de l'Asie, depuis les portes Caspiennes jusqu'à la mer des Indes. Ils employoient les observations que Néarque & Onésicrite avoient faites à bord des vaisseaux qu'Alexandre leur avoit donnés pour reconnoître la mer des Indes & le golfe Persique. Ils observoient les distances des lieux, non-seulement par l'estime du chemin, mais encore par la mesure des stades, lorsque cela leur étoit possible; & les observations astronomiques, à la vérité beaucoup moins exactes & moins nombreuses que les nôtres, pouvoient remplir à quelques égards, quoique très-imparfaitement, les vuides que causoit le défaut des mesures actuelles. Pytheas géographe de Marseille florissoit sous Alexandre: sa passion pour la Géographie ne lui permit pas de s'en tenir aux observations faites dans son pays Il parcourut l'Europe depuis les colonnes d'Hercule jusqu'à l'embouchûre du Tanaïs. Il avança par l'Océan occidental jusque sous le cercle polaire arctique. Ayant remarqué que plus il tiroit vers le nord, plus les jours devenoient grands, il fut le premier à désigner ces différences de jour par climats. Voyez Climat . Strabon croyoit ces pays inhabitables, & malgré l'opinion qu'Eratosthène & Hipparque avoient du contraire, il ne put s'empêcher d'accuser Pytheas de mensonge; mais celui-ci fut justifie pleinement dans la suite, & sa réputation a été entierement rétablie de nos jours par un savant mémoire de M. de Bougainville membre de l'académie des Belles-Lettres. Aristote disciple de Platon, étoit aussi versé dans la connoissance de la Géographie que dans la Philosophie. Les observations astronomiques lui servirent à déterminer la figure & la grandeur de la terre. L'on attribue à cet ancien un livre de mundo , dédié à Alexandre, dans lequel on trouve une description assez exacte des parties de la terre connues de son tems; savoir, de l'Europe, de l'Asie & de l'Afrique. Thimosthènes donna un traité des ports de mers , dont Pline nous a conservé des fragmens, de même que les observations de Séleucus-Nicanor qui succéda à la puissance d'Alexandre dans la haute Asie, jusque dans une partie de l'Inde. Théophraste disciple d'Aristote, ne se contenta pas de posséder des cartes géographiques; il ordonna par son testament que ces ouvrages qui avoient fait ses délices pendant sa vie, & dont il avoit reconnu l'importance & l'utilité, fussent attachés au portique qu'il avoit donné ordre de construire. A cet athénien succéda Eratosthene dont la réputation répondoit à l'étendue de génie. D'après les observations qu'il avoit recueillies de plusieurs auteurs, il corrigea le premier la carte d'Anaximandre, & en publia une nouvelle qui contenoit la surface du monde entier, à laquelle il donnoit cinq cents mille stades de circuit. Le fruit de ses recherches fut trois livres de commentaires géographiques. Il combattoit dans le premier les erreurs reçûes de son tems: le second contenoit les corrections qu'il avoit faites à l'ancienne Géographie; & le troisieme renfermoit ses nouvelles observations. Les sciences & les arts présentent toûjours des objets à perfectionner; aussi releva-t-on des fautes dans Eratosthene, & l'on ajoûta de nouvelles corrections à celles qu'il avoit faites. Son ouvrage eut de grandes contestations à essuyer de la part de Serapion & d'Hipparque. Ce dernier étoit, selon Pline, aussi admirable dans la critique que dans toute autre matiere; cependant Strabon le représente d'un caractere si opiniâtre dans ses préventions, qu'il osa préferer même l'ancienne carte d'Anaximandre à celle qu'Eratosthène avoit corrigée. Ces disputes exciterent les esprits des Grecs, & leur donnerent une vive émulation qui servit à perfectionner les principes de la Géographie . Agatharchide le Cnidien, qui florissoit sous Ptolomée Philometor, composa un ouvrage sur le golfe arabique; Photius nous a conservé quelques extraits de cet auteur dans sa bibliotheque. Environ 50 ans après, Mnésias publia une description du monde entier. Artémidore d'Ephèse donna une description de la terre en onze livres, souvent citée par Strabon, Pline & Etienne de Byzance. Marcien d'Héraclée en avoit fait un abrégé qu'on a perdu; il ne reste de cet ouvrage que le Périple de la Bithynie & de la Paphlagonie. Cet amour pour la Géographie ne tarda pas à passer avec les arts de la Grece à Rome. Les Romains commençoient déjà à se faire connoître; ils avoient étendu leurs conquêtes hors de l'Italie, & porté leurs armes victorieuses dans l'Afrique. Scipion-Emilien jaloux du progrès des sciences dans sa patrie autant que de l'empire qu'elle disputoit à Carthage, donna des vaisseaux à Polybe pour reconnoître les côtes d'Afrique, d'Espagne & des Gaules. Polybe poussa jusqu'au promontoire des Hespérides (le Cap verd), & fit de plus un voyage par terre pour mesurer les distances de tous les lieux qu'Annibal avoit fait parcourir à son armée en traversant les Pyrénées & les Alpes. L'on doit conclure encore que l'usage des cartes géographiques étoit bien connu à Rome, de ce que Varron rapporte dans son livre de re rusticâ , au sujet de la rencontre qu'il fit de son beau-pere & de deux autres romains qui considéroient l'Italie représentée sur une muraille. Sous le consulat de Jules-César & de Marc-Antoine, le sénat conçut le dessein de faire dresser des cartes de l'Empire plus exactes que celles qui avoient paru jusqu'alors. Zénodoxe, Théodore & Polyclete furent les trois ingénieurs employés à cette grande entreprise. La conquête de la Gaule par César procura des connoissances sur l'intérieur & les parties reculées de ce pays; le passage du Rhin & d'un détroit de mer par ce conquérant, donnerent quelques notions particulieres de la Germanie & des îles Britanniques. Ce sont en général les conquêtes & le commerce qui ont aggrandi la Géographie; & en suivant ces deux objets, on voit successivement les connoissances géographiques se développer. Pompée entretenoit correspondance avec Posidonius savant astronome & excellent géographe, qui mesura (assez imparfaitement à la vérité) la circonférence de la terre par des observations célestes, faites en divers lieux sous un même méridien. Entre les auteurs qui écrivirent sur la Géographie sous Auguste & Tibere, deux se distinguerent, savoir Strabon & Denis le Periegete. Auguste contribua à la connoissance des latitudes ( voyez Latitude ); comme les plus hauts gnomons ( voyez Gnomons ) dont on se servoit pour connoître la hauteur du soleil par la longueur de l'ombre, se trouvoient principalement en Egypte, ce prince ordonna d'en transporter plusieurs à Rome, dont un entr'autres avoit cent onze pies de hauteur sans comprendre le piedestal. Il fit travailler aussi à des descriptions particulieres de divers pays, & sur-tout de l'Italie, où l'on marqua les distances par milles le long des côtes & sur les grands chemins. Ce fut enfin sous son regne que la description générale du monde, à laquelle les Romains avoient travaillé pendant deux siecles, fut achevée sur les mémoires d'Agrippa, & mise au milieu de Rome sous un grand portique bâti expres. Les regnes de Tibere, de Claude, de Vespasien, de Domitien & d'Adrien, furent remarquables par le goût qui y regna pour la Géographie . Isidore de Charax qui vivoit au commencement du premier siecle de l'ere chretienne, avoit composé un ouvrage intitulé σταθμοὶ Παρθικοὶ stations des Parthes , interessant pour les distances locales de dix-huit petits gouvernemens qui faisoient partie du royaume des Perses. Pomponius-Mela parut après, qui publia un petit corps de Géographie intitule de situ orbis . Suétone rapporte que sous Domitien, Métius-Pomposianus qui montroit au peuple la terre peinte sur un parchemin, fut la victime de l'amour qu il avoit pour la Géographie; le prince s'étant imaginé que ce romain aspiroit à l'empire, le sacrifia à ses soupçons & le fit mourir. Sous le même empereur vivoit Pline le naturaliste. La Géographie qui faisoit partie de l'histoire naturelle qu'il avoit entreprise, l'engagea à faire une description des pays de la terre connus de son tems, laquelle est comprise dans les 3, 4, 5 & 6 e livres de son ouvrage. Les noms des auteurs tant romains qu'étrangers qu'il avoit consultés, & dont il fait mention dans la table des chapitres, doivent faire juger par leur nombre considérable non-seulement de son exactitude, mais encore du goût qu'on avoit eu avant lui de cultiver la Géographie , & de l'utilité dont on la croyoit susceptible. L'on voit dans Florus que du tems de Trajan la science de composer des cartes géographiques étoit en vigueur à Rome. Marin de Tyr vint ensuite qui corrigea & augmenta de ses connoissances celles des savans qui l'avoient précédé. Arien de Nicomédie sous l'empereur Adrien laissa deux périples, l'un du Pont-Euxin & l'autre de la mer Rouge. La Géographie faisoit toûjours peu-à-peu quelques progres, lorsque Ptolomée vint contribuer à sa perfection par une description du globe terrestre beaucoup plus ample & plus exacte que toutes celles qui avoient paru jusqu'alors. Cet auteur étoit de Peluse ville d'Egypte, & vivoit du tems de Marc-Aurele vers l'an 150 de l'ére chrétienne. Les Grecs le surnommerent très-divin & très-sage , à cause de la connoissance profonde qu'il possédoit des Mathématiques & de la Physique. Je ne m'arrêterai point aux ouvrages qu'il fit sur la Physique du monde ni à ses systèmes; il me suffira de le donner comme le restaurateur & même le pere de la Géographie . Muni des cartes des anciens & des observations faites de son tems, il corrigea beaucoup de choses dans Marin de Tyr; il réduisit les distances de tous les lieux de la terre en degrés & minutes, selon la méthode de Posidonius. Il fit usage des degrés de longitude & de latitude, & assujettit la position des lieux à des observations astronomiques. Cette méthode fut adoptée depuis par les meilleurs géographes, qui ont reconnu par expérience qu'elle est la plus exacte & la plus sure pour la construction des cartes géographiques. Les ouvrages des anciens jusqu'à Ptolomée sont admirables par la sagacité & la force de génie de leurs auteurs; cependant il faut convenir que la Géographie n'étoit encore qu'ébauchée. Hipparque avoit été réformé par Posidonius; les cartes de celui-ci le furent par Marin de Tyr, & celles de Marin de Tyr furent trouvées susceptibles de correction par Ptolomée. Dans la suite l'on reconnut que le travail de Ptolomée devoit recevoir quelque réforme; il s'en falloit de beaucoup que toutes les observations dont il faisoit usage fussent exactes: il étoit obligé de s'en rapporter aux relations des voyageurs, & à l'estime qu'ils faisoient des distances. Des connoissances si incertaines ne pouvoient pas donner une grande exactitude pour les longitudes & les latitudes: delà les fautes considérables qu'on a reconnues dans la Géographie de Ptolomée, tant pour la situation des îles fortunées ou canaries, & la partie septentrionale des iles britanniques, que pour la portion de la capitale des Sines qu'on croit être les Chinois, qu'il mettoit à trois degrés de latitude; enfin pour l'île de Taprobane qu'on croit être l'île de Ceylan, ou celles de Sumatra ou de Borneo. Mais ces fautes ne doivent pas empêcher qu'on ne regarde Ptolomée comme celui qui a le plus mérité dans la science dont nous parlons. Depuis cet auteur jusqu'à la fin du bas Empire, il parut peu d'ouvrages estimables en Géographie . L'on trouve cependant encore les cartes en usage dans les troisieme & quatrieme siecles sous Dioclétien, Constance & Maximien. L'on croit que c'est au tems de l'empereur Théodose que l'on peut fixer la rédaction de la carte provinciale & itinéraire, connue depuis sous le nom de Peutinger. Il seroit inutile de s'étendre ici sur la nature de cet ouvrage; l'on peut consulter ce qui en est rapporté dans l' Essai sur l'Hist. de la Géographie publiée en 1755. chez Boudet , & dans lequel on trouvera ce qui en a été dit jusqu'à-présent. Le dernier ouvrage que l'on peut mettre au rang de ceux des anciens est la notice de l'Empire, attribuée à Ethicus qui vivoit entre 400 & 450 de l'ere chrétienne; il est précieux par les lumieres qu'il procure tant pour la Géographie que pour l'Histoire. Les siecles de barbarie qui suivirent la décadence de l'Empire romain, envelopperent presque tous les peuples dans une ignorance profonde. Il ne se trouva, pour ainsi dire, qu'en 535 un nommé Cosme égyptien qui composa une cosmographie chrétienne; & Hieroclès dans le même siecle qui publia une notice de l'empire de Constantinople: deux ouvrages estimables, & qui ont été toûjours recherchés. L'amour des sciences & des arts chassé par la barbarie d'Europe en Asie, trouva chez les Arabes un accès favorable. Ces peuples avoient déjà composé plusieurs ouvrages sur leur théologie, leur droit, la Philosophie, l'Astronomie & les Belles-Lettres, lorsqu'Almamon calif de Babylone fit traduire de grec en arabe le livre de Ptolomée de la grande composition , autrement nommé almageste . C'est sous ce prince qu'on vit deux astronomes géometres parcourir par ses ordres les plaines de Sennaar, pour mesurer un degré de grand cercle de la terre. L'on compte parmi les géographes arabes Abou Isac, Mahamed Ben Hassan, Hossen Ahmed Alkhalé, Schansedden Al Codsi, Abou Rilsan, Abou Abdallah Mohammed Edrissi, connu sous le nom de géographe de Nubie; enfin Ismaël Abulfeda prince de Hamah ville de Syrie, qui composa une Géographie universelle. La Perse a eu aussi ses géographes, au nombre desquels l'on peut bien mettre Nassir Edden natif de Thus en Corasan, savant dans les Mathématiques; il avoit parcouru une partie de l'Asie. Les écrits arabes & indiens lui servirent à construire des tables géographiques. Pendant que la Géographie étoit cultivée par les orientaux, elle commençoit à se réveiller parmi les européens; mais il n'y avoit guere que ceux qui avoient connoissance de la sphere qui pussent dire quelque chose d'un peu sensé sur cette science. L'état des sciences en France depuis Charlemagne jusqu'au roi Robert, & depuis ce dernier jusqu'à Philippe-le-Bel, a été le sujet des recherches de M. l'abbé le Boeuf de l'académie des Belles-Lettres: l'on y voit combien les connoissances étoient grossieres non seulement en France, mais même chez les peuples voisins. Les voyages de Marc-Pol, de Rubruquis & de Plan-Carpin en Tartarie au treizieme siecle, furent fort utiles à la Géographie . Dans le quatorzieme siecle l'on vit paroître en France une traduction des livres d'Aristote du ciel & du monde , que Nicolas Oresme avoit entreprise par ordre de Charles V. En Italie François Berlinghieri florentin, publia en 1470 un poëme italien en six livres, dans lequel il expliquoit la Géographie de Ptolomée. Cet ouvrage fut dédié à Frédéric duc d'Urbin, & orné de plusieurs cartes gravées sur le cuivre. Un vénitien nommé Dominico Mario Negro composa en 1490 une Géographie en vingt-six livres, dont l'Europe & l'Asie occupoient chacun onze livres, & l'Afrique les quatre autres. Dans le seizieme siecle Guillaume Postel publia un traité de Cosmographie. Un voyage que ce savant avoit fait dans l'orient enrichit l'Europe de la Géographie d'Abulfeda. De retour à Venise il en laissa un abrégé à Ramusius, qui le premier cita cet ouvrage, & indiqua l'usage que l'on en pouvoit faire. Castaldo s'en servit ensuite pour corriger les longitudes & les latitudes des différens lieux; & c'est sur la foi de ce dernier, qu'Ortelius parle d'Abulfeda dans son thrésor géographique. Ce fut dans ce siecle que la Géographie commenca à prendre vigueur en Europe. L'art de la gravure en bois multiplia les ouvrages; mais à cet art succéda celui de la gravure en cuivre, qui par la promptitude & la netteté produisit encore une plus grande abondance de morceaux capables de contenter la curiosité des amateurs. L'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne, la Suede, la Russie & la France ont procuré beaucoup de travaux précieux qui sont d'autant plus estimables, qu'ils sont les fruits de la perfection à laquelle les autres parties de Mathématiques ont été poussées. Il seroit inutile de rapporter ici tous les savans qui ont fait leur étude particuliere de cette science. L'on connoît parmi ceux d' Allemagne les ouvrages de Cluvier, de Jean Mayer, de Mathieu Mérian, des Homann & de leurs héritiers, d'Hasius, de Wieland géometre, auteur du nouvel & grand atlas de Silésie; & enfin de Micovini mort à Vienne en 1750, qui avoit levé géométriquement toute la Hongrie autrichienne. En Angleterre l'on a vû Humfreid, Saxton, Speed, Timothée Pont, Robert Gordon, Petty, Ogilby, Elphinston, Douvet, &c. & sur-tout Cambden. Quoique la plûpart de ces savans ayent porté leurs vûes sur tout le monde entier, l'on est redevable cependant à plusieurs d'entr'eux de la connoissance exacte des Etats britanniques. La Hollande & la Flandre ont eu de la réputation par les travaux considérables de Mercator & d'Ortelius; on ne doit pas oublier Hondius, Wischer & les célebres Janson & Blaeu, dont on voit encore aujourd'hui l'amour pour la Géographie , par les dépenses considérables qu'ils ont faites pour publier leur atlas en quatre langues différentes. L'on doit parler encore des célebres Dominique Villem Carle & Antoine Hattinga freres, ingénieurs des Etats-Généraux. Les cartes nouvelles de la Zélande, levées sur les lieux depuis 1744 jusqu'en 1752, sont si bien exécutées, qu'elles devroient bien animer ces habiles géometres à lever les autres provinces de la Hollande, ou du-moins à corriger les cartes qui en ont été publiées jusqu'à-présent. Quant à l' Espagne , l'on ne peut pas y trouver tant de géographes; mais le petit nombre qu'elle fournit est digne d'une estime aussi grande que ceux dont je viens de parler. On consultera, si l'on le juge à-propos, l' essai sur la Géographie cité ci-dessus. Il me suffira de dire que l'auteur qui mérite le plus d'être consulté est Rodrigo Mendez Sylva; qu'il parut en 1739 quelques cartes de différentes parties de l'Espagne pour le tems des Romains, par le célebre D. Marc Henri Florez, docteur en Théologie, & historiographe de S. M. catholique. Un autre ouvrage pour lequel on doit avoir encore une attention particuliere, est la carte de la province de Quito, levée par D. Pedre Maldonado, gouverneur de la province de las Esmeraldas en Amérique. Cette carte en quatre feuilles, & dont le roi d'Espagne a les planches, a été dressée par M. d'Anville de l'académie royale des Belles Lettres, & secrétaire de M. le duc d'Orléans. C'est le résultat des opérations que les académiciens espagnols & françois firent de concert pour constater la véritable figure de la terre. Si l'Espagne n'a pas été fertile en géographes comme les pays voisins, l'on en sera bien dedommagé par les nouveaux ordres du gouvernement, pour lever la carte du royaume. Des ingénieurs habiles ont déjà été envoyés par l'académie de Madrid pour cette grande entreprise. Le choix que l'on a fait doit répondre de l'exactitude d'un ouvrage si intéressant pour le progrès des connoissances géographiques. L' Italie a toûjours été recommandable par de grands hommes en tout genre. Beaucoup d'ingénieurs ont contribué par leurs travaux particuliers à connoître en détail cette partie de l'Europe; mais il n'y en a pas qui se soit plus signalé que Jean Antoine Magin de Padoue. Il composa à la fin du seizieme siecle une géographie ancienne & moderne , d'après la géographie de Ptolomée, comparée à l'état actuel de son tems. C'est à son fils que l'on est redevable du détail d'Italie, commencé par son pere & dédié au duc Vincent de Gonzague duc de Mantoue en 1600. Cet ouvrage composé de 61 cartes, a toûjours été très-estimé des savans. Riccioli savant jésuite de Ferrare, publia en 1662 un livre estimable, contenant toutes les parties de Mathématiques qui ont rapport à la Géographie & à l'Hydrographie. Il a été un des premiers qui ait eu le dessein de réformer la Géographie par les observations astronomiques. Personne n'ignore le grand ouvrage de la méridienne de Rome, entrepris par les PP. Maire & Boscovich jésuites, dont les opérations contribuant encore à déterminer la figure de la terre, doivent produire incessamment une nouvelle carte de l'état ecclésiastique. La Suede ne compte pas beaucoup de géographes. Les connoissances qu'on avoit de ce pays du tems de Charlemagne n'étoient guere plus certaines que dans les siecles les plus reculés. La premiere carte que l'on ait publiée de la Suede, & qui ressemble en quelque façon à la configuration de ce royaume, est celle d'Olaüs Magnus archevêque d'Upsal, qui vivoit dans le seizieme siecle. A cette carte en succéda une autre par Adrien Veno, & gravée à Amsterdam par Hondius en 1613. Elle est supérieure à la précédente, en ce que l'on y reconnoît mieux la figure du pays, qu'Upsal y est porté plus à sa vraie latitude, & que les mers y prennent une situation & une forme plus approchantes de la vérité: mais ces ouvrages, malgré les degrés de perfection qu'ils ont eu successivement, étoient encore remplis d'une infinité de fautes. Charles IX. conçut le dessein de connoître plus particulierement son royaume; mais il avoit besoin de géometres. Il se servit d'Andreas Bureus, qu'on peut appeller avec raison le pere de la géographie suédoise . Il étoit né en 1571; élevé dans l'étude des Mathématiques, il y fit des progrès si rapides, qu'il eut la charge de premier architecte du royaume, & de chef des Mathématiques. Le roi le mit à la tête des arpenteurs constitués dans chaque province de son royaume, pour lever géométriquement leur district. Bureus recevant les morceaux levés par ces arpenteurs, en composa une carte générale du royaume, qui parut à Stockholm en 1625 en six grandes feuilles, gravées par Trautman. Après la mort de Gustave Adolphe, la Géographie languissoit en Suede jusqu'à ce que Charles XI. mon ta sur le throne. Ce monarque non-seulement remit en vigueur les anciens établissemens, il les augmenta même & les perfectionna, en nommant une commission d'arpenteurs pour la Livonie, l'Estonie, l'Ingermanie, la Poméranie & le duché de Deux Ponts. Le baron Charles Gripenheim fut mis à la tête de cet établissement. Il mourut en 1684, & eut pour successeur le colonel comte de Dalhberg, qui poussa si vivement les travaux, qu'en 1689 en pouvoit donner des cartes exactes de toute la Suede, lorsque par ordre du roi la publication en fut défendue. L'on reconnut bien-tôt après l'abus de ces défenses. Les cartes parurent successivement, & elles contribuent encore à étendre la réputation du bureau géographique de Stockholm. La Russie n'a guere commencé à cultiver la Géographie avec succès, que vers la fin du dernier siecle: on avoit pourtant déjà dressé une carte sous le czar Michel Federowitz; mais il falloit un Pierre le Grand pour faire entrer les Sciences dans ses états. Ce monarque desiroit connoître l'étendue de son empire. Il fit lever des plans & des cartes; en 1715, le sénat fut chargé de recevoir les rapports des arpenteurs employés pour cette entreprise. Sous ce regne, la mer Caspienne changea de figure. M. Kyrillow premier secrétaire du sénat, avoit commencé à faire rédiger & graver sous ses yeux les plans que les arpenteurs apportoient. Une carte générale de ce vaste empire, la premiere qu'on eût vûe dans ce pays, fut les prémices de ses travaux. Voulant seconder les intentions de son prince, il publia un recueil de cartes particulieres sous le titre d' atlas de l'empire des Russes , dans le dessein de l'augmenter & de le perfectionner de jour en jour; mais ce n'étoit qu'un essai encore imparfait. A ce travail succéda celui que l'académie de Pétersbourg avoit résolu de faire de nouveau. M. Joseph Delisle y fut appellé, non-seulement en qualité d'astronome, mais encore comme géographe. Il mit la main à cet ouvrage, dès qu'il fut arrivé à Petersbourg en 1726. Plusieurs membres de l'académie se joignirent à lui en 1740, pour accélérer l'entreprise dont l'exécution fut achevée en 1745. Tel est l'état de la Géographie dans les différens pays de l'Europe. Il ne reste plus qu'à parler des progrès que cette science a faits en France depuis François premier, sous le regne duquel les Sciences commencerent à fleurir. L'on y remarque dans le seizieme siecle des amateurs de la Géographie . Quelques provinces dûrent aux travaux de plusieurs savans les cartes qui en furent publiées. François de la Guillotiere natif de Bourdeaux, fut, pour ainsi dire, le premier qui profitant des lumieres des savans antérieurs & contemporains, & des siennes propres, publia en 1584 une carte générale du royaume. Il en avoit dans ses mains toutes les cartes particulieres, prêtes à être mises au jour. Celui qui s'est le plus distingué dans le siecle suivant, fut Nicolas Sanson d'Abbeville, né en 1600 d'une famille distinguée de la Picardie. Ses ouvrages sont trop connus pour vouloir les détailler ici. Ses fils Nicolas, Guillaume & Adrien, coururent la même carriere, & soûtinrent avec honneur la réputation de leur pere. Pierre Moulard Sanson, petit-sils de Nicolas Sanson, entra aussi dans les vûes de son ayeul. Le reproche que l'on a fait à ces savans, a été de n'avoir pas mis en usage les observations astronomiques; mais elles étoient trop récentes pour Nicolas Sanson qui mourut en 1660, & elles demandoient encore à être confirmées par d'autres, pour obliger les fils à refondre le corps complet de géographie sorti de leurs mains. Héritiers & successeurs de ces savans géographes, nous tâchons mon pere & moi, de réparer l'objet de ces reproches par la grande entreprise du nouvel atlas que nous faisons, & dont on peut voir le fondement dans l' essai sur l'histoire de la Géographie . Du tems des Sansons, Pierre Duval d'Abbeville leur parent, fit aussi son unique occupation de la Géographie; mais ses ouvrages étoient négligés, & n'étoient pour la plûpart que des copies des cartes des Sansons. Le P. Briet jésuite, contemporain & compatriote de Nicolas Sanson, aimoit beaucoup la Géographie . Il en publia un excellent ouvrage, intitulé parallele de la Géographie ancienne & moderne . Le commencement de notre siecle doit être regardé comme l'époque d'un renouvellement général de la Géographie en France, & pour ainsi dire, dans tous les autres pays de l'Europe, auxquels il semble que ce royaume ait donné le ton. L'académie des Sciences établie sous le feu roi, & protégée par son auguste successeur; les savans dont elle a été composée, & les observations faites dans différens voyages entrepris par ordre du roi, furent favorables à la perfection de la Géographie , & procurerent la connoissance presque géométrique du globe terrestre. Jusqu'alors on ne connoissoit guere l'application qu'on pouvoit faire des observations astronomiques à la Géographie . Le P. Riccioli jésuite italien, l'avoit entrevûe: mais c'est aux Picard, aux de la Hire, aux Cassini, & autres savans de cette académie, qu'on doit la grande entreprise de la mesure de la terre. Les opérations faites pour tracer la méridienne de l'observatoire, & la prolonger depuis Dunkerque jusqu'à Collioure, firent connoître la nécessité de lever géométriquement toute la France; ouvrage important, dont on peut voir le détail dans les ouvrages publiés à ce sujet. Guillaume Delisle, éleve du grand Dominique Cassini, & aggrégé sous ce titre dans l'académie des Sciences, fut le premier qui fit usage des observations de ses maîtres & des autres savans avec lesquels il étoit en correspondance. Il fit un fonds considérable de cartes géographiques, dont quelques-unes de Géographie ancienne. Je ne m'étendrai pas davantage sur les géographes françois; il me suffit d'avoir indiqué sommairement les savans qui se sont distingués dans cette science: ce sont des modeles à ceux qui courent la même carriere. Il ne conviendroit pas de parler ici des compatriotes vivans; leurs travaux seuls doivent servir à faire leur éloge. Il seroit inutile encore de passer en revûe tous les écrivains qui ont travaillé sur la Géographie; je parle des auteurs d'élémens & de méthodes, auxquels on peut donner le nom de géographes méthodistes . Leur nombre est trop considérable; il seroit à desirer qu'il s'en trouvât un certain nombre d'utiles. Je joindrai mon suffrage à celui du public en faveur de M. l'abbé de la Croix; l'on peut dire que c'est la méthode la plus instructive, & je ne balance pas à l'indiquer aux éleves qui me sont confiés. Il faut considérer présentement la Géographie en elle-même. Elle doit être envisagée sous trois âges différens. 1°. Géographie ancienne , qui est la description de la terre, conformément aux connoissances que les anciens en avoient jusqu'à la décadence de l'empire romain. 2°. Géographie du moyen âge , depuis la décadence de l'empire jusqu'au renouvellement des Lettres. Cette partie est très-difficile à traiter, l'incursion des Barbares ayant enveloppé tout dans une ignorance profonde. Cependant le dépouillement des chroniques, des cartulaires, &c. qui sont en grande abondance, peut fournir de grandes lumieres sur cette partie de la Géographie . 3°. Géographie moderne , qui est la description actuelle de la terre, depuis le renouvellement des Lettres jusqu'à-présent. La Géographie considérée dans l'ancien tems, ne peut être traitée avec précision que par le secours de la moderne; c'est par celle-ci que l'on est venu à-bout de déterminer les différentes mesures des anciens. Voyez Mesures itinéraires . Quelque provision que l'on ait de lecture des anciens auteurs, si l'on n'en fait point une comparaison avec ce que les auteurs modernes rapportent, & si l'on ne consulte point les morceaux levés exactement sur les lieux, & rectifiés même par les observations astronomiques, l'on pourra bien composer ane carte, mais qui sera plûtôt un dépouillement des auteurs qu'on aura lûs, que le véritable état du pays tel qu'il devroit être convenablement au tems pour lequel on travaille. Pour la Géographie moderne , il faut faire une distinction entre ceux qui la traitent. Les uns se destinent à prendre connoissance d'une partie d'un royaume ou d'une province, & ils doivent être regardés comme des auteurs originaux; pour lors ces premiers sont appellés chorographes , ou topographes & ingénieurs , selon la différente etendue de pays qu'ils comprennent dans leurs travaux. Les autres embrassent dans leur travail la description entiere de la terre; ces derniers sont appellés géographes , & doivent avoir recours aux premiers, & savoir combiner & discuter les matériaux précieux dont ils se servent. Les premiers ont, pour ainsi dire, le droit d'invention par l'avantage qu'ils ont de se transporter sur les lieux pour les considérer par eux-mêmes & en lever géométriquement les différentes situations réciproques. Les seconds doivent avoir un discernement juste pour l'examen des ouvrages des premiers; souvent le géographe corrige le travail de l'ingénieur, & peut ainsi partager avec lui le droit d'invention. Guidé par les pratiques de la Géométrie & par les lumieres de l'Astronomie, il donne aux parties du globe de la terre les proportions qu'elles doivent avoir. L'astronome & le géometre ont chacun les connoissances qui leur sont propres; mais le géographe doit les posséder toutes, & être capable de discussion pour concilier & employer à-propos les secours qu'il tire de l'un & de l'autre. L'on voit donc par ce qui vient d'être dit, que la Géographie a besoin de l'Astronomie; elle en emprunte les principaux cercles imaginés pour le ciel, méridien, équateur, tropiques, cercles polaires, latitude, horison, les points cardinaux, collatéraux & les verticaux, en un mot tout ce qui se trouve dans les spheres & dans les globes; c'est ce qu'on appelle Géographie astronomique . L'on distingue encore la Géographie 1°. en naturelle; c'est par rapport aux divisions que la nature a mises sur la surface du globe, par les mers, les montagnes, les fleuves, les isthmes, &c. par rapport aux couleurs des différens peuples, à leurs langues naturelles, &c. 2°. En historique , c'est lorsqu'en indiquant un pays ou une ville, elle en présente les différentes revolutions, à quels princes ils ont été sujets successivement; le commerce qui s'y fait, les batailles, les siéges, les traités de paix, en un mot tout ce qui a rapport à l'histoire d'un pays. 3°. En civile ou politique , par la description qu'elle fait des souverainetés par rapport au gouvernement civil ou politique. 4°. En Géographie sacrée , lorsqu'elle a pour but de traiter des pays dont il est fait mention dans les Ecritures & dans l'Histoire ecclésiastique. 5°. En Géographie ecclésiastique , lorsqu'elle représente les partages d'une jurisdiction ecclésiastique, selon les patriarchats, les primaties, les diocèses, les archidiaconés, les doyennés, &c. 6°. Enfin en Géographie physique; cette derniere considere le globe terrestre, non pas tant par ce qui forme sa surface, que par ce qui en compose la substance. Voyez l'article suivant. Article de M. Robert de Vaugondy , Géographe ordinaire du Roi . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Géographie physique Author=Desmarest Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Géographie physique Géographie physique , est la description raisonnée des grands phénomenes de la terre, & la considération des résultats généraux déduits des observations locales & particulieres, combinées & réunies méthodiquement sous différentes classes, & dans un plan capable de faire voir l'économie naturelle du globe, en tant qu'on l'envisage seulement comme une masse qui n'est ni habitée ni féconde. A mesure que la Géographie & la Physique se sont perfectionnées, on a rapproché les principes lumineux de celle-ci, des détails secs & décharnés de celle-là. En conséquence de cette heureuse association, notre propre séjour, notre habitation qui ne nous avoit présenté d'autre image que celle d'un amas de débris & d'un monde en ruine, qu'irrégularités à sa surface, que desordres apparens dans son intérieur, s'offrit à nos yeux éclairés avec des dehors où l'ordre & l'uniformité se firent remarquer, où les rapports généraux se découvrirent sous nos pas. On ne s'occupa plas seulement de cette nomenclature ennuyeuse de mots bizarres, qui attestent les limites que l'ambition des conquérans a mises dans les établissemens que les différentes sociétés ont formés sur la surface de la terre; on ne distingua les pays, les contrées que par les phénomenes qu'ils offrirent à nos observations. Phénomenes singuliers ou uniformes, tout ce qui porta les empreintes du travail de la nature, fut recueilli avec soin, fut discuté avec exactitude. On examina la forme, la disposition, les rapports des différens objets: on essaya même d'apprécier l'étendue des effets, de fixer leurs limites, en suppléant à l'observation par l'expérience. Enfin on fut curieux de parvenir jusqu'aux principes généraux, constans & réguliers. A mesure que les idées se développerent, le géographe dessinateur prit pour base de ses descriptions topographiques, l'histoire de la surface du globe, & distribua par pays & par contrées, ce que le naturaliste décrivit & rangea par classes & par ordre de collection. Tel est le précis des progrès de la Géographie physique; elle les doit à la réunion combinée des secours que plusieurs connoissances ont concouru à lui fournir. On ne peut effectivement trop rassembler de ressources, lorsqu'on embrasse dans ses discussions des objets aussi vastes & aussi étendus; lorsqu'on se propose d'examiner la constitution extérieure & intérieure de la terre, de saisir les résultats généraux des observations que l'on a faites & recueillies sur les éminences, les profondeurs, les inégalités du bassin de la mer; sur les mouvemens & les balancemens de cette masse d'eau immense qui couvre la plus grande partie du globe; sur les substances terrestres qui composent les premieres couches des continens qu'on a pû sonder; sur leur disposition par lits; sur la direction des montagnes, &c. enfin sur l'organisation du globe: lorsqu'on aspire à l'intelligence des principales opérations de la nature, qu'on discute leur influence sur les phénomenes particuliers & subalternes, & que par un enchaînement de faits & de raisonnemens suivis, on se forme un plan d'explication, où l'on se borne sagement à établir des analogies & des principes. D'après ces considérations qui nous donnent une idée de l'objet de la Géographie physique , nous croyons devoir dans cet article nous attacher à deux points importans: 1°. à développer les principes de cette science, capables de guider les observateurs qui s'occupent à en étendre de plus en plus les limites, & ceux qui voudront apprécier leurs découvertes: 2°. à présenter succinctement les résultats généraux & avérés qui forment le corps de cette science, afin d'en constater l'état actuel. I. On peut réduire à trois classes générales les principes de la Géographie physique; la premiere comprend ceux qui concernent l'observation des faits; la seconde ceux qui ont pour objet leur combinaison; la troisieme enfin ceux qui ont rapport à la généralisation des résultats & à l'établissement de ces principes feconds, qui deviennent entre les mains d'un observateur des instrumens qu'il applique avec avantage à la découverte de nouveaux faits. Principes qui concernent l'observation des faits . Il n'est pas aussi important de montrer la nécessité de l'observation pour augmenter nos véritables connoissances en Géographie physique , que d'en développer l'usage & la bonne méthode. On est assez convaincu maintenant des inconvéniens qu'entraîne après elle cette présomption oisive qui nous porte à vouloir deviner la nature sans la consulter; bien loin que la sagacité & la méditation puissent suppléer aux réponses solides & lumineuses que nous rend la nature lorsque nous l'interrogeons, elles les supposent au contraire comme un objet préalable vers lequel se porte leur principal effort: ne nous dissimulons jamais ces principes. Héraclite se plaignoit de ce que les philosophes de son tems cherchoient leurs connoissances dans de petits mondes que bâtissoit leur imagination, & non dans le grand. Si nous nous exposions à mériter le même reproche: si nous perdions de vûe ces conseils si sages, nous méconnoîtrions autant nos propres intérêts que ceux de la vérité. Qu'est-il resté de ces belles rêveries des anciens? Il n'y a que le vrai & le solide qui brave la destruction des tems & les ténebres de l'oubli. Des abstractions générales sur la nature peuvent-elles entrer en comparaison d'utilité avec un seul phénomene bien vû & bien discuté? Nous voulons donc des faits & des observateurs en état de les saisir & de les recueillir avec succès. On comprend aisément que la premiere qualité d'un observateur est d'avoir acquis par l'étude & dans un développement suffisant, les notions préliminaires capables de l'éclairer sur le prix de ce qu'il rencontre; de sorte qu'il ne lui échappe aucune circonstance essentielle dans l'examen des faits, & qu'il réunisse en quelque façon toutes les vûes possibles dans leur discussion; qu'il ne les apperçoive pas rapidement, imparfaitement, sans choix, sans discernement, & avec cette stupide ignorance qui admet tout & ne distingue rien. On puise dans l'observation habituelle de la nature l'heureux secret d'admirer sans être ébloui; mais la lecture réfléchie & attentive forme de solides préventions qui dissipent aisément le prestige du premier coup-d'oeil. Il faut avoüer que plusieurs obstacles nous privent de ces avantages. Les personnes en état de mettre à profit leurs connoissances voyagent peu, ou pour des objets étrangers aux progrès de la Géographie physique: ceux qui se trouvent sur les lieux, à portée, par exemple, d'une fontaine singuliere périodique ou minérale, d'un amas de coquillages & de pétrifications, négligent ces objets ou par ignorance ou par distraction, ou enfin parce qu'ils ont perdu à leurs yeux ce piquant de singularité & d'importance. Les étrangers & les voyageurs, même habiles, les rencontrent par hasard, ou les visitent à dessein; mais ils ne peuvent d'une vûe rapide acquérir une connoissance détaillée & approfondie. Des observations superficielles faites à la hâte, ne présentent les objets que d'une maniere bien imparfaite; on ne les a pas vûs avec ce sang froid, cette tranquillité de discussion, avec ces détails de correspondance si nécessaires aux combinaisons lumineuses. On supplée par des oui-dire, par des rapports exagérés, à ce que la nature nous montreroit avec précision, si nous la consultions à loisir. Il résulte de cette précipitation, que les observateurs les plus éclairés, frappés naturellement des premiers coups du merveilleux, sont souvent dupes de leur surprise; ils n'ont pû se placer d'abord au point de vûe favorable; ils défigurent la vérité parce qu'ils l'ont mal vûe; & rendant trop fidelement de fausses impressions, ils mêlent à leurs récits des circonstances qui les ont plus séduits qu'éclairés. Si l'on est sujet à l'erreur, même quand on est maître de la nature, & qu'on la force à se déceler par des expériences, à combien plus de méprises & d'inattentions ne sera-t-on pas exposé, lorsqu'on sera obligé de parcourir la vaste étendue des continens & des mers, pour la chercher elle-même où elle se trouve, & où elle ne nous laisse appercevoir qu'une très-petite partie d'elle-même, & souvent sous des aspects capables de faire illusion? Un observateur qui s'est consacré à cette étude par goût ou parce qu'il est & s'est mis à portée de voir, doit commencer par voir beaucoup, envisager sous différentes faces, se familiariser avec les objets pour les reconnoître aisément par la suite & les comparer avec avantage; tenir un compte exact de tout ce qui le frappe & de tout ce qui mérite de le frapper; recueillir ses observations avec ordre sans trop se hâter de tirer des conséquences prématurées des faits qu'il découvre, ou de raisonner sur les phénomenes qu'il apperçoit. Cette précipitation qui séduit notre amour propre est la source de toutes les fausses combinaisons, de toutes les inductions imparfaites, de toutes les idées vagues dont l'on surcharge des objets que l'on n'a encore envisagés qu'imparfaitement; en sorte que les parties les moins éclaircies sont par cette raison celles qui ont plus prêté à cette demangeaison de discourir. Outre cette expérience des mauvais succès qu'ont eu les réflexions précipitées, nous avons d'autres motifs de nous en abstenir. Comme l'inspection attentive & réfléchie de notre globe nous promet une multitude infinie de lumieres & de connoissances absolument neuves, un observateur qui commence à donner un ensemble systématique à la petite portion de faits qu'il a recueillis, semble regarder comme inutiles toutes les découvertes qu'on a lieu de se promettre de ceux qui partageront son travail, ou se flater d'avoir assez de pénétration pour se passer des éclaircissemens qu'ils pourroient lui offrir. Nous croyons aussi que l'observateur doit être en garde contre toute prévention, toutes vûes fixes & dépendantes d'un système déjà concerté: car dans ce cas, on interprete les faits suivant ce plan; on glisse sur les circonstances qui sont peu compatibles avec les principes favoris, & l'on étend au contraire celles qui paroissent y convenir. Nous ne prétendons pas cependant qu'on observe sans dessein & sans vûes: il n'est pas possible que le spectacle de la nature ne fasse naître une infinité de réflexions très-solides à un observateur qui a de la sagacité, & qui s'est instruit avec exactitude des découvertes de ceux qui l'ont précédé, même de leurs idées les plus bizarres: nous convenons que l'on peut avoir un objet déterminé dans ses recherches, mais avec une sincere disposition de l'abandonner dès que la nature se déclarera contre le parti que l'on avoit embrassé provisionnellement. Ainsi on ne se bornera pas à un phénomene isolé, mais on en recherchera toutes les circonstances; on les détaillera avec ce zele de discussion qu'inspire le desir de trouver la correspondance que ce phénomene peut avoir avec d'autres. Quoique nous condamnions cette indiscrete précipitation de bâtir en observant, nous ne voulons pas qu'on oublie que les matériaux qu'on rassemble doivent naturellement entrer dans un édifice. Telles sont les vûes par lesquelles on peut se guider dans l'examen réfléchi des faits? mais que doit-on voir dans les dehors de notre globe? à quoi doit-on s'attacher d'abord? Je répons qu'il faut s'attacher aux configurations extérieures, aux formes apparentes: ainsi l'on saisira d'abord la forme des continens, des mers, des montagnes, des couches, des fossiles; & à-mesure qu'on parcourra un plus grand nombre de ces objets, ces formes venant à s'offrir plus ou moins frequemment à nos regards, elles produiront dans notre esprit des impressions durables, des caracteres reconnoissables qui ne nous échapperont plus, & qui nous donneront les premieres idées de la régularité de toutes ces choses. Nous tiendrons un compte exact des circonstances & des lieux où elles s'annonceront; & enfin nous serons, par une suite de la même attention, en état de remarquer les variétés & toutes leurs dépendances. L'examen de ces variétés réitéré & porté sur une multitude d'objets qu'on trouve sous ses pas lorsqu'on fait voir, nous fera distinguer aisément le caractere propre d'une configuration d'avec les circonstances accessoires. On discute avec bien plus d'avantage l'étendue des effets & même la combinaison des causes, lorsque l'on peut décider ce qu'elles admettent constamment, ce qu'elles négligent quelquefois, & ce qu'elles excluent toûjours. Les irrégularités sont des sources de lumiere, parce qu'elles nous dévoilent des effets qu'une uniformité trop constante nous cachoit ou nous rendoit imperceptibles. La nature se décele souvent par un écart qui montre son secret au grand jour: mais on ne tire avantage de ces irrégularités, qu'autant qu'on est au sait de ce qui, dans telle ou telle circonstance est la marche uniforme de la nature, & qu'on peut démêler si ces écarts affectent ou l'essentiel ou l'accessoire. Pour avoir des idées nettes sur les objets qu'on observe, on s'attache aussi à renfermer dans des limites plus ou moins précises, les mêmes effets soit réguliers soit irréguliers. On apprétie par des mesures exactes jusqu'où s'étend tel contour, telle avance angulaire dans une montagne, telle profondeur dans les vallons: soit que ceux-ci soient formés par des couches qui s'y courbent & s'y continuent en bon ordre, soit qu'ils ne soient que la suite d'un éboulement subit; on prend les dimensions des fentes perpendiculaires, l'épaisseur des couches, &c. Dans l'appréciation des limites assignées aux effets, il est très-utile de passer de la considération d'une extrémité à la considération de l'autre extrémité opposée; comme de la hauteur des montagnes aux plus profonds abysmes, ou des continens ou des mers; de la plus belle conservation d'un fossile au dernier degré de sa calcination. Un observateur intelligent ne se bornera pas tellement dans ses savantes discussions, aux formes extérieures & à la structure d'un objet, qu'il ne prenne aussi une connoissance exacte des matieres elles-mêmes qui par leurs divers assemblages ont concouru à le produire; il liera même exactement une idée avec l'autre. Telle matiere, dira-t-il, affecte telle forme; il conclura l'une de l'autre, & réciproquement. Il se formera des distinctions générales des substances terrestres; il les partagera en matieres vitrescibles & calcaires; il les reconnoîtra à l'eau-forte ou par des réductions chimiques. Il aura lieu de remarquer que les grès sont par blocs & par masses dans leurs carrieres; que les pierres calcaires sont par lits & par couches; que les schites affectent la forme trapézoïdale; que certaines crystallisations sont assujetties à la figure pyramidale ou parallelepipede; que dans d'autres les lames crystallisées s'assemblent & s'adaptent sur une base vers laquelle elles ont une direction, comme vers un centre commun, &c. Toutes ces dépendances jettent dans des détails qui en multipliant les attentions de l'observateur, lui présentent les objets sous un nouveau jour, & donnent du poids à ses découvertes. Il portera la plus scrupuleuse attention sur les circonstances uniformes & régulieres qui accompagnent certains effets; elles ne peuvent lui échapper, lorsqu'il sera prévenu quelle influence leur examen peut avoir par rapport à l'appréciation des phénomenes; cette considération entre même plus directement que toute autre dans l'objet de la Géographie physique . Ainsi, suivant ces vûes, il contemplera les ouvrages de la nature, tantôt dans l'ensemble de leur structure, tantôt dans le rapport des pieces. Un coup-d'oeil général & rapide n'apprend rien que de vague; un mince détail épuise souvent sans présenter rien de suivi; il faut donc soûtenir une observation par l'autre; & c'est en les faisant succéder alternativement, que les vûes s'affermissent, même en s'étendant. « Cette étude suppose, dit M. de Buffon, les grandes vûes d'un génie ardent qui embrasse tout d'un coup-d'oeil, & les petites attentions d'un instinct laborieux qui ne s'attache qu'à un seul point ». Hist. nat. I. vol . La place qu'occupe un tel corps ou un tel assemblage de corps dans l'économie générale; sera déterminée relativement à la nature de ces corps. On subordonnera, en un mot, les détails qui concernent les substances & leurs formes à ceux qui tiennent à la disposition relative; on remarquera exactement que certaines couches de pierres calcaires ou autres, sont d'une égale épaisseur dans toute leur longueur; mais que celles de gravier amassées dans des vallons n'annoncent pas la même régularité que dans les premieres, les coquilles, & les autres corps marins pétrifiés sont à plat; que dans les secondes, elles sont disposées assez irregulierement; que les fentes perpendiculaires sont plus larges dans les substances molles que dans les matieres les plus compactes, &c. Quelle que soit la multiplicité des agens que fasse mouvoir la nature, & la variété des formes qu'elle donne à ses effets, cependant tout tend à un ensemble: un corps étranger qui se trouve placé au milieu de substances de nature différente; un amas de talc au milieu des matieres calcaires; des blocs de grès au milieu des marnes; des sables au milieu des glaises; toutes ces observations sont très-essentielles pour connoître la distribution générale. Comme un seul homme ne peut pas tout voir par soi-même, & que c'est la condition de nos connoissances de devoir leurs progrès aux découvertes & aux recherches combinées de plusieurs observateurs; il est nécessaire de s'en rapporter au témoignage des autres: mais parmi ces descriptions étrangeres, il y a beaucoup de choix; & dans ce discernement il faut employer une critique sérieuse & une discussion severe. L'expérience & la raison nous autorisent à nous défier généralement de tous les faits de cette nature dont les anciens seuls sont les garans; nous ne nous y attacherons, nous n'y ferons attention que pour les vérifier ou qu'autant qu'on l'aura fait & qu'ils seront dégagés de ce merveilleux que ces écrivains leur prêtent ordinairement; ou enfin lorsque leurs détails rentrent dans des circonstances avérées & indubitables d'ailleurs. Mais nous croyons qu'on doit proscrire nommément tous ces fameux mensonges qui par une négligence blâmable ou par une imbécille crédulité, ont été transmis de siecles en siecles, & qui tiennent la place de la vérité. On peut juger par l'emploi fréquent que s'en permettent les compilateurs, du tort qu'ils font aux Sciences. Cependant pour les proscrire sans retour, il faut être en état de leur substituer le vrai, qui souvent n'est qu'altéré par les idées les plus bizarres. On est entierement détrompé d'une illusion, lorsqu'on connoît les prétextes qui l'ont fait naître. Quant à ce qui concerne les auteurs qui ont écrit avant le renouvellement des Sciences, ils ne doivent être consultés qu'avec réserve; privés des connoissances capables de les éclairer & de les guider dans la discussion des faits, ils ne les ont observés qu'imparfaitement ou sous un point de vûe qui se rapporte toûjours à leurs préjugés. Kircher décrit, dessine, présente les coupes des réservoirs soûterreins qui servent, selon lui, à la distribution des eaux de la mer par les sources; il nous débite de la meilleure foi du monde des détails merveilleux sur les gouffres absorbans de la mer Caspienne, sur le feu central, sur les cavernes soûterreines, comme s'il eût eu des observations suivies par rapport à tous ces objets, qui ne sont autorisés parmi nous que d'après les écrits hasardés d'écrivains aussi judicieux. En général, les observateurs ou ignorans, ou prévenus, ou peu attentifs, qui voyent les objets rapidement, sans dessein, & sans discussion, ne méritent que très-peu de croyance: je veux trouver dans l'auteur même, dans les détails qu'il me présente, cette bonne foi, cette simplicité, cette abondance de vûes qui m'inspirent de la confiance pour son génie d'observation, & pour l'exactitude de ses récits. Souvent l'observation nous abandonne dans certains sujets compliqués; elle n'est pas assez précise; elle ne montre qu'une partie des effets, ou les montre trop en grand pour qu'on puisse atteindre à quelque assertion qui mette de l'ordre dans nos idées. Alors l'expérience est indispensable; il faut se résoudre à suivre les opérations de la nature avec une constance & une opiniâtreté que rien ne décourage, sur-tout lorsqu'on est assûré qu'on est sur la voie. Sans cette ressource, on ne peut être fondé à raisonner sur les faits avec connoissance de cause. Tous les détails de l'observation ne pourront se réunir avec cette précision si desirable dans les Scien ces, & ne porteront que sur des consequences vagues, sur des suppositions gratuites, qui présentent plûtôt nos décisions que celles de la nature. Telle est, par exemple, comme nous l'avons remarqué à l' article Fontaine , l'observation de la quantite de pluie qui tombe sur les différentes parties de la terre, & sa comparaison avec la masse des eaux qui circulent dans la même étendue: de-là dépend le dénouement de tout ce qui concerne l'origine des fontaines, la distribution des vapeurs sur la surface des continens & les eaux courantes. On aura rassemble tous les faits, recueilli toutes les observations les plus curieuses, on ne pourra, sans les résultats précis des experiences, rien prononcer de décisif sur ces objets importans. Principes qui ont pour objet la combinaison des faits . Comme les faits seuls & isolés n'annoncent rien que de vague, il faut les interpréter en les rapprochant & les combinant ensemble. On sent plus que jamais aujourd'hui, qu'il est presque aussi important de mettre de l'ordre dans les découvertes, que d'en faire; les traits épars qui représentent la nature, nous échapperoient sans cette ressource. Presque tous les phénomenes, sur-tout ceux que nous avons en vûe, n'ont d'utilité que dans la relation qu'ils peuvent avoir avec d'autres; comme les lettres de l'alphabet qui sont inutiles en elles-mêmes, forment par leur réunion les mots & les langues. La nature d'ailleurs ne se montre pas toute entiere dans un seul fait ou même dans plusieurs. Un phénomene solitaire ne peut être mis en réserve, que dans l'espoir qu'il se réunira quelque jour à d'autres de même espece: & comme dans le plan de la nature un tel fait est impossible, un observateur intelligent en trouvera peu de cette nature: un fait isolé, en un mot, n'est pas un fait physique; & la vraie Philosophie consiste à découvrir les rapports cachés aux vûes courtes & aux esprits inattentifs: un exemple frappant fera sentir la justesse de ces principes. Le P. Feuillée avoit observé « que les coupes des rochers près de Coquimbo, dans le Pérou, étoient perpendiculaires au niveau; que les unes allant de l'est à l'oüest & les autres du nord au sud, se coupoient à angles droits; que les premieres coupes étoient paralleles à l'équateur, & les autres au méridien ». Si ce savant religieux eût été conduit par les vûes que nous indiquons ici, bien loin de remarquer, comme il le fait, que la nature avoit ainsi configuré les montagnes pour rendre cette partie du monde déjà si riche par ses mines, plus parfaite que les autres; il auroit conçû le dessein de se procurer des observations correspondantes dans les autres continens, & ne se seroit pas borné à la considération infructueuse des causes finales. Voy. Causes finales . Cette idée bien combinée depuis valut à M. Bourguet la découverte des angles correspondans, &c. Ainsi il est facile de sentir la nécessité de combiner les faits; cette opération délicate s'exécute sur deux plans différens. Il y a une combinaison d'ordre & de collection; il y a une combinaison d'analogie. A-mesure que l'on amasse des faits & des observations, on en seroit plûtôt accablé qu'éclairé, si l'on n'avoit soin de les réduire à certaines classes déterminées plûtôt par le sujet que par leur enchaînement naturel: car les recherches n'étant pas assez multipliées, on n'a que des chaînons épars & qui n'annoncent pas encore la correspondance mutuelle qui pourra quelque jour en former une suite non interrompue. Cependant comme on a toûjours besoin d'une certaine apparence d'ordre, on arrange même dans des partitions inexactes: la verité se fera jour plûtôt à-travers de cette petite méprise, qu'à-travers de la confusion; le tems & les recherches rectifieront l'une, au lieu qu'ils augmenteroient l'autre. Il faut même avoüer que ces partitions générales, quoiqu'imparfaites, seroient plus convenables à notre travail present, qui est de recueillir pour l'usage de la postérite, & plus assorties à nos connoissances bornées & imparfaites sur certains sujets compliqués qui n'ont encore reçû que la premiere ébauche, que ces vûes tronquées auxquelles l'imagination donne la forme & l'apparence d'une théorie. Ces tables seroient comme les archives des decouvertes, & le dépôt de nos connoissances acquises, ouvert à tous ceux qui se sentiroient du zele & des talens pour l'enrichir de nouveau. Les observateurs y parcourroient d'un seul coup d'oeil & sous une précision lumineuse, ce que nous délayons quelquefois dans une confusion d'idées étrangeres & bizarres, au milieu desquelles la plus grande sagacité les démêle avec peine. Cette premiere opération offriroit de très-grandes facilités à la seconde: en contemplant les faits simplifiés, classifsiés avec un certain ordre, on est plus en état de saisir leurs correspondances mutuelles & ce qui peut les unir dans la nature; cette distribution n'auroit pas lieu seulement pour les observations que nous aurions recueillies des autres, mais aussi pour celles que nous aurions faites par nous-mêmes. Ainsi nous tirerions de très-grands avantagesde cette classification des phenomenes, pour saisir leurs rapports: mais il faut convenir que lorsque nous nous serons familiarisés avec les objets eux-mêmes, & que nous aurons acquis l'habitude de les voir avec intelligence, ils formeront dans notre esprit de ces impressions durables, & s'annonceront à nons avec ces caracteres de correspondance qui sont le fondement de l'analogie. Nous nous éleverons insensiblement à des vûes plus générales par lesquelles nous embrasserons à-la-fois plusieurs objets: nous saisirons l'ordre naturel des faits; nous lierons les phenomenes; & nous parcourrons d'un seul coup-d'oeil une suite d'observations analogues, dont l'enchaînement se perpétuera sans effort. Mais une premiere condition pour parvenir à ce point de vûe, est d'avoir scrupuleusement observé chaque objet comparé; autrement on ne peut bien saisir les justes limites des rapports qui peuvent les réunir. Si nous avons été exacts à démêler ce qui pouvoit rapprocher un fait d'un autre, & à découvrir ce qui dans les phénomenes annonçoit une tendance marquée à la correspondance d'organisation, dèslors les analogies se présenteront à notre esprit d'elles-mêmes. On se laisse souvent séduire dans le cours de ses observations, ou bien par négligence, ou bien par une prévention de système; en conséquence on a la présomption de voir au-delà de ce que la nature nous montre, ou bien l'on craint d'appercevoir tout ce qu'elle peut nous découvrir. D'après cette illusion, on imagine de la ressemblance entre les objets les plus dissemblables, de la régularité & de l'ordre au milieu de la confusion. Dans toutes ces opérations, le grand art n'est pas de suppléer aux faits, mais d'en combiner les détails connus; d'imaginer des circonstances, mais de savoir les découvrir. En effet, à-mesure qu'on étudie de plus en plus la nature, son méchanisme, son art, ses ressources, la multiplicité de ses moyens dans l'exécution, ses desordres mêmes apparens, tout nous étonne, tout nous surprend; tout enfin nous inspire cette défiance & cette circonspection qui moderent ce penchant indiscret de nous livrer à nos premieres vues, ou de suivre nos premieres impressions. Afin de ne rien brusquer, il sera donc très prudent de ne nous attacher qu'aux rapports les plus immédiats, & de nous servir de ceux qui ont été apperçûs & vérifiés exactement, pour nous élever à d'autres. Pour cela nous rangeons par ordre nos observations, & nous en faisons de nouvelles lorsque les rapports intermédiaires nous manquent. Nous avons l'attention de ne pas lier des faits sans avoir parcouru tous ceux qui occupent l'intervalle, par une induction dont la nature elle-même aura conduit la chaîne. Bien-loin de surcharger de circonstances merveilleuses ou étrangeres les objets compliqués, nous les décomposerons par une espece d analyse, afin de nous borner à la comparaison des parties; & à-mesure que nous avancerons dans ce travail, nous recomposerons de nouveau toutes les parties & leurs rapports, pour jouir de l'effet du tout ensemble. Ainsi nous nous attacherons d'abord aux analogies des formes extérieures, ensuite à celles des masses ou des configurations intérieures; enfin nous discuterons celles des circonstances. J'ai suivi les contours de deux montagnes qui courent parallelement; j'ai remarqué la correspondance de leurs angles saillans & rentrans; je penetre dans leur masse, & je découvre avec surprise que les couches qui par leur addi ion forment la solidité de ces avance angulaires, sont assujetties à la même régularité que les couches extérieures. Je conclus la même analogie de regularité par rapport aux directions extérieures & mutuelles des chaines, & par rapport a l'organisation correspondante des masses. Je vais plus loin: je dis que la forme extérieure des montagnes prise absolument, a un rapport marqué de dépendance avec la disposition des lits qui entrent dans leur structure intérieure. Je pousserai même mes analogies sur la nature des substances, leurs hauteurs correspondantes, & j'observerai, comme une circonstance très remarquable, que les angles sont plus fréquens & plus aigus dans les vallons profonds & resserrés, &c. Un point important sur lequel j'insisterai, sera de ne point perdre de vûe, ni de dissimuler les différences les plus remarquables, ou les exceptions les plus legeres qui s'offriront à mes regards dans le cours des rapports que j'aurai lieu de saisir & d'indiquer. Les rapports que j'établirai en conséquence de cette attention, seront moins vagues; & d'après ce plan je serai même en état d'établir de nouveaux rapports & des combinaisons lumineuses entre ces variétés, lorsqu'elles s'annonceront avec les caracteres décisifs d'une ressemblance marquée. Par ce moyen je ne me permettrai aucune espece de supposition; & bien-loin d'être tenté d'étendre des rapports au-delà de ce que les faits me présentent, dans le cas où une exception me paroitroit figurer mal, l'espoir que j'aurai de l'employer un jour avec succès, me déterminera à ne la pas dissimuler ou négliger, comme j'aurois été tenté de le faire, si je l'eusse regardée comme inutile. Cette exception me donnant lieu d'en former une nouvelle classe de variétés assujetties à des effets réguliers, mon observation n'aurat-elle pas été plus avantageuse pour le progres de la Géographie physique , que si j'eusse, à l'aide d'une illusion assez facie, supposé des régularités uniformes? Ce n'est qu'avec ces précautions qu'on pourra recueillir une suite bien liée de faits analogues, & qu'on en formera un ensemble dans lequel l'esprit contemplera sans peine un ordre méthodique d'idées claires & de rapports féconds. Principes de la généralisation des rapports . C'est alors que les principaux faits bien déterminés, décrits avec exactitude, combinés avec sagacité, sont pour nous une source de lumiere qui guide les observateurs dans l'examen des autres faits, & qui leur en prépare une suite bien liée. A force d'appercevoir des effets particuliers, de les étudier & de les comparer, nous tirons de leurs rapports mis dans un nouveau jour, des idées fécondes qui étendent nos vûes; nous nous élevons insensiblement à des objets plus vastes; & c'est dans ces circonstances délicates que l'on a besoin de méthode pour conduire son esprit. Quand il faut suivre & démêler d'un coup-d'oeil ferme & assûré les démarches de la nature en grand, & mesurer en quelque façon la capacité de ses vûes avec la vaste étendue de l'univers, ne doit-on pas avoir échaffaudé long-tems pour s'élever à un point de vûe favorable d'où l'on puisse découvrir cette immensité? aussi avons-nous insisté sur les opérations préliminaires à cette grande opération. La généralisation consiste donc dans l'établissement de certains phénomenes étendus, qui se tirent du caractere commun & distinctif de tous les rapports apperçûs entre les faits de la même espece. On envisage sur-tout les rapports les plus féconds, les plus lumineux, les mieux décidés, ceux, en un mot, dont la nature nous présente le plus souvent les termes de comparaison: tels sont les objets de la généralisation. Par rapport à ses procédés, elle les dirige sur la marche de la nature elle-même, qui est toûjours tracée par une progression non interrompue de faits & d'observations, rédigés dans un ordre dépendant des combinaisons déjà apperçûes & déterminées. Ainsi les faits se trouvent (par les précautions indiquées dans les deux articles précédens) disposés dans certaines classes générales, avec ce caractere qui les unit, qui leur sert de lien commun; caractere qu'on a saisi en détail, & qu'on contemple pour-lors d'une seule vûe; caractere enfin qui rend palpable l'ensemble des faits, de maniere que le plan de leur explication s'annonce par ces dispositions naturelles. Dans ce point de vûe l'observateur joüit de toutes ses recherches; il apperçoit avec satisfaction ce concert admirable, cette union, ce plan naturel, cet enchaînement méthodique qui semble multiplier un phénomene, par sa correspondance avec ceux qui se trouvent dans des circonstances semblables. De cette généralisation on tire avec avantage des principes constans, qu'on peut regarder comme le suc extrait d'un riche fonds d'observations qui leur tiennent lieu de preuves & de raisonnemens. On part de ces principes, comme d'un point lumineux, pour éclaircir de nouveau certains sujets par l'ana logie; & en conséquence de la régularité des opérations de la nature, on en voit naître de nouveaux faits qui se rangent eux-mêmes en ordre de système. Ces principes sont pour nous les lois de la nature, sous l'empire desquelles nous soûmettons tous les phénomenes subalternes; étant comme le mot de l'énigme, ils offrent dans une précision lumineuse plus de jeu & de facilité à l'esprit observateur, pour étendre ses connoissances. Enfin ils ont cet avantage très-important, de nous détromper sur une infinité de faits défigurés ou absolument faux; ces faits disparoîtront ou se rectifieront à leur lumiere, comme il est facile de suppléer une faute d'impression, lorsqu'on a le sens de la chose. Mais pour établir ces principes généraux, qui ne sont proprement que des effets généraux apperçûs régulierement dans la discussion des faits combinés, il est nécessaire que la généralisation ait été severe & exacte; qu'elle ait eu pour fondement une suite nombreuse & variée de faits liés étroitement, & continuée sans interruption. Sans cette précaution, aulieu de principes formés sur des faits & des réalités, vous aurez des abstractions générales d'où vous ne pourrez tirer aucun fait qui se retrouve dans la nature. De quel usage peuvent être des principes qui ne sont pas le germe des découvertes? & comment veut-on qu'une idée étrangere à la nature, en présente le dénouement? Ce n'est seulement que de ce que vous tirez du fonds de la nature, & de ce qu'elle vous a laissé voir, que vous pouvez vous servir comme d'un instrument sûr pour dévoiler ce qu'elle vous cache. Si l'induction par laquelle vous avez généralisé, n'a pas été éclairée par un grand nombre d'observations, le résultat général aura trop d'étendue: il ne comprendra pas tous les faits qu'on voudra lui soûmettre; & cet inconvénient a pour principe cette précipitation blâmable qui, au lieu de craindre des exceptions où les faits manquent, & où leur lumiere nous abandonne, se laisse entraîner sur les simples soupçons gratuits d'une régularité constante. On voit aisément que cette méprise n'a lieu que parce que dans la discussion des faits on n'a pas distingué l'essentiel de l'accessoire, & que dans l'énumération & la combinaison des phénomenes on a formé l'enchaînement sans y comprendre les exceptions; il falloit en tenir un compte aussi exact, que des convenances qui ont servi aux analogies. D'un autre côte je remarque que les observations vagues & indéterminées ne peuvent servir à l'établissement d'aucun principe. Toutes nos recherches doivent avoir pour but de vérifier, d'apprécier tous les faits, & de donner sur-tout une forme de précision aux résultats: sans cette attention, point de connoissance certaine, point de généralisation, point de résultats généraux. Les principes ont souvent trop d'étendue, parce qu'ils ont été rédigés sur des vûes ambitieuses, dictées par une hypothèse favorite; car alors dans tout le cours de ses observations on a éludé par dissimulation ou par des distinctions subtiles, les exceptions fréquentes: on les a négligées comme inutiles, & l'on a toûjours poursuivi, au milieu de ces obstacles, la généralisation des résultats. Si dans la suite on trouve des faits contraires, on les ajuste comme s'ils étoient obligés de se prêter à une regle trop générale. D'autres résultats se présentent souvent avec une infinité de modifications & de restrictions, qui font craindre qu'ils ne soient encore subordonnés à d'autres. Cette timidité avec laquelle on est obligé de mettre au jour ses principes, vient d'un défaut d'observations; il n'y a d'autre parti à prendre pour leur assûrer cette solidité, cette étendue, cette précision qu'ils méritent peut-être d'acquérir, que de consulter la nature: sans cela, les principes dont la généralisation n'est pas pleine & entiere, dont l'application n'est pas fixe & déterminée, seront continuellement une source de méprises & d'illusions. Ce n'est qu'en s'appuyant sur des faits discutés avec soin, liés avec sagacité, généralisés avec discernement, que l'on peut se flater de transmettre à la postérité des vérités solides, des résultats généraux & incontestables, enfin des principes féconds & lumineux. II. Lorsqu'on jette un premier coup-d'oeil sur notre globe, la division la plus générale qui se présente, est celle par laquelle on le conçoit partagé en grands continens & en mers. Comme dans la partie couverte d'eau on rencontre plusieurs pointes de terre qui s'élevent au-dessus des flots, & qu'on appelle îles , de même on remarque, en parcourant les continens, des espaces couverts d'eau; si elle y séjourne, ce sont des lacs; si elle y circule, ce sont des fleuves ou des rivieres . Les deux portions générales de terres fermes & de mers s'étendent réciproquement l'une dans l'autre, & en différens sens. Dans les diverses configurations relatives des limites qui circonscrivent ces deux parties de notre globe, on observe que la mer environne de tous côtés quatre grands continens, & qu'elle pénetre en plusieurs endroits dans l'intérieur des terres: ce sont des mers Méditerranées , des golfes , des baies , des anses . D'un autre côté, les continens forment des avances considérables dans le bassin de la mer; ce sont des caps , des promontoires , des peninsules . Le canal resserré par lequel la mer coule entre deux terres pour former des golfes, se nomme détroit . Il y a trois sortes de détroits, en tant que l'on considere les terres qui forment les bords du canal; ou ces deux lames de terre appartiennent au même continent, ou elles font partie d'un continent & d'une île, ou enfin elles sont les rivages oposés de deux îles. Les détroits , sous un autre rapport, peuvent être considérés comme formant une communication d'un bassin à un autre, & l'on en peut aussi distinguer de trois sortes; ceux qui forment une communication d'une mer à une mer, comme celui de Magellan; d'une mer à une baie, comme celui de Babelmandel, qui réunit le golfe arabique à la mer des Indes; ou enfin d'une baie à une baie, comme celui des Dardanelles. Il y a des golfes qui s'étendent en longueur, d'autres s'arrondissent à leurs extrémités, & présentent une vaste ouverture sans d'autres détroits que ceux qui sont formés entre une île & un continent, ou bien entre une île & une île: tels sont ceux du Mexique, de Bengale. Enfin quelques-uns se ramifient en plusieurs branches, comme la mer Baltique. Une lame de terre resserrée entre deux mers, se nomme isthme . Les isthmes réunissent de grandes portions de continens à d'autres, & des presqu'îles aux continens. Je reprends ces idées, & j'oppose les continens aux mers, les îles aux lacs, les golfes aux presqu'îles, & les détroits aux isthmes. Ce sont des configurations correspondantes & opposées, qu'il est bon de saisir sous ce point de vûe d'opposition. Dans la discussion des affections générales du globe, que nous venons de disséquer en indiquant la nomenclature de ses différentes configurations, il est nécessaire de suivre quelque plan. 1°. Nous présenterons d'abord les résultats généraux des observations qui ont un rapport direct avec l'organisation constante & réguliere du globe, & nous envisagerons cet objet sous deux points de vûe différens; l'organisation extérieure, & l'organisation intérieure. 2°. Nous nous occuperons des phénomenes généraux qui paroissent indiquer une altération dans cette organisation constante. 3°. Enfin les affections relatives de la terre, dépendantes de l'atmosphere & des différens aspects du globe par rapport au Soleil & à la Lune, feront la matiere de la troisieme section. Affections générales de l'organisation extérieure du globe . La terre ferme comprend quatre grands continens: 1° l'ancien: 2° le nouveau: 3° les terres australes connues ou soupçonnées: 4° les terres arctiques, dont la séparation d'avec l'Amérique n'est pas encore bien déterminée; la configuration des terres australes est encore moins connue. Nous nous bornerons donc à raisonner sur l'ancien & le nouveau continent. En considérant avec attention l'ancien continent & le nouveau, on observe que l'ancien est plus étendu vers le nord que vers le sud de l'équateur, & qu'au contraire le nouveau l'est plus au sud qu'au nord de l'équateur. On voit aussi que le centre de l'ancien continent se trouve à 16 ou 18 degrés de latitude nord, & celui du nouveau à 16 ou 18 degrés de latitude sud. Ce centre est déterminé par l'intersection des lignes menées sur les plus grandes longueurs & largeurs des continens. Ils ont encore cela de remarquable, qu'ils paroissent comme partagés en deux parties qui seroient toutes quatre environnées d'eau, & formeroient des continens à part, sans deux petits isthmes ou étranglemens de terre; celui de Suez & celui de Panama. Le premier est produit en partie par la mer Rouge, qui semble l'appendice & le prolongement d'une grande anse avancée dans les terres de l'est à l'oüest, & en partie par la Méditerranée. L'autre est de même produit par le golfe du Mexique, qui présente une large ouverture de l'est à l'oüest. Bacon observe que ce n'est pas sans quelque raison que les deux continens s'élargissent beaucoup vers le nord, se retrécissent vers le milieu, & alongent une pointe assez aiguë vers le midi. On peut même ajoûter que les pointes de toutes les grandes presqu'îles formées par les avances des continens, regardent le midi; que quelques-unes même sont coupées par des détroits dont le canal est dirigé de l'est à l'oüest. Si nous voyageons maintenant sur la partie seche du globe, nous y remarquerons d'abord différentes inégalités à sa surface, de longues chaînes de montagnes, des collines, des vallons, des plaines. Nous appercevrons que les diverses portions des continens affectent des pentes assez régulieres depuis leur centre, ou depuis les sommets élevés des chaînes qui les traversent, jusque sur les côtes de la mer, ou le terrein s'abaisse sous l'eau pour former la profondeur de son bassin: réciproquement, en remontant des rivages de la mer vers le centre des continens, nous trouvons que le terrein s'éleve jusqu'à certains points qui dominent de tous côtés sur les terres qui les environnent. Osons sonder la profondeur des mers, nous trouverons qu'elle augmente à-mesure que nous nous éloignons davantage des côtes, & qu'elle diminue au contraire à-mesure que nous nous en approchons davantage; ensorte que le fond de la mer gagne par une élevation insensible les terres qui s'élevent au-dessus des flots. Dans le même examen nous découvrons que la vaste étendue du bassin de la mer nous offre des inégalités correspondantes à celles des continens; il a ses vallées & ses montagnes: les roches à fleur d'eau, les îles, ne sont que les sommets les plus élevés des chaînes montueuses qui sillonnent par diverses ramifications la partie du globe que la mer recouvre. Je remarque que les eaux de la mer, en se répandant dans de grandes vallées où le terrein est assujetti à des pentes plus rapides, ont formé les golfes , les mers Méditerranées; & que réciproquement les terres éprouvant une irrégularité dans leur abaissement vers les côtes de la mer, & se prêtant moins à la courbure des terreins qui se plongent sous les flots, s'avancent au milieu des eaux, & forment des caps , des promontoires , des presqu'îles . Entrons maintenant dans un plus grand détail, & examinons de plus près chaque objet dont les différentes particularités nous échappoient dans le lointain où ils ont été présentés. Nous reconnoissons d'abord que toutes les montagnes forment différentes chaînes principales qui se lient, s'unissent, & embrassent tant par leurs troncs principaux que par leurs ramifications collatérales la surface des continens. Les montagnes, qui sont proprement les tiges principales, présentent des masses très-considérables & par leur hauteur & par leur volume; elles occupent & traversent ordinairement le centre des continens: celles de moindre hauteur naissent de ces chaînes principales; elles diminuent insensiblement à-mesure qu'elles s'éloignent de leur tige, & vont mourir ou sur les côtes de la mer, ou dans les plaines: d'autres se soûtiennent encore le long des rivages de la mer, ou à une certaine distance de ces rivages. Dans une masse de montagnes prise en une partie déterminée d'un continent, il est toûjours un point d'elevation extrème d'où les sommets des autres éprouvent une dégradation sensible, & dans la direction du prolongement de la chaîne de part & d'autre jusqu'à une certaine distance, & suivant les parties collatérales. Les plus hautes montagnes sont entre les tropiques & dans le milieu des zones tempérées, & les plus basses avoisinent les poles. On a entre ou proche les tropiques les Cordelieres au Pérou, les pics des Canaries, les montagnes de la Lune, le grand & le petit Atlas, le mont Taurus, le mont Imaüs, les montagnes du Japon. Les Cordelieres ont presque le double de la hauteur des Alpes. L'ancien continent est traversé depuis l'Espagne jusqu'à la Chine par des chaînes paralleles à l'équateur; mais elles jettent des branches qui se dirigeant au midi, traversent & forment différentes presqu'iles, comme l'Italie, Malaie, &c. Les Alpes se ramifient dans le nord de l'Europe, & le mont Caucase dans celui de l'Asie. Le grand & le petit Atlas sont de même paralleles à l'équateur; mais il est à présumer qu'ils se lient aux autres chaînes qui vont se diriger aussi vers le midi, pour former la pointe du cap de Bonne-Espérance. Dans l'Amérique, le gisement des montagnes est du nord au sud. Les pentes des montagnes, soit dans la direction de leurs chaînes, soit par rapport à leurs adossemens collatéraux, sont beaucoup plus rapides du côté du midi que du côté du nord, & beaucoup plus grandes vers l'ouest que vers l'est; les précipices sont plus fréquens vers le midi & l'oüest; & les plaines ont une pente insensible, ainsi que les sommets, vers l'est & le nord. Si l'on examine en particulier la configuration de ces différentes montagnes, que nous venons de prendre en grand, on observera des phénomenes très-curieux. Les côtés de ces chaînes présentent des adossemens considérables de terre, ou des avances angulaires dont les pointes font angle droit avec l'alongement de la chaîne montueuse: ainsi la chaîne ayant sa direction du nord au sud, les angles s'étendront d'un côté vers l'orient, & de l'autre vers l'occident. Lorsque deux chaînes gisent & courent parallelement l'une à l'autre, elles forment dans l'entre-deux des gorges alongées & des vallons figurés, comme les bords d'un canal creusé par les eaux courantes; ensorte que l'angle saillant de l'une se trouve opposé à l'angle rentrant de l'autre. Les avances angulaires ou adossemens sont plus fréquens dans les gorges ou vallons profonds & étroits, & leurs pointes angulaires plus aiguës: mais lorsque la pente est plus douce, l'adossement s'appuyant alors sur une base plus large, les angles sont plus obtus; ils sont aussi plus éloignés les uns des autres: c'est ce qui a lieu dans les vallées qui aboutissent à de larges plaines. En général on distingue plusieurs parties dans une masse montueuse; les parties les plus élevées sont des especes de pics ou de cones dégarnis ordinairement de terre; au pié on trouve des plaines ou des vallons plus ou moins étendus, & qui sont proprement les sommets applatis d'autres montagnes, lesquelles présentent sur leurs croupes différens enfoncemens, & sont adossées par des collines dont les avances angulaires vont enfin se perdre dans les plaines étendues. Ainsi nous voyons qu'il y a deux sortes de plaines; des plaines en pays bas, & des plaines en montagnes. Si une chaîne de montagnes après avoir couru dans un continent se dirige en se soûtenant encore à une moyenne hauteur vers une certaine mer, elle s'y continue sous les flots, & va rejoindre & former par ses pointes les plus élevées, les îles qui sont ordinairement dans la suite de la premiere direction. Les parties de la continuation de ces chaînes marines, forment des bas-fonds, des écueils, & des rochers à fleur-d'eau: ensorte que ces terres proéminentes nous tracent sensiblement la route que suivent les chaînes montueuses sous les flots: il y a quelque apparence qu'il y a peu d'interruption. En conséquence, les détroits ne sont que l'abaissement naturel ou bien la rupture forcée des montagnes, qui forment les promontoires: aussi leur prolongement se retrouve-t-il dans les îles séparées par les détroits; & leurs appendices sont constamment assujettis à l'alignement des chaînes qui traversent les continens. Par une suite de la même disposition, les détroits sont les endroits où la mer a le moins de profondeur; on y trouve une éminence continuée d'un bord à l'autre; & les deux bassins que ce détroit réunit, augmentent en profondeur par une progression constante; ce qu'on peut voir dans le Pas de Calais. Cette correspondance des montagnes se remarque bien sensiblement dans les îles d'une certaine étendue & voisines des contines; elles sont séparées en deux parties par une éminence très-marquée, qui les traverse dans la direction des autres îles ou des continens, & qui en diminuant de hauteur depuis le centre jusqu'à leurs extrémités de part & d'autre, s'abaisse insensiblement sous les eaux: il en est de même de tous les promontoires & des presqu'îles; les chaînes de montagnes les traversent dans leur plus grande longueur & par le milieu; telles sont l'Italie, la presqu'ile de Malaie, &c. Ce qui sépare deux mers & forme les isthmes, est assujetti à la même régularité. Les isthmes ne sont proprement que le prolongement des chaînes de montagnes soûtenues à une certaine hauteur, avec leurs avances angulaires ou adossemens collatéraux, mais moins considérables que les masses étendues où les continens s'élargissent & écartent les flots en s'arrondissant davantage: l'isthme de Panama est ainsi formé par l'abaissement & le retrécissement de la chaîne des Cordelieres, qui va se continuer du Pérou dans le Mexique. C'est par une suite de la dépendance des configurations du bassin de la mer avec le prolongement & le gisement des montagnes, que sa profondeur à la côte est proportionnée à la hauteur de cette même côte; & que si la plage est basse & le terrein plat, la profondeur est petite; il est aisé d'en sentir les raisons. Un promontoire élevé s'abaisse sous les flots par une pente brusquée. On distingue trois especes de côtes; 1°. les côtes élevées qui sont de roche ou de pierres dures coupées ordinairement à-plomb à une hauteur considérable; 2°. les basses côtes, dont les unes sont unies & d'une pente insensible, les autres ont une médiocre élévation, & sont bordées de rochers à fleur-d'eau; 3°. les dunes formées par des sables que la mer accumule. C'est encore une suite de la structure extérieure du globe hérissé de montagnes, qu'il se trouve entre les tropiques beaucoup plus d'îles que par-tout ailleurs: nous avons de même remarqué sur les continens les plus hautes montagnes dans cette partie du globe; ensorte que les plus grandes inégalités se trouvent en effet dans le voisinage de l'équateur. Ces grands amas d'îles qui présentent une multitude de pointes peu eloignées les unes des autres, sont voisins des continens, & sur-tout dans de grandes anses formées par la mer. Les îles solitaires sont au milieu de l'Océan. Si nous examinons ce que l'Océan nous offre encore, nous y découvrirons différens mouvemens réguliers & constans qui agitent la masse de ses eaux. Le principal est celui du flux & reflux, qui dans vingt-quatre heures éleve deux fois les eaux vers les côtes, & les abaisse par un balancement alternatif; il a un rapport constant avec le cours de la lune; l'intumescence des eaux est plus marquée entre les tropiques que dans les zones tempérées, & plus sensible dans les golfes ouverts de l'est à l'oüest, étroits & longs, que dans les plages larges & basses; elle se modifie enfin suivant le gisement des terres & la hauteur des côtes. Il résulte de ce premier mouvement une tendance continuelle & générale de toute la masse des eaux de l'Océan de l'est à l'oüest; ce mouvement se fait sentir non seulement entre les tropiques, mais encore dans toute l'étendue des zones tempérées & froides où l'on a navigué. On remarque certains mouvemens particuliers & accidentels dans certains parages, & qui semblent se soustraire au mouvement général du flux & reflux; ce sont les courans: les uns sont constans & étendus tant en longueur qu'en largeur, & se dirigent en ligne droite; souvent ils éprouvent plusieurs sinuosités & plusieurs directions; d'autres sont rapides, d'autres lents. Ils produisent des especes de tournoyemens d'eau ou de gouffres, tels que le Maelstroom, près de la Norwége: cet effet est la suite de l'affluence de deux courans qui se rencontrent obliquement. Lorsque plusieurs courans affluent, il en résulte ces grands calmes, ces tornados où l'eau ne paroît assujettie à aucun mouvement. Une derniere observation que nous présente l'Océan, est celle de sa salure; toute l'eau de la mer est salée & mêlée d'une huile bitumineuse; elle contient environ la quarantieme partie de son poids en sel, avec quelques différences pour les golfes, qui reçoivent beaucoup d'eau douce que les fleuves y versent des continens. Cette observation nous conduit naturellement à examiner ce qui concerne les eaux qui séjournent & celles qui circulent sur la surface des continens, pour en saisir les phénomenes les plus généraux. Je remarque d'abord que les principales sources des fleuves, & l'origine des canaux qui versent l'eau des continens dans la mer, se trouvent placées ou dans le corps des chaînes principales qui traversent les continens, ou près de leurs ramifications collatérales. J'apperçois dans différentes parties des continens des contrées élevées qui sont comme des points de partage pour la distribution des eaux qui se précipitent en suivant différentes directions dans la mer ou dans des lacs: j'en vois deux principaux en Europe, la Suisse & la Moscovie; en Asie, le pays des Tartares Chinois; & en Amérique, la province de Quito: outre ces principaux, il en est d'autres assujettis toûjours aux montagnes collatérales. Enfin certaines rivieres prennent leurs sources au pié & dans les cul-de-sacs des montagnes qui s'étendent le long des côtes de la mer. Les sources ou fontaines peuvent se distinguer par les phénomenes que présente leur écoulement, & par les propriétés des eaux qu'elles versent: par rapport à leur écoulement, on en distingue de trois sortes; 1°. de continuelles , qui n'éprouvent aucune interruption ni diminution rapide; 2°. de périodiques intercalaires , qui sont assujetties à des diminutions régulieres sans interruption; 3°. de périodiques intermittentes , qui ont des interruptions plus ou moins longues. Voyez Fontaine . Par rapport à la nature de leurs eaux, il y en a de minérales, chargées des particules métalliques, de bitumineuses, de lapidifiques chargées de particules terreuses, de claires & de troubles, de froides & de chaudes: d'autres ont une odeur & une saveur particuliere. Voyez Hydrologie . Lorsque plusieurs sources ne trouvent pas une pente favorable pour former un canal, leurs eaux s'amassent dans un bassin sans issue, & il en résulte un lac; cette eau franchit quelquefois les bords du bassin, & se répand au-dehors; ou bien une riviere dans son cours ne trouvant pas de pente jusqu'à la mer, l'eau qu'elle fournit recouvre un espace plus ou moins étendu suivant son abondance, & forme un lac. D'après ces considérations, nous distinguons quatre sortes de lacs; 1°. ceux qui ne reçoivent sensiblement leurs eaux d'aucun canal, & qui ne les versent point au-dehors; 2°. ceux qui ne reçoivent point de canal, & qui fournissent des eaux à des rivieres, à des fleuves; 3°. ceux qui reçoivent des fleuves sans interrompre leur cours; 4°. ceux qui reçoivent les eaux des rivieres & les rassemblent sans les verser au-dehors: tels sont la mer Caspienne, la mer Morte, le lac Morago en Perse, Titacaca en Amérique, & plusieurs lacs de l'Afrique qui reçoivent les rivieres d'une assez grande étendue de pays; ces terreins forment une exception à la pente assez générale des continens vers la mer. Les lacs qui se trouvent dans le cours des fleuves, qui en sont voisins, ou qui versent leurs eaux au-dehors, ne sont point salés: ceux au contraire qui reçoivent les fleuves sans qu'il en sorte d'autres, sont salés; les fleuves qui se jettent dans ces lacs, y ont amené successivement tous les sels qu'ils ont détachés des terres. Ceux qui ne reçoivent aucun fleuve & qui ne versent point leurs eaux au-dehors, sont ordinairement sales s'ils sont voisins de la mer; ils sont d'eau douce, s'ils en sont éloignés. La plûpart des lacs semblent aussi dispersés en plus grand nombre près de ces especes de points de partage que nous avons observés sur les continens: en Suisse, j'en trouve jusqu'à trente-huit; il en est de même dans le point de partage de Russie, & dans celui de la Tartarie Chinoise en Asie, &c. Mais j'observe généralement que les lacs des montagnes sont tous surmontés par des terres beaucoup plus élevées, ou sont au pié des pics & sur la cime des montagnes inférieures. Les rivieres se portant toûjours des lieux élevés vers les lieux bas, & des croupes de montagnes ou principales ou collatérales vers les côtes de la mer ou dans des lacs; c'est une conséquence naturelle que la direction des sommets & des chaînes alongées soit marquée par cette suite de points où tous les canaux des eaux courantes prennent leurs sources, & par cet espace qu'ils laissent vuide entre eux en se distribuant vers différentes mers. Ainsi les crêtes des chaînes principales, des ramifications collatérales, des collines mêmes de moyenne grandeur, servent à former ces partages des eaux que nous avions découverts & indiqués en général: c'est ainsi que les Cordelieres distribuent les eaux vers la mer du Sud & dans les vastes plaines orientales de l'Amérique méridionale. Les Alpes de même distribuent leurs eaux vers diverses mers par quatre canaux différens, le Rhin, le Rhone, le Pô, & le Danube. On voit sensiblement, d'après ces observations générales, que les rivieres & les fleuves sont des canaux qui épuisent l'eau répandue sur les continens. J'observe qu'au lieu de se ramifier en plusieurs branches, ils réunissent au contraire leurs eaux, & les vont porter en masse dans la mer ou dans les lacs. Je ne vois qu'une exception à cette disposition générale, c'est la communication de l'Orénoque avec une riviere qui se jette dans le fleuve des Amazones: les hommes ont senti l'avantage de cette espece d'anastomose, en liant les lits des rivieres par des canaux. Que nous diront sur cela les sectateurs des causes finales? La direction des fleuves dans tout leur cours est assujettie aux configurations des montagnes & des vallons où ils coulent; de sorte qu'une des montagnes qui borde un vallon ayant une pente moins rapide que l'autre qui lui est opposée, la riviere prend son cours plus près de celle qui a une croupe plus roide & plus escarpée, & ne garde point le milieu du vallon: elle n'occupe le milieu que lorsque la pente est égale. Les fleuves ne suivent les montagnes principales d'où ils tirent leur origine, que tant qu'ils sont resserrés entre deux chaînes; mais dès qu'ils se répandent dans les plaines collatérales, ils coulent perpendiculairement à la direction des chaînes, en suivant les vallons des montagnes de la seconde & troisieme grandeur, où ils trouvent différentes rivieres qui les enrichissent de leurs eaux. En conséquence de la plus grande pente que les fleuves trouvent en s'échappant des plaines montueuses qu'ils rencontrent ordinairement dans l'intérieur des terres, la direction de leur canal est ordinairement droite sur une certaine longueur, & leurs sinuosités ne se multiplient que lorsque l'on approche de leur embouchure dans la mer. On remarque que les grands fleuves coulent perpendiculairement à la côte où ils se jettent dans la mer, & qu'ils reçoivent de part & d'autre des rivieres qui s'y rendent, en indiquant une pente marquée des deux côtes. Dans l'arrondissement de certains golfes, vous observez un semblable arrondissement pour les rivieres qui s'y jettent en s'y portant comme vers un centre commun, leurs canaux s'épanoüissent dans tout le contour; ils indiquent le vallon qui a formé le golfe. Cette disposition est sensible dans les rivieres qui se jettent à l'extrémité du golfe de Bothnie. Un phénomene régulier & constant, est cet accroissement périodique qu'éprouvent un grand nombre de fleuves, & sur-tout ceux qui ont leurs sources entre les tropiques; ils couvrent les plaines voisines de leurs eaux à une très-grande distance: les autres n'éprouvent que de ces crûes irrégulieres & brusquées qui sont la suite de la fonte des neiges ou des pluies abondantes: les uns sont rapides, d'autres roulent plus tranquillement leurs eaux; & cela paroît, toutes choses égales d'ailleurs, dépendant de la distance de leur source à leur embouchure: ensorte que de deux fleuves qui partent du même point de partage, & qui vont à la mer par différentes routes, celui-là est le plus rapide, dont le cours est le moins étendu. Quelques autres se perdent dans les sables, ou disparoissent dans des soûterreins: enfin je remarque aux embouchures des grands fleuves, quelques îles & quelques amas de sable qui divisent leur canal en plusieurs bras. Affections générales de la structure intérieure & réguliere du globe . Ce qui me frappe d'abord en creusant dans la terre, c'est que la masse est composée de lits & de couches, dont l'épaisseur, la direction, &c. sont assujetties à des dispositions régulieres & constantes. Quelque part que l'on fouille, on rencontre de ces couches ou des bancs de différentes épaisseurs, depuis une ligne jusqu'à cent piés; & plus on creuse dans l'intérieur du globe, plus les couches sont épaisses. Ces bancs, ces lits recouvrent aussi une très grande étendue de terrein en tout sens; excepté la couche de terre végétale, toutes ces couches sont posées parallelement les unes sur les autres; & chaque banc a une même épaisseur dans toute son étendue. Les lits de substances terrestres qui sont paralleles à l'horison dans les plaines, s'élevent & se courbent avec les croupes des montagnes qu'elles forment & qu'elles franchissent pour aller s'abaisser ensuite dans le vallon qui se trouve au-delà. Si la pente de la montagne est douce, l'inclinaison des couches est très-grande: si la croupe de la montagne est escarpée, ou bien les couches sont coupées à-plomb & interrompues par des éboulemens, ou bien elles s'abaissent presque sans s'incliner, & gagnent la plaine. Lorsqu'au sommet d'une montagne les couches sont de niveau, toutes les autres qui composent sa masse sont aussi de niveau; mais les lits du sommet panchent-ils, les autres couches de la montagne suivent la même inclinaison. Dans certains vallons étroits formés par des montagnes escarpées, les couches que l'on y apperçoit coupées à-plomb & tranchées, se correspondent par rapport à la hauteur, à l'épaisseur, à la disposition, à la matiere qui les composent; comme si la montagne eût été séparée par le milieu. Dans les masses des montagnes figurées, les lits intérieurs des angles saillans ou rentrans éprouvent la même disposition que les contours extérieurs: ainsi les phénomenes de la surface paroissent liés avec ceux de la configuration intérieure, & nous la découvrent. La même régularité a lieu par rapport à deux collines qui se suivent parallelement; les mêmes couches s'y continuent de l'une à l'autre en bon ordre, en se courbant sous le vallon. Il est bon d'observer que le niveau n'a lieu pour la hauteur des couches correspondantes, que dans le cas où les deux collines ont une même hauteur; ce qui est assez ordinaire. Il faut cependant remarquer que cette organisation ne se présente pas par-tout ainsi. Les montagnes les plus élevées, soit dans les continens soit dans les îles, ne sont proprement que des pics ou cones composés de roc vif, de grès, ou de matieres vitrifiables; celles dont les sommets sont plats contiennent des marbres, des pierres à chaux. Les collines dont la masse est de grès, présentent par-tout des pointes irrégulieres qui indiquent des couches peu suivies & un amas de décombres: celles qui sont composées de substances calcaires, de marbres, de pierres à chaux, de marnes, &c. ont une forme plus arrondie & plus réguliere. D'après les différentes observations dont nous venons d'indiquer les résultats, on peut distinguer huit situations & formes différentes dans les couches terrestres; 1°. de paralleles à l'horison; 2°. de perpendiculaires; 3°. de diversement inclinées; 4°. de courbées en arc concave; 5°. de courbées en arc convexe; 6°. d'ondoyantes; 7°. d'arrondies; 8°. d'angulaires. Ces différentes formes paroissent dépendantes des bases sur les quelles les lits ou assises sont posés. En suivant l'arrangement des couches, on n'a point trouvé que les substances qui les forment soient disposées suivant leur pesanteur spécifique. Les couches de matiere plus pesante se trouvent sur des couches de matieres plus legeres; des rochers massifs portent sur des sables ou sur des glaises. Sous la mer, dans les détroits, & dans les îles, on retrouve les substances terrestres disposées par couches, ainsi que dans les continens. Dans certains détroits on a découvert que le fond de la mer est de la même nature de terre que les couches qui servent de base aux côtes élevées qui forment leur canal. On apperçoit des deux côtés du détroit les mêmes couches & les mêmes substances comme dans les deux croupes escarpées de deux montagnes qui forment un vallon: dans d'autres détroits, les couches des deux bords du canal s'abaissent insensiblement sous les flots, pour aller rejoindre leurs correspondantes. On divise ordinairement les matieres qui composent les premieres couches du globe en deux classes générales: la premiere comprend les substances vitrifiables; la seconde renferme les substances calcaires. Soit seules, soir par leur mélange, ces matieres composent les terres, les pierres, les metaux, les minéraux de toute espece; il n'est pas de notre objet de les détailler. Nous ne nous attachons à ces diverses substances, qu'autant que nous nous occupons de leurs dispositions relatives par rapport à la structure intérieure du globe. Les argilles, les sables, les schitz, les charbons de terre, les rocs vifs, les grès étendus, les marnes, les pierres à chaux sont posés par lits & par bancs: mais les tufs, les grès en petites masses, les cailloux, les crystaux, les métaux, les minéraux, les pyrites, les soufres, les stalactites, les incrustations, se trouvent par amas, par filons, par veines irrégulierement disposées, mais cependant assujetties à quelques formes, sur-tout les crystallisations & les sels. Mais ce qui a singulierement attiré l'attention des observateurs parmi les substances qui composent les couches terrestres, est cette multitude considérable de fossiles en nature ou en pétrifications. On trouve des coquilles de différentes especes, des squelettes de poissons de mer qui sont parfaitement semblables aux coquilles, aux poissons actuellement vivans dans la mer. Ces fossiles par leur poli, leurs couleurs, leur émail naturel, présentent des dépouilles reconnoissasables des animaux. Les coquilles sont entieres; tout y est semblable, soit au dedans soit au-dehors, dans leur cavité, dans leur convexité, dans leur substance; les details de la configuration, les plus petites articulations y sont dessinées: on trouve les coquillages de la même espece par grouppes, de petits & de jeunes attachés aux gros; & tous sont dans leur tas & dans les lits posés sur le plat & horisontalement. Certaines coquilles paroissent avoir éprouvé une espece de calcination plus ou moins grande, & une décomposition qui en altere la forme en grande partie; elles sont imparfaites, mutilées, par fragmens. Les bancs qu'on a trouves en différens endroits, ont une étendue très-considérable; il y en a une masse de plus de cent trente millions de toises cubiques en Touraine; dans la plûpart des carrieres de pierre, cette substance lie les autres & y domine. Quant aux pétrifications qui ne présentent que les empreintes ou en relief ou en creux, d'animaux & de végétaux, elles sont d'une substance pierreuse, métallique, & diversement colorée; les unes présentent une forme parfaite, d'autres sont mutilées, courbées, applaties, alongées. On trouve enfin une multitude étonnante de fossiles ou conservés ou altérés ou pétrifiés, dans les couches des montagnes comme sous les plaines; au milieu des continens, comme dans les îles; dans les premiers lits, comme dans les plus profonds; depuis le sommet des Alpes, jusqu'à cent piés sous terre dans le terrein d'Amsterdam; dans toute la chaîne qui traverse l'ancien continent depuis le Portugal jusqu'à la Chine; dans les matieres les plus legeres, comme dans les substances les plus dures & les plus compactes. Ces fossiles y sont incorporés, pétrifiés, & remplis constamment de la substance même qui les environne. On trouve enfin des coquilles legeres & pesantes dans les mêmes matieres; dans un seul endroit, les especes les plus disparates; dans les endroits les plus éloignés, les especes les plus ressemblantes, & dont les analogues, soit végétaux soit animaux, sont ou dans des mers éloignées ou dans des parages voisins, ou ne sont pas encore connus. Il faut remarquer qu'il y a plus de coquilles & de pétrifications dans les matieres calcaires, dans les marnes, dans les pierres à chaux, &c. que dans les matieres vitrifiables: on en trouve de dispersées dans les sables. On n'a point encore vû de coquilles dans les grès & le roc vif en petites masses: enfin on n'a pû découvrir de coquilles au Pérou dans les montagnes des Cordelieres. La disposition de toutes ces couches dont nous venons d'examiner les formes & la substance, sert à recueillir & à distribuer régulierement les eaux de pluie, à les contenir en differens endroits, à les verser par les sources, qui ne sont proprement que l'interruption & l'extrémité d'un aqueduc naturel formé par deux lits de matieres propres à voiturer l'eau: car les eaux tombant sur ces couches, se filtrent par les issues & par les fréquentes interruptions qu'elles éprouvent sur-tout dans leurs courbures, elles se chargent souvent des molécules de substances ou terrestres ou métalliques qu'elles peuvent dissoudre, & acquierent par cette opération les différentes qualités que nous avons remarquées ci-devant. Les couches de glaise & d'arene qui regnent dans une grande étendue du globe, contiennent les eaux; la pente des couches leur procure un écoulement; & suivant la profondeur de ces couches, les eaux séjournent ou près de la surface de la terre ou à de grandes profondeurs. Un lac ne sera précisément que la réunion des eaux qui coulent entre les couches qui viennent se terminer à son bassin, & le former par leur courbure. Phénomenes qui indiquent un travail postérieur au premier, & qui tendent a changer la face du globe . Les couches du globe même les plus solides, sont interrompues par des fentes de différente largeur, depuis un demi-pouce jusqu'à plusieurs toises; elles sont perpendiculaires à l'horison dans les matieres calcaires, obliques & irrégulierement posées dans les carrieres de grès & de roc vif: on les trouve assez éloignées les unes des autres, & plus étroites dans les substances molles & dans les lits plus profonds: plus fréquentes & plus larges dans les matieres compactes, comme dans les marbres ou les autres pierres dures & dans les premieres couches; souvent elles descendent jusqu'à la base depuis le sommet des masses; d'autres fois elles pénetrent jusqu'aux lits insérieurs. Les unes vont en diminuant de largeur; d'autres ont une même largeur dans toute leur étendue. C'est dans ces fentes que se trouvent les métaux, les minéraux, les crystaux, les soufres, les sucs épaissis; elles sont intérieurement garnies dans les grès & les matieres vitrifiables, de crystaux, de cailloux, & de minéraux de toute espece: dans les carrieres de marbre ou de pierres à chaux, elles sont remplies de spath, de gypse, de gravier, & d'un sable terreux. Dans les argilles, dans les craies, dans les marnes, on trouve ces fentes ou vuides ou remplies de matiere déposée par les eaux de pluie. On peut ajoûter à ces fentes d'autres dégradations considérables qu'offrent les rochers & les longues chaînes de montagnes: telles sont ces coupures enormes, ces larges ouvertures produites par des éboulemens ou par des affaissemens qui remplissent les plaines de débris énormes de montagnes dont les bases manquent; & ces débris offrent des grès irrégulierement semés à la surface des terres éboulées, ou bien de longues couches de terre bouleversées sans ordre. C'est de cette sorte que se présentent aux yeux des observateurs les portes qu'on trouve dans les chaînes de montagnes & dans les ouvertures de certains détroits; comme les Thermopyles, les portes du Caucase, des Cordelieres, le détroit de Gibraltar entre les monts Calpé & Abyla, la porte de l'Hellespont, les détroits de Calais, de Palerme, &c. Lorsque ces affaissemens n'ont agi que sur les couches intérieures, ou que les eaux seules ayant miné profondément les terres, ont entrainé de l'intérieur des montagnes les sables & les autres matieres de peu de consistence, & n'ont laissé que les voûtes formées par les rochers & les bancs de pierre, il résulte de toutes ces dégradations des cavernes: c'est dans ces conduits soûterreins que certains fleuves disparoissent, comme le Niger, l'Euphrate, le Rhone. C'est dans ces cavernes formées dans le sein des montagnes, que sont les réservoirs des sources abondantes; & lorsque les voûtes de ces cavernes s'affaissent & les comblent, les eaux qu'elles contiennent se répandent au-dehors & produisent des inondations subites & imprévues. Les eaux de pluie produisent aussi à la surface extérieure de grands changemens. Les montagnes diminuent de hauteur, & les plaines se remplissent par leur travail journalier; les cimes des montagnes se dégarnissent de terre, & il ne reste que les pics. Les terres entraînées par les torrens & par les fleuves dans les plaines, y ont formé des couches extraordinaires de gravier & de sable; on en trouve de larges amas le long des rivieres & dans les vallées qu'elles traversent. Ces couches ont cela de particulier, qu'elles éprouvent des interruptions; qu'elles n'annoncent aucun parallélisme ni la même épaisseur; & par l'examen des amas de gravier, on reconnoît qu'ils ont été lavés, arrondis, & déposés irrégulierement par les tournans d'eau, &c. Parmi ces sables & ces graviers, on trouve sans ordre, sans disposition réguliere, des coquilles fluviatiles, des coquilles marines brisées & isolées, des débris de cailloux, des pierres dures, des craies arrondies, des os d'animaux terrestres, des instrumens de fer, des morceaux de bois, des feuilles, des impressions de mousse; & les différentes parties de cet assemblage se lient quelquefois avec un ciment naturel produit par la décomposition de certains graviers. Aux environs des étangs, des lacs, & des mers, le long des rivieres, ou près des torrens, on trouve des endroits bas, marécageux, dont le fond est un mélange de végétaux imbibés de bitume: des arbres entiers y sont renversés tous suivant une même direction. Certaines couches limoneuses durcies se sont moulées sur les roseaux des marais qu'elles ont recouverts: souvent ces couches de végétaux ou en nature ou en empreinte dans la pierre ou dans la terre durcies, sont recouvertes par des amas de matiere qui forment une épaisseur de cinquante, soixante, cent piés; ces additions & ces terres accumulées sont considérables, sur-tout au pié des hautes plaines ou des montagnes, & paroissent être des adossemens qui s'appuient & tendent vers les montagnes plus élevées. Les rivages de la mer annoncent de même des dégradations produites par les eaux. A l'embouchure des fleuves nous trouvons des îles, des amas de sables, ou des dépôts de terres dont les eaux des rivieres se chargent, & qu'elles déposent lorsque leur cours est ralenti. Quelques observateurs ont prétendu que certains fleuves charrient le tiers de terre, ce qui est exagéré; mais il suffit de faire envisager cette cause avec toutes les réductions qu'on jugera convenables, pour conclure l'étendue de ses effets. Certaines côtes sont minées par les flots de la mer; elle en recouvre d'autres de sable: elle abandonne certains rivages, se jette & fait des invasions sur d'autres ou petit-à-petit, ou par des inondations violentes & locales. Un autre principe étendu de destruction est le feu. Certaines montagnes brûlent continuellement; elles éprouvent par reprises des accès violens, des éruptions dans lesquelles elles lancent au loin des tourbillons de flammes, de fumée, de cendres, de pierres calcinées; & dans la fureur de leur embrasement, les soufres, les minéraux en fusion se font jour autravers des flancs de la montagne entr'ouverts par l'expansion des vapeurs qui redoublent la fureur du feu. Je trouve tous les volcans dans des montagnes élevées; leur foyer est peu profond, & leur bouche est au sommet & dans le plan de l'horison. Certains volcans sont éteints, & on les reconnoît alors aux précipices énormes que des montagnes offrent à leurs sommets, qui sont comme des cones tronqués; & aux laves ou matieres calcinées qui sont dispersées sur les croupes. Le fond de la mer n'est pas exempt de ces tourmentes violentes; il y a aussi de ces volcans dans les montagnes dont le sommet est sous les flots. Ils s'annoncent près des îles dont ils sont la continuation & les appendices. Ces volcans sou-marins élevent quelquefois des masses de terre énormes qui paroissent au-dessus des flots, & vont figurer parmi les îles; ou bien ces matieres enflammées ne trouvant pas dans leurs explosions des masses contre lesquelles elles puissent agir, élevent les flots, & forment des jets immenses, des Typhons ou trombes affreuses. La mer est alors dans une grande ébullition, couverte de pierres calcinées & legeres qui y flottent sur un espace très-étendu, & l'air est rempli d'exhalaisons sulphureuses. Tous ces effets sont ordinairement accompagnés de tremblemens de terre, phénomene qui porte au loin la desolation ou les alarmes. On peut en distinguer de deux sortes, des tremblemens locaux & des tremblemens étendus: les tremblemens locaux circonscrivent leurs commotions, s'étendent en tous sens autour d'un volcan ou de leur foyer. Les autres suivent certaines bandes de terrein, & sur-tout celles qui sont parsemées de montagnes ou composées de matieres solides; ils s'étendent beaucoup plus en longueur qu'en largeur: ces convulsions désastreuses s'annoncent par différens mouvemens. Les uns s'exécutent par un soulevement de haut en bas; les autres par une inclination telle que l'éprouveroit un plan incliné, soulevé par la partie la plus haute & fixé par le bas; enfin d'autres, par un balancement qui porte les objets agités vers les différens points de l'horison, & par des reprises marquées. De ces différentes agitations résultent les commotions meurtrieres, irrégulieres, brusquées, suivies de grands desastres, & ces secousses tranquilles qui balancent les objets sans les détruire. On peut mettre parmi les effets des tremblemens de terre, les affaissemens & les éboulemens de certaines montagnes, les fentes, les précipices & les abysmes. Les secousses se propageant par les montagnes & les chaînes qui se ramifient dans le fond de la mer, se rendent sensibles aux navigateurs, & produisent par voie de retentissement des commotions violentes aux vaisseaux sur la surface de la mer unie & paisible: souvent la mer se déborde dans les terres, après que les côtes ont éprouvé des convulsions violentes. Enfin les côtes de la mer semblent plus exposées aux tremblemens de terre que les centres des continens. Phénomenes dépendans de l'atmosphere & de l'aspect du soleil . Cette division nous offre beaucoup de faits & peu de résultats généraux; on peut réduire à trois points ce qui nous reste à y discuter. Le premier comprend la considération de la diverse température qui regne dans les différentes parties du globe: le second les agitations de l'atmosphere & leurs effets; le troisieme la circulation & les modifications des vapeurs & des exhalaisons qui flottent dans l'atmosphere. La température qu'éprouvent les différentes portions de la terre peut se représenter avec assez de régularité par les zones comprises entre les degrés de latitude; cependant il faut y comprendre la considération du sol, du séjour plus ou moins long du soleil sur l'horison, & des vents. Toutes ces circonstances modifient beaucoup l'effet de la direction plus ou moins inclinée des rayons du soleil dans les différens pays. L'intervalle qui se trouve entre les limites du plus grand chaud & du plus grand froid dans chaque contrée, croit à-mesure qu'on s'éloigne de l'équateur, avec quelques exceptions toûjours dépendantes du sol, & sur-tout du voisinage de la mer. Un pays habité, cultivé, desséché est moins froid: un pays maritime est moins froid à même latitude, & peut-être aussi moins chaud. A-mesure qu'on s'éleve au-dessus des plaines dans les hautes montagnes, la chaleur diminue & le froid même se fait sentir. Sur les montagnes des Cordelieres la neige, qui recouvre le sommet de quelques unes, ne fond pas à la hauteur de 2440 toises au-dessus du niveau de la mer, & la chaleur respecte cette limite dans toute l'étendue de la Cordeliere. Dans les zones tempérées, les pays montagneux ont aussi des sommets couverts de neige, & même des amas monstrueux de glace que la chaleur des étés ne fond point entierement; seulement la ligne qui sert de limite à la neige qui ne fond point est moins élevée dans ces zones que sous la torride. Mais le froid ne se répand jamais dans les plaines des zones torrides, comme il fait ressentir ses effets dans l'étendue des zones tempérées & glaciales. Les fleuves gelent à la surface des continens, ainsi que les lacs dans une partie des tempérées & dans toute l'étendue des zones glaciales; mais la salure en préserve les plaines mers à ces latitudes. Ce n'est que vers les côtes, dans les parages tranquilles, dans les golfes ou détroits des zones glaciales, que la mer gele; & les glaces ne s'étendent pas à une vingtaine de lieues des côtes. La mer gele sur-tout dans les endroits vers lesquels les fleuves versent une grande quantité d'eau douce, ou charrient de gros glaçons qui s'accumulant à leur embouchûre, contribuent à la formation de ces énormes montagnes de glaces qui voyagent ensuite dans les mers plus méridionales; en sorte que les glaces qu'on trouve dans les plaines mers indiquent de grands fleuves qui ont leurs embouchûres près de ces parages. Par rapport à la température des soûterreins & de la mer à différentes profondeurs, nous ne pouvons offrir aucuns résultats bien déterminés. Les principales agitations de l'air que nous considérons sont les vents; en général les courans d'air sont fort irréguliers & très-variables: cependant le vent d'est souffle continuellement dans la même direction, en conséquence de la raréfaction que le soleil produit successivement dans les différentes parties de l'atmosphere. Comme le courant d'air qui est la suite de cette dilatation doit suivre le soleil, il fournit un vent constant & général d'orient en occident, qui contribue par son action au mouvement général de la mer d'orient en occident, & qui regne à 25 ou 30 degrés de chaque côté de l'équateur. Les vents polaires soufflent aussi assez constamment dans les zones glaciales; dans les zones tempérées il n'y a aucune uniformité reconnue. Le mouvement de l'air est un composé des vents qui regnent dans les zones collatérales, c'est-à-dire des vents d'est & de nord. A combien de modifications ces courans ne doivent-ils pas être assujettis, suivant que les vents d'est ou de nord dominent? Le vent d'oüest paroît être même un reflux du vent d'est modifié par quelques côtes. Sur la mer ou sur les côtes les vents sont plus réguliers que sur terre; ils soufflent aussi avec plus de force & plus de continuité. Sur les continens, les montagnes, les forêts, les différentes bases de terreins changent, & alterent la direction des vents. Les vents réfléchis par les montagnes se font sentir dans toutes les provinces voisines; ils sont très-irréguliers, parce que leur direction dépend de celle du premier courant qui les produit, ainsi que des contours, de la situation & de l'ouverture même des montagnes. Enfin les vents de terre soufflent par reprises & par boutades. Au printems & en automne les vents sont plus violens qu'en hyver & en été, tant sur mer que sur terre; ils sont aussi plus violens à-mesure qu'on s'éleve au-dessus des plaines & jusqu'au-dessus de la région des nuages. Il y a des vents périodiques qui sont assujettis à certaines saisons, à certains jours, à certaines heures, à certains lieux; il y en a de reglés produits par la fonte des neiges, par le flux & reflux. Quelquefois les vents viennent de la terre pendant la nuit, & de la mer pendant le jour. Nous n'avons point encore assez d'observations pour connoître s'il y a quelque rapport entre les vicissitudes de l'air dans chaque pays. Nous savons seulement par les observations du barometre, qu'il y a plus de variations dans les zones tempérées, que dans les zones torrides & glaciales; qu'il y en a moins dans la région élevée de l'atmosphere, que dans celle où nous vivons. En vertu de la chaleur du soleil l'air ayant acquis une certaine température, dissout l'eau & s'en charge; c'est ce qui produit cette abondante évaporation des eaux de dessus les mers & les continens. Ces vapeurs une fois condensées forment les nuages que les vents sont circuler dans une certaine région de l'air dépendante de leur densité & de la sienne; ils les transportent dans tous les climats: les nuages ainsi voiturés ou s'élevent en se dilatant, ou s'abaissent en se condensant suivant la température de la base de l'atmosphere qui les soûtient; lorsqu'ils rencontrent dans leur course l'air plus froid des montagnes, ou bien ils y tombent en flocons de neige, en brouillards, en rosées, suivant leur état de densité & d'élevation; ou bien ils s'y fixent & s'y resolvent en pluies. Le vent d'est les disperse surtout entre les tropiques; ce qui cause & les pluies abondantes de la zone torride, & les inondations périodiques des fleuves qui ont leurs sources dans ces contrées. Quelquefois les nuages condensés au sommet des montagnes s'en trouvent éloignés par des vents réflechis, ou autres qui les dispersent dans les plaines voisines. Les montagnes contribuent tellement à cette distribution des eaux, qu'une seule chaîne de montagnes décide de l'été & de l'hyver entre deux parties d'une presqu'île qu'elle traverse. On conçoit aussi que le sol du terrein contribuant à l'état de l'atmosphere, il y aura des pays où il ne tombera aucune pluie, parce que les nuages s'éleveront au-dessus de ces contrées en se dilatant. Enfin nous concevons maintenant pourquoi nous avons trouvé certains points de partage pour la distribution des eaux qui circulent sur la surface des continens: ces points de partage sont des endroits élevés & hérissés de montagnes & de pics qui raccrochent, condensent, fixent & resolvent les nuages en pluies, &c. Lorsque des vents contraires soufflent contre une certaine masse de nuages condensés & prêts à se résoudre en pluie, ils produisent des especes de cylindres d'eau continués depuis les nuages d'où ils tombent jusque sur la mer ou la terre: ces vents donnent à l'eau la forme cylindrique en la resserrant & la comprimant par des actions contraires. On nomme ces cylindres d'eau trombes , qu'il ne faut pas confondre avec le typhon ou la trombe de mer. On peut rapporter à ces effets ceux que des vents violens & contraires produisent lorsqu'ils élevent des tourbillons de sable & de terre, & qu'ils enveloppent dans ces tourbillons les maisons, les arbres, les animaux. Telle est l'idée générale des objets dont s'occupe la Géographie physique , & qui seront développés dans les différens articles. Il est aisé de voir par cet exposé, qu'un système de Géographie physique n'est autre chose qu'un plan méthodique où l'on présente les faits avérés & constans, & où on les rapproche pour tirer de leur combinaison des résultats généraux: opérations auxquelles préside cette sagesse, cette bonne foi qui laisse entrevoir les intervalles où la continuation de l'enchaînement est interrompue, qui ne se contente pas tellement des observations déjà faites, qu'elle ne montre le besoin de nouveaux faits & les moyens de les acquérir. Dans les théories de la terre on suit d'autres vûes; tous les faits, toutes les observations sont rappellées à de certains agens principaux, pour remonter & s'élever de l'état présent & bien discuté à l'état qui a précédé; en un mot des effets aux causes. L'objet des théories de la terre est grand, élevé & pique davantage la curiosité; mais elles ne doivent être que les conséquences générales d'un plan de Géographie physique bien complet. Cet article est de M. Desmarest . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOGRAPHIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GÉOGRAPHIQUE GÉOGRAPHIQUE, adj. se dit de tout ce qui appartient à la Géographie; ainsi on dit mesures géographiques, opérations géographiques , &c. Comme la Géographie en général, qui est la description de la terre, a sous elie deux parties qui lui sont subordonnées, la Chorographie qui est la description d'un pays de quelqu'étendue comme une province, & la Topographie qui est la description d'une partie peu étendue de terrein; il y a aussi différentes especes d'opérations géographiques : celles qui se font pour lever la carte d'une partie considérable de la terre, par exemple, de la France, de l'Angleterre, demandent plus de précision que les autres, parce que de petites erreurs qui ne sont rien sur une partie de terrein peu considérable, deviennent trop sensibles, & s'accumulent sur un grand espace; ainsi ces cartes se levent pour l'ordinaire en liant les principaux points par des triangles dont on observe les angles avec un quart de cercle, & en calculant ensuite les côtés de ces triangles; en faisant en un mot les mêmes opérations que pour mesurer un degré de la terre, opérations qui s'appellent aussi géographiques. V. Figure de la Terre & Degré . C'est ainsi qu'on a travaillé à la carte de la France dont on publie actuellement les feuilles. Quand il ne s'agit que de cartes chorographiques, & que l'on ne cherche pas une grande précision, un bon graphometre suffit pourvû qu'il soit d'une plus grande étendue que les graphometres ordinaires; & quand on ne veut faire qu'une carte topographique, on peut se borner à la planchette. Voyez Planchette "> Planchette & Graphometre . Voyez aussi Carte . Carte géographique se peut dire en général de toutes les cartes de géographie, puisqu'elles représentent toûjours quelque partie de la terre; mais on ne désigne certaines cartes par le mot géographique , que pour les distinguer des cartes qu'on appelle hydrographiques , & qui servent principalement aux marins. Dans celle-ci on ne représente guere que les rivages, le gisement des côtes, les îles; dans les autres on détaille l'intérieur des terres. Voyez Hydrographique & Carte . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEOLAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GEOLAGE GEOLAGE, s. m. ( Jurisprud. ) ou droit de geole , est un droit en argent qui est dû au geolier ou concierge des prisons par chaque prisonnier, pour le soin qu'il prend de le garder, & ce à raison de tant par jour, suivant la maniere dont le prisonnier est tenu. Les droits de gîte & geolage sont reglés par chaque parlement dans leur ressort. Suivant le tarif fait par le parlement de Paris en 1717, les prisonniers à la paille payent un sol par jour pour gîte & geolage , sans aucun droit d'entrée ni de sortie. Ceux auxquels le geolier fournit un lit payent cinq sols par jour s'ils sont seuls, & trois sols s'ils couchent deux dans un lit. Les pensionnaires ne doivent payer pour nourriture, gîte & geolage au plus que trois livres par jour, s'ils ont pour eux seuls une chambre, & s'il y a une cheminée, le droit est augmenté à proportion. Les prisonniers des chambres destinées à la pension, quand il n'y a point de pensionnaires, payent pour un lit où ils couchent seuls pour gîte & geolage quinze sols par jour; & on voit par-là que le droit de geolage est différent de la nourriture & du gîte. Les geoliers & autres préposés à la garde des prisons ne peuvent recevoir des prisonniers aucune avance pour nourriture, gîte & geolage , ni empêcher l'élargissement des prisonniers pour le payement des mêmes objets, mais doivent se contenter d'une obligation pour se pourvoir sur leurs biens seulement. Voyez l'ordonn. de 1670. tit. xiij. art. 22 & 30 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEOLE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GEOLE GEOLE, s. f. ( Jurisprud. ) signifie prison. Voyez Prison . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEOLIER Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GEOLIER GEOLIER, s. m. ( Jurisprud. ) celui qui a la garde, les clés & le soin des prisons & des prisonniers. Voyez Geolage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOMANTIE Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.f. GÉOMANTIE GÉOMANTIE, s. f. ( Hist. anc. ) espece de divination par la terre; de γῆ , terre , & de μαντεία , divination . Eile consistoit tantôt à tracer par terre des lignes ou des cercles par la rencontre desquels on s'imaginoit deviner ce qu'on desiroit d'apprendre, tantôt en faisant au hasard par terre plusieurs points sans garder aucun ordre; les figures que le hasard formoit alors fondoient le présage qu'on tiroit pour l'avenir; tantôt en observant les fentes & les crevasses qui se font naturellement à la terre, d'où sortoient, disoit-on, des exhalaisons prophétiques comme de l'antre de Delphes. D'autres prétendent que la géomantie consiste à marquer au hasard sur le papier plusieurs petits points sans les compter, & que les figures qui se rencontrent à l'extrémité des lignes servent à former le jugement qu'on veut porter sur l'avenir, & à décider de l'évenement de toute question proposée. Ils ajoûtent qu'elle a conservé son ancien nom de géomantie qui fait allusion à la terre, parce que dans l'origine on se servoit de petits caillous qu'on jettoit au hasard sur la terre, au lieu que maintenant on se sert de points. Polydore Virgile définit la géomantie une divination par le moyen des fentes & des crevasses qui se font sur la surface de la terre, & il croit que les mages des Perses en ont été les inventeurs: de invent. rerum. lib. I. cap. xxiij . Olivier de Malmesbury, Gerard de Cremone, Barthelemy de Parme & Gaspard Peucer ont écrit des traités sur la géomantie . Corneille Agrippa avoit aussi travaillé sur la même matiere; mais il écrivit depuis pour convenir que rien n'étoit plus vain & plus trompeur que cette prétendue science. Delrio, disq. mag. lib. IV. cap. 2. quest. vij sect. 3 p. 562 . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOMÉTRAL Author=d'Alembert Normalized Classification=Optique Part of Speech=adject GÉOMÉTRAL GÉOMÉTRAL, adj. ( Opt. ) On appelle ainsi la représentation d'un objet faite de maniere que les parties de cet objet y ayent entre elles le même rapport qu'elles ont réellement dans l'objet tel qu'il est; à la différence des représentations en perspective , où les parties de l'objet sont représentées dans le tableau avec les proportions que la perspective leur donne. Voyez Perspective . Il est clair par cette définition qu'il n'est possible de représenter géométralement que des surfaces planes, comme la base ou le frontispice d'un bâtiment; & cette représentation retombe dans le cas des projections orthographiques. Voyez Plan géométral , au mot Plan , Orthographique , & Projection . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOMETRE Author=d'Alembert Normalized Classification=Mathématique Part of Speech=s.m. GÉOMETRE GÉOMETRE, s. m. ( Mathématiq. ) se dit proprement d'une personne versée dans la Géométrie; mais on appliqué en général ce nom à tout mathématicien, parce que la Géometrie étant une partie essentielle des Mathématiques, & qui a sur presque toutes les autres une influence nécessaire, il est difficile d'être versé profondément dans quelque partie des Mathématiques que ce soit, sans l'être en même tems dans la Géometrie. Ainsi on dit de Newton qu'il étoit grand géometre , pour dire qu'il étoit grand mathématicien. Un géometre , quand il ne voudroit que se borner à entendre ce qui a été trouvé par d'autres, doit avoir plusieurs qualités assez rares; la justesse de l'esprit pour saisir les raisonnemens & démêler les paralogismes, la facilité de la conception pour entendre avec promptitude, l'étendue pour embrasser à-la-fois les differentes parties d'une démonstration compliquée, la mémoire pour retenir les propositions principales, leurs demonstrations mêmes, ou du-moins l'esprit de ces démonstrations, & pour pouvoir en cas de besoin se rappeller les unes & les autres, & en faire usage. Mais le géometre qui ne se contentera pas de savoir ce qui a été fait avant lui, & qui veut ajoûter aux découvertes de ses prédécesseurs, doit joindre à ces différentes parties de l'esprit d'autres qualités encore moins communes, la profondeur, l'invention, la force, & la sagacité. Je ne suis pas éloigné de penser avec quelques écrivains modernes, que l'on peut apprendre la Géométrie aux enfans, & qu'ils sont capables de s'appliquer à cette science, pourvû qu'on se borne aux seuls élémens, qui étant peu compliqués, ne demandent qu'une conception ordinaire; mais ces qualités médiocres ne suffisent pas dans l'étude des Mathématiques transcendantes: pour être un savant géometre , & même pour n'être que cela, il faut un degré d'esprit beaucoup moins commun; & pour être un grand géometre (car le nom de grand ne doit être donné qu'aux inventeurs), il faut plus que de l'esprit, il faut du génie, le génie n'étant autre chose que le talent d'inventer. Il est vrai que l'esprit dont nous parlons est différent de celui qu'il faut pour une épigramme, pour un poëme, pour une piece d'éloquence, pour écrire l'histoire; mais n'y a-t-il donc d'esprit que de cette derniere espece? Voyez Esprit . Et un écrivain médiocre, ou même un bon écrivain, croira-t-il avoir plus d'esprit que Newton & que Descartes? Peut-être nous sera-t-il permis de rapporter à cette occasion une réponse de feu M. de la Motte. Un géometre de ses amis, apparemment ignorant ou de mauvaise foi, parloit avec mépris du grand Newton, qu'il auroit mieux fait d'étudier; Newton , disoit ce géometre, n'étoit qu'un boeuf; cela se peut , répondit la Motte, mais c'étoit le premier boeuf de son siecle . On pourroit demander s'il a fallu plus d'esprit pour faire Cinna, Heraclius, Rodogune, Horace, & Polieucte, que pour trouver les lois de la gravitation. Cette question n'est pas susceptible d'être résolue, ces deux genres d'esprit étant trop différens pour être comparés; mais on peut demander s'il n'y a pas autant de mérite à l'un qu'à l'autre; & qui auroit à choisir d'être Newton ou Corneille, feroit bien d'être embarrassé, ou ne mériteroit pas d'avoir à choisir. Au reste cette question est décidée tous les jours par quelques littérateurs obscurs, quelques satyriques subalternes, qui méprisent ce qu'ils ignorent, & qui ignorent ce qu'ils croyent savoir; incapables, je ne dis pas d'apprétier Corneille, & de lire Newton, mais de juger Campistron & d'entendre Euclide. Si l'esprit nécessaire au géometre n'est pas le même que celui dont on a besoin pour réussir dans la Littérature, ils ne s'excluent pas l'un l'autre. Néanmoins quand on veut loüer parmi nous un mathématicien, on dit de lui qu'il est grand géometre , & cependant homme d'esprit & de goût; on croit lui faire beaucoup d'honneur, & on se sait quelque gré du bon mot qu'on s'imagine avoir dit. Ces façons de parler si connues, lourd comme un géometre, ignorant comme un poëte, ou comme un prédicateur , sont devenues des especes de proverbes, & presque des phrases de la langue, aussi équitables l'une que l'autre; les exemples qui en prouvent l'injustice ne sont pas rares; & pour ne parler ici que des Mathématiciens, Pascal à qui la Géométrie doit un si bel ouvrage sur la Cycloïde, & qui auroit peut-être été le plus grand géometre de l'univers, si une dévotion assez mal entendue ne lui eût fait abandonner son talent, Pascal étoit en même tems un très-bel esprit. Ses Provinciales sont un chef-d'oeuvre de plaisanterie & d'éloquence, c'est-à-dire un modele dans les deux genres d'écrire qui paroissent les plus opposés. On dira peut-être que Pascal n'est qu'une exception; il est malheureux que l'exception démente si formellement la regle qu'on voudroit établir; mais croit-on que cette exception soit la seule? Nous ne citerons point M. de Fontenelle, qu'on voudra peut-être ne regarder que comme un bel esprit devenu géometre par accident: mais nous renverrons les détracteurs de la Géométrie aux ouvrages philosophiques de Descartes, si bien écrits pour leur tems; à ceux de Malebranche, qui sont des chefs-d'oeuvre de style; aux poésies de Manfredi, que M. de Fontenelle a si justement célebrées; aux vers que M. Halley a mis à la tête des principes de Newton, & à tant d'autres que nous pourrions nommer encore. Si ces géometres n'étoient pas des hommes d'esprit, qu'on nous dise en quoi l'esprit consiste, & à quoi il se borne. On connoît la ridicule question du P. Bouhours, si un allemand peut avoir de l'esprit? Les Allemands y ont répondu comme ils le devoient, par cette question non moins ridicule, si un françois peut avoir le sens commun? Ceux qui font aux Géometres le même honneur que le P. Bouhours a fait aux Allemands, mériteroient qu'on leur demandât aussi, si on peut ignorer la Géométrie, & raisonner juste? Mais sans répondre aux injures par d'autres, opposons-y des faits. Balzac étoit sans doute un bel esprit, dans le sens où l'on prend ordinairement ce mot; qu'on lise les lettres de Descartes à Balzac, & celles de Balzac à Descartes, & qu'on décide ensuite, si on est de bonne foi, lequel des deux est l'homme d'esprit. Descartes, dit-on, fit en Suede d'assez mauvais vers pour un divertissement donné à la reine Christine; mais c'étoit en 1649; & à l'exception de Corneille, qui même ne réussissoit pas toûjours, quelqu'un faisoit-il alors de bons vers en Europe? Les premiers opéras de l'abbé Perrin ne valoient peut-être pas mieux que le divertissement de Descartes. Pascal, ajoûte-t-on, a très-mal raisonné sur la Poésie; cela est vrai, mais que s'ensuit-il de-là? C'est que Pascal ne se connoissoit pas en vers, faute peut-être d'en avoir assez lû, & d'avoir réfléchi sur ce genre; la Poésie est un art d'institution qui demande quelqu'exercice & quelque habitude pour en bien juger; or Pascal n'avoit lû que des livres de Géométrie & de piété, & peut-être de mauvais vers de dévotion qui l'avoient prévenu contre la Poésie en général; mais ses provinciales prouvent qu'il avoit d'ailleurs le tact très-fin & le goût très-juste. On n'y trouve pas un terme ignoble, un mot qui ait vieilli, une plaisanterie froide. La Géométrie, dit-on encore, donne à l'esprit de la sécheresse; oui, quand on y est déjà préparé par la nature: en ce cas, on ne seroit guere plus sensible aux beautés des ouvrages d'imagination, quand même on n'auroit fait aucune étude de la Géométrie; mais celui à qui la nature aura donné avec le talent des Mathématiques un esprit flexible à d'autres objets, & qui aura soin d'entretenir dans son esprit cette heureuse flexibilité, en le pliant en tout sens, en ne le tenant point toûjours courbé vers les lignes & les calculs, & en l'exerçant à des matieres de littérature, de goût, & de philosophie, celui-là conservera tout-à-la-fois la sensibilité pour les choses d'agrément, & la rigueur nécessaire aux démonstrations; il saura résoudre un problème, & lire un poëte; calculer les mouvemens des planetes, & avoir du plaisir à une piece de théatre. L'étude & le talent de la Géométrie ne nuisent donc point par eux mêmes aux talens & aux occupations littéraires. On peut même dire en un sens, qu'ils sont utiles pour quelque genre d'écrire que ce puisse être; un ouvrage de morale, de littérature, de critique, en sera meilleur, toutes choses d'ailleurs égales , s'il est fait par un géometre , comme M. de Fontenelle l'a très-bien observé; on y remarquera cette justesse & cette liaison d'idées à laquelle l'étude de la Géométrie nous accoûtume, & qu'elle nous fait ensuite porter dans nos écrits sans nous en appercevoir & comme malgré nous. L'étude de la Géométrie ne peut sans doute rendre l'esprit juste à celui qui ne l'a pas; mais aussi un esprit sans justesse n'est pas fait pour cette étude, il n'y réussira point; c'est pourquoi si on a eu raison de dire que la Géométrie ne redresse que les esprits droits , on auroit bien fait d'ajoûter que les esprits droits sont les seuls propres à la Géométrie . On ne peut donc avoir l'esprit géometre , c'est-à-dire le talent de la Géométrie, sans avoir en même tems l'esprit géométrique , c'est-à-dire l'esprit de méthode & de justesse. Car l'esprit géometre n'est proprement que l'esprit géométrique , appliqué à la seule Géométrie, & il est bien difficile quand on sait faire usage de cet esprit dans les matieres géométriques, qu'on ne puisse de même le tourner avec un succès égal vers d'autres objets. Il est vrai que l'esprit géometrique pour se développer avec toute sa force & son activité, demande quelqu'exercice; & c'est pour cela qu'un homme concentré dans l'étude de la Géométrie, paroîtra n'avoir que l'esprit géometre , parce qu'il n'aura pas appliqué à d'autres matieres le talent que la nature lui a donné de raisonner juste. De plus si les Géometres se trompent lorsqu'ils appliquent leur logique à d'autres sciences que la Géométrie, leur erreur est plûtôt dans les principes qu'ils adoptent, que dans les conséquences qu'ils en tirent. Cette erreur dans les principes peut venir ou de ce que le géometre n'a pas les connoissances préliminaires suffisantes pour le conduire aux principes véritables, ou de ce que les principes de la science dont il traite ne sortent point de la sphere des probabilités. Alors il peut arriver qu'un esprit accoûtumé aux démonstrations rigoureuses, n'ait pas à un degré suffisant le tact nécessaire pour distinguer ce qui est plus probable d'avec ce qui l'est moins. Cependant j'ose penser encore qu'un géometre exercé à l'evidence mathématique, distinguera plus aisément dans les autres sciences ce qui est vraiment évident d'avec ce qui n'est que vraissemblable & conjectural; & que de plus ce même géometre avec quelque exercice & quelque habitude, distinguera aussi plus aisément ce qui est plus probable d'avec ce qui l'est moins; car la Géométrie a aussi son calcul des probabilités. A l'occasion de ce calcul, je crois devoir faire une réflexion qui contredira un peu l'opinion commune sur l'esprit du jeu. On imagine pour l'ordinaire qu'un géometre , un savant exercé aux calculs, doit avoir l'esprit du jeu dans un degré supérieur; il me semble que ces deux esprits sont fort différens, si même ils ne sont pas contraires. L'esprit géometre est sans doute un esprit de calcul & de combinaison, mais de combinaison scrupuleuse & lente, qui examine l'une après l'autre toutes les parties de l'objet, & qui les compare successivement entr'elles, prenant garde de n'en omettre aucune, & de les rapprocher par toutes leurs faces; en un mot ne faisant à-la-fois qu'un pas, & ayant soin de le bien assûrer avant que de passer au suivant. L'esprit du jeu est un esprit de combinaison rapide, qui embrasse d'un coup-d'oeil & comme d'une maniere vague un grand nombre de cas, dont quelques-uns peuvent lui échapper, parce qu'il est moins assujetti à des regles, qu'il n'est une espece d'instinct perfectionné par l'habitude. D'ailleurs le géometre peut se donner tout le tems nécessaire pour résoudre ses problèmes; il fait un effort, se repose, & repart de-là avec de nouvelles forces. Le joüeur est obligé de résoudre ses problèmes sur le champ, & de faire dans un tems donné & très-court tout l'usage possible de son esprit. Il n'est donc pas surprenant qu'un grand géometre soit un joüeur très-médiocre; & rien n'est en effet plus commun. La Géométrie a parmi nous des censeurs de tous les genres. Il en est qui lui contestent jusqu'à son utilité; nous les renvoyons à la préface si connue de l'histoire de l'académie des Sciences, où les mathématiques sont suffisamment vengées de ce reproche. Mais indépendamment des usages physiques & palpables de la Géométrie, nous envisagerons ici ses avantages sous une autre face, à laquelle on n'a peut-être pas fait encore assez d'attention: c'est l'utilité dont cette étude peut être pour préparer comme insensiblement les voies à l'esprit philosophique, & pour disposer toute une nation à recevoir la lumiere que cet esprit peut y répandre. C'est peut-être le seul moyen de faire secoüer peu-à-peu à certaines contrées de l'Europe, le joug de l'oppression & de l'ignorance profonde sous laquelle elles gémissent. Le petit nombre d'hommes éclairés qui habitent certains pays d'inquisition, se plaint amerement quoiqu'en secret, du peu de progrès que les Sciences ont fait jusqu'ici dans ces tristes climats. Les précautions qu'on a prises pour empêcher la lumiere d'y pénétrer, ont si bien réussi, que la Philosophie y est à-peu-près dans le même état où elle étoit parmi nous du tems de Louis le Jeune. Il est certain que les abus les plus intolérables d'un tribunal qui nous a toûjours si justement révoltés, ne se sont produits & ne s'entretiennent que par l'ignorance & la superstition. Eclairez la nation, & les ministres de ces tribunaux renonceront d'eux-mêmes à des excès dont ils auront les premiers reconnu l'injustice & les inconvéniens. C'est ce que nous avons vû arriver dans les pays où le goût des Arts & des Sciences & les lumieres de la Philosophie se sont conservés. On étudie & on raisonne en Italie; & l'inquisition y a beaucoup rabattu de la tyrannie qu'elle exerce dans ces régions, ou l'on fait encore prêter serment de ne point enseigner d'autre philosophie que celle d'Aristote. Faites naître, s'il est possible, des géometres parmi ces peuples; c'est une semence qui produira des philosophes avec le tems, & presque sans qu'on s'en apperçoive. L'orthodoxie la plus délicate & la plus scrupuleuse n'a rien à démêler avec la Géométrie. Ceux qui croiroient avoir intérêt de tenir les esprits dans les ténebres, fussent-ils assez prévoyans pour pressentir la suite des progrès de cette science, manqueroient toûjours de prétexte pour l'empêcher de se répandre. Bien-tôt l'étude de la Géométrie conduira à celle de la méchanique; celle-ci menera comme d'elle-même & sans obstacle, à l'étude de la saine Physique; & enfin la saine Physique à la vraie Philosophie, qui par la lumiere générale & prompte qu'elle répandra, sera bien-tôt plus puissante qué tous les efforts de la superstition; car ces efforts, quelque grands qu'ils soient, deviennent inutiles dès qu'une fois la nation est éclairée. Croira-t-on que nous parlons sérieusement, si nous employons les dernieres lignes de cet article à justifier les Géometres du reproche qu'on leur fait d'ordinaire, de n'être pas fort portés à la soûmission en matiere de foi? Nous aurions honte de répondre à cette imputation, si elle n'étoit malheureusement aussi commune qu'elle est injuste. Bayle qui doutoit & se moquoit de tout, n'a pas peu contribué à la répandre par les réflexions malignes qu'il a hasardées dans l'article Pascal , contre l'orthodoxie des Mathématiciens, & par ses lamentations sur le malheur que les Géometres ont eu jusqu'ici de ne voir aucun de leurs noms dans le calendrier; lamentations trop peu sérieuses pour être rapportées dans un ouvrage aussi grave que celui-ci. Sans répondre à cette mauvaise plaisanterie par quelqu'autre, il est facile de se convaincre par la lecture des éloges académiques de M. de Fontenelle, par les vies de Descartes, de Pascal, & de plusieurs mathématiciens célebres, qu'on peut être géometre sans être pour ses freres un sujet de scandale. La Géométrie à la vérité ne nous dispose pas à ajoûter beaucoup de foi aux raisonnemens de la Medecine systématique, aux hypothèses des physiciens ignorans, aux superstitions & aux préjugés populaires; elle accoûtume à ne pas se contenter aisément en matiere de preuves: mais les vérités que la révélation nous découvre, sont si différentes de celles que la raison nous apprend, elles y ont si peu de rapport, que l'évidence des unes ne doit rien prendre sur le respect qu'on doit aux autres. Enfin la foi est une grace que Dieu donne à qui il lui plait; & puisque l'Evangile n'a point défendu l'étude de la Geométrie, il est à croire que les Géometres sont aussi susceptibles de cette grace que le reste du genre humain. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOMÉTRIE Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=s.f. GÉOMÉTRIE GÉOMÉTRIE, s. f. ( Ordre encycl. Entend. Rais. Philosoph . ou Science, Science de la Nat. Mathémath. Mathémath. pures, Géométrie. ) est la science des propriétés de l'étendue, en tant qu'on la considere comme simplement étendue & figurée. Ce mot est formé de deux mots grecs, γῆ ou γαῖα , terre , & μέτρον , mesure; & cette étymologie semble nous indiquer ce qui a donné naissance à la Géométrie : imparfaite & obscure dans son origine comme toutes les autres sciences, elle a commencé par une espece de tatonnement, par des mesures & des opérâtions grossieres, & s'est élevée peu-à-peu à ce degré d'exactitude & de sublimité où nous la voyons. Histoire abregée de la Géométrie . Il y a apparence que la Géométrie , comme la plûpart des autres sciences, est née en Egypte, qui paroît avoir été le berceau des connoissances humaines, ou, pour parler plus exactement, qui est de tous les pays que nous connoissons, celui où les Sciences paroissent avoir été le plus anciennement cultivées. Selon Hérodote & Strabon, les Egyptiens ne pouvant reconnoître les bornes de leurs héritages confondues par les inondations du Nil, inventerent l'art de mesurer & de diviser les terres, afin de distinguer les leurs par la considération de la figure qu'elles avoient, & de la surface qu'elles pouvoient contenir. Telle fut, diton, la premiere aurore de la Géométrie . Josephe, historien zélé pour sa nation, en attribue l'invention aux Hébreux; d'autres à Mercure. Que ces faits soient vrais ou non, il paroît certain que quand les hommes ont commencé à posséder des terres, & à vivre sous des lois différentes, ils n'ont pas été longtems sans faire sur le terrein quelques opérations pour le mesurer, tant en longueur qu'en surface, en entier ou par parties; & voilà la Géométrie dans son origine. De l'Egypte elle passa en Grece, où on prétend que Thales la porta. Il ne se contenta pas d'apprendre aux Grecs ce qu'il avoit reçû des Egyptiens; il ajoûta à ce qu'il avoit appris, & enrichit cette science de plusieurs propositions. Après lui vint Pythagore, qui cultiva aussi la Géométrie avec succès, & à qui on attribue la fameuse proposition du quarré de l'hypothénuse. Voyez Hypothénuse . On prétend qu'il fut si ravi de cette découverte, qu'il sacrifia de joie cent boeufs aux Muses. Il y a apparence, dit un auteur moderne, que c'étoient des boeufs de cire ou de pâte; car Pythagore défendoit de tuer les animaux, en conséquence de son système de la métempsycose, qui (pour un philosophe payen) n'étoit pas l'opinion du monde la plus absurde. Voyez Métempsycose . Mais il y a plus d'apparence encore que le fait n'est pas vrai; ce qui dispense de l'expliquer. Après Pythagore, les philosophes & les écoles qu'ils formerent, continuerent à cultiver l'étude de la Géométrie . Plutarque nous apprend qu'Anaxagore de Clazomene s'occupa du problème de la quadrature du cercle dans la prison où il avoit été renfermé, & qu'il composa même un ouvrage sur ce sujet. Cet Anaxagore avoit été accusé d'impiété, pour avoir dit que les astres étoient matériels; & il eût été condamné à mort, sans Periclès qui lui sauva la vie. On voit par cet exemple, s'il est permis de le dire en passant, que ce n'est pas d'aujourd'hui que les Philosophes sont persécutés pour avoir eu raison; & que les prêtres grecs étoient aussi habiles que certains théologiens modernes, à ériger en articles de religion ce qui n'en étoit pas. Platon qui donnoit à Anaxagore de grands éloges sur son habileté en Géométrie , en méritoit aussi beaucoup lui-même. On sait qu'il donna une solution très simple du problème de la duplication du cube. Voyez Duplication . On sait aussi que ce grand philosophe appelloit Dieu l' éternel géometre (idée vraiment juste & digne de l'Étre suprème), & qu'il regardoit la Géomtérie comme si nécessaire à l'étude de la Philosophie, qu'il avoit écrit sur la porte de son école ces paroles mémorables, qu'aucun ignorant en Géométrie n'entre ici . Entre Anaxagore & Platon, on doit placer Hippocrate de Chio, qui mérite qu'on en fasse mention par sa fameuse quadrature de la lunule. Voyez Lunule . Feu M. Cramer, professeur de Philosophie à Genève, nous a donné dans les mémoires de l'académie des Sciences de Prusse pour l'année 1748, une très-bonne dissertation sur ce géometre: on y lit qu'Hippocrate dans un voyage qu'il fit à Athenes, ayant eu occasion d'écouter les philosophes, prit tant de goût pour la Géométrie , qu'il y fit des progrès admirables; on ajoûte que cette étude développa son talent, & qu'il avoit pour tout le reste l'esprit lent & bouché; ce qu'on raconte aussi de Clavius, bon géometre du seizieme siecle. Il n'y a rien d'étonnant à tout cela; mais le comble de l'ineptie est d'en faire une regle. Voyez Géometre . Euclide qui vivoit environ cinquante ans après Platon, & qu'il ne faut pas confondre avec Euclide de Megare contemporain de ce philosophe, recueillit ce que ses prédécesseurs avoient trouvé sur les élémens de Géométrie; il en composa l'ouvrage que nous avons de lui, & que bien des modernes regardent comme le meilleur en ce genre. Dans ces élémens il ne considere que les propriétés de la ligne droite & du cercle, & celles des surfaces & des solides rectilignes ou circulaires; ce n'est pas néanmoins que du tems d'Euclide il n'y eût d'autre courbe connue que le cercle; les Géometres s'étoient déjà apperçus qu'en coupant un cone de différentes manieres, on formoit des courbes différentes du cercle, qu'ils nommerent sections coniques. Voy. Conique & Section . Les différentes propriétés de ces courbes, que plusieurs mathématiciens découvrirent successivement, furent recueillis en huit livres par Apollonius de Perge, qui vivoit environ 250 ans avant J. C. Voyez Apollonien . Ce fut lui, à ce qu'on prétend, qui donna aux trois sections coniques les noms qu'elles portent, de parabole, d'ellipse , & d'hyperbole , & dont on peut voir les raisons à leurs articles. A-peu-près en même tems qu'Apollonius, florissoit Archimede, dont nous avons de si beaux ouvrages sur la sphere & le cylindre, sur les conoïdes & les sphéroïdes, sur la quadrature du cercle qu'il trouva par une approximation très-simple & très-ingénieuse ( Voyez Quadrature ), & sur celle de la parabole qu'il détermina exactement. Nous avons aussi de lui un traité de la spirale, qui peut passer pour un chef-d'oeuvre de sagacité & de pénétration. Les démonstrations qu'il donne dans cet ouvrage, quoique très-exactes, sont si difficiles à embrasser, qu'un savant mathématicien moderne, Bouillaud, avoue ne les avoir jamais bien entendues, & qu'un mathématicien de la plus grande force, notre illustre Viete, les a injustement soupçonnées de paralogisme, faute de les avoir bien comprises. Voyez la préface de l'analyse des infiniment petits de M. de l'Hôpital. Dans cette préface, qui est l'ouvrage de M. de Fontenelle, on a rapporté les deux passages de Bouillaud & de Viete, qui vérifient ce que nous avançons ici. On doit encore à Archimede d'autres écrits non moins admirables, qui ont rapport à la Méchanique plus qu'à la Géométrie , de aequiponderantibus , de insidentibus humido; & quelques autres dont ce n'est pas ici le lieu de faire mention. Nous ne parlons dans cette histoire que des Géometres dont il nous reste des écrits que le tems a épargnés; car s'il falloit nommer tous ceux qui dans l'antiquité se sont distingués en Géométrie , la liste en seroit trop longue; il faudroit faire mention d'Eudoxe de Cnide, d'Archytas de Tarente, de Philolaüs, d'Eratosthene, d'Aristarque de Samos, de Dinostrate si connu par sa quadratrice ( Voyez Quadratrice ), de Menechme son frere, disciple de Platon, des deux Aristées, l'ancien & le jeune, de Conon, de Thrasidée, de Nicotele, de Leon, de Theudius, d'Hermotime, de Nicomede, inventeur de la conchoïde ( V. Conchoïde ), & un peu plus jeune qu' Archimede & qu'Apollonius, & de plusieurs autres. Les Grecs continuerent à cultiver la Philosophie, la Géométrie , & les Lettres, même après qu'ils eurent été subjugués par les Romains. La Géométrie & les Sciences en général, ne furent pas fort en honneur chez ce dernier peuple qui ne pensoit qu'à subjuguer & à gouverner le monde, & qui ne commença guere à cultiver l'éloquence même que vers la fin de la république. On a vû dans l' article Erudition avec quelle legereté Ciceron parle d'Archimede, qui pourtant ne lui étoit point inférieur; peut-être même est-ce faire quelque tort à un génie aussi sublime qu'Archimede, de ne le placer qu'à côté d'un bel esprit, qui dans les matieres philosophiques qu'il a traitées, n'a guere fait qu'exposer en longs & beaux discours, les chimeres qu'avoient pensées les autres. On étoit si ignorant à Rome sur les Mathématiques, qu'on donnoit en général le nom de mathématiciens , comme on le voit dans Tacite, à tous ceux qui se mêloient de deviner, quoiqu'il y ait encore plus de distance des chimeres de la Divination & de l'Astrologie judiciaire aux Mathématiques, que de la pierre philosophale à la Chimie. Ce même Tacite, un des plus grands esprits qui ayent jamais écrit, nous donne par ses propres ouvrages une preuve de l'ignorance des Romains, dans les questions de Géométrie & d'Astronomie les plus élémentaires & les plus simples. Il dit dans la vie d'Agricola, en faisant la description de l'Angleterre, que vers l'extrémité septentrionale de cette ile, les grands jours d'été n'ont presque le point de nuit; & voici la raison qu'il en apporte: scilicet extrema & plana terrarum humili umbra non erigunt tenebras, infràque coelum & sydera nox cadit . Nous n'entreprendrons point avec les commentateurs de Tacite, de donner un sens à ce qui n'en a point; nous nous contenterons d'avoir montré par cet exemple, que la manie d'étaler un faux savoir & de parler de ce qu'on n'entend pas, est fort ancienne. Un traducteur de Tacite dit que cet historien regarde la Terre dans ce passage comme une sphere dont la base est environnée d'eau , &c. Nous ne savons ce que c'est que la base d'une sphere. Si les Romains cultiverent peu la Géometrie dans les tems les plas florissans de la république, il n'est pas surprenant qu'ils l'ayent encore moins cultivée dans la décadence de l'empire. Il n'en fut pas de même des Grecs; ils eurent depuis l'ere chrétienne même, & assez long-tems aprés la translation de l'empire, des géometres habiles. Ptolomée grand astronome & par conséquent grand géometre, car on ne peut être l'un sans l'autre, vivoit sous Marc-Aurele; & on peut voir au mot Astronomie , les noms de plusieurs autres. Nous avons encore les ouvrages de Pappus d'Alexandrie, qui vivoit du tems de Théodose; Eutocius Ascalonite, qui vivoit après lui vers l'an 540 de l'ere chrétienne, nous a donné un commentaire sur la mesure du cercle par Archimede. Proclus qui vivoit sous l'empire d'Anastase au cinquieme & sixieme siecles, démontra les théorèmes d'Euclide, & son commentaire sur cet auteur est parvenu jusqu'à nous. Ce Proclus est encore plus fameux par les miroirs (vrais ou supposés) dont il se servit, dit-on, pour brûler la flotte de Vitalien qui assiégeoit Constantinople. Voyez Ardent & Miroir . Entre Eutocius & Pappus, il y a apparence qu'on doit placer Dioclès, connu par sa cissoïde ( Voyez Cissoide ), mais dont on ne connoît guere que le nom, car on ne sait pas précisément le tems où il a vécu. L'ignorance profonde qui couvrit la surface de la Terre & sur-tout l'Occident, depuis la destruction de l'empire par les Barbares, nuisit à la Géométrie comme à toutes les autres connoissances; on ne trouve plus guere ni chez les Latins, ni même chez les Grecs, d'hommes versés dans cette partie; il y en eut seulement quelques-uns qu'on appelloit savans, parce qu'ils étoient moins ignorans que les autres, & quelques-uns de ceux-là, comme Gerbert, passerent pour magiciens; mais s'ils eurent quelque connoissance des découvertes de leurs prédécesseurs, il n'y ajoûterent rien, du-moins quant à la Géométrie; nous ne connoissons aucun théorème important dont cette science leur soit redevable: c'étoit principalement par rapport à l'Astronomie qu'on étudioit alors le peu de Géométrie qu'on vouloit savoir, & c'étoit principalement par rapport au calendrier & au comput ecclésiastique qu'on étudioit l'Astronomie; ainsi l'étude de la Géométrie n'étoit pas poussée fort loin. On peut voir au mot Astronomie , les noms des principaux mathématiciens des siecles d'ignorance. Il en est un que nous ne devons pas oublier; c'est Vitellion savant polonois du treizieme siecle, dont nous avons un traité d'Optique très-estimable pour ce tems-là, & qui suppose des connoissances géométriques. Ce Vitellion nous rappelle l'arabe Alhazen, qui vivoit environ un siecle avant lui, & qui cultivoit aussi les Mathématiques avec succès. Les siecles d'ignorance chez les Chrétiens ont été les siecles de lumiere & de savoir chez les Arabes; cette nation a produit depuis le 9 e jusqu'au 14 e siecle, des astronomes, des géometres, des géographes, des chimistes, &c. Il y a apparence qu'on doit aux Arabes les premiers élémens de l'Algebre: mais leurs ouvrages de Géométrie dont il est ici principalement question, ne sont point parvenus jusqu'à nous pour la plûpart, ou sont encore manuscrits. C'est sur une traduction arabe d'Apollonius qu'a été faite en 1661 l'édition du cinquieme, du sixieme & du septieme livre de cet auteur. Voyez Apollonien . Cette traduction étoit d'un géometre arabe nommé Abalphat , qui vivoit à la fin du dixieme siecle. Il n'y avoit peut-être pas alors parmi les Chrétiens un seul géometre qui fût en état d'entendre Apollonius; il auroit fallu d'ailleurs pour le traduire savoir en même tems le grec & la Géométrie , ce qui n'est pas fort commun, même dans notre siecle. A la renaissance des lettres, on se borna presque uniquement à traduire & à commenter les ouvrages de Géométrie des anciens; & cette science fit d'ailleurs peu de progrès jusqu'à Descartes: ce grand homme publia en 1637 sa géométrie , & la commença par la solution d'un probleme où Pappus dit que les anciens mathématiciens étoient restes. Mais ce qui est plus précieux encore que la solution de ce problème, c'est l'instrument dont il se servit pour y parvenir, & qui ouvrit la route à la solution d'une infinité d'autres questions plus difficiles. Nous voulons parler de l'application de l'Algebre à la Géométrie; application dont nous ferons sentir le mérite & l'usage dans la suite de cet article: c'étoit là le plus grand pas que la Géométrie eût fait depuis Archimede; & c'est l'origine des progrès surprenans que cette science a faits dans la suite. On doiz à Descartes non-seulement l'application de l'Algebre à la Géométrie , mais les premiers essais de l'application de la Géométrie à la Physique, qui a été poussée si loin dans ces derniers tems. Ces essais qui se voyent principalement dans sa dioptrique , & dans quelques endroits de ses météores , faisoient dire à ce philosophe que toute sa physique n'étoit autre chose que Géométrie: elle n'en auroit valu que mieux si elle eût eu en effet cet avantage; mais malheureusement la physique de Descartes consistoit pius en hypothèses qu'en calculs; & l'Analyse a renversé depuis la plûpart de ces hypotheses. Ainsi la Géométrie qui doit tant à Descartes, est ce qui a nui le plus à sa physique. Mais ce grand homme n'en a pas moins la gloire d'avoir appliqué le premier avec quelque succès la Géométrie à la science de la nature; comme il a le mérite d'avoir pensé le premier qu'il y avoit des lois du mouvement, quoiqu'il se soit trompé sur ces lois. Voyez Communication du Mouvement . Tandis que Descartes ouvroit dans la Géométrie une carriere nouvelle, d'autres mathématiciens s'y frayoient aussi des routes à d'autres égards, & préparoient, quoique foiblement, cette Géométrie de l'infini, qui à l'aide de l'Analyse, devoit faire dans la suite de si grands progrès. En 1635, deux ans avant la publication de la Géométrie de Descartes, Bonaventure Cavalérius, religieux italien de l'ordre des Jésuates, qui ne subsiste plus, avoit donné sa géométrie des indivisibles: dans cet ouvrage, il considere les plans comme formés par des suites infinies de lignes, qu'il appelle quantités indivisibles , & les solides par des suites infinies de plans; & par ce moyen, il parvient à trouver la surface de certaines figures & la solidité de certains corps. Comme l'infini employé à la maniere de Cavalerius étoit alors nouveau en Géométrie , & que ce religieux craignoit des contradicteurs, il tâcha d'adoucir ce terme par celui d' indéfini , qui au fond ne signifioit en cette occasion que la même chose. Malgré cette espece de palliatif, il trouva beaucoup d'adversaires, mais il eut aussi des partisans; ceux-ci en adoptant l'idée de Cavalérius la rendirent plus exacte, & substituerent aux lignes qui composoient les plans de Cavalerius, des parallélogrammes infiniment petits; aux plans indivisibles de Cavalerius, des solides d'une épaisseur infiniment petite: ils considérerent les courbes comme des polygones d'une infinité de côtés, & parvinrent par ce moyen à trouver la surface de certains espaces curvilignes, la rectification de certaines courbes, la mesure de certains solides, les centres de gravité des uns & des autres: Grégoire de Saint-Vincent, & sur-tout Pascal, se distinguerent l'un & l'autre en ce genre; le premier, dans son traité intitulé, quadratura circuli & hyperbolae, 1647. où il mêla à quelques paralogismes de très-beaux théorèmes; & le second, par son traité de la roulette ou cycloïde ( V. Cycloïde ), qui paroit avoir demandé les plus grands eddorts d'esprit; car on n'avoit point encore trouvé le moyen de rendre la Géométrie de l'infini beaucoup plus facile en y appliquant le calcul. Cependant le moment de cette heureuse découverte approchoit; Fermat imagina le premier la méthode des tangentes par les différences; Barrow la perfectionna en imaginant son petit triangle différentiel, & en se servant du calcul analytique, pour découvrir le rapport des petits côtés de ce triangle, & par ce moyen la sous-tangente des courbes. Voyez Différentiel . D'un autre côté on fit réflexion que les plans ou solides infiniment petits, dont les surfaces ou les solides pouvoient être supposés formés, croissoient ou décroissoient dans chaque surface ou solide, suivant différentes lois; & qu'ainsi la recherche de la mesure de ces surfaces ou de ces solides se réduisoit à connoitre la somme d'une série ou suite infinie de quantités croissantes ou décroissantes. On s'appliqua donc à la recherche de la somme des suites; c'est ce qu'on appella l' arithmétique des infinis; on parvint à en sommer plusieurs, & on appliqua aux figures géométriques les résultats de cette méthode. Wallis, Mercator, Brouncker, Jacques Grégori, Huyghens, & quelques autres se signalerent en ce genre; ils firent plus; ils réduisirent certains espaces & certains arcs de courbes en séries convergentes, c'est-à-dire dont les termes alloient toûjours en diminuant; & par-là ils donnerent le moyen de trouver la valeur de ces espaces & de ces arcs, sinon exactement, au-moins par approximation: car on approchoit d'autant plus de la vraie valeur, qu'on prenoit un plus grand nombre de termes de la suite ou série infinie qui l'exprimoit. Voyez Suite , Série , Approximation &c. Tous les matériaux du calcul différentiel étoient prêts; il ne restoit plus que le dernier pas à faire. M. Leibnitz publia le premier en 1684 les regles de ce calcul, que M. Newton avoit déjà trouvées de son côté: nous avons discuté au mot Différentiel , la question si Leibnitz peut être regardé comme inventeur. Les illustres freres Bernoulli trouverent les démonstrations des regles données par Leibnitz; & Jean Bernoulli y ajoûta quelques années après, la méthode de différentier les quantités exponentielles. Voyez Exponentiel . M. Newton n'a pas moins contribué au progrès de la Géométrie pure par deux autres ouvrages; l'un est son traité de quadraturâ curvarum , où il enseigne la maniere de quarrer les courbes par le calcul intégral, qui est l'inverse du différentiel; ou de réduire la quadrature des courbes, lorsque cela est possible, à celle d'autres courbes plus simples, principalement du cercle & de l'hyperbole: le second ouvrage est son enumeratio linearum tertii ordinis , où appliquant heureusement le calcul aux courbes dont l'équation est du 3 e degré, il divise ces courbes en genres & especes, & en fait l'énumération. Voyez Courbe . Mais ces écrits, quelque admirables qu'ils soient, ne sont rien, pour ainsi dire, en comparaison de l'immortel ouvrage du même auteur, intitulé, Philosophioe naturalis principia mathematica , qu'on peut regarder comme l'application la plus étendue, la plus admirable, & la plus heureuse qui ait jamais été faite de la Géométrie à la Physique: ce livre est aujourd'hui trop connu pour que nous entrions dans un plus grand détail; il a été l'époque d'une révolution dans la Physique: il a fait de cette science une science nouvelle, toute fondée sur l'observation, l'expérience, & le calcul. Voyez Newtonianisme , Gravitation , Attraction , &c. Nous ne parlons point de l' optique du même auteur, ouvrage non moins digne d'éloges, mais qui n'appartient point à cet article, ni de quelques autres écrits géometriques moins considérables, mais tous de la premiere force, tous brillans de sagacité & d'invention; comme son analysis per aequationes numero terminorum infinitas; son analysis per aequationum series, fluxiones & differentias; la méthode des fluxions; sa méthode différentielle , &c. Quand on considere ces monumens immortels du génie de leur auteur, & quand on songe que ce grand homme avoit fait à vingt-quatre ans ses principales découvertes, on est presque tenté de souscrire à ce que dit Pope, que la sagacité de Newton étonna les intelligences célestes, & qu'ils le regarderent comme un être moyen entre l'homme & elles: on est du-moins bien fondé à s'écrier, homo homini quid praesiat! qu'il y a de distance entre un homme & un autre! L'édifice élevé par Newton à cette hauteur immense, n'étoit pourtant pas encore achevé; le calcul intégral a été depuis extrèmement augmenté par MM. Bernoulli, Cotes, Maclaurin, &c. & par les mathématiciens qui sont venus après eux. Voyez Intégral . On a fait des applications encore plus subtiles, & si on l'ose dire, plus difficiles, plus heureuses & plus exactes de la Géométrie à la Physique. On a beaucoup ajoûté à ce que Newton avoit commencé sur le système du monde: c'est sur-tout quant à cette partie qu'on a corrigé & perfectionné son grand ouvrage des Principes mathématiques . La plupart des mathématiciens qui ont contribué à enrichir ainsi la Géométrie par leurs découvertes, & à l'appliquer à la Physique & à l'Astronomie, étant aujourd'hui vivans, & nous même ayant peut-être eu quelque part à ces travaux, nous laisserons à la postérité le soin de rendre à chacun la justice qu'il mérite: & nous terminerons ici cette petite histoire de la Géométrie; ceux qui voudront s'en instruire plus à fond, pourront consulter les divers auteurs qui ont écrit sur ce sujet. Parmi ces auteurs il en est qui ne sont pas toûjours exacts, entr'autres Wallis, que sa partialité en faveur des Anglois, doit faire lire avec précaution, voy . Algebre . Mais nous croyons qu'on trouvera tout ce qu'on peut desirer sur ce sujet dans l' histoire des Mathématiques que prépare M. de Montucla, de l'académie royale des Sciences & des Belles-Lettres de Prusse, déjà connu par son histoire de la quadrature du cercle , publiée en 1754, & que nous avons citée au mot Duplication . L'histoire abrégée que nous venons de donner est plus que suffisante dans un ouvrage tel que le nôtre, où nous devons principalement nous attacher à faire connoître les inventeurs, non les inventeurs en détail à qui la Géométrie doit quelques propositions particulieres & isolées, mais les esprits vraiment créateurs, les inventeurs en grand qui ont ouvert des routes, perfectionné l'instrument des découvertes, & imaginé des méthodes. Au reste en finissant cette histoire, nous ne pouvons nous dispenser de remarquer à l'honneur de notre nation, que si la Géométrie nouvelle est principalement dûe aux Anglois & aux Allemands, c'est aux François qu'on est redevable des deux grandes idées qui ont conduit à la trouver. On doit à Descartes l'application de l'Algebre à la Géométrie , sur laquelle le calcul différentiel est fondé; & à Fermat, la premiere application du calcul aux quantités différentielles, pour trouver les tangentes: la Géométrie nouvelle n'est que cette derniere méthode généralisée. Si on ajoûte à cela ce que les François actuellement vivans ont fait en Géométrie , on conviendra peut-être que cette science ne doit pas moins à notre nation qu'aux autres. Objet de la Géométrie . Nous prierons d'abord le lecteur de se rappeller ce que nous avons dit sur ce sujet dans le Discours prélimin . Nous commençons par considérer les corps avec toutes leurs propriétés sensibles; nous faisons ensuite peu-à-peu & par l'esprit la séparation & l'abstraction de ces différentes propriétés; & nous en venons à considérer les corps comme des portions d'étendue pénétrables, divisibles, & figurées. Ainsi le corps géométrique n'est proprement qu'une portion d'étendue terminée en tout sens. Nous considérons d'abord & comme d'une vûe générale, cette portion d'étendue quant à ses trois dimensions; mais ensuite, pour en déterminer plus facilement les propriétés, nous y considérons d'abord une seule dimension, c'est à-dire la longueur, puis deux dimensions, c'est-à-dire la surface, enfin les trois dimensions ensemble, c'est-à-dire la solidité: ain si les propriétés des lignes, celles des surfaces & celles des solides sont l'objet & la division naturelle de la Géométrie . C'est par une simple abstraction de l'esprit, qu'on considere les lignes comme sans largeur, & les surfaces comme sans profondeur: la Géométrie envisage donc les corps dans un état d'abstraction où ils ne sont pas réellement; les vérités qu'elle découvre & qu'elle démontre sur les corps, sont donc des vérités de pure abstraction, des vérités hypothétiques; mais ces vérités n'en sont pas moins utiles. Dans la nature, par exemple, il n'y a point de cercle parfait; mais plus un cercle approchera de l'être, plus il approchera d'avoir exactement & rigoureusement les propriétés du cercle parfait que la Géométrie démontre; & il peut en approcher assez exactement pour avoir toutes ces propriétés, sinon en rigueur, au moins à un degré suffisant pour notre usage. On connoît en Géométrie plusieurs courbes qui s'approchent continuellement d'une ligne droite sans jamais la rencontrer, mais qui étant tracées sur le papier, se confondent sensiblement avec cet e ligne droite au bout d'un assez petit espace, voyez Asymptote ; il en est de même des vérités géométriques. Elles sont en quelque maniere la limite, &, si on peut parler ainsi, l' asymptote des vérités physiques, le terme dont celles-ci peuvent approcher aussi près qu'on veut, sans jamais y arriver exactement. Mais si les théorèmes mathématiques n'ont pas exactement lieu dans la nature, ces théorèmes servent du-moins à trouver avec une précision suffisante pour la pratique, la distance inaccessible d'un lieu à un autre, la mesure d'une surface donnée, le toisé d'un solide; à calculer le mouvement & la distance des astres; à prédire les phénomenes célestes. Pour démontrer des vérités en toute rigueur, lorsqu'il est question de la figure des corps, on est obligé de considérer ces corps dans un état de perfection abstraite qu'ils n'ont pas réellelement: en effet, si on ne s'assujettit pas, par exemple, à regarder le cercle comme partait, il faudra autant de théorèmes différens sur le cercle, qu'on imaginera de figures différentes plus ou moins approchantes du cercle parfait; & ces figures elles-mêmes pourront être encore absolument hypothétiques & n'avoir point de modele existant dans la nature. Les lignes qu'on considere en Géométrie , ne sont ni parfaitement droites ni parfaitement courbes, les surfaces ne sont ni parfaitement planes ni parfaitement curvilignes: mais plus elles approcheront de l'être, plus elles approcheront d'avoir les propriétés qu'on démontre des lignes exactement droites ou courbes, des surfaces exactement planes ou curvilignes. Ces réflexions suffiront, ce me semble, pour répondre à deux especes de censeurs de la Géométrie: les uns, ce sont les Sceptiques, accusent les théorèmes mathématiques de fausseté, comme supposant ce qui n'existe pas réellement, des lignes sans largeur, des surfaces sans profondeur; les autres, ce sont les physiciens ignorans en Mathématique, regardent les vérités de Géométrie comme fondées sur des hypothèses inutiles, & comme des jeux d'esprit qui n'ont point d'application. Division de la Géométrie . On peut diviser la Géométrie de différentes manieres: 1°. En élémentaire & en transcendante. La Géométrie élémentaire ne considere que les propriétés des lignes droites, des lignes circulaires, des figures & des solides les plus simples, c'est-à-dire des figures rectilignes ou circulaires, & des solides terminés par ces figures. Le cercle est la seule figure curviligne dont on parle dans les élémens de Géométrie; la simplicité de sa description, la facilité avec laquelle les propriétés du cercle s'en déduisent, & la nécessité de se servir du cercle pour différentes opérations très-simples, comme pour élever une perpendiculaire, pour mesurer un angle, &c. toutes ces raisons ont déterminé à faire entrer le cercle & le cercle seul dans les élémens de Géométrie . Cependant quelques courbes, comme la parabole, ont une équation plus simple que celle du cercle; d'autres, comme l'hyperbole équilatere, ont une équation aussi simple, V. Equation & Courbe : mais leur description est beaucoup moins facile que celle du cercle, & leurs propriétés moins aisées à déduire. On peut rapporter aussi à la Géométrie élémentaire la solution des problèmes du second degré par la ligne droite & par le cercle. Voyez Construction , Courbe, & Équation La Géométrie transcendante est proprement celle qui a pour objet toutes les courbes différentes du cercle, comme les sections coniques & les courbes d'un genre plus élevé. Voyez Courbe . Cette Géométrie s'occupe aussi de la solution des problèmes du troisieme & du quatrieme degré & des degrés supérieurs. Les premiers se résolvent, comme l'on sait, par le moyen de deux sections coniques, ou plus simplement & en général par le moyen d'un cercle & d'une parabole; les autres se résolvent par des lignes du troisieme ordre & au-delà. V. Courbe , & les art. déjà cités . La partie de la Géométrie transcendante qui applique le calcul différentiel & intégral à la recherche des propriétés des courbes, est celle qu'on appelle plus proprement Géométrie transcendante , & qu'on pourroit nommer avec quelques auteurs modernes, Géométrie sublime , pour la distinguer non-seulement de la Géométrie élémentaire, mais de la Géométrie des courbes qui n'employe pas les calculs différentiel & intégral, & qui se borne ou à la synthèse des anciens, ou à la simple application de l'analyse ordinaire. Par-là on auroit trois divisions de la Géométrie; Géométrie élémentaire ou des lignes droites & du cercle; Géométrie transcendante ou des courbes; & Géométrie sublime ou des nouveaux calculs. 2°. On divise aussi la Géométrie en ancienne & moderne. On entend par Géométrie ancienne , ou celle qui n'employe point le calcul analytique, ou celle qui employe le calcul analytique ordinaire, sans se servir des calculs différentiel & intégral; & par Géométrie moderne , on entend ou celle qui employe l'analyse de Descartes dans la recherche des propriétés des courbes, ou celle qui se sert des nouveaux calculs. Ainsi la Géométrie , entant qu'elle se borne à l'analyse seule de Descartes, est ancienne ou moderne, suivant les rapports sous lesquels on la considere; moderne par rapport à celle d'Apollonius & d'Archimede, qui n'employoient point le calcul; ancienne, par rapport à la Géométrie que nous avons nommée sublime , que Leibnitz & Newton nous ont apprise, & que leurs successeurs ont perfectionnée. Des élémens de Géométrie . On a donné au mot Élémens des Sciences , des principes qui s'appliquent naturellement aux élémens de Géométrie: on y a même traité des questions qui ont un rapport particulier à ces élémens; par exemple, si on doit suivre dans les élémens d'une science l'ordre des inventeurs; si on y doit préférer la facilité à la rigueur exacte, &c. c'est pourquoi nous renvoyons à l' article Élémens . Nous observons seulement que dans la liste d'élémens de Géométrie donnée par M. de la Chapelle, on a oublié ceux de M. Camus, de l'académie des Sciences, composés pour l'usage des ingénieurs, & qui méritent qu'on en fasse une mention honorable; ainsi que la Géométrie de l'officier , de M. le Blond, un de nos collegues, & les élémens de Géométrie du même auteur. Ajoûtons ici quelques réflexions qui pourront n'être pas inutiles, sur la maniere de traites les élémens de Géométrie . Nous observerons d'abord, & ceci est une remarque peu importante, mais utile, que la division ordinaire de la Géométrie élémentaire en Longimétrie, Planimétrie, & Stéreométrie, n'est point exacte, à parler à la rigueur, puisqu'on y mesure non-seulement des lignes droites, des plans, & des solides, mais aussi des lignes circulaires & des surfaces sphériques: mais nous ne pouvons qu'approuver la division naturelle de la Géométrie élémentaire en géométrie des lignes droites & des lignes circulaires, géométrie des surfaces, géométrie des solides. On peut voir au mot Courbe , ce que nous pensons sur la meilleure définition possible de la ligne droite & de la ligne courbe. Quoique la ligne droite soit plus simple que la circulaire, cependant il est à propos de traiter de l'une & de l'autre, ensemble & non séparément, dans des élémens de Géométrie; parce que les propriétés de la ligne circulaire sont d'une utilité infinie pour démontrer d'une maniere simple & facile ce qui regarde les lignes droites comparées entr'elles quant à leur position. La mesure d'un angle est un arc de cercle décrit du sommet de l'angle comme rayon. On a vû au mot Degré , pp. 761 & 762 du IV. vol. pourquoi le cercle est la mesure naturelle des angles. Cela vient de l'uniformité des parties & de la courbure du cercle; & quand on dit que la mesure d'un angle est un arc de cercle décrit du sommet, cela signifie seulement que si deux angles sont égaux, les arcs décrits de leur sommet & du même rayon seront égaux: de même, quand on dit qu'un angle est double d'un autre, cela signifie seulement que l'arc décrit du sommet de l'un est double de l'arc décrit du sommet de l'autre: car l'angle n'étant, suivant sa définition, qu'une ouverture simple, & non pas une étendue, on ne peut pas dire proprement & abstraction faite de toute considération d'étendue, qu'un angle soit double d'un autre; parce que cela ne se peut dire que d'une quantité comparée à une autre quantité homogene, & que l'ouverture de deux lignes n'ayant point de parties, n'est pas proprement une quantité. Quand on dit de même qu'un angle à la circonférence du cercle a pour mesure la moitié de l'arc compris entre ses côtés, cela signifie que cet angle est égal à un angle dont le sommet seroit au centre, & qui renfermeroit la moitié de cet arc; & ainsi du reste. Ces petites observations ne seront pas inutiles pour donner aux commençans des notions distinctes sur la mesure des angles, & pour leur faire sentir, ainsi que nous l'avons dit au mot Élémens , quel est le véritable sens qu'on doit donner à certaines façons de parler abrégées dont on se sert dans chaque science, & que les inventeurs ont imaginées pour éviter les circonlocutions. La proposition très-simple sur la mesure des angles par un arc décrit de leur sommet, étant jointe au principe de la superposition, peut servir, si je ne me trompe, à démontrer toutes les propositions qui ont rapport à la Géométrie élémentaire des lignes. Le principe de la superposition n'est point, comme le disent quelques géometres modernes, un principe méchanique & grossier; c'est un principe rigoureux, clair, simple, & tiré de la vraie nature de la chose. Quand on veut démontrer, par exemple, que deux triangles qui ont des bases égales & les angles à la base égaux, sont égaux en tout, on employe le principe de superposition avec succès: de l'égalité supposée des bases & des angles, on conclut avec raison que ces bases & ces angles appliqués les uns sur les autres, coïncideront; ensuite de la coïncidence de ces parties, on conclut évidemment & par une conséquence nécessaire, la coïncidence du reste, & par conséquent l'égalité & la similitude parfaite des deux triangles: ainsi le principe de la superposition ne consiste pas à appliquer grossierement une figure sur une autre, pour en conclure l'égalité des deux, comme un ouvrier applique son pié sur une longueur pour la mesurer: mais ce principe consiste à imaginer une figure transportée sur une autre, & à conclure, 1°. de l'égalité supposée des parties données, la coïncidence de ces parties; 2°. de cette coïncidence, la coïncidence du reste, & par conséquent l'égalité totale & la similitude parfaite des deux figures. On peut, par la même raison, employer le principe de la superposition à prouver que deux figures ne sont pas les mêmes. Au reste, par superposition j'entens ici non-seulement l'application d'une figure sur une autre, mais celle d'une partie, d'une figure sur une autre partie de la même figure, à dessein de les comparer entre elles; & cette derniere maniere d'employer le principe de la superposition, est d'un usage infini & très-simple dans les élémens de Géométrie. Voyez Congruence . Après avoir traité de la géométrie des lignes considérées par rapport à leur position, je crois qu'on doit traiter de la géométrie des lignes considérées quant au rapport qu'elles peuvent avoir entr'elles. Elle est toute fondée sur ce théorème qu'une ligne parallele à la base d'un triangle en coupe les côtés proportionnellement. Pour cela il suffit de montrer que si cette parallele passe par le point de milieu d'un des côtés, elle passera par le point de milieu de l'autre; car on fera voir ensuite aisément que les parties coupées sont toûjours proportionnelles, quand la partie coupée sera commensurable à la ligne entiere; & quand elle ne le sera pas, on démontrera la même proposition par la réduction à l'absurde, en faisant voir que le rapport ne peut être ni plus grand, ni plus petit, & qu'ainsi il est égal. Nous disons par la réduction à l'absurde , car on ne peut démontrer que de cette maniere, & non d'une maniere directe, la plûpart des propositions qui regardent les incommensurables. L'idée de l'infini entre au-moins implicitement dans la notion de ces sortes de quantités; & comme nous n'avons qu'une idée négative de l'infini, c'est-à-dire que nous ne le concevons que par la négation du fini, on ne peut démontrer directement & à priori tout ce qui concerne l'infini mathématique. Voyez Démonstration , Infini , & Incommensurable . Nous ne faisons qu'indiquer ce genre de démonstration; mais il y en a tant d'exemples dans les ouvrages de Géométrie , que les mathématiciens tant soit-peu exercés nous comprendront aisément. Pour éviter la difficulté des incommensurables, on démontre ordinairement la proposition dont il s'agit, en supposant que deux triangles de même hauteur sont entr'eux comme leurs bases. Mais cette derniere proposition elle-même, pour être démontrée en rigueur, suppose qu'on ait parlé des incommensurables. D'ailleurs elle suppose la mesure des triangles, & par conséquent la géométrie des surfaces, qui est d'un ordre supérieur à la géométrie des lignes. C'est donc s'écarter de la généalogie naturelle des idées, que de s'y prendre ainsi. On dira peut-être que la considération des incommensurables rendra la géométrie élémentaire plus difficile, cela se peut; mais ils entrent nécessairement dans cette géométrie; il faut y venir tôt ou tard, & le plûtôt est le mieux, d'autant plus que la théorie des proportions des lignes amene naturellement cette considération: Toute la théorie des incommensurables ne demande qu'une seule proposition, qui concerne les limites des quantités; savoir que les grandeurs qui sont la limite d'une même grandeur, ou les grandeurs qui ont une même limite, sont égales entr'elles ( voyez Limite , Exhaustion, & Différentiel ); principe d'un usage universel en Géométrie , & qui par conséquent doit entrer dans les élémens de cette science, & s'y trouver presque dès l'entrée. La géométrie des surfaces se réduit à leur mesure; & cette mesure est fondée sur un seul principe, celui de la mesure du parallélogramme rectangle qu'on sait être le produit de sa hauteur par sa base. Nous avons expliqué à la fin du mot Equation ce que cela signifie, & la maniere dont cette proposition doit être énoncée dans des élémens, pour ne laisser dans l'esprit aucun nuage. De la mesure du parallélogramme rectangle se tire celle des autres parallélogrammes, celle des triangles qui en sont la moitié, comme le principe de la superposition peut le faire voir; enfin celle de toutes les figures planes rectilignes, qui peuvent être regardées comme composées de triangles. A l'égard de la mesure du cercle, le principe des limites ou d'exhaustion servira à la trouver. Il suffira pour cela de faire voir que le produit de la circonférence par la moitié du rayon est la limite de l'aire des polygones inscrits & circonscrits; & comme l'aire du cercle est aussi évidemment cette limite, il s'ensuit que l'aire du cercle est le produit de la circonférence par la moitié du rayon, ou du rayon par la moitié de la circonference. Voyez Cercle & Quadrature . On peut rapprocher la théorie de la proportion des lignes de la théorie des surfaces par ce théorème, que quand quatre lignes sont proportionnelles, le produit des extrèmes est égal au produit des moyennes; théorème qu'on peut démontrer par la Géométrie sans aucun calcul algébrique; car le calcul algébrique ne facilite en rien les élémens de Géométrie , & par conséquent ne doit pas y entrer. En rapprochant la théorie des proportions de celle des surfaces, on peut faire voir comment ces deux théories prises séparément s'accordent à démontrer différentes propositions, par exemple, celle du quarré de l'hypothénuse. Ce n'est pas une chose aussi inutile qu'on pourroit le penser, de démontrer ainsi de différentes manieres dans des élémens de Géométrie certaines propositions principales; par ce moyen l'esprit s'étend & se fortifie en voyant de quelle maniere on fait rentrer les vérités les unes dans les autres. Dans la géométrie des solides on suivra la même méthode que dans celle des surfaces: on réduira tout à la mesure du parallelépipede rectangle; la seule difficulté se réduira à prouver qu'une pyramide est le tiers d'un parallelépipede de même base & de même hauteur. Pour cela on fera voir d'abord, ce qui est très-facile par la méthode d'exhaustion, que les pyramides de même base & de même hauteur sont égales; ensuite, ce qui se peut faire de différentes manieres, comme on le peut voir dans divers élémens de Géométrie , on prouvera qu'une certaine pyramide déterminée est le tiers d'un prisme de même base & de même hauteur; & il ne restera plus de difficulté. Par ce moyen on aura la mesure de tous les solides terminés par des figures planes. Il ne restera plus qu'à appliquer à la surface & à la solidité de la sphere les propositions trouvées sur la mesure des surfaces & des solides; c'est dequoi on viendra aisément à-bout par la méthode d'exhaustion, comme on a fait pour la mesure du cercle; peut-être même pourroit-on, pour plus d'ordre & de méthode, traiter de la surface sphérique dans la géométrie des surfaces. Nous ne devons pas oublier ici une observation importante. Le principe de la méthode d'exhaustion est simple ( voyez Exhaustion ); mais son application peut quelquefois rendre les démonstrations longues & compliquées. Ainsi il ne seroit peut-être pas mal-à-propos de substituer le principe des infiniment petits à celui d'exhaustion, après avoir montré l'identité de ces deux principes, & avoir remarqué que le premier n'est qu'une façon abregée d'exprimer le second; car c'est en effet tout ce qu'il est, n'y ayant dans la nature ni infinis actuels, ni infiniment petits. Voyez Infini , Différentiel , Exhaustion, & Limite . Par ce moyen la facilité des démonstrations sera plus grande, sans que la rigueur y perde rien. Voilà, ce me semble, le plan qu'on peut suivre en traitant de la géométrie élémentaire . Ce plan, & les réflexions générales que nous avons faites à la fiu du mot Elémens des Sciences , suffisent pour faire sentir qu'il n'y a aucun géometre au-dessus d'une pareille entreprise; qu'elle ne peut même être bien exécutée que par des mathématiciens du premier ordre; & qu'enfin pour faire d'excellens élémens de Geométrie , Descartes, Newton, Leibnitz, Bernoulli, &c. n'eussent pas été de trop. Cependant il n'y a peut-être pas de science sur laquelle on ait tant multiplié les elémens, sans compter ceux que l'on nous donnera sans doute encore. Ces élémens sont pour la plûpart l'ouvrage de mathématiciens médiocres, dont les connoissances en Géométrie ne vont pas souvent au-delà de leur livre, & qui par cela même sont incapables de bien traiter cette matiere. Ajoûtons qu'il n'y a presque pas d'auteur d'élémens de Géométrie , qui dans sa préface ne dise plus ou moins de mal de tous ceux qui l'ont précéde. Un ouvrage en ce genre, qui seroit au gré de tout le monde, est encore à faire; mais c'est peut-être une entreprise chimérique que de croire pouvoir faire au gré de tout le monde un pareil ouvrage. Tous ceux qui étudient la Géométrie ne l'étudient pas dans les mêmes vûes: les uns veulent se borner à la pratique; & pour ceux-là un bon traité de géométrie-pratique suffit, en y joignant, si l'on veut, quelques raisonnemens qui éclairent les opérations jusqu'à un certain point, & qui les empêchent d'être bornées à une aveugle routine: d'autres veulent avoir une teinture de géométrie élémentaire spéculative, sans prétendre pousser cette étude plus loin; pour ceux-là il n'est pas nécessaire de mettre une si grande rigueur dans les élémens; on peut supposer comme vraies plusieurs propositions, dont la vérité s'apperçoit assez d'elle-même, & qu'on démontre dans les élémens ordinaires. Il est enfin des étudians qui n'ont pas la force d'esprit nécessaire pour embrasser à-la-fois les différentes branches d'une démonstration compliquée; & il faut à ceux-là des démonstrations plus faciles, dûssent-elles être moins rigoureuses. Mais pour les esprits vraiment propres à cette science, pour ceux qui sont destinés à y faire des progrès, nous croyons qu'il n'y a qu'une seule maniere de traiter les élémens; c'est celle qui joindra la rigueur à la netteté, & qui en même tems mettra sur la voie des découvertes par la maniere dont on y présentera les démonstrations. Pour cela il faut les montrer, autant qu'il est possible, sous la forme de problemes à résoudre plûtôt que de théorèmes à prouver, pourvû que d'un autre côté cette méthode ne nuise point à la généalogie naturelle des idées & des propositions, & qu'elle n'engage pas à supposer comme vrai, ce qui en rigueur géométrique a besoin de preuve. On a vû au mot Axiome de quelle inutilité ces sortes de principes sont dans toutes les Sciences; il est donc très-à-propos de les supprimer dans des élémens de Géométrie , quoiqu'il n'y en ait presque point où on ne les voye paroitre encore. Quel besoin at-on des axiomes sur le tout & sur la partie, pour voir que la moitié d'une ligne est plus petite que la ligne entiere? A l'égard des définitions, quelque nécessaires qu'elles soient dans un pareil ouvrage, il nous paroit peu philosophique & peu conforme à la marche naturelle de l'esprit de les présenter d'abord brusquement & sans une espece d'analyse; de dire, par exemple, la surface est l'extrémité d'un corps, laquelle n'a aucune profondeur . Il vaut mieux considérer d'abord le corps tel qu'il est, & montrer comment par des abstractions successives on en vient à le regarder comme simplement étendu & figuré, & par de nouvelles abstractions à y considérer successivement la surface, la ligne, & le point. Ajoûtons ici qu'il se trouve des occasions, sinon dans des élémens, au-moins dans un cours complet de Géométrie , où certaines définitions ne peuvent être bien placées qu'après l'analyse de leur objet. Croit-on, par exemple, qu'une simple définition de l'Algebre en donnera l'idée à celui qui ignore cette science? Il seroit donc à-propos de commencer un traité d'Algebre par expliquer clairement la marche, suivant laquelle l'esprit est parvenu ou peut parvenir à en trouver les regles; & on finiroit ainsi l'ouvrage, la science que nous venons d'enseigner est ce qu'on appelle Algebre . Il en est de même de l'application de l'Algebre à la Géométrie , & du calcul différentiel & intégral, dont on ne peut bien saisir la vraie définition, qu'après en avoir compris la métaphysique & l'usage. Revenons aux élémens de Géométrie . Un inconvénient peut-être plus grand que celui de s'écarter de la rigueur exacte que nous y recommandons, seroit l'entreprise chimérique de vouloir y chercher une rigueur imaginaire. Il faut y supposer l'étendue telle que tous les hommes la conçoivent, sans se mettre en peine des difficultés des sophistes sur l'idée que nous nous en formons, comme on suppose en méchanique le mouvement, sans répondre aux objections de Zenon d'Elée. Il faut supposer par abstraction les surfaces planes & les lignes droites, sans se mettre en peine d'en prouver l'existence, & ne pas imiter un géometre moderne, qui par la seule idée d'un fil tendu croit pouvoir démontrer les propriétés de la ligne droite, indépendamment du plan, & qui ne se permet pas cette hypothèse, qu'on peut imaginer une ligne droite menée d'un point à un autre sur une surface plane; comme si l'idée d'un fil tendu, pour représenter une ligne droite, étoit plus simple & plus rigoureuse que l'hypothèse en question; ou plûtôt comme si cette idée n'avoit pas l'inconvénient convénient de représenter par une image physique grossiere & imparfaite une hypothèse abstraite & mathématique. Géométrie transcendante ou des courbes . Cette Géométrie suppose le calcul algébrique. Voyez Algebre & Mathématiques . On doit la commencer par la solution des problèmes du second degré au moyen de la ligne droite & du cercle; & cette théorie peut produire beaucoup de remarques importantes & curieuses sur les racines positives & négatives, sur la position des lignes qui les expriment, sur les différentes solutions dont un problème est susceptible. Voyez au mot Equation la plûpart de ces remarques, qui ne se trouvent pas dans les traités de Géométrie ordinaires; voyez aussi Racine . On passera de-là aux sections coniques; la meilleure maniere & la plus courte de les traiter dans un ouvrage de Géométrie (qui ne se borne pas à cette seule matiere), est, ce me semble, d'employer la méthode analytique que nous avons indiquée à la fin de l' article Conique , de les regarder comme des courbes du premier genre ou lignes du second ordre, & de les diviser en especes, suivant ce qui en a été dit à l'article cité & au mot Courbe . Quand on aura trouvé l'équation la plus simple de la parabole, celle de l'ellipse, & celle de l'hyperbole, on fera voir ensuite très-aisément que ces courbes s'engendrent dans le cone, & de quelle maniere elles s'y engendrent. Cette formation des sections coniques dans le cone seroit peut-être la maniere dont on devroit les envisager d'abord, si on se bornoit à faire un traité de ces courbes; mais elles doivent entrer dans un cours de Géométrie sous un point de vûe plus général. On terminera le traité des sections coniques par la solution des problèmes du troisieme & du quatrieme degré, au moyen de ces courbes; sur quoi voyez Construction & Equation . La théorie des sections coniques doit être précédée d'un traité, qui contiendra les principes généraux de l'application de l'Algebre aux lignes courbes. Voyez Courbe . Ces principes généraux consisteront, 1°. à expliquer comment on représente par une équation le rapport des abscisses aux ordonnées; 2°. comment la résolution de cette équation fait connoître le cours de la courbe, ses differentes branches & ses asymptotes; 3°. à donner la maniere de trouver par le calcul différentiel les tangentes & les points de maximum & de minimum; 4°. à enseigner comment on trouve l'aire des courbes par le calcul intégral: par conséquent ce traité contiendra les regles du calcul différentiel & intégral, au-moins celles qui peuvent être utiles pour abréger un traité des sections coniques. Quelques géometres se récrieront peut-être ici sur l'emploi que nous voulons faire de ces calculs dans une matiere où l'on peut s'en passer; mais nous les renvoyerons à ce que nous avons dit sur ce sujet au mot Ellipse , pag. 517 & 518. du tome V. Nous y avons fait voir par des exemples combien ces calculs sont commodes pour abréger les démonstrations & les solutions, & pour réduire à quelques lignes ce qui autrement occuperoit des volumes. Nous avons d'ailleurs donné au mot Différentiel la métaphysique très-simple & très-lumineuse des nouveaux calculs; & quand on aura bien expliqué cette métaphysique, ainsi que celle de l'infini geométrique ( voyez Infini ), on pourra se servir des termes d' infiniment petit & d' infini , pour abréger les expressions & les démonstrations. En traitant de l'application de l'Algebre aux courbes, on ne les représente guere que par l'équation entre les-coordonnées paralleles; mais il est encore d'autres formes, quoique moins usitées, à donner à leur équation. On peut la supposer, par exemple, entre les rayons de la courbe qui partent d'un centre, & les abscisses ou les ordonnées correspondantes; comme aussi entre ces rayons, & la tangente, le sinus ou la sécante de l'angle qu'ils forment avec les abscisses ou les ordonnées; on en voit des exemples au mot Ellipse . Toutes ces équations dans les courbes géométriques sont finies & algébriques; mais il en est quelquefois qui se présentent ou qui peuvent se présenter sous une forme différentielle; ce sont celles, par exemple, dans lesquelles un des membres est la différentielle de l'angle formé par le rayon & l'abscisse, & l'autre est une différentielle de quelque fonction de l'abscisse ou du rayon, réductible à un arc de cercle. Par exemple, si j'avois cette équation d , z étant l'angle entre le rayon & l'abscisse, x le rayon, & a la valeur du rayon quand z = o , il est évident que la courbe est géométrique. Car est la différentielle d'un angle dont le cosinus est x , & le rayon a ( voyez Cosinus ); donc x/a = cosinus z; or, si on nomme u & y les abscisses & ordonnées rectangles, on aura u u + y y = x x; ; & cosin. . C'est pourquoi l'équation différentielle d , qui paroît ne pouvoir être intégrée que par des arcs de cercle, donnera l'équation en coordonnées rectangles , qui est l'équation d'un cercle dont les coordonnées ont leur origine à la circonférencee. Il en est de même de plusieurs autres cas semblables. Ces sortes d'équations méritent qu'on en fasse une mention expresse dans la Géométrie transcendante, d'autant qu'elles sont très-utiles dans la théorie des trajectoires ou courbes décrites par des projectiles, voyez Trajectoire , & par conséquent dans la théorie des orbites des planetes, voyez Ellipse , Kepler ( loi de ), Planete, & Orbite . Voyez aussi dans les mém. de l'acad. des Sciences pour l'année 1710. un mémoire de M. Bernoulli sur ce dernier sujet. Les sections coniques achevées, on passera aux courbes d'un genre supérieur; on donnera d'abord la théorie des points multiples, des points d'inflexion, des points de rebroussement & de serpentement. Voyez Point multiple , Inflexion , Rebroussement , Serpentement , &c. Ces théories sont fondées en partie sur le calcul algébrique simple, en partie & presque en entier sur le calcul différentiel; ce n'est pas que ce dernier calcul y soit absolument nécessaire; mais, quoi qu'on en puisse dire, il abrege & facilite extrèmement toute cette théorie. On n'oubliera pas la théorie si belle & si simple des développées & des caustiques. Voyez Développée , Caustique , Osculateur , &c. Nous ne pouvons & nous ne faisons qu'indiquer ici ces différens objets, dont plusieurs ont déjà été traités dans l'Encyclopédie, & les autres le seront à leurs articles particuliers. Voyez Tangente , Maximum &c. On entrera ensuite dans le détail des courbes des différens ordres, dont on donnera les classes, les especes, & les propriétés principales. Voyez Courbe . A l'égard de la quadrature & de la rectification de ces sortes de courbes, & même de la rectification des sections coniques, on la remettra à la Géométrie sublime . Au reste, en traitant les courbes géométriques, on pourra s'étendre un peu plus particulierement sur les plus connues, comme le folium de Descartes, la conchoïde , la cissoide , &c. Voyez ces mots . Les courbes mechaniques suivront les géométriques. On traitera d'abord des courbes exponentielles, qui sont comme une espece moyenne entre les courbes géométriques & les méchaniques. Voyez Exponentiel . Ensuite, après avoir donné les principes généraux de la construction des courbes méchaniques, au moyen de leur équation différentielle & de la quadrature des courbes ( voyez Construction ), on entrera dans le détail des principales & & des plus connues, de la spirale , de la quadratrice , de la cycloïde , de la trochoïde , &c. Voyez ces mots . Telles sont à-peu-près les matieres que doit contenir un traité de Géométrie transcendante; nous ne faisons que les indiquer, & que marquer, pour ainsi dire, les masses principales: Un géometre intelligent saura trouver de lui-même, & à l'aide des différens articles de ce Dictionnaire, les parties qui doivent composer chacune de ces masses. Géométrie sublime . Après le plan que nous avons tracé pour la Géométrie transcendante, on voit que le calcul différentiel & ses usages y sont presqu'épuisés; il ne reste plus à la Géométrie sublime que le calcul intégral, & son application à la quadrature & à la rectification des courbes. Ce calcul fera donc la matiere principale & presque unique de la Géométrie sublime . Sur la maniere dont on doit le traiter, voyez Intégral . Nous terminerons cet article par quelques réflexions générales. On a vû au mot Application des observations sur l'usage de l'analyse & de la synthèse en Géométrie . On nous a fait sur cet article quelques questions qui donneront lieu aux remarques suivantes. 1°. Le calcul algébrique ne doit point être appliqué aux propositions de la géométrie élémentaire, par la raison qu'il ne faut employer ce calcul que pour faciliter les démonstrations, & qu'il ne paroît pas y avoir dans la géométrie élémentaire aucune démonstration qui puisse réellement être facilitée par ce calcul. Nous exceptons néanmoins de cette regle la solution des problèmes du second degré par le moyen de la ligne droite & du cercle (supposé qu'on veuille regarder ces problèmes comme appartenant à la géométrie élémentaire, & non comme le passage de la géométrie élémentaire à la transcendante); car le calcul algébrique simplifie extrèmement la solution des questions de ce genre, & il abrege même les démonstrations. Pour s'en convaincre, il suffira de jetter les yeux sur quelques-uns des problèmes du second degré qui sont résolus dans l' application de l'Algebre à la Géométrie de M. Guisnée. Après avoir mis un problème en équation, l'auteur tire de cette équation la construction nécessaire pour satisfaire à l'équation trouvée; & ensuite il démontre synthétiquement & à la maniere des anciens, que la construction qu'il a employée résout en effet le problème. Or la plûpart de ces démonstrations synthétiques sont assez compliquées & fort inutiles, si ce n'est pour exercer l'esprit; car il suffit de faire voir que la construction satis fait à la solution de l'équation finale, pour prouver qu'elle donne la solution du problème. 2°. Nous croyons qu'il est ridicule de démontrer par la synthèse ce qui peut être traité plus simplement & plus facilement par l'analyse, comme les propriétés des courbes, leurs tangentes, leurs points d'inflexion, leurs asymptotes, leurs branches, leur rectification, & leur quadrature. Les propriétés de la spirale que les plus grands mathématiciens ont eu tant de peine à suivre dans Archimede, peuvent aujourd'hui se démontrer d'un trait de plume. N'y a-t-il donc pas en Géométrie assez de choses à apprendre, assez de difficultés à vaincre, assez de découvertes à faire, pour ne pas user toutes les forces de son esprit sur les connoissances qu'on peut y acquérir à moins de frais? D'ailleurs combien de recherches géométriques auxquelles la seule analyse peut atteindre? Les Anglois, grands partisans de la synthèse, sur la foi de Newton qui la loüoit, & qui s'en servoit pour cacher sa route, en employant l'analyse pour se conduire lui-même; les Anglois, dis je, semblent par cette raison n'avoir pas fait en Géométrie , depuis ce grand homme, tous les progrès qu'on auroit pu attendre d'eux. C'est à d'autres nations, aux François & aux Allemands, & sur tout aux premiers, qu'on est redevable des nouvelles recherches sur le système du monde, sur la figure de la terre, sur la théorie de la lune, sur la précession des équinoxes, qui ont prodigieusement étendu l'Astronomie-physique. Qu'on essaye d'employer la synthèse à ces recherches, on sentira combien elle en est incapable. Ce n'est qu'à des géometres médiocres qu'il appartient de rabaisser l'analyse, comme il n'appartient de décrier un art qu'à ceux qui l'ignorent. On trouve une espece de consolation à taxer d'inutilité ce qu'on ne sait pas. Nous avons, il est vrai, exposé ailleurs quelques inconvéniens de l'Algebre. Voyez le mot Equation , page 850. tome V. Si la synthèse peut lever ces inconvéniens dans les cas où ils ont lieu, nous conviendrons qu'on devroit préférer la synthèse à l'analyse, du moins en ces cas-là; mais nous doutons, pour ne rien dire de plus, que la synthèse ait cet avantage; & ceux qui penseroient autrement, nous obligeroient de nous desabuser. 3°. Il y a cette différence en Mathématique entre l'Algebre & l'Analyse, que l'Algebre est la science du calcul des grandeurs en général, & que l'Analyse est le moyen d'employer l'Algebre à la solution des problèmes. Je parle ici de l' analyse mathématique; l'emploi qu'elle fait de l'Algebre pour trouver les inconnues au moyen des connues, est ce qui la distingue de l' analyse logique , qui n'est autre chose en général que l'art de découvrir ce qu'on ne connoît pas par le moyen de ce qu'on connoît. Les anciens géometres avoient sans doute dans leurs recherches une espece d'analyse; mais ce n'étoit proprement que l'analyse logique. Tout algébriste s'en sert pour commencer le calcul; mais ensuite le secours de l'Algebre facilite extrèmement l'usage & l'application de cette analyse à la solution des problèmes. Ainsi, quand nous avons dit au mot Analyse , que l'analyse mathématique enseigne à résoudre les problèmes, en les réduisant à des équations , nous croyons avoir donné une définition très-juste. Ces derniers mots sont le caractere essentiel qui distingue l'analyse mathématique de toute autre; & nous n'avons fait d'ailleurs que nous conformer en cela au langage universellement reçu aujourd'hui par tous les géometres algébristes. 4°. On peut appeller l'Algebre géométrie symbolique , à cause des symboles dont l'Algebre se sert dans la solution des problèmes; cependant le nom de géométrie métaphysique qu'on a donnée à l'Algebre ( voyez Algebre ), paroît lui être du-moins aussi convenable; parce que le propre de la Métaphysique est de généraliser les idées, & que non seulement l'Algebre exprime les objets de la Géométrie par des caracteres généraux, mais qu'elle peut faciliter l'application de la Géométrie à d'autres objets. En effet on peut, par exemple, en Méchanique, représenter le rapport des parties du tems par le rapport des parties d'une ligne, & le mouvement d'un corps par l'équation d'une courbe, dont les abscisses représentent les tems, & les ordonnées les vîtesses correspondantes. La Géométrie , sur-tout lorsqu'elle est aidée de l'Algebre, est donc applicable à toutes les autres parties des Mathématiques, puisqu'en Mathématique il n'est jamais question d'autre chose, que de comparer des grandeurs entr'elles; & ce n'est pas sans raison que quelques géometres philosophes ont défini la Géométrie la science de la grandeur en général , entant qu'elle est représentée ou qu'elle peut l'être par des lignes, des surfaces, & des solides. Sur l'application de la Géométrie aux différentes sciences, voyez Application , Méchanique , Optique , Physique , Physico-Mathématique , &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Géométrie souterreine Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Géométrie souterreine * Géométrie souterreine ; ce n'est autre chose que l'application de la Géométrie élémentaire à plusieurs problèmes particuliers de l'exploitation des mines. Cette application a trois objets principaux. La dimension des filons, leur inclinaison à l'horison, & leur direction relative aux points cardinaux du monde, forment le premier; la distance à mesurer d'un point quelconque d'une galerie à un point quelconque de la surface ou de l'intérieur de la terre, ou réciproquement la distance à mesurer d'un point quelconque de la surface ou de l'intérieur de la terre à un point quelconque d'une galerie, est le second; la description ichnographique, orthographique & scénographique d'une mine, est le troisieme. Déterminer les espaces dans lesquels il est permis à un particulier de chercher de la mine; arriver aux galeries par le plus court chemin; marquer la voie par laquelle il convient d'éloigner les eaux; tracer la tête, la queue, l'étendue, la rencontre des veines & des filons métalliques; faire circuler l'air dans les profondeurs de la terre, en attirer les vapeurs nuisibles; telles sont les fonctions principales d'un conducteur de mines, & les plus grandes difficultés de son art. Voyez les articles Mine , Mineur . La Géométrie soûterreine a abandonné l'ancienne division de la circonférence en 360 parties; elle y en a substitué une qui lui est plus commode, de la circonférence en 24 heures, & de chaque heure en 8 parties. La circonférence n'ayant par ce moyen que 192 parties, chacune de ces parties devient sensible sur un cercle qui n'auroit qu'un doigt ou qu'un doigt & demi de diametre; la pointe de l'aiguille aimantée, si c'est une boussole, la montre plus distinctement, & cela est important dans le fond des entrailles de la terre, où l'on n'est éclairé qu'à la lueur des lumieres artificielles. La circonférence du cercle de la Géométrie soûterreine a donc 192 parties ou degrés, la demi-circonférence 96, & le quart de la circonférence 48 degrés ou 6 heures. Les 6 heures qu'une des extrémités de la méridienne partage en deux, s'appellent heures septentrionales ou méridionales , selon l'extrémité & sa direction. Les 6 heures que la linge qui coupe perpendiculairement la méridienne, & qui passe par le centre du cercle, divise en deux parties égales, s'appellent aussi, selon l'extrémité & la direction de cette ligne, heures orientales ou occidentales . L'ouverture perpendiculaire AB ( voyez la Planche soûterr . parmi celles de Minéralog. ) poussée de la surface de la terre à une galerie qui sert à introduire l'air, de passage aux ouvriers, & de sortie au minerai, s'appelle une burre ou un puits . On établit en A la machine connue sous le nom de chevre ou de treuil. Voy. Chevre , &c. La largeur de la burre ou du puits est proportionnée à son usage; elle varie selon que le puits ne sert que de passage aux ouvriers, ou qu'il sert en même tems de sortie aux minerais. Dans le premier cas, sa largeur est d'une demi-perche métallique; dans le second il est de la même dimension, mais sa longueur est d'une perche entiere. On entend en général par une galerie , une caverne artificielle pratiquée dans les entrailles de la terret il est important d'en connoître l'obliquité, les sinuosités, les directions. On lui donne le nom d' ascendante ou de descendante , lorsque supposant une ligne horisontale tracée au point d'où on la considere, elle s'éleve au-dessus ou descend au-dessous de cette ligne; d'où l'on voit que cette dénomination d' ascendante & de descendante n'étant relative qu'au point où le mineur est placé, & ce point pouvant variet d'un moment à l'autre, une galerie peut d'un moment à l'autre prendre le nom d' ascendante de descendante qu'elle étoit, & réciproquement. L'aune ou la perche métallique est divisée en 8 parties ou piés, chaque huitieme partie ou chaque pié en dix doigts, & chaque doigt en dix lignes, scrupules ou minutes: ainsi la perche métallique a 800 lignes, minutes ou scrupules. Il est bon de remarquer qu'elle n'est pas la même par tout. Ce nombre 4, 5', 7'', 9'''signifie 4 aunes, 5 piés, 7 doigts, 9 scrupules. Cela supposé, voici quelques exemples des regles d'Arithmétique relatives à ces mesures. Soit à ajoûter 18, 7', 1'', 6'''avec 9, 3', 5'', 8''', vous direz: 8 & 6 font 14; je pose 4 & je retiens 1: 5 & 1 de retenu font 6, & 1 font 7''; 3 & 7 font 10', ou dix piés. Mais dix piés sont une aune & 2 piés: je pose donc 2'; je retiens 1, qui avec les nombres 9 & 18 donne 28'ou 2 aunes. La somme est donc 28, 2', 7'', 4'''. Soit à soustraire 18, 7', 1'', 6'''de 28, 2', 7'', 4''', je dis 6 de 14, reste 4, & j'écris 4'''; 2 de 7, reste 5, & j'écris 5''; 7 de 2 ne se peut. Il faut ajoûter au 2 une unité; mais que vaut cette unité? une aune ou huit piés: ainsi je dis, 7 de 10, reste 3, & j'écris 3'; 19 de 28, reste 9, & j'écris 9: le reste est donc 9, 3', 5'', 8'''. Soit à multiplier 4, 5', 7'', 9'''par 6, je dis: 6 fois 9 font 54; je pose 4'''& je retiens 5'': 6 fois 7 font 42, & 5 de retenus font 47; je pose 7''& retiens 4': 6 fois 5 font 30, & 4 de retenus font 34, ou 4 aunes de huit piés & deux piés; donc je pose 2'& retiens 4. 6 fois 4 font 24, & 4 de retenus font 28: le prot duit est donc 28, 2', 7'', 4'''. La division se fait en opérant sur la plus grande espece possible, si cela se peut; & si cela ne se peut pas, en réduisant cette grande espece à l'espece suivante, & opérant ensuite. Ainsi, soit à diviser 28, 2', 7'', 4'''par 8, je dis: en 28 combien de fois 8? 3 fois, & j'écris 3 au quotient; il reste au dividende 4, ou 4 aunes de chacune 8 piés ou 32', qui avec 2'font 34'. Je dis donc: en 34 combien de fois 8? 4 fois, & j'écris 4'au quotient, Il reste au dividende 2', ou 2 piés de chacun 10 doigts, c'est-à-dire 20'', qui font avec 7'', 27''; & je dis: en 27'' combien de fois 8? 3 fois: j'écris 3''au quotient. Il reste au dividende 3''ou 30 minutes, qui avec 4''' font 34'''. Je dis: en 34 combien de fois 8? 4; j'ecris 4'''au quotient. Il reste 2'''au dividende: j'ai donc pour quotient 3, 4', 3'', 4''', avec la fraction 2/3'''. Lorsqu'on s'est familiarisé avec l'arithmétique du mineur, il faut connoître ses instrumens. Le premier est un niveau qu'on voit Planche de Géomét . soûterr. fig. 1 . c'est un demi-cercle de laiton, mince, divisé en degrés, demi-degrés, & même quart de degrés. Il a deux crochets, K, H , au moyen desquels on l'accroche sur la corde du genou, fig. 5 . Du centre de ce niveau pend un plomb L , tenu par un fil ou un crin. Ce fil indique l'inclinaison à l'horison du fil ou de la ligne KI du genou, figure 5 . Le second est une boussole qu'on voit même Planche, figure 2 . Elle est composée d'un grand anneau de cuivre CEDF à deux crochets A, B , dont l'usage est le même que des crochets KH du niveau qu'on voit figure 1 . Dans ce premier anneau on en a adapté un second, CLDG , plus leger, & dont le plan coupe à angles droits le plan du premier. Entre ces deux anneaux est suspendue une boîte de boussole mobile sur des pivots en L & en G . Le tour de cette boussole est divisé en 24 parties qu'on appelle heures (nous avons expliqué plus haut ce que c'est qu'une heure), & chaque heure en 8 minut. Le nord est en E , le sud en F , l'est en G , & l'oüest en L . Ces deux derniers points sont marqués en sens contraire de ce qu'ils sont ordinairement dans les autres boussoles. La boîte de la boussole étant mobile sur. les pivots L, G , quelle que soit la position des anneaux entre lesquels elle est retenue, elle gardera toûjours son parallelisme à l'horison. Cet instrument indiquera commodément la position des filons & des galeries, relativement aux points cardinaux du monde. Dans l'usage, on place toûjours la ligne méridienne dans le milieu de la galerie, le septentrion selon sa direction; & ce sont les écarts de l'aiguille aimantée de la ligne méridienne qui indiquent les écarts de la direction de la galerie, des points cardinaux du monde. Si donc la galerie est dirigée vers l'orient, c'est-à-dire si sa direction s'écarte à droite de la ligne méridienne, la pointe de l'aiguille aimantée tournera vers la gauche de la quantité de cet écart, & sa pointe marquera à gauche l'heure orientale. Voilà la raison pour laquelle dans la boussole du mineur on a transposé les points d'orient & d'occident, des lieux qu'ils occupent dans la boussole ordinaire. On voit, figure 3 . même Planche , le cadran de la boussole divisé en heures & en minutes. Le troisieme, qu'on voit figure 6 . est un trace-ligne. C'est une petite boîte de bois d'ébene, de boüis ou d'ivoire, de forme rectangulaire, garnie de deux pinnules RR , dans la concavité de laquelle on place la boussole de la figure 2 . en la séparant de ses anneaux: la méridienne doit coïncider avec les pinnules. La longueur AC de cet instrument est de 6 à 7 pouces, & sa largeur CD de 4. Les pinnules peuvent se rabattre sur le plan de l'instrument; il sert à rapporter ou sur le papier ou sur le terrein, les directions trouvées par le moyen du second instrument. La seule chose qu'il y ait à observer dans l'usage de ces instrumens, c'est la variation de l'aiguille aimantée dans différens lieux, & dans le même lieu en différens tems. Cette variation oblige quelquefois à des corrections d'autant plus nécessaires, que les galeries où les angles ont été pris sont plus longues, plus éloignées les unes des autres. Il n'est pas non plus inutile de savoir que le froid gênant le mouvement de l'aiguille, il est à-propos en hyver, avant que de descendre l'instrument dans la mine, de l'avoir échauffé dans une étuve. Les autres causes d'erreur, tels que le voisinage du fer, qui occasionneroient des erreurs, sont assez connues. Le quatrieme instrument est le genou. Voyez cet instrument, même Planche, fig . 5 . C'est une regle de bois AE , avec ses deux pinnules BC , à fenêtres & à fente. Les fenêtres sont divisées par un fil vertical, & un autre horisontal. La fente a un petit trou rond, par lequel on regarde pour pointer la croisée des fils sur l'objet qu'on veut. Les deux mires doivent être exactement paralleles. KI est un fil de laiton appuyé sur deux chevalets, retenu d'un bout par une boucle, & placé de l'autre sur une cheville. Comme ce fil KI doit toûjours être parallele aux lignes de mire, il leur faut un certain degré de tension, qu'on lui donne avec la cheville E. FF est un boulon à tête, terminé par une vis; c'est autour de ce boulon que le genou est mobile dans le sens vertical. La boite du boulon est adhérente à une douille GH , dans laquelle on fait entrer le pié de l'instrument; par ce moyen le genou est mobile horisontalement. C'est sur le fil qu'on suspend, comme nous l'avons dit, les instrumens représentés fig. 1 . & fig. 2 . On peut encore, pour plus de commodité, ajoûter à ces instrumens le secours de quelques autres; mais les précédens sont les plus importans, & suffisent. On n'a proprement à résoudre dans toute cette Géométrie , que des triangles rectilignes. Son premier théorème consiste à trouver par le niveau d'inclinaison l'angle aigu C , dans un triangle rectangle en B . Le fil A i marque la perpendiculaire, & l'arc Hi donne la quantité de cet angle. Les inconnues du reste de ce triangle se découvriront par le moyen des tables des sinus, & par les regles de la Trigonométrie. Si l'on propose de donner les dimensions d'une mine où l'aiguille aimantée n'est point troublée par le voisinage d'une mine de fer, l'ingénieur mesure sa profondeur, y descend avec ses instrumens, la parcourt; prend les distances qui lui sont nécessaires, & les angles dont il a besoin, & porte ces choses sur des feuilles de papier. Il s'est d'abord établi une échelle; par ce moyen il acheve son travail, ou dans la mine même, ou quand il en est sorti. Si la mine est une mine de fer, son travail n'est pas plus difficile; il sait quels sont les instrumens dont il ne doit pas se servir, & notre figure 8 . lui montre les triangles qu'il a à prendre & à résoudre. A-t-il une ligne droite à tracer dans un endroit impratiquable? il n'a qu'à jetter les yeux sur notre fig. 9 . La fig. 10 . lui indiquera la maniere de trouver quel point de la surface de la terre correspond à un point donné dessous; la fig. 11 . la maniere de tracer une ligne droite sur une surface inclinée & inégale; la fig. 12 . comment il s'y prendra pour tracer la ligne qui communique d'une mine à une autre; la fig. 13 . la maniere de pénétrer d'un point de la surface de la terre à un lieu donné de la mine; la fig. 14 . comment il déterminera le point de la mine qui correspond verticalement à un point donné dessus; enfin la figure 15 . les opérations qui doivent se faire à la surface du terrein, pour la résolution de la plûpart des problèmes. C'est à ces problèmes que se réduit toute la Géométrie soûterreine; d'où l'on voit qu'elle n'est autre chose, comme nous l'avons dit plus haut, qu'une application de la Trigonométrie à quelques cas particuliers; & qu'elle n'exige que la connoissance des instrumens que nous avons décrits, & de ceux dont l'ingénieur & l'arpenteur font usage. Celui qui en voudra savoir davantage là-dessus, peut consulter les institutions de Weidler, l'ouvrage d'Agricola sur la Métallurgie, Erasme Reinhold, Beyer, Raigtel, Sturmius, Jugel, & de Oppel. Ces auteurs sont tous allemands. On conçoit aisément que la Géométrie soûterreine a dû prendre naissance en Allemagne, où les hommes ont ou principalement des intérêts à discuter dans les entrailles de la terre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOMÉTRIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GÉOMÉTRIQUE GÉOMÉTRIQUE, adj. se dit de tout ce qui a rapport à la Géométrie. Courbe géométrique , est la même chose que courbe algébrique. Voyez Courbe . Constructions géométrique . Les anciens géometres ne donnoient le nom de constructions géométriques qu'à celles qui se faisoient avec le secours seul de la regle & du compas, ou ce qui revient au même, de la ligne droite & du cercle: mais les géometres modernes, à commencer depuis Descartes, prennent pour géometrique toute construction qui s'exécute par le moyen d'une courbe géométrique quelconque. Voyez Construction & Courbe . On appelle géométriques ces constructions, pour les distinguer de celles qui s'exécutent par le moyen des courbes méchaniques, & qu'on peut appeller constructions méchaniques . Au reste les constructions méchaniques sont souvent plus simples & plus faciles que les constructions géométriques. Voyez Courbe . Pas géométrique, voyez Pas . Proportion & progression géométrique, voyez Proportion & Progression . Esprit géométrique , voyez ci-dev . Géometre . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOMÉTRIQUEMENT Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adv. GÉOMÉTRIQUEMENT GÉOMÉTRIQUEMENT, adv. d'une maniere géométrique. Voyez ci-devant Géométrique . Ainsi on dit, résoudre géométriquement un problème, raisonner géométriquement , &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEORGE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA GEORGE GEORGE, ( Saint ) ( Hist. mod. ) c'est un nom donné à plusieurs ordres tant militaires que religieux; il a pris son origine d'un saint fameux dans tout l'orient. Saint George est particulierement usité pour désigner un ordre de chevaliers anglois; mais on l'appelle à-présent plus communément l'ordre de la Jarretiere. Voyez Jarretiere . Le roi Edouard VI. par un esprit de réforme fit quelque changement dans le cérémonial, les lois & l'habit de l'ordre; c'est lui qui a le premier ordonné qu'on n'appellât plus cet ordre l'ordre de saint George , mais l'ordre de la Jarretiere. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=George, (chevaliers de saint) Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA George George , ( chevaliers de saint ) il y a eu plusieurs ordres de ce nom dont la plûpart ne subsistent plus. Il y en a eu un particulierement institué par l'empereur Frédéric III. l'an 1470, pour garder les frontieres de la Bohème & de la Hongrie contre les Turcs. Un autre appellé l'ordre de saint George d'Alphama , fondé par les rois d'Arragon: on en connoît un troisieme dans l'Autriche & dans la Carinthie; & enfin un quatrieme qui subsiste encore aujour d'hui dans la république de Gènes. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=George, (Saint) Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA George George , ( saint ) dit d' Alga , ordre de chanoines-réguliers qui fut fondé à Venise par l'autorité du pape Boniface IX. en 1404. Barthélemy Colonna romain, qui prêcha l'an 1396 à Padoue & dans quelques autres villes de l'état de Venise. jetta les fondemens de cette congrégation. Les chanoines de S. George portent une soutane blanche, & par-dessus une robe ou chape de couleur bleue ou azur, avec le capuchon sur les épaules. Le pape Pie V. les obligea en 1570 de faire profession, & leur permit de précéder les autres religieux. Le monastere chef d'ordre est à Venise. Le Mire, hist. ordin. monastic. liv. I. chap. v. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=George, (Saint) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA George George , ( saint ) Géog. petite île de l'état de Venise au sud de la capitale. Il y a dans cette île un monastere de Bénédictins, dont l'église est une des plus belles d'Italie, & d'ailleurs enrichie de tableaux des plus grands maîtres. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=George de la Mine (Saint) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA George de la Mine George de la Mine , ( saint ) Géog. bourgade d'Afrique en Guinée, avec un fort château près de la mer, & un port qui tire son nom des mines d'or qu'on dit être dans son voisinage. Les Hollandois se sont emparés de ce lieu sur les Portugais. Long. 17. latit. 5. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉORGIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉORGIE GÉORGIE, ( Géog. ) pays d'Asie qui fait partie de la Perse entre la mer Noire & la mer Caspienne. La Géorgie est bornée au nord par la Circassie, à l'orient par le Daghestan & le Schirvan, au midi par l'Arménie, & au couchant par la mer Noire. Elle comprend la Colchide & l'Ibérie des anciens, tandis que le Daghestan & le Schirvan forment à-peu-près l'ancienne Albanie. Elle est divisée par les montagnes en deux parties: l'une orientale où sont les royaumes de Caket au nord, & de Carduel au midi; l'autre occidentale qui comprend au nord les Abcasses, la Mingrélie, l'Imirete & le Guriel; tout ce pays est nommé Gurgistan par les orientaux. La riviere de Kur le traverse, & elle porte bateau, ce qui n'est pas commun aux rivieres de Perse. Téfslis capitale de la Georgie , est au 83 d . de long . & au 43 d . de lat . Cette vaste région pour la possession ou la protection de laquelle les Persans & les Turcs ont si long-tems combattu, & qui est enfin restée aux premiers, fait un état des plus fertiles de l'Asie. Il n'en est guere de plus abondant, ni où le bétail, le gibier, le poisson, la volaille, les fruits, les vins soient plus délicieux. Les vins du pays, sur-tout ceux de Téflis, se transportent en Arménie, en Médie & jusqu'à Ispahan, où ils sont réservés pour la table du Sophi. La soie s'y recueille en quantité; mais les Géorgiens qui la savent mal apprêter, & qui n'ont guere de manufactures chez eux pour l'employer, la portent chez leurs voisins, & en font un grand négoce en plusieurs endroits de Turquie, sur-tout à Arzeron & aux environs. Les seigneurs & les peres étant maîtres en Géorgie de la liberté & de la vie, ceux-ci de leurs enfans, & ceux-là de leurs vassaux; le commerce des esclaves y est très-considérable, & il sort chaque année plusieurs milliers de ces malheureux de l'un & de l'autre sexe avant l'âge de puberté, lesquels pour ainsi dire, se partagent entre les Turcs & les Persans qui en remplissent leurs serrails. C'est particulierement parmi les jeunes filles de cette nation (dont le sang est si beau qu'on n'y voit aucun visage qui soit laid), que les rois & les seigneurs de Perse choississent ce grand nombre de concubines, dont les orientaux se font honneur. Il y a même des défenses très-expresses d'en trafiquer ailleurs qu'on Perse; les filles georgiennes étant, si l'on peut parler ainsi, regardées comme une marchandise de contrebande qu'il n'est pas permis de faire sortir hors du pays. Il faut remarquer que de tout tems on a fait ce commerce; on y vendoit autrefois les beaux garçons aux Grecs. Ils sont, dit Strabon, plus grands & plus beaux que les autres hommes, & les géorgiennes plus grandes & plus belles que les autres femmes. Le sang de Géorgie est le plus beau du monde, dit Chardin: la nature, ajoûte-t-il, a répandu sur la plûpart des femmes des graces qu'on ne voit point ailleurs; & l'on ne trouve en aucun lieu ni de plus jolis visages, ni de plus fines tailles que celles des géorgiennes; mais, continue-t-il, leur impudicité est excessive. On voit en Géorgie des Grecs, des Juifs, des Turcs, des Persans, des Indiens, des Tartares & des Européens. Les Arméniens y sont presqu'en aussi grand nombre que les naturels même. Souverainement méprisés ils remplissent les petites charges, font la plus considérable partie du commerce de Géorgie , & s'enrichissent aux dépens du pays. Quoique les moeurs & les coûtumes des Géorgiens soient un mélange de celles de la plûpart des peuples qui les environnent, ils ont en particulier cet étrange usage, que les gens de qualité y exercent l'emploi de bourreau; bien loin qu'il soit réputé infame en Géorgie , comme dans le reste du monde, c'est un titre glorieux pour les familles. Les maisons des grands & les lieux publics sont construits sur le modcle des édifices de Perse, mais la plûpart des églises sont bâties sur le haut des montagnes, en des lieux presqu'inaccessibles; on les salue de loin, & on n'y va presque jamais: cependant il y a plusieurs évêques en Géorgie , un archevêque, un patriarche; & c'est le viceroi, autrement dit gorel , nommé par le sophi, & toûjours mahométan de religion, qui remplit les prélatures. Voilà le précis de ce que j'ai lû de plus curieux sur la Géorgie dans Chardin, Tavernier, Thévenot, Tournefort & la Motraye, & ce précis m'a paru digne d'avoir ici sa place. ( D J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉOSCOPIE Author=unknown Normalized Classification=Divination Part of Speech=s.f. GÉOSCOPIE GÉOSCOPIE, s. f. ( Divinat. ) sorte de connoissance que l'on tire de la nature & des qualités de la terre en les observant & en les considerant. Voyez Sol . Ce mot vient de γῆ , terre , & de σκοπέω , je considere . La géoscopie , considérée comme un moyen de divination, est une chimere; mais considérée comme connoissance des qualités de la terre, c'est une science qui peut être très-utile. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEOSTATIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=s.f. GEOSTATIQUE GEOSTATIQUE, s. f. ( Méchan. ) est la même chose que statique qui est aujourd'hui plus usité. Voyez Statique . Ce mot signifie la partie de la méchanique qui traite des lois de l'équilibre des corps solides; on l'appelloit autrefois ainsi de γῆ , terre , & de ἵστημι , sto , je suis en repos. Par cette dénomination on la distinguoit de l' hydrostatique qui traite de l'équilibre des fluides, & qui vient de ὕδωρ , eau , & de ἵστημι , sto. Voyez Hydrostatique . Ainsi on représentoit les solides en général par la terre, & les fluides par l'eau; le mot d'hydrodastique est resté, & le mot de géostatique comme plus impropre a été changé en celui de statique . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉPIDES, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=s.m.pl. GÉPIDES GÉPIDES, ( les ), s. m. pl. Géogr. anc. ancien peuple du nombre des barbares qui se jetterent sur les provinces romaines dans le tems de la décadence de l'empire. Jornandes dit qu'ils habitoient une île entourée de marais que formoit la riviere de Viscla ( Vistule ), & qu'ils l'abandonnerent de concert avec les Goths, pour chercher un meilleur pays. Sous l'empire de Justinien on les trouve en Hongrie, auprès de Sirmiche, selon Procope. Ils firent assez bonne contenance jusqu'au regne d'Alboin, roi des Lombards; mais ce dernier les vainquit, sans qu'ils ayent pû jamais se relever; & ceux qui ne périrent pas dans la bataille, resterent sous le joug que leur imposerent les Huns qui s'étoient emparés de leur pays. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEPPING Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEPPING GEPPING, ( Géog. ) petite ville impériale d'Allemagne dans la Soüabe, sur la riviere de Wits, à 12 lieues E. de Stutgard, 9 S. O. de Gemund, 9 N. O. d'Ulm. Long. 33. 20. lat. 48. 24 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉRA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉRA GÉRA, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne au cercle de la haute Saxe, dans la Misnie, sur l'Elster. Les Bohémiens la ravagerent en 1449. Long. 29. 55. lat. 50. 51. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERANITE Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GERANITE GERANITE, s. f. ( Hist. nat. ) nom donné par les anciens aux agates & autres pierres dans lesquelles on voyoit des taches rondes, que l'on croyoit ressembler par la couleur à des yeux de grue. Boëtius de Boot . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERANIUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GERANIUM GERANIUM, s. m. ( Botan. ) genre de plante des plus étendus, dont voici les caracteres, selon la méthode de Ray. Ses feuilles sont pour la plûpart opposées deux à deux: son calice est divisé en cinq parties qui s'étendent en forme d'étoiles: sa fleur en Europe est disposée en rose, & composée de cinq pétales, mais en afrique elle n'en a souvent que quatre; elle est en casque, & munie de cinq étamines qui embrassent la base de l'ovaire: son fruit est fait en aiguille, & divisé à sa base en cinq loges, dont chacune renferme une semence à queue, & produit un long tuyau. Ces cinq loges venant à s'unir, paroissent représenter, avec l'ovaire, la tête d'une cigogne ou d'une grue; c'est pourquoi les François donnent à ce genre de plante le nom de bec de grue , ainsi que les Anglois, qui l'appellent craneus-bill . La graine de cette plante est jettée dehors, quand elle est mûre, par le recoquillement du bec des capsules. Tournefort compte soixante-dix-huit especes de geranium , & Miller en nomme au-moins quarante qui sont cultivées en Angleterre dans les jardins des curieux. De ce nombre, il y en a plusieurs qui le méritent par la beauté de leurs fleurs; telles sont le geranium annuel, à larges feuilles & à fleurs bleues; le geranium à petites feuilles, & à grandes fleurs purpurines; le geranium d'Afrique, à feuilles d'oeillet, & à fleurs d'écarlate; le geranium africain, qui s'éleve en buisson, & qui est à feuilles de mauve, & à fleur d'un rouge de carmin. D'autres especes de geranium , outre la beauté de leurs fleurs, répandent, après le coucher du soleil, une odeur qui embaume l'air. Miller vous enseignera la culture de toutes les especes de geranium dont il fait mention. Il ne nous est pas possible d'entrer dans ce détail: nous remarquerons seulement que les especes sauvages de geranium , & celles des climats froids, s'élevent sans peine; mais les especes de geranium d'Afrique, & toutes celles qui viennent des climats chauds, demandent bien des soins pour leur entretien & leur multiplication: il est vrai qu'on en est dédommagé par la belle figure qu'elles font dans nos serres. Entre les especes utiles de geranium , citées par Tournefort, il y en a trois principales qui sont devenues avec raison d'un grand usage en Medecine; savoir, 1°. le geranium colombinum des boutiques, en françois pié de pigeon ou bec de grue ( voy. Bec de Grue ); 2°. le geranium robertianum , offic. en françois herbe à Robert ( voyez Herbe à Robert ); 3°. le geranium sanguineum , offic. en françois geranium sanguin , qu'on va décrire dans l'article suivant. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Geranium sanguin Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique | Matière médicale Part of Speech=NA Geranium sanguin Geranium sanguin , ( Botan. & Mat. méd. ) Le geranium ou bec de grue sanguin, à grande fleur, est d'abord remarquable par une racine épaisse, rouge, garnie de plusieurs longues appendices, & de quelques fibres; elle pousse tous les ans de nouvelles racines, qui non-seulement jettent des fibres de la même maniere, mais encore d'autres racines grosses & fermes: ses tiges sont nombreuses, hautes d'une coudée, rougeâtres, velues, noüeuses, partagées en plusieurs branches. De chaque noeud naissent deux feuilles arrondies, divisées néanmoins en cinq lanieres, & le plus souvent en trois lobes, découpées presque jusqu'à la queue; elles sont velues, vertes au-dessus, blanchâtres en-dessous, d'une saveur astringente & stiptique. Il sort de l'extrémité des branches un pédicule oblong, qui porte une fleur plus grande que celles des autres geranium , presque semblable à celle du cyste mâle; d'une belle couleur rouge, composée de cinq pétales & de dix étamines, portées les unes & les autres sur un calice. Ce calice est composé de cinq petites feuilles garnies de nervûres, velues & verdâtres. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des fruits en forme de bec à cinq angles, chargés à leur base de capsules renflées, contenant des graines qui s'échappent quand elles sont mûres: alors leurs capsules se roulent & se recoquillent de la base à la pointe du fruit. Le geranium sanguin se trouve souvent dans les forêts & les buissons: on le cultive chez les curieux dans les jardins de Botanique. Les Medecins le substituent au bec de grue ordinaire, ou à celui qu'on nomme herbe à Robert . Ses feuilles s'employent dans les décoctions & les bouillons vulnéraires astringens; elles sont stiptiques & un peu salées; elles donnent, de même que l'alun, une vive couleur rouge au papier bleu; c'est pourquoi l'on présume que leur vertu vulnéraire dépend sur-tout d'un sel alumineux mêlé avec beaucoup de soufre & de terre, & avec un peu de sel concret. En général, tous les geranium contiennent les mêmes principes, ce qui fait qu'on les met au rang des plantes astringentes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERARDE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GERARDE GERARDE, s. f. gerardia , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante dont le nom a été dérivé de celui de Jean Gerard, chirurgien anglois. La fleur des plantes de ce genre est monopétale, faite en forme de masque dont la levre supérieure est relevée, arrondie & échancrée, & la levre inférieure divisée en trois parties; celle du milieu est partagée en deux. Il s'eleve du calice un pistil qui est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit oblong, gonflé, & divisé par une cloison en deux loges remplies de semences rondes. Plumier, nova plant. amer. gen. Voy . Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERARMER Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERARMER GERARMER, ( Géog. ) lac & village considérable des Vôges, dans le bailliage de Remiremont en Lorraine. On y fait un grand commerce de fromages, connus sous le nom de giraumés . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERAW, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERAW GERAW, ( le ) Geravia, Géogr. petit pays d'Allemagne au cercle du haut Rhin, ainsi nommé du bourg de Geraw; mais sa capitale est Darmstadt, sujette au prince de Hesse-Darmstadt, ce qui fait que ce petit pays en a pris aujourd'hui le nom. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERBADÉCAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERBADÉCAN GERBADÉCAN, ( Géog. ) ville d'Asie en Perse, dans le Couhestan. Les géographes orientaux lui donnent 85 d . 25'. de longitude , & 34°. de latitude . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERBE Author=Diderot Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. GERBE * GERBE, s. f. ( Econ. rustiq. ) On coupe le blé par poignée; la poignée s'appelle une javelle . On laisse sécher la javelle sur terre, ensuite on la met en gerbe . Il faut sept ou huit javelles pour former une gerbe; ainsi la gerbe est un fardeau de blé de sept à huit javelles, liées ensemble avec le feurre de seigle. On amoncele les gerbes par dizaux; & la dixme & le champart étant levés, on les charrie à la grange. Voyez Javelle , Dixme, & Champart -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gerbe, (offrande de la) Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gerbe Gerbe , ( offrande de la ) ou des prémices chez les anciens Hébreux. Le lendemain de la fête de Pâque, on apportoit au temple une gerbe , comme les prémices de la moisson des orges, & voici les cérémonies qui s'y observoient. Le quinzieme de Nisan, au soir, lorsque la fête du premier jour de la Pâque étoit passée, & que le second jour, qui étoit jour ouvrable, étoit commencé, la maison du jugement députoit trois hommes pour aller en solennité cueillir la gerbe d'orge. Les villes des environs s'assembloient pour voir la cérémonie. L'orge se cueilloit dans le territoire de Jérusalem. Les députés demandoient par trois fois si le soleil étoit couché, & on leur répondoit trois fois qu'il l'étoit; ensuite ils demandoient trois fois la permission de couper la gerbe , & trois fois on la leur accordoit. Ils la moissonnoient dans trois champs divers avec trois faucilles différentes, & on mettoit les épis dans trois cassettes, pour les apporter au temple. Lorsque la gerbe , ou, si l'on veut, les trois gerbes étoient au temple, on les battoit dans le parvis; & du grain qui en résultoit, on en prenoit un plein gomor, c'est-à-dire environ trois pintes, après l'avoir bien vanné, bien rôti & concassé. On répandoit par-dessus un log d'huile, c'est-à-dire un demi-septier, un poisson & un peu plus. On y ajoûtoit une poignée d'encens; & le prêtre qui recevoit cette offrande, l'agitoit devant le Seigneur, vers les quatre parties du monde, en forme de croix. Il en jettoit une partie sur l'autel, & le reste étoit à lui. Après cela chacun pouvoit commencer sa moisson. Voyez Offrandes . Calmet, dictionn. de la Bible . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gerbe Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Gerbe Gerbe , en termes d'Artificier , se dit d'un grouppe de plusieurs fusées qui soitent en même tems d'un pot ou d'une caisse, & par leur expansion représentent une gerbe de blé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gerbe Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Gerbe Gerbe , ( Hydraul. ) est un faisceau de plusieurs ajutages soudés sur la même platine. Il y en a qui ne sont qu'un compartiment de plusieurs fentes faites en portions de couronne ou en parallélogrammes, percées suivant la ligne d'une zone, ou de trous ronds, qui sont fort sujets à se boucher. Pour connoître la dépense de ces gerbes , & la maniere de les calculer, voyez le traité d'Hydraulique qui est à la fin de la théorie & pratique du Jardinage, pag. 398. édit. 1747 . Paris. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gerbe de Blé Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Gerbe de Blé Gerbe de Blé , en termes de Blason , c'est la représentation d'une gerbe de blé ou de tout autre grain, que l'on porte quelquefois sur l'écu des armoiries pour signifier le mois d'Août; comme une grappe de raisin représente l'automne. Il porte d'azur à une gerbe d'or; ce sont les armes de Grosvenors d'Eton en Cheshire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERBER du Vin Author=unknown Normalized Classification=Tonnelier Part of Speech=NA GERBER du Vin GERBER du Vin , terme de Tonnelier; c'est amonceler les pieces les unes sur les autres dans une cave ou dans un cellier. On ne gerbe le vin que quand il n'y a point de place pour le mettre sur les chantiers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERBEROY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERBEROY GERBEROY, Gerboredum ou Gerborecum , ( Géog. ) petite ville de France dans le Beauvoisis, située sur une haute montagne, au pié de laquelle coule le Térin. Elle a un chapitre qui consiste en treize prébendes, & un vidame, dont joüissent les évêques de Beauvais. Voyez l'abbé de Longuerue, dans sa description de la France . C'est à Gerberoy que fut signé le traité de paix en 948, entre Richard-sans-Peur duc de Normandie, & Louis IV. dit d'Outre-mer roi de France. Cette ville est à quatre lieues de Beauvais, vingt nord-oüest de Paris. Lon. 19. 22. lat. 49. 35 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERBES, Isle de Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERBES GERBES, ( Isle de ) Géog . L'île de Gerbes , autrement Zerbi , est une petite île d'Afrique au royaume de Tunis, sur la côte de Barbarie, dans la Méditerranée; elle ne rapporte que de l'orge en fait de grains, mais elle produit beaucoup de figues, d'olives, & quantité de raisins, que les habitans sont sécher pour en trafiquer. C'est sur la côte de cette île qu'on trouve le Lothus, dont le fruit a, dit-on, un goût si délicieux dans sa maturité, que les Poëtes feignirent qu'Ulysse & ses compagnons, ayant été jettés dans cet endroit par la tempête, & ayant mangé de cet excellent fruit, perdirent entierement le desir de retourner dans leur patrie. Les Grecs en l'honneur de ce fruit nommerent Lothophages les habitans de cette île. Elle dépend du pacha de Tripoli depuis que les Turcs en ont chassé les ducs d'Albe & de Medinacéli. Long. 29. 5. lat. 32. 10 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERERES Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.f.pl. GERERES GERERES, s. f. pl. ( Hist. anc. ) on appelloit ainsi les femmes de condition commune qui assistoient à Athenes la reine des sacrifices dans ses fonctions sacrées; elles étoient au nombre de quatorze. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERFAUT Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=s.m. GERFAUT GERFAUT, s. m. gyrfalco , ( Hist. nat. Ornith. ) oiseau du genre des faucons; il tient du vautour, c'est pourquoi les Allemands ont ajoûté à son nom de faucon celui de gyr , qui signifie un vautour dans leur langue, d'où vient le nom de gerfaut . On distingue aisément cet oiseau de tous les autres faucons, par sa grandeur qui est égale à celle de l'aigle; il a encore plusieurs autres caracteres particuliers. Le sommet de la tête est plat; le bec, les jambes & les piés sont bleus. Le gerfaut a les plumes blanches sur tout le corps; mais celles du dos & des ailes ont une tache noire en forme de coeur. La queue est courte & a des bandes transversales noires. La gorge, la poitrine & le ventre sont blancs. Raii, syn. avium. Voyez Faucon . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERGEAU Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERGEAU GERGEAU, ( Géog. ) Voyez Jargeau . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERGENTI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERGENTI GERGENTI, Agrigentinum , ( Géog. ) ville d'Italie dans la Sicile, avec un château qui la défend du seul côté où elle soit accessible, & un évêché suffragant de Palerme, à trois milles de la mer. Elle est dans la vallée de Mazara, à vingt-quatre lieues sud-oüest de Mazara, vingt sud-est de Palerme. Longit. 31. 21. lat. 47. 23 . Elle a pris son nom de la ville d'Agrigente, des ruines de laquelle elle s'est formée, quoiqu'elle ne soit pas précisément sur le même terrein. Voy. Agrigente au supplém. de l'Encyclopédie; car on ne négligera rien pour perfectionner cet Ouvrage. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERGOVIA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GERGOVIA GERGOVIA, ( Géog. anc. ) César est le seul des anciens qui ait parlé de Gergovia . Elle a eu le même sort de plusieurs autres villes considérables dont on cherche la position. Cette capitale des Auvergnats, qui osoient s'appeller les freres & les émules des Romains, cette place qui vit échoüer devant ses murailles la fortune du vainqueur de Pompée, paroît avoir disparu. On ignore où elle étoit située; & l'opinion générale qui met cette ville sur la montagne appellée le Puy-de-Mardogne , à une lieue de Clermont en Auvergne, souffre les plus fortes difficultés. Il semble par les commentaires de César, qu'il y avoit une autre Gergovia dans le pays des Boyens; mais cette seconde ville est encore moins connue que la précédente, quoique l'opinion commune la place vers Moulins dans le Bourbonnois. Voyez les mémoires de l'académie des Belles-Lettres , où vous trouverez une dissertation de M. Lancelot à ce sujet. ( D.J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERIS Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.f. GERIS * GERIS, s. f. ( Myth. ) nom d'une divinité qu' Hésychius croit être la même que Cerès ou la Terre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMAIN Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject GERMAIN GERMAIN, adj. ( Jurispr. ) est une qualité que l'on donne à certains parens, & qui a deux significations différentes. On dit fieres & soeurs germains , pour exprimer ceux qui sont conjoints des deux côtés, c'est-à-dire qui sont procréés des mêmes pere & mere. On appelle cousins-germains , les enfans des deux freres, ou des deux soeurs, ou d'un frere & d'une soeur. Cousins issus de germain , sont ceux qui sont éloignés d'un degré de plus que les cousins-germains. Voyez Freres & Cousins . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Germain-en-Laye, (Saint-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Germain-en-Laye Germain-en-Laye , ( Saint-) Géog. petite ville de l'île de France, avec une maison royale, embellie par plusieurs de nos rois. C'est un des plus beaux séjours de France par sa position, sa forêt & ses jardins. Elle est à quatre lieues de Paris sur la Seine. Long. 19. 40. lat. 48. 52 . Marguerite de France, fille de François premier, naquit à Saint-Germain-en-Laye le 5 Juin 1523, & se fit une gloire immortelle par sa beauté, par son savoir & par ses vertus. Ses sujets la nommoient la mere des peuples . Henri II. né dans le même château le 31 Mai 1518, & moit à Paris le 10 Juillet 1559, d'un coup de lance que lui donna Montgommeri dans un tournois, persécuta les Calvinistes de son royaume, soûtint ceux d'Allemagne, fit alliance avec les Suisses, qui s'y prêterent avec peine, & fut soûmis dès le commencement de son regne aux volontés de la duchesse de Valentinois, qui se rendit maîtresse de son coeur & de son esprit, quoiqu'elle fût âgée de quarante-sept ans. Charles IX. naquit aussi à Saint-Germain-en-Laye le 27 Juin 1550. Son regne fut rempli de meurtres & d'horreurs; il s'avoüa l'auteur de la Saint-Barthélemy, & sa devise étoit deux colonnes avec ces mots, pietate & justitiâ . Louis XIV. vit le jour dans le même lieu le 5 Septembre 1638, après vingt-trois ans de stérilité de la reine sa mere; phénomene aussi singulier que la longueur de son regne. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Germain-Laval, (Saint-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Germain-Laval Germain-Laval , ( Saint-) Géog. ville de France dans le Fores, avec une châtellenie royale: elle est dans un terrein fécond en bons vins, à quatre-vingts-onze lieues sud-est de Paris. Lon. 21. 31. 42. lat. 45. 49. 57 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMANDRÉE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GERMANDRÉE GERMANDRÉE, s. f. chamoedris , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur monopétale labiée, dont les étamines occupent la place de la levre supérieure; l'inférieure est divisée en cinq parties, dont celle du milieu est plus grande que les autres, courbée en forme de cuillier, & fourchue dans quelques especes. Il sort du calice un pistil qui passe dans la partie postérieure de la fleur, & qui est entouré de quatre embryons. Ces embryons deviennent autant de semences arrondies, & renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Les fleurs naissent dans les aisselles des feuilles, & ont un calice en forme de tuyau. Tournefort, inst. rei herbar. Voyez Plante . ( I ) Les Botanistes comptent une vingtaine d'especes de germandrée , entre lesquelles il suffira de décrire la principale, nommée chamoedris minor, repens , par C. Bauh. pag. 148. Hist. oxon. 3. 422 . Tourn. inst. 205 . Boerh. ind. a. 182 . Ses racines sont fibreuses, fort traçantes, & jettent de tous côtés des tiges couchées sur terre, quadrangulaires, branchues, longues de neuf à dix pouces, & velues. Sur les tiges naissent des feuilles conjugées & opposées, d'un verd gai, longues d'un demi-pouce, larges de quelques lignes, étroites à leur base, crenelées depuis leur milieu jusqu'à leur extrémité, ameres, & un peu aromatiques. Ses fleurs naissent des aisselles des feuilles; elles sont d'une seule piece en gueule & purpurines; elles n'ont point de levre supérieure, mais elles portent à la place des étamines recourbées, un pistil fourchu: la levre inférieure, outre sa partie supérieure qui se termine en deux appendices aiguës, est à trois lobes. Le calice est d'une seule piece en cornet, partagé en cinq parties, & contient quatre graines sphéroïdes, & formées de la base du pistil. On cultive en Angleterre par curiosité quelques especes de germandrée; sur quoi nous renvoyons à Miller. Nous renvoyons de même le lecteur à M. de Reaumur, au sujet des galles de la germandrée . Nous remarquerons seulement que tandis que les galles des autres plantes sont produites sur les feuilles, celles de la germandrée le sont sur la fleur; & pour surcroît de singularité, par une punaise, le seul insecte connu de sa classe, qui se forme & croisse dans ces sortes de tubercules monstrueux. Cet insecte est niché en naissant dans la fleur toute jaune du chamoedris , & il la suce avec sa trompe. La fleur sucée croît beaucoup sans pouvoir s'ouvrir; parce que sa levre qui devroit se dégager du calice fait par les autres pétales, y reste retenue à cause qu'elle a pris trop de volume, & la petite nymphe de punaise y conserve son logement clos. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Germandrée ou Petit Chêne Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Germandrée Germandrée ou Petit Chêne , ( Mat. med. ) cette plante doit être rangée dans la classe des amers aromatiques, & être regardée par conséquent comme tonique, stomachique, fortifiante, apéritive, vermifuge & emménagogue. L'expérience confirme toutes ces propriétés. On la prescrit très-utilement dans les obstructions des visceres, la jaunisse, la suppression des regles, & l'hydropisie commençante. La germandrée passe pour spécifique contre la goutte. J'ai connu un vieux medecin qui avoit été sujet de bonne-heure à cette maladie, & qui prenoit de l'infusion de germandrée tous les matins à jeun depuis quarante ans, dans la vûe d'en éloigner au-moins & d'en modérer les accès, & à qui l'usage de ce remede avoit réussi parfaitement. Elle a été vantée aussi contre les écroüelles, le scorbut & les fievres rebelles. On ordonne les sommités de cette plante en infusion dans de l'eau, par pincées, à la facon de thé; on les fait macérer aussi dans du vin blanc; c'est de ce dernier dissolvant dont on se sert quand on veut employer la germandrée contre la suppression des regles. On peut employer dans ce cas jusqu'à deux poignées de feuilles & de sommités par pinte de vin. Cette teinture que l'on donne par cuillerée, est peu inférieure au vin d'absynthe. Voyez Absynthe . On fait un extrait de feuilles de germandrée , qu'on ordonne depuis un gros jusqu'à deux dans les cas exposés ci-dessus. Cette plante entre dans les préparations suivantes de la pharmacopée de Paris; savoir le sirop d'armoise composé, l'orviétan, l'eau générale, la thériaque, l'hiere de coloquinte, l'huile de scorpion composée, & la poudre arthritique amere. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Germandrée d'eau Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=NA Germandrée d'eau Germandrée d'eau , ( Pharm. & Mat. med. ) cette plante possede à-peu-près les mêmes vertus que le petit chêne; elle en differe seulement en ce qu'elle est un peu moins amere & un peu plus aromatique. Les usages magistraux des feuilles & des fleurs de celles-ci, sont les mêmes que celles des sommités & des feuilles du petit chêne. C'est du nom grec de cette plante que tire le sien le fameux antidote de Fracastor, appellé diascordium. Voyez Diascordium . La germandrée d'eau entre dans un très-grand nombre de compositions officinales: on en prépare une eau distillée, une teinture avec l'esprit-de-vin, un extrait & un sirop simple: tous ces remedes sont presque absolument inusités parmi nous. Au reste cette plante est plus connue sous le nom de scordium que sous celui-ci. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMANICOPOLIS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GERMANICOPOLIS GERMANICOPOLIS, ( Géog. anc. ) il y avoit trois villes en Asie ainsi nommées, qu'il ne faut pas confondre ensemble. Celle dont Pline parle, l. III. chap. xxxij. étoit au couchant de la Bithynie & aux confins de l'Hellespont. La seconde, dont Ammien Marcellin fait mention liv. XXVII. chap. jx. étoit dans l'Isaurie, bien loin de la premiere, vers le midi. La troisieme, que Justinien nomme dans ses novelles ( novelle 29. chap. j. ), étoit dans la Paphlagonie propre, au levant de la Bithynie; & cette troisieme étoit épiscopale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMANIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie historique Part of Speech=s.f. GERMANIE GERMANIE, s. f. ( Géog. hist. ) ce nom a été commun à la Germanie proprement dite, & à une partie de la Gaule belgique. La Germanie proprement dite a été aussi nommée la Grande-Germanie , la Germanie transrhénane . La Germanie belgique se nommoit autrement Germanie cisrhénane . La Grande-Germanie dont il s'agit ici, étoit un vaste pays de l'Europe au centre de cette partie du monde, autrefois habitée par divers peuples, auxquels le nom de Germains étoit commun. Ce pays n'a pas toûjours eu les mêmes bornes, & les anciens géographes lui ont donné successivement plus ou moins d'étendue. Mais l'on peut dire en général que la Germanie comprenoit tout le pays renfermé entre la Vistule, le Danube, le Rhin & l'Océan septentrional; qu'elle faisoit la portion la plus grande de l'ancienne Celtique, & avoit au-moins deux fois plus d'étendue que l'Allemagne d'aujourd'hui. Pline, un de ceux qui a tâché de s'instruire le plus exactement de la Germanie , renferme tous les peuples qui l'habitoient sous cinq grandes nations, qu'il nomme les Istaevons, les Hermions, les Vindiles, les Ingaevons, & les Peucins. Les Istaevons, selon lui, étoient au midi occidental, s'étendant entre le Rhin & l'Elbe, depuis la mer de Germanie jusqu'aux sources du Danube. Les Hermions étoient au midi oriental, depuis le Danube jusqu'à la Vindilie. Les Vindiles occupoient toute la côte de la mer Baltique, & la Chersonese cimbrique. Les Ingaevons habitoient la Scandie & la Finningie. Les Peucins occupoient la Sarmatie européenne jusqu'au Tanaïs, au Palus-Méotide, & au Pont-Euxin. Nous ne savons rien de plus de toutes ces grandes nations; la fuite de ce discours le prouvera. Les Romains ayant trouvé leur compte à conquérir la Grece & l'Italie, où il y avoit d'immenses richesses, détournerent leur attention du pays des Germains, peuples qui ne possédoient aucun héritage en particulier, n'avoient aucune demeure fixe pendant deux ans de suite, s'occupoient à la chasse, vivoient de lait & de la chair de leurs troupeaux, plûtôt que de pain. L'avidité romaine ne fut point tentée de s'avancer dans un pays si misérable, d'un accès très-difficile, arrosé de fleuves & de rivieres, & tout couvert de bois ou de marais. Ils n'y pénétrerent point comme ils avoient fait en Asie; & craignant ces peuples redoutables, ils se contenterent de s'emparer d'une lisiere de la Germanie , seulement par rapport à la Gaule, & autant que le voisinage les engageoit nécessairement à cette guerre. Une ou deux victoires sur les bords du pays, acquéroient le nom de germanique au général qui les avoit remportées. Nous devons à César la premiere description des Germains. Il en parle beaucoup dans ses commentaires, lib. IV. de bello gallico, cap. j. ij. iij. & quoiqu'il ne nomme que les Sueves, qui étoient les plus puissans & les plus belliqueux, il y a sujet de croire que la description qu'il fait de leurs moeurs, convenoit à tous les Germains, & même à tous les Celtes, c'est-à-dire aux plus anciens habitans de l'Europe; car ces moeurs simples, guerrieres & féroces qu'il dépeint, ont été générales; il est seulement arrivé que les Germains les conserverent plus longtems que les Gaulois & les Italiens. Le même auteur observe que les Sueves aimoient à être entourés de vastes solitudes. On remarque encore la même chose chez les Polonois & les Russes, dont les pays sont bornés par des régions incultes du côté de la Tartarie. Après la description que nous a donné César de la Germanie , nous avons eu celle de Strabon, qui a vécu sous Auguste & sous Tibere: mais il suffit de le lire pour se convaincre qu'alors les Romains ne connoissoient de la Germanie , même imparfaitement, que ce qui est en-deçà de l'Elbe: les Romains, dit-il, nous ont ouvert la partie occidentale de l'Europe jusqu'à l'Elbe, qui coupe la Germanie par le milieu; & ce qui est au-delà de l'Elbe, poursuit-il, nous est entierement inconnu. Le tableau que Pomponius Mela a tracé de la Germanie , prouve que l'on n'en connoissoit guere davantage sous l'empereur Claude. Les Romains n'étoient pas plus éclairés sous Néron: on peut juger de leur ignorance à cet égard par le faux portrait que fait Séneque des Germains; ils ont, dit-il, un ciel triste, une terre stérile, un hyver perpétuel, &c. Cependant on eût pu acquérir tous les jours à Rome de nouvelles connoissances des Germains, si les Romains les eussent subjugués. On sait que c'étoit l'usage d'exposer aux yeux du public dans les protiques de Rome, des représentations des pays vaincus. Euménide le rhéteur qui vivoit sous Dioclétien, nous le confirme en ces mots: « La jeunesse peut, dit-il, voir tous les jours, & considérer attentivement toutes les terres & toutes les mers subjuguées par la valeur ou par la terreur. Vous savez vous-même, poursuit-il en s'adressant au président des Gaules, qu'afin d'instruire les jeunes gens, & pour que leurs yeux voyent plus clairement ce que leurs oreilles ne leur apprendroient qu'avec difficulté, on leur montre la situation des lieux, avec leurs noms, leurs distances, les sources des fleuves, leurs cours, leurs embouchures, les sinuosités des rivages, la maniere dont la mer côtoye la terre, ou y forme des golfes: on y trace les belles actions des grands capitaines en divers pays, & on a recours à ces tableaux lorsqu'il arrive la nouvelle de quelques nouveaux avantages: on y voit les fleuves de la Perse, les sables brulans de la Lybie, les bouches du Nil, & les cornes du Rheyn ». Remarquez qu'il ne dit pas qu'on y voyoit le Weser, l'Oder, le Danube, la Vistule, &c. Pline dont les recherches intéressantes ne connurent de bornes en aucun genre, acquit sans doute des lumieres plus sûres & plus étendues de la Germanie , que tous ceux qui l'avoient précédé. Il servit sur la lisiere de ce pays, & écrivit en vingt livres les guerres des Romains contre les Germains: mais cet ouvrage précieux s'est perdu, & nous n'avons fait que profiter de quelques généralités géographiques à ce sujet, qu'il a insérées dans son histoire naturelle, & qu'il expose même suivant sa coûtume avec beaucoup de reserve. Tacite, ami & contemporain de Pline, fit à son tour un livre des moeurs des Germains qui est entre les mains de tout le monde, & qui renferme mille choses curieuses de la Germanie . Comme procurateur de la Belgique sous Vespasien, il fut plus à-portée que personne de s'informer du pays qu'il se proposoit de décrire, & des peuples qui l'habitoient: mais ainsi que Pline, il ne parla que d'après le rapport d'autrui, & ne mit jamais le pié dans la Germanie transrhénane. Enfin Ptolomée donna une description de la Germanie beaucoup plus complete & plus détaillée, que celle de tous ses prédecesseurs; & c'est aussi la description qui a été reçue par presque tous les Géographes qui l'ont suivi. Il rencontre juste en tant de choses, qu'il doit l'avoir faite cette description sur d'excellens mémoires dressés avant lui, & vraissemblablement après avoir consulté toutes les cartes qu'on avoit de ce pays-là dès le tems d'Auguste, & les tables dont j'ai parlé ci-dessus, qui étoient exposées dans les portiques de Rome. Cependant Ptolomée se trompe souvent; il ne parle que d'après des mémoires anciens, & pour tout dire, il n'a pas été plus heureux que les autres; il n'a pas vû les lieux dont il parle; aussi pourroit-il décrire la Germanie , non telle qu'elle étoit de son tems, mais telle qu'elle avoit été autrefois. En effet, il met les Lombards sur la rive gauche de l'Elbe, & l'on sait que sous Tibere, ils avoient été reculés au-delà de ce fleuve; il met les Licambres dans la Germanie propre, & Tacite dit formellement, qu'ils avoient déjà été transportés dans les Gaules. Enfin, & c'est une autre observation importante, il place plusieurs villes dans sa grande Germanie , quoiqu'il soit démontré que de son tems, il n'y en avoit pas une, non plus que du tems de Tacite. Ce dernier dit expressément que les peuples de Germanie n'avoient aucune ville, étoient sans usage de la mâçonnerie & des tuiles, ne souffroient pas que les maisons fussent jointes l'une à l'autre, & se creusoient pour habitations des cavernes soûterreines, afin de s'y mettre à l'abri durant l'hyver. Concluons qu'aucun géographe ne nous a donné d'exactes descriptions de la véritable Germanie , par cette grande raison, que les Romains n'y pénétrerent jamais. Mais comme ils ne purent la subjuguer, ils prirent le parti de se faire une nouvelle Germanie en-deçà du Rhin, aux dépens de la Belgique. Suétone dans la vie de Tibere, remarque que ce prince n'étant encore que gendre d'Auguste, pendant la guerre contre les Germains, en transporta dans la Gaule quarante mille de ceux qui se rendirent à lui, & leur assigna des demeures le long du Rhin. Le même auteur dit qu'Auguste voyant que les Sueves & les Sicambres se soûmettoient à ses armes, les fit passer dans la Gaule, & les établit pareillement dans des terres voisines du Rhin. C'en fut assez pour donner lieu aux Romains de nommer Germanie , un canton de la Gaule; c'étoit en effet le seul canton voisin de la grande Germanie , qu'ils eussent véritablement conquis; car Varus qui s'avança un peu trop dans le pays que nous appellons aujourd'hui la Westphalie , y périt avec son armée. Les Eubiens qui étoient d'abord au-delà du Rhin, furent si odieux aux autres peuples de la Germanie , pour avoir reçû le joug de Rome, qu'ils passerent de l'autre côté du fleuve. Les armées romaines subjuguerent néanmoins quelques peuples, dont le pays étoit en partie au-delà du Rhin, comme les Németes qui étoient aux environs de Spire, les Vangions aux environs de Worms, & les Tribocci aux environs de Mayence. Comme ces peuples étoient principalement & par rapport à leurs capitales, dans la Gaule & au couchant du Rhin; on les rangea sous le gouvernement de la Gaule, & on les joignit à la Belgique, cela veut dire qu'on vit une partie de la Belgique jointe à une lisiere de la grande Germanie , porter le nom de Germanie ; & cette partie fut divisée en Germanie supérieure, & en Germanie inférieure. Voilà qui peut suffire, pour prouver que la Germanie n'a pas toûjours eû les mêmes bornes, ni les mêmes peuples dans son sein; & c'est un fait qu'il ne faut jamais perdre de vûe. Il seroit à-présent d'autant plus inutile de rechercher curieusement avec Spenerus, Melanchton, Rudbeck. ou Leibnitz, l'origine inconnue des noms Germaine & Germanie , que ces noms mêmes ne furent pour ainsi dire plus en usage, après la chûte de l'empire romain. Les nations septentrionales se portant en flots vers le midi, produisirent des changemens étonnans dans ce vaste pays. Les Lombards resserrés d'abord aux environs de l'Elbe, passerent en Italie, où avec le tems ils se formerent un royaume. Les Sueves se jetterent sur les Gaules, & de-là dans l'Espagne, où ils érigerent une domination rivale de celle des Goths: ces derniers après avoir traversé la Germanie , occuperent une partie de la Gaule; les Burgundions y fonderent le royaume de Bourgogne; les Francs y avoient déjà le leur; les Saxons qui étoient de l'autre côté de l'Elbe, s'avancerent jusque dans la Westphalie. Les Vandales après s'être étendus dans ce qu'on appelle aujourd'hui la haute & basse Saxe , firent des conquêtes en Espagne, & allerent périr en Afrique; leur pays entre l'Elbe & la Wistule, fut la proie des Vendes ou Venetes, qui s'en emparerent, & se firent appeller Slaves , &c. Cependant il ne faut pas imaginer que tous ces peuples abandonnassent à-la-fois leur patrie; il n'en sortoit que les hommes, qui étant en état de porter les armes, vouloient avoir leur part du butin. Ceuxci emmenoient avec eux une partie de leurs familles: ce qui restoit au pays, se trouvant réduit à un petit nombre, comparé à ce qu'il avoit été auparavant, devenoit aisement la proie d'un voisin qui ne s'étoit pas affoibli. Ainsi nous voyons les vastes pays que les Sueves avoient occupés, passer en d'autres mains, & le nom de Suévie , conservé à peine à un petit canton qui est aujourd'hui la Suabe, entierement obscurci par celui d'Allemagne, qui n'étoit d'abord que le nom d'une contrée fort petite. Les Saxons entre l'Elbe & le Weser, où ils étoient encore au commencement du regne de Charlemagne, y avoient pris la place des Francs; car nous avons remarqué qu'ils étoient d'abord de l'autre côté de l'Elbe; mais les Francs s'étant avancés vers le midi, & s'étant de-là répandus dans la Gaule, où ils jetterent les fondemens du royaume de France, il en resta une partie au-delà du Rhin, & de-là vint la division de France occidentale, qui est la véritable France, & de France orientale, dont la Franconie a tiré son nom. Alors il ne fut plus question du nom de Germains & de Germanie , sinon dans les ouvrages de quelques auteurs, qui les employoient en latin; encore voit-on que les écrivains de ce tems-là préféroient les noms de Theddisci, Teutisci , & Teutones , à celui de Germains , qui paroissoit même déjà s'abolir entierement dès le tems de Procope, c'est-à-dire sous le regne de l'empereur Justinien. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMANO (Saint-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERMANO GERMANO, ( Saint-) Géog. petite ville d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Labour, au pié du Mont-Cassin. Elle appartient à l'abbé du Mont-Cassin. Long. 31 d . 28. lat. 41. 33. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERME, GERMER Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA GERME, GERMER GERME, GERMER, ( Jardinage. ) se dit d'une graine qui est sortie de terre. Voyez Germination . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Germe Author=d'Aumont Normalized Classification=Economie animale Part of Speech=NA Germe Germe , ( Economie animale. ) se dit par rapport à la génération, de l'embryon & de ses enveloppes, lorsqu'ils commencent à prendre accroissement. Ce terme est particulierement employé avec l'épithete faux , pour signifier une conception imparfaite , dans laquelle le placenta & ses dépendances prennent accroissement sans l'embryon, qui, par quelque cause particuliere, n'a jamais joüi de la vie, ou en a été bien-tôt privé; ensorte qu'elle ne subsiste que par une sorte de végétation dans les organes qui viennent d'être mentionnés. Voyez Faux Germe . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Germe de Feve Author=unknown Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Germe de Feve Germe de Feve , ( Manége. ) Voyez Feve, Faux Marqué . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMERSHEIM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERMERSHEIM GERMERSHEIM, ( Géog. ) vicus julius , petite ville d'Allemagne au Palatinat du Rhin, chef-lieu d'un baillage de même nom, sujet à l'électeur palatin. Elle est près du Rhin, à 2 lieues O. de Philisbourg, & 3 S. E. de Landau, Long. 27. 2. lat. 49. 10. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMINATION Author=d'Argenville Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.f. GERMINATION GERMINATION, s. f. ( Econom. rustiq. ) est l'action que fait une graine de sortir de terre, ce qui s'appelle germer . Il est vraissemblable que les principales parties de la germination des plantes sont contenues dans leurs semences: ces parties sont disposées à former des fibres propres à la filtration du suc nourricier qui y passe comme par des filieres ou des moules qui forment ensuite les branches, les feuilles, les fleurs, les fruits, & enfin les semences. On peut développer dans une graine qui germe, les parties similaires & les dissimilaires; on les découvre dans une grosse féve de marais, ou dans une graine de lupin coupée en-travers. Les parties similaires sont la cuticule, le parenchyme, & la racine séminale. Les parties dissimilaires sont la racine, le tronc, les bourgeons, les feuilles, les fleurs & les fruits. Toutes ces parties seront expliquées à leurs noms. Malpighi & Grew sont les auteurs qui ont le mieux parlé de l'anatomie des plantes; leurs découvertes ont détruit plusieurs réflexions de la Quintinie sur l'Agriculture. Si l'on veut suivre Grew ( Anat. des plantes, pag. 19 & suivantes. ) dans la végétation d'une graine, on trouvera qu'étant semée en terre, elle se partage en deux lobes & a trois parties essentielles ou organiques; le corps qui est les lobes mêmes est la premiere; la radicule qui forme la racine de la plante fait la seconde; la troisieme est la plume, qui étant faite comme un petit bouquet de plumes ou de feuilles déjà formées, devient la tige de la plante; elle s'enfle, ensuite elle se remplit d'une humeur qui fermente. Comme il se forme sous la pellicule un corps qui ne peut plus y être contenu, à cause de la substance que la terre lui fournit, la graine est forcée de grossir, de s'ouvrir, de pousser en haut une tige formée par le plus subtil de la séve, & de pousser par-en-bas des racines que produit ce qu'il y a de plus grossier dans la matiere. Ce suc ayant passé par trois peaux dont la cuticule est la troisieme, s'y purifie, s'y fermente, & entre dans le parenchyme, qui est une partie du véritable corps de la graine; il prend ensuite sa derniere qualité dans les branches de la racine séminale, & devient très-propre à faire croître la radicule qui reçoit ce qui lui est nécessaire avant la plume qui pousse la derniere. Cette radicule reçoit ensuite de la terre un nouveau suc plus abondant qui se fermente avec l'autre, repousse peu-à-peu ce suc primitif, & l'oblige à prendre un mouvement contraire à celui qu'il avoit auparavant, & à retourner de la racine vers la plume, qui par ce moyen se nourrit & se déploye peu-à-peu; ce suc nourrit encore les lobes, le parenchyme, & la racine séminale, de maniere que les lobes grossissent & sortent de la terre pour former les feuilles qui garantissent de la chaleur la plume lorsqu'elle est encore jeune, jusqu'à ce qu'elle ait formé une belle tige qui devient boiseuse, & pousse ensuite des bourgeons d'où partent des branches, des feuilles, des fleurs, des fruits, enfin d'autres graines qui en perpétuent l'espece. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERMOIR Author=Diderot Normalized Classification=Brasserie Part of Speech=s.m. GERMOIR * GERMOIR, s. m. ( Brasserie. ) c'est une cave ou sellier humide, dans lequel on met le grain moüillé, en couche pour germer. Voyez Brasserie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERNSHEIM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERNSHEIM GERNSHEIM, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne sur le Rhin, sujette au Landgrave de Darmstadt. Elle est à 4 lieues N. E. de Worms, & à autant S. O. de Darmstadt. Long. 26. 6. lat. 49. 44. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEROESTIES Author=Diderot Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=adject GEROESTIES * GEROESTIES, adj. pris subst. ( Mythol. ) fêtes qui se célebroient au promontoire de Geroeste, dans l'île d'Eubée, en l'honneur de Neptune qui y avoit un temple fameux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉRONDIF Author=unknown Normalized Classification=Grammaire latine Part of Speech=s.m. GÉRONDIF GÉRONDIF, s. m. terme propre à la Grammaire latine . L'essence du verbe consiste à exprimer l'existence d'une modification dans un sujet ( Voyez Verbe ). Quand les besoins de l'énonciation exigent que l'on sépare du verbe la considération du sujet, l'existence de la modification s'exprime alors d'une maniere abstraite & tout-à-fait indépendante du sujet, qui est pourtant toûjours supposé par la nature même de la chose; parce qu'une modification ne peut exister que dans un sujet. Cette maniere d'énoncer l'existence de la modification, est ce que l'on appelle dans le verbe mode infinitif. ( Voyez Mode & Infinitif. Dans cet état, le verbe est une sorte de nom, puisqu'il présente à l'esprit l'idée d'une modification existante, comme étant ou pouvant être le sujet d'autres modifications; & il figure en effet dans le discours comme les noms: de-là ces façons de parler, dormir est un tems perdu; dulce & decorum est pro patriâ mori: dormir , dans la premiere phrase, & mori , dans la seconde, sont des sujets dont on énonce quelque chose. Voyez Nom . Dans les langues qui n'ont point de cas, cette espece de nom paroît sous la même forme dans toutes les occurrences. La langue greque elle-même qui admet les cas dans les autres noms, n'y a point assujetti ses infinitifs; elle exprime les rapports à l'ordre de l'énonciation, ou par l'article qui se met avant l'infinitif au cas exigé par la syntaxe greque, ou par des prépositions conjointement avec le même article. Nous disons en françois avec un nom, le tems de dîner, ner , pour le diner , &c. & avec un verbe, le tems d'aller , pour aller , &c. de même les Grecs disent avec le nom, ὥρα τοῦ ἀρίστου, πρὸς τὸ ἄριστον , & avec le verbe, ὥρα τοῦ πορεύεσθαι, πρὸς τὸ πορεύεσθαι . Les Latins ont pris une route différente; ils ont donné à leurs infinitifs des inflexions analogues aux cas des noms; & comme ils disent avec les noms, tempus prandii, ad prandium , ils disent avec les verbes, tempus eundi, ad eundum . Ce sont ces inflexions de l'infinitif que l'on appelle gérondifs , en latin gerundia , peut-être parce qu'ils tiennent lieu de l'infinitif même, vicem gerunt . Ainsi il paroît que la véritable notion des gérondifs exige qu'on les regarde comme différens cas de l'infinitif même, comme des inflexions particulieres que l'usage de la langue latine a données à l'infinitif, pour exprimer certains points de vûe relatifs à l'ordre de l'énonciation; ce qui produit en même tems de la variété dans le discours, parce qu'on n'est pas forcé de montrer à tout moment la terminaison propre de l'infinitif. On distingue ordinairement trois gérondifs . Le premier a la même inflexion que le génitif des noms de la seconde déclinaison, scribendi: le second est terminé comme le datif ou l'ablatif, scribendo: & le troisieme a la même terminaison que le nominatif ou l'accusatif des noms neutres de cette déclinaison, scribendum . Cette analogie des terminaisons des gérondifs avec les cas des noms, est un premier préjugé en faveur de l'opinion que nous embrassons ici; elle va acquérir un nouveau degré de vraissemblance, par l'examen de l'usage qu'on en fait dans la langue latine. I. Le premier gérondif , celui qui a la terminaison du génitif, fait dans le discours la même fonction, la fonction de déterminer la signification vague d'un nom appellatif, en exprimant le terme d'un rapport dont le nom appellatif énonce l'antécédent: tempus scribendi , rapport du temps à l'événement; facilitas scribendi , rapport de la puissance à l'acte; causa scribendi , rapport de la cause à l'effet. Dans ces trois phrases, scribend détermine la signification des noms tempus, facilitas, causa , comme elle seroit déterminée par le génitif scriptionis , si l'on disoit, tempus scriptionis, facilitas scriptionis, causa scriptionis. Voyez Genitif . Il. Le second gérondif , dont la terminaison est la même que celle du datif ou de l'ablatif, fait les fonctions tantôt de l'un & tantôt de l'autre de ces cas. En premier lieu, ce gérondif fait dans le discours les fonctions du datif. Ainsi Pline, en parlant des différentes especes de papiers, ( lib. XIII. ) dit, emporetica inutilis scribendo , ce qui est la même chose que inutilis scriptioni , au moins quant à la construction: pareillement comme on dit, alicui rei operam dare , Plaute dit ( Epidic. act. jv. ), Epidicum quaerendo operam dabo . En second lieu, ce même gérondif est fréquemment employé comme ablatif dans les meilleurs auteurs. 1°. On le trouve souvent joint à une préposition dont il est le complement: In quo isti nos jureconsulti impediunt, à discendoque deterrent . (Cic. de orat. l. II. ) Tu quid cogites de transeundo in Epirum scire sanè velim , (id. ad Attic. lib. IX. ) Sed ratio rectè scribendi juncta cum loquendo est , (Quintil. lib. I. ) Heu senex, pro vapulando, herclè ego abs te mercedem petam! (Plaut. aulul. Act. iij. ) On voit dans tous ces exemples le gérondif servir de complément aux prépositions à, de, cum , & pro; à discendo , comme à studio; de transeundo , comme de transitu; cum loquendo , de même que cum locutione; pro vapulando , de même que pro verberibus . 2°. On trouve ce gérondif employé comme ablatif, à cause d'une préposition sous-entendue dont il est le complément. On lit dans Quintilien ( lib. xi. ), memoria excolendo augetur; c'est la même chose que s'il avoit dit, memoria culturâ augetur . Or il est évident que la construction pleine exige que l'on supplée la préposition à; memoria augetur à culturâ: on doit donc dire aussi, augetur ab excolendo . 3°. Enfin ce gérondif est employé aussi comme ablatif absolu, c'est-à-dire sans être dans la dépendance d'aucune préposition ni exprimée ni sous-entendue. Ceci mérite une attention particuliere, parce que plusieurs grammairiens célebres prétendent que tout ablatif suppose toûjours une préposition: M. du Marsais lui-même a défendu cette opinion dans l' Encyclopédie ( voyez Ablatif absolu ): mais nous osons avancer que c'est une erreur daus laquelle il n'est tombé que pour avoir perdu de vûe ses propres principes & les principes les plus certains. Ce philosophe dit d'une part, que les cas sont les signes des rapports, & indiquent l'ordre successif par lequel seul les mots font un sens; que les cas n'indiquent le sens que relativement à cet ordre; & que c'est pour cela qu'il n'y a point de cas dans les langues dont la syntaxe suit cet ordre, ou ne s'en écarte que par des inversions légeres que l'esprit apperçoit & rétablit aisément. Voyez Cas . Il dit ailleurs, que ce n'est que par un usage arbitraire, que l'on donne au nom déterminant d'une préposition, la terminaison de l'accusatif, ou bien du génitif comme en grec; parce qu'au fond ce n'est que la valeur du nom qui détermine le sens appellatif de la préposition; mais que l'usage de la langue latine & de la greque donnant aux noms différentes terminaisons, il falloit bien qu'ils en prissent une à la suite de la préposition, & que l'usage a consacré arbitrairement l'une après telles prépositions & une autre après telles autres. Voyez Accusatif . Cette doctrine est vraie & avouée de tout le monde: mais appliquons-la. La principale conséquence que nous devons en tirer, c'est qu'aucun cas n'a été institué pour servir de complément aux prépositions, parce que les cas & les prépositions expriment également des points de vûe, des rapports relatifs à l'ordre de l'énonciation, & qu'il y auroit un double emploi dans l'institution des cas uniquement destinés aux prépositions. D'ailleurs si l'on s'étoit avisé de destiner un cas à cet usage particulier, il semble qu'il y auroit eu quelque inconséquence à en employer d'autres dans les mêmes circonstances; & l'on sait qu'il y a en latin un bien plus grand nombre de prépositions dont le complément se met à l'accusatif, qu'il n'y en a qui régissent l'ablatif. On doit donc dire de la terminaison de l'ablatif à la suite d'une préposition, ce que M. du Marsais a dit de celle de l'accusatif en pareille occurrence; que c'est pour obéir à un usage arbitraire, puisqu'on n'a besoin alors que de la valeur du mot; & que cette terminaison spécialement propre à la langue latine, a une destination originelle, analogue à celle des autres cas, & également indépendante des prépositions. Essayons d'en faire la recherche. On trouve quelquefois dans une période, des énonciations, des propositions partielles, qui n'ont souvent avec la principale qu'un rapport de tems; & c'est communément un rapport de co-existence ou un rapport de pré-existence. Par exemple; tandis que César Auguste régnoit, J. C. prit naissance: voilà deux propositions, César Auguste régnoit , & J. C. prit naissance; il y a entre les deux faits qu'elles énoncent, un rapport de co-existence indiqué par tandis que , qui des deux propositions n'en fait qu'une seule. Autre exemple: quand les tems furent accomplis, Jesus-Christ prit naissance; il y a encore ici deux propositions, les tems furent accomplis , & Jesus-Christ prit naissance; la premiere a à la seconde un rapport de pré-existence qui est désigné par quand , & qui est le seul lien de ces deux énonciations partielles. On voit que ce rapport de l'énonciation circonstancielle à la proposition principale, peut s'exprimer par le secours des conjonctions périodiques; mais leur emploi trop fréquent ne peut être que monotone: la monotonie augmente par la ressemblance des tours de la phrase circonstancielle & de la principale. Cette ressemblance d'ailleurs, en multipliant les propositions sous des formes pareilles, partage l'attention de l'esprit & le fatigue: enfin cette circonlocution ne peut qu'énerver le style & le faire languir. L'image de la pensée ne sauroit trop se rapprocher de l'unité indivisible de la pensée même; & l'esprit voudroit qu'un mot tout-au-plus fût employé à l'expression de l'idée unique d'une circonstance. Mais si une langue n'est pas assez riche pour fournir à tout ce qu'exigeroit une si grande précision, elle doit du-moins y tendre par tous les moyens que son génie peut lui suggérer; & elle y tend en effet, indépendamment même de toute réflexion préalable: c'est vraissemblement l'origine de l'ablatif latin. Au lieu d'exprimer la conjonction périodique, & de mettre à un mode fini le verbe de la phrase circonstancielle, on employa le participe, mode essentiellement conjonctif, & propre en conséquence à faire disparoître la conjonction ( Voyez Participe ). Mais comme il a avec la nature du verbe la nature & la forme du simple adjectif, il ne peut qu'être en concordance de genre, de nombre, & de cas avec son sujet. Le sujet lui-même doit pourtant paroître sous quelque terminaison: au nominatif, on pourra le prendre pour le sujet de la proposition principale; au génitif, il passera pour le déterminatif de quelque nom; au datif, à l'accusatif, il donnera lieu à de pareilles méprises. Cependant le sujet de l'énonciation circonstancielle n'a réellement avec les mots de la proposition principale, aucun des rapports grammaticaux indiqués par les cas qui sont communs à la langue latine & à la langue greque. Il ne restoit donc qu'à instituer un cas particulier qui indiquât que le nom qui en seroit revêtu, n'a avec la proposition principale aucune relation grammaticale, quoique sujet d'une énonciation liée par un rapport de tems à cette phrase principale. C'est justement l' ablatif , dont l'étymologie semble s'accorder parfaitement avec cette destination: ablatif , d' ablatum , supin d' auferre , (ôter, enlever); ablatif qui sert à ôter, à enlever, comme nominatif , qui sert à nommer, datif , qui sert à donner; c'est la signification commune à tous les termes scientifiques terminés en françois par if , & en latin par ivus . Cette terminaison pourroit bien avoir quelque liaison avec juvare , (aider, servir à). En effet l'ablatif, avec la destination que nous lui donnons ici, sert à enlever à la proposition principale un nom qu'on pourroit croire lui appartenir, s'il paroissoit sous une autre forme, & qui ne lui appartient pas effectivement, puisqu'il est le sujet d'une phrase circonstancielle qui n'a avec elle qu'un rapport de tems. Si l'on n'avoit employé ce cas qu'à sa destination primitive, on ne le connoîtroit que sous le nom d' ablatif; mais l'usage arbitraire de la langue latine l'ayant attaché accidentellement au service de quelques prépositions, quand on l'a trouvé employé à son usage naturel, & conséquemment sans préposition, on l'a appellé absolu , pour indiquer qu'il y est dégagé de tous les liens que la syntaxe peut imposer aux parties intégrantes de la proposition principale. Vouloir donc regarder tout ablatif comme le complément d'une préposition, c'est aller, ce semble, contre l'esprit de son institution & contre le génie de la langue latine; c'est s'exposer souvent à des difficultés très-grandes, ou à des commentaires ridicules, parce que l'on court après ce qui n'existe pas; c'est vouloir enfin accommoder cette langue à son système particulier, au lieu de construire son système d'après les principes usuels de cette langue. En effet, c'est tellement pour la fin que nous indiquons, que l'ablatif a été d'abord institué, que quoique la phrase circonstancielle ait le même sujet que la principale, on trouve fréquemment dans les auteurs qu'il est mis à l'ablatif dans l'une, & au nominatif dans l'autre, contre la décision commune des méthodistes. C'est ainsi que Cicéron a dit: nobis vigilantibus, erimus profectò liberi . C'est pour la même fin & dans le même sens que le gérondif en do est quelquefois employé comme ablatif absolu. Ainsi lorsque Virgile a dit ( AEn. II. ): quis, talia fando, temperet à lachrymis; c'est comme s'il avoit dit, quis, se aut alio quovis talia fante, temperet à lachrymis? ou en employant la conjonction périodique, quis, dùm ipse aut alius quivis talia fatur, temperet à lachrymis? Pareillement, lorsque Cicéron a dit, nobis vigilantibus, erimus profectò liberi , il auroit pû dire par le gérondif, vigilando , ou par la conjonction, dum vigilabimus . Le choix raisonné entre ces expressions qui paroissent équivalentes, porte vraissemblablement sur des distinctions très-délicates: nous allons risquer nos conjectures. Virgile a dit, quis talia fando , par un tour qui n'assigne aucun sujet détermine au verbe fari , parce qu'il est indifférent par qui se fasse le récit; celui qui le fait & ceux qui l'écoutent, doivent également en être touchés jusqu'aux larmes: une traduction fidele doit conserver ce sens vague; qui pourroit, au récit de tels malheurs , &c. Cicéron au contraire a dit, nobis vigilantibus , en assignant le sujet, parce que ce sont ceux-mêmes qui veulent être libres, qui doivent être vigilans; & l'orateur a voulu le faire sentir. III. Le troisieme gérondif qui est terminé en dum , est quelquefois au nominatif & quelquefois à l'accusatif. 1°. Il est employé au nominatif dans ce vers de Lucrece, ( lib. I. ) AEternas quoniam poenas in morte timendum . dans ce passage de Cicéron, ( de senect. ) Tanquam aliquam viam longam confeceris, quam nobis quoque ingrediendum sit: dans cet autre du même auteur, ( lib. VII. epist. 7. ) Discessi ab eo bello, in quo aut in aliquas insidias incidendum, aut deveniendum in victoris manus, aut ad Jubam confugiendum: enfin dans ce texte de Tite-Live, ( lib. XXXV. ) Boii nocte saltum, quà transeundum erat Romanis, insederunt: & dans celui-ci de Plaute, ( Epidic. ) aliqua consilia reperiundum est . 2°. Il est employé à l'accusatif dans mille occasions. Conclamatum propè ab universo senatu est, perdomandum feroces animos esse , (Tite-Live, liv. XXXVII. ) Legati responsa ferunt, alia arma Latinis Quaerenda, aut pacem trojano ab rege petendum . (Virgile, AEn. XI. ) Cùm oculis ad cernendum non egeremus , (Cic. de naturâ deorum. ) Et inter agendum, occursare capro, cornu ferit ille, caveto; (Virg. eclog. jx. ) Namque antè domandum ingentes tollent animos , (id. Georg. III. ) Nous croyons donc avoir suffisamment démontré que les gérondifs sont des cas de la seconde déclinaison. Nous avons ajoûté que ce sont des cas de l'infinitif, & ce second point n'est pas plus douteux que le premier. Nous avons remarqué dès le commencement, que les points de vûe énoncés en latin par les gérondifs , le sont en grec & en françois par l'infinitif même, sans changement à la terminaison; c'est même le procédé commun de presque toutes les langues. Cette premiere observation suffiroit peut-être pour établir notre doctrine sur la nature des gérondifs; mais l'usage même de la langue latine en fournit des preuves sans nombre dans mille exemples, où l'infinitif est employé pour les mêmes fins & dans les mêmes circonstances que les gérondifs . On lit dans Plaute ( Menech. ), dum datur mihi occasio tempusque abire , pour abeundi; dans Cicéron, tempus est nolis de illa vita agere , pour agendi; dans Cesar, consilium coepit omnem à se equitarum dimittere , pour dimittendi; & chez tous les meilleurs écrivains on trouve fréquemment l'infinitif pour le premier gérondif . Il n'est pas moins usité pour le troisieme: c'est ainsi que Virgile a écrit ( AEn. j. ): Non nos aut ferro Libycos populare penates Venimus, aut raptas ad littora vertere praedas , où l'on voit populare & vertere , pour ad populandum & ad vertendum . De même Horace dit ( od. j. 3. ) audax omnia perpeti , pour ad perpetiendum; & ( ep. j. 20. ), irasci celerem , pour ad irascendum . Il est plus rare de trouver l'infinitif pour le second gérondif; mais on le trouve cependant, & le voici dans un vers de Virgile ( ecl. vij. ), où deux infinitifs différens sont mis pour deux gérondifs: Et cantare pares, & respondere parati; ce qui, de l'aveu de tous les Commentateurs, signifie, & in cantando pares, & ad respondendum parati . Nous concluons donc que les gérondifs ne sont effectivement que les cas de l'infinitif, & qu'ils ont, comme l'infinitif, la nature du verbe & celle du nom. Ils ont la nature du verbe, puisque l'infinitif leur est synonyme, & que, comme tout verbe, ils expriment l'existence d'une modification dans un sujet; & c'est par conséquent avec raison que, dans le besoin, ils prennent le même régime que le verbe d'où ils derivent. Ils ont aussi la nature du nom, & c'est pour cela que les Latins leur ont donné les terminaisons affectées aux noms, parce qu'ils se construisent dans le discours comme les noms, & qu'ils y font les mêmes fonctions. C'est pour cela aussi que le régime du premier gérondif est souvent le génitif, comme dans ces phrases: aliquod fuit principium generandi animalium (Varr. lib. II. de R. R. 1. ); fuit exemplorum legendi potestas (Cic.); vestri adhortandi causa (Tit. Liv. lib. XXI. ); generandi animalium , comme generationis animalium; exemplorum legendi , comme lectionis exemplorum; vestri adhortandi , comme adhortationis vestri . Les Grammairiens trouvent de grandes difficultés sur la nature & l'emploi des gérondifs . La plûpart prétendent qu'ils ne sont que le futur du participe passif en correlation avec un mot supprimé par ellipse. Cette ellipse, on la supplée comme on peut; mais c'est toûjours par un mot qu'on n'a jamais vû exprimé en pareilles circonstances, & qu'on ne peut introduire dans le discours, sans y introduire en même tems l'obscurité & l'absurdité. Les uns sous-entendent l'infinitif actif du même verbe, pour être comme le sujet du gérondif: Sanctius, Scioppius & Vossius sont de cet avis; &, selon eux, c'est cet infinitif sous-entendu qui régit l'accusatif, quand on le trouve avec le gérondif: ainsi, petendum est pacem à rege , signifie dans leur système, petere pacem à rege est petendum; petere pacem à rege , c'est le sujet de la proposition, petendum en est l'attribut: tempus petendi pacem , c'est tempus petere pacem petendi; petere pacem est comme un nom unique au génitif, lequel détermine tempus; petendi est un adjectif en concordance avec ce génitif. Les autres sous-entendent le nom negotium , & voici comme ils commentent les mêmes expressions: petendum est pacem à rege , c'est-à-dire, negotium petendum à rege est circà pacem; tempus petendi pacem , c'est-à-dire, tempus negotii petendi circà pacem . Nous l'avons déjà dit, on n'a point d'exemples dans les auteurs latins, qui autorisent la prétendue ellipse que l'on trouve ici; & c'est cependant la loi que l'on doit suivre en pareil cas, de ne jamais supposer de mot sous-entendu dans des phrases où ces mots n'ont jamais été exprimés: cette loi est bien plus pressante encore, si on ne peut y déroger sans donner à la construction pleine un tour obscur & forcé. C'est sans doute la forme matérielle des gérondifs qui aura occasionné l'erreur & les embarras dont il est ici question: ils paroissent tenir de près à la forme du futur du participe passif, & d'ailleurs on se sert des uns & des autres dans les mêmes occurrences, à quelque changement près dans la syntaxe; on dit également, tempus est scribendi epistolam , & scribendae epistolae; on dit de même scribendo epistolam , ou in scribendâ epistolâ; & enfin ad scribendum epistolam , ou ad scribendam epistolam; scribendum est epistolam , ou scribenda est epistola: ce sont probablement ces expressions qui auront fait croire que les gérondifs ne sont que ce participe employé selon les regles d'une syntaxe particuliere. Mais en premier lieu, on doit voir que la même syntaxe n'est pas observée dans ces deux manieres d'exprimer la même phrase; ce qui doit faire au moins soupçonner que les deux mots verbaux n'y sont pas exactement de même nature, & n'expriment pas précisément les mêmes points de vûe. En second lieu ce n'est jamais par le matériel des mots qu'il faut juger du sens que l'usage y a attaché, c'est par l'emploi qu'en ont fait les meilleurs auteurs. Or dans tous les passages que nous avons cités dans le cours de cet article, nous avons vû que les gérondifs tiennent très-souvent lieu de l'infinitif actif. En conséquence nous concluons qu'ils ont le sens actif, & qu'ils doivent y être ramenés dans les phrases où l'on s'est imaginé voir le sens passif. Cette interprétation est toûjours possible, parce que les verbes au gérondif n'étant déterminés en eux-mêmes par aucun sujet, on peut autant les déterminer par le sujet qui produit l'action, que par celui qui en reçoit l'effet: de plus cette interprétation est indispensable pour suivre les erremens indiqués par l'usage; on trouve les gérondifs remplacés par l'infinitif actif; on les trouve avec le régime de l'actif, & nulle part on ne les a vûs avec le régime du passif; cela paroît décider leur véritable état. D'ailleurs les verbes absolus, qu'on nomme communément verbes neutres , ne peuvent jamais avoir le sens passif, & cependant ils ont des gérondifs; dormiendi, dormiendo, dormiendum . Les gérondifs ne sont donc pas des participes passifs, & n'en sont point formés; comme eux, ils viennent immédiatement de l'infinitif actif, ou pour mieux dire, ils ne sont que cet infinitif même sous différentes terminaisons relatives à l'ordre de l'énonciation. Ceux qui suppléent le nom général negotium , en regardant le gérondif comme adjectif ou comme participe, tombent donc dans une erreur avérée; & ceux qui suppléent l'infinitif même, ajoûtent à cette erreur un véritable pléonasme: ni les uns ni les autres n'expliquent d'une maniere satisfaisante ce qui concerne les gérondifs . Le grammairien philosophe doit constater la nature des mots, par l'analyse raisonnée de leurs usages. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERONTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=NA GÉRONTE GÉRONTE, ( Hist. anc. ) membre du sénat de Lacédémone. Le sénat de Sparte se nommoit Gerusia , & étoit composé de vingt-huit sénateurs qu'ils appelloient gérontes . Lycurgue créa vingt-huit géronces; ils ne pouvoient être reçûs dans ce corps qu'à l'âge de soixante ans, & qu'ils n'eussent donné toute leur vie des preuves insignes de leur probité. Isocrate compare leur prudence, leur gravité, & leurs fonctions, à celles des Aréopagistes. Voyez Aréopage . Platon dit qu'ils étoient les modérateurs de l'autorité royale; mais Polybe définit leur pouvoir en trois mots, quand il dit, per ipsos, & cum ipsis, omnia administrari . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉRONTHRÉES Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=s.f.pl. GÉRONTHRÉES GÉRONTHRÉES, s. f. pl. ( Littérat. ) fêtes greques qui se célébroient tous les ans dans une des îles Sporades en l'honneur de Mars, par les Géronthréens, chez lesquels ce dieu par extraordinaire, avoit un temple celebre, où il n'étoit permis à aucune femme d'entrer pendant la solennité. Pausanias in Lacon . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEROUIN Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GEROUIN * GEROUIN, s. m. ( Comm. ) espece de quintal dont on se sert au Caire pour évaluer le poids des marchandises d'un grand volume. Le gerouin est le plus lourd de tous les quintaux. Il est de deux cents dix-sept rotalis du Caire, dont les cent dix en font cent huit de Marseille. Voyez Quintal . Dict. du Commerce & de Trévoux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERSAU Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GERSAU GERSAU, s. m. ( Marine. ) c'est la corde dont le moule de la poulie est entouré, & qui sert à l'amarrer au lieu où elle doit être placée. Voyez Etrope . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERSAW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERSAW GERSAW, ( Géog. ) bourg de Suisse, près du lac de Lucerne, entre ce canton & celui de Schwitz. C'est une espece de petite république souveraine, qui ne dépend de personne depuis un tems immémorial, privilége trop singulier pour ne pas mériter qu'on transcrive ici le nom du lieu qui est assez heureux pour en joüir. Long. 26. 2. lat. 47. 6. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERSURE Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. GERSURE * GERSURE, s. f. ( Gramm. ) il se dit en Architecture des fentes ou crevasses qui se font dans le plâtre, lorsqu'il a été noyé ou gâché avec trop d'eau; & en Chirurgie , des ouvertures que le froid & d'autres causes occasionnent à la peau, sur-tout aux endroits où elle est délicate, comme au bord des levres. On l'employe aussi en Agriculture; la sécheresse gerse quelquefois la terre; il y a des arbres, des plantes qui se gersent . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERTRUIDENBERG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GERTRUIDENBERG GERTRUIDENBERG, Gertrudenberga , ( Géog. ) ancienne & forte ville des pays-bas, au Brabant hollandois, un des principaux boulevards de la Hollande. Les confédérés la prirent en 1573 sur les Espagnols; le Prince de Parme la reprit en 1589; mais le prince Maurice s'en rendit maître en 1593, & depuis ce tems, elle appartient aux Hollandois. Son nom signifie le mont Saint-Gertrude; on pêche aux environs de la côte une quantité étonnante de saumons, d'esturgeons & d'aloses, & Gertruidenberg jouit du droit d'étape pour tous ces poissons. Elle est sur la riviere de Dungen, qui tombe dans le Bies-Bosch, à 4 lieues N. E. de Breda, 5 S. E. de Dordrecht, 3 S. O. de Gorcum. Long. 22 d . 24'. lat. 51. 44. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GERYON Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.m. GERYON GERYON, s. m. ( Mythologie. ) il est fameux dans la Fable; c'étoit le plus fort de tous les hommes, dit Hésiode, v. 98. Il avoit trois têtes, τρικάρηνον , & trois corps, à ce que prétend Virgile après Euripide: . . . . . . . Et forma tricorporis umbrae . On ne convient pas trop du lieu où il faisoit sa demeure; selon quelques-uns c'étoit en Grece; selon le plus grand nombre, en Espagne; selon d'autres auteurs, dans les iles de Majorque, de Minorque, & d'Ivice: mais selon Hésiode, le plus ancien des écrivains qui ait parlé de Géryon , c'étoit dans l'île d'Enrythie, qu'on appelloit aussi l'île de Gades , aujourd'hui l'île de Cadix. Quoi qu'il en soit, il avoit de nombreux troupeaux gardés par un pâtre appellé Eurythion , & par le chien Orthus, frere de Cerbere, qui par cette raison aura son article dans l' Encyclopédie . Hercule, pour obéir aux ordres d'Eurysthée, passa dans les états de Géryon , tua le chien, le pâtre, & le maître, & emmena les troupeaux à Tirynthe. Plusieurs auteurs prétendent que ce qui a donné lieu aux Poetes d'attribuer trois corps & trois têtes à Géryon , vient de ce que ses états étoient composés de trois provinces & de trois îles; d'autres croyent que ces trois têtes étoient trois vaillans amis qui lui étoient également attachés, & qui s'opposerent à Hercule; d'autres enfin nous disent que c'est parce que Géryon étoit l'ainé de deux freres & que tous trois étoient si unis entre eux, qu'ils sembloient n'avoir qu'une ame, mais qui, malgré leur union, surent tous trois défaits par Hercule. Si l'on souhaite en savoir davantage sur Géryon , que l'on consulte Hésiode dans sa théogonie , & l'on apprendra que ce roi monstrueux eut pour pere Chrysaor, & pour ayeule la tête de Méduse: voici comme ce poëte conte la chose. Aptès que Persée eut coupé la tête de la Gorgone, il fut tout surpris d'en voir éclorre un géant armé d'une épée, qu'on appella par cette raison Chrysaor , & un cheval aîlé qui fut Pégase. Or dans la suite Chrysaor devint sensible aux charmes de Callirrhoë, fille de l'Océan; & de cet amour naquit Géryon . Il résulte de-là que Géryon étoit petit-fils de la tête de Méduse, fils de Chrysaor, & neveu de Pégase. Cette généalogie ouvre un beau champ aux conjectures de ceux qui sont persuadés que les anciens poëtes ont entendu finesse à tout, & que sous leurs fictions les plus absurdes ils ont caché d'importantes vérités: en tout cas, ils les ont si bien cachées, que les plus habiles mythologues ne les découvriront jamais. Je n'ajoûte plus qu'un mot historique. Il y avoit autrefois en Italie près de Padoue un oracle de Géryon , dont parle Suétone dans la vie de Tibere; cet empereur le consulta en allant en Illyrie, & Cluvier en conclud que Géryon avoit aussi un temple dans ce lieu-là, par la raison qu'il n'y avoit point d'oracle de quelqu'un sans un temple en son honneur. On peut consulter l' Ital. antiq. de ce savant, lib. II. cap. xviij. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESNERA Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GESNERA GESNERA, s. f. ( Hist. nat. bot. ) genre de plante dont le nom a été dérivé de celui de Conrad Gesner, fameux naturaliste. La fleur des plantes de ce genre est monopétale, faite en forme de masque & irréguliere: il s'éleve du fond du calice un pistil qui tient comme un clou à la partie postérieure de la fleur. Le calice devient dans la suite un fruit membraneux, couronné, divisé en deux loges, & rempli de petites semences. Plumier, nova plantar. americ. gen. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESOLE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GESOLE GESOLE, ( Marine. ) Voyez Habitacle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESSATE, ou GELATE Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GESSATE, ou GELATE * GESSATE, ou GELATE, s. m. ( Hist. anc. ) c'est ainsi qu'on appelloit chez les Gaulois des hommes braves qui se loüoient à l'étranger, en qualité de gens d'armes, quand leur pays étoit en paix. Ils étoient nommés gessates , du long dard qu'ils portoient, & qu'on appelloit gissum . Il y a plusieurs autres sentimens sur les gessates; mais celui-ci est presque le seul vraissemblable. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESSE Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GESSE GESSE, s. f. lathyrus , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur légumineuse, dont le pistil est entouré d'une enveloppe membraneuse; il sort du calice & il devient une silique cylindrique dans certaines especes & plate dans d'autres: cette silique renferme des semences cylindriques ou anguleuses. Les tiges de la plante sont applaties & ont une côte longitudinale relevée & feuilletée. Les feuilles naissent deux à deux sur un pédicule terminé par une main. Tourneforte, inst. rei herb. & élémens de Botanique. Voyez Flante . ( I ) Les Botanistes comptent plusieurs especes de gesse , dont nous ne décrirons ici que la commune cultivée par-tout; lathyrus sativus , C. Bauh. Ses racines sont fibreuses; ses tiges sont branchues, applaties ou un peu anguleuses, hautes d'environ six pouces, garnies de feuilles longues, étroites, d'un verd pâle & posées deux à deux au bout d'une côte que termine une vrille ou main, par le moyen de laquelle la plante s'accroche aux corps voisins. Ses fleurs qui sont blanchâtres & tachées au milieu d'une couleur de pourpre brun, donnent des gousses composées de deux cosses qui renferment des semences anguleuses & blanchâtres qu'on mange, & qu'on nomme en françois gesses au pluriel. Cette plante fleurit au mois de Juin, & produit des graines mûres en Juillet & Août. On cultive dans des jardins de curieux diverses especes de gesse , qu'on multiplie de graine ou de racine, & qu'on soûtient avec des rames. Elles sont très-propres à être plantées contre des haies mortes, qu'elles couvriront, si l'on veut, dans un été, donneront quantité de fleurs, & subsisteront plusieurs années; de plus, elles viennent dans toutes sortes de terreins & d'expositions. La petite gesse à grande fleur, lathyrus minor flore majore , Boerh. ind. orne un jardin, parce qu'elle ne s'éleve pas au-dessus de cinq piés, & qu'elle produit des bouquets de larges fleurs & d'un beau rouge foncé. Mais la gesse , que les Anglois appellent the sweetscenter peas , mérite le plus d'être cultivée à cause de la beauté & de l'agréable odeur de ses larges fleurs pourpres. La vraie méthode pour bonnifier toutes les variétés de gesse , est de les semer au mois d'Août près d'un mur ou d'une haie exposée au midi: alors les gesses poussent en automne, subsistent en hyver, commencent à fleurir en Mai, & continuent jusqu'à la fin de Juin. Ces sortes de plantes d'automne sont bien supérieures à celles qui sont semées au printems; elles produisent dix fois plus de fleurs & d'excellentes graines qui ne trompent point nos espérances. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gesse Author=Venel Normalized Classification=Diète Part of Speech=NA Gesse Gesse , ( Diete. ) on mange les semences de cotte plante, comme les pois, les féves, & les autres légumes; les gens de la campagne mangent fort communément celui-ci dans les provinces méridionales du royaume, où on le cultive dans les champs: c'est un aliment plus grossier que les pois, les petites féves, &c. d'ailleurs on ne lui connoît que les propriétés génériques des légumes. Voyez Légume . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESSORIACUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GESSORIACUM GESSORIACUM , ( Géog. anc. ) le Gessoriacum de Suétone & de Ptolomée, ce fameux port des Romains d'où se faisoit le passage des Gaules dans la Grande-Bretagne; ce port décoré d'un phare magnifique bâti par Caligula, étoit Boulogne-sur-mer; on n'en peut pas douter par l'ancienne carte de Peutinger, qui dit Gessoriacum quod nunc Bononia . Ce port étoit dans le pays des Morins; & depuis Jules-César jusqu'au tems des derniers empereurs, tous ceux que l'Histoire dit avoir passé des Gaules dans la Grande-Bretagne, se sont embarqués à Gessoriacum , c'est-à-dire à Boulogne. Voyez la Martiniere, & les mémoires de l'acad des Inscrip. tom. IX. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESTATION Author=Jaucourt Normalized Classification=Gymnastique médicinale Part of Speech=s.f. GESTATION GESTATION, s. f. gestatio , ( Gymn. medic. ) sorte d'exercice d'usage chez les Romains pour le rétablissement de la santé; il consistoit à se faire porter en litiere, en chaise, ou à se faire traîner rapidement, soit dans un charriot, soit dans un bateau sur l'eau, afin de donner au corps du mouvement & de la secousse. Celse vante beaucoup les avantages de cet exercice pour la guérison des maladies chroniques; longis , dit-il, & jam inclinatis morbis aptissima est gestatio, lib. II. cap. xjv. c'est Asclépiade qui mit le premier en pratique les frictions & la gestation; AEtius l'appelle αἰώρα , & en a fait un petit traité dans son tetrab. 1. serm. 3. cap. vj. consultez le, il est méthodique & de bon sens. Nos medecins modernes recommandent aussi la gestation dans des voitures un peu rudes, & non pas dans celles qui mollement suspendues indiquent des Sybarites dans une nation guerriere: toute gestation où l'on se sent à peine mouvoir, ne peut produire aucun effet. La promenade à pié, qu'il ne faut pas confondre avec la gestation , s'appelloit à Rome ambulatio; & la plûpart des grands la préféroient à la gestation sur la fin de la république: constituimus inter nos , dit Cicéron, ut ambulationem pomeridianam conficeremus in academiâ; « Nous convinmes de faire notre promenade d'après diner » dans les allées solitaires de l'académie. Voyez donc Promenade . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESTE Author=Cahusac Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GESTE GESTE, s. m. mouvement extérieur du corps & du visage; une des premieres expressions du sentiment données à l'homme par la nature. V. Chant , Voix , Danse , Déclamation . L'homme a senti, dès qu'il a respiré; & les sons de la voix, les mouvemens divers du visage & du corps, ont été les expressions de ce qu'il a senti; ils furent la langue primitive de l'univers au berceau; ils le sont encore de tous les hommes dans leur enfance; le geste est & sera toûjours le langage de toutes les nations: on l'entend dans tous les climats; la nature, à quelques modifications près, fut & sera toûjours la même. Les sons ont fait naître le chant, & sont par conséquent la cause premiere de toutes les especes de Musique possibles. Voyez Chant , Musique . Les gestes ont été de la même maniere la source primitive de ce que les anciens & nous avons appellé danse . Voyez l'article suivant . Pour parler du geste d'une maniere utile aux Arts, il est nécessaire de le considérer dans ses points de vûe différens. Mais de quelque maniere qu'on l'envisage, il est indispensable de le voir toûjours comme expression: c'est-là sa fonction primitive; & c'est par cette attribution, établie par les lois de la nature, qu'il embellit l'art dont il est le tout, & celui auquel il s'unit, pour en devenir une principale partie. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Geste Author=Cahusac Normalized Classification=Danse Part of Speech=NA Geste Geste , ( Danse. ) la Danse est l'art des gestes; on a expliqué à cet article dans les volumes précédens l'objet & l'origine de cet art. Voyez Danse . Il ne reste ici qu'une observation à faire pour aider ses progrès, & pour employer utilement les moyens qu'elle a sous sa main, & que cependant elle laisse oisifs depuis qu'elle existe. Cette observation sera peu du goût de nos artistes; ils sont dans une routine contraire; & la routine est en général la boussole des artistes modernes qui ont acquis quelque réputation dans la danse du théatre. Observer, réfléchir, lire, leur paroissent des distractions nuisibles aux mouvemens du corps, où ils se livrent par préférence; leurs bras, leurs positions croissent en agrément, & l'art reste sans progrès. C'est donc à l'amour de l'art à ne se point rebuter contre une ancienne obstination qui lui est très-nuisible. Le moment viendra peut-être où l'esprit de réflexion entrera en quelque société avec la facture méchanique des sauts & des pas. En attendant, la vérité se trouvera écrite. Il est certain que les mouvemens extérieurs du visage sont les gestes les plus expressifs de l'homme: pourquoi donc tous les danseurs se privent-ils sur nos théatres de l'avantage que leur procureroit cette expression supérieure à toutes les autres? Les Grecs & les Romains avoient une raison très-puissante pour s'aider du secours du masque, non-seulement dans la Danse, mais encore dans la déclamation chantée de leurs représentations tragiques & comiques. Les places immenses où s'assembloient les spectateurs, formoient de si grands éloignemens, qu'on n'auroit entendu la voix ni distingué aucun des traits du visage, si on n'avoit eu recours à l'invention des masques qu'on changeoit dans la même représentation, selon les divers besoins de l'action théatrale. Le masque ne leur fit rien perdre, & il leur procura les deux avantages dont l'éloignement les auroit privés. Nous sommes dans la situation contraire: le masque nous nuit toûjours, & n'est utile presque jamais. 1°. Malgré l'habitude qu'on a prise de s'en servir, il est impossible qu'il ne gêne pas la respiration; 2°. il diminue par conséquent les forces; & c'est un inconvénient considérable dans un pareil exercice, que la gêne & l'affoiblissement. En considérant que le masque, quelque bien dessiné & peint qu'on puisse le faire, est toûjours inférieur à la teinte de la nature, ne peut avoir aucun mouvement, & ne peut être jamais que ce qu'il a paru d'abord; peut-on se refuser à l'abolition d'un abus si nuisible à la Danse? L'habitude dans les Arts doit-elle toûjours prévaloir sur les moyens sûrs d'un embellissement qu'on perd par indolence? quel honneur peut-on trouver à imiter servilement la conduite & la maniere des danseurs qui ont précédé? ne se convaincra-t-on jamais que tout leur savoir ne consistoit qu'en quelques traditions tyranniques que le talent véritable dédaigne, & que la médiocrité seule regarde comme des lois? Les danseurs qui méritent qu'on leur réponde, m'ont opposé 1°. que la danse vive demande quelquefois des efforts qui influent d'une maniere desagréable sur le visage du danseur; 2°. que n'étant pas dans l'usage de danser à visage découvert, on n'a point pris d'enfance, comme les femmes, le soin d'en ajuster les traits avec les graces qu'elles ont naturellement, & que leur adresse sait proportionner aux différentes entrées de danse qu'elles exécutent. Ces deux raisons ne sont que des prétextes; les graces du visage sont en proportion du sentiment; & l'expression marquée par les mouvemens de ses traits, sont les graces les plus desirables pour un homme de théatre. On convient qu'il y a quelques caracteres qui exigent le masque; mais ils sont en petit nombre; & ce n'est pas à cause des efforts prétendus qu'il faut faire pour les bien danser, que le masque devient nécessaire, mais seulement parce qu'un visage humain y seroit un contre-sens ridicule. Tels sont les vents, les satyres, les démons: tous les autres sont ou nobles ou tendres ou gais; ils gagneroient tous à l'expression que leur prêteroient les traits du visage. Au surplus, l'art des Laval & des Marcel, qui ont senti l'un & l'autre ce que la Danse devoit être, est un aide sûr pour la belle nature; le geste qu'elle anime trouve dans leurs pratiques mille moyens de s'embellir; ils ont étudié les ressorts secrets de la nature humaine; ils en connoissent les forces, les possibilités, la liaison. Les routes que peut leur indiquer une pareille connoissance, sont plus que suffisantes pour rendre les différens mouvemens du corps, flexibles, rapides, brillans & moëlleux. C'est sous de tels maîtres que la danse françoise peut acquérir cette expression enchanteresse qui lui donne, sans parler, autant de charmes qu'en étalent la bonne poésie & l'excellente musique. Les pas de deux, sur tout de galanterie ou de passion; les pas seuls de grace, les beaux développemens des bras & des autres parties du corps qui se font sous un masque insensible, recevront enfin quelque jour, par les soins de nos excellens maîtres, la vie qui leur manque, qui peut seule ranimer la Danse & satisfaire pleinement les vrais amateurs. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Geste Author=Cahusac Normalized Classification=Déclamation Part of Speech=NA Geste Geste , ( Déclamation. ) Le geste au théatre doit toûjours précéder la parole: on sent bien plutôt que la parole ne peut le dire; & le geste est beaucoup plus preste qu'elle; il faut des momens à la parole pour se former & pour frapper l'oreille; le geste que la sensibilité rend agile, part toûjours au moment même où l'ame éprouve le sentiment. L'acteur qui ne sent point & qui voit des gestes dans les autres, croit les égaler au-moins par des mouvemens de bras, par des marches en avant & par de froids reculemens en-arriere; par ces tours oisifs enfin toûjours gauches au théatre, qui refroidissent l'action & rendent l'acteur insupportable. Jamais dans ces automates fatiguans l'ame ne fait agir les mouvemens; elle reste ensevelie dans un assoupissement profond: la routine & la mémoire sont les chevilles ouvrieres de la machine qui agit & qui parle. Baron avoit le geste du rôle qu'il joüoit: voilà la seule bonne maniere de les adapter sur le théatre aux différens mouvemens du caractere & de la passion. Voyez Déclamation . Nous voyons au théatre françois des gestes & des mouvemens qui nous entraînent; s'ils nous laissoient le tems de réfléchir, nous les trouverions desordonnés, sans grace, peut-être même desagréables: mais leur feu rapide échauffe, émeut, ravit le spectateur; ils sont l'ouvrage du desordre de l'ame; elle se peint dans cette espece de dégingandage , plus beau, plus frappant que ne pourroit l'être toute l'adresse de l'art: osons le dire, c'est le sublime de l'agitation de l'actrice; c'est la passion elle même qui parle, qui me trouble, & qui fait passer dans mon ame tous les sentimens que son beau desordre me peint. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Geste Author=Cahusac Normalized Classification=Chant du théatre Part of Speech=NA Geste Geste , ( Chant du théatre. ) l'opéra françois a pour objet de séduire l'esprit, de charmer les sens, de transporter l'ame dans des régions enchantées. Voy . Opéra : si les ressorts de cette aimable séduction sont rudes, gauches, grossiers, l'esprit ne peut être entrainé, le goût l'arrête; le froid & la distraction succedent rapidement aux premiers momens d'attention & de chaleur. J'entens des sons mélodieux; je vois un lieu orné de tout ce qui peut flatter les regards d'un spectateur avide; le jour qui l'éclaire est celui que j'imagine dans les jardins délicieux de l'Olympe. Mes yeux tombent sur le personnage dont l'apparition, par sa majesté & par ses graces, doit remplir la premiere idée qui m'a séduit; je ne vois qu'une figure rude qui marche d'un pas apprêté, qui remue au hasard deux grands bras qu'un mouvement monotone de pendule agite; mon attention cesse; le froid me gagne; le charme a disparu, & je ne vois plus qu'une charge ridicule d'un dieu ou d'une déesse, à la place de la figure imposante qu'un sibeau prélude m'avoit promis. Le contre sens du geste passe rapidement au théatre de la comedie; l'attention y court de pensée en pensée, & l'acteur n'a pas le tems de s'appesantir sur la faute qui lui échappe quelquefois. Il n'en est pas ainsi au théatre du chant; les détails y sont ralentis & répétés par la musique; & c'est là que le contre sens, quand il y est une fois amené, a tout le tems d'assommer le spectateur. On a déjà dit, en parlant de la danse, que les traits du visage formoient les gestes les plus expressifs: ils sont en effet dans l'acteur, lorsqu'ils sont vrais, l'ouvrage sublime de l'art, parce qu'ils paroissent l'image vivante de la nature: mais l'art seul & sans elle, ne peut rien sur cette partie de la figure humaine; il n'a que l'avantage d'un masque dont l'oeil découvre bientôt l'imposture. Il faut, pour peindre sur cette toile animée & changeante, un sentiment juste, le tact fin & prompt, le talent enfin qui seul peut peindre, parce qu'il peut seul exprimer. Ce grand ressort dans l'acteur, qui le possede, pose, détermine, arrange toutes les parties sans que l'art s'en mêle; les bras, les piés, le corps, se trouvent d'eux-mêmes dans les places, dans les mouvemens où ils doivent être. Tout suit l'ordre avec l'aisance de l'instinct. Voyez Grace , Chant . Mais souvent le talent est égaré par l'esprit; alors il fait toûjours plus mal, pour vouloir mieux faire. Ainsi à ce théatre il arrive quelquefois que les acteurs les plus estimables abandonnent l'objet qui les amene, pour joüer sur les mots, & pour peindre en contre-sens ce qu'ils chantent. On en a vû faire murmurer les ruisseaux dans l'orchestre & dans le parterre; les y suivre des yeux & de la main; aller chercher les zéphirs & les échos dans les balcons & dans les loges où ils ne pouvoient être; & laisser tranquillement pendant toute la lente durée de ces beaux chants, les berceaux & l'onde pure qu'offroient les côtés & le fonds du théatre, sans leur donner le moindre signe de vie. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESTICULATION Author=Mallet Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=s.f. GESTICULATION GESTICULATION, s. f. ( Belles-Lettres. ) s'entend des gestes affectés, indécens, ou trop fréquens. Voy. Geste . La gesticulation est un grand défaut dans un orateur. Quand on compare ce que les anciens nous racontent de la déclamation de certains orateurs qui frappoient violemment des piés & des mains, à notre maniere de prononcer un discours, on sent toute la différence qui se rencontre entre la déclamation & la gesticulation. Voyez Action & Geste . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESTION Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GESTION GESTION, s. f. ( Jurisprud. ) signifie administration de quelque affaire, comme la gestion d'une tutelle, la gestion des biens d'un absent ou de quelque autre personne. La gest on que quelqu'un fait des affaires d'autrui sans son ordre, appellée en Droit negotiorum gestio , forme un quasi-contrat qui produit action directe & contraire; la premiere au profit de celui dont on a géré les affaires, pour obliger celui qui a géré à rendre compte; & la seconde au profit de celui qui a géré, pour répéter ses impenses. Voyez les instit. liv. III. tit. xxviij. §. 1 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GESTRICIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GESTRICIE GESTRICIE, Gestricia , ( Géog. ) province de Suede dans sa partie septentrionale; elle a des mines de fer & de cuivre, mais elle ne recueille de grains qu'autant qu'il en faut pour la nourriture de ses habitans. Le golfe de Bothnie la baigne à l'est; elle est bornée au nord par l'Helsingie, au couchant par la Dalécarlie, & au sud par la Westmanie & par l'Uplande. Gévali en est la capitale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉSULA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉSULA GÉSULA, ( Géog. ) province d'Afrique sur la côte de Barbarie au royaume de Maroc. Elle a beaucoup d'orge, de troupeaux, & plusieurs mines de fer & de cuivre: la plûpart des habitans sont chauderonniers ou forgerons. Il s'y tient tous les ans une foire célebre, où tous les marchands étrangers, quoique quelquefois au nombre de dix mille, sont nourris & défrayés aux dépens de la province; mais malgré cette depense considérable, la province y gagne encore par le débit de ses marchandises. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GETES, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GETES GETES, ( les ) Géog. anc. ancien peuple de Scythes, qui ayant passé en Europe, vinrent s'établir aux environs du Danube. Dès le tems d'Auguste, ils occupoient la rive gauche du Danube, avec les Bastarnes, les Besses, & les Sarmates. Les oeuvres d'Ovide sont remplies des plaintes qu'il fait de vivre au milieu d'eux. Quoique le lieu où il étoit relegué, soit à-peu-près sous le parallele de Bordeaux, il le dépeint comme s'il se trouvoit jetté dans le climat de la Norvege. Du tems d'Auguste, les Getes n'étoient point encore établis en-deçà du Danube, mais il paroît qu'ils l'avoient passé au moins en partie sous Claudius. Au reste, Strabon est le seul des anciens qui ait bien marqué les divisions des Getes , & qui nous apprenne les vrais détails de cette nation. Les Getes , selon cet auteur, habitoient le pays qui est au-delà de celui des Sueves, à l'orient, le long du Danube; c'est ce que nous appellons aujourd'hui la Transylvanie, la Valachie, & la partie de la Bulgarie qui est à la droite du Danube. Ils parloient la même langue que les Thraces; le nom de Getes étoit le nom commun à toute la nation, & le nom particulier d'un peuple de cette nation. L'autre peuple étoit composé de Daces, Daci , que Strabon appelle Δάυοι , Davi , Daves. De ces noms de Getes & de Daves , sont venus les noms de valets Geta & Davus , si communs dans les comédies latines. Il faut bien distinguer les Goths des Getes . Les Goths habitoient près de la mer Baltique, à l'occident de la Vistule, & les Getes dès le commencement ont été sur les bords du Danube, près de la Dacie. Voyez Goths . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Getes, Philosophie des Getes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Getes Getes , Philosophie des Getes. Voyez l'article Scythes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GETH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie sacrée Part of Speech=NA GETH GETH, ( Géog. sacrée. ) c'étoit une ville de la Palestine, située sur une montagne, près de la mer de Syrie, à quatre lieues de Joppé au midi. Elle étoit une des cinq Satrapies des Philistins; aujourd'hui c'est un petit village nommé Ybna . Au reste, comme geth ou gath en hébreu, signifie pressoir , il n'est pas étonnant que l'on trouve dans la Palestine pays de vignobles, plus d'un lieu de ce nom. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉTULE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GÉTULE GÉTULE, ( Géog. anc. ) ancien peuple de la Lybie intérieure & de la Guinée. Ils habitoient au midi de la Mauritanie, & s'avancerent dans la Mauritanie & la Numidie. Ortelius croit que les Gétules étoient une nation errante, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, qui ne se servoit point de brides, & dont les chevaux étoient conduits à la baguette. Cette idée s'accorde parfaitement avec celle qu'en donnent Claudien & Silius Italicus. L'Afrique entiere est quelquefois nommée Getulie par les Poëtes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉVALI, ou GASLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉVALI, ou GASLE GÉVALI, ou GASLE, Gevalia , ( Géog. ) est une ville de Suede, capitale de la Gestricie, proche le golphe de Bothnie, à 18 lieues N. O. d'Upsal, 26 N. O. de Stockholm, 14 E. de Coperberg. Long. 34. 50. lat. 60. 32 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEVAUDAN, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉVAUDAN GÉVAUDAN, ( le ) Gabalensis pagus, Gabalitanae regio , ( Géogr. ) contrée de France en Languedoc, une des trois parties des Cévennes, bornée N. par l'Auvergne, O. par le Rouergue, S. par le bas-Languedoc, E. par le Vivarais & le Vélay; c'est un pays de montagnes assez stérile: Mende en est la capitale. Le Gévaudan a pris son nom des peuples Gabali , & le mot de Gévaudan s'écrivoit autrefois Gabauldan . Le baillage du Gévaudan est en partage entre le Roi & l'évêque de Mende. Les rivieres de Tarn, de Lot, & d'Allier, y ont leurs sources. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEULEBÉE Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.f. GEULEBÉE GEULEBÉE, s. f. ( Hydr. ) c'est une décharge de quelque bassin supérieur, qui fournit une nappe ou un reservoir. Cette eau vient tomber sous la bordure du gazon sans faire aucun effet. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEUM Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GEUM GEUM, s. m. ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond; il sort du calice un pistil fourchu qui devient un fruit oblong, ressemblant en quelque façon à une aiguiere à deux becs, partagé en deux loges, & rempli de semences ordinairement très-petites. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Le geum ordinaire, geum rotundi folium majus (Tournefort) pousse des tiges à la hauteur d'un pié, rondes, un peu tortues, vertes, velues, qui se divisent vers leur sommité en plusieurs petits rameaux; ses feuilles sont larges, rondes, grasses, fort velues, dentelées tout-au-tour, d'un goût astringent tirant sur l'acre; les unes sont attachées à la racine par des queues longues, rougeâtres, velues; les autres sont jointes aux tiges sans queue, ou par une queue très-courte. Ses fleurs naissent trois ou quatre sur chaque petit rameau; elles sont composées de cinq pétales oblongs, disposés en rose, blancs, marqués de plusieurs points rouges, qui paroissent comme des gouttelettes de sang: il leur succede des capsules membraneuses, divisées en deux loges, remplies de semences menues. Cette plante aime les terres fortes; stériles, ombrageuses; on en compte quelques especes qu'on cultive, en en transplantant les racines, car elles viennent mal de graine; elles produisent de jolies fleurs, & prosperent dans tous les lieux des jardins où d'autres plantes ne sauroient réussir. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GEX Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GEX GEX, Gesium , ( Géog. ) petite ville de France dans le pays ou baronnie de Gex , au pié du mont Saint-Claude, qui fait la séparation du pays de Gex , de la Franche-Comté. Il est du gouvernement de Bourgogne, & du ressort du parlement de Dijon. Il n'y a rien d'important dans le pays de Gex , que le pas ou passage de l'Ecluse, autrement dit de la Cluse , servant de défense à l'entrée de Bugey & de la Bresse, par un fort creusé dans le roc, qui fait partie du Mont Jura, escarpé en cet endroit, & borné par le Rhone qui coule au pié. La ville de Gex est située entre le Mont-Jura, le Rhone, le lac de Genève, & la Suisse, à 4 lieues N. O. de Genève. Long. 23 d . 44. lat. 46. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉZIRAH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉZIRAH GÉZIRAH, ( Géog. ) ce mot qu'on rencontre partout dans d'Herbelot & dans les Géographes, est un mot arabe qui signifie île; mais comme les Arabes n'ont point de terme particulier pour désigner une peninsule ou presqu'île, ils se servent indifféremment du nom de gézirah , soit que le lieu dont ils parlent, soit entierement isolé & entouré d'eaux, soit qu'il soit attaché au continent par un isthme. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GÉZIRE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GÉZIRE GÉZIRE, ( Géog. ) on écrit aussi Gézirah , & il faut rappeller ici la remarque faite au mot Gézirah; car elle s'applique à Gézire . C'est une ville d'Asie, au Diarbeck, dans une île formée par le Tigre, à 28 lieues N. O. de Mésul, & à 18 d'Amadie: elle est sous l'obéissance d'un Bey. Long. 58. 45. lat. 36. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHAN Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GHAN GHAN, s. m. ( Commerce. ) nom qu'on donne en Moscovie à ces bâtimens que dans tout l'orient on appelle caravanserais. Voyez Caravanserai . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHEBR Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=NA GHEBR GHEBR, ( Littér. ) nous écrivons guebre: ghebr est un mot persien qui signifie un sectateur de Zoroastre, un adorateur du feu, celui qui fait profession de l'ancienne religion des Perses; mais chez les Turcs, ce mot est injurieux, & se prend pour un idolatre, pour un infidele qui vit sans loi & sans discipline; les Guebres sont les mêmes que les Gaures. Voyez Gaures . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHÉRON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GHÉRON GHÉRON, ( Géog. ) ville de Perse dans le Farsistan. Long. 89 3 . latit. 28. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHET Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA GHET GHET, ( Hist. mod. ) les Juifs appellent ainsi la lettre ou l'acte de divorce qu'ils donnent à leurs femmes quand ils les répudient; ce qu'ils font pour des causes souvent très-legeres. Leur coûtume à cet égard est fondée sur ces paroles du Deutéronome, chap. xxjv. Si un homme a épousé une femme, & que cette femme ne lui plaise pas à cause de quelque défaut, il lui écrira une lettre de divorce qu'il lui mettra entre les mains, & la congédiera . Pour empêcher qu'on n'abuse de ce privilége, les rabbins ont ordonné plusieurs formalités, qui pour l'ordinaire consument un si long tems, que le mari a le loisir de faire ses réflexions, de ne pas prendre conseil du dépit, & de se réconcilier avec son épouse. Cette lettre doit être faite par un écrivain en présence d'un ou de plusieurs rabbins, être écrite sur du velin qui soit reglé, ne contenir que douze lignes ni plus ni moins en lettres quarrées; tout cela est accompagné d'une infinité de minuties tant dans les caracteres, que dans la maniere d'écrire, & dans les noms & surnoms du mari & de la femme. L'écrivain, les rabbins, & les témoins nécessaires à la cérémonie, ne doivent point être parens les uns des autres, & encore moins appartenir par le sang aux parties intéressées dans le divorce. Le ghet est conçû en ces termes après les dates du jour, du mois, de l'année, & du lieu: Moi N. te répudie volontairement, t'éloigne, & te répudie toi N. qui as ci devant été ma femme, & te permets de te marier avec qui il te plaira . La lettre étant écrite, le rabbin interroge le mari pour savoir s'il est volontairement déterminé à cette action, on tâche que dix personnes au moins soient présentes à cette scene, sans compter deux témoins qui signent, & deux autres appellés seulement pour attester la date. Si le mari persiste dans sa résolution, le rabbin commande à la femme d'ouvrir les mains & de les approcher l'une de l'autre, pour recevoir cet acte que le mari lui donne en disant: Voilà ta répudiation; je t'éloigne de moi, & te laisse en liberté d'épouser qui bon te semblera . La femme le prend, le donne au rabbin qui le lit encore une fois, & lui déclare qu'elle est libre, en l'avertissant toutefois de ne point se marier de trois mois, de peur qu'elle ne soit actuellement enceinte. R. Léon Modene, cérémon. des Juifs, partie IV. chap. vj. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHIABER Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GHIABER GHIABER, s. m. ( Hist. mod. ) nom que l'on donne en Perse aux idolatres de ce pays, qui ont retenu l'ancienne religion de ceux qui adoroient le feu. Ils y sont en grand nombre, & occupent un des fauxbourgs d'Ispahan tout entier. On les appelle aussi atech perest , c'est-à-dire adorateurs du feu . Il y a un proverbe persan qui dit: quoiqu'un ghiaber alume & adore le feu cent ans durant, s'il y tombe une fois, il ne laisse pas que de se brûler . D'Herbelot, biblioth. orient . Ricaut, de l'Emp. ottom . Ces Ghiabers paroissent être les mêmes que ceux que nous nommons Gaures ou Guebres. Voyez Guebres & Gaures . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHIAONS ou GHIAAURS Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GHIAONS ou GHIAAURS GHIAONS ou GHIAAURS, s. m. ( Hist. mod. ) nom que les Turcs donnent à tous ceux qui ne sont pas de leur religion, & particulierement aux Chrétiens: il signifie proprement infideles . L'origine de ce mot vient de Perse, où ceux qui retiennent l'ancienne religion des Persans, & qui adorent le feu, sont appellés ghiaours ou ghiabers. Voyez Ghiaber ; Ricaut, de l'Emp. ottom . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHILAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GHILAN GHILAN, ( Géog. ) province d'Asie dans la Perse, au bord de la mer Caspienne, à laquelle elle donne son nom. M. d'Herbelot l'étend depuis le 75 d de longitude jusqu'au 76 e inclusivement; & pour sa largeur, qu'il prend du nord au sud, il dit qu'elle occupe le 35 ou 36 d de latitude Elle fait une partie considérable de l'Hircanie des anciens. C'est la plus belle & la plus fertile province de toute la Perse. Les habitans du pays sont mahométans de la secte d'Omar. La ville de Reschts, située à 37 d de latitude, est maintenant la capitale de cette province. Abdalcader, surnommé le scheik , c'est-à-dire le grand docteur , étoit de Ghilan . Voici sa priere: « O Dieu tout-puissant, comme je te rends un culte perpétuel dans mon coeur, daigne l'avoir pour agréable »! ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHIR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GHIR GHIR, ( Géog. ) riviere d'Afrique. Elle a sa source au mont Atlas; & coulant vers le midi, arrose le royaume de Tasilet, entre ensuite dans les deserts de Hair, & vient se perdre dans un grand lac. Cette riviere & quelques autres des mêmes cantons ont cela de particulier, que plus elles s'éloignent de leurs sources, plus elles s'éloignent de la mer. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GHNIEF Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GHNIEF GHNIEF, ( Géog. ) ville de la Prusse polonoise au palatinat de Culm, sur la Vistule, avec une citadelle. Le nom polonois de cette ville s'écrit Gniew . Les Allemands l'appellent Meve , car presque tous les lieux de la Prusse ont deux noms. Cellarius la nomme en latin Meva, Gnevum , & Gnievum. Ghnief a été prise & reprise plusieurs fois sur les Polonois par les chevaliers de l'ordre teutonique, & par les Suédois. C'est une starostie du roi de Pologne, à quatre lieues de Graudentz. Longit. 37. 2. latit. 53. 24 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIACHAS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIACHAS GIACHAS, ( Géogr. ) M. de Lisle écrit Jagas , & Dapper Jagos; peuple d'Afrique dans la basse Ethiopie, qui paroit être le même que les Galles. Voyez Galles . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIAGH ou JEHAGH Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GIAGH ou JEHAGH GIAGH ou JEHAGH, s. m. ( Hist. mod. ) nom d'un cycle de douze ans qu'ont les Catayens & les Turcs. Voyez Cycle . Chaque année du giagh porte le nom d'un animal; la premiere, de la souris; la seconde, du boeuf; la troisieme, du lynx ou léopard; la quatrieme, du lievre; la cinquieme, du crocodile; la sixieme, du serpent; la septieme, du cheval; la huitieme, du mouton; la neuvieme, du singe; la dixieme, de la poule; la onzieme, du chien; la douzieme, du pourceau . Ils divisent aussi le jour en douze parties, qu'ils appellent encore giagh , & leur donnent les noms des mêmes animaux. Chaque giagh contient deux de nos heures, & se divise en huit parties qu'ils nomment keh; de sorte que leur journée contient quatre-vingts-seize kehs , ou autant que de quarts-d'heure chez nous. D'Herbelot, biblioth. orient . Voyez le dictionn. de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIALLOLINQ Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GIALLOLINQ GIALLOLINQ, ( Hist. nat. ) espece d'ochre ou de terre jaune, ainsi nommée par les Italiens; c'est la même chose que ce qu'on appelle le jaune de Naples . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIAM-BO Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=NA GIAM-BO GIAM-BO, ( Bot. exot. ) arbre des Indes orientales, dont le P. Boym compte deux especes. La premiere porte des fleurs pourpres; son tronc & ses rameaux sont de couleur cendrée; ses feuilles sont lisses, & ont huit pouces de long sur trois de large; son fruit est de la grosseur de nos petites pommes de renette, de couleur ou rouge, ou blanche, ou mi-partie: il contient une pulpe blanche & spongieuse, d'un goût acidule, très-agréable, propre à rafraîchir & à desaltérer; on en fait d'excellentes conserves. Ce fruit a sa maturité en Novembre & en Décembre. Il n'a point de pepins, mais un noyau rond, dont l'amande est verte & coriace. L'arbre qui le donne, offre en même tems à la vûe des fleurs, des fruits verds & des fruits mûrs. L'autre espece de giam-bo croît à Malaca, à Macao, & dans l'île de Hiam-Xam, qui dépend de la Chine. Cette espece differe de la premiere par ses fleurs, qui sont d'un jaune-blanc; par l'odeur de son fruit, qui sent la rose; & par sa couleur, qui tire sur le jaune: enfin il a une couronne semblable à celle de la grenade. Il est mûr en quelques endroits au mois de Mars, & en d'autres au mois de Juillet. Il renferme un seul noyau séparé en deux; sa chair est d'une saveur fort douce, sans aucune acidité. Le P. Boym a fait graver dans sa flora sinensis une figure très-jolie du giam-bo , mais aussi peu instructive que sa description; & cependant c'est le seul voyageur, que je sache, qui ait parlé de ce bel arbre des Indes & de la Chine. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBADOU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIBADOU GIBADOU, ( Géog. ) ville d'Afrique au desert de Barbarie, dans le royaume de Gibadou. Elle est presque sous le tropique du Cancer, vers le 30 d . 50'. de longitude . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBBAR Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.m. GIBBAR GIBBAR, s. m. ( Hist. nat. Ichth. ) On donne en Saintonge ce nom à la baleine, parce qu'elle a le dos voûté & bossu. Voyez Baleine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBBOSITÉ Author=Jaucourt Normalized Classification=Physiologie | Médecine Part of Speech=s.f. GIBBOSITÉ GIBBOSITÉ, s. f. ( Physiol. & Med. ) en grec κύφωμα, κύφωσις , inflexion contre nature de l'épine du dos, qui promine au-dehors. Cette difformité du corps arrive lorsque l'épine se courbe, se jette ou latéralement, ou en-dedans ou en dehors, ou en-dedans & en-dehors tout ensemble. Quand le déjettement se fait en-dehors, nous le nommons bosse; quand il se fait en-dedans, c'est ce qu'on peut appeller enfoncement; quand il se fait en-dehors & en-dedans tout ensemble, c'est tortuosité , & il a pour-lors la forme d'une S , soit directe, soit renversée. La gibbosité est de naissance ou accidentelle; de naissance, par quelque mouvement violent de l'enfant dans le ventre de sa mere; ou accidentelle après sa naissance. Laissons sans autre examen la premiere espece de gibbosité , puisqu'elle est incurable, & considérons la seconde, dans laquelle un enfant naturellement bien formé, peut ensuite par diverses causes devenir bossu en grandissant: ce cas arrive lorsqu'une partie des vertebres du dos, & des ligamens qui réunissent ces vertebres, ne pouvant croître en proportion au reste du corps, forcent l'épine à se voûter. C'est donc du méchanisme général de l'épine, qu'on déduira sans peine toutes les différentes courbures contre nature dont cette colonne osseuse est susceptible. Voyez Épine du Dos . L'indication du remede est de tâcher d'affoiblir la puissance courbante, en augmentant la compression sur la partie convexe de la courbure, & en la diminuant sur la partie concave. Pour y parvenir, on doit varier la methode suivant la différence des cas, & les diverses causes du déjettement de l'épine. Ces causes sont externes ou internes, & les premieres plus fréquentes que les dernieres. Les enfans sont plus sujets à devenir bossus que les adultes, ou plûtôt c'est dans l'enfance que cette difformité commence presque toûjours: la raison en est évidente; il est difficile que les os tendres, mous, cartilagineux, flexibles, ne viennent à se courber par des causes externes qui les auront offensés, comme par une mauvaise maniere d'emmaillotement précédente, par des corps mal faits, par des chûtes, par des coups violens, par de mauvaises attitudes répétées, & autres évenemens semblables. Lorsque des nourrices portent sur leurs bras des enfans au maillot, dont les jambes ne sont pas bien étendues ou bien placées, dont le corps n'est pas bien assujetti, il peut arriver que les os se courbent par leur flexibilité; & si le corps de l'enfant penchant & s'inclinant d'un côté, reste long-tems dans cet état, la colonne vertébrale en souffrira, pourra se déranger, & contracter une tendance à la courbure, qui croît insensiblement & se manifeste avec l'âge. Les chûtes & les corps roides qui difforment la taille, produisent le même accident. Je dis enfin que la gibbosité peut arriver à l'occasion de certaines attitudes & habillemens négligés. M. Winslow, dans l' hist. de l'Académ. année 1740 , cite l'exemple d'une jeune dame de grande taille, bien droite, qui avoit pris l'habitude & de s'habiller négligemment dans sa maison, dont elle sortoit rarement, & d'être assise toute courbée, tantôt en-avant, tantôt de côté & d'autre; bientôt elle eut de la peine à se tenir droite debout, comme elle faisoit auparavant. Insensiblement l'épine du dos devint de plus en plus courbée latéralement en deux sens contraires, à peu-près comme une S romaine. La gibbosité reconnoît aussi plusieurs causes internes, comme, 1°. lorsque les ligamens qui soûtiennent les vertebres du dos, sont devenus trop flasques & trop lâches; 2°. dans toutes les maladies qui attaqueront les vertebres, particulierement la carie de ces os, & le rachitisme; 3°. s'il se trouve une contraction contre nature dans les muscles du basventre. Nous avons dans la chirurgie de Goucy une preuve singuliere de la possibilité de la distorsion & de l'incurvation de l'épine du dos par ce dernier phénomene. J'ai dit ci-devant que la methode curative de la gibbosité demandoit à être variée suivant les diverses causes du déjettement de l'épine. J'ajoûte à-présent que pour se flater d'y réussir, on ne sauroit s'y prendre de trop bonne heure. Comme les os & les vertebres du dos acquierent tous les jours de la solidité, & se confirment dans la figure & l'attitude qu'ils prennent; si l'on n'apporte un prompt secours aux personnes menacées de la courbure de l'épine, il ne faut pas se promettre de succès. Ceux qui entendent la physiologie de l'économie du corps humain, conçoivent sans peine que les bosses un peu invétérées sont absolument incurables; ce n'est qu'en employant des moyens prompts & éclairés, qu'on parvient quelquefois à la guerison de cette difformité, ou du-moins à rendre ce defaut plus leger. Les vaines promesses que font les charlatans de redresser le déjettement enracine de l'épine du dos, prouvent peut être moins leur ignorance & leur témérité, que la crédulité des hommes, toûjours dupes des fausses espérances qu'on leur donne, toûjours plus enclins à se laisser séduire par des affronteurs, qu'à se rendre aux lumieres des maîtres de l'art. Dès qu'on voit des enfans menacés de cette difformité par quelque cause externe, on ne négligera rien pour tenir leur épine droite, & la garantir de l'inflexion. On observera que le lit de l'enfant soit dur, sans oreiller, & qu'il couche dans ce lit sur le dos, de maniere que la tête & l'épine soient le plus qu'il sera possible en ligne droite; on réitérera souvent une douce compression du dos ou du devant de la poitrine, pour disposer les vertebres, les épaules, les côtes & le sternum à la flexion qu'on desire. On fera toûjours asseoir l'enfant dans des siéges faits exprès pour tenir l'épine droite; on lui donnera des corsets ou des corps mollets de baleine ou de carton faits artistement, & qui puissent se retourner. La dame dont nous avons parlé d'après M. Winslow, auroit peut-être prévenu l'augmentation de son infirmité, si de bonne-heure elle eût fait usage d'un corset particulier, & d'un dossier proportionné à son siége ordinaire. On préférera dans d'autres occasions des bandages qui portent dans des endroits où la bosse promine. On pourra se servir d'un instrument en forme de croix, qui s'attache autour du ventre, s'applique sur le dos, maintient l'épine droite, ou la garantit d'une plus grande inflexion; on en imaginera de semblables, suivant la taille, le caractere & le lieu de la courbure. Il faut avoir soin en même tems de frotter fréquemment la partie qui se déjette, avec quelque liqueur spiritueuse, eau de la reine d'Hongrie, de mélisse, de lavande, spiritus matriealis , ou tout autre esprit corroboratif: on peut employer quelqu'emplâtre de la même nature; celui de Vigo pour les nerfs, l'oxicroceum, & autres pareils. On n'omettra pas, dans certains cas, les exercices propres à fortifier les membres foibles; & les remedes internes, s'il s'agit de corriger, d'évacuer des humeurs peccantes & superflues. Si la taille fait un creux, ensorte que l'épine du dos voûte en-dedans, ce qui est le contraire de la gibbosité du dos, on engagera l'enfant à se courber, par quelque jeu qu'on imaginera; en lui jettant, par exemple, sur le plancher, des cartes, de l'argent, des épingles, ou autres bagatelles qu'il se fasse un plaisir de ramasser; la situation qu'il sera forcé de prendre pour en venir à bout, portera insensiblement l'endroit de l'epine qui se courbe, à reprendre sa position droite. Si l'épine tendoit à se déjetter en maniere d' S , on doit alors, en quelque sens que la tortuosité vienne à se manifester, recourir à des corsets rembourrés, de façon que les endroits rembourrés répondent aux petites excédences qui doivent être repoussées. A mesure que ces petites excédences diminueront, il faudra nécessairement grossir les rembourrures, y veiller avec attention, & renouveller ces corsets tous les deux ou trois mois. Dans la gibbosité qui tire son origine de causes internes, il s'agit de diriger les remedes aux diverses causes dont elle émane; humeurs scrophuleuses, carie, rachitisme, &c. Si la courbure de l'épine provenoit par hasard du racourcissement, de la contraction des muscles du bas-ventre, on pourroit tenter sur tout le devant du corps les oignemens nervins émolliens, pour assouplir ces muscles. On connoîtra que la courbure de l'épine procede du trop grand racourcissement des muscles obliques & droits de l'abdomen, si le ventre se trouve toûjours roide & tendu; mais si cette contraction contre nature est un vice de naissance, le mal est incurable. On voit ordinairement par les squelettes des bossus, la tournure singuliere que prennent alors les os de l'épine du dos, des vertebres lombaires & de la poitrine. L'auteur de la description du cabinet du Roi, tom. III. in-4°. présente aux yeux deux figures de squelettes de bossus; l'un d'une femme, & l'autre d'un homme, qui en sont des démonstrations. Dans le squelette de la femme bossue, n°. 126. la plus grande tortuosité est dans la colonne vertébrale; la portion qui compose les vertebres des lombes & les dernieres vertebres du dos, est inclinée à droite: la dixieme, la neuvieme & la huitieme vertebre dorsale, forment une courbure qui retourne à gauche; la septieme, la sixieme, la cinquieme & la quatrieme, suivent la même direction sur une ligne horisontale. Les trois premieres vertebres forment un contour opposé. Le point de la gibbosité étoit à l'endroit de la huitieme, neuvieme & dixieme vertebre du dos. On conçoit combien la poitrine étoit déformée par les sinuosités qu'avoit l'épine. Le côté gauche du squelette est plus saillant que le droit, & l'épaule droite beaucoup plus élevée que la gauche. Enfin les vertebres des lombes, en s'inclinant du côté droit, font baisser le bassin du même côté. Dans le squelette de l'homme, n°. 127. les vertebres des lombes sont renversées en-arriere, & un peu à gauche; desorte que la colonne qu'elles forment, au lieu d'être verticale, est presqu'horisontale au-dessus de l'os sacrum. Les trois dernieres vertebres du dos forment une autre sinuosité qui retourne à droite. Les quatre premieres vertebres du dos, avec celles du cou, reprennent la ligne verticale. L'endroit le plus saillant de la gibbosité étoit sur les dixieme & onzieme vertebres du dos. L'extrémité postérieure des quatre dernieres fausses-côtes contribuoit aussi à former la bosse; car les vertebres sont tournées à droite dans cet endroit. Palfyn a remarqué dans les squelettes d'enfans dont les vertebres étoient courbées pendant leur vie, que les corps de ces vertebres, à l'endroit de leur courbure, étoient fort applatis, & que les cartilages qui sont entre-deux, étoient fort minces. C'est ce qui s'est aussi trouvé dans le squelette qu'on vient de décrire, & c'est vraissemblablement ce qui se rencontre dans la plûpart des squelettes de bossus. J'ai vû, comme bien d'autres, dans le cabinet de Ruysch, huit vertebres du dos attachées ensemble, qui étoient tellement courbées en-dedans, que la supérieure touchoit à l'inférieure: la gibbosité devoit être prodigieuse. Quelques personnes ont observé dans des sujets qui avoient long-tems vécu avec cette sorte d'incommodité, que plusieurs vertebres étoient réunies en une seule masse osseuse, les cartilages se trouvant ossifiés dans les intervalles; mais cette observation n'est point particuliere aux squelettes des bossus morts âgés, elle est toûjours l'effet de la vieillesse. Dans cette derniere saison, ligamens, cartilages, vaisseaux, tout s'ossifie, tout annonce le passage de la vie à la mort; l'intervalle qui les sépare n'est qu'un point: accoûtumons-nous à le penser. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBECIERE Author=Jaucourt Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=NA GIBECIERE GIBECIERE, ( Art méchan. ) espece de grande bourse ou de petit bissac ordinairement de cuir, & quelquefois de cuir couvert d'étoffe; mais cette derniere sorte de gibeciere ne sert guere qu'aux bateleurs & joüeurs de gobelets, pour les tours d'adresse dont ils amusent le public. M. Eccard dérive ce mot, avec affez de vraissemblance, de l'allemand schiben , cacher, serrer; & de becher , gobelet. A l'égard des gibecieres de cuir, terme qui peut venir du mot gibier , les unes sont rondes, & sont propres aux chasseurs, qui les tiennent attachées avec des ceintures de cuir; ils y mettent leur poudre, leur plomb, leurs pierres-à-fusil, leur bourre, leur tire-bourre, & généralement tout ce dont ils ont besoin pour la chasse. Les autres gibecieres sont quarrées, & servent aux grenadiers, soit à cheval, soit à pié, pour y mettre leurs grenades, & ces gibecieres leur pendent en bandouliere. Le reste de l'infanterie se sert aussi de gibecieres attachées au ceinturon, ce qui leur tient lieu de l'ancienne bandouliere où pendoit leur fourniment. Les gibecieres dont on se sert dans le Levant, sont composées de tuyaux de canne assembles ordinairement à double rang, assez semblables aux anciennes flûtes de Pan, ou, pour me servir d'une comparaison plus intelligible, aux sifflets de ces chauderonniers ambulans qui vont chercher de l'ouvrage de province en province. Cette gibeciere des Orientaux est legere, courbe, & s'accommode aisément sur le côté. Ses tuyaux sont hauts de 4 à 5 pouces, & couverts d'une peau assez propre. Chaque tuyau contient sa charge, & cette charge est un tuyau de papier rempli de la quantité de poudre & de plomb nécessaire pour tirer un coup. Quand on veut charger un fusil, on tire un de ces tuyaux de la gibeciere; avec un coup de dent on ouvre le papier du côté où est la poudre; on la vuide en même tems dans le canon du fusil, & on laisse couler le plomb enfermé dans le reste du tuyau de papier: la charge est faite avec un coup de baguette que l'on donne par-dessus; & le même papier qui renfermoit la poudre & le plomb, sert de bourre. Je laisse aux experts à juger si cette invention vaut mieux que la nôtre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gibeciere, (tours de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Art d'escamotage Part of Speech=NA Gibeciere Gibeciere , ( tours de ) Art d'escamotage; terme général qui comprend tous les tours de gobelets, les tours de main, les tours de cartes, & autres de ce genre. On les nomme tours de gibeciere , parce que les faiseurs de ces sortes de tours ont à leur ceinture une espece de gibeciere, schibbeker , comme disent les Allemands, ou une espece de sac destiné à serrer leurs gobelets, leurs balles, & le reste de l'attirail nécessaire à leur escamotage. Voyez Tours de main , Tours de cartes , Tours de gobelets . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBEL, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIBEL GIBEL, ( le ) AEthna, Geog. la plus haute montagne de la Sicile, & une des plus celebres de l'Europe. On sait assez que tous les anciens géographes & historiens en ont parlé sous le nom de mont Ethna . C'est sous cette montagne que les Poëtes ont feint que Jupiter écrasa le géant Typhon, & que Vulcain tenoit ses forges. Les Siciliens ont changé le nom latin en celui de Gibel , qu'ils ont vraissemblablement pris des Arabes, dans la langue desquels ce mot signifie une montagne; il désigne en Sicile la montagne par excellence . Elle est proche de la côte orientale du val de Démona, entre le cap de Faro & le cap de Passaro, à quatre lieues des ruines de Catania vers le couchant. On lui donne deux grandes lieues de hauteur, & environ vingt de circonférence. Son pié est très-cultivé, tapissé de vignobles du côté du midi, & de forêts du côté du septentrion. Son sommet, quoique toûjours couvert de neige, ne laisse pas de jetter souvent du feu, de la fumée, des flammes, & quelquefois des cailloux calcinés; des pierres-ponces, des cendres brûlantes, & des laves de matiere bitumineuse, par une ouverture qui, du tems de Bembo, & selon son calcul, étoit large de 24 stades; la stade contient 125 pas géométriques, & par consequent les 24 font trois milles d'ltalie. Si l'idée d'un si prodigieux gouffre fait frémir, les incendies que le Gibel vomit sont encore plus redoutables. Les fastes de la Sicile moderne ont sur-tout consacré les ravages causes par ce redoutable volcan dans les années 1537, 1554, 1556, 1579, 1669, & 1692. Lors de l'embrasement de cette montagne, arrivé en 1537, & décrit par Fazelli, les cendres furent portées par le vent à plus de cent lieues de distance. Quatre torrens de flammes sulphureuses découlerent du mont Gibel en 1669, & ruinerent quinze bourgs du territoire de Catania. Enfin le volcan de 1692 fut suivi d'un tremblement de terre qui se fit sentir en Sicile avec la plus grande violence, les 9, 10 & 11 Janvier 1693; renversa les villes de Catania & d'Agousto; endommagea celle de Syracuse, plusieurs bourgs & villages, & écrasa sous les ruines plus de 40 mille ames. Il y eut alors sur le Gibel une nouvelle ouverture de deux milles de circuit. Je n'entrerai pas dans d'autres détails; j'en suis dispensé par la Pyrologie de Bottone Leontini, à laquelle je renvoye le lecteur. Cet intrépide naturaliste, curieux de connoître par ses propres yeux la constitution du mont Gibel , a eu la hardiesse de grimper sur son sommet jusqu'à trois différentes reprises; savoir en 1533, 1540, & 1545: ainsi nous devons à son courage la plus exacte topographie de cette montagne, & de ses volcans. Son livre, devenu très-rare, est imprimé en Sicile sous le titre de AEthnae topographia, incendiorumque aethnaeorum historia . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBELIN Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GIBELIN GIBELIN, s. m. ( Hist. mod. ) nom de la faction opposée à celle des Guelphes . Quelques-uns fixent le commencement de ces deux factions à l'an 1140. On se rappellera sans doute que les Gibelins étoient attachés aux prétentions des empereurs, dont l'empire en Italie n'étoit qu'un vain titre, & que les Guelphes étoient soûmis aux volontés des pontifes régnans. Nous ne remonterons point à l'origine de ces deux partis; nous ne crayonnerons point le tableau de leurs ravages, encore moins rapporterons-nous les conjectures odieuses des savans sur l'étymologie des noms Guelphe & Gibelin; c'est assez de dire, avec l'auteur de l' essai sur l'Histoire générale , que ces deux factions desolerent également les villes & les familles; & que pendant les xij. xiij. & xjv. siecles, l'Italie devint par leur animosité le théatre, non d'une guerre, mais de cent guerres civiles, qui, en aiguisant les esprits, accoûtumerent les petits potentats italiens à l'assassinat & à l'empoisonnement. Boniface VIII. ne fit qu'accroître le mal; il devint aussi cruel guelphe en devenant pape, qu'il avoit été violent gibelin pendant qu'il fut simple particulier. On raconte à ce sujet qu'un premier jour de carême, donnant les cendres à un archevêque de Genes, il les lui jetta au nez, en lui disant: « Souviens-toi que tu es gibelin ,» au lieu de lui dire, souviens-toi que tu es homme. Je ne sais si beaucoup de curieux en matiere historique, seront tentés de lire aujour d'hui dans Villani, Sigonius, Ammirato, Biondo, ou autres historiens, le détail des horreurs de ces deux factions; mais les gens de goût liront toûjours le Dante: cet homme de génie, si long-tems persécuté par Boniface VIII. pour avoir été gibelin , a exhalé dans ses vers toute sa douleur sur les querelles de l'Empire & du Sacerdoce. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBELOT, GIBLET Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GIBELOT, GIBLET GIBELOT, GIBLET, s. m. ( Marine. ) c'est ce qu'on nomme courbe capucine . Cette courbe sert à lier l'éperon avec le corps du vaisseau; ainsi une de ses branches porte sur l'étrave, où elle est assujettie avec des chevilles clavetées sur virole en-dedans du pan; & l'autre porte sur le digon, où elle est retenue par des clous à pointe perdue. Voyez Pl. IV . fig. 1 . n. 186. la courbe capucine ou gibelot . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBERNE Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.f. GIBERNE GIBERNE, s. f. ( Art milit. ) partie de l'équipement du grenadier. La giberne est composée d'une poche de cuir, avec le cordon pour la fermer; d'un patron de cartouches à trente trous, nervé & collé de toile, & couvert d'une patelette; d'une patte de cuir, avec deux courroies d'attache à oeillets sur la poche; d'une bandouliere de buffle longue de cinq à six piés, & large de deux pouces & demi, bien cousue, sans clous ni piquûre. La bandouliere a un porte-hache & un porte-fourniment ou pulverin; une traverse, avec le porte-bayonnette & le porte-bonnet. La poche sert à porter des cartouches de provision, ou des grenades; lorsque le service l'exige. Elle a intérieurement une petite poche à balles, & plusieurs divisions, pour y placer une phiole à huile ou une petite boîte à graisse; une piece grasse de cuir ou de drap; le tampon du bassinet avec sa chaînette; plusieurs pierres de rechange; une pierre de bois pour les exercices, & un tire bourre; effets dont elle doit toûjours être garnie. La giberne ne differe de la demi-giberne ou cartouche du soldat, que par la grandeur de la poche; elle est soûtenue par la bandouliere, qui se porte de gauche à droite. Article de M. Durival le cadet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBET Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GIBET GIBET, s. m. ( Jurisprud. ) est le lieu destiné pour exécuter les criminels, ou le lieu dans lequel on expose leurs corps au public. Ce mot vient de l'arabe gibel , qui signifie montagne ou élevation , parce que les gibets sont ordinairement dressés sur des hauteurs, afin d'être plus en vûe. Les échelles & fourches patibulaires sont aussi des gibets. Voyez Échelles patibulaires & Fourches . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBIER Author=Le Roy (Charles Georges) Normalized Classification=Chasse Part of Speech=s.m. GIBIER GIBIER, s. m. ( Chasse. ) c'est en général tout ce qui est la proie du chasseur; ainsi les loups, les renards, &c. sont gibier pour ceux qui les chassent; les buzes, les corneilles, sont gibier dans la Fauconnerie, &c. Cependant ce nom est plus particulierement affecté aux animaux sauvages qui servent à la nourriture de l'homme. Si l'on parle d'une forêt bien peuplée de gibier , on veut dire qu'il y a beaucoup de cerfs, de daims, de chevreuils, &c. Une terre giboyeuse est celle où l'on trouve abondamment des lievres, des lapins, des perdrix, &c. La propriété des terres étant établie, il paroît que celle du gibier qu'elles nourrissent devroit en être une suite: mais le droit naturel a depuis long-tems cédé à la force; il est d'usage presque par-tout que les seigneurs seuls ayent le droit de giboyer . A l'égard du paysan il cultive la terre; & après des travaux pénibles, il voit dévorer par le gibier le grain qu'il a semé sans pouvoir s'y opposer, & souvent sans oser s'en plaindre. Voyez Chasse . La reserve de la chasse à la classe des nobles, a dû être une suite naturelle du gouvernement militaire. Les cultivateurs étoient serfs; les nobles avoient en main l'autorité & la force: il leur falloit bien pendant la paix un exercice indépendant, qui ne leur laissât pas oublier la guerre. Cette police est peut-être fort avantageuse en elle-même; la liberté de chasser donnée à tout le monde, pourroit enlever beaucoup de bras à l'Agriculture, qui déjà n'en a pas assez. Mais ce qui ne peut être utile à rien, c'est la conservation d'une excessive quantité de gibier , surtout des especes qui détruisent les récoltes. Quelques êtres accablés du poids de leur inutilité, pour se ménager des occasions de se fuir, font gémir sous le poids de l'amertume & de la misere, une foule d'hommes respectables par leurs travaux & leur honnêteté: mais en blâmant les goûts excessifs, nous devons servir ceux qui sont raisonnables. La conservation de certaines especes de gibier peut être agréable & utile sans beaucoup d'inconvéniens. On en a fait un art qui a des regles, & qui demande quelques connoissances. Nous allons dire ce qu'il est essentiel de savoir là-dessus. Il y a plusieurs especes qui ne demandent que des soins ordinaires. La nature a destiné un certain nombre d'animaux à servir de nourriture à quelques autres; retranchez seulement les animaux carnassiers, vous porterez très loin la multiplication des autres: ainsi en détruisant les loups, vous aurez des cerfs, des chevreuils, &c. faites périr les renards, les fouines, les belettes, &c. vos bois se peupleront de lapins, vos plaines se couvriront de lievres, de maniere à vous incommoder vous même. La destruction des animaux carnassiers est donc le point le plus essentiel pour la conservation de toute espece de gibier; & le retranchement de ces animaux nuisibles, est un dédommagement du mal que le gibier peut faire lorsqu'il n'est pas excessivement abondant. La moindre négligence là-dessus rend inutiles tous les soins qu'on pourroit prendre d'ailleurs, & cela demande de la part de ceux qui en sont chargés beaucoup d'attention & d'habitude. Ce soin principal n'est cependant pas le seul qu'exigent les especes de menu gibier qu'on peut conserver avec le moins d'inconvéniens; je parle des perdrix grises, des perdrix rouges & des faisans. Nous avons donné la maniere de les élever familierement pour en peupler promptement une terre. Voyez Faisanderie . Chacune de ces especes demande un pays disposé d'une maniere particuliere, & des soins propres que nous allons indiquer séparement. En réunissant ces dispositions & ces soins, on peut réunir & conserver les trois especes ensemble. Les perdrix grises se plaisent principalement dans les plaines fertiles, chaudes, un peu sablonneuses, & où la récolte est hâtive. Elles fuyent les terres froides, ou du moins elles ne s'y multiplient jamais à un certain point. Cependant si des terres naturellement froides sont échauffées par de bons engrais, si elles sont marnées, &c. l'abondance des perdrix peut y devenir très-grande: voilà pourquoi les environs de Paris en sont peuplés à un point qui paroit prodigieux. Tous les engrais chauds que fournit cette grande ville, y sont répandus avec profusion, & il favorisent autant la multiplication du gibier , que la fécondité des terres. En supposant les mêmes soins, les meilleures récoltes en grains donneront la plus grande quantité de gibier . C'est donc souvent une mal-adresse de la part de ceux qui sont chargés de faire observer les regles des capitaineries, d'y tenir la main avec trop de rigueur. Vous pourriez permettre encore d'arracher l'herbe qui étouffe les blés; si vous l'empêchez, une récolte précieuse sera perdue, & le blé fourré d'herbe venant à se charger d'eau & à verser, inondra vos nids & noyera vos perdreaux. La terre étant bien cultivée, les animaux destructeurs étant pris avec soin, il faut encore pour la sûreté & la tranquillité des perdrix grises, qu'une plaine ne soit point nue, qu'on y rencontre de tems en tems des remises plantées en bois, ou de simples buissons fourrés d'épines: ces remises garantissent la perdrix contre les oiseaux de proie, les enhardissent à tenir la plaine, & leur font aimer celle qu'elles habitent. Quand on n'a pour objet que la conservation, il ne faut pas donner une grande étendue à ces remises; il vaut mieux les multiplier; des buissons de six perches de superficie seroient très suffisans, s'ils n'étoient placés qu'à cent toises les uns des autres; mais si l'on a le dessein de retenir les perdrix après qu'elles ont été chassées & battues dans la plaine, pour les tirer commodément pendant l'hyver, on ne peut pas donner aux remises une étendue moindre que celle d'un arpent. La maniere de les planter est différente aussi, selon l'usage qu'on en veut faire. Voyez Remise . On peut être sûr que dans un pays ainsi disposé & gardé, on aura beaucoup de perdrix; mais l'abondance étant une fois établie, il ne faut pas vouloit la porter à l'excès. Il faut tous les ans ôter une partie des perdrix, sans quoi elles s'embarrasseroient l'une l'autre au tems de la ponte, & la multiplication en seroit moindre. C'est un bien dont on est contraint de jouir pour le conserver. La trop grande quantité de coqs est sur-tout pernicieuse. Les perdrix grises s'apparient; les coqs surabondans troublent les ménages établis, & les empêchent de produire: il est donc nécessaire que le nombre des coqs ne soit qu'egal à celui des poules; on peut même laisser un peu moins de coqs: quelques-uns se chargent alors de deux poules, & leur suffisent; elles pondent chacune dans un nid separé, mais fort près l'une de l'autre; leurs petits éclosent dans le même tems, & les deux familles se réunissent en une compagnie sous la conduite du pere & des deux meres. Voilà ce qui concerne la conservation des perdrix grises. Les rouges cherchent naturellement un pays disposé d'une maniere différente; elles se plaisent dans les lieux élevés, secs & pleins de gravier; elles cherchent les bois, sur-tout les jeunes taillis & les fourrés de toute espece. Dans les pays où la nature seule les a établies, on les trouve sur les bruyeres, dans les roches; & quand on n'a d'elles que des soins ordinaires, elles ne paroissent pas se multiplier beaucoup. Les perdrix rouges sont plus sauvages & plus sensibles au froid que ne sont les grises: il leur faut donc plus de retraites qui les rassûrent, & plus d'abris qui pendant l'hyver les garantissent du vent & du froid. Les perdrix grises ne quittent point la plaine lorsqu'elles y sont en sûreté; elles y couchent & sont pendant tout le jour occupées du soin de chercher à vivre. Les perdrix rouges ont des heures plus marquées pour aller aux gagnages; elles sortent le soir deux heures avant le soleil couchant; le matin lorsque la chaleur se fait sentir, c'est-à-dire pendant l'été vers neuf heures, elles rentrent dans les bois & surtout dans les taillis, que nous avons dit leur être nécessaires. Il faut donc que le pays où l'on veut multiplier les perdrix rouges, soit mêlé de bois & de plaines; il faut encore que ces plaines, quoique voisines des bois, soient fourrées d'un assez grand nombre de petites remises, de buissons, de haies, qui établissent la sûreté de ces oiseaux naturellement farouches. Si quelqu'une de ces choses manque, les perdrix rouges desertent. Les grises sont tellement attachées au lieu où elles sont nées, qu'elles y meurent de faim plûtôt que de l'abandonner; il n'y a que la crainte extrème des oiseaux de proie qui les y oblige. Les perdrix rouges ont besoin d'une sécurité plus grande; si vous les faites partir souvent de leurs retraites, cet effroi répété les chassera, & elles courront jusqu'à ce qu'elles ayent trouvé des lieux inaccessibles. On voit par-là que le projet de multiplier dans une terre les perdrix rouges à un certain point, entraîne beaucoup de dépenses & de soins, qui peuvent & doivent peut-être en dégoûter: c'est un objet auquel il faut sacrifier beaucoup, & n'en joüir que rarement. Les perdrix rouges s'apparient comme les grises, & il est essentiel aussi que le nombre des coqs ne soit qu'égal à celui des poules. On peut tuer les coqs dans le courant de l'année, à coups de fusil: avec de l'habitude, on les distingue des poules en ce que celles-ci ont la tête & le cou plus petits, & la forme totale plus legere: si l'on n'a pas pri, cette précaution avant le tems de la ponte, il faut au-moins la prendre pendant ce tems pour l'année suivante. Des que les femelles couvent, elles sont aban données par les mâles, qui se réunissent en compagnies fort nombreuses. On les voit souvent vingt ensemble. On peut tirer hardiment sur ces compagnies; s'il s'y trouve quelques femelles mêlées, ce sont de celles qui ont passé l'âge de produire. Cette opération se doit faire depuis la fin de Juin jusqu'à celle de Septembre: après cela, les vieilles perdrix rouges se mêlent avec les compagnies nouvelles, & les méprises deviennent plus à craindre. Les faisans se plaisent assez dans les lieux humides; mais avec de l'attention on peut en retenir partout où il y a du bois & du grain. Il faut aux faisans des taillis qui les couvrent, des arbres sur lesquels ils se perchent, des plaines fertiles qui les nourrissent, dans ces plaines des buissons qui les assûrent, & autant que tout cela une tranquillité profonde, qui seule peut les fixer. Si je voulois peupler d'une grande quantité de faisans un pays nud, je planterois des bosquets de vingt arpens, à trois cents toises les uns des autres. Ces bosquets seroient divisés en quatre parties, dont chacune seroit coupée à l'âge de seize ans, afin qu'il y eût toûjours des taillis fourrés & dequoi percher. Les entre-deux de ces bosquets seroient cultivés comme la terre l'est ordinairement; une partie seroit semée en blé; l'autre en mars, pendant que le troisieme resteroit en jachere. Je voudrois outre cela planter à cent toises de chacun de ces grands bosquets, des buissons alongés en haies, qui établiroient la sûreté des faisans dans la plaine; & ces buissons serviroient à les faire tuer. Le terrein ainsi disposé, on ne tourmenteroit jamais les faisans dans les grands bosquets dont j'ai parlé; ils y trouveroient un asyle assûré, lorsqu'on les auroit chassés à la faveur des buissons. Si vous faites partir deux ou trois fois les faisans, ils s'effrayent & desertent. On espere en vain d'en retenir beaucoup par-tout où l'on chasse souvent. Ce seroit dans ces haies intermédiaires dont nous avons parlé, qu'on donneroit à manger aux faisans pendant l'hyver. L'orge & le sarrasin sont leur nourriture ordinaire; ils sont très-friands des féverolles: on peut aussi leur planter des topinambours; c'est une espece de pomme de terre qu'ils aiment, & qui sert à les retenir, parce qu'il leur faut beaucoup de tems pour la déterrer. Dès qu'on s'apperçoit que la campagne ne fournit plus aux faisans beaucoup de nourriture; dès que les coqs commencent à s'écarter, il faut leur jetter du grain: on ne leur en donne pas beaucoup d'abord; mais en plein hyver il ne faut pas moins qu'un boisseau mesure de Paris par jour, pour une centaine de faisans; s'il vient de la neige, il en faut davantage. Pendant la neige, la conservation du gibier en général demande beaucoup d'attention. Il faut découvrir le gason des prés pour les perdrix grises. Pour cela on se sert de traîneaux triangulaires qui doivent être fort pesans, & armés pardevant d'une espece de soc de fer qui fende la neige. On y attele un ou deux chevaux, & on attache sur le derriere, pour faire l'office du balai, une bourrée d'épines fort rudes, qu'on a soin de charger. Il faut que des hommes balayent, le long des buissons au midi, des places, pour donner à manger aux perdrix rouges. Il faut pour les faisans répandre dans différentes places du fumier, sur lequel on jette du grain. Il est nécessaire qu'ils soient long-tems à le trouver. Si on ne le leur donnoit pas de cette maniere, il seroit dévoré sur le champ; & après cela leur oisiveté & leur inquiétude naturelle les feroient deserter. Malgré tous ces soins on perd encore beaucoup de faisans, sur-tout pendant les brouiliards qui sont fréquens à la fin de l'automne. Voilà ce que nous connoissons de plus essentiel pour la conservation du gibier . Les détails de pratique ne peuvent point être écrits; mais ils ne seront ignorés d'aucun de ceux qui voudront s'en instruire par l'usage. Nous en avons peut-être trop dit, vû le peu d'importance de la matiere. Le nombre de ceux qu'intéresse la conservation du gibier , ne peut pas être comparé à la foule d'honnêtes gens qu'elle tourmente. Nous ne devons pas finir sans avertir ceux-ci, qu'en fumant leurs terres un peu plus, & en semant leurs blés quinze jours plûtôt, les faisans & les perdrix ne leur feront qu'un leger dommage. A l'égard des lievres & des lapins, leur abondance fait un tort auquel il n'y a point de remede; on ne les multiplie qu'aux dépens des autres especes de gibier , & à la ruine des récoltes. Ce projet ne peut donc appartenir qu'à des hommes qui ont oublié ce qu'ils sont, & ce qu'en cette qualité ils doivent aux autres. Cet article est ce M. le Roy , Lieutenant des Chasses du parce de Versailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIBRALTAR, (Détroit de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIBRALTAR GIBRALTAR, ( Détroit de ) Herculeum fretum , ou Gaditanum fretum , ( Géog. ) c'est un des plus célebres détroits du vieux monde; il est entre l'Andalousie en Espagne, & le royaume de Fez en Barbarie. Sa longueur est d'environ dix lieues; sa largeur de quatre, & il joint la mer Méditerranée avec l'Océan atlantique. On voit à l'endroit le moins large de ce détroit, du côté de l'Espagne, la montagne de Gibraltar qui lui donne le nom; & du coté de l'Afrique, la montagne des Singes. Les anciens ont pris ces deux montagnes pour les deux colonnes d'Hercule; & c'est par cette raison qu'ils ont donné au détroit le nom du détroit d'Hercule . La baie de Gibraltar est fort grande; elle a environ 7 milles d'ouverture, & près de 8 d'enfoncement. La pointe de l'oüest est le cap Carnero, & celle de l'est le mont Gibraltar . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gibraltar Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gibraltar Gibraltar , Colpa , ( Géog. ) ville d'Espagne, dans l'Andalousie, située près d'une montagne escarpée de toutes parts, du sommet de laquelle on découvre plus de quarante lieues en mer, & sur la côte septentrionale du détroit de même nom, qui fait la communication de l'Océan & de la Méditerranée. Son port est défendu par plusieurs forts. Les Anglois prirent cette ville en 1704, & elle est demeurée à l'Angleterre par le traité d'Utrecht. Elle est à deux lieues N. de Ceuta, 18 S. E. de Cadix: on voit à une lieue de cette ville Gibraltar Véjo , qui n'est autre chose que les ruines de l'ancienne Héraclea . Le nom de Gibraltar s'est fait par corruption de Gibel Tarif , terme arabe qui signifie montagne de Tarif ; & ce nom vient des Maures. Ce fut en 1303 que Ferdinand IV. leur enleva Gibraltar , qui n'étoit pas si difficile à conquérir qu'aujourd'hui. Longit. 12. 35. lat. 36 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIEN GIEN, Giemacum , ( Géog. ) ville de France dans le Hurepoix, sur la Loire, à trois lieues au-dessous de Briare, à dix d'Orléans, à trente-quatre S. E. de Paris. C'est un comté qui appartenoit autrefois aux seigneurs de Donzy, & relevoit des évêques d'Auxerre. Gien est toujours du diocèse d'Auxerre; mais quant au comté, Louis XIV. l'a vendu ou engagé au chancelier Seguier. Long. 20. 17. 42. latit. 47. 4. 8 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIENGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIENGEN GIENGEN, Gienga , ( Géog. ) petite ville libre & impériale d'Allemagne, dans la Soüabe, sur la riviere de Brentz, entre Ulm & Nordlingen. Long. 28. 2. lat. 48. 38 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIENZOR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIENZOR GIENZOR, ( Géog. ) ville ouverte d'Afrique dans la Barbarie, au royaume de Tripoli, dont elle est à quatre lieues. Long. 56. 35. lat. 34. 18 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIERACE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIERACE GIERACE, Hieracium ou Sancta Hieracia , ( Géog. ) ville d'Italie au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure, avec un évêché suffragant de Reggio. Elle est sur une montagne près de la mer, à 13 lieues N. E. de Reggio, 11 S. E. de Nicotera. Long. 34. 18. lat. 38. 15 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIESSEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIESSEN GIESSEN, Giessa , ( Géog. ) ville forte d'Allemagne dans la haute Hesse, avec une université fondée en 1607, un château & un arsenal; elle est dans le partage de la maison de Darmstadt, dans un terrein fertile, sur la riviere de Lohn, à deux lieues de Wetzlar, à quatre S. O. de Marpurg, neuf S. E. de Francfort. Voyez Zeyler, Harsiae. topog. Long. 26. 26. lat. 50. 30 . Hertius (Jean Nicolas) jurisconsulte, mort en 1710 à 59 ans, étoit de Giessen . Il est connu par quelques ouvrages estimés, & entr'autres par des opuscules écrits en latin sur l'histoire & la géographie de l'ancienne Germanie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIFT-MEHL Author=d'Holbach Normalized Classification=Métallurgie Part of Speech=s.m. GIFT-MEHL GIFT-MEHL, s. m. ( Métallurgie. ) ce mot est allemand, & signifie farine empoisonnée . Il est usité dans les atteliers où l'on grille le cobalt pour en dégager l'arsenic: cet arsenic se dissipe en fumée, & est reçu dans une longue cheminée horisontale, aux parois de laquelle il s'attache sous la forme d'une poudre blanche ou d'une farine legere. On la recueille au bout de quelques tems, pour la mettre à sublimer & en faire soit de l'arsenic crystallin, soit de l'orpiment & du réalgar, en y joignant du soufre. Voyez Cobalt & Saffre , Orpiment , Réalgar . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIGANTESQUE Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GIGANTESQUE GIGANTESQUE, adj. qui est d'une taille démesurée ou de géant. Voyez Géant . Le P. Bouhours rapporte qu'une des principales fourberies des Brames, est de persuader aux simples que les pagodes mangent comme nous; & afin qu'on leur présente beaucoup de viande, ils font ces dieux d'une figure gigantesque , & leur donnent sur-tout un gros ventre. Dictionn. de Trév. & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIGANTOMACHIE Author=unknown Normalized Classification=Littérature Part of Speech=s.f. GIGANTOMACHIE GIGANTOMACHIE, s. f. ( Littérat. ) description du combat des géans contre les dieux fabuleux de l'antiquité. Voyez ci-devant Géans , ( Myth. ) Plusieurs poëtes ont composé des gigantomachies; celle de Scarron est assez connue. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIGLIO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIGLIO GIGLIO, AEgilium ou Igilium , ( Géog. ) petite île d'Italie sur la côte de Toscane, avec un château pour la défendre des corsaires. Elle est située au N. O. de l'île d'Elve, & fait partie de l'état de Sienne. Le portulan de la Méditerranée dit qu'elle est environ à 12 milles S. O. de la pointe de l'O. d'Argentaro, & lui donne 6 à 7 milles de longueur. Long. 28. 35. latit. 42. 24 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIGOT Author=unknown Normalized Classification=Boucherie | Cuisine Part of Speech=s.m. GIGOT GIGOT, s. m. ( Boucherie & Cuisine. ) c'est la cuisse du mouton, qu'on appelle aussi l' éclanche . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIGOTÉ Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=adject GIGOTÉ GIGOTÉ, adj. ( Manége. ) expression basse, mais néanmoins reçûe pour désigner un cheval qui a de l'étoffe, dont les membres sont parfaitement bien fournis, & dont la partie appellée communément & improprement la cuisse , répond exactement par son arrondissement & par son volume, à celui de la croupe. Ce cheval est bien gigoté , il doit avoir de la force. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gigoté Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Gigoté Gigoté , ( Vénerie. ) Chien bien gigoté , c'est quand un chien a les cuisses rondes & les hanches larges; c'est signe de vîtesse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIGUE Author=d'Alembert Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.f. GIGUE GIGUE, s. f. ( Musique. ) air qui se marque ordinairement d'un 6/8, qui se bat à deux tems inégaux & vifs, & qui commence ordinairement en levant. La gigue n'est proprement qu'une espece de loure dont le mouvement est accéléré. Voyez Loure . Il y a même dans les anciens opéra françois des gigues designées par le mouvement 6/4 de la loure, comme dans le prologue de l'opéra de Roland. La gigue est très-commune dans nos opéra, parce que cet air par sa vivacité & son sautillement est très-propre à la danse; on lui a même donné plus essentiellement ce caractere parmi nous par la maniere dont on l'a souvent noté. Chez les Italiens la mesure de la gigue est de six croches qui se passent de trois en trois; la premiere plus vîte, la seconde un peu moins, la troisieme encore un peu moins. Chez nous, au lieu des trois croches on substitue trois autres notes équivalentes; mais dont la premiere se passe très-vite, la seconde une fois moins, la troisieme deux fois moins: ce sont une double croche, une croche simple, & une croche pointée. Par cette maniere de noter & de joüer, la gigue devient plus vive, d'une mesure plus marquée & plus propre pour la danse; elle est aussi en cet état très-propre à recevoir des paroles gaies, & quelquefois susceptible d'une expression très-heureuse. Telle est la gigue de Thésée chantée en duo par deux vieillards, Pour le peu de bon tems qui nous reste , &c. Cet air, plein de caractere & de vérité, est bien préférable à un grand nombre d'autres airs du même musicien qui n'ont pas ce mérite, mais qu'on admire encore chez nous par préjugé & par habitude. Les Italiens font aussi beaucoup d'usage de la gigue , même dans leurs pures symphonies; & on sait que Corelli entr'autres a excellé dans ce genre. Mais ils ne bornent pas le mouvement de cet air à des sonates, ni même à des airs de chant gai; ils l'employent quelquefois très-à-propos dans des airs vifs de différente espece, d'amour, de fureur, de douleur même. La maniere dont nous notons nos airs de gigue , ne les rend propres qu'à rendre des paroles gaies; la petite différence dans la maniere de noter des Italiens, les met à portée d'exprimer par ce mouvement beaucoup plus que nous. Nous ne pouvons, il est vrai, nous persuader, graces à la finesse de notre tact en Musique, & aux modeles que nous en avons, qu'un mouvement vif puisse exprimer autre chose que la joie, comme si une douleur vive & furieuse parloit lentement. C'est en conséquence de cette persuasion que les morceaux vifs du Stabat , exécutés gaiement au concert spirituel, ont paru des contre-sens à plusieurs de ceux qui les ont entendus. Nous pensons sur cet article à-peu-près comme nous faisions il y a très-peu de tems sur l'usage des cors-de-chasse. On sait, pour peu qu'on ait entendu de beaux airs italiens pathétiques, l'effet admirable que cet instrument y produit; avant cela nous n'aurions jamais imaginé qu'il pût être placé ailleurs que dans une fête de Diane. Au reste, pour en revenir à la gigue , comme elle se bat à deux tems, les François & les Italiens l'ont quelquefois marquée d'un 2 au lieu d'un 6/8, en y conservant d'ailleurs la maniere de noter que nous avons dite. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIHUN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIHUN GIHUN, ( Géogr. ) Les Arabes appellent ainsi l' Oxus des anciens, grande & célebre riviere d'Asie, qui prend sa source dans la province de Tokharestan, au pié du mont Imaüs. Elle a son cours géneral du couchant au levant; & après avoir coupé la Chowaresme en deux, & séparé la Perse du Turkestan, elle se jette dans la mer Caspienne. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GILBERTINS Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. GILBERTINS GILBERTINS, s. m. pl. ( Hist. ecclésiastiq. ) ordre de religieux ainsi nommés de leur fondateur Gilbert de Sempringhand, dans la province de Lincoln, qui institua cet ordre l'an 1148. On n'y recevoit que des gens qui eussent été mariés. Les hommes suivoient la regle de saint Augustin, & étoient chanoines, & les femmes celle de saint Benoît. Le fondateur ne bâtit qu'un monastere double; ou plûtôt deux monasteres différens qui se touchoient; l'un pour les hommes, & l'autre pour les femmes, mais séparés par de hautes murailles. Cet ordre eut des monasteres semblables, où l'on compta dans la suite jusqu'à sept cents religieux, & plus d'une fois autant de religieuses. Mais il fut aboli avec tous les autres sous le regne d'Henri VIII. Dictionn. de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GILGUL Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.m. GILGUL GILGUL, s. m. ( Théologie. ) mot qui se trouve souvent dans les écrits des juifs modernes, & surtout dans leurs livres allégoriques. Il signifie roulement; mais les auteurs sont partagés sur le vrai sens qu'y donnent les rabbins. Les uns croyent que tous ceux de leur nation qui sont dispersés dans le monde, & qui meurent hors de la terre de Chanaan, ne ressusciteront au jour du jugement dernier que par le moyen de ce gilgul , c'est-à-dire, selon eux, que leurs corps rouleront par les fentes de la terre pratiquées par Dieu même, jusqu'à ce qu'ils soient arrivés en Judée, ce qui porte plusieurs d'entr'eux à se rendre avant leur mort dans le pays qu'ont habité leurs peres, pour éviter ce roulement. Les rabbins ne sont pas eux mêmes d'accord sur la maniere dont les cadavres feront ce voyage, quelques-uns les faisant ressusciter dans le lieu même où ils auront été ensevelis; d'autres imaginant que Dieu leur creusera des cavernes & des soûterreins, qui de toutes les parties du monde aboutiront au mont des Olives. C'est ce que Buxtorf rapporte dans son dictionnaire chaldaïco-rabbinique. L'opinion de Léon de Modene est beaucoup plus vraissemblable. Il assûre qu'il y a des juifs qui, comme Pythagore, croyent la transmigration des ames d'un corps dans un autre; que cette maniere de penser, quoiqu'elle ne soit pas universellement reçue, a parmi eux ses défenseurs & ses adversaires, & que c'est cette espece de métempsycose qu'ils nomment gilgul . Quoique les Juifs prétendent fonder ces différentes explications du gilgul sur divers passages de l'Ecriture, on doit regarder leurs idées à cet égard comme tant d'autres visions extravagantes dont leurs livres sont remplis. Léon de Modene, cérémonies des Juifs, part. V. chap. x. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GILLES, (Saint-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GILLES GILLES, ( Saint-) Sancti-AEgidii villa, Géogr. petite ville de France au bas Languedoc, un des deux grands prieurés de Malte dans la Langue de Provence, à 5 lieues O. d'Arles, 11 N. E. de Montpellier. Long. 22. 8. lat. 43. 40 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GILOLO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GILOLO GILOLO, ( Géogr. ) grande île d'Asie avec une capitale de même nom dans l'Archipel des Moluques. Elle est sous la ligne, entre l'île de Celebes & la terre de Papous, dont elle n'est séparée que par un petit canal; cette île est fort irréguliere. On lui donne cent milles du N. au S. & autant de l'E. à l'O. L'air y est fort chaud, & la terre fertile en riz & en sagu. La mer qui l'environne, lui fournit quantité de tortues. Long. 145 d . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GILOTINS Author=Diderot Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m.pl. GILOTINS * GILOTINS, s. m. pl. ( Hist. mod. ) jeunes gens dont on fait l'éducation dans une communauté fondée par un ecclésiastique appellé M. Gillot , & mieux connue sous le nom de Sainte-Barbe . Les maîtres & les écoliers de cette communauté ont joüi d'une grande réputation de science & de moeurs depuis son établissement, & les changemens que les affaires du tems ont apportés à cette maison, n'en ont point affoibli la régularité & l'amour de l'étude. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIMBLETTE Author=unknown Normalized Classification=Confiseur Part of Speech=s.f. GIMBLETTE GIMBLETTE, s. f. c'est un ouvrage de Confiserie fait en forme d'anneaux, de chiffres, &c. d'une pâte mêlée avec du vin d'Espagne ou du vin blanc commun, des oeufs, de la farine, à laquelle on donne telle odeur qui plaît. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIMMA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GIMMA GIMMA, ( Hist. nat ) nom donné par quelques auteurs à la pierre composée d'un assemblage de coquilles & de différens corps marins pétrifiés. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIMMOR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIMMOR GIMMOR, ( Géogr. ) montagne de Suisse dans le canton d'Appenzell. On y trouve quantité de pierres assez curieuses, dont les unes sont blanchâtres & sans couleurs étrangeres, & les autres sont transparentes, avec des traits noirs qui les coupent à angles droits; ces pierres pourroient bien n'être autre chose qu'une espece de talc. Voyez Talc ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GINDI ou DGINDI Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m.pl. GINDI ou DGINDI GINDI ou DGINDI, s. m. pl. ( Hist. mod. ) espece de cavaliers turcs extrèmement adroits. On leur attribue des tours de force & de souplesse très-singuliers. Ils ramassent, dit-on, en courant une lance qu'ils ont jettée à terre; ils galopent quelquefois tenant un pié sur un cheval & un pié sur un autre, & en cet état tirent des oiseaux qu'on a placés exprès sur les plus hauts arbres. D'autres feignent de tomber, se laissent glisser sous le ventre du cheval, puis se remettent en selle. On ajoûte qu'Amurath IV. voulant un jour se divertir, leur commanda de courir l'un contre l'autre les deux piés sur la selle, ce qu'ils exécuterent après plusieurs chûtes. Un italien qui avoit été dix ans esclave à Constantinople, où il avoit appris de pareils exercices, les donna en spectacle à Paris en 1585, à ce que rapporte Vigenere. Ricaut, de l'empire ottoman . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GINGEMBRE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=s.m. GINGEMBRE GINGEMBRE, s. m. ( Bot. exot. ) plante exotique dont la fleur imitant celle de nos orchis, sort d'une masse écailleuse, & s'ouvre par six pétales qui la composent; l'ovaire devient ensuite un fruit triangulaire à trois loges, qui contiennent plusieurs graines. Le détail suivant fera mieux connoître cette plante, diversement nommée dans les livres de Botanique; elle est appellee gingembre femelle à feuilles etroites, zingiber angustiori folio foemina, utriusque Indioe alumna , par Pluk. Alm. page 397. iris latifolia, tuberosa, zingiber dicta flore albo , H. Oxon; mangaratia , par Pison; gingibil , par Bontius; chilli Indiae orientalis , par Hernandes; inschi ou inschi-kua , H. Malab. La racine, selon le P. Plumier, a du rapport avec celle du roseau; elle est tendre, écailleuse, branchue, blanche en-dedans, pâle & jaunâtre en-dehors, d'un goût très-piquant. Cette racine pousse trois ou quatre petites tiges, cylindriques, épaisses d'un demi-doigt, renflées & rouges a leur origine, mais entierement vertes dans le reste de leur longueur. De ces tiges, les unes sont garnies de feuilles, les autres se terminent en une masse écailleuse; celles qui sont feuillées sont en grand nombre, alternes, épanoüies en tout sens, semblables à celles du roseau, mais plus petites & plus molles, longues d'environ un demi-pié, pointues, & ayant un peu plus d'un pouce dans leur plus grande largeur. Elles sont lisses, d'un verd gai, & partagées par une petite côte saillante en-dessous; les petites tiges qui finissent en masse ont à peine un pié de hauteur; elles sont entourées & couvertes de petites feuilles verdâtres, & rougeâtres à leur pointe. La masse qui termine chaque tige, plaît par sa beauté; car elle est toute composée d'écailles membraneuses, d'un rouge doré, ou bien elles sont verdâtres & blanchâtres. De l'aisselle de ses écailles sortent des fleurs qui imitent celles de nos orchis, & qui s'ouvrent en six pieces aigues, en partie pâles, & en partie rouges foncé, & tachetées de jaunâtre. Le pistil qui s'éleve du centre est très-menu, court, blanc, terminé par une pointe blanche recourbée, & rouge à l'extrémité. Sa base devient un fruit coriace, ovalaire, triangulaire, à trois loges, à trois panneaux remplis de plusieurs graines. Les masses ont une vive odeur; les fleurs qui en sortent durent à peine un jour, & s'épanoüissent successivement l'une après l'autre. Quoiqu'on cultive cette plante en Amérique, elle ne paroît pas originaire de cette partie du monde; & l'on a lieu de croire qu'elle y a été apportée, de même qu'au Bresil, des Indes orientales ou des Philippines. La seconde espece de gingembre appellée gingembre mâle, zingiber sylvestre mas , par Pison Mant. Arom. anchoas ou zingiber mas , par Hernandes; & katon-inschi-kua , par Commellin. H. Malab. ne differe de la précédente, qu'en ce que ses feuilles sont rudes, plus épaisses & plus larges, ses racines plus grosses, d'une odeur moins forte, d'un gout moins brûlant & moins aromatique; & c'est aussi pour cette raison qu'on n'en fait pas autant de cas. Il y a une troisieme plante qui est nommée gingembre sauvage à larges feuilles, zingiber majus latifolium sylvestre , par Herman. C'est celle qui donne la racine de zérumbeth; nous la décrirons à sa place. Voyez Zérumbeth . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gingembre Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=NA Gingembre Gingembre , ( Agricult. ) Cette plante, à cause du grand débit de sa racine, se cultive dans les deux Indes, & même en Europe par des curieux. Les habitans de Malabar conservent d'une année à l'autre des racines noüeuses & filandreuses de cette plante. Après avoir fait plusieurs creux d'une certaine profondeur & à certaines distances dans un terrein gras, bien fumé & bien labouré, ils enfoncent des tranches de racines dans chaque creux, les couvrent d'un peu de terre, & les arrosent plus ou moins, selon que le terrein est plus ou moins sec. Ils continuent les arrosemens jusqu'au tems de la récolte qui se fait ordinairement en Janvier, & qui est indiquée par les feuilles fannées de la plante; alors ils arrachent les racines de terre, & les font sécher lentement. Aussi-tôt qu'elles sont passablement seches, ils les enduisent de bol pour empêcher les insectes de s'y mettre. Linschotten dit que pour garantir efficacement les racines de gingembre des injures de l'air, des vers, & des teignes, ils font de grands amas de ces racines, les couvrent de terre de potier, & les laissent sécher insensiblement sous cette couverture impénétrable. On suit à-peu-près la même méthode de culture dans les îles Antilles qu'aux Indes orientales; on y plante le gingembre sur la fin de la saison des pluies, c'est-à-dire en Octobre & en Novembre. Après que la terre a été labourée à la houe, on met de pié-en-pié une branche de la racine qui a été conservée de la derniere récolte; on préfere celles à qui il est resté le plus de chevelure, & on les recouvre de trois ou quatre doigts de terre. Au bout de dix à douze jours la plante commence à pousser une pointe, qui ne paroît d'abord que comme la pousse des jeunes ciboules, tant les feuilles sont foibles. Alors on prend soin de tenir la terre bien nette, d'en arracher les mauvaises herbes, & de continuer cette pratique jusqu'à ce que la plante soit assez forte pour couvrir la terre, & étouffer d'elle-même les herbes inutiles qui veulent croître dans son enceinte. Les pattes, c'est ainsi qu'ils nomment les racines, se fortifient & s'étendent dans la terre à-proportion de la bonté du terrein, car cette plante a coûtume de le dégraisser & de le manger beaucoup. Quand la racine est mûre, ce qu'on connoît aux feuilles, qui, après avoir jauni, se fannent & se sechent, on arrache la plante avec ses pattes & son chevelu; s'il en est resté quelques-unes en terre, on les cherche avec la houe, & on les enleve. On sépare ensuite la tige des pattes; on nettoye les pattes de toutes les ordures qu'elles peuvent avoir; on les racle legerement, on les lave, on les fait sécher sur des claies, simplement à l'air & à l'abri du soleil. Ces racines sont d'une substance si délicate, que cette substance seroit bien-tôt consommée, & n'offriroit plus qu'une peau ridée avec très peu de chair, si on les faisoit sécher au soleil ou au four. Pour préserver des insectes les racines de gingembre ainsi séchées, on les enduit de bol rouge, jaune, ou d'autre couleur; & pour les transporter chez l'étranger, on les enferme dans des boîtes couvertes de terre ou de sable. D'autres, après avoir enlevé l'écorce extérieure des racines, jettent ces racines ainsi pelées dans de la saumure ou du vinaigre, & les y laissent macérer pendant une couple d'heures: au sortir de-là, ils les exposent autant de tems au soleil, & finalement ils les couvrent de nattes dans leurs magasins pour l'usage & le débit. Celles qu'on a trop lavées ou nettoyées, perdent une partie de leur force, de leur chaleur, & de leur acrimonie. On cultive le gingembre en Europe par pure curiosité; & l'on réussit très-bien à cette culture. Voici comment. On transplante au printems des racines de cette plante dans des pots pleins de terre fertile & legere; on plonge ces pots dans des couches de tan, qu'il convient d'arroser fréquemment. Au fort de l'été, on doit tenir avec des tuiles les chassis de verre soûlevés pour donner de l'air à la plante; & si l'on tempere habilement l'accès de l'air, la chaleur, & les arrosemens, on verra les racines dans une seule saison se fortifier, grossir, s'étendre de toutes parts, & produire des fleurs. Mais il faut observer dans nos climats tempérés de tenir constamment, & même pendant tout l'été, les pots de gingembre dans les couches de tan, sans les en sortir. Pendant l'hyver, il faudra que ces pots soient non-seulement à demeure dans la serre chaude, mais qu'ils y soient plongés dans du tan. Ces pots de racines ne prospéreroient point aussi-bien sur des planches dans le lieu le plus chaud de la serre, qu'ils le feront dans la couche du tan au même degré de chaleur. On doit peut-être en attribuer la cause à la vapeur du tan qui s'éleve par la fermentation; & qui passant par les trous du fond des pots, humecte les racines, les nourrit, & les maintient dans l'embonpoint. Le jaunissement & la flétrissure des feuilles indiquent la maturité des racines, & pour lors on peut les tirer des pots; mais celles qu'on réserve pour multiplier, doivent rester dans leurs pots jusqu'au printems suivant, qui est le tems favorable à la transplantation, & toûjours un peu avant que la racine jette des feuilles. En effet, on a remarqué que c'est d'abord après la pointe des feuilles, que les racines poussent des fibres charnues qui les sauvent & les conservent. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gingembre, (racine de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Gingembre Gingembre , ( racine de ) Comm . Il n'est pas possible de calculer la quantité de gingembre dont les Indes fournissent l'Europe chaque année, par ce que les vaisseaux marchands qui viennent de nos colonies en apportent sans cesse, soit en nature, soit confit. Le gingembre qu'on confit dans les colonies pour le débit ordinaire, est brun, & le sirop noir; mais on est parvenu dans les îles à faire une excellente confiture de gingembre pour les gens aisés & les officiers de Marine, qui en consomment beaucoup sur mer. Voici la maniere dont on y réussit; & c'est une très-bonne méthode pour ôter l'âcreté mordicante & nuisible de toutes sortes de racines. On cueille celle-ci avant sa maturité, lorsqu'elle est jeune & tendre. On la ratisse pour enlever la premiere pellicule; ensuite on la coupe par tranches qu'on fait macérer dans plusieurs eaux pendant une dixaine de jours pour ôter leur âcreté; & l'on change ces eaux toutes les douze heures. Après cette préparation, on fait bouillir les racines à grande eau pendant une bonne demi-heure; quand on les a tirées de cette eau, & qu'elles ont été bien égouttées, on les met dans un sirop foible, clarifié, tout chaud; & on les laisse dans ce sirop pendant vingt-quatre heures. On les fait égoutter une seconde fois, & on les remet dans un nouveau sirop plus fort pendant le même espace de tems; enfin on les replonge dans un troisieme sirop bien clarifié, où on les laisse à demeure, si l'on veut les conserver liquides, & d'où on les tire, si l'on veut les mettre à sec, pour en composer des marmelades & des pâtes. Le gingembre confit de cette maniere est d'une couleur d'ambre, claire, transparente, tendre sous la dent, & sans âcreté mordicante; le sirop en est blanc & agréable. Le prix du gingembre en nature est à Amsterdam depuis huit jusqu'à douze florins la livre; le prix du gingembre confit depuis quatorze jusqu'à vingt florins. L'Allemagne & le Nord consomment beaucoup de l'un & de l'autre gingembre . Nos Epiciers achetent volontiers le gingembre en nature, dont ils composent une sorte d'épices qu'ils nomment épice blanche: mais les colporteurs ne vendent guere de poivre où il n'y ait une partie de gingembre mêlée; & c'est de-là que vient le bas prix auquel ils le donnent. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gingembre Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gingembre Gingembre , ( Mat. med. ) on connoît sous ce nom dans les boutiques une racine d'un goût acre, brûlant, d'une odeur forte assez agréable; on estime celle qui est récente, blanche ou pâle & odorante; on rejette celle qui est rongée des vers, qui est pleine de poussiere, & dont la superficie a été couverte de bol ou de craie, pour remplir les trous que les vers ont faits; car elle y est fort sujette. Geoffroi, Mat. med . On nous l'apporte dans deux états, séchée, & confite avec le sucre. Le gingembre séché entre dans les poudres des plus anciens antidotes; tels que la thériaque, le mithridate, le diascordium, dans les confections cordiales, stomachiques, & même purgatives, & dans tous les anciens électuaires purgatifs: il est employé dans ces derniers comme un puissant correctif des purgatifs, selon l'idée des anciens. Voyez Correctif . On fait entrer aussi quelquefois le gingembre en poudre dans diverses préparations magistrales, telles que les opiates & les bols stomachiques, cordiaux, & sur-tout dans les remedes déstinés à exciter l'appétit vénérien & l'aptitude à le satisfaire; il est très renommé pour cette derniere qualité, & les effets qu'on lui attribue sur ce point sont très-réels: on le prescrit quelquefois aussi à titre de carminatif: c'est un puissant tonique & un véritable échauffant. Voy. Échauffant & Tonique . C'est pourquoi il faut bien se garder d'en permettre l'usage à ceux qui ont les solides tendus & irritables, ou qui sont sujets à des hémorrhagies: on pourroit le donner seul en substance depuis dix jusqu'à vingt grains dans les relâchemens extrèmes de l'estomac; mais on le donne très-rarement ainsi, à cause de sa grande acreté. On use beaucoup plus fréquemment dans les prescriptions magistrales, du gingembre confit; celui-ci est beaucoup plus doux, mais il est encore assez actif pour réveiller doucement le jeu de l'estomac, exciter l'appétit, faciliter la digestion, donner des forces, & ce que les Medecins appellent pudiquement de la magnanimité , si on en mange plusieurs morceaux dans la journée: au reste, cette confiture est très agréable; & on la sert assez communément sur nos tables. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GINGI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GINGI GINGI, ( Géog. ) royaume d'Asie; ce royaume est une contrée de la côte de Coromandel, dans la presqu'île de l'Inde, en-deçà du Gange. Elle est bornée au nord par le royaume de Bisnagar, au sud par le Tanjaon, à l'est par l'Océan indien, à l'oüest par les montagnes de Gate, qui la séparent de la côte de Malabar. Son prince particulier ou naîque, est tributaire du roi de Décan; sa ville principale est Gingi , espece de forteresse au sud du royaume de Carnate, à quatorze lieues oüest de Pondichéry. Long. suivant le P. Boucher, d'environ 100 d . & suivant Desplaces, 97 d . 21'. 30". latit. 12 d . 10' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GINGIRO, ou GINGER-BOMBA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GINGIRO, ou GINGER-BOMBA GINGIRO, ou GINGER-BOMBA, ( Géograph. ) royaume d'Ethiopie au nord de la ligne équinoctiale, & au sud de l'Abyssinie, par laquelle il est borné au nord-est; il est terminé à l'est par la riviere de Zébée, au sud par le Monoémugi, à l'oüest par le Mujac, au nord par la province de Gorrham: tout l'intérieur du pays nous est inconnu, personne n'y a pénétré. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GINGLIME Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.m. GINGLIME GINGLIME, s. m. ( Anatomie. ) est une espece de diarthrose ou d'articulation des os. Voyez Diarthrose & Articulation . Le ginglime est une espece d'articulation dans laquelle deux os se reçoivent mutuellement, de maniere qu'un même os reçoit & est reçû. Voyez Os . Il y a trois sortes de ginglimes ; la premiere est lorsque le même os par la même extrémité est reçû par un seul os qu'il reçoit réciproquement en forme de charniere: telle est l'articulation de l'os du bras & de celui du coude. La seconde est lorsqu'un os en reçoit un autre par une de ses extrémités, & qu'il est reçu dans un autre par son autre extrémité, comme le radius & le cubitus . La troisieme espece de ginglime est celle où un os est reçû en forme de roue ou d'essieu, comme la seconde vertebre est reçue par la premiere. Chambers . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GINS-ENG Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=s.m. GINS-ENG GINS-ENG, s. m. ( Bot. exot. ) on écrit aussi gens-eng, ging-seng & geng-seng; la plus célebre racine médicinale de toute l'Asie. C'est-là cette racine si chere & si précieuse que l'on recueille avec tant d'appareil dans la Tartarie; que les Asiatiques regardent comme une panacée souveraine, & sur laquelle les medecins chinois ont écrit des volumes entiers où ils lui donnent le nom de simple spiritueux , d' esprit pur de la terre , de recette d'immortalité . Cette fameuse racine a un ou deux pouces de longueur: tantôt elle est plus grosse que le petit doigt, & tantôt moins, un peu raboteuse, brillante & comme transparente, le plus souvent partagée en deux branches, quelquefois en un plus grand nombre, garnie vers le bas de menues fibres: elle est roussâtre en-dehors, jaunâtre en-dedans, d'un goût acre, un peu amer, aromatique, & d'une odeur d'aromate qui n'est pas desagréable. Le collet de cette racine est un tissu tortueux de noeuds, où sont imprégnées alternativement, soit d'un côté soit de l'autre, les traces des différentes tiges qu'elle a eues & qui marquent ainsi l'âge de cette plante, attendu qu'elle ne produit qu'une tige par an, laquelle sort du collet & s'éleve à la hauteur d'un pié. Cette tige est unie & d'un rouge noirâtre. Du sommet de cette tige naissent trois ou quatre queues creusées en gouttiere dans la moitié de leur longueur, qui s'étendent horisontalement, & sont disposées en rayons ou en une espece de parasol: les queues sont chacune chargée de cinq feuilles inégales, minces, oblongues, dentelées, retrécies, alongées vers la pointe, & portées sur la queue qui leur est commune, par une autre petite queue plus ou moins grande. La côte qui partage chaque feuille jette des nervures qui font un réseau en s'entrelaçant. Au centre du noeud où se forment les queues des feuilles, s'éleve un pédicule simple, nud, d'environ cinq à six pouces, terminé par un bouquet de petites fleurs, ou par une ombelle garnie à sa naissance d'une très-petite enveloppe. Cette ombelle est composée de petits filets particuliers qui soûtiennent chacun une fleur dont le calice est très-petit, à cinq dentelures, & porté sur l'embryon. Les pétales sont au nombre de cinq, ovales, terminés en pointe, rabattus en-dehors. Les étamines sont aussi au nombre de cinq, de la longueur des pétales, & portent chacune un sommet arrondi. Le stile est court & ordinairement partagé en deux branches, quelquefois en trois & en quatre, dont chacune est surmontée d'un stigmate: ce stile est posé sur un embryon qui en mûrissant devient une baie arrondie, profondément cannelée, couronnée, & partagée en autant de loges qu'il y avoit de branches au stile. Chaque loge contient une semence plate, en forme de rein. Lieux de sa naissance . Le gins-eng croît dans les forêts épaisses de la Tartarie, sur le penchant des montagnes, entre les 39 & 47 d . de latit. septentr. & entre le 10 & le 20 d . de longitude orientale, en comptant depuis le méridien de Pékin. Le meilleur vient dans les montagnes de Tsu-toang-seng; celui qui naît dans la Corée, & qu'on nomme ninzin , est plus épais, mou, creux en-dedans, & beaucoup inférieur au vrai gins eng . Il n'est donc pas vrai que cette plante soit originaire de Chine, comme le dit le P. Martini, d'après quelques livres chinois qui la font croître dans la province de Pekin, sur les montagnes d'Yong-Pinfou: mais on a pû aisément s'y tromper, parce que c'est-là qu'elle arrive quand on l'apporte de la Tartarie à la Chine. Appareil avec lequel on recueille, on seche, & on prépare cette racine . Les endroits où vient le gins-eng sont séparés de la province de Quantong, appellée Leao-tong dans nos anciennes cartes, par une barriere de pieux de bois qui renferme toute cette province, & aux environs de laquelle des gardes rodent continuellement pour empêcher les Chinois d'aller chercher cette racine: cependant quelque vigilance qu'on employe, l'avidité du gain inspire aux Chinois le secret de se glisser dans ces deserts au risque de perdre leur liberté & le fruit de leurs peines, s'ils sont surpris en sortant de la province ou en y rentrant. L'empereur qui régnoit en 1709, souhaitant que les Tartares profitassent de ce gain préférablement aux Chinois, avoit ordonné à dix mille Tartares d'aller ramasser eux-mêmes tout ce qu'ils pourroient de gins-eng , à condition que chacun d'eux en donneroit à sa majesté deux onces du meilleur, & que le reste seroit payé aux poids d'argent fin. Par ce moyen on comptoit que l'empereur en auroit cette année-là environ vingt mille livres chinoises, qui ne lui coûteroient guere que la quatrieme partie de leur valeur. Le P. Jartoux rencontra par hasard la même année quelques-uns de ces Tartares au milieu de ces affreux deserts. Voici l'ordre que tient cette armée d'herboristes: après s'être partagé le terrein selon leurs étendarts, chaque troupe au nombre de cent, s'étend sur une ligne jusqu'à un terme marqué, en gardant de dix en dix une certaine distance: ils cherchent ensuite avec soin la plante dont il s'agit, en avançant insensiblement sur un même rond; & de cette maniere ils parcourent pendant un certain nombre de jours l'espace qu'on leur a marqué. Ceux qui vont à la découverte de cette plante, n'en conservent que la racine, & ils enterrent dans un même endroit tout ce qu ils peuvent en ramasser durant dix ou quinze jours. Ils la recueillent avec beaucoup de soin & d'appareil au commencement du printems, & sur la fin de l'autonne. Ils ont soin de la bien laver & de la nettoyer, en ôtant tout ce qu'elle a de matiere étrangere, avec un couteau fait de rambou, dout ils se servent pour la ratisser legerement; car ils évitent religieusement de la toucher avec le fer; ils la trempent ensuite un instant dans de l'eau presque bouillante; & puis ils la font secher à la fumée d'une espece de millet jaune, qui lui communique un peu de sa couleur. Le millet renfermé dans un vase avec de l'eau, se cuit à petit feu. Les racines couchées sur de petites traverses de bois au-dessus du vase, se sechent insensiblement sous un linge ou sous un autre vase qui les couvre. On les fait aussi sécher au soleil, ou même au feu: mais quoiqu'elles conservent leur vertu, elles n'ont pas alors cette couleur que les Chinois aiment davantage. Quand ces racines sont seches, ils les mettent dans des vaisseaux de cuivre bien lavés, & qui ferment bien; ou ils les tiennent simplement dans quelque endroit sec. Sans cette précaution, elles seroient en danger de se pourrir promptement & d'être rongées de vers. Ils font un extrait des plus petites racines, & ils gardent les feuilles pour s'en servir comme du thé. Relation qu'en donne Koempfer . Aux détails du P. Jartoux sur cette racine, il est bon de joindre ceux de Koempfer qui y sont assez conformes, quoiqu'il en ait donné une figure fort différente. Cette plante, dit ce fameux voyageur, si l'on en excepte le thé, est la plus célebre de toutes celles de l'orient, à cause de sa racine, qui y est singulierement recherchée; celle que l'on apporte de Corée dans le Japon, & que l'on cultive dans les jardins de la ville de Méaco, y vient mieux que dans sa propre patrie, mais elle est presque sans vertu: celle qui naît dans les montagnes de Kataja, où l'air est plus froid, dure plus long-tems; sa racine subsiste & ses feuilles tombent en autonne: dans le Japon elle produit plusieurs tiges chargées de graine, & elle meurt le plus souvent en un an. Lorsque le tems de ramasser cette racine approche, on met des gardes dans toutes les entrées de la province de Siamsai, pour empêcher les voleurs d'en prendre avant la recolte. Ces racines étant nouvellement tirées de la terre, on les macere pendant trois jours dans de l'eau froide, où l'on a fait bouillir du riz; étant ainsi macérées, on les suspend à la vapeur d'une chaudiere couverte, placée sur le feu: ensuite étant sechées jusqu'à la moitié, elles acquierent de la dureté, deviennent rousses, résineuses, & comme transparentes; ce qui est une marque de bonté. On prépare les plus grande fibres de la même maniere. Prix & choix de cette racine . Le prix de cette racine est si haut parmi les Chinois, qu'une livre se vend aux poids de deux & trois livres pesant d'argent; c'est pourquoi on a coûtume de l'altérer de différentes façons; & nos épiciers lui substituent souvent d'autres racines exotiques, ou celle du behen-blanc. Il faut choisir le gins-eng qui est récent, odorant, & non carié ni vermoulu; ce qui est l'ordinaire: j'en ai vû en 1734 chez Séba, la partie entiere qu'avoit reçû la compagnie hollandoise des Indes orientales, & qu'il venoit d'acheter à la vente publique de cette compagnie: dans cette quantité, qui lui coûtoit d'achat quelques milliers de florins, il y en avoit bien une cinquieme partie de gâtée. Le P. Lafiteau paroît avoir trouvé la même plante au Canada. On a eu beau semer la graine de gins-eng , soit à la Chine soit au Japon, elle meurt, ou la racine qu'elle pousse est sans vertu. On ne la connoissoit que dans les montagnes de la Tartarie dont nous avons parlé, quand le P. Lafiteau jésuite, missionnaire des Iroquois du Sault S. Louis, naturellement amateur des plantes, & éclairé par la lettre que le P. Jartoux avoit écrite sur le gins-eng , se mit à le chercher dans les forêts de Canada, & crut enfin l'avoir trouvé. Il a depuis soûtenu sa découverte par un livre qu'il publia en 1718, & qu'il distribua à l'académie des Sciences, dont il tâcha de dissiper entierement les doutes. On voit dans cet ouvrage une description du ginseng du Canada, nommé par les Iroquois garent oguen , encore plus circonstanciée que celle du P. Jartoux: garent-oguen , veut dire, deux choses separées comme deux cuisses . Le nom de gen seng ou gins-eng , signifie pareillement en chinois, cuisses d'homme, ressemblance d'homme, homme plante . M. de Jussieu a semé au jardin royal, des graines assez fraîches & bien conditionnées du gins eng d'Amérique, qu'il avoit reçues du P. Lafiteau, mais qui n'ont pas réussi; de sorte que le gins-eng du Canada est encore plus rare en Europe, que celui de la Chine. Je dis le gins-eng du Canada, parce que toutes les présomptions semblent réunies pour ne regarder les deux gins-eng que comme une même plante. Le degré de latitude, le terroir, la position des montagnes, l'aspect des marais qui sont semblables, la ressemblance des feuilles, des pédicules, des fleurs, des fruits, des tiges, des racines vivaces, & des effets, donnent tout lieu de penser que la plante d'Amérique est la même que celle d'Asie. La transparence qu'a d'ordinaire le gins-eng de la Chine, & qui manque au ginseng du Canada, n'est point une preuve que ce soient deux plantes différentes: en effet, cette transparence n'est que le produit de l'art & de la préparation qu'on donne presque toûjours au gins-eng de la Chine. Mais j'en ai vû en Hollande de naturel, très-ancien, & bien conservé, qui n'avoit point acquis en vieillissant ni cette couleur ni cette transparence du ginseng préparé. Ainsi le tems ne lui donne point cette qualité, comme il la donne quelquefois à d'autres racines pleines de suc, à des fibres très-deliées, qui étant bien seches, ont beaucoup moins de capacité, & ressemblent à-peu-près à de la corne. Si l'on tentoit cette pratique sur le gins-eng du Canada, il n'y a pas de doute qu'on ne parvînt à le rendre semblable au gens-eng chinois préparé. M. Geoffroy, qui me fournit cette observation, & qui possédoit dans sa collection d'histoire naturelle un morceau très-opaque de gins-eng , apporté autrefois en France par les ambassadeurs de Siam, ajoûte ( mém. de l'Acad. 1740, p. 97. ) qu'il a fait l'essai dont je viens de parler, sur quelques racines des plantes ombelliferes, & sur-tout sur celle du chervi, qu'il a rendue transparente, en la faisant simplement bouillir dans de l'eau commune, & l'exposant ensuite à l'air pour la faire sécher. Enfin, sans qu'on ait même besoin de séduire les Chinois par aucune préparation, il est certain qu'ils ne savent pas distinguer le gins-eng pur & naturel du Canada de celui de Tartarie: notre compagnie des Indes profitant de leur erreur, leur vend habilement l'un pour l'autre, & a déjà eu le secret jusqu'à ce jour (1757), de débiter à la Chine trois à quatre milie livres pesant du gins-eng de la Nouvelle France. Epoque de la connoissance du gins-eng en Europe . Celui de la Chine n'a commencé d'être connu en Europe qu'en 1610, par des Hollandois curieux qui en apporterent les premiers en revenant du Japon; il se vendoit alors au-dessus du poids de l'or. Cependant notre nation en avoit peu oüi parler avant l'arrivée des ambassadeurs de Siam en France, qui entr'autres présens, en donnerent à Louis XIV. Estime singuliere que les Asiatiques font du gins eng . Les Asiatiques le regardent comme une panacée souveraine; les gens riches & les seigneurs chinois y ont recours dans leurs maladies comme à la derniere ressource: je dis les gens riches , parce qu'il faut l'être beaucoup pour pouvoir faire, comme eux, un usage commun de cette racine, dont la livre vaut dans les Indes orientales mêmes une centaine d'écus argent de France. Mais le cas singulier que les Chinois & les Japonois font du gins-eng , est encore au-dessus de son prix. Si nous en croyons la traduction que nous a donné le docteur Vandermonde d'un auteur chinois, sur le mérite de cette racine, « elle est utile, dit cet auteur, dans les diarrhées, les dyssenteries, le dérangement de l'estomac & des intestins, de même que dans le syncope, la paralysie, les engourdissemens, & les convulsions; elle ranime d'une maniere surprenante ceux qui sont épuisés par les plaisirs de l'amour; il n'y a aucun remede qu'on puisse lui comparer pour ceux qui sont affoiblis par des maladies aiguë, ou chroniques. Lorsqu'après l'éruption, la petite vérole cesse de pousser, les forces étant déjà affoiblies, on en donne une grande dose avec un heureux succès: enfin en la prenant à plusieurs reprises, elle rétablit d'une maniere surprenante les forces affoiblies; elle augmente la transpiration; elle répand une douce chaleur dans les corps des vieillards, & affermit tous les membres: bien plus, elle rend tellement les forces à ceux même qui sont déjà à l'agonie, qu'elle leur procure le tems de prendre d'autres remedes, & souvent de recouvrer la santé ». Voilà des vertus admirables, si elles étoient vraies. « Cependant, continue l'auteur chinois, le ginseng est peu secourable à ceux qui mangent beaucoup & à ceux qui boivent du vin: il faut l'employer avec précaution, & sur le déclin de l'accès dans les fievres malignes & épidémiques; il faut l'éviter avec soin dans les maladies inflammatoires; il faut en donner rarement dans les hémorrhagies, & seulement après en avoir connu la cause. On l'essayera vainement, quoique sans danger, dans les maladies écroüelleuses, scorbutiques, & vénériennes; mais il fortifie & réveille ceux qui sont languissans; il secourt d'une maniere agréable ceux qui sont abattus par de longues tristesses & par la consomption, en l'employant prudemment depuis un scrupule jusqu'à demi-dragme en infusion en poudre, en extrait; ou si l'on aime mieux, en le mêlant avec d'autres remedes, depuis dix grains jusqu'à soixante, & même devantage dans certains cas, & selon que la nécessité l'exige ». On ne peut s'empêcher, après avoir lû ce panégyrique, de le prendre plûtôt pour l'ouvrage d'un missionnaire medecin traduit en chinois, que pour celui d'un medecin chinois traduit en françois. Usage du gins-eng en Europe, & son peu d'efficacité . Quoi qu'il en soit, on se contente en Europe de prescrire quelquefois le gins-eng dans la foiblesse, la cardialgie, les syncopes, les maux de nerfs, & les vertiges qui viennent d'inanition, comme aussi dans l'épuisement des esprits causé par les plaisirs de l'amour, par des remedes ou des maladies. On donne cette racine en poudre ou en infusion dans l'eau bouillante, depuis un scrupule jusqu'à une dragme; ou bien on prend, par exemple, deux scrupules de gins-eng; écorce d'orange & de citron, ana quinze grains; de castoreum, cinq grains: le tout etant pulvérisé, on y ajoûte quelque conserve, pour en former un bol. Son odeur agréable, sa saveur douce un peu acre mêlée de quelque amertume, semble indiquer qu'elle doit posséder des vertus analogues à celles de l'angélique & du méum. Le P. Jartoux assûre avoir éprouvé sur lui, pendant qu'il étoit en Tartarie, les vertus salutaires du gins-eng , après un tel épuisement de travail & de fatigue, qu'il ne pouvoit pas même se tenir à cheval: je sais même que d'autres personnes prétendent avoir fait dans nos climats, avec un succès surprenant, la même expérience. Mais des medecins celebres, sur le témoignage desquels on peut certainement compter, & je dois mettre Boerhaave à la tête, m'ont dit qu'ils avoient donné, répété, prodigué en bol, en poudre, en infusion, jusqu'à deux onces entieres de gins-eng du meilleur & du plus cher, dans les cas où il pouvoit le mieux réussir, à des gens qui le desiroient & qui espéroient beaucoup de l'efficace de ce remede, sans néanmoins en avoir vû presque d'autres effets marqués, que ceux d'une augmentation de force & de vivacité dans le pouls. Si l'on a de la peine à imaginer que des peuples entiers fassent à la longue un si grand cas de cette racine, en s'abusant perpétuellement sur le succès, il faudra conclure qu'elle agit plus puissamment sur leur corps que sur les nôtres, ou qu'elle possede quand elle est fraîche, des qualités qu'elle perd par la vétusté, par le transport, & avant que de nous parvenir. D'ailleurs, un grand inconvénient de son usage en Europe, est qu'il est rare d'en avoir de bonne sans vermoulure. Je ne parle pas de son prix, parce qu'il y a bien des gens en état de le payer, si son efficace y répondoit. M. Réneaume, dans l' hist. de l'acad. des Sciences, ann. 1718 , fait grand fond sur l'hépatique, pour nous consoler du gins-eng: mais cette plante vulnéraire européenne ne répond point aux propriétés attribuées à la racine d'Asie. De son débit à la Chine & en Europe . Tout le ginseng qu'on ramasse en Tartarie chaque année, & dont le montant nous est inconnu, doit être porté à la doüane de l'empereur de la Chine, qui en préleve deux onces pour les droits de capitation de chaque tartare employé à cette récolte; ensuite l'empereur paye le surplus une certaine valeur, & fait revendre tout ce qu'il ne veut pas à un prix beaucoup plus haut dans son empire, où il ne se débite qu'en son nom; & ce débit est toûjours assûré. C'est par ce moyen que les nations européennes trafiquantes à la Chine, s'en pourvoyent, & en particulier la compagnie hollandoise des Indes orientales, qui achete presque tout celui qui se consomme en Europe. Je n'ai jamais pû savoir la quantité qu'elle en apporte chaque année pour le débit. Les courtiers d'Amsterdam auxquels je me suis adressé, & qui pouvoient en être instruits, n'ont pas voulu se donner la peine d'en faire la recherche: ce n'étoit-là pour moi qu'un simple objet de curiosité stérile; mais il y a telle connoissance de la consommation de certaines drogues propres à produire l'exécution de projets avantageux au bien de l'état, si ceux qui le gouvernent prenoient à coeur ces sortes d'objets de commerce. Auteurs sur le gins-eng . Les curieux peuvent consulter la lettre du P. Jartoux, qui est insérée dans les lettres édifiant. tome X. outre que la figure qu'il a donnée de cette plante est vraissemblablement la meilleure. Le P. Lafiteau, mém. sur le gins-eng, Paris 1718, in-12 . Koempfer, amoenitates exot. Lemgov, 1712, in-4° . Breynius, tract. de gins-eng radice, Lugd. Batav. 1706, in-4° . Andr. Bleyer, ephimer nat. curios. dec. ij. observ. 2 . Christ. Mentzelius, ibid. dec. ij. ann. 5. observat. xxxjx. avec des figures tirées des herbiers chinois, & autres auteurs. Sebastien Vaillant, établissem. d'un genre de plante nommé arialastrum, dont le gins-eng est une espece. Hanovre, 1718, in-4° . Bernard Valentini, historia simplicium reformata, Francof. 1716, in-fol . Plucknet, dans sa phytographie, Lond. 1696. infol. en a donné une assez bonne représentation, tab. 101. num. vij. celle de Bontius est fausse: celle de Pison, mantiss. arom. 194. n'est pas exacte: celle de Catesby, London, 1748, in-fol. est d'une grande beauté. Voyez aussi la thèse de Jacques François Vandermonde, ou l'extrait de cette these qui est dans le journal des savans, Octob. 1736 . Je n'ignore pas que nos voyageurs à la Chine, ou ceux qui ont écrit des descriptions de ce pays-lâ, ont aussi beaucoup parlé du gins-eng; entr'autres Jean Ogilby, hist. de la Chine, Lond. 1673, in-fol. en anglois; le P. Martini, dans son atlas ; le P. Kircker, dans sa Chine illustrée; le P. Tachard, dans son voyage de Siam ; l'auteur de l' ambassade des Hollandois à la Chine, part. II. ch. iij. le P. le Comte, dans ses mém. de la Chine, tome I. p. 496. & beaucoup d'autres. Mais presque tous les details de ces divers auteurs sont fautifs, ou pour mieux dire, pleins d'erreurs. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIODDAH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIODDAH GIODDAH, ( Géog. ) Quelques-uns écrivent Gedda , & d'autres Jedda, &c. ville & port de nier au bord oriental de la mer Rouge en Arabie; il s'y fait un grand commerce, puisqu on la regarde comme le port de la Mecque, dont elle n'est qu'à la distance d'une demi journée. Tout y est cher jusqu'à l'eau, à cause du grand abord de plusieurs nations différentes, outre que tous les environs sont sablonneux, incultes, & stériles. Au reste la rade est assez sûre, suivant le rapport du medecin Ponce. ( lett. edif. to. IV. ) : les petits vaisseaux y sont à flot, mais les gros sont obligés de rester à une lieue. Long. 58 d . 28'. lat. 22 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIONULIS Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m.pl. GIONULIS GIONULIS, s. m. pl. ( Hist. mod. ) volontaires ou avanturiers dans les troupes des Turcs, qui les mêlent à celles des Zaïms & des Timariots. Autrefois ils s'entretenoient à leurs dépens, dans l'espérance d'obtenir par quelqu'action signalée la place d'un zaïm ou d'un timariot mort à l'armée. Aujourd'hui les Gionulis forment un corps de cavalerie soûmis aux ordres des visirs, sous le commandement d'un colonel particulier qu'on nomme Gionuli agasi . Dans les jours de céremonie, ils portent un habit à la hongroise ou à la bosnienne. Or croit que leur nom vient de gionum , mot turc qui signifie impétuosité furieuse , parce qu'en effet ils sont fort intrépides, & s'exposent aux dangers sans ménagement. Ricaut, de l'empire ottoman . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIORASH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIORASH GIORASH, ( Géog. ) ville d'Asie, de l'Arabie heureuse, dans le Yemen. Elle subsiste par ses tanneries, parce qu'elle est située dans un lieu couvert d'arbres dont l'écorce sert à apprêter les peaux. Lat. 17 d . ( D. J. ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIOVENAZZO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIOVENAZZO GIOVENAZZO, ( Géog. ) Juvenacium , petite ville d'ltalie au royaume de Naples, dans la terre de Bari. Elle est sur une montagne près de la mer, mais sans port, avec une simple plage à une lieue E. de Molfetta, deux N. O. de Bari, quatre E. de Trani. Long. 34. 25. lat. 41. 33 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIPON Author=unknown Normalized Classification=Corroyerie Part of Speech=s.m. GIPON GIPON, s. m. terme de Corroyeur , c'est une espece d'éponge ou de lavette faite de morceaux de drap que les ouvriers qui s'en servent appellent paines . Les Corroyeurs & les Hongrieurs employent le gipon pour donner le suis à leurs peaux. Il y a encore un autre gipon dont les Corroyeurs se servent pour appliquer sur les peaux de l'eau d'alun, quand ils veulent les mettre en rouge ou en verd. Ces artisans se servent aussi d'un gipon de serge pour le moüillage des peaux qu'ils appellent vaches étirées. Voyez Corroyer & Cuir de Hongrie -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRAFFE Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.f. GIRAFFE GIRAFFE, s. f. ( Hist. nat. Zoolog. ) giraffa , animal quadrupede. Les Arabes le nomment zurnapa , les Latins l'appelloient camelo-pardalis , parce que sa peau est parsemée de taches comme celles d'un léopard, & qu'il a le cou long comme un chameau. Belon a vû une giraffe au Caire qui étoit très-belle & fort douce; sa tête ressembloit à celle d'un cerf, quoique moins grosse; elle avoit de petites cornes mousses, longues de six travers de doigt, & couvertes de poil, celles de la femelle sont plus courtes. Cette giraffe avoit les oreilles grandes comme celles d'une vache, le cou long, droit & mince, les crins déliés & les jambes grêles; celles de devant étoient fort longues, & celles de derriere fort courtes à proportion; les piés ressembloient à ceux d'un boeuf; la queue descendoit jusqu'aux jarrets, & étoit garnie de crins trois fois plus gros que ceux d'un cheval; elle avoit le corps très-mince & le poil blanc & roux. Cet animal a les attitudes du chameau, il se couche sur le ventre, & il a des callosités à la poitrine & aux cuisses; lorsqu'il paît l'herbe, il est obligé d'écarter les jambes de devant; cependant il a beaucoup de peine à baisser la tête jusqu'à terre; mais au contraire il a beaucoup de facilité pour atteindre aux branches des arbres, parce que les jambes de devant & le cou sont fort longs. Sa hauteur étoit de seize piés depuis les piés jusqu'au-dessus de la tête, & il avoit depuis la queue jusqu'au sommet de la tête dix-huit piés de longueur; celle du cou étoit de sept piés. Obser. liv. Il. chap. xljx. Voyez Quadrupede . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRANDE Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=s.f. GIRANDE GIRANDE, s. f. ( Artific. ) est un terme emprunté des Fontainiers, qui appellent ainsi un faisceau ou amas de plusieurs jets d'eau qu'on imite dans les feux d'artifice par une prompte succession de plusieurs caisses de fusées volantes, qui les jettent par milliers dans les réjoüissances d'une certaine somptuosité. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Girande d'eau Author=unknown Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Girande d'eau Girande d'eau , ( Hydrauliq. ) c'est un faisceau de plusieurs jets qui s'élevent avec impétuosité, & qui par le moyen des vents renfermés, imitent le bruit du tonnerre, la pluie & la neige, comme les deux de Tivoli & de Montedracone à Frescati, près de Rome. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRANDOLE Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.f. GIRANDOLE GIRANDOLE, s. f. ( Hydraul. ) est une espece de gerbe que quelques-uns appellent girande , qui par la blancheur de son eau, imite la neige; on en voit plus en Italie qu'en France. Voyez ci-dessus Girande . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Girandole Author=unknown Normalized Classification=Metteur en oeuvre Part of Speech=NA Girandole Girandole , en terme de Metteur en oeuvre , est une espece de boucle d'oreille, composée d'un corps qui n'est le plus souvent qu'un simple noeud où l'on peut suspendre une ou trois pendeloques. Voyez Pendeloques . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Girandoles Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Girandoles Girandoles , ( Artificier. ) il n'y a de différence entre les soleils tournans & les girandoles que dans la position qu'on leur donne pour les tirer, qui en les mettant dans un autre point de vûe, paroît en changer l'effet. On les nomme soleils , lorsqu'ils sont placés verticalement; & girandoles , quand leur plan est parallele à l'horison. Un soleil tournant est une roue que le feu d'une ou de plusieurs fusées qui y sont attachées fait tourner, agissant comme dans les fusées volantes par l'action du ressort de la matiere enflammée contre l'air qui lui résiste. On n'en fait guere à plus de cinq reprises, attendu qu'il faudroit donner un trop grand diametre à la roue pour vaincre la résistance que la pesanteur d'un plus grand nombre de fusées occasionneroit. On peut bien garnir une roue de vingt fusées, & d'un plus grand nombre; mais il faudra pour la faire tourner que quatre de ces fusées partent à-la-fois. Savoir, la premiere, la sixieme, la onzieme & la seizieme, qui en finissant donneront feu à la deuxieme, à la septieme, à la douxieme, & à la dix-septieme fusée, & ainsi des autres; de sorte que la roue, quoique garnie de vingt fusées, ne sera toûjours qu'à cinq reprises. On fait communiquer le feu de l'extrémité de l'une à la gorge de l'autre par une étoupille, & ces communications doivent être bien couvertes d'un papier collé d'un jet à l'autre. Un simple papier ne suffit pas pour le feu chinois, il seroit aussi-tôt percé par le sable de fer mis en fusion, il en faut deux, & qu'ils soient collés avec de la colle de terre glaise préparée de cette maniere. Prenez de la fleur de farine, faites-en de la colle ordinaire, passez cette colle par un tamis, ajoûtez sur une livre de farine, une poignée d'alun en poudre, & autant d'argille détrempé qu'il y a de colle. Il y a deux façons de poser les jets sur la roue pour la faire tourner, l'une d'attacher un ou plusieurs jets sur sa circonférence: dans cette position ils doivent jetter leur feu par la gorge; l'autre est de les attacher sur les rayes ou rayons de la roue ou sur les branches d'un tourniquet, suivant leur longueur; dans celle-ci, ils doivent jetter leur feu, non par la gorge, mais par un trou que l'on perce avec une vrille sur la ligne latérale un peu au-dessous du tampon qui bouche intérieurement le trou de la gorge. Ce trou latéral doit être d'un quart du diametre intérieur du jet. Voyez ce qui est dit à l' article des Fusées de Table pour la position du trou latéral. Lorsque les soleils ou girandoles ne sont que d'un ou de deux jets, on préfere, comme plus simple, de les attacher sur un tourniquet à une ou deux branches, mais lorsqu'ils sont composés de trois, de quatre, ou de cinq jets, on se sert d'une roue taillée à autant de pans, & pour un plus grand nombre on forme la roue avec un cercle cloué sur le bout de chaque rayon. Une troisieme maniere de faire des girandoles est celle que l'on nomme à pivot . Elle a cela de commode que les plus petits jets peuvent la faire tourner, & qu'au moyen de cette facilité à être mise en mouvement, on peut les garnir de beaucoup plus d'artifice que les roues ordinaires; le corps de la machine est un tuyau de bois d'une longueur Proportionnée à l'artifice que l'on veut y placer, & communément de neuf pouces; il est fermé par en-haut d'une plaque de fer, au milieu de laquelle il y a un petit enfoncement pour recevoir la pointe du pivot sur lequel il doit tourner. On perce au milieu du tuyau sur sa circonférence trois trous à écrou à égale distance, dans chacun desquels on y visse un porte-jet en forme de T , garni d'un jet couché & lié sur la longueur des bras du T. Ces jets prennent feu par la gorge, & l'on attache un porte-feu de l'un à l'autre, pour que le premier en finissant donne feu au second, & celui-ci au troisieme. La piece étant garnie, on la place sur une verge de fer pointue qui lui sert de pivot, sur laquelle elle tournera très-rapidement. On peut garnir le tuyau de deux ou trois rangs de jets, & chaque rang de trois, quatre & cinq jets; lorsque les rangs sont de plus de trois jets, comme la circonférence du tuyau ne seroit pas assez grande pour y percer plus de trois trous, on les perce alternativement, l'un un peu au-dessus, & l'autre un peu au-dessous de la ligne circulaire sur laquelle on les auroit percés, s'il n'y en avoit eu que trois; on dispose les jets de façon, en tournant la gorge de ceux du second rang dans un sens contraire à celle du premier, que la machine après avoir tourné à droite retourne à gauche. On peut encore ajoûter à la garniture de cette piece des jets placés droits pour jetter du feu perpendiculairement ou suivant telle ouverture d'angle que l'on voudra, pendant que les jets couchés en jetteront horisontalement. Les soleils tournans & les girandoles servent à l'exécution d'une infinité de machines & pieces d'artifice, parmi lesquelles les plus en usage sont les quatre especes qui suivent. 1°. Le feu guilloché. Il est formé par deux roues garnies chacune de douze jets & à trois reprises qui tournent en sens contraire sur un même axe; le moyeu de chaque roue est armé d'une roue de fer dentelée qui engrenne dans une lanterne ou pignon commun aux deux roues. Cet engrenage sert à en régler le mouvement pour que l'une ne tourne pas plus vîte que l'autre; quatre-jets de chaque roue partent à-la-fois, & leurs feux qui se croisent, forment ce qu'on nomme du guilloché . 2°. Les découpures. On forme des desseins en feu en plaçant derriere des découpures de carton, des soleils tournans, renfermés entre des planches pour contenir leurs feux, & pour qu'ils ne soient vûs qu'à-travers les découpures. Cet artifice employé en décoration fait un grand effet. 3°. L'étoile. Un soleil tournant étant placé au milieu d'un panneau de menuiserie, figuré en étoile & bordé de planches ou de carton pour contenir son feu, il en prendra la forme & représentera une étoile, & de même toute autre figure dans laquelle il seroit renfermé. On accompagne ordinairement l'étoile de six girandoles formées par autant de tourniquets à deux jets, placés sur chaque angle, qui partant ensemble forment une figure exagone qui borde & renferme l'étoile. Si son feu est chinois & la bordure de feu commun, ce contraste ajoûtera encore à sa beauté. 4°. Les tourbillons. On a une table de bois bien unie, parfaitement ronde de quatre piés de diametre, posée horisontalement comme un guéridon, & affermie sur un pieu à la hauteur de huit piés; au centre de cette table est un pivot sur lequel on pose un tourniquet de bois à trois branches pour être garnies à leurs extrémités chacune d'un soleil tournant qui déborde la circonférencee de la table; chaque branche du tourniquet également distante l'une de l'autre a de longueur un pié onze pouces; cette longueur est prolongée par un essieu de cinq pouces. On enfile dans cet essieu un moyeu bien mobile de bois, & on l'y arrête, on donne à la partie de ce moyeu qui porte sur le bord de la table, la forme d'une rotule de bois de quatre pouces de diametre; le reste du même moyeu, qui déborde entierement la table, sert à porter les raies d'une roue de quinze pouces de diametre, pour y attacher quatre jets & former un soleil à quatre reprises. La machine ainsi construite & les trois soleils préparés pour tourner dans le même sens & prendre feu tous à-la-fois au moyen des communications, on conçoit que leur mouvement de rotation étant inséparable de celui des rotules qui portent sur la table & qui font partie du même moyeu, ces rotules auront nécessairement un mouvement de progression comme celui des voitures, & qu'ainsi les trois soleils, outre le mouvement de rotation verticale sur eux-mêmes, qui leur est particulier, seront emportés horisontalement & circulairement autour de la table, & que le spectateur les verra se succéder assez rapidement & courir l'un après l'autre comme trois tourbillons enflammés. Les jets dont on garnit les soleils tournans doivent être chargés en massif sur une pointe de culot & engorgés. Un soleil à cinq reprises se garnit ordinairement de jets chargés pour la premiere reprise en feu chinois blanc, la deuxieme en feu commun, la troisieme en feu blanc, la quatrieme en feu nouveau, & la cinquieme en feu chinois rouge; & pour faire une plus grande variété, on peut charger chaque jet, moitié d'un feu & moitié d'un autre. La force de la composition devant toûjours être proportionnée à la grosseur des jets, comme leur grosseur doit l'être à la grandeur de la roue qu'il s'agit de faire tourner, on diminuera ou l'on augmentera la force des compositions ci-après, à-proportion que les jets seront plus ou moins gros. Cet article est tiré du manuel de l'artificier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRASOL Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Lapidaire Part of Speech=s.m. GIRASOL GIRASOL, s. m. ( Lapid. ) pierre à demi-transparente, d'un blanc laiteux mêlé de bleu & de jaune. On la met au rang des pierres précieuses, & on croit qu'elle est de la même pâte que l'opale, quoiqu'elle n'ait pas les brillantes couleurs de cette belle pierre. Voyez Opale . En effet j'ai observé dans un morceau de mine d'opale, qui est au cabinet du roi, quelques parties très-ressemblantes au girasol , placées près des parties d'opale. Cependant on prétend aussi que le vrai girasol est plus dur que l'opale, & d'une pâte plus pure que celle de l'opale qui n'a pas de belles couleurs, & que l'on appelle fausse opale . Je ne doute pas qu'il n'y ait des girasols plus ou moins durs & plus ou moins nets; mais il me paroît que l'on peut donner ce nom à toutes pierres vitrifiables demi-transparentes, de belle pâte, & de couleur mêlée de blanc laiteux & de jaune; lorsqu'elles sont taillées en globe ou en demi-globe, on y voit un point brillant qui change de place, quand on change la position de la pierre; c'est pourquoi les Italiens leur ont donné le nom de girasol . Ainsi la fausse opale, c'est-à-dire l'opale qui n'a que des teintes de bleu & de jaune, peut être nommée girasol , & la calcédoine pourroit aussi être prise pour un girasol , lorsqu'elle est nette & teinte de bleu ou de jaune, car elle a tous les caracteres du girasol. Voy. Calcédoine . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRAUMON Author=Le Romain Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique exotique Part of Speech=s.m. GIRAUMON GIRAUMON, s. m. ( Hist. nat. Bot. exotiq. ) fruit d'un très-grand usage dans les pays chauds de l'Amérique; il est communément plus gros qu'un melon; sa couleur extérieure est verte, mouchetée inégalement, d'un verd beaucoup plus pâle. La chair de ce fruit est jaune, renfermant intérieurement des semences plates, & semblables à celles de la citrouille. Il y a des giraumons qui sentent un peu le musc, & qui pour cela n'en sont pas moins bons. Les uns & les autres ne different pas beaucoup de la citrouille, si ce n'est que leur chair est plus ferme & d'un goût plus relevé; on en mange dans la soupe avec du lait, ou bien fricassé avec du beurre. La tige qui produit le giraumon est verte, rude au toucher, ainsi que les feuilles qui sont presque aussi larges qu'une assiette, le tout rempant contre terre comme les melons & les citrouilles: ainsi le dictionnaire de Trévoux se trompe en appellant arbre cette plante rampante. Article de M. le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIREFT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIREFT GIREFT, ( Géog. ) ville de Perse dans le Kerman dont elle est la capitale. Son commerce consiste en froment & en dattes. Son terroir est fertile en palmiers, en citronniers, & en orangers. Les tables arabes qui la nomment Jirost , lui donnent 93 degrés de longitude, & 27 degrés 30 min. de latitude. Tavernier me paroit fort se tromper, en mettant la position de Gireft à 73 degrés 40 min. de longitude, & à 31 degrés 10 min. de latitude. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRELLE Author=Diderot Normalized Classification=Poterie de terre Part of Speech=s.f. GIRELLE * GIRELLE, s. f. ( Potier-de-terre. ) la partie de l'arbre du tour des Potiers, sur laquelle ils placent la motte de terre dont ils se proposent de figurer un vase, ou quelqu'autre vaisseau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRGE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIRGÉ GIRGÉ, Girgio, Girgium , ( Géog. ) ville considérable d'Afrique, capitale de la haute Egypte, proche le Nil, à dix lieues au-dessus de Said. Elle a sept grandes mosquées qui ont des minarets, huit grands basards couverts, & peut-être vingt mille habitans. On y vit pour rien; son principal commerce consiste en blé, lentilles, feves, toiles & laines. Longit. 49. 50. lat. 25. 5 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRGITE Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GIRGITE GIRGITE, ( Hist. nat. ) nom donné par quelques chimistes à une espece de pierres blanches qui se trouvent dans des rivieres, dont on fait un ciment très-fort. On dit que ces pierres sont spathiques, & ont été arrondies par le mouvement des eaux. Voyez le supplément du dictionnaire de Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRIB Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GIRIB GIRIB, s. m. ( Commerce. ) c'est la seule mesure géométrique des Perses: elle contient mille soixante & six gnezes, ou aulnes persannes quarrées, à prendre la gneze à trente-cinq pouces de long mesure de Paris, ou pour l'évaluer plus exactement, à deux piés dix pouces onze lignes. Le girib ne sert qu'à mesurer les terres. Dictionn. de Comm. & de Trév. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRO ou AGITO Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GIRO ou AGITO GIRO ou AGITO, s. m. ( Comm. ) poids dont on se sert dans le royaume de Pégu. Le giro pese vingt-cinq teccalis, dont les cents font quarante onces de Venise. Voyez Agito . Dict. de Comm. & de Trév . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIROFLE, (Clou de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Commerce | Chimie | Botanique exotique Part of Speech=NA GIROFLE GIROFLE, ( Clou de ) Botaniq. exotiq. Chimie & Commerce; fruit aromatique d'une nature toute extraordinaire, qui croît aux îles Moluques; ces îles fameuses par leurs diverses révolutions, & plus encore pour produire seules dans le monde ce thrésor singulier de luxe, source d'un commerce étonnant. Noms de l'arbre qui porte le girofle . L'arbre qui porte le clou de girofle , ou simplement le girofle , s'appelle en françois giroflier des Moluques , & par nos botanistes caryophyllus aromaticus , C. Bauh. Rai, Breynius, Plukenet, Jonston, &c. C'est le ts-kinka de Pison, mantiss. aromatic. 177 . Ses caracteres . Ses fleurs sont en rose, polypétales. Le calice de la fleur se change en un fruit oval, creusé en nombril, à une seule capsule, qui contient une graine oblongue. Ses feuilles ressemblent à celles du laurier. Sa description . Il est de la forme & de la grandeur du laurier; son tronc est branchu & revêtu d'une écorce comme celle de l'olivier; les rameaux s'étendent au large, & sont d'une couleur rousse-claire, garnis de beaucoup de feuilles serrées, situées alternativement, semblables à celles du laurier, longues d'une palme, larges d'un pouce & demi, unies, luisantes, pointues aux deux extrémités, avec des bords un peu ondés, portées sur une queue longue d'un pouce, laquelle jette dans le milieu de la feuille une côte, d'où sortent obliquement de petites nervures qui s'étendent jusque sur les bords. Les fleurs naissent à l'extrémité des rameaux en bouquets; elles sont en rose à quatre pétales, bleues, d'une odeur très-pénétrante; chaque pétale est arrondi, pointu, marqué de trois veines blanches; le milieu de ces fleurs est occupé par un grand nombre d'étamines purpurines, garnies de leurs sommets. Le calice des fleurs est cylindrique, de la longueur d'un demi pouce, épais d'une ligne & demie, ou de deux lignes, partagé en quatre parties à son sommet, de couleur de suie, d'un goût acre, agréable & fort aromatique; lequel après que la fleur est séchée, se change en un fruit ovoïde, ou de la forme d'une olive, creusé en nombril, n'ayant qu'une capsule, de couleur rouge d'abord, ensuite noirâtre, qui contient une amande oblongue, dure, noirâtre, creusée d'un sillon dans sa longueur. Noms des clous de girofle . Le fruit se nomme en latin, caryophylli aromatici, offic. en grec καρυόφυλλον , par Paul AEginette; & carunsel , par les Arabes. Les anciens ne les ont point connus. Ces derniers peuples ont connu ce fruit; mais Paul AEginette est le premier des anciens qui en ait parlé. Théophraste, Dioscoride & Galien, n'en ont fait aucune mention. C'est mal-à-propos que Sérapion cite à cet égard l'autorité de Galien; il est constant que le medecin de Pergame n'en a jamais eu de connoissance. Quelques auteurs ont prétendu que Pline avoit parlé de cet aromate, dans son histoire, liv. XII. chap. xx. & rapportent pour preuve le passage suivant de ce naturaliste: « Il y a encore à-présent dans les Indes quelque chose de semblable aux grains de poivre; on lui donne le nom de garyophyllon; il est plus gros & plus cassant ». Mais les plus savans critiques doutent avec beaucoup de raison, que cet endroit de Pline désigne nos clous de girofle , puisqu'ils ne ressemblent point au poivre, & qu'ils ne sont pas des graines. Cependant nous ne pouvons pas dire avec certitude ce qu'il faut entendre par le garyophyllon de Pline. Clusius croyoit que c'est le poivre de la Jamaïque. L'on est mieux fondé à soupçonner que ce sont les cubebes de nos apothicaires. Description des clous de girofle . Les clous de girofle sont des fruits desséchés avant leur maturité, longs environ d'un demi-pouce, de figure de clou, presque quadrangulaires, ridés, d'un brun noirâtre, qui ont à leur sommet quatre petites pointes en forme d'étoile, au milieu desquelles s'éleve une petite tête de la grosseur d'un petit pois, formée de petites feuilles appliquées les unes sur les autres en maniere d'écailles, qui étant écartées & ouvertes, laissent voir plusieurs fibres roussâtres, entre lesquelles il s'éleve dans une cavité quadrangulaire un stile droit, de même couleur, qui n'est pas toûjours garni de sa petite tête, parce qu'elle tombe facilement lorsqu'on transporte les clous de girofle; ils sont acres, chauds, aromatiques, un peu amers & agréables: leur odeur est très-pénétrante. La figure de ce fruit en forme de clou, est sans doute ce qui lui a donné le nom de clou de girofle . Vers la tête il se sépare en quatre, & ces quatre quartiers faits en angle dont la pointe est en-haut, représentent une espece de couronne à l'antique, qui est en quelque sorte fermée par une maniere de bouton tendre & peu solide, lequel se trouve au milieu; c'est ce bouton que quelques-uns appellent le fust du clou de girofle . Leur choix . Il faut les choisir bien nourris, pesans, gras, faciles à casser, piquant les doigts quand on les manie, d'un rouge tanné, garnies s'il se peut de leur fust, d'un goût chaud & aromatique, brûlant presque la gorge, d'une odeur excellente, & laissant une humidité huileuse lorsqu'on les presse: on rejette, au contraire, les clous qui n'ont point ces qualités, qui sont maigres, mollasses & presque sans goût & sans odeur. Du clou matrice . Les fruits du girofle qu'on laisse sur le giroflier, ou qui échappent à l'exactitude de ceux qui en font la récolte, étant restés à l'arbre, continuent de grossir jusqu'à la grosseur du bout du pouce, & se remplissent d'une gomme dure & noire, qui est d'une agréable odeur, & d'un goût fort aromatique. Ce fruit tombe de lui-même l'année suivante; & quoique sa vertu aromatique soit foible, il est fort estimé, & sert à la plantation: car étant semé il germe, & dans l'espace de huit ou neuf ans il devient un grand arbre fructifiant. Les Indiens appellent ce fruit mûr, mere des fruits; les Hollandois, clou matrice , ou mere de girofle; les droguistes françois, antofle de girofle; & dans les boutiques où il est rare, antophyllus . Il a quelque usage en Medecine; mais les Apothicaires lui substituent souvent le girofle ordinaire: cependant les vertus & l'odeur en sont bien différentes. Les Hollandois ont coûtume de confire ces clous matrices avec du sucre, lorsqu'ils sont récens; & dans les longs voyages sur mer, ils en mangent après le repas, pour rendre la digestion meilleure, ou ils s'en servent comme d'un remede agréable contre le scorbut muriatique. Du clou de girofle royal . Les auteurs font mention d'une autre espece de clou de girofle , que l'on trouve très-rarement dans les boutiques, & seulement en qualité de curiosité naturelle très-singuliere. On l'appelle clou de girofle royal , en latin caryophyllus ramosus, vel dentatus , J. Bodaei à Stapel; caryophyllus spicatus , Indis; ts-hinka-popona; Pison, mart. aranoe, 179; caryophyllus regius , Wormii, mus 203 . C'est une espece de petit épi, qui imite la grosseur, la couleur, l'odeur & le goût du clou de girofle . Il n'est pas étoilé, il n'a point de tête; mais il est comme partagé depuis le bas jusqu'au-haut en plusieurs particules ou écailles, & il se termine en pointe. Les Hollandois le nomment clou de girofle royal; parce que les rois & les grands des îles Moluques l'estiment jusqu'à la superstition, non pas tant pour son goût & sa bonne odeur, que pour sa figure singuliere, ou plûtôt parce qu'il est infiniment rare; car ils soûtiennent qu'on n'en a trouvé jusqu'à-présent qu'un seul arbre, & dans la seule île de Makian. Rai & Herman croyent que les fruits de ces arbres ne different point de l'espece des clous de girofle ordinaires; mais que ce sont des jeux de la nature, & qu'ils appartiennent à l'ordre monstrueux des végétaux. Les Indiens ont coûtume de passer un fil dans la longueur de ces clous, afin de les porter à leur bras, à cause de leur bonne odeur. Quelques auteurs nous en ont donné de fausses descriptions, & d'autres de fabuleuses. Ceux-ci rapportent, par exemple, que les arbres du voisinage s'inclinent devant le giroflier royal pour lui rendre hommage, quand il est chargé de ses fruits; & que lorsqu'il entre en fleur, les girofliers communs s'en dépouillent par respect, &c . Comme les choses rares & cachées deviennent toûjours merveilleuses, on peut faire croire aisément de telles merveilles au vulgaire des Indiens; mais il est honteux que des voyageurs de l'Europe en soient la dupe; ou ridicule, qu'ils pensent nous en imposer par leur témoignage. De la récolte des clous de girofle ordinaires . On cueille les clous de girofle ordinaires , savoir les calices des fleurs, & les embryons des fruits, avant que les fleurs s'épanoüissent, depuis le mois d'Octobre jusqu'au mois de Février; & on les cueille en partie avec les mains, & en partie on les fait tomber avec de longs roseaux, ou avec des verges. On les reçoit sur des linges que l'on étend sous les arbres, ou on les laisse tomber sur la terre, dont on a coutume dans le tems de cette récolte, de couper avec grand soin l'herbe. Lorsqu'ils sont nouvellement cueillis, ils sont roux & legerement noirâtres; mais ils deviennent noirs en se séchant, & par la fumée; car on les expose pendant quelques jours à la fumée sur des claies: enfin on les fait bien sécher au soleil; & étant ainsi préparés, les Hollandois les vendent par toute la terre. Toutes les iles Moluques produisoient autrefois du clou de girofle; mais ce n'est présentement que de l'ile d'Amboine & de Ternate que les Hollandois tirent celui qu'ils apportent en Europe, ou qu'ils distribuent dans les autres parties du monde. Ils ont fait arracher dans toutes les autres Moluques les arbres qui donnent cette épicerie; & pour dédommager le roi de Ternate de la perte du produit de ses girofliers, ils lui payent tous les ans environ dix-huit mille richedalles en tribut ou en présent; ils se sont en outre obligés par un traité de prendre à sept sous six denier, la livre, tout le clou que les habitans d'Amboine apportent dans leurs magasins. Le prix du girofle est fixé à soixante-quinze sous pour les payemens des obligations de la compagnie, ou pour ceux qui l'achetent d'elle argent comptant. De l'huile des clous de girofle . Les clous de girofle récens donnent par l'expression une huile épaisse, roussâtre & odorante; mais dans la distillation il sort beaucoup d'huile essentielle aromatique, qui est d'abord limpide, blanche, jaunâtre, ensuite roussâtre, pesante, & qui va au fond de l'eau: enfin vient une huile empyreumatique, épaisse, avec une liqueur acide. Le caput mortuum calciné donne par la lixiviation un peu de sel fixe salé. Il est incroyable combien les clous de girofle contiennent d'huile quand on les rapporte des Indes, & qu'on vient à les débaler; rien ne leur est comparable à cet égard. Il ne faut pour s'en convaincre qu'en faire distiller quelques-uns par l'alembic à un feu assez fort, avec douze fois autant d'eau commune; il s'élevera une eau trouble, épaisse, de couleur de lait, & en même tems une grande quantité d'huile jaunâtre qui se précipite au fond de l'eau. Lorsqu'il se sera élevé les deux tiers de l'eau, si on change le récipient, qu'on ajoûte autant de nouvelle eau, & qu'on continue la distillation, on a une eau qui tient de la vertu aromatique du girofle . On met toutes ces eaux à part, pour s'en servir à la place d'eau commune dans les distillations que l'on sera de la même huile. Il reste au fond de la cucurbite une liqueur brune, épaisse, sans odeur, d'un goût acide, & quelque peu austere, qui ne possede aucune des vertus du girofle , quoique les clous qui restent conservent leur premiere forme au point de ne pouvoir plus être distingués lorsqu'ils sont à demi-secs, de ceux dont on n'a point encore tiré l'huile; & ce qu'il y a de particulier, c'est qu'ils acquierent par le mélange l'odeur de ceux-ci, & s'impregnent de l'huile qu'ils contiennent, de sorte que les marchands n'ont pas beaucoup de peine à les faire passer pour naturels. Ce fait prouve bien qu'il ne faut acheter les clous de girofle que d'honnêtes négocians, ou de la compagnie même en droiture. Méthodes de tirer cette huile essentielle . On a deux façons de tirer l'huile essentielle de girofle ; l'une par l'alembic, & l'autre per descensum . Indiquons ces deux procédés. Voici la bonne méthode du premier procédé. Prenez une livre de clous de girofle entiers, ou un peu concassés; versez dessus six ou sept livres d'eau de girofle d'une premiere distillation, ou à la place pareille quantité d'eau de riviere aiguisée par trois onces de sel commun; & après une macération faite pendant quelques jours dans un lieu chaud, employez un feu un peu fort à la distillation, qui se fera dans une cucurbite remplie jusqu'aux deux tiers & au-delà: il sort d'abord une huile blanchâtre, ou tirant sur le jaune, qui distille par le tuyau du réfrigérent dans le bassin, & tombe au fond avec l'eau qui nage sur l'huile. En augmentant le feu, il succede une huile plus pesante, plus épaisse, d'un jaune plus foncé, qui se précipite pareillement au fond. Rarement toute l'huile du girofle sort par la premiere distillation; il faut la réitérer une seconde, & même une troisieme fois, avec l'eau de girofle du premier procédé. On observera seulement de ne point ôter toute l'eau de la premiere distillation, de peur que le girofle ne contracte une odeur d'empyreume; l'huile de la seconde distillation est non-seulement plus épaisse à cause du feu qu'on a rendu plus violent, mais elle est encore mêlée de parties résineuses. Par cette méthode on tire ordinairement de deux livres de girofles purs & choisis, au bout d'une seconde & même d'une troisieme distillation, cinq, six & jusqu'à sept onces, tant d'huile essentielle fine, que d'huile essentielle plus épaisse; on sépare ensuite l'huile de l'eau par l'entonnoir garni de papier gris; & comme cette eau reste encore imprégnée de parties huileuses, on la conserve pour en user en qualité d'eau distillée de girofle . La différence est grande entre cette huile qu'on tire avec soin dans la premiere distillation, & l'huile sophistiquée, c'est-à-dire mélangée avec l'huile de girofle par expression, qu'on vend communément en Hollande. La nôtre est plus subtile, plus fluide, plus tempérée, & plus sûre dans ses effets. On peut s'en servir avec hardiesse à la dose de deux, trois ou quatre gouttes dans de l'eau de mélisse, ou autre véhicule convenable. Il faut alors la mêler dans un peu de sucre, ou de jaune d'oeuf, avant que de l'employer dans le véhicule; autrement elle ne s'y dissoudroit pas. Mais elle se dissout promptement dans l'alcohol ou l'esprit de nitre dulcifié, bien préparé. Tenue dans une phiole de verre exactement fermée, elle conserve sa liquidité pendant plusieurs années. Si l'on met dans un petit vaisseau de verre de cette huile de girofle , & qu'on verse dessus deux ou trois fois autant de bon esprit de nitre, il se fera dans ce mélange une effervescence très-forte, qui durera long-tems avec grande chaleur, & jusqu'à s'enflammer d'elle-même; le bouillonnement de la liqueur continuera & répandra dans l'air beaucoup de vapeurs, dont l'odeur n'est pas trop mauvaise; enfin la matiere se condensera en forme de gomme au fond du vaisseau. Il faut remarquer que cette expérience ne réussit bien qu'avec de l'excellente huile de girofle , & surtout avec celle qu'on a tirée fidelement aux Indes même, & que les Hollandois reçoivent directement par leurs vaisseaux. Si l'on ajoûte un peu de poudre à canon dans le mélange dont on vient de parler, elle prendra feu. Je passe à la méthode de tirer l'huile essentielle de girofle per descensum . Pour cet effet, on prend un pot de terre de grès, ou plusieurs grands verres (supposons ici des verres à boire) que l'on couvre d'une toile; on lie cette toile autour des rebords de chaque verre, on enfonce un peu cette toile dans leur cavité, on place dans cet enfoncement le girofle pulvérise; on met par-dessus chaque verre une terrine, ou un cul de balance, qui s'applique exactement sur leurs bords; on remplit les terrines ou ces culs de balances, de cendres chaudes qui échauffent les girofles , & font distiller au fond des verres, premierement un peu d'esprit, & ensuite une huile claire & blanche; on leve de tems-en-tems les culs de balances, pour remuer la poudre de girofle; on continue le feu jusqu'à ce qu'il ne distille plus rien: enfin on sépare l'huile par l'entonnoir dont on a parlé ci-dessus, & on la garde dans une phiole bien bouchée. Dans cette opération, on retire d'une livre de girofles , poids de seize onces pour livre, une once deux dragmes d'huile, & une once d'esprit. Il reste treize onces deux dragmes de matiere, dont on peut tirer encore un peu d'huile rouge empyreumatique. Cette méthode n'entraîne point de dépense; mais il s'en faut de beaucoup qu'on y trouve dans l'huile distillée de cette maniere les mêmes avantages que par la méthode de l'alembic. Si vous n'employez qu'un feu leger, vous n'aurez point d'huile; & si vous poussez le feu, l'huile sentira l'empyreume: en un mot on ne doit se servir de cette méthode que dans des occasions pressantes, qui ne permettent pas d'avoir recours à l'autre opération, qui est la seule bonne, & la seule que pratiquent les artistes. Elle sert de modele pour tirer toutes sortes d'huiles aromatiques du même genre, celle de canelle, du poivre, des cubebes, du cardamomum, du sassafras, &c. C'est encore ainsi qu'avec un feu plus doux l'on distille l'huile de romarin, de marjolaine, de thym, de menthe, de fleurs de lavande, d'anis, &c. Il est bon de le savoir, & de s'en ressouvenir. Qualités & choix de l'huile de girofle . Cette huile essentielle de clous de girofle , distillée per descensum ou par l'alembic, est la seule préparation que l'on trouve dans les boutiques; étant nouvelle, elle est d'un blanc doré, qui rougit en vieillissant. Il faut la choisir forte, pénétrante, & qui ait bien conservé l'odeur & la saveur du girofle; elle est facile à sophistiquer, & la tromperie difficile à découvrir; ce qui doit engager à ne l'acheter que de bonne main. Elle perd promptement ses esprits, quand on la laisse à découvert, & dégénere d'ordinaire en une substance grasse, visqueuse & inactive; tandis que les clous de girofle conservent leurs esprits malgré la chaleur violente du pays où ils croissent. Elle est encore plus pesante que l'eau, de sorte qu'elle se précipite au fond sans rien perdre de ses vertus. C'est une propriété que n'ont point nos huiles de l'Europe, & que possedent uniquement les huiles de l'Asie, de l'Afrique & de l'Amérique, sur-tout celle des plantes aromatiques. Enfin il est remarquable que le résidu du clou de girofle , après la distillation, est austere, froid & très fixe; propriété cependant qui lui est commune avec les plantes qui contiennent une grande quantité d'huile aromatique. Vertus & usages de cette huile . Comme cette huile de girofle est extrèmement chaude, & même caustique, elle devient par-là très-propre, suivant la remarque de Boerhaave, aux tempéramens froids, & dans les maladies de cette nature. Elle est encore excellente pour ranimer les esprits, soit qu'on en use intérieurement ou extérieurement; mais l'usage interne demande beaucoup de reserve & de prudence. Pour l'extérieur on l'employe seule, ou avec d'autres huiles aromatiques, comme celle de noix mascade tirée par expression, celle de palmier, de romarin, de sauge; le tout mêlé ensemble, on en fait un liniment, dont on frotte les membres paralytiques, ainsi que dans les maladies froides & pituiteuses, dans la stupidité accidentelle, & les affections soporeuses: on peut encore en frotter la région de l'estomac dans la longueur de ce viscere, & dans les coliques produites par des vents. Elle sert d'un remede assez actif en qualité de topique, pour arrêter les progrès de la gangrene, en la faisant dissoudre dans l'esprit-de-vin rectifié, & en y trempant des plumaceaux de charpie qu'on applique sur la partie gangrenée. On s'en sert encore pour la carie des os & pour le mal des dents: dans ce dernier cas, on en imbibe un peu de coton, que l'on met adroitement dans la dent cariée, dont il appaise la douleur en brûlant le nerf; mais il faut en user avec beaucoup de précaution, & seulement dans les cas où il n'y a point d'inflammation, & où la carie considérable de la dent est la cause de la douleur, en mettant le nerf trop à découvert. Si l'on a besoin d'appaiser plus promptement la rage des dents, on pulvérisera six grains de camphre avec trois grains de laudanum épié, qu'on humectera de quelques gouttes d'huile essentielle de girofle; on formera du tout de petites tentes de la grosseur d'un grain de blé, pour les porter dans la dent malade. D'autres font dissoudre l'opium dans l'huile éthérée du girofle , & se servent de cette dissolution. C'est-là le grand secret des charlatans, dont l'abus a quelquefois causé la surdité. L'huile de girofle soulage le mal de dents de la même maniere que l'huile de cannelle & celle de gayac; mais les deux premieres étant d'une odeur agréable, on n'a aucune répugnance pour en mettre dans la dent; au lieu qu'on en a beaucoup par rapport à la derniere. Enfin l'huile de girofle est d'un grand usage parmi les Parfumeurs. La dose est d'une, deux ou trois gouttes intérieurement, pour ranimer le ton de l'estomac chez les personnes accablées de mucosités, de pituite, d'humeurs froides & catarrheuses. On en fait en ce cas un éléosaccharum avec un peu de sucre; ou bien l'on prend huile de clous de girofle deux gouttes, huile de cannelle huit gouttes, teinture d'ambre une goutte, sucre crystallisé réduit en une poudre très fine, demi-once; mêlez, & conservez cette poudre pour l'usage dans une bouteille bien fermée. La dose est un gros, dissoute dans du vin rouge, ou dans du vin d'Espagne. Usage des clous de girofle . On consomme principalement les clous de girofle dans les cuisines; ils sont tellement recherchés dans quelques pays de l'Europe, & sur-tout aux Indes, que l'on y méprise presque les nourritures qui sont sans cette épicerie: on les mêle dans presque tous les mets, les fausses, les vins, les liqueurs spiritueuses & les boissons aromatiques; on les employe aussi parmi les odeurs. On en fait très-peu d'usage en Medecine; cependant comme leur vertu est d'échauffer & de dessécher, ils se donnent pour les mêmes maux, où leur huile est recommandée, à la dose en substance depuis quatre grains jusqu'à douze, & en infusion depuis demi-dragme jusqu'à deux: mais l'huile est absolument préférable, parce qu'elle reunit en plus petite quantité toutes les propriétés du fruit. Les Apothicaires font entrer les clous & l'huile de girofle dans plusieurs compositions pharmaceutiques, que personne ne prescrit. Réflexions sur le commerce du girofle . C'est à Amboine que les Hollandois ont leurs magasins de girofle dans le fort de la Victoire, où les habitans portent leur récolte, dont on a réglé le prix à soixante réales de huit la barre, qui est de cinq cents cinquante livres de poids. Les habitans sont obligés de planter un cert in nombre de girofliers par an; ce qui les a multipliés au point qu'on l'a desiré pour le débit annuel, lequel il n'est guere possible d'évaluer sans être dans le secret: il suffira de dire que la France seule en achete cinq ou six cents quintaux par année. Personne n'ignore avec quelle jalousie la compagnie des Indes orientales hollandoise s'applique à se conserver l'unique débit de cette marchandise: cependant elle n'a jamais pû empêcher qu'il ne s'en fît un assez grand déversement par ses propres officiers, en plusieurs lieux des Indes. Une maniere qu'ils ont de tromper la compagnie, est d'en vendre aux navires des autres nations qu'ils rencontrent en mer, & de mouiller le reste, afin que le nombre des quintaux de girofle qui sont leur cargaison, s'y trouve toûjours; ce qui peut aller à dix par cent, sans que les commis des magasins qui les reçoivent à Batavia, puissent s'en appercevoir. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIROFLÉE Author=Jaucourt Normalized Classification=Culture des fleurs Part of Speech=s.f. GIROFLÉE GIROFLÉE, s. f. ( Culture des fleurs. ) fleur du giroflier C'est à sa gloire que les amateurs cultivent la plante qui la donne; elle lui a même enlevé son nom dans la plûpart des langues modernes; le giroflier ne se dit plus en françois, que de celui des masures: les Anglois ne l'appellent également que walflower , tandis que celui de leurs jardins se nomme par excellence la fleur de Juillet, stock July flower: enfin les Flamands laissant à la plante sauvage la dénomination de violier, violier-boomtje , caracterisent celle des jardins par le beau nom de nagel bloem . Il y a des giroflées simples & des doubles de toutes couleurs, blanches, jaunes, bleues, pourpres, violettes, rouges, écarlates, marbrées, tachetées, jaspées. Les unes & les autres viennent de graine, de marcottes ou de boutures: elles ne durent que deux ans; mais la meilleure méthode est de les muliplier toutes de graine. On les seme sur couche au commencement d'Avril, & à claire-voie, dans une terre fraîche, legere, graveleuse, non fumée & à l'exposition du soleil levant. Quand les jeunes plantes ont gagné quelques feuilles, on les transplante dans des planches de terre pareille, exposées de même au soleil levant, & à six pouces de distance. On les abrite & on les arrose de tems à autre, jusqu'à ce qu'elles ayent pris racine. Sur la fin d'Août on les transplantera de nouveau dans des plates-bandes du parterre, où elles fleuriront le printems suivant, & l'on choisira, s'il se peut, un tems humide pour cette transplantation. On garantira les jeunes plans des frimats de l'hyver, en les couvrant avec des cloches, paillassons, grande paille, ou fumier sec. On présume que les giroflées seron: doubles, & c'est ce qu'on recherche, par leur bouton gros & camard, qui pointe. Lorsque les giroflées se trouvent doubles, plusieurs personnes les mettent en pots garnis de terre à potager, ou dans des caisses larges de seize pouces en tout sens. Pour bien faire, on leve les giroflées en motte; on les place ainsi dans les pots ou les caisses; on les arrose dans le besoin, & on les tient à l'ombre. On plante les giroflées en pots ou en caisses, afin de pouvoir les transporter ou l'on veut, & les garantir du froid pendant l'hyver, en les mettant dans une serre, dans une chambre, ou dans une cave seche. Ces mêmes giroflées sauvées du froid, se transporteront dans les plates-bandes de parterre, où on les rangera avec symmétrie, & à l'abri du soleil, s'il est possible. Quand on veut multiplier les giroflées doubles par marcottes, on en choisit les plus beaux brins; on les couche en terre, & on les arrête par de petits crochets de bois; on jette un peu de terre par-dessus, & ensuite on les arrose, pour en faciliter la reprise. On marcotte la giroflée sitôt que la fleur est passée, ce qui arrive au plus tard dans l'été. Les marcottes resteront en terre jusqu'en Septembre ou Octobre, qu'on les levera pour les mettre en pots, en caisse ou en pleine terre; car il y a des especes qui sont plus ou moins sensibles au froid: quelques-unes fleurissent la premiere année, & d'autres la seconde. Dans le nombre de giroflées doubles, il y en a qui sont principalement recherchées des amateurs: telle est la grande giroflée de couleur d'écarlate, leucoium incanum, majus, coccineum , de Morison, nommée à Londres la giroflée de Brompton, the Brompton flock-july flower; les fleuristes l'aiment beaucoup à cause de sa grandeur & de son éclat: elle a cependant le desavantage de produire rarement plus d'un jet de fleurs. En échange, la giroflée des Alpes à feuilles étroites & à doubles fleurs, d'un jaune pâle, nommée leucoium angustifolium alpinum, flore pleno, sulphurio , & par les anglois, the straw-colour'd wall-flower , est très curieuse par le touffu de ses jets de fleurs, qui néanmoins sont étroites & d'une foible odeur. Il semble que la grande giroflée double, jaune en-dedans, rougeâtre en-dehors, leucoium majus, flore majore, pleno, intùs luteo, extùs ferrugineo , que les Anglois nomment the double ravenal flower , l'emporte sur toutes par le contraste des deux couleurs opposées, la grandeur des fleurs & leur odeur admirable. Presque tous les fleuristes prétendent que la plus sûre méthode pour multiplier les giroflées doubles, est de le faire par marcottes ou par boutures; & cela est très-vrai: mais les giroflées doubles qui s'élevent de marcotte, sont toûjours moins apparentes que de graine, & ne produisent jamais ni de si belles ni de si grandes fleurs: c'est pourquoi le bon moyen est d'en semer chaque année de nouvelles, & de troquer en même tems ses graines avec celles d'un autre amateur qui cultive ailleurs de semblables giroflées . Cette découverte dûe au hasard & dont on a long-tems douté, mais qui est actuellement reconnue de tout le monde, nous prouve combien le changement d'air & de sol peut contribuer à perfectionner plusieurs especes de plantes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIROFLIER DES MOLUQUES Author=unknown Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=NA GIROFLIER DES MOLUQUES GIROFLIER DES MOLUQUES, ( Bot. exot. ) Voyez Girofle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Giroflier, ou Violier Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Giroflier Giroflier , ou Violier , leucoium , genre de plante à fleur cruciforme composée de quatre pétales; le pistil sort du calice & devient un fruit ou une silique longue, applatie. divisée en deux loges par une cloison à laquelle les panneaux sont adhérens de part & d'autre: cette silique est remplie de semences plates, rondes, & bordées pour l'ordinaire. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) On compte trente-quatre especes de giroflier , toutes extrèmement cultivées par les curieux, à cause de leurs fleurs que l'on nomme giroflées , & dont par cette raison il a fallu donner un article à part. Voy. Giroflée . Il n'y a que le seul giroflier jaune qui ait attiré sur lui les regards de quelques medecins. Le giroflier ou le violier jaune, est cette espece de giroflier nommée leucoium luteum, vulgare , par C. B. P. 202. Tournefort, instit. 221 . Boerh. ind. A. 2. 18 . Sa racine est épaisse, ligneuse, recourbée, de couleur blanchâtre; il en part plusieurs tiges ligneuses, fragiles, entourées de feuilles oblongues, étroites, & pointues: ces tiges portent à leurs sommets plusieurs fleurs jaunes assez larges, composées de quatre pétales d'une odeur suave & douce; elles sont suivies de longues cosses foibles, ou si l'on veut de vaisseaux séminaux qui contiennent une petite semence plate & rougeâtre. Ce giroflier croît volontiers sur les bâtimens, les remparts, les masures, & les vieilles murailles; il fleurit en Avril & Mai; on le cultive dans les jardins. Cette plante est amere & d'un goût herbeux salé; elle rougit assez le papier bleu; elle donne du sel volatil concret, beaucoup d'huile & de terre: ainsi l'on voit qu'elle abonde en sel ammoniac, en soufre, & en parties terreuses. Ses fleurs sont regardées comme discussives, détersives, & apéritives; on en fait une conserve dont le sucre constitue le plus grand mérite, un syrop plus vanté pour sa bonne odeur que pour ses vertus; & quelquefois on en tire une eau distillée: mais son huile par infusion est la seule préparation d'usage; elle passe pour anodyne & résolutive. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRON, ou GUIRON Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=s.m. GIRON, ou GUIRON GIRON, ou GUIRON, s. m. en terme de Blason , est une figure triangulaire qui a une pointe longue faite comme une marche d'escalier à vis, & qui finit au coeur de l'écu. Ce mot signifie à la lettre l'espace qui est depuis la ceinture jusqu'aux genoux, sinus gremium , à cause que quand on est assis les genoux un peu écartés, les deux cuisses & la ligne qu'on imagine passer d'un genou à l'autre, forment une figure semblable à celle dont nous parlons. On dit qu'un écu est gironné , quand il a six, huit, ou dix girons qui se joignent par leurs pointes à l'abime de l'ecu. Voyez Gironné . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRONE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIRONE GIRONE, Gerunda , ( Géog. ) ancienne, forte, & considérable ville d'Espagne, capitale d'une grande viguerie dans la Catalogne, avec un évêché suffragant de Tarragone, érigé en l'an 500, suivant l'abbé de Commanville; elle est sur le Ter, à sept lieues de la mer, seize de Perpignan, cinq nord-oüest de Palamos, dix neuf nord-est de Barcelonne. Longit. 20 d . 32'. latit. 41 d . 56' . C'est la patrie de Nicolas Eymeric, qui y mourut inquisiteur général le 4 Janvier 1399: le principal ouvrage de ce fameux dominicain est intitulé, le directoire des inquisiteurs; ouvrage digne des pays où le tribunal qu'ils nomment la sainte inquisition exerce son cruel empire. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIRONNÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject GIRONNÉ GIRONNÉ, adj. en terme de Blason , se dit d'un écu divisé en plusieurs girons qui sont alternativement de métal & de couleur. Voy. nos Planches de Blason . Gironné de six, argent & sable. Quand il est gironné de huit pieces, on l'appelle absolument gironné; quand il y a plus ou moins de girons, il en faut exprimer le nombre: gironné de quatre, de quatorze, &c. D'autres l'appellent parti, coupé, tranché, & taillé , parce qu'il est fait par ces divisions de l'écu; y ayant quatre girons qui forment un sautoir, & les quatre autres une croix. Voyez Sautoir . Chambers . Des Armoises en Lorraine, gironné d'or & d'azur de douze pieces. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIROVAGUE Author=Diderot Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m. GIROVAGUE * GIROVAGUE, s. m. ( Hist. ecclés. ) espece de moines, la quatrieme dont S. Benoit fasse mention dans sa regle; ces girovagues ne s'attachoient à aucune maison; ils erroient de monastere en monastere, genre de vie que l'indépendance leur faisoit préférer à celui de Cénobites. S. Benoît n'aimoit pas ces couvens-là. Mais le même nom de girovague ne conviendroit-il pas également à ces moines qui n'habitent leur cloître que le moins qu'ils peuvent, qui sont plongés dans les embarras du monde & les dissipations, qui intriguent, qui cabalent, & qu'on rencontre dans tous les quartiers, dans toutes les maisons de la ville? Si S. Benoit pouvoit élever sa voix de dessous sa tombe, ne leur crieroit-il pas: « Girovagues , vous êtes pires que les Sarabaïtes ». -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIROUETTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Arts Part of Speech=s.f. GIROUETTE GIROUETTE, s. f. ( Arts. ) plaque de fer-blanc qui est mobile sur une queue ou pivot qu'on met sur les clochers, les pavillons, les tours, & autres édifices, pour connoitre de quel côté le vent souffle: aussi quelques auteurs l'ont appellé ventilogium, quasi index venti . Andronic de Cyrrhe fit élever à Athenes une tour octogone, & fit graver sur chaque côté des figures qui représentoient les huit vents principaux; un triton d'airain tournoit sur son pivot au haut de la tour: ce triton tenant une baguette à la main, la posoit juste sur le vent qui souffloit. C'est peut-être d'après cette idée ingénieuse, que nos coqs & nos giroüettes ont été grossierement imaginées; car leur exécution est toute entiere gothique & barbare. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Girouettes Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Girouettes Girouettes , ( Marine. ) ce sont de petites pieces d'étoffe, soit toile ou étamine, qu'on met au haut des mâts des vaisseaux; elles servent à marquer d'où vient le vent. Ordinairement les giroüettes ont plus de battant que de guindant, c'est-à dire qu'elles sont plus longues que larges, en prenant le guindant pour la largeur, & le batant pour la longueur. Il y a des giroüettes quarrées qui sont faites de plusieurs cueilles, & qui ont la figure d'un quarré long. Les giroüettes à l'angloise sont longues & étroites. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GISORS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GISORS GISORS, ( Géog. ) petite ville de France en Normandie, capitale du Vexin-Normand, avec titre de comté & bailliage, qui est un des sept grands bailliages de Normandie. Cependant la ville n'est pas fort ancienne; car elle doit son origine à un château que fit bâtir Guillaume le Roux, roi d'Angleterre & duc de Normandie, l'an 1097, comme l'assûre Ordéric Vital, qui nomme cette place Gisors , & au génitif Gisortis . Les écrivains qui sont venus après lui, l'ont appellé Gisortium: elle est sur l'Epte, dans un terrein fertile en excellent blé, à cinq lieues de Gournay, quatorze de Rouen, & seize de Paris. Long. 19 d . 18'. latit. 49 d . 13' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GISSEMENT Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GISSEMENT GISSEMENT, s. m. ( Marine. ) Les marins désignent par ce mot la maniere dont une côte git & est située, eu égard aux rumbes de vent de la boussole. On dit, cette côte gît nord & sud , pour dire, qu' elle est située & qu'elle s'étend du nord au sud: on dit la même chose de deux iles ou de deux lieux éloignés l'un de l'autre, ces deux ïles gissent sud-est & nord-oüest à quinze lieues de distance , c'est-à-dire que l'une est située au sud-est de l'autre à quinze lieues . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GITE Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GITE GITE, s. m. ( Gramm. ) lieu où l'on s'arrête pour coucher à la fin de la journée, lorsqu'on est en voyage: on a un peu étendu l'acception de ce mot, & il signifie souvent en général le lieu ou l'on couche: ainsi on dit, de retour au gite, nous fimes , &c. il se dit surtout de l'endroit où le lievre a coûtume de se reposer. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gîte, (droit de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire de France Part of Speech=NA Gîte Gîte , ( droit de-) Hist. de France; dans les titres ce droit s'appelle jus gisti, gistum, jus subventionis , ou procurationis. Voyez Ducange, au mot gistum . Ancien droit que les rois de France levoient dans les villes, bourgs, évêchés, & abbayes, pour les indemniser des frais du voyage, passage, ou séjour qu'ils faisoient sur les lieux. Quand les rois de la premiere race & quelques-uns de la seconde, voyageoient, ce qui leur arrivoit souvent, ils logeoient avec leur suite pendant une nuit, aux dépens des villes, des bourgs, & des villages qui étoient sur leur route. On leur fournissoit tout ce dont ils avoient besoin, & ils étoient magnifiquement défrayés; car leurs hôtes ne manquoient jamais d'y joindre au départ quelque présent en argenterie. Peu-à-peu cet établissement devint un droit royal, qu'on nomma droit de gîte; & personne n'en fut exempt. Jean le Coq rapporte un arrêt qui déclare les villes données en doüaire à la reine, sujettes au droit de gîte . Les évêques & les abbés payoient ce droit de gîte pour la visite de leur église; & quand nos rois se dégoûterent de mener une vie errante, ils continuerent d'exiger leur droit de gîte des évêques, des abbés, & autres prélats. Lors même que ces évêques & abbés furent affranchis du service militaire, ils resterent soûmis au droit de gîte . Louis VII. en exempta la seule église de Paris, en reconnoissance de l'éducation qu'elle lui avoit donnée. Ce droit de gîte étoit fixé à une certaine somme pour chaque évêché ou abbaye, toutes les fois que le roi venoit visiter l'église ou l'abbaye du lieu: p. ex. l'abbé du grand monastere de Tours étoit taxé à soixante livres du pays; abbas majoris monasterii Turonensis debet unum gistum, taxatum sexaginta libras turonenses, levandas quolibet anno, si rex visitaverit ecclesiam . Quelques églises s'abonnerent à payer le droit de gîte à une certaine somme, soit que le roi vînt ou non les visiter; l'archevêque de Tours prit ce parti, & composa pour cent francs. Pasquier rapporte à ce sujet un grand passage qu'il a tiré des archives de la chambre des comptes, & dont voici le précis: L. anno Domini 1382, dominus P. Mazerii, episcopus Atrebatensis, pro jure procurationis . . . . . . . . composuit in ducentis & quadraginta francis auri, franco sexdecim solidorum, pro eo quod debebat; de quibus satisfactum, dominus Atrebatensis habet penès se litteras regias, unâ cum litteris quitationis secretariorum . Le latin de ce tems-là n'est pas élégant, mais le sens en est clair. Ce passage dit qu'en 1382 l'évêque d'Arras traita à deux cents quarante francs d'or, chaque franc de seize sous, pour ce qu'il devoit du droit de gîte; qu'il paya cette somme, en prit l'écrit du roi, & quittance de ses secrétaires. Ce même passage nous apprend positivement que le droit de gîte subsistoit encore en 1382. « Enfin, dit Pasquier en son vieux gaulois, le tems a depuis fait mettre en oubli, tant les services militaires, que droits de gîte; au lieu desquels on a introduit l'octroi des décimes sur tout le clergé, n'étant demeuré de cette ancienneté, que la prestation de serment de fidélité au roi, qui doit être faite par tous les prélats de France, lors de leurs avénemens ». ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gîtes Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m.pl. Gîtes Gîtes , s. m. pl. ( Art milit. ) ce sont des pieces de bois dont on se sert pour la construction des platesformes des batteries sur lesquelles on pose les madriers. Voyez Plate-Forme . ( Q ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gîte Author=unknown Normalized Classification=Boucherie | Cuisine Part of Speech=NA Gîte Gîte , ( Boucherie & Cuisine. ) Le gîte est le bas de la cuisse du boeuf; on y distingue trois parties, le bas où est le morceau à la noix, & le derriere du gîte; la levée & le gîte à l'os. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIVET Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIVET GIVET, Givetum , ( Géog. ) petite ville de France aux Pays-Bas, divisée en deux par la Meuse, dont l'une s'appelle Givet Saint Hilaire , & l'autre, Givet Notre-Dame; il y a de bonnes fortifications & de belles casernes, ouvrages du maréchal de Vauban. Givet est près de Charlemont, à neuf lieues sud-oüest de Namur, huit nord-est de Rocroi. Long. 22 d . 22'. latit. 50 d . 5' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIULA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIULA GIULA, Julia , ( Géog. ) ville forte de la haute Hongrie aux frontieres de la Transylvanie; elle fut prise par les Turcs en 1566: les impériaux la reprirent en 1595, & la conserverent par le traité de Carlowitz: elle est sur le Kérès blanc, à douze lieues nord-est d'Arad, douze sud-oüest du grand Varadin. Longit. 39. 36. latit. 46. 25. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIUND Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIUND GIUND, ( Géog. ) ville d'Asie dans la grande Tartarie au Turquestan, vers le Sihon, qui est le Jaxarre des anciens: Abulféda lui donne 78 d . 4'. de long. elle a, selon quelques-uns, 43 d . 30'. de latit. septentrionale . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Givre, ou Frimat Author=Ratte Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. Givre Givre , ou Frimat , s. m. ( Physique. ) sorte de gelée blanche, qui en hyver, lorsque l'air est froid & humide tout ensemble, s'attache à différens corps, aux arbres, aux herbes, aux cheveux, &c. Le givre ou frimat ne differe pas essentiellement de la gelée blanche proprement dite: ces deux congelations se ressemblent parfaitement, se forment de la même maniere, & dépendent du même principe. Ce qui, dans l'usage, sert à les distinguer, c'est que le nom de gelée blanche n'est guere donné qu'à la rosée du matin congelée; au lieu que ce qu'on appelle givre doit son origine non à la rosée du matin, mais à toutes les autres vapeurs aqueuses, quelles qu'elles soient, qui réunies sur la surface de certains corps en molécules sensibles, distinctes & fort déliées, y rencontrent un froid suffisant pour les glacer. La formation du givre supposant toûjours, comme nous venons de le dire, la réunion du froid & de l'humidité, on déterminera sans peine les circonstances particulieres dans lesquelles cette espece de congelation doit se manifester. Qu'un grand brouillard soit répandu dans l'air & sur la surface de la terre, il mouillera considérablement la plûpart des corps solides exposés à son action: si l'on suppose en même tems dans ces corps un refroidissement jusqu'au terme de la congelation & au-delà, il n'en faudra pas davantage pour glacer les particules d'eau répandues sur la surface de ces mêmes corps, & qui y sont adhérentes. Ces premiers glaçons attireront d'autres molécules aqueuses qui perdront de même leur liquidité, & ainsi de suite; tous ces petits corps gelés constituent le givre . Ce qu'on a dit ailleurs de la gelée blanche proprement dite, qu'elle est composée de particules d'eau glacées séparément, unies en un corps rare & leger, formant des filets oblongs diversement inclinés; tout cela trouve ici son application. Voyez Gelée blanche . Le givre s'attache aux arbres en très-grande quantité; il y forme souvent des glaçons pendans qui fatiguent beaucoup les branches par leur poids; c'est que les arbres attirent avec beaucoup de force l'humidité de l'air & des brouillards. Les poils des animaux sont de même très-sujets à s'humecter considérablement à l'air libre: ainsi il n'est pas surprenant qu'en certains pays le givre s'attache fréquemment aux cheveux & au menton des paysans & des voyageurs, aux chapeaux, aux fourrures, aux crins des chevaux, &c. Il faut remarquer au sujet du givre qu'on apperçoit sur les hommes & sur les animaux, que les particules d'eau auxquelles il doit son origine, ne viennent pas toutes de l'atmosphere: les vapeurs aqueuses qu'exhalent les animaux par la respiration, se glacent de la même maniere dans de semblables circonstances; & ce qui le prouve évidemment, c'est que le givre s'amasse autour de la bouche & des narines en plus grande quantité. Dans les villes, quand on voit sur les personnes qui viennent de la campagne l'espece d'eau glacée dont il est ici question, on dit communément qu'il a tombé du givre; expression très-peu exacte, si l'on entend par-là que les particules d'eau qui composent le givre , se sont gelées dans l'air: on dit de la même maniere, il a tombé de la gelée blanche . Il ne faut pas toûjours chercher dans le discours ordinaire la précision des Mathématiciens. On doit rapporter au givre cette espece de neige qui s'attache aux murailles après de longues & fortes gelées: la raison de cet effet est que les corps solides s'échauffent moins promptement que l'air, & que ces murailles conservent encore quelque tems après le dégel une grande partie de la froideur qui leur a été auparavant imprimée. Si cette froideur va au terme de la glace ou au-delà, les particules d'eau dont l'air est chargé venant s'attacher aux murailles & s'y accumulant, y forment une croûte de glace rare, spongieuse, & dont les parties sont presque disjointes. Ce seroit une erreur de croire que cette espece de neige vînt de l'humidité qui sort-du mur: comment en sortiroit-elle, puisqu'il est plus froid ou aussi froid que la glace, & que tout ce qu'il a d'humidité au-dedans, n'y peut-être que congelé? Les réseaux de glace qu'on observe quelquefois aux vitres des fenêtres, sont encore une espece particuliere de givre . Pendant la gelée, l'air de la chambre est chaud ou tempéré; la vitre est froide par l'impression de la gelée extérieure, & la vapeur qui s'y attache du côté de la chambre s'y congele subitement. Pendant le dégel, si l'air de la chambre est encore très-froid, & que l'adoucissement vienne de l'air extérieur, ce sera l'humidité du dehors qui s'attachera aux carreaux & qui s'y gelera. M. de Mairan, diss. sur la glace, part. II. sect. 4. ch. vj. & vij. Dans toutes ces congelations on voit regner constamment le même principe: des corps solides refroidis à un certain degré, glacent les particules d'eau qui s'attachent à leur surface; & ces particules d'eau, c'est l'air qui les fournit. Tout corps plus froid que l'air qui l'environne, lui communique en partie son excès de froideur: cet air ainsi refroidi en devient moins propre à soûtenir les vapeurs qui y sont suspendues; il en laissera donc précipiter une partie; & si le corps d'où nait le refroidissement, a la propriété d'attirer l'eau, il se couvrira de molécules aqueuses qui se convertiront en glaçons à un degré de froid suffisant pour produire cet effet. Ceci s'applique naturellement & aux murs des maisons & aux carreaux des vitres, qui dans les cas dont il est ici question, sont toûjours plus froids qu'un air immédiatement contigu. Si l'on demande pourquoi l'air en se refroidissant abandonne une partie des vapeurs aqueuses qu'il tenoit auparavant suspendues, nous ferons d'abord remarquer que cette question n'est point particuliere au sujet que nous traitons, puisqu'elle se présente nécessairement dans l'explication de tout météore aqueux. Nous dirons ensuite, sans entrer dans un grand détail, que les particules d'eau invisibles dans l'atmosphere y sont dans l'état d'une véritable dissolution; qu'ainsi l'élévation & la suspension des vapeurs dépendent presque entierement de la vertu dissolvante de l'air. Or cette activité dissolvante est d'autant moindre, que l'air a moins de chaleur; ou, ce qui est la même chose, qu'il est plus froid, selon la loi commune à tous les menstrues: il n'est donc pas étonnant que l'air refroidi laisse échapper une partie des vapeurs qu'il soûtenoit auparavant; c'est ici une vraie précipitation chimique. On dit communément que le froid en condensant l'air condense aussi les vapeurs dont l'air est chargé; mais on le dit sans le prouver, & cette explication est moins naturelle que celle que nous venons de donner d'après quelques physiciens modernes. Les observations de M. le Roi, de la société royale des Sciences de Montpellier, ont répandu un très-grand jour sur toute cette matiere. Voyez l'article Évaporation , composé par cet académicien. Voyez aussi Humidité & Expansibilité . Les congelations qui s'attachent aux vitres des fenêtres, sont quelquefois très-remarquables par la singularité des figures qu'elles affectent. De petits brins de glace s'arrangent de maniere qu'il en résulte diverses figures curvilignes semblables à la broderie: rien ne paroît si contraire à la direction rectiligne & convergente, que les particules de glace suivent constamment quand elles sont en pleine liberté. Aussi M. de Mairan avoue-t-il que ce phénomene l'embarrassa long-tems: à la fin ayant fait réflexion qu'il ne l'avoit vû que sur des vitres récemment nettoyées, il crut pouvoir conjecturer que les contours dont il s'agit avoient été formés par la main même du vitrier, qui pour sécher les vitres qu'il venoit de laver, y avoit passé une brosse avec du sable fin. Selon cette idée, les particules de glace se seroient logées dans les petits sillons que les grains de sable auroient gravés par leur frottement. M. de Mairan pense aussi que l'ouvrier qui fabrique le verre en remuant avec une baguette de fer la matiere vitreuse actuellement en fusion, fait naître par ce mouvement diverses figures curvilignes qui subsistent après le refroidissement. On pourroit donc appercevoir le phénomene en question, indépendamment des circonstances que nous avons rapportées. Ceci demanderoit un examen plus approfondi. M. de Mairan, dissertation sur la glace . L'industrie des Physiciens s'applique souvent avec succès à imiter la nature: on peut en toute saison faire naître du givre artificiel semblable à celui qui se forme naturellement. On mêle, pour cet effet, de la glace pilée ou de la neige avec du sel dans un vaisseau de verre mince bien essuyé en-dehors, & que l'on tient environ un quart-d'heure dans un lieu frais: ce mélange produit un refroidissement considérable; & on voit bien-tôt tous les dehors du vaisseau se couvrir peu-à-peu d'une espece de frimat ou de neige qui ne differe point du givre ou de la gelée blanche ordinaire. Voyez dans les leçons de Physique de M. Nollet, tome III. p. 362. tout le détail de cette expérience, dont nous avons par avance donné l'explication. En finissant cet article, je serai observer qu'à Montpellier où j'écris, & dans la plus grande partie du bas Languedoc, il est très-rare de voir du givre; c'est que le froid & la gelée y sont rarement accompagnés d'humidité & de brouillards: le pays est naturellement sec, & l'air n'y est humide jusqu'à un certain degré, que quand les vents de sud & de sud-est chassent vers nous les vapeurs qui s'élevent en abondance de la Méditerranée: or les vents de sud donnent en hyver le tems doux. Je n'ai vû à Montpellier qu'une seule fois des réseaux de glace sur les vitres des fenêtres; c'étoit pendant les fortes gelées de 1755: le thermometre de M. de Réaumur étoit à six ou sept degrés au-dessous de la congelation de l'eau. Article de M. de Ratte , secrétaire perpétuel de la société royale des Sciences de Montpellier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Givre Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=s.f. Givre Givre , s. f. grosse couleuvre à la queue tortillée; il ne se dit guere qu' en terme de Blason: on dit givre rampante , lorsqu'elle est en face. On dit aussi guivre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIVRE Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject GIVRE GIVRE, adj. on appelle, en terme de Blason, croix givrée , celle qui est terminée en tête de givre. Voyez Givre . Quelques-uns dérivent ce mot d' anguis , serpent; & d'autres, de vivre , en changeant la lettre v en g , & vivre de vipera . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIUSCHON, ou GIUS-CHAN Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GIUSCHON, ou GIUS-CHAN GIUSCHON, ou GIUS-CHAN, s. m. ( Hist. mod. ) nom qui en langue turque signifie lecteur de l'alcoran; il y en a trente dans les mosquées royales, qui lisent chacun par jour une des trente sections de l'alcoran: en sorte que chaque mois on fait une lecture entiere de ce livre de la loi. Gius veut dire portion ou section; & chon ou chan, lecteur; c'est-à-dire lecteur d'une section . Le but de cette lecture, selon eux, est de procurer le repos des ames des Musulmans qui font quelque legs à cette intention: c'est pourquoi les gius-thous lisent proche des sépulcres dans les mosquées, & autres lieux de dévotion. Ricaut, de l'empire ottoman. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GIUSTANDIL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GIUSTANDIL GIUSTANDIL, ( Géog. ) autrement dite OCHRIDA, c'est l' Achridus des anciens qui fut ensuite nommee Justiniana prima; forte ville de la Turquie européenne dans la Macédoine, avec un archevéque grec, & un sangiach. Elle est située près du lac d'Ochrida, à 28 lieues sud-est de Durazzo, 52 nord-oüest de Larisse. Long. 38. 25. lat. 41. 10 . Giustandil est la patrie de l'empereur Justinien dont on a tant fait de bas éloges; mais son inconstance dans ses projets, sa mauvaise conduite, son zele persécuteur, ses vexations, ses rapines, sa fureur de bâtir, sa foiblesse pour une femme qui s'étoit long-tems prostituée sur le théatre, peignent son vrai caractere. Un regne dur & foible, mélé à beaucoup de vaine gloire & à des succès inutiles, qu'il devoit à la supériorité du génie de Bélizaire, furent des malheurs réels qu'on éprouva sous sa domination; enfin ce prince fastueux, avide de s'arroger le titre de législateur, s'avisa dans un tems de décadence de vouloir réformer la jurisprudence des siecles éclairés: mais outre qu'on sait assez la maniere dont il s'y prit, c'est aux jours de lumieres, comme dit très-bien M. de Montesquieu, qu'il conviendroit de corriger les jours de ténebres. ( D. J. ) GLA -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACE Author=Ratte Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. GLACE GLACE, s. f. ( Physique. ) La glace est un corps solide, formé naturellement ou artificiellement d'une substance fluide, telle que l'eau, l'huile, &c. refroidie à un cert un degré; ou plutôt ce n'est autre chose que ce fluide même devenu concret & solide par le simple refroidissement. Lorsqu'un fluide s'est converti en glace , on dit qu'il est gelé ou congelé. l'opération par laquelle la nature seule ou aidée de l'art, fait éprouver à un corps fluide le changement dont nous parlons, est connue de même sous le nom de congelation. Voyez Froid & Congelation . La congelation differe de la concentration ou rapprochement qui se fait par l'évaporation, la precipitation ou la crystallisation. Voyez ces articles . On ne doit pas non plus la confondre avec la coagulation proprement dite, qui est l'épaississement spontané de certains liquides; épaississement qui loin de dépendre constamment de l'action du froid, suppose dans plusieurs fluides un degré de chaleur considérable. Voyez Coagulation . En s'attachant à l'idée que nous venons de développer, on doit donner indifferemment le nom de glace à tout fluide gelé. L'usage a cependant restreint la signification de ce terme, qui n'est guere employé que pour designer l'eau congelée: la glace proprement dite, la glace par excellence est toûjours la glace d'eau. Les phénomenes de la glace sont remarquables, & en très-grand nombre; aussi ont-ils mérité d'exciter vivement dans tous les tems la curiosité des physiciens. Tous à l'envi se sont empressés de les examiner avec soin pour en reconnoître les causes. Le détail que nous allons donner de cette multitude de phénomenes fera le fort de cet article: nous y ferons un grand usage de l'excellente dissertation de M. de Mairan sur cette matiere. Il seroit difficile de parler de la glace , sans profiter des savantes recherches de cet illustre physicien, sans le copier ou sans l'abréger. La glace , comme nous l'avons dit, est naturelle ou artificielle. L'eau se gele naturellement, quand la température de l'air répond au zéro ou à un degré inférieur du thermometre de M. de Reaumur, ce qui arrive assez souvent en hyver dans nos climats. Tous les liquides simplement aqueux se glacent à-peu-près dans le même tems & par le même degré de froid. Les huiles grasses, sur-tout l'huile d'olive, gelent à un degré de froid très-médiocre, & fort inférieur à celui qui est requis pour la congelation de l'eau. Les liqueurs spiritueuses au contraire, telles que le vin, l'eau-de-vie, l'esprit-de-vin, &c. se gelent très-difficilement; non-seulement leur fluidité résiste à un degré de froid supérieur à celui qui fait geler l'eau; mais lors même qu'elles se glacent, ce n'est guere qu'en partie au-moins dans nos climats. Ce qu'elles ont d'aqueux se gele, mais leur partie spiritueuse qui alors se sépare de la partie aqueuse, ne perd rien de sa liquidité: elle se rassemble presque toûjours au centre du vaisseau ou de la piece de glace , sous la forme fluide qui lui est propre, & que le froid n'a pû altérer. La même chose a lieu dans la congelation du vinaigre; elle est imparfaite, & l'on trouve au milieu de la masse gelée, ce que les Chimistes appellent vinaigre concentré. Voyez Vinaigre . L'huile d'olive elle-même qui se glace avec tant de facilité, a quelques parties en très-petite quantité, qui réunies au centre du vaisseau, s'y conservent liquides dans les plus grands froids. Selon les observations des académiciens qui ont fait le voyage du cercle polaire, l'esprit-de-vin des thermometres de M. de Reaumur gele à un degré de froid ordinaire en Laponie. Cet esprit-de-vin est celui qu'on vend communément chez les Droguistes: il n'est pas extrèmement rectifié, & l'on pourroit peut-être penser qu'il ne se gele qu'à raison des parties d'eau qu'il contient en assez grande quantité; ce qui est certain, c'est que de l'esprit-de-vin bien alkoolisé, soûtient sans se geler un aussi grand degré de froid, & même des degrés plus considérables. Ce que nous disons de l'alkool doit à plus forte raison être entendu de l'éther la plus volatile peut-être de toutes les liqueurs. Voyez Alkool & Ether . L'esprit de nitre & la plûpart des esprits acides, certaines huiles chimiques, comme l'huile de térébenthine, celle de lin, &c. se glacent aussi très-difficilement. Le mercure ne se gele point: du-moins nul degré de froid observé jusqu'ici n'a été suffisant pour le congeler. A l'égard de l'air, on sait qu'il est toûjours fluide quand il est en masse sensible; ainsi tout ce que nous avons à dire des phénomenes de la congelation ne le regarde pas. Ceux des liquides qui sont sujets à se glacer, n'offrent pas tous à beaucoup près dans leur congelation les mêmes phénomenes; autant de fluides particuliers, autant de sortes de glace . Nous allons principalement considérer la glace commune, ou celle qui résulte de la congelation de l'eau; sans cesse exposée aux regards curieux des physiciens & aux yeux du vulgaire, on a dû l'examiner avec plus de soin, & la soûmettre à un plus grand nombre d'épreuves. M. de Mairan considere la glace sous différens points de vûe: 1°. dans ses commencemens & dans tout le cours de sa formation: 2°. dans sa formation, relativement à l'état & aux circonstances où se trouve l'eau qui se gele: 3°. dans sa perfection, ou lorsqu'elle est toute formée: 4°. dans sa fonte & dans le dégel: 5°. & enfin dans sa formation artificielle par le moyen des sels. 1°. Des phénomenes de la glace dans ses commencemens & dans tout le cours de sa formation . Si l'on expose à l'air lorsqu'il gele, un ou plusieurs vases cylindriques de verre mince, pleins d'eau pure, il sera facile d'observer les phénomenes suivans. On remarquera d'abord, s'il ne gele que foiblement, une pellicule de glace très-mince, qui se formera à la surface supérieure qui touche immédiatement l'air; ensuite on verra partir des parois du vaisseau des filets diversement inclinés à ces parois, ou faisant avec elles divers angles aigus & obtus, rarement l'angle droit. A ces filets il s'en joindra d'autres qui leur seront de même diversement inclinés, & à ceux-ci d'autres encore, & ainsi de suite. Tous ces filets se multipliant s'élargiront en forme de lames, qui augmentant en nombre & en épaisseur, composeront enfin une seule masse solide par leur réunion. On conçoit aisément qu'à mesure que le froid continue ou qu'il augmente, ce premier tissu de glace devient toûjours plus épais. Si la gelée est plus âpre, tout se passera plus confusément; à peine aura-t-on le tems d'observer ces filets & ces lames, qui se formeront & s'uniront en un clin d'oeil. M. de Mairan a examiné avec une attention particuliere les différentes positions des filets de glace dont nous venons de parler, soit entr'eux, soit par rapport aux parois du vaisseau, ainsi que les diverses figures qui en résultent. Il a remarqué que les angles aigus, sous lesquels s'assemblent les filets, ne sont presque jamais au-dessous de l'angle de 30 degrés; qu'assez souvent ces angles sont de 60 & de 120 degrés; en sorte qu'il n'est pas rare, lorsqu'on fait geler de l'eau, de voir ceux des filets de glace qui tiennent par les deux bouts aux parois du vaisseau, y faire la corde d'un are de 120 degrés, ou du tiers de la circonférence. Il y a beaucoup de variété dans les figures qui résultent de l'assemblage de tous ces filets; souvent elles sont irrégulieres, & ne réveillent l'idée de rien de connu; souvent aussi elles imitent par des desseins & des contours assez réguliers divers ouvrages de la nature & de l'art. C'est ainsi qu'elles représentent des champs diversement sillonnés, des plumes avec leurs barbes, des especes d'étoile ou de croix de Malthe, &c. Les figures les plus fréquentes sont celles de morceaux de feuilles, ou même de feuilles entieres; toutes ces figures sont legerement tracées, & comme ciselées sur les différentes superficies qui les offrent à nos yeux. Avant la congelation de l'eau, & pendant qu'elle se gele, il en sort une grande quantité d'air en bulles plus ou moins grosses, qui viennent crever à sa surface. La sortie de ces bulles est d'autant plus aisée que la congelation se fait plus lentement. En général, quand la congelation est trop prompte, il sort très peu d'air de l'eau, mais les bulles d'air qui en sortent sont plus grosses; & au contraire quand la congelation est lente, les bulles qui s'échappent sont en très-grand nombre, mais fort petites. Quoiqu'il sorte beaucoup d'air de l'eau qui est prête à se geler, il en reste une quantité considérable dans l'eau glacée. Une masse de glace formée par une lente congelation paroît assez homogene & assez transparente depuis sa surface extérieure, qui s'est gelée la premiere jusqu'à 2 ou 3 lignes de distance en-dedans; mais dans le reste de son extérieur, & sur-tout vers son milieu, elle est interrompue par une grande quantité de bulles d'air, & la surface supérieure qui d'abord s'étoit formée plane, se trouve élevée en bosse & toute raboteuse. Une prompte congelation répand indifféremment les bulles d'air dans toute la masse, qui par-là est plus opaque que dans le premier cas; la surface supérieure est aussi & plus convexe & plus inégale. Les bulles d'air dont nous parlons, sont pour la plûpart de figure sphérique, & de la grosseur à-peu-près d'une tête d'épingle; elles deviennent beaucoup plus grosses quand le froid continue. Assez souvent on en observe d'autres oblongues, vers la fond du vaisseau & prés de ses parois intérieures, d'où elles semblent quelquefois partir pour se réunir au centre; celles-ci sont toûjours en moindre nombre que les premieres. Ces bulles qu'on apperçoit à la vûe simple, ne sont pas les seules qui interrompent la continuité d'une masse de glace; en examinant la glace avec la loupe, on en distingue encore une infinité d'autres beaucoup plus petites & plus près les unes des autres. On peut par des ébullitions réitérées, & sur-tout par le moyen de la machine pneumatique, priver l'eau de la plus grande partie de l'air, & des autres fluides élastiques qui y sont naturellement contenus. Cette eau ainsi purgée d'air, étant exposée dans la machine du vuide à un froid considérable, se gelera comme l'eau ordinaire par filets & par lames, qui formeront par leur réunion une masse de glace moins interrompue par des bulles d'air que la glace ordinaire, & dont la surface supérieure sera fort unie. Cette nouvelle glace contiendra d'autant moins de bulles, qu'on aura eu plus de soin de bien purger l'eau qui aura servi à la former. En suivant avec exactitude le procédé indiqué par M. Musschenbroek, on pourra parvenir à faire de la glace sensiblement homogene & sans aucune bulle visible. Essai de Physique, tome I. chap. xxv. Tentam. Florent. &c. Je dis sans aucune bulle visible ; car toutes les précautions qu'on prendra dans cette expérience, n'empêcheront point qu'il n'y ait toûjours dans la glace de ces bulles qui échappent à la vûe simple, & qu'on ne découvre qu'avec la loupe; elles y seront quelquefois en si grand nombre, qu'elles rendront la glace faite avec de l'eau purgée d'air, moins transparente que la glace ordinaire. Ainsi M. l'abbé Nollet ne dit rien que d'exactement vrai en un sens, quand il assûre qu'il n'a jamais pû faire de glace qui ne contînt des bulles d'air. Leçons de Physique tome IV. pag. 104 . Cet air rassemblé en bulles dans la glace , y est communément plus condensé que dans l'état naturel; ce qui le prouve, c'est qu'on le voit presque toûjours s'échapper avec précipitation quand on perce la glace pour faire jour aux bulles. Quelquefois aussi on n'observe rien de semblable, & l'air dont nous parlons ne donne aucune marque de condensation extraordinaire. Mariotte, mouvement des eaux, premier discours . Nollet, leçons de Physique, tome IV. pag. 117 . Hales, analyse de l'air, à la fin . L'augmentation du volume de l'eau, quand elle approche de sa congelation, & sur-tout lorsqu'elle se gole, est un phénomene des plus importans, dont nous n'avons point encore parlé, & de la réalité duquel il est facile de se convaincre. On met pour cet effet de l'eau dans un long tuyau, & on marque l'endroit où se trouve sa surface, lorsqu'elle est dans un lieu tempéré: on expose ensuite le tout à la gelée, l'eau descend très-sensiblement; mais lorsqu'elle approche de sa congelation, sa surface s'arrête & demeure stationnaire pendant quelques momens; après quoi elle remonte assez promptement, & s'éleve au-dessus de l'endroit où elle étoit d'abord. Cette expérience ne laisse aucun lieu de douter que l'eau qui approche de la congelation, & celle qui se glace actuellement, n'occupent plus d'espace, & ne soient par-là plus legeres qu'un pareil volume d'eau médiocrement froide. Cette augmentation de volume n'est pas moins sensible dans l'eau actuellement gelée. On sait que la glace nage toûjours sur l'eau, & que les glaçons qu'on met au fond d'un vaisseau plein d'eau ou au fond d'une riviere, montent toûjours vers la superficie. Une suite & une nouvelle preuve de la dilatation de l'eau convertie en glace , c'est la rupture des vaisseaux où elle est contenue; rupture très-ordinaire dans le cas d'une prompte congelation, lorsque ces vaisseaux sont étroits par le haut, & que l'épaisseur de leurs parois est trop peu considérable pour résister à l'effort que fait la glace en se dilatant. Cet effort en plusieurs cas est immense. Tout le monde a entendu parler de la fameuse expérience de M. Huyghens, répétée par M. Buot, dans laquelle un canon de fer épais d'un doigt, rempli d'eau & bien fermé, ayant été exposé à une forte gelée, creva en deux endroits au bout de douze heures. M rs . de l'académie de Florence ont fait rompre par ce même moyen plusieurs vaisseaux, soit de verre, soit de différens métaux, la plûpart de figure sphérique; & M. Musschenbroek ayant calculé l'effort nécessaire pour faire crever un de ces vaisseaux, il a trouvé qu'il avoit fallu une force capable de soulever un poids de 27720 livres. Tentam. pag. 135 . Il ne faut plus s'étonner après cela que la gelée souleve le pavé des rues, qu'elle creve les tuyaux des fontaines, quand on n'a pas la précaution de les tenir vuides, qu'elle fende les pierres & les arbres, qu'elle détruise en plusieurs circonstances tout le tissu des végétaux, &c. Ce sont des suites nécessaires de la dilatation & de la force expansive dont nous venons de parler. Voyez Gelée . La glace faite avec de l'eau ordinaire non purgée d'air, se dilatant avec tant de force & si sensiblement, il étoit naturel d'examiner ce qui arriveroit dans les mêmes circonstances à de l'eau bien purgée d'air, qu'on auroit soûmise à l'action de la gelée; de voir si elle augmenteroit ou si elle diminueroit de volume en se gelant: on a fait pour éclaircir ce point quantité d'expériences. M. Homberg par un procédé qui dura deux ans, fit en 1693 avec de l'eau purgée d'air, de la glace qu'il jugea plus pesante & d'un moindre volume que l'eau ordinaire, mémoires de l'académie, tom. X. pag. 255 . Il paroît qu'il se décida sur la seule inspection du morceau de glace , & non par son enfoncement dans l'eau, la seule preuve sans replique; ce qui est certain, c'est que M rs . de Mairan, Musschenbroek, Nollet & plusieurs autres physiciens, qui ont répété & tourné en plusieurs manieres cette même expérience, n'en ont jamais pû obtenir le même résultat. La glace faite avec de l'eau purgée d'air a toûjours nagé sur l'eau; souvent même elle a cassé les vaisseaux où elle étoit contenue, preuves incontestables d'une augmentation de volume. Il faut néanmoins remarquer que si la glace faite avec de l'eau purgée d'air, est plus legere à raison de son volume que l'eau dans l'état de liquidité, cette même glace est toûjours spécifiquement plus pesante que celle qu'on a faite avec de l'eau ordinaire: on verra même que la différence de leurs pesanteurs spécifiques est souvent assez considérable. La dilatation de l'eau qui devient glace est une exception apparente à la loi générale, suivant laquelle presque toutes les matieres qui perdent leur fluidité pour devenir solides, loin d'augmenter de volume en diminuent constamment; ainsi les huiles en se gelant & lorsqu'elles sont gelées, occupent toûjours moins d'espace qu'auparavant. Une autre observation importante, c'est que les huiles ne se gelent point comme l'eau par filets & par lames, mais par pelotons de différente figure, qui tombant les uns sur les autres, composent une masse solide assez peu liée dans les commencemens; mais qui à mesure que le froid augmente, acquiert de la consistance & de la fermeté. Le vin glacé se leve par feuillets assez semblables à des pelures d'oignon. Nous venons d'exposer avec assez d'étendue ce qui se passe réellement & sous nos yeux dans la formation de la glace; voyons maintenant ce que les Philosophes ont imaginé pour rendre raison de ces phénomenes. Descartes suivi en cela d'un grand nombre de physiciens, a cru que la congelation de l'eau & des autres liquides étoit une suite nécessaire de leur refroidissement à un certain degré déterminé, sans qu'il intervint précisément pour cet effet dans les pores du liquide aucune matiere étrangere; c'est aussi le sentiment de Boerhaave, de s'Gravesande, de Hartsoeker, de M. Hamberger, de M. de Mairan, &c. Tous ces physiciens rejettent les corpuscules frigorifiques, la matiere congelante proprement dite: si l'on remarque de la diversité dans le détail de leurs explications, on voit en même tems qu'ils se réunissent tous dans le point que je viens d'indiquer; c'est un même fond qui se reproduit sous plusieurs formes différentes. Les Gassendistes supposent au contraire des corpuscules frigorifiques salins ou nitreux, qui s'introduisant entre les pores d'un fluide, arrêtent le mouvement de ses parties, & les fixent en un corps solide & dur. Cette opinion a été adoptée par le célebre M. de la Hire. M. Musschenbroek s'en éloigne peu: il soûtient à la vérité contre les Gassendistes, que le froid n'est que la simple privation du feu; mais persuadé en même tems que la congelation & le froid sont deux choses assez différentes, il a recours à une matiere répandue dans l'air, qui venant à pénétrer l'eau & les autres fluides, fixe la mobilité respective de leurs parties en les liant fortement entr'elles, comme feroit de la colle ou de la glu. Cette matiere est-elle abondamment répandue dans l'air? la gelée est considérable; au contraire n'y a-t-il dans l'air que peu ou point de cette matiere? il ne gele point ou il ne gele que foiblement. Ce n'est point précisément par le degré de froid (nous parlons d'après M. Musschenbroek) qu'on doit juger de la presence ou de l'absence de ces particules congelantes; si on lui demande ce que c'est que ces particules, il répondra que leur nature est encore un mystere qu'on pourra quelque jour pénétrer. Essais de Physique, tome I. chap. xxv. Tentam. Florent . Nous ne connoissons aucun système sur la formation de la glace , essentiellement différent de ceux que nous venons de rapporter; tout paroît donc se réduire à cette seule question. La congelation d'un liquide suit-elle nécessairement d'un refroidissement à un certain degré déterminé, ou faut-il pour la formation de la glace quelque chose de plus? Si le refroidissement suffisoit, la matiere congelante dont l'existence n'est point prouvée immédiatement seroit inutile, & par-là même elle devroit être rejettée. Quelque idée qu'on se forme de la fluidité, on ne sauroit s'empêcher de reconnoitre la chaleur pour une de ses principales causes; il suffit donc afin qu'un corps devienne solide de fluide qu'il étoit, que la chaleur qui agitoit ses parties diminue à un certain degré, ou, ce qui est la même chose, que ce corps se refroidisse. Dans ce cas la force de cohésion de ses particules augmente; nous l'avons vû en parlant du froid: or on sait que cette force de cohésion est la cause de la solidité des corps & de leur dureté. Voyez Fluidité , Solidité & Cohésion Voilà l'eau changée en un corps dur par un simple refroidissement; mais ce corps dur aura-t-il toutes les propriétés de la glace? présentera-t-il dans sa formation les mêmes phénomenes? C'est ce qu'il faut examiner. L'eau se gele par filets qui s'assemblent sous différens angles, d'où résultent diverses figures; dans ce phénomene on n'apperçoit rien qui favorise la matiere congelante. Tout paroît dépendre de la figure, quelle qu'elle soit, des parties intégrantes de l'eau, & de la maniere dont la force de cohésion agit sur ces particules pour leur leur faire prendre un certain arrangement déterminé. Un liquide autrement conformé & sur lequel l'attraction agira d'une autre maniere, se gelera par pelotons, comme on l'observe dans les huiles; les sels n'affectent-ils pas différentes figures dans leurs crystallisations? Si l'on demande pourquoi les filets de glace tiennent d'ordinaire par un de leurs bouts aux parois du vase qui les renferme, nous répondrons que tout corps flottant sur l'eau dans un vase qui n'est pas plein, va s'attacher de lui-même aux parois du vaisseau, si ces parois sont de nature à être mouillées par l'eau; & ce qui prouve la justesse de cette explication, c'est que l'adhésion des filets de glace aux parois du vase disparoît absolument, quand on a frotté le dedans du vaisseau d'huile, de suif ou de quelqu'autre matiere qui s'unit difficilement avec l'eau. L'eau qui se gele à mesure que les parties se rapprochent, se dessaisit de l'air qu'elle contient en grande quantité; une partie de cet air s'échappe à-peu-près comme l'eau sort d'une éponge mouillée que l'on presse. Ce qui reste d'air dans l'eau glacée s'y rassemble en différentes bulles; c'est un air, pour ainsi dire, extravasé, dont la masse de glace est entre-coupée. L'air ne sauroit se développer de la sorte sans augmenter son volume; avant ce développement il étoit comme dissous dans l'eau: or on sait que du sel, par exemple, dissous dans l'eau, y tient moins de place que du sel en masses sensibles. L'air caché dans l'eau & intimement mêlé avec elle, y est sans ressort; en se dégageant il reprend son élasticité, autre cause de dilatation. De tout ceci on infere naturellement, que quoiqu'il soit sorti beaucoup d'air de l'eau prête à se geler, ce qui reste dégagé & en masse doit y occuper plus de place que le tout n'en occupoit quand il y étoit dissous, & qu'ainsi le volume de l'eau glacée en doit être augmenté. La force qui rassemble l'air en bulles est très-considérable; elle est absolument la même que la force de cohésion qui unit les particules d'eau, & qui est très-supérieure à la pesanteur: le ressort qui se rétablit dans l'air à mesure qu'il se dégage, est aussi très actif & très-puissant. De ces deux causes réunies suit la rupture des vaisseaux où la glace est contenue. Cette explication, qui est celle d'un très-grand nombre de physiciens, ne laisseroit rien à desirer, si la glace faite avec de l'eau purgée d'air se trouvoit aussi pesante que l'eau même, ce qui n'arrive jamais; mais nous avons vû que toute glace contient des bulles d'air, quelque soin qu'on ait pris de l'en purger. De plus la glace faite avec de l'eau privée d'air autant qu'il est possible, est sensiblement plus pesante que la glace ordinaire, ce qui affoiblit beaucoup la difficulté. Ceux qui admettent la matiere congelante, prétendent que cette matiere s'introduisant dans les pores de l'eau, augmente le volume de ce fluide. Il semble que cette autre explication ne doit avoir lieu, que supposé qu'on ne puisse pas déduire d'ailleurs le phénomene dont il est ici question. En l'attribuant seulement en partie à l'air rassemblé en bulles, ne peut-on pas soupçonner en même tems que les parties intégrantes de l'eau qui se gele, se disposent dans un ordre différent de celui qu'elles observoient avant la congelation? Selon cette idée, il faudroit reconnoître dans la glace une nouvelle sorte d'aggrégation, pour parler le langage des Chimistes: ceci au reste n'est pas difficile à concevoir. La chaleur qui portée à un certain degré, maintient l'eau dans l'état de liquidité, ne tend pas seulement à desunir les parties intégrantes de ce fluide; elle peut encore altérer facilement la direction de leur tendance mutuelle: il ne faudra donc qu'un refroidissement pour rendre à ces différentes molécules la liberté de s'arranger conformément à cette tendance qui leur est propre. Or pourquoi, en vertu de cette tendance, ces molécules ne s'uniroient-elles pas de maniere qu'en adhérant plus fortement les unes aux autres par certaines portions de leurs surfaces, elles laisseroient entr'elles d'un autre côté des intervalles plus considérables que ceux qui les séparoient dans l'état de liquidité? M. de Mairan regarde comme une preuve assez forte de tout ce qu'on vient d'avancer, la constance des filets de glace à s'assembler sous différens angles, principalement sous des angles de 60 degrés: on peut consulter la seconde partie de sa dissertation sur la glace . Un plus grand détail sur ce sujet nous meneroit loin, & nous devons nous resserrer. Contentons-nous de remarquer, 1°. que l'augmentation de volume de l'eau glacée n'est point proprement une suite de l'action immediate du froid; ce n'est que par accident que le froid y contribue, & à raison seulement de certaines circonstances particulieres. 2°. Que la dilatation de l'air reuni en bulles dans la glace , & peut-être aussi une certaine tendance propre aux particules intégrantes de l'eau, semblent être les principales causes de ce phénomene. 3°. Que si on n'observe pas la même chose dans les huiles, c'est sans doute par le défaut d'une tendance de cette nature, & parce que l'air qu'elles contiennent se dégage & s'échappe avec plus de facilité. 4°. Que la matiere congelante paroît inutile pour l'explication des phénomenes dont nous avons donné le détail; qu'ainsi la congelation ne dépend probablement que du refroidissement d'un liquide & de la cohésion de ses parties, qui s'accroît toûjours à mesure que la chaleur diminue. Selon cette idée, la congelation & le dégel sont deux effets beaucoup plus communs qu'on ne pourroit d'abord l'imaginer; on les découvre dans toute la nature: la fonte d'un métal occasionnée par la chaleur est un dégel; la dureté qui survient à ce métal fondu en conséquence du refroidissement de ses parties, est une véritable congelation. Nul corps n'est essentiellement solide ou fluide: la solidité & la fluidité sont deux états différens & successifs d'un même corps; l'eau est une glace fondue par la chaleur; la glace une eau que le froid a fixée en un corps dur: comme tous les corps ne se fondent pas au même degré de chaleur, de même aussi tous les liquides ne se gelent pas au même degré de froid. Si certains fluides comme le mercure ne se gelent jamais, c'est sans doute parce qu'on n'a pas observé jusqu'ici un froid suffisant pour les glacer. Nous avons vû à l' article Gelée , que la glace se formoit dans tous les pays au même degré de froid, en faisant abstraction de certaines circonstances que nous allons indiquer: cela seul est un grand préjugé que la congelation est une suite du simple refroidissement. 2°. Des phénomenes de la congélation relativement à l'état & aux circonstances où se trouve l'eau qui se gele . Ce que l'expérience & l'observation nous apprennent à ce sujet se réduit aux points suivans: 1°. L'eau qu'on a fait bouillir ne gele pas plus promptement que d'autre eau qui n'a point été altérée par l'ébullition; on a cru long-tems le contraire sans beaucoup de fondement. 2°. Le mouvement translatif de l'eau augmentant en quelque maniere sa fluidité, apporte toûjours du changement à sa congelation. On sait qu'une eau dormante, comme celle d'un étang, gele plus facilement & plus promptement que l'eau d'une riviere qui coule avec rapidité; il est même assez rare que le milieu d'une grande riviere, & ce qu'on appelle le fil de l'eau , se glace de lui-même. Si une riviere se prend entierement, c'est presque toûjours par la rencontre des glaçons qu'elle charrioit, & que divers obstacles auront forcés de se réunir: ces glaçons s'amoncelant & s'entassant irrégulierement les uns sur les autres, ne forment jamais une glace unie comme celle d'un étang. 3°. Ceci explique assez naturellement pourquoi la Seine qu'on voit assez souvent à Paris geler d'un bord à l'autre dans des hyvers moins rudes que celui de 1709, ne fut pas totalement prise cette année-là. La violence même du froid produisit un effet extraordinaire en apparence, en glaçant tout-à-coup & entierement les petites rivieres qui se déchargent dans la Seine au-dessus de Paris, que leurs glaçons ne purent y être portés, du-moins en assez grande quantité. Ceuz qui se formerent dans la Seine même s'attacherent trop fortement à ses bords; ainsi elle charria peu, & le milieu de son courant, qui, comme nous venons de le dire, ne se glace point de lui-même, demeura toûjours libre. Hist. de l'acad. des Sciences, année 1709, pag. 9 . 4°. On a été long-tems en doute si les rivieres cemmençoient à se geler par la surface ou par le sond, mais cette question n'en est plus une; il est présentement bien sûr qu'elles commencent à se geler comme les autres eaux par la surface. M. l'abbé Nollet a demêlé la vérité sur cet article à-travers plusieurs apparences séduisantes qui en avoient imposé à d'habiles physiciens. Leçons de Phys. t. IV . 5°. L'état de l'air qui touche immédiatement la gelée doit être considéré. Un grand vent rend la congelation plus difficile, & souvent même l'empêche entierement; c'est qu'il diminue d'une part la violence du froid ( voyez Froid ), & que de l'autre il agite l'eau considérablement, celle sur-tout d'un étang ou d'une grande riviere. Au contraire un petit vent sec est toûjours favorable à la formation de la glace , quand il emporte l'air chaud ou moins froid qui étoit sur la surface du liquide, pour se mettre à sa place. 6°. Le repos sensible tant de la masse d'eau qu'on expose à la gelée, que de l'air qui touche immédiatement cette eau, produit un effet qu'il n'étoit pas facile de prévoir; ce double repos empêche que l'eau ne se gele, quoiqu'elle ait acquis un degré de froid fort supérieur à celui qui naturellement lui sait perdre sa liquidité. De l'eau étant dans cet état, vient-elle à éprouver la plus legere agitation sensible de la part de l'air, ou de quelqu'autre corps environnant, elle se gele dans l'instant. C'est à M. Fahrenheit que nous devons la premiere observation de ce phénomene; c'est lui qui a vû le premier avec la plus grande surprise de l'eau refroidie au quinzieme degré de son thermometre, ce qui revient à plus de dix au-dessous du zéro de la graduation de M. de Reaumur, se maintenir dans une liquidité parfaite jusqu'au moment où on l'agitoit: cette expérience a réussi de même à plusieurs autres physiciens curieux de la répéter. Je l'ai faite plusieurs fois à Montpellier pendant les fortes gelées de 1755, sur de l'eau exposée à un air parfaitement tranquille, & qui s'étoit refroidie au quatrieme degré de l'échelle de M. de Reaumur; ce qu'il y a de bien singulier, c'est que de l'eau ainsi refroidie de plusieurs degrés au-dessous du terme de la glace , venant à se geler en conséquence de l'agitation qu'on lui imprime, fait monter dans le tems qu'elle se glace la liqueur du thermometre au degré ordinaire de la congelation; ainsi l'eau diminue de froideur en se gelant, espece de paradoxe qui a besoin de toute l'autorité de l'expérience pour pouvoir être cru. La vraie cause de ce phénomene est peut-être d'une nature à se dérober long-tems à nos recherches. On pourroit penser qu'une masse d'eau tranquille ou peu agitée se refroidissant plus régulierement, la force d'attraction s'y distribue avec uniformité; qu'ainsi les parties intégrantes de l'eau tendans les unes vers les autres avec une égale force, balancent mutuellement leurs efforts: cet équilibre contraire à l'union des molécules d'eau, & qui seule entretient la liquidité, doit disparoître à la moindre secousse. Ceci revient assez à l'explication que M. de Mairan a donnée de ce phénomene, qui au reste n'est point particulier à la congelation. M. Romieu de la societé royale des Sciences de Montpellier, a observé qu'une dissolution de sel de Glauber dont il avoit fait évaporer une partie, ne s'étoit point crystallisée, tant que le vaisseau qui contenoit cette dissolution avoit été tenu en repos; mais ayant tant-soit-peu agité ce vaisseau, il vit paroître à l'instant plusieurs crystaux. Deux effets si parfaitement semblables ne dépendent-ils point d'un même principe qui influe & dans la congelation & dans la crystallisation? 3°. Des phénomenes de la glace lorsqu'elle est toute formée . Examinons maintenant la glace dans son état de perfection. M. Boerhaave en décrit exactement les principaux caracteres, quand il dit que c'est une espece de verre qui se fondant naturellement & de lui-même à une chaleur de 33 degrés du thermometre de Fahrenheit, ne conserve sa solidité que parce qu'il est exposé à un degré de froid un peu plus grand; que c'est une masse moins dense que l'eau dure, élastique, fragile, transparente, sans odeur, insipide, que l'on peut polir en lui donnant différentes figures, &c. Quelques-unes de ces différentes propriétés doivent être examinées séparément: n'oublions point qu'il est question de la glace proprement dite, de la glace de l'eau. On a déjà beaucoup parlé de l'augmentation de volume de l'eau glacée; il reste à assigner le degré précis de cette dilatation: ce degré n'est point uniforme; tantôt le poids spécifique de l'eau est à celui de la glace , comme 19 à 18, tantôt comme 15 à 14, quelquefois dans la raison de 9 à 8. En général la glace est d'autant plus legere qu'elle contient plus de bulles d'air, & que ces bulles sont plus grosses. Selon M. de Mairan, la glace faite avec de l'eau purgée d'air, n'excede que d'un vingt-deuxieme le volume qui la produit; ainsi cette glace est sensiblement plus pesante que la glace de l'eau ordinaire, & le rapport de leurs gravités spécifiques est quelquefois celui de 99 à 92. Les bulles d'air qui se rencontrent dans la glace dès sa premiere formation, ne sont d'abord, comme nous l'avons vû, que de la grosseur à-peu-près d'une tête d'épingle; mais à mesure que le froid continue ou qu'il augmente, la réunion de ces bulles forme des globules plus considérables, qui ont souvent 3 à 4 lignes de diametre, quelquefois un demi-pouce, & même un pouce entier. Dans ces circonstances le ressort de l'air contenu dans la glace agit plus fortement pour la dilater: une grosse bulle d'air fait plus d'effet qu'un grand nombre de petites dispersées çà & là, quoique ces petites jointes ensemble composent une masse égale à celle de la grosse bulle. En général les forces expansives de deux bulles d'air de figure sphérique sont proportionnelles à leurs diametres. M. de Mairan en a donné la véritable raison dans sa dissert. sur la glace, II. part. sect. j. ch. 5 . Il suit de-là, & l'expérience le justifie, que le volume de la glace doit continuer à augmenter après qu'elle s'est formée. Un morceau de glace qui dans sa premiere formation n'étoit que d'un quatorzieme plus leger que l'eau, fut trouvé au bout de huit jours plus leger que ce fluide dans la raison de 12 à 11: nous devons cette observation à M. de Mairan. La durete de la glace est très grande; elle surpasse considérablement celle du marbre & de plusieurs autres corps connus. Il paroît que la glace est d'autant plus forte pour résister à sa rupture ou à son applatissement, qu'elle est plus compacte & plus dégagée d'air, ou qu'elle a été formée par un plus grand froid & dans des pays plus froids. Les glaces du Spitzberg & des mers d'Islande sont si dures, qu'il est très-difficile de les rompre avec le marteau: voici une preuve bien singuliere de la fermeté & de la tenacité de ces glaces septentrionales. Pendant le rigoureux hyver de 1740, on construisit à Petersbourg, suivant les regles de la plus élégante architecture, un palais de glace de 52 piés 1/2 de longueur, sur 16 1/2 de largeur & 20 de hauteur, sans que le poids des parties supérieures & du comble qui étoit aussi de glace , parût endommager le moins du monde le pié de l'édifice: la Neva riviere voisine, où la glace avoit 2 ou 3 piés d'épaisseur, en avoit fourni les matériaux. Pour augmenter la merveille, on plaça au-devant du bâtiment six canons de glace avec leurs affuts de la même matiere, & deux mortiers à bombe dans les mêmes proportions que ceux de fonte. Ces pieces de canon étoient du calibre de celles qui portent ordinairement trois livres de poudre: on ne leur en donna cependant qu'un quarteron; mais on les tira, & le boulet d'une de ces pieces perça à 60 pas une planche de deux pouces d'épaisseur: le canon dont l'épaisseur étoit tout au plus de 4 pouces, n'éclata point par une si forte explosion. Ce fait peut rendre croyable ce que rapporte Olaüs-Magnus des fortifications de glace , dont il assûre que les nations septentrionales savent faire usage dans le besoin. M. de Mairan, dissert. sur la glace, II. part. iij sect. chap. iij . La glace étant plus le ere que l'eau, peut supporter des poids considérables, lorsqu'elle est elle même portée & soûtenue par l'eau. Dans la grande gelée de 1683, la glace de la Tamise n'étoit que de onze pouces; cependant on alloit dessus en carrosse. On doit observer qu'une glace adhérente à des corps solides, comme celle d'une riviere l'est à ses bords, doit supporter un plus grand poids que celle qui flotte sur l'eau, ou qui est rompue & felée en plusieurs endroits. Ce qu'on peut dire de plus précis sur la froideur de la glace , c'est que dans les commencemens le degré qui l'exprime est le trente-deuxieme du thermometre de Fahrenheit, ou le zéro de celui de M. de Reaumur. Mais dans la suite la glace , comme tous les autres corps solides, prend à peu-près la température du milieu qui l'environne; elle doit donc augmenter de froideur, quand il gele plus fortement, & en diminuer, quand la gelée est moindre. La glace est communément moins transparente & plus blanchâtre que l'eau dont elle est formée: ce qui vient de cette multitude de bulles d'air qui interrompent toûjours la continuité de sa masse. Cet air rassemblé en bulles est d'une part beaucoup plus rare que les parties propres de l'eau glacée, & de l'autre Newton a démontré qu'un corps est opaque, quand les vuides que laisse sa matiere propre, sont remplis d'une substance dont la densité differe de la sienne. Plus les bulles d'air sont grosses, moins la glace est transparente. Celle qu'on a faite avec de l'eau purgée d'air, autant qu'il est possible, n'est pas toûjours également diaphane; elle l'est quelquefois plus que la glace ordinaire, quelquefois aussi elle l'est beaucoup moins; c'est qu'elle n'est pas privée de tout l'air qui y étoit contenu, & que les petites bulles presque invisibles qui s'y forment, peuvent dans certaines circonstances faire beaucoup d'effet. Voyez Opacité & Transparence . Les glaces du Groënland sont moins transparentes que les nôtres: de plus, s'il en faut croire certains voyageurs, elles ont une couleur bleue que n'ont point celles de notre climat. La réfraction de la glace est un peu moindre que celle de l'eau; elle est d'ailleurs assez réguliere: on fait des lentilles de glace qui rassemblent les rayons du soleil au point d'allumer & de brûler de la poudre au fort de l'hyver. Voyez Lentille , Miroir-Ardent , &c . Quoique la glace soit un corps solide & très-dur, elle est sujette à s'évaporer considérablement; & ce qui est bien digne de remarque, cette évaporation est d'autant plus grande & plus prompte, que le froid est plus violent. Selon les observations faites à Montpellier en 1709 par feu M. Gauteron, secrétaire de la société royale des Sciences de cette ville, la glace exposée à l'air libre perdoit alors un quart de son poids en vingt-quatre heures; évaporation que M. Gauteron jugea plus considérable que celle de l'eau dans un tems moyen entre le chaud & le froid. Mém. de l'Acad. 1709, à la fin du volume . M. de Mairan fait dépendre ce phénomene de la contexture particuliere de la glace , qui occupant un plus grand volume que l'eau, offrant une plus grande superficie, hérissée d'une infinité d'inégalités, doit par-là même, nonobstant sa dureté, donner plus de prise à la cause générale de l'évaporation. J'ajouterai que la sécheresse de l'air & le vent de nord accompagnent presque toûjours les grandes gelées. Or dans ces circonstances l'évaporation est considérable; un air plus sec est plus disposé à se charger de vapeurs, qui s'éleveront d'ailleurs en plus grande quantité, quand cet air sera incessamment renouvellé. Ceci explique assez naturellement pourquoi les liquides qui ne se gelent point, s'évaporent de même très-considerablement pendant les grands froids. Nous ne parlons point ici de la neige ni de la gelée blanche; ce sont des especes de glace , dont on marque ailleurs les différences d'avec la glace proprement dite. La grêle est une vraie glace , qui n'a rien de particulier que les circonstances & le méchanisme de sa formation. Voyez Neige , Gelée blanche & Grêle . Tout ce que nous avons dit des propriétés de la glace de l'eau, ne sauroit guere être appliqué aux différentes sortes de glace qui résultent de la congelation des autres liquides. La glace de l'huile d'olive, par exemple, est terne, opaque, & fort blanchâtre; celle de l'eau est transparente: la premiere est plus dense qu'auparavant; l'autre est plus rare & plus legere qu'elle n'étoit avant la perte de sa liquidité. Il paroît que la dureté est la propriété que convient le plus généralement à toutes les especes de glace; encore ceci doit-il être entendu avec quelque restriction. La glace de l'huile d'olive n'est pas dure dans les commencemens, mais elle le devient toûjours quand le froid continue, & ce n'est qu'alors qu'elie est censée avoir acquis toute sa perfection. 4°. Des phénomenes de la glace dans sa fonte, & du dégel . La glace se fond à un degré de froid un peu moindre que celui qui la produit. Ainsi le contact des corps voisins suffit pour la fondre, si ces corps sont moins froids qu'elle, ou, ce qui est la même chose, si leur température actuelle est au-dessous du froid de la congelation. Tous les corps solides appliqués sur la glace ne sont pas également propres à produire cet effet. Ceux qui la touchent en un plus grand nombre de points, la fondent beaucoup plus vîte que les autres, tout le reste étant égal d'ailleurs. Ainsi la glace fond beaucoup plus vîte sur une assiette d'argent que sur la paume de la main. M. Haguenot, de la société royale des Sciences de Montpellier, répéta & vérifia plusieurs fois cette expérience en 1729; il en fit en même tems plusieurs autres dans ce goût, dont les résultats ne sont pas moins curieux. Il trouva, par exemple, que la glace fondoit plus vîte sur le cuivre que sur aucun autre métal. Assemblée publique de la S. R. des Sciences de Montpellier, du 22 Décembre 1729 . L'efficacité des fluides pour fondre la glace n'est pas moins puissante que celle des solides. La glace redevient plûtôt liquide dans l'eau que dans l'air à la même température, & plus promptement dans de l'eau tiede que près du feu, à une distance où l'on auroit peine à tenir la main. Ajoûtons qu'elle fond aussi plus aisément dans l'air subtil que dans l'air grossier. Selon les observations de M. de Mairan, un morceau de glace qui est six minutes vingt-quatre secondes à fondre à l'air libre, est absolument fondu en quatre minutes dans la machine du vuide. On comprend sans peine que l'air contenu dans la glace fait essort pour en desunir & en séparer les parties: or cet effort est toûjours plus considérable dans le vuide, où il n'est point balancé par la pression de l'air extérieur environnant. La glace se fond beaucoup plus lentement qu'elle ne s'est formée. La matiere du feu trouve sans doute plus de difficulté à séparer de petites masses liées par une forte cohésion, qu'a s'échapper d'un liquide qui se gele. Quoi qu'il on soit, le fait est constant: de l'eau qui se sera gelée en cinq ou six minutes, ne reprendra sa liquidité qu'au bout de quelques heures, quelquefois même de quelques jours, dans un lieu dont la temperature est au-dessous du terme de la congelation, & où cette eau ne se seroit jamais glacée d'elle-même. C'est sur ceci qu'est fondée l'utile invention des glacieres; car ce seroit une erreur de s'imaginer qu'à l'endroit le plus profond du creux qu'on fait en terre pour conserver la glace , le froid surpasse toûjours le degré de la congelation: bien loin de-là, l'eau qu'on y porteroit s'y maintiendroit presque toûjours liquide; mais il suffit que la température des glacieres soit au-moins un peu au-dessus du terme de la congelation: par-là les grosses masses de glace qu'on y a entassées ne se fondent que très lentement, & il en reste toûjours assez pour notre usage. La destruction de la glace offre quelques-uns des phénomenes remarqués dans sa formation; ainsi l'on retrouve les filets de glace qui subsistent encore, quand les intervalles qui les séparoient sont dégelés. Les angles de soixante degrés reparoissent aussi dans ces circonstances, mais toutes ces apparences sont rares dans un morceau de glace un peu épais. Au reste l'ordre qui s'observe dans la fonte de la glace , n'est point à tous égards contraire à celui de sa formation. La glace se forme par les bords & par la surface de l'eau: elle commence de même à se détruire par ses bords, par ses pointes, ses angles solides, & ensuite par toute sa surface exposée à l'air. La glace se fond naturellement par la diminution du froid de l'atmosphere, quand la liqueur du thermometre qui s'étoit abaissée au terme de la congelation & au-dessous, remonte de quelques degrés au-dessus. Ce relâchement du grand froid, cet adoucissement qui résout les glaces & les neiges dans tout un pays est ce qu'on appelle proprement dégel. Voyez Dégel & Gelée . 5°. De la glace artificielle par le moyen des sels . L'art qui imite si souvent la nature, a trouvé le moyen de se procurer de la glace semblable à celle qui est formée par les causes générales, & dont nous venons de décrire les propriétés. Rien de plus aisé que d'avoir en peu de tems au fort de l'été de cette glace artificielle. Nous avons vû à l' article Froid , qu'on plaçoit pour cet effet dans un vaisseau de capacité & de figure convenable une bouteille remplie de l'eau qu'on vouloit glacer; qu'on appliquoit ensuite autour de cette bouteille de la glace pilée ou de la neige mêlée avec du salpetre ou du sel commun, ou avec quelqu'autre sel; que ce mélange entrant de lui-même en fusion, l'eau de la bouteille se refroidissoit de plus en plus à mesure qu'il se fondoit: & qu'enfin elle se convertissoit en glace; qu'on pouvoit hâter la fusion réciproque de la glace & des sels, & la congelation de l'eau qui en est une suite, en plaçant immédiatement sur le feu le vaisseau qui contient le mélange. Nous avons fait voir que c'étoit une propriété commune aux sels de toute espece, que celle de fondre la glace & de la refroidir en la fondant; que non seulement les sels qui sont sous forme seche, mais encore que les esprits acides, tels que ceux de nitre, de sel, &c. les esprits ardens, comme l'esprit-de-vin, &c. opéroient le même effet; que toutes ces substances mêlées avec la glace donnoient des congelations artificielles, qui, selon la nature & la dose des matieres qu'on avoit employées, différoient les unes des autres & par la force & par la promptitude. Le sel marin, par exemple, est plus efficace que le salpêtre, l'esprit de nitre est plus actif, & produit un degré de froid plus considérable que l'esprit de sel, &c. Nous ne reviendrons plus sur ces différens objets, pour ne pas tomber dans des redites inutiles. On ne voit rien dans la glace artificielle, qui la distingue de la glace naturelle formée rapidement; il ne paroît point qu'elle se charge des particules des sels qu'on employe, qui en effet auroient bien de la peine à pénétrer le vaisseau qui la contient. Si au lieu d'appliquer autour d'une bouteille pleine d'eau un mélange de sel & de glace , on remplit la bouteille de ce même mélange, & qu'on la plonge ainsi dans de l'eau, une partie de cette eau se glacera autour de la bouteille. Que le mélange soit autour de l'eau, ou que l'eau environne le mélange, la chose est très-indifférente, quant à l'effet qui doit s'ensuivre; l'essentiel est que le mélange soit plus froid que l'eau d'un certain nombre de degrés: car alors il la convertira facilement en glace par la communication d'une partie de sa froideur. Ce qu'on observe dans le cas où l'eau entoure le mélange, arrive précisément de la même maniere, lorsqu'on fait dégeler des fruits dans de l'eau médiocrement froide ou dans de la neige qui se fond actuellement; car il se forme très-promptement autour de leur peau une croûte de glace dure & transparente, & plus ou moins épaisse, selon la grosseur & la qualité du fruit. Nous avons remarqué à l' article Gelée , que les fruits ou les membres gelés étoient perdus sans ressource, si on les faisoit dégeler trop promptement. C'est la raison pour laquelle on employe ici l'eau médiocrement froide ou la neige, plûtôt que l'eau chaude, qui par la fonte trop subite qu'elle produiroit, détruiroit absolument l'organisation qu'on veut conserver. Voyez Gelée . On a cherché long-tems les moyens de se procurer de la glace artificielle par les sels tout seuls, sans le secours d'une glace étrangere. Voici comme on y est enfin parvenu. Nous avons parlé ailleurs ( voyez Froid ) de la propriété qu'ont les sels, principalement le sel ammoniac, de refroidir l'eau, où ils sont dissous sans la glacer. Si donc on a de l'eau déjà froide à un degré voisin de la congelation, il sera facile d'en augmenter la froideur de plusieurs degrés, en y faisant dissoudre un tiers de sel ammoniac. Ce mélange servira à rendre plus froide une seconde masse d'eau déjà refroidie au degré où l'étoit d'abord la premiere qu'on a employée. On fera encore dissoudre du sel ammoniac dans cette nouvelle eau. En continuant ce procédé, & en employant ainsi des masses d'eau successivement refroidies, on aura enfin un mélange de sel & d'eau beaucoup plus froid que la glace; d'où il suit évidemment que si on plonge dans ce mélange une bouteille d'eau pure moins froide que la glace , cette eau s'y gelera. Nous avons dit qu'il falloit pour cette expérience de l'eau déjà voisine de la congelation. Ainsi ce moyen n'est pas praticable en tout lieu & en toute saison; il ne laisse pourtant pas de pouvoir devenir utile en bien des occasions. C'est à M. Boerhaave qu'on doit cette decouverte. Voyez sa chimie de igne, exp. jv. cor. 4 . Ne pourroit-on pas se procurer de la glace artificielle sans sels & sans glace ? Ce qui est constant, c'est qu'on rafraîchit l'eau en l'exposant à un courant d'air dans un vaisseau construit d'une terre poreuse, ou dans une bouteille enveloppée d'un linge mouille. C'est ce qu'on pratique avec succès en Egypte, à la Chine, au Mogol, & dans d'autres pays. Si l'eau étoit déjà voisine de la congelation, ne pourroit-elle pas se geler par ce moyen? Cette idée qui est de M. de Mairan, merite d'être suivie. Dans toutes les expériences précédentes, l'eau soûmise à l'action de la gelée étoit pure & sans aucun mélange. De l'eau mêlée avec quelque corps étranger, soit solide, soit fluide, présente dans sa congelation d'autres phenomenes. L'eau salée se gele plus difficilement que l'eau pure; il faut pour la glacer un froid supérieur au degré de la congelation, & qui excede d'autant plus ce degré, que l'eau est plus chargée de sels. La glace d'eau salée est moins dure que la glace ordinaire; elle est plus chargée de sel au centre qu'à l'extérieur: ce milieu même trop charge de sel, ou ne se gele point, on ne prend que peu de consistance. Il en est de même de l'eau qu'on a mêlée avec de l'esprit-de-vin extremement rectifie. Ce mélange se gele avec peine, & on voit toûjours au milieu de la masse de glace l'esprit-de-vin sous sa forme liquide. Dans l'un & dans l'autre exemple l'eau se sépare plus ou moins parfaitement des particules de sel ou de celles de l'esprit de vin. Il seroit difficile de ne pas appercevoir ici un rapport marqué entre la congelation de l'eau mêlée avec quelqu'autre substance, & la congelation des liquides différens de l'eau, tels que le vin, le vinaigre, &c. Ces liquides ne sont eux-mêmes que de l'eau combinée avec des matieres salines ou huileuses. Que l'art ou la nature ayent formé ces mélanges, le même effet doit avoir lieu dans leur congelation & dans la séparation de l'eau d'avec les substances qui lui étoient unies. L'eau des mares, qui est souvent mêlée avec l'urine des animaux, avec les parties grasses ou salines des matieres tant animales que végétales, qui s'y sont pourries; cette eau, dis-je, lorsqu'elle se glace, represente des figures très-singulieres, que l'imagination rend encore plus merveilleuses: il n'est pas rare d'y voir des especes de dentelles, de figures d'arbres ou d'animaux, &c. Des auteurs décides pour le merveilleux vont beaucoup plus loin; ils assûrent que la lessive des cendres d'une plante venant à se glacer, en représente fidelement l'image. C'est ici la fameuse palingenesie ou régénération des anciens chimistes, chimere trop décriée pour qu'on s'applique sérieusement à en montrer l'absurdité. L'exposition que nous venons de faire des phénomenes de la glace renferme à-peu près tout ce qu'il y a de plus essentiel dans cette matiere. Rien d'interessant n'a été omis; nous pourrions plûtôt craindre le reproche d'avoir donné trop d'étendue à cet article, mais l'importance du sujet sera notre excuse, le détail des faits nous a d'ailleurs bien plus occupés que la recherche des causes; les vrais philosophes n'auront garde de nous en savoir mauvais gre. On trouvera dans la dissertation de M. de Mairan des conjectures ingénieuses sur les causes de plusieurs phénomenes particuliers que nous avons laissés sans explication. La matiere subtile que cet habile physicien a mise en oeuvre, est moins liée qu'on ne pourroit d'abord le penser, au fond de son systeme, auquel il ne seroit pas difficile de donner, s'il le falloit, un air tout-à-sait newtonien. La glace doit être considérée par rapport à nos besoins & à l'usage qu'on en fait journellement dans les Sciences & dans les Arts. Combien de boissons rafraîchissantes ne nous procure-t-elle pas, secours que la nature sembloit nous avoir entierement refusés? La Medecine employe avec succès quelques unes de ces boissons rafraîchissantes, l'eau à la glace sur-tout, dans plusieurs cas. Le chimiste se sert de la glace pour rectifier les esprits ardens, pour concentrer le vinaigre, pour séparer les differentes substances qui entrent dans la composition des eaux minérales, &c. L'anatomiste, en faisant geler certaines parties du corps humain, a quelquefois découvert des structures cachées, invisibles dans l'erat naturel. Nous ne faisons qu'indiquer tous ces différens usages, expliqués avec plus de détail dans plusieurs endroits de ce Dictionnaire. Il suffit d'avoir sait remarquer que la glace , loin d'être pour les Philosophes un objet de pure curiosité, peut beaucoup fournir à cette physique pratique, qui dédaignant les spéculations steriles, ramene tout à nos besoins. M. de Mairan, dissert. sur la glace; Musschenbroek, tentat . & essais de Physique; Nollet, leçons de Physique, tome IV . Boerhaave, chim. tract. de aqua; Hamberger, élement. physic. &c. Article de M. de Ratte , auteur du mot Froid , & autres . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glace Author=unknown Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Glace Glace , ( Medecine. ) Il y a différentes observations à faire concernant l'usage & les effets de seau sous forme de glace , relativement à l'économie animale, dans la santé & dans les maladies. On se sert communément de la glace pour communiquer aux différens liquides employés pour la boisson, un plus grand degré de froid qu'ils ne pourroient l'avoir par eux-mêmes, lorsque l'air auquel ils sont exposés est d'une température au-dessus de la congelation. Voyez Thermometre On leur donne, par le moyen de la glace , une qualité actuelle propre à procurer un sentiment de fraîcheur qui est réputé délicieux, sur-tout dans les grandes chaleurs de l'été. Les moyens de procurer ce froid artificiel sont de plonger les vases qui contiennent les liquides que l'on veut rafraichir dans de l'eau mêlée de glace pilée ou de neige ou de grêle; ou dans un mélange de glace avec différens ingrédiens propres à la rendre encore plus froide & plus rafraichissante qu'elle n'est par elle-même. Voyez dans l'art . Froid ( Physique ), les différentes manieres de rendre artificiellement le froid des corps liquides beaucoup plus grand qu'il ne peut jamais le devenir naturellement dans nos climats tempérés. Voyez aussi les élémens de Chimie de Boerhaave, de igne, experiment. jv. coroll. 4 . Le froid propre à la glace conservée convenablement, suffit seul pour rafraîchir les liquides destinés à la boisson dans les repas: on ne donne à ce froid plus d'intensité que pour certaines boissons particulieres, telles que les préparations appellées orgeat, limonade, &c. boissons que l'on rafraîchit au point d'y former de petits glaçons, qui n'en détruisent pas totalement la fluidité, & les rendent d'un usage très agréable, en conservant plus long-tems leur fraîcheur dans le trajet de la bouche, à l'estomac, & même jusque dans ce viscere. On employe aussi la glace rendue plus froide qu'elle n'est naturellement, pour congeler des préparations alimentaires faites avec le lait ou le suc de différens fruits, le sucre, &c. en consistence de creme ou de fromage mou, auxquelles on donne par excellence le nom de glace , qui sont propres à être servies pour les entre-mets, pour les desserts, les colations, &c. & qui ajoûtent beaucoup aux délices de la table. Voyez Glace . Les Medecins dont les connoissances doivent autant servir à régler ce qui convient pour la conservation de la sante; à indiquer ce qui peut lui nuire, qu'à rechercher les causes des maladies; à prescrire les moyens propres pour les traiter, pour en procurer la guérison: convaincus par l'expérience la plus générale, autant que par le raisonnement physique concernant l'effet que peuvent produire dans le corps humain les boissons & autres préparations à la glace , qu'elles sont d'un usage aussi dangereux qu'il est délectable, s'accordent presque tous à le proscrire sans ménagement, & à le regarder comme une des causes des plus communes d'une infinité de desordres dans l'économie animale. En effet, le sang & la plûpart de nos humeurs n'étant dans un etat de liquidité que par accident, c'est-à-dire par des causes physiques & méchaniques, qui lui sont absolument étrangeres; telles que la chaleur animale qui dépend principalement de l'action des vaisseaux qui les contiennent, & l'agitation qu'ils procurent aux humeurs par cette même action, qui tend continuellement à desunir & à conserver dans l'état de desunion les molécules qui composent ces humeurs, & à s'opposer à la disposition qu'elles ont à se coaguler; & l'effet de l'impression du froid appliqué aux parties vivantes du corps animal, étant de causer une sorte de constriction, de resserrement, dans les solides, & une vraie condensation dans les fluides; ce qui peut aller jusqu'à diminuer l'action de ceux-là & la fluidité de ceux ci: il s'ensuit que tout ce qui peut donner lieu à un pareil effet doit nuire considérablement à l'exercice des fonctions, oit dans les parties qui en sont affectées immediatement, soit de proche en proche dans celles qui en sont voisines, par une propagation indépendante de celle du froid; par une espece de spasme sympathique, oue l'impression du froid dans une partie occasionne dans d'autres, même des plus éloignées. D'où peuvent se former des engorgemens dans les vaisseaux de tous les genres qui y troublent le cours des humeurs, mais sur-tout dans ceux qui peuvent être le siége des inflammations: d'où s'ensuivent des étranglemens dans des portions du canal intestinal qui interceptent le cours des matieres flatueuses qui y sont contenues, dont la raréfaction ultérieure cause des distensions très-douloureuses aux tuniques membraneuses qui les enferment; des gonflemens extraordinaires & autres symptomes qui accompagnent les coliques venteuses: d'où résultent aussi très-fréquemment des embarras dans les secrétions, de celle sur-tout qui se fait dans le foie; des suppressions d'évacuations habituelles, comme de celle des menstrues, des hemorrhoïdes, des cours de ventre critiques, &c. Voyez Froid ( Pathologie ), Pleurésie , Fluxion , Colique , Ventosité , &c. en sorte qu'il ne peut qu'y avoir beaucoup à se défier des observations qui paroissent autoriser l'usage des boissons & des préparations alimentaires à la glace: elles seront toujours suspectes, lorsqu'on aura égard aux observations trop communes des mauvais effets que l'on vient de dire qu'elles produisent très-souvent, en donnant naissance à différentes maladies, la plûpart de nature très-dangereuse, sur-tout lorsqu'on use de glace dans les cas où l'on est échauffé extraordinairement par quelque exercice violent, ou par toute autre cause que ce puisse être d'agitation du corps, méchanique ou physique; ce qui forme un état où l'on est d'autant plus porté à user des moyens qui peuvent procurer du rafraîchissement, tant intérieurement qu'extérieurement, que l'on s'expose davantage à en éprouver de funestes effets. C'est contre les abus de cette espece que s'éleve si fortement Hippocrate, lorsqu'il dit, aphoris. lj. sect. 2. que tout ce qui est excessif est ennemi de la nature, & qu'il est très-dangereux dans l'économie animale, de procurer quelque changement nubit, de quelque nature qu'il puisse être. Les plus grands medecins ont ensuite appuyé le jugement de leur chef d'une infinité d'observations relatives spécialement à ce dont il s'agit ici; tels que Marc Donat, de medicis historiis mirabilibus; Calder. Heredia, tract. de potionum varietate ; Amat. Lusitanus, Benivenius, Hildan, cent iij. observat. 48. & cent. v. observat. 29 . Skenchius, observat. lib. II. Hoffman, pathol. génér. c. x. de frigido potu vitae & sanitati hominum inimicissimo . Il y a même des auteurs qui en traitant des mauvais effets des boissons froides avec excès, comme des bains froids employés imprudemment, rapportent en avoir vû résulter même des morts subites; tel est, entr'autres, Lancisi, de subitaneis morbis, lib. II. c. vij . Mais comme l'usage de boire à la glace est devenu si commun, qu'on ne doit pas s'attendre qu'aucune raison d'intérêt pour la santé puisse le combattre avec succès, & soit supérieure à l'attrait du plaisir qu'on s'en promet; il est important de tâcher au moins de rendre cet usage aussi peu nuisible qu'il est possible. C'est dans cette vûe que nous proposons ici les conseils que donne Riviere à cet effet ( instit. med. lib. IV. cap. xxjv. de potu ); savoir, de ne boire jamais à la glace dans un tems où on est échauffé par quelque agitation du corps que ce soit; & lorsque l'on use habituellement d'une boisson ainsi préparée, de ne boire qu'après avoir pris une certaine quantité d'alimens, pour que le liquide excessivement froid qui s'y mêle, fasse moins d'impression sur les tuniques de l'estomac; de ne boire que peu à-la-fois par la même raison, & de boire un peu plus de vin qu'à l'ordinaire, pour que sa qualité échauffante serve de correctif aux effets de la glace , qui sont sur-tout très-pernicieux aux enfans, aux vieillards, & à toutes les personnes d'un tempérament froid, delicat, qui ne peuvent par conséquent convenir, si elles conviennent à quelqu'un dans les climats tempérés, qu'aux personnes robustes accoûtumées aux exercices du corps. Avec ces précautions, ces ménagemens, & ces attentions, on peut éviter les mauvais effets des boissons rafraîchies par le moyen de la glace: on peut même les rendre utiles, non-seulement dans la santé, pendant les grandes chaleurs, mais encore dans un grand nombre de maladies, sur-tout dans les climats bien chauds. C'est ce qu'établit avec le fondement le plus raisonnable, le célebre Hoffman, qui après avoir montré le danger des effets de la boisson à la glace , dans la dissertation citée ci-devant, en a fait une autre ( de aquae frigidae potu salutari ) pour relever les avantages de l'usage que l'on peut en faire dans les cas convenables & avec modération. Il rapporte, d'après Ramazzini ( de tuendâ principum valetudine, cap. v. ) des circonstances qui prouvent que cet usage non-seulement n'est pas nuisible, mais qu'il est même nécessaire en Espagne & en Italie pendant les grandes chaleurs; puisqu'on observe dans ce pays-là, que dans les années où il manque de la neige pour rafraîchir la boisson, il regne plus de maladies putrides, malignes, que dans les autres tems où la neige a pû être ramassée en abondance; en sorte que lorsqu'il n'en tombe pas, la saison qui suit est regardée d'avance comme devant être funeste à la santé & même à la vie des hommes. Ne seroit on pas fondé à inférer de-là que ce qu'on appelle des glaces pourroit être encore plus utile dans de semblables cas, que la simple boisson à la glace; parce qu'elles sont plus denses, plus propres à conserver leur qualité rafraîchissante; à donner du ressort aux estomacs relâchés, distendus par une trop grande quantité d'alimens; & à s'opposer à la putrefaction que ceux qui en sont susceptibles pourroient y contracter, en séjournant long-tems dans ce viscere? On peut ajoûter que d'après les eloges que font la plûpart des anciens medecins, tels qu'Hippocrate, Galien, Celse, de l'usage de la boisson bien froide, dans bien des maladies ardentes, bilieuses, des praticiens modernes ont employé avec succès la boisson à la glace dans des cas pareils; mais seulement lorsque ces maladies portoient un caractere de relâchement, d'atonie dans les fibres en général, & particulierement à l'égard des premieres voies, sans aucune disposition au spasme, à l'érétisme du genre nerveux. C'est dans de semblables circonstances que l'on s'est souvent servi utilement de la boisson à la glace , pour guérir des dyssenteries, des cours de ventre opiniâtres pendant les grandes chaleurs; que la glace elle-même employée tant intérieurement qu'extérieurement, a arrêté des hémorrhagies rébelles, par quelques voies qu'elles se fissent; qu'elle a guéri des coliques bilieuses, violentes, & sur-tout de celles qui sont causées par des vents & même des emphysemes, des tympanieres confirmées. Voyez les observations citées dans la dissertation d'Hoffman; & pour ce qui regarde les flatulences, la pneumato-pathologie de M. Combalusier, docteur medecin de Montpellier & ensuite de Paris, publiée en latin en 1747. Il y a aussi bien des observations de cas dans lesquels on a éprouvé de bons effets de la glace appliquée sur les parties gangrenées par le froid. Voyez Gangrene , Mortification , Sphacele ; & le commentaire sur ce sujet des aphorismes de Boerhaave, par l'illustre Wansvieten. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glaces Author=Jaucourt Normalized Classification=Arts Part of Speech=s.f.pl. Glaces Glaces , s. f. pl. ( Arts. ) nom moderne donné à des liqueurs agréables au goût, préparées avec art, & glacées en forme de tendres congelations. On parvient promptement à glacer toutes les liqueurs tirées des sucs des végétaux, avec de la glace pilée & du sel; & au défaut de sel, avec du nitre ou de la soude. M. Homberg indique dans l' hist. de l'académie des Sciences, ann. 1701, p. 73. une maniere de faire de la glace propre à rafraîchir & à glacer toutes sortes de liqueurs; & M. de Reaumur, dans le même recueil, mém. de l'ann. 1734, p. 178. nous apprend un moyen de faire des glaces à peu de frais; j'y renvoye le lecteur, pour ne donner ici que la méthode ordinaire de nos limonadiers, confiseurs, maîtres d'hôtel, &c. Ils prennent des boîtes de fer blanc faites exprès à volonté; ils les remplissent de liqueurs artistement préparées & tirées des fruits de la saison, comme de cerises, de fraises, de framboises, de groseilles, de jus de citron, d'orange, de creme, de chocolat, &c. car on combine à l'infini l'art de flatter le goût. Ils mettent un certain nombre de leurs boîtes remplies des unes ou des autres de ces liqueurs, dans un sceau à compartimens ou sans compartimens, à un doigt de distance l'une de l'autre: ils ont de la glace toute prête, pilée, broyée & salée, qu'ils jettent vîtement dans le sceau tout-autour de chaque boîte de ferblanc pleines de liqueurs, & jusqu'à ce qu'elles en soient couvertes. Quand ils veulent que les glaces soient promptement faites, ils employent une plus grande quantité de sel que la dose ordinaire, & laissent reposer les liqueurs une demi-heure ou environ; prenant garde de tems en tems que l'eau ne surmonte les boîtes à mesure que la glace se fond, & qu'elle ne pénetre jusqu'aux liqueurs. Pour éviter cet inconvénient, on fait au bas du sceau un trou où l'on met un fausset; & par ce moyen on tire l'eau de tems en tems; ensuite on range la glace de dessus les boîtes; & on remue la liqueur avec une cueillere, pour la faire glacer en neige. Quand ils s'apperçoivent qu'elle se glace en trop gros morceaux, ils la remuent avec la cuilliere afin de la dissoudre, parce que les liqueurs fortement glacées n'ont plus qu'un goût insipide. Après avoir ainsi remué toutes leurs boîtes & leurs liqueurs, en évitant qu'il n'y entre point de glace salée, ils les recouvrent de leur couvercle, & puis de glace & de sel pilé, comme la premiere fois Plus on met de sel avec la glace , & plûtôt les liqueurs se congelent; on ne les tire du sceau que quand on veut les servir. Les glaces font les délices des pays du midi; & je n'ignore pas qu'en Italie, ce beau sol où on sait les faire avec un art supérieur, la plûpart des medecins, loin de les condamner, assûrent que leur usage y est très-salutaire; il peut l'être aussi dans nos climats temperés à plusieurs personnes dont l'estomac & le genre nerveux ont besoin d'être renforcés par des mets & des liqueurs froides. Mais en tout pays, prendre des glaces immodérément sans un régime analogue, ou imprudemment, & dans le tems, par exemple, qu'on est le plus échauffé, c'est exposer ses jours & risquer de payer bien cher un repentir. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glace inflammable Author=Jaucourt Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Glace inflammable Glace inflammable , ( Chimie. ) glace artificielle qui prend feu. On fait par l'art une telle glace avec de l'huile de térébenthine, du spermaceti, & de l'esprit de nitre: ce n'est qu'un jeu chimique rapporté dans l' hist. de l'acad. des Sciences, ann. 1745; mais il y a des curieux, des artistes comme M. Roüelle, des seigneurs même qui préferent ces sortes de jeux à ceux qu'on joue dans la société; & il arrive quelquefois que la Physique leur est redevable de plusieurs connoissances utiles: voici donc une maniere de produire de la glace inflammable . On prendra de l'huile de térébenthine distillée; on la mettra dans un vaisseau sur un feu doux; on y fera fondre lentement du spermaceti ou blanc de baleine: cette solution restera aussi claire que de l'eau commune, en plaçant le vaisseau qui la contient dans un lieu frais; & en trois minutes au plus la liqueur se glacera. Cependant si elle se glaçoit trop difficilement, un peu de nouveau blanc de baleine qu'on y fera fondre, y remédieroit: il n'y a nul inconvénient à en remettre à plusieurs fois; la seule circonstance essentielle est de ne le point piler, mais de le mettre fondre en assez gros morceaux; sans cela, la glace seroit moins transparente. Lorsque la chaleur de l'été est trop forte, ou qu'on n'a pas de lieu assez frais pour faire prendre la liqueur, il ne faut que mettre le vaisseau qui la contient dans de l'eau bien fraîche; la liqueur se glace en moins d'une demi-minute: mais cette glace faite brusquement n'est jamais si belle que celle qui s'est formée tranquillement. Dès que la liqueur commencera à dégeler, & pendant qu'il y aura encore des glaçons flottans dessus, versez-y de bon esprit de nitre; alors la liqueur & la glace s'enflammeront & se consumeront dans l'instant. Il est vrai qu'il n'y a rien de moins étonnant que de voir l'huile de térébenthine s'enflammer par l'esprit de nitre: mais l'art consiste à la charger d'une matiere capable de la réduire en glace sans altérer sa transparence & son inflammabilité; & c'est ce qui arrive dans le procédé qu'on vient d'indiquer. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glace Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Glace Glace ; on appelle ainsi un verre poli, qui par le moyen du teint, sert dans les appartemens à réfléchir la lumiere, à représenter fidelement & à multiplier les objets: ce verre est disposé par miroirs ou par panneaux, & l'on en fait des lambris de revêtement. On a trouvé depuis peu le secret d'en fondre & polir d'une très-grande hauteur. Voyez la fabrication des glaces, au mot Verrerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glace Author=unknown Normalized Classification=Joaillerie Part of Speech=NA Glace Glace , en terme de Joüaillier , se dit de certains défauts qui se rencontrent dans les diamans, pour avoir été tirés avec trop de violence des veines de la mine. Lorsque les glaces sont trop considérables dans les diamans, on est obligé de les scier ou de les cliver. Voyez Diamant & Cliver . Dict. de Comm . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACE Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=adject GLACE GLACE, adj. ( Physique. ) zone glacée ou froide; c'est le nom qu'on a donné à deux parties de la terre, l'une méridionale, l'autre septentrionale, dont les poles occupent le milieu, & qui s'étendent de-là à vingt-trois degrés & demi environ de part & d'autre. M. de Maupertuis, dans son discours sur la figure de la terre , nous a donné une idée du froid qu'on éprouve dans ces zones; l'ayant éprouvé lui-même pendant l'hyver de 1736 à 1737, qu'il passa à Torneo en Laponie, sous le cercle polaire, avec MM. Clairaut, Camus, le Monnier, &c. Dès le 19 Septembre, on vit de la glace, & de la neige le 21; plusieurs endroits du grand fleuve qui passe à Torneo, étoient déjà glacés: le premier Novembre, il commença à geler très-fort; & dès le lendemain tout le grand fleuve fut pris, & la neige vint bien-tôt couvrir la glace. Pendant une opération qui fut faite sur la glace le 21 Décembre, le froid fut si grand que les doigts gelerent à plusieurs de ceux qui la faisoient; la langue & les levres se colloient & se geloient contre la tasse, lorsqu'on vouloit boire de l'eau-de-vie, qui étoit la seule liqueur qu'on pût conserver assez liquide pour la boire, & ne s'en arrachoient que sanglantes. Si on creusoit des puits profonds dans la glace pour avoir de l'eau, ces puits étoient presque aussi-tôt refermés; & l'eau pouvoit à-peine parvenir liquide jusqu'à la bouche. Les maisons basses de Torneo se trouvoient enfoncées jusqu'au toît dans les neiges; & ces neiges toûjours tombantes ou prêtes à tomber, ne permettoient guere au soleil de se faire voir pendant quelques momens à l'horison vers le midi. Le froid fut si grand dans le mois de Janvier, que des thermometres de mercure, ces thermometres qu'on fut surpris de voir descendre en 1709 à Paris à quatorze degrés au-dessous de la congelation, descendirent alors à trente-sept degrés; ceux d'esprit-de-vin gelerent. Lorsqu'on ouvroit la porte d'une chambre chaude, l'air de dehors convertissoit sur le champ en neige la vapeur qui s'y trouvoit, & en formoit de gros tourbillons blancs: lorsqu'on sortoit, l'air sembloit déchirer la poitrine; les habitans d'un pays si dur y perdent quelquefois le bras ou la jambe. Quelquefois il semble que le vent souffle de tous les côtés à la fois, & il lance la neige avec une telle impétuosité, qu'on un moment tous les chemins sont perdus. Sur les autres phénomenes de ces climats pendant l'hyver, voyez Aurore boréale . Le vent qui pendant tout l'hyver vient du nord & passe sur les terres gelées de la Nouvelle-Zemble, rend le pays arrosé par l'Oby & toute la Sibérie si froids, qu'à Tobolsk même, qui est au cinquante-septieme degré, il n'y a point d'arbres fruitiers; tandis qu'en Suede, à Stockholm, & même à de plus hautes latitudes, on a des arbres fruitiers & des légumes: cette différence vient, dit M. de Buffon, de ce que la mer Baltique & le golphe de Bothnie adoucissent un peu la rigueur des vents du nord; au lieu qu'en Sibérie il n'y a rien qui puisse tempérer l'activité du froid: il ne fait jan ais aussi froid, continue-til, sur les côtes de la mer que dans l'intérieur des terres; il y a des plantes qui passent l'hyver en plein à Londres, & qu'on ne peut conserver à Paris. Le pays du monde le plus froid est le Spitzberg; c'est une terre au soixante-dix-huitieme degré de latitude, toute formée de petites montagnes aiguës: ces montagnes sont composées de gravier & de certaines pierres plates semblables à de petites pierres d'ardoise grise, entassées les unes sur les autres. Ces collines se forment, disent les voyageurs, de ces petites pierres ou de ces graviers que les vents amoncellent; elles croissent à vûe d'oeil, & les matelots en découvrent tous les ans de nouvelles. On ne trouve dans ce pays que des rennes qui paissent une petite herbe fort courte & de la mousse. Au-dessus de ces petites montagnes, & à plus d'une lieue de la mer, on a trouvé un mât qui avoit une poulie attachée à un de ses bouts; ce qui a fait penser que la mer passoit autrefois sur ces montagnes, & que ce pays est formé nouvellement; il est inhabité & inhabitable: le terrein qui forme ces petites montagnes n'a aucune liaison; & il en sort une vapeur si froide & si pénétrante, qu'on est gelé pour peu qu'on y demeure. Voyez Froid & Glace . Hist. nat. génér. & particul. tome I . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACER Author=Landois Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GLACER GLACER, v. act. voyez ci-après Glacis . Nous observerons seulement ici, 1°. qu'on prépare les fonds sur lesquels on veut glacer , beaucoup plus clairs que les autres, particulierement les grandes lumieres qu'on fait quelquefois de blanc pur. On laisse sécher ce fond; après quoi on passe dessus un glacis de la couleur qu'on juge convenable. 2°. Qu'il y a une façon de glacer qu'on nomme quelquefois frottis , plus legere, mais dont on ne se sert guere que lorsque l'on a fait quelque méprise, telles que d'aveir fait dans un tableau des parties de couleur trop entieres: alors on trempe une brosse avec laquelle on a pris très-peu de la couleur qui convient dans une huile ou vernis qui la rend extrèmement liquide; & on laisse plus ou moins de cette couleur ou glacis , en frottant la brosse sur les parties viciées de ce tableau, pour les raccorder avec les autres. 3°. Que dans la Peinture en détrempe; en prenant la précaution, en glaçant , de passer une couche de colle chaude sur le fond qu'on veut glacer; & lorsqu'elle est seche, de passer dessus le glacis le plus promptement qu'on peut, crainte de détremper le dessous. 4°. Qu'il est encore une espece de glacis qu'on appelle communément frottis , qui se fait avec une brosse dans laquelle il n'y a presque point de couleur, sur les endroits où on le croit nécessaire. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glacer Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Glacer * Glacer , c'est coller des étoffes, & leur donner le lustre après les avoir collées. Pour les coller on prend les rognures & les raclures de parchemin; on en fait de la colle; on passe cette colle quand elle est faite à-travers un tamis. Il faut qu'elle soit bien fine, bien pure & bien transparente; on en étend legerement sur l'étoffe à coller avec un pinceau, ou plûtôt quand elle est assez délayée on y trempe l'étoffe; on lui laisse prendre la colle, & ensuite on la lisse: c'est un travail dur & pénible que celui de lisser. La lisse des ouvriers qui glacent les étoffes n'est pas différente de celle des Cartiers; c'est une presse arboutée par en-haut contre une solive, se mouvant à charniere faisant ressort, & garnie par en-bas d'un corps dur & poli comme une pierre, un plateau de verre qu'on fait aller & venir à force de bras sur le corps à lisser, qui se trouve fortement pressé entre la lissoire & un marbre, ou une table unie, solide & d'un bois dur & compact. Voyez ces articles . On glace les perses, les indiennes, les toiles peintes, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glacer Author=unknown Normalized Classification=Confiseur Part of Speech=NA Glacer Glacer , en terme de Confiseur , c'est orner des plats de dessert d'une sorte de garniture de sucre, & autres ingrédiens semblables. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glacer Author=unknown Normalized Classification=Tailleur Part of Speech=NA Glacer Glacer , terme de Tailleur , qui signifie unir une étoffe avec sa doublure , en y faisant d'espace à autre un basti de soie ou de fil, afin qu'elles soient plus unies ensemble & ne plissent point. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACIAL Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=adject GLACIAL GLACIAL, adj. ( Physiq. ) se dit de ce qui a rapport à la glace, & sur-tout d'un lieu qui abonde en glace; ainsi nous appellons mer glaciale la partie de la mer du nord qui est pleine de glace. Les zones glacées ou froides sont appellées aussi quelquefois zones glaciales. Voyez Froid , Glace & Glacé Plusieurs anciens n'ont pas cru que la mer pût se geler; mais la mer Baltique & la mer Blanche se gelent presque tous les ans, & les mers plus septentrionales se gelent tous les hyvers, Le Zuiderzée même se gele souvent en Hollande. Les fleuves du nord transportent dans les mers une prodigieuse quantité de glaçons, qui venant à s'accumuler, forment ces masses énormes de glace si funestes aux voyageurs; un des endroits de la mer glaciale où elles sont le plus abondantes, est le détroit de Waigats qui est gelé en entier pendant la plus grande partie de l'année; ces glaces sont formées des glaçons que le fleuve Oby transporte presque continuellement. Elles s'attachent le long des côtes, & s'élevent à une hauteur considérable des deux côtes du détroit: le milieu du détroit est l'endroit qui gele le dernier, & où la glace est la moins élevée; lorsque le vent cesse de venir du nord, & qu'il souffle dans la direction du détroit, la glace commence à fondre & à se rompre dans le milieu; ensuite il s'en détache des côtes de grandes masses qui voyagent dans la haute mer. Les vaisseaux qui vont au Spitzberg pour la pêche de la baleine, y arrivent au mois de Juillet, & en partent vers le 15 d'Août. On y trouve des morceaux prodigieux de glaces épaisses de 60, 70 & 80 brasses; il y a des endroits où il semble que la mer soit glacée jusqu'au fond; ces glaces qui sont élevées au-dessus du niveau de la mer, sont claires & luisantes comme du verre. Il y a aussi beaucoup de glaces dans les mers du Nord, de l'Amérique, &c. Robert Lade nous assûre que les montagnes de Frisland sont entierement couvertes de neige, & toutes les côtes de glace, comme d'un boulevard qui ne permet pas d'en approcher. « Il est, dit-il, fort remarquable que dans cette mer on trouve des îles de glace de plus d'une demi-lieue de tour extrèmement élevées, & qui ont 70 ou 80 brasses de profondeur dans la mer; cette glace qui est douce est peut-être formée dans les détroits des terres voisines, &c. Ces îles ou montagnes de glace sont si mobiles, que dans les tems orageux elles suivent la course d'un vaisseau comme si elles étoient entraînées dans le même sillon; il y en a de si grosses que leur superficie au-dessus de l'eau surpasse l'extrémité des mâts des plus gros navires, &c. » Voyez la traduction des voyages de Lade, par M. l'abbé Prevost, tome. II. page 305 & suivant . Voici un petit journal historique au sujet des glaces de la nouvelle Zemble. « Au Cap de Troost le tems fut si embrumé, qu'il fallut amarrer le vaisseau à un banc de glace qui avoit 36 brasses de profondeur dans l'eau, & environ 16 brasses au-dessus, si bien qu'il avoit 52 brasses d'épaisseur. Le 10 Août les glaces s'étant séparées, les glaçons commencerent à flotter; & alors on remarqua que le gros banc de glace auquel le vaisseau avoit été amarré, touchoit au fond, parce que tous les autres passoient au long, & le heurtoient sans l'ébranler; on craignit donc de demeurer pris dans les glaces, & on tâcha de sortir de ce parage, quoiqu'en passant on trouvât déjà l'eau prise, le vaisseau faisant craquer la glace bien loin autour de lui: enfin on aborda un autre banc où l'on porta vîte l'ancre de toüe, & l'on s'y amarra jusqu'au soir. Après le repas pendant le premier quart, les glaces commencerent à se rompre avec un bruit si terrible, qu'il n'est pas possible de l'exprimer. Le vaisseau avoit le cap au courant qui charrioit les glaçons, si bien qu'il fallut filer du cable pour se retirer; on compta plus de quatre cents gros bancs de glace qui enfonçoient de dix brasses dans l'eau, & paroissoient de la hauteur de deux brasses au-dessus. Ensuite on amarra le vaisseau à un autre banc qui enfonçoit de six grandes brasses, & l'on y mouilla en croupiere. Dès qu'on y fut établi, on vit encôre un autre banc peu éloigné de cet endroit-là, dont le haut s'élevoit en pointe tout de même que la pointe d'un clocher, & il touchoit le fond de la mer; on s'avança vers ce banc, & l'on trouva qu'il avoit 20 brasses de haut dans l'eau, & à-peu-près 12 brasses au-dessus. Le 11 Août on nagea encore vers un autre banc qui avoit 18 brasses de profondeur, & 10 brasses au-dessus de l'eau. Le 21 les Hollandois entrerent assez avant dans le port des glaces, & y demeurerent à l'ancre pendant la nuit; le lendemain matin ils se retirerent, & allerent amarrer leur bâtiment à un banc de glace sur lequel ils monterent, & dont ils admirerent la figure comme une chose très-singuliere; ce banc étoit couvert de terre sur le haut, & on y trouva près de quarante oeufs; la couleur n'en étoit pas non plus comme celle de la glace, elle étoit d'un bleu céleste. Ceux qui étoient là raisonnerent beaucoup sur cet objet; les uns disoient que c'étoit un effet de la glace, & les autres soûtenoient que c'étoit une terre gelée. Quoi qu'il en fût, ce banc étoit extrèmement haut; il avoit environ dix-huit brasses sous l'eau, & dix brasses au-dessus.» Pag. 46. &c. tom. I. Voyage des Hollandois par le Nord . Wafer rapporte que près de la terre de Feu il a rencontré plusieurs glaces flottantes très-élevées, qu'il prit d'abord pour des îles: quelques-unes, ditil, paroissoient avoir une lieue ou deux de long, & la plus grosse de toutes lui parut avoir quatre ou cinq cents piés de haut. Voyez le voyage de Wafer imprimé à la suite de ceux de Dampier, tom. IV. pag. 304 . Tout ceci est tiré de l' Hist. naturelle, générale & particuliere, tome I . Nous terminerons cet article par deux réflexions sur les mers glaciales du nord & sur les mers glaciales du midi; ces observations pourront être utiles aux navigateurs. On a cherché long-tems, & l'on cherche encore un passage aux Indes par les mers du nord; mais dans la crainte d'un trop grand froid si on s'approchoit trop du pole, on ne s'est pas assez éloigné des terres, & on a trouvé les mers fermées par les glaces. Il y a cependant apparence qu'il y a moins de glace en plaine mer que près des côtes, parce que les glaces sont apportées principalement par les fleuves. Quelques relations assûrent d'ailleurs que des Hollandois s'étant fort approchés du pole, y avoient trouvé une mer ouverte & tranquille, & un air tempéré; ce qui n'est peut-être pas impossible en été, à cause de la présence continuelle du soleil au pole boréal pendant six mois. La seconde observation regardé les mers glaciales de l'hémisphere austral. Les glaces, comme l'on sait, commencent à paroître dans ces mers beaucoup plus près de l'équateur; il y en a vers le cinquantieme degré de latitude, même au solstice d'été, qui arrive en Décembre pour cette partie de la terre: on en a donné la raison au mot Chaleur . Ce sont ces glaces qui empêcherent en 1739 M. Lozier envoyé par la compagnie des Indes, de trouver les terres australes qu'il cherchoit; il y a apparence que six semaines ou deux mois plus tard elles ne lui auroient point fait d'obstacle: car comme le plus grand chaud n'arrive presque jamais dans nos climats au solstice d'été, mais six semaines ou deux mois après ( Voyez Chaleur ), il y a apparence qu'il en est de même dans l'autre hémisphere, & qu'en Février la plus grande partie des glaces de Janvier est fondue. Voyez lettre sur le progrès des sciences par M. de Maupertuis. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glaciale, (mer) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Glaciale Glaciale , ( mer ) Géog. partie de l'Océan septentrional, entre le Groenland à l'oüest, & le Cap glacé à l'est. Par les nouvelles cartes de la Russie, les côtes de cette mer sont connues; elle est bornée ouest par le Groënland, sud par la mer du Nord, par la Moscovie, la Laponie, la mer Blanche & la Sibérie, est par l'île de Puchochotsch, au-delà de laquelle elle se joint avec la mer du Japon qui tient à la mer du sud. Il y a long-tems que les Anglois & les Hollandois cherchent vainement un passage par cette mer pour aller à la Chine & au Japon; cependant la nation angloise n'a point encore abandonné ce projet: mais la quantité de montagnes de glaces qu'on rencontre en tout tems dans cette mer, met au succès d'une si grande entreprise des obstacles difficiles à vaincre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACIERE NATURELLE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GLACIERE NATURELLE GLACIERE NATURELLE. ( Hist. nat. ) Parmi les curiosités que la Franche-Comté offre aux naturalistes il en est une très-digne de remarque; c'est une espece de glaciere formée par la nature dont voici la description. On la doit à M. le marquis de Croismare qui l'a faite sur les lieux en 1731. A cinq lieues de Besançon à l'est, dans un endroit appellé Montagne près du village de Beaume, on trouve un petit bois, au milieu duquel on voit une ouverture formée par deux masses de rochers, qui prenant leur naissance à fleur-de-terre, conduisent par une pente fort roide & longue de 72 toises, à l'entrée d'une caverne dont le bas est 146 piés au-dessous du niveau de la campagne. Cette avenue de rochers large d'abord de 48 piés se réduit bientôt à 36, puis s'élargissant insensiblement vient s'attacher aux deux extrémités de la façade de la glaciere , avec laquelle elle ne paroît plus faire qu'un corps par la couleur & la disposition de ces pierres. L'entrée de la grotte large de 60 piés, & haute d'environ 80, est couverte par deux lits de rocailles horisontaux, qui forment au-dessus de l'ouverture deux especes de corniches ou corps avancés, coupés quarrément, dont le plus élevé est le plus saillant, & est surmonté d'un grand massif de pierre grisâtre coupé verticalement On voit au-dessus quantité d'arbres & d'arbustes qui contribuent à entretenir la fraîcheur de la glaciere . Avant d'y entrer on trouve à main droite une ouverture en forme de fenêtre large de cinq piés, à demi-murée, qui mene dans des concavités ou l'on se retiroit pendant la guerre; elles avoient un dégagement par le dedans de la caverne, mais il est presque bouché par des morceaux de pierre & de glace. La grotte s'élargit pour prendre la figure d'une ovale irréguliere, disposée de façon qu'une extrémité de son grand diametre se rencontre dans son entrée; elle a 135 piés dans sa plus grande largeur, & 168 de longueur: cette ovale avant de se terminer décrit un cabinet ou cul-de-lampe large de 27 piés & long de 48. Dans la premiere partie le roc s'éleve tout autour verticalement comme une muraille, à la hauteur d'environ 30 piés, & soûtient une voûte élevée de 80 piés: la pierre du mur est assez unie, tirant sur le verd, & couchée par lits paralleles entr'eux, mais inégaux; celle de la voûte, quoique très-brute, présente cependant à l'oeil une courbe fort agréable; on y voit à droite une ouverture longue, étroite & profonde, mais qui ne donne point de jour; les bords sont ornés de festons de glace, & il en découle sans cesse de l'eau goutte-à-goutte, qui se réunissant dans le bas de la grotte commence à y former un corps glacé qui peut avoir 30 piés de diametre: on trouve aussi sur la gauche en entrant une semblable masse de glace, mais plus petite, l'eau n'y tombant pas en si grande quantité, & ne sortant de la voûte que par des fentes ou veines qui ne sont point sensibles. Ces deux masses de glace étoient autrefois d'une grande élévation, & formoient des colonnes qui dans l'été touchoient au haut de la caverne; mais la glace manquant dans Besançon, ces colonnes furent détruites en 1727 pour l'usage du camp de la Saone. Le sol ou le bas de la grotte est d'un roc assez uni, & entierement couvert de glace épaisse d'environ un pié & demi; mais au mois d'Août son épaisseur peut être de quatre ou cinq piés. Ce plancher glacé remplit tout l'espace que décrit l'ovale dont il a été parlé, & vient se terminer à l'ouverture du cul-del-ampe, où l'on monte par un talus de six piés: le dedans est en voûte, & paroît d'un seul morceau de roc; la voûte prend sa naissance dès le pié; la pierre en est fort belle, une partie est d'un rouge-brun clair, & l'autre d'un bleu-pâle; & tout paroît comme des restes d'une sculpture antique & usée, entre-coupée par des bandes vermiculées. On voit dans le haut une petite crevasse dont il tombe de l'eau, qui forme peu-à-peu un corps de glace semblable aux premiers. Le dessus de la grotte est un terrein assez uni, sec, pierreux, sans eau, couvert de beaucoup d'arbres, & de niveau avec le reste du bois. En hyver une partie de la glace se fond, la grotte semble fumer, & se couvre d'un brouillard très-épais qui la dérobe à la vûe, mais aussi-tôt que la chaleur se fait sentir, la glace augmente; ce brouillard se dissipe presqu'entierement, & il ne reste qu'une legere vapeur à l'entrée de la glaciere . La glace de cette grotte est sensiblement plus dure que celle des rivieres; elle est mêlée de moins de bulles d'air, & se fond plus difficilement. Un coup de pistolet tiré dans la caverne y fait un bruit considérable; mais il faut faire cette expérience avec la précaution de ne pas s'exposer à la chûte de la glace qui est attachée à la voûte de la grotte, de même que les stalactites de glaçons qui pendent le long des toîts en hyver. Il regne dans cette grotte ou glaciere un froid très vif; & quoique l'air extérieur fût assez chaud dans le tems de ces observations, l'auteur fut obligé de les interrompre plusieurs fois pour se réchauffer. Le prince de Montbéliard est seigneur de ce canton. Pour y aller de Besançon, on passe à Maure, de-là à Nancré, puis à Bouclan, ensuite à Goussan qui n'en est éloigné que d'une grande lieue: on les fait à pié le chemin étant plus long & rude pour les voitures. Voilà l'état où étoit cette glaciere naturelle en 1731, tems auquel elle fut examinée par M. le marquis de Croismare: on en avoit avant lui donné une description beaucoup moins détaillée dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1712 . Au reste il paroît que cette glaciere a éprouvé des changemens considérables par rapport à l'aspect qu'elle présentoit, mais non par rapport au phénomene singulier qui la caractérise. M. le Cat académicien de Rouen; connu avantageusement par plusieurs traités, dans une dissertation qu'il a faite sur le feu central ou la chaleur intérieure de la terre , rapporte une lettre qui lui fut écrite par M. Ravier secretaire de M. l'évêque du Bellay, qui étoit né dans le pays, & qui avoit eu occasion de voir très-souvent la glaciere; la description qu'il en donne est presqu'entierement conforme à celle qui précede. L'ouverture de la caverne est du côté du nord-oüest; il y a plus de 30 ou 40 ans que l'eau tomboit goutte-à-goutte en plus de mille endroits de la voûte, se changeoit sur le champ en glace, & formoit des stalactites de glace semblables à celles qui s'attachent à l'extrémité des toîts en hyver; ce qui produisoit une infinité de figures très singulieres. M. Ravier ajoûte qu'au fond de la grote il y avoit deux endroits où l'eau en tombant avoit formé deux bassins de glace, & que l'eau liquide y étoit conservée, & se tenoit de niveau avec les bords des bassins qu'elle avoit formés: ces bassins avoient environ deux à trois piés de diametre. Dans ce tems-là l'entrée de la grotte étoit ombragée par de grands arbres touffus dont les branches la garantissoient contre les ardeurs du soleil; mais depuis qu'on se fut avisé de les abattre, les choses ont bien changé de face, & il ne s'y est plus formé une si grande quantité de glace qu'autrefois. Un camp de paix placé à Saint-Jean de l'Osne en 1724, acheva de ruiner la glaciere: pour se procurer de la glace, on abattit les colonnes & les pyramides qu'on y voyoit; depuis on a long-tems continué à y aller chercher la glace qu'on détachoit à mesure qu'elle se formoit: cela dura jusqu'à ce que M. de Vanolles intendant de Franche-Comté voulant conserver cette curiosité naturelle, fit fermer l'entrée de la grotte par une muraille de 20 piés de haut, dans laquelle fut pratiquée une petite porte dont la clé fut remise aux échevins du village, avec défense d'y laisser entrer personne pour enlever de la glace. Cette précaution contribua encore à empêcher qu'il ne se formât une si grande quantité de glace. M. Ravier finit par conclure que la glace s'y amasse & s'y durcit d'une année à l'autre; que les colonnes & pyramides qu'on y voyoit anciennement étoient l'ouvrage de plusieurs siecles; que la fumée qu'on voyoit sortir de la glaciere n'étoit qu'un brouillard causé par la chaleur douce & tempérée qui y regnoit en autonne. Il ajoûte que jamais ce brouillard ne se dissipe avant le mois de Juillet, parce que ce n'est que dans les grandes chaleurs que la glace s'y forme; ce qu'il prouve par le témoignage d'un de ses amis qui étoit dans l'usage d'aller à cette glaciere une fois tous les dix jours; au commencement de Juillet il n'y trouva qu'en un seul endroit un morceau de glace de 15 à 20 livres: mais au milieu du mois d'Août il y trouva un grand nombre de morceaux, dont chacun étoit assez grand pour faire la charge d'une charrete. On voit par ce qui vient d'être rapporté, que cette grotte présente aux physiciens un phénomene unique dans la nature; la glace qui s'y forme dans les chaleurs de l'été prouve que le froid qui regne dans cet endroit soûterrein est très-réel, & n'est point relatif comme celui des autres soûterreins, & fait par conséquent une exception aux regles que suit ordinairement la nature. Il y a une derniere description de la même glaciere dans le vol. I. des mémoires des Savans étrangers , imprimé par l'ordre de l'académie: cette description a été faite en 1743. Voici ce qu'elle offre de particulier ou de différent de ce qui précede. La rampe n'a que 31 toises de hauteur sur 64 de longueur. Le thermometre s'y fixe constamment à 1/2 degré au-dessous de la glace. Le froid & le brouillard y sont plus sensibles en Août qu'en Octobre; cependant l'état intérieur de la caverne ne change pas considérablement à cet égard de l'hyver à l'été, quelque froid ou chaud qu'il fasse extérieurement. Il y a au bas de la rampe une coulée de terre glaise qui s'entretient molle & boüeuse, quoique le reste de cette partie de la rampe, tant au-dessus qu'au-dessous, soit très-dur. Le dessus du terrein qui couvre la caverne, à compter sur une ligne qui tomberoit à-plomb sur la rampe, va, en montant sur 25 toises de longueur, de trois piés cinq pouces, & baisse ensuite sur dix toises d'un pié huit pouces. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACIERE Author=Jaucourt Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.f. GLACIERE GLACIERE, s. f. ( Arts méchan. ) lieu creusé artistement dans un terrein sec, pour y serrer de la glace ou de la neige pendant l'hyver, afin de s'en servir en l'été. On place ordinairement la glaciere dans quelqu'endroit dérobé d'un jardin, dans un bois, dans un bosquet, ou dans un champ près de la maison: voici les choses les plus importantes qu'on dit qu'il faut observer pour les glacieres . On choisit un terrein sec qui ne soit point ou peu exposé au soleil. On y creuse une fosse ronde, de deux toises ou deux toises & demie de diametre par le haut, finissant en bas comme un pain de sucre renversé; la profondeur ordinaire de la fosse est de trois toises ou environ; plus une glaciere est profonde & large, mieux la glace & la neige s'y conservent. Quand on creuse la glaciere , il faut aller toûjours en retrécissant par le bas de crainte que la terre ne s'affaise; il est bon de revêtir la fosse depuis le bas jusqu'en haut d'un petit mur de moilon de huit à dix pouces d'épaisseur, bien enduit de mortier, & percer dans le fond un puits de deux piés de large & de quatre de profondeur, garni d'une grille de fer dessus pour recevoir l'eau qui s'écoule de la glace. Quelques-uns au lieu de mur revêtent la fosse d'une cloison de charpente, garnie de chevrons latés, font descendre la charpente jusqu'au fond de la glaciere , & bâtissent environ à trois piés du fond une espece de plancher de charpente & de douves sous lequel l'eau s'écoule. Si le terrein où est creusé la glaciere est très-ferme, on peut se passer de charpente, & mettre la glace dans le trou sans rien craindre; c'est une grande épargne, mais il faut toûjours garnir le fond & les côtés de paille. Le dessus de la glaciere sera couvert de paille attachée sur une espece de charpente, élevée en pyramide, de maniere que le bas de cette couverture descende jusqu'à terre. On observe que la glaciere n'ait aucun jour, & que tous les trous en soient soigneusement bouchés. La petite allée par laquelle on entre dans la glaciere regardera le nord, sera longue d'environ huit piés, large de deux à deux & demi, & fermée soigneusement aux deux bouts par deux portes bien closes. Tout-autour de cette couverture il faut faire au-dehors en terre une rigolle qui aille en pente pour recevoir les eaux, & les éloigner, autrement elles y croupiroient & fondroient la glace. Pour remplir la glaciere il faut choisir, si cela se peut, un jour froid & sec, afin que la glace ne se fonde point; le fond de la glaciere sera construit à claire-voie, par le moyen des pieces de bois qui s'entre-croiseront. Avant que d'y poser la glace on couvre ce fond d'un lit de paille, & on en garnit tous les côtés en montant, de sorte que la glace ne touche qu'à la paille. On met donc d'abord un lit de glace sur le fond garni de paille; les plus gros morceaux de glace & les plus épais bien battus sont les meilleurs, & plus ils sont entassés sans aucun vuide, plus ils se conservent; sur ce premier lit on en met un autre de glace, & ainsi successivement jusqu'au haut de la glaciere , sans aucun lit de paille entre ceux de glace. C'est assez qu'elle soit bien entassée, ce qu'on fait en la cassant avec des mailloches ou des têtes de coignées; on jette de l'eau de tems-en-tems dessus, afin de remplir les vuides avec les petits glaçons, en sorte que le tout venant a se congeler, fait une masse qu'on est obligé de casser par morceaux pour en pouvoir avoir des portions. La glaciere pleine, on couvre la glace avec de la grande paille par le haut, par le bas & par les côtés; & par-dessus cette paille on met des planches qu'on charge de grosses pierres pour tenir la paille serrée. Il faut fermer la premiere porte de la glaciere avant que d'ouvrir la seconde, pour que l'air de dehors n'y entre point en été; car il fait fondre la glace pour peu qu'il la pénetre. La neige se conserve aussi-bien que la glace dans les glacieres . On les ramasse en grosses pelotes, on les bat & on les presse le plus qu'il est possible; on les range & on les accommode dans la glaciere , de maniere qu'il n'y ait pas de jour entr'elles, observant de garnir le fond de paille comme pour la glace. Si la neige ne peut se serrer & faire un corps, ce qui arrive lorsque le froid est très-vif, il faudra jetter un peu d'eau par-dessus, cette eau se gelera aussi-tôt avec la neige, & pour lors il sera aisé de la réduire en masse. La neige se conservera toûjours mieux dans la glaciere si elle y est bien pressée & bien battue. Il faut choisir autant qu'on peut le tems sec pour ramasser la neige, autrement elle se fondroit à mesure qu'on la prendroit. Il ne faut pourtant pas qu'il gele trop fort, parce qu'on auroit trop de peine à la lever. C'est dans les prairies & sur les beaux gazons qu'on la va prendre, pour qu'il y ait moins de terre mêlée. La neige est fort en usage dans les pays chauds, comme en Espagne & en Italie où les glacieres sont un peu différentes des nôtres. Les glacieres en Italie sont de simples fosses profondes, au fond desquelles on fait une tranchée pour écouler les eaux qui se séparent de la glace ou de la neige fondue; ils mettent une bonne couverture de chaume sur le sommet de la fosse; ils remplissent cette fosse de neige très-pure, ou de glace tirée de l'eau la plus nette & la plus claire qu'on puisse trouver, parce qu'ils ne s'en servent pas pour rafraîchir comme nous faisons dans nos climats, mais pour la mêler avec leur vin & autres boissons. Ils tapissent la fosse avec quantité de paille dont ils font un très large lit dans tout l'intervalle du creux, de maniere qu'ils en portent le remplissage jusqu'au sommet, & ensuite le couvrent avec un autre grand lit de paille. Par cet arrangement quand ils tirent du trou de la glace pour leur usage, ils l'enveloppent de cette même paille dont elle est par-tout environnée, & peuvent en conséquence transporter leur petite provision de glace à l'abri de la chaleur & à quelque éloignement, sans qu'elle vienne à se fondre dans le trajet. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACIERS ou GLETSCHERS Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GLACIERS ou GLETSCHERS GLACIERS ou GLETSCHERS, ( Hist. natur. ) quelques-uns les nomment glacieres , mais le nom de glaciers est le plus usité; il ne faut point les confondre avec la glaciere naturelle qui a été décrite dans l'article précédent. Il n'est peut-être point de spectacle plus frappant dans la nature que celui des glaciers de la Suisse; on en voit dans plusieurs endroits des Alpes: tout le monde sait que ces montagnes sont très-élevées; quelques-unes d'entr'elles ont, suivant le célebre Scheuchzer, jusqu'à 2000 brasses de hauteur perpendiculaire au-dessus du niveau de la mer, d'où l'on voit qu'il doit presque toûjours y regner un froid très-considérable; aussi la cime de ces montagnes que l'on apperçoit à une très-grande distance, est perpétuellement couverte de neige & de glace, & il se trouve près de leur sommet des lacs ou réservoirs immenses d'eaux qui sont gelées jusqu'à une très-grande profondeur. Par les vicissitudes des saisons on sent aisément que ces réservoirs sont sujets à se dégeler & à se geler ensuite de nouveau; ce sont ces alternatives qui produisent les différens phenomenes dont il sera parlé dans cet article. Parmi les glaciers qui se trouvent dans les Alpes, un des plus remarquables est celui de Grindelwald; on le voit à 20 lieues de Berne, près d'un village qui porte son nom; il est situé dans les montagnes qui séparent le canton de Berne d'avec le Valais. Ce fameux glacier n'avoit été décrit qu'imparfaitement par plusieurs naturalistes de la Suisse; Scheuchzer lui-même n'en avoit donné qu'une courte description dans ses itinera alpina, pag. 280, 482 & 483: mais enfin M. Jean-George Altmann n'a plus rien laissé à desirer aux naturalistes sur cette matiere: après avoir fait un voyage sur les lieux, & avoir examiné le glacier de Grindelwald avec toute l'exactitude que la difficulté du terrein pouvoit permettre, il publia en allemand en 1753 un traité des montagnes glacées & des glaciers de la Suisse , en un volume in-8°. c'est le fruit de ses observations: nous ne pouvons mieux faire que de donner ici un précis de cet excellent ouvrage. Le village de Grindelwald est situé dans une gorge de montagnes longue & étroite; de là on commence déjà à appercevoir le glacier; mais en montant plus haut sur la montagne, on découvre entierement un des plus beaux spectacles que l'on puisse imaginer dans la nature, c'est une mer de glace ou une étendue immense d'eau congelée. En suivant la pente d'une haute montagne par l'endroit où elle descend dans le vallon & forme un plan incliné, il part de ce réservoir glacé un amas prodigieux de pyramides, formant une espece de nappe qui occupe toute la largeur du vallon, c'est-à-dire environ 500 pas; ces pyramides couvrent toute la pente de la montagne: le vallon est bordé des deux côtés par deux montagnes fort élevées, couvertes de verdure, & d'une forêt de sapins jusqu'à une certaine hauteur, mais leur sommet est stérile & chauve. Cet amas de pyramides ou de montagnes de glace ressemble à une mer agitée pat les vents dont les flots auroient été subitement saisis par la gelée; ou plûtôt on voit un amphithéatre formé par un assemblage immense de tours ou de pyramides hexagones, d'une couleur bleuâtre, dont chacune a 30 ou 40 piés de hauteur; cela forme un coup d'oeil d'une beauté merveilleuse. Rien n'est sur-tout comparable à l'effet qu'il produit lorsqu'en été le soleit vient à darder ses rayons sur ces grouppes de pyramides glacées, alors tout le glacier commence à fumer, & jette un éclat que les yeux ont peine à soûtenir: c'est proprement à la partie qui va ainsi en pente en suivant l'inclinaison de la montagne, & qui forme une espece de toît couvert de pyramides, que l'on donne le nom de glacier ou de gletscher en langue du pays; on les nomme aussi firn . On voit à l'endroit le plus élevé d'où le glacier commence à descendre, des cimes de montagnes perpétuellement couvertes de neige; elles sont plus hautes que toutes celles qui les environnent, aussi peut-on les appercevoir de toutes les parties de la Suisse. Les glaçons & les neiges qui les couvrent ne se fondent presque jamais entierement; cependant les annales du pays rapportent qu'en 1540 on éprouva une chaleur si excessive pendant l'été, que le glacier disparut tout-à-fait; alors ces montagnes furent dépouillées de la croûte de neige & de glace qui les couvroit, & montrerent à nud le roc qui les compose; mais en peu de tems toutes choses se rétablirent dans leur premier état. Ces montagnes glacées qu'on voit au haut du glacier de Grindelwald, bordent de tous côtés un lac ou réservoir immense d'eau glacée qui s'y trouve. M. Altmann présume qu'il est d'une grandeur très-considérable, & qu'il peut s'étendre jusqu'à 40 lieues, en occupant la partie supérieure d'une chaîne de montagnes qui prend une très-grande place dans la Suisse. La surface de ce lac glacé paroît unie comme un miroir, à l'exception des fentes qui s'y trouvent; dans les grandes chaleurs cette surface se fond jusqu'à un certain point. Ce qui semble favoriser la conjecture de M. Altmann sur l'étendue & l'immensité de ce lac, c'est que deux des plus grands fleuves de l'Europe, le Rhin & le Rhone, prennent leurs sources aux piés des montagnes qui font partie de son bassin, sans compter le Tessin & une infinité d'autres rivieres moins considérables & de ruisseaux. Dans les tems où ce lac est entierement pris, les habitans du pays se hasardent quelquefois à passer par-dessus pour abréger le chemin; mais cette route n'est pointe exempte de danger, soit par les fentes qui sont déja faites dans la glace, soit par celles qui peuvent s'y faire d'un moment à l'autre par les efforts de l'air qui est renfermé & comprimé au-dessous de la glace: lorsque cela arrive on entend au loin un bruit horrible; & des passagers ont dit avoir senti un mouvement qui partoit de l'intérieur du lac, fort semblable à celui des tremblemens de terre; peut-être ce mouvement venoit-il aussi réellement de cette cause, attendu que les tremblemens de terre, sans être trop violens, ne laissent pas d'être assez fréquens dans ces montagnes. La roche qui sert de bassin à ce lac est d'un marbre noir rempli de veines blanches au sommet des montagnes du Grindelwald; la partie qui descend en pente, & sur laquelle le glacier est appuyé, est d'un marbre très-beau par la variété de ses couleurs: les eaux superflues du lac & les glaçons qui sont à la surface sont obligées de s'écouler & de rouler successivement par le penchant qui leur est présenté: voilà, selon M. Altmann, ce qui forme le glacier , ou cet assemblage de glaces en pyramides, qui, comme on a dit, tapissent si singulierement la pente de la montagne. Le glacier de Grindelwald est sujet à augmentation & à diminution; c'est-à-dire que tantôt il s'avance plus ou moins dans le vallon, tantôt il semble se retirer. Cependant comme dans ces cantons le froid est plus ordinaire que le chaud, il gagne toûjours plus qu'il ne perd, au grand regret des habitans; car peu-à-peu le glacier vient occuper des endroits qui autrefois fournissoient de très-bons pâturages à leurs bestiaux. Une erreur populaire veut que le glacier soit 7 ans à augmenter & 7 autres années à diminuer: mais ces augmentations & diminutions ne peuvent avoir une période déterminée; elles dépendent uniquement de la chaleur plus ou moins grande des étés, des pluies douces qui regnent dans cette saison, ainsi que du froid plus ou moins rigoureux des hyvers: ces causes font que le glacier est diminué ou augmenté par le côté qui s'étend dans le vallon. Le glacier de Grindelwald est creux par-dessous, & forme comme des voûtes d'où sortent sans cesse deux ruisseaux; l'eau de l'un est claire, & l'autre est trouble & noirâtre, ce qui vient du terrein par où il passe: ils sont sujets à se gonfler dans de certains tems, & ils entraînent quelquefois des fragmens de crystal de roche qu'ils ont détachés sur leur passage. On regarde les eaux qui viennent du glacier comme très salutaires & propres à guérir la dyssenterie & un grand nombre d'autres maladies. Plusieurs auteurs croyent que la glace des glaciers est d'une autre nature que celle que l'hyver forme sur nos étangs & rivieres; il est certain que la premiere est beaucoup plus froide & plus difficile à fondre que la glace ordinaire; ce qui est attesté par le témoignage unanime des gens du pays, & par plusieurs expériences qui ont été faites pour s'en assûrer. Il paroît que c'est la solidité de cette glace, sa dureté extraordinaire, & la figure hexagone des pyramides dont les glaciers sont composés, qui ont donné lieu à l'erreur de Pline & de quelques autres naturalistes, & leur ont fait prétendre que par une longue suite d'années la glace se changeoit en crystal de roche. M. Altmann, dans l'ouvrage que nous avons cité, donne encore la relation d'un voyage fait par quelques anglois à un autre glacier situé en Savoye dans le val d'Aoste, à quelque distance d'un endroit nommé Chamoigny . Le même auteur a aussi inséré dans son ouvrage une relation très-curieuse qui lui fut envoyée par M. Maurice Antoine Cappeler, medecin de Lucerne, dans laquelle il décrit le glacier du Grimselberg qui sépare le canton de Berne du Valais, & qui par conséquent doit avoir quelque correspondance avec celui du Grindelwald. Ce glacier se présente de loin comme une grande muraille qui va d'un côté à l'autre du vallon qu'il occupe; sa surface est unie, & l'on n'y voit point de pyramides, comme dans celui de Grindelwald: la glace qui le compose paroît être formée de couches qui se sont successivement placées les unes sur les autres. L'eau qui part de dessous ce glacier forme la riviere d'Aar. C'est dans les cavités des roches qui bordent les deux côtés du vallon où le glacier est situé, que l'on trouve le plus beau crystal de roche. M. Cappeler nous apprend qu'on y trouva une fois une colonne de crystal qui pesoit huit cents livres. Nous avons encore une relation très-intéressante & très-détaillée d'un glacier qui se trouve dans une autre partie de ces mêmes montagnes du canton de Berne: celui-ci est situé dans une vallée nommée le Siementhal , près d'un lieu qui s'appelle Leng: cette relation qui est remplie d'observations très-curieuses, est dûe aux soins de M. Daniel Langhans medecin, qui l'a publiée dans un ouvrage allemand imprimé à Zurich en 1753, sous le titre de description des curiosités de la vallée de Siementhal , &c. Ce glacier ressemble, à bien des égards, à celui de Grindelwald décrit par M. Altmann; il y a lieu de croire qu'il en fait partie: mais il en differe en ce que les pyramides de glace dont il est composé ne sont point toutes hexagones, comme celles du glacier de Grindelwald; il y en a de pentagones, de quadrangulaires, &c. Au sommet des montagnes qui bordent la vallée de Siementhal, le spectateur étonné voit une étendue immense de glace, & tout à côté un terrein couvert de verdure & de plantes aromatiques. Une autre singularité, c'est que tout auprès de ce glacier il sort de la montagne sur laquelle il est appuyé, une source d'eau chaude très-ferrugineuse qui forme un ruisseau assez considérable. Tous ces glaciers , ainsi que les lacs d'eau glacée dont ils dérivent, sont remplis de fentes qui ont quelquefois jusqu'à quatre ou cinq piés de largeur & une profondeur très-considérable: cela fait qu'on n'y peut point passer sans péril & sans beaucoup de précautions, attendu que souvent on n'apperçoit ces fentes que lorsqu'on a le pié dessus; & même elles sont quelquefois très-difficiles à appercevoir par les neiges qui sont venues les couvrir. Cela n'empêche pas que des chasseurs n'aillent fréquemment au haut des montagnes pour chasser les chamois & les bouquetins qui se promenent quelquefois sur les glaces par troupeaux de douze ou quinze. Il n'est pas rare que des chasseurs se perdent dans ces fentes; & ce n'est qu'au bout de plusieurs années que l'on retrouve leurs cadavres préservés de corruption, lorsque ces glaciers en s'étendant dans les vallons & en se fondant successivement, les laissent à découvert. Une personne digne de foi qui a fait un long séjour dans la Suisse & dans le Valais, racontoit à ce sujet une avanture arrivée à un curé du pays, qui mérite d'être rapportée ici. Cet ecclésiastique étant allé à la chasse un samedi passa sur un glacier; il tomba dans une fente, sans cependant avoir été blessé de sa chûte. Comme la fente alloit en retrécissant, il n'alla pas jusqu'au fond; mais il fut retenu & demeura suspendu au milieu des glaces: n'ayant guere lieu de se flatter qu'il dût venir quelqu'un pour le tirer d'affaire, dans un endroit aussi peu fréquenté, il se soûmit à la volonté du ciel, & prit le parti d'attendre sa fin avec tranquillité: en tombant il n'avoit point lâché le fusil qu'il tenoit dans ses mains; il en détacha la pierre, & s'en servit pour graver sur le canon sa malheureuse avanture, afin d'en instruire la postérité. Les paroissiens qui lui étoient très-attachés, ne voyant point paroitre leur curé le dimanche suivant à l'église, se mirent en campagne pour le chercher: quelques-uns d'entr'eux apperçurent sur la neige les pas d'un homme; ils suivirent cette trace, & ce fut avec succès; car elle les conduisit droit à la fente où leur infortuné pasteur n'attendoit plus que la mort; on l'appella, il répondit; & quoiqu'il fût demeuré près de vingt-quatre heures dans l'endroit où il étoit tombé, il eut encore assez de force pour saisir les cordes qu'on lui descendit pour le retirer: par ce secours imprévû, il échappa au danger qui l'avoit si long-tems menacé. Il y a beaucoup de traits semblables à celui-ci, rapportés dans les auteurs que nous avons cités, arrivés à des gens qui ne s'en sont point si heureusement tirés. Ces fentes des glaciers sont sujettes à se refermer, & il s'en forme de nouvelles dans d'autres endroits; ce qui se fait avec un bruit semblable à celui du tonnerre ou d'une forte décharge d'artillerie: on entend ce bruit effrayant quelquefois jusqu'à six lieues. Outre cela, les glaçons qui composent les glaciers s'affaissent parce qu'ils sont creux par-dessous; ce qui cause un grand fracas qui est encore redoublé par les échos des montagnes des environs: cela arrive sur-tout dans les changemens de tems & dans les dégels: aussi les gens du pays n'ont pas besoin d'autres thermometres & barometres pour savoir le tems qu'ils ont à attendre. L'Islande nous fournit encore des exemples de glaciers à-peu-près semblables à ceux qui viennent d'être décrits. Les habitans du pays nomment les montagnes de glace joeklar: il n'est pas surprenant que la nature présente ce phénomene dans un pays aussi septentrional. M. Théodore Thorkelson Widalius a donné une relation de ces montagnes & glaciers d'Islande, qu'il a eu occasion de voir par lui-même; elle est insérée dans le tome XIII. du magisin d'Hambourg: on en trouve aussi un détail circonstancié dans une dissertation de M. Egerhard Olavius, imprimée à Copenhague, sous le titre de enarrationes historicaoe de naturâ & constitutione Islandiae formatae & transformatae per eruptiones ignis , &c. Les phénomenes qu'on remarque dans ces glaciers d'Islande sont assez conformes à ceux que nous avons décrits en parlant de ceux de la Suisse; ils sont sujets comme eux à s'avancer dans la plaine & à s'en retirer dans de certains tems; ils se trouvent dans la partie orientale de l'île dans un district appellé Skaptafelssysla . Ils occupent un espace d'environ dix lieues de longueur; quant à la largeur, on n'a point encore pû la déterminer par les obstacles que présentent aux voyageurs les fentes qui sont à la surface de ces glaciers; la glace qui le compose est dure, compacte & bleuâtre: on en voit sortir des pointes de rochers qui paroissent y avoir été jettés par des volcans. On trouve dans toute la campagne des environs des marques indubitables d'éruption: en effet, on y rencontre des roches d'une grandeur énorme qui semblent avoir éprouvé l'action du feu, & en avoir été noircies. D'ailleurs on voit par-tout de la pierre-ponce, des pierres vitrifiées, d'autres pierres qui sont de venues assez friables pour être écrasées entre les doigts, des cendres, en un mot tout ce qui caractérise un pays fouillé par les volcans. Cela n'est pas surprenant, d'autant plus que M. Olavius remarque que les montagnes couvertes de neige & de glace qui sont dans le voisinage des glaciers d'Islande, ont été autrefois de vrais volcans: le mont Hecla lui-même, si fameux par ses éruptions fréquentes, est une montagne dont le sommet est couvert de neige & de glaces. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLACIS Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GLACIS GLACIS, s. m. en Architecture , c'est une pente peu sensible sur la cimaise d'une corniche, pour faciliter l'écoulement des eaux de pluie. C'est encore une pente de terre ordinairement revêtue de gason, & beaucoup plus douce que le talud; sa proportion étant au-dessous de la diagonale du quarré. Il y a des glacis dégauchis, qui sont talud dans leur commencement & glacis assez bas en leur extrémité, pour raccorder les différens niveaux de pente de deux allées paralleles. Il se voit de ces taluds & glacis pratiqués avec beaucoup d'art dans le jardin du château de Marly; ce qu'on appelle comme revers d'eau, talud , &c. Voyez l'article suivant . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glacis Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire | Fortifications Part of Speech=NA Glacis Glacis , ( Art milit. & Fortification. ) En terme de Fortification, le glacis est le parapet du chemin-couvert, dont la hauteur de six à sept piés se perd dans la campagne par une pente insensible d'environ vingt ou vingt-cinq toises. Voyez Pl. I . de Fortification, les lettres a a, dans les fig. 1 & 5. Voyez aussi Chemincouvert . Chambers . Le glacis sert à empêcher que dans les environs ou les lieux qui touchent immédiatement à la place, il ne se trouve aucun endroit qui puisse servir de couvert à l'ennemi. La pente du glacis doit être dirigée de maniere qu'étant prolongée vers la place, elle rencontre le revêtement au cordon ou un peu au-dessus. Lorsqu'elle est ainsi disposée, l'ennemi ne peut battre le revêtement ou faire breche à la place, qu'après qu'il s'est emparé du chemin-couvert: alors il établit ses batteries sur le haut du glacis; mais leur proximité des ouvrages de la place en rend la construction périlleuse & difficile. Les places dont le glacis encouvre ainsi tous les ouvrages par son prolongement, & que par conséquent l'on ne peut découvrir de la campagne, sont appellées places rasantes . En tems de siége, l'on pratique des galeries sous le glacis d'où partent des rameaux qui s'étendent dans la campagne. Voyez Défense du Chemin-couvert . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glacis Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Glacis Glacis , signifie, en terme de Peinture , l'effet que produit une couleur transparente qu'on applique sur une autre qui est déjà seche; de maniere que celle qui sert de glacis laisse appercevoir la premiere, à laquelle elle donne seulement un ton ou plus brillant, ou plus leger, ou plus harmonieux. On ne glace ordinairement qu'avec des couleurs transparentes, telles que les laques, les stils de grain, &c. La façon de glacer est de frotter avec une brosse un peu ferme, la couleur dont on glace sur celle qui doit en recevoir l'empreinte: en conséquence il reste sur la toile fort peu de cette couleur dont on glace; ce qui, joint à la qualité des couleurs qui sont les plus propres à glacer, doit faire craindre avec raison aux peintres qui se servent de ce moyen, que l'effet brillant qu'ils cherchent ne soit que passager & ne s'évanoüisse avec la laque & le stil de grain qui s'évaporent ou se noircissent en fort peu de tems. Au reste, cette pratique a cependant été adoptée par de grands peintres; Rubens en a souvent fait usage. Les glacis sont très-propres pour accorder un tableau & pour parvenir à une harmonie rigoureuse: mais le danger est encore plus grand que l'avantage qu'on en peut retirer, puisque l'effet en est ordinairement passager, & que d'ailleurs rien ne peut égaler le mérite durable d'un tableau peint à pleine couleur, &, comme disent les Peintres, dans la pâte . C'est aux artistes à faire des épreuves qui les éclaircissent sur les effets différens des glacis , dont il seroit peut-être injuste de blâmer indistinctement la pratique. On ne connoît pas encore assez les qualités physiques des couleurs dont on se sert; on n'a pas fait assez de recherches sur cette partie, pour être en droit de prononcer absolument sur ce moyen, que je crois à la vérité devoir plûtôt la naissance au défaut de facilité qu'au talent. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glacis Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Glacis * Glacis , ( Rubannier. ) ce sont des soies de long ou de chaînes, qui n'ont d'autre usage que de lier la trame, lorsque la traînée se trouveroit trop longue & exposee par conséquent à lever. Chaque rame de glacis est passée dans les hautes lisses, ainsi qu'il est dit au mot Passage des Rames . Chaque branche est mise à part sur un petit roquetin séparé avec son contre-poids & son freluquet, & est levée par ses rames propres, lorsqu'elle travaille en glacis; voyez encore l'article Passage des Rames : mais pour plus de clarté, nous allons dire un mot du passage propre des rames de glacis . Lorsqu'il y a du glacis dans un ouvrage, les six rames de neuf par lesquelles on passe pour occuper les neuf rouleaux de porte-rames de devant, sont de figure; & les trois autres sont de glacis , & passées suivant le translatage du glacis qui ne change jamais. On entend par translatage , l'emprunt que l'on fait, lorsqu'il est possible; & cela pour épargner les bouclettes des hautes-lisses: cet emprunt n'est autre chose que l'usage multiplié de la même bouclette, quand il est pratiquable; & pour joüir du privilége de l'emprunt, la seconde rame doit faire, conjointement avec la premiere, les pris que la premiere fait, & ainsi des autres jusqu'à neuf, qui toutes peuvent emprunter sur la premiere des neuf, & toûjours dans le cas de la possibilité. Ceci compris, lorsque la rame de glacis ne travaille point en glacis , on la passe conformément à ce le de figure avec laquelle elle doit aller suivant l'ordre dont nous allons parler. Mais lorsqu'elle travaillera en glacis , elle sera passée conformément à son propre translatage; pouvant néanmoins joüir de l'emprunt, lorsqu'il aura lieu. Les trois rames de glacis qui font partie des neuf que l'on passe, ont le même passage & le même avantage quant à l'ordre: voici ce que c'est que cet ordre. La premiere rame des trois de glacis , sera portée par la premiere des six de figure; la seconde rame de figure ira seule; la seconde rame de glacis sera portée par la troisieme de figure; la quatrieme de figure ira seule; & la troisieme de glacis sera portée par la cinquieme rame de figure; par conséquent la sixieme rame de figure ira seule: & voilà les neuf rames par lesquelles nous avons dit qu'on passoit. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAÇON Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GLAÇON GLAÇON, s. m. Voyez ci-devant l'article Glace . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glaçons Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Glaçons Glaçons , en Architecture; ce sont des ornemens de sculpture de pierre ou de marbre qui imitent les glaçons naturels, & qu'on met au bord des bassins des fontaines, aux colonnes marines, & aux panneaux, tables, & montans des grottes. Il se voit de ces glaçons d'une belle exécution à la fontaine du Luxembourg, un des plus beaux morceaux d'Architecture dans ce genre, qui tombe de vétusté faute d'entretien: on appelle aussi ces glaçons congelations . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLADIATEUR Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature | Histoire romaine Part of Speech=NA GLADIATEUR GLADIATEUR, subst. m. gladiator , ( Littérat. Hist. rom. ) celui qui pour le plaisir du peuple combattoit en public sur l'arene, de gré ou de force, contre un autre homme ou contre une bête sauvage, avec une arme meurtriere, cum gladio; & c'est de-là qu'est venu le mot de gladiateur . Ce spectacle ne s'introduisit point à Rome à la faveur de la grossiereté des cinq premiers siecles qui s'écoulerent immédiatement après sa fondation: quand les deux Brutus donnerent aux Romains le premier combat de gladiateurs qu'ils eussent vû dans leur ville, les Romains étoient déjà civilisés; mais loin que la politesse & la mollesse des siecles suivans ayent dégoûté ce peuple des spectacles barbares de l'amphithéatre, au contraire elles les en rendirent encore plus épris. Nous tâcherons de découvrir les raisons de ce genre de plaisir, après avoir rassemblé sous un point de vûe l'histoire des gladiateurs trop hérissée d'érudition, trop diffuse, & trop peu liée dans la plûpart des ouvrages sur cette matiere. Les premiers combats de gladiateurs qu'on s'avisa de donner en l'honneur des morts pour appaiser leurs manes, succederent à l'horrible coûtume d'immoler les captifs sur le tombeau de ceux qui avoient été tués pendant la guerre: ainsi dans Homere, Achille immole 12 jeunes troyens aux manes de Patrocle; ainsi dans Virgile, le pieux Enée envoye des prisonniers à Evandre pour les immoler sur le bûcher de son fils Pallas. Les Troyens croyoient que le sang devoit couler sur les tombeaux des morts pour les appaiser; & cette superstition étoit si grande chez ce peuple, que les femmes se faisoient elles mêmes des incisions pour en tirer du sang, dont elles arrosoient les sepulcres des personnes qui leur étoient cheres. Au défaut de prisonniers, on sacrifioit quelquefois des esclaves. Les peuples en se polissant ayant reconnu l'horreur de cette action, établirent, pour sauver la cruauté de ces massacres, que les esclaves & les prisonniers de guerre dévoüés à la mort suivant la loi, se battroient les uns contre les autres, & feroient de leur mieux pour sauver leur vie & l'ôter à leurs adversaires. Cet établissement leur parut moins barbare, parce que ceux qu'il regardoit pouvoient, en se battant avec adresse, éviter la mort; & ne devoient à quelques égards s'en prendre qu'à eux s'ils ne l'évitoient pas. Voilà l'origine de l'art des gladiateurs . Le premier spectacle de ces malheureux qui parut à Rome, fut l'an de sa fondation 490, sous le consulat d'Appius Claudius & de M. Fulvius. D'abord on observa de ne l'accorder qu'aux pompes funebres des consuls & des premiers magistrats de la république: insensiblement cet usage s'étendit à des personnes moins qualifiées; enfin plusieurs simples particuliers le stipulerent dans leur testament: & pour tout dire, il y eut même des combats de gladiateurs aux funérailles des femmes. Dès qu'on apperçut par l'affluence du peuple, le plaisir qu'il prenoit à ces sortes de spectacles, on apprit aux gladiateurs à se battre; on les forma, on les exerça; & la profession de les instruire devint un art étonnant dont il n'y avoit jamais eu d'exemple. On imagina de diversifier & les armes & les différens genres de combats auxquels les gladiateurs étoient destinés. On en fit combattre sur des chariots, d'autres à cheval, d'autres les yeux bandés; il y en avoit sans armes offensives; il y en avoit qui étoient armés de pié en cap, & d'autres n'avoient qu'un bouclier pour les couvrir. Les uns portoient pour armes une épée, un poignard, un coutelas; d'autres espadonnoient avec deux épées, deux poignards, deux coutelas; les uns n'étoient que pour le matin, d'autres pour l'après-midi: enfin on distingua chaque couple de combattans par des noms dont il importe de donner la liste. 1°. Les gladiateurs que j'appelle sécuteurs, secutores , avoient pour armes une épée & une espece de massue à bout plombé. 2°. Les thraces, thraces , avoient une espece de coutelas ou cimeterre comme ceux de Thrace, d'où venoit leur nom. 3°. Les myrmillons, myrmillones , étoient armés d'un bouclier & d'une faux, & portoient un poission sur le haut de leur casque. Les Romains leur avoient donné le sobriquet de Gaulois . 4°. Les rétiaires, retiarii , portoient un trident d'une main & un filet de l'autre; ils combattoient en tunique, & poursuivoient le myrmillon en lui criant: « ce n'est pas à toi, gaulois, à qui j'en veux, c'est à ton poisson ». Non te peto, galle, sed piscem peto . 5°. Les hoplomaques, hoplomachi , étoient armés de toutes pieces, comme l'indique leur nom grec. 6°. Les provoqueurs, provocatores , adversaires des hoplomaques, étoient armés comme eux de toutes pieces. 7°. Les dimacheres, dimachaeri , se battoient avec un poignard de chaque main. 8°. Les essédaires, essedarii , combattoient toûjours sur des chariots. 9°. Les andabates, andabatae , combattoient à cheval & les yeux bandés, soit avec un bandeau, soit avec une armure de tête qui se rabattoit sur leur visage. 10°. Les méridiens, meridiani , étoient ainsi nommés parce qu'ils entroient dans l'arene sur le midi; ils se battoient avec une espece de glaive contre ceux de leur même classe. 11°. Les bestiaires, bestiarii , étoient des gladiateurs par état ou des braves qui combattoient contre les bêtes féroces, pour montrer leur courage & leur adresse, comme les toreros ou toréadors espagnols de nos jours. 12°. Les fiscaux, les césariens, ou les postulés, fiscales, caesariani, postulatitii , étoient ceux qu'on entretenoit aux dépens du fisc; ils prirent leur nom de césariens , parce qu'ils étoient destinés pour les jeux où les empereurs assistoient; & comme ils étoient les plus braves & les plus adroits de tous les gladiateurs , on les appella postulés , parce que le peuple les demandoit très-souvent. On nommoit catervarii les gladiateurs qu'on tiroit des diverses classes, & qui se battoient en troupes plusieurs contre plusieurs. Je ne parlerai point de ceux qu'on envoyoit quelquefois chercher dans des festins de réjoüissance, parce qu'ils ne se servoient point d'armes meurtrieres, ils ne venoient que pour divertir les convives par l'adresse & l'agilité qu'ils faisoient paroître dans des combats simulés: je dirai seulement qu'on les nommoit samnites, samnites , à cause qu'ils s'habilloient à la maniere de cette nation. La même industrie qui forma les diverses classes de gladiateurs , en rendit l'institution lucrative pour ceux qui les imaginerent; on les appelloit lanistes, lanistae: on remettoit entre leurs mains les prisonniers, les criminels, & les esclaves coupables. Ils y joignoient d'autres esclaves adroits, forts, & robustes, qu'ils achetoient pour les jeux, & qu'ils encourageoient à se battre, par l'espoir de la liberté; ils les dressoient, leur apprenoient à se bien servir de leurs armes, & les exerçoient sans cesse à leurs combats respectifs, afin de les rendre intéressans pour les spectateurs: en quoi ils ne réussirent que trop. Outre les gladiateurs de ce genre, il y avoit quelquefois des gens libres qui se loüoient pour cette escrime, soit par la dépravation des tems, soit par l'extrème indigence, qui les portoit pour de l'argent, à faire ce métier: tels etoient souvent des esclaves auparavant gladiateurs , & qui avoient déjà obtenu l'exemption & la liberté. Les maîtres d'escrime en loüant tous ces gladiateurs volontaires, les faisoient jurer qu'ils combattroient jusqu'à la mort. C'étoit à ces maîtres qu'on s'adressoit lorsqu'on vouloit donner les jeux de gladiateurs; & ils fournissoient pour un prix convenu, la quantité de paires qu'on desiroit, & de différentes classes. Il arriva dans la suite des tems, que des premiers de la république curent à eux des gladiateurs en propre pour ce genre de spectacle, ou pour d'autres motifs: Jules César étoit de ce nombre. Les édiles eurent d'abord l'intendance de ces jeux cruels; ensuite les préteurs y présiderent: enfin Commode attribua cette inspection aux questeurs. Les empereurs, par goût ou pour gagner l'amitié du peuple, faisoient représenter ces jeux le jour de leur naissance, dans les dédicaces des édifices publics, dans les triomphes, avant qu'on partît pour la guerre, après quelque victoire, & dans d'autres occasions solennelles, ou qu'ils jugeoient à propos de rendre telles. Suétone rapporte que Tibere donna deux combats de gladiateurs; l'un en l'honneur de son pere, & l'autre en l'honneur de son ayeul Drusus. Le premier combat se donna dans la place publique, & le second dans l'amphithéatre, où cet empereur fit paroître des gladiateurs qui avoient eu leur congé, & auxquels il promit cent mille sesterces de récompense, c'est-à-dire environ vingt-quatre mille de nos livres, l'argent à cinquante francs le marc. L'empereur Claude limita d'abord ces spectacles à certains termes fixes; mais peu après il annulla lui-même son ordonnance. Quelque tems avant le jour arrêté du combat, celui qui présidoit aux jeux en avertissoit le peuple par des affiches, où l'on indiquoit les especes de gladiateurs qui devoient combattre, leurs noms, & les marques qui les devoient distinguer; car ils prenoient chacun quelque marque particuliere, comme des plumes de paon ou d'autres oiseaux. On spécifioit aussi le tems que dureroit le spectacle, & combien il y auroit de paires différentes de gladiateurs , parce qu'ils étoient toûjours par couples: on représentoit quelquefois tout cela par un tableau exposé dans la place publique. Le jour du spectacle on apportoit sur l'arene de deux sortes d'armes; les premieres étoient des bâtons noüeux, ou fleurets de bois nommés rudes; & les secondes étoient de véritables poignards, glaives, épées, coutelas, &c. Les premieres armes s'appelloient arma lusoria , armes courtoises; les secondes, arma decretoria , armes décernées, parce qu'elles se donnoient par decret du préteur, ou de celui qui faisoit la dépense du spectacle. Les gladiateurs commençoient par s'escrimer des premieres armes, & c'étoit-là le prélude; ensuite ils prenoient les secondes, avec lesquelles ils se battoient nuds ou en tunique. La premiere sorte de combat s'appelloit praeludere , joüer; & la seconde, dimicare ad certum , se battre à fer émoulu. Au premier sang du gladiateur qui couloit, on croit, il est blessé; & si dans le moment le blessé mettoit bas les armes, c'étoit un aveu qu'il faisoit lui-même de sa défaite: mais sa vie dépendoit des spectateurs ou du président des jeux; néanmoins si l'empereur survenoit dans cet instant, il lui donnoit sa grace, soit simplement, soit quelquefois avec la condition que s'il rechappoit de sa blessure, cette grace ne l'exempteroit pas de combattre encore une autre fois. Dans le cours ordinaire des choses, c'étoit le peuple qui décidoit de la vie & de la mort du gladiateur blessé: s'il s'étoit conduit avec adresse & avec courage, sa grace lui étoit presque toûjours accordée; mais s'il s'étoit comporté lâchement dans le combat, son arrêt de mort etoit rarement douteux. Le peuple ne faisoit que montrer sa main avec le pouce plié sous les doigts, pour indiquer qu'il sauvoit la vie du gladiateur; & pour porter son arrêt de mort, il lui suffisoit de montrer sa main avec le pouce levé & dirigé contre le malheureux. Le gladiateur blessé connoissoit si-bien que ce dernier signal étoit celui de sa perte, qu'il avoit coûtume, sitôt qu'il l'appercevoit, de présenter la gorge pour recevoir le coup mortel. Après qu'il étoit expiré, on retiroit son corps de dessus l'arene, afin de cacher cet objet défiguré à la vûe des spectateurs. Tout gladiateur qui avoit servi trois ans dans l'arene, avoit son congé de droit; & même sans attendre ces trois ans, lorsqu'il donnoit en quelque occasion des marques extraordinaires de son adresse & de son courage, le peuple lui faisoit donner ce congé sur le champ. En attendant, la récompense qu'on accordoit aux gladiateurs victorieux, étoient une palme, une somme d'argent, un prix quelquefois considérable, & l'empereur Antonin confirma tous ces usages. Mais comme il arrivoit aux maîtres d'escrime qui trafiquoient de gladiateurs , pour augmenter leur gain, de faire encore combattre dans d'autres spectacles ceux qui avoient déjà triomphé, à-moins que le peuple ne leur eût accordé l'exemption qu'on appelloit en latin missio , Auguste ordonna pour réprimer cet abus des lanistes, qu'on ne feroit plus combattre les gladiateurs , sans accorder à ceux qui seroient victorieux un congé absolu, pour ne plus combattre s'ils ne le vouloient pas. Cependant pour obtenir l'affranchissement il falloit au commencement qu'ils eussent été plusieurs fois vainqueurs; dans la suite il devint ordinaire, en leur accordant l'exemption, de leur donner aussi l'affranchissement. Cet affranchissement qui tiroit les gladiateurs de l'état de servitude, qui de plus leur permettoit de tester, mais qui ne leur procuroit pas la qualité de citoyen; cet affranchissement, dis-je, se faisoit par le préteur, en leur mettant à la main un bâton noüeux comme un bâton d'épine, le même qui servoit d'arme courtoise, & qu'on nommoit rudis . Ceux qui avoient obtenu ce bâton, étoient appellés rudiaires, rudiarii . On joignoit encore quelquefois à l'affranchissement une recompense purement honoraire, pour témoignage de la bravoure du gladiateur; c'étoit une guirlande ou espece de couronne de fleurs entortillée de rubans de laine, qu'on nommoit lemnisci , qu'il mettoit sur la tête, & dont les bouts de ruban pendoient sur les épaules: de-là vient qu'on appelloit lemniscati ceux qui portoient cette marque de distinction. Quoique ces gens-là fussent libres, qu'on ne pût plus les obliger à combattre, & qu'ils fussent distingués de leurs camarades par le bâton & le bonnet couronné, néanmoins on en voyoit tous les jours qui pour de l'argent retournoient dans l'arene, & s'exposoient aux mêmes dangers dont ils étoient sortis vainqueurs; leur fureur pour les combats de l'arene égaloit la passion que le peuple y portoit. Quand on recevoit des gladiateurs dans la troupe, la cérémonie s'en faisoit dans le temple d'Hercule; & quand après avoir obtenu l'exemption, la liberté & le bâton, ils quittoient pour toûjours la profession de gladiateur , ils alloient offrir leurs armes au fils de Jupiter & d'Alcmene, comme à leur dieu tutélaire, & les attachoient à la porte de son temple. C'est pour cela qu'encore aujourd'hui on met pour enseigne aux salles d'armes, un bras armé d'un fleuret. On employa souvent des gladiateurs dans les troupes; on le pratiqua dans les guerres civiles de la république & du triumvirat, & l'on continua cette pratique sous le regne des empereurs. Othon allant combattre Vitellius, enrôla deux mille gladiateurs dans son armée: on en entretenoit toûjours à ce dessein un grand nombre aux dépens du fisc. Sous Gordien III. on en comptoit jusqu'à mille paires: Marc-Aurele les emmena tous dans la guerre contre les Marcomans; & le peuple romain les vit partir avec douleur, craignant que l'empereur ne lui donnât plus des jeux qui lui étoient si chers. Il y avoit déjà si long-tems qu'on voyoit ce peuple en faire ses délices, qu'il fut défendu sous la république, par la loi tullienne, à tout citoyen qui briguoit les magistratures, de donner aucun spectacle de gladiateurs au peuple, de peur que ceux qui employeroient ce moyen, ne gagnassent sa bienveillance & ses suffrages, au préjudice des autres postulans. Mais l'inclination de plusieurs empereurs pour ces jeux sanguinaires, perdit l'état en en multipliant l'usage. Néron, au rapport de Suétone, fit paroître dans ces tragiques scenes des chevaliers & des sénateurs romains en grand nombre, qu'il obligea de se battre les uns contre les autres, ou contre des bêtes sauvages: Dion assûre qu'il se trouva même des gens assez infames dans ces deux ordres, pour s'offrir à combattre sur l'arene comme les gladiateurs , par une honteuse complaisance pour le prince. L'empereur Commode fit plus, il exerça lui-même la gladiature contre des bêtes féroces. C'est dans ce tems-là que cette fureur devint tellement à la mode, qu'on vit aussi les dames romaines exercer volontairement cette indigne métier, & combattre dans l'amphithéatre les unes contre les autres, se glorifiant d'y faire paroître leur adresse & leur intrépidité: nec virorum modo pugnas, sed & feminarum . . . . . Enfin, après l'établissement de la religion chrétienne & le transport de l'empire à Byzance, de nouveaux changemens dans les usages commencerent à renaître; des moeurs plus douces semblerent vouloir succéder. Je serois charmé d'ajoûter, avec la foule des écrivains, que Constantin abolit les combats de gladiateurs en Orient; mais je trouve seulement qu'il défendit d'y employer ceux qui étoient condamnés pour leurs forfaits, ordonnant au préfet du prétoire de les envoyer plûtôt travailler aux mines: son ordonnance est datée du premier Octobre 325, à Béryle en Phénicie. Les empereurs Honorius & Arcadius tenterent de faire perdre l'usage de ces jeux en Occident; mais ces affreux divertissemens ne finirent en réalité qu'avec l'empire romain, lorsqu'il s'affaissa tout-à-coup par l'invasion de Théodoric roi des Goths, vers l'an 500 de Jesus-Christ. Ce n'est pas toutefois la durée de ces jeux qui doit surprendre davantage, ce sont les recherches fines & barbares auxquelles on les porta pendant tant de siecles, qui semblent incroyables. Non-seulement on rafina sur l'art d'instruire les gladiateurs , de les former, d'animer leur courage, de les faire expirer, pour ainsi dire, de bonne grace; on rafina même sur les instrumens meurtriers que ces malheureux devoient mettre en oeuvre pour s'entre-tuer. Ce n'étoit point au hasard qu'on faisoit battre le gladiateur thrace contre le sécuteur, ou qu'on armoit le rétiaire d'une façon, & le myrrmillon d'une autre; on cherchoit entre les armes offensives & défensives de ces quadrilles, une combinaison qui rendît leurs combats plus tardifs & plus affreux. En diversifiant leurs armes, on se proposoit de diversifier le genre de leur mort; on les nourrissoit même avec des pâtes d'orge & des alimens propres à les entretenir dans l'embonpoint, afin que le sang s'écoulât plus lentement par les blessures qu'ils recevoient, & que les spectateurs pussent joüir aussi plus long-tems de leur agonie. Qu'on ne pense point que ces spectateurs fussent la lie du peuple, tous les ordres les plus distingués de l'empire assistoient à ces cruels amusemens; les vestales elles-mêmes ne manquoient pas de s'y trouver: elles y étoient placées avec éclat au premier degré de l'amphithéatre. Il est bon de lire le tableau poétique que Prudence fait de cette pudeur qui colorant leur front, se plaisoit dans le mouvement de l'arene; de ces regards sacrés avides de blessures; de ces ornemens si respectables que l'on revêtoit pour jouir de la cruelle adresse des hommes; de ces ames tendres qui s'évanouissoient aux coups les plus sanglans, & se réveilloient toutes les fois que le couteau se plongeoit dans la gorge d'un malheureux; enfin de la compassion de ces vierges timides, qui par un signe fatal décidoient des restes de la vie d'un gladiateur: . . . . . . . Pectusque jacentis Virgo modesta jubet converso pollice rumpi, Ne lateat pais ulla animae vitalibus imis Altius impresso dum palpitat ense secutor . Il ne faut pas cependant que ce tableau pittoresque joint aux autres détails historiques qu'on a exposés jusqu'ici, nous inspire trop d'horreur pour les Romains & pour les Vestales; il y avoit long-tems que les Romains blâmoient leur goût pour les spectacles de l'arene, il y avoit long-tems qu'ils connoissoient les affreux abus qui s'y étoient glissés: l'humanité n'étoit point bannie de leur coeur à d'autres égards. Dans le tems même dont nous parlons, un homme passoit chez eux pour barbare, s'il faisoit marquer d'un fer chaud son esclave qui avoit volé le linge de table; action pour laquelle les lois de plusieurs pays chrétiens condamnent à mort nos domestiques, qui sont des hommes d'une condition libre. D'où vient donc, me dira-t-on, ce contraste bisarre dans leurs moeurs? d'où vient ce plaisir extrème qu'ils trouvoient aux spectacles de l'amphithéatre? Il venoit principalement, ce plaisir, d'une espece de mouvement machinal que la raison réprime mal, & qui fait par-tout courir les hommes après les objets les plus propres à déchirer le coeur. Le peuple dans tous les pays va voir un spectacle des plus affreux, je veux dire le supplice d'un autre homme, sur-tout si cet homme doit subir la rigueur des lois sur un échafaut par d'horribles tourmens, l'émotion qu'on éprouve à un tel spectacle, devient une espece de passion dont les mouvemens remuent l'ame avec violence; & l'on s'y laisse entrainer, malgré les idées tristes & importunes qui accompagnent & qui suivent ces mouvemens. Repassez, si vous le voulez, avec M. l'abbé du Bos, qui a si bien prouvé cette vérité, l'histoire de toutes les nations les plus policées, vous les verrez toutes se livrer à l'attrait des spectacles barbares, dans le tems que la nature témoigne par un frémissement intérieur, qu'elle se soûleve contre son propre plaisir. Les Grecs, que sans doute personne ne taxera de penchant à la cruauté, s'accoûtumerent eux-mêmes au spectacle des gladiateurs , quoiqu'ils n'eussent point été familiarisés à ces horreurs dès l'enfance. Sous le regne d'Antiochus-Epiphane roi de Syrie, les Arts & les Sciences faites pour corriger la férocité de l'homme, florissoient depuis long-tems dans dans tous les pays habités par les Grecs; quelques usages pratiqués autrefois dans les jeux funebres, & qui pouvoient ressembler aux combats des gladiateurs , y étoient abolis depuis plusieurs siecles. Antiochus qui vouloit par sa magnificence se concilier la bienveillance des nations, fit venir de Rome à grands frais des gladiateurs , pour donner aux Grecs, amoureux de toutes les fêtes, ce spectacle nouveau. D'abord, dit Tite-Live, l'arene ne leur parut qu'un objet d'horreur. Antiochus ne se rebuta point, il fit combattre les champions seulement jusqu'au sang. On regarda ces combats mitigés avec plaisir: bientôt on ne détourna plus les yeux des combats à toute outrance; ensuite on s'y accoûtuma insensiblement, aux dépens de l'humanité. Il se forma enfin des gladiateurs dans le pays, & ces spectacles devinrent encore des écoles pour les artistes: ce fut-là où Ctésilas étudia son gladiateur mourant, dans lequel on pouvoit voir ce qui lui restoit encore de vie. Nous avons pour voisin, ajoûte avec raison M. l'abbé du Bos, un peuple tellement avare des souffrances des hommes, qu'il respecte encore l'humanité dans les plus grands scélérats; tous les supplices dont il permet l'usage, sont de ceux qui terminent les jours des plus grands criminels, sans leur faire souffrir d'autre peine que la mort. Néanmoins ce peuple si respectueux envers l'humanité, se plaît à voir les bêtes s'entre-déchirer; il a même rendu capables de se tuer, ceux des animaux à qui la nature a voulu refuser des armes qui pussent faire des blessures mortelles à leurs semblables: il leur fournit avec industrie des armes artificielles qui blessent facilement à mort. Voyez Combat du Coq , ( Encycl. supplém .) Le peuple dont on parle, regarde toûjours avec tant de plaisir des hommes payés pour se battre jusqu'à se faire des blessures dont le sang coule, qu'on peut croire qu'il auroit de véritables gladiateurs à la romaine, si la religion chrétienne qu'il professe, ne défendoit absolument de verser le sang des hommes, hors le cas d'une absolue nécessité. On peut assûrer la même chose d'autres peuples polis, éclairés, & qui font profession de la même religion ennemie du sang humain. Nous avons dans nos annales une preuve bien forte, pour montrer qu'il est dans les spectacles cruels une espece d'attrait. Les combats en champ-clos, entre deux ou plusieurs champions, ont été long-tems en usage parmi nous, & les personnes les plus considérables de la nation y tiroient l'épée, par un motif plus sérieux que de divertir l'assemblée; c'étoit pour s'entre - tuer: on accouroit cependant à ces combats, comme à des fêtes. Après tout, je ne dissimulerai point que les Romains n'ayent été le peuple du monde qui a fait des jeux barbares son plus cher divertissement, & tout ce que j'al dit là-dessus ne le démontre que trop. Cicéron a eu tort, ce me semble, de ne condamner que les abus qui s'y étoient glissés, & d'approuver le spectacle de l'arene, lorsque les seuls criminels y combattoient en présence du peuple. Pour moi, je crains fort que ces jeux meurtriers n'ayent entretenu les Romains dans une certaine humeur sanguinaire que Rome dévoila dès son origine, & dont elle se fit une habitude par les guerres continuelles qu'elle soûtint pendant plus de cinq cents ans. Concluons qu'il faut proscrire, non-seulement par religion, mais par esprit philosophique, mais par amour de l'humanité, tout jeu? tout spectacle qui pourroit insensiblement familiariser les hommes avec des principes opposés à la compassion. Ceux de la morale des Athéniens ne leur permirent point d'avoir d'autres sentimens que des sentimens d'aversion pour le jeu des gladiateurs: jamais ils ne voulurent les admettre dans leur ville, malgré l'exemple des autres peuples de la Grece; & quelqu'un s'étant un jour avisé de proposer publiquement ces jeux, afin, dit-il, qu'Athenes ne le cede pas à Corinthe: « Renversez donc auparavant, s'écria un athénien avec vivacité, renversez l'autel que nos peres, il y a plus de mille ans, ont érigé à la Miséricorde ». ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gladiateurs, (Guerre des) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire romaine Part of Speech=NA Gladiateurs Gladiateurs , ( Guerre des ) bellum gladiatorum , ( Hist. rom. ) guerre domestique & dangereuse que Spartacus excita en Italie l'an 680 de la fondation de Rome. Ce gladiateur homme de courage & d'une bravoure à toute épreuve, s'échappa de Capoue où il étoit gardé avec soixante & dix de ses camarades; il les exhorta de sacrifier leur vie plûtôt pour la défense de la liberté, que pour servir de spectacle à l'inhumanité de leurs patrons; il les persuada, rassembla sous ses drapeaux un grand nombre d'autres esclaves fugitifs, animés du même esprit; il se mit à leur tête, s'empara de la Campanie, & remporta de grands avantages sur les préteurs romains, que le sénat se contenta d'abord de lui opposer avec peu de troupes. L'affaire ayant paru plus sérieuse, les consuls eurent ordre de marcher avec les légions; Spartacus les défit entierement, ayant choisi son camp & le champ de bataille comme auroit pû faire un général consommé; de si grands succès attirerent une foule innombrable de peuples sous les enseignes de Spartacus, & ce gladiateur redoutable se vit jusqu'à six vingt mille hommes à ses ordres, bandits, esclaves, transfuges, gens féroces & cruels, qui portoient le fer & le feu de tous côtés, & qui n'envisageoient dans leur révolte qu'une licence effrénée & l'impunité de leurs crimes. Il y avoit près de trois ans que cette guerre domestique duroit en Italie, avec autant de honte que de desavantage pour la république, lorsque le sénat en donna la conduite en 682 à Licinius-Crassus, un des premiers capitaines du parti de Sylla, & qui avoit eu beaucoup de part à ses victoires. Crassus savoit faire la guerre, & la fit heureusement; il tailla en pieces en deux batailles rangées les troupes de Spartacus, qui cependant prouva toûjours qu'il ne lui manquoit qu'une meilleure cause à défendre: on le vit blessé à la cuisse d'un coup de javeline combattre long-tems à genou, tenant son bouclier d'une main & son épée de l'autre. Enfin percé de coups, il tomba sur un monceau ou de romains qu'il avoit immolés à sa propre fureur, ou de ses propres soldats qui s'étoient fait tuer aux piés de leur général en le défendant. Voyez les détails de la guerre célebre des gladiateurs dans les historiens romains, dans Tite-Live, liv. XCVII. Athénée, liv. II. Eutrope, liv. VI. Appian, de la guerre civile, liv. II. Florus, liv. III. chap. xx. César, commentaires liv. I. Valere-Maxime, liv. VIII. Velleius-Paterculus, liv. II. & autres. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gladiateur expirant(le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Sculpture antique Part of Speech=NA Gladiateur expirant Gladiateur expirant ( le ), Sculpture antiq. c'est une admirable piece de l'antique qui subsiste toûjours; il n'y a point d'amateurs des beaux arts, dit M. l'abbé du Bos, qui n'ait du-moins vû des copies de la figure du gladiateur expirant , laquelle étoit autrefois à la Vigne Ludovece, & qu'on a transportée depuis au palais. Chigi. Cet homme qui vient de recevoir le coup mortel veille à sa contenance, ut procumbat honestè : il est assis à terre, & a encore la force de se soûtenir sur le bras droit; quoiqu'il aille expirer, on voit qu'il ne veut pas s'abandonner à sa douleur ni à sa défaillance, & qu'il a l'attention de tenir ce maintien courageux, que les gladiateurs se piquoient de conserver dans ce funeste moment, & dont les maîtres d'escrime leur apprenoient l'attitude: il ne craint point la mort, il craindroit de faire une grimace ou de pousser un lâche soupir; quis mediocris gladiator ingemuit, quis vultum mutavit unquam, quis non modò stetit, verùm etiam decubuit turpiter , dit Ciceron dans l'endroit de ses Tusculanes, où il nous raconte tant de choses étonnantes sur la fermeté de ces malheureux? On sent dans celui-ci que malgré la force qui lui reste après le coup dont il est atteint, il n'a plus qu'un moment à vivre, & l'on regarde long-tems dans l'attente de le voir tomber en expirant; c'est ainsi que les anciens savoient animer le marbre, & lui donner de la vie. On en trouvera plusieurs autres exemples dans cet ouvrage. Voyez Sculpture ancienne . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAIE Author=Diderot Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=s.f. GLAIE * GLAIE, s. f. ( Verrerie. ) c'est ainsi qu'on appelle la partie de la voûte du four, composée depuis l'extérieur des deux tonnelles entre les arches à pot, jusqu'à l'extrémité du revêtement du four. Voyez les articles Tonnelle , Four , Verrerie -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAIRE Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. GLAIRE GLAIRE, s. f. ( Médecine. ) ce terme est employé vulgairement pour designer une humeur gluante, visqueuse, une sorte de mucosité transparente produite dans le corps humain par quelque cause morbifique; c'est la même chose que ce que les medecins appellent phlegme, pituite. Voyez Pituite . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAIRER Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=v.act. GLAIRER GLAIRER, v. act. ( Relieure. ) c'est passer du blanc d'oeuf avec une éponge fine sur le plat de la couverture d'un livre prêt à être doré & poli; on glaire à plusieurs reprises. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAISE, TERRE GLAISE, ARGILLE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie. Agriculture Part of Speech=s.f. GLAISE GLAISE, s. f. TERRE GLAISE, ARGILLE, ( Hist. nat. Minéralog. Agric. ) c'est une terre dont la couleur est ou blanche, ou jaune, ou brune, ou rougeâtre, ou grise, ou bleue, ou verdâtre; elle est tenace, pesante, compacte, visqueuse ou grasse au toucher comme du savon; ses parties sont très fines & fort étroitement liées les unes aux autres: elle s'amollit dans l'eau, & a la propriété de prendre corps, & de se durcir considérablement dans le feu. Lister compte vingt-deux especes d'argilles ou de glaises en Angleterre; Wallerius en compte dix especes dans sa minéralogie, mais ces terres ne different point essentiellement entr'elles; elles ne varient que par la couleur, qui peut avoir un nombre infini de nuances, & par le plus ou moins de sable, de gravier, de terreau ou de humus , de craie, de marne, de parties ferrugineuses, & d'autres substances étrangeres qu'elles peuvent contenir. On a quelquefois voulu mettre de la différence entre l' argille & la glaise; cette distinction étoit fondée sur ce que l' argille étoit, dit on, mêlée d'un plus grand nombre de parties de sable & de terreau; mais l'on sent que ce mélange purement accidentel ne suffit pas pour faire distinguer ces terres qui sont essentiellement les mêmes, & qui ont les mêmes propriétés, quoiqu'on les designe par deux noms différens. Cela posé, sans s'arrêter ici à faire un article séparé de la glaise , on auroit pû renvoyer à l' art . Argille ; mais comme cet article n'est que l'exposé du système de M. de Buffon sur la formation de l' argille , & comme d'ailleurs on n'y est point entré dans le détail des principales propriétés de cette terre, on a cru que ce seroit ici le lieu de suppléer à ce qui a été omis dans cet article. Il y a long-tems que les Chimistes ont observé que l' argille ou glaise colorée contenoit une portion plus ou moins considérable de fer; ce qui prouve cette vérité, c'est la couleur rouge que prennent quelques-unes de ces terres, lorsqu'on les expose à l'action du feu; mais rien ne sert mieux à constater la chose que la fameuse expérience de Becher qui a obtenu une portion de fer attirable par l'aimant, d'un mélange fait avec de la glaise & de l'huile de lin: nous n'insisterons point sur cette expérience qui est suffisamment décrite à l' article Fer , non plus que sur la dispute qui s'éleva à son sujet dans l'académie royale des Sciences de Paris. Voyez Fer . C'est cette portion de fer contenue dans la glaise qui contribue à ses différentes couleurs. On peut dégager cette terre des parties ferrugineuses qu'elle contient en versant dessus de l'eau régale qui en fait l'extraction avec effervescence; la partie terreuse reste blanche, parce que ce dissolvant lui a enlevé sa partie colorante, & est devenue jaune. L'eau-forte ne produit point toûjours le même effet, parce que les parties martiales de cette terre sont quelquefois très fines & enveloppées de tant de parties visqueuses, que le dissolvant ne peut point agir sur elles. Voyez la Lithogéognosie de M. Pott, tom. I. pag. 99 & suiv . La glaise ou l' argille pure ne fait point d'effervescence sensible avec les acides; quand cela arrive, c'est une preuve certaine que cette terre est mélangée avec quelque substance alkaline ou calcaire, telle que la craie, la marne, &c. ou avec des parties ferrugineuses. C'est faute d'avoir eu égard à ces mélanges que plusieurs auteurs ont confondu avec la glaise d'autres terres dont les propriétés sont fort différentes; cependant l'acide vitriolique aidé par l'action du feu dissout une portion de l' argille ou glaise , comme M. Hellot l'a prouvé dans les mémoires de l'académie des Sciences de Paris, année 1739 . Cette dissolution d'une portion de la terre glaise ou argilleuse par l'acide vitriolique, fait un véritable alun; cela avoit déjà été soupçonné par M. Pott, mais cette vérité vient enfin d'être démontrée par M. Marggraf, qui prouve que l' argille ou glaise contient la terre nécessaire pour la formation de l'alun; mais l'acide vitriolique ne dissout qu'une portion de cette terre: celle qui reste & sur laquelle le dissolvant n'a plus d'action, a perdu les propriétés de la glaise . Et M. Marggraf a fait des expériences qui prouvent qu'elle est de la nature des terres vitrifi bles, telles que le sable & les caillous pilés, puisqu'elle fait du verre tout comme elles, lorsqu'on la fond avec du sel alkali; d'où l'on peut conclure que l' argille ou glaise est composée de deux substances d'une nature toute différente. Voyez les mémoires de l'académie royale de Berlin, année 1754, pag. 32, 34, 63 & suiv . Quelquefois la glaise est mêlée de mica ou de petites particules talqueuses, luisantes, qu'il est très difficile d'en séparer entierement: on en sépare plus aisément le sable, c'est en la faisant dissoudre dans de l'eau, parce qu'alors les parties terreuses qui composent la glaise de meurent long-tems suspendues dans ce fluide, tandis que les particules de sable tombent très-promptement au fond. Plus les argilles ou glaises sont blanches, plus elles sont dégagées de matieres étrangeres, & c'est alors qu'on y remarque sensiblement les propriétés qui les caractérisent. Les qualités extérieures auxquelles on peut reconnoître la glaise , sont sa tenacité qui fait qu'elle prend corps toute seule avec l'eau; sa viscosité ou son onctuosité qui la fait paroître comme savonneuse & grasse au toucher; la finesse de ses parties qui fait qu'elle s'attache à la langue, & que quelquefois elle produit dans la bouche un effet semblable à celui du beurre qu'on y laisseroit fondre: mais le caractere distinctif de l' argille ou glaise pure est de se durcir dans le feu au point de former une masse compacte & solide, dont l'acier peut tirer des étincelles comme il feroit d'un morceau d'agate on de jaspe. C'est à cette marque surtout que l'on peut reconnoître la présence de cette terre, même lorsqu'elle est mêlée avec des substances ou terres d'une autre nature. La terre dont on fait les pipes est une vraie glaise; on dit que les Chinois font une porcelaine d'une très-grande beauté avec une terre seule délayée dans de l'eau; elle est très-blanche & douce au toucher comme du savon; il y a en France & en beaucoup d'endroits de l'Europe des terres dont on pourroit tirer le même parti, si on vouloit faire les expériences nécessaires pour en découvrir les propriétés. Voyez l'art. Porcelaine . La viscosité & la tenacité de la glaise sont dûes à une matiere onctueuse qui sert à lier ses parties. M. Pott a fait un grand nombre d'expériences pour découvrir la nature de ce gluten ou lien, sans jamais y trouver le moindre vestige ni de sel ni de matiere inflammable, soit par la distillation, soit par la lixiviation; sur quoi il refute Boyle qui prétend que les terres contiennent du phlogistique, & prouve que celui qu'on y découvre ne vient que de la petite portion de fer qui y est contenue. Becher a cru que le flegme ou la partie aqueuse qu'on obtient par la distillation de l' argille ou glaise , avoit des vertus merveilleuses, soit dans la medecine, soit dans les travaux sur les métaux, soit pour la fertilisation des terres; mais ces idées n'ont point encore été justifiées par l'expérience, non plus que les prétentions de quelques alchimistes qui regardent ce flegme comme l'esprit de la nature . S'il se trouve quelque chose de salin dans la glaise , elle en est redevable aux substances étrangeres qui y sont jointes accidentellement. La calcination au feu & les acides concentrés, enlevent entierement le gluten ou la partie qui sert à lier cette terre, au point qu'elle n'est plus en état de prendre du corps & de se durcir dans le feu. Les terres alkalines ou calcaires telle que la craie, la marne, &c. mêlées avec la glaise , entrent très-aisément en fusion, quoiqu'aucune de ces terres prise séparément ne se fonde point par elle même, c'est-à-dire sans addition. M. Pott a employé dans cette expérience ainsi que dans les autres une argille pure; car celle qui est bleue est mêlée de particules martiales qui lui servent de fondant, & la font entrer en fusion sans addition, au lieu que les argilles ou glaises pures ne peuvent être fondues par le feu le plus violent qui ne fait que les durcir considérablement, & au point de faire donner des étincelles lorsqu'on les frappe avec de l'acier. La glaise pure ou argille mêlée avec différentes especes de pierres gypseuses donne des produits différens, suivant que ces substances sont plus ou moins chargées de matieres étrangeres & colorantes; cependant en général M. Pott a observé que lorsqu'on mêle la glaise & le gypse en parties égales, il en résulte à l'aide du feu une masse pierreuse si dure que l'acier en fait sortir des étincelles. Le mélange de la glaise ou argille avec les pierres & les terres qu'on nomme vitrifiables, prend du corps & s'unit très-fortement; c'est là-dessus qu'est fondé tout le travail de la poterie de terre, de la fayencerie, de la briquerie, &c. Aussi voit-on que les Potiers de terre mêlent du sable avec la glaise pour former tous leurs ouvrages, qu'ils exposent ensuite à l'action du feu. Toutes ces expériences, ainsi qu'un grand nombre d'autres, sont dûes à M. Pott savant chimiste, de l'académie de Berlin, & se trouvent dans son ouvrage qui a pour titre Lithogéognosie, ou examen chimique des terres & des pierres , &c. tom. I. pag. 123 & suiv. 82 & suiv. & 140 de la traduction françoise. Passons maintenant aux propriétés de la glaise , eu égard à l'Agriculture & à l'Economie rustique. Plus cette terre est tenace, compacte & pure, moins elle est propre à favoriser la végétation des plantes; cela vient 1°. de ce que la glaise par la liaison étroite qui est entre ses parties, retient les eaux du ciel & ne leur fournit point de passage, ces eaux sont donc obligées d'y séjourner, & par-là les semences doivent se noyer ou se pourrir. 2°. Quand ces semences auroient pû être développées, les parties de la glaise sont si étroitement liées entr'elles, & se durcissent si fort à la surface de la terre par la chaleur du soleil, que cette terre n'auroit point cédé ou prêté aux foibles efforts qu'une plante ou racine peut faire pour s'étendre en tout sens; de-là vient la stérilité des terres purement glaiseuses: aussi un auteur anglois a-t-il appellé la terre glaise une marâtre maudite; les arbres mêmes, & sur-tout les chênes, n'y croissent qu'avec peine & très-lentement, & il y a des glaises si stériles qu'il n'y croît pas le moindre brin d'herbe. Pour remédier à cette stérilité, on est obligé d'avoir recours à différens moyens, qui tous ont principalement pour but de diviser & d'atténuer ces terres, & de rompre la liaison trop étroite de leurs parties afin de les rendre plus pénétrables aux eaux, & pour que leur tenacité n'étouffe plus les plantes naissantes; pour y parvenir, on laboure fortement ces terres à plusieurs reprises, on a soin de bien diviser les glebes; après les avoir laissé exposées aux injures de l'air, on y mêle soit du fumier, soit du sable, du gravier, de la marne, de la craie, de la chaux vive, de la recoupe de pierre, des fragmens de briques, &c. en un mot tout ce qu'on trouve plus à sa portée, & qui est plus propre à diviser la glaise , & à mettre de l'intervalle entre les parties qui la composent. On prétend qu'en Angleterre on se sert avec le plus grand succès du sable de la mer pour fertiliser les terreins glaiseux . C'est à la propriété que la glaise a de retenir les eaux & de ne point leur donner passage, que sont dûs la plûpart des sources & des fontaines que nous voyons sortir de la terre. Les eaux du ciel lorsqu'elles sont tombées sur la terre, se filtrent au-travers des couches de sable, de gravier, & même des pierres qui la composent, & continuent à passer jusqu'à ce qu'elles se trouvent arrêtées par des couches de glaise; alors elles s'y amassent, & vont s'écouler par la route la plus commode qui leur est présentée. C'est cette même propriété de la glaise qui fait qu'on s'en sert pour garnir le fond des bassins, canaux & réservoirs dans lesquels on veut retenir les eaux; quand on la destine à cet usage, on a soin de la bien diviser & hacher en tout sens avec des beches & d'autres instrumens tranchans, de peur qu'il ne s'y trouve quelque plante ou racine qui en se pourrissant par la suite ne fournisse aux eaux qui cherchent à s'échapper, un passage qui, quoique petit dans son origine, ne tarderoit pas à devenir bien-tôt très-considérable. Il faut aussi rapporter l'expérience qui se trouve dans l'histoire de l'académie des sciences de Paris, année 1739, pag. 1 . Il y est dit que l' argille des Potiers lavée, exposée à l'air, & imbibée d'eau de fontaine, a acquis au bout de quelques années la dureté d'un caillou; on prétend que l'on a observé la même chose en Amerique sur la terre glaise qui se trouve le long des bords de la mer; M. Pott attribue ce phénomene à l'écume grasse de la mer. La glaise se trouve ordinairement par lits ou par couches qui varient pour l'épaisseur & pour les autres dimensions; ces couches sont assez souvent remplies de pyrites & de marcassites: cette terre ne se rencontre pas seulement à la surface, mais même à une très grande profondeur. La terre grasse appellée besteg par les mineurs allemands, qui sert d'enveloppe à un grand nombre de filons métalliques, & qui suivant leur langage contribue à les nourrir, est une vraie glaise chargée de beaucoup de substances étrangeres & minerales. La glaise pure, lorsqu'elle est seche, a une grande disposition à imbiber les matieres huileuses & grasses; cette propriété fait qu'on s'en sert pour faire les pierres à enlever les taches des habits, qu'on nomme pierres à détacher . Les terres bolaires dont l'usage est si connu dans la Medecine, ne sont que des terres glaiseuses ou des argilles très-fines, comme on s'en apperçoit en ce qu'elles s'attachent à la langue, & fondent comme du beurre dans la bouche; elles sont quelquefois colorées par une portion plus ou moins grande de fer qu'elles contiennent. On a pû déjà voir dans cet article que les acides n'agissent point sur les terres argilleuses ou glaises; si ces dissolvans ne peuvent les dissoudre, il n'y a guere lieu de croire que ceux qui se trouvent dans l'estomac produisent cet effet; ne pourroit on pas conclure de-là qu'il y a beaucoup d'abus dans l'usage des terres bolaires & terres sigillées , qui ne sont que de vraies glaises mêlées quelquefois de parties ferrugineuses? Si ces terres ne se dissolvent point dans les premieres voies, elles ne peuvent que fatiguer l'estomac sans passer dans l'économie animale; s'il s'y en dissout une partie, c'est une preuve que la terre bolaire étoit melée d'une portion de terre absorbante ou calcaire; & alors il vaudroit mieux employer des absorbans purs, & dont on fût assûré, tels que la craie lavée, les yeux d'écrevisses, &c. Si c'est à la partie martiale qu'on attribue les vertus des terres bolaires, il seroit beaucoup plus simple d'employer des remedes martiaux dont la Chimie pharmaceutique fournit un si grand nombre. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAIVE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GLAIVE GLAIVE, s. m. ( Hist. mod. ) Droit de glaive , dans les anciens auteurs latins & dans les lois des normands, signifie la jurisdiction suprème. Voyez Jurisdiction . Camden dans sa Britannia , dit que le comté de Flint est du ressort de la jurisdiction de Chester: comitatus Flint pertinet ad gladium Cestriae; & Selden, tit. des honneurs pag 640. Curiam suam liberam de omnibus placitis , &c. exceptis ad gladium ejus pertinentibus . Quand on crée un comte en Angleterre, il est probable qu'on le ceint d'un glaive pour signifier par cette cérémonie qu'il a jurisdiction sur le pays dont il porte le nom. Voyez Comte . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAMORGANSHIRE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLAMORGANSHIRE GLAMORGANSHIRE, Glamorgama , ( Géog. ) province d'Angleterre dans la principauté de Galles, d'environ 112 milles de tour, & de 54 mille arpens. Sa partie méridionale est appellée le jardin du pays de Galles; Cardiff en est la capitale. Elle contient 118 paroisses, & neuf villes ou bourgs à marchés. Le canal de Bristol la baigne au sud. On voit dans cette province les restes de Caër-phili-Castle , que quelques uns prennent pour le Bullaeum silurum , & qu'on regarde en général comme les plus celebres ruines de l'ancienne architecture qu'il y ait dans la grande Bretagne. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAND, GLANDÉE Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.f. GLAND GLAND, s. m. GLANDÉE, s. f. ( Jard. ) gland est le fruit du chêne; glandée est la recolte du gland . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gland Author=Tarin|Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Gland Gland , en Anatomie , signifie le bout ou le bouton de la verge de l'homme, ou cette partie qui est couverte du prépuce, & que l'on appelle en latin balanus. Voyez les Planch . anat . Le gland n'est qu'une dilatation de l'extrémité de la substance spongieuse de l'urethre qui est formée en bosse, & rebroussée aux deux bouts coniques des corps caverneux qui aboutissent à cet endroit. Voyez Urethre , Verge , &c. L'extrémité du prépuce est sujette à s'étrecir dans les vieillards au point de ne pouvoir contenir le gland , ce qui vient peut-être du défaut d'une fréquente érection. Voyez Prépuce & Érection . On se sert aussi du terme de gland pour signifier le bout ou l' extrémité du clitoris , par rapport à sa ressemblance avec le gland de la verge de l'homme, l'un & l'autre ayant la même figure, & étant destines aux mêmes fonctions. Voyez Planch . anat. Voyez aussi Clitoris . La principale différence qu'il y a entr'eux, c'est que le gland du clitoris n'est point percé; il est couvert aussi d'un prépuce. Chambers . ( L ) Quelquefois le gland ne se montre point ouvert aux enfans nouveaux nés, soit par une membrane qui placée au bout de l'urethre ferme le passage à l'urine, soit parce que l'on n'apperçoit aucune marque d'urethre; il y en a des exemples par-tout, dans Ronssaeus, Doderic-à-Castro, Vander-Wiel, & autres; ces deux vices de naissance demandent un prompt secours. Quelquefois le trou de l'extrémité de l'urethre est si petit, que l'urine sort par ce trou goutte-à-goutte, & quelquefois découle en plus grande quantité par une autre partie du corps comme le périnée. Quelquefois on rencontre cette seconde ouverture à quelqu'autre partie du pénis, outre celle du gland , ensorte que l'urine passe par deux issues; je trouve des observations du gland ou de la verge percée de deux trous, dans Vesale, anatom. lib. V. chap. 14 . Hilden, cent. j. observ. xiij. Plateri observ. lib. III . Borelli observ. medicar. cent. jv. observ. xiij. &c. Enfin il arrive quelquefois que le gland est percé ailleurs que dans l'endroit ordinaire, comme au-dessous, au-delà du filet, au milieu de la verge, & même on a vû la perforation de l'urethre se rencontrer près du bas-ventre, ce qui rend ceux qui sont dans ce dernier cas inhabiles au mariage. L'imperforation du gland demande d'abord qu'on s'en apperçoit la main adroite, éclairée & les instrumens de la chirurgie; on fait avec la lancette l'ouverture nécessaire jusqu'à ce que l'urine coule, & cette ouverture est facile, lorsque l'imperforation ne consiste que dans la peau qui couvre le gland; quand les parois de l'urethre sont adhérantes, on doit observer de faire l'ouverture plus grande que petite, & d'introduire ensuite une petite cannule de plomb dans l'incision afin de former une cicatrice plus égale. Si l'urine coule goutte-à-goutte, parce que le trou du gland est trop petit, il faut l'élargir aux deux extrémités avec la lancette ou la pointe du bistouri, & puis introduire la petite cannule de plomb pour la même raison que nous venons d'alléguer. Si le gland n'est point percé dans l'endroit ordinaire, mais au-dessous, au-delà du filet, & même plus loin, il est très-difficile de remédier à ces facheux défauts de conformation; il faut en méditer long-tems la méthode curative, & rassembler toutes les lumieres de l'art pour l'enrichir par de nouveaux progres ou par de nouveaux doutes; car les doutes conduisent à la science. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gland Author=unknown Normalized Classification=Tabletterie | Cornetier Part of Speech=NA Gland Gland , en terme de Tabletier-Cornetier , est une espece de pince de bois dont les mâchoires sont plates & quarrées; c'est avec le gland que l'on tient le peigne pour le travailler. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gland Author=unknown Normalized Classification=Marchand de modes Part of Speech=NA Gland Gland , en terme de Marchand de modes , sont deux branches faites en demi-cercle de souci d'hanneton, de noeuds de soie, de bouclé, & que l'on met dans les garnitures aux creux ou vuides formés par les festons; ces glands sont faits par les Rubaniers. Voyez Ruban . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gland Author=unknown Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Gland Gland , ( Rubanier. ) est une espece de bouton couvert de perles ou de longs filets d'or, d'argent, de soie, de laine ou de fil, avec une tête ouvragée de la même matiere, & des filets pendans; ce sont les Tissutiers-Rubaniers-Frangiers qui les fabriquent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLANDE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GLANDE GLANDE, s. f. terme d'Anat . Les glandes sont des parties d'une forme particuliere, qui résultent de l'assemblage des plus petits vaisseaux de tous genres, arteres, veines, nerfs, & quelquefois de vaisseaux excréteurs & des lymphatiques. Elles sont renfermées dans des membranes particulieres; elles different entre elles par la figure, la couleur, & la consistence, & sont pour la plus grande partie destinées à séparer de la masse du sang quelques liqueurs particulieres. Voyez Sang & Humeur . Les anciens ont cru que les glandes ne servoient que comme d'un coussinet pour soûtenir les parties voisines, ou d'éponge pour en absorber les humidités superflues; d'autres après eux les ont regardées comme des citernes qui contiennent des fermens, qui venant à se mêler avec le sang le jettent dans une fermentation, durant laquelle il se décharge de quelques-unes de ses parties par les conduits excrétoires qu'elles contiennent. Les modernes croyent que les glandes sont les organes qui servent à séparer les fluides pour les usages du corps, & ils les ont regardées comme des filtres dont les pores ayant différentes figures, ne donnent passage qu'aux parties similaires. Voyez Filtration . Les auteurs des derniers siecles ont considéré les glandes comme des cribles dont les trous étant de différentes grosseurs, quoique de même figure, ne donnent passage qu'aux parties dont le diametre est moindre que le leur. Les glandes paroissent à l'oeil des especes de corps blancs & membraneux, composés d'une enveloppe ou tégument extérieur qui renferme un tissu vasculaire. Leur nom vient de la ressemblance qu'elles ont avec les glands que les Latins appellent glandes . On a découvert à l'aide de la dissection ou du microscope que les glandes sont des véritables tissus ou pelotons de vaisseaux différemment entre-lacés; mais les anatomistes modernes, & Malpighi, Bellini, Wharton, Nuck, Peyer, &c. ont été plus avant, & ont découvert qu'elles ne sont que des circonvolutions continuelles des arteres capillaires. Voyez Artere . Voici quelle paroît être leur formation: une artere étant arrivée à un endroit, elle se divise en un nombre infini de branches ou de ramifications extrèmement déliées qui forment différentes circonvolutions & des contours, desquelles naissent des nouveaux rameaux ou vésicules qui forment des veines, qui venant à se joindre un peu plus loin, se terminent en des branches un peu plus grosses. Toutes ces ramifications, tant des veines que des arteres, forment des pelotons, & forment différentes circonvolutions, des angles desquels sortent plusieurs autres vaisseaux déliés qui constituent la partie la plus essentielle de la glande . Le sang étant porté du coeur par l'artere dans le plexus glanduleux, parcourt tous les tours & les détours de sa partie artérielle, jusqu'à ce qu'étant arrivé à sa partie veineuse, il retourne de nouveau au coeur. Tandis qu'il circule dans les replis artériels & veineux, il s'en absorbe une partie dans les orifices des petits tubes qui sortent de leurs courbures. Ce qui entre de ce fluide dans ces conduits, que l'on peut appeller conduits secrétoires , est reçû par d'autres qui en sortent: ceux ci venant à s'unir, composent un seul canal appellé conduit excrétoire; qui sortant du corps de la glande , conduit la matiere séparée dans un reservoir destiné à la recevoir. Voyez Emonctoire . Les vaisseaux secrétoires aboutissent quelquefois eux-mêmes à un reservoir où ils déposent la liqueur qu'ils contiennent. Telle est la structure générale & l'office des glandes , que nous éclaircirons plus au long au mot Secrétion . Une glande est donc un amas de différentes especes de vaisseaux; savoir, une artere & une veine, des conduits secrétoires & excrétoires, auxquels on peut ajoûter un nerf que l'on trouve dans chaque glande , qui est répandu dans toute sa substance, afin de lui fournir les esprits nécessaires pour hâter la secrétion; & une membrane qui soûtient les circonvolutions de la veine & de l'artere, & les accompagne dans toutes leurs divisions les plus deliées; enfin des vaisseaux lymphatiques que l'on a découverts dans plusieurs glandes. Voyez Veine , Artere , Nerf , Secrétoire , Excrétoire & Lymphatique On considere les conduits secrétoires comme les principaux organes de la glande; car eux seuls composent quelquefois la plus grande partie de ce que nous appellons glande ou corps glanduleux . M. Winslow croit avoir découvert une espece de duvet au-dedans de leurs cavités, qu'il imagine faire l'office d'un filtre, & servir à séparer une certaine humeur de la masse commune du sang. Nous exposerons son sentiment quand nous traiterons de la secrétion. Il y a différentes especes de glandes par rapport à leurs formes, leurs structures, leurs fonctions & leurs usages: on les divise pour l'ordinaire en conglobées & en conglomérées . Les glandes conglobées ou simples , sont composées d'une substance continue, & ont une surface égale. Les glandes conglomérées ou composées , sont un amas irrégulier de plusieurs glandes simples, renfermées dans une même membrane. Telles sont les glandes maxillaires. Toutes les liqueurs séparées du sang au moyen de ces glandes ont toutes différens caracteres; aussi observe-t-on une structure différente dans chacune de ces glandes; les conglobées paroissent sur-tout destinées aux vaisseaux lymphatiques. Voyez Lymphatiques . La synovie ou l'humeur bitumineuse des articulations est séparée par une espece de glande conglomérée d'une structure particuliere. Voyez Synovie & Synovial . Les liqueurs qui ne se coagulent point, sortent immédiatement des arteres exhalantes. Voyez Artere . La salive est séparée par des glandes conglomérées que les anciens ont si bien distinguées des autres, à cause de leur réunion en forme de grappe de raisin. Voyez Salive . Les humeurs muqueuses sont séparées presque partout dans les sinus ou les glandes creuses auxquelles on donne particulierement le nom de follicule & de crypte. Voyez Follicule & Crypte . Elles sont encore séparées par d'autres glandes appellées conglutinées , & par d'autres qu'on nomme composées & par les attroupées. Voyez Composées & Attroupées . Les glandes sébacées séparent particulierement toutes les liqueurs inflammables. On divise aussi les glandes en aventurines & en glandes perpétuelles. On appelle aventurines les glandes qui viennent quelquefois sous les aisselles ou au cou. Telles sont les écroüelles & les tumeurs qui viennent au larynx & dans le milieu de la trachée artere. Les glandes perpétuelles ou naturelles sont de deux especes, conglobées ou conglomérées; nous les avons décrites ci-dessus. Voyez Conglobée & Conglomérée . Glandes buccales, voyez Buccale . Glandes maxillaires, voyez Maxillaire . Glandes sublinguales, voyez Sublinguale . Glandes labiales, voyez Labiale . Glandes palatines, voyez Palatine . Glandes cerumineuses, voyez Cerumineux . Glandes bronchiales, voyez Bronches . Glandes sebacées, voyez Sebacée . Glandes jugulaires, voyez Jugulaire . Glandes axillaires, voyez Axillaire . Glandes inguinales, voyez Inguinale . Glandes parotides, voyez Parotide . Glandes de Brunner, glandes de Payer, voyez Intestinal , Payer, & Brunner Glandes mesenteriques, voyez Mésenterique . Glandes sacrées, voyez Sacrée . Glandes iliaques, voyez Iliaque . Glandes hépatiques, voyez Hepatique . Glandes cistiques, voyez Cistique . Glandes spleniques, voyez Splenique . Glandes lacrymales, voyez Lacrymale . Glandes lombaires, sont trois glandes auxquelles Bartholin a donné ce nom, parce qu'elles sont couchées sur les reins. Voyez Reins . Les deux plus grandes sont posées l'une sur l'autre, entre la veine cave descendante & l'artere, dans l'angle formé par les émulgentes avec la veine cave. La troisieme qui est la plus petite, est posée sur la premiere sous les appendices du diaphragme. Elles communiquent entre elles par des petits vaisseaux lactiferes. Bartholin veut qu'elles servent de reservoir commun au chyle; mais le docteur Warthon soûtient une opinion plus probable, savoir, qu'elles tiennent lieu des grosses glandes que l'on trouve dans le mesentere des animaux. Glandes miliaires, voyez Miliaire . Les glandes mucilagineuses ou synoviales, sont des glandes dont Havers a donné le premier la description. Voyez Mucilagineux, & Synoviale Glandes muqueuses, voyez Muqueux . Glandes odoriferes, sont certaines petites glandes découvertes par Tyson anatomiste anglois, dans la partie de la verge où le prépuce est contigu au gland. Voyez Prépuce . Tyson leur a donné ce nom à cause de l'odeur forte que jette leur liqueur quand elle est séparée. Il y a des gens en qui ces glandes sont non-seulement en plus grande quantité, mais encore plus grosses, & séparent une plus grande quantité de liqueur, qui y demeurant, lorsque le prépuce est plus long qu'à l'ordinaire, fermente souvent, s'aigrit, & ronge les glandes . Ces glandes sont très-remarquables dans plusieurs animaux à quatre piés, sur-tout dans les chiens & dans le porc. Glande pinéale, voyez Pinéale . Glande pituitaire, voyez Pituitaire . Glandes renales, appellées autrement capsules atrabilaires , sont deux glandes dont Eustachi a fait la découverte, & qui sont situées entre l'aorte & les reins, un peu au-dessus des vaisseaux émulgens. Leur situation & leur figure varient; car dans les uns elles sont rondes, dans les autres quarrées, triangulaires, &c. Celle qui est à droite est ordinairement plus grosse que celle qui est à gauche; elles sont enveloppées de graisses: on ignore leur véritable usage. On croit qu'elles servent à séparer une liqueur du sang artériel avant qu'il arrive aux reins. Voyez Atrabilaire & Venale . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glande Author=unknown Normalized Classification=Physiologie | Pathologie Part of Speech=NA Glande Glande , ( Physiol. & Pathol. ) Voyez Secrétion . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glandes Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Glandes Glandes , ( Manége, Maréchall. ) corps ou corpuscules le plus souvent de figure ronde ou ovalaire, formés en général par l'entre-lacement, le concours, le plis & les replis des vaisseaux capillaires de toute espece, c'est-à-dire des tuyaux artériels, veineux, lymphatiques, nerveux & excrétoires. Si les fluides successivement altérés par une circulation constante & par un broyement continuel, & devenus enfin inutiles & nuisibles, ne s'échappoient par quelque voie; si, ensuite de cette dépuration, il ne se faisoit pas un renouvellement par l'association de nouveaux sucs, capables d'en réparer la perte, les forces & la vie des corps animés seroient bien-tôt éteintes, & les mêmes causes qui en assûrent la conservation en hâteroient inévitablement la ruine. Une suite de mouvemens d'où naissent également & l'énergie & la dégénération des liquides, demandoit donc des filtres, des couloirs, des organes, en un mot, secrétoires & excrétoires propres à les élaborer, à les séparer de la masse, & à les disposer, ou à s'y mêler de nouveau, ou à y rentrer en partie, ou à en être entierement expulsés, & telle est la fonction des glandes dans le corps des hommes & des animaux. Il en est de trois sortes dans le cheval: nous les distinguons non seulement relativement à leur structure, mais encore relativement à leurs usages. Celles qui composent la premiere classe, ne méritent pas proprement le nom de glandes; elles peuvent être envisagées comme des cryptes, des follicules glanduleux. Ces petits corpuscules presque imperceptibles n'ont qu'une membrane simple, cave, au-dedans de laquelle une humeur particuliere est filtrée par un émissaire. Ils n'en sont que les dépositaires, & n'en changent point la nature; & si à sa sortie de ces réservoirs, placés principalement dans tous les endroits du corps qui sont exposés aux injures de l'air, ou à des frottemens, ou à l'irritation que peuvent occasionner des matieres acres; elle paroît différente de ce qu'elle pouvoit être dans le torrent où elle recevoit un mouvement qui entretenoit sa fluidité; cette différence, ce changement ne consiste que dans un épaississement & un degré de consistance qu'elle n'a acquis que par son séjour dans le follicule, ou par son épanchement dans quelque cavité; épanchement qui a lieu par plusieurs pores ouverts à la superficie des cryptes, & qui ne differe en aucune maniere de l'écoulement insensible d'une liqueur qui suinte. Le second genre de glandes comprend les glandes conglobées; celles qui sont moins simples se présentent sous une forme ovalaire, ou d'une longueur oblongue; elles résistent à la pointe du scalpel; elles sont liées & adhérentes aux parties voisines par un tissu cellulaire & par les tuyaux qui les forment, & qui sont une suite du système vasculeux. Rassemblées quelquefois en un même lieu, elles sont néanmoins distinctement séparées les unes des autres. Des lacis, des circonvolutions capillaires de vaisseaux de toute espece en composent, ainsi que je l'ai dit, la principale substance. Du tissu que forment ces petits vaisseaux qui y entrent & qui en sortent, résulte leur tunique extérieure qui est extrèmement déliée & étroitement unie à l'interne, naturellement plus épaisse & plus compacte, dont les fibres ont toutes sortes de directions, & qui doit pareillement sa naissance à ces canaux minces, entre-lacés, pelotonnés. Les fibres de la premiere sont circulaires, élastiques; elles entourent de toutes parts la glande , de maniere qu'elles operent sur elle un resserrement, une compression. Je croirois que les fibres de la seconde peuvent avoir les mêmes usages. Les glandes de cette espece ne séparent aucune liqueur; elles préparent la lymphe, elles la perfection nent; elles sont à l'égard des vaisseaux lymphatiques, ce que les ganglions sont à l'égard des tuyaux nerveux, & cette humeur y est affinée, attenuée, élaborée par l'action de leurs membranes capsulaires, & de tous les petits vaisseaux qui s'y rendent. Celles de la troisieme classe sont dites conglomérées; elles sont formées de la réunion & de l'assemblage de plusieurs glandes liées entre elles par des vaisseaux communs, & renfermées dans une seule & même membrane, qui fait de ce nombre de grains glanduleux un seul & même organe. Chacun de ces grains, ou quoi que ce soit, chacune de ces petites glandes n'est également qu'un amas de toutes sortes de vaisseaux circonvolus. De l'extrémité des arteres qui après plusieurs contours s'anastomosent avec les veines, partent des vaisseaux collatéraux. Le diametre de ceux-ci est d'une telle ténuité, qu'ils ne peuvent se charger des molécules rouges qui continuent leur route dans les tuyaux veineux. Ils n'admettent donc que la liqueur qui doit être séparée; aussi les distingue-t-on par le nom de vaisseaux secrétoires , tandis que le tuyau commun & plus ou moins considérable qui naît de la jonction de ces mêmes petits conduits secréteurs, est appellé canal excrétoire , attendu qu'il verse & qu'il dépose la liqueur qu'il en a reçûe dans quelque reservoir particulier, dans quelque cavité commune, ou qu'il la porte & la transmet au-dehors. Tels sont, par exemple, les canaux que Stenon, Warton, Rivinus, Wirfungus, ont découverts dans l'homme, & que nous trouvons dans le cheval: tels sont encore le canal hépatique, les ureteres, les canaux déférens, &c. On conçoit que les glandes conglobées n'étant chargées de l'ouvrage d'aucune secrétion, n'ont proprement aucuns canaux secrétoires & excrétoires; & leur ministere étant borné à l'affermissement des vaisseaux lymphatiques, à l'affinement & à l'atténuation de la lymphe, il s'ensuit que les secrétions & les excrétions s'operent formellement par le secours des glandes conglomerées, & à l'aide des cryptes ou des follicules glanduleux. La premiere classe des glandes contient les cérumineuses; les glandes de Meibomius, les labiales, les buccales, les linguales, les épiglottiques, les bronchiques; les glandes du ventricule, les molaires, les palatines, les oesophagiennes, les laryngiennes, les pharyngiennes; les glandes des intestins, de l'uterus, les synoviales de Clopton Havers, les sebacées, les muqueuses, les odoriférantes de Tyson, les botriformes du vagin, & celles de l'urethre. La seconde comprend les jugulaires, les sous-scapulaires, les maxillaires, les mesentériques, les lombaires, les iliaques, les sacrées, les inguinales; les glandes de Cowper, & la glande de Littre. Enfin la troisieme sera composée de la glande lacrymale, des parotides, vulgairement appellées avives , de la glande innominée, des maxillaires, des sublinguales, des glandes des mammelles, du foie, du pancreas, des reins, & des prostates. Au surplus, l'impossibilité de constater précisément le genre de la glande pinéale, des deux tyroïdes, du tymus, & des capsules atrabilaires, & l'ignorance dans laquelle nous sommes de leurs véritables usages, m'engageroient à créer une quatrieme classe de glandes , que je nommerois glandes anomales . Mais la glande pituitaire est fongueuse, poreuse; elle absorbe l'humeur qui vient par l' infundibulum . Dans quelle cathégorie la mettre? Enfin, où placer les testicules qui forment des glandes conglobées, quand on en considere la structure, & des glandes conglomérées, lorsque l'on en envisage les fonctions? ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLANDÉ Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA GLANDÉ GLANDÉ, ( Manége, Maréchall. ) adjectif employé seulement dans le cas de tuméfaction des glandes maxillaires & sublinguales, & non dans le cas de l'engorgement des autres. Voyez Ganache , Gourme , Morve , &c. L'état contre nature de ces glandes annonce ordinairement, ou que l'animal n'a pas jetté, ou quelques maladies plus ou moins dangereuses; quelques maquignons ont recours à un artifice peu connu pour tromper l'acheteur sur ce point. Aussi-tôt qu'ils s'apperçoivent en effet que celui ci cherche à s'assûrer par le tact de la situation actuelle de ces corps glanduleux, ils glissent subtilement un doigt sur les barres pour exciter la langue à toutes sortes de mouvemens, & pour solliciter spécialement l'animal à la tirer hors de sa bouche. Or dans cette action, & dans la plûpart des autres, la base ou la racine de cette partie se trouvant élevée, elle entraîne nécessairement avec elle celles qui y sont comme attenantes, & dès-lors les glandes dont il s'agit, ou s'évanoüissent, ou semblent perdre beaucoup de leur volume, en s'enfonçant dans l'auge. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLANDEVE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLANDEVE GLANDEVE, Glanatica ou Glanaliva; ( Géogr. ) c'étoit autrefois une ville de France en Provence, érigée dans le moyen âge; mais maintenant ruinée. Elle étoit sur le Var, au pié des Alpes, aux confins du comté de Nice, & à 8 lieues N. O. de Nice. Il ne reste plus rien de l'ancienne ville de Glandeve que la maison de l'évêque, qui est suffragant d'Embrun. On ne compte qu'environ cinquante paroisses dans son diocèse; mais il y en a une dont le nom est devenu immortel, parce que M. de Peyresc, l'un des plus doctes & des plus vertueux hommes de son tems, l'a porté. Il mourut à Aix en 1637, âgé de cinquante-sept ans. Gassendi a écrit sa vie, & c'est un chef-d'oeuvre en ce genre. Long. de Glandeve détruite par les débordemens du Var. 24 d . 38'. latit. 43 d . 59. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLANDULE Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.f. GLANDULE GLANDULE, s. f. ( Jardin. ) petite glande par laquelle sort l'humeur trop visqueuse, afin que le suc qui reste dans l'intérieur de l'arbre soit plus nourrissant. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLANDULEUX Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GLANDULEUX GLANDULEUX, adj. ( Anatomie. ) composé de glandes. Voyez Glande . Les mammelles sont des corps glanduleux. Voyez Mammelle . La substance corticale du cerveau est glanduleuse , à ce qu'on croit communément; mais Ruysch qui a fait de si belles découvertes, au moyen de ses injections admirables, prétend qu'il n'y a aucune glande dans cette partie. Voyez Cerveau . Les anciens distinguoient une espece de chair particuliere, qu'ils appelloient chair glanduleuse. Voyez Chair . Corps glanduleux , qu'on nomme plus communément prostates. Voyez Prostates . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLANER Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA GLANER GLANER, verbe act. & neut. ( Jardinage. ) se dit ordinairement des grains tombés dans un champ moissonné, que des femmes viennent chercher après que les gerbes sont liées. Ce mot est synonyme à grapiller , dont on se sert en parlant des personnes qui viennent visiter une vigne après que la vendange est faite. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLARIS, (le Canton de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLARIS GLARIS, ( le Canton de-) Glaronensis pagus , ( Géog. ) le huitieme des cantons suisses, borné E. par les Grisons, S. par le canton de Schwits, O. par celui d'Uri, N. par la riviere de Limath. C'est un pays qui n'offre qu'affreuses montagnes, & dont le seul commerce consiste en fromages nommés schabziger . Les Suisses s'emparerent de ce pays sur les Autrichiens, & en firent un canton qui n'a guere plus de six lieues de long sur cinq de large: Zuingle y a établi le protestantisme. Le gouvernement y est démocratique, & les élections se font au sort. Le sénat est composé de soixante-deux personnes, du nombre desquelles président le landaman, & le pro-consul appellé vulgairement le lands-statthalter; & ces deux présidens ne sont jamais de la même religion. Glaris est la capitale de ce canton. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glaris Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Glaris Glaris , Glarona , ( Géog. ) ville de Suisse, chef-lieu du canton de même nom: c'est aujourd'hui où se tiennent les assemblées générales du canton, auxquelles chaque personne âgée de seize ans est obligée d'assister le sabre au côté. Glaris est composé de catholiques & de zuingliens, qui y sont encore plus nombreux que les catholiques; ils font le service divin tour-à-tour dans la même église, & vivent cordialement ensemble: car la diverse maniere d'envisager les mysteres de la religion, ne doit point être un obstacle à la paix & à l'union fraternelle. La ville de Glaris est sur la petite riviere de Linlz, à dix lieues N. E. de Schwitz, neuf N. O. de Coire, treize S. E. de Zurich. Longit. 26. 48. latit. 47. 6. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLASCOW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLASCOW GLASCOW, Glarona , ( Géog. ) ville d'Ecosse dans la province de Clydale, avec une célebre université; elle étoit autrefois archi-épiscopale: la cathédrale subsiste encore, & c'est un beau morceau d'Architecture. On appelle Glascow le paradis d'Ecosse . Il s'y fait un grand commerce, à cause de son port & de son havre; elle est sur la Clyde, à quatre lieues S. O. de Dumbarton, quatorze O. d'Edimbourg, six de Sterling, cent-quatorze N. O. de Londres. Longit. 13. 36. latit. 56. 20 . Cette ville a produit plusieurs gens éminens dans les Sciences; je n'en nommerai que deux qui se présentent à ma mémoire, Cameron & Spootswood. Le premier s'est distingué par ses remarques sur le nouveau testament , qui sont également savantes & judicieuses; il mourut à Montauban vers l'an 1625 à quarante-six ans. Spootswood devint archevêque de Saint André, & primat de toute l'Ecosse: il couronna Charles I. en 1633, fut lord chancelier, & mourut en 1639, âgé de soixante-quatorze ans. On a de lui une histoire ecclésiastique d'Ecosse fort estimée; elle s'étend depuis l'an 203 de J. C. jusqu'en 1624. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAS-HUTTEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLAS-HUTTEN GLAS-HUTTEN, ( Géog. ) bourg de la haute Hongrie, à trois lieues de Chemnitz, remarquable par ses excellens bains chauds, dont Tollius a fait un détail curieux. Le mot Glas-Hutten est allemand, & signifie des verreries: mais les Hongrois donnent à ce même lieu le nom de Téplitz , à cause de ses bains; & c'est aussi sous cette dénomination qu'ils sont le plus connus. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLASTENBURI, ou GLASTON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLASTENBURI, ou GLASTON GLASTENBURI, ou GLASTON, ( Géog. ) bourg d'Angleterre au comté de Sommerset: c'étoit autrefois une ville & une abbaye très-célebre, où plusieurs rois, & entr'autres le roi Arthur, ont été inhumés. Les mémoires de cette abbaye la donnent pour la plus ancienne église d'Angleterre. Voyez le monastic. anglicanum , & l'hist. de l'ordre de S. Benoît . On trouve à Glastenburi plusieurs pyramides antiques dont Guillaume de Malmsbury fait mention: mais comme les inscriptions ne sont pas entieres, on ne peut que conjecturer foiblement par qui, quand, & comment elles ont été construites. Voyez Cambden. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLATZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLATZ GLATZ, ( Géog. ) comté de Bohème fertile en eaux minérales: on y trouve quelques mines d'argent, du fer, du charbon de terre, & beaucoup de bois; Glatz en latin moderne Glatinum , en est la ville capitale, & a pour sa défense un bon château sur la montagne. Elle est au bord de la Neisse & aux frontieres de la Silésie, à seize lieues S. O. de Breslaw, trente-six N. O. de Prague, cinquante-deux N. de Vienne. Longit. 34. 32. latit. 50. 25. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAUCHEN, ou GLAUCHAU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLAUCHEN, ou GLAUCHAU GLAUCHEN, ou GLAUCHAU, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne, en partie dans la Misnie & en partie dans le Voitgland sur la Mulde, à neuf milles de Leipsick. Long. 30. 10. latit. 50. 54. Georges Agricola a bien autrement illustré Glauchen sa patrie, que le château des barons de Schonburg, qui a été bâti pour décorer cette ville. Non seulement Agricola a surpassé tous les anciens dans la science des métaux, mais il a frayé aux modernes la route des connoissances dans cette partie, par son admirable ouvrage de re metallicâ , dont la premiere édition est de Bâle, en 1561, in-fol. & la meilleure en 1657. Ce profond minéralogiste mourut à Chemnitz le 21 Novembre 1555, âgé de soixante-un ans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAUCOIDES Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GLAUCOIDES GLAUCOIDES, s. m. ( Hist. nat. Bot. ) genre de plante à fleur en rose, composée de six pétales arrondis, disposés en rond, & soûtenus, comme dans la salicaire, par un calice fait en forme de bassin: ce calice est grand à proportion de la fleur; il est découpé en douze rayons, & il a deux petits appendices à l'extérieur de la base. Le pistil sort du milieu de la fleur, & devient dans la suite un fruit ou une coque arrondie formée par une petite membrane très mince & transparente. Le fruit est divisé en deux loges par une cloison; & il renferme des semences très petites pour l'ordinaire & triangulaires, qui ressemblent en quelque façon à des têtes de vipere, & qui sont attachées au placenta: ces fleurs & ces fruits ont été observés au microscope. Nova plant. amer. gen. &c. par M. Micheli. ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAUCOME Author=d'Aumont|Louis Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.m. GLAUCOME GLAUCOME, s. m. ( Medecine. ) γλαύκωμα, γλαύκωσις , glaucoma , de γλαυκὸς , glaucus , qui signifie une couleur mêlée de verd & de blanc, ou ce qu'on appelle la couleur de mer; c'est le nom d'une maladie des yeux, sur le siége de laquelle les auteurs ne s'accordent point. Les uns prétendent que c'est une lésion particuliere du crystallin, qui consiste dans une sorte de dessechement de cet organe: de ce nombre est Maître-Jan, avec la plûpart des anciens, qui regardent cette maladie comme une sorte de cataracte fausse. Les autres veulent que ce soit un vice du corps vitré, qui est devenu opaque de transparent qu'il est naturellement: ensorte que l'épaississement de l'humeur contenue dans les cellules de ce corps, le rend disposé à réfléchir les rayons de lumiere qui devroient le traverser, pour porter leurs impressions sur la rétine; & de cette réflexion contre nature résulte la couleur mentionnée, qui donne son nom à cette maladie. Ce dernier sentiment est adopté par la plûpart des modernes, tels qu Heister & les plus savans oculistes de nos jours: il paroit ne devoir être susceptible de fournir aucun lieu de doute, si l'on fait attention que tous les auteurs tant anciens que modernes, se réunissant en ce point de regarder cette maladie comme incurable, sur-tout par les secours de la Chirurgie, ce jugement ne peut tomber que sur le corps vitré, qui ne peut point être enlevé: au lieu que dans quelque état que soit le crystallin, il semble qu'on peut toûjours tenter de l'abattre, ou mieux encore d'en faire l'extraction, & de rétablir la vûe qui peut subsister sans lui, pourvû qu'il n'y ait point de communication de ses lésions avec la partie du corps vitré dans lequel il est enchâssé. D'ailleurs le glaucome semble être toûjours facile à distinguer de la cataracte, en ce que la couleur contre nature qui le caractérise, est réfléchie d'une sur face profonde, éloignée derriere la pupille: au lieu que les couleurs de la cataracte sont superficielles & tout proche des bords de l'uvée. Quoi qu'il en soit, la maladie caractérisée par le symptome essentiel du glaucome , est presque toûjours une maladie incurable; parce qu'on s'apperçoit rarement de son commencement; tems auquel on pourroit combattre l'épaississement qui se forme, par les fondans mercuriels & les autres remedes appropriés, pour rendre la fluidité aux humeurs viciées ou les détourner de la partie affectée. Voyez OEil , Crystallin , Vitré ( Corps-) ( d ) Ceux en qui cette maladie commence à se former, s'imaginent voir les objets à-travers d'un nuage ou de la fumée; & quand elle est entierement formée, ils n'apperçoivent aucune lumiere, & ne voyent plus rien. Les anciens qui pensoient que la cataracte n'étoit qu'une pellicule formée dans l'humeur aqueuse, regardoient le glaucome ou opacité du crystallin comme une maladie incurable. Actuellement qu'on a des connoissances positives sur le caractere de la cararacte, on donne le nom de glaucome à l'induration contre nature & à l'opacité du corps vitré. Elle peut passer pour incurable dans les personnes âgées, & même dans d'autres circonstances elle est extrèmement difficile à guérir, les remedes externes n'étant d'aucune utilité, & les internes n'offrant pas de grandes ressources: ceux qui paroissent convenir le plus, sont ceux dont on se sert dans la goutte sereine. Voyez Goutte sereine . Julius Caesar Claudinus, consult. 74. donne un remede pour le glaucome . Maître-Jan, dans son traité des maladies de l'oeil , distingue ainsi le glaucome de la cataracte. Le glaucome , selon lui, est une altération toute particuliere du crystallin, par laquelle il se desseche, diminue de volume, change de couleur, & perd sa transparence en conservant sa figure naturelle & devenant plus solide. Les signes qu'il donne pour distinguer cette altération d'avec la cataracte, sont fort équivoques; ce qu'il assûre le plus positivement, c'est que dans le glaucome la membrane qui recouvre le crystallin n'est point altérée; de-là les cataractes luisantes lui sont très-suspectes, dans la crainte qu'elles ne soient des glaucomes ou fausses cataractes, ou pour le moins qu'elles n'en participent. Cet auteur assûre que les glaucomes sont absolument incurables. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAUCUS Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie Part of Speech=s.m. GLAUCUS GLAUCUS, s. m. ( Mythologie. ) dans la Fable, c'est un dieu marin fils de Neptune & de Naïs, selon Evante, & selon Athénée d'Eubée & de Polybe, fils de Mercure. Dans l'histoire, Glaucus n'étoit qu'un habile pêcheur de la ville d'Anthédon en Béotie: il savoit si bien plonger, qu'il alloit souvent sous l'eau aborder dans des lieux écartés, pour s'y cacher quelque tems; & lorsqu'il étoit de retour, il se vantoit d'avoir passé tout ce tems là dans la compagnie de Thétis, de Neptune, d'Amphitrite, de Nérée, des Néréïdes, & des Tritons: cependant il eut le malheur de se noyer, ou peut-être d'être dévoré par quelque poisson; mais cet évenement servit à l'immortaliser. On publia dans tout le pays, qu'il avoit été changé en dieu de la mer; & cette merveille fut consacrée d'âge en âge. Philostrate est presque le seul qui mette Glaucus au nombre des Tritons, & qui se plaise à le peindre sous cette derniere forme. « Sa barbe, dit-il, est humide & blanche; ses cheveux lui flottent sur les épaules; ses sourcils épais se touchent & paroissent n'en faire qu'un seul: ses bras sont en maniere de nageoires; sa poitrine est couverte d'herbes marines: tout le reste de son corps se termine en poisson, dont la queue se recourbe jusqu'aux reins, & les » alcyons volent sans cesse autour de lui. Cependant la ville d'Anthédon plaça Glaucus au nombre des dieux marins, lui bâtit un temple, & lui offrit des sacrifices. Ce temple rendit des oracles qui furent consultés par les matelots; & l'endroit même où Glaucus périt, devint si célebre, que Pausanias raconte que de son tems on montroit encore le saut de Glaucus , c'est-à-dire le rocher du haut duquel il se jettoit dans la mer. Tant de renommée engagea les Poëtes & quelques autres auteurs, à débiter sur Glaucus un grand nombre de fables toutes merveilleuses. Euripide assûre que ce dieu étoit l'interprete de Nérée, & qu'il prédisoit l'avenir avec les Néréïdes; c'est de lui-même, ajoûte Nicander, qu'Apollon apprit l'art de prophétiser: ce fut lui, selon Apollonius, qui sortit du fond des eaux sous la figure d'un dieu marin, pour annoncer aux Argonautes que le destin s'opposoit au voyage d'Hercule dans la Colchide, & qu'il avoit bien fait de l'abandonner. Ovide ne pouvant enchérir sur le don de prophétie dont on avoit honoré Glaucus , se mit à broder l'histoire de sa métamorphose: il nous dit à ce sujet que ce fameux pêcheur ayant pris un jour quelques poissons, il les posa sur le rivage, & s'apperçut que l'attouchement d'une certaine herbe leur redonnoit leur premiere vigueur, & les faisoit sauter dans la mer: curieux de tenter sur lui-même l'expérience de cette herbe, il en eut à peine mâché, qu'il sentit un si grand desir de changer de nature, que ne pouvant y résister, il se précipita sur le champ au fond des eaux. I'Océan & Thétis le voyant arriver, le dépouillerent de tout ce qu'il avoit de mortel, & l'admirent au nombre des dieux marins. Après tout ce détail, on ne peut plus confondre notre Glaucus , dieu marin dans la fable, & surnommé glorieusement dans l'Histoire, Glaucus le Pontique , avec les autres Glaucus dont nous ne parlerons pas ici, quelle qu'ait eté leur célébrité: on le distinguera donc sans peine de Glaucus fils de Minos, second roi de Crete; de Glaucus le Généreux , petit-fils de Bellérophon, qu'Enée vit dans les enfers parmi les fameux guerriers; de Glaucus , fils de Démyle, qui s'acquit tant d'honneur par ses victoires dans les jeux gymniques; de Glaucus , fils d'Hyppolite, étouffé dans un tonneau de miel & ressuscité par Esculape; & enfin de Glaucus l'argonaute, fils de Sysiphe, qui fut déchiré, selon la fable, par ses jumens qu'il nourrissoit de chair humaine; ce que Paléphate explique de ses dépenses excessives en chevaux, qui le mirent à la mendicité; folie qui fut l'occasion du proverbe latin, Glaucus alter , qu'on a depuis lors appliqué à tous ceux qui se ruinent en ce genre de magnificence. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAURA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Chimie Part of Speech=NA GLAURA GLAURA, ( Hist. nat. & Chimie. ) c'est le nom qu'Augurel, le Lucrece de la philosophie hermétique, donne au bismuth. Voyez Bismuth . Paracelse donne le même nom à un ambre qui n'est pas encore mûr. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLAYEUL Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GLAYEUL GLAYEUL, s. m. gladiolus , ( Hist. nat. Bot. ) genre de plante à fleur monopétale, liliacée, faite en forme de tuyau par le bas, évasée & divisée par le haut en deux levres dont la supérieure est pliée en gouttiere, & l'inférieure découpée en cinq parties. Le calice soûtient la fleur, & devient un fruit oblong, divisé en trois loges, & rempli de semences arrondies & enveloppées d'une coëffe. Chacune des racines de cette plante est tuberculeuse, charnue, & soûtenue par une autre racine. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glayeul, Flambe, ou Iris Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Glayeul, Flambe Glayeul, Flambe , ou Iris , ( Mat. med. ) Voyez Iris . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glayeul puant Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Glayeul puant Glayeul puant , ( Botan. ) espece d'iris sauvage à feuilles puantes. Xyris , Dod. Matth. J. Bauh. Lob. Cast. Camer. Ger. Raii, hist. Ugo, offic. gladiolus foetidus , C. B. P. 30. iris foetidissima, seu xiris , inst. R. 360. iris foliis ensiformibus, corolullis imberbibus, petalis interioribus, longitudine stigmatis , Linn. Hort. Cliff. 19 . Sa racine est dans les commencemens ronde à-peu-près comme un oignon; elle devient ensuite courbée, genouillée, s'enfonce en terre, pousse un grand nombre de fibres longues, entre lacées, d'un goût très-acre: elle jette quantité de feuilles longues d'un à deux piés, plus étroites que celle de l'iris commune, pointue comme un glaive, d'un verd noirâtre & luisant, d'une odeur puante comme la punaise, quand on les frotte ou qu'on les broye dans la main. Sa tige s'éleve du milieu des feuilles; elle est droite, lisse, porte au sommet des fleurs semblables à celles de l'iris, seulement plus petites, composées de six pétales, d'un pourpre sale, tirant sur le bleuâtre. Lorsque ces fleurs sont passées, il leur succede des fruits oblongs, anguleux, qui s'ouvrant dans leur maturité en trois endroits, comme ceux de la pivoine, montrent des semences rondelettes, grosses comme de petits pois de couleur rouge, & d'une saveur acre & brûlante. Le glayeul-puant croît aisément par-tout, aux lieux humides, le long des haies, dans les bois taillis, dans les brossailles, & dans les vallées ombrageuses; il fleurit en Juin & Juillet, & sa semence mûrit en Août & Septembre. Sa racine séchée & pulvérisée, à la dose d'une dragme ou deux, dans un véhicule convenable, est un puissant hydragogue, mais qu'on employe rarement, parce qu'on en connoît de beaucoup meilleurs. Needham & Bowles en font un grand éloge dans les écroüelles & l'asthme humide: mais l'expérience n'a point justifié leurs éloges. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glayeul puant Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Glayeul puant Glayeul puant , ( Mat. med. ) La racine & la semence de cette plante, sont diurétiques & hydragogues; elles sont vantées par quelques auteurs contre l'hydropisie, les obstructions, les rhûmatismes, les écroüelles, & l'asthme humide; mais toutes ces vertus particulieres n'ont rien de réel, du-moins de constaté. Ce remede est très-peu usité: on pourroit cependant l'employer dans le cas de nécessité contre les affections qui indiquent l'emploi des hydragogues, à la dose d'un ou deux gros en décoction. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLEBE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GLEBE GLEBE, s. f. ( Jurispr. ) signifie le fond d'une terre; il y avoit chez les Romains des esclaves qui étoient attachés à la glebe , & que l'on nommoit servi glebae adscriptitii; il y a encore dans quelques provinces des serfs attachés à la glebe. Voy. Esclaves mortaillables & Serfs . Parmi nous il y a certains droits incorporels qui sont attachés à une glebe , c'est-à-dire à une terre dont ils ne peuvent être séparés, tels que le droit de justice, le patronage. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLENE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GLENE GLENE, s. f. ( Anatomie. ) est un nom qui se donne à une cavité de moyenne grandeur creusée dans un os dans laquelle s'emboîte ou est reçû quelqu'autre os; ce qui la distingue du cotyle, qui est une cavité plus grande & plus profonde, destinée à la même fonction. Voyez Cotyle , Cotyloïde , Glenoïte . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLENOIDE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GLENOIDE GLENOIDE, adj. en Anatomie , est le nom que l'on donne à la cavité que l'on remarque à l'angle antérieur supérieur de l'omoplate. Voyez Omoplate . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLESUM Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.m. GLESUM GLESUM, s. m. ( Hist. nat. ) nom donné par plusieurs anciens naturalistes, à l'ambre jaune ou au succin. Voyez Succin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLETTE Author=Villiers Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=s.f. GLETTE GLETTE, s. f. ( Chimie, Métallurgie. ) nom que les Monnoyeurs donnent quelquefois à la litharge; ils nous vient des Allemands qui l'appellent glotte. Voyez Litharge . Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLETSCHERS Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GLETSCHERS GLETSCHERS, ( Hist. natur. ) nom que l'on donne en allemand aux montagnes de glace de la Suisse, & aux phénomenes qui les accompagnent: on les nomme en françois glaciers. Voyez Glaciers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLIMMER Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.m. GLIMMER GLIMMER, s. m. ( Hist. nat. Minéralogie. ) c'est ainsi que les minéralogistes allemands nomment la pierre talqueuse & luisante, que l'on désigne communément par le nom de mica. Voyez Mica . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLIPHE ou GLYPHE Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GLIPHE ou GLYPHE GLIPHE ou GLYPHE, s. m. du grec glyphis , gravûre, terme d'Architecture; c'est généralement tour canal creusé en rond ou en onglet, qui sert d'ornement en Architecture. Voyez Trigliphe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLISCO-MARGA Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=NA GLISCO-MARGA GLISCO-MARGA , ( Hist. nat. Minéral. ) ce nom a été employé par Pline; M. Wallerius croit qu'il a voulu désigner par-là la marne blanche; d'autres pensent que c'est la craie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLISSÉ Author=unknown Normalized Classification=Danse Part of Speech=s.m. GLISSÉ GLISSÉ, s. m. ( Danse. ) en terme de Danse; le pas glissé se fait en passant le pié doucement devant soi, & en touchant le plancher très-legerement. On doit entendre que ce pas est plus lent que si l'on portoit le pié sans qu'il touchât à terre: ainsi glisser signifie un pas très-lent . Ce pas fait en partie la perfection du coupé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLISSER Author=d'Alembert Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=v.neut. GLISSER GLISSER, v. neut. ( Méchan. ) se dit quand un corps se meut sur une surface plane, de maniere que la même partie ou le même point du corps touche toûjours cette surface: c'est ce qu'on appelle en Méchanique, superincessus radens . Si le corps se meut sur une surface plane, de maniere qu'il applique successivement à cette surface différentes parties ou différens points, on dit alors que le corps roule: il en est de même s'il se meut sur une surface courbe sur laquelle il applique toûjours la même partie; car alors il ne peut se mouvoir sans tourner au-moins en partie; de maniere que sa partie supérieure a plus ou moins de mouvement que sa partie inférieure, selon que la surface est convexe ou concave. Le mot glisser pris dans le sens le plus exact, suppose que toutes les parties du corps se meuvent d'un mouvement égal, c'est-à-dire décrivent dans le même tems des lignes égales & paralleles. Lorsqu'un corps est frappé suivant une direction qui passe par son centre de gravité, & qui est perpendiculaire à l'endroit frappé de la surface du corps, ce corps tend à se mouvoir en glissant , & il se mouvroit en effet de cette maniere, si les aspérités de sa surface & celles de la surface sur laquelle il se meut, ne l'obligeoient quelquefois à tourner. Voyez Roulement , Frottement , Roue d'Aristote &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLISSON, (capsule de) Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA GLISSON GLISSON, ( capsule de ) Anatom . Glisson, docteur & professeur en Medecine dans l'université de Cambridge, & membre du collége des medecins de Londres, a composé un traité sur les parties contenantes en général, & en particulier sur celles de l'abdomen, avec un traité sur le ventricule & les intestins: il a donné sur tout une anatomie très-exacte du foie. On appelle l'espece de membrane qui enveloppe les vaisseaux du foie & les unit tout ensemble, capsule de Glisson. Voyez Foie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOBE Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie Part of Speech=NA GLOBE GLOBE, en terme de Géométrie , est un corps rond ou sphérique, appellé plus communément sphere. Voyez Sphere . Au reste le mot sphere , entant qu'il signifie un globe , ne s'employe guere qu'en Géométrie: dans les autres sciences, comme la Physique, la Méchanique, &c. on dit globe plûtôt que sphere , lorsqu'on veut exprimer un corps parfaitement & également rond en tout sens. On regarde la terre & l'eau comme formant ensemble un globe que nous appellons le globe terrestre , & que les Latins ont exprimé plus proprement par orbis terraqueus. Voyez Terraqué . Cette supposition ne sauroit être fort éloignée de la vérité: car quoique les mesures des degrés nous apprennent que la terre n'est pas parfaitement ronde, cependant la figure qu'elle a est assez peu éloignée de la figure sphérique, pour qu'on puisse la regarder comme telle. Voyez Globe , ( Astronom. & Géog. ) ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Globe Author=Robert de Vaugondy|d'Alembert Normalized Classification=Astronomie | Géographie Part of Speech=NA Globe Globe , ( Astronom. & Géogr. ) On appelle globe céleste & globe terrestre , deux instrumens de Mathématique, dont le premier sert à représenter la surface concave du ciel avec ses constellations; & le second la surface de la terre, avec les mers, les îles, les rivieres, les lacs, les villes, &c. Sur l'un & l'autre, l'on trouve décrites plusieurs circonférences de cercle qui répondent à des cercles que les Astronomes ont imaginés pour pouvoir rendre raison du méchanisme de l'univers. L'on en distingue dix principaux, savoir six grands & quatre petits; les premiers sont l'équateur, le méridien, l'écliptique, le colure des solstices, le colure des équinoxes, & l'horison; les seconds sont les tropiques du cancer & du capricorne, & les deux cercles polaires. Voyez ces mots . Le globe & la sphere different, en ce que le globe est plein & la sphere évuidée. Voyez Armillaire . Nous ignorons par qui & en quel tems ces instrumens ont été inventés: il est certain cependant qu'on en connoissoit l'utilité du tems d'Archimede. Strabon, liv. II. p. 116. nous parle d'un globe de Cratès, comme d'un moyen très-avantageux pour représenter au naturel les parties connues de la terre. Ce Cratès étoit de Mallus en Cilicie; il avoit été maître de Panaetius de Rhodes, qui vivoit 130 ans avant J. C. Les principaux globes que l'on connoisse depuis le renouvellement des Sciences en Europe, sont ceux de Tycho, célebre astronome, dont un de quatre piés sept pouces une ligne de diametre, fut exécuté en cuivre, que M. Picard a vû en 1671 à Copenhague, dans l'auditoire de l'académie; & un autre qui par sa grandeur énorme frappa d'étonnement le czar Pierre le Grand: douze personnes peuvent s'asseoir dedans autour d'une table, & y faire des observations; il fut transporté de Gottorp à Petersbourg, où M. Delisle, l'astronome, dit l'avoir vû & orienté lui-même. L'on connoît en France les beaux globes que le cardinal d'Etrées fit exécuter & dédia à Louis XIV. ils ont douze piés de diametre. Ils avoient été placés à Marly, mais ils sont présentement à Paris dans la bibliotheque du Roi. Coronelli se signala par des globes de trois piés huit pouces de diametre, pour l'exécution desquels les princes de l'Europe souscrivirent; le céleste fut fait en France, & le terrestre à Venise. Au commencement de ce siecle, Guillaume Delisle en composa d'un pié de diametre. Les plus nouveaux enfin sont ceux qui furent faits par ordre du roi, & publiés en 1752. L'Angleterre a vû ceux de Senex, célebre astronome; & l'on attend les nouveaux dont la société royale de Gottingue avoit publié le projet de souscription, lorsqu'elle résidoit à Nuremberg. Il seroit inutile de s'étendre davantage touchant toutes les différentes sortes de globes qui ont été publiés depuis; ils sont plûtôt l'objet du commerce de leurs auteurs, que la preuve de leurs connoissances dans la composition de ces ouvrages. Il convient plûtôt de traiter de la construction de ces instrumens; je la distingue en deux parties, l'une purement géométrique, & l'autre méchanique. La premiere donne la méthode de disposer sur une surface plane les élémens qui constituent la surface sphérique du globe; & la seconde donne la construction des boules & de tout ce qui en concerne la monture, pour faire des globes complets. Si l'on considere une boule dont les deux poles sont marqués, & dont l'équateur est divisé en 360 degrés; les cercles qui passeront par les deux poles & par chacun de ces degrés, renfermeront un espace qui va toûjours en diminuant depuis l'équateur jusqu'à l'un & l'autre pole: c'est cet espace que l'on appelle fuseau . Il s'agit de trouver les élémens de la courbe qui renferme cet espace. Il semble que plus on multiplieroit ces fuseaux, plus on approcheroit de l'exactitude: mais la pratique contredit en cela la théorie; c'est pourquoi l'on se contente ordinairement de partager l'équateur en douze parties égales. Pour tracer les fuseaux . Tirez la droite AB ( fig. 1 . ), égale au rayon du globe que vous voulez construire. Voyez la Pl. des globes , à la suite des Pl. de Géographie . Du point A comme centre, décrivez le quart de circonférence ABC , que vous diviserez en trois parties égales aux points D, E . Tirez BE , corde de trente degrés. Coupez en deux également au point F l'arc BE . Tirez la corde BF; elle sera la demi-largeur du fuseau, & trois fois la corde BE de trente degrés, donnera la longueur du même fuseau. Il s'agit présentement d'en décrire la courbe: pour y parvenir, tirez la droite GH égale à deux fois la corde BF de quinze degrés. Fig. 1 . Elevez sur le milieu I de cette ligne GH la perpendiculaire indéfinie IK . Portez sur cette perpendiculaire trois fois la longueur de la corde CD de la premiere figure, de 30 degrés: savoir de I en L, M, N; & subdivisez chacun de ces espaces en trois parties égales, elles vous donneront sur la ligne IK un point 10, 20, 30, &c. de chacun des cercles paralleles à l'équateur. Décrivez ensuite sur une ligne égale à GH de la fig. 2 . une demi circonférence GON ( fig. 3 . ) Divisez chaque quart de cercle GO, NO , en neuf parties égales, c'est-à-dire de 10 en 10 degrés. Par ces divisions correspondantes 10, 10; 20, 20, &c. tirez des lignes paralleles au diametre GN . Portez la moitié de chacune de ces cordes successivement sur les lignes paralleles qui coupent la ligne IK ( fig. 2 . ). Par exemple, la moitié de la corde 10, 10 du demi-cercle ( fig. 3 . ) sur la premiere parallele aa ( fig. 2 . ) de 10 en a de part & d'autre; la moitié de la corde 20, 20 sur la seconde parallele b, b, & ainsi de suite jusqu'en N . Joignez tous les points a, b, c, d, e, f, g, h, N , par des lignes droites, vous aurez la courbe cherchée du demi-fuseau. L'on remarquera aisément que cette courbe sera d'autant plus juste, que l'on aura divisé la ligne IN ( fig. 2 . ) & la demi circonférence GON ( fig. 3 . ) en un plus grand nombre de parties. Il est avantageux de tracer ce fuseau en cuivre, pour le faire aussi juste qu'on peut le desirer. Ce fuseau étant donc ainsi construit, il faut tracer sur une feuille de papier une ligne indéfinie, sur laquelle l'on portera 12 fois la largeur GH du fuseau, si on la fait de 30 d ; ou 24 fois, si elle comprend 15 d . Vous diviserez chaque espace en deux parties égales; & par tous ces points de division vous éleverez des perpendiculaires. Pour lors, si vous posez avec précision ce demi fuseau de cuivre, ensorte que sa base convienne avec la ligne, & sa pointe avec la perpendiculaire qui tombe sur le milieu de chaque douzieme partie de cette même ligne, vous tracerez les courbes des fuseaux. Pour décrire sur ces fuseaux les arcs qui font partie des cercles paralleles à l'équateur, divisez en neuf parties égales chacune des courbes qui forment la circonférence des demi-fuseaux; par ces points de division & ceux de la ligne du milieu de chaque fuseau faites passer des portions de circonférences de cercle, elles seront les parties des paralleles cherchés. Il est facile encore de trouver les centres de ces arcs par le moyen des tangentes ( voyez Tangente ) calculées de 10 en 10 ou de 5 en 5 degrés, eu égard au rayon du globe que l'on veut construire. Pour le 80 e parallele, il faut prendre avec un compas sur une échelle ou sur le compas de proportion la longueur de la tangente de 10 degrés, poser une pointe du compas sur la ligne du milieu du fuseau au point du 80 e parallele, & porter l'autre pointe de ce compas sur la même ligne, prolongée autant qu'il en sera besoin; cette longueur donnera le centre de l'arc proposé. Pour le 70 e parallele, il faut prendre la tangente de 20 degrés; pour le cercle polaire, celle de 23 d 1/2, c'est-à-dire qu'il faut toûjours prendre la tangente du complément de la distance du parallele à l'équateur; & l'on aura successivement les centres de tous les paralleles. Les méridiens se traceront, en divisant chacun de ces arcs de paralleles en trois parties égales, si on veut avoir ces méridiens de 10 en 10 degrés ou en six parties égales, pour les avoir de 5 en 5 degrés, & en joignant ces points de divisions par des lignes droites. Il ne reste plus que l'écliptique à tracer. Pour cela il faut considérer que l'écliptique étant un grand cercle qui coupe le globe en deux parties égales, & qui est incliné à l'équateur, la moitié doit s'en trouver dans la partie supérieure de six fuseaux, & l'autre moitié dans la partie inférieure des six autres. C'est pourquoi il faut prendre les trois premiers fuseaux qui sont compris entre le point équinoxial & le point solstitial 69 . Divisez en degrés un des demi-méridiens qui fait une partie de la circonférence d'un fuseau; par exemple, la courbe AE ( fig. 4 . ) du 1 er fuseau AEB qui passe par le point équinoxial , & qui sera aussi le premier méridien sur le globe . Prenez sur ce méridien 12 d . 16. que vous porterez de B en a sur les courbes BE, BF des deux premiers fuseaux; portez de C en b 20 d . 38. sur les courbes CF, CG du second & du troisieme fuseau; portez enfin 23. 28. de D en c sur la courbe DG du troisieme fuseau. Joignez ces points par des lignes droites, elles vous donneront un quart de l'écliptique; les trois autres quarts se décriront de même, en partant toûjours du premier & du 180 e méridien, qui sont les colures des équinoxes. Tous ces cercles étant tracés, l'on divisera, si l'on veut opérer avec exactitude, chaque fuseau de degré en degré, tant pour les méridiens que pour les paralleles; & l'on dessinera les côtes, les rivieres, les îles, en un mot tout ce qui peut entrer de détail dans la composition géographique du globe terrestre, d'après les mémoires, les cartes les plus exactes, & les observations les plus autentiques. Ce dessein du globe terrestre étant fait, c'est au graveur ensuite à le mettre sur le cuivre pour l'exécuter. Toutes les opérations précédentes sont communes aux globes céleste & terrestre; il s'agit cependant de convenir pour le céleste du calcul dont on doit se servir pour y placer les étoiles. Comme l'on a remarqué pour les étoiles deux mouvemens principaux, l'un d'Orient en Occident sur les poles du monde, & l'autre d'Occident en Occident sur les poles de l'écliptique: le premier donne les ascensions droites & les déclinaisons des étoiles ( voyez Ascension droite & Declinaison ); & le second leurs longitudes & leurs latitudes. Dans le premier cas, les cercles qui nous ont donné pour le globe terrestre les longitudes & les latitudes, se convertissent sur le globe céleste en ascensions droites & déclinaisons; & l'équateur avec l'écliptique auront la même disposition. Mais si l'on se sert des longitudes & des latitudes célestes, pour lors le cercle qui nous servoit d'équateur sur les fuseaux du globe terrestre, deviendra l'écliptique sur ceux du céleste; & l'équateur se tracera sur ces derniers, comme l'écliptique l'a été sur les premiers. Dans ce dernier cas, supposant les courbes des fuseaux tracées, il ne s'agit plus que de donner une méthode pour décrire les colures des équinoxes, les tropiques du Cancer & du Capricorne, & les cercles polaires. Pour tracer le colure des équinoxes, il s'agit de trouver les points où ce cercle coupe la partie supérieure des trois premiers fuseaux, & par conséquent la distance de ces points à l'écliptique, ce qui s'opere aisément par la Trigonométrie sphérique ( voyez Trigonometrie ), en disant: le sinus total est à la tangente de 66. 32. inclinaison de ce colure à l'écliptique, comme 30 & 60 degrés pour AB & AC ( fig. 5 . ) sont à 49 d & 63 d 30'. Portant donc 49 d depuis le point B jusqu'en aa des circonférences BE, BF des deux premiers fuseaux; portant aussi 63 d 3'de C en bb sur les circonférences CF, CG du second & troisieme fuseau; & enfin 66 d 32'de D en cc sur la circonférence DG du troisieme fuseau, les lignes droites tirées par ces points donneront le quart du colure. Il faut répéter la même opération pour les trois autres fuseaux qui suivent, & agir de même pour la partie inférieure des six autres. Quant aux tropiques, l'on prendra, si l'on veut, celui du Cancer qui se trouve dans la partie supérieure des fuseaux. L'on sait qu'il touche l'écliptique au point marqué 69 ou A . En partant de ce point, l'on portera 3 d 23'de B en a ( fig. 6 . ) sur les circonférences BH, BI des deux 1 ers fuseaux; 12 d 53'de C en b sur les circonférences CI, CK du second & troisieme fuseau; 25 d 46'de D en c sur les circonférences DK, DL du troisieme & quatrieme fuseau; 37 d 25'de E en d sur EL, EM; 44. 39. de F en e sur FM, FN; enfin 47 d sur GN , circonférence du dernier fuseau: ce qui fait la moitié du tropique. La même opération se fait pour le tropique du Capricorne, en observant qu'il doit toucher l'écliptique au point opposé au premier, & qu'il doit se tracer dans la partie inférieure des six autres fuseaux. Le centre commun aux arcs qui doivent passer par les points correspondans d'un même fuseau, se trouve de cette maniere. L'on joint ces deux points, tels que A, a , par une ligne droite, au milieu de laquelle on éleve une perpendiculaire indéfinie. L'on prend ensuite avec un compas la longueur de la tangente de 66 d 32'proportionnelle au rayon du globe; l'on pose une pointe de ce compas sur un des points A de la courbe AH , & de l'autre point l'on trace une section; l'on fait la même chose à l'autre point A de la courbe BH , & le point d'intersection qui se trouve dans la perpendiculaire est le centre de l'arc requis. A l'égard des cercles polaires, il suffit d'en tracer la moitié, touchant le pole de l'écliptique au point K. L'on portera 43 d de A en g sur la courbe AH du premier fuseau AHB; 48. 44. de B en h sur les courbes BH, BI du premier & du second fuseau; enfin 65 d 28'de C en i sur les courbes CI, CK du second & troisieme fuseau. L'on trouvera les centres des arcs qui doivent passer par ces points gh, hi, ik , en prenant, comme ci-dessus, avec le compas la longueur de tangente de 23 d 28', elle sera le rayon des cercles qui doivent passer par ces points. Ces fuseaux du globe céleste étant donc construits avec tous les cercles dont il doit être composé, l'on divisera tous les paralleles à l'écliptique ou latitudes, de même que les longitudes célestes, de degrés en degrés, pour pouvoir poser les étoiles à leur juste place, conformément aux meilleurs catalogues que l'on en a faits; l'on enveloppe ensuite les amas d'étoiles appellées constellations , dans des figures d'hommes & d'animaux dont on est convenu; enfin l'on ajoûte à chaque étoile, distinguée selon sa grosseur, les caracteres introduits par Bayer, dont les Astronomes font usage pour pouvoir se reconnoître dans leurs observations; & le dessein du globe céleste est entierement fini. Des deux méthodes de placer les étoiles, savoir par les ascensions droites & déclinaisons & par les longitudes & latitudes célestes, la derniere est préférable par le tems & le travail qu'elle épargne; d'autant plus qu'il ne faut qu'ajoûter aux tables calculées par longitudes le nombre de degrés & de minutes, eu égard au tems auquel ces tables ont été calculées, & à raison d'un degré en 72 ans; au lieu que par les ascensions droites & les déclinaisons, il faut calculer le lieu de chaque étoile pour ces deux objets différens. Or, quand on seroit assûré de n'avoir point fait de faute dans son calcul, il est toûjours certain que l'épargne du tems auroit été un gain plus considérable. Description de la méchanique des globes . Dans la construction méchanique des globes , rien n'est plus essentiel que la précision dans la rondeur & la monture des boules. C'est à l'expérience jointe à la théorie que j'ai de ces instrumens, que je suis redevable du détail dans lequel je vais entrer. Les outils nécessaires qui entrent dans la main-d'oeuvre d'un globe , ne sont pas en grand nombre. Il faut avoir premierement un demi-fuseau ABC de cuivre ou de fer-blanc, proportionné aux boules que l'on veut construire. A est la pointe du fuseau, BC son pié de diametre; il faut y laisser environ un pouce & demi de plus que la moitié de son grand axe. Figure 1 . Planche II . 2°. Une ou plusieurs demi boules ABC ( fig. 2 . ) de bois bien dur, tel que des souches de racines d'orme tortillard, qui ayent été long-tems exposées au soleil, pour ne pas être sujettes à se fendre. Ces demi-boules doivent être portées sur un seul pié, quand elles sont petites; & sur trois piés, lorsqu'elles doivent servir à faire des grosses boules. AB est un trait dans le plan de l'équateur de la boule, & à son pole C est une pointe. 3°. Un demi-cercle de fer ou de cuivre ( fig. 3 . ), dont la circonférence intérieure soit en biseau & juste du diametre de la boule à construire. Il doit être d'une largeur & d'une épaisseur assez considérable pour pouvoir résister. Vers le milieu de ce demi-cercle l'on réserve une partie plus large percée de deux trous, pour être montés à vis sur un morceau de bois épais & oblong, au milieu duquel se trouve aussi un trou par lequel l'on fait passer une forte vis, pour fixer le tout sur un établi avec l'écrou que l'on serre en-dessous. A ce demi-cercle sont attachées par-derriere aux points H, K deux équerres vissées aussi dans le même morceau de bois. EF, GD sont deux petites broches cylindriques à oreille, qui font partie du diametre du demi-cercle; elles se poussent & se tirent dans un trou cylindrique; & on les fixe, quand on veut, par le moyen des vis F, G . C'est de l'exactitude de cet outil que dépend la précision des boules que l'on veut faire. La fig. 4 . représente des ciseaux montés sur un morceau de bois taillé en coin, & que l'on visse aussi sur l'établi quand on veut s'en servir. Ils sont destinés pour couper du carton de telle épaisseur qu'il soit. Pour commencer une boule, l'on prend une feuille de carton de pâte le plus mince que l'on trouve; l'on fixe sur cette feuille le fuseau de cuivre ABC par son sommet A; l'on trace avec un stilet douze demi-fuseaux qui se tiennent tous par le sommet. Il faut ensuite enduire de savon humide la demi boule de bois; de sorte que la couche de savon soit assez épaisse pour ne pas être dissoute par l'humidité du carton que l'on doit y appliquer, & de peur que la calotte que l'on veut mouler ne s'y attache. L'on applique cette premiere couche de fuseaux bien imbibée d'eau sur la demi-boule, ensorte que la pointe C de ce moule ( fig. 2 . ) passe par le trou commun au sommet des demi-fuseaux. Ce carton humide, obéissant au coup qu'on lui donne avec la main, s'applique exactement. On retient le tout par une corde que l'on tourne au-dessous du trait AB qui marque l'équateur de la boule, & l'on y fait un noeud coulant pour pouvoir la délier quand on veut. Il faut tailler ensuite vingt-quatre autres demi-fuseaux détachés que l'on imbibe aussi d'eau, & que l'on enduit de bonne colle de farine. On en applique une nouvelle couche; en sorte que chaque demi-fuseau recouvre d'un tiers les joints de ceux de la premiere couche, comme on le voit par le profil de la figure 5 . Ayant fait de même pour la troisieme couche, l'on enduit le tout de colle; & quand ces demi-fuseaux paroissent bien unis, on laisse sécher le tout naturellement. Il est avantageux d'avoir au moins deux moules de même calibre pour expédier l'ouvrage, & l'on doit faire en été une provision de ces calottes. Lorsque la calotte est bien seche, l'on y trace avec un trusquin ouvert de la distance AD ( fig. 2 . ) un trait qui termine la moitié juste de la boule. Il faut dénoüer la corde qui maintient la premiere couche de fuseau, & avec une lame mince détacher les bords du carton de dessus le moule. Si l'on a de la peine à enlever la calotte, il faut frapper dessus partout avec un maillet de buis; & il est rare après cela que l'on ne l'enleve pas: autrement ce seroit un défaut de savonnage, auquel il faut toûjours bien prendre garde. Ayant deux calottes seches & enlevées du moule, on les rognera au trait marqué par le trusquin avec les ciseaux destinés à cette opération ( fig. 4 . ). Ces calottes ainsi rognées, l'on en rape la coupe pour aggrandir la surface de la tranche, & pour donner plus de prise à la colle-forte qui doit les joindre. Un axe de bois appellé ordinairement os de mort , à cause de sa forme déliée vers son milieu, & qui a pour longueur le diametre intérieur de la boule qu'on veut faire, sert à assembler les deux calottes. Ses extrémités doivent être un peu sphériques; & l'on y réserve à chaque une douille qui doit passer à-travers le pole de chaque calotte que l'on perce avec un emporte-piece du diametre de la douille. Lorsque les boules sont d'une grosseur considérable, au lieu d'un simple axe, l'on se sert d'un autre ( fig. 6 . ) muni de quatre branches perpendiculaires entr'elles, qui sont destinées à soûtenir la soudure des deux calottes. L'on commence par fixer cet axe premierement dans une des calottes avec de la colle-forte que l'on met à une de ses extrémités, de même qu'au pole de la calotte où il doit être arrêté. Ensuite l'on attache sur la moitié des extrémités C, D, E, F , des quatre autres branches le bord de la calotte avec de la colle-forte & de petites pointes. Lorsque cet axe est ainsi fixé dans la premiere calotte, l'on fait de même pour la seconde calotte. Il faut à cette opération la plus grande promptitude possible, pour ne pas donner le tems à la colle-forte de se prendre avant que l'assemblage soit fait. Lorsque cet assemblage est fait, s'il est resté quelques endroits de la jointure sans colle, l'on y en introduit avec une petite spatule. La colle étant bien durcie, l'on rape la soudure jusqu'à ce qu'elle soit bien unie, & l'on y applique ensuite deux ou trois bandes de gros papier imbibées de celle de farine. Les boules ainsi préparées sont d'une grande solidité; mais elles seroient encore trop grossieres, pour pouvoir y appliquer les épreuves imprimées du globe . C'est pourquoi il faut proceder à les rendre encore plus parfaites. Pour cet effet l'on se servira du demi-cercle de fer dont on a parlé plus haut; l'on coupera les deux bouts excédens des douilles de l'axe qui traverse la boule, jusqu'à ce qu'ils soient pris justes dans le diametre du demi-cercle. L'on percera chaque bout d'un trou très-fin pour recevoir les petites broches cylindriques du demi cercle qui doivent tenir la boule comme dans un tour. S'il arrive que quelque petite éminence du carton frotte le demi-cercle, il faut les raper afin que la boule n'y touche en aucun endroit. L'on se sert ensuite d'une composition de blanc dont nous parlerons plus bas, pour enduire la boule jusqu'à ce qu'elle touche de toutes parts le demi-cercle. L'on doit observer de n'en pas trop mettre à chaque couche, de peur qu'il ne vienne à se fendre. La boule ainsi enduite tourne dans le demi-cercle qui en emporte le trop; on la retire ensuite pour la faire secher naturellement. Il faut répéter la même opération jusqu'à ce que l'on ne voye plus de jour entre le demi-cercle & la boule. Lorsqu'elle est presque finie, l'on doit éclaircir le blanc, en sorte qu'il ne soit que comme une eau blanche un peu épaisse: il sert à la polir; & le mastic étant bien sec est d'une consistance très-dure. Voici la maniere de préparer ce blanc ou ce mastic. Il faut prendre du blanc en gres pains dont se servent les Doreurs, l'écraser avec un rouleau de bois & le passer au tamis, pour l'avoir le plus fin qu'il est possible; prendre de la colle de Flandre, la plus blanche est la meilleure, parce qu'elle ne colore point la composition; une livre pesant de cette colle est la dose pour huit pains de blanc. L'on met tremper dans l'eau cette colle la veille; & lorsqu'elle est bien amollie, on la fait fondre sur un feu doux; puis on la passe par un tamis, pour n'y pas laisser de peaux qui feroient un mauvais effet. Lorsqu'elle est ainsi passée, l'on met tout le blanc écrasé dans une grande terrine propre à aller sur le feu; & l'on y verse petit-à-petit cette colle fondue, en broyant bien le tout avec les mains, comme si l'on pétrissoit une pâte. Le blanc ou le mastic étant ainsi achevé peut être mis tout de suite sur les boules; & lorsqu'il est refroidi, il faut le faire refondre sur un petit feu, & le remuer avec un bâton, de peur qu'il ne vienne à brûler. La boule étant entierement achevée, il est bon de s'assûrer si elle est absolument sphérique; elle en servira elle-même de preuve. Il la faut remettre dans le demi-cercle; & posant un stilet de cuivre à la division de l'équateur marqué sur cet instrument, l'on tracera ce cercle sur la boule en la tournant. Si l'on divise ensuite ce cercle en quatre parties égales, & que les points opposés soient présentés aux chevilles cylindriques du demi-cercle, en tournant cette boule, l'on tracera avec le stilet un cercle qui sera un des méridiens. Si enfin l'on prend sur ce dernier cercle deux points diamétralement opposés & à une distance quelconque des poles de la boule, & qu'on les présente de même aux chevilles du demi-cercle, l'on tracera encore un troisieme cercle qui doit couper les deux autres à leur commune section, si la boule est parfaitement ronde. Telle est la précision à laquelle je suis parvenu, lorsque j'ai dressé un ouvrier pour ces instrumens. Il s'agit présentement de poser les épreuves imprimées du globe sur cette boule. Pour y parvenir avec facilite, il faut diviser cette boule en douze fuseaux, & tracer les paralleles à l'équateur, de même que l'écliptique, les tropiques, & les cercles polaires. Le demi-cercle ou instrument que l'on a divisé exprès de 10 en 10 degrés, & où l'on a remarqué aussi les points des tropiques & des cercles polaires, servira à tracer ces cercles, en faisant tourner la boule dedans, & appliquant sur chaque division le stilet. Quant aux douze fuseaux, l'on divisera l'équateur en douze parties égales; & le demi-cercle rasant chacun de ces points, servira encore de regle pour tracer ces fuseaux. Il ne reste plus qu'à appliquer chaque fuseau du globe imprimé sur chacun des douze de la boule. Il faut découper séparément ces fuseaux imprimés, les humecter d'eau, & les imbiber de colle d'amydon; on les appliquera les uns après les autres sur la boule, en faisant convenir les paralleles de l'épreuve avec ceux de la boule; & l'on fera prêter l'épreuve autant qu'il le faudra, en la frottant avec un brunissoir, jusqu'à ce que le papier remplisse exactement sa place. L'on encollera ensuite la boule ainsi avec la même colle d'amydon un peu plus claire, en faisant tourner la boule dans les mains; l'on aura soin que l'encollage soit bien fait par-tout, & l'on suspendra la boule dans un lieu qui ne soit point exposé à la poussiere, jusqu'à ce qu'elle soit entierement seche. Cet encollage est un préparatif nécessaire pour recevoir les couches de vernis que l'on applique dessus. J'ai dit qu'il devoit être fait avec de la colle bien claire, parce que si elle étoit trop épaisse, elle feroit un corps qui viendroit à se gerser, & qui obligeroit le vernis à se fendre. Il faut à-présent monter cette boule dans un méridien. Or ce méridien peut être de carton ou de cuivre: le premier ne peut être bon que pour de petits globes; mais quand ils sont d'une certaine dimension, telle que d'un pié ou de dix-huit pouces, le méridien de cuivre est indispensable. Je ne parlerai point de la construction de ce dernier; c'est aux Ingénieurs en instrumens de Mathématiques à les construire. Les cartons dont on se servoit autrefois pour faire les méridiens, & les autres cercles des globes & des spheres, étoient composés de maculatures de rames & de pains de sucre, sur lesquelles l'on colloit plusieurs feuilles de papier de rebut; mais le mauvais service que l'on en retiroit, m'a fait préférer l'emploi de bon papier de gros-chapelet. Il faut au-moins vingt-quatre feuilles pour l'épaisseur d'un carton, qui, quand il est fait, & qu'il a passé sous la presse, se réduit au plus à deux lignes. L'on fait aussi l'horison du même carton; il ne s'agit que de prendre la grandeur convenable à ces cercles pour les tailler; l'on colle ensuite dessus les épreuves; on les encolle & on les vernit. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce qui concerne la fabrique des globes; les détails dans lesquels je suis entré m'ont paru suffisans, pour pouvoir en rendre la pratique aisée. Je terminerai cet article par une courte description de la monture nouvelle des globes que j'ai construits par ordre du Roi en 1752. La figure 7 . représente un de ces globes monté; son pié est en forme de cassolette couronnée par un bandeau circulaire A B C , dans lequel tourne l'horison de bois D E F , dont on voit le profil dans la fig. 8 . a b c d e f est la coupe de l'horison; g h est une petite plaque de cuivre vissée à cet horison pour empêcher qu'il ne se leve; I K est le bandeau circulaire qui tient aux branches du pié. Pour procurer à l'horison un mouvement commode qui n'obligeât point à déranger le pié du globe , l'on a imaginé un moyen très-simple représenté dans la fig. 9 . C'est une piece ronde de cuivre i k l m , percée dans le milieu d'un trou rond p q r s , dans lequel entre une douille cylindrique p q n o , faisant corps avec une autre piece cylindrique g c d h . Cette piece a une ouverture c d e f , dont la joue se trouve dirigée dans le centre de la douille p q n o; cette fente est d'une certaine largeur suffisante pour contenir une roulette a b sur laquelle le méridien de cuivre doit tourner. Tout ce méchanisme se place dans le centre de la noix, où les branches qui supportent l'horison viennent s'emboîter. Il faut le disposer ensorte que la distance depuis le bord a de la roulette a b , soit égale à celle du centre de la boule au bord extérieur du méridien. Pour lors le méridien entrant dans l'horison & posant sur la roulette, reçoit deux mouvemens, l'un vertical sur cette roulette, & l'autre qu'il communique à l'horison par le mouvement de la douille autour de son axe. L'on apperçoit aisément l'avantage que l'on retire de cette invention: lorsque l'on veut orienter le globe , il ne s'agit que de tourner cet horison, jusqu'à ce que la boussole qui y est posée, & dont le nord & le sud se trouvent dans le plan du méridien, indique la déclinaison convenable au tems de l'opération. Article de M. Robert de Vaugondy , Géographe ordinaire du Roi . Dans les Planches d'Astronomie , fig. 58 . on a représenté deux globes , soit céleste, soit terrestre, vûs suivant différens profils & différentes positions; la fig. 59 . n°. 2. représente la suite des fuseaux qu'on doit coller sur le globe; la fig. 60 . représente un de ces fuseaux divisé par degrés, & sur lequel on a tracé les portions de cercles qu'il doit contenir; enfin la fig. 61 . représente un quart de cercle de hauteur, dont la partie supérieure H s'adapte au zénith du globe , & sert à mesurer les distances des differens points du globe à l'horison, lorsque cela est nécessaire, comme on le verra dans la suite de cet article. Pour choisir de bons globes , il faut prendre garde que l'équateur & l'horison s'entre-coupent justement en deux parties égales; ce que l'on pourra reconnoître si l'on remarque que les points de section de ces deux cercles soient aux points du vrai orient & occident marqués au bord de l'horison, & que ces mêmes points soient distans de 90 degrés ou d'un quart de cercle des points du septentrion & du midi. On pourra encore s'assûrer si le globe est bien construit, en élevant le pole de 90 degrés, c'est à-dire en plaçant verticalement l'axe du globe , & en examinant si la circonférence de l'équateur s'ajuste bien avec celle de l'horison, & si l'horison coupe le méridien en deux parties égales; ce qui arrivera, si le 90 e degré compté depuis le pole de part & d'autre, se trouve à l'horison. Parmi les différens globes anciens que nous avons, on estime principalement ceux de Blaeu. Cet ouvrier, bien instruit des observations de Tycho, & qui a même publié un traité où il explique l'usage des globes avec beaucoup de clarté, a construit pour l'année 1640 des globes célestes si parfaits, qu'il est difficile de trouver rien de plus précis en ce genre; & d'autant que le catalogue des principales étoiles venoit d'être tout récemment restitué par Tycho, l'erreur de deux à trois minutes qui auroit pu se glisser dans la longitude de quelques étoiles de ce catalogue, ne sauroit être aucunement sensible sur des globes de 30 pouces. C'est pourquoi on peut s'en servir avec assez de précision, en observant pourtant de faire les corrections nécessaires pour les changemens arrivés aux positions des étoiles depuis 1640. Les globes de Coronelli sont fort beaux & les figures bien dessinées; mais il s'en faut bien qu'ils soient aussi exacts & aussi parfaits. Inst. astr. de M. le Monnier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Usages du Globe céleste Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Usages du Globe céleste Usages du Globe céleste . L'usage de cet instrument est des plus étendus pour résoudre un grand nombre de questions de l'Astronomie sphérique. Les points principaux sont contenus dans les problèmes & solutions ci-dessous, qui mettront le lecteur en état d'appliquer à d'autres cas l'usage qu'on peut faire de ce globe . Trouver l'ascension droite & la déclinaison d'une étoile représentée sur la surface du globe . Portez l'étoile sous le méridien immobile où sont marqués les degrés; alors le nombre de degrés compris entre l'équateur & le point du méridien, sous lequel est l'étoile, donne sa déclinaison; & le degré de l'équateur qui sous le méridien se rencontre avec l'étoile, est son ascension droite. Voyez Ascension & Déclinaison . Trouver la longitude & la latitude d'une étoile . Appliquez une des extrémités du quart de cercle de hauteur au pole de l'écliptique, dans l'hémisphere où est l'étoile; & portez le côté où sont marqués les degrés contre l'étoile, le degré marqué sur le quart de cercle à l'endroit de l'étoile, est sa latitude à compter depuis l'écliptique; & le degré de l'écliptique coupé par le quart de cercle, est sa longitude. Voyez Longitude & Latitude . Pour que le quart de cercle demeure durant cette opération bien fixé aux poles de l'écliptique par une de ses extrémités, il ne seroit pas mal d'attacher aux poles de l'écliptique une espece de stile, dans lequel on feroit entrer un des bouts du quart de cercle. Trouver le lieu du soleil dans l'écliptique . Cherchez le jour du mois dans le calendrier sur l'horison; & d'un autre côté cherchez sur l'horison dans le cercle des signes quel est le signe que le soleil occupe ce jour-là, & qui se trouve vis-à-vis le jour du mois. Cela fait, cherchez le même signe sur l'écliptique & sur la surface du globe; c'est-là le lieu du soleil pour ce jour-là. Voyez Lieu . Trouver la déclinaison du soleil . Le lieu du soleil pour le jour donné étant porté sous le méridien, les degrés du méridien compris entre l'équateur & le lieu en question, marquent la déclinaison du soleil pour ce jour-là. Trouver le lieu d'une planete avec son ascension droite, sa déclinaison, & sa latitude pour un tems donné . Appliquez une des extrémités du quart de cercle de hauteur à celui des poles de l'écliptique, qui a la même dénomination que la latitude de la planete; c'est-à-dire au pole septentrional, si la latitude de la planete est septentrionale; au pole méridional, si la latitude est méridionale: & portez le quart de cercle au degré de longitude donné dans l'écliptique; ce point est le lieu de la planete dans l'écliptique; & en le portant sous le méridien, vous trouverez l'ascension & la déclinaison de la planete, comme on l'a déjà enseigné pour les étoiles. Rectifier le globe , c'est-à-dire le placer de sorte qu'il représente l'état actuel ou la situation des cieux, pour quelqu'endroit que ce soit; comme pour Paris . 1°. Si le lieu proposé a une latitude septentrionale, élevez le pole septentrional au-dessus de l'horison; s'il a une latitude méridionale, élevez le pole méridional jusqu'à ce que l'arc compris entre le pole & l'horison soit égal à l'élévation donnée du pole, c'est-à-dire par exemple, que pour Paris il faudra élever le pole septentrional de 48 d 50'au-dessus de l'horison. De cette maniere le lieu dont il s'agit, se trouvera au zénith ou à l'endroit le plus élevé du globe . 2°. Attachez le quart de cercle de hauteur au zénith, c'est-à-dire à la latitude du lieu. 3°. Par le moyen d'une boussole ou d'une ligne méridienne, placez le globe de maniere que le méridien immobile de bois ou de cuivre se trouve dans le plan du méridien terrestre. 4°. Portez sous le méridien le degré de l'écliptique où est le soleil, & mettez l'aiguille horaire sur 12, alors le globe représentera l'état des cieux pour ce jour-là à midi. 5°. Tournez le globe jusqu'à ce que l'aiguille vienne à marquer quelque autre heure donnee, & pour lors le globe représentera l'état des cieux pour cette heure-là. Connoître & distinguer dans le ciel toutes les étoiles & planetes par le moyen du globe . 1°. Ajustez le globe à l'état du ciel pour le tems donné. 2°. Cherchez sur le globe quelque étoile qui vous soit connue, par exemple, celle qui est au milieu de la queue de la grande ourse. 3°. Observez les positions des autres étoiles les plus remarquables de la même constellation; & en levant les yeux de dessus le globe vers le ciel, vous n'aurez point de peine à y remarquer ces étoiles. 4°. De la même maniere vous pouvez passer de cette constellation à celle qui lui est voisine, jusqu'à ce que vous les connoissiez toutes. Voyez Etoile . Si vous cherchez le lieu des planetes sur le globe de la maniere qu'il est dit ci-dessus, vous pourrez les reconnoître également dans le ciel, en les comparant avec les étoiles voisines. Trouver l'ascension oblique du soleil, son amplitude orientale, son azimuth, & le tems de son lever . 1°. Disposez le globe de maniere que l'aiguille marque 12, & que le lieu du soleil se trouve sous le méridien: ensuite portez le lieu du soleil vers le côté oriental de l'horison; pour lors le nombre de degrés compris entre le degré de l'équateur porté contre l'horison & le commencement du Bélier, est l'ascension oblique du soleil. 2°. Les degrés de l'horison compris entre son point oriental & le point où est le soleil, marquent l'amplitude ortive. 3°. L'heure marquée par l'aiguille, est le tems du lever du soleil. Pour trouver l'azimuth du soleil, il faut d'abord observer que ces azimuths changent selon l'heure & selon le lieu du soleil. C'est pourquoi il faut d'abord disposer le globe selon l'élévation du lieu; ensuite il faut trouver le lieu du soleil dans l'écliptique, le mettre sous le méridien, & le stile horaire sur 12 heures; & après avoir attaché le quart de cercle de hauteur au zénith, on tourne le globe jusqu'à ce que le stile horaire soit sur l'heure donnée; & le globe demeurant en cet état, on tourne le quart de cercle de hauteur jusqu'à ce qu'il soit sur le lieu du soleil, ou que le degré du soleil occupe ce jour-là l'écliptique; ce qui étant fait, on comptera sur l'horison la distance comprise entre l'orient équinoxial & le degré, où le quart de cercle de hauteur rencontre l'horison, laquelle donnera l'azimuth cherché. Supposant, par exemple, que le lieu du soleil soit au dix huitieme degré du Taureau, on trouvera en la latitude de Paris, que l'azimuth du soleil à 9 heur. 34'du matin, est de 31 degrés. Voyez Azimuth . On voit par-là qu'il n'est pas absolument nécessaire de connoître la hauteur du soleil, pour connoitre son azimuth; mais si on veut trouver cette hauteur, on la connoîtra aisément en comptant sur le quart de cercle de hauteur le nombre de degrés compris entre l'horison & le lieu du soleil. Trouver la descension oblique du soleil, son amplitude occidentale, & le teins de son coucher . La solution de ce problème est la même que celle du précédent, excepté que le lieu du soleil doit être porté ici vers le côté occidental de l'horison. Trouver l'heure du lever & du coucher des signes . Si vous voulez savoir, par exemple, à quelle heure se leve le signe du Scorpion, quand le soleil est au premier degré du Bélier; mettez ce dernier degré sous le méridien & le stile horaire sur 12 heures; puis tournez le globe jusqu'à ce que le premier degré du Scorpion soit dans l'horison oriental, alors le stile horaire montrera l'heure du lever du Scorpion; & si vous transportez ce même degré dans l'horison occidental, vous verrez l'heure de son coucher marquée par le stile horaire. Trouver la longueur du jour & de la nuit . 1°. Cherchez le tems du lever du soleil, lequel étant compté depuis minuit, le double vous donne la longueur de la nuit. 2°. Otez la longueur de la nuit du jour entier ou de 24 heur. le restant est la longueur du jour. Voyez Jour & Nuit . Trouver les deux jours de l'année auxquels le soleil se leve à une heure donnée . Disposez d'abord le globe selon l'élévation du pole du lieu; ensuite mettez le premier point de Cancer sous le méridien & le stile sur 12 heures; puis tournez le globe du côté de l'Orient jusqu'à ce que le stile horaire soit sur l'heure donnée, & marquez sur le colure des solstices le point où il coupe l'horison; transportez ensuite ce même point sous le méridien, afin de voir quelle est sa déclinaison; & remarquez en même tems quels sont les degrés de l'écliptique qui passent sous le méridien & sous ce degré de déclinaison. Ces degrés sont ceux que le soleil parcourt le jour cherché; & on trouvera ce jour dans le cercle du calendrier tracé sur l'horison. Trouver le lever, le coucher, le point culminant d'une étoile, son séjour au-dessus de l'horison par rapport à quelque lieu ou jour donné, comme aussi son ascension oblique, sa descension, son amplitude orientale & occidentale . 1°. Ajustez le globe à l'état du ciel sur douze heures pour le jour donné. 2°. Portez l'étoile au côté oriental de l'horison, pour lors vous aurez trouvé son amplitude orientale & le tems de son lever, comme on l'a déjà fait voir en parlant du soleil. 3°. Portez la même étoile au côté occidental de l'horison, & vous trouverez par-là l'amplitude occidentale & le tems du coucher de l'étoile. 4°. Le tems du lever étant soustrait de celui du coucher, le restant vous donne le séjour de l'étoile au-dessus de l'horison. 5°. Ce séjour au-dessus de l'horison étant soustrait de 24 heures, le restant vous donne le tems de son séjour au-dessous de l'horison. 6°. Enfin l'heure marquée par l'aiguille, après que l'étoile a été portée sur le méridien, marque le tems du point culminant ou culmination de l'étoile. Voyez Lever , Coucher , Culmination , &c. Trouver l'azimuth & la hauteur d'une étoile à quelque heure donnée . Posez le lieu du soleil sous le méridien & le stile horaire sur 12 heures; ensuite tournez le globe vers l'orient ou vers l'occident, en sorte que le stile soit sur l'heure donnée; & le globe demeurant ferme en cet état, vous tournerez le quart de cercle de hauteur, jusqu'à ce que l'étoile rencontre le degré qui lui convient: ce degré sera celui de la hauteur demandée; & si vous comptez les degrés de l'horison compris entre le point de l'orient ou le point de l'occident & le vertical, vous aurez l'azimuth de l'étoile. La hauteur du soleil pendant le jour, ou d'une étoile pendant la nuit, étant donnée, trouver le tems ou l'heure correspondante de ce jour ou de cette nuit . 1°. Rectifiez le globe comme dans le problème précédent; 2°. tournez le globe & le quart de cercle jusqu'à ce que l'étoile ou le degré de l'écliptique, où est le soleil, coupe le quart de cercle dans le degré donné de hauteur, pour lors l'aiguille marquera l'heure que vous cherchez. L'azimuth du soleil ou d'une étoile étant donnée, trouver l'heure du jour ou de la nuit . Rectifiez le globe , & portez le quart de cercle à l'azimuth donné dans l'horison; tournez le globe jusqu'à ce que l'étoile y soit arrivée, pour lors l'aiguille marquera le tems que vous cherchez. Trouver l'intervalle de tems qu'il y a entre les levers de deux étoiles, ou entre leurs culminations . 1°. Elevez le pole du globe d'autant de degrés au dessus de l'horison, que le demande l'élévation du pole du lieu où vous êtes. 2°. Portez la premiere étoile contre l'horison, & observez l'heure marquée par l'aiguille. 3°. Faites la même chose pour la seconde étoile; & pour lors en déduisant le premier tems du second, le restant donne l'intervalle entre les deux levers; & en approchant les deux étoiles du méridien, vous trouverez l'intervalle qu'il y a entre les deux culminations ou points culminans. Trouver le commencement & la fin du crépuscule . 1°. Rectifiez le globe , & pointez l'aiguille sur 12 heures, le lieu du soleil étant dans le méridien. 2°. Marquez le lieu du soleil, & tournez le globe vers l'occident, aussi-bien que le quart de cercle, jusqu'à ce que le point opposé au lieu du soleil coupe le quart de cercle dans le dix-huitieme degré au-dessus de l'horison; pour lors l'aiguille marquera le tems où commence le crépuscule du matin. 3°. Prenez le point opposé au soleil; portez-le dans l'hémisphere oriental, & tournez-le jusqu'à ce qu'il se rencontre avec le quart de cercle au dix-huitieme degré, pour lors l'aiguille marquera le tems où finit le crépuscule du soir. Voyez Crépuscule . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Usages du Globe terrestre Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Usages du Globe terrestre Usages du Globe terrestre . Trouver la longitude & la latitude de quelque lieu tracé sur le globe . Portez le lieu sous le méridien de cuivre où sont marqués les degrés, le point correspondant du méridien est sa latitude; & le degré de l'équateur qui se trouve en même tems sous le méridien, est sa longitude. La longitude & latitude étant données, trouver le lieu sur le globe . Cherchez sur l'équateur le degré donné de longitude, & portez-le sous le méridien; pour lors comptez de puis l'équateur sur le méridien le degré de latitude donné vers le pole septentrional, si la latitude est septentrionale, ou vers le pole méridional, si la latitude est méridionale; le point où vous vous arrêterez marque le lieu que vous cherchez. Trouver les antéciens, les periéciens, & les antipodes d'un lieu donné . 1°. Portez ce lieu sous le méridien, & comptez ses degrés sur le méridien depuis l'équateur vers l'autre pole; le point où vous vous arrêterez est le lieu des antéciens. Voyez Antéciens . 2°. Remarquez le degré du méridien répondant au lieu donné & à ses antéciens, & tournez le globe jusqu'à ce que le degré opposé de l'équateur se trouve sous le méridien; ou, ce qui revient au même, jusqu'à ce que l'aiguille qui marquoit auparavant 12 heures, les marque de l'autre côté: pour lors le lieu qui répond au premier degré est celui des periéciens, & le lieu qui répond à l'autre degré est celui des antipodes. Voyez Periéciens & Antipodes . Trouver à quel lieu de la terre le soleil est vertical dans un tems donné . 1°. Le lieu du soleil étant trouvé dans l'écliptique, portez-le sous le méridien, & l'aiguille sur 12 heures; remarquez en même tems le point du méridien qui y répond. 2°. Si l'heure donnée est avant midi, il la faut déduire de 12; alors tournez le globe vers l'occident jusqu'à ce que l'aiguille marque les heures restantes, pour lors le lieu qu'on cherche se trouvera sous le point du méridien que l'on a déjà marqué. 3°. Si c'est une heure de l'après-midi, tournez le globe de la même maniere vers l'occident jusqu'à ce que l'aiguille marque l'heure donnée; pour lors vous trouverez aussi le lieu que vous cherchez sous le point du méridien marqué auparavant. Si vous marquez en même tems tous les lieux qui se trouvent sous la même moitié du méridien, où est le lieu trouvé, vous connoîtrez tous les lieux où il est alors midi; & la moitié opposée du méridien vous fera connoître tous les lieux où il est alors minuit. Un lieu étant donné dans la zone torride, trouver les deux jours de l'année où le soleil y est vertical . 1°. Portez le lieu donné sous le méridien, & marquez le degré du méridien qui y répond. 2°. Tournez le globe , & marquez les deux points de l'écliptique, lesquels passent par ce degré. 3°. Cherchez quel jour le soleil se trouve dans ces points de l'écliptique; c'est dans ces jours-là que le soleil est vertical aux lieux donnés. Trouver dans la zone torride les lieux auxquels le soleil est vertical un jour donné . Portez le lieu du soleil dans l'écliptique sous le méridien; tournez ensuite le globe , & marquez tous les lieux qui passent par ce point du méridien: ce sont-là les lieux que vous cherchiez. On trouve de la même maniere quels sont les peuples asciens, c'est-à-dire qui n'ont point d'ombre un jour donné. Voyez Asciens . Trouver le tems où le soleil se leve pour ne se plus coucher, ou se couche pour ne se plus lever . Soit supposée l'élévation du pole de 80 degrés. Il faut pour cet effet considérer que dans l'exemple donné, il s'en faut dix degrés que le pole ne soit tout-à-fait élevé, ce qui fait que ces dix degrés sont au-dessous de l'horison. Mais ces mêmes degrés étant dans la déclinaison septentrionale du soleil, cela fait qu'il faut tourner le globe jusqu'à ce que quelqu'un des degrés de l'écliptique de la partie du printems passe sous le dixieme degré de declinaison pris au méridien, lequel sera en cet exemple le 25 e degré du Bélier auquel répond le douzieme jour d'Avril, qui sera le tems du lever du soleil en ces climats. Pour savoir le tems de son coucher, il faut remarquer quel degré de l'ecliptique de la partie de l'été passera au méridien sous le même dixieme degré de déclinaison; & on trouvera le cinquieme degré de la Vierge, auquel le soleil se trouve le 26 Août, qui sera le tems du coucher du soleil à 80 degrés de hauteur du pole. Autrement: on peut voir quels sont les deux degrés de l'écliptique, qui, en la revolution du globe , ne se couchent point, le globe étant disposé à la latitude de 80 degrés; & on trouvera qu'en cet exemple, c'est le 25 e degré du Bélier & le cinquieme de la Vierge, auxquels répondent le 12 Avril & le 26 d'Août. Trouver la longueur du plus long jour aux zones froides . Par exemple, si on veut savoir la duree du plus long jour à 80 degrés de latitude, on trouvera que le soleil s'y leve le 12 d'Avril, pour ne se coucher que le 26 d'Août; & comptant les jours depuis le 12 Avril jusqu'au 26 d'Août, on en trouve 143, qui est la durée du tems que le soleil demeure sur l'horison en cet endroit de la zone froide. Si on réduit ces jours en mois, en les divisant par 30, il viendra quatre mois & 29 jours pour la longueur de ce jour, auquel la duree de la plus longue nuit est à-peu-près egale. Trouver la latitude des lieux où un certain jour donné est d'une certaine longueur donnée . 1°. Portez sur le méridien le lieu de l'écliptique ou le soleil se trouve le jour donne, & mettez aiguille sur 12 heures. 2°. Tournez le globe jusqu'a ce que l'aiguille marque l'heure du lever ou du coucher. 3°. Elevez & abaissez le pole jusqu'à ce que le lieu du soleil paroisse dans le côté oriental ou occidental de l'horison; pour lors le pole aura sa juste élevation, & par consequent il vous donnera la latitude que vous cherchez. Trouver dans la zone glaciale la latitude des lieux où le soleil ne se couche point pendant un certain nombre de jours donnés . 1°. Comptez depuis le tropique le plus voisin vers le point équinoxial, autant de degrés sur l'ecliptique qu'il y a d'unités dans la moitié du nombre des jours donnés, parce que le soleil par son mouvement annuel parcourt à-peu-près un degré par jour. 2°. Portez le point de l'écliptique ainsi trouvé sous le méridien; sa distance du pole sera égale à l'elévation du pole ou à la latitude cherchée. Une heure du jour ou de la nuit étant donnée, trouver tous les lieux où le soleil se leve & se couche, où il est midi ou minuit, & où il fait jour ou nuit. 1°. Cherchez à quel lieu le soleil est vertical au tems donné de la maniere qu'il est dit ci-dessus. 2°. Portez ce lieu au zénith de l'horison de bois, c'est à-dire élévez le pole à la hauteur que le demande le lieu en question; pour lors les lieux qui se trouveront du côté oriental de l'horison, seront ceux où le soleil se couche, & les lieux qui se trouveront du côte occidental seront ceux ou le soleil le leve: les lieux qui se trouveront sous le demi-cercle superieur du méridien seront ceux où il sera midi, & ses lieux qui se trouveront sous le demi-cercle intérieur, seront ceux où il sera minuit: enfin dans les lieux qui se trouveront dans l'hémisphere supérieur, il fera jour, & il sera nuit dans ceux de l'hemisphere inferieur. Trouver a quels endroits de la terre une planete, par exemple la lune, est verticale un jour donne . 1°. Marquez le lieu de la planete sur le globe , comme il est dit ci-dessus. 2°. Portez ce lieu sous le méridien, & marquez-y le degré où elle répond. 3°. Tournez le globe; les lieux qui passeront sous ce point sont ceux que vous cherchez. La déclinaison d'une étoile ou de quelque autre phénomene étant donnée, trouver à quelle partie de la terre l'étoile est verticale . Comptez sur le méridien depuis l'équateur vers le pole un nombre de degrés égal à la déclinaison donnée: savoir, vers le nord, si la déclinaison est septentrionale; & vers le midi, si elle est méridionale. Ensuite tournant le globe , les lieux qui passeront par l'extrémité de cet arc sous le méridien, sont les lieux que l'on cherche. Determiner le lieu ou une étoile, ou autre corps céleste sera vertical une certaine heure donnée . 1°. Elevez le pole suivant la latitude du lieu sur le midi ou minuit duquel on a compté les heures. 2°. Portez sous le méridien le lieu où le soleil est ce jour-là, & mettez l'aiguille sur 12 heures. 3°. Determinez le lieu de l'étoile sur la surface du globe , & portez-le sur le méridien, l'aiguille marquera la différence de tems entre l'arrivée du soleil & de l'etoile au méridien du lieu; marquez le point du méridien qui repond au lieu de l'étoile. 4°. Cherchez en quels lieux de la terre il est midi dans ce tems-là, & mettez l'aiguille sur 12 heures. 5°. Tournez le globe vers l'occident jusqu'à ce que l'aiguille ait passe sur l'intervalle de tems qu'il y a entre le point culminant du soleil & de l'etoile, & pour lors vous trouverez le lieu cherché sous le point que vous avez marqué sur le méridien. Par le même moyen vous pouvez trouver dans quel lieu une étoile ou autre phénomene, se leve ou se couche au tems donné. Placer le globe de maniere, que sous une latitude donnée, le soleil éclaire les mêmes régions dépeintes sur le globe qu'il éclaire actuellement sur la terre . Rectifiez le globe , c'est-à-dire élevez le pole suivant la latitude du lieu; portez ce lieu sous le méridien, & mettez le globe au nord & au sud par le moyen de la boussole; pour lors, comme le globe sera dans la même situation que la terre, par rapport au soleil, celui-ci éclairera la même partie sur le globe qu'il éclaire actuellement sur la terre; d'où il s'ensuit que dans cette situation la lune éclairera aussi la même partie sur le globe qu'elle éclaire actuellement sur la terre. De la même maniere on peut trouver les lieux où le soleil & la lune se levent & se couchent au tems donné. Trouver par le moyen du globe de combien de lieues deux endroits quelconques sont éloignés l'un de l'autre . Prenez avec le compas la distance des lieux donnés, & portez-la sur l'equateur; les degrés que cette distance donnera étant réduits en milles, lieues, &c. donneront la distance cherchée. Voyez Harris, Chambers, Wolf , & l'usage des globes de Bion. ( O ) On peut faire la même chose un peu plus commodément, en étendant sur les deux lieux le bord du quart de cercle où sont marqués les degrés, & en comptant les degrés qui y sont compris. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Globe de Feu Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=NA Globe de Feu Globe de Feu , ( Physiq. ) est une boule ardente qui pour l'ordinaire se meut fort rapidement en l'air, & qui traîne le plus souvent une queue après elle. Lorsque ces globes viennent à se dissiper, ils laissent quelquefois dans l'air un petit nuage de couleur cendrée; ils sont souvent d'une grosseur prodigieuse. En 1686, Kirch en vit un à Leipsik dont le diametre étoit presqu'aussi grand que le demi-diametre de la lune; il éclairoit si fort la terre pendant la nuit, qu'on auroit pû lire sans lumiere; & il disparut insensiblement. On vit aussi le même globe dans la ville de Schlaitz, située sur les frontieres du Voigtland, sur un bras de la riviere de Saal, environ à onze milles d'Allemagne de Leipsik; d'ou l'on peut conclure que ce globe avoit au-moins six milles de Hollande d'élévation perpendiculaire au-dessus de la Terre. Par conséquent si on donne à un mille 1200 piés de longueur, le diametre de ce globe ardent aura été du moins de 335 piés. Celui que Balbus vit à Boulogne en 1719, étoit beaucoup plus gros; son diametre paroissoit égal à celui de la pleine lune; sa couleur étoit comme celle du camfre ardent, & jettoit une lumiere aussi éclatante que celle que répand le soleil lorsqu'il est presque levé: on y remarquoit quatre gouffres qui vomissoient de la fumée, & l'on voyoit en-dehors de petites flammes qui reposoient dessus, & qui se jettoient en-haut; sa queue étoit sept sois plus grande que son diametre; il creva en faisant un bruit affreux. On voit quelques-uns de ces globes qui s'arrêtent en un endroit, & d'autres qui se meuvent avec une grande rapidité. Ils répandent par-tout où ils passent une odeur de soufre brûlé, qui décele leur nature. Ces globes sont sans doute une espece de nuée entiere, dont la plus grande partie est de soufre & d'autres matieres combustibles, car la couleur blanche camfrée indique une composition, le soufre ne donnant qu'une flamme bleue. Toutes ces matieres rassemblées produisent une effervescence, suivie d'inflammation. Ce fluide ardent pressé de toutes parts par l'air, autre fluide, s'arrondit en globe , comme cela ne manque pas d'arriver à tous les fluides qui nagent dans d'autres. Essais de Physique par M. Mussch. art. 1694. & suiv . M. Musschenbroek conjecture que le phénomene lumineux observé par Montanati en 1676, étoit un globe de cette espece. Cette masse de lumiere traversa la mer Adriatique & l'Italie, & fit entendre du bruit par-dessus tous les endroits où elle passa, surtout à Livourne & en Corse. On voit par ce récit, qu'il y a quelques-uns de ces globes qui ne font point de bruit, & d'autres qui en font: ce dernier cas arrive sur-tout dans les tems orageux. On a plusieurs observations de globes de feu tombés avec bruit dans le tems qu'il faisoit des éclairs accompagnés de tonnerre, & souvent ces globes ont causé du dommage. On peut en voir le détail dans M. Mussch. essais de Physique, §. 1716 . La matiere de ces globes est évidemment la même que celle de l'électricité. Voyez donc Coup foudroyant , Electricité , Feu électrique , & sur-tout Météores & Tonnerre . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Globe Author=Jaucourt Normalized Classification=Science des emblèmes Part of Speech=NA Globe Globe , ( Science des Emblèmes. ) Le Tems tenant entre ses mains un grand globe , désigne le globe de la terre, qu'il renferme en lui, pour ainsi dire, parce qu'il regle conjointement avec le soleil, la durée des heures & des jours, & qu'il engloutit tous les évenemens de cette durée. Dans d'autres emblèmes, la Providence porte une baguette dont elle semble toucher un globe , pour marquer qu'elle gouverne le monde. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Globe Author=Jaucourt Normalized Classification=Art numismatique Part of Speech=NA Globe Globe , ( Art numismat. ) Sur les médailles, le globe à la main d'un prince est le symbole de sa puissance; & lorsqu'il paroît offrir le globe à ceux qui sont autour de lui, c'est pour désigner que comme maître du monde, il est en même tems le distributeur des graces. La basse flatterie a imaginé ces sortes d'emblèmes pour les empereurs romains. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Globe de Feu Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Globe de Feu Globe de Feu , ( Artificier. ) On appelle ainsi une sorte d'artifice sphérique, ou par son effet, ou par la figure de son cartouche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOBOSITES Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle | Lithologie Part of Speech=s.f.pl. GLOBOSITES GLOBOSITES, s. f. pl. ( Hist. nat. Lythol. ) nom que l'on donne à des coquilles pétrifiées qui sont renflées par le milieu, & fort semblables à des noix. Elles ont ordinairement une ouverture fort large, & des tubercules à la partie supérieure. Wallerius, minéralogie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOBULAIRE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GLOBULAIRE GLOBULAIRE, s. f. globularia , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur, composée de plusieurs fleurons qui n'ont qu'une levre, & qui sont découpés & soûtenus chacun par un calice. Il sort du fond de ce calice un pistil qui entre dans la partie inférieure du fleuron, & qui devient une semence renfermée dans une capsule formée par le calice du fleuron. Les capsules portent sur un placenta, qui occupe le milieu du calice commun. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOBULE Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. GLOBULE GLOBULE, s. m. ( Physiq. ) signifie à la lettre un petit globe . Ce mot est d'usage en Medecine, pour exprimer les petites parties rondes & rouges du sang, voyez l'article qui suit; & Descartes a donné ce nom aux petits globes de matiere subtile, qui forment ce qu'il appelle son second élément . C'est dans la pression des globules qui composent ce second élément, qu'il fait consister la lumiere. Voyez Cartésianisme & Lumiere . Les globules de Descartes sont aujourd'hui peu en honneur, même parmi ceux qui suivent sa philosophie sur d'autres points. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Globule Author=d'Aumont Normalized Classification=Physiologie Part of Speech=NA Globule Globule , ( Physiol. ) ce terme est employé pour désigner de petites parties arrondies en forme de sphere, de globe, qui flottent dans la sérosité qui constitue le véhicule du sang, de la lymphe, du lait, du chyle, &c. C'est de la différence de ces globules , qui sont rouges dans le sang, blanchâtres dans la lymphe, que dépend la différente consistance, la différente densité de ces humeurs. Ces globules ne peuvent être distingués les uns des autres, lorsqu'ils forment une masse liquide, que par le secours du microscope. Les plus belles & les plus curieuses observations à ce sujet, se trouvent dans les oeuvres de Lewenhoeck, & dans les mémoires de Gaspard Bartholin, fils de Thomas, insérés dans les actes de Copenhague, vol. III. obs. 3. Voyez les articles Lymphe , Sang . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOBULEUX Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=adject GLOBULEUX GLOBULEUX, adj. ( Physiq. ) composé de globules: ainsi on dit une matiere globuleuse , pour dire une matiere composée de parties détachées, qui ont la forme de petits globes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOCESTER Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLOCESTER GLOCESTER, Claudia Castra , ( Géog. ) & le Glevum des anciens; ville d'Angleterre, capitale du comte du même nom, avec un évêché suffragant de Cantorberi, fondé par Henri VIII. en 1554. La cathédrale est très-belle. Glocester est sur la Severne, à 28 lieues N. O. de Londres, 8 S. de Worcester. Lon. 15. 26. lat. 51. 56. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOCESTER-HIRE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLOCESTER-HIRE GLOCESTER-HIRE, ( Géog. ) province maritime d'Angleterre, située le long de la Saverne qui la traverse. Elle est bornée au S. par le Sommerset-shire, E. par Wilt-shire & Oxford-shire, N. par Warwichshire & Worcester-shire, O. par Hertford-shire & Monmouth-shire. La province de Glocester a 130 milles de tour, & contient environ 800 mille arpens. Ellle est belle, fertile en pâturages, abonde en blé, en lames, en bois, en fer, en acier, en cidre, & en saumon. Elle est le lieu de la demeure des anciens Dobunes; Atkins a donné l'histoire de cette province: Glocester en est la capitale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOGAW, (le Duché) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLOGAW GLOGAW, ( le Duché ) Géog. duché considérable d'Allemagne dans la Silésie, aux confins de la Pologne. Il comprend plusieurs villes, & un grand nombre de villages. Zeyler en donne l'histoire dans sa topographie de la Silésie. Un usage particulier dans ce duché, c'est qu'à l'égard de la succession des fiefs, les filles succedent au défaut de fils, préférablement aux autres parens & collatéraux. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glogaw, (le grand) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Glogaw Glogaw , ( le grand ) Géog. Il y a deux villes de ce nom en Silésie, qu'on distingue par les épithetes de grand & de petit Glogaw . Le grand Glogaw, Glogaria , anciennement Lugidunum , est une ville forte en Silésie, capitale du duché du même nom. Elle est l'étape & le grenier des provinces voisines, à cause de la fertilité de son terrein, qui n'est guere inférieur à celui de Breslaw: c'est aussi la ville la plus peuplée & la mieux située de toute la Silésie. Elle est sur l'Oder, à 18 lieues N. O. de Breslaw, 20 N. E. de Gorlitz, 46 N. E. de Prague. Long. 33. 48. lat. 51. 40. Le petit Glogaw est à deux lieues du grand Glogaw , & ne mérite aucun détail. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOIRE, GLORIEUX, GLORIEUSEMENT, GLORIFIER Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA GLOIRE, GLORIEUX, GLORIEUSEMENT GLOIRE, GLORIEUX, GLORIEUSEMENT, GLORIFIER, ( Gramm. ) La gloire est la réputation jointe à l'estime; elle est au comble, quand l'admiration s'y joint. Elle suppose toûjours des choses éclatantes, en actions, en vertus, en talens, & toûjours de grandes difficultés surmontées. César, Alexandre ont eu de la gloire . On ne peut guere dire que Socrate en ait eu; il attire l'estime, la vénération, la pitié, l'indignation contre ses ennemis; mais le terme de gloire seroit impropre à son égard. Sa mémoire est respectable, plûtôt que glorieuse . Attila eut beaucoup d'éclat; mais il n'a point de gloire , parce que l'histoire, qui peut-être se trompe, ne lui donne point de vertus. Charles XII. a encore de la gloire , parce que sa valeur, son desintéressement, sa libéralité, ont été extrèmes, Les succès suffisent pour la réputation, mais non pas pour la gloire . Celle de Henri IV. augmente tous les jours, parce que le tems a fait connoître toutes ses vertus, qui étoient incomparablement plus grandes que ses défauts. La gloire est aussi le partage des inventeurs dans les beaux Arts; les imitateurs n'ont que des applaudissemens. Elle est encore accordée aux grands talens, mais dans les arts sublimes. On dira bien la gloire de Virgile, de Cicéron, mais non de Martial & d'Aulugelle. On a osé dire la gloire de Dieu; il travaille pour la gloire de Dieu, Dieu a créé le monde pour sa gloire: ce n'est pas que l'Être suprème puisse avoir de la gloire; mais les hommes n'ayant point d'expressions qui lui conviennent, employent pour lui celles dont ils sont les plus flatés. La vaine gloire est cette petite ambition qui se contente des apparences, qui s'étale dans le grand faste, & qui ne s'éleve jamais aux grandes choses. On a vû des souverains qui ayant une gloire réelle, ont encore aimé la vaine gloire , en recherchant trop les loüanges, en aimant trop l'appareil de la représentation. La fausse gloire tient souvent à la vaine, mais souvent elle se porte à des excès; & la vaine se renferme plus dans les petitesses. Un prince qui mettra son honneur à se venger, cherchera une gloire fausse plûtôt qu'une gloire vaine. Faire gloire, faire vanité, se faire honneur , se prennent quelquefois dans le même sens, & ont aussi des sens différens. On dit également, il fait gloire, il fait vanité, il se fait honneur de son luxe, de ses excès: alors gloire signifie fausse gloire . Il fait gloire de souffrir pour la bonne cause, & non pas il fait vanité . Il se fait honneur de son bien, & non pas il fait gloire ou vanité de son bien. Rendre gloire signifie reconnoître, attester. Rendez gloire à la vérité , reconnoissez la vérité. Au Dieu que vous servez, princesse, rendez gloire (Athal.), attestez le Dieu que vous servez. La gloire est prise pour le ciel; il est au séjour de la gloire . Où le conduisez-vous? ... à la mort ... à la gloire . Polieucte. On ne se sert de ce mot pour désigner le ciel que dans notre religion. Il n'est pas permis de dire que Bacchus, Hercule, furent reçus dans la gloire , en parlant de leur apothéose. Glorieux , quand il est l'épithete d'une chose inanimée, est toûjours une loüange; bataille, paix, affaire glorieuse . Rang glorieux signifie rang élevé , & non pas rang qui donne de la gloire , mais dans lequel on peut en acquérir. Homme glorieux , esprit glorieux , est toûjours une injure; il signifie celui qui se donne à lui-même ce qu'il devroit mériter des autres: ainsi on dit un regne glorieux , & non pas un roi glorieux . Cependant ce ne seroit pas une faute de dire au pluriel, les plus glorieux conquérans ne valent pas un prince bienfaisant; mais on ne dira pas, les princes glorieux , pour dire les princes illustres . Le glorieux n'est pas tout-à-fait le fier, ni l'avantageux, ni l'orgueilleux. Le fier tient de l'arrogant & du dédaigneux, & se communique peu. L'avantageux abuse de la moindre déférence qu'on a pour lui. L'orgueilleux étale l'excès de la bonne opinion qu'il a de lui-même. Le glorieux est plus rempli de vanité; il cherche plus à s'établir dans l'opinion des hommes; il veut réparer par les dehors ce qui lui manque en effet. L'orgueilleux se croit quelque chose; le glorieux veut paroître quelque chose. Les nouveaux parvenus sont d'ordinaire plus glorieux que les autres. On a appellé quelquefois les Saints & les Anges, les glorieux , comme habitans du séjour de la gloire . Glorieusement est toûjours pris en bonne part; il regne glorieusement; il se tira glorieusement d'un grand danger, d'une mauvaise affaire. Se glorifier est tantôt pris en bonne part, tantôt en mauvaise, selon l'objet dont il s'agit. Il se glorifie d'avoir exercé son emploi avec dureté. Il se glorifie d'une disgrace qui est le fruit de ses talens & l'effet de l'envie. On dit des martyrs qu'ils glorifioient Dieu, c'est-à-dire que leur constance rendoit respectable aux hommes le Dieu qu'ils annonçoient. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gloire Author=Marmontel Normalized Classification=Philosophie morale Part of Speech=s.f. Gloire Gloire , s. f. ( Philosop. Morale. ) c'est l'éclat de la bonne renommée. L'estime est un sentiment tranquille & personnel; l'admiration, un mouvement rapide & quelquefois momentané; la célébrité, une renommée étendue; la gloire , une renommée éclatante, le concert unanime & soûtenu d'une admiration universelle. L'estime a pour base l'honnête; l'admiration, le rare & le grand dans le bien moral ou physique; la célébrité, l'extraordinaire, l'étonnant pour la multitude; la gloire , le merveilleux. Nous appellons merveilleux ce qui s'éleve ou semble s'élever au-dessus des forces de la nature: ainsi la gloire humaine, la seule dont nous parlons ici, tient beaucoup de l'opinion; elle est vraie ou fausse comme elle. Il y a deux sortes de fausse gloire; l'une est fondée sur un faux merveilleux; l'autre sur un merveilleux réel, mais funeste. Il semble qu'il y ait aussi deux especes de vraie gloire; l'une fondée sur un merveilleux agréable; l'autre sur un merveilleux utile au monde: mais ces deux objets n'en font qu'un. La gloire fondée sur un faux merveilleux, n'a que le regne de l'illusion, & s'évanoüit avec elle: telle est la gloire de la prospérité. La prospérité n'a point de gloire qui lui appartienne; elle usurpe celle des talens & des vertus, dont on suppose qu'elle est la compagne: elle en est bien-tôt dépouillée, si l'on s'apperçoit que ce n'est qu'un larcin; & pour l'en convaincre, il suffit d'un revers, eripitur persona, manet res . On adoroit la fortune dans son favori; il est disgracié, on le méprise: mais ce retour n'est que pour le peuple; aux yeux de celui qui voit les hommes en eux-mêmes, la prospérité ne prouve rien, l'adversité n'a rien à détruire. Qu'avec un esprit souple & une ame rampante, un homme né pour l'oubli s'éleve au sommet de la fortune; qu'il parvienne au comble de la faveur, c'est un phénomene que le vulgaire n'ose contempler d'un oeil fixe; il admire, il se prosterne; mais le sage n'est point ébloui; il découvre les taches de ce prétendu corps lumineux, & voit que ce qu'on appelle sa lumiere, n'est rien qu'un eclat réfléchi, superficiel & passager. La gloire fondée sur un merveilleux funeste, fait une impression plus durable; & à la honte des hommes, il faut un siecle pour l'effacer: telle est la gloire des talens supérieurs, appliqués au malheur du monde. Le genre de merveilleux le plus funeste, mais le plus frappant, fut toûjours l'eclat des conquétes. Il va nous servir d'exemple, pour faire voir aux hommes combien il est absurde d'attacher la gloire aux causes de leurs malheurs. Vingt mille hommes dans l'espoir du butin, en ont suivi un seul au carnage. D'abord un seul homme à la tête de vingt milie hommes déterminés & dociles, intrépides & soumis, a étonné la multitude. Ces milliers d'hommes en ont égorgé, mis en faite, ou subjugué un plus grand nombre. Leur chef a eu le front de dire, j'ai combattu, je suis vainqueur; & l'Univers a répété, il a combattu, il est vainqueur: de-là le merveilleux & la gloire des conquêtes. Savez-vous ce que vous faites, peut-on demander à ceux qui celebrent les conquérans? Vous applaudissez à des gladiateurs qui s'exerçant au milieu de vous, se disputent le prix que vous reservez à qui vous portera les coups les plus sûrs & les plus terribles. Redoublez d'acclamations & d'éloges. Aujourd'hui ce sont les corps sanglans de vos voisins qui tombent épars dans l'arene; demain ce sera votre tour. Telle est la force du merveilleux sur les esprits de la multitude. Les opérations productrices sont la plûpart lentes & tranquilles; elles ne nous étonnent point. Les opérations destructives sont rapides & bruyantes; nous les plaçons au rang des prodiges. Il ne faut qu'un mois pour ravager une province; il faut dix ans pour la rendre fertile. On admire celui qui l'a ravagée; à peine daigne-t-on penser à celui qui la rend fertile. Faut-il s'étonner qu'il se fasse tant de grands maux & si peu de grands biens? Les peuples n'auront-ils jamais le courage ou le bon sens de se réunir contre celui qui les immole à son ambition effrénée, & de lui dire d'un côté comme les soldats de César: Liceat discedere, Coesar, A rabie scelerum. Quaeris terrâque marique His ferrum jugulis. Animas effundere viles, Quolibet hoste, paras . (Lt. can.) De l'autre côté, comme le Scythe à Alexandre: « Qu'avons-nous à démêler avec toi? Jamais nous n'avons mis le pié dans ton pays. N'est-il pas permis à ceux qui vivent dans les bois d'ignorer qui tu es & d'où tu viens »? N'y aura-t-il pas du-moins une classe d'hommes assez au-dessus du vulgaire, assez sages, assez courageux, assez éloquens, pour soûlever le monde contre ses oppresseurs, & lui rendre odieuse une gloire barbare? Les gens de Lettres déterminent l'opinion d'un siecle à l'autre; c'est par eux qu'elle est fixée & transmise; en quoi ils peuvent être les arbitres de la gloire , & par conséquent les plus utiles des hommes ou les plus pernicieux. Vixere fortes ante Agamemnona Multi; sed omnes illacrymabiles Urgentur, ignotique longâ Nocte: carent quia vate sacro . (Horat.) Abandonnée au peuple, la vérité s'altere & s'obscurcit par la tradition; elle s'y perd dans un déluge de fables. L'héroïque devient absurde en passant de bouche en bouche: d'abord on l'admire comme un prodige; bien-tôt on le méprise comme un conte suranné, & l'on finit par l'oublier. La saine postérité ne croit des sicles reculés, que ce qu'il a plû aux écrivains célebres. Louis XII. disoit: « Les Grecs ont fait peu de choses, mais ils ont ennobli le peu qu'ils ont fait par la sublimité de leur éloquence. Les François ont fait de grandes choses & en grand nombre; mais ils n'ont pas sû les écrire. Les seuls Romains ont eu le double avantage de faire de grandes choses, & de les célébrer dignement ». C'est un roi qui reconnoit que la gloire des nations est dans les mains des gens de Lettres. Mais, il faut l'avoüer, ceux-ci ont trop souvent oublié la dignité de leur état; & leurs éloges prostitués aux crimes heureux, ont fait de grands maux à la terre. Demandez à Virgile quel étoit le droit des Romains sur le reste des hommes, il vous répond hardiment, Parcere subjectis, & debellare superbos . Demandez à Solis ce qu'on doit penser de Cortès & de Montezuma, des Mexiquains & des Espagnols; il vous répond que Cortès étoit un héros, & Montezuma un tyran; que les Mexiquains étoient des barbares, & les Espagnols des gens de bien. En écrivant on adopte un personnage, une patrie; & il semble qu'il n'y ait plus rien au monde, ou que tout soit fait pour eux seuls. La patrie d'un sage est la terre, son héros est le genre humain. Qu'un courtisan soit un flateur, son état l'excuse en quelque sorte & le rend moins dangereux. On doit se défier de son témoignage; il n'est pas libre: mais qui oblige l'homme de Lettres à se trahir lui-même & ses semblables, la nature & la verité? Ce n'est pas tant la crainte, l'intérêt, la bassesse, que l'ébloüissement, l'illusion, l'enthousiasme, qui ont porté les gens de Lettres à décerner la gloire aux forfaits éclatans. On est frappé d'une force d'esprit ou d'ame surprenante dans les grands crimes, comme dans les grandes vertus; mais là, par les maux qu'elle cause; ici, par les biens qu'elle fait: car cette force est dans le moral, ce que le feu est dans le physique, utile ou funeste comme lui, suivant ses effets pernicieux ou salutaires. Les imaginations vives n'en ont vû l'explosion que comme un développement prodigieux des ressorts de la nature, comme un tableau magnifique à peindre. En admirant la cause on a loüé les effets: ainsi les fléaux de la terre en sont devenus les héros. Les hommes nés pour la gloire , l'ont cherchée où l'opinion l'avoit mise. Alexandre avoit sans cesse devant les yeux la fable d'Achille; Charles XII. l'histoire d'Alexandre: de-là cette émulation funeste qui de deux rois pleins de valeur & de talens, fit deux guerriers impitoyables. Le roman de Quinte-Curce a peut-être fait le malheur de la Suede; le poëme d'Homere, les malheurs de l'Inde; puisse l'histoire de Charles XII. ne perpétuer que ses vertus! Le sage seul est bon poëte, disoient les Stoïciens. Ils avoient raison: sans un esprit droit & une ame pure, l'imagination n'est qu'une Circé, & l'harmonie qu'une sirene. Il en est de l'historien & de l'orateur comme du poëte: éclairés & vertueux, ce sont les organes de la justice, les flambeaux de la vérité: passionnés & corrompus, ce ne sont plus que les courtisans de la prospérité, les vils adulateurs du crime. Les Philosophes ont usé de leurs droits, & parlé de la gloire en maîtres. « Savez-vous, dit Pline à Trajan, où réside la gloire véritable, la gloire immortelle d'un souverain? Les arcs de triomphe, les statues, les temples même & les autels, sont démolis par le tems; l'oubli les efface de la terre: mais la gloire d'un héros, qui supérieur à sa puissance illimitée, sait la dompter & y mettre un frein, cette gloire inaltérable fleurira même en vieillissant. En quoi ressembloit à Hercule ce jeune insensé qui prétendoit suivre ses traces, dit Seneque en parlant d'Alexandre, lui qui cherchoit la gloire sans en connoître ni la nature ni les limites, & qui n'avoit pour vertu qu'une heureuse témérité? Hercule ne vainquit jamais pour lui-même; il traversa le monde pour le venger, & non pour l'envahir. Qu'avoit-il besoin de conquêtes, ce héros, l'ennemi des méchans, le vengeur des bons, le pacificateur de la terre & des mers? Mais Alexandre, enclin dès l'enfance à la rapine, fut le desolateur des nations, le fléau de ses amis & de ses ennemis. Il faisoit consister le souverain bien à se rendre redoutable à tous les hommes; il oublioit que cet avantage lui étoit commun non-seulement avec les plus féroces, mais encore avec les plus lâches & les plus vils des animaux qui se font craindre par leur venin ». C'est ainsi que les hommes nés pour instruire & pour juger les autres hommes, devroient leur présenter sans cesse en opposition la valeur protectrice & la valeur destructive, pour leur apprendre à distinguer le culte de l'amour de celui de la crainte, qu'ils confondent le plus souvent. Il suffit, direz-vous, à l'ambitieux d'être craint; la crainte lui tient lieu d'amour: il domine, ses voeux sont remplis. Mais l'ambitieux livré à lui-même, n'est plus qu'un homme foible & timide. Persuadez à ceux qui le servent qu'ils se perdent en le servant; que ses ennemis sont leurs freres, & qu'il est leur bourreau commun. Rendez-le odieux à ceux-mêmes qui le rendent redoutable, que devient alors cet homme prodigieux devant qui tout devoit trembler? Tamerlan, l'effroi de l'Asie, n'en sera plus que la fable; quatre hommes suffisent pour l'enchaîner comme un furieux, pour le châtier comme un enfant. C'est à quoi seroit réduite la force & la gloire des conquérans, si l'on arrachoit au peuple le bandeau de l'illusion & les entraves de la crainte. Quelques-uns se sont crûs fort sages en mettant dans la balance, pour apprécier la gloire d'un vainqueur, ce qu'il devoit au hasard & à ses troupes, avec ce qu'il ne devoit qu'à lui seul. Il s'agit bien là de partager la gloire! C'est la honte qu'il faut répandre, c'est l'horreur qu'il faut inspirer. Celui qui épouvante la terre, est pour elle un dieu infernal ou céleste; on l'adorera si on ne l'abhorre: la superstition ne connoît point de milieu. Ce n'est pas lui qui a vaincu , direz-vous d'un conquérant: non, mais c'est lui qui a fait vaincre. N'est-ce rien que d'inspirer à une multitude d'hommes la résolution de combattre, de vaincre ou de mourir sous ses drapeaux? Cet ascendant sur les esprits suffiroit lui seul à sa gloire . Ne cherchez donc pas à détruire le merveilleux des conquêtes, mais rendez ce merveilleux aussi détestable qu'il est funeste: c'est par-là qu'il faut l'avilir. Que la force & l'élévation d'une ame bienfaisante & généreuse, que l'activité d'un esprit supérieur, appliquée au bonheur du monde, soient les objets de vos hommages; & de la même main qui élevera des autels au desintéressement, à la bonte, à l'humanité, à la clémence, que l'orgueil, l'ambition, la vengeance, la cupidité, la fureur, soient traînés au tribunal redoutable de l'incorruptible postérité: c'est alors que vous serez les Némésis de votre siecle, les Rhadamantes des vivans. Si les vivans vous intimident, qu'avez-vous à craindre des morts? vous ne leur devez que l'éloge du bien; le blâme du mal, vous le devez à la terre: l'opprobre attaché à leur nom réjaillira sur leurs imitateurs. Ceux-ci trembleront de subir à leur tour l'arrêt qui flétrit leurs modeles; ils se verront dans l'avenir; ils frémiront de leur mémoire. Mais à l'égard des vivans mêmes, quel parti doit prendre l'homme de Lettres, à la vûe des succès injustes & des crimes heureux? S'élever contre, s'il en a la liberté & le courage; se taire, s'il ne peut ou s'il n'ose rien de plus. Ce silence universel des gens de Lettres seroit lui-même un jugement terrible, si l'on étoit accoûtumé à les voir se réunir pour rendre un témoignage éclatant aux actions vraiment glorieuses. Que l'on suppose ce concert unanime, tel qu'il devroit être; tous les Poëtes, tous les Historiens, tous les Orateurs se répondant des extrémités du monde, & prêtant à la renommée d'un bon roi, d'un héros bienfaisant, d'un vainqueur pacifique, des voix éloquentes, & sublimes pour répandre son nom & sa gloire dans l'univers; que tout homme qui par ses talens & ses vertus aura bien mérité de sa patrie & de l'humanité, soit porté comme en triomphe dans les écrits de ses contemporains; qu'il paroisse alors un homme injuste, violent, ambitieux, quelque puissant, quelqu'heureux qu'il soit, les organes de la gloire seront muets; la terre entendra ce silence; le tyran l'entendra lui-même, & il en sera confondu. Je suis condamné, dira-t-il, & pour graver ma honte en airain on n'attend plus que ma ruine. Quel respect n'imprimeroient pas le pinceau de la Poésie, le burin de l'Histoire, la foudre de l'Éloquence, dans des mains équitables & pures? Le crayon foible, mais hardi, de l'Arétin, faisoit trembler les empereurs. La fausse gloire des conquérans n'est pas la seule qu'il faudroit convertir en opprobre; mais les principes qui la condamnent s'appliquent naturellement à tout ce qui lui ressemble, & les bornes qui nous sont prescrites ne nous permettent que de donner à réfléchir sur les objets que nous parcourons. La vraie gloire a pour objets l'utile, l'honnête & le juste; & c'est la seule qui soûtienne les regards de la vérité: ce qu'elle a de merveilleux, consiste dans des efforts de talent ou de vertu dirigés au bonheur des hommes. Nous avons observé qu'il sembloit y avoir une sorte de gloire accordée au merveilleux agréable; mais ce n'est qu'une participation a la gloire attachée au merveilleux utile: telle est la gloire des beaux Arts. Les beaux Arts ont leur merveilleux: ce merveilleux a fait leur gloire . Le pouvoir de l'Eloquence, le prestige de la Poésie, le charme de la Musique, l'illusion de la Peinture, &c. ont du paroître des prodiges, dans les tems sur-tout où l'Eloquence changeoit la face des etats, où la Musique & la Poesie civilisoient les hommes, où la Sculpture & la Peinture imprimoient à la terre le respect & l'adoration. Ces effets merveilleux des Arts ont été nus au rang de ce que les hommes avoient produit de plus étonnant & de plus utile; & l'éclatante célébrité qu'ils ont eue, a formé l'une des especes comprises sous le nom générique de gloire , soit que les hommes ayent compté leurs plaisirs au nombre de plus grands biens, & les Arts qui les causoient, au nombre des dons les plus précieux que le Ciel eut faits à la terre; soit qu'ils n'ayent jamais crû pouvoir trop honorer ce qui avoit contribué à les rendre moins barbares; & que les Arts considéres comme compagnons des vertus, ayent été jugés dignes d'en partager le triomphe, après en avoir secondé les travaux. Ce n'est même qu'à ce titre que les talens en général nous semblent avoir droit d'entres en société de gloire avec les vertus, & la société devient plus intime à mesure qu'ils concourent plus directement à la même fin. Cette fin est le bonheur du moude; ainsi les talens qui contribuent le plus à rendre les hommes heureux, devroient naturellement avoir le plus de part à la gloire . Mais ce prix attaché aux talens doit être encore en raison de leur rareté & de leur utilité combinées. Ce qui n'est que difficile, ne mérite aucune attention; ce qui est aisé, quoique utile, pour exercer un talent commun, n'attend qu'un salaire modique. Il suffit au laboureur de se nourrir de ses moissons. Ce qui est en même tems d'une grande importance & d'une extrème difficulté, demande des encouragemens proportionnés aux talens qu'on y employe. Le mérite du succès est en raison de l'utilité de l'entreprise, & de la rareté des moyens. Suivant cette regle, les talens appliqués aux beaux Arts, quoique peut-être les plus étonnans, ne sont pas les premiers admis au partage de la gloire . Avec moins de génie que Tacite & que Corneille, un ministre, un législateur seront placés au-dessus d'eux. Suivant cette regle encore, les mêmes talens ne sont pas toûjours egalement recommandables; & leurs protecteurs, pour encourager les plus utiles, doivent consulter la disposition des esprits & la constitution des choses; favoriser, par exemple, la Poésie dans des tems de barbarie & de ferocité, l'Éloquence dans des tems d'abattement & de desolation, la Philosophie dans des tems de superstition & de fanatisme. La premiere adoucira les moeurs, & rendra les ames flexibles; la seconde relevera le courage des peuples, & leur inspirera ces résolutions vigoureuses qui triomphent des revers: la derniere dissipera les fantômes de l'erreur & de la crainte, & montrera aux hommes le précipice où ils se laissent conduire les mains liées & les yeux bandés. Mais comme ces effets ne sont pas exclusifs; que les talens qui les operent se communiquent & se confondent; que la Philosophie éclaire la Poésie qui l'embellit; que l'Éloquence anime l'une & l'autre, & s'enrichit de leurs thresors, le parti le plu, avantageux seroit de les nourrir, de les exercer ensemble, pour les faire agir à-propos, tour-à-tour ou de concert, suivant les hommes, les lieux & les tems. Ce sont des moyens bien puissans & bien négligés, de conduire & de gouverner les peuples. La sagesse des anciennes républiques brilla sur-tout dans l'emploi des talens capables de persuader & d'émouvoir. Au contraire rien n'annonce plus la corruption & l'ivresse où les esprits sont plongés, que les honneurs extravagans accordés à des arts frivoles. Rome n'est plus qu'un objet de pitié, lorsqu'elle se divise en factions pour des pantomimes, lorsque l'exil de ces hommes perdus est une calamité, & leur retour un triomphe. La gloire , comme nous l'avons dit, doit être réservée aux coopérateurs du bien public; & non-seulement les talens, mais les vertus elles mêmes n'ont droit d'y aspirer qu'à ce titre. L'action de Virginius immolant sa fille, est aussi forte & plus pure que celle de Brutus condamnant son fils; cependant la derniere est glorieuse , la premiere ne l'est pas. Pourquoi? Virginius ne sauvoit que l'honneur des siens, Brutus sauvoit l'honneur des lois & de la patrie. Il y avoit peut-être bien de l'orgueil dans l'action de Brutus, peut-être n'y avoit-il que de l'orgueil: il n'y avoit dans celle de Virginius que de l'honnêteté & du courage; mais celui-ci faisoit tout pour sa famille, celui-là faisoit tout, ou sembloit faire tout pour Rome; & Rome, qui n'a regardé l'action de Virginius que comme celle d'un honnête homme & d'un bon pere, a consacré l'action de Brutus comme celle d'un héros. Rien n'est plus juste que ce retour. Les grands sacrifices de l'intérêt personnel au bien public, demandent un effort qui éleve l'homme au-dessus de lui-même, & la gloire est le seul prix qui soit digne d'y être attaché. Qu'offrir à celui qui immole sa vie, comme Décius; son honneur, comme Fabius; son ressentiment, comme Camille; ses enfans, comme Brutus & Manlius? La vertu qui se suffit, est une vertu plus qu'humaine: il n'est donc ni prudent ni juste d'exiger que la vertu se suffise. Sa récompense doit être proportionnée au bien qu'elle opere, au sacrifice qui lui en coûte, aux talens personnels qui la secondent; ou si les talens personnels lui manquent, au choix des talens étrangers qu'elle appelle à son secours: car ce choix dans un homme public renferme en lui tous les talens. L'homme public qui feroit tout par lui-même, feroit peu de choses. L'éloge que donne Horace à Auguste, Cum tot sustineas, & tanta negotia solus , signifie seulement que tout se faisoit en son nom, que tout le passoit sous ses yeux. Le don de régner avec gloire n'exige qu'un talent & qu'une vertu; ils tiennent lieu de tout, & rien n'y supplée. Cette vertu, c'est d'aimer les hommes; ce talent, c'est de les placer. Qu'un roi veuille courageusement le bien, qu'il y employe à-propos les talens & les vertus analogues; ce qu'il fait par inspiration n'en est pas moins à lui, & la gloire qui lui en revient ne fait que remonter à sa source. Il ne faut pas croire que les talens & les vertus sublimes se donnent rendez-vous pour se trouver ensemble dans tel siecle & dans tel pays; on doit supposer un aim int qui les attire, un souffle qui les développe, un esprit qui les anime, un centre d'activité qui les enchaîne autour de lui. C'est donc à juste titre qu'on attribue à un roi qui a sû régner, toute la gloire de son regne; ce qu'il a inspiré, il l'a fait, & l'hommage lui en est dû. Voyez un roi qui par les liens de la confiance & de l'amour unit toutes les parties de son etat, en fait un corps dont il est l'ame, encourage la population & l'industrie, fait fleurir l'Agriculture & le Commerce; excite, aiguillonne les Arts, rend les talens actifs & les vertus secondes: ce roi, sans coûter une larme à ses sujets, une goutte de sang à la terre, accumule au sein du repos un thrésor immense de gloire , & la moisson en appartient à la main qui l'a semée. Mais la gloire , comme la lumiere, se communique sans s'affoiblir: celle du souverain se repand sur la nation; & chacun des grands hommes dont les travaux y contribuent, brille en particulier du rayon qui émane de lui. On a dit le grand Condé, le grand Colbert, le grand Corneille , comme on a dit Louis-le-Grand . Celui des sujets qui contribue & participe le plus à la gloire d'un regne heureux, c'est un ministre éclaire, laborieux, accessible, également dévoüé à l'état & au prince, qui s'oublie lui-même, & qui ne voit que le bien; mais la gloire même de cet homme étonnant remonte au rei qui se l'attache. En effet, si l'utile & le merveilleux font la gloire , quoi de plus glorieux pour un prince, que la decouverte & le choix d'un si digne ami? Dans la balance de la gloire doivent entrer avec le bien qu'on a fait, les difficultés qu'on a surmontées; c'est l'avantage des fondateurs, tels que Lycurgue & le czar Pierre. Mais on doit aussi distraire du mérite du succès, tout ce qu'a fait la violence. Il est beau de prévoir, comme Lycurgue, qu'on humanisera un peuple feroce avec de la musique; il n'y a aucun merite à imaginer, comme le czar, de se faire obéir à coups de sabre. La seule domination glorieuse est celle que les hommes préferent ou par raison ou par amour: imperatoriam majestatem armis decoratam, legibus oportet esse armatam , dit l'empereur Justinien. De tous ceux qui ont desolé la terre, il n'en est aucun qui, à l'en croire, n'en voulût assûrer le bonheur. Défiez-vous de quiconque prétend rendre les hommes plus heureux qu'ils ne veulent l'être; c'est la chimere des usurpateurs, & le prétexte des tyrans. Celui qui fonde un empire pour lui-même, taille dans un peuple comme dans le marbre, sans en regretter les débris; celui qui fonde un empire pour le peuple qui le compose, commence par rendre ce peuple flexible, & le modifie sans le briser. En général, la personnalité dans la cause publique, est un crime de lese-humanité . L'homme qui se sacrifie à lui seul le repos, le bonheur des hommes, est de tous les animaux le plus cruel & le plus vorace: tout doit s'unir pour l'accabler. Sur ce principe nous nous sommes élevés contre les auteurs de toute guerre injuste. Nous avons invité les dispensateurs de la gloire à couvrir d'opprobre les succès même des conquérans ambitieux; mais nous sommes bien éloignés de disputer à la profession des armes la part qu'elle doit avoir à la gloire de l'état dont elle est le bouclier, & du throne dont elle est la barriere. Que celui qui sert son prince ou sa patrie soit armé pour la bonne ou pour la mauvaise cause, qu'il reçoive l'épée des mains de la justice ou des mains de l'ambition, il n'est ni juge ni garant des projets qu'il exécute; sa gloire personnelle est sans tache, elle doit être proportionnée aux efforts qu'elle lui coûte. L'austérité de la discipline à laquelle il se soûmet, la rigueur des travaux qu'il s'impose, les dangers affreux qu'il va courir; en un mot, les sacrifices multipliés de sa liberté, de son repos & de sa vie, ne peuvent être dignement payés que par la gloire . A cette gloire qui accompagne la valeur généreuse & pure, se joint encore la gloire des talens qui dans un grand capitaine éclairent, secondent & couronnent la valeur. Sous ce point de vûe, il n'est point de gloire comparable à celle des guerriers; car celle même des législateurs exige peut-être plus de talens, mais beaucoup moins de sacrifices: leurs travaux sont à la vérité sans relâche, mais ils ne sont pas dangereux. En supposant donc le fléau de la guerre inévitable pour l'humanité, la profession des armes doit être la plus honorable, comme elle est la plus périlleuse. Il seroit dangereux sur-tout de lui donner une rivale dans des états exposés par leur situation à la jalousie & aux insultes de leurs voisins. C'est peu d'y honorer le mérite qui commande, il faut y honorer encore la valeur qui obéit. Il doit y avoir une masse de gloire pour le corps qui se distingue; car si la gloire n'est pas l'objet de chaque soldat en particulier, elle est l'objet de la multitude réunie. Un légionnaire pense en homme, une légion pense en héros; & ce qu'on appelle l'esprit du corps, ne peut avoir d'autre aliment, d'autre mobile que la gloire . On se plaint que notre histoire est froide & seche en comparaison de celle des Grecs & des Romains. La raison en est bien sensible. L'histoire ancienne est celle des hommes, l'histoire moderne est celle de deux ou trois hommes: un roi, un ministre, un général. Dans le régiment de Champagne, un officier demande, pour un coup de-main, douze hommes de bonne volonté: tout le corps reste immobile, & personne ne répond. Trois fois la même demande, & trois fois le même silence. Hé quoi, dit l'officier, l'on ne m'entend point! L'on vous entend , s'écrie une voix; mais qu'appellez-vous douze hommes de bonne volonté? nous le sommes tous, vous n'avez qu'à choisir . La tranchée de Philisbourg étoit inondée, le soldat y marchoit dans l'eau plus qu'à demi-corps. Un très jeune officier, à qui son jeune âge ne permettoit pas d'y marcher de même, s'y faisoit porter de main en main. Un grenadier le présentoit à son camarade, afin qu'il le prît dans ses bras: mets-le sur mon dos , dit celui-ci; du-moins s'il y a un coup de fusil à recevoir, je le lui épargnerai . Le militaire françois a mille traits de cette beauté, que Plutarque & Tacite auroient eu grand soin de recueillir. Nous les réléguons dans des mémoires particuliers, comme peu dignes de la majesté de l'histoire . Il faut espérer qu'un historien philosophe s'affranchira de ce préjugé. Toutes les conditions qui exigent des ames résolues aux grands sacrifices de l'intérêt personnel au bien public, doivent avoir pour encouragement la perspective, du-moins éloignée, de la gloire personnelle. On fait bien que les Philosophes, pour rendre la vertu inébranlable, l'ont préparée à se passer de tout: non vis esse justus sine gloriâ; at, me herculè, saepè justus esse debebis cum infamiâ . Mais la vertu même ne se roidit que contre une honte passagere, & dans l'espoir d'une gloire à venir. Fabius se laisse insulter dans le camp d'Annibal & deshonorer dans Rome pendant le cours d'une campagne; auroit-il pû se résoudre à mourir deshonoré, à l'être à jamais dans la mémoire des hommes? N'attendons pas ces efforts de la foiblesse de notre nature; la religion seule en est capable, & ses sacrifices même ne sont rien moins que desintéressés. Les plus humbles des hommes ne renoncent à une gloire périssable, qu'en échange d'une gloire immortelle. Ce fut l'espoir de cette immortalité qui soûtint Socrate & Caton. Un philosophe ancien disoit: comment veux-tu que je sois sensible au blame, si tu ne veux pas que je sois sensible a l'éloge? A l'exemple de la Théologie, la Morale doit prémunir la vertu contre l'ingratitude & le mépris des hommes, en lui montrant dans le lointain des tems plus heureux & un monde plus juste. « La gloire accompagne la vertu, comme son ombre, dit Seneque; mais comme l'ombre d'un corps tantôt se précede, & tantôt le suit, de même la gloire tantôt devance la vertu & se présente la premiere, tantôt ne vient qu'à sa suite, lorsque l'envie s'est retirée; & alors elle est d'autant plus grande qu'elle se montre plûtard ». C'est donc une philosophie aussi dangereuse que vaine, de combattre dans l'homme le pressentiment de la postérité & le desir de se survivre. Celui qui borne sa gloire au court espace de sa vie, est esclave de l'opinion & des égards: rebuté, si son siecle est injuste; découragé, s'il est ingrat: impatient surtout de joüir, il veut recueillir ce qu'il seme; il préfere une gloire précoce & passagere, à une gloire tardive & durable: il n'entreprendra rien de grand. Celui qui se transporte dans l'avenir & qui joüit de sa mémoire, travaillera pour tous les siecles, comme s'il étoit immortel: que ses contemporains lui refusent la gloire qu'il a méritée, leurs neveux l'en dédommagent; car son imagination le rend présent à la postérité. C'est un beau songe, dira-t-on. Hé joüit-on jamais de sa gloire autrement qu'en songe? Ce n'est pas le petit nombre de spectateurs qui vous environnent, qui forment le cri de la renommée. Votre réputation n'est glorieuse qu'autant qu'elle vous multiplie où vous n'êtes pas, où vous ne serez jamais. Pourquoi donc seroit il plus insensé d'étendre en idée son existence aux siecles à venir, qu'aux climats éloignés? L'espace réel n'est pour vous qu'un point, comme la durée réelle. Si vous vous renfermez dans l'un ou l'autre, votre ame y va languir abattue, comme dans une étroite prison. Le desir d'éterniser sa gloire est un enthousiasme qui nous aggrandit, qui nous éleve au dessus de nous-mêmes & de notre siecle; & quiconque le raisonne n'est pas digne de le sentir. « Mépriser la gloire , dit Tacite, c'est mépriser les vertus qui y menent »: contempta famâ, virtutes contemnuntur. Article de M. Marmontel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gloire Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Gloire Gloire , en Peinture , c'est la représentation d'un ciel ouvert & lumineux, avec des anges, des saints, &c. Mignard a peint au Val-de-Grace une gloire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gloire Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Gloire Gloire ; les Artificiers donnent ce nom à un soleil fixe d'une grandeur extraordinaire, de quarante jusqu'à soixante piés de diametre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLORIA PATRI Author=Mallet Normalized Classification=Liturgie Part of Speech=s.m. GLORIA PATRI GLORIA PATRI , s. m. terme de Liturgie; ce mot est purement latin; on l'employe en françois dans la suite du discours comme les autres mots. On entend par celui-ci le verset qui se dit à la fin des pseaumes, & en tant d'autres occasions, à la messe, à l'office & dans toutes les prieres que l'Eglise récite. Le mot de gloria est le premier mot de ce verset par lequel on glorifie la sainte Trinité. Voyez Doxologie . On appelle quelquefois ce verset du nom des deux premiers mots par où il commence. On tient que ce fut le pape Damase qui dans l'année 368, ordonna qu'à la fin de chaque pseaume on chanteroit le gloria patri . Baronius croit que cela étoit en usage du tems des apôtres; mais que l'usage n'en étoit pas si commun qu'il l'a été depuis les commencemens de l'arianisme, qu'il devint comme une profession de foi contre ces hérétiques. Le cinquieme canon du concile de Vaison tenu en 529 porte: « on récitera dans nos églises le nom du pape; & après gloria patri , on ajoûtera sicut erat in principio , comme on fait à Rome, en Afrique & en Italie, à cause des hérétiques qui disent que le Fils de Dieu a commencé dans le tems ». Fleury, hist. eccles. liv. XXXII. tit. xij. pag. 268 . Gloria in excelsis est encore une espece d'hymne que l'on chante dans le service divin, qui commence par les mots gloria in excelsis Deo, & in terra pax hominibus , &c. Gloire soit à Dieu, &c. que les anges chanterent à la naissance de Jesus-Christ, c'est pourquoi on l'appelle aussi hymne angélique . ou le cantique des anges. Diction. de Trév. & Chamb . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLORIEUSE Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.f. GLORIEUSE GLORIEUSE, s. f. ( Hist. nat. Ichtiolog. ) poisson de mer qui ne differe de la pastenague qu'en ce qu'il a la tête plus apparente, le bec moins pointu, & semblable à la tête d'un crapaud; c'est pourquoi à Genes on a donné à ce poisson le nom de rospo , qui signifie un crapaud; on l'a aussi appellé ratepenade , parce qu'il ressemble en quelque sorte à une chauvesouris par la forme du corps. Le nom de glorieuse vient de ce qu'il nage lentement & avec une sorte de gravité; la chair en est molle & de mauvais goût. Rondelet, hist. des poissons, liv. XII. chap. ij. Voyez Pastenague & Poisson . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSAIRE Author=Jaucourt Normalized Classification=Belles-Lettres Part of Speech=s.m. GLOSSAIRE GLOSSAIRE, s. m. ( Belles-Lettres. ) recueil alphabétique en forme de dictionnaire des termes difficiles, barbares, hors d'usage, d'une langue morte ou corrompue, avec l'explication de ces termes, laquelle en conséquence est appellée glose . Ce mot est formé de γλῶσσα , qui originairement signifie langue , & qui a depuis signifié non seulement toute locution obscure, étrangere, inusitée, mais encore (ce qui est assez singulier) l'interprétation même de ces sortes de locutions. Les Anglois encouragent noblement ce genre d'étude sec & rebutant, depuis qu'ils ont éprouvé combien les antiquités saxonnes ont été débrouillées par le glossaire du chevalier Henri Spelman; il l'intitula glossarium archaeologicum , & le publia à Londres en 1626, in folio . L'Europe entiere connoît l'utilité des glossaires de M. du Cange pour l'intelligence des usages du bas-empire & des siecles suivans. Le glossaire grec de ce laborieux érudit mort en 1688, forme comme on sait 2 volumes, & le glossaire latin 6 vol. in folio , de l'édition de 1733. M. l'abbé Carpentier continue ce dernier ouvrage avec un zele infatigable. Il nous manquoit un glossaire françois, mais M. de Sainte-Palaye, de l'académie royale des Inscriptions, ne peut que l'exécuter avec gloire. Les travaux de ce genre sont longs & pénibles; le public en joüit avec fruit & facilité, & jamais avec assez de reconnoissance. Voyez Dictionnaire . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSOCATOCHE Author=Louis Normalized Classification=Instrument de chirurgie Part of Speech=s.m. GLOSSOCATOCHE GLOSSOCATOCHE, s. m. instrum. de Chirurgie , espece de speculum oris; c'est une pincette dont on se sert pour abaisser la langue, & la coller, pour ainsi dire, contre les parties inférieures de la bouche & du gosier, afin de découvrir jusque dans son fond les maladies qui peuvent y survenir, y appliquer les remedes, & y pouvoir opérer. Des deux branches antérieures de cet instrument, celle qui se met dans la bouche est une espece de palette alongée, mince, polie, arrondie par son extrémité, inclinée pour s'accommoder à la pente de la langue, & longue d'environ quatre pouces sur dix lignes de large. L'autre branche qui s'applique sous le menton est faite en fourchette plate ou en forme de fer à cheval: les fourchons sont éloignés l'un de l'autre d'environ quinze lignes; ils ont un pouce & demi de long, & se terminent par un bouton aussi applati & en forme de mamelon. Le corps de cet instrument est l'endroit de l'union des deux branches qui se fait par jonction passée, ainsi l'une de ces branches est mâle & l'autre femelle. Les extrémités postérieures de ces branches doivent être un peu applaties, legerement convexes du côté du dehors & planes en-dedans; leur longueur est d'environ cinq pouces & demi. Voyez la fig. 1 . Planche XXIII . de Chirurgie . Glossocatoche est un mot dérivé du grec γλωσσοκάτοχος , formé de γλῶσσα , lingua , langue, & de κατέσχω detineo , j'arrête, je retiens ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSOCOME Author=Louis Normalized Classification=Instrument de chirurgie Part of Speech=s.m. GLOSSOCOME GLOSSOCOME, s. m. γλωσσόκομον , instrument de Chirurgie dont on se servoit autrefois pour réduire les fractures & les luxations des cuisses & des jambes, pour faire en même tems l'extension & la contre-extension. Voyez Fracture & Luxation . Ce mot est grec, & vient de γλῶσσα , langue , & de κομεῖν , avoir soin; les anciens donnoient ce nom à un petit coffre dans lequel ils mettoient les langues des hautbois pour les conserver. Cette machine consiste en un coffre où l'on étend la jambe ou la cuisse, au bas duquel il y a un tour, & à côté vers le haut deux poulies, une de chaque côté: on attache des courroies à plusieurs chefs au-dessus, & au-dessous de l'endroit où est la fracture, les courroies d'en bas sont attachées à l'essieu dont elles sont près; celles d'en-haut après avoir passé par les poulies reviennent à l'essieu auquel elles sont aussi attachées; de sorte que par le même mouvement en faisant agir le tour, on tiroit en-haut la partie de la jambe avec la cuisse qui est au-dessus de la fracture, & en-bas la partie qui est au-dessous. Voyez la figure dans Ambroise Paré. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glossocome Author=unknown Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=NA Glossocome Glossocome . terme de Méchanique , est un mot que Heron donne à une machine composée de plusieurs roües dentées, garnies de leurs pignons, qui sert à élever de grands fardeaux. Dictionnaire de Trévoux & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSOIDE Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.m. GLOSSOIDE GLOSSOIDE, s. m. ( Hist. nat. ) nom donné par quelques naturalistes à des pierres qui ressembloient par leur figure à la langue d'un homme; cette configuration ne peut être regardée que comme un effet du hasard, ou ce qu'on appelle un jeu de la nature, Voyez supplément de Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSO-PALATIN Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GLOSSO-PALATIN GLOSSO-PALATIN, adj. en Anatomie , nom d'une paire de muscles de la luette. Voyez Glosso-Staphylin . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSOPETRES Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.f. GLOSSOPETRES GLOSSOPETRES, glossopetrae , s. f. ( Hist. nat. Minéral. ) dents de pistons pétrifiées, & très-improprement nommées langues de serpens , parce qu'on a cru qu'elles étoient en effet des langues de grands serpens qui avoient été pétrifiées; on ne doute pas à présent qu'elles ne soient de vraies dents de poissons: l'émail n'a point changé de nature, mais la partie osseuse est pétrifiée. M. Vallerius distingue trois sortes de glossopetres; les unes sont triangulaires, & les autres fourchues par la base. Ces deux sortes de glossopetres sont pointues, de couleur grise, à l'exception de la base qui est brune; ce sont des dents de chien de mer: les glossopetres de la troisieme sorte sont des dents de brochet. Minéralogie tom. II. pag. 60 . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSO PHARYNGIEN Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GLOSSO PHARYNGIEN GLOSSO PHARYNGIEN, adj. en Anatomie , se dit de deux muscles qui viennent des parties latérales & postérieures de la langue, & descendent sur les côtés du pharynx, sous les stylo-pharyngiens. Voyez Langue , Pharynx , &c. ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOSSO-STAPHYLYN ou GLOSSO-PALATIN Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GLOSSO-STAPHYLYN ou GLOSSO-PALATIN GLOSSO-STAPHYLYN ou GLOSSO-PALATIN, adj. en Anatomie , nom d'une paire de muscles de la luette qui viennent de part & d'autre de la racine de la langue, montent vers le palais, & se terminent à sa cloison. ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOTTE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GLOTTE GLOTTE, s. f. en Anatomie , se dit d'une petite fente qui est dans le larynx, & qui sert à former la voix. Voyez Larynx . La glotte a la forme d'une languette, ce qui fait que les Grecs l'ont appellée glotta , & les Latins lingula , c'est-à-dire petite langue . C'est par cette fente que l'air descend & remonte, quand on respire, chante, parle, &c. elle est garnie de plusieurs muscles, au moyen desquels nous pouvons l'étrécir & l'elargir à volonté; de sorte que les différentes ouvertures de la glotte forment toutes les variétés des tons de la voix humaine Voyez Voix . La glotte est couverte & défendue par un cartilage doux & mince, appellé l' épiglotte. Voyez Épiglotte . Chambers . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOUTERON, PETIT GLOUTERON Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GLOUTERON, PETIT GLOUTERON GLOUTERON, PETIT GLOUTERON, s. m. xantheum , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur composée de plusieurs fleurons stériles, dont il sort une étamine qui a un sommet ordinairement fourchu; les embryons naissent sur la même plante séparément des fleurs, & deviennent un fruit oblong, le plus souvent garni de piquans, partagé en deux loges, & rempli de semences oblongues. Tournef. inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLOUTON Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.m. GLOUTON GLOUTON, s. m. gulo , ( Hist. nat. Zoolog ) animal quadrupede qui se trouve dans les grandes forêts de Laponie, de Dalekarlie & des autres pays du nord; on lui a donné le nom de glouton , parce qu'il a une très-grande voracité. Il devore les cadavres, & s'en remplit au point que son ventre paroît enflé: on dit qu'alors il se serre entre deux arbres ou entre deux rochers, pour rendre par la bouche & par l'anus en même tems les alimens qu'il a pris; ensuite il revient à la charogne, & se remplit de nouveau. Il tire les cadavres de la terre, ce qui fait croire que cet animal est l'hyaene des anciens; il est plus long, un peu plus haut & beaucoup plus gros qu'un loup; il a la queue un peu plus courte; sa couleur est noirâtre, les poils ne different de ceux du renard qu'en ce qu'ils sont plus fins & plus doux; aussi sa peau est fort chere en Suede. Olaüs-Magnus dit que le glouton est gros comme un grand chien, qu'il a les oreilles ou la face du chat, & la queue comme celle du renard, mais plus courte & plus touffue. La chair du glouton est très-mauvaise, & ses ongles sont fort dangereux. Charleton, pag. 15 . Appoll, megal. Hist. gulonis . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLU Author=Jaucourt Normalized Classification=Art méchanique | Chasse Part of Speech=s.f. GLU GLU, s. f. ( Arts méchan. & Chasse. ) composition visqueuse & tenace qu'on sait par art avec les baies de guy, l'écorce de houx, les racines de viorne, les prunes de sébestes, & autres matieres. On prend des baies de guy qu'on met bouillir dans l'eau jusqu'à ce qu'elles crevent; on les bat dans un mortier, on les lave ensuite dans l'eau pour en séparer l'enveloppe, le reste forme une espece de pâte qu'on conserve à la cave dans une terrine; c'étoit là l'ancienne méthode, mais aujourd'hui on fait la glu beaucoup mieux avec la seconde écorce de houx. On leve cette écorce dans le tems de la séve, & aprés l'avoir laissée pourrir à la cave dans des tonneaux, on la bat dans des mortiers jusqu'à ce qu'elle soit réduite en pâte; on lave ensuite cette pâte en grande eau, dans laquelle on la manie & pétrit à diverses reprises; on la met dans des barrils pour la laisser perfectionner par l'écume qu'elle jette & qu'on ôte. Enfin on la met pure dans un autre vaisseau pour l'usage. Cependant comme la glu perd promptement sa force, & qu'elle ne peut servir à l'eau, on a inventé une sorte particuliere de glu qui a la propriété de souffrir l'eau sans dommage: voici comme il faut la préparer Prenez une livre de bonne glu de houx, lavez la dans de l'eau de source jusqu'à ce que sa fermeté soit dissipée; alors battez la bien jusqu'à ce qu'il n'y reste point d'eau, laissez-la sécher; ensuite mettez-la dans un pot de terre, ajoûtez-y autant de graisse de volaille qu'il est nécessaire pour la rendre coulante; ajoûtez-y encore une once de fort vinaigre, demi-once d'huile & autant de térébenthine; faites boüillir le tout quelques minutes à petit feu en le remuant toûjours, & quand vous voudrez l'employer réchauffez-le; enfin pour prévenir que votre glu se gele en hyver, vous y incorporerez un peu d'huile de pétrole. Ce n'est pas pour prendre de jolis oiseaux qui font les plaisirs des champs, ou qui vivent de mille insectes nuisibles, qu'on vient d'indiquer les diverses préparations de la glu; un tel amusement est trop contraire à l'humanité pour qu'on le justifie; mais on peut tirer d'autres usages de la glu: elle peut servir à sauver les vignes des chenilles, & à garantir plusieurs plantes précieuses de l'attaque des insectes. Les anciens medecins l'employoient avec de la résine & de la cire en quantité égale, pour amollir les tumeurs & sécher les ulceres; je ne prétends pas qu'ils eussent raison, je dis seulement qu'on doit chercher les usages utiles des choses, & non ceux que la nature desavoue. Au reste, quelque singuliere que soit la nature de la glu , qu'on ne peut manier qu'avec les mains frottées d'huile, soit que cette glu soit faite avec le houx, les baies de guy, les racines de viorne ou les sébestes; cependant je ne doute point que plusieurs autres jus de plantes, si on en faisoit des essais, ne se trouvassent avoir la même nature visqueuse & gluante; si l'on coupe une jeune branche de sureau, on en tire un suc très-gluant, dont les filets suivent le couteau comme la glu du houx; & il paroît que le jus visqueux de cet arbre n'est pas logé dans l'écorce, mais dans les cercles du bois même; les racines des narcisses & de toutes les hyacinthes fournissent aussi un jus gluant & filamenteux. Enfin pour parler de matieres animales, les entrailles de chenilles pourries, mêlées avec de l'eau & battues avec de l'huile, font une sorte de glu tenace. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Glu Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Glu Glu , ( Jardinage. ) est une liqueur qui découle de certains arbres, comme du cerisier & du prunier; ce n'est autre chose que de la gomme qu'il faut distinguer de la gomme arabique provenant de l'acacia en Egypte. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLUAUX Author=unknown Normalized Classification=Chasse Part of Speech=s.m.pl. GLUAUX GLUAUX, s. m. pl. ( Chasse. ) ce sont des ramilles enduites de glu, & dont on se sert pour attraper les petits oiseaux, soit à l'abreuvoir en les fichant en terre à l'ombre, soit en garnissant un arbre de ces gluaux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLUCKSBOURG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLUCKSBOURG GLUCKSBOURG, Glucksburgum , ( Géog. ) petite ville de Danemark avec un fort dans le duché de Sleswick. Elle appartient aux ducs d'Holstein-Glucksbourg, & est le chef-lieu d'un bailliage du même nom dans le petit pays d'Angeln. Long. 27. 29. latit. 54. 38 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLUCKSTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GLUCKSTADT GLUCKSTADT, Gluckstadium , ( Géog. ) ville moderne d'Allemagne dans le cercle de la basse Saxe, au duc de Holstein, avec une forteresse bâtie par Christian IV. de même que la ville en 1620. Elle est sujette au roi de Danemark, & est située sur l'Elbe à 87 lieues N. O. de Hambourg, 10 de Kiel, 12 de Lubek N. E. 20 de Bresme. Voyez Hermanides, Daniae descript. long. 42. 45. lat. 53. 52 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLUTEN Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=NA GLUTEN GLUTEN , ( Hist. nat. Minéralogie. ) mot latin adopté par les naturalistes pour désigner la matiere qui sert à lier les parties terreuses dont une pierre ou roche est composée, ou à joindre ensemble différentes pierres détachées pour ne faire plus qu'une seule masse. On sait que les pierres ne different des terres que par la consistence & la dureté; c'est au gluten ou à une espece de matiere colante qu'elles sont redevables de ces qualités. Il est très-difficile de déterminer en quoi cette matiere consiste, & à quel point elle est variée; il n'y a que le tems & les expériences qui puissent nous donner là-dessus les lumieres dont nous manquons; peut-être trouvera-t-on quelque jour des raisons pour croire que le gluten seul constitue les différences que l'on remarque entre les différentes especes de pierres, & il pourroit bien se faire que la matiere qui leur sert de base fût constamment la même. Un des meilleurs moyens pour connoître la nature du gluten , ou du lien qui sert à joindre les particules qui composent une pierre, seroit d'examiner les eaux que l'on trouve dans les grottes & cavités de la terre; ces eaux se filtrent perpétuellement au-travers des roches dans lesquelles ces cavités se rencontrent, & les remplissent peu-à-peu, ou bien elles y forment des stalactites, des concrétions, des incrustations & des crystallisations. Voyez l'article Grotte . Joignez à cela que toutes les eaux examinées avec attention donnent toûjours par l'évaporation un dépôt plus ou moins considérable de terre atténuée, qu'elles ont charriée avec elles après les avoir mises en dissolution. Si ces eaux sont chargées de parties salines, comme d'acide vitriolique, d'acide marin, &c. ou de quelques autres principes du regne minéral, on sent qu'elles sont en état de former une infinité de combinaisons différentes, d'agir diversement sur les substances par où elles passent; & ces unions qui peuvent se faire dans ces eaux elles-mêmes doivent nécessairement donner des produits différens, & faire des glutens de différente nature. Voyez l'art . Crystallisation , Crystal , Pierres , Grotte , &c. Guhr , &c. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLYCONIEN ou GLYCONIQUE Author=Mallet Normalized Classification=Littérature Part of Speech=adject GLYCONIEN ou GLYCONIQUE GLYCONIEN ou GLYCONIQUE, adj. ( Littér. ) terme de poësie greque & latine. Un vers glyconien , selon quelques-uns, est composé de deux piés & d'une syllabe; c'est le sentiment de Scaliger qui dit que le vers glyconien a été appellé euripidien. Voy. Vers . D'autres disent que le vers glyconien est composé de frois piés, qui sont un spondée & deux dactyles, ou bien un spondée, un choriambe & un pyrrique: ce sentiment est le plus suivi. Ce vers, Sic te diva potens cypri est un vers glyconique. Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GLYPTOGRAPHIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Antiquité Part of Speech=s.f. GLYPTOGRAPHIE GLYPTOGRAPHIE, s. f. ( Antiquités. ) La Glyptographie est la science des gravures en creux & en relief, sur des cornalines, jaspes, agathes, agathes-onyx, lapis, améthistes, opales, sardoines, hyacinthes, chrysolithes, topases, & autres pierres précieuses qui étoient employées par les anciens pour des bagues, des cachets, des vases & autres ornemens. Ce terme est composé des deux mots grecs, γλυφὴ , gravure , & γραφὴ , description. Voyez les details à Gravure en creux , Gravure en relief , & Pierre gravée . Voyez aussi Graveur en pierres fines ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNAPHALIUM, patte de lion Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.m. GNAPHALIUM GNAPHALIUM , s. m. patte de lion; ( Jardinage. ) il y en a de trois sortes, gnaphalium maritimum, gnaphalium filago, & gnaphalium alpinum ou leontopodium , en françois patte de lion; nous ne décrirons ici que le dernier, on le trouve sur les Alpes; ses feuilles sont oblongues & cotoneuses; sa tige a quatre pouces de haut, portant à son sommet plusieurs fleurs blanches & jaunes disposées en roses, d'où sortent quelques fruits blancs qui renferment des graines menues & aigrelettes: on le cultive dans les jardins d'Angleterre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gnaphalium Author=Jaucourt Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gnaphalium Gnaphalium , ( Mat. medic. ) Comme on employe en Medecine sous le même nom de gnaphalium deux plantes de différent genre, savoir le pié de chat, & l'herbe à coton, voyez les Herbes à coton , & Pié de chat . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNAPHALODES Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GNAPHALODES GNAPHALODES, s. m. ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur composée de plusieurs fleurons stériles; les embryons qui formoient le calice de sa fleur deviennent un fruit qui est surmonté d'une crête, & qui renferme une semence ordinairement oblongue. Tournef. inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNATIA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GNATIA GNATIA, Gnatia ou Egnatia , ( Géog. anc. ) étoit une ville des Salentins; on l'appelle aujourd'hui la Terre d'Anazzo; elle est à quarante milles de Bari, & sur la même côte. Cette ville n'avoit que des eaux salées, & ses habitans étoient fort superstitieux. Ils montroient aux étrangers un prétendu miracle (car tout le monde en a fait); ils mettoient, dit Pline, liv. I. chap. cvij. sur le seuil de leur temple des grains d'encens ou quelques morceaux de bois, & on les voyoit consumer sans qu'on eût approché le moindre feu. Horace se moque de cette fourberie dont on le régala dans son voyage de Brindes; voici ses propres paroles: Dehinc Gnatia lymphis Iratis extructa, dedit risusque, jocosque Dum flammâ sine, thura liquescere limine sacro, Persuadere cupit; credat judaeus Apella. Sat. v. liv. I. « Ce sot peuple de Gnatia nous apprêta fort à rire; il nous débitoit sérieusement, & de maniere à vouloir nous persuader, que l'encens posé sur une pierre sacrée à l'entrée de leur temple, se fond & se consume de lui-même sans feu; cela seroit bon à » dire au juif Apella. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNESNE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GNESNE GNESNE, Gnesna , ( Géog. ) anciennement Limiosaleum , capitale de la grande Pologne, au palatinat de Calish, avec un archevêché dont l'archevêque est primat de Pologne, légat né du pape, premier prince & viceroi durant l'interregne. C'est la premiere ville bâtie en Pologne, & fondée par Lechus qui y fit sa résidence, aussi-bien qu'un grand nombre de ses successeurs. Elle étoit autrefois bien plus considérable qu'elle n'est aujourd'hui. Les chevaliers de l'ordre de Prusse la prirent & la ravagerent en 1331, & le feu la consuma en 1613. Elle est à quatre lieues nord-oüest de Breslaw, 48 sud-est de Dantzick, 50 nord-oüest de Cracovie. Long. 35. 55. latit. 52. 28 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNIDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GNIDE GNIDE, Cnidus , ( Géog. anc. ) c'étoit anciennement une ville considerable de la Doride, contrée de la Carie dans l'Asie mineure, sur un promontoire fort avancé, qu'on appelloit Triopum; présentement Capocrio . Outre les fêtes d'Appollon & de Neptune qu'on y célebroit avec la derniere magnificence, on rendoit à Gnide un culte particulier à Venus, surnommée Gnidienne; c'étoit-là qu'on voyoit la statue de cette déesse, ouvrage de la main de Praxitelle, qui seul, dit Pline, annoblissoit la ville de Gnide . Les curieux faisoient exprès le voyage de la Doride pour considérer de leurs propres yeux ce chef-d'oeuvre de l'art. Nicomede avoit tant d'envie de le posséder, qu'il voulut en donner de quoi payer les dettes immenses que cette ville avoit contractées; elle le refusa, parce que cette seule statue faisoit sa gloire & son trésor. Horace n'a pas oublié de célebrer le culte que Vénus recevoit à Gnide: Quoe Cnidon Fulgentesque tenet Cycladas, & Paphon Junctis visit oloribus. Lib. III. od. xxviij. « Réunissons nos voix pour chanter la déesse qui est » adorée à Gnide , qui tient sous son empire les brillantes Cyclades, & qui sur un char trainé par des cygnes visite tous les ans l'île de Paphos. Gnide n'est à présent qu'un village qui est encore nommé Cnido , & dont il reste une grande quantité de ruines vers le cap de Crio en Natolie. Les habitans du lieu ne se doutent pas même de l'origine de ces ruines; encore moins savent ils que leur territoire a produit autrefois un Ctésias medecin & historien, qui avoit composé en XIII. livres une belle histoire des Assyriens & des Perses, dont Eusebe & Photius nous ont conservé quelques fragmens. Ils ne connoissent pas davantage Eudoxe de Gnide qui mourut 350 ans avant Jesus-Christ, qui fut astronome, géometre, &, ce qui vaut bien mieux, le législateur de sa patrie. Le spectacle de l'univers ne nous présente que des pays-devenus barbares, ou d'autres qui sortent de la barbarie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNOMES Author=Mallet Normalized Classification=Divination Part of Speech=s.m.pl. GNOMES GNOMES, s. m. pl. ( Divin. ) nom que les cabalistes donnent à certains peuples invisibles, qu'ils supposent habiter dans la terre, & la remplir jusqu'au centre. Ils feignent qu'ils sont de petite stature, amis de l'homme, & faciles à commander; ils les font gardiens des trésors, des minieres & des pierreries. Vigenere les appelle Gnomons; leurs femmes sont appellées Gnomides . Vigneul Marville dans ses mélanges de Littérature & d'Histoire, tom. I. pag. 100 , rapporte que dans une conférence tenue chez M. Rohault, un philosophe de l'ecole soûtint qu'il y a une infinité d'esprits qui remplissent les élémens, le feu, l'air, l'eau & la terre, des Salamandres, des Sylphes, des Oudins & des Gnomes; que ces derniers sont employés à faire agir les machines des animaux qui habitent sur la terre. Il ajoûtoit que quelques philosophes de sa secte prétendent que ces esprits sont de deux sexes, pour répondre apparemment aux deux sexes des animaux; que les plus grands, les plus ingénieux & les plus habiles de ces esprits, gouvernent les machines des animaux, les plus grandes, les plus composées & les plus parfaites; qu'il y en avoit une infinité de fort déliés, de toutes especes, qui font jouer le nombre infini d'insectes que nous voyons, ou qui échappent à nos yeux par leur extreme petitesse. Que tous ces esprits en général gouvernent chaque machine selon la disposition de tes organes, de son tempérament & de ses humeurs, ne se saisissant pas indifféremment de toutes sortes de machines, mais seulement de celles qui sont-de leur caractere, & qui vivent dans l'élement qui leur est propre; qu'un gnome fier & superbe, par exemple, se saisit d'un coursier de Naples, d'un genet d'Espagne: un autre qui est cruel se jette dans un tigre ou dans un lion, &c. Que de folies! Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNOMON Author=unknown Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=s.m. GNOMON GNOMON, s. m. ( Astronom. ) est proprement le stile ou aiguille d'un cadran solaire, dont l'ombre marque les heures. Voyez Cadran . Ce mot est purement grec, & signifie littéralement une chose qui en fait connoitre une autre; de γνώμη , connoissance: les anciens l'ont appliqué au stile d'un cadran, parce qu'il indique ou fait connoître les heures. Le gnomon d'un cadran solaire représente l'axe du monde, ou, pour parler plus juste, l'extrémité du gnomon d'un cadran solaire est censée représenter le centre de la terre; & si l'autre bout du gnomon passe par le centre du cadran ou point de concours des lignes horaires, le gnomon est alors parallele à l'axe de la terre; & on peut le prendre pour cet axe même, sans erreur sensible: mais si le gnomon est dans toute autre situation par rapport au cadran, par exemple, s'il est perpendiculaire au plan du cadran, alors il ne représente plus l'axe du monde, à-moins que le cadran ne soit équinoctial; mais l'extrémité ou la pointe du gnomon est toûjours regardée comme le centre de la terre. Au reste, le mot de gnomon n'est plus guere en usage pour signifier le stile des cadrans; on se sert plûtôt du mot de stile ou d' aiguille: on peut d'ailleurs reserver le mot de gnomon pour les cadrans qui n'ont point de stile, mais seulement une plaque percée d'un trou par où passe l'image du soleil. Voyez Cadran . Ces cadrans sont en petit ce que sont en Astronomie les gnomons dont nous allons parler. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gnomon Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=NA Gnomon Gnomon , en Astronomie , signifie à la lettre un instrument servant à mesurer les hauteurs méridiennes & les déclinaisons du soleil & des étoiles. Voy. Méridien & Hauteur . Les Astronomes préferent le gnomon appellé par quelques-uns le grand gnomon astronomique , aux gnomons des cadrans, parce qu'il est plus exact. C'est pourquoi les anciens & les modernes se sont servi du gnomon pour faire leurs opérations les plus considérables. Ulugh Beigh prince tartare, petit-fils de Tamerlan, se servit en 1437 d'un gnomon de 180 piés romains de hauteur; celui qu'Ignace Dante érigea dans l'eglise de S. Pétrone à Boulogne en 1576, avoit 67 piés de haut; & M. Cassini en eleva un autre dans la même église, en l'année 1655. Voyez Solstice . Elever un gnomon astronomique, & observer par son moyen la hauteur méridienne du soleil . Elevez un stile perpendiculaire d'une hauteur considérable & connue sur la ligne méridienne; marquez le point où se termine l'ombre du gnomon projettée le long de la ligne méridienne, mesurez la distance de son extrémité, au pie du gnomon , c'est-à-dire la longueur de l'ombre: quand vous aurez ainsi la hauteur du gnomon & la longueur de l'ombre, vous trouverez aisément la hauteur méridienne du soleil. Supposez, par exemple, que TS ( Pt. Optiq. fig. 13 . ), est le gnomon , & TV la longueur de l'ombre; comme le triangle rectangle STV donne les deux côtés TV & TS , l'angle V , qui est la quantité de la hauteur du soleil, se trouve par l'analogie suivante. La longueur de l'ombre TV est à la hauteur du gnomon TS , comme le sinus total est à la tangente de la hauteur du soleil au-dessus de l'horison. L'opération sera encore plus exacte, en faisant une ouverture circulaire dans une plaque de cuivre, de sorte que les rayons du soleil passant par cette ouverture, viennent représenter l'image du soleil sur le pavé; attachez cette plaque parallélement à l'horison dans un lieu éleve & commode pour l'observation. Faites tomber une ficelle & un plomb pour mesurer la hauteur qu'il y a du trou au pavé; ayez soin que le pavé soit parfaitement de niveau & horisontal, & faites-le blanchir, afin de représenter plus distinctement l'image du soleil: tirez dessus une ligne méridienne qui passe par le pié du gnomon , c'est-à-dire par le point que marque le plomb. Marquez les extrémités K & I ( fig. 57 . Astronomie. ) du soleil sur la ligne méridienne, & retranchez de chacune une ligne droite égale au demi-diametre de l'ouverture, savoir d'un côté KH ( Pl. Astronom . fig. 57 . ); & de l'autre côté, LI; HL sera l'image du diametre du soleil, qui étant coupée par le milieu en B , donne le point sur lequel tombent les rayons du centre du soleil. Ayant donc la ligne droite AB & la hauteur du gnomon avec l'angle A , qui est un angle droit, l'angle ABG , ou la hauteur apparente du centre du soleil, n'est pas difficile à trouver: car en prenant pour le rayon un des côtés donnés AB, AG sera la tangente de l'angle opposé B; dites donc: le côté AB est à l'autre côté AG comme le sinus total est à la tangente de l'angle B . Le rayon qui vient du centre du soleil ne tombe pas exactement & rigoureusement au point B , milieu de la ligne HBL . Il faudroit pour cela que les lignes GH, GL , fussent égales; ce qui n'est pas & ne sauroit être: mais comme le trou G est fort petit par l'hypothèse, qu'il est placé à une grande hauteur, & que par conséquent les lignes GH, GL , sont fort grandes & la ligne HL extrèmement petite, puisqu'elle n'est que l'image du trou; il s'ensuit que l'on peut regarder comme sensiblement égales, les lignes BH, BL; B étant supposé l'image du centre du soleil. Au lieu d'une plaque horisontale dans laquelle on fait un trou, on se contente quelquefois de faire un trou vertical à une croisée dont on supprime d'ailleurs entierement le jour. L'image de ce trou est celle du soleil; & le milieu ou centre de l'image, est sensiblement celle du centre de cet astre: car cette image est la base d'un triangle dont l'angle au sommet est d'environ 32'. diametre apparent du soleil, & dont les côtés sont forts grands par rapport à la base. De tous les gnomons astronomiques qui subs-stent aujourd'hui en France, nous n'en connoissons point de supérieur à celui qui a été dressé par M. le Monnier dans l'église de S. Sulpice de Paris. Voyez-en la description au mot Méridien . On verra dans cet article, & on peut voir d'avance dans l' histoire & les mém. de l'académie des Sciences pour l'an. 1743 , en quoi consistoient les gnomons des anciens, quels étoient les défauts de ces gnomons , & quels sont les avantages de celui de S. Sulpice. On a appellé quelquefois gnomon , en Géométrie, la figure MXOC ( Pl. Géomét . fig. 5 . ), formée dans le parallélogramme AB , par les parallélogrammes de complément M, C & les triangles x, o , qui forment eux-mêmes un autre parallélogramme; mais cette dénomination n'est plus guere en usage. Voy. Complément . Wolf, Harris, & Chambers . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNOMONIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=Gnomonique Part of Speech=s.f. GNOMONIQUE GNOMONIQUE, s. f. ( Ordre encyclopéd. Entend. Rais. Philosoph. Science de la Nat. Mathémat. mixtes, Astronom. Gnomoniq. ) c'est l'art de tracer des cadrans au soleil, à la lune, & aux étoiles, mais principalement des cadrans solaires, sur un plan donné ou sur la surface d'un corps donné quelconque. Voyez Cadran . Les Grecs & les Latins donnoient à cet art les noms de Gnomonica & Sciaterica , dont le premier vient de γνώμων , gnomon , & le second de σκιὰ , ombre , à cause qu'ils distinguoient les heures par l'ombre d'un gnomon. Voyez Gnomon . Quelques-uns l'appellent Photosciaterica , de φῶς , lumiere , & σκιὰ , ombre , parce que c'est quelquefois la lumiere même du soleil qui marque les heures; comme quand le cadran au lieu d'un stile porte une plaque percée d'un trou. Enfin il est appellé par d'autres horographia , parce que c'est proprement l'art d'écrire sur un plan donné, l'heure qu'il est. D'autres enfin le nomment Horologio-graphia , parce que les cadrans s'appelloient autrefois horologium; nom que nous avons depuis transporté aux pendules d'Horlogerie. On ne sauroit douter de l'antiquité des cadrans; quelques-uns en attribuent l'invention à Anaximene de Milet & d'autres à Thalès. Vitruve fait mention d'un cadran que l'ancien historien Berose de Chaldée, construisit sur un plan réclinant, presque parallele à l'équinoctial ou équateur. Le disque d'Aristarque étoit un cadran horisontal avec son limbe relevé tout-autour, afin d'empêcher les ombres de s'étendre trop loin. Les cadrans ne furent connus des Romains que fort tard: le premier cadran solaire qui parut à Rome, fut, suivant Pline, construit par Papirius Cursor, vers l'an 400 de la fondation de cette ville. Pline dit qu'avant cette époque il n'est fait mention d'autre calcul de tems que de celui qui se tiroit du lever & du coucher du soleil: ce cadran, selon quelques-uns, fut placé au temple de Quirinus, ou près de ce temple; selon d'autres, dans le capitole; selon d'autres enfin, près le temple de Diane sur le mont Aventin; mais il alloit mal. Trente ans après, Valérius Messala étant consul, apporta de Sicile un autre cadran, qu'il éleva sur un pilier proche les rostra , ou tribune aux harangues: mais comme il n'étoit pas fait pour la latitude de ce lieu, il n'étoit pas possible qu'il marquât l'heure véritable. On s'en servit pendant 99 ans, jusqu'à ce que le censeur L. Philippus en fit construire un autre plus exact. Il paroit qu'il y a eu des cadrans chez les Juifs beaucoup plûtôt que chez les nations dont nous venons de parler; témoin le cadran d'Achaz, qui commença à régner 400 ans avant Alexandre, & 12 ans après la fondation de Rome: Isaïe en parle au chap. xxxviij. v. 8. peut-être, au reste, ce cadran n'étoit-il qu'un simple méridien. Quoi qu'il en soit, la rétrogradation de l'ombre du soleil sur ce cadran d'Achaz, est un miracle bien surprenant, qu'il faut croire sans l'expliquer. On a trouvé dans les ruines d'Herculanum un cadran solaire portatif. Ce cadran est rond & garni d'un manche, au bout duquel est un anneau qui servoit sans doute à suspendre le cadran par-tout où l'on vouloit. Tout l'instrument est de métal & un peu convexe par ses deux surfaces: il y a d'un côté un stilet un peu long & dentelé, qui fait environ la quatrieme partie du diametre de cet instrument. L'une des deux superficies, qu'on peut regarder comme la surface supérieure, est toute couverte d'argent, & divisée par douze lignes paralleles qui forment autant de petits quarrés un peu creux; les six derniers quarrés, qui sent terminés par la partie inférieure de la circonférence du cercle, sont disposés comme on va voir, & contiennent les caracteres suivans, qui sont les lettres initiales du nom de chaque mois. La façon dont sont disposés ces mois, est remarquable en ce qu'elle est en boustrophédon. Voyez ce mot . On pourroit croire que cette disposition des mois sur le cadran vient de ce que dans les mois qui sont l'un au-dessus de l'autre, par exemple, en Avril & Septembre, le soleil se trouve à-peu-près à la même hauteur dans certains jours correspondans: mais en ce cas, le cadran ne seroit pas fort exact à cet égard; car cette correspondance n'a guere lieu que dans les deux premieres moitiés de chacun de ces mois: dans les quinze derniers jours d'Avril, le soleil est beaucoup plus haut que dans les quinze derniers de Septembre; il en est ainsi des autres mois. La Gnomonique est entierement fondée sur le mouvement des corps célestes, & principalement sur celui du soleil, ou plûtôt sur le mouvement journalier de la terre: de sorte qu'il est nécessaire d'avoir appris les élémens des sphériques & l'astronomie sphérique, avant que de s'appliquer à la théorie de la Gnomonique . Clavius est le premier parmi les modernes, qui ait fait un traité exprès sur la Gnomonique; il en démontre toutes les opérations suivant la méthode rigoureuse des anciens géometres, mais d'une maniere assez compliquée. Déchales & Ozanam ont donné des méthodes beaucoup plus aisées dans leur cours de Mathématiques , aussi-bien que Wolf dans ses élémens . M. Picard a donné une nouvelle méthode de faire de grands cadrans, en calculant les angles que doivent former entre-elles les lignes horaires; & M. de la Hire, dans sa Gnomonique imprimée en 1683, donne une méthode géométrique de tracer des lignes horairaires au moyen de certains points déterminés par observation. Welperus en 1625, publia sa Gnomonique , dans laquelle il expose une maniere de tracer les cadrans de la premiere espece, c'est-à-dire qui ne sont ni inclinans ni réclinans: cette méthode étoit fondée sur un principe fort aisé. Ce même principe est expliqué au long par Sébastien Munster, dans ses rudimenta mathematica , publiés en 1651. Sturmius en 1672, publia une nouvelle édition de la Gnomonique de Welperus, à laquelle il ajoûta une seconde partie en entier sur les cadrans inclinans & réclinans, &c. En 1708 on réimprima ce même ouvrage avec les additions de Sturmius; & on y ajoûta une quatrieme partie qui contient les méthodes de MM. Picard & de la Hire, pour tracer de grands cadrans; ce qui compose un des meilleurs ouvrages & des plus complets que nous ayons sur cette matiere. Wolf & Chambers . M. Rivard, professeur de Philosophie en l'université de Paris, & M. Deparcieux, membre des académies royales des Sciences de Paris, de Berlin, & de Montpellier, nous ont donné chacun presque dans le même tems, en 1741, un traité de Gnomonique: ces deux ouvrages peuvent être fort utiles à ceux qui voudront apprendre facilement les principes de cette science. On peut aussi consulter Bion, dans ses usages des instrumens de Mathématique . Comme nous avons donné au mot Cadran la méthode de tracer les cadrans, qui est le principal objet de la Gnomonique , nous n'en dirons pas ici davantage: nous nous contenterons d'observer que de tous les cadrans, le cadran horisontal est celui qu'on peut tracer le plus facilement & le plus exactement, mais que le cadran vertical a un avantage, c'est que les lignes y sont moins sujettes à être effacées par les pluies, à cause de la position verticale du mur du cadran; quoique d'un autre côté la déclinaison du mur rende la construction de ces sortes de cadrans plus difficile que celle des cadrans horisontaux. Voy. Déclinaison . Les cadrans équinoctiaux ou paralleles à l'équateur, peuvent aussi avoir leur utilité, & sont d'une description plus simple que tous les autres; toute la difficulté se réduit à bien placer le plan du cadran. A l'égard des autres cadrans, ils sont plus curieux qu'utiles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gnomonique Author=d'Alembert Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gnomonique Gnomonique , pris adjectivement, se dit de tout ce qui appartient à la Gnomonique & aux gnomons . Voyez ces mots . Ainsi on dit colonne gnomonique , pour signifier les gnomons ou obélisques des anciens, voyez Méridien ; polyhedre gnomonique , pour signifier un polyhedre sur les différentes surfaces duquel on a tracé des cadrans, &c. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNOSIMAQUES Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. GNOSIMAQUES GNOSIMAQUES, s. m. pl. ( Hist. ecclésiast. ) nom de secte; héretiques qui se déclarerent ennemis de toutes les connoissances recherchées de la religion. Ce mot est grec γνωσιμάχος , c'est-à-dire ennemi de la sagesse, des connoissances . S. Jean Damascene dit que les gnosimaques étoient des gens opposés à toute la gnose du Christianisme, qui disoient que c'étoit un travail inutile de chercher des gnoses dans les saintes Ecritures; que Dieu ne demandoit autre chose du chrétien que de bonnes oeuvres; qu'il étoit donc beaucoup mieux de marcher avec beaucoup plus de simplicité, & de ne point chercher avec tant de soin tous les dogmes concernant la vie gnostique. Quelques auteurs prétendent que ce mot a un sens plus particulier, & qu'il signifioit dans les premiers siecles de l'église à-peu-près ce que nous appellons spiritualité; & la vie gnostique, ce que nous nommons la vie spirituelle. Voy. Gnostiques . Ainsi les Gnosimaques étoient des ennemis des spiritualités, de la vie spirituelle, qui vouloient qu'on se contentât de faire de bonnes oeuvres tout simplement, & qui blâmoient les exercices de la vie spirituelle, & ceux qui cherchoient à se perfectionner par des méditations, des connoissances plus profondes de la doctrine & des mysteres de la religion, & des exercices plus sublimes & plus recherchés. Voyez Mystique . Dictionn. de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNOSSE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GNOSSE GNOSSE, Gnossus, Cnossus , ( Géog. anc. ) ville de Crete célebre dans l'antiquité; elle fut jadis la capitale du royaume de Minos, & le propre lieu de sa résidence, quand Crete avoit le bonheur de vivre sous son empire. Gnosse étoit entre Gortyne & Lycétus, sur la petite riviere de Ginosse, appellée par les anciens Ceratus , dont Strabon dit qu'elle prit d'abord le nom. La table de Peutinger met Gnosos à xxiii. m. P. de Gortyne vers l'orient. Quelques uns cherchent aujourd'hui Gnosse à Castel-Pédiada; & d'autres, avec plus de vraissemblance, à Ginosa: ce sont au reste deux petits villages de l'île de Candie, assez voisins; mais ils n'ont plus l'un ou l'autre d'Epiménide; ce célebre poëte philosophe, natif de Gnosse , & que Platon appelle un homme divin , ne se réveillera plus; s'il n'avoit pas commerce avec les dieux, du-moins sa sagesse porta le peuple à se le persuader. Les Athéniens affligés de la peste, lui envoyerent des députés pour le prier de venir les soulager; il se transporta chez eux, expia la ville avec des eaux lustrales, lia une étroite amitié avec Solon, instruisit ce législateur des moyens les plus propres à bien gouverner, & retourna dans sa patrie, après avoir refusé les présens d'Athenes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GNOSTIQUES Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. GNOSTIQUES GNOSTIQUES, s. m. pl. ( Hist. ecclés. ) anciens hérétiques qui ont été fameux dès les premiers commencemens du Christianisme, principalement dans l'orient. Ce mot gnostique vient du latin gnosticus , & du grec γνωστικὸς , qui signifie savant, éclairé, illuminé, spirituel , de γινώσκω , je connois . Ce mot gnostique , qui signifie savant , avoit été adopté par ceux de cette secte, comme s'ils avoient eux seuls la véritable connoissance du Christianisme. Sur ce principe, ils regardoient les autres chrétiens comme des gens simples & grossiers qui expliquoient les livres sacrés d'une maniere basse & trop littérale. C'étoient d'abord des philosophes qui s'étoient formé une théologie particuliere sur la philosophie de Pythagore & de Platon, à laquelle ils avoient accommodé les interprétations de l'Ecriture. Mais ce nom de gnostique devint dans la suite un nom générique que l'on donna à plusieurs hérétiques du premier siecle, qui différent entre eux sur certaines circonstances, étoient néanmoins d'accord sur les principes: tels furent les Valentiniens, les Simoniens, les Carpocratiens, les Nicolaïtes, & autres hérétiques. Quelquefois c'est un nom particulier que l'on donne aux successeurs des premiers Nicolaïtes & des premiers Carpocratiens qui parurent dans le second siecle, & quitterent le nom des auteurs de leur secte. Voyez Carpocratiens , &c. Ceux qui voudront apprendre à fond leur doctrine & leurs visions, n'ont qu'à consulter S. Irénée, Tertullien, Clément d'Alexandrie, Origene, & S. Epiphane, & sur-tout le premier, qui a rapporté au long leurs sentimens qu'il réfute en même tems. Quoique S. Irénée parle plus en détail des Valentiniens que des autres Gnostiques , on trouve cependant dans ses ouvrages les principes généraux sur lesquels ces hérétiques établissoient leurs fausses opinions, & la méthode qu'ils suivoient en expliquant l'Ecriture; il les accuse d'avoir introduit dans la religion de vaines & ridicules généalogies, c'est-à-dire de certaines émanations ou processions divines, qui n'ont d'autre fondement que leur imagination. Voy. Eons . En effet les Gnostiques avoüoient que ces émanations n'étoient point expliquées clairement dans les livres sacrés; mais ils disoient en même tems que J. C. les y avoit indiquées mystiquement sous des paraboles à ceux qui pouvoient les comprendre. Ils n'appuyoient pas seulement sur les évangiles & sur les épitres de S. Paul leur fausse théologie, mais encore sur la loi de Moïse & sur les prophetes. Comme il y a dans ces derniers plusieurs paraboles ou allégories qui peuvent être interprétées différemment, ils s'en servoient avec adresse pour cacher plus facilement l'ambiguité de leurs interprétations. Ils faisoient grand fond sur le commencement de l'évangile de S. Jean, où ils prétendoient trouver une partie de leurs émanations, parce qu'il y est parlé du Verbe, de la vie, de la lumiere, & de plusieurs autres choses qu'ils expliquoient selon leurs idées: ils distinguoient aussi trois sortes d'hommes, le matériel, l'animal, & le spirituel. Ils divisoient pareillement la nature en trois sortes d'êtres, en hylique ou matériel, en psychique ou animal, & en pneumatique ou spirituel. Les premiers hommes, qui étoient matériels & incapables de connoissance, périssoient selon le corps & selon l'ame; les spirituels, au contraire, tels que se disoient les Gnostiques , étoient tous sauvés naturellement, sans qu'il en pérît aucun. Les psychiques ou animaux, qui tenoient le milieu entre les deux ordres, pouvoient se sauver ou se damner, selon les bonnes ou mauvaises actions qu'ils faisoient. Le nom de Gnostique se prend quelquefois en bonne part dans les anciens écrivains ecclésiastiques, principalement dans Clément d'Alexandrie, qui décrit en la personne de son gnostique , les qualités d'un parfait chrétien, dans le septieme livre de ses stromates , où il prétend qu'il n'y a que le gnostique ou l'homme savant qui ait une véritable religion; il assûre que s'il se pouvoit faire que la connoissance de Dieu fût séparée du salut éternel, le gnostique ne se feroit pas un scrupule de préférer la connoissance; & que quand même Dieu lui promettroit l'impunité s'il agissoit contre ses commandemens, ou lui offroit le ciel à ces conditions, il ne voudroit pas l'accepter à ce prix, ni changer de conduite. C'est en ce sens qu'il oppose les Gnostiques aux hérétiques de ce nom, assûrant que le vrai gnostique a vieilli dans l'étude de l'Ecriture-sainte, & qu'il garde la doctrine orthodoxe des apôtres & de l'Eglise; au lieu que les faux gnostiques abandonnent les traditions apostoliques, s'imaginant être plus habiles que les apôtres. Le nom de gnostique , qui est si beau dans sa vraie étymologie, est devenu infame par les desordres auxquels s'abandonnerent ceux qui se disoient gnostiques , comme nous avons vû de nos jours le quiétisme & le piétisme décrié & condamné à cause des desordres de ceux de cette secte. Voyez Quiétisme , &c. Ce que le Chambers vient de dire des faux gnostiques , d'après le Trévoux, étant trop général pour donner au lecteur une idée bien distincte de leur doctrine & de leurs moeurs, il est bon d'ajoûter que quoique les Gnostiques composassent différentes sectes, ils convenoient pourtant presque tous sur certains chefs dont voici les principaux. 1°. Ils admettoient tous une production chimérique d'éons qui composoient une même divinité, & ils ne varioient que sur le nombre; les uns le réduisant à huit, & les autres en comptant jusqu'à trente. 2°. Ils attribuoient la création & le gouvernement du monde visible à ces éons, & non pas au dieu souverain. 3°. Ils croyoient que la loi de Moyse, les prophéties, & généralement toutes les lois, étoient l'ouvrage du créateur de ce monde qu'ils distinguoient du souverain ou de la collection des éons qui composoit la divinité. 4°. Ils enseignoient que le Christ envoyé d'en-haut pour sauver les hommes, n'avoit pas pris une véritable chair ni souffert véritablement, mais seulement en apparence; ce qui les avoit fait appeller docetes . Leurs principes les conduisoient tous au déréglement & au libertinage; ils enseignoient qu'il étoit permis & même loüable de s'abandonner aux plaisirs de la chair; ils se nourrissoient de viandes délicieuses & de vins exquis, se baignoient & se parfumoient le corps avec une extrème sensualité: souvent ils faisoient leurs prieres entierement nuds, comme pour marque de liberté. Les femmes étoient communes entre eux; & quand ils recevoient un étranger qui étoit de leur secte, d'abord ils lui faisoient la meilleure chere qu'il leur étoit possible; après le repas, le mari lui offroit lui-même sa femme, & cette infamie se couvroit du beau nom de charité . Ils nommoient aussi leurs assemblées agapes , où l'on dit qu'après les excès de bouche, ils éteignoient la lumiere, & suivoient indifféremment tous leurs desirs: toutefois ils empêchoient la génération autant qu'ils pouvoient; on les accusoit même de faire avorter les femmes, de piler un enfant nouveau né dans un mortier, & d'en manger les membres ensanglantés; d'offrir une eucharistie infame, & de commettre plusieurs autres abominations sacrileges dont on trouve le détail dans S. Epiphane, qui avoit vû en Egypte des restes de ces sectes; car elles s'étoient répandues en diverses contrées, & subsisterent jusqu'au jv. siecle. Les noms que l'on donnoit aux Gnostiques ont été fort différens & presque tous relatifs ou à leurs dogmes ou à la dépravation de leurs moeurs. Les plus anciens appellés eutuchiles ou eutuchites , étoient disciples des Simoniens, dont il est parlé dans le VII. livre des stromates de Clément Alexandrin, & dans l' apologie de Pamphile pour Origene, où il est dit qu'ils opposoient le nom de l'évangile à celui de la loi & des prophetes, & qu'ils vouloient que J. C. fût fils, non du Dieu auteur de l'ancien Testament, mais d'un autre dieu inconnu. On appelloit aussi les Gnostiques barbelonites, phibionites, borborites, stratiotiques, zachéens, coddiens, lévites , ou lévitiques; ces derniers sur-tout commettoient entre eux les plus infames abominations. Ils avoient plusieurs ouvrages apocryphes sur lesquels ils fondoient leurs impiétés, entr'autres le livre des révélations , ou l' apocalypse d'Adam; l' histoire de Noria, femme de Noé; quelques livres supposés sous le nom de Seth; la prophétie de Bahuba ; l' évangile de perfection , qui contenoit quantité d'impuretés; l' évangile d'Eve , remplie de rêveries & de visions; l' accouchement & les interrogations de Marie , dont S. Epiphane rapporte quelques passages pleins de fictions & d'infamies; l' évangile de Philippe , & divers autres évangiles qu'ils attribuoient aux apôtres pour accréditer leurs erreurs. Dupin, bibliotheq. ecclésiast. des auteurs des trois premiers siecles . Fleury, histoire ecclésiastique, liv. III. n°. 20. pp. 333 & 334 . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOA GOA, ( Géog. ) ville d'Asie dans la presqu'ile en-deçà du Gange; Alphonse d'Albuquerque l'enleva au roi de Décan en 1508, & la conserva pour son maître en 1529: elle fut érigée en archevêché en 1552, & son archevêque eut le titre magnifique de primat des Indes . Goa étoit alors la clé du commerce d'orient, & l'une des plus opulentes villes du monde: c'étoit encore l'endroit où il se vendoit le plus d'esclaves, & l'on y trouvoit même à acheter les plus belles femmes de l'Inde. Tout cela n'a plus lieu; il ne reste à Goa qu'un viceroi, un inquisiteur, des moines, & une dixaine de mille habitans de nations & de religions différentes, tous réduits à une extreme misere; mais l'on y garde toûjours dans un superbe tombeau de l'église des Jésuites, le corps de S. François Xavier, surnommé l' apôtre des Indes . On sait que cet ami d'Ignace de Loyola, né au pie des Pyrenées, se rendit à Goa le 6 Mai 1542, pour y prêcher l'évangile, & qu'il mourut dans l'ile de Sancian, à 23 lieues des côtes de la Chine, le 2 Decembre 1552, âgé de quarante-six ans. La ville de Goa est sous la zone torride, dans une île de neuf lieues de tour, qui renferme plusieurs villages sur la Mandoua, avec un port admirable & quelques forteresses. Long. suivant le P. Noël & Cassini, 91 d . 16'. 30''. & suivant le P. Bouchet, 93 d . 55'. latit. 15 d . 31' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOAR (Saint-), ou S. GOWER Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOAR GOAR ( Saint-), ou S. GOWER, sancti Goaris villa , ( Géog. ) est une petite ville dans le cercle du haut Rhin, capitale du comté de Catzenellbogen, avec un château pour défense; elle est sur le Ruin, à six lieues sud-est de Coblents, sept nord-oüest de Mayence, dix-neuf nord-est de Treves. Long. 25. 19. latit. 50. 2 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBE Author=unknown Normalized Classification=Economie rustique | Chasse Part of Speech=s.f. GOBE GOBE, s. f. ( Econ. rustiq. & Chasse. ) ce sont des pâtées ou morceaux de viande empoisonnés, qu'on répand dans les greniers, les caves, les champs, pour détruire les animaux qui attaquent les denrées utiles à la vie de l'homme. On donne le même nom aux viandes ou autres substances qui leur servent d'appât & qui les attirent dans les piéges qu'on leur a tendus. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gobe-Mouche Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.m. Gobe-Mouche Gobe-Mouche , s. m. ( Hist. nat. Zoolog. ) petit lezard des Antilles qui n'est guere plus gros que le doigt, mais un peu plus grand; le mâle est verd & la femelle est grise & d'un tiers plus petite que le mâle; ces lezards ne vivent que de mouches & de ravets; ils les poursuivent avec tant d'avidité, qu'ils se précipitent du haut des arbres pour les saisir; ils se tiennent souvent pendant une demi-journée sans se remuer pour découvrir une mouche; ils sont très communs non-seulement sur les arbres des forêts, mais encore dans les maisons. Hist. nat. des Antilles , par le P. du Tertre, tome II. page 213 . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBELET Author=Diderot Normalized Classification=Economie domestique Part of Speech=s.m. GOBELET * GOBELET, s. m. ( Economie domestiq. ) vaisseau de verre ou de quelque substance métallique, qui est plus haut que large, ordinairement rond & sans anses, soit qu'il soit de verre ou de métal, & sans pié quand il est de verre, d'une capacité à pouvoir être embrassé commodément par la main, & dont on se sert pour prendre les liqueurs qui nous servent de boisson, soit en santé soit en maladie. Comme les liqueurs dont on remplit le vaisseau, sur-tout quand il est d'argent, sont quelquefois si chaudes qu'on auroit de la peine à tenir le gobelet , on le revêt quelquefois d'un bois mince & leger creusé autour, de la forme même du gobelet: cette enveloppe s'echausse difficilement, & par sa nature & par l'interruption; car il est d'expérience que la chaleur se répand avec moins de force & de facilité dans un corps fait de plu sieurs pieces, que s'il étoit d'une seule, dans le cas même où les pieces différentes seroient toutes le la même matiere. Cette idée que nous jettons ici, peut avoir son application dans un grand nombre d'autres cas plus importans, soit pour la construction de certaines machines, telles que les fourneaux ( voyez l'article Fourneau ), soit pour l'explication de plusieurs phénomenes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Tours de Gobelets Author=Jaucourt Normalized Classification=Art d'escamotage Part of Speech=NA Tours de Gobelets Tours de Gobelets , ( Art d'escamotage. ) On appelle ainsi des especes de tours de gibeciere, qui consistent en une douzaine de passes qu'on exécute avec des balles & des gobelets faits exprès. M. Ozanam s'est amusé dans ses récréations mathematiques , à expliquer toutes ces sortes de jeux de main. Les gobelets dont on se sert ordinairement pour les exécuter, sont de fer-blanc; il est bon qu'ils ayent deux pouces & sept lignes de hauteur, deux pouces & demi de largeur par l'ouverture, & un pouce deux lignes par le fond. Le fond doit être en forme de calotte renversée, & avoir trois lignes & demie de profondeur: il y aura deux cordons, l'un fixé dans le bas, pour rendre les gobelets plus forts, & l'autre à trois lignes du bas, pour empêcher que les gobelets ne tiennent ensemble quand on les met l'un dans l'autre. Au reste, les dimensions ici proposées pour le gobelet ne sont pas absolument nécessaires; il suffit d'observer que ceux dont on joue ne sorent pas trop grands; que le fond n'en soit pas trop petit, & qu'ils ne tiennent pas fermement l'un dans l'autre. On fait les balles à escamoter de liége; & on leur donne la grosseur d'une noisette; ensuite on les brûle à la chandelle; & quand elles sont rouges, on les tourne dans les mains, pour les rendre bien rondes. Personne n'ignore que la principale difficulté du jeu des gobelets ne consiste que dans l'escamotage, & que ce petit art demande de l'exercice joint à quelque méthode: il faut, par exemple, pour bien escamoter, prendre la balle avec le milieu du pouce & le bout du premier doigt, & la faire rouler avec le pouce entre le second & le troisieme doigt, où l'on tient la balle en serrant les deux doigts & en ouvrant la main; tenir les doigts les plus étendus que l'on peut, afin de faire paroitre qu'on n'a rien dans les mains. Lorsqu'on veut mettre sous un gobelet la balle que l'on a escamotée, on la fait sortir d'entre les deux premiers doigts, en la poussant avec le second doigt dans le troisieme; on leve le gobelet en l'air, & en le rabaissant vîte, on met la balle dedans. Le joüeur de gobelets doit se placer derriere la table pour joüer, & ceux qui regardent doivent être devant du côté des balles que le joüeur tient dans sa gibeciere. Voyez Gibeciere . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBLETTES, ou HEULOTS Author=unknown Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.f. GOBLETTES GOBLETTES, s. f. ou HEULOTS, ( Pêche. ) bateaux plats servant à la Pêche; ils sont en usage dans le ressort de l'amirauté de S. Vallery en Somme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBELINS (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire des arts Part of Speech=NA GOBELINS GOBELINS ( les ) Hist. des Arts; lieu particulier du faubourg S. Marceau à Paris, où coule la petite riviere de Bievre: ce lieu est ainsi nommé de Gilles Gobelin , teinturier en laine, qui mit en usage sous le regne de François I. l'art de teindre la belle écarlate, appellée depuis écarlate des Gobelins . Jans, fameux tapissier de Bruges, exécuta les premieres tapisseries de haute & basse lisse qu'on y ait fabriquées: mais Louis XIV. a tait bâtir dans ce lieu un hôtel nommé l' hôtel des Gobelins , qui est destiné aux manufactures royales. On y loge aussi des artistes & des ouvriers qui travaillent ordinairement pour le roi, sous la direction du sur intendant des bâtimens. C'est-là que se font les plus belles tapisseries de l'Europe, qu'on nomme tapisseries des Gobelins . Les grands peintres du royaume sont chargés de composer les cartons de ces tapisseries. Voyez à l'article Tapisserie , l'explication de ce travail. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GOBER GOBER, v. act. c'est en général avaler avec vitesse; mais il se dit, en Fauconnerie , dans un sens assez différent, d'une maniere de chasser ou voler les perdrix avec l'autour & l'épervier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBERGE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.f. GOBERGE GOBERGE, s. f. ( Hist. nat. Icthiolog. ) poisson de mer qui est une espece de merlus, asellus; on l'apporte de Terre-Neuve tout salé; il est plus large & plus grand que la morue; il a le ventre arcqué en-dehors, la bouche petite & les yeux assez grands. Ce poisson est couvert d'écailles & de couleur cendrée; il n'a point de dents; il ressemble aux autres merlus par le nombre & la position des nageoires; il a la chair plus dure que celle du merlus, & moins gluante que celle de la morue. Rondelet, histoire des poissons, liv. IX. Voyez Poisson . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goberge Author=Diderot Normalized Classification=Layetier Part of Speech=s.f. Goberge * Goberge , s. f. ( Layetier. ) petites planches de hêtre, façonnées de maniere qu'elles ont un pouce ou environ d'épaisseur d'un côté, & un demi-pouce de l'autre; cinq, six à sept pouces de largeur, & depuis deux piés jusqu'à quatre de hauteur: voilà les dimensions des goberges ordinaires. Les autres qui se nomment layetes n'ont ni plus ni moins d'épaisseur que les communes; mais elles ont depuis dix pouces jusqu'à treize de large, & dix piés au moins de long. On les compte par poignée, & se vendent par millier. Les Layetiers & les Coffretiers employent beaucoup de ce bois dans leur ouvrage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goberge Author=unknown Normalized Classification=Marquetterie Part of Speech=NA Goberge Goberge , ( Marqueterie. ) Les Ebenistes appellent ainsi des perches dont ils se servent pour tenir sur l'établi leur besogne en état après l'avoir collee, & jusqu'à ce que la colle soit seche: ce qui se fait en appuyant un bout de la perche contre le plancher, & l'autre contre l'ouvrage en maniere d'étrésillon. Voyez Étrésillon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goberges Author=unknown Normalized Classification=Tapisserie Part of Speech=NA Goberges Goberges , ( Tapissier. ) petits ais de quatre à cinq pouces de large, liés avec de la sangle, & placés sur le bois de lit, où ils servent à soûtenir une paillasse ou un sommier de crin; on les appelle aussi enfonçoirs . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBETER Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA GOBETER GOBETER, ( Architecture. ) c'est, dans l'art de bâtir, jetter avec la truelle du plâtre, & passer la main dessus pour le faire entrer dans les joints des murs faits de plâtre & de moillon. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOBEUR Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GOBEUR GOBEUR, s. m. ( Commerce. ) on nomme ainsi sur la riviere de Loire les forts & compagnons de riviere qui servent à la charge, décharge & conduite des bateaux, mais qui n'y peuvent entrer ni travailler à les conduire contre la volonté du maître marinier, suivant la déclaration du roi du 24 Avril 1703, pour le rétablissement du commerce & navigation de la Loire. Dictionnaire de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOCH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOCH GOCH, Herenatium , ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne au duché de Cleves, sujette au roi de Prusse. Elle est sur le Néers entre Cleves & Nimegue, à douze lieues sud-oüest de la premiere Goch : c'étoit vraissemblablement une habitation des anciens Gugerniens ( Gugerni ), qui habitoient le territoire de Juliers. Long. 23 d . 44. latit. 51 d . 40' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GODAH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GODAH GODAH, ( Géog. ) ville d'Asie dans l'Indoustan, fermée de murs, mais beaucoup moins florissante que dans le siecle passé, parce que le Raja qui gouverne hérite de tous ses sujets; cependant sa situation à environ 20 lieues de Brampour, est admirable pour le commerce, & la terre y est très-fertile en blé, en coton & en pâturages. Longit. 95. 45. latit. 21. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GODARD (Saint) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GODARD GODARD, ( Saint ) Géogr. le mont Saint-Godard ou Saint-Gothard-Adula , selon Ptolomée & Strabon. Despréaux l'a francisé, & l'a nommé le mont Adule , mot qui est effectivement très-beau en poésie. C'est une des plus hautes montagnes des Alpes, sur les confins de la Suisse, du Valais & du pays des Grisons; aussi cette montagne est-elle la source du Rhin, du Russ, de l'Aar, du Rhone & du Tessin. On a une des vûes des plus étendues du monde sur son sommet, dans l'endroit où se trouve un hôpital de Capucins établi pour héberger les passans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GODE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GODE GODE, s. f. ( Commerce. ) mesure étrangere des longueurs dont il est parlé dans les tarifs de 1664 & 1667, aux endroits ou il est fait mention des frises blanches appellées de coton qui se vendent à la gode . Par ces tarifs qui ne disent point en quel pays cette mesure est en usage, il paroît que les 100 godes font 125 aunes mesure de Paris; sur ce pié la gode contiendroit cinq quarts d'aune de Paris. Voyez Aune . Diction. de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GODET Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GODET GODET, s. m. ( Gram. ) petit vaisseau rond, plus large que haut, sans anse; il a plusieurs acceptions différentes. Voyez les articles suiv . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Godet Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA Godet Godet , ( Hist. nat. bot. ) est la partie d'une fleur qui soûtient & renferme les feuilles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Godet Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Godet Godet , ( Hydr. ) ce sont de petites auges qui se pratiquent dans les pompes à chapelet. Voyez Chapelet , Pompe & Roue . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Godet Author=unknown Normalized Classification=Fonderie Part of Speech=NA Godet Godet , ( Fonderie. ) c'est une espece d'entonnoir par lequel le métal fondu qui est dans l'écheno passe dans les jets. Voyez les Planches de la Fonderie en statue équestre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Godet Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Godet Godet , ( Peinture. ) on appelle godets en Peinture les petits vaisseaux où les Peintres mettent leur huile & leurs couleurs; les Peintres en mignature n'étalent point les couleurs sur la palette comme les Peintres à huile, mais les tirent immédiatement des godets ou coquilles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Godet, (Barre de) Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Godet Godet , ( Barre de ) Voyez Barre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GODIVEAU Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=s.m. GODIVEAU GODIVEAU, s. m. ( Cuisine. ) espece de pâte de veau haché & mis en andouillettes, avec d'autres ingrédiens, comme culs d'artichaux, asperges, écrevisses, champignons, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOEGHY Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire de l'Asie Part of Speech=NA GOEGHY GOEGHY, ( Hist. de l'Asie. ) nom d'une secte de Bénians dans les Indes; ils se distinguent des autres Bénians par les jeûnes & les austérités les plus outrées; ils ne possedent aucuns biens, vont tout nuds, couvrant seulement les parties que la pudeur fait cacher dans nos climats; ils se frottent le visage & tout le corps avec des cendres pour se défigurer davantage; ils n'ont point de temples, vivent dans les bois & dans les deserts, & font leurs prieres & leurs adorations dans de vieux bâtimens ruinés. Mandeslo ajoûte plusieurs autres détails sur leur genre de vie, leurs rits & leur croyance; mais il est vraissemblable qu'il n'en a pas été mieux informé qu'un voyageur indien le seroit de l'ordre des capucins, en traversant quelques villages d'Espagne. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOELETTE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GOELETTE GOELETTE, s. f. ( Marine. ) quelques-uns prononcent gaulette , petit bâtiment du port de 50 à 60 tonneaux, & quelquefois davantage; il a deux mâts portant ensemble trois principales voiles, dont deux s'amarrent aux piés des mâts, & se manoeuvrent de bas en-haut, au moyen d'une corne à laquelle sont attachés un dérisse, une balancine & des halebas; le point de la grande voile opposé à l'armure est porté en-dehors du bâtiment, soit à droite ou à gauche par une baume ou grande piece de bois mobile, & retenu par des palancs. La troisieme voile est un foc se manoeuvrant le long de l'étai qui descend du haut du mât d'avant sur l'extrémité du beau-pré; aux grandes goelettes on ajoûte quelquefois un faux foc & de petits huniers volans. Les goelettes sont fort en usage aux iles de l'Amérique; elles servent à faire le cabotage ou navigation de cap en cap, ou d'une ile à l'autre. Il y a une autre petite goelette qui n'est pas plus grande qu'une moyenne chaloupe; on la nomme goelette à chaux , servant à pêcher au fond de la mer les pierres dont on fait la chaux, ou à transporter la chaux brûlée dans les lieux où on en a besoin. On peut observer en passant que les pierres dont on fait la chaux aux iles de l'Amérique, ne sont autre chose que des madrepores, des coralloydes & des coquillages. Art. de M. le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOEREE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOERÉE GOERÉE, ( Géogr. ) petite île des Provincesunies dans la Hollande méridionale, entre l'île de Voorn & celle de Schouwen, au couchant septentrional de l'ile d'Overslakée; la bonne rade qu'il y a devant cette île lui a donné le nom qu'elle porte. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goérée Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Goérée Goérée , ( Géogr. ) ile de l'Océan ainsi nommée par les Hollandois qui l'ont possédée les premiers. Elle appartient présentement aux François qui s'en rendirent maîtres en 1677; son nom signifie bonne rade , & c'est uniquement ce qu'elle a de bon, car elle est petite & tout-à-fait stérile. Long. suivant des Hayes, de la Hire, Desplaces & Cassini, 0 d . 26'. 30''. latit. 14 d . 39'. 51'' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOES, ou TER-GOES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOES, ou TER-GOES GOES, ou TER-GOES, Gorja , ( Géogr. ) ville forte des Provinces-unies en Zélande, dans la partie septentrionale du Zuyd-Beveland; ce fut la seule qui échappa à l'inondation de l'année 1532. Elle est à quatre lieues de Middelbourg, à cinq de Bergop-zoom, douze nord-oüest de Gand. Long. suivant Desplaces 21 d . 31'. 30''. & suivant Harris, 21 d . 31'. 15''. latit. suivant le même Desplaces, 51 d . 30'. 30''. & suivant Harris, 51 d . 30'. seulement. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOETIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Magie Part of Speech=s.f. GOETIE GOETIE, s. f. ( Magie. ) espece de magie infame qui n'avoit pour objet que de faire du mal, séduire le peuple, exciter des passions déréglées, & porter au crime. Les philosophes Plotin, Porphire & Jamblique, définissoient la goêtie l'invocation des démons malfaisans pour nuire aux hommes avec plus de sûreté. Les ministres de cet art funeste & ridicule, se vantoient aussi de tirer par leurs enchantemens les manes de leurs demeures sombres. Voyez l'art . Evocation des manes . Ils employoient dans toutes leurs cérémonies tout ce qui pouvoit redoubler la terreur & l'effroi des esprits foibles; nuit obscure, cavernes soûterreines à proximité des tombeaux, ossemens de morts, sacrifices de victimes noires, herbes magiques, lamentations, gémissemens; selon l'appareil ordinaire de leurs cérémonies, ils passoient même pour égorger de jeunes enfans, & chercher dans leurs entrailles l'horoscope de l'avenir. C'est ici qu'il faut bien distinguer cette magie goëtique ou sorcellerie odieuse, de la magie théurgique; dans cette derniere on n'invoquoit que les dieux bienfaisans, pour procurer du bien aux hommes & les porter à la vertu. Les magiciens théurgiques souffroient déjà autrefois très-impatiemment qu'on les mit dans la classe des Goëtiques qu'ils regardoient avec horreur. Voyez Théurgie . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOETRE Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. GOETRE GOETRE, s. m. terme de Chirurgie , quelques-uns écrivent goitre ou gouetre; c'est une tumeur indolente, mobile & sans changement de couleur à la peau, qui vient au-devant de la gorge. Les Savoyards & tous les habitans des montagnes sont fort sujets à cette maladie; on attribue cette endémie aux eaux & neiges fondues & de sources froides qu'ils sont obligés de boire. Le mot goëtre est formé par corruption du latin guttur , gorge; plusieurs autres ont confondu mal-à- propos le goëtre avec une autre maladie de la gorge, nommée bronchocele. Voyez Bronchocele . Le goëtre est formé par une congestion de sucs lymphatiques; & l'on tient que le signe de cette tumeur est dans la glande thyroïdienne. Il y a bien plus d'apparence que l'engorgement de l'humeur se fait dans le tissu cellulaire, puisqu'on voit aux habitans des Alpes & des Pyrénées ces tumeurs très considérables, molles & pendantes sur la poitrine. Il y a, dit-on, des villages entiers où personne n'en est exempt, & où les hommes & les femmes disputent entr'eux de beauté, suivant la disposition plus ou moins réguliere du goëtre qu'ils portent. Il y en a de différentes especes; quelquefois la tumeur est enkistée, & contient une matiere plus ou moins épaisse, qui ressemble par sa consistance à du miel ou à du suif; dans d'autres personnes la tumeur est sarcomateuse, & présente une masse charnue qui a la consistance d'une glande tuméfiée, sans être devenue skirrheuse. Ces différens caracteres font connoître que les moyens curatifs ne doivent point être les mêmes dans tous les cas. Lorsque la tumeur est enkistée, & qu'on y sent de la fluctuation, si elle n'est encore qu'obscure, il ne faut pas se presser de faire l'ouverture; les émolliens & les maturatifs pourront avec le tems favoriser une plus parfaite dissolution de l'humeur: on pourra alors obtenir par une simple ouverture à la partie déclive, un dégorgement complet de la matiere contenue, & la guérison se fera aisément. La tumeur étant affaissée, les parois du kiste peuvent se réunir très-solidement, s'il ne reste point de vûe organique, ou que celui qui reste soit si peu de chose que le tems puisse le dissiper Voyez Enkisté . La nature a quelquefois opéré ces sortes de guérisons sans le secours de l'art, au moyen d'une petite ouverture faite par la peau usée & émincée. C'est la mollesse & la fluctuation de la tumeur qui feront raisonnablement présumer qu'on peut se contenter d'ouvrir ces tumeurs. La suppuration se soûtient quelquefois plusieurs années pour mettre les choses en cet état: elle se fait sourdement & très lentement; mais elle est quelquefois si complette, qu'un seul coup de trois-quarts suffit pour les vuider, & donner occasion à la nature d'opérer la réunion. M. d'Eucery maître en Chirurgie à Cavaillon, a communiqué à l'académie royale de Chirurgie plusieurs observations de cures radicales de goêtre d'un volume considérable, obtenues en ouvrant ces tumeurs des deux côtés, & faisant ensuite suppurer l'intérieur par le moyen d'un séton ou bandelette de linge effilé, chargée des remedes convenables. Si le goëtre est sans fluctuation, il faut tâcher de donner de la fluidité à l'humeur, par les remedes délayans & fondans pris intérieurement; & pour l'usage des discussifs & résolutifs extérieurs que nous avons indiqués dans la cure des tumeurs scrophuleuses. Voyez Ecrouelles . Dionis recommande l'emplâtre diabotanum, & dit que si la tumeur ne se résout pas, il faut en faire l'extirpation: c'est le précepte de Celse, suivi par Aquapendente. Mais si l'on fait attention à la nature de la tumeur qui est indolente, on trouve peu de malades qui veulent souffrir cette opération, lorsque la tumeur sera d'un petit volume; & lorsqu'elle en aura acquis un plus considérable, il faudra que le chirurgien examine bien attentivement si l'extirpation est possible: j'en ai peu vû que l'on eût pû extirper sans un péril manifeste de la vie. L'importance & la quantité immense des vaisseaux qui arrosent ou qui avoisinent les parties où sont situées ces tumeurs, défendent au chirurgien de les emporter; mais elles ne sont pas toûjours incurables, & hors de la portée des secours de l'art, quoiqu'elles ne soient ni dans le cas d'être simplement ouvertes ni extirpées entierement. S'il n'y a aucune disposition skirrheuse qui puisse craindre que la tumeur dégénere en carcinome, on peut l'attaquer dans un endroit d'élection avec la pierre à cautere, & lorsque la premiere escarre sera tombée, continuez à l'entamer peu-à peu avec prudence par des applications réitérées d'un caustique convenable jusque dans son centre, pour y causer une déperdition de substance, au moyen de laquelle les remedes fondans extérieurs qui avoient été inefficaces lorsque la tumeur étoit entiere, produisent un dégorgement considérable qui conduit à la fonte de la tumeur & à la guérison. Le choix du caustique n'est point une chose indifférente; il ne faut pas qu'il soit irritant, & qu'il crispe les solides. On fait des merveilles avec le beurre d'antimoine: c'est un caustique putréfiant; mais il doit être administré avec bien de la circonspection. On en porte quelques gouttes avec un tuyau de plume, ou une petite boule de charpie ou de coton: on panse ensuite avec les remedes qui sont propres à procurer la séparation des escarres. Voyez dans le premier volume des pieces qui ont concouru pour le prix de l'academie royale de Chirurgie, le mémoire de feu M. Medalon sur la différence des tumeurs qu'il faut extirper ou ouvrir, & sur le choix du cautere ou de l'instrument tranchant dans ces différens cas. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOETTREUSE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GOETTREUSE GOETTREUSE, s. f. Voyez Pélican . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOG & MAGOG Author=Diderot Normalized Classification=Théologie Part of Speech=NA GOG & MAGOG * GOG & MAGOG, ( Théol. ) c'est par ces noms que l'Ecriture a désigné des nations ennemies de Dieu. Ceux qui se sont mêlés d'interpréter cet endroit de l'Ecriture, ont donné libre carriere à leur imagination; ils ont vû dans gog & magog tout ce qu'ils ont voulu; les uns des peuples futurs, d'autres des peuples subsistans, les Scythes, les Tartares, les Turcs, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOIAM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOIAM GOIAM, ( Géogr. ) royaume d'Afrique dans l'Abyssinie, à l'extrémité méridionale du lac de Dambée; il est presqu'enfermé de tous côtés par le Nil. Quelques savans prennent cette péninsule pour l'ile de Meroé des anciens. Voyez Méroé . ( ile de ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOIFON Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GOIFON GOIFON, Voyez Goujon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOILAND Author=Jaucourt Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=s.m. GOILAND GOILAND, s. m. ( Ornithol. ) en latin larus; genre d'oiseau maritime qu'on peut ainsi caractériser suivant M. Ray. Ils sont tous, à l'exception d'un petit nombre, à piés plats, joints par une membrane telle que dans les oies; leur bec est droit, étroit, un peu crochu à l'extrémité; leurs narines sont oblongues, leurs ailes grandes & fortes, leurs jambes basses, & leurs piés petits: leur corps est très-leger, couvert d'un épais plumage; ils planent dans l'air avec fracas, jettent de grands cris en volant, & vivent principalement de poisson. On compte deux genres subordonnés dans la classe générale de ces sortes d'oiseaux: les premiers d'une grande taille ont la queue unie, & le bec bossu dans la partie du bas; les autres ont la queue fourchue, & n'ont point de bosse à la partie inférieure du bec. Ces oiseaux chassent sur terre & sur mer; on en trouve sur les bords de l'Océan, & de très-beaux dans les mers du Pérou & du Chily; tel est celui des côtes de ce dernier royaume décrit par le P. Feuillée, & qu'il appelle larus , λευκορέκονος , à courte queue . Ce goiland étoit de la grosseur d'une de nos poules; son bec étoit jaune, long d'environ deux pouces, dur & pointu, ayant la partie supérieure recourbée à la pointe, & la partie inférieure relevée en bosse. Le couronnement, la tête & le parement étoient d'un beau blanc de lait; & cette même couleur descendant sous le ventre, s'étendoit jusqu'à l'extrémité de la queue. Tout son vol ainsi que son manteau, étoit d'un minime obscur & luisant, mais l'extrémité des pennes étoit blanche; il avoit les piés jaunâtres, hauts de deux à trois pouces, & les serres jointes par des cartilages de la même couleur. Ces sortes d'oiseaux nichent sur la roche, & ne pondent que deux oeufs un peu plus gros que ceux de nos perdrix, teints d'un blanc sale, couverts de taches d'un rouge de sang pourri, les unes plus claires que les autres. Leur langue de deux pouces de long, est faite en forme de feuille de saule, fendue à l'extremité, terminée par deux pointes fort aigues; la partie inférieure en est plate, & la partie supérieure cannelée en long par le milieu. Il y a d'autres goilands de ces pays-là dont la partie inférieure du bec est toute droite; on en voit de tout noirs, de la grosseur de nos pigeons, & dont la queue est fourchue comme celle des hirondelles; d'autres sont cendrés à queue non fourchue: enfin l'on en voit de très-petits dont le corps est mi-parti de differentes couleurs, ayant le parement d'un blanc de lait mêlé de couleur de rose, le manteau & les cuisses cendrées, les deux grandes pennes noires, les jambes & les piés couleur de feu, & armés de petits ongles noirs. Tout cela prouve que la classe des goilands est fort étendue, & qu'elle souffre plusieurs subdivisions que nous ne pouvons encore que faire très-imparfaitement. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOKOKF Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle du Japon Part of Speech=NA GOKOKF GOKOKF, ( Hist. nat. du Japon. ) ce mot est un terme générique de la langue du Japon, qui signifie les cinq fruits de la terre , dont les Japonois se nourrissent. Kaempfer nous apprend que le gokokf renferme, 1°. le kome ou le riz qui est chez eux préférable à celui des indes; 2°. l'omugi qui est notre orge; 3°. le koomugi qui est notre froment; 4°. le daïd-sec, c'est-à-dire les féves de daid, espece de féves de la grosseur des pois de Turquie, & qui croissent de la même maniere que les lupins. On trouvera la figure & la description de la plante qui portes ces féves, dans les Aménités exotiques de notre auteur, pag. 839. 5°. le sod-su ou féves-so; elles croissent aussi comme les lupins, sont blanches & ressemblent aux lentilles; c'est selon que ces cinq fruits abondent en quantite & en qualité qu'on estime au Japon la valeur des terres, la fertilité de l'année, & la richesse des possesseurs; ils font les principaux mets des habitans, & suppléent au défaut de la viande que la religion leur défend de manger. On comprend aussi quelquefois improprement sous le nom de gokokf , le millet, toutes sortes de blé & de légumes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLCONDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOLCONDE GOLCONDE, ( Géogr. ) royaume d'Asie dans la presqu'ile de l'Inde, en-deçà du Gange; il est borné au nord par la province de Bérar, au nord-est par la riviere de Narsepille qui le sépare du royaume d'Orixa, au sud-est par le golfe de Bengale, & au sud par la riviere de Coulour. La plus grande partie des terres y est si fertile, qu'on y fait deux récoltes de riz par an, & quelquefois trois. Il est arrosé de plusieurs rivieres, & a deux ports très-avantageux, savoir Narsapour & Mazulipatan; son commerce consiste en toiles de coton peintes, en botilles fines, en riz & en indigo; mais ses fameuses mines de diamant sont sa plus grande richesse, & celle-là même qui porta Aureng-zeb à conquérir le pays qui possédoit dans son sein des trésors si précieux. Depuis ce tems-là le royaume de Golconde fait partie des états du grand-mogol; la ville de Golconde autrefois nommee Bagnagar , en est la capitale. La longit. de cette ville est par les 124 d 40'. lat. 19 d . 40'. & selon le pere Noël, seulement 17 d . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLDBERG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOLDBERG GOLDBERG, ( Géogr. ) ville de Silésie au duché de Lignitz, sur le ruisseau de Katzbach. Voyez l'histoire de cette ville. & de ses malheurs dans Zeyler Siles. Topog. pag. 147. Long. 33 d . 45. latit. 51 d . 3 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goldberg (terre de) Author=d'Holbach5 Normalized Classification=Minéralogie Part of Speech=NA Goldberg Goldberg , ( terre de ) Minéralog. espece de terre bolaire qui se trouve à Goldberg en Silésie, & qu'on employe pour les usages medicinaux dans quelques pharmacies d'Allemagne; on lui attribue d'être astringente, cordiale & sudorifique: on s'est imaginé faussement que cette terre contenoit de l'argent, & que c'est à ce métal qu'on étoit redevable de ses bons effets; on dit qu'elle est compacte, d'un gris clair, & qu'elle s'attache fortement à la langue. Voyez le supplément de Chambers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLDINGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOLDINGEN GOLDINGEN, ( Géogr. ) petite ville de Curlande, avec un château sur la riviere de Weta, & sur la route de Konigsberg à Riga. Elle est au roi de Pologne. Long. 40. 6. lat. 56. 48 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLFE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GOLFE GOLFE, Voyez Golphe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLGOTHA Author=Mallet Normalized Classification=Géographie | Théologie Part of Speech=s.m. GOLGOTHA GOLGOTHA, s. m. ( Géogr. & Théol. ) mot hébreu qui signifie calvaire , nom du lieu où Jesus-Christ fut crucifié proche de Jérusalem. Quelques anciens ont cru, on ne sait sur quel fondement, que c'étoit l'endroit où Adam avoit été enterré, & qu'il y étoit appellé calvaire , parce que le crane de notre premier pere y étoit. Ils ont imaginé là-dessus qu'il convenoit que le nouvel Adam fût crucifié en ce lieu, afin que son sang coulât sur les ossemens du vieil Adam pour en expier les crimes. Saint Jérôme méprise & rejette cette allégorie, & croit avec plus de vraissemblance que ce lieu étoit appellé calvaire , parce que c'étoit-là où se faisoient les exécutions, & où restoient les cranes des suppliciés. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLGUS Author=unknown Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GOLGUS GOLGUS, Golcum , ( Géogr. anc. ) ville d'Asie dans l'ile de Cypre, toute consacrée à Vénus; c'est pourquoi plusieurs auteurs, entr'autres Théocrite & Lycophron, ne nous parlent que du culte que l'on y rendoit à cette déesse; Catulle l'invoque en ces mots: Quoe Anconam, Gnidumque arundinosam Colis, quoeque Amathonta, quoeque Golgos . « O divinité qu'on adore à Gnide, à Ancone, à Amathonte, à Golgos »! & pour lors il n'ajoûte point Paphos: Paphos & Golgi seroient-elles donc une seule & même ville? Voyez Paphos . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLNOW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOLNOW GOLNOW, Golnovia , ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne dans la Poméranie ultérieure, sujette au roi de Prusse; c'étoit autrefois la dixieme & la derniere des villes hanséatiques. Bogislas II. en fit une ville murée en 1180; un duc de Poméranie tua vers le milieu du siecle passé, dans une bruyere voisine de cette ville, un cerf dont le bois avoit 34 andouillers. Golnow est sur l'Ina proche l'Oder, à 6 lieues nord-est de Stétin, 7 sud-est de Cammin. Long. 30. 16. latit. 53. 32 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOLPHE Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.m. GOLPHE GOLPHE, s. m. ( Géog. ) sinus , & dans la basse latinité gulphus . Le golphe est un bras ou étendue de mer qui s'avance dans les terres, où elle est renfermée tout-à-l'entour, excepté du côté de son embouchure. Les golphes d'une étendue considérable sont appellés mers; telles sont la mer Baltique, la mer Méditerranée, la mer de Marmara, la mer Noire, la mer Rouge, la mer Vermeille. On distingue les golphes propres & les golphes impropres, les golphes médiats, & les golphes immédiats. Les golphes propres sont séparés de l'Océan par des bornes naturelles, & n'ont de communication avec la mer à laquelle ils appartiennent, que par quelque détroit, c'est-à-dire par une ou plusieurs ouvertures moins larges que l'intérieur du golphe . Telle est la Méditerranée qui n'a de communication à l'Océan, que par le détroit de Gibraltar; telle est la mer Rouge, qui communique à l'Océan par le détroit de Babelmandel; tel est le golphe Persique qui n'a point de sortie que par le détroit d'Ormus; telle est la mer Baltique, qui a pour entrée les détroits du Belt & du Sond; tel est le golphe de Kamtschatka, à l'extrémité orientale de la Tartarie: tels sont enfin la mer Blanche & le golphe de Venise, &c. Les golphes impropres sont plus évasés à l'entrée, & plus ouverts du côté de la mer, dont ils font partie; tels sont les golphes de Gascogne, & le golphe de Lion en France, le golphe de Saint-Thomas en Afrique, les golphes de Cambaye, de Bengale, & de Siam en Asie, le golphe de Panama en Amérique. Le golphe médiat , est celui qui communique à l'Océan, sans autre golphe entre deux, comme la mer Baltique, la mer Rouge, le golphe Persique, &c. Le golphe immédiat , est celui qui est séparé de l'Océan par un autre golphe; soit qu'il en fasse une partie, comme le golphe de Venise, le golphe de Smirne, le golphe de Satalie, les golphes d'Engin, de Vélo, de Salonichi, &c. qui font partie de la Méditerranée ou de l'Archipel; soit qu'il forme une mer à part, resserrée dans ses propres limites, que la nature lui a marquées, comme la mer de Marmara, qui communique avec l'Archipel; ou comme la mer Noire qui communique avec la mer de Marmara. Le golphe differe de la baie, en ce qu'il est plus grand, & la baie plus petite. Il y a pourtant des exceptions à faire, & l'on connoît des baies plus grandes que certains golphes , & qui par conséquent méritent mieux d'être appellés golphes . Telles sont la baie de Hudson, la baie de Baffin. &c. Mais on leur a donné cette qualification de baie, avant que d'en avoir connu l'étendue; & d'ailleurs les Navigateurs qui font les premieres découvertes, n'y regardent pas de si près, & ne cherchent pas tant de justesse dans les dénominations. L'anse est une espece de golphe , mais plus petit encore que la baie. Les petits golphes des îles françoises de l'Amérique, sont appellées cul-de-sac . Les golphes sont en si grand nombre, qu'il seroit très-difficile d'en donner une liste exacte; mais pour dresser une table des golphes , nous exposerons aux yeux la méthode que M. Gordon a ébauchée; elle servira de regle à ceux qui voudront la compléter dans leurs travaux géographiques. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Golphe d'Arguin Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Golphe d'Arguin Golphe d'Arguin , ( Géog. ) golphe de l'Océan sur la côte d'Afrique. Il prend son nom d'une île qui y est située. Le dedans de ce golphe est tout semé de bancs, de battures, & d'iles desertes peuplées d'une infinité de poissons de toutes especes, qui n'ont rien à craindre de la part des hommes. Il n'est pas même permis aux bâtimens les plus médiocres de chercher à pénétrer dans l'intérieur de ce golphe pour y chercher leur salut, ils se briseroient mille fois sur la route. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Golphe de Bengale Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Golphe de Bengale Golphe de Bengale , ( Géog. ) grand golphe d'Asie dans la mer des Indes, dont il fait une partie considérable entre la presqu'ile de-là le Gange, & la presqu'ile de de-çà. Il est borné au couchant par les côtes de Coromandel, de Gergelin, & d'Orixa; au Nord par le royaume de Bengale; au Levant par les royaumes d'Aracan, d'Ava, de Pégu, & de Siam. Sa profondeur est depuis environ les 7 d . jusqu'au 21 d . 45'. de lat. septentrionale. Sa largeur est d'environ 16 d . en longit. & va toûjours en retrécissant vers le Nord, jusqu'aux bouches du Gange. Les principales îles de ce golphe sont, Ceylan, les îles du Gange, quantité de petites îles le long des côtes d'Avas, du Pégu, & de Siam, entr'autres les îles des Andamans, de Ténasserim, de Junsalam, & de Nicobar. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Golphe de Lion Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Golphe de Lion Golphe de Lion , ( Géog. ) sinus Leonis; ce golphe s'étend sur la côte de France, le long d'une partie de la Provence, depuis les îles d'Hieres, du Languedoc, & du Roussillon, jusqu'au cap de Creu. Il faut écrire comme nous avons fait golphe de Lion , & non pas de Lyon , d'autant mieux qu'on convient communément aujourd'hui, que ce n'est point la ville de Lyon qui donne le nom à ce golphe , connu des anciens sous le nom de gallicus sinus , mais qu'il le tire de la petite île du Lion , qui est sur la côte de Provence, ou peut-être, de ce que les Espagnols l'ont appellé golphe Leone , faisant allusion aux tempêtes qui y sont fréquentes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Golphe Persique Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Golphe Persique Golphe Persique , ( Géog. ) grand golphe d'Asie, entre la Perse & l'Arabie heureuse. Ce golphe commence proche du royaume de Sindi, où le fleuve Indus se décharge dans la mer, & finit à l'embouchure de l'Euphrate & du Tigre, ayant à droite la Perse, qui lui donne le nom qu'il porte, & à gauche l'Arabie. On trouve dans ce golphe une grande quantité de corail noir, & l'on y pêche de très-belles perles. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMARA ou GOMARIS ou GAMARA Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GOMARA ou GOMARIS ou GAMARA GOMARA ou GOMARIS ou GAMARA, ( Hist. nat. ) nom donné par quelques auteurs anciens au talc, ou suivant d'autres à la selenite. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMARISTES Author=Morellet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.m. GOMARISTES GOMARISTES, s. m. ( Théologie. ) Les Gomaristes sont, parmi les Calvinistes, opposés aux Arminiens. Voyez Arminiens . Ils ont pris leur nom de Gomar, professeur dans l'université de Leyde, & ensuite dans celle de Groningue: on les appelle aussi contre-Remontrans , de leur opposition aux Arminiens, qu'on a appellé Remontrans . On peut connoître la doctrine des Gomaristes par le seul exposé des sentimens des Remontrans, qu'on trouve à l' article Arminiens , la théologie des uns étant diamétralement opposée à celle des autres; & on peut voir encore les cinq propositions des Gomaristes contraires à celles des Arminiens. Epist. théol. & ecclésiastiq . On peut prendre encore une idée fort nette de la doctrine des Gomaristes , au douzieme livre de l'histoire des variations , où M. Bossuet la développe avec beaucoup d'étendue; nous y renvoyons nos lecteurs. En général, on peut dire que les Gomaristes sont aux Arminiens ce que les Thomistes & les autres défenseurs de la grace efficace & de la prédestination rigide, sont aux Molinistes & aux autres défenseurs des droits du libre arbitre & de la volonté de sauver tous les hommes: il n'y a sur ces matieres que deux opinions opposées & contradictoires. Voyez Grace . Nous nous bornerons ici à dire un mot de l'histoire du Gomarisme & des troubles que les disputes des Remontrans & des contre-Remontrans ont causés en Hollande, parce que les faits de cette nature appartiennent à l'histoire de l'esprit humain. Luther reprochant à l'Eglise romaine qu'elle étoit tombée dans le Pélagianisme, fit ce qu'on a toûjours fait en pareilles matieres, & se jetta dans l'extrémité opposée; il établit sur les matieres de la grace & de la prédestination, une doctrine rigide & incompatible avec les droits du libre arbitre & la bonté de Dieu. Melanchton, esprit doux & modéré, l'engagea à se relâcher un peu de ses premieres opinions, & depuis les théologiens de la confession d'Augsbourg marcherent sur les traces de Mélanchton à cet égard: mais ces adoucissemens déplurent à Calvin. Ce réformateur, & son disciple Théodore de Beze, soûtinrent le prédestinatianisme le plus rigoureux, & ils y ajoûterent la certitude du salut & l'inadmissibilité de la justice. Leur doctrine étoit reçûe presque universellement en Hollande, lorsqu'Arminius professeur dans l'université de Leyde, se déclara contre les maximes enseignées par les églises du pays, & se forma bien-tôt un parti nombreux: il trouva un adversaire dans la personne de Gomar. Les disputes se multiplierent & se répandirent bien-tôt dans les colléges des autres villes & ensuite dans les consistoires & dans les églises. La querelle étoit encore purement ecclésiastique, agitée seulement par les ministres de la religion, lorsque les états de Hollande & West-Frise voulurent s'en mêler; ils ordonnerent en 1608 une conference publique à la Haye entre Gomar & Arminius, assistés l'un & l'autre des plus habiles gens de leur parti; mais après avoir bien disputé, on se sépara sans convention & sans accommodement: sur cela on ordonna que les actes de la conférence seroient supprimés, & qu'on garderoit le silence sur les matieres contestées. Cette premiere loi de silence ne rétablit point la paix. Après la mort d'Arminius arrivée en 1609, ses disciples dresserent une requête qu'ils présenterent aux états de Hollande en 1610, sous le nom de remontrance , qui renfermoit en divers articles la doctrine de leur maître sur la grace & la prédestination; les Gomaristes de leur côté demanderent à être entendus. Les états de Hollande & West-Frise ordonnerent une seconde conférence à la Haye, qui n'eut pas plus de succès, & après laquelle on fit une seconde loi de silence, contre laquelle les Gomaristes se récrierent fort, & qui ne fut pas plus observée que la premiere. Cependant les Gomaristes demandoient avec instance un synode où ils pussent convaincre leurs adversaires touchant les dogmes contestés qu'on avoit réduits à cinq propositions: les Arminiens firent ce qu'ils purent pour détourner le coup; ils prévoyoient qu'ils seroient infailliblement condamnés, le plus grand nombre des ministres leur étant contraires. C'étoit une chose singuliere & qui fait connoître l'esprit du siecle, que de voir au milieu de tout cela le roi d'Angleterre Jacques I. écrivant de gros livres contre l'arminien Vorstius, successeur d'Arminius dans l'université de Leyde, se donnant les plus grands mouvemens & par lui-même & par son ambassadeur auprès des Provinces-Unies, pour faire chasser de l'université un professeur pélagien. En attendant le synode, on tint une conférence à Delft, entre trois gomaristes & trois arminiens, qui se passa en explications réciproques & avec assez de modération. Ceci se passoit en 1613: au mois de Janvier de l'année suivante, les états de Hollande & West-Frise firent une nouvelle ordonnance dans laquelle on rappelle les esprits à l'instruction de l'apôtre S. Paul, non plus sapere quàm oportet, sed sapere ad sobrietatem; on y défend d'enseigner au peuple les conséquences trop dures qui paroissent suivre des opinions rigides de quelques théologiens sur la grace & la prédestination; par ex. que quelques hommes ont été créés pour la damnation; que Dieu leur impose la nécessité de pécher, & leur offre le salut sans vouloir qu'ils y arrivent: & quoique (disent les états) ces questions étant agitées dans les universités & dans les assemblées des ministres, ce que nous vous permettons encore, il en arrive que les sentimens se partagent; ce qu'on a vû dans tous les tems, même parmi des hommes savans & pieux, nous défendons de traiter ces matieres difficiles en public, en chaire, ou autrement. Ils ordonnent en outre aux pasteurs de se conformer dans l'explication des divers points de la doctrine chrétienne, à l'Ecriture-sainte & à la foi des églises réformées, & enfin de suivre l'esprit de la charité chrétienne, & d'éviter de nouvelles discussions, suivant les premiers decrets portés par les états. Cette troisieme ordonnance fut encore mal reçûe des Gomaristes , dont les opinions y étoient assez caractérisées & proscrites en même tems; ils écrivirent contre le decret; les Arminiens le défendirent, Grotius en fit l'apologie. Les historiens remarquent même que cette ordonnance de 1614 contribua à rendre plus fiers & moins accommodans les Arminiens qui s'étoient montrés jusque-là fort doux & fort pacifiques. Une nouvelle conférence tenue à Rotterdam au commencement de Novembre 1615, ne tranquillisa pas les esprits: de sorte qu'en 1617, les états de Hollande & West-Frise, que les Gomaristes accusoient toûjours de vouloir apporter du changement dans la religion réformée, & de s'arroger mal-à-propos le droit de pourvoir aux choses de la religion, firent une déclaration dans laquelle ils avancent d'abord qu'il appartient au magistrat de se mêler des affaires ecclésiastiques. Ensuite, après avoir rapporté les cinq propositions de la remontrance de 1610, renfermant toute la doctrine des Arminiens sur la grace & la prédestination, ils décident que ceux qui les tiennent & les enseignent ne peuvent être retranchés de la communion de l'Eglise, & déclarés hérétiques. On peut voir ces cinq propositions à l' article Arminiens ; & celles des Gomaristes qui y sont opposées, dans la remontrance des premiers. Epit. théol. & ecclésiast . Cette déclaration ne fit qu'animer encore davantage les Gomaristes; ils la firent casser par l'autorité du prince Maurice & des états généraux: mais les états de Hollande, pour maintenir leur supériorité indépendante, casserent cette sentence & leverent des troupes; les troubles se multiplierent; on en vint aux mains dans plusieurs villes. Les états généraux, pour calmer le desordre, arrêterent au commencement de 1618, que le prince Maurice marcheroit pour déposer les magistrats arminiens, dissiper les troupes qu'ils avoient levées, & chasser leurs ministres. Après avoir réussi dans cette entreprise dans les provinces de Gueldres, d'Over-Yssel & d'Utrecht, il fit arrêter le grand pensionnaire Barneveld, Hoogerbets & Grotius, les principaux soûtiens du parti des Arminiens; quelques jours après, il partit de la Haye, & parcourant les provinces de Hollande & West-Frise, il déposa dans toutes les villes les magistrats arminiens, bannit les principaux ministres & les théologiens de cette secte, & leur ôta même des églises pour les donner aux Gomaristes . Ceux qui s'étoient opposés alors au dessein d'un synode national, étant ainsi abattus, on songea à le convoquer. Ce synode devoit représenter toute l'eglise belgique; mais on y invita aussi des docteurs & des ministres de toutes les églises réformées de l'Europe, & cela pour fermer la bouche aux Remontrans, qui prétendoient que si un synode provincial ne suffisoit pas pour terminer les contestations, un synode national seroit aussi insuffisant, & qu'il en falloit un écuménique. Au reste, on pouvoit prévoir que le synode national ou écuménique ne seroit pas favorable aux Arminiens; les députés qu'on nomma dans des synodes particuliers ayant presque tous été pris parmi les Gomaristes; ce qui engagea les Remontrans à protester d'avance contre tout ce qui se feroit. On avoit choisi Dordrecht pour la célébration du synode; l'ouverture s'en fit le 13 Novembre 1618. Nous ne donnerons pas ici un détail suivi de ce qui s'y passa; nous dirons seulement que les Arminiens y furent condamnés unanimement; leurs opinions y furent déclarées contraires à l'Ecriture & à la doctrine des premiers réformateurs. On ajoûta à cette condamnation une censure personnelle contre les Arminiens cités au synode; ils avoient été retenus dans la ville par les états généraux, après avoir présenté inutilement plusieurs requêtes pour être renvoyés chez eux. Cette sentence fut dressée au nom du synode & des députés des états généraux; elle déclaroit les Arminiens détenus à Dordrecht atteints & convaincus d'avoir corrompu la religion & déchiré l'unité de l'Eglise; & pour ces causes, elle leur interdisoit toute charge ecclésiastique, les déposoit de leurs vocations, & les jugeoit indignes des fonctions académiques. Elle portoit que tout le monde seroit tenu de renoncer publiquement aux cinq propositions des Arminiens; que les noms de Remontrans & contre-Remontrans seroient abolis & oubliés. Les peines portées par cette sentence sont toutes ecclésiastiques: mais il ne tint pas aux Gomaristes , qu'elles ne fussent & civiles & plus séveres. Ils avoient fait les plus grands efforts pour faire condamner les Arminiens comme ennemis de la patrie & perturbateurs du repos public; mais les théologiens étrangers refuserent absolument d'approuver la sentence du synode en ce point; de sorte qu'on fut obligé de la réformer; & même quelque correction qu'on y eût faite, plusieurs ne voulurent point entrer dans ce qui regardoit la sentence personnelle des Arminiens: mais les états généraux satisfirent en cela l'animosité des Gomaristes des Provinces-Unies; car après avoir donné un édit le 2 Juillet de la même année, pour approuver & faire exécuter les decrets & la sentence du synode, on proscrivit les Arminiens; on bannit les uns, on emprisonna les autres, & on confisqua les biens de plusieurs. Le supplice du célebre Barnevelt, grand persionnaire de Hollande, suivit de près la fin du synode, & le prince d'Orange fit porter contre lui une sentence de mort, dans laquelle, parmi d'autres griefs en matiere civile, on l'accusoit d'avoir conseillé la tolérance de l'Arminianisme, d'avoir troublé la religion & contristé l'Eglise de Dieu. Tout le monde sait que cet homme célebre fut le martyr des lois & de la liberté de son pays, plûtôt que des opinions des Arminiens, quoiqu'il les adoptât. Le prince d'Orange Maurice, qui visoit à la souveraineté des Pays-Bas, & qui étoit traversé dans ses desseins par les magistrats des villes & les états particuliers des provinces, & sur-tout de celles de Hollande & West-Frise, à la tête desquels se trouvoient Barneveld & Grotius, se servit du prétexte des querelles de religion pour abattre ces républicains, & pensa opprimer tout-à-fait la liberté de la Hollande, sous l'apparence d'en extirper l'Arminianisme. En 1623, une conjuration contre le prince d'Orange, dans laquelle entrerent plusieurs arminiens, fut une nouvelle occasion de les persécuter, que les Gomaristes ne laisserent pas échapper; on les appella dans les prêches des traitres & des parricides . Il étoit assez naturel de penser que Guillaume Barnevelt, chef de cette conspiration, & fils puîné du grand pensionnaire, étoit animé par le desir de venger la mort de son pere; mais on ne manqua pas de représenter la conspiration comme l'ouvrage de toute la secte, & la persécution fut très-vive. Après la mort de Maurice, arrivee en 1625, les Arminiens tenterent inutilement leur retablissement en Hollande, sous le prince Frédéric Henri son frere; ils se réfugierent en divers pays de l'Europe où on leur offroit des asyles. Mais la tolérance civile & même ecclésiastique s'établissant peu-à-peu en Hollande, à la suite des principes de la réforme, sous le stathoudérat de Guillaume II. fils du prince Henri, on leur permit d'avoir des églises dans quelques villes des Provinces-Unies; celle d'Amsterdam a eu de grands hommes à sa tête; le savant le Clerc de Limborch, & beaucoup d'habiles gens y ont été ministres. Les Gomaristes sont toûjours dans la religion réformée, le parti dominant, & les Arminiens y font secte, au-moins pour la police extérieure de la religion. On professe encore ouvertement les dogmes rigides des premiers réformateurs; les formules de for expriment par-tout cette même doctrine, & on est obligé de s'y conformer pour parvenir aux emplois ecclésiastiques: il en est de même en Angleterre, où les épiscopaux tiennent les opinions de Calvin sur les matieres de la grace & de la prédestination. Cependant une grande partie des ministres, dans la réforme, s'est rapprochée des sentimens des Arminiens, ramenée à ces opinions par la Philosophie & sur-tout par la Morale, qui s'en accommodent beaucoup mieux: on les accuse même de donner dans les sentimens des Sociniens sur plusieurs articles considérables de la doctrine chrétienne. Quoi qu'il en soit, l'Arminianisme ne cause plus aujourd'hui aucun trouble en Hollande; la tolérance civile a réparé les maux qu'avoit faits la persécution. Les magistrats hollandois ont enfin compris que pour le bien de la paix, ils devoient s'abstenir de se mêler dans ces disputes; permettre aux théologiens de parler & d'écrire à leur aise; les laisser conférer s'ils en avoient envie, & décider, si cela leur plaisoit; & sur-tout ne persécuter personne. ( h ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMBAUT Author=Le Romain Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GOMBAUT GOMBAUT, s. m. ketmia , ( Hist. nat. bot. ) plante potagere très-commune aux iles Antilles. Elle s'éleve d'environ quatre à cinq piés, suivant la bonté du terrein; ses feuilles ressemblent assez à celles de la mauve; elle porte de belles fleurs jaunes auxquelles succedent des fruits de forme à-peu-prés conique, longs de trois & quatre pouces, cannelés suivant leur longueur, & s'ouvrant lorsqu'ils sont secs en plusieurs logettes qui renferment des semences rondes, grises, & grosses comme des petits pois; ce fruit doit se cueillir avant d'être tout-à-fait mûr; on le fait cuire dans le pot pour le manger avec la soupe ou bien en salade; on en fait aussi des especes de farces, & il est un des principaux ingrédiens qui entrent dans la composition du calalon, sorte de mets dont les dames créoles sont très-friandes. Le gombaut étant cuit devient extrèmement gluant par la grande quantite de mucilage qui en sort; c'est pourquoi on le regarde comme un très-grand émollient, étant pris en lavement. Article de M. le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMBETTES Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GOMBETTES GOMBETTES, ( Jurispr. ) V. Lois Gombettes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMERE (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOMERE GOMERE ( la ) Géog. île de l'Océan atlantique, entre les Canaries & l'ile de Fer. Elle appartient aux Espagnols qui s'en emparerent en 1545; elle a environ 22 lieues de tour, avec un port & un bourg de même nom; son terroir abonde en fruits, en sucre, & en vins. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMME Author=Jaucourt Normalized Classification=Physique générale Part of Speech=s.f. GOMME GOMME, s. f. ( Phys. génér. ) suc végétal concret, qui suinte à-travers l'ecorce de certains arbres, soit naturellement, soit par incision, & qui s'endurcit ensuite; la gomme qui découle d'elle-même, paroit être en Physique une espece de maladie de la seve des arbres, qui étant viciée, s'extravase, & devient en quelque maniere solide. Elle perce par quelque endroit tendu, écorché, ou rompu de la plante, & fait mourir les parties voisines; de sorte que pour arrêter les progrès du mal, il faut couper la branche malade un peu au-dessus de l'endroit affligé. Mais ce suc végétal gommeux qui transude quelquefois sur le fruit, n'est pas une maladie, c'est une simple surabondance de seve qui sort à-travers la peau. On voit souvent sur plusieurs pommes des pays chauds, comme en Languedoc, en Provence, en Italie, une gomme claire, insipide, & dure. Cette gomme n'est autre chose qu'une extravasation du suc du fruit, que l'air & le soleil ont endurci, & cette extravasation se trouve quelquefois en plusieurs endroits de la même pomme. Les prunes domestiques & sauvages, offrent souvent aux observateurs une gomme toute semblable; le laurier-cerise jette une fine gomme transparente, de couleur blanche, sans goût, & qu'on peut manger, sans qu'il en arrive aucun mauvais effet, tandis que l'infusion des feuilles du même arbre cause des convulsions, la paralysie, & la mort. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme Author=unknown Normalized Classification=Chimie | Matière médicale | Pharmacie Part of Speech=NA Gomme Gomme , ( Chimie, Pharmacie, & Mat. méd. ) les gommes proprement dites remplissent avec les mucilages une division de la classe générale des corps muqueux végétaux. La gomme est soluble dans les menstrues aqueux; elle est capable de la fermentation vineuse, elle est nourrissante. Voyez Vin & Nourrissant . Cette substance qui a beaucoup d'eau dans sa composition, quoiqu'elle ait déjà essuyé une véritable dessication ( voyez Gomme , Physique. ), en prend encore une quantité considérable, avec laquelle elle acquiert la consistance d'un mucilage mou & gélatineux: réduire une gomme dans cet état, s'appelle très-improprement dans le langage ordinaire de la Pharmacie, tirer le mucilage d'une gomme . La gomme se réduit en poudre, & même en poudre très-subtile, si on la pile dans un mortier très chaud; cette précaution est sur-tout nécessaire pour pulvériser la gomme adragant. La gomme mise sur le feu se boursouffle, bouillonne, & se réduit bien-tôt en une matiere friable & demi-torréfiée, qui est soluble dans l'esprit-de-vin, comme tous les autres sucs végétaux legerement grillés. On employe en Pharmacie la gomme arabique, la gomme du Senégal, & la gomme adragant: on ne fait aucune distinction dans l'usage des deux premieres; & on leur peut substituer sans inconvénient les gommes de notre pays; celle du cerisier, de l'amandier, ou du prunier. Voyez Adragant ( gomme. ) Voyez aussi Arabique ( gomme ). On donne encore en Pharmacie le nom de gomme à deux especes de sucs végétaux concrets bien différens de celui-ci; savoir à des résines & à des gommes-résines. Voyez Résine & Gomme-Résine . Les substances qui sont dans ces cas sont les suivantes: Gomme animé, voyez Animé . Gomme copale, voyez Copal . Gomme caragne, voyez Caranna . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme-Résine Author=Venel Normalized Classification=Chimie | Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=NA Gomme-Résine Gomme-Résine , ( Chimie, Pharmacie, & Mat. méd. ) Les gommes résines sont formées par le mélange d'une substance gommeuse & d'une substance résineuse foiblement unies. Cette legere union se manifeste lorsqu'on essaye de les faire fondre dans les menstrues aqueux, en ce qu'on n'obtient point une dissolution transparente, mais une liqueur laiteuse. Cette liqueur éclaircie par le repos, fournit un dépôt où la résine pure domine, & dont on peut la retirer par le moyen de l'esprit-de-vin. On peut aussi retirer du corps entier des gommes-résines par le moyen de l'esprit-de-vin, & sur-tout de l'esprit-de-vin alkalisé, la partie résineuse, & la séparer ainsi de la partie gommeuse. Le corps entier des gommes-résines est dissous par le vin & par le vinaigre; ces dissolutions ne sont pourtant pas parfaites, mais elles sont suffisantes pour les usages pharmaceutiques; on introduit commodément par ce moyen dans la composition des emplâtres les gommes-résines qu'on ne pourroit mettre que difficilement en poudre, telles que le galbanum, la gomme ammoniac, l'oppopanax, le sagapenum. Au reste celles-ci même peuvent se réduire en poudre quand elles sont mêlées avec beaucoup d'autres drogues, comme dans la poudre de la thériaque. Les gommes-résines employées en Medecine, sont les suivantes: la gomme ammoniac, l'assa foetida, le bdellium, l'euphorbe, le galbanum, la myrrhe, l'oppopanax, le sagapenum & la sarcocole. Voyez les articles particuliers . Toutes ces substances, à l'exception de l'euphorbe qui est un purgatif & un errhin très-violent, sont sur-tout connues en Medecine par leurs qualités communes, & on les employe assez fréquemment ensemble. Elles sont emménagogues, hystériques, & antispasmodiques dans l'usage intérieur, & elles passent pour des puissans résolutifs dans l'usage extérieur; c'est à ce titre qu'elles entrent dans un grand nombre d'emplâtres auxquelles elles donnent une autre qualité, sinon plus réelle, du-moins plus évidente, savoir de la viscosité. Voyez Emplatre , Résolutif, & Topique L'auteur d'un petit traité qu'on nous a traduit de l'anglois depuis quelques années sous le nom pharmacien moderne , prétend qu'il faut mettre l'oliban au rang des gommes-résines . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme Elemi Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gomme Elemi Gomme Elemi , Voyez Elemi . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme Tacamaque Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gomme Tacamaque Gomme Tacamaque , Voyez Tacamaque . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme Ammoniac Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gomme Ammoniac Gomme Ammoniac , voyez l'art . Ammoniac . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme de notre pays Author=Jaucourt Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gomme de notre pays Gomme de notre pays , gummi nostras , ( Mat. méd. ) offic. nom abrégé & reçû dans les boutiques, pour désigner la gomme qui découle des cerisiers, des pêchers, des pommiers, des pruniers, & autres arbres de nos climats. Leur gomme a les mêmes propriétés que la gomme arabique; mais on préfere cette derniere en Medecine, parce que ses vertus sont connues & approuvées par une longue expérience, & l'on réserve la gomme de notre pays pour les usages de Méchanique. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme du Gommier Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle des drogues Part of Speech=NA Gomme du Gommier Gomme du Gommier , ( Hist. nat. des Drogues. ) chibou-gummi , & par nos Epiciers galipot d'Amérique . C'est une gomme ou résine blanche, assez semblable au galipot, mais moins puante, qui découle en abondance d'un grand arbre des îles de l'Amérique, appelle gommier par les François, à cause de la grande quantité de gomme qu'il jette. Il se trouve deux sortes de gommiers en Amérique, & sur-tout à la Guadeloupe, le blanc & le rouge. Le gommier blanc est un des plus hauts & des plus gros arbres de cette île. Son bois est blanc, gommeux, dur, traversé, fort, & par conséquent difficile à mettre en oeuvre. On en fait des canots; il a les feuilles semblables au laurier, mais beaucoup plus grandes. Ses fleurs sont petites, blanches, disposées par bouquets aux sommets des rameaux. Son fruit est gros comme une olive, presque triangulaire, uni, verd au commencement, & ensuite rouge-brun: sa chair est tendre, & remplie d'une résine gluante & blanchâtre. Le gommier rouge a le tronc assez gros, droit, & élevé; son bois est fort tendre & blancâhtre; son écorce épaisse, verdâtre, & couverte d'une pellicule ou épiderme rousse, fort déliée, & fort aisée à détacher par de grandes lames en-travers. Ses branches s'étendent à la maniere de celles de nos grands pins. Elles sont garnies à leurs extrémités de quelques touffes de feuilles presque semblables à celles de nos frênes, mais un peu plus larges, & sans aucune dentelure. Elles sont lisses, vert-foncées, & chargées de quelques petites nervures. Les fleurs blanches & menues naissent par bouquets au bout des rameaux; le pistil qui est au milieu de chaque fleur, devient un fruit charnu semblable aux pistaches, gros comme une olive, presque triangulaire, uni & verd dans sa formation, ensuite rouge-brun dans sa maturité. Sa chair est tendre, & remplie d'une résine blanchâtre & gluante. Ce fruit renferme un noyau dur, un peu pressé par les côtés, & de la grosseur d'un grain de mays. Le gommier rouge est moins estime que le gommier blanc; son bois est de peu de durée, & se pourrit bien-tôt. Le P. Plumier pretend que les gommiers dont on vient de parler, different seulement de nos térébinthes par la structure de leurs fleurs qui ne sont pas à étamines. On trouve quantité de ces arbres dans les îles de l'Amérique, particulierement dans les lieux secs & arides. Hernandez, liv. III. chap. xx. de son histoire des plantes du Mexique , appelle le gommier copaltic , & dit que les Mexiquains font un grand cas de sa résine dans toutes sortes de flux-de-sang. Ils s'en servent extérieurement pour amollir, pour résoudre, & pour fortifier les nerfs. Ils employent en qualité de vulnéraires extérieurs les feuilles de l'arbre qui ont été trempées dans de l'eau-de-vie bouillante. Enfin ils brûlent quelquefois cette résine au lieu d'huile. On dit qu'elle sort par incision du tronc des gommiers en si grande quantité, qu'il y a tel de ces arbres d'où l'on en peut tirer jusqu'à cinquante livres. Nous l'employons en Europe aux mêmes usages que l'huile de térébenthine; on nous l'apporte des îles de l'Amérique, dans des barrils de différens poids, enveloppées dans de larges feuilles qui naissent sur un grand arbre du pays qu'ils appellent cachibou , d'où est venu le nom chibou de la gomme . Les Amériquains se servent des feuilles de l'arbre par préférence à d'autres dans leurs paniers d'aromates, afin d'empêcher que l'air n'y penetre. Quelques marchands trompeurs tant en Amérique qu'en Europe, sofistiquent la gomme chibou en la lavant dans quelque huile odoriférante, & la vendent les uns pour de la gomme animé , les autres pour de la gomme tacamahaca , & d'autres assez communément pour le vrai élémi. Les connoisseurs savent distinguer ces différentes gommes; mais ceux qui ne sont pas du métier, en apprennent seulement la différence par les effets. James a confondu la gomme du gommier , qu'on appelle quelquefois élemi d'Amérique , avec la véritable gomme élemi. Voyez Elemi . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme de Genevrier Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gomme de Genevrier Gomme de Genevrier , voyez ci-devant l'article Genevrier . Cette gomme s'appelle aussi sandaraque des Arabes. Voyez Sandaraque des Arabes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme de Lierre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gomme de Lierre Gomme de Lierre , Voyez Lierre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme-Gutte Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle des drogues exotiques Part of Speech=NA Gomme-Gutte Gomme-Gutte , ( Hist. nat. des drog. exot. ) suc concret, résineux & gommeux, inflammable, sec, compacte, dur, brillant, opaque, d'une couleur de safran jaunâtre, formé en masses rondes ou en petits bâtons cylindriques, sans odeur & presque sans goût; au-moins quand on le retient dans la bouche, il n'a d'abord d'autre goût que celui de la gomme arabique, mais peu de tems après il laisse dans le gosier une legere acrimonie avec un peu de sécheresse. On tire la gomme-gutte de Camboge, du royaume de Siam, de la Chine, & même, dit-on, de quelques provinces de l'Amérique: elle a reçu une quantité de noms différens, tels que gutta ad podagram, gumma-gutta, gutta-gamba, gutta gamandra, cambodium, cambogium , & plusieurs autres qui lui ont été donnés, soit à cause de la goutte que l'on s'imaginoit qu'elle guérissoit, soit à cause de Cambaye, Cambodje, ou Camboge, selon que différentes nations prononcent, soit à cause des différens pays d'où on l'apporte. Les anciens ne la connoissoient point du tout, & ce n'est que depuis environ un siecle, qu'elle est employée beaucoup par les Peintres, & de-tems-en-tems par les Medecins. Elle fut envoyée pour la premiere fois à Clusius l'an 1603, & des-lors son usage s'est étendu peu-à-peu dans l'Europe. On estime celle qui est pure, qui n'est point mêlée de sable, ni souillée d'ordures, d'une couleur fauve, ou d'un beau safran, inflammable sur le feu & donnant la couleur jaune à la salive & à l'eau. Les auteurs ont été long-tems incertains sur l'origine de ce suc; mais on croit savoir aujourd'hui assez sûrement qu'il découle de deux arbres, dont l'un est une espece d'oranger de Malabar appellé ghoraka cingalensibus, coddam-pulli , & par Acosta carcapulli. Voyez Carcapulli . L'autre est nommé ghoraka dulcis , & differe du précédent par sa fleur & son fruit, qui n'est que de la grosseur d'une cerise. Herman, témoin oculaire sur les lieux, rapporte qu'il dégoutte un suc laiteux & jaunâtre des incisions que l'on fait aux arbres dont nous venons de parler; que ce suc s'épaissit d'abord à la chaleur du soleil; & que lorsqu'on peut le manier, on en forme de grandes masses orbiculaires ou des bâtons. M. Richer prétend qu'il y a un arbre à Cayenne qui donne aussi de la gomme-gutte; mais comme il n'a point envoyé de cette gomme-gutte de Cayenne, & qu'il n'a point décrit l'arbre qui la fournit, nous ne reconnoissons pour véritable gomme-gutte que celle des Indes orientales. L'usage de cette gomme est considérable, parce qu'on en tire un très-beau jaune facile à employer, & dont on se sert pour la miniature & pour les lavis; mais comme la gomme-gutte est en même tems un des plus puissans cathartiques que l'on connoisse dans le genre végétal, il mérite notre curiosité à cet égard. Voyez donc ci-dessous Gomme-Gutte , ( Medec. Mat. méd. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme Gutte Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine | Matière médicale | Chimie Part of Speech=NA Gomme Gutte Gomme Gutte , ( Medec. Mat. méd. & Chimie. ) Quoique l'Histoire naturelle des drogues soit un vaste pays dont on tire plus de dépouilles par l'amour du gain, que par l'envie de connoitre la nature, cependant il y a des philosophes qui ne sont epris que de cette derniere ambition. Nous pouvons donner parmi nous cette loüange à MM. Boulduc & Geoffroi, d'avoir consacre leurs veilles à des recherches utiles sur les simples efficaces. Les mémoires de l'academie royale des Sciences le prouvent. L'annee 1701 de ce recueil nous offre, par exemple, une excellente dissertation de M. Boulduc, & le traité de matiere médicale de M. Geoffroi contient un très-bon morceau sur la gomme-gutte en particulier. Profitons de leurs travaux, & appliquons-nous toûjours à les étendre. La gomme-gutte étant approchée de la flamme, s'allume, brûle, jette elle-même une-flamme brillante comme les résines, & repand beaucoup de fumée; elle se dissout dans l'esprit-de-vin, mais non pas entierement, car la sixieme partie ou environ, reste sans se dissoudre, & c'est la partie gommeuse, laquelle se dissout promptement dans l'eau chaude, ou dans l'huile de tartre. La gomme-gutte paroit se dissoudre dans les menstrues aqueux, mais elle ne fait que se convertir comme la scammonée, en un lait blanchâtre ou jaunâtre, se precipite ensuite au fond du vaisseau, & l'eau demeure claire & limpide. Il semble résulter de l'analyse chimique, que la gomme gutte est un composé salin, résineux, & gommeux, formé d'abord d'un soufre leger, lequel donne l'amertume & l'odeur au phlegme qui sort le premier; ensuite d'un soufre grossier, qui ne s'eleve & ne se separe de la terre que par un feu violent; & sinalement d'un sel tartareux, un peu ammomacal, qui par le moyen de la distillation se résout partie en acide, & partie en sel nitreux. La dissolution entiere de la gomme-gutte acquiert la couleur du sang, en y versant de l'huile de tartre par défaillance, ou de l'eau de chaux, peut-être parce que les parties sulphureuses se développent, comme il arrive dans la dissolution du soufre minéral, par une forte lessive alkaline. C'est d'après les principes chimiques de la gomme-gutte , qu'on soupçonne que sa vertu cathartique dépend d'une substance sulphureuse, ténue & mêlée avec une certaine portion de sel volatil, ensorte que ses particules salines, sulphureuses, développées par le suc gastrique, irritent violemment les membranes de l'estomac & des intestins, & excitent les nausées, les vomissemens, & la purgation; mais on ne doit donner ces sortes d'explications que pour des hypothèses, & non pour des vérités. M. Boulduc n'a pu réussir à obtenir des fleurs de la gomme-gutte , ainsi qu'on en obtient du benjoin; la résine de cette gomme tirée à l'esprit-de-vin, purge avec beaucoup plus de force & d'irritation, que la gomme même. Cette gomme dans les expériences que ce chimiste a faites, s'est dissoute dans une égale quantité d'eau bouillante, à l'exception d'un petit nombre de particules terrestres; cette liqueur étant filtrée, a donné après son évaporation à petit feu, une espece de sel grisâtre qui coule aisément lorsqu'on n'a pas soin de bien boucher le vaisseau dans lequel on l'enferme. Cet extrait salin purge avec moins d'activité & en moindre dose que la gomme; mais comme il ulcere la gorge, il faut quand on l'employe, l'envelopper dans quelque substance onctueuse & adoucissante. Nous avons déjà remarqué que la gomme-gutte ne se dissout point dans l'eau, qu'elle se précipite aufond du vase en substance laiteuse de couleur jaunâtre, & laisse l'eau aussi nette qu'auparavant; nous ajoûtons ici que ce résidu ne differe en rien de la gomme , mais qu'il est plus pur. Le vinaigre distillé éclaircit cette substance laiteuse; l'huile de vitriol la trouble, & l'esprit-de-vin la rend de couleur d'or. Puisque la gomme-gutte est un des plus puissans cathartiques du regne végétal, & par consequent un des plus propres à produire de grands effets, il importe de savoir à qui, comment, à quelle dose, & avec quelle précaution ou correctif on peut la prescrire. Elle ne convient point aux tempéramens délicats dont les nerfs sont attaqués, ni aux personnes qui ont une grande difficulté à vomir. Lorsque la maladie l'exige dans certains cas, il est bon de la donner sous la forme de bol ou de pilules, parce qu'il n'y a point de menstrue capable d'en extraire toutes les qualités: on ne peut la bien pulvériser, sans y ajoûter quelque peu de sel lixiviel, tel que celui de tartre ou du sucre, qui d'ailleurs ont l'avantage de diviser ses parties résineuses, & de les empécher de s'attacher trop fortement aux membranes de l'estomac & des intestins. Cette gomme évacue sur-tout & promptement, les humeurs séreuses & bilieuses, ténues, tant par haut que par bas. Les medecins éclairés qui savent administrer ce remede avec prudence, y trouvent les avantages suivans, qu'il est sans goût & sans odeur, qu'on le donne en petite dose, qu'il sait son effet en peu de tems, qu'il dissout puissamment les sucs visqueux & tenaces en quelque partie du corps qu'ils se trouvent, & enfin qu'il chasse par le vomissement ceux qui sont dans l'estomac, & les autres en abondance par les selles. Ces mêmes medecins assûrent avoir employé ce remede avec un grand succès dans l'apoplexie séreuse, l'hydropisie, l'asthme humide, & d'autres graves maladies catarrheuses. Ils prescrivent la gomme-gutte depuis deux grains jusqu'à quatre, & ils ont observé que ce remede donné à cette dose, excitoit peu ou point de vomissement; & que lorsqu'il en causoit, cet effet cessoit d'ordinaire à la seconde ou troisieme prise. Ce remede depuis quatre grains jusqu'à sept, développé dans beaucoup de liqueur, purge par haut & par bas, mais communément sans violence. Si on le donne à cette dose sous la forme de bol ou de pilules, il fait d'abord vomir; mais le vomissement est très-leger, ou n'arrive point du tout, si on joint la gomme avec du mercure doux. Cependant quand on a considéré que la gomme-gutte etoit du nombre de ces violens cathartiques, qui causent le bouleversement de l'estomac & la superpurgation, on s'est attaché à lui chercher des correctifs, pour modérer son activité: on a proposé à ce sujet les substances incrassantes, les sels lixiviels, tels que celui de tartre, le sucre, le mercure doux, & quelques autres moyens. M. Boulduc a imaginé pour y parvenir, une expérience assez singuliere; il a enfermé la gomme-gutte dans un sachet, a mis ce sachet dans un pain tout chaud, & l'y a laissé pendant vingt-quatre heures; ensuite il a pulvérisé sa gomme , l'a remise dans un autre sachet, & a repété son procédé quatre ou cinq sois consecutivement. Il nous assûre que cette préparation a détruit la violence irritante de la gomme-gutte , sans diminuer ses vertus. Il ajoûte qué la croute du pain où il avoit enfermé cette gomme , possédoit une qualité purgative & émétique. Tout cela se peut; mais outre qu'une telle épreuve est très-fautive, la gomme-gutte de M. Boulduc n'en étoit pas moins émétique; & en effet tous les correctifs du monde ne sauroient détruire l'éméticité de ce remede: d'ailleurs, il n'est pas besoin de recourir à des correctifs, pourvû qu'on donne la gomme à une petite dose, avec un adjoint convenable, ou en la délayant suffisamment. D'autres chimistes préparent une resine & un magistere avec ce suc; mais de telles préparations sont inutiles & sont même plus de mal que de bien, car les résines des purgatifs purgent généralement moins, & allument un plus grand feu dans les visceres. Je finis par une observation sur la gomme-gutte , c'est que tandis qu'elle purge violemment, le fruit de l'arbre qui la produit est très-sain, se mange avec délices comme nos oranges; & quand il est sec, il sert de remede efficace pour arrêter les flux de ventre séreux & bilieux. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gomme Author=Diderot Normalized Classification=Chamoiseur Part of Speech=NA Gomme * Gomme , terme de Chamoiseur , c'est une espece de graisse qui se rencontre dans les peaux de moutons ou de chevres que l'on passe on chamois. On fait sortir ce qui reste de chaux & de gomme dans ces peaux, par le moyen du confit. Voyez Chamois , à l'endroit où il est parlé de la maniere de passer & préparer les peaux de moutons en huile ou autrement dit en chamois. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMMIER Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GOMMIER GOMMIER, s. m. ( Botan. ) arbre des îles d'Amérique, qui est de la classe des térébinthes. Voyez-en la description à l' article Gomme du Gommier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMMER Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. GOMMER * GOMMER, v. act. ( Gramm. ) enduire quelque chose de gomme. Voy. Gomme . Gommer des rubans, c'est les humecter avec de l'eau dans laquelle on a fait dissoudre de la gomme, afin de les lustrer & les rendre plus fermes: mais les rubans gommés sont moins estimés que les autres, parce qu'ils sont trop roides & sujets à se gâter quand ils viennent à être mouillés. On gomme aussi les toiles, les étoffes. Voy. Toile , Draperie , Soie , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMOR Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GOMOR GOMOR, s. m. ( Hist. anc. ) mesure creuse des Hébreux, qui, selon le P. Calmet, contenoit à-peu-près trois pintes mesure de Paris. Le gomor étoit la meme chose que l'assaron ou la dixieme partie de l'épha. V. Epha & Assaron . Diction. de la Bible . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMPHOSE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GOMPHOSE GOMPHOSE, s. f. en Anatomie , c'est une espece de synarthrose ou d'articulation, par laquelle les os sont emboîtés les uns dans les autres d'une façon immobile, en forme de cheville ou de clou. Voyez Synarthrose , Articulation . Les dents sont enchâssées dans les mâchoires par gomphose. Voyez Dent & Machoire . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOMRON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOMRON GOMRON, ( Géog. ) ville de Perse sur le golfe de Balsora, vis-à vis l'ile d'Ormus, dans la province de Kirman. Voyez Ban-der-Abassi . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONARGUE Author=Diderot Normalized Classification=Gnomonique Part of Speech=s.m. GONARGUE * GONARGUE, s. m. ( Gnom. ) espece de cadran solaire, pratiqué sur les surfaces différentes d'un corps anguleux, d'ou il fut appellé gonargue . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOND Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=s.m. GOND * GOND, s. m. ( Serrurerie. ) morceau de fer plié en équerre, de la grosseur & de la largeur qui conviennent à l'usage. Il sert à soûtenir la porte suspendue; & c'est sur ses gonds qu'elle tourne, s'ouvre & se ferme. Les parties du gond ont différentes formes; celle qui entre dans la penture est ronde & se nomme le mamelon; celle qui doit être fixée dans le bois ou dans le plâtre est quarrée, pointue par le bout si le gond est pour bois, fourchue si le gond est pour platre: dans ce dernier cas, il doit être scellé en plomb, & l'on pratique avec la tranche des hachures sur les quatre faces de la queue. Enfin on distingue dans le gond trois choses; le bout du mamelon qu'on appelle la tête du gond; la portion comprise depuis la tête jusqu'à la pointe, qu'on nomme le corps , & la pointe . Il y a des gonds de différentes sortes. Le gond à clavette, auquel on perce une ouverture, à-travers laquelle on passe une clavette qui empêche qu'on ne puisse l'arracher. Le gond de fiche, ou la partie inférieure de la fiche, sur laquelle le gond est monté: la supérieure se nomme penture . le gond à repos, celui où l'on voit à la tête un épaulement autour du mamelon; on l'appelle gond à repos , parce que l'oeil de la penture pose dessus: on l'employe aux portes pesantes; alors on y ajuste & l'on y rive un mamelon. Tous ces gonds sont en bois & à plâtre. Le gond double à repos, celui où le mamelon excede la fiche ou l'oeil de la penture, de l'épaisseur de la seconde branche du gond , à la tête de laquelle l'on a fait un oeil, comme a celle sur laquelle le mamelon est fixe. Cette sorte de gond est pour les grandes portes cocheres. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gonds et Rosettes du Gouvernail Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gonds et Rosettes du Gouvernail Gonds et Rosettes du Gouvernail , ( Mar. ) Voyez ci-après Gouvernail . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONDAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GONDAR GONDAR, ( Géog. ) les uns écrivent Gonder , d'autres Gumder , & d'autres Gondar; grande ville d'Ethiopie, la résidence des empereurs des Abyssins, de même que du patriarche chef de la religion: mais n'allez pas entendre par ce mot de ville , une ville murée & solidement bâtie comme les nôtres; ce n'est, à proprement parler, qu'un vaste camp, qui disparoîtra dès qu'il plaira au négus de choisir un autre lieu pour son domicile. Le medecin Poncet qui fit le voyage d'Ethiopie en 1698, 1699, & en 1700, dit que l'étendue de Gondar est de trois à quatre lieues; que l'empereur y a un palais magnifique, & qu'il se fait dans ce camp un très-grand commerce. L'or & le sel sont la monnoie qu'on y employe; l'or y est en lingots, que l'on coupe jusqu'à une demi-dragme: on se sert de sel de roche pour la petite monnoie. On tire ce sel de la montagne Lafta, & il y est porté dans les magasins de l'empereur, où on le forme en tablettes & en demi-tablettes pour l'usage. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONDOLE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GONDOLE GONDOLE, s. f. ( Marine. ) « c'est une petite barque plate & longue, qui ne va qu'avec des rames. L'usage en est particulier sur les canaux de Venise. La figure & la legereté des gondoles , est tout-à-fait extraordinaire. Les moyennes ont trente-deux piés de long, & n'ont que quatre piés de large dans le milieu, finissant insensiblement par les deux bouts en une pointe très-aiguë, qui s'éleve toute droite de la hauteur d'un homme. On met sur la proue un fer d'une grandeur extraordinaire; il n'a pas un demi-travers de doigt d'épais, sur plus de quatre doigts de large, posé sur le tranchant; mais la partie supérieure de ce fer plus applatie que le reste, avance un long & large cou en forme d'une grande hache de plus d'un pié de face; de sorte que fendant l'air comme en menaçant, à cause du mouvement de la gondole , il semble qu'il va couper tout ce qui s'opposeroit » à son passage. Dictionn. de Mar . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gondole Author=Louis Normalized Classification=Instrument de chirurgie Part of Speech=NA Gondole Gondole , instrument de Chirurgie , petite soucoupe ovale, très-commode pour laver l'oeil. Voyez Bassin oculaire . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONDOLIERS Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GONDOLIERS GONDOLIERS, s. m. ( Marine. ) ce sont ceux qui menent les gondoles à Venise; ils ne sont jamais que deux dans les gondoles, même dans celles des ambassadeurs, excepté lorsque les personnes de marque vont à la campagne; alors ils se mettent quatre. Les gondoliers sont debout, & rament en poussant devant eux. Celui qui vogue devant, est dans l'espace qu'il y a depuis la partie couverte de la gondole jusqu'aux deux marches de l'entrée, appuyant sa rame du côté gauche, sur le tranchant d'une piece de bois plus haute d'un pié que le bord de la gondole, épaisse de deux doigts, & échancrée en rond pour y loger le manche de la rame. Le gondolier de derriere est élevé sur la poupe, afin de voir la proue par-dessus la couverture; mais il ne se tient que sur un morceau de planche qui déborde de quatre doigts sur le côté gauche de la gondole, ne se tenant qu'au manche de sa longue rame, qui est appuyée au côté droit. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONDRECOURT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GONDRECOURT GONDRECOURT, Gundulphi curia , ( Géogr. ) petite ville de Lorraine au duché de Bar, sur la riviere d'Ornain, à 8 lieues S. de Saint-Mihel, 7 de Bar-le-Duc. Long. 23. 12. lat. 48. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONESSE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GONESSE GONESSE, Gonessa, Gonessia , ( Géog. ) bourg de France, à trois lieues de Paris, au milieu d'un terroir de sept milles arpens de terres labourables, & très-fertile en blé. Ce bourg est bien ancien; car il en est parlé dans un concile tenu à Soissons en 853. Il y a deux paroisses, & un hôpital fondé l'an 1210 par Pierre seigneur du Tillet. Long. 20. 6. 41. lat. 48. 59. 15 . Philippe II. roi de France, communément surnommé Auguste à cause de ses conquétes, naquit à Gonesse le 22 Août 1165; il fut surnommé le Conquérant, & ab aliquibus Augustus, vir fortunatissimus, qui regnum Francorum feré duplò ampliavit; hie in omnibus actibus felix, ecclesiarum & religiosarum personarum amator & fautor, & specialiter ecclesiarum sancti Dionisii, & sancti Victoris Parisiensis. Obiit anno 1223. Ann. de S. Victor . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONFALON ou GONFANON Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GONFALON ou GONFANON GONFALON ou GONFANON, s. m. ( Hist. mod. ) grande banniere découpée par le bas en plusieurs pieces pendantes, dont chacune se nomme fanon de l'allemand fanen , ou du latin pannus , qui tous deux signifient un drap, une piece d'etoffe dont étoient composés ces anciens étendards. On donnoit principalement ce nom aux bannieres des églises qu'on arboroit, afin de lever des troupes & de convoquer les vassaux pour la défense des églises & des biens ecclésiastiques. Les couleurs en etoient différentes, selon la qualité du saint ou patron de l'église, rouge pour un martyr. verte pour un évêque, &c. En France elles étoient portées par les avoüés ou défenseurs des abbayes; ailleurs par des seigneurs distingués, qu'on nommoit gonfaloniers . Dans certains états l'étendard de la couronne, du royaume, ou de la république, étoit aussi appellé gonsanon . Aux assises du royaume de Jérusalem, liv. II. ch. x. il est parlé de la maniere que le connétable & le maréchal devoient chacun à leur tour porter le gonfanon devant le roi, lorsqu'il paroissoit à cheval dans les jours de cérémonie. Voyez Enseigne . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gonfalon Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Gonfalon Gonfalon , ( Hist. mod. ) tente ronde qu'on porte à Rome devant les processions des grandes églises, en cas de pluie, dont la banniere est un racourci. Voyez l'article précédent. Voyez aussi l'article Banniere . Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONFALONIER Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GONFALONIER GONFALONIER, s. m. ( Hist. mod. ) nom de celui qui portoit le gonfanon ou la banniere de l'église. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gonfalonier Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Gonfalonier Gonfalonier , ( Hist. mod. ) chef du gouvernement de Florence, dans le tems que cet état étoit républicain. Il y a encore à Sienne trois gonfaloniers ou capitaines, qui commandent chacun à un des trois quartiers de la ville. La république de Lucques est gouvernée par un gonfalonier choisi d'entre les nobles. Il n'est que deux mois en charge; il a une garde de cent hommes, & loge dans le palais de la république. On lui donne pour adjoints dans l'administration des affaires, neuf conseillers dont le pouvoir ne dure que deux mois comme le sien; mais ni lui ni eux ne peuvent rien entreprendre d'important sans la participation & l'aveu du grand-conseil qui est composé de vingt six citoyens. Le magistrat de police de Sienne conserve aussi le titre de gonfalonier , & porte pour marque de sa dignite une robe ou manteau d'écarlate, par-dessus un habit noir; son autorité est fort bornée depuis que les dues de Toscane n'ont laissé à cette ville qu'une legere ombre de son ancienne autorité. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONFLER, (se) Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA GONFLER * GONFLER, ( se ) v. p. Gramm. il se dit de toute substance qui prend, ou par la chaleur, ou par quelqu'autre cause que ce soit, plus de volume qu'elle n'en occupoit auparavant. Il a lieu au simple & au figuré; & l'on dit l'estomac gonflé par des vents, le coeur gonflé d'orgueil. De gonfler , on a fait gonflement . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONFLES Author=unknown Normalized Classification=Tireur d'or Part of Speech=s.f. GONFLES GONFLES, s. f. en termes de Tireur-d'or , ce sont des cavités qui renferment de l'air, & empêchent absolument de souder l'or, quelque précaution qu'on y employe, à-moins qu'on ne les ait crevées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONGA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GONGA GONGA, ( Géog. ) ville de la Turquie européenne, dans la Romanie, près de Marmora, à 15 lieues N. E. de Gallipoli. Long. 45. 6. lat. 40. 53 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONGRONE Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. GONGRONE GONGRONE, s. f. ( Med. ) γογγρώνη , gongrona . Hippocrate ( lib. VI. epid. sect. üj. t. 14. ) & Galien ( ibid. comment. ) se servent de ce mot pour désigner une sorte de tumeur dure, indolente, qui est saillante & arrondie comme celles qui se forment sur la surface des arbres, que les Grecs appellent γόγγρους . Ce terme est particulierement appliqué aux tumeurs du cou, comme le goëtre, qu'on appelle aussi bronchocele. Diction . de Castell. Voyez Bronchocele , Goetre . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONIOMÉTRIE Author=d'Alembert Normalized Classification=Mathématique pratique Part of Speech=s.f. GONIOMÉTRIE GONIOMÉTRIE, s. f. ( Mathém. prat. ) est l'art de mesurer les angles. Ce mot vient de deux mots grecs, γωνία , angle , & μέτρον , mesure . On a donné au mot Angle , la maniere de mesurer les angles, soit sur le papier, soit sur le terrein, & de prendre les angles formés par trois objets quelconques; & on a expliqué au mot Degré , pourquoi on se sert du cercle pour la mesure des angles: ainsi nous renvoyons à ces articles. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONNE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GONNE GONNE, s. f. ( Mar. ) c'est un barril qui est d'un quart plus grand que celui où l'on met de la bierre, du vin, ou de l'eau-de-vie: cette futaille n'est point d'usage en France, mais chez les Hollandois. On enferme aussi le saumon salé dans des gonnes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONORRHÉE Author=Louis Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. GONORRHÉE GONORRHÉE, s. f. en termes de Medecine , signifie un flux ou écoulement in volontaire de la semence, ou de quelque autre humeur, sans délectation & sans érection de la verge. Voyez Semence . Ce mot est formé du grec γόνος , semence , & ῥέω , je coule . Il y a deux sortes de gonorrhée , l'une simple & l'autre virulente. La gonorrhée simple, sans virus ou malignité, est causée quelquefois par des exercices violens, par l'usage immodéré d'alimens chauds & sur-tout de liqueurs fermentées, comme le vin, la bierre, le cidre, &c. on en guérit en prenant du repos, des alimens nourrissans, des bouillons, &c. Cette espece se subdivise en gonorrhée véritable, dans laquelle l'humeur qui s'écoule est réellement de la semence; & en gonorrhée fausse ou bâtarde, où l'humeur qui se vuide n'est point de la semence, mais une matiere qui sort des glandes placées autour des prostates. Voyez Prostates . Cette derniere espece a quelque ressemblance avec les fleurs blanches des femmes, & on en peut être incommodé long-tems sans perdre beaucoup de ses forces: quelques-uns l'appellent gonorrhée caterreuse . Son siege est dans les glandes prostates, qui sont trop relâchées ou ulcérées. La gonorrhée virulente vient de quelque commerce impur; c'est le premier symptome de la maladie vénérienne, & ce qu'on appelle la chaude-pisse. Voy . Maladif vénérienne & Chaude-pisse Les parties que ce mal affecte d'abord, sont les prostates dans les hommes & les lacunes dans les femmes. Ces parues étant ulcérées par quelque matiere contagieuse qu'elles ont reçûe dans le coit, elles commencent par jetter une liqueur blanchâtre & aqueuse, & causent une douleur aiguë: ensuite cette liqueur devient jaune, plus acre, enfin verdâtre & souvent fetide ou de mauvaise odeur. Elle est accompagnée d'une tension & inflammation de la verge, & d'une ardeur ou acreté d'urine qui cause au malade une douleur sort vive dans le passage urinaire qu'elle déchire & excorie par son acrimonie: de-là naissent les tumeurs & ulceres sur le prépuce & sur le gland, lesquelles affectent aussi quelquefois l'urethre. La cause de la gonorrhée virulente, selon M. Littre, est quelque humeur acide échauffée & raréfiée, qui dans le tems du coït se leve des parties intérieures du pudendum d'une femme infectée, & vient se loger dans l'urethre de l'homme; elle a différens siéges dans le corps: quelquefois elle ne s'attache qu'aux glandes mucilagineuses de Cowper; quelquefois aux prostates, quelquefois aux vésicules séminales; quelquefois elle affecte deux de ces parties, & quelquefois toutes les trois ensemble. C'est par rapport à cette diversité de siéges, que M. Littre distingue la gonorrhée virulente en simple, qui n'affecte qu'une de ces trois places, & en compliquée ou composée, qui en affecte plusieurs; il observe que celle qui siége dans les glandes mucilagineuses, peut continuer d'être simple pendant tout le cours de la maladie, parce que les canaux de ces glandes sont ouverts dans l'urethre à un pouce & demi de distance en deçà des prostates, & ont leur écoulement en-bas, de sorte qu'elles déchargent aisément leur liqueur; les deux autres especes se produisent mutuellement l'une l'autre, parce que les conduits des vésicules séminaires se terminent dans l'urethre au milieu des glandes des prostates; de sorte que leurs liqueurs se communiquent aisément. La gonorrhée qui n'affecte que les glandes mucilagineuses, est la moins commune & la plus aisée à guérir; la cure se fait par des cataplasmes émolliens, par des fomentations sur la partie, & par des demi-bains. Mèm. de l'acad. ann. 1711 . Les autres especes demandent des remedes plus forts, dont les principaux sont le mercure, l'émulsion de chenevi verd, os de seche, térébenthine, sucre de Saturne, &c. Les Anglois font beaucoup de cas du précipité verd de mercure, de mercure doux: le baume de Saturne térébenthiné, préparé à petit feu, le sucre de Saturne, l'huile de térébenthine, & le camphre, sont aussi très-bien. Quand l'inflammation est grande vers les reins & les génitoires, il faut avoir recours aux saignées, aux émulsions, aux calmans & adoucissans, tant internes qu'externes. Une infusion de cantharides dans du vin, est le remede spécifique d'un fameux medecin hollandois; ce remede me paroît suspect & peut avoir des suites bien funestes: on recommande aussi la résine de gayac, & on regarde comme un remede spécifique le baume de Copaïba; à quoi il faut ajoûter l'antimoine diaphorétique, le bezoar minéral, l'eau dans laquelle on a fait bouillir du mercure, les injections d'eau de chaux, le mercure doux, le sucre de Saturne, &c. Pitcarn traite la gonorrhée virulente de cette maniere. Au commencement de la maladie, il purge avec une tisanne laxative de senné, de sel de tartre & de fleurs de mélilot; il prescrit du petit-lait pour la boisson du malade. Après l'avoir purgé ainsi pendant trois ou quatre jours, si l'urine est moins échauffée, le flux moins considérable, & la couleur & la consistence de la matiere devenue meilleure, il lui fait prendre pendant six ou sept jours des bols de térébenthine & de rhapontic; si ces bols lui tiennent le ventre libre, c'est un bon signe. Il faut éviter absolument de donner des remedes astringens; la gonorrhée ne dégénerant presque jamais en vérole, à-moins qu'on ne se presse trop de l'arrêter. Pitcarn, in manu scripto . Du Blegny veut que l'on commence la cure d'une gonorrhée par un cathartique bénin de casse, de senné, de crystal minéral, de tamarin, de guimauve, & de rhubarbe, que l'on prend alternativement de deux jours l'un; ensuite des diurétiques, & sur-tout ceux de térébenthine; & enfin des astringens bénins, comme les eaux minérales, le crocus Martis astringent, les teintures de rose & de corail en cochenille, &c. Le ptyalisme ou la salivation ne guérit jamais la gonorrhée. Chambers . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GONNUS, ou GONNI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GONNUS, ou GONNI GONNUS, ou GONNI, Γόννος dans Strabon, Γονὸς dans Lycophron, ( Géog. ) ville de Grece dans la Perrhibie; tous les anciens auteurs grecs & latins en parlent; M. de Lisle place Gonnus à l'entrée de Tempé, au nord du fleuve Pénée, & à vingt milles de Larisse; cette ville est nommée Gonnessa par Eustathe, sur le II. liv. de l'Iliade . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOR GOR, ( Géog. ) ville des Indes, capitale d'un petit royaume de même nom, qui fait partie des états du Mogol, aux confins du Tibet. Long. 104. lat. 31 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORAO Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GORAO GORAO, s. m. ( Comm. ) étoffe de soie cramoisie, ou ponceau, qui se fabrique à la Chine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORANTO, (Monts de-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORANTO GORANTO, ( Monts de-) Géog. chaîne de montagnes dans la Natolie, au couchant de la petite Caramanie, entre le golfe de Macri & celui de Satalie. Les montagnes de Goranto jettent à leur sommet du feu, des flammes & de la fumée; la chimere de Lycie, celebre chez les poëtes, en faisoit partie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORCUM, ou GORKUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORCUM, ou GORKUM GORCUM, ou GORKUM, Gorichemum , ( Géog. ) ville forte de la Hollande méridionale, commerçante en fromages, beurre, & autres denrées; elle est à l'embouchure du Linge qui la traverse, à cinq lieues E. de Dordrecht, sept N. E. de Bréda, treize S. E. d'Amsterdam. Longit. 22. 29. latit. 51. 49 . Gorkum est la patrie de plusieurs hommes qui se sont illustres dans les Sciences & dans la Peinture; il suffira d'en nommer ici quelques-uns. Erpenius, ( Thomas ) mort professeur en arabe à Leyden, le 13 Novembre 1624, à l'âge de soixante ans: nous lui devons une grammaire arabe , & d'autres ouvrages en ce genre, dans lesquels il a excellé. Estius, ( Guillaume ) s'est fait une haute réputation par sa théologie en deux vol. in-fol. & par ses commentaires sur les épîtres de S. Paul. Kamphuysen, en latin Camphusius , ministre socinein, naquit à Gorcum dans le dernier siecle, & déclara dans ses écrits, qu'il auroit vécu toute sa vie sans religion, s'il n'eût le des ouvrages où l'on combat la trinité, & dans lesquelles on enseigne que les peines de l'enfer ne seront pas éternelles. Bloëmart, ( Abraham ) né à Gorcum en 1567, & mort en 1647, s'est distingué parmi les peintres hollandois, & dans le goût de sa nation: on fait surtout beaucoup de cas de ses paysages. Verschuring, ( Henri ) né en 1627, excelloit à peindre des animaux, des chasses, & des batailles: il périt sur mer d'un coup de vent, à deux lieues de Dordrecht, en 1690. Van-der-Heyden, ( Jean ) mort en 1712 à quatre-vingts ans, avoit un talent particulier pour peindre des ruines, des vûes de maisons de plaisance, des temples & des lointains. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORD, ou GORRE Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.m. GORD, ou GORRE * GORD, ou GORRE, s. m. ( Pêche. ) espece de pêcherie composée de plusieurs parties, dont la premiere s'appelle gord; ce sont deux rangs de perches ou palissades convergentes d'un côté, & par conséquent divergentes de l'autre; elles conduisent le poisson qui entre par le côté le plus large, dans un verveux ou guidau fixé au bout le plus étroit. L'embouchure du gord est quelquefois à-mont & quelquefois à-val, suivant le mouvement de la marée. II suit de ce qui précede, que la palissade sert comme d'entonnoir au guideau qui la termine, & que les gords ressemblent beaucoup aux bouchots. Il y a des gords d'osier avec pieux sédentaires; ils sont en usage à Touque & à Dive; ils ont, comme les bouchots de Cancalle, quatre à cinq piés de hauteur, sur sept à buit de long; le treillis est soûtenu par six pieux, & l'extrémité en est entonnée dans une petite nasse arrêtée par deux pieux en-devant, & un troisieme à la queue: l'ouverture en est exposée à l'ebbe; la pêche se fait au reflux. Comme cette pêcherie n'exige ni panne ni aîle, ni clayonnage serré, l'usage n'en sauroit être pernicieux; car il est sédentaire & assez ouvert pour laisser échapper le frai. Voyez nos Pl. de Pêche . On établit aussi des gords dans les rivieres. Voici la description de celui de la riviere d'Elé, dans l'amirauté de Quimper en Bretagne: cette pêcherie où l'on prend du saumon, est placée entre deux montagnes, & traverse en entier le lit de la riviere; les tonnes sont de maçonnerie, & non de pieux serrés ou de pieux clayonnés. Il y a sept tonnes; l'intervalle de celle qui est à l'ouest est clos de tous côtés par des rateliers garnis d'échelons; & c'est le réservoir de la pêcherie. Quand on fait la pêche & qu'il n'y a encore rien de pris; pour faire servir cette tonne comme les autres, on leve deux de ces rateliers, & l'on met à leur place deux guidaux qui arrêtent les saumons qui cherchent à remonter: lorsqu'ils descendent, ces poissons qu'on ne pêche jamais alors, trouvent une ouverture pour s'échapper & retourner à la mer. Voyez Saumons . Les gords de la gironde n'ont rien de particulier; ce sont deux palissades de bois qui forment un angle dont la pointe est exposée à la basse eau: ces palissades sont assises sur un terrein de terre franche & de rapport. Quand la marée y est montée, la pointe du gord se trouve garnie d'une tonne ou gonne que les Pêcheurs nomment une gourbeille , au bout de laquelle ils ajoûtent encore deux nasses qu'ils appellent des bouteilles . Ces bouteilles sont soûtenues sur de petits piquets enfoncés dans le terrein; c'est-là que se prend le poisson qui est monté avec la marée dans le gord , & il s'en prend beaucoup, car les tiges des bouteilles sont si serrées que rien ne peut échapper: le frai d'alose & d'autres poissons y est quelquefois en si grande quantité, qu'on ne pourroit sans infection l'y laisser plus d'une marée à une autre. Les bouteilles se démontent & s'élevent quand le pêcheur ne veut point exploiter son gord . Ces gords ont leurs aîles ou clayonnages d'environ quatre piés de haut sur vingt-cinq, trente, quarante, cinquante, jusqu'à soixante-dix brasses de long. Il n'y en a qu'à l'oüest de la gironde, sur les côtes de Médoc, où la côte est plate & fort différente de la côte de Xaintonge qui lui est opposée. Voyez nos figures . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORDIEN (Noeud) Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature Part of Speech=s.m. GORDIEN GORDIEN ( Noeud ), s. m. ( Littérat. ) noeud du char de Gordius qu'Alexandre coupa ne pouvant le dénoüer: en voici l'histoire. Gordius, pere de Midas, roi de Phrygie, avoit un char dont le joug étoit attaché au timon par un noeud fait si adroitement dans les tours & les détours du lien, qu'on ne pouvoit découvrir ni son commencement ni sa fin. Selon l'ancienne tradition des habitans, un oracle avoit déclaré que celui qui le pourroit délier auroit l'empire de l'Asie. Alexandre passant dans la ville de Gordium, ancien & fameux séjour du roi Midas, souhaita de voir le fameux chariot du noeud gordien , se persuadant aisément que la promesse de l'oracle le regardoit: après avoir considéré attentivement ce noeud, il fit plusieurs tentatives pour le délier; mais n'ayant pû y réussir, & craignant que les soldats n'en tirassent un mauvais augure: « il n'importe, s'écria-t-il, comment on le dénoue ». Alors l'ayant coupé avec son épée, il éluda ou accomplit l'oracle, dit Quinte-Curce, sortem oraculi vel elusit vel implevit . Arrien ajoûte qu'Alexandre avoit réellement accompli l'oracle, & que cela fut confirmé la nuit même par des tonnerres & des éclairs; de sorte que le prince n'en doutant plus, offrit le lendemain des sacrifices aux dieux pour les remercier de la faveur qu'ils vouloient bien lui accorder, & des marques authentiques qu'ils venoient de lui en donner. Tout cela n'étoit qu'un stratagème qu'Alexandre imagina pour encourager ses troupes à le suivre dans son expédition d'Asie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gordiens, (monts) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gordiens Gordiens , ( monts ) Gordiaeus mons , ( Géog. ) chaîne de montagnes de la grande Arménie, au milieu de laquelle chaîne Ptolomée donne la même latitude qu'aux sources du Tigre, savoir 39 d . 40'. Cette montagne a donné le nom de Gorden ou Gorduene au pays dont Pompée fit la conquête; car ce pays étoit aussi de la grande Arménie, & dépendant du roi Tigrane. La commune opinion veut que ce soit présentement le mont Ararath. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORDIUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GORDIUM GORDIUM, ( Géog. anc. ) ville d'Asie dans la Phrygie sur le fleuve Sangar; Etienne le géographe la nomme Gordicium: peut-être avoit-elle pris son nom de Gordius, pere de Midas, qui en avoit fait le lieu de sa résidence. Arrien, Xénophon, & les historiens d'Alexandre le Grand, font mention de Gordium: ce fut-là, disent-ils, que ce roi ne vint à bout du noeud gordien qu'en le coupant. Voyez Gordien (Noeud) . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORÉE Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORÉE GORÉE, ( Géogr. ) voyez ci-devant Goérée . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORET Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GORET GORET, s. m. ( Marine. ) c'est un balai plat fait entre deux planches & emmanché d'une longue perche; on s'en sert pour nettoyer les parties du vaisseau qui sont dans l'eau. Les Hollandois ne font pas le goret plat comme les François: ce sont de gros balais cloüés entre deux planches amarrées à une corde; on porte cette machine au bout du vaisseau, on la met dessous & on la tire par l'autre bout avec le cabestan; de sorte qu'en passant elle nettoye & gratte le vaisseau. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORETER Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=v.act. GORETER GORETER, v. act. ( Marine. ) c'est nettoyer avec un goret la partie du vaisseau qui est cachée dans l'eau. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGADES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GORGADES GORGADES, ( Géog. anc. ) îles du Cap-verd ou de la côte occidentale d'Afrique, dans lesquelles plusieurs auteurs ont placé le séjour des Gorgones, sur la relation fabuleuse des Carthaginois, qui y trouverent des femmes velues sur tout le corps, & d'une si grande agilité, qu'elles échappoient aux hommes qui les poursuivoient à la course: ces femmes pourroient bien être des guenons dont ces îles sont remplies. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGE Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GORGE GORGE, s. f. ( Anatomie. ) partie antérieure d'un animal entre la tête & les épaules, dans laquelle est le gosier. Voyez Cou ou Col . Les Medecins comprennent sous le mot de gorge , tout le creux ou toute la cavité que l'on peut voir quand une personne ouvre la bouche fort grande. Voyez OEsophage & Bouche . On l'appelle aussi quelquefois isthme , parce que c'est un passage étroit qui a quelque ressemblance avec ces gorges de montagnes ou langues de terre que les géographes appellent isthmes. Chambers . On donne quelquefois ce nom aux mamelles; c'est en ce sens qu'on dit d'une femme, qu'elle a une belle gorge. Voyez Mamelle . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=Le Blond Normalized Classification=Fortifications | Art militaire Part of Speech=NA Gorge Gorge , ( Art milit. & Fortifications. ) en termes de Fortification, est l'entrée du bastion, des demi-lunes, ou autres ouvrages extérieurs. Voyez Bastion , Demi-Lune , &c. La gorge d'un bastion est ce qui reste des côtés du polygone intérieur de la place, après qu'on en a retranché les courtines: dans ce cas, il se fait un angle au centre du bastion; tel est l'angle F K L, Pl. I . de Fortification, fig. 1 . Voyez Angle du centre du Bastion . Aux bastions plats, c'est une ligne droite sur la courtine qui communique d'un flanc à l'autre. Il est avantageux que la gorge du bastion soit grande, pour augmenter la capacité du bastion. Voyez Demi-Gorge . La gorge d'une demi-lune est la partie de la contrescarpe sur laquelle elle est construite. La gorge des autres ouvrages extérieurs, est l'espace qui est entre leur flanc attenant le fossé; ou c'est la partie qui les termine du côté de la place. Toutes les gorges doivent être sans parapet, parce que les assiégeans après s'en être rendus maîtres, s'en serviroient pour se mettre à couvert des coupe de la place: on se contente de les fortifier avec des palissades, pour éviter une surprise. Demi-gorge est la partie du polygone qui est depuis le flanc jusqu'au centre du bastion, comme FK. Voyez Demi-Gorge . Chambers . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Gorge Gorge , ( Hydraulique. ) se dit d'une fondriere & vallée où l'on a dessein de faire descendre une conduite d'eau, ou de la faire passer sur un aqueduc, pour raccorder les deux niveaux. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge de Pigeon Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gorge de Pigeon Gorge de Pigeon , ( Manége. ) expression usitée parmi les Eperonniers, pour désigner une sorte d'embouchure dont la liberté de langue ou l'espace qui forme cette liberté, diminue toûjours à-mesure que le canon s'éleve & jusqu'au point de la terminaison du montant. Il est des gorges de pigeon brisées, il en est de non brisées. Voyez Mors . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=Diderot Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gorge * Gorge , ( Architecture. ) espece de moulure concave, plus large & plus profonde qu'une scotie; elle se pratique aux cadres, chambranles, & ailleurs. La gorge d'une cheminée, c'est la partie comprise depuis le manteau jusque sous le couronnement du manteau; il y en a de droites ou à-plomb, en adoucissement ou conge, en balustre, en campane ou cloche. Voyez Gorgerin . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Gorge Gorge ; les Artificiers appellent ainsi l'orifice d'une fusée dont le cartouche est étranglé sans être fermé, & dont le trou est précédé d'une espece d'écuelle concave qui sert à contenir l'amorce. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Fondeur de cloches Part of Speech=NA Gorge Gorge , en terme de Fondeur de cloches , est le renflement compris depuis les faussures jusqu'au bord ou arrondissement de la cloche. Voyez la fig. I. Pl. de la Fonderie des cloches , & l'art . Fonte des Cloches . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Orfèvre en grosserie Part of Speech=NA Gorge Gorge , chez les Orfevres en grosserie , est un petit collet qui commence la monture d'un chandelier ou autre ouvrage; il peut aussi y en avoir à différens endroits de cette monture, selon le goût de l'artiste & l'effet qu'elles produisent dans son ouvrage. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Gorge Gorge , ( Serrurerie. ) il se dit de la partie d'un ressort à laquelle répond la barbe du pêne, lorsque le panneton de la clé est mû pour ouvrir & fermer; la gachette a aussi sa gorge. Voyez dans nos Planches de Serrurerie , la gorge du ressort & de la gachette. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Tourneur Part of Speech=NA Gorge Gorge , ( Tourneur. ) ce nom se donne aux bâtons tournés qu'on met au bas & au haut des planches & des cartes de Géographie qui les tiennent tendues quand elles sont déployées, & sur lesquels on les tourne pour les serrer. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Gorge Gorge , ( Vénerie. ) on dit d'un chien qu'il a belle gorge , c'est-à-dire qu'il a l'aboyement vigoureux & retentissant. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge Author=unknown Normalized Classification=Fauconnerie Part of Speech=NA Gorge Gorge , ( Fauconnerie. ) est la poche ou sachet supérieur des oiseaux de proie: il faut donner grosse gorge à l'oiseau, c'est-à-dire de la viande grossiere & non trempée dans l'eau, non essuyée, en un mot leur faire faire une mauvaise chere. On appelle gorge chaude la viande chaude qu'on donne aux oiseaux de proie, & qu'on prend du gibier qu'ils ont attrapé. On dit aussi donner bonne gorge , quand les Fauconniers repaissent les oiseaux; demi-gorge ou quart de gorge , selon que l'on les veut traiter. Enduire ou digérer sa gorge , se dit de l'aliment que l'oiseau a pris: on dit, l'oiseau a digéré sa gorge , lorsque cette gorge passe vîte & que l'oiseau émeutit incontinent sans prendre nourriture: on tient que c'est un mauvais signe, qu'il devient éthique; ce qu'on appelle mal subtil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorge-rouge Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ornithologie Part of Speech=s.m. Gorge-rouge Gorge-rouge , rubecula, erithacus , s. m. ( Hist. nat. Ornitholog. ) petit oiseau qui pese une demi-once; il a un demi-pié de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue; l'envergure est de neuf pouces. La poitrine a une couleur rouge ou orangée, qui a fait donner à cet oiseau le nom de gorge-rouge: cette même couleur entoure les yeux & la partie supérieure du bec; il y a une bande bleue entre la couleur rougeâtre & la couleur du reste de la tête & du cou. Le ventre est blanc; la tête, le cou, le dos & la queue, sont de couleur brune, verdâtre ou jaunâtre, comme dans les grives. La face intérieure des ailes est legerement teinte de couleur orangée; les barbes extérieures des grandes plumes sont presque toutes de la même couleur que le dos: les bords intérieurs sont jaunâtres. La queue a deux pouces & demi de longueur, & elle est composée de douze plumes. Le bec est mince & de couleur brune; la langue est fourchue; l'iris des yeux a une couleur de noisette; les pattes, les doigts, & les ongles, sont de couleur brune mêlée de noir. L'hyver ces oiseaux approchent des maisons pour chercher à manger: en eté dès qu'ils peuvent trouver de quoi se nourrir dans les bois, & que le froid ne se fait plus sentir, ils se retirent avec leurs petits dans les lieux les plus deserts. Ils aiment la solitude: d'où vient le proverbe qui dit, « deux gorges-rouges ne vivent pas sous le même arbuste »: unicum arbustum non alit duos erithacos . Cet oiseau fait son nid parmi les épines, dans les endroits les plus touffus des bois & les plus remplis de feuilles de chêne, & il le couvre avec ces feuilles: on dit qu'il n'y entre que par un seul endroit, & que toutes les fois qu'il en sort, il ferme l'ouverture avec les mêmes feuilles. On distingue le mâle de la femelle, par les pattes qui sont plus noires, & par quelques poils qu'il a de chaque côté du bec. Ces oiseaux se nourrissent de petits vers & d'autres insectes, d'oeufs de fourmis, &c. Willughbi, ornith. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGÉ, ENFLÉ Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=adject GORGÉ, ENFLÉ GORGÉ, ENFLÉ, adj. synon. ( Manége. ) des jambes gorgées , des boulets gorgés. Voyez Enflure & Jambes . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorgé Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Gorgé Gorgé , en terme de Blason , se dit d'un lion, d'un cygne, ou autre animal, dont le cou est ceint d'une couronne; auquel cas l'on dit que le lion est gorgé d'une couronne ducale, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGER Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA GORGER GORGER, en terme d'Artificier , c'est remplir de composition le trou de l'ame d'un artifice; ce qui ne se fait que rarement. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGERE, ou TAILLEMER Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GORGERE, ou TAILLEMER GORGERE, ou TAILLEMER, s. f. ( Marine. ) c'est une des principales pieces qui composent la poulaine ou éperon. La gorgere s'étend à l'avant du vaisseau, depuis l'extrémité du brion ou la naissance de l'étrave, jusqu'à-peu-près au niveau du premier pont, suivant dans toute cette étendue le même courant que l'étrave, sur laquelle elle est appliquée exactement; elle repose par en-bas sur une dent qu'on ménage sur le brion ou sur l'étrave à laquelle elle est liée par plusieurs chevilles qui sont clavettées sur virole au-dedans du vaisseau. A la hauteur du premier pont, la gorgere quitte l'étrave dont elle s'écarte en formant une grande gorge qui remonte à-mesure qu'elle s'éloigne du vaisseau, & va se terminer à la figure. Le dehors de la gorgere représente une espece de console qui vient se terminer par-en-bas à la dent que nous avons dit être sur l'extrémité du brion ou à la naissance de l'étrave. La gorgere est formée par deux ou un plus grand nombre de pieces qui ont la même épaisseur que l'étrave, à l'endroit où elles la touchent, & qui diminuent un peu d'épaisseur à-mesure qu'elles s'en écartent: toutes ces pieces sont liées l'une à l'autre par des empatures, & retenues avec des chevilles de fer. Voyez Pl. IV . fig. 1 . la gorgere ou taillemer, cottée 193 . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGERET Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.m. GORGERET GORGERET, s. m. instrument de Chirurgie qui sert dans l'opération de la taille, pour introduire les tenettes dans la vessie; son corps est un canal en forme de gouttiere longue de cinq pouces: son commencement ou sa partie la plus large a environ huit lignes de diametre & trois lignes & demie de profondeur; il va ensuite en diminuant insensiblement de largeur & de profondeur, se terminer par une coupe ronde. La cavité de cette gouttiere est exactement ceintrée & polie, & ses ailes ou parois sont aussi fort polis, afin de ne causer aucune irritation aux parties. L'entrée du canal est coupée en talud de l'étendue d'un travers de doigt. L'extrémité antérieure est une petite crête qui s'éleve doucement du fond & du milieu de la fin de la gouttiere dont nous venons de parler; elle a environ seize lignes de longueur dans le canal, & sa hauteur a près de deux lignes en sortant du canal, où elle forme une languette de quatre lignes de longueur sur deux lignes & demie de largeur, recourbée de dehors en-dedans, plate sur les côtés, & arrondie par son extrémité. L'extrémité postérieure de cet instrument est arbitraire; elle est communément en croix, comme le manche des conducteurs. Nous avons fait graver, Pl. IX . fig. 9 . un gorgeret fort étroit de l'invention de M. le Dran: le manche est en forme de coeur. Il préfere ce petit gorgeret , parce qu'il se tourne aisément dans la vessie, comme il le juge à-propos, pour distinguer autant qu'il est possible les surfaces & le volume de la pierre; il tourne ensuite la cannelure du côté de la tubérosité de l'ischion, & il y fait couler son petit couteau ( fig. 10 . ), pour inciser la prostate & le cou de la vessie. Le gorgeret ( fig. 11 . ) est vu du côté convexe; son manche est un anneau. Il y a sur sa partie latérale externe, du côté gauche, une rainure qui peut servir fort utilement à conduire un bistouri pour l'incision du col de la vessie. M. Foubert a imaginé par sa nouvelle méthode de tailler, un gorgeret formé de deux pieces ou branches qui peuvent s'écarter & servir de dilatatoire. Voyez fig. 4 . Il peut servir au grand appareil, & pourroit avoir sans inconvénient la rainure du gorgeret. fig. 11 . ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGERIN Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GORGERIN GORGERIN, s. m. ( Hist. mod. ) partie d'une ancienne armure qui servoit à couvrir la gorge quand un homme étoit armé de toutes pieces. Voy. Arme & Armure . Chambers . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorgerin Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gorgerin Gorgerin , ( Archit. ) est la petite frise du chapiteau dorique, entre l'astragale du haut du fut de la colonne & les annelets; on l'appelle aussi colarin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGET Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=s.m. GORGET GORGET, s. m. ( Menuiserie. ) espece de rabot; il y en a de plusieurs façons: il y a le gorget portant un quarré, le gorget portant double quarré: ces outils servent aux Menuisiers pour faire les gorges des moulures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGONA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORGONA GORGONA, ( Géog. ) petite île d'Italie dans la mer de Toscane, près de l'île de Capraïa, entre la côte du Pisan à l'est & l'île de Corse au sud: son circuit est d'environ trois lieues. Longit. 27. 35. latit. 43. 22 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGONE (la-) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORGONE GORGONE ( la-) Géog. petite île inhabitée de la mer du Sud, sous le troisieme degré de latit. septentrionale; à environ quatre lieues du continent, & à trente-huit de Capo-Corientes; nord-quart au nordest, & sud-quart au sud-oüest: il y pleut perpétuellement, au rapport de Dampierre, qui la nomme Gorgonia . On y trouve quantité de petits singes noirs, & quelques huîtres qui ont des perles. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGONEION Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque Part of Speech=s.m. GORGONEION GORGONEION, s. m. ( Littérat. greq. ) nom de masque particulier, en usage sur l'ancien théatre des Grecs: c'est proprement le nom qu'on donnoit à certains masques faits exprès pour inspirer l'effroi, & ne représenter que des figures horribles, telles que les furies & les Gorgones; d'où leur vint la dénomination de γοργόνειον ; le genre de masque qui représentoit les personnes au naturel, s'appelloit προσωπεῖον ; le masque qui ne servoit qu'à représenter les ombres, se nommoit μορμολυκεῖον . Pollux n'a point distingué, comme il le devoit dans sa nomenclature , ces trois sortes de masque; mais il est bien excusable dans un sujet de mode qui changea si souvent & qui étoit si varié. Voyez Masque . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGONELLES Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GORGONELLES * GORGONELLES, s. f. ( Commerce. ) sorte de toile qui se fabrique en Hollande & à Hambourg; la longueur & la qualité varient; on en trafique aux îles Canaries. Voyez le dictionn. du Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORGONES Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie | Littérature Part of Speech=s.f. GORGONES GORGONES, s. f. ( Myth. & Littér. ) trois soeurs filles de Phorcus & de Céto, & soeurs cadettes des Grées. Elles demeuroient, selon Hésiode, au-delà de l'Océan, à l'extrémité du monde, près du séjour de la nuit, là même où les Hespérides sont entendre les doux accens de leur voix. Les noms des Gorgones sont Sthéno, Euryale & Méduse si célebre par ses malheurs: elle étoit mortelle, au lieu que ses deux soeurs n'étoient sujettes ni à la vieillesse ni à la mort. Le dieu souverain de la mer fut sensible aux charmes de Méduse; & sur le gazon d'une prairie, au milieu des fleurs que le printems fait éclorre, il lui donna des marques de son amour. Elle périt ensuite d'une maniere funeste; Persée lui coupa la tête. Les trois Gorgones , disent encore les Poëtes, ont des aîles aux épaules; leurs têtes sont hérissées de serpens; leurs mains sont d'airain; leurs dents sont aussi longues que les défenses des plus grands sangliers, objet d'effroi & d'horreur pour les pauvres mortels; nul homme ne peut les regarder en face, qu'il ne perde aussi-tôt la vie; elles le pétrifient sur le champ, dit Pindare; Virgile ajoûte qu'après la mort de Méduse, Sthéno & Euryale allerent habiter près des enfers, à la porte du noir palais de Pluton, où elles se sont toûjours tenues depuis avec les Centaures, les Scylles, le géant Briarée, l'hydre de Lerne, la Chimere, les Harpies, & tous les autres monstres éclos du cerveau de ce poëte. Multaque praeterea variarum monstra ferarum.... Gorgones, Harpiiaeque...... Il n'y a peut-être rien de plus célebre dans les traditions fabuleuses que les Gorgones , ni rien de plus ignoré dans les annales du monde. C'est sous ces deux points de vûe que M. l'abbé Massieu envisage ce sujet dans une savante dissertation, dont le précis pourra du-moins servir à nous convaincre du goût inconcevable de l'esprit humain pour les chimeres. En effet la fable des Gorgones ne semble être autre chose qu'un produit extravagant de l'imagination, ou bien un édifice monstrueux élevé sur des fondemens, dont l'origine est l'écueil de la sagacité des critiques. Il est vrai que plusieurs historiens ont tâché de donner à cette fable une sorte de réalité; mais il ne paroît pas qu'on puisse faire aucun fond sur ce qu'ils en rapportent, puisque le récit même de Diodore de Sicile & de Pausanias n'a l'air que d'un roman. Diodore assûre que les Gorgones étoient des femmes guerrieres qui habitoient la Lybie près du lac Tritonide; qu'elles furent souvent en guerre avec les Amazones leurs voisines; qu'elles avoient Méduse pour reine, du tems de Persée qui les vainquit; & qu'enfin Hercule les détruisit entierement ainsi que leurs rivales, persuadé que dans le grand projet qu'il avoit formé d'être utile au genre humain, il n'exécuteroit son dessein qu'en partie, s'il souffroit qu'il y eût au monde quelques nations qui fussent soûmises à la domination des femmes. La narration de Pausanias s'accorde assez bien avec celle de Diodore de Sicile; & tandis que tous les deux font passer les Gorgones pour des héroïnes, d'autres écrivains en font des monstres terribles. Suivant ces derniers, les Gorgones ne sont point des femmes belliqueuses qui ayent vécu sous une forme de gouvernement, & dont la puissance se soit long-tems soûtenue; c'étoient, disent-ils, des femmes féroces d'une figure monstrueuse, qui habitoient les antres & les forêts, se jettoient sur les passans, & faisoient d'affreux ravages: mais ces mêmes auteurs qui conviennent sur ce point, different sur l'endroit où ils assignent la demeure de ces monstres. Proclus de Carthage, Alexandre de Mynde & Athenée les placent dans la Lybie; au lieu que Xenophon de Lampsaque, Pline & Solin prétendent qu'elles habitoient les îles Gorgades. Alexandre de Mynde cité par Athenée, ne veut pas même que les Gorgones fussent des femmes; il soûtient que c'étoient de vraies bêtes féroces, qui pétrifioient les hommes en les regardant. Il y a, ditil, dans la Lybie un animal que les Nomades appellent Gorgone , qui a beaucoup l'air d'une brebis sauvage, & dont le souffle est si empesté, qu'il infecte tous ceux qui l'approchent; une longue criniere lui tombe sur les yeux, & lui dérobe l'usage de la vûe; elle est si épaisse & si pesante cette criniere, qu'il a bien de la peine à l'écarter pour voir les objets qui sont autour de lui; lorsqu'il en vient à-bout par quelque effort extraordinaire, il renverse par terre ceux qu'il regarde, & les tue avec le poison qui sort de ses yeux: quelques soldats de Marius, ajoûte-t-il, en firent une triste expérience dans le tems de la guerre contre Jugurtha; car ayant rencontré une de ces Gorgones , ils fondirent dessus pour la percer de leurs épées; l'animal effrayé, rebroussa sa criniere & les renversa morts d'un seul regard: enfin quelques cavaliers nomades lui dresserent de loin des embûches, le tuerent à coups de javelot, & le porterent au général. Xénophon de Lampsaque, Pline & Solin, font des Gorgones des femmes sauvages, qui égaloient par la vitesse de leur course le vol des oiseaux. Selon le premier de ces auteurs cité par Solin, Hannon général des Carthaginois, n'en put prendre que deux dont le corps etoit si velu, que pour en conserver la mémoire comme d'une chose incroyable, on attacha leur peau dans le temple de Junon, où elles demeurerent suspendues parmi les autres offrandes, jusqu'à la ruine de Carthage. Si les auteurs qu'on vient de citer, ôtent aux Gorgones la figure humaine, Paléphate & Fulgence les leur restituent; car ils soûtiennent que c'étoient des femmes opulentes qui possédoient de grands revenus, & les faisoient valoir avec beaucoup d'industrie: mais ce qu'ils en recontent paroit tellement ajusté à la fable, qu'on doit moins les regarder comme des historiens qui déposent, que comme des spéculatifs qui cherchent à expliquer toutes les parties d'une énigme qu'on leur a proposée. Paléphate, pour accommoder de son mieux ses explications aux fictions des Poëtes, nous dit que la Gorgone n'étoit pas Méduse, comme on le croit communément; mais une statue d'or représentant la déesse Minerve, que les Cyrénéens appelloient Gorgone . Il nous apprend donc que Phorcus originaire de Cyrene, & qui possédoit trois îles au-delà des colonnes d'Hercule, fit fondre pour Minerve une statue d'or haute de quatre coudées, & mourut avant que de l'avoir consacrée. Ce prince, ditil, laissa trois filles, Sthéno, Euryale & Méduse, qui se voüerent au célibat, hériterent chacune d'une des îles de leur pere; & ne voulant ni consacrer ni partager la statue de Minerve, elles la déposerent dans un thrésor qui leur appartenoit en commun: elles n'avoient toutes trois qu'un même ministre, homme fidele & éclairé, qui passoit souvent d'une île a l'autre pour l'administration de leur patrimoine; c'est ce qui a donné lieu de dire qu'elles n'avoient à elles trois qu'une corne & qu'un oeil, qu'elles se prêtoient alternativement. Persée fugitif d'Argos, courant les mers & pillant les côtes, forma le dessein d'enlever la statue d'or, surprit & arrêta le ministre des Gorgones dans un trajet de mer; ce qui a encore donne lieu aux Poëtes de feindre qu'il avoit volé l'oeil des Gorgones , dans le tems que l'une le remettoit a l'autre: Persée néanmoins leur déclara qu'il le leur rendroit, si elles vouloient lui livrer la Gorgone; & en cas de refus, il les menaça de mort. Méduse ayant rejetté cette demande avec indignation, Persée la tua, mit on pieces la Gorgone , c'est-à-dire la statue de Minerve, & en attacha la tête à la proue de son vaisseau. Comme la vûe de cette dépouille & l'éclat des expéditions de Persée répandoit par-tout la terreur, on dit qu'avec la tête de Méduse il changeoit ses ennemis en rochers & les pétrifioit. A lire ce détail, ne croiroit-on pas que tous ces évenemens sont réels, & se sont passés sous les yeux de Paléphate? Comme Fulgence n'a fait que coudre quelques circonstances indifférentes à cette narration, il est inutile de nous y arrêter. Selon d'autres historiens, les Gorgones n'étoient rien de tout ce que nous venons de voir; c'étoient trois soeurs d'une rare beauté, qui faisoient sur tous ceux qui les regardoient des impressions si surprenantes, qu'on disoit qu'elles les changeoient en pierres: c'est, par exemple, l'opinion d'Ammonius Serenus; Héraclide est du même sentiment, avec cette différence qu'il s'exprime d'une maniere peu favorable à la mémoire des Gorgones , car il les peint comme des personnes qui faisoient de leurs charmes un honteux trafic. Mais enfin il y a des écrivains tout aussi anciens que ces derniers, qui loin d'accorder aux Gorgones une figure charmante, nous assûrent au contraire que c'étoient des femmes si laides, si disgraciées de la nature, qu'on ne pouvoit jetter les yeux sur elles sans être comme glacé d'horreur. Voilà sans doute qui suffit pour prouver que tout ce que les historiens nous débitent des Gorgones , est rempli de contradictions; car sous quelles formes différentes ne nous les ont-ils pas représentées? Ils en ont fait des héro¨ines, des animaux sauvages & féroces, des filles économes & laborieuses, des prodiges de beauté, des monstres de laideur, des modeles de sagesse qui ont mérité d'être mises au rang des femmes illustres & des courtisanes scandaleuses. La moitié de ces mêmes historiens les place dans la Lybie; l'autre moitié les transporte à mille lieues de-là, & les établit dans les Orcades. Les uns tirent leur nom de γοργὼν , mot cyrénéen qui veut dire Minerve: d'autres de γοργὼν , nom lybique d'un animal sauvage; & d'autres enfin du mot grec γεωργὸς , qui signifie laboureur . Quel parti prendre entre tant d'opinions si différentes? celui d'avoüer qu'elles sont à peu-près également dénuées de vraissemblance. Ce n'est pas tout: quelques merveilles que les historiens ayent publiées touchant les Gorgones , les Poetes ont encore renchéri sur eux; & il ne faut pas en être étonné: on sait qu'un de leurs droits principaux est de créer; s'ils en usent volontiers dans toutes les matieres qu'ils traitent, on peut dire qu'ils en ont abusé dans celle-ci: ils se sont donné pleine carriere, & les fictions qu'ils nous ont débitées sur ce point, sont autant de merveilles dont ils ont surchargé le tableau. Homere seul s'est conduit avec la plus grande reserve; il se contente de nous dire que sur l'égide de Minerve, & le bouclier d'Agamemnon fait d'après cette égide, étoit gravée en relief, l'horrible Gorgone lançant des regards effroyables au milieu de la terreur & de la fuite. Mais si le prince des Poëtes est concis, Hésiode en revanche s'est appliqué à suppléer à cette briéveté par des portraits de main de maître, dont il a cru devoir embellir son poëme du bouclier d'Hercule & celui de la généalogie des dieux: on diroit qu'il n'a en dessein dans le premier ouvrage que de prouver la grande intelligence qu'il avoit des regles de son art, & l'elevation dont il étoit capable lorsqu'il vouloit prendre l'essor. « Sur ce bouclier, dit-il, est détaché Persée ne portant sur rien . . . On le voit qui hâte sa fuite plein de trouble & d'effroi. Les soeurs de la Gorgone , monstres affreux & inaccessibles, monstres dont le nom seul fait frémir, le suivent de près & tâchent de l'atteindre: elles volent sur le disque de ce diamant lumineux; l'oreille entend le bruit que leurs aîles font sur l'airain; deux noirs dragons pendent à leurs ceintures; ils dressent la tête, ils écument; leur rage éclate par le grincement de leurs dents, & par la férocité de leurs regards ». Dans la théogonie , Hésiode le prend sur un ton moins haut, & tel que doit être celui de la simple narration, qui ne se propose que d'instruire. Il entre ici dans le détail, & nous apprend de qui les Gorgones avoient reçu la naissance, leur nombre, leurs noms, leurs différentes prérogatives, leur combat contre Persée, & le renversement de leur triste famille. La fable d'Hésiode reçut de nouveaux ornemens de l'art des poëtes qui lui succéderent. On peut s'en convaincre par la lecture d'AEschyle dans son Prométhée; de Pindare, dans ses odes pythiques; & de Virgile, dans son sixieme livre de l'Enéide: mais c'est Ovide qui brille le plus; amateur des détails, & ne maniant guere un sujet sans l'épuiser, il a rempli celui-ci de cent nouvelles fictions, que vous trouverez dans ses métamorphoses; il y seme les fleurs à pleines mains sur la conquête de Méduse par Neptune, l'expédition fameuse de Persée, la défaite de la Gorgone & celle des généraux de Phinée. Ce fut d'après tant de matériaux transmis par les poëtes grecs & latins, que les Mythologues qui écrivirent en prose, Phérécyde, Apollodore, Hygin & autres, composerent leurs diverses compilations, qui d'ailleurs n'ont rien d'intéressant. Loin de m'y arrêter, je cours à l'explication la plus vraissemblable des mysteres prétendus que renferme la fable des Gorgones; mais je ne la trouve pas cette explication dans des allégories physiques, morales ou guerrieres; je n'y vois que des jeux d'esprit. M. le Clerc, à l'exemple de Bochart, a eu raison de chercher le mot de l'énigme dans les langues orientales, quoiqu'il se soit trompé en croyant prouver dans ses notes savantes sur Hesiode, que par les Gorgones il faut entendre des cavales d'Afrique , qu'enleverent les Phéniciens en commerçant dans cette partie du monde. M. Fourmont sentant les défectuosités d'un système qui ne s'ajustoit point aux détails de la fable, s'est retourné d'une autre maniere; & nous allons voir le fruit de ses recherches. Il a trouvé dans le nom des trois Gorgones & jusque dans le nom des cinq filles de Phorcus, celui des vaisseaux de charge qui faisoient commerce sur les côtes d'Afrique où l'on trafiquoit de l'or, des dents d'éléphant, des cornes de divers animaux, des yeux d'hyene & autres marchandises. L'échange qui s'en faisoit en différens ports de la Phénicie & des iles de la Grece, c'est le mystere de la dent, de la corne & de l'oeil, que les Gorgones se prêtoient mutuellement: ainsi les cinq filles de Phorcus étoient les cinq vaisseaux qui composoient la petite flotte de ce prince, comme le prouvent leurs noms phéniciens. Dans toutes les langues orientales, les vaisseaux d'un prince s'appellent ses filles; enyo en phénicien signifie un vaisseau de charge, navis oneraria; péphrédo par transposition pour perphedo , un vaisseau qui porte l'eau douce, navis aquaria; stheino , une galere, navis victuaria; euriale , une chaloupe, navis transitoria; Medusa , on sousentend Sephina , le vaisseau amiral, navis imperatoria . De ces cinq vaisseaux, trois étoient de l'île de Choros, nommée ensuite γοργὼ , île des Phéaques , & deux etoient nommées γραῖαι , grées , vaisseaux gagnés sur les Grecs. L'ile de Cyre ou Corcyre, Ithaque & autres voisines, étoient des îles phéniciennes de nouvelle date. Paléphate dit que Phorcus ou Phorcys étoit cyrénéen: cela se peut; mais alors comme chef de colonie, il régnoit à Ithaque, à Céphalonie & à Choros. Dans l Odyssée, Minerve montre à Ulysse & sa patrie & le port du vieillard marin Phorcys; voilà le pere des Gorgones retrouvé: Phorcys roi d'Ithaque & des deux iles voisines, qui possede & envoye commercer cinq vaisseaux, trois de Choros, c'est-à-dire les trois Gorgones , & deux qu'il a pris sur les Grecs, qui sont les grées, γραῖαι . Le commerce de ce prince se faisoit en Afrique avec les habitans de Cyrene, du mont Atlas, des Canaries & de la côte de Guinée. Pline, Ptolomée, Méla, Pausanias, Hannon, Hésiode même, attestent que ce commerce étoit fréquent dès le siecle de Persée. Des cinq vaisseaux de Phorcys, Persée négligea le perphédo chargé d'eau douce, & l' enyo qui ne renfermoit que des choses communes pour les besoins de la flotte; il s'attacha aux trois Gorgones qui portoient une dent ou les dents, c'est-à-dire l'ivoire; une corne, c'est-à-dire les cornes d'animaux; un oeil, c'est-à-dire les yeux d'hyene ou de poisson, & les pierres précieuses. Le mot phénicien rosch signifie également tête, chef & venin . La tête de Méduse une fois coupée, ou plûtôt son commandant une fois détruit (autre équivoque qui autorise à dire que cette tête est un venin), il sort sur le champ de cette tête Chrysaor ouvrier en métaux, & le Pégase, c'est-à-dire le Pagasse, espece de bufle d'Afrique, dont les longues oreilles quand il court paroissent des aîles. Enfin on nous parle de pétrifications étranges, & elles se présentent d'elles-mêmes. Persée vainquit la flotte de Phorcys vers les Syrtes. On sait que cette région a toûjours été fameuse pour les pétrifications, jusqu'à faire croire aux auteurs arabes, qu'il se trouvoit dans les terres des villes entieres où les hommes & les animaux pétrifiés, conservoient encore la posture qu'ils avoient lors de leur pétrification subite. Voilà donc à quelques embellissemens poétiques près, le fond réel de la fable des Gorgones , qu'il falloit remettre en phénicien, dit M. Fourmont; en effet je ne suis pas éloigné de croire que c'est à lui qu'appartient la gloire d'avoir expliqué le plus probablement l'énigme. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORI GORI, ( Géog. ) petite ville d'Asie en Géorgie, dans une plaine entre deux montagnes, sur le bord du fleuve Kar, à environ vingt lieues de Téflis du côté du nord. Long. 62. 6. lat. 42. 8 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORICE, (Comté de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORICE GORICE, ( Comté de ) Géog. contrée d'Italie comprise sous le Frioul en général; elle est bornée au nord par la haute Carniole, à l'est par la basse Carniole, & les Alpes la séparent du Frioul. Ce comté est entré dans la maison d'Autriche en 1515; les principaux lieux sont Gradisca, Gémund, & Gorice capitale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gorice Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gorice Gorice , Goritia , ( Géog. ) les Allemands écrivent Gortz , ville & capitale du comté de même nom, entre le Frioul, la haute & la basse Carniole, au cercle d'Autriche sur le Lisonzo, à 6 lieues N. E. d'Aquilée, 7 d'Udine, 28 N. E. de Venise. Long. 31. 18. lat. 46. 12 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORLITZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GORLITZ GORLITZ, Gorlitium , ( Géog. ) ville d'Allemagne, capitale de la haute Lusace, & sujette à l'électeur de Saxe. Elle a été cent fois incendiée, comme il arrive à la plûpart des villes d'Allemagne. Voyez l'histoire que Zeyler en a donnée dans sa topographie de Saxe. Gorlitz est sur la Neiss à 20 lieues de Dresde, 6 de Budissen, 28 N. E. de Prague. Longit. 32. 50. lat. 51. 10 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORNARD Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GORNARD GORNARD, s. m. Voyez Rouget . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GORTYNE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GORTYNE GORTYNE, ( Géog. anc. ) ancienne ville de l'île de Crete, au milieu des terres, selon Ptolomée. M. de Tournefort après avoir été visiter ses ruines, en a joint l'histoire à la description: Lisez-la dans ses voyages. L'origine de Gortyne est aussi obscure que celle de la plûpart des autres villes du monde: on sait seulement que Gortyne avoit partagé l'empire de l'île de Crete, avant que les Romains s'en fussent emparés. Les ruines de cette ville qui sont à six milles du mont Ida, prouvent encore qu'elle a dû être sa magnificence, puisqu'on ne découvre de tous côtés que chapiteaux & architraves, qui sont peut-être des débris de ce fameux temple de Diane, où Annibal après la défaite d'Antiochus, fit semblant de cacher ses thrésors: on y voyoit encore dans le siecle passé plusieurs colonnes de jaspe rouge, semblable au jaspe de Cone en Languedoc, & plusieurs autres semblables au campan employé à Versailles: mais comment regarder ces objets précieux sans quelque peine? On laboure, on seme, on fait paître des troupeaux au milieu des restes d'une prodigieuse quantité de marbre, de jaspe & de granite, travaillés avec le plus grand soin: au lieu de ces grands hommes qui avoient fait élever de si beaux édifices, on ne voit que de pauvres bergers. En parcourant tant de pays, autrefois le séjour des Arts, aujourd'hui celui de la barbarie, on se rappelle à chaque pas l' Et campos ubi Troja fuit . A l'extrémité de la ville, entre le septentrion & le couchant, tout près d'un ruisseau, qui sans doute est le fleuve Lethé, lequel au rapport de Strabon & de Solin, se répandoit dans les rues de Gortyne , se trouvent encore d'assez beaux restes d'un temple du Paganisme. Théophraste, Varron & Pline parlent d'une platane qui se voyoit à Gortyne , & qui ne perdoit ses feuilles qu'à-mesure que les nouvelles poussoient. Peut-être en trouveroit-on encore quelqu'un de cette espece parmi ceux qui naissent en grand nombre le long du ruisseau Lethé, qu'Europe remonta jusqu'à Gortyne sur le dos d'un taureau. Ce platane toûjours verd, parut autrefois si singulier aux Grecs, qu'ils publierent que les premieres amours de Jupiter & d'Europe s'étoient passées sous ses feuillages. Cette avanture, quoique fabuleuse, donna vraissemblablement occasion aux habitans de Gortyne de frapper une médaille, qui est dans le cabinet du roi. On y voit d'un côté Europe assez triste, assise sur un arbre moitié platane, moitié palmier, au pié duquel est une aigle à qui elle tourne le dos. La même princesse est représentée de l'autre côté assise sur un taureau, entouré d'une bordure de feuilles de laurier. Antoine Augustin archevêque de Taragone ( dial. 1. ), parle d'un semblable type. Pline dit que l'on tâcha de multiplier dans l'île l'espece de ce platane; mais qu'elle dégénéra, c'est-à-dire que les nouveaux piés perdirent leurs feuilles en hyver, de même que les communs. Nous avons encore des médailles de Gortyne frappées aux têtes de Germanicus, de Caligula, de Trajan, d'Aérien, dont peut-être la plus belle est dans le cabinet du roi. Elle marque qu'on s'assembloit à Gortyne pour y célebrer les jeux en l'honneur d'Adrien. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOSE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GOSE GOSE, s. m. ( Commerce. ) nom que l'on donne en Moscovie aux principaux commerçans qui trasiquent pour le souverain; ce sont proprement les facteurs du prince. Les goses , outre leurs fonctions dans le commerce, en ont aussi dans les cérémonies publiques; & lorsque le souverain donne audience aux ambassadeurs étrangers, les goses sont tenus de s'y trouver rêvetus de vestes magnifiques, & avec des bonnets de martre qui sont des marques de leur profession, & en quelque sorte de leur dignité parmi une nation où le commerce est honorable. Diction. de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOSIER Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.m. GOSIER GOSIER, s. m. ( Anatomie. ) la partie supérieure du canal qui conduit les alimens dans l'estomac, appellé l' oesophage. Voyez OEsophage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gosier, Grand-Gosier Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gosier, Grand-Gosier Gosier, Grand-Gosier . Voyez Pélican . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gosier Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Gosier Gosier , ( Manége Maréchal. ) le gosier n'est proprement dans le cheval ainsi que dans l'homme, que le sac musculeux & membraneux qui est collé à toute la surface interne de l'arriere bouche, & que nous connoissons dans l'un comme dans l'autre, sous la dénomination de pharynx . On a néanmoins très-mal-à-propos étendu cette expression, relativement à l'animal, de maniere qu'elle designe non-seulement ce sac, mais encore la tête cartilagineuse que présente l'extrémité supérieure du conduit par lequel l'air inspiré par les naseaux, peut sans cesse s'insinuer dans les vaisseaux aériens du poumon, & en sortir ensuite avec la même liberté, lors de l'expiration. C'est cette tête, cette extrémité supérieure appellée le larynx , que les maquignons ou autres grands connoisseurs pressent, & compriment avec force pour exciter le cheval à tousser. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gosier Author=unknown Normalized Classification=Lutherie Part of Speech=NA Gosier Gosier , ( Lutherie. ) ce sont dans les soufflets d'orgue la partie O R, fig. 23 , par où le vent passe du soufflet dans le porte-vent; cette portion de tuyau a en-dedans une soupape X fig. 25 , Planch . d'orgue , qui laisse passer le vent du soufflet dans le porte-vent, & ne le laisse point rentrer. Voyez l'article Soufflets d'Orgue . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOSLAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOSLAR GOSLAR, Goslaria , ( Géogr. ) ville de la basse-Saxe où elle est enclavée dans l'état du duc de Brunswick; elle est pourtant libre & impériale. Sa situation se trouve entre les montagnes du Hartz qui ont de fameuses mines d'argent, qu'on a découvertes par hasard en 972. Suivant Dresser, Goslar fut bâtie par Henri I. & fortifiée pour la premiere fois en 1201; elle est sur le ruisseau de Gose, à 19 lieues sud-est d'Hildesheim, 12 sud-oüest d'Alberstadt, 10 sud-oüest de Brunswick. Long. 28. 12. lat. 51. 55 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOSSAMPIN Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=s.m. GOSSAMPIN GOSSAMPIN, s. m. ( Botan. exotiq. ) arbre des Indes, d'Afrique & d'Amérique, dont le fruit mûr produit une espece de laine ou de coton; c'est le gossampinus de Pline, arbor lanigera de Pison, ceyba aculeata viticis folio de Plumier, & le fromager de nos iles françoises. Il tire son nom des deux mots latins, gossipium , coton, & pinus , pin, parce qu'il a quelque ressemblance avec le pin, & qu'il porte une espece de coton. Il s'eleve fort haut, & si l'on ne prend soin de le tailler, ses branches s'écartent au loin; l'écorce est verte dans la jeunesse de l'arbre, & a cinq ou six lignes d'épaisseur: ensuite elle brunit & s'épaissit encore. Les feuilles sont longues & paroissent étroites, parce qu'elles sont divisées en trois parties comme celle du treffle; elles sont tendres, minces, d'un verd brillant dans leur naissance, mais qui perd bien-tôt son éclat: elles tombent pour faire place à d'autres feuilles qui leur succedent, de sorte que dans l'espace de peu de tems cet arbre change de livrée. L'écorce est hérissée d'épines droites, fortes, de forme pyramidale, & d'un pouce & demi de longueur. Elles n'ont pas leur racine au-delà de l'écorce; elles y tiennent même si peu, qu'il suffit de les toucher legerement avec un bâton pour les abattre; & dans le lieu d'où elles tombent, il ne reste qu'un vestige blanc à l'endroit qu'elles occupoient. Quelques jours après que l'arbre a changé de feuilles, ce qui arrive dans nos îles au commencement de la saison seche, les fleurs paroissent en grosses touffes; elles sont petites, blanches, si délicates, qu'elles ne subsistent que huit ou dix jours. On voit succéder à leur place une coque verte de la forme & de la grosseur d'un oeuf de poule, mais un peu plus pointue par les deux bouts; elle contient un duvet ou une sorte de coton, qui n'est pas plûtôt mûr que la coque creve avec quelque bruit, & le coton seroit emporté aussi-tôt par le vent, s'il n'étoit recueilli avec beaucoup de soin. Ce coton est de couleur gris de perle extrèmement fin, doux, lustré, & plus court que le coton commun; on ne laisse pas cependant de le filer, & on en fait des bas; outre le coton, la coque renferme plusieurs graines brunes & plates comme nos féves d'haricots: on ne s'amuse pas à les semer, parce que l'arbre vient parfaitement bien de bouture & plus vîte. On se sert de ce coton pour faire des oreillers, des traversins, & même des lits de plume. Le bois du gossampin est blanc, tendre, filasseux, pliant, souple, & fort difficile à couper quand il est vieux. On plante cet arbre ordinairement devant les maisons pour joüir de la fraîcheur de son ombre, & on le choisit plûtôt qu'un autre, parce qu'en peu d'années il devient fort gros, & fort garni de feuilles & de branches auxquelles on fait prendre telle forme & telle situation qu'on veut. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOSSE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GOSSE GOSSE, s. f. ( Marine. ) Voyez Cosse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOSTYNEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOSTYNEN GOSTYNEN, Gostynia , ( Géogr. ) ville de Pologne au palatinat de Rava, à deux lieues de Plosko. Jean Démétrius Suiski, czar de Moscovie, y mourut prisonnier avec ses deux freres. Long. 37. 45. latit. 52. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTHS, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne | Littérature Part of Speech=s.m. GOTHS GOTHS, ( les ) s. m. Hist. anc. & littér . ancien peuple qui étant venu du nord, s'avança dans la suite des tems vers le midi, où il conquit beaucoup d'états, & fonda plusieurs royaumes. Si l'on s'arrête aux lumieres des Goths éclairés qui ont écrit l'histoire de leur nation, on ne doutera point que leur premiere origine n'ait été la petite île de Gothland, que ce peuple possédoit avec une partie du continent dans la Scandinavie. Ce sont donc les mêmes que les Guttons, Goutones, Gattones , originaires du nord, que Pythéas de Marseille qui vivoit 285 ans avant J. C. distingue des Teutons. Jornandès néanmoins confond les Getes & les Goths , en se servant indifféremment de ces deux noms pour designer le même peuple, & il a été jetté dans cette illusion par presque tout ce qu'il y a eu d'auteurs avant lui qui ont parlé de la nation des Goths . Tels sont Jules-Capitolin, Spartien, Claudien, Procope, Prudence, Orose, saint Jerôme & autres; mais toutes ces autorités doivent céder au témoignage de la saine antiquité qui dit formellement le contraire; on en trouvera la preuve dans Cluvier & Pontanus: ils se sont réunis à démontrer expressément l'erreur de l'opinion de Jornandès. Les poëtes comme Claudien & Prudence ayant trouvé le nom de Getes déjà annobli par Ovide, n'ont pas sait réflexion que ce peuple avoit disparu en se confondant avec les Daces, avant qu'il fût question des Goths dans la Scythie. Remarquons cependant que les Goths de la Scandinavie ne formoient pas tous les Goths; leur petit nombre ne s'accorde point avec la vaste étendue du pays qui porta leur nom: mais plusieurs peuples s'unirent ensemble sous les mêmes chefs, & formerent des sociétés auxquelles on donnoit un nom commun; ensuite par les changemens que produisirent ces diverses associations, il arriva que telle nation qui avoit donné son nom à tous ses alliés, se trouva à son tour confondue sous le nom d'un autre confédéré devenu plus puissant qu'elle avec le tems; Ainsi Pline met les Guttons entre les peuples Vandales, & Procope met les Vandales au nombre des Goths . Les Goths ont été souvent nommés Scythes par les historiens, parce qu'ils habitoient la petite Scythie au bord du Pont-Euxin, & au-delà du Danube; ils ont encore été nommés Sarmates à cause de leur origine, ou plûtôt à cause de leur liaison avec les Sarmates méridionaux. Quoi qu'il en soit, ils avoient déjà passé le Danube sur la fin du second siecle, & s'étoient avancés jusque dans la Thrace. Sous Décius ils la ravagerent, & fondirent même en Macédoine; vers l'an 256 sous Valerien, ils se réunirent à d'autres barbares, & pénétrerent dans l'Illyrie. En général ils profiterent du regne foible des empereurs pour faire des irruptions de toutes parts, & se jetter sur différentes provinces; néanmoins l'an 263 les troupes romaines les chasserent de l'Asie, & les firent repasser dans leur pays. L'an 270 les Goths qui s'étoient retirés sur le mont Hémus, y furent attaqués par la peste, par la famine, & par Claudius qui les força de demander quartier. Quelques auteurs prétendent qu'ils reçurent la lumiere de l'évangile vers l'an 325, sous Constantin; mais lorsqu'il est question du christianisme des goths de ce tems-là, il faut bien distinguer ceux qui faisoient un corps de nation, d'avec les goths qui étoient dans l'empire. Quelques-uns de ces derniers purent devenir chrétiens, les autres en étoient bien éloignés. On ignore l'époque de leur division en Ostrogoths & en Wisigoths. Il paroît seulement que cette division étoit déjà établie du tems de Claudius II. Peut-être que le Danube fut l'occasion de nommer Ostrogoths ou Goths orientaux , ceux qui demeurerent à la gauche de ce fleuve, & Wisigoths ou Goths occidentaux ceux qui s'établirent en-deçà & sur la droite. Toûjours est-il certain que les Goths devinrent deux nations distinctes qui prirent des routes, & eurent des destinées très-différentes; & ce fut sous l'empire de Valens vers l'an 370, que la distinction des deux nations de Goths se fit le plus connoître. Ils obéissoient alors à deux rois; Fritigerne gouvernoit les Wisigoths, & Othanaric les Ostrogoths. Ces derniers s'attacherent à l'empire d'orient, & goûterent l'Arianisme qu'ils porterent en Italie, dans les Gaules & en Espagne. Tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, ils obtinrent enfin la Thrace, & furent assez tranquilles tant que vêcut Théodose; mais après sa mort ils attaquerent l'empire romain sous Radagaise, & ensuite sous Alaric qui prit Rome, la pilla, & finit ses jours à Cozence. Ataulphe son successeur devint amoureux de la soeur d'Honorius, l'épousa, céda l'empire à son beaufrere, & se retira dans les Gaules avec une partie de ses Wisigoths; l'autre partie préféra de rester en Italie où elle devint si puissante, qu'Odoacre trouva le secret d'usurper le throne, & de s'emparer de l'autorité souveraine. Théodoric partit de Thrace avec ses Ostrogoths, défit Odoacre, & commença le royaume des Ostrogoths en Italie; je dis le royaume , parce que ce prince se contenta du titre de roi, & fit sa résidence à Ravenne. Ses successeurs se brouillerent avec l'empereur Justinien qui détruisit leur monarchie par les victoires de Bélisaire & de Narsès; depuis cette époque qui est de l'an 552, il n'est plus question des Ostrogoths dans l'histoire. Seize ans après Alboin vint en Italie, & fonda le royaume des Lombards. Les Wisigoths alliés d'abord avec les Francs, rompirent dans la suite avec eux, quitterent le séjour de la Provence qu'on nommoit alors Gaule narbonnoise seconde , & se rendirent en Espagne vers l'an 407, où ils formerent une nouvelle monarchie qui dura jusqu'à l'invasion des Maures, c'est-à-dire jusqu'au huitieme siecle. Nous avons parcouru très-rapidement l'histoire d'un peuple qui a joüé long-tems un grand rôle en Europe; mais outre que les détails historiques seroient ici déplacés, ceux qui seront curieux d'approfondir l'origine de ce peuple, ses progrès, ses divisions, ses révolutions & sa chûte, peuvent consulter les écrivains qui y ont employé leurs veilles: tels sont, par exemple, Jornandès, de origine Gothorum; Priscus dans son histoire gothique; Joannis magni, historia de omnibus Sueonum, Gothorumq. regibus; il y a une belle édition de cet ouvrage à Rome en 1554 in folio . Isidore de Séville, de Gothis. Vandalis & Suevis, in-folio . Torfaei, universi septentrionis antiquitates , Hafniae 1705 in-4°. Grotius dans ses prolégomenes ad historiam Gothorum & Vandalorum in-folio . cluvier. Germ. antiq . &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTHA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOTHA GOTHA, Gotha , ( Géogr. ) ville fortifiée d'Allemagne dans la Thuringe, capitale du duché de même nom, sujette à un prince de la maison de Saxe. Zeyler dit qu'elle doit ses commencemens à Guillaume archevêque de Mayence, qui la fit bâtir vers l'an 964, sur la riviere de Leine, à trois lieues d'Erfurt, à six nord-oüest de Mulhausen. Long. 23. 35. latit. 51. 4 . Gotha est la partie de deux savans medecins & littérateurs du siecle passé, Gaspard Hofman & Thomas Reynesius. Le premier né en 1572; & mort en 1649, a fait entr'autres livres un excellent traité latin des médicamens officinaux . Le second mourut à Leipsick en 1667 à l'âge de 80 ans, & s'est distingué dans la carriere de l'érudition par son ouvrage de variis lectionibus . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTHENBOURG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOTHENBOURG GOTHENBOURG, Gothoburgum , ( Géog. ) forte ville de Suede dans la Westrogothie, avec un bon port à l'embouchure méridionale de la Gothelba, à une lieue suedoise d'Elfsborg, deux sued. de Bahus, 30 nord-oüest de Copenhague, 60 sud-oüest de Stockholm. Cette ville n'est pas ancienne; elle fut fondée en 1607 sous le regne de Charles IX, & depuis ce tems les rois de Suede lui ont accordé de grands privileges; c'est ici que la mort arrêta les vastes projets que formoit Charles Gustave X. contre le Danemark. Il y mourut le 23 Février 1660 à l'âge de 37 ans. Long. 29. 25. latit. septent. 57. 40. 54 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTHIE, (la) ou GOTHLANDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOTHIE GOTHIE, ( la ) ou GOTHLANDE, Golhia, Géogr . une des grandes parties du royaume de Suede; c'est le pays le plus méridional, le plus fertile & le moins froid de toute la Suede. On le divise en trois grandes parties, qu'on appelle Westro-Gothie, Ostro-Gothie & Sund-Gothie . La Westro-Gothie , ou la Gothie orientale est au levant, & comprend l'Ostro-Gothie-propre, & la Smalande avec les îles d'Ocland & de Gothland. La Sund-Gothie , ou la Gothie-méridionale, qu'on nomme quelquefois la Scanie , est au midi. La Gothie appartient à la Suede depuis 1654; ses villes principales sont Clamar, Landscroon, Gothenbourg, Lauden, Malmone, Wexio, &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTHIQUE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=adject GOTHIQUE GOTHIQUE, adj. ( Hist. mod. ) qui appartient aux Goths. Voyez Goths . Caractere ou écriture gothique , est un écriture ou un caractere qui dans le fond est le même que le romain, mais qui a beaucoup d'angles & de tortuosités, sur-tout au commencement & à la fin des jambages de chaque lettre. Voyez Caractere & Lettre . Les manuscrits en caracteres gothiques ne sont pas anciens. Ulpilas évêque des Goths, fut le premier inventeur des caracteres gothiques , & le premier qui traduisit la bible en langue gothique . Les lettres runiques sont souvent appellées caracteres gothiques. Voyez Mabillon, de re dipiom. liv. I. chap. ij . Mais ceux-là se trompent qui croyent que le caractere gothique est le même que le runique; ils n'ont qu'à consulter Olaüs Vormius, & la préface de Junius sur un livre des évangiles, écrit en lettres gothiques , & l'ouvrage de M. Hicks sur la langue runique. Voyez Runique . Architecture gothique , est celle qui s'éloigne des proportions & du caractere de l'antique. Voyez Architecture & Ordre . L'Architecture gothique est souvent très-solide, très-pesante & très-massive; & quelquefois au contraire extrèmement déliée, delicate & riche. Son principal caractere est d'être chargée d'ornemens qui n'ont ni goût ni justesse. On distingue deux sortes d'Architecture gothique , l'une ancienne & l'autre moderne. L'ancienne est celle que les Goths ont apportée du nord dans le v. siecle. Les édifices construits suivant cette maniere, sont massifs, pesans & grossiers: ceux de la gothique moderne sont plus délicats, plus déliés, plus legers & surchargés d'ornemens inutiles. Témoin l'abbaye de Westminster, la cathédrale de Litchfreld, &c. Elle a été long-tems en usage, sur-tout en Italie, savoir depuis le treizieme siecle, jusqu'au rétablissement de l'Architecture antique dans le seizieme. Toutes les anciennes cathédrales sont d'une Architecture gothique. Voyez Architecture . Les inventeurs de l'Architecture gothique crurent sans doute avoir surpassé les Architectes grecs. Un édifice grec n'a aucun ornement qui ne serve à augmenter la beauté de l'ouvrage. Les pieces nécessaires pour le soûtenir, ou pour le mettre à couvert, comme les colonnes & la corniche, tirent leur beauté de leurs proportions: tout est simple, tout est mesuré, tout est borné à l'usage. On n'y voit ni hardiesse ni caprice qui impose aux yeux. Les proportions sont si justes, que rien ne paroît fort grand, quoique tout le soit. Au contraire l'Architecture gothique éleve sur des piliers très-minces une voûte immense, qui monte jusqu'aux nues. On croit que tout va tomber, mais tout dure pendant bien des siecles. Tout est plein de fenêtres, de roses & de pointes; la pierre semble découpée comme du carton, tout est à jour, tout est en l'air. Lettre de M. de Fénelon sur l'éloquence . Colonne gothique est un pilier rond dans un bâtiment gothique , qui est trop court ou trop menu pour sa hauteur. Voyez Colonne & Ordre . On en trouve qui ont jusqu'à 20 diametres, sans diminution ni renflement. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Médailles gothiques Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Médailles gothiques Médailles gothiques , Voyez Médailles . Dictionn. de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gothique, (maniere) Author=Jaucourt Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Gothique Gothique , ( maniere ) en Peint. c'est comme on le dit dans le dictionnaire des beaux arts, une maniere qui ne reconnoît aucune regle, qui n'est dirigée par aucune étude de l'antique, & dans laquelle on n'apperçoit qu'un caprice qui n'a rien de noble; cette maniere barbare a infecté les beaux Arts, depuis 611 jusqu'en 1450, tems à jamais mémorable, où on commença à rechercher le beau dans la nature & dans les ouvrages des anciens. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTHLAND, (l'ile de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOTHLAND GOTHLAND, ( l'ile de ) Géogr. île de la mer Baltique sur la côte orientale de Suede. Elle s'étend en latitude du 57 d . jusqu'au 68 , depuis son milieu qui est coupé par le 37 d . de longitude . Elle se termine en deux pointes, dont la septentrionale est par le 37 d . 25'. de long . & la méridionale par les 36 d . 40' . Cette île qui maintenant appartient à la Suede, a eu autrefois ses rois particuliers. Wagenseil lui donne quinze milles d'Allemagne dans sa longueur, & cinq dans sa plus grande largeur. Wisbyen en est la seule ville. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOTO GOTO, ( Géogr. ) on écrit aussi Gotho & Gotto , royaume du Japon composé de cinq petites îles, situées presqu'à l'entrée de la baye d'Omura à l'oüest, au midi de Firando, par les 32 d . 33'. de lat. sept . La capitale de ce royaume se nomme Ocura . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOTTINGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOTTINGEN GOTTINGEN, Gottinga , ( Géogr. ) ville d'Allemagne au duché de Brunswick, partage de l'électeur de Hanover à qui elle appartient aujourd'hui. Elle est sur la Leine, à 10 lieues nord-est de Cassel, 12 sud-oüest de Goslar. Long. 27. 40. latit. 51. 34 . Elle est la patrie de Cassel (Jean), savant littérateur, mort à Helmstad le 19 Avril 1613 âgé de 80 ans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUACHE Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=s.f. GOUACHE GOUACHE, s. f. ( Peinture. ) peindre à goüache; la maniere de peindre qu'on distingue par ce nom est une des plus anciennes de celles que nous connoissons, si ce n'est pas celle qu'on doit regarder comme ayant précédé toutes les autres. L'eau est sans doute le moyen le plus facile de donner à des matieres colorées, mises en poudre, la fluidité nécessaire pour pouvoir les étendre sur des surfaces, & les y incorporer. Les premieres couleurs ont été vraissemblablement des terres & des pierres broyées, qu'on a rendu liquides par le moyen de l'eau; mais comme l'usage a fait voir que lorsque l'humidité de ces couleurs étoit totalement dissipée, elles n'étoient plus retenues, & qu'elles quittoient trop aisément les corps sur lesquels on les avoit employées, on a cherché à leur donner plus de consistance par des mélanges de matieres visqueuses; alors les gommes que certains arbres fournissent abondamment, & qui par leur transparence ne peuvent altérer les nuances des couleurs, se sont offertes naturellement pour cet usage. La goüache n'est autre chose que cet apprêt simple des couleurs broyées, délayées dans de l'eau, que l'on charge plus ou moins d'une dissolution de gomme. On employe les couleurs ainsi préparées sur toutes sortes de corps principalement sur la toile, le vélin, le papier, l'yvoire, &c. On se sert communément de la gomme arabique, que l'on fait fondre dans l'eau commune, comme on fait pour peindre en miniature; & après avoir proportionné le mélange de la gomme avec les différentes couleurs, on couche ces couleurs en les empâtant, & en leur donnant du corps, ce qui n'a lieu, ni dans le lavis , comme je le dirai, ni dans la miniature . Il est des couleurs qui demandent à être plus gommées les unes que les autres; l'expérience donnera des regles à cet égard; & les inconvéniens qu'il faut éviter serviront à les établir. Ces inconvéniens sont que les couleurs qui ne sont point assez gommées, se dissipent lorsqu'elles sont seches, & qu'elles s'évaporent. Elles s'écaillent, se fendent, & se détachent par morceaux lorsqu'elles sont trop gommées: des essais faciles à faire instruiront mieux que tout ce qu'on pourroit dire à ce sujet. La goüache est très-propre à peindre le paysage d'après nature; elle sert aussi à faire des esquisses colorées pour de grandes compositions, &c. Cette maniere est prompte & expéditive, elle a de l'éclat; mais on doit sur-tout éviter, en la mettant en usage, une sécheresse qui dans cette espece de travail, doit provenir de la promptitude avec laquelle les couleurs se sechent. L'artiste qui n'a pas toûjours le tems nécessaire pour dégrader ses teintes, pour fondre ses nuances, & pour accorder son ouvrage, laisse échapper des touches dures, & des passages de tons trop marqués. La miniature dans l'usage de laquelle on cherche à éviter cet inconvénient, en pointillant, comme je le dirai, tombe assez souvent dans un défaut contraire; & il est aussi commun de voir des goüaches trop dures, que des miniatures dont la maniere est trop molle. Voyez Lavis , Miniature , &c. Est modus in rebus, sunt certi denique fines, Quos ultra citraque nequit consistere rectum . Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUALIAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOUALIAR GOUALIAR, ( Géogr. ) ville du Mogolistan; les voyageurs en écrivent le nom de cinq ou six manieres différentes, comme Goualear, Gualiar, Guadeor, Goualor, Goualeor & Gualcor. V . Gualeor . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUBLE AUX AINS Author=unknown Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA GOUBLE AUX AINS; GOUBLE AUX AINS; terme de péche , usité dans le ressort de l'amirauté de Poitou ou des Sables d'Olonne; sorte de planche entaillée sur laquelle les pêcheurs de ce ressort arrangent leurs ains ou hameçons. Les cordes des lignes aux hameçons des pêcheurs sont de trois especes; la premiere a les ains, claveaux ou hameçons de la même grosseur que ceux qui servent aux pêcheurs de Dieppe, pour la pêche des raies, aux grosses cordes, à la côte d'Angleterre; ils servent ici à prendre des posteaux, grosses raies, des tives, & des chiens ou touiles à Bayonne, au cap Breton, & au vieux Boucane. On fait cette pêche durant les mois d'Avril & Mai, & même durant l'été, si la péche des sardines n'est pas favorable; on met ces ains dans l'ouverture d'un morceau de bois fendu, sur la longueur duquel on les disperse; on nomme ces morceaux de bois gouble: chaque gouble a quarante ains; & un bateau a ordinairement vingt-sept à vingt-huit goubles . Les ains sont parés & frappés sur la ligne ou corde, de brasse-enbrasse. Les femmes qui préparent ces goubles amorcent les ains avec de la chair de sardine fraîche pendant la saison, & dans l'hyver avec les sardines salées. La deuxieme espece est semblable aux ains dont on se sert pour la pêche des merlans dans le canal de la Manche; & la troisieme qui a des ains plus petits, les a comme on les employe dans la pêche des soles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUDA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOUDA GOUDA, Gondae ou Tergow , ( Géogr. ) ville considérable de la Hollande meridionale, remarquable par son église cathédrale & par ses écluses. Elle est sur l'Issel, au confluent de la petite riviere de Gow, à trois lieues de Rotterdam, cinq de Leyde. Long. 22. 12. latit. 52. 2 . Cette ville est la patrie de quelques gens de lettres, entre lesquels je peux nommer Schonaeus (Corneille), & Hartsoëker (Nicolas.) Le premier s'est distingué dans son pays par des comédies saintes, où il a têché d'imiter le style de Terence. Il est mort en 1611 à 71 ans. Le second est connu de tous les Physiciens par ses ouvrages en ce genre; son eloge est dans l' hist. de l'acad. des Se . Il est mort à Utrecht le 10 Déc. 1725, âge de 69 ans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUDRON Author=Venel Normalized Classification=Histoire naturelle | Chimie | Matière médicale Part of Speech=s.m. GOUDRON GOUDRON, s. m. ( Hist. nat. Chimie, & Mat. méd. ) substance résineuse noire, d'une consistance molle & tenace, d'une odeur forte, balsamique, & empyreumatique, qui porte dans les traites de drogues, outre le nom de goudron , ceux de brai liquide , de tare , de goudran , de poix noire liquide , de poix liquide , & quelquefois de poix navale, pix navalis, pissa. Voyez Poix . On la retire par une espece de liquation ou de distillation, per descersum , exécutée dans un appareil en grand, des arbres résineux de notre pays; du pin, du sapin, du meleze, &c. Ces procédés sont décrits à l' article Pin . Voyez cet article . Pomet avance sans fondement que le goudron découle par incision avec sa couleur noire, des troncs des vieux pins dépouilles d'écorce. Voyez Pin . Le goudron a été mis par les anciens pharmacologistes au rang des médicamens, aussi-bien que tous les produits résineux, soit naturels, soit artificiels, des arbres coniferes. Celui-ci peut, comme toutes les autres matieres balsamiques & résineuses, fournir un ingrédient utile aux emplâtres agglutinatifs, & si l'on veut même aux emplâtres & aux onguens résolutifs; mais on préfere ordinairement les substances analogues qui n'ont éprouvé aucune altération par le feu; cette qualité de substance altérée par le feu, & plus encore un vice plus réel, sa grande ténacité ou viscosité ont banni le goudron de l'ordre des médicamens destinés à l'usage intérieur; ensorte que ce n'étoit plus un remede parmi nous, lorsque nous apprîmes des peuples du nouveau monde à en retirer une infusion à froid, qui fut fort employée il y a quelques années, sous le nom d' eau de goudron , & que nous avons absolument abandonnée aujourd'hui, peut être sans raison, & par pure inconstance: car quoiqu'il soit très-vraissemblable que l'eau de goudron a dû principalement sa vogue au nom du célebre George Berkeley, évêque de Cloyne, qui nous a fait connoître ce remede, & plus encore au singulier ouvrage dans lequel il a publié ses vertus: quoiqu'il ne faille pas croire que l'eau de goudron est un remede souverain contre toutes les affections cachectiques, rhumatiques, arthritiques, scorbutiques, catarrhales, vénériennes, aedémateuses, érésypélateuses, mélancholiques, hystériques, &c. qu'elle produise des effets merveilleux dans l'hydropisie, les coliques, les douleurs néphrétiques, les fleurs blanches, les pleurésies, les péripneumonies, les asthmes, les obstructions des visceres, les hydropisies, les dyssenteries, les ulceres des reins, des poumons, des intestins, de la matrice, les maladies de la peau, la foiblesse de l'estomac, les fievres intermittentes, continues, malignes, les incommodités auxquelles sont particulierement sujets les gens de mer, les femmes, les gens de Lettres, & tous ceux qui menent une vie sédentaire; qu'elle soit un préservatif assûré contre le venin de la petite vérole & des autres maladies éruptives, contre les maladies des dents & des gencives, &c. & extérieurement en lotion, en bain, en injection, dans les ulceres putrides, rébelles, la galle, les dartres, la paralysie, les rhumatismes, &c. Quoiqu'on ne doive pas craindre, avec le traducteur de l'ouvrage de Berkeley, de ne pas avoir qualifié ce remede assez honorablement, lorsqu'on l'a appellé un spécifique merveilleux; il est certain cependant que l'eau de goudron n'est pas un secours à négliger dans le traitement de plusieurs maladies de l'estomac, dans les embarras des reins & des voies urinaires, les maladies de la peau, les suppressions des regles, les affections aedémateuses, & peut être même dans les maladies véritablement putrides ou gangréneuses, dans les amas bilieux, les maladies scorbutiques, &c. Pour faire l'eau de goudron , « versez quatre pintes d'eau froide sur une de goudron , puis remuez-les & les mêlez intimement avec une cuilliere de bois ou un bâton plat, durant l'espace de cinq à six minutes; après quoi laissez reposer le vaisseau bien exactement fermé pendant deux fois vingt-quatre heures, afin que le goudron ait le tems de se précipiter. Ensuite vous verserez tout ce qu'il y a de clair, l'ayant auparavant écumé avec soin sans remuer le vaisseau, & en remplirez pour votre usage des bouteilles que vous boucherez exactement, le goudron qui reste n'étant plus d'aucune vertu, quoiqu'il puisse encore servir aux usages ordinaires.... Moins d'eau, ou l'eau plus battue, rend la liqueur plus forte; & au contraire . Sa couleur ne doit pas être plus claire que celle du vin blanc de France, ni plus foncée que celle du vin d'Espagne ». Recherches sur les vertus de l'eau de goudron, traduites de l'anglois du sieur Berkeley . La dose de cette eau varie selon l'âge, les forces du malade, l'indication à remplir, &c. La regle la plus générale pour les adultes, c'est d'en prendre depuis une demi-livre jusqu'à une livre, & même jusqu'à deux livres tous les jours, le matin à jeun, & le soir ou l'après midi plusieurs heures après le repas, à chaud ou à froid, selon l'état de l'estomac, le goût du malade, &c. Berkeley dit que son eau de goudron est en même tems un savon & un vinaigre. Cartheuser nous apprend sa composition d'une maniere plus positive: selon cet auteur, l'eau de goudron est chargée d'une substance résineuse, gommeuse, resina gummea , qui se manifeste non-seulement par l'odeur, le goût, & la couleur qu'elle donne à l'eau, mais encore par la distillation (c'est cette substance que le docteur Berkeley appelle savon ); & de quelques parties acides qui sont sensibles au goût, & qui donnent à l'eau la propriété de rougir le sirop de violette, & de faire effervescence avec les alkalis; c'est là le vinaigre de Berkeley. Cartheuser admet encore dans cette eau des parties qu'il appelle oleo spirituosae balsamicae: cette expression ne désigne aucun être chimique bien déterminé; elle peut convenir cependant au principe de l'odeur qui est fort abondant dans l'eau de goudron . L'acide dont elle est chargée, est un produit de la décomposition qu'a éprouvé la résine qui s'est changée en goudron dans l'opération par laquelle on prépare cette derniere substance, comme il arrive dans l'analyse par le feu de toutes les substances balsamiques & résineuses. Voyez Résine . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUÉ ou GOUET Author=unknown Normalized Classification=Marchand de bois Part of Speech=s.m. GOUÉ ou GOUET GOUÉ ou GOUET, s. m. parmi les Marchands de bois , est une grosse serpe dont les Flotteurs se servent pour faire les coches de leurs chantiers & autres. Les Bucherons ont la même serpe pour couper leur bois, & les Vignerons pour aiguiser leurs échalats. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUEL (le) Géog. Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOUEL GOUEL ( le ) Géog. petite riviere des Indes, dans les états du Mogol, au pays de Raia Rotas. Elle a sa source aux confins du royaume de Bengale dans les montagnes; & après un long cours, elle va se perdre dans le Gange. Le gouel produit des diamans, mais rarement de gros; cependant Tavernier vous indiquera comment chaque année, sept ou huit mille personnes de tout sexe & de tout âge se rendent des lieux voisins, pour en faire la recherche ensemble; je dirai seulement, que c'est de cette riviere que viennent toutes les belles pointes, qu'on appelle pointes naïves ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOVERNOLO ou GOVERNO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOVERNOLO ou GOVERNO GOVERNOLO ou GOVERNO, ( Géog. ) petite place d'Italie dans le Mantoüan, sur le Mincio, près du Po, à 5 lieues S. E. de Mantoue, 5 N. O. de la Mirandole. On croit que c'est l' Ambuleyus ager des anciens, & alors il étoit de la Vénétie. Ce lieu est connu dans l'Histoire par l'entre vûe du pape saint Léon avec Attila; entre-vûe qui nous a procuré un chef-d'oeuvre de Raphaël. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUESMON Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GOUESMON GOUESMON, s. m. ( Marine. ) Voyez Varech . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUFFRE Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.m. GOUFFRE GOUFFRE, s. m. ( Phys. ) les gouffres ne paroissent être autre chose que des tournoyemens d'eau causés par l'action de deux ou de plusieurs courans opposés; l'Euripe si fameux par la mort d'Aristote, absorbe & rejette alternativement les eaux sept fois en vingt-quatre heures; ce gouffre est près des côtes de la Grece. Voyez Euripe . Le Carybde qui est près du détroit de Sicile, rejette & absorbe les eaux trois fois en vingt-quatre heures: au reste on n'est pas trop sûr du nombre de ces alternatives de mouvement dans ces gouffres . Le plus grand gouffre que l'on connoisse, est celui de la mer de Norvege; on assûre qu'il a plus de vingt lieues de circuit: il absorbe pendant six heures tout ce qui est dans son voisinage, l'eau, les baleines, les vaisseaux, & rend ensuite pendant autant de tems tout ce qu'il a absorbé. Il n'est pas nécessaire de supposer dans le fond de la mer des trous & des abysmes qui engloutissent continuellement les eaux, pour rendre raison de ces gouffres; on sait que quand l'eau a deux directions contraires, la composition de ces mouvemens produit un tournoyement circulaire, & semble former un vuide dans le centre de ce mouvement, comme on peut l'observer dans plusieurs endroits auprès des piles qui soûtiennent les arches des ponts, sur-tout dans les rivieres rapides: il en est de même des gouffres de la mer, ils sont produits par le mouvement de deux ou de plusieurs courans contraires; & comme le flux & le reflux sont la principale cause des courans, ensorte que pendant le flux ils sont dirigés d'un côté, & que pendant le reflux ils vont en sens contraire, il n'est pas étonnant que les gouffres qui résultent de ces courans, attirent & engloutissent pendant quelques heures tout ce qui les environne, & qu'ils rejettent ensuite pendant tout autant de tems tout ce qu'ils ont absorbé. Voyez Courans . Les gouffres ne sont donc que des tournoyemens d'eau qui sont produits par des courans opposés, & les ouragans ne sont que des tourbillons ou tournoyemens d'air produits par des vents contraires; ces ouragans sont communs dans la mer de la Chine & du Japon, dans celle des îles Antilles, & plusieurs endroits de la mer, sur-tout auprès des terres avancées & des côtes élevées; mais ils sont encore plus fréquens sur la terre, & les effets en sont quelquefois prodigieux. « J'ai vû, dit Bellarmin (je ne le croirois pas si je ne l'eusse pas vû), une fosse énorme, creusée par le vent, & toute la terre de cette fosse emportée sur un village; ensorte que l'endroit d'où » « la terre avoit été enlevée, paroissoit un trou épouvantable, & que le village fut entierement enterré par cette terre transportée ». Bellarminus, de ascensu mentis in Deum. Cet article est tiré du premier volume de l'hist. naturelle, génér. & partic. p. 489 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUGE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. GOUGE GOUGE, s. f. ( Architecture. ) est un outil de fer long & taillant par le bout, qui est arrondi en forme de rigole, & emmanché de bois, qui sert au masson à pousser des moulures à la main. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge en bois Author=unknown Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Gouge Gouge en bois, outil d'Arquebusier; c'est un ciseau reployé en gouttiere & tranchant par en-bas, emmanché comme le ciseau à ébaucher, dont les Arquebusiers se servent pour creuser un trou dans un bois, &c. Ils en ont de plusieurs grosseurs. Voyez les fig. des Planches du Sculpteur & du Menuisier , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge en fer Author=unknown Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Gouge Gouge en fer, outil d'Arquebusier; c'est un ciseau de fer trempé, de la longueur de trois à quatre pouces, qui est un peu ployé en demi-cercle par en bas, fort tranchant, & rond par en-haut; les Arquebusiers s'en servent pour creuser les bassinets. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=unknown Normalized Classification=Charpenterie Part of Speech=NA Gouge Gouge , ( Charpenterie. ) est un ciseau à un ou deux biseaux concaves, qui sert à faire des cannelures & des rivures dans le bois. Voyez la Pl. de Menuis . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge quarrée Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=NA Gouge quarrée Gouge quarrée , outil de Charron; c'est une espece de ciseau qui est rond par en-haut, & qui par en-bas est à trois quarts, tranchant, & qui sert aux Charrons à évuider les mortaises qu'ils font. Voyez les figures, Planche du Charron . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge ronde Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=NA Gouge ronde Gouge ronde , outil de Charron; il est fait par en-haut comme la gouge quarrée, mais par en-bas il forme un ciseau convexe en languette ronde, tranchant par en-bas, & des deux côtés. Cet outil sert aux Charrons à évider & nettoyer la tête des trous & mortaises, & quelquefois à aggrandir les trous. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=unknown Normalized Classification=Ferblanterie Part of Speech=NA Gouge Gouge , outil de Ferblantier; c'est un petit poinçon de fer rond par en-haut, & gros d'environ un pouce, tranchant par en-bas, & formant un demi-cercle, qui sert aux Ferblantiers pour découper & festonner des pieces de fer-blanc. Voyez Planche de Ferblantier , fig. 31 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouges Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gouges Gouges , pl. voyez outils de Fontainier, au mot Fontainier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge à main Author=unknown Normalized Classification=Formier Part of Speech=NA Gouge à main Gouge à main , en terme de Formier , est une espece de plane recourbée, & dont les manches sont perpendiculaires au plan des courbures. Voyez la fig. 5 . Planche du Formier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Gouge Gouge , ( Manége, Maréchallerie. ) ciseau recourbé dans sa longueur & en forme de gouttiere, semi-cylindrique à son extrémité, de telle sorte que son tranchant présenté perpendiculairement sur un plan, y trace une demi-circonférence de cercle de quatre, cinq, ou six lignes de diametre. Cet instrument, qui doit être emmanché commodément, n'a qu'un biseau, lequel se trouve en-dehors; sa longueur est communément d'environ 7 à 8 pouces. Il est d'un usage indispensable dans la Chirurgie vétérinaire, & sert principalement à pratiquer des ouvertures à la sole, dans les cas où il est essentiel de s'instruire de l'état des parties que cette portion de l'ongle dérobe à nos yeux, & où il importe de donner issue à des matieres épanchées & suppurées, qui par leur séjour altéreroient & corromproient inévitablement l'aponévrose, les tendons, &c. Il est encore une autre espece de gouge qui ne differe point de celles dont nombre d'artisans s'aident dans leur métier; les Maréchaux s'en servent très indiscretement dans le leur. Ils l'employent lorsqu'il s'agit d'abattre & de détruire les inégalités des dents molaires, qui sont telles dans les vieux chevaux, qu'elles blessent la langue, & souvent la face intérieure des jouës; & que ces mêmes chevaux ne pouvant broyer parfaitement les alimens, n'en tirent que le suc, & font ce que nous exprimons en disant qu'ils font grenier ou magazin . Ces ouvriers imprudens appuient d'une main pour cet effet le tranchant de cet outil contre ces apretés, très-mala-propos nommées surdens par tous les écrivains, & frappent de l'autre sur son manche à coups de marteau, aux risques d'ebranler la tête & la machoire de l'animal, de susciter une sorte de commotion, & d'offenser les parties postérieures de la bouche, & même celles de l'arriere-bouche si la gouge glissoit & se dévoyoit, ou si la pointe de la dent cédoit trop aisément à l'action qui doit en assûrer la chûte. On a substitué à cette pratique grossiere, & dont on a reconnu les inconvéniens & les dangers, celle de faire mâcher au cheval une lime d'acier, que quelques-uns appellent rape , & d'autres carreau , de maniere que cette derniere gouge est aujourd'hui rejettée, & n'est plus regardée comme un instrument utile & nécessaire. Quelques-uns s'en servent néanmoins encore dans la fameuse opération du rossignol ou du sifflet. Voyez Pousse . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=unknown Normalized Classification=Plombier Part of Speech=NA Gouge Gouge , ( Plombier. ) est un outil de fer taillant par le bout, dont plusieurs ouvriers, & entre autres les Tourneurs, Tablettiers, & Plombiers se servent soit à la main, ou en la frappant avec le marteau. La gouge est une espece de ciseau creusé en forme de demi-canal, dont la portion de cercle est plus ou moins grande, selon qu'on veut caver ou arrondir plus ou moins l'endroit de l'ouvrage où on s'en sert. Ce ciseau est toûjours emmanché dans un morceau de bois: les Charpentiers se servent aussi d'une gouge , mais qui est bien différente de celle-ci; car elle est toute de fer, & a deux piés & demi de longueur. Voyez la fig. 9 . Planche III . du Plombier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=NA Gouge Gouge , ( Menuiserie. ) la gouge du menuisier differe peu de celle du charpentier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=unknown Normalized Classification=Tourneur Part of Speech=NA Gouge Gouge , ( Tourneur. ) outil dont les Tourneurs se servent; c'est une espece de gouttiere, le bout est arrondi & tranchant. Voyez-en la fig. Pl. I . du Tourneur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouge Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=NA Gouge Gouge , ( Art méchan. ) le Doreur & d'autres ouvriers ont aussi leurs gouges; mais elles ne different des précédentes ni pour l'usage ni pour la forme: si la gouge est petite, on l'appelle gougette . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUGETTE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GOUGETTE GOUGETTE, s. f. petite gouge, voyez ci-devant les articles Gouge . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUJON de riviere Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Ichtiologie Part of Speech=s.m. GOUJON de riviere GOUJON de riviere , gobio fluviatilis , s. m. ( Hist. nat. Icthyol. ) petit poisson appellé goisson dans le Lyonnois; il est couvert de petites écailles; il a deux petits barbillons près de la bouche, deux nageoires près des oüies, deux sous le ventre, une au-delà de l'anus, & une sur le dos, qui est tachetée de noir. Ce poisson a la chair molle & de mauvais goût, parce qu'il reste dans la fange, & qu'il vit de chair pourrie. Lorsque l'on a jetté dans l'eau une tête de cheval ou de boeuf, &c. les goujons viennent en grand nombre pour en manger ou plûtôt pour la sucer, car ils n'ont point de dents: après les avoir ainsi rassemblés, on les pêche aisément. Rond. hist. des poissons de riviere . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goujon Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Goujon Goujon , en Architecture; c'est une grosse cheville de fer sans tête, qui sert à retenir des colonnes entre leurs bases & le fust; le chapiteau avec le fust ou tige; des balustres entre leur socle & tablette, & à d'autres usages. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goujon d'une poulie Author=unknown Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=NA Goujon d'une poulie Goujon d'une poulie , ( Méch. ) Voyez Boulon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goujon de Pommes Author=unknown Normalized Classification=Doreur Part of Speech=NA Goujon de Pommes Goujon de Pommes , en terme de Doreur , sont des broches de fer sur lesquelles on travaille les pommes de carrosse. On les monte sur le carrosse. Ces broches sont prises dans le corps de la pomme, quand on la fond. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goujon Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=NA Goujon Goujon , ( Menuisier. ) Ce sont des chevilles que l'on colle, & que les Menuisiers mettent au lieu de clés, lorsqu'ils collent quelques pieces de bois ensemble, soit que ces pieces soient à languettes & raînures, ou qu'elles soient à plat-joint. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUJONNER Author=unknown Normalized Classification=Layetier Part of Speech=v.act. GOUJONNER GOUJONNER, v. act. chez les Layetiers; c'est assembler des planches avec les pointes de clous dont les Maréchaux se servent pour ferrer les chevaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUJURE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GOUJURE GOUJURE, s. f. ( Marine. ) C'est une entaille faite autour d'une poulie, afin d'encocher l'étrope. Ce mot se dit aussi pour celle qu'on fait autour d'un cap de mouton, ou qui servent à tenir les haubans. Goujure de chouquet; c'est l'entaille qu'on fait à chaque bout par où passe la grande étague. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOULAMS Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m.pl. GOULAMS GOULAMS, s. m. pl. ( Hist. mod. ) En Perse, ce sont des esclaves ou fils d'esclaves de toutes sortes de nations, & principalement de Géorgiens renégats, qui forment le second corps de l'armée du sophi. Il en a environ 14 mille à son service. On appelle leur général koullas-agassi . Ils ont plusieurs grands seigneurs dans leur corps. Thevenot, voyage du Levant . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOULETS Author=unknown Normalized Classification=Pêche Part of Speech=s.m.pl. GOULETS GOULETS, s. m. pl. ( Pêche. ) Suivant nos auteurs sur la pêche, les goulets sont des entrées qui vont en s'étrécissant dans le milieu d'un filet; ensorte que le poisson qui se présente est conduit par les goulets dans le corps du filet, dont ensuite il ne peut plus sortir, à cause qu'il ne sauroit plus trouver le lieu étroit par lequel il est entré. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOULETTE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.f. GOULETTE GOULETTE, s. f. en Architecture , petit canal taillé sur des tablettes de pierre ou de marbre posées en pente, qui est interrompu d'espace en espace par de petits bassins en coquille, d'où sortent des bouillons d'eau, ou par des chûtes dans les cascades, &c. On voit de ces goulettes taillées sur les tablettes de la terrasse du jardin du Luxembourg, en face du château. Il y a des goulettes en plomb. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goulette, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Goulette Goulette , ( la ) Géog. fort considérable d'Afrique sur la côte de Barbarie; ce fort est composé de deux châteaux. Le corsaire Barberousse le prit en 1535; Charles V. l'emporta d'assaut en 1536; mais Selim II. s'en empara en 1574. Il est à huit lieues N. de Tunis, sur la lagune de Tunis à l'endroit le plus étroit. Long. 28. 25. latit. 37. 10. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOULOTTE Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=sub.f GOULOTTE GOULOTTE, sub. f. terme d'Architecture; voyez Gargouille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOULU Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GOULU GOULU, adj. ( Gramm. ) qui mange avec trop d'avidité. C'est-là ce qui a fait appeller goulu le poisson galeus glaucus d'Artedi. Voyez l'article suivant . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goulu de mer Author=Jaucourt Normalized Classification=Ichtiologie Part of Speech=NA Goulu de mer Goulu de mer , galeus glaucus d'Artedi, ( Icthyolog. ) espece de squalus , & l'un des plus voraces de tous les animaux aquatiques. Il est d'un beau bleu sur le dos & d'un blanc-argentin sur le ventre; ses narines s'étendent transversalement à toute la longueur du nez; les trous de ses yeux sont de forme elliptique: il a deux rangs de dents larges & triangulaires; sa queue est fourchue, mais une des fourches est plus grosse que l'autre; enfin il a cette particularité remarquable, & néanmoins commune avec les autres poissons de son genre, c'est que sa vaste gueule est à la partie inférieure de la tête, ensorte qu'il est obligé de se tourner sur le dos avant que de pouvoir attraper sa proie. Si les poissons auxquels il donne la chasse, ne s'échappoient dans cet intervalle, dit le docteur Hansloane, aucun d'eux ne pourroit l'éviter, tant il a d'ardeur, de vîtesse, & de force en nageant. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUPILLE Author=Le Roy Normalized Classification=unclassified Part of Speech=sub.f GOUPILLE GOUPILLE, sub. f. petite cheville de laiton, & quelquefois d'acier, dont les Horlogers se servent pour faire tenir plusieurs pieces ensemble. C'est par le moyen de goupilles que la platine de dessus tient avec les piliers, & le cadran avec la grande platine, &c. Voyez Platine , Cadran , Cage , &c. ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUPILLER Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=v.act. GOUPILLER GOUPILLER, v. act. terme d'Horlogerie; c'est faire tenir plusieurs pieces ensemble avec des goupilles. Voyez Goupille , Platine , Cage , Cadran , &c. Il signifie aussi simplement mettre les goupilles dans les trous qui leur sont destinés . ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUPILLON Author=Diderot Normalized Classification=Vergetier Part of Speech=s.m. GOUPILLON * GOUPILLON, s. m. en terme de Vergettier; c'est un instrument garni de tous sens de soies de porc prises dans des fils-d'archal passés à l'extrémité d'un manche de bois ou de métal. Le goupillon a plusieurs usages différens. Il sert à l'Eglise, où il a remplacé la queue du renard, à distribuer aux Chrétiens l'eau-bénite; dans les maisons, à nettoyer différens vaisseaux, & sur-tout ceux qui servent à des usages honteux; dans les atteliers, à répandre sur des ouvrages des substances fluides par gouttes, &c. Voyez les articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goupillon Author=Diderot Normalized Classification=Cartier Part of Speech=NA Goupillon * Goupillon , chez les Cartiers; c'est une grosse brosse faite de soie de cochon & emmanchée d'un manche de bois, qu'ils trempent dans le pot à la colle dont ils se servent pour coller les quatre feuilles de papier dont ils fabriquent les cartes. Il y a encore un autre goupillon fait en forme de brosse, dont on se sert aussi pour coller; & l'un & l'autre servent encore à puiser la couleur que l'on applique sur les cartes par-dessus les patrons. Voyez les Planches du Cartier . La premiere représente un ouvrier qui prend de la colle avec un goupillon; la fig. seconde représente un autre ouvrier qui passe avec un goupillon de la couleur sur un moule. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goupillon Author=Diderot Normalized Classification=Chapelier Part of Speech=NA Goupillon * Goupillon , ( Chapel. ) c'est un bâton d'un pié & demi de longueur, dont le bout est garni en-travers de plusieurs brins de soie ou poils de cochon. Les Chapeliers se servent de ce goupillon pour arroser le bassin & la feutriere, lorsqu'ils travaillent à feutrer les chapeaux. C'est ce qu'ils appellent arroser le feutre ou arroser le chapeau . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOURA GOURA, Gura , ( Géogr. ) ville de Pologne au palatinat de Mazovie, appartenant à l'évêque de Posnanie. Celui qui vivoit du tems de Jean Sobieski, peupla cette ville de monasteres, éleva des autels dans tous les bois des environs; & d'une butte de sable, entourée d'épaisses forêts, il en fit une parfaite Jérusalem polonoise. Elle est sur la Vistule à cinq lieues de Warsovie, & prend son nom de sa situation sur une hauteur; car les Polonois appellent gouri tout côteau, toute montagne, tous lieux un peu élevés; on écrit d'ordinaire gura. Long. 39. 25. lat. 52. 4. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURGOURAN Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GOURGOURAN * GOURGOURAN, s. m. ( Commerce. ) étoffe travaillée en gros-de-Tours, mais plus forte en chaîne & en trame; les soies n'en sont point moulinées, mais elles sont seulement gommées & préparées par faisceaux de huit brins. Voyez l'article Gros-de-Tours . Le gourgouran vient des Indes, où l'on fait employer la soie comme elle se devide de dessus les cocons. Nos ouvriers n'en sont pas encore venus là. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURMAND Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA GOURMAND GOURMAND, ( Gramm. ) il se prend tantôt substantivement, & tantôt adjectivement, & se dit en général d'un animal qui mange avec excès & avec avidité. Voyez ci-après Gourmandise . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gourmand ou Larron Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=adject Gourmand Gourmand ou Larron , adj. ( Jardin. ) se dit d'une branche qui s'échappe & emporte toute la nourriture de l'arbre; on a grand soin de la retrancher. Voyez Taille . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURMANDER Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. GOURMANDER GOURMANDER, v. act. ( Gramm. ) c'est en général traiter durement en paroles. Il est encore d'usage, mais moins qu'autrefois. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gourmander un cheval Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gourmander Gourmander un cheval , ( Manége. ) expression usitée pour designer spécialement l'action d'un cavalier, qui, par des sacades & des ébrillades continuelles, offense cruellement la bouche du cheval, & le précipite perpétuellement dans la confusion & dans le desordre. Suivant les auteurs du dictionnaire de Trévoux, çe mot ne paroit applicable que du cheval au cavalier. Ce cheval gourmande son cavalier, le jette bas, s'il ne se tient bien ferme . Je ne sais sur quelle autorité ils pourroient étayer cette maniere de s'énoncer inconnue à tous les écuyers, & dont nous n'avons eu garde d'enrichir encore notre art. Ne seroit-ce pas le cas de dire ici, d'après le Port-royal? Ce n'est pas une loüange de bien savoir sa langue; mais c'est une honte de ne la savoir pas . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURMANDISE Author=Jaucourt Normalized Classification=Morale Part of Speech=s.f. GOURMANDISE GOURMANDISE, s. f. ( Morale. ) amour raffiné & desordonné de la bonne-chere. Horace l'appelle ingrata ingluvies . C'étoit aussi la définition de Callimaque qui y ajoûte cette réflexion: « Tout ce que j'ai donné à mon ventre a disparu, & j'ai conservé toute la pâture que j'ai donnée à mon esprit ». Varron irrité contre un des Curtillus de son siecle, qui mettoit son application à combiner l'opposition, l'harmonie, & les proportions des différentes saveurs, pour faire de ce mélange un excellent ragoût, dit à cet homme: « Si de toutes les peines que vous avez prises pour rendre bon votre cuisinier, vous en aviez consacré quelques-unes à étudier la Philosophie, vous vous seriez rendu bon vous-même ». La remarque de Varron ne corrigea ni ce riche sensuel, ni ses semblables; au contraire ils tournerent en ridicule le plus instruit des Romains sur la vie rustique, le plus docte sur la Grammaire, sur l'Histoire, & sur tant d'autres sujets. N'en soyons pas étonnés, la gourmandise est un mérite dans les pays de luxe & de vanité, où les vices sont érigés en vertus: c'est le fruit de la mollesse opulente; il se forme dans son sein, se perfectionne par l'habitude, & devient enfin si délicat, qu'il faut tout le génie d'un cuisinier pour satisfaire ses raffinemens. Voyez Cuisine . Les Romains succomberent sous le poids de leur grandeur, quand la tempérance tomba dans le mépris, & qu'on vit succéder à la frugalité des Curius & des Fabricius, la sensualité des Catius & des Apicius. Trois hommes de ce dernier nom se rendirent alors célebres par leurs recherches en gourmandise; il falloit que leurs tables fussent couvertes des oiseaux du Phase, qu'on alloit chercher au-travers des périls de la mer, & que les langues de paons & de rossignols y parussent délicieusement apprêtées. C'est, si je ne me trompe, le second de ces trois que Pline appelle nepotum omnium altissimus gurges: il tint école de son art en théorie & en pratique, dépensa cinq millions de livres de nos jours à y exceller; & se jugeant ruiné parce qu'il ne lui restoit que cinq cents mille francs de bien, il s'empoisonna, craignant de mourir de faim avec si peu d'argent. Dans ces tems-là Rome nourrissoit des gourmets qui prétendoient avoir le palais assez fin pour discerner si le poisson appellé loup-de-mer , avoit été pris dans le Tibre entre deux ponts, ou près de l'embouchure de ce fleuve; & ils n'estimoient que celui qui avoit été pris entre deux ponts. Ils rejettoient les foies d'oies engraissées avec des figues seches, & n'en faisoient cas que quand les oies avoient été engraissées avec des figues fraîches. Nous ne parlerons pas des excès de la table d'un Antiochus-Epiphane, des dissolutions en ce genre d'un Vitellius, & de celles d'un Héliogabale. Nous ne rappellerons pas non plus les recherches honteuses des anciens Sybarites, qui accordoient l'exemption de tout impôt aux pêcheurs de je ne sais quel poisson, parce qu'ils en étoient extrèmement friands. Nous ne passerons point en revûe nos Sybarites modernes, qui dévorent en un repas la subsistance de cent familles. Les suites de ce vice sont cruelles; ceux qui s'y livrent avec excès, sont exposés à éprouver des maux de toute espece. Homere le faisoit sentir à ses contemporains, en ne couvrant que de boeuf rôti la table de ses héros, & n'exceptant de cette regle ni le tems des nôces, ni les festins d'Alcinoüs, ni la vieillesse de Nestor, ni même les débauches des amans de Pénélope. Il paroît qu'Agésilas, roi de Lacédémone, suivit constamment le précepte d'Homere; car sa table étoit la même que celle des capitaines grecs immortalisés dans l'Iliade; & comme un jour les Thasiens lui apporterent en don des friandises de grand prix, il les distribua sur-le-champ aux Ilotes, pour prouver aux Lacédémoniens que la simplicité de sa vie, semblable à celle des citoyens de Sparte, n'étoit point altérée. Alexandre même profita de la leçon de son poëte favori. Plutarque rapporte qu'Adda, reine de Candie, ayant obtenu la protection de ce prince contre Orondonbate, seigneur persan, crut pouvoir lui marquer sa reconnoissance en lui envoyant toutes sortes de mets exquis, & les meilleurs cuisiniers qu'elle put trouver; mais Alexandre lui renvoya le tout, & lui répondit qu'il n'avoit aucun besoin de ces mets si délicats, & que Léonidas son gouverneur lui avoit autrefois donné de meilleurs cuisiniers que tous ceux de l'univers, en lui apprenant que pour dîner avec plaisir il falloit se lever matin & prendre de l'exercice; & que pour souper avec plaisir, il falloit dîner sobrement. La chere la plus délicieuse est celle dont l'appétit seul fait les frais. Vous ne trouverez point de bisque aussi bonne, qu'un morceau de lard paroît bon à nos laboureurs, ou que les oignons de Gayette sembloient excellens au pape Jules III. Voulez-vous vous assûrer que le meilleur apprêt est celui de la faim? offrez du pain à un homme sensuel & difficile, il le repoussera: mais attendez jusqu'au soir, panem illum tenerum & siligineum fames ipsi reddet . Concluons que loin de courir après la bonne-chere, comme après un des biens de la vie, nous pouvons en regarder la recherche comme pernicieuse à la santé. La fraîcheur & l'heureuse vieillesse des Perses & des Chaldéens, étoit un bien qu'ils devoient à leur pain d'orge & à leur eau de fontaine. Tout ce qui va au-delà de la nature, est inutile & pour l'ordinaire nuisible: il ne faut pas même suivre toûjours la nature jusqu'où elle permettroit d'aller; il vaut mieux se tenir en-deçà des bornes qu'elle nous a prescrites, que de les passer. Enfin le goût se blase, s'amortit sur les mets les plus délicats, & des infirmités sans nombre vengent la nature outragée; juste châtiment des excès d'une sensualité dont on a trop fait ses délices! ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURME Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie Part of Speech=s.f. GOURME GOURME, s. f. ( Maréch. ) maladie que quelques auteurs ont comparée à celle qui dans l'homme est appellée petite vérole , quoiqu'elle paroisse & se montre différemment. Si elles ont l'une & l'autre quelque analogie, c'est par la régularité avec laquelle la premiere affecte la plûpart des chevaux, & la seconde la plûpart des hommes; c'est aussi parce qu'elles arrivent plus communément dans le premier âge, & enfin parce que leur terminaison est également l'ouvrage de la nature. Les causes de la gourme sont aussi inconnues que celles de la petite vérole. Dire que ces maladies doivent être envisagées, ou comme une fievre inflammatoire, ou comme une matiere pestilentielle innée, ou comme une espece de levain qui se mêle avec le sang aussi-tôt que l'homme & l'animal sont conçus, ou comme un virus existant dans la masse, c'est parler d'après Rhases, Sidenham & des medecins même célebres; mais c'est parler vaguement, & convenir des ténebres dans lesquelles on est plongé à cet égard. M. de Garsaut persuadé de la vérité des faits qu'il a lûs, a cru pouvoir accuser la qualité de la terre & la température de l'air; il prétend que dans les pays froids les herbes sont trop humides & trop nourrissantes pour le poulain, & qu'une pareille nourriture prise dans un terrein humide & gras, & sur lequel le jeune animal, d'ailleurs souvent exposé aux injures du tems & à des pluies extrèmement froides, trouve du verglas & de la rosée, peut donner origine à ces humeurs crues & à cette lymphe visqueuse qui se sépare dans les glandes du cou & dans celles des naseaux. Nous observerons d'abord que dans les pays chauds, les chevaux ne sont point, ainsi que l'a avancé M. de Soleizel, exempts de la gourme; cette maladie est commune à ceux qui habitent le midi & le nord de l'Europe, & j'ai fait des recherches exactes pour m'assûrer de ce point, qui dès-lors détruit tout ce que M. de Garsaut a imaginé sur les causes productives de la maladie dont il s'agit. L'on pourroit encore, quand même on ajoûteroit foi aux allégations de Soleizel, objecter à M. de Garsaut, que dans les pays montagneux le fourrage n'est pas trop nourrissant, que la terre n'y est ni trop humide ni trop grasse, & qu'enfin des poulains nourris au sec & tenus dans des écuries à l'abri du verglas & des tems froids & rigoureux, n'en jettent pas moins; il ajoûte que des poulains qui jettent se guérissent d'eux mêmes étant à l'herbe: or comment une nourriture qui produit une maladie, peut-elle en être le remede? Franchissons le pas, ne faisons point parade de systèmes, eussent-ils le caractere de vraissemblance qui pourroit leur donner du crédit; il est infiniment plus avantageux aux progrès de notre art de confesser notre ignorance, que de vouloir paroître en possession de tous les mysteres qui nous sont voilés. Quoi qu'il en soit, la gourme attaque les chevaux depuis l'âge de deux ans jusqu'à l'âge de quatre, & quelquefois de cinq ans. Elle se manifeste par un engorgement, une tuméfaction des glandes maxillaires, sublinguales, & même des parotides, vulgairement nommées avives ; par un écoulement d'une humeur visqueuse, gluante, roussâtre ou blanchâtre, qui flue des naseaux; souvent aussi par des tumeurs & des abcès sur différentes parties du corps; & dans tous ces cas, le cheval est triste, dégoûté; il a la tête basse, les oreilles froides, des frissons; & il tousse plus ou moins violemment dans les deux premiers. La gourme se fait donc jour de trois manieres: 1°. par les naseaux; alors elle prend la route la plus heureuse & la moins difficile; quelquefois aussi elle s'en ouvre deux, une par les naseaux, & une par les glandes tuméfiées qui s'abcedent, ce qui est encore très à desirer: 2°. par ces mêmes glandes seulement: 3°. par des dépôts, ainsi que nous l'avons dit, qui portent un préjudice considérable aux parties sur lesquelles ils sont survenus, si la suppuration n'a pû se frayer facilement une issue. La gourme peut arriver à l'âge de sept & même de huit ans; alors elle est appellée fort improprement fausse gourme . Le cheval fait n'en est en effet attaqué que lorsque dans le tems qu'il étoit poulain, l'évacuation de l'humeur morbisique n'a été que médiocre; & l'on comprend que c'est la premiere évacuation qui ayant été fort legere, devroit être appellée fausse gourme , & non la derniere. Celle-ci est accompagnée de dyspnée, de fievres, de battemens de flancs; elle est beaucoup plus rebelle & plus périlleuse; elle se termine rarement par le flux de l'humeur qui doit découler des naseaux, par les glandes tuméfiées, & elle s'annonce communément par des dépôts suppurés. J'ai vû des chevaux jetter cette prétendue fausse gourme par les oreilles, par les yeux, par les piés, par la queue, par les bourses, &c. & fréquemment ils en périssent, à-moins qu'ils ne soient traités très-méthodiquement, & que la nature ne soit parfaitement secondée. Il est de plus fort à craindre, lorsque le cheval âgé de sept à huit ans est affligé de cette maladie, qu'elle ne dégénere en morve, si l'écoulement a lieu par les naseaux, & si elle est malheureusement négligée. On doit placer séparément tout cheval qui jette. La gourme se communique non-seulement de poulains à poulains, mais de poulains à de vieux chevaux. On observera cependant que la contagion n'est réelle qu'ensuite d'un contact immédiat, & qu'il importe seulement d'empêcher que le cheval sain ne leche l'humeur qui flue des naseaux du cheval malade; on doit par conséquent avoir attention de ne point faire boire ce dernier dans les seaux qui servent à abreuver toute l'écurie. La cure de la gourme qui arrive aux poulains, est des plus simples; il suffit de maintenir le sang de l'animal dans un état de douceur, par un régime délayant & adoucissant, & de prévenir ou de calmer ce feu ou la sécheresse des visceres du bas-ventre, par des lavemens émolliens. On appliquera encore, & l'on fixera une peau de mouton sous la ganache, après avoir graissé cette partie avec suffisante quantité d'huile de laurier & d'onguent d'althéa; la chaleur s'oppose à ce que l'humeur ne se coagule dans les glandes; à-mesure que le mouvement extraordinaire du sang s'appaise ou diminue, elle reprend son cours, & nous évitons les dépôts qui pourroient se former en d'autres lieux. Les onctions en entretenant la souplesse des fibres, concourent à la production des mêmes effets. Les injections par les naseaux d'une décoction d'orge, dans laquelle on jette une legere quantite de miel commun, en operent de merveilleux, & calment la grande inflammation de la membrane pituitaire. Quant à ce qui concerne la gourme qui se montre d'une maniere plus formidable, il paroît assez difficile de prescrire une méthode réguliere dans le traitement. Il est très certain que lorsqu'on apperçoit une inflammation considérable, une gêne totale dans la circulation, gêne qui est annoncée par le battement de flanc, par la difficulté que l'animal a de respirer, le meilleur & l'unique remede est la saignée: bien loin d'empêcher, selon le préjugé ordinaire, le développement & l'évacuation de l'humeur nuisible, elle les facilite, parce qu'ensuite de cette opération, la marche circulaire est plus libre, & que les liqueurs étant moins contraintes dans leurs tuyaux, & le mouvement intestin en étant plus aisé, l'espece de fermentation nécessaire au développement desiré, se fera plus heureusement. Si l'humeur arrêtée dans les glandes ou dans les autres parties qu'elle tuméfie, ne prend point la voie de la résolution, & s'il y a fluctuation, on pourra ouvrir ou avec le bistouri, ou par le moyen d'un bouton de feu. Quant aux cordiaux, ils doivent être absolument proscrits malgré le grand usage qu'en font les Maréchaux; ils ne doivent être administrés que dans le cas où la nature est réellement en défaut par la lenteur du mouvement circulaire, par l'épaississement du sang, par la foiblesse des fibres, & par l'absence de la fievre & de toute inflammation. A l'égard des dépôts qui arrivent dans la prétendue fausse gourme en favorisant la suppuration, on ne peut qu'être assûré d'un plein succès; il est même quelquefois utile d'avoir recours aux purgatifs, pour débarrasser entierement la masse; mais ils ne doivent être employés qu'avec la plus grande circonspection. Voyez au surplus le mot Jetter . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURMER un Cheval Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA GOURMER un Cheval GOURMER un Cheval , ( Manége. ) c'est prendre la gourmette par son extrémité pendante, & la fixer au crochet mobilement assemblé à l'oeil du banquet de la branche gauche du mors. L'action de gourmer un cheval demande quelque attention. Il importe, en premier lieu, que le cavalier qui doit toûjours le gourmer lui-même & ne se rapporter de ce soin à personne, se place de côté & non devant l'animal, afin d'éviter les coups de pié auxquels il seroit exposé, s'il n'usoit de cette précaution. Il faut, en second lieu, qu'il saisisse avec le pouce & l'index de la main droite, la gourmette par les maillons, en observant que les mailles ne s'embarrassent point mutuellement, & que l' S , quelquefois non exactement fermée supérieurement, ne morde point le banquet & joue librement dans l'oeil. Cette chaîne étant exactement étendue, il passe l'index & le doigt du milieu de la main gauche entre le banquet & la joue du cheval, & il maintient avec ces deux doigts & le pouce, qui agit extérieurement, le crochet dans la position où il doit être pour recevoir le maillon. Troisiemement, la main droite est saisie de la gourmette, qui est dirigée dans sa descente le long de la branche, de maniere que l'une des extrémités de chaque maille est tournée du côté de cette branche, tandis que l'autre de ces extrémités regarde en-arriere de l'animal, & répond perpendiculairement au pouce du cavalier, dont l'ongle est tourné en-haut: or il est essentiel que cette même main dans le chemin & dans le mouvement qu'elle fait pour accrocher le maillon, se retourne, de façon que l'ongle qui étoit en-dessus se trouve précisément en-dessous, au moment où ce maillon prend au crochet; parce que dèslors la gourmette ne peut être que sur son plat, attendu que chaque extrémité de chaque maille ne s'apperçoit point extérieurement après qu'elle est placée. La nécessité de la fixer sur sa partie la plus applatie, est fondée sur la douleur qu'éprouveroit l'animal, & sur le peu de justesse & de solidité des points d'appui, si elle portoit sur la barbe par ses faces tortueuses & inégales. Enfin le maillon qui doit être accroché, est celui qui est assemblé à la derniere maille, & non celui qui le suit; autrement la gourmette n'atteindroit que très-difficilement & par hasard sur le point sensible, elle ne garniroit pas, elle n'embrasseroit pas exactement la barbe, & tous les appuis seroient également falsifiés. Le dernier maillon n'est donc assemblé à l'autre que pour soulager le cheval, lorsque le cavalier le descend; & qu'au lieu de le dégourmer entierement & de laisser la gourmette suspendue par une seule extrémité, il décroche l'autre, & passe celui-ci dans le crochet. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURMETTE Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.f. GOURMETTE GOURMETTE, s. f. ( Manége. ) partie d'autant plus essentielle dans une embouchure, que la perfection de l'appui dépend de la justesse de ses proportions & de ses effets; c'est une chaîne composée de mailles, de maillons, d'une S , & d'un crochet. Les maillons sont des chainons pris de verges de fer rondes, de divers diametres, repliés en , dont les extrémités un peu plus minces que la panse, sont amenées, de maniere qu'elles en outrepassent le milieu, l'une sur un plan, & l'autre sur un plan perpendiculaire au premier, & que chacune d'elles laissent une ouverture en forme d'anneau d'environ cinq ou six lignes de diametre, pour recevoir librement d'autres mailles semblables. Celle du milieu est ordinairement plus forte & plus nourrie que celles auxquelles elle est assemblée de droite & de gauche; elle a depuis trois jusqu'à cinq lignes de diametre, selon le cheval pour lequel la gourmette est forgée. Celles qui suivent ses deux voisines sont plus minces; car tous ces chainons décroissent toûjours à mesure qu'ils approchent des maillons, qui ne sont autre chose que de petits anneaux alongés, & quelquefois legerement tordus sur leur plan. Toutes ces mailles doivent au surplus être pliées dans le même sens & du même côté, afin qu'il en resulte trois faces, dont l'une n'ayant que de legeres éminences, est en quelque façon applatie; c'est cette face que l'on nomme le plat de la gourmette , & qui doit porter sur la barbe. Les maillons sont au nombre de trois. L'un d'eux est assemblé avec la derniere maille d'un côté & une S , qui l'est elle-meme par son autre extrémité, mobilement & postérieurement à l'oeil du banquet. Les deux autres, égaux en forme & en grosseur, terminent l'autre côté de la gourmette , & peuvent être pareillement reçus dans le crochet mobilement engagé dans l'oeil du banquet de l'autre branche. Ce crochet n'est proprement qu'une S , non fermée dans sa partie pendante; la pointe en doit être non-seulement émoussée & arrondie, mais encore rejettée en-dehors par un contour qui commence, & que l'on apperçoit seulement au milieu de la longueur de sa partie relevée. Quant à l' S , quoique le nom qu'on lui conserve paroisse y répugner, l'une & l'autre de ses extrémités formant chacune un anneau, doivent être recourbées extérieurement. Nous dirons encore que cette S & ce crochet sont legerement coudés en contrebas, & sur plat, immédiatement au point de la formation de l'anneau par lequel ils sont assemblés à l'oeil: par ce moyen, ces memes anneaux, quand la gourmette est en place, ne déversent ni d'un côté ni d'autre. De plus, le peu de tige qui leur reste doit être nécessairement pliée, de façon que tous les deux suivent avec exactitude le contour extérieur des parties sur lesquelles ils doivent passer, en descendant jusque sur l'arc du banquet. Quelques personnes ordonnent à l'éperonnier de fixer, par un rivet, à l'extrémité supérieure du crochet, un petit ressort dirigé en contrebas, & courbé de maniere qu'il appuie par son autre extrémité contre la portion relevée de ce même crochet. Cette précaution est excellente, sur-tout eu égard à des chevaux qui battent sans cesse à la main; car quels que soient le mouvement & l'action de leur tête, ils ne peuvent se dégourmer, puisque la gourmette ne peut être décrochée qu'autant que le ressort pressé immédiatement avec le doigt, ne s'oppose plus à la sortie du maillon. La longueur de cette chaîne doit se rapporter aux proportions de la barbe & des portions intérieures de la bouche. Il en est de même de sa grosseur. Si la surface de la partie des mailles qui repose sur la barbe, lorsque la gourmette est placée, est considérable, elle porte sur un plus grand nombre de points sensibles qui partageant entre eux l'impression qu'auroit supportes un plus petit nombre de points, en sont chacun moins affectés: ainsi les grosses gourmettes conviennent en général à des chevaux dont la barbe est maigre, élevée & sensible; & les plus minces à ceux dont cette partie est charnue & garnie de poil. Dans le cas d'une sensibilité & d'une délicatesse excessive, on en émousse & l'on en diminue l'action par le moyen d'un feutre. On appelle de ce nom indifféremment toute bande, soit de cuir, soit d'une étoffe foulée telle que le feutre: on préfere néanmoins la premiere à celle-ci, qui fut d'abord en usage, mais dont l'épaisseur prenoit trop sur la longueur des gourmettes , & mettoit encore la partie sensible trop à l'abri de leurs effets. Cette bande qui d'ailleurs doit être d'une longueur proportionnée, doit être coupée de maniere qu'elle ait dans son milieu environ un pouce & demi de largeur, & qu'elle décroisse toûjours à-mesure qu'elle approche de ses extrémités que l'on arrondit, & auxquelles on pratique une fente destinée au passage de la gourmette , qui y est engagée de maniere qu'étant mise en place, elle porte immédiatement sur le feutre, tandis que le feutre repose immédiatement sur la barbe. Il n'est pas douteux que cette portion du mors, inconnue dans les siecles reculés, n'y a été adaptée qu'ensuite de l'addition des branches, dont l'inutilité est évidente, si l'on ne fournit au levier qui en résulte un second point d'appui, sans lequel l'embouchure ne peut faire une impression suffisante sur les barres: outre que cette chaine effectue ce point d'appui, elle exerce une action nécessaire & plus ou moins vive, sur la partie contre laquelle elle est extérieurement appliquée. Voyez Emboucher & Mors . Rien n'est plus singulier que de voir les écuyers qui nous ont précédés, s'épuiser en recherches sur les moyens de varier les formes des gourmettes , & s'éloigner toûjours davantage de la sorte de construction dont ils auroient pû retirer une utilité réelle. Les unes étoient d'une seule piece, polie avec soin, & à-peu-près contournée comme le fer des caveçons: les autres, que l'on nommoit gourmettes à la ciguette , différoient peu de celles-ci par la figure; mais le côté qui portoit sur la barbe étoit taillé en dents plus ou moins aiguës, & toûjours capables d'estropier l'animal. Il y en avoit des plates & à charniere; quelques-unes étoient faites de chaînons repliés quarrément; plusieurs ne consistoient qu'en une verge de fer formant un anneau, & attachée au sommet du montant de l'embouchure, ainsi que dans le mors à la genette. Voyez Genette . Quelquefois on substituoit à cette verge de fer de petites chaînes très-legeres, des cordons de soie; souvent aussi on employoit des gourmettes de cuir, de chanvre tressé, de sangle doublée. Or qu'annoncent tous ces travaux & tous ces essais si ce n'est l'ignorance dans laquelle ils étoient du verge le objet qu'ils devoient se proposer, relativement au principal usage de cette piece ou de cette partie? Les soins qu'ils se donnoient pour vaincre la difficulté de la fixer sur le lieu où elle doit agir, en offrent une nouvelle preuve. Les uns en lioient les deux maillons aux arcs du banquet; d'autres attachoient de petites chaînes à la maille du milieu, & arrêtoient ces chaînes aux chaînettes des branches; quelques-uns avoient recours à une petite fourche de fer dont le manche étoit engagé par vis dans un écrou porté par la sous-gorge, & qui descendant le long de l'auge, appuyoit par ses deux fourchons sur la gourmette . On laisse à juger du mérite de ces expédiens, & je crois qu'il est permis de douter de celui des maîtres à qui l'invention en est dûe. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gourmette, (fausse) Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gourmette Gourmette , ( fausse ) Manége; on appelle de ce nom deux petites longes de cuir, cousues aux arcs du banquet. L'une d'elles ainsi attachée à celui de la branche droite, est munie d'une boucle bredie à son extrémité, pour cette boucle être enfilée par l'autre longe, qui est fixée de la même maniere au banquet de la branche gauche, & qui dans sa longueur un peu plus considérable que celle de la premiere, est percée de quelques trous propres à recevoir l'ardillon. Il est encore une autre espece de fausse gourmette composée de quatre bouts de chaînettes, d'une S ou quelquefois d'une petite piece de fer applatie, ronde, ou quarrée, & percée de quatre trous. Ces quatre chaînettes sont engagées par une de leurs extrémités, chacune dans un de ces trous, ou deux d'entre elles dans chaque anneau résultans de la courbure de la verge de fer, dont l' S est formée. Leur autre extrémité est fixée par tourets; savoir celle des deux chaînettes les plus longues aux arcs du banquet, & celle de deux chaînettes les plus courtes, au bas des branches, de façon qu'il en résulte une sorte de croix, dont l' S ou la piece de fer occupe le plein ou le milieu. En serrant par le moyen de la boucle la premiere fausse gourmette au-dessus de la véritable, on maintient les branches du mors en-arriere, & l'on s'oppose à ce que l'animal puisse les saisir avec les dents. La seconde fausse gourmette produit le même effet par l'impossibilité dans laquelle elle met le cheval d'ouvrir la bouche sars attirer les branches pareillement en-arriere, & sans se les dérober à lui-même. Celle-ci est infiniment préférable à l'autre, qui endurcit l'appui & amortit le sentiment; mais il est très-fâcheux d'être obligé de recourir à de semblables expédiens dont, à la vérité, nul homme de cheval ne fait usage. La défense dont il s'agit est desagréable, & peut même devenir dangereuse, surtout si au moment où l'animal s'y livre, le cavalier a l'imprudence de le châtier; car ce seroit exciter & instruire l'animal à fuir, dans l'instant où l'on est dans l'impuissance de le maîtriser; mais on peut espérer de réprimer ce vice & de lui faire perdre cette habitude, ou en le montant pendant quelque tems avec un bridon anglois seulement, ou en profitant du bridon à la royale pour le desarmer quand la branche est prise, ou enfin en saisissant avec tant de précision le tems où il la veut prendre, qu'on la lui soustraye par un leger mouvement de main, ce qui demande autant de patience que de subtilité. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gourmette Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gourmette Gourmette , ( Marine. ) c'est la garde que les marchands mettent sur un bateau ou sur une allege, pour prendre garde aux marchandises & en avoir soin. Les Provençaux donnent le nom de gourmette à un valet ou garçon, qu'on employe dans le navire à toute sorte de travail. Ses fonctions sont particulierement de nettoyer le vaisseau & de servir l'équipage. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURNABLES Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GOURNABLES GOURNABLES, s. f. ( Marine. ) ce sont de grandes chevilles de bois, qu'on employe quelquefois au lieu de chevilles de fer, principalement pour joindre les bordages avec les membres: elles ont l'avantage sur les chevilles de fer de ne point se rouiller; mais il faut qu'elles soient d'un bois de chêne très fort, très-liant, & point gras, sans quoi elles romproient & pourriroient bien-tôt. On a soin aussi qu'elles soient fort seches, pour qu'elles remplissent bien leur trou lorsque l'humidité les fait renfler. On leur donne à-peu-près un pouce de grosseur par cent piés de la longueur du vaisseau: ainsi les gournables pour un vaisseau de cent pies de longueur, ont un pouce; pour un vaisseau de 150 piés, un pouce & demi d'équarrissage, &c. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURNABLER un Vaisseau Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GOURNABLER un Vaisseau GOURNABLER un Vaisseau , ( Marine. ) c'est y mettre les chevilles de bois qui entrent dans sa construction. Ce mot n'est guere d'usage. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURNAL Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GOURNAL GOURNAL, s. m. Voyez Rouget . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOURNAY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOURNAY GOURNAY, Gornaeum , ( Géogr. ) ville de France en Normandie, au pays de Bray. Elle est sur l'Epte, à 6 lieues de Beauvais, 10 de Rouen, 21 N. O. de Paris. Long. 18. 8. lat. 49. 25 . Guédier de Saint-Aubin, (Henri Michel) docteur de Sorbonne, naquit dans cette ville, & mourut en Sorbonne en 1742 à 47 ans. On a de lui un ouvrage pieux intitulé, histoire sainte des deux alliances , imprimé à Paris en 1741, en 7 vol. in-12. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUSSANT Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=adject GOUSSANT GOUSSANT, adj. pris substant. ( Manége. ) terme employé parmi nous pour désigner d'un seul mot un cheval court de reins, dont l'encolure est bien fournie, & dont les membres & la conformation annoncent la force. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goussant ou Goussaut Author=unknown Normalized Classification=Fauconnerie Part of Speech=NA Goussant Goussant ou Goussaut , c'est en Fauconnerie un oiseau qui est fort peu alongé, qui est trop lourd & peu estimé pour la volerie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUSSE Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.f. GOUSSE GOUSSE, s. f. ( Jardinage. ) est une petite bourse contenant des graines. On dit aussi une gousse d'ail , pour une partie de son oignon. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gousse Author=Diderot Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gousse * Gousse , ( Architecture. ) ornement de chapiteau ionique, ainsi appellé de leur forme qui les fait ressembler à des cosses de feves. Il y en a trois à chaque volute; elles sortent d'une même tige. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUSSET Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GOUSSET * GOUSSET, s. m. ( Gramm. ) ce mot a plusieurs acceptions. Il se dit de la piece de toile en losange dont ont garnit l'endroit d'une chemise qui correspond à l'aisselle: de la partie de l'armure d'un chevalier, qui a une branche ouverte & plus courte que l'autre, qui est faite en équerre, & qui habille aussi le haut du bras à l'articulation: d'une petite poche pratiquée à nos culottes, où l'on sert sa montre ou quelques autres meubles précieux: de la barre du gouvernail: voyez la Planche IV . fig. n°. 177. & l' art . Gouvernail : d'une espece de lieu qui se place dans les enrênures d'un entrain à un autre, ou d'un morceau de planche en équerre, chantourné par-devant, que l'on fixe de champ à un mur ou dans un autre endroit, pour soûtenir une planche, une tablette: d'une espece de siége ménagé à la portiere d'un carrosse pour un sur-numéraire; & d'une piece en forme de pupitre, tirée de l'angle dextre ou senestre du chef, descendant diagonalement sur le point du milieu de l'écu d'une autre piece semblable, & tombant perpendiculairement sur la base. V. nos Planches de Blason . Le gousset est une flétrissure; il marque, à ce que disent les écrivains de l'art héraldique, la sévérité, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUT Author=Jaucourt Normalized Classification=Physiologie Part of Speech=s.m. GOUT GOUT, s. m. ( Physiolog. ) en grec, γεῦσις , en latin, gustus; c'est ce sens admirable par lequel on discerne les saveurs, & dont la langue est le principal organe. Du goût en général . Le goût examiné superficiellement paroît être une sensation particuliere à la bouche, & différente de la faim & de la soif; mais allez à la source, & vous verrez que cet organe qui dans la bouche me fait goûter un mets, est le même qui dans cette même bouche, dans l'oesophage & dans l'estomac, me sollicite pour les alimens, & me les fait desirer. Ces trois parties ne sont proprement qu'un organe continu, & ils n'ont qu'un seul & même objet: si la bouche nous donne de l'aversion pour un ragoût, le gosier ne se resserre-t-il pas à l'approche d'un mets qui lui déplaît? L'estomac ne rejette-t-il pas ceux qui lui répugnent? La faim, la soif, & le goût sont donc trois effets du même organe; la faim & la soif sont des mouvemens de l'organe desirant son objet; le goût est le mouvement de l'organe de cet objet: bien entendu que l'ame unie à l'organe, est seule le vrai sujet de la sensation. Cette unité d'organe pour la faim, la soif & le goût , fait que ces trois effets sont presque toûjours au même degré dans les mêmes hommes: plus ce desir du manger est violent, plus la joüissance de ce plaisir est délicieuse: plus le goût est flatté, & plus aussi les organes font aisément les frais de cette joüissance, qui est la digestion, parce que tous ces plus que je suppose dans les bornes de l'état de santé, viennent d'un organe plus sain, plus parfait, plus robuste. Cette regle est générale pour toutes les sensations, pour toutes les passions: les vrais desirs font la mesure du plaisir & de la puissance, parce que la puissance elle-même est la cause & la mesure du plaisir, & celui-ci celle du desir; plus l'estomac est vorace, plus l'on a de plaisir à manger, & plus on le desire. Sans cet accord réciproque fondé sur le méchanisme de l'organe, les sensations détruiroient l'homme pour le bien duquel elles sont faites; un gourmand avec un estomac foible seroit tué par des indigestions; quelqu'un qui auroit un estomac vorace, & qui seroit sans appétit, sans goût , s'il étoit possible, périroit & par les tourmens de sa voracité. & par le defaut d'alimens que son dégoût refuseroit à sa puissance. Cependant combien n'arrive-t-il pas que le desir surcharge la puissance, sur-tout chez les hommes? C'est qu'ils suivent moins les simples mouvemens de leurs organes, de leurs puissances, que ne font les animaux; c'est qu'ils s'en rapportent plus à leur vive imagination augmenée encore par des artifices, & que par-là ils troublent cet ordre établi dans la nature par son auteur: qu'ils cessent donc de faire le proces à des sens, à des passions auxquelles ils ne doivent que de la reconnoissance: qu'ils s'en prennent de leurs défauts à une imagination déréglée, & à une raison qui n'a pas la force d'y mettre un frein. Le goût en général est le mouvement d'un organe qui joüit de son objet, & qui en sent toute la bonté; c'est pourquoi le goût est de toutes les sensations: on a du goût pour la Musique & pour la Peinture, comme pour les ragoûts, quand l'organe de ces sensations savoure, pour ainsi dire, ces objets. Quoique le goût proprement pris soit commun à la bouche, à l oesophage & à l'estomac, & qu'il y ait entre ces trois organes une sympathie telle, que ce qui déplaît à l'un, répugne ordinairement à tous, & qu'ils se liguent pour le rejetter; cependant il faut avoüer que la bouche possede cette sensation à un degré supérieur; elle a plus de finesse, plus de délicatesse que les deux autres: un amer qui répugne à la bouche jusqu'à exciter le vomissement, ne sera pour l'estomac qu'un aiguillon modéré qui en réveillera les fonctions. Il étoit bien naturel que la bouche qui devoit goûter la premiere les alimens, & qui par-là devenoit le gourmet, l'échanson des deux autres, s'y connût un peu mieux que ces derniers. Ce sens delicat est, comme on vient de voir, le plus essentiel de tous après le toucher; je dirois plus essentiel que le toucher, si le goût lui-même n'étoit une espece de toucher plus fin, plus subtil; aussi l'objet du goût n'est pas le corps solide qui est celui de la sensation du toucher, mais ce sont les sucs, ou les liqueurs dont ces corps sont imbus, ou qui en ont été extraits, & qu'on appelle corps savoureux ou saveurs. V . Saveur . L'organe principal sur lequel les saveurs agissent, est la langue. Bellini est le premier qui nous en a donné une exacte description, à laquelle on ne peut reprocher qu'une diction obscure & entortillée. Ce célebre medecin qui a joint à l'étude du corps humain, la connoissance de la Physique géométrique, fait remarquer qu'il y a trois especes d'éminences sur la langue; on voit d'abord de petites pyramides, ou plûtôt des poils assez gros vers la base, & qui sont en forme de cone dans les boeufs: on trouve ensuite de petits champignons qui ont un col assez étroit, & qu'on ne sauroit mieux comparer qu'aux extrémités des cornes des limaçons; enfin il y a des mamelons applatis percés de trous. Les petits cones qui se trouvent dans les boeufs, ou les petits poils qu'on voit dans l'homme, ne paroissent pas être l'organe du goût; il est plus vraissemblable qu'ils ne servent qu'à rendre la langue pour ainsi dire hérissée, afin que les alimens puissent s'y attacher, & que par un tour de langue on puisse nettoyer le palais: ces cones qui rendent la langue rude, étoient sur-tout nécessaires aux animaux qui paissent, car les herbes peuvent s'y attacher. Les champignons qui avoient été décrits par Stenon, lequel avoit remarqué assez exactement leur forme, & la place qu'ils occupent sur la langue, paroissent être des glandes; car, comme l'a remarqué ce même auteur, il en transsude une liqueur quand on les presse; on ne doit donc pas s'imaginer qu'ils soient l'organe du goût . Il y a plus d'apparence que c'est dans cette espece de cellules percées de trous que se trouve l'organe qui nous avertit de la qualité des alimens, & qui en reçoit des impressions agréables ou desagréables; car c'est dans la cavité de ces cellules que se trouvent les extrémités des nerfs, & la langue n'est sensible que dans les endroits où se trouvent les mamelons criblés. Il y a plusieurs raisons qui nous prouvent que ce sont ces mamelons percés qui sont l'organe du goût; les poils ou les petites pyramides ne sont pas assez sensibles pour nous faire d'abord appercevoir les moindres impressions des objets; en effet l'expérience nous fait voir que, si dans les endroits où il n'y a pas de mamelons percés on met un grain de sel, on ne sent aucune impression: mais si l'on met ce grain de sel sur la pointe de la langue, où il y a beaucoup de mamelons percés, il y excitera d'abord une sensation vive. La structure des mamelons nerveux qui font ici l'organe de la sensation, est un peu différente de celle des mamelons de la peau, & cela proportionnellement à la disparité de leurs objets. Les mamelons de la peau organes du toucher sont petits, leur substance est compacte, fine, recouverte d'une membrane assez polie, & d'un tissu serré; les mamelons de l'organe du goût sont beaucoup plus gros, plus poreux, plus ouverts; ils sont abreuvés de beaucoup de lymphe, & recouverts d'une peau ou enchâssés dans des gaines très-inégales, & aussi très-poreuses. Par cette structure les matieres savoureuses sont arrêtées dans ces aspérités, délayées, fondues par cette lymphe abondante, spiritueuse, absorbées par ces pores qui les conduisent à l'aide de cette lymphe, jusque dans les papilles nerveuses sur lesquelles ils impriment leur aiguillon. Ces mamelons, organes du goût , non-seulement sont en grand nombre sur la langue, mais encore sont répandus çà & là dans la bouche; l'Anatomie découvre ces mamelons dispersés dans le palais, dans l'intérieur des joues, dans le fond de la bouche, & les observations confirment leur usage. M. de Jussieu rapporte dans les mémoires de l'Académie , l'histoire d'une fille née sans langue, qui ne laissoit pas d'avoir du goût: un chirurgien de Saumur a vû un garçon de huit à neuf ans, qui dans une petite vérole avoit perdu totalement la langue par la gangrene, & cependant il distinguoit fort bien toutes sortes de goûts . On peut s'assûrer par soi-même que le palais sert au goût , en y appliquant quelque corps savoureux: car on ne manquera pas d'en distinguer la saveur, à-mesure que les parties du corps savoureux seront assez développées pour y faire quelque impression. Il faut avoüer cependant que la langue est le grand, le principal organe de cette sensation: sa substance est faite de fibres charnues, au moyen desquelles elle prend diverses figures; ces fibres sont environnées, & écartées par un tissu moëlleux qui rend le composé plus souple. Une partie de ces fibres charnues s'alonge hors de la langue, s'attache aux environs, & forme les muscles extérieurs qui portent le corps de cet organe de toutes parts; ce corps fibreux & médullaire est enfermé dans une espece de gaine ou de membrane très-forte. Le nerf de la neuvieme paire, suivant Boerhaave, (Willis dit celui de la cinquieme paire) après s'être ramifié dans les fibres de la langue, se termine à sa surface. Les ramifications de ce nerf dépouillées de leur premiere tunique, forment les mamelons dont nous avons parlé; leur dépouille fortifie l'enveloppe de la langue, & contribue aussi à la sensation. Les divers mouvemens dont la substance de la langue est capable, excitent la secrétion de la lymphe qui abreuve les mamelons, ouvrent les pores qui y conduisent, déterminent les sucs savoureux à s'y introduire. Tel est l'organe du goût . Cette sensation existera plus ou moins dans toutes les parties de la bouche, suivant qu'il s'y trouvera des mamelons goûtans , plus ou moins dispersés. Philoxene, ce fameux gourmand de l'antiquité, contemporain de Denys le tyran, qui ne faisoit servir sur la table que des mets extrèmement chauds, & qui souhaitoit d'avoir le col long comme une grue, pour pouvoir goûter les vins; Philoxene, dis-je, avoit sans doute dans la tunique interne de l'oesophage les mamelons du goût plus fins qu'ailleurs; mais son exemple, ni celui de quelques autres personnes, ne détruit point la vérité établie ci-dessus, qu'il faut placer l'organe véritable & immédiat du goût dans les mamelons de la langue que nous avons décrits; parce qu'ils sont vraiment capables de cette sensation; parce que là où ils n'existent pas, il n'y a point de goût proprement dit, mais seulement un attouchement; parce que le goût est plus fin où ces mamelons sont en plus grande quantité, savoir au bout de la langue; parce que quand ces mamelons sont affectés, enlevés, brûlés, le goût se perd, & qu'il se retablit à-mesure qu'ils se regenerent. On pourra comprendre encore mieux la sensation du goût , si l'on réunit sous un point les diverses choses qui y concourent, & si l'on se donne la peine de considérer; 1°. que le tapis de la bouche est non seulement délicat, mais poreux pour s'imbiber facilement du suc savoureux des alimens; 2°. que ce tapis est criblé d'ouvertures par lesquelles la bouche est sans cesse abreuvée de salive, humeur préparée dans diverses glandes, avec une subtilité & une ténuité capable de dissoudre les alimens, de maniere qu'étant mêlés avec ce dissolvant, ils descendent dans le ventricule où la dissolution s'acheve; 3°. que cette humeur dissolvante ayant la vertu de fondre, s'il faut ainsi dire, les alimens, en détache les sels dans lesquels consiste la saveur, qui n'est point sensible avant cette dissolution, ces sels y étant enveloppés avec les parties terrestres & insipides; 4°. que les mamelons nerveux qui sont les organes du goût ont une délicatesse particuliere, tant par la nature, qu'à cause qu'étant enfermes dans la bouche & dans les lieux à couvert, ils ne sont point exposés aux injures de l'air qui les dessecheroit, & leur feroit perdre cette délicatesse de sensation, qu'une chaleur égale, modérée, l'humidité & la transpiration du dedans de la bouche y entretiennent, les rendant par ce moyen pénétrables aux sucs savoureux des alimens; 5°. enfin que le mouvement de la langue qui est si fréquent, si prompt, si facile, sert à remuer, & retourner de tous sens les alimens pour les faire appliquer aux différentes parties du-dedans de la bouche dans lesquels le sentiment du goût réside. L'objet du goût est toute matiere du regne végétal, animal, minéral, mêlée ou séparée, dont on tire par art le sel & l'huile, & conséquemment toute matiere saline, savonneuse, huileuse, spiritueuse. Voici donc comment se fait le goût . La matiere qui en est l'objet, atténuée, & le plus souvent dissoute dans la salive, échauffée dans la bouche, appliquée à la langue par les mouvemens de la bouche, s'insinue entre les pores des gaînes membraneuses; & de-là pénétrant à la surface des papilles qui y sont cachées, les affecte, & y produit un mouvement nouveau, lequel se propageant au sensorium commune , fait naitre la sensation des diverses saveurs. J'ai dit que la matiere qui est l'objet du goût , doit être atténuée, parce que pour bien goûter les corps sapides, il ne faut pas les tenir tranquilles sur la langue, mais les remuer pour mieux les diviser; il faut que les sels soient fondus pour être goûtés: la langue ne goûte que ce qui est assez fin pour enfiler les pores des mamelons nerveux. J'ai ajoûté que cette matiere, objet du goût , doit être échauffée dans la bouche, parce que quand la langue est extrèmement refroidie, ce qui est rare, & que les corps qu'on lui présente sont très-froids, le goût ne se fait point. L'eau changée en glace n'a pas de goût; le froid ôte le piquant de l'eau-de-vie, & de toutes les liqueurs spiritueuses. Explications de plusieurs phénomenes du goût. Comme le goût ne dépend que de l'action des sels & d'autres matieres acres sur les nerfs, on peut demander pourquoi nous ne pouvons pas connoître le goût de ces mêmes sels dans les autres parties du corps? Mais il est évident que dès que les nerfs seront différemment arrangés dans quelque partie, les impressions qu'ils recevront seront differentes: or dans le corps humain il n'y a nulle partie où les nerfs soient disposes comme dans la langue, il faut donc de toute nécessité que les parties des sels y agissent diversement. Par quelle raison le même objet excite-t-il souvent des goûts si différens selon l'âge, le tempérament, les maladies, le sexe, l'habitude, & les choses qu'on a goûtées auparavant? C'est une question qui se trouve vérifiée dans toute son étendue, & dont la solution dépend de la texture, disposition & obstruction des mamelons nerveux. Le même objet excite des goûts différens selon les âges; le vin du Rhin si agréable aux adultes, irrite les jeunes enfans à cause de la délicatesse de leurs nerfs. Le sucre & les friandises qui plaisent à ceuxci, sont trop fades pour les autres qui aiment le salé, l'acre, le spiritueux, les ragoûts forts & assaisonnés. Toutes ces variétés viennent de celles des nerfs plus sensibles dans le jeune âge, plus calleux & difficiles à émouvoir dans l'adulte. Le même objet excite encore des goûts différens selon le sexe, les maladies, le temperament & les choses qu'on a goûtées auparavant. En effet les filles qui ont les pâles couleurs, n'aiment que les choses acres, acides, capables d'atténuer le mucus de l'estomac. Tout paroît amer dans la jaunisse; les leucophlegmatiques ne peuvent supporter le goût du sucre de Saturne, les filles hystériques celui des sucreries; quand la bile ou la putridité domine, on a de l'horreur pour les choses alkalescentes, on appete les acides. Après les sels muriatiques, les vins acides plaisent, & non après le miel, ni le sucre, &c. Quelque reste des goûts précédens restent nichés dans les pores des petites gaînes nerveuses jusqu'à ce qu'ils en sortent, ou pour se mêler avec les nouvelles matieres sapides, ou pour les empêcher d'affecter les nerfs. Enfin les mêmes objets excitent des goûts , des sensations différentes suivant l'habitude, parce qu'on apprend à goûter, parce qu'il n'y a que les choses inusitées dont on est frappé. Ce n'est qu'à la longue qu'on voit dans les ténebres. Cet aveugle à qui Cheselden abattit la cataracte eut un grand plaisir à voir les couleurs rouges. Boyle fait mention d'un homme à qui la subite impression de la lumiere fit sentir un doux prurit, une volupté par-tout le corps presque semblable à celle du plaisir des femmes; mais par un malheur inévitable cette sensibilité ne dura pas. Pourquoi les nerfs nuds & la langue excoriée sont-ils si sensibles à l'impression des corps qui ont le plus de goût , tels que les sels, les aromates, les esprits? Malpighi parle d'un homme qui avoit l'enveloppe externe de la langue si fine, que tout ce qu'il mangeoit lui causoit de la douleur, excepté le lait, le bouillon, & l'eau qu'il avaloit sans peine. Il est nécessaire qu'il y ait quelque mucus & des gaînes entre les nerfs sensitifs, & les corps sapides pour tempérer le goût , sans quoi il ne peut se faire; la même chose arrive si l'enveloppe des nerfs est trop seche, dure & calleuse. Toutes les sensations que nous éprouvons ne different que par le plus ou le moins; ainsi le plaisir n'est que le commencement de la douleur. Un chatouillement doux est voluptueux, parce qu'il ne cause qu'un mouvement leger dans les nerfs; il est douloureux s'il augmente, parce qu'il irrite les fibres nerveuses; enfin il peut les déchirer, causer des convulsions & la mort. On voit par-là que les matieres qui ont un goût fort vif, pourront faire sur la langue non seulement des impressions très-sensibles, mais très-douloureuses. Pourquoi les choses qui ont du goût fortifient-elles promptement? Quand nous sommes dans la langueur, il y a des matieres dont le goût agréable & vif nous redonne d'abord des forces. Cela vient de ce que leurs parties agitent les nerfs, & y font couler le suc nerveux; mais il ne faut pas croire que cette agitation seule qui arrive aux nerfs de la langue, puisse produire un tel effet: les parties subtiles dont nous parlons, s'insinuent d'abord dans les vaisseaux, les agitent par leur action, se portent au cerveau où ils ébranlent le principe des nerfs; tout cela fait couler dans notre machine le suc nerveux qui étoit presque sans mouvement. Mais qu'est-ce qui donne tant de goût & de force à ces corps qui fortifient si promptement? Presque rien, l'esprit recteur des Chimistes. Sendivogius dit que ce liquide subtil & restaurant, à qui les chimistes ont donné le nom d'esprit recteur , fait 1/820 de tout le corps aromatique: d'une livre entiere de canelle on tire à peine 60 gouttes d'huile éthérée; c'est une de ces gouttes d'huile qui passant par des veines très-déliées dans le sang, y arrive avec toute sa vertu dont le corps se trouve tout-à-coup animé. D'où vient que l'eau, les huiles douces, la terre sont insipides? Parce que ce qui est plus foible que ce qui arrose continuellement les organes de nos sens ne peut les frapper. Nous n'appercevons le battement du coeur & des arteres que lorsqu'il est excessif. L'eau pure est moins salée que la salive, le moyen qu'on la goûte! Si elle a du goût , dès-lors elle est mauvaise. La terre & l'huile sont composées de parties trop grossieres pour pouvoir traverser les pores qui menent aux nerfs du goût . D'où procede la liaison particuliere qui regne entre le goût & l'odorat, liaison plus grande qu'entre le goût & les autres sens? Car, quoique la vûe & l'oüie produisent sur les organes du goût des effets semblables à ceux que cause l'odorat, comme d'exciter l'appétit ou de procurer le vomissement quand on voit ou qu'on entend nommer des choses dont le goût plaît, ou déplaît assez pour révolter, il est néanmoins certain que l'odorat agit plus puissamment. On en trouve la raison dans le rapport immédiat & prochain que les odeurs & les saveurs ont ensemble; elles consistent toutes deux dans les esprits developpés des matieres odorantes & savoureuses; outre que la membrane qui tapisse le nez organe de l'odorat, est une continuation de la même membrane qui tapisse la bouche, le gosier, l'oesophage & l'estomac organes du goût en général. C'est en vertu des mêmes causes qu'on savoure d'avance avec volupté le café par son odeur aromatique, & qu'on est révolté contre quelque mets, ou contre une medecine dont l'odeur est desagréable. Voyez Odorat . Ajoûtez que l'imagination exerce ici comme ailleurs son souverain empire. L'ame se rappellant les mauvaises qualités d'un aliment puant, les nausées & les tristes effets d'un purgatif, s'en renouvelle l'idée à l'odeur; & cette idée trouble en un moment les organes du goût , de la déglutition & de la digestion. Aussi voit-on que les personnes dont l'imagination est fort vive, sont les plus sujettes à cet ébranlement de la machine, qui fait que l'odeur, la vûe même, ou l'oüie des choses très-agréables ou desagréables au goût , suffisent pour affecter ces personnes délicates, dont le genre nerveux s'émeut facilement. Voilà les principales questions qu'on fait sur le goût; on peut resoudre assez bien toutes les autres par les mêmes principes. Il seroit trop long d'entrer dans de plus grands détails; d'ailleurs le lecteur peut s'instruire à fond dans les ouvrages des Physiciens qui ont approfondi ce sujet; Bellini, Malpighi, Ruysch, Boerhaave, & M. le Cat. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gout Author=Voltaire|Montesquieu|Diderot|d'Alembert Normalized Classification=Grammaire | Littérature | Philosophie Part of Speech=NA Gout Gout , ( Gramm. Litterat. & Philos. ) On a vû dans l'article précédent en quoi consiste le goût au physique. Ce sens, ce don de discerner nos alimens, a produit dans toutes les langues connues, la métaphore qui exprime par le mot goût , le sentiment des beautés & des défauts dans tous les arts: c'est un discernement prompt comme celui de la langue & du palais, & qui prévient comme lui la réflexion; il est comme lui sensible & voluptueux à l'egard du bon; il rejette comme lui le mauvais avec soulevement; il est souvent, comme lui, incertain & égaré, ignorant même si ce qu'on lui présente doit lui plaire, & ayant quelquefois besoin comme lui d'habitude pour se former. Il ne suffit pas pour le goût , de voir, de connoître la beauté d'un ouvrage; il faut la sentir, en être touché. Il ne suffit pas de sentir, d'être touché d'une maniere confuse, il faut démêler les differentes nuances; rien ne doit échapper à la promptitude du discernement; & c'est encore une ressemblance de ce goût intellectuel, de ce goût des Arts, avec le goût sensuel: car si le gourmet sent & reconnoît promptement le mélange de deux liqueurs, l'homme de goût , le connoisseur, verra d'un coup-d'oeil prompt le mélange de deux styles; il verra un défaut à côté d'un agrement; il sera saisi d'enthousiasme à ce vers des Horaces: Que vouliez-vous qu'il fît contre trois? qu'il mourût . Il sentira un dégoût involontaire au vers suivant: Ou qu'un beau desespoir alors le secourût . Comme le mauvais goût au physique consiste à n'être flatté que par des assaisonnemens trop piquans & trop recherchés, aussi le mauvais goût dans les Arts est de ne se plaire qu'aux ornemens étudiés, & de ne pas sentir la belle nature. Le goût dépravé dans les alimens, est de choisir ceux qui dégoûtent les autres hommes; c'est une espece de maladie. Le goût dépravé dans les Arts est de se plaire à des sujets qui revoltent les esprits bien faits; de préférer le burlesque au noble, le précieux & l'affecté au beau simple & naturel: c'est une maladie de l'esprit. On se forme le goût des Arts beaucoup plus que le goût sensuel; car dans le goût physique, quoiqu'on finisse quelquefois par aimer les choses pour lesquelles on avoit d'abord de la répugnance, cependant la nature n'a pas voulu que les hommes en général apprissent à sentir ce qui leur est nécessaire; mais le goût intellectuel demande plus de tems pour se former. Un jeune homme sensible, mais sans aucune connoissance, ne distingue point d'abord les parties d'un grand choeur de Musique; ses yeux ne distinguent point d'abord dans un tableau, les dégradations, le clair obscur, la perspective, l'accord des couleurs, la correction du dessein: mais peu-à-peu ses oreilles apprennent à entendre, & ses yeux à voir; il sera ému à la premiere représentation qu'il verra d'une belle tragédie; mais il n'y démêlera ni le mérite des unités, ni cet art délicat par lequel aucun personnage n'entre ni ne sort sans raison, ni cet art encore plus grand qui concentre des intérêts divers dans un seul, ni enfin les autres difficultés surmontées. Ce n'est qu'avec de l'habitude & des réflexions qu'il parvient à sentir tout-d'un-coup avec plaisir ce qu'il ne déméloit pas auparavant. Le goût se forme insensiblement dans une nation qui n'en avoit pas, parce qu'on y prend peu-à-peu l'esprit des bons artistes: on s'accoûtume à voir des tableaux avec les yeux de Lebrun, du Poussin, de Le Sueur; on entend la déclamation notée des scenes de Quinaut avec l'oreille de Lulli; & les airs, les symphonies, avec celle de Rameau. On lit les livres avec l'esprit des bons auteurs. Si toute une nation s'est réunie dans les premiers tems de la culture des Beaux-Arts, à aimer des auteurs pleins de défauts, & méprisés avec le tems, c'est que ces auteurs avoient des beautés naturelles que tout le monde sentoit, & qu'on n'étoit pas encore à portée de déméler leurs imperfections: ainsi Lucilius fut chéri des Romains, avant qu'Horace l'eut fait oublier; Regnier fut gouté des François avant que Boileau parut: & si des auteurs anciens qui bronchent à chaque page, ont pourtant conservé leur grande réputation, c'est qu'il ne s'est point trouvé d'écrivain pur & châtié chez ces nations, qui leur ait dessillé les yeux, comme il s'est trouvé un Horace chez les Romains, un Boileau chez les François. On dit qu'il ne faut point disputer des goûts , & on a raison quand il n'est question que du goût sensuel, de la répugnance que l'on a pour une certaine nourriture, de la préférence qu'on donne à une autre; on n'en dispute point, parce qu'on ne peut corriger un défaut d'organes. Il n'en est pas de même dans les Arts; comme ils ont des beautés réelles, il y a un bon goût qui les discerne, & un mauvais goût qui les ignore; & on corrige souvent le défaut d'esprit qui donne un goût de travers. Il y a aussi des ames froides, des esprits faux, qu'on ne peut ni échauffer ni redresser; c'est avec eux qu'il ne faut point disputer des goûts , parce qu'ils n'en ont aucun. Le goût est arbitraire dans plusieurs choses, comme dans les étoffes, dans les parures, dans les équipages, dans ce qui n'est pas au rang des Beaux-Arts: alors il mérite plûtôt le nom de fantaisie . C'est la fantaisie, plûtôt que le goût , qui produit tant de modes nouvelles. Le goût peut se gâter chez une nation; ce malheur arrive d'ordinaire après les siecles de perfection. Les artistes craignant d'être imitateurs, cherchent des routes écartées; ils s'é oignent de la belle nature que leurs prédécesseurs ont saisie: il y a du mérite dans leurs efforts; ce mérite couvre leurs défauts, le public amoureux des nouveautés, court après eux; il s'en dégoûte bien-tôt, & il en paroit d'autres qui font de nouveaux efforts pour plaire; ils s'éloignent de la nature encore plus que les premiers: le goût se perd, on est entouré de nouveautés qui sont rapidement effacées les unes par les autres; le public ne sait plus où il en est, & il regrette en vain le siecle du bon goût qui ne peut plus revenir; c'est un dépôt que quelques bons esprits conservent alors loin de la foule. Il est de vastes pays où le goût n'est jamais parvenu; ce sont ceux où la société ne s'est point perfectionnée, où les hommes & les femmes ne se rassemblent point, où certains arts, comme la Sculpture, la Peinture des êtres animés, sont défendus par la religion. Quand il y a peu de société, l'esprit est retréci, sa pointe s'émousse, il n'a pas dequoi se former le goût . Quand plusieurs Beaux-Arts manquent, les autres ont rarement dequoi se soûtenir, parce que tous se tiennent par la main, & dépendent les uns des autres. C'est une des raisons pourquoi les Asiatiques n'ont jamais eu d'ouvrages bien faits presque en aucun genre, & que le goût n'a été le partage que de quelques peuples de l'Europe. Article de M. de Voltaire . Nous joindrons à cet excellent article, le fragment sur le goût, que M. le president de Montesquieu destinoit à l'Encyclopédie, comme nous l'avons dit à la fin de son éloge , tome V. de cet Ouvrage; ce fragment a été trouvé imparfait dans ses papiers: l'auteur n'a pas eu le tems d'y mettre la derniere main; mais les premieres pensées des grands maitres méritent d'être conservées à la postérité, comme les esquisses des grands peintres . Essai sur le goût dans les choses de la nature & de l'art . Dans notre maniere d'être actuelle, notre ame goûte trois sortes de plaisirs; il y en a qu'elle tire du fond de son existence même, d'autres qui résultent de son union avec le corps, d'autres enfin qui sont fondés sur les plis & les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes lui ont fait prendre. Ce sont ces différens plaisirs de notre ame qui forment les objets du goût , comme le beau, le bon, l'agréable, le naïf, le délicat, le tendre, le gracieux, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, le majestueux, &c. Par exemple, lorsque nous trouvons du plaisir à voir une chose avec une utilité pour nous, nous disons qu'elle est bonne; lorsque nous trouvons du plaisir à la voir, sans que nous y démêlions une utilité présente, nous l'appellons belle . Les anciens n'avoient pas bien demêlé ceci; ils regardoient comme des qualités positives toutes les qualités relatives de notre ame; ce qui fait que ces dialogues où Platon fait raisonner Socrate, ces dialogues si admires des anciens, sont aujourd'hui insoûtenables, parce qu'ils sont fondés sur une philosophie fausse: car tous ces raisonnemens tirés sur le bon, le beau, le parfait, le sage, le fou, le dur, le mou, le sec, l'humide, traités comme des choses positives, ne signifient plus rien. Les sources du beau, du bon, de l'agréable, &c. sont donc dans nous-mêmes; & en chercher les raisons, c'est chercher les causes des plaisirs de notre ame. Examinons donc notre ame, étudions-la dans ses actions & dans ses passions, cherchons-la dans ses plaisirs; c'est-là où elle se manifeste davantage. La Poésie, la Peinture, la Sculpture, l'Architecture, la Musique, la Danse, les différentes sortes de jeux, enfin les ouvrages de la nature & de l'art, peuvent lui donner du plaisir: voyons pourquoi, comment & quand ils les lui donnent; rendons raison de nos sentimens; cela pourra contribuer à nous former le goût , qui n'est autre chose que l'avantage de découvrir avec finesse & avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes. Des plaisirs de notre ame . L'ame, indépendamment des plaisirs qui lui viennent des sens, en a qu'elle auroit indépendamment d'eux & qui lui sont propres; tels sont ceux que lui donnent la curiosité, les idées de sa grandeur, de ses perfections, l'idée de son existence opposée au sentiment de la nuit, le plaisir d'embrasser tout d'une idée générale, celui de voir un grand nombre de choses, &c. celui de comparer, de joindre & de séparer les idées. Ces plaisirs sont dans la nature de l'ame, indépendamment des sens, parce qu'ils appartiennent à tout être qui pense; & il est fort indifférent d'examiner ici si notre ame a ces plaisirs comme substance unie avec le corps, ou comme séparée du corps, parce qu'elle les a toûjours & qu'ils sont les objets du goût: ainsi nous ne distinguerons point ici les plaisirs qui viennent à l'ame de sa nature, d'avec ceux qui lui viennent de son union avec le corps; nous appellerons tout cela plaisirs naturels , que nous distinguerons des plaisirs acquis que l'ame se fait par de certaines liaisons avec les plaisirs naturels; & de la même maniere & par la même raison, nous distinguerons le goût naturel & le goût acquis. Il est bon de connoître la source des plaisirs dont le goût est la mesure: la connoissance des plaisirs naturels & acquis pourra nous servir à rectifier notre goût naturel & notre goût acquis. Il faut partir de l'état où est notre être, & connoître quels sont ses plaisirs pour parvenir à mesurer ses plaisirs, & même quelquefois à sentir ses plaisirs. Si notre ame n'avoit point été unie au corps, elle auroit connu, mais il y a apparence qu'elle auroit aimé ce qu'elle auroit connu: à-présent nous n'aimons presque que ce que nous ne connoissons pas. Notre maniere d'être est entierement arbitraire; nous pouvions avoir été faits comme nous sommes ou autrement; mais si nous avions été faits autrement, nous aurions senti autrement; un organe de plus ou de moins dans notre machine, auroit sait une autre éloquence, une autre poésie; une contexture différente des mêmes organes auroit fait encore une autre poésie: par exemple, si la constitution de nos organes nous avoit rendu capables d'une plus longue attention, toutes les regles qui proportionnent la disposition du sujet à la mesure de notre attention, ne seroient plus; si nous avions été rendus capables de plus de pénétration, toutes les regles qui sont fondées sur la mesure de notre pénétration, tomberoient de même; enfin toutes les lois établies sur ce que notre machine est d'une certaine façon, seroient différentes si notre machine n'étoit pas de cette façon. Si notre vûe avoit été plus foible & plus confuse, il auroit fallu moins de moulures & plus d'uniformité dans les membres de l'Architecture: si notre vûe avoit été plus distincte, & notre ame capable d'embrasser plus de choses à-la-fois, il auroit fallu dans l'Architecture plus d'ornemens. Si nos oreilles avoient été faites comme celles de certains animaux, il auroit fallu réformer bien de nos instrumens de Musique: je sais bien que les rapports que les choses ont entre elles auroient subsiste; mais le rapport qu'elles ont avec nous ayant changé, les choses qui dans l'état présent font un certain effet sur nous, ne le feroient plus; & comme la perfection des Arts est de nous présenter les choses telles qu'elles nous fassent le plus de plaisir qu'il est possible, il faudroit qu'il y eût du changement dans les Arts, puisqu'il y en auroit dans la maniere la plus propre à nous donner du plaisir. On croit d'abord qu'il suffiroit de connoître les diverses sources de nos plaisirs, pour avoir le goût , & que quand on a lu ce que la Philosophie nous dit là-dessus, on a du goût , & que l'on peut hardiment juger des ouvrages. Mais le goût naturel n'est pas une connoissance de théorie; c'est une application prompte & exquise des regles même que l'on ne connoît pas. Il n'est pas nécessaire de savoir que le plaisir que nous donne une certaine chose que nous trouvons belle, vient de la surprise; ii suffit qu'elle nous surprenne & qu'elle nous surprenne autant qu'elle le doit, ni plus ni moins. Ainsi ce que nous pourrions dire ici, & tous les préceptes que nous pourrions donner pour former le goût , ne peuvent regarder que le goût acquis, c'est-à-dire ne peuvent regarder directement que ce goût acquis, quoiqu'il regarde encore indirectement le goût naturel: car le goût acquis affecte, change, augmente & diminue le goût naturel, comme le goût naturel affecte, change, augmente & diminue le goût acquis. La définition la plus générale du goût , sans considérer s'il est bon ou mauvais, juste ou non, est ce qui nous attache à une chose par le sentiment; ce qui n'empêche pas qu'il ne puisse s'appliquer aux choses intellectuelles, dont la connoissance fait tant de plaisir à l'ame, qu'elle étoit la seule félicité que de certains philosophes pussent comprendre. L'ame connoît par ses idées & par ses sentimens; elle reçoit des plaisirs par ces idées & par ces sentimens: car quoique nous opposions l'idée au sentiment, cependant lorsqu'elle voit une chose, elle la sent; & il n'y a point de choses si intellectuelles, qu'elle ne voye ou ne croye voir, & par conséquent qu'elle ne sente. De l'esprit en général . L'esprit est le genre qui a sous lui plusieurs especes, le génie, le bon sens, le discernement, la justesse, le talent, le goût . L'esprit consiste à avoir les organes bien constitués, relativement aux choses où il s'applique. Si la chose est extremement particuliere, il se nomme talent; s'il a plus de rapport à un certain plaisir délicat des gens du monde, il se nomme goût; si la chose particuliere est unique chez un peuple, le talent se nomme esprit , comme l'art de la guerre & l'Agriculture chez les Romains, la Chasse chez les sauvages, &c. De la curiosité . Notre ame est faite pour penser, c'est-à-dire pour appercevoir; or un tel être doit avoir de la curiosité: car comme toutes les choses sont dans une chaine où chaque idée en précede une & en suit une autre, on ne peut aimer à voir une chose sans desirer d'en voir une autre; & si nous n'avions pas ce desir pour celle ci, nous n'aurions eu aucun plaisir à celle-là. Ainsi quand on nous montre une partie d'un tableau, nous souhaitons de voir la partie que l'on nous cache à-proportion du plaisir que nous a fait celle que nous avons vûe. C'est donc le plaisir que nous donne un objet qui nous porte vers un autre; c'est pour cela que l'ame cherche toûjours des choses nouvelles, & ne se repose jamais. Ainsi on sera toûjours sûr de plaire à l'ame, lorsqu'on lui fera voir beaucoup de choses ou plus qu'elle n'avoit espéré d'en voir. Par-là on peut expliquer la raison pourquoi nous avons du plaisir lorsque nous voyons un jardin bien régulier, & que nous en avons encore lorsque nous voyons un lieu brut & champêtre: c'est la même cause qui produit ces effets. Comme nous aimons à voir un grand nombre d'objets, nous voudrions étendre notre vue, être en plusieurs lieux, parcourir plus d'espace: enfin notre ame fuit les bornes, & elle voudroit, pour ainsi dire, étendre la sphere de sa présence; ainsi c'est un grand plaisir pour elle de porter sa vûe au loin. Mais comment le faire? dans les villes, notre vûe est bornée par des maisons; dans les campagnes, elle l'est par mille obstacles: à peine pouvons-nous voir trois ou quatre arbres. L'art vient à notre secours, & nous découvre la nature qui se cache elle-même; nous aimons l'art & nous l'aimons mieux que la nature, c'est-à-dire la nature dérobée à nos yeux: mais quand nous trouvons de belles situations, quand notre vûe en liberté peut voir au loin des prés, des ruisseaux, des collines, & ces dispositions qui sont, pour ainsi dire créées exprès, elle est bien autrement enchantée que lorsqu'elle voit les jardins de le Nôtre, parce que la nature ne se copie pas, au lieu que l'art se ressemble toûjours. C'est pour cela que dans la Peinture nous aimons mieux un paysage que le plan du plus beau jardin du monde; c'est que la Peinture ne prend la nature que là où elle est belle, là où la vûe se peut porter au loin & dans toute son étendue, là où elle est variée, là où elle peut être vûe avec plaisir. Ce qui fait ordinairement une grande pensée, c'est lorsque l'on dit une chose qui en fait voir un grand nombre d'autres, & qu'on nous fait découvrir tout-d'un-coup ce que nous ne pouvions espérer qu'après une grande lecture. Florus nous représente en peu de paroles toutes les fautes d'Annibal: « lorsqu'il pouvoit, dit-il, se servir de la victoire, il aima mieux en joüir »; cùm victoriâ posset uti, frui maluit . Il nous donne une idée de toute la guerre de Macédoine, quand il dit: « ce fut vaincre que d'y entrer », introisse victoria fuit . Il nous donne tout le spectacle de la vie de Scipion, quand il dit de sa jeunesse: « c'est le Scipion qui croît pour la destruction de l'Afrique »; hic erit Scipio, qui in exitium Asricae crescit . Vous croyez voir un enfant qui croit & s'éleve comme un géant. Enfin il nous fait voir le grand caractere d'Annibal, la situation de l'univers, & toute la grandeur du peuple romain, lorsqu'il dit: « Annibal fugitif cherchoit au peuple romain un ennemi par tout l'univers »; qui profugus ex Africâ, hostem populo romano toto orbe quaerebat . Des plaisirs de l'ordre . Il ne suffit pas de montrer à l'ame beaucoup de choses, il faut les lui montrer avec ordre; car pour lors nous nous ressouvenons de ce que nous avons vu, & nous commençons à imaginer ce que nous verrons; notre ame se félicite de son étendue & de sa pénétration: mais dans un ouvrage où il n'y a point d'ordre, l'ame sent à chaque instant troubler celui qu'elle y veut mettre. La suite que l'auteur s'est faite, & celle que nous nous faisons se confondent; l'ame ne retient rien, ne prévoit rien; elle est humiliée par la confusion de ses idées, par l'inanité qui lui reste; elle est vainement fatiguée & ne peut goûter aucun plaisir; c'est pour cela que quand le dessein n'est pas d'exprimer ou de montrer la confusion, on met toûjours de l'ordre dans la confusion même. Ainsi les Peintres grouppent leurs figures; ainsi ceux qui peignent les batailles mettent-ils sur le devant de leurs tableaux les choses que l'oeil doit distinguer, & la confusion dans le fond & le lointain. Des plaisirs de la variété . Mais s'il faut de l'ordre dans les choses, il faut aussi de la variété: sans cela l'ame languit; car les choses semblables lui paroissent les mêmes; & si une partie d'un tableau qu'on nous découvre, ressembloit à une autre que nous aurions vue, cet objet seroit nouveau sans le paroitre, & ne seroit aucun plaisir; & comme les beautés des ouvrages de l'art semblables à celles de la nature, ne consistent que dans les plaisirs qu'elles nous font, il faut les rendre propres le plus que l'on peut à varier ces plaisirs; il faut faire voir à l'ame des choses qu'elle n'a pas vûes; il faut que le sentiment qu'on lui donne soit different de celui qu'elle vient d'avoir. C'est ainsi que les histoires nous plaisent par la variété des récits, les romans par la variété des prodiges, les pieces de théatre par la variété des passions, & que ceux qui savent instruire modifient le plus qu'ils peuvent le ton uniforme de l'instruction. Une longue uniformité rend tout insupportable; le même ordre des périodes long-tems continué, accable dans une harangue: les mêmes nombres & les mêmes chûtes mettent de l'ennui dans un long poëme. S'il est vrai que l'on ait fait cette fameuse allée de Moscou à Petersbourg, le voyageur doit périr d'ennui renfermé entre les deux rangs de cette allée; & celui qui aura voyagé long-tems dans les Alpes, en descendra dégoûte des situations les plus heureuses & des points de vûe les plus charmans. L'ame aime la variété, mais elle ne l'aime, avons-nous dit, que parce qu'elle est faite pour connoitre & pour voir. il faut donc qu'elle puisse voir, & que la variété le lui permette, c'est-à-dire, il faut qu'une chose soit assez simple pour être apperçûe, & assez variée pour être apperçûe avec plaisir. Il y a des choses qui paroissent variées & ne le sont point, d'autres qui paroissent uniformes & sont très-variées. L'architecture gothique paroît très-variée, mais la confusion des ornemens fatigue par leur petitesse; ce qui fait qu'il n'y en a aucun que nous puissions distinguer d'un autre, & leur nombre fait qu'il n'y en a aucun sur lequel l'oeil puisse s'arrêter: de maniere qu'elle déplaît par les endroits même qu'on a choisis pour la rendre agréable. Un bâtiment d'ordre gothique est une espece d'énigme pour l'oeil qui le voit, & l'ame est embarrassée, comme quand on lui présente un poëme obscur. L'architecture greque, au contraire, paroît uniforme; mais comme elle a les divisions qu'il faut & autant qu'il en faut pour que l'ame voye précisément ce qu'elle peut voir sans se fatiguer, mais qu'elle en voye assez pour s'occuper; elle a cette variété qui fait regarder avec plaisir. Il faut que les grandes choses ayent de grandes parties; les grands hommes ont de grands bras, les grands arbres de grandes branches, & les grandes montagnes sont composées d'autres montagnes qui sont au-dessus & au-dessous; c'est la nature des choses qui fait cela. L'architecture greque qui a peu de divisions & de grandes divisions, imite les grandes choses; l'ame sent une certaine majesté qui y regne par-tout. C'est ainsi que la Peinture divise en grouppes de trois ou quatre figures, celles qu'elle représente dans un tableau; elle imite la nature, une nombreuse troupe se divise toûjours en pelotons; & c'est encore ainsi que la Peinture divise en grande masse ses clairs & ses obscurs. Des plaisirs de la symmétrie . J'ai dit que l'ame aime la variété; cependant dans la plûpart des choses elle aime à voir une espece de symmétrie; il semble que cela renferme quelque contradiction: voici comment j'explique cela. Une des principales causes des plaisirs de notre ame lorsqu'elle voit des objets, c'est la facilité qu'elle a à les appercevoir; & la raison qui fait que la symmétrie plait à l'ame, c'est qu'elle lui épargne de la peine, qu'elle la soulage, & qu'elle coupe pour ainsi dire l'ouvrage par la moitié. De-là suit une regle générale: par-tout où la symmétrie est utile à l'ame & peut aider ses fonctions, elle lui est agréable; mais par tout où elle est inutile elle est fade, parce qu'elle ôte la variété. Or les choses que nous voyons successivement, doivent avoir de la varieté; car notre ame n'a aucune difficulté à les voir; celles au contraire que nous appercevons d'un coup-d'oeil, doivent avoir de la symmétrie. Ainsi comme nous appercevons d'un coup-d'oeil la façade d'un bâtiment, un parterre, un temple, on y met de la symmétrie qui plait à l'ame par la facilité qu'elle lui donne d'embrasser d'abord tout l'objet. Comme il faut que l'objet que l'on doit voir d'un coup-d'oeil soit simple, il faut qu'il soit unique, & que les parties se rapportent toutes à l'objet principal; c'est pour cela encore qu'on aime la symmétrie, elle fait un tout ensemble. Il est dans la nature qu'un tout soit achevé, & l'ame qui voit ce tout, veut qu'il n'y ait point de partie imparfaite. C'est encore pour cela qu'on aime la symmétrie; il faut une espece de pondération ou de balancement, & un bâtiment avec une aile ou une aile plus courte qu'une autre, est aussi peu fini qu'un corps avec un bras, ou avec un bras trop court. Des contrastes . L'ame aime la symmétrie, mais elle aime aussi les contrastes; ceci demande bien des explications. Par exemple: Si la nature demande des peintres & des sculpteurs, qu'ils mettent de la symmétrie dans les parties de leurs figures, elle veut au contraire qu'ils mettent des contrastes dans les attitudes. Un pié rangé comme un autre, un membre qui va comme un autre, sont insupportables; la raison en est que cette symmétrie fait que les attitudes sont presque toûjours les mêmes, comme on le voit dans les figures gothiques qui se ressemblent toutes par là. Ainsi il n'y a plus de variété dans les productions de l'art. De plus la nature ne nous a pas situés ainsi; & comme elle nous a donné du mouvement, elle ne nous a pas ajustés dans nos actions & nos manieres comme des pagodes; & si les hommes gênés & ainsi contraints sont insupportables, que sera-ce des productions de l'art? Il faut donc mettre des contrastes dans les attitudes, sur-tout dans les ouvrages de Sculpture, qui naturellement froide, ne peut mettre de feu que par la force du contraste & de la situation. Mais, comme nous avons dit que la variété que l'on a cherché à mettre dans le gothique lui a donné de l'uniformité, il est souvent arrivé que la variété que l'on a cherché à mettre par le moyen des contrastes, est devenu une symmétrie & une vicieuse uniformité. Ceci ne se sent pas seulement dans de certains ouvrages de Sculpture & de Peinture, mais aussi dans le style de quelques écrivains, qui dans chaque phrase mettent toûjours le commencement en contraste avec la fin par des antitheses continuelles, tels que S. Augustin & autres auteurs de la basse latinité, & quelques-uns de nos modernes, comme Saint-Evremont: le tour de phrase toûjours le même & toûjours uniforme déplaît extrèmement; ce contraste perpétuel devient symmétrie, & cette opposition toûjours recherchée devient uniformité. L'esprit y trouve si peu de variété, que lorsque vous avez vû une partie de la phrase, vous devinez toûjours l'autre: vous voyez des mots opposés, mais opposés de la même maniere; vous voyez un tour dans la phrase, mais c'est toûjours le même. Bien des peintres sont tombés dans le défaut de mettre des contrastes par-tout & sans ménagement, desorte que lorsqu'on voit une figure, on devine d'abord la disposition de celles d'à côté; cette continuelle diversité devient quelque chose de semblable; d'ailleurs la nature qui jette les choses dans le desordre, ne montre pas l'affectation d'un contraste continuel, sans compter qu'elle ne met pas tous les corps en mouvement, & dans un mouvement forcé. Elle est plus variée que cela, elle met les uns en repos, & elle donne aux autres différentes sortes de mouvement. Si la partie de l'ame qui connoît aime la variété, celle qui sent ne la cherche pas moins; car l'ame ne peut pas soûtenir long-tems les mêmes situations, parce qu'elle est liée à un corps qui ne peut les souffrir; pour que notre ame soit excitée, il faut que les esprits coulent dans les nerfs. Or il y a là deux choses, une lassitude dans les nerfs, une cessation de la part des esprits qui ne coulent plus, ou qui se dissipent des lieux où ils ont coulé. Ainsi tout nous fatigue à la longue, & sur-tout les grands plaisirs: on les quitte toûjours avec la même satisfaction qu'on les a pris; car les fibres qui en ont été les organes ont besoin de repos; il faut en employer d'autres plus propres à nous servir, & distribuer pour ainsi dire le travail. Notre ame est lasse de sentir; mais ne pas sentir, c'est tomber dans un anéantissement qui l'accable. On remédie à tout en variant ses modifications; elle sent, & elle ne se lasse pas. Des plaisirs de la surprise . Cette disposition de l'ame qui la porte toûjours vers différens objets, fait qu'elle goûte tous les plaisirs qui viennent de la surprise; sentiment qui plaît à l'ame par le spectacle & par la promptitude de l'action, car elle apperçoit ou sent une chose qu'elle n'attend pas, ou d'une maniere qu'elle n'attendoit pas. Une chose peut nous surprendre comme merveilleuse, mais aussi comme nouvelle, & encore comme inattendue; & dans ces derniers cas, le sentiment principal se lie à un sentiment accessoire fondé sur ce que la chose est nouvelle ou inattendue. C'est par-là que les jeux de hasard nous piquent; ils nous font voir une suite continuelle d'événemens non attendus; c'est par-là que les jeux de société nous plaisent; ils sont encore une suite d'évenemens imprévûs, qui ont pour cause l'adresse jointe au hasard. C'est encore par-là que les pieces de théatre nous plaisent; elles se développent par degrés, cachent les évenemens jusqu'à ce qu'ils arrivent, nous préparent toûjours de nouveaux sujets de surprise, & souvent nous piquent en nous les montrant tels que nous aurions dû les prévoir. Enfin les ouvrages d'esprit ne sont ordinairement lûs que parce qu'ils nous ménagent des surprises agréables, & suppléent à l'insipidité des conversations presque toûjours languissantes, & qui ne font point ce effet. La surprise peut être produite par la chose ou par la maniere de l'appercevoir; car nous voyons une chose plus grande ou plus petite qu'elle n'est en effet, ou différente de ce qu'elle est, ou bien nous voyons la chose même, mais avec une idée accessoire qui nous surprend. Telle est dans une chose l'idée accessoire de la difficulté de l'avoir faite, ou de la personne qui l'a faite, ou du tems où elle a été faite, ou de la maniere dont elle a été faite, ou de quelque autre circonstance qui s'y joint. Suétone nous décrit les crimes de Néron avec un sang froid qui nous surprend, en nous faisant presque croire qu'il ne sent point l'horreur de ce qu'il décrit; il change de ton tout-à-coup & dit: l'univers ayant souffert ce monstre pendant quatorze ans, enfin il l'abandonna: tale monstrum per quatuordecim annos perpessus terrarum orbis tandem destituit . Ceci produit dans l'esprit différentes sortes de surprises; nous sommes surpris du changement de style de l'auteur, de la découverte de sa différente maniere de penser, de sa façon de rendre en aussi peu de mots une des grandes révolutions qui soit arrivée; ainsi l'ame trouve un très grand nombre de sentimens différens qui concourent à l'ébranler & à lui composer un plaisir. Des diverses causes qui peuvent produire un sentiment . Il faut bien remarquer qu'un sentiment n'a pas ordinairement dans notre ame une cause unique; c'est, si j'ose me servir de ce terme, une certaine dose qui en produit la force & la variété. L'esprit consiste à savoir frapper plusieurs organes à-la-fois; & si l'on examine les divers écrivains, on verra peut-être que les meilleurs & ceux qui ont plû davantage, sont ceux qui ont excité dans l'ame plus de sensations en même tems. Voyez, je vous prie, la multiplicité des causes; nous aimons mieux voir un jardin bien arrangé, qu'une confusion d'arbres; 1°. parce que notre vûe qui seroit arrêtée ne l'est pas; 2°. chaque allée est une, & forme une grande chose, au lieu que dans la confusion, chaque arbre est une chose & une petite chose; 3°. nous voyons un arrangement que nous n'avons pas coûtume de voir; 4°. nous savons bon gré de la peine que l'on a pris; 5°. nous admirons le soin que l'on a de combattre sans cesse la nature, qui par des productions qu'on ne lui demande pas, cherche à tout confondre: ce qui est si vrai, qu'un jardin négligé nous est insupportable; quelquefois la difficulté de l'ouvrage nous plaît, quelquefois c'est la facilité; & comme dans un jardin magnifique nous admirons la grandeur & la dépense du maître, nous voyons quelquefois avec plaisir qu'on a eu l'art de nous plaire avec peu de dépense & de travail. Le jeu nous plaît parce qu'il satisfait notre avarice, c'est-à-dire l'espérance d'avoir plus. Il flatte notre vanité par l'idée de la préférence que la fortune nous donne, & de l'attention que les autres ont sur notre bonheur; il satisfait notre curiosité, en nous donnant un spectacle. Enfin il nous donne les différens plaisirs de la surprise. La danse nous plaît par la legereté, par une certaine grace, par la beauté & la variété des attitudes, par sa liaison avec la Musique, la personne qui danse étant comme un instrument qui accompagne; mais sur-tout elle plaît par une disposition de notre cerveau, qui est telle qu'elle ramene en secret l'idée de tous les mouvemens à de certains mouvemens, la plûpart des attitudes à de certaines attitudes. De la sensibilité . Presque toûjours les choses nous plaisent & déplaisent à différens égards: par exemple les virtuosi d'Italie nous doivent faire peu de plaisir; 1°. parce qu'il n'est pas étonnant qu'accommodés comme ils sont, ils chantent bien; ils sont comme un instrument dont l'ouvrier a retranché du bois pour lui faire produire des sons. 2°. Parce que les passions qu'ils jouent sont trop suspectes de fausseté. 3°. Parce qu'ils ne sont ni du sexe que nous aimons, ni de celui que nous estimons; d'un autre côté ils peuvent nous plaire, parce qu'ils conservent très long-tems un air de jeunesse, & de plus parce qu'ils ont une voix flexible & qui leur est particuliere; ainsi chaque chose nous donne un sentiment, qui est composé de beaucoup d'autres, lesquels s'affoiblissent & se choquent quelquefois. Souvent notre ame se compose elle-même des raisons de plaisir, & elle y réussit sur-tout par les liaisons qu'elle met aux choses; ainsi une chose qui nous a plu nous plaît encore, par la seule raison qu'elle nous a plu, parce que nous joignons l'ancienne idée à la nouvelle: ainsi une actrice qui nous a plu sur le théatre, nous plaît encore dans la chambre; sa voix, sa déclamation, le souvenir de l'avoir vûe admirer, que dis-je, l'idée de la princesse jointe à la sienne, tout cela fait une espece de mélange qui forme & produit un plaisir. Nous sommes tous pleins d'idées accessoires. Une femme qui aura une grande réputation & un leger défaut, pourra le mettre en crédit & le faire regarder comme une grace. La plûpart des femmes que nous aimons n'ont pour elles que la prévention sur leur naissance ou leurs biens, les honneurs ou l'estime de certaines gens. De la délicatesse . Les gens délicats sont ceux qui à chaque idée ou à chaque goût , joignent beaucoup d'idées ou beaucoup de goûts accessoires. Les gens grossiers n'ont qu'une sensation, leur ame ne sait composer ni décomposer; ils ne joignent ni n'ôtent rien à ce que la nature donne, au lieu que les gens délicats dans l'amour se composent la plûpart des plaisirs de l'amour. Polixene & Apicius portoient à la table bien des sensations inconnues à nous autres mangeurs vulgaires; & ceux qui jugent avec goût des ouvrages d'esprit, ont & se sont fait une infinité de sensations que les autres hommes n'ont pas. Du je ne sai quoi . Il y a quelquefois dans les personnes ou dans les choses un charme invisible, une grace naturelle, qu'on n'a pu définir, & qu'on a été forcé d'appeller le je ne sai quoi . Il me semble que c'est un effet principalement fondé sur la surprise. Nous sommes touchés de ce qu'une personne nous plaît plus qu'elle ne nous a paru d'abord devoir nous plaire; & nous sommes agréablement surpris de ce qu'elle a sû vaincre des défauts que nos yeux nous montrent, & que le coeur ne croit plus: voilà pourquoi les femmes laides ont très souvent des graces, & qu'il est rare que les belles en ayent; car une belle personne fait ordinairement le contraire de ce que nous avions attendu; elle parvient à nous paroître moins aimable; après nous avoir surpris en bien, elle nous surprend en mal: mais l'impression du bien est ancienne, celle du mal nouvelle; aussi les belles personnes font elles rarement les grandes passions, presque toûjours reservées à celles qui ont des graces, c'est-à-dire des agrémens que nous n'attendions point, & que nous n'avions pas sujet d'attendre. Les grandes parures ont rarement de la grace, & souvent l'habillement des bergeres en a. Nous admirons la majesté des draperies de Paul Veronese; mais nous sommes touchés de la simplicité de Raphael, & de la pureté du Correge. Paul Veronese promet beaucoup, & paye ce qu'il promet. Raphael & le Correge promettent peu & payent beaucoup, & cela nous plaît davantage. Les graces se trouvent plus ordinairement dans l'esprit que dans le visage; car un beau visage paroît d'abord & ne cache presque rien: mais l'esprit ne se montre que peu-à-peu, que quand il veut, & autant qu'il veut; il peut se cacher pour paroître, & donner cette espece de surprise qui fait les graces. Les graces se trouvent moins dans les traits du visage que dans les manieres; car les manieres naissent à chaque instant, & peuvent à tous les momens créer des surprises: en un mot une femme ne peut guere être belle que d'une façon, mais elle est jolie de cent mille. La loi des deux sexes a établi parmi les nations policées & sauvages, que les hommes demanderoient, & que les femmes ne feroient qu'accorder: de-là il arrive que les graces sont plus particulierement attachées aux femmes. Comme elles ont tout à défendre, elles ont tout à cacher; la moindre parole, le moindre geste, tout ce qui sans choquer le premier devoir se montre en elles, tout ce qui se met en liberté, devient une grace, & telle est la sagesse de la nature, que ce qui ne seroit rien sans la loi de la pudeur, devient d'un prix infini depuis cette heureuse loi, qui fait le bonheur de l'Univers. Comme la gêne & l'affectation ne sauroient nous surprendre, les graces ne se trouvent ni dans les manieres gênées, ni dans les manieres affectées, mais dans une certaine liberté ou facilité qui est entre les deux extrémités, & l'ame est agréablement surprise de voir que l'on a évité les deux écueils. Il sembleroit que les manieres naturelles devroient être les plus aisées; ce sont celles qui le sont le moins, car l'éducation qui nous gêne, nous fait toûjours perdre du naturel: or nous sommes charmés de le voir revenir. Rien ne nous plaît tant dans une parure, que lorsqu'elle est dans cette négligence, ou même dans ce desordre qui nous cachent tous les soins que la propreté n'a pas exigés, & que la seule vanité auroit fait prendre; & l'on n'a jamais de graces dans l'esprit que lorsque ce que l'on dit paroît trouvé, & non pas recherché. Lorsque vous dites des choses qui vous ont coûté, vous pouvez bien faire voir que vous avez de l'esprit, & non pas des graces dans l'esprit. Pour le faire voir, il faut que vous ne le voyiez pas vous-même, & que les autres, à qui d'ailleurs quelque chose de naïf & de simple en vous ne promettoit rien de cela, soient doucement surpris de s'en appercevoir. Ainsi les graces ne s'acquierent point; pour en avoir, il faut être naïf. Mais comment peut-on travailler à être naïf? Une des plus belles fictions d'Homere, c'est celle de cette ceinture qui donnoit à Vénus l'art de plaire. Rien n'est plus propre à faire sentir cette magie & ce pouvoir des graces, qui semblent être données à une personne par un pouvoir invisible, & qui sont distinguées de la beauté même. Or cette ceinture ne pouvoit être donnée qu'à Vénus; elle ne pouvoit convenir à la beauté majestueuse de Junon, car la majesté demande une certaine gravité, c'est-à-dire une contrainte opposée à l'ingénuité des graces; elle ne pouvoit bien convenir à la beauté fiere de Pallas, car la fierté est opposée à la douceur des graces, & d'ailleurs peut souvent être soupçonnée d'affectation. Progression de la surprise . Ce qui fait les grandes beautés, c'est lorsqu'une chose est telle que la surprise est d'abord médiocre, qu'elle se soûtient, augmente, & nous mene ensuite à l'admiration. Les ouvrages de Raphael frappent peu au premier coup-d'oeil; il imite si bien la nature, que l'on n'en est d'abord pas plus étonné que si l'on voyoit l'objet même, lequel ne causeroit point de surprise: mais une expression extraordinaire, un coloris plus fort, une attitude bisarre d'un peintre moins bon, nous saisit du premier coup-d'oeil, parce qu'on n'a pas coûtume de la voir ailleurs. On peut comparer Raphael à Virgile; & les peintres de Venise avec leurs attitudes forcées, à Lucain. Virgile plus naturel frappe d'abord moins, pour frapper ensuite plus. Lucain frappe d'abord plus, pour frapper ensuite moins. L'exacte proportion de la fameuse église de Saint Pierre, fait qu'elle ne paroît pas d'abord aussi grande qu'elle l'est; car nous ne savons d'abord où nous prendre pour juger de sa grandeur. Si elle étoit moins large, nous serions frappés de sa longueur; si elle étoit moins longue, nous le serions de sa largeur. Mais à mesure que l'on examine, l'oeil la voit s'aggrandir, l'étonnement augmente. On peut la comparer aux Pyrenées, où l'oeil qui croyoit d'abord les mesurer, decouvre des montagnes derriere les montagnes, & se perd toûjours davantage. Il arrive souvent que notre ame sent du plaisir lorsqu'elle a un sentiment qu'elle ne peut pas démêler elle-même, & qu'elle voit une chose absolument différente de ce qu'elle sait être; ce qui lui donne un sentiment de surprise dont elle ne peut pas sortir. En voici un exemple. Le dôme de Saint-Pierre est immense; on sait que Michel-Ange voyant le panthéon, qui étoit le plus grand temple de Rome, dit qu'il en vouloit faire un pareil, mais qu'il vouloit le mettre en l'air. Il fit donc sur ce modele le dôme de Saint-Pierre: mais il fit les piliers si massifs, que ce dôme qui est comme une montagne que l'on a sur la tête, paroît leger à l'oeil qui le considere. L'ame reste donc incertaine entre ce qu'elle voit & ce qu'elle sait, & elle reste surprise de voir une masse en même tems si énorme & si legere. Des beautés qui résultent d'un certain embarras de l'ame . Souvent la surprise vient à l'ame de ce qu'elle ne peut pas concilier ce qu'elle voit avec ce qu'elle a vû. Il y a en Italie un grand lac, qu'on appelle le lac majeur; c'est une petite mer dont les bords ne montrent rien que de sauvage. A quinze milles dans le lac sont deux îles d'un quart de mille de tour, qu'on appelle les Borromées , qui est à mon avis le séjour du monde le plus enchanté. L'ame est étonnée de ce contraste romanesque, de rappeller avec plaisir les merveilles des romans, où après avoir passé par des rochers & des pays arides, on se trouve dans un lieu fait pour les fées. Tous les contrastes nous frappent, parce que les choses en opposition se relevent toutes les deux: ainsi lorsqu'un petit homme est auprès d'un grand, le petit fait paroître l'autre plus grand, & le grand fait paroître l'autre plus petit. Ces sortes de surprises font le plaisir que l'on trouve dans toutes les beautés d'opposition, dans toutes les antithèses & figures pareilles. Quand Florus dit: « Sore & Algide, qui le croiroit! nous ont été formidables, Satrique & Cornicule étoient des provinces: nous rougissons des Boriliens & des Véruliens; mais nous en avons triomphé: enfin Tibur notre fauxbourg, Preneste où sont nos maisons de plaisance, étoient le sujet des voeux que nous allions faire au capitole »; cet auteur, dis-je, nous montre en même tems la grandeur de Rome & la petitesse de ses commencemens, & l'étonnement porte sur ces deux choses. On peut remarquer ici combien est grande la différence des antitheses d'idées, d'avec les antithèses d'expression. L'antithèse d'expression n'est pas cachée, celle d'idées l'est: l'une a toûjours le même habit, l'autre en change comme on veut: l'une est variée, l'autre non. Le même Florus en parlant des Samnites, dit que leurs villes furent tellement détruites, qu'il est difficile de trouver à-présent le sujet de vingt-quatre triomphes, ut non facile appareat materia quatuor & viginti triumphorum . Et par les mêmes paroles qui marquent la destruction de ce peuple, il fait voir la grandeur de son courage & de son opiniâtreté. Lorsque nous voulons nous empêcher de rire, notre rire redouble à cause du contraste qui est entre la situation où nous sommes & celle où nous devrions être: de même, lorsque nous voyons dans un visage un grand défaut, comme par exemple un très-grand nez, nous rions à cause que nous voyons que ce contraste avec les autres traits du visage ne doit pas être. Ainsi les contrastes sont cause des défauts, aussi bien que des beautés. Lorsque nous voyons qu'ils sont sans raison, qu'ils relevent ou éclairent un autre défaut, ils sont les grands instrumens de la laideur, laquelle, lorsqu'elle nous frappe subitement, peut exciter une certaine joie dans notre ame, & nous faire rire. Si notre ame la regarde comme un malheur dans la personne qui la possede, elle peut exciter la pitié. Si elle la regarde avec l'idée de ce qui peut nous nuire, & avec une idée de comparaison avec ce qui a coûtume de nous émouvoir & d'exc ter nos desirs, elle la regarde avec un sentiment d'aversion. De même dans nos pensées, lorsqu'elles contiennent une opposition qui est contre le bon sens, lorsque cette opposition est commune & aisée à trouver, elles ne plaisent point & sont un défaut, parce qu'elles ne causent point de surprise; & si au contraire elles sont trop recherchées, elles ne plaisent pas non plus. Il faut que dans un ouvrage on les sente parce qu'elles y sont, & non pas parce qu'on a voulu les montrer; car pour lors la surprise ne tombe que sur la sottise de l'auteur. Une des choses qui nous plaît le plus, c'est le naïf, mais c'est aussi le style le plus difficile à attraper; la raison en est qu'il est precisément entre le noble & le bas; & il est si près du bas, qu'il est très-difficile de le côtoyer toûjours sans y tomber. Les Musiciens ont reconnu que la Musique qui se chante le plus facilement, est la plus difficile à composer; preuve certaine que nos plaisirs & l'art qui nous les donne, sont entre certaines limites. A voir les vers de Corneille si pompeux, & ceux de Racine si naturels, on ne devineroit pas que Corneille travailloit facilement, & Racine avec peine. Le bas est le sublime du peuple, qui aime à voir une chose faite pour lui & qui est à sa portée. Les idées qui se présentent aux gens qui sont bien élevés & qui ont un grand esprit, sont ou naïves, ou nobles, ou sublimes. Lorsqu'une chose nous est montrée avec des circonstances ou des accessoires qui l'aggrandissent, cela nous paroit noble: cela se sent sur-tour dans les comparaisons où l'esprit doit toûjours gagner & jamais perdre; car elles doivent toûjours ajoûter quelque chose, faire voir la chose plus grande, où s'il ne s'agit pas de grandeur, plus fine & plus délicate: mais il faut bien se donner de garde de montrer à l'ame un rapport dans le bas, car elle se le seroit caché si elle l'avoit découvert. Comme il s'agit de montrer des choses fines, l'ame aime mieux voir comparer une maniere à une maniere, une action à une action, qu'une chose à une chose, comme un heros à un lion, une femme à un astre, & un homme leger à un cerf. Michel-Ange est le maître pour donner de la noblesse à tous ses sujets. Dans son fameux Bacchus, il ne fait point comme les peintres de Flandres qui nous montrent une figure tombante, & qui est pour ainsi dire en l'air. Cela seroit indigne de la majesté d'un dieu. Il le peint ferme sur ses jambes; mais il lui donne si bien la gaieté de l'ivresse, & le plaisir à voir couler la liqueur qu'il verse dans sa coupe, qu'il n'y a rien de si admirable. Dans la passion qui est dans la galerie de Florence, il a peint la Vierge debout qui regarde son fils crucifié sans douleur, sans pitié, sans regret, sans larmes. Il la suppose instruite de ce grand mystere, & par-là lui fait soûtenir avec grandeur le spectacle de cette mort. Il n'y a point d'ouvrage de Michel-Ange où il n'ait mis quelque chose de noble. On trouve du grand dans ses ébauches même, comme dans ces vers que Virgile n'a point finis. Jules Romain dans sa chambre des géans à Mantoue, où il a représenté Jupiter qui les foudroye, fait voir tous les dieux effrayés; mais Junon est auprès de Jupiter, elle lui montre d'un air assuré un géant sur lequel il faut qu'il lance la foudre; par-là il lui donne un air de grandeur que n'ont pas les autres dieux; plus ils sont près de Jupiter, plus ils sont rassûrés; & cela est bien naturel, car dans une bataille la frayeur cesse auprès de celui qui a de l'avantage. . . . Ici finit le fragment . * La gloire de M. de Montesquieu, fondée sur des ouvrages de génie, n'exigeoit pas sans doute qu'on publiât ces fragmens qu'il nous a laissés; mais ils seront un témoignage éternel de l'intérêt que les grands hommes de la nation prirent à cet ouvrage; & l'on dira dans les siecles à venir: Voltaire & Montesquieu eurent part aussi à l'Encyclopédie. Nous terminerons cet article par un morceau qui nous paroit y avoir un rapport essentiel, & qui a été lû à l'Académie françoise le 14 Mars 1757. L'empressement avec lequel on nous l'a demandé, & la difficulté de trouver quelque autre article de l'Encyclopédie au quel ce morceau appartienne aussi directement, excusera peut-être la liberté que nous prenons de paroitre ici à la suite de deux hommes tels que M M. de Voltaire & de Montesquieu . Réflexions sur l'usage & sur l'abus de la Philosophie dans les matieres de goût. L'esprit philosophique, si célébré chez une partie de notre nation & si décrié par l'autre, a produit dans les Sciences & dans les Belles Lettres des effets contraires; dans les Sciences, il a mis des bornes séveres à la manie de tout expliquer, que l'amour des systèmes avoit introduite; dans les Belles-Lettres, il a entrepris d'analyser nos plaisirs & de soûmettre à l'examen tout ce qui est l'objet du goût . Si la sage timidité de la physique moderne a trouvé des contradicteurs, est-il surprenant que la hardiesse des nouveaux littérateurs ait eu le même sort? elle a dû principalement révolter ceux de nos écrivains qui pensent qu'en fait de goût comme dans des matieres plus sérieuses, toute opinion nouvelle & paradoxe doit être proscrite par la seule raison qu'elle est nouvelle. Il nous semble au contraire que dans les sujets de spéculation & d'agrément on ne sauroit laisser trop de liberté à l'industrie, dût-elle n'être pas toûjours également heureuse dans ses efforts. C'est en se permettant les écarts que le génie enfante les choses sublimes; permettons de même à la raison de porter au hasard & quelquefois sans succès son flambeau sur tous les objets de nos plaisirs, si nous voulons la mettre à portée de decouvrir au génie quelque route inconnue. La separation des vérités & des sophismes le fera bien tôt d'elle-même & nous en serons ou plus riches ou du-moins plus éclairés. Un des avantages de la Philosophie appliquée aux matieres de goût , est de nous guérir ou de nous garantir de la superstition littéraire; elle justifie notre estime pour les anciens en la rendant raisonnable; elle nous empêche d'encenser leurs fautes; elle nous fait voir leurs égaux dans plusieurs de nos bons écrivains modernes, qui pour s'être formés sur eux, se croyoient par une inconséquence modeste fort inférieurs à leurs maîtres. Mais l'analyse métaphysique de ce qui est l'objet du sentiment ne peut-elle pas faire chercher des raisons à ce qui n'en a point, émousser le plaisir en nous accoûtumant à discuter froidement ce que nous devons sentir avec chaleur, donner enfin des entraves au génie, & le rendre esclave & timide? Essayons de répondre à ces questions. Le goût , quoique peu commun, n'est point arbitraire; cette vérité est également reconnue de ceux qui reduisent le goût à sentir, & de ceux qui veulent le contraindre à raisonner. Mais il n'étend pas son ressort sur toutes les beautés dont un ouvrage de l'art est susceptible. Il en est de frappantes & de sublimes qui saisissent également tous les esprits, que la nature produit sans effort dans tous les siecles & chez tous les peuples, & dont par conséquent tous les esprits, tous les siecles, & tous les peuples sont juges. Il en est qui ne touchent que les ames sensibles & qui glissent sur les autres. Les beautés de cette espece ne sont que du second ordre, car ce qui est grand est préférable à ce qui n'est que fin; elles sont néanmoins celles qui demandent le plus de sagacité pour être produites & de délicatesse pour être senties; aussi sont-elles plus fréquentes parmi les nations chez lesquelles les agrémens de la société ont perfectionné l'art de vivre & de joüir. Ce genre de beautés faites pour le petit nombre, est proprement l'objet du goût , qu'on peut définir, le talent de démêler dans les ouvrages de l'art ce qui doit plaire aux ames sensibles & ce qui doit les blesser . Si le goût n'est pas arbitraire, il est donc fondé sur des principes incontestables; & ce qui en est une suite nécessaire, il ne doit point y avoir d'ouvrage de l'art dont on ne puisse juger en y appliquant ces principes. En effet la source de notre plaisir & de notre ennui est uniquement & entierement en nous; nous trouverons donc au-dedans de nous-mêmes, en y portant une vûe attentive, des regles générales & invariables de goût , qui seront comme la pierre de touche à l'épreuve de laquelle toutes les productions du talent pourront être soûmises. Ainsi le même esprit philosophique qui nous oblige, faute de lumieres suffisantes, de suspendre à chaque instant nos pas dans l'étude de la nature & des objets qui sont hors de nous, doit au contraire dans tout ce qui est l'objet du goût , nous porter à la discussion. Mais il n'ignore pas en même tems, que cette discussion doit avoir un terme. En quelque matiere que ce soit, nous devons desespérer de remonter jamais aux premiers principes, qui sont toûjours pour nous derriere un nuage: vouloir trouver la cause métaphysique de nos plaisirs, seroit un projet aussi chimérique que d'entreprendre d'expliquer l'action des objets sur nos sens. Mais comme en a su réduire à un petit nombre de sensations l'origine de nos connoissances, on peut de même réduire les principes de nos plaisirs en matiere de goût , à un petit nombre d'observations incontestables sur notre maniere de sentir. C'est jusque-là que le philosophe remonte, mais c'est-là qu'il s'arrête, & d'où par une pente naturelle il descend ensuite aux conséquences. La justesse de l'esprit, déjà si rare par elle-même, ne suffit pas dans cette analyse; ce n'est pas même encore assez d'une ame délicate & sensible; il faut de plus, s'il est permis de s'exprimer de la sorte, ne manquer d'aucun des sens qui composent le goût , Dans un ouvrage de Poésie, par exemple, on doit parler tantôt à l'imagination, tantôt au sentiment, tantôt à la raison, mais toûjours à l'organe; les vers sont une espece de chant sur lequel l'oreille est si inexorable, que la raison même est quelquefois contrainte de lui faire de legers sacrifices. Ainsi un philosophe dénué d'organe, eût-il d'ailleurs tout le reste, sera un mauvais juge en matiere de Poésie. Il prétendra que le plaisir qu'elle nous procure est un plaisir d'opinion; qu'il faut se contenter, dans quelque ouvrage que ce soit, de parler à l'esprit & à l'ame; il jettera même par des raisonnemens captieux un ridicule apparent sur le soin d'arranger des mots pour le plaisir de l'oreille. C'est ainsi qu'un physicien réduit au seul sentiment du toucher, prétendroit que les objets éloignés ne peuvent agir sur nos organes, & le prouveroit par des sophismes aux quels on ne pourroit répondre qu'en lui rendant l'oüie & la vûe. Notre philosophe croira n'avoir rien ôté à un ouvrage de Poésie, en conservant tous les termes & en les transposant pour détruire la mesure, & il attribuera à un préjugé dont il est esclave lui-même sans le vouloir, l'espece de langueur que l'ouvrage lui paroit avoir contractée par ce nouvel état. Il ne s'appercevra pas qu'en rompant la mesure, & en renversant les mots, il a détruit l'harmonie qui résultoit de leur arrangement & de leur liaison. Que diroit-on d'un musicien qui pour prouver que le plaisir de la mélodie est un plaisir d'opinion, dénatureroit un air fort agréable en transposant au hasard les sons dont il est composé? Ce n'est pas ainsi que le vrai philosophe jugera du plaisir que donne la Poésie. Il n'accordera sur ce point ni tout à la nature ni tout à l'opinion; il reconnoîtra que comme la musique a un effet général sur tous les peuples, quoique la musique des uns ne plaise pas toûjours aux autres, de même tous les peupes sont sensibles à l'harmonie poétique, quoique leur poésie soit fort différente. C'est en examinant avec attention cette différence, qu'il parviendra à déterminer jusqu'à quel point l'habitude influe sur le plaisir que nous font la Poésie & la Musique, ce que l'habitude ajoûte de réel à ce plaisir, & ce que l'opinion peut aussi y joindre d'illusoire. Car il ne confondra point le plaisir d'habitude avec celui qui est purement arbitraire & d'opinion; distinction qu'on n'a peut-être pas assez faite en cette matiere, & que néanmoins l'expérience journaliere rend incontestable. Il est des plaisirs qui dès le premier moment s'emparent de nous; il en est d'autres qui n'ayant d'abord éprouvé de notre part que de l'éloignement ou de l'indifférence, attendent pour se faire sentir, que l'ame ait été suffisamment ébranlée par leur action, & n'en sont alors que plus vifs. Combien de fois n'est-il pas arrivé qu'une musique qui nous avoit d'abord déplu, nous a ravis ensuite, lorsque l'oreille à force de l'entendre, est parvenue à en démêler toute l'expression & la finesse? Les plaisirs que l'habitude fait goûter peuvent donc n'être pas arbitraires, & même avoir eu d'abord le préjugé contre eux. C'est ainsi qu'un littérateur philosophe conservera à l'oreille tous ses droits. Mais en même tems, & c'est-là sur-tout ce qui le distingue, il ne croira pas que le soin de satis faire l'organe dispense de l'obligation encore plus importante de penser. Comme il sait que c'est la premiere loi du style, d'être à l'unisson du sujet, rien ne lui inspire plus de dégoût que des idées communes exprimées avec recherche, & parées du vain coloris de la versification: une prose médiocre & naturelle lui paroît préférable à la poésie qui au mérite de l'harmonie ne joint point celui des choses: c'est parce qu'il est sensible aux beautés d'image, qu'il n'en veut que de neuves & de frappantes; encore leur préfere-t-il les beautés de sentiment, & sur-tout celles qui ont l'avantage d'exprimer d'une maniere noble & touchante des verités utiles aux hommes. Il ne suffit pas à un philosophe d'avoir tous les sens qui composent le goût , il est encore nécessaire que l'exercice de ces sens n'ait pas été trop concentré dans un seul objet. Malebranche ne pouvoit lire sans ennui les meilleurs vers, quoiqu'on remarque dans son style les grandes qualités du poëte, l'imagination, le sentiment, & l'harmonie; mais trop exclusivement appliqué à ce qui est l'objet de la raison, ou plûtôt du raisonnement, son imagination se bornoit à enfanter des hypothèses philosophiques, & le degré de sentiment dont il étoit pourvu, à les embrasser avec ardeur comme des vérités. Quelque harmonieuse que soit sa prose, l'harmonie poétique étoit sans charmes pour lui, soit qu'en effet la sensibilité de son oreille fût bornée à l'harmonie de la prose, soit qu'un talent naturel lui fît produire de la prose harmonieuse sans qu'il s'en apperçût, comme son imagination le servoit sans qu'il s'en doutât, ou comme un instrument rend des accords sans le savoir. Ce n'est pas seulement à quelque défaut de sensibilité dans l'ame ou dans l'organe, qu'on doit attribuer les faux jugemens en matiere de goût . Le plaisir que nous fait éprouver un ouvrage de l'art, vient ou peut venir de plusieurs sources différentes; l'analyse philosophique consiste donc à savoir les distinguer & les séparer toutes, afin de rapporter à chacune ce qui lui appartient, & de ne pas attribuer notre plaisir à une cause qui ne l'ait point produit. C'est sans doute sur les ouvrages qui ont réussi en chaque genre, que les regles doivent être faites; mais ce n'est point d'après le résultat général du plaisir que ces ouvrages nous ont donné: c'est d'après une discussion réfléchie qui nous fasse discerner les endroits dont nous avons été vraiment affectés, d'avec ceux qui n'étoient destinés qu'à servir d'ombre ou de repos, d'avec ceux même où l'auteur s'est négligé sans le vouloir. Faute de suivre cette méthode, l'imagination échauffée par quelques beautés du premier ordre dans un ouvrage monstrueux d'ailleurs, fermera bien tôt les yeux sur les endroits foibles, transformera les défauts mêmes en beautés, & nous conduira par degrés à cet enthousiasme froid & stupide qui ne sent rien à force d'admirer tout, espece de paralysie de l'esprit, qui nous rend indignes & incapables de goûter les beautés réelles. Ainsi sur une impression confuse & machinale, ou bien on établira de faux principes de goût , ou, ce qui n'est pas moins dangereux, on érigera en principe ce qui est en soi purement arbitraire; on retrécira les bornes de l'art, & on prescrira des limites à nos plaisirs, parce qu'on n'en voudra que d'une seule espece & dans un seul genre, on tracera autour du talent un cercle étroit dont on ne lui permettra pas de sortir. C'est à la Philosophie à nous délivrer de ces liens; mais elle ne sauroit mettre trop de choix dans les armes dont elle se sert pour les briser. Feu M. de la Motte a avance que les vers n'étoient pas essentiels aux pieces de theatre: pour prouver cette opinion, très-soûtenable en elle-même, il a écrit contre la Poésie, & par là il n'a fait que nuire à sa cause; il ne lui restoit plus qu'à écrire contre la Musique, pour prouver que le chant n'est pas essentiel à la tragédie. Sans combattre le préjuge par des paradoxes, il avoit, ce me semble, un moyen plus court de l'attaquer; c'étoit d'écrire Inès de Castro en prose; l'extreme intérêt du sujet permettoit de risquer l'innovation, & peut-être aurions-nous un genre de plus. Mais l'envie de se distinguer fronde les opinions dans la theorie, & l'amour-propre qui craint d'échouer les ménage ge dans la pratique. Les Philosophes sont le contraire des législateurs; ceux-ci se dispensent des lois qu'ils imposent, ceux-là se soûmettent dans leurs ouvrages aux lois qu'ils condamnent dans leurs préfaces. Les deux causes d'erreur dont nous avons parlé jusqu'ici, le défaut de sensibilité d'une part, & de l'autre trop peu d'attention à démêler les principes de notre plaisir, seront la source éternelle de la dispute tant de fois renouvellée sur le mérite des anciens: leurs partisans trop enthousiastes font trop de graces à l'ensemble en faveur des détails; leurs adversaires trop raisonneurs ne rendent pas assez de justice aux détails, par les vices qu'ils remarquent dans l'ensemble. Il est une autre espece d'erreur dont le philosophe doit avoir plus d'attention à se garantir, parce qu'il lui est plus aisé d'y tomber; elle consiste à transporter aux objets du goût des principes vrais en eux-mêmes, mais qui n'ont point d'application à ces objets. On connoît le célebre qu'il mourût du vieil Horace, & on a blâmé avec raison le vers suivant: cependant une métaphysique commune ne manqueroit pas de sophismes pour le justifier. Ce second vers, dira-t-on, est nécessaire pour exprimer tout ce que sent le vieil Horace; sans doute il doit préférer la mort de son fils au deshonneur de son nom; mais il doit encore plus souhaiter que la valeur de ce fils le fasse échapper au péril, & qu'animé par un beau desespoir , il se défende seul contre trois. On pourroit d'abord répondre que le second vers exprimant un sentiment plus naturel, devroit au moins précéder le premier, & par conséquent qu'il l'affoiblit. Mais qui ne voit d'ailleurs que ce second vers seroit encore foible & froid, même après avoir été remis à sa véritable place? n'est-il pas évidemment inutile au vieil Horace d'exprimer le sentiment que ce vers renferme? chacun supposera sans peine qu'il aime mieux voir son fils vainqueur que victime du combat: le seul sentiment qu'il doive montrer & qui convienne à l'état violent où il est, est ce courage héroïque qui lui fait préférer la mort de son fils à la honte. La logique froide & lente des esprits tranquilles, n'est pas celle des ames vivement agitées: comme elles dédaignent de s'arrêter sur des sentimens vulgaires, elles sous-entendent plus qu'elles n'expriment, elles s'élancent tout d'un-coup aux sentimens extrèmes; semblables a ce dieu d'Homere, qui fait trois pas & qui arrive au quatrieme. Ainsi dans les matieres de goût , une demi philosophie nous écarte du vrai, & une philosophie mieux entendue nous y ramene. C'est donc faire une double injure aux Belles-Lettres & à la Philosophie, que de croire qu'elles puissent réciproquement se nuire ou s'exclure. Tout ce qui appartient non-seulement à notre maniere de concevoir, mais encore à notre maniere de sentir, est le vrai domaine de la Philosophie: il seroit aussi déraisonnable de la reléguer dans les cieux & de la restraindre au système du monde, que de vouloir borner la Poésie à ne parler que des dieux & de l'amour. Et comment le veritable esprit philosophique seroit-il oppose au bon goût? il en est au contraire le plus ferme appui, puisque cet esprit consiste à remonter en tout aux vrais principes, à reconnoître que chaque art a sa nature propre, chaque situation de l'ame son caractere, chaque chose son coloris, en un mot à ne point confondre les limites de chaque genre. Abuser de l'esprit philosophique, c'est en manquer. Ajoûtons qu'il n'est point à craindre que la discussion & l'analyse émoussent le sentiment ou refroidissent le génie dans ceux qui posséderont d'ailleurs ces precieux dons de la nature. Le philosophe sait que dans le moment de la production, le génie ne veut aucune contrainte; qu'il aime à courir sans frein & sans regle, à produire le monstrueux à côté du sublime, à rouler impétueusement l'or & le limon tout ensemble. La raison donne donc au génie qui crée une liberté entiere; elle lui permet de s'épuiser jusqu'à ce qu'il ait besoin de repos, comme ces coursiers fougueux dont on ne vient à bout qu'en les fatiguant. Alors elle revient séverement sur les productions du génie; elle conserve ce qui est l'effet du vétable enthousiasme, elle proscrit ce qui est l'ouvrage de la fougue, & c'est ainsi qu'elle fait éclorre les chefs-d'oeuvre. Quel écrivain, s'il n'est pas entierement dépourvû de talent & de goût , n'a pas remarqué que dans la chaleur de la composition une partie de son esprit reste en quelque maniere à l'écart pour observer celle qui compose & pour lui laisser un libre cours, & qu'elle marque d'avance ce qui doit être effacé? Le vrai philosophe se conduit à-peu-près de la même maniere pour juger que pour composer; il s'abandonne d'abord au plaisir vif & rapide de l'impression; mais persuadé que les vraies beautés gagnent toûjours à l'examen, il revient bien-tôt sur ses pas, il remonte aux causes de son plaisir, il les démêle, il distingue ce qui lui a fait illusion d'avec ce qui l'a profondément frappé, & se met en état par cette analyse de porter un jugement sain de tout l'ouvrage. On peut, ce me semble, d'après ces réflexions, répondre en deux mots à la question souvent agitée, si le sentiment est préférable à la discussion pour juger un ouvrage de goût . L'impression est le juge naturel du premier moment, la discussion l'est du second. Dans les personnes qui joignent à la finesse & à la promptitude du tact, la netteté & la justesse de l'esprit, le second juge ne fera pour l'ordinaire que confirmer les arrêts rendus par le premier. Mais, dira-t-on, comme ils ne seront pas toûjours d'accord, ne vaudroit-il pas mieux s'en tenir dans tous les cas à la premiere décision que le sentiment prononce? quelle triste occupation de chicaner ainsi avec son propre plaisir! & quelle obligation aurons-nous à la Philosophie, quand son effet sera de le diminuer? Nous répondrons avec regret, que tel est le malheur de la condition humaine: nous n'acquérons guere de connoissances nouvelles que pour nous desabuser de quelque illusion, & nos lumieres sont presque toûjours aux dépens de nos plaisirs. La simplicité de nos ayeux étoit peut-être plus fortement remuée par les pieces monstrueuses de notre ancien theatre, que nous ne le sommes aujourd'hui par la plus belle de nos pieces dramatiques. Les nations moins éclairées que la nôtre ne sont pas moins heureuses, parce qu'avec moins de desirs elles ont aussi moins de besoins, & que des plaisirs grossiers ou moins raffinés leur suffisent: cependant nous ne voudrions pas changer nos lumieres pour l'ignorance de ces nations & pour celle de nos ancêtres. Si ces lumieres peuvent diminuer nos plaisirs, elles flattent en même tems notre vanité; on s'applaudit d'être devenu difficile, on croit avoir acquis par-là un degré de mérite. L'amour-propre est le sentiment auquel nous tenons le plus, & que nous sommes le plus empressés de satisfaire; le plaisir qu'il nous fait prouver n'est pas comme beaucoup d'autres, l'effet l'une impression subite & violente, mais il est plus continu, plus uniforme, & plus durable, & se laisse goûter à plus longs traits. Ce petit nombre de réflexions paroît devoir suffire pour justifier l'esprit philosophique des reproches que l'ignorance ou l'envie ont coûtume de faire. Observons en finissant, que quand ces reproches seroient fondés, ils ne seroient peut-être convenables & ne devroient avoir de poids que dans la bouche des véritables philosophes; ce seroit à eux seuls qu'il appartiendroit de fixer l'usage & les bornes de l'esprit philosophique, comme il n'appartient qu'aux écrivains qui ont mis beaucoup d'esprit dans leurs ouvrages, de parler contre l'abus qu'on peut en faire. Mais le contraire est malheureusement arrive; ceux qui possedent & qui connoissent le moins l'esprit philosophique en sont parmi nous les plus ardens détracteurs, comme la Poésie est décriée par ceux qui n'en ont pas le talent, les hautes sciences par ceux qui en ignorent les premiers principes, & notre siecle par les écrivains qui lui font le moins d honneur. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gout Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gout Gout , en Architecture , terme usité par métaphore pour signifier la bonne ou mauvaise maniere d'inventer, de dessiner, & de travailler. On dit que les bâtimens gothiques sont de mauvais goût , quoique hardiment construits; & qu'au contraire ceux d'architecture antique sont de bon goût , quoique plus massifs. Cette partie est aussi nécessaire à un architecte, que le génie; avec cette différence que ce dernier talent demande des dispositions naturelles, & ne s'acquiert point; au lieu que le goût se forme, s'accroît & se perfectionne par l'étude. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goût du Chant Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA Goût du Chant Goût du Chant , en Musique ; c'est ainsi qu'on appelle en France, l'art de chanter ou de joüer les notes avec les agrémens qui leur conviennent. Quoique le chant françois soit fort dénué d'ornemens, il y a cependant à Paris plusieurs maîtres uniquement pour cette partie, & un assez grand nombre de termes qui lui sont propres. Comme rien n'est si difficile à rendre que le sens de ces divers mots, que d'ailleurs rien n'est si passager, rien si sujet à la mode que le goût du chant , je n'ai pas crû devoir embrasser cette partie dans cet ouvrage. ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goût Author=Landois Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Goût Goût , se dit en Peinture , du caractere particulier qui regne dans un tableau par rapport au choix des objets qui sont représentés & à la façon dont ils y sont rendus. On dit qu'un tableau est de bon goût , lorsque les objets qui y sont représentés sont bien choisis & bien imités, conformément à l'idée que les connoisseurs ont de leur perfection. On dit, bon goût , grand goût, goût trivial, mauvais goût . Le bon goût se forme par l'étude de la belle nature: grand goût semble dire plus que bon goût , & diroit plus en effet, si par grand goût on entendoit le choix du mieux dans le bon: mais grand goût , en Peinture, est un goût idéal qui suppose un grand, un extraordinaire, un merveilleux, un sublime même tenant de l'inspiration, bien supérieur aux effets de la belle nature; ce qui n'est réellement qu'une façon de faire les choses relativement à de certaines conditions, que la plûpart des peintres n'ont imaginées que pour créer un beau à la portée de leur talent. Cependant ces mêmes peintres ne disent jamais, voilà un ouvrage de grand goût , en parlant d'un tableau où, de leur aveu, la belle nature est le plus parfaitement imitée: il faut néanmoins avoir de grands talens pour faire ce qu'on appelle des tableaux de grand goût . Goût trivial est une imitation du bon goût & du grand goût , mais qui défigure le premier & ne saisit que le ridicule de l'autre, & qui l'outre. Mauvais goût est l'opposé de bon goût . Il y a goût de nation, & goût particulier: goût de nation, est celui qui regne dans une nation, qui fait qu'on reconnoît qu'un tableau est de telle école; il y a autant de goûts de nation que d'écoles. Voy. École . Goût particulier est celui que chaque peintre se fait, par lequel on reconnoit que tel tableau est de tel peintre, quoiqu'il y regne toûjours le goût de sa nation. On dit encore goût de dessein, goût de composition, goût de coloris ou de couleur , &c. ( R ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOÛTER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GOÛTER * GOÛTER, v. act. c'est faire essai de son goût sur quelque objet particulier. Le verbe goûter se prend au simple & au figuré, au physique & au moral, ainsi que le substantif goût . Voyez ci-devant l'article Goût . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goûter, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire romaine Part of Speech=s.m. Goûter Goûter , ( le ) s. m. ( Hist. rom. ) merenda, Plaute . Repas entre le diner & le souper. Ce repas n'étoit d'usage chez les Romains que pour les artisans, les gens de travail, & les esclaves: à l'égard de tous les autres ordres, il n'y avoit que le souper qui méritât d'être regardé comme un repas; parce que les affaires tant publiques que particulieres des citoyens, les spectacles, & les exercices du corps, les occupoient hors de leurs maisons jusqu'au tems de ce repas. Voyez donc Souper . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUTTE Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. GOUTTE GOUTTE, s. f. ( Physiq. ) petite portion de fluide détachée du reste. La forme sphérique que prennent les gouttes des fluides, n'a pas laissé que d'embarrasser les Philosophes. L'explication que l'on en donnoit autrefois, étoit que la pression égale & uniforme du fluide environnant ou de l'atmosphere, obligeoit les gouttes à prendre cette figure; mais cette raison n'est plus recevable depuis que nous savons que le même phénomene a lieu dans le vuide, comme en plein air. Les philosophes Newtoniens l'attribuent à l'attraction, laquelle étant mutuelle entre les parties du fluide, les concentre, pour ainsi dire, & les rapproche les unes des autres aussi près qu'il est possible; ce qui ne sauroit arriver, sans qu'elles prennent une forme sphérique. Voici comme s'explique sur ce sujet M. Newton: Guttae enim corporis cujusque fluidi, ut figuram globosam inducere conentur, facit mutua partium suarum attractio; codem modo quo terra mariaque in rotunditatem undique conglobantur, partium suarum attractione mutuâ, quoe est gravitas . Opt. page 338. Voyez Attraction . En effet, si on imagine plusieurs corpuscules semblables qui s'attirent mutuellement, & qui par leur attraction se joignent les uns aux autres, ils doivent nécessairement prendre la figure sphérique, puisqu'il n'y a point de raison pourquoi un de ces corpuscules sera placé sur la surface de la goutte d'une autre maniere que tout autre corpuscule, & que la figure sphérique est la seule que la surface puisse prendre pour que toutes les parties du fluide soient en équilibre. Quoique cette explication soit plausible, du moins en admettant le principe de l'attraction, cependant il ne faut pas abuser de ce principe pour expliquer le phénomene de l'adhérence des particules fluides. Voyez Adhérence & Cohésion . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goutte & Gouttes Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=NA Goutte & Gouttes Goutte & Gouttes , ( Pharmacie. ) La goutte est la plus petite mesure des liquides. Le poids d'une goutte est évalué par approximation à un grain. On conçoit que ce poids doit varier selon la pesanteur specisique ou la tenacité de chaque liquide. On prescrit par gouttes les liqueurs qu'on employe à très petite dose pour l'usage intérieur; telles que les baumes, les huiles essentielles, les élixirs, les mixtures, les esprits alkalis volatils, certaines teintures. Quelques liqueurs composées de cette classe, ont tiré de cet usage d'etre ordonnées par gouttes le nom de gouttes . C'est sous ce nom que les mixtures magistrales qui agissent à très-petite dose, sont ordonnées communement, quoique l'on paisse déterminer par gros, & même par cuillerées, la quantité de ce remede excédent trente ou quarante gouttes . C'est cette forme de remede qui est appellée dans Gaubius ( method. concinnandi formulas medicament. ) mixtura contracta ; & dans Juncker, ( consp. therap. gen. ) mixtura concentrata . On trouve dans les pharmacopées plusieurs compositions seus le nom de gouttes . Celle de Paris en renferme deux: savoir, les gouttes d'Angleterre anodynes, & les gouttes d'Angleterre céphaliques. Gouttes d'Angleterre anodynes . Prenez d'écorce de sassafras, de racine de cabaret, de chacun une once; de bois d'aloës demi-once; d'opium choisi deux gros; de sels volatils de crane humain & de sang humain, de chacun demi-gros; d'esprit-de-vin rectifié une livre: digérez à une chaleur douce pendant vingt jours, décantez & gardez pour l'usage dans un vaisseau fermé. L'opium est dans cette préparation environ une quarante-huitieme partie du tout; par conséquent il faut en donner deux scrupules ou environ cinquante gouttes , pour avoir un remede narcotique répondant à un grain d'opium. Gouttes d'Angleterre céphaliques . Prenez de l'esprit volatil de soie crue avec son sel, quatre onces; d'huile essentielle de lavande un gros; d'esprit-devin rectifié demi-once: faites digérer pendant vingt quatre heures, & distillez doucement au bain marie jusqu'à ce qu'il s'éleve de l'huile; gardez pour l'usage. Voyez à l'art. suivant un procedé un peu différent . Ce n'est ici proprement qu'un esprit volatil aromatique huileux; il ne differe de celui qu'on trouve sous ce nom générique dans la pharmacopée de Paris, qu'en ce que sa composition est beaucoup plus simple que celle de celui-ci, & qu'on y employe un alkali volatil plus gras, celui de soie, au lieu de celui de sel ammoniac; mais ces différences ne sont point essentielles quant aux vertus medecinales. V. Esprit volatil aromatique huileux . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouttes de Goddard Author=Jaucourt Normalized Classification=Chimie Part of Speech=NA Gouttes Gouttes de Goddard , ( Chim. ) remede chimique qui a fait autrefois beaucoup de bruit, & qui a été fort vanté pour les vertus qu'on lui attribuoit dans les foiblesses, l'assoupissement, la léthargie, l'apoplexie, & autres maladies aussi graves. Goddard son inventeur exerçoit la Medecine à Londres avec réputation sous le regne de Charles II. Ce prince eut bien de la peine à obtenir de lui son secret pour vingt-cinq mille écus; mais enfin il le lui vendit cette somme par respect & par égard: c'est ce qui a fait donner à ce remede en France le nom de gouttes d'Angleterre , qu'on appelloit dans le pays gouttes de Goddard . Charles II. ne tarda pas à communiquer à ses medecins la composition des gouttes de Goddard; cependant elle a été long-tems un mystere, connu seulement de quelques anglois qui le cachoient aux étrangers. Mais Lister célebre par divers ouvrages, persuadé que cette jalousie de nation est ennemie du genre humain, découvrit la préparation à M. de Tournefort, qui l'a rendue publique. La voici. Prenez de la soie crue, remplissez-en une cornue luttée; donnez-y un feu doux, il en sortira un phlegme, un sel volatil, & une huile qui se fige comme du beurre. Prenez quatre onces de sel volatil, une dragme d'huile de lavande & huit onces d'esprit-devin; mettez le tout dans une petite cornue de verre, adaptez-y un récipient, luttez les jointures; placez-la sur le feu de sable, le sel passera d'abord en forme seche; ensuite viendra l'esprit éthéré de lavande & de vin imprégné du sel volatil: voilà les gouttes de Goddard . Ces gouttes ne sont donc que l'esprit volatil de soie crue, rectifié avec l'huile essentielle de lavande; & M de Tournefort a trouvé par expérience qu'elles n'ont aucun avantage sur les préparations de la corne de cerf & du sel ammoniac, si ce n'est par une odeur plus supportable. Cependant leur préparation nous apprend comment il faut faire les sels volatils huileux. En effet, au lieu de sel de la soie, on peut se servir de sel ammoniac & du tartre en parties égales. On met le mélange dans une cucurbite de verre ou de grès, on y verse de bon esprit-de-vin jusqu'à ce qu'il surpasse la matiere de quatre doigts; on brouille les matieres, on ajuste un chapiteau & un récipient à la cucurbite, on lutte les jointures, on pose le vaisseau sur le sable; on lui donné un feu leger durant deux ou trois heures, il vient un sel & un esprit; lorsqu'il ne sort plus rien, on délutte les vaisseaux, on met le sel volatil dans une cucurbite; sur une once, on verse deux dragmes de quelque essence aromatique, on remue la matiere, on adapte un chapiteau à la cucurbite avec un récipient, on lutte les jointures, on pose cette cucurbite sur le sable; on lui donne un petit feu, il s'élevera un sel volatil; & alors vous laisserez refroidir le vaisseau pour retirer votre sel. Ces sels volatils huileux passerent dans les commencemens pour des panacées, de sorte qu'on les multiplia de tous côtés. De-là vinrent plusieurs sortes de liqueurs ou de teintures qu'on appella indistinctement gouttes d'Angleterre , & que l'on confondit souvent au grand préjudice des malades, puisque les unes étoient de simples mélanges de sels ou esprits volatils & d'essences aromatiques, & les autres étoient des mélanges de teinture d'opium distillé, & de quelques esprits volatils. Or on sent bien que les opérations de ces deux différens remedes, sous le même nom, devoient être très-différentes. Aujourd'hui les gouttes d'Angleterre ou de Goddard ont fait place à d'autres remedes du même genre, sel d'Angleterre, teinture de karabé, esprit-de-sel ammoniac, & plusieurs autres semblables à qui l'on donne tous les jours de nouveaux noms pour renouveller leur débit; & cette ruse ne manquera jamais de succès. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goutte Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Goutte Goutte , parmi les Horlogers; c'est une petite plaque ronde convexe d'un côté, & plate ou concave de l'autre; on l'appelle aussi quelquefois goutte de suif . Dans une montre la goutte de la grande roue sert à la maintenir toûjours contre la base de la fusée. Cette goutte est souvent quarrée, pour qu'on puisse la prendre avec des pincettes, & l'enfoncer avec force sur l'arbre de la fusée. Elle est ordinairement noyée dans la petite creusure de la grande roue, qui est opposée à celle où est l'encliquetage. Voyez Fusée , Grande Roue , &c. Voyez nos Planches de l'Horlogerie , & leur explication . ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUTTE Author=Penchenier Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.f. GOUTTE GOUTTE, s. f. ( Medecine. ) maladie, douleur des jointures ou articulations. La goutte signifie en françois ce que les Grecs ont désigné par le mot ἀρθρῖτις dérivé d' ἄρθρον , jointure ou articulation; & les Latins, par morbus articularis, dolor juncturarum . Les auteurs latins, dit Sennert, se sont barbarement servis du mot gutta , goutte, pour nommer quelques maladies aiguës ou chroniques, fort différentes entr'elles. De l'aveu du plus grand nombre, ils ont donné ce nom aux maladies brusques, subites, indépendantes d'aucune cause connue, qui frappent tout-d'un-coup, & qui semblent tomber du ciel comme une goutte de pluie; telles sont l'apoplexie, l'épilepsie, la crampe, &c. Ils l'ont aussi donné aux maladies, pour la production desquelles ils ont cru qu'il suffisoit d'une ou de quelques gouttes de l'humeur propre à les engendrer: telle est la goutte serene, la goutte rose, & la maladie dont il est question, qui s'est acquise le droit & le privilége de porter le nom de goutte , comme par excellence. C'est la douleur des articulations, lorsqu'elle est l'effet d'une cause cachée & ignorée, qui caractérise la goutte . La douleur qui suit les luxations, les entorses, les foulures, les coups, les chûtes, les violens exercices du corps, les grandes fatigues, la fievre, le mauvais régime, &c. qui sont des causes évidentes, ne porte point le nom de goutte; les douleurs même, si ressemblantes à la goutte , si analogues avec elle, peut-être aussi violentes, aussi intolérables, qui y dégenerent quelquefois, qui attaquent plusieurs articulations en même tems, souvent toutes ensemble, ou qui les parcourent successivement, ces douleurs ne sont point goutte , quand elles sont l'effet d'une cause connue ou d'une intempérie de chaud & de froid, mais rhumatisme. Voyez Rhumatisme ou Catarrhe . Il y a lieu de penser que les anciens n'ont pas fait la différence de ces maladies, comme nous la faisons, & qu'ils ont donné le même nom d' arthritis à toutes les douleurs des articulations, soit goutteuses, rhumatiques ou catarrhales, comme l'observe & le pratique Gainerius, de aegritudine juncturarum, cap. j . Aussi ne trouve-t-on ni nom, ni description de rhumatisme dans les ouvrages des premiers medecins jusqu'au tems de Galien, à qui Cardan ne laisse pas de reprocher qu'il confond l'arthritis avec la podagre. Description . La goutte est cette douleur vive & presque toûjours brûlante des articulations, qui, à l'âge de 30 à 40 ans, comme l'a si bien décrit Sydenham, commence sans aucune raison & en pleine santé par attaquer la jointure du gros doigt du pié, & du pié gauche le plus souvent, quelquefois le talon ou la cheville, & quelquefois aussi, mais rarement, quelqu'une des articulations des doigts de la main, qui s'annonce ordinairement à la fin de Janvier ou au commencement de Février par un tiraillement & un déchirement à la partie affectée, qui sur les deux heures après minuit éveillent le patient en sursaut, vont en augmentant jusqu'au matin, redoublent encore le soir, & ne se calment que le lendemain vers la pointe du jour, qui au bout des premieres 24 heures produisent un peu de gonflement, de la rougeur à la peau, l'élévation & l'engorgement des veines, une chaleur, & quelquefois un feu semblable à celui d'un tison embrasé qu'on sent avec la main en l'approchant d'assez loin; enfin une impuissance au mouvement & une imbécillité de forces, qui rendent la partie attaquée incapable d'aucun exercice. La goutte prélude souvent par quelque douleur irréguliere à quelque doigt des piés & des mains, & par la débilité de l'articulation attaquée, qui se dissipe sans qu'on sache pourquoi, comme elle étoit venue: c'est en ce cas qu'elle est méconnue, & qu'on ne manque pas d'en accuser un soulier, un faux-pas, quelque coup, une entorse, &c. Elle ne se fait connoitre qu'en se mettant en regle, lorsque l'excès de la douleur surpasse le pouvoir de la cause qu'on accusoit; & lorsque ses retours, sa durée, son siége, & ses autres accidens viennent à la caractériser, à dissiper un doute dans lequel on se plaisoit, & à manifester une vérité qu'on eût voulu pour son repos ignorer pour jamais. La douleur qui s'étoit d'abord fixée au gros doigt du pié, qui n'en avoit affligé qu'un, les attaque dans les paroxysmes suivans tous les deux à-la-fois, ou successivement; elle s'étend sur le tarse & le métatarse, monte aux malléoles, aux genoux, aux hanches, aux vertebres, tandis qu'elle fait le même progrès des doigts de la main au métacarpe, au carpe, au coude, au bras, à l'épaule, & grimpe enfin jusqu'à l'articulation de la mâchoire, & même jusqu'aux sutures des os du crane. Elle étend son domaine en vieillissant, & toûjours plus cruelle & plus opiniâtre, sans abandonner les premiers membres qu'elle a perclus & tendus presqu'insensibles à force de souffrances, elle s'empare de ceux où le sentiment est encore dans son entier, les parcourt, les ravage, jusqu'à ce que le corps accablé, vaincu, périt enfin sous la violence du mal. Il n'est aucune articulation, aucune suture qui ne puisse être le siége de la goutte , & qui ne le devienne en effet par succession ou par bizarrerie de la maladie; mais c'est alors un évenement extraordinaire. Elle se borne communément aux piés, aux mains, & à la hanche, qui sont les trois endroits par ou elle a coûtume de debuter. C'est à raison de ces trois sieges ou de ces trois origines principales, que les Grecs lui ont donné des noms particuliers, composés du nom de la partie attaquée & du mot grec ἄγρα , qui signifie capture ou saisissement . Ainsi de πόδον , pié , ils ont fait ποδάγρα , podagre , c'est-à-dire saisissement du pié ou la goutte au pié; de χεὶρ , main , ils ont fait χειράγρα , cheiragre , qui est la goutte à la main; & d' ἰσχίον , hanche , ils ont fait ἰσχιάδα , sciatique , qui est la goutte à la hanche. Voyez Sciatique . Ils auroient pû multiplier les noms autant que les articulations, s'ils eussent été prodigues de choses inutiles, comme l'a entrepris Ambroise Paré. De ces trois grandes sources, & principalement de la podagre, la goutte par succession de tems, par bizarrerie ou par accident, se répand dans les autres articulations, qui deviennent sa proie par extension, ou conjointement, ou séparément; mais elle n'est presque jamais reconnue pour telle, qu'après avoir débuté de l'une des trois manieres. Aussi Galien remarque-t-il, au sujet de l' aphorisme xxviij. de la sect. 6. que presqu'aucun goutteux ne le devient, qu'il n'ait commencé par être podagre. La douleur dont l'excès surpasse quelquefois toute patience humaine, n'est pas le seul symptome de la goutte existante; elle est encore accompagnée d'inquiétudes, d'insomnies, de legers frissons, de mouvemens de fievre, de petites sueurs, de dégoût des alimens, quelquefois de diarrhée, & d'une impuissance ou imbecillité de forces à la partie souffrante, telle qu'elle est incapable d'aucune fonction ou exercice, même quelque tems après la dissipation de la douleur. Ce qu'il y a de remarquable dans cette maladie, c'est que la douleur, à quelque degré qu'elle paisse monter, n'est jamais suivie de convulsions ni de mouvemens convuisifs, & que l'inflammation accompagnée de gonflement, de chaleur brûlante, de battemens, de tiraillemens, &c. ne tourne jamais en suppuration. A l'arrivee du gonflement la douleur diminue; & quand le gonflement commence a se dissiper, tout se dissipe aussi: il ne reste plus qu'une demangeaison à la peau, dont l'épiderme jaunit peu-à peu, se seche, tombe par lambeaux ou par écailles; & la partie reprend son état ordinaire, à la reserve qu'elle conserve pendant assez long-tems une couleur violette ou bleue semblable à la meurtrissure, qui succede à la rougeur au premier moment de la declinaison, & qu'elle devient aussi quelquefois oedémateuse pour quelque tems. Quoique la goutte , quand elle est nouvelle & d'un caractere benin, ne laisse aucune trace après l'acces parfaitement fini; en vieillissant, ou lorsqu'elle est d'une mauvaise qualite, elle laisse sur les parties qu'elle attaque des dépôts gypseux, tartareux, pierreux, qui usent peu à peu la peau, l'enflamment, & la percent pour se faire jour. Elle contourne aussi les os, les déplace, tuméfie leurs têtes, & détruit enfin, en s'invétérant, le mouvement des membres attaques hers même le tems des paroxysmes. Comme l'asthme, la goutte est une maladie intermittente de toute la vie, elle revient presque tous les ans, & souvent plusieurs fois dans la même année; l'hyver, le printems, l'autonne, sont les tems de ses accès. Leur durée n'a rien de limite, quoiqu'Hippocrate, aphorisme xljx. sect. 6. la fixe à 40 jours. Les premiers ne sont souvent que d'un demi-jour, d'un jour, ou deux, ou trois, &c. ils deviennent plus longs à-mesure qu'ils se répetent; enfin en vieillissant, ils durent les mois & les saisons entieres; de sorte que les vieux goutteux souffrent pendant les trois quarts de l'année, & n'ont de libre, encore très-imparfaitement, que le tems des plus fortes chaleurs de l'été. Les paroxysmes qui viennent pendant la maturité de l'âge, & dans les commencemens d'une goutte confirmée, sont les plus douloureux & les plus insupportables; ils sont chacun composés d'autres petits paroxysmes de dix ou douze heures chaque jour; les autres qui sont longs, & qui regardent l'âge le plus avancé, sont aussi composés d'autres paroxysmes chacun de plusieurs jours, pendant lesquels les douleurs se soûtiennent au même degré, mais moins insupportables que dans la vigueur de l'âge. Outre les paroxysmes de la goutte qui reviennent périodiquement, les goutteux sont quelquefois exposés à des accès subits & irréguliers d'une douleur si vive, si véhémente, si intolérable, qui surprend quelque partie du corps, qu'elle jette le souffrant dans le desespoir, & qu'elle seroit capable de lui arracher la vie, si elle ne se dissipoit presqu'aussi brusquement qu'elle arrive. Ils sont aussi sujets à des petites douleurs vagues & irrégulieres indépendantes des acces qui durent plus ou moins, selon les circonstances, & qui peuvent menacer de quelque paroxysme surnuméraire ou de quelque anomalité, selon le siége qu'elle occupent. Quand la goutte s'est une fois emparée d'un corps, elle y regne seule ordinairement; les autres maladies en sont presque bannies; & s'il s'en déclare quelqu'une, elle est fort suspecte d'être une goutte déguisée, à cause de la propriété qu'elle a d'affecter, comme un prothée, toutes sortes de formes. Celle qu'elle s'associe, & qui est sa compagne la plus ordinaire, c'est la pierre dans la vessie, & quelquefois les hémorrhoides; comme si ce n'étoit pas assez d'elle seule pour tourmenter un malheureux goutteux, & qu'il fallût la reunion de deux autres terribles maladies pour achever de le desespérer. Differences . Les articulations, principalement celles des extrémités, sont le siége naturel de la goutte réguliere qui vient d'être décrite; mais il n'est aucune partie du corps, ni aucun viscere qui ne puisse le devenir dans son irrégularité. C'est pourquoi on distingue la goutte en réguliere & en irréguliere. Lorsque le levain ne se porte que sur les piés & les mains, comme sur son propre domaine, elle est parfaitement réguliere: lorsqu'il tombe sur les autres articulations, conjointement ou separement, elle est imparfaitement réguliere; & même irréguliere, selon quelques auteurs, quand elle affecte les articulations du tronc. Mais ce n'est pas-là la vraie irrégularité. La goutte irreguliere veritable, celle qui merite le nom d' anomale , qu'on appelle aussi remontée , est celle qui attaque les visceres ou l'interieur du corps, & qui fait autant de maladies différentes qu'elle afflige de parties, soit qu'elle s'y jette avant de tomber sur les articulations, soit qu'elle abandonne les articulations pour rentrer dans l'intérieur du corps. Il y a des apoplexies, des esquinancies, des fluxions de poitrine, des coliques goutteuses, &c. qui sont l'effet du levain goutteux qui se porte au cerveau, au gosier, sur le poumon, dans le bas-ventre, &c. La goutte considérée en elle-même, est d'un bon ou d'un mauvais caractere, simple ou noüée: elle est d'un caractere benin, ou benigne, quand ses douleurs sont supportables, qu'elle occupe une petite étendue, qu'elle est bornée aux extrémites, & que les paroxysmes sont courts. Elle est d'un caractere malin, ou maligne, quand les souffrances sont excessives, qu'elle occupe plusieurs membres à-la-fois ou successivement, qu'elle menace l'intérieur en s'attachant au tronc ou à la tête, & que les paroxysmes sont si longs ou se répetent si souvent, qu'elle dure la meilleure partie de l'année. Elle est simple, quand elle se résout parfaitement, & qu'elle ne laisse aucune trace après la solution parfaite de l'accès. Elle est noüée, lorsqu'elle contourne les articulations, qu'elle les déplace, les gonfle, en détruit le mouvement, & qu'elle y laisse des concrétions plâtreuses, pierreuses, &c. On fait encore plusieurs différences de la goutte; l'une est récente ou douteuse; l'autre ancienne ou confirmée. L'une est fixe & sédentaire, quand elle s'attache à la partie qu'elle occupe pendant toute la durée du paroxysme. L'autre est vague, ambulante & in déterminée, quand elle parcourt plusieurs articulations successivement, sans se décider pour aucune. L'une est particuliere, quand elle n'attaque qu'une articulation ou un seul membre. L'autre est universelle, quand elle les attaque tous ou presque tous à la-fois. Enfin l'une est héréditaire, quand elle est transmise par les parens. L'autre est accidentelle, quand elle est acquise & née d'elle-même. Il a plu à Musgrave, on ne sait pas pourquoi, de considérer la goutte ou comme maladie essentielle & indépendante, ou comme maladie subordonnée & produite par une autre, de distinguer par conséquent la goutte en idiopatique & en symptomatique, & se bornant à cette derniere, de donner un traité détaillé de la filiation de la goutte par le rhûmatisme, le scorbut, la chlorose, l'asthme, &c. Comme s'il n'étoit pas plus raisonnable de croire que la goutte est une maladie toûjours premiere, idiopatique & essentielle; qu'elle n'est engendrée par aucune autre, & que celles dont il la fait descendre ne sont qu'une goutte déguisée, ou tout-au-plus compliquée avec elles, puisqu'on connoît la propriété qu'elle a de se métamorphoser sous toute sorte de formes, & que selon Musgrave même, elle est très-difficile, pour ne pas dire impossible, à reconnoître avant qu'elle ait pris celle qui lui est propre. Causes . Nous recevons de nos parens au moment de la conception, ou nous engendrons en nous mêmes & de notre propre fond, ou, comme le pense Boerhaave, nous acquérons par la communication & la contagion, le levain propre à former la goutte . Ce levain, comme bien d'autres auxquels le corps est sujet, produit tantôt un effet prompt & prématuré, tantôt il n'agit qu'après plusieurs années. Quand il s'est une fois annoncé, & qu'il a donné des marques certaines de son existence, son propre est de se renouveller chaque année, soit que le corps une fois infecté soit capable d'en engendrer une nouvelle quantité, soit que quelque parcelle du premier dompté pour un tems sans être détruit, reprenne vigueur & se multiplie pour former un nouvel accès. On connoît mieux les effets de ce maudit levain, qu'on n'en connoît ni la nature ni les qualités. A en juger par les principaux, la douleur excessive, la chaleur, les concrétions plâtreuses ou pieireuses; par les urines épaisses, chargées de caroncules & d'un sédiment tartareux ou plâtreux; & par son association avec la pierre dans la vessie: on peut croire que sa nature est saline, tartareuse, acre, mordante, & peut-être pierreuse, comme l'a avancé Quercetan dans une consultation sur la goutte & le calcul, & comme n'ose le décider Sydenham. On ne connoît guere mieux les causes éloignées de la goutte , que la qualité du levain; la multitude de celles qu'on accuse, ne prouve que trop bien qu'on ignore la plus coupable. Hippocrate a écrit que les bûveurs d'eau, les eunuques, les enfans avant l'âge de puberté, & les femmes avant d'avoir perdu leurs regles, n'étoient point sujets à la goutte . Il en a conclu qu'elle étoit fille de Bacchus & de Vénus. Mais l'expérience a démenti tout ce qu'il a avancé à cet égard; & tous ceux qui étoient de son tems favorisés d'une heureuse exemption, avoient déjà perdu leur privilége du tems de Galien, & ne joüissent plus d'aucun parmi nous, où le nombre des goutteux tant hommes que femmes, est devenu prodigieux. On ne sauroit douter que les excès dans tous les genres ne soient capables d'attirer la goutte , comme ils le sont de produire toute autre maladie, telle que l'asthme, la migraine, la néphrétique, &c. mais on ne voit pas assez clairement qu'ils ayent le pouvoir de l'engendrer, non plus que les autres maladies qu'on vient de citer. Tous les excès nuisent, en ce qu'ils épuisent ou qu'ils dérangent les fonctions du corps, & qu'un levain qui seroit peut-être demeuré caché toute sa vie, se trouve par-là disposé à germer comme une semence, à se développer & à produire son action. On ne sauroit pourtant assurer qu'un tel excès, par exemple celui du vin, ait engendré la goutte . Le nombre des goutteux ivrognes est très-petit, & celui des ivrognes non-goutteux très-grand. S'il y a des vins propres à fomenter ou à irriter la goutte , comme on le prétend des vins de Moravie, de Bohème, du Champagne mousseux, &c. il y en a aussi, tels que les vins d'Espagne, de Bourgogne, &c. qui non-seulement ne lûi sont point contraires de l'aveu de tout le monde; mais qui en sont plûtôt le préservatif & le remede, si l'on en croit M. Liger dans son traité de la goutte , & Ambroise Paré qui, liv. XVIII. chap. xjv. rapporte un exemple de guérison par la crapule qu'on n'avoit pu obtenir par aucun autre moyen, & qui la conseille deux ou trois fois le mois pour se préserver de la goutte . La Bourgogne & la Champagne sont presque exemptes de la goutte , selon M. Liger, à cause de leurs vins; tandis qu'elle est endémique en Flandres & en Normandie, où l'on n'en cueille point. S'il est vrai que ces heureuses provinces n'enfantent point de goutteux, elles deviendront bien-tôt la patrie de ceux qui le sont; l'agrément du remede autant que ses vertus, augmenteront chaque jour le nombre de ses partisans & de leurs citoyens. Le vin ne doit pourtant pas se trop glorifier encore de sa nouvelle fortune; l'eau dont personne ne fait excès, & qui avoit été accusée, selon Sennert, de donner la goutte à ceux qui en bûvoient par goût ou par nécessité, joüissoit depuis long-tems de l'honneur d'être un spécifique, quand le vin convaincu d'être le seul coupable est venu le lui enlever; s'il manque de pouvoir pour soûtenir sa nouvelle réputation, il sera bien tôt dépossédé. La gloire vraie ou fausse que l'eau & le vin ont eus en différens tems d'être tantôt les auteurs & tantôt les libérateurs de la goutte , marque trop bien qu'ils sont aussi indifférens à son égard que les autres choses non-naturelles, & qu'on ignore parfaitement toutes les vraies causes de cette cruelle maladie. Il en est des excès de Vénus comme de ceux de Bacchus; les intempérans sont malades après leurs débauches, de toute autre maladie que de la goutte; s'ils deviennent goutteux, ils ont cela de commun avec les plus retenus. Il y a plus de goutteux modérés en amour, qu'il n'y en a de débauchés. On peut raisonner tout de même de la bonne chere & de tous les excès, & conclure qu'il n'en est aucun en particulier qui ait la propriété de produire la goutte; mais que chacun peut tellement disposer le corps, que le levain engendré de lui-même ou par une cause inconnue & cachée, se réveille & se mette en action pour former la maladie. Les gens de la campagne & ceux qui s'occupent à des travaux pénibles, sont moins sujets à la goutte que ceux de la ville & que les fainéans: mais ce n'est pas à raison de leur sobriété; ils font des excès de vin & souvent de femmes, comme ceux de la ville. La pureté & la salubrité de l'air dans lequel ils vivent, les mettent sans doute à couvert; s'ils respirent quelque portion du levain goutteux, ou qu'il en naisse dans leur sang, leurs travaux pénibles le dissipent avec la sueur & les autres évacuations, avant qu'il ait eu le tems de se manifester. Non-seulement la nature du levain goutteux est inconnue, non-seulement on ignore les causes éloignées qui lui donnent naissance, on n'est pas même d'accord touchant le vrai siége de la goutte . Il est décidé que c'est sur l'articulation qu'elle se jette: mais sur quelle partie de l'articulation? est-ce sur les ligamens, sur les glandes synoviales, sur le périoste? voilà sur quoi les Medecins sont partagés. Il est certain que dans les violentes attaques de goutte , dans la goutte ancienne & confirmée, toutes ces parties sont attaquées, ainsi que la peau & tout ce qui compose le membre affligé; mais elles ne l'ont pas été toutes dans le même instant, il en est une qui a été la premiere occupée, la préférée, sur laquelle le levain a commencé à se déposer, & de laquelle, comme d'un centre, il a rayonné & s'est étendu tout-autour dans le voisinage. Cette partie favorite paroît être le périoste de la tête des os principalement; ensorte que la goutte peut être regardée comme une vraie maladie des os. La premiere preuve de la préférence du levain goutteux pour le périoste, est que dans les premiers momens d'un acces de goutte avant le gonflement, & dans les derniers après qu'il est dissipé, on peut sentir avec le doigt en pressant, le point de la douleur sur le corps de l'es, & qu'on peut faire joüer l'articulation avec la main sans peine & sans souffrance, quoiqu'elle ne puisse pas exercer librement ses fonctions. La deuxieme, c'est que la douleur gagne & s'étend tout du long des os, le long des phalanges, & du métatarse ou du métacarpe, selon qu'elle est aux piés ou aux mains; ce qui met le comble à l'impuissance de l'exercice du membre malade. La troisieme, c'est que les os se tordent, & que leurs têtes se gonflent dans certaines gouttes d'un mauvais caractere, independamment de toute concrétion ou dépôt. La quatrieme, c'est que la goutte attaque souvent le talon, où il n'y a ni synovie ni ligamens. La cinquieme enfin, c'est que dans l'odontalgie, qui est une des plus cruelles gouttes , l'humeur ne peut tomber que sur le périoste de la dent attaquée, & qu'il n'y a ni synovie ni ligament pour la recevoir. Il ne paroît donc pas que ce soit la synovie qui soit l'humeur infectée du levain goutteux, comme plus analogue avec lui qu'aucune autre. L'expérience prouve au contraire qu'elle est la derniere attaquée, & que l'intérieur de l'articulation est en bon état, tandis que l'extérieur souffre beaucoup. Ce n'est qu'après un long-tems & dans les gouttes noüées, que les articulations se déplacent, & qu'elles reçoivent des dépôts dans leur intérieur. Diagnostic . On ne sauroit meconnoître la goutte , lorsqu'une douleur vive vient subitement, en pleine santé, & sans savoir pourquoi, attaquer quelqu'une des articulations, principalement quand elle commence par une seule, par le pié ou la main, & qu'elle n'est accompagnée en naissant d'aucune tumeur: quand cette douleur se déclare la premiere fois dans le coeur de l'hyver, au milieu de la nuit, ou qu'elle redouble dans le lit; quand elle prive la partie attaquée de la force & de la liberté de l'exercice qui lui convient, & qu'elle la rend impuissante & foible, même quelque tems après sa dissipation; quand elle produit après les premieres vingt-quatre heures un gonflement, de la chaleur, des battemens sans aucune suppuration, une rougeur vive qui dégénere bien-tôt en violet; quand elle se renouvelle chaque année au milieu de l'hyver, ou vers la fin du printems; enfin lorsqu'elle dépose & qu'elle laisse des noeuds, des concrétions plâtreuses ou pierreuses aux parties qu'elle a martyrisées. La goutte irréguliere & remontée n'est pas moins évidente que la réguliere, quand le levain déposé dans son siége naturel, l'abandonne, après le paroxysme commence, pour aller occuper quelqu'autre partie ou quelque viscere. Il n'en est pas de même lorsque le levain goutteux s'empare de quelque partie intérieure, avant de s'être fait sentir sur les extérieures qu'il avoit coûtume d'attaquer; il se cache trop bien sous les nouvelles formes qu'il emprunte pour qu'on ne s'y méprenne pas quelquefois: cependant le tempérament goutteux du malade, la nature des symptomes qui caractérisent la maladie formée par le levain irrégulier, le tems & la saison des attaques, la déclaration brusque, subite & sans cause de la maladie, le décelent le plus souvent; mais on n'en est bien convaincu qu'au moment que la goutte devenant réguliere, fait cesser la maladie anomale en reprenant son poste naturel. A l'égard de cette espece de goutte anomale qui commence par être telle sans s'être annoncée par aucune attaque réguliere, ni même par aucune sorte de prélude, capable de faire soupçonner l'existence du levain goutteux dans le sang, le malade n'étant pas né d'ailleurs de parens goutteux, il n'est pas possible de la reconnoître par aucun signe; il faut la deviner. Prognostic . C'est le sort des maladies les plus douloureuses de n'être point mortelles, si ce n'est par accident. La goutte , quand elle n'est point troublée dans son cours, ne le devient qu'après un long-tems, lorsque des attaques longues & répétées ont entierement épuisé les forces; lorsque le levain ne pouvant plus se débarrasser de la masse du sang, ni être chassé vers les articulations, s'arrête ou se dépose dans les visceres, & fait la goutte remontée. C'est proprement l'état de la vieillesse, & la fin de presque tous les goutteux. Mais si le levain contrarié, troublé, interrompu dans son cours, ne peut se déposer ou se fixer dans son siége naturel, soit par la mauvaise conduite des goutteux, par leurs imprudences, par des remedes mal administrés, par des applications repercussives, ou parce qu'il est trop abondant & d'un caractere malin, il forme alors la goutte irréguliere ou remontée, qui est une maladie presque toûjours mortelle; & la mort qui en résulte, est plus ou moins subite, plus ou moins certaine, selon la qualité du viscere attaqué, & selon la nature & l'abondance du levain remonté. La goutte est une maladie intermittente, dont les acces reviennent tous les ans au-moins une fois, & durent plus ou moins, sont plus ou moins violens, selon qu'elle est plus nouvelle ou plus ancienne, d'un caractere benin ou malin. Il arrive cependant quelquefois que les intermittences sont de deux ou trois ans, & même davantage; mais on remarque que quand les accès ont manqué un an, ou deux, ou trois, &c. le premier qui survient est très-fort, & d'autant plus violent, qu'il a différé plus long-tems. Les goutteux agueiris ne regardent pas ces longs intervalles comme un heureux succès; ils ont raison de se méfier du retard de leur goutte , & d'en craindre l'irregularité, ou du-moins de redouter la violence du premier accès, qui ne leur devient supportable qu'en dissipant leurs alarmes par son retour. C'est peut-être la suspension des accès de goutte qui a fait croire à quelques goutteux qu'ils en étoient guéris; ils ont fait honneur de leur guérison à quelque dernier moyen qu'ils avoient employé, dont on a enrichi le catalogue des spécifiques; peut-etre aussi que faute de distinguer le rhûmatisme, le catarrhe, ou toute autre douleur des articulations d'avec la goutte , quelques auteurs assûrent de l'avoir guérie. Le petit nombre des exemples qu'ils citent, le peu de soin qu'ils ont pris de caractériser la maladie, la nature des moyens dont ils se sont servis, devenus impuissans en d'autres mains, donnent de justes sujets de douter des guérisons qu'ils publient; & l'on n'est que trop bien fondé à regarder encore aujourd'hui la goutte comme une maladie incurable, comme on l'a dit de tout tems de la goutte noüée, selon ce vers d'Ovide, Tollere nodosam nescit Medicina podagram; parce qu'elle porte un caractere auquel personne ne peut se méprendre. Tous les Medecins conviennent, à commencer par Hippocrate, que la goutte est pourtant guérissable, & qu'il est possible de trouver des moyens de la dompter, pourvû qu'elle ne soit ni héréditaire ni invétérée, ni noüée; mais qu'elle ait été guérie parfaitement & sans retour, si ce n'est par hasard & par quelque heureux concours de circonstances difficiles à rencontrer, on en doute avec juste raison: peut-être sera-t-on plus heureux à l'avenir, qu'on n'a été par le passé. La violence des douleurs qui a fait inventer tant de moyens différens pour s'en délivrer, féconde en expédiens & en tentatives, pourra bien rencontrer enfin le remede tant desiré: mais ce remede est encore ignoré, & la goutte peut de nos jours pour le malheur du genre humain, tenir le même langage que Lucien lui faisoit tenir de son tems, qu'elle est la maîtresse souveraine & indomptée des douleurs, qu'on ne peut la flechir par la violence, qu'elle se rend d'autant plus redoutable qu'on lui livre plus de combats, & d'autant plus benigne qu'on lui cede & qu'on lui obeit plus patiemment & plus aveuglement. Les exemples de guérisons & de merveilles opérées par la diete, l'abstinence du vin & des femmes, l'usage du lait, de l'eau tiede pour toute nourriture, & quelques autres remedes, sont plus consolans pour les goutteux avides de guérir, qu'ils ne sont certains. Cardan, de curatione admirandâ, n°. 16. rapporte quatre exemples de guérisons de sa façon, par des moyens qui depuis lui n'ont guéri personne. Schenckius, lib. V. observ . Solenander, consil. 1°. sect. 5. en rapportent aussi quelques exemples, ainsi que tant d'autres auteurs qu'il est inutile de nommer. Carolus Piso fait l'histoire d'un certain Cornélius Perdaeus de Picardie, qui étant goutteux depuis l'âge de sept ans, & ayant de fréquentes attaques chaque année, fut guéri à l'âge de trente ans, après s'être abstenu de vin pendant deux ans, s'être bien vêtu, bien couvert pendant la nuit, pour pouvoir suer le matin à l'issue du sommeil, & s'être legerement purgé trois ou quatre fois le mois avec le sirop de roses pâles, comme il le lui avoit conseillé. M. Desault se flatte, de nos jours, dans son traité de la goutte , d'avoir opéré des guérisons avec les apéritifs martiaux, secondés de l'usage du lait; & à la page 168 , il assûre avoir vû un goutteux s'être guéri parfaitement pour avoir avalé tous les matins à jeun pendant un mois, neuf gousses d'ail; ayant ainsi enchéri sur ce qui est rapporté dans la pratique de Lazare Riviere, que quelques personnes regardent comme un grand remede d'avaler le matin à jeun trois gousses d'ail pour guérir de cette maladie. Cayrus, dans sa pratique, a la hardiesse d'avancer que dans un accès de goutte où il n'avoit que la langue de libre, ayant pris une dose de son électuaire cariocostin, & s'étant fait porter à quatre sur son siége, il n'eut pas plûtôt poussé trois ou quatre selles, qu'il marcha seul & n'eut besoin du secours de personne; comme si la goutte universelle étoit assez docile pour se laisser ainsi porter à quatre, & se dissiper à l'instant par trois ou quatre selles. Il ressemble bien à ces charlatans qui possedent des spécifiques souverains, & qui savent porter des coups beaucoup plus sûrs à la bourse qu'à la maladie, surtout quand il ajoûte que par le secours de son remede pris trois ou quatre fois par an, il se delivra de la goutte pendant trente ans. Les guérisons extraordinaires & les miracles opérés par la joie, la crainte, les douleurs même, ne méritent pas plus de confiance; les moyens en sont d'ailleurs trop impraticables pour que la Médecine en puisse retirer d'autre fruit que l'admiration. Andraeus Libavius, epist. lxxiij. in cycta med. raconte l'histoire d'un cabaretier goutteux, qui avoit fait un marché de 300 florins avec un medecin logé chez lui, s'il le guérissoit; celui-ci l'ayant fait saisir par ses domestiques, lui cloüa les piés sur un poteau avec six gros clous; partit sans dire adieu, & revint trois ans après exiger son salaire, ayant appris que le patient n'avoit plus eu d'attaque de goutte . Franc. Alexander raconte de Franc. Pecchius, goutteux décidé, qu'ayant été détenu vingt ans en prison, il fut exempt de goutte en sortant pour le reste de sa vie. Guilhelmus Fabricius, observat. lxxjx. cent. 1. fait l'histoire de trois malheureux goutteux qui ayant été appliqués à la torture pour leur faire avoüer un crime dont ils étoient soupçonnés, & ayant été reconnus innocens, furent delivrés pour leur vie de celle de la goutte , qu'ils avoient éprouvée plusieurs fois auparavant. Le même auteur, epist. xlvij. raconte qu'un goutteux, dans le tems du paroxysme, ayant été enlevé de son lit par un ennemi masqué, trainé par l'escalier, ensuite mis sur ses piés au bas de la maison, pour prendre haleine, le spectre prétendu ayant fait semblant de le ressaisir pour le porter hors de la maison, le goutteux prit la fuite en montant l'escalier, & alla crier au secours par les fenêtres. Le même Fabricius fait mention d'une guérison subite arrivée à un coupable perclus de goutte qu'on menoit au supplice, qui en apprenant à moitié chemin que le prince lui faisoit grace, se mit sur ses piés, & fut delivré pour le reste de sa vie. Sennert assure qu'un jeune goutteux, allarmé du feu qui avoit pris la nuit dans la maison voisine de la sienne, se leva brusquement, descendit l'escalier, traversa un fossé plein d'eau, & fut ainsi délivré de son accès & des suivans pendant plusieurs années. Il raconte aussi, d'après Doringius, qu'un habitant de Giesse, dans un accès violent de douleur & d'impatience, s'amputa le doigt du pié souffrant, & fut exempt de retour tout le reste de sa vie. On pourroit rapporter plusieurs autres exemples qui ne tendroient, comme celui-ci, qu'à prouver combien on s'est attaché de tout tems à remarquer ce qui avoit quelque pouvoir sur cette fatale maladie, sans avoir encore pû découvrir aucun moyen certain pour la detruire. Traitement . Rien n'est plus naturel pour les souffrans, que de chercher des remedes & du soulagement dans les tourmens de leurs accès: rien n'est plus sage & plus prudent dans les intervalles, que de se précautionner contre leurs retours, & de mettre tout en usage pour s'en préserver. Le meilleur remede pendant la douleur, c'est la douleur même, selon Sydenham, quand on a le courage de la supporter, parce qu'elle n'est jamais suivie d'aucun fâcheux évenement; & qu'elle termine l'acces d'autant plus promptement & plus parfaitement, qu'elle est plus violente: au lieu que les moyens qu'on employe pour l'adoucir, la prolongent le plus souvent, la font déposer, & quelquefois remonter. Mais tous les patiens n'ont pas un courage suffisant pour demeurer ainsi tranquilles; l'excès de la douleur peut d'ailleurs vaincre toute patience & toute fermeté: c'est alors qu'il convient de donner des secours, qui, n'en portassent-ils que le nom, en deviennent de réels, & empêchent les souffrans de se desespérer. Lorsque la fievre est de la partie, ou que les douleurs sont intolérables, si le goutteux est jeune, d'un tempérament sanguin & pléthorique, la saignée peut être pratiquée une ou deux fois. Simon Pauli préfere celle des veines gonflées de la partie affligée; & il assûre, class. iij. tit. boni Henric. quadripart. bo tan . que par le secours d'une pareille saignée & du cataplasme suivant, il a fait en trois jours des guérisons miraculeuses. du bon Henri sans fleurs, quatre poignées; des fleurs seches de camomille & de sureau, de chacune deux poignées: cuisez-les dans s. q. d'eau de sureau: tirez-en la pulpe, & mêlez-y demi-once de gomme caranne, & demi-gros de camphre. M. Vieussens, auteur du novum syst. vasorum , préféroit la saignée à la partie goutteuse, & l'a pratiquée sur lui-même avec succès. Je l'ai faite aussi, & je puis assûrer que tant que le sang couloit, il n'étoit plus question de douleur; que le sang jaillissoit avec une impetuosité étonnante, quoique le pié fut dans une situation beaucoup plus elevée que la tête, & qu'il n'eût pas été question de le mettre dans l'eau; mais que la douleur recommençoit comme auparavant, des que le sang avoit cessé de couler. Les sangsues peuvent souvent tenir lieu de la saignée, sur-tout pour les personnes délicates, & donner plus ou moins de soulagement, selon qu'elles tirent à-la-foi, une plus grande ou une moindre quantité de sang. Le régime de vivre doit être severe, sur-tout pendant la fievre; &, selon le degré, la continuité ou la durée, ne pas passer les bouillons ou les potages. Hors le cas de fievre, on peut vivre comme en santé; avec la reserve pourtant de ne point souper, ou de souper peu; d'éviter les ragoûts, le haut goût, les fritures, les viandes salees, les légumes secs, les artichauds, les asperges; le poisson mou, comme la carpe, que julius Alexander, lib. V. salubr. cav. vj. assûre avoir donné la goutte à un de ses amis, qui étoit certain d'en prendre une attaque chaque fois qu'il en mangeoit. La situation du membre souffrant est plus importante qu'on ne le pense communément, pour diminuer l'excès de la douleur & la rendre supportable; il doit être élevé autant qu'il est possible, délivré du poids des couvertures, & souvent de la chaleur du lit, qui contribue si fort, sur-tout pendant la nuit, à augmenter celle qui existe déjà, & à irriter la douleur au point de ne laisser prendre aucun repos au malheureux goutteux. Les applications les plus utiles & les plus innocentes qu'on ait encore trouvées, sont le lait froid ou tiede au sortir du pis de l'animal qu'on trait sur la partie malade, ou qu'on y applique avec des compresses; le cataplasme avec le lait & les farines d'orge, d'avoine, ou la mie de pain blanc; la tomme fraîche de lait de brebis, qu'on renouvelle souvent; la pulpe d'oignon de lis ou d'oignon ordinaire, cuits au four ou sous la cendre, & nourrie avec l'huile d'amande douce, récente, tirée sans feu; la chair de boeuf ou de veau, dont on applique des roüelles froides ou toutes palpitantes; la cervelle des veaux, agneaux, moutons; les anodyns, tels que le jaune d'oeuf frais, l'onguent anodyn de Crollius; les narcotiques même, si l'on est forcé d'y avoir recours. Mais la douleur, dans ses premiers transports, plus puissante que les remedes, élude presque toûjours leur secours, & n'en reçoit aucun adoucissement. C'est alors que le desespoir, qui ne connoît ni frein ni danger, a inventé les bains d'eau froide, douce ou salée, de glace ou de neige, qui ont fait des guérisons promptes & miraculeuses; mais qui ont fait aussi plus souvent remonter la goutte , ou qui l'ont changée en une mort subite. Dans une maladie aussi indomptable, il n'est pas étonnant qu'on se soit retourné de tous les côtés, qu'on ait presque tout tenté; & qu'après avoir éprouve le froid contre le chaud, combattu le mal par son contraire, on se soit avisé de lui opposer son semblable, & d'attaquer le feu par le feu même. Wilelm. Tenrhyne, dissert. de arthritide, pag. 102. soûtient que le feu est un excellent remede contre la goutte ; qu'il est innocent, & qu'il a vû les Japonois se guérir de leurs attaques, en mettant feu à du papier ou de la mousse dont ils entouroient la partie goutteuse: on en trouve plusieurs exemples dans Hippocrate & les anciens, qui se sont servis d'étoupes, de charpie, de mousse, &c. pour une pareille opération. Boerhaave la conseille, ainsi que le foüet avec des orties, pour attirer le levain en-dehors, lorsqu'on craint que la partie ne se durcisse trop tôt, & ne perde sa mobilité. On seconde l'effet des topiques par les boissons de petit-lait, par les juleps anodyns, les opiates, par les clysteres emolliens; mais ce n'est qu'après la premiere impétuosité de la douleur, qui est toujours invincible, selon Sydenham, qu'on peut retirer quelque fruit des applications propres a resoudre & à accélérer la destruction du levain goutteux. C'est alors qu'on peut employer avec succès l'emplâtre de Tachenius, dont voici la recette. de l'huile rosat j. Quand il sera chaud, délayez-y du savon blanc rapé iiij. ensuite ajoutez-y de la ceruse & du minium en poudre, de chacun iiij. cuisez le tout lentement, en remuant toujours avec une spatule de bois, jusqu'à ce qu'il ait acquis la consistence d'un emplâtre: alors, après avoir laissé un peu refroidir, en remuant toûjours, mêlez-y une once de camphre, dissous auparavant dans un mortier avec q. s. d'esprit-de-vin, pour le réduire en forme de bouillie. C'est au même moment de la diminution des tourmens, que M. James, dans son dictionnaire de Medecine , à la fin de l'article goutte , dans ses réflexions, propose un topique qui lui a été communiqué par un goutteux, qui n'est compose que de fleurs de sureau, de vinaigre & d'un peu de sel digérés ensemble, qui appliqué froid, ne laisse pas de faire beaucoup transpirer la partie; & qui doit par conséquent, en attirant au-dehors & en évacuant le levain goutteux, l'empêcher de déposer, & abréger beaucoup la durée du paroxysme. C'est dans le même tems qu'on peut aussi appliquer avec utilité le baume de soufre térébenthine; la térébenthine elle-même sur les étoupes, dont quelques personnes font un grand secret, ainsi que tous les différens baumes, principalement celui de la Mecque, avec lequel quelques goutteux croyent s'être guéris, ou du moins préservés de la goutte pendant plusieurs années. On pourroit bien, avec autant de raison, appliquer les lithonptriptiques, les sels lixiviels, les absorbans, les savons, qui sont peut-être les seuls remedes capables d'attaquer la cause du mal, comme l'a soupçonné M. Deydier dans sa dissertation sur la goutte , imprimée à Montpellier en 1726: an arthritidi curandae quaerendum topicum lithomptripticum . On pourroit bien aussi en faire usage intérieurement, comme nous le dirons ci-après, ainsi que des amers stomachiques aromatiques, qui ont toûjours été employés en pareille occasion pour fortifier l'estomac, ranimer les digestions, & détruire les reliquats du levain goutteux. A l'égard de la purgation, elle ne trouve presque jamais place dans le tems de l'accès, à-moins qu'il n'y ait complication, parce que dans tous ses tems, au commencement, au milieu, à la fin, les purgatifs ne sont propres qu'à troubler le dépôt du levain goutteux, le suspendre, le faire remonter, ou affoiblir les forces nécessaires pour sa coction, sa résolution & sa destruction. On n'en fait guere plus d'usage à l'issue de l'attaque, parce que les forces sont déjà trop affoiblies; que l'ennemi n'existe plus, ou qu'il est hors de la portée de leur action. S'il est un tems pour attaquer la goutte & la combattre avec avantage, le véritable est dans l'intervalle des accès. Il est bien plus important d'empêcher la formation & l'accumulation du levain goutteux pendant la bonne santé, que de s'occuper de sa destruction dans le tems des tourmens qu'il cause. C'est en printems & en autonne qu'on peut dans les sujets pléthoriques employer les saignées préservatives; & dans les cacochimiques, les legers émétiques ou la purgation, que Boerhaave conseille de composer avec les purgatifs hydragogues mêlés avec les mercuriaux. C'est le tems d'employer le lait & la diete blanche, les martiaux, tels que l'alkool martis de Musgrave, ou toute autre préparation; les amers antipodagragogues des anciens, tels que la poudre arthritique amere du codex parisiensis; les os humains brûlés, que Galien, lib. IX. de simpl. medic. facult. assûre avoir vû guérir des goutreux & des épileptiques, &c. Outre ces remedes, dont on prolonge l'usage pendant les six mois & les années entieres, les chaleurs de l'été invitent aux eaux minérales ferrugineuses, aux bains domestiques, ou dans l'eau de la mer & des rivieres, qui sont très utiles aux jeunes personnes sanguines & bilieuses. L'autonne fournit les bains de vendange bouillante, tant vantés par Antonius ab Alto-mari , & dont tant de personnes ont ressenti les bons effets. Quelques goutteux se trouvent bien de porter toute l'année ou des chaussons ou des semelles d'une toile cirée verte, qui entretient une transpiration continuelle des piés. D'autres usent toute l'année aussi d'une décoction legere d'ortie, qu'ils prennent en forme de thé. Un remede qui paroît prendre faveur, & qui porte déjà le nom de spécifique , c'est le savon blanc ordinaire, ou le savon médicinal, dont on commence à faire usage une ou deux fois par jour pendant long-tems, en commençant par quinze ou vingt grains, & augmentant insensiblement jusqu'à demi-dragme ou deux scrupules par prise. Quoique l'expérience n'ait point encore consacré ce remede, sa vertu lithomptriptique doit lui servir de recommandation; & quand il ne produiroit d'autre bien que d'empêcher la formation du calcul, si souvent uni à la goutte , il ne laisseroit pas d'être d'une grande utilité. Il semble que les alkalis volatils & fixes, que tant d'illustres auteurs recommandent, n'ont mérité leur confiance qu'à cause de la vertu commune qu'ils ont avec le savon. Le meilleur remede qu'on ait encore trouvé, le plus certain, le plus utile, celui qui réunit le suffrage de tous les Medecins tant anciens que modernes, c'est un bon régime de vivre, c'est l'usage raisonnable des six choses non naturelles: non saturari cibis, & impigrum esse ad laborem . Manger peu, sur-tout le soir; boire sobrement, éviter les alimens contraires, se coucher de bonne-heure, être assez bien couvert pour pouvoir transpirer le matin à la fin du sommeil; faire un exercice proportionné, tant à pié qu'à cheval, ou en voiture, &c. voilà le seul spécifique connu. S'il ne remplit pas son nom, comme on n'en sauroit disconvenir, il diminue du-moins beaucoup la violence du mal; il en empêche les fréquens retours; il seconde efficacement tous les moyens dont on se sert pour le détruire ou pour l'adoucir, qui deviendroient inutiles sans son secours. C'est lui que Sydenham, sectateur de Lucien, préfere à tous les moyens connus de son tems, & dont il a eu la triste satisfaction de faire l'expérience sur lui-même. Le lait, qui étoit alors à la mode, n'a, selon lui, d'autre propriété que d'adoucir & de retarder les acces de goutte tant qu'on en fait usage; mais dès qu'on l'abandonne, les premiers accès qui reviennent sont les plus violens & les plus insupportables. L'usage des purgatifs produit aussi, selon lui, plus de mal que de bien, & ainsi des autres remedes. La goutte noüée, soit de sa nature, soit par ancienneté, doit être conduite comme la goutte simple: ce qu'elle exige de plus, c'est quelque moyen local pour fondre les nodosités, les concrétions plâtreuses ou pierreuses qui rendent le membre difforme, incommode, perclus, & qui le font enfin éclater, pour donner issue aux matieres qui s'y sont déposées. Le meilleur topique qu'on ait encore trouvé pour ce cas, c'est le cataplasme de vieux fromage de vache, délayé dans un bouillon de pié de cochon salé, inventé par Galien, & rapporté liv. X. de medie. simpl. facult. cap. jx. de caseo , auquel les Arabes ont ajoûté l'euphorbe, & dont on se sert toûjours en pareil cas, ainsi que des emplâtres de savon. Les bains & la douche des eaux de Bareges ont guéri plusieurs gouttes noüées, selon M. Desault; il cite dans son livre plusieurs exemples des succès opérés par ces eaux admirables, qui sont du-moins toûjours innocentes. A l'égard de la goutte remontée, où les forces vitales trop affoiblies par l'âge, ou par toute autre cause, ne peuvent plus pousser au loin le levain goutteux dans son siege naturel; où le levain déréglé & mal moriginé, au lieu de se porter dans les articulations, se jette sur les visceres; où les applications mal entendues, & quelques fautes dans le régime & les remedes, le repercutent & le chassent en-dedans du corps: les cordiaux sont le seul remede pour le premier cas, tels que la thériaque vieille, la poudre de Gascogne, les bons vins vieux, les liqueurs même spiritueuses & les alimens nourrissans, parce qu'ils sont capables de relever les forces, & de faire faire un effort à la nature pour chasser l'ennemi. Dans le second on doit suivre le même traitement pour les maladies causées par le levain goutteux, que si elles étoient dépendantes de causes ordinaires; avec cette attention particuliere, que les forces doivent être ménagées, & par conséquent les saignées & les purgatifs économisés, les cordiaux presque toûjours employés; & qu'on doit s'occuper particulierement de rappeller à son siége naturel le levain qui s'en est écarté, par le moyen des frictions seches, des emplâtres céphaliques, de la poix de Bourgogne, de l'urtication, du bain chaud, de la peau chaude de quelqu'animal nouvellement écorché, des synapismes & des vésicatoires même sur la partie dont il s'est dévoyé, & sur laquelle il doit revenir pour la délivrance parfaite de celles qui en sont opprimées. Dans le troisieme cas il faut recourir à des applications contraires aux repercussives qui ont repoussé le levain en-dedans, aux bains chauds de la partie, &c. comme dans le second cas; à la saignée même dérivative, si les forces sont suffisantes; aux cordiaux, & même aux anodyns pris intérieurement, selon le besoin. Cet article est de M. Penchenier , Docteur en Medecine à Montelimart en Dauphiné . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goutte-rose Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Goutte-rose Goutte-rose , gutta rosacca, gutta rosea, rubedo maculosa , ( Medecine. ) c'est l'espece de maladie de la peau que les Arabes désignent sous le nom d' albedsamen ou d' alguasen , ou selon d'autres, d' albuttizaga: les Grecs n'en font pas mention. Les symptomes caractéristiques de cette maladie sont des taches rouges chargées de pustules, de tubercules de couleur de feu, répandus sur le visage & particulierement sur le nez & les joues, à l'entour, ressemblantes à des gouttes de quelque liqueur rouge. Quelquefois la rougeur est si étendue & si vive, qu'elle donne au visage une couleur de cuivre de rosette; ce qui sans doute a fait aussi appeller cette maladie couperose , nom formé de cuprum roseum; d'où l'on dit d'un visage chargé de boutons rouges, bien enluminé, qu'il est couperosé . Ces tubercules sont quelquefois si nombreux, si gros, & la peau du visage & sur-tout du nez, en est si hérissée, si renflée, qu'ils en rendent la surface très-inégale & fort tuméfiée; en sorte que ceux qui sont ainsi affectés en deviennent défigurés, méconnoissables; & souvent même hideux à voir. Sennert fait mention d'un homme dont le nez avoit pris un si grand volume, par l'effet de cette maladie, qu'il lui couvroit presque les yeux & l'empêchoit de voir devant lui: cette incommodité devint si considérable, qu'il fut obligé de s'y faire faire des incisions, pour en enlever une partie. Quelques auteurs, tels que Florentin, serm. vij. tr. 6. summ. 2. cap. xv. distinguent trois degrés de cette maladie, qui sont 1°. la rougeur simple contre nature, sans pustules ni ulceres: 2°. la rougeur avec des boutons, des pustules: 3°. la rougeur plus foncée avec de petites tumeurs ulcérées, corrodées, & comme chancreuses, parce qu'elles s'étendent & sont rébelles aux remedes; ce qui les a fait quelquefois confondre avec le noli me tangere . Cette maladie doit le plus communément son origine aux excès de vin, de liqueurs vineuses, spiritueuses; ce qui a fait dire à Turner, qu'elle est la brillante & éclatante enseigne des ivrognes: ainsi les grands buveurs sont le plus sujets à la goutte-rose; mais ils ne sont pas les seuls: car on voit quelquefois des personnes très-sobres qui ont le desagrément d'en être attaquées par un vice dans les humeurs ou de la peau seulement, analogue à celui des intempérans, mais provenant de quelque autre cause, qui produit les mêmes effets, qui rend le sang échauffé, bilieux, acre, comme il est par l'effet du trop grand usage des boissons fermentées: en sorte que l'agitation des humeurs qui en résulte & qui les détermine avec plus de force vers l'habitude du corps en général, donne lieu à l'engorgement des vaisseaux cutanés du visage; attendu qu'ils sont plus délicats, d'un tissu moins compact que ceux des autres parties de la peau, & qu'en conséquence les humeurs en forcent plus aisément le ressort & en sont reportées plus difficilement dans le torrent de la circulation: d'où s'ensuit que les vaisseaux sanguins dilatés outre mesure, laissent pénétrer des globules rouges avec une sérosité bilieuse, dans les vaisseaux lymphatiques, qui deviennent ainsi le siége d'une sorte de legere inflammation habituelle, par erreur de lieu, qui se résout & se renouvelle continuellement dans la goutte-rose du premier degré; qui forme des tubercules lorsque les glandes sont le siége de l'engorgement, & produit ainsi la goutte-rose du second degré; & qui dans celle du troisieme degré ne pouvant se résoudre parfaitement, & se trouvant jointe à un caractere rongeant, dartreux, donne lieu à des exulcérations dans les pustules; ce qui forme le symptome le plus fâcheux. La goutte-rose parvenue à ce dernier état est presque incurable, parce qu'il est très-difficile de corriger le vice dominant dans les humeurs, & particulierement celui de la partie affectée. Il n'est pas moins difficile de guérir la goutte-rose du second degré, quoique de moins mauvaise qualité: à quoi contribue principalement la difficulté de faire changer de régime aux personnes qui ont contracté cette maladie par un penchant invétéré à l'ivrognerie. Par ces différentes raisons, ceux qui ont le visage bien bourgeonné, meurent ordinairement avec cette indisposition, même dans un âge très-avancé, attendu que cette maladie n'est point dangereuse par elle même, tant qu'elle est bornée à n'être qu'un vice topique. La goutte-rose commençante, qui n'a pas encore beaucoup infecté la peau, peut être guérie moyennant les remedes internes & le régime convenable, qui doivent être les mêmes que ceux qui ont été prescrits dans la curation de la dartre, de l'érésypele & de la gale. Il faut seulement observer, par rapport à ceux qui par l'excès des boissons fermentées ont contracté le vice du sang & de la peau du visage qui constitue la goutte-rose , qu'il ne faut corriger le vice à cet égard, qu'avec beaucoup de prudence, parce que le passage d'un usage continuel de liqueurs échauffantes à un régime rafraîchissant, tempérant, pourroit, s'il étoit trop prompt, trop peu ménagé, causer de grands desordres dans l'économie animale. Quant aux remedes topiques, on peut consulter Sennert, Turner, qui en proposent un grand nombre: on remarque en général qu'ils recommandent ceux qui sont adoucissans, legerement résolutifs & discussifs dans les deux premiers degrés de la goutte-rose , & ceux qui sont détersifs & obtundans, lorsqu'elle est accompagnée d'ulceres acrimonieux: ce sont en effet les indications qui se présentent à remplir dans les deux cas dont il s'agit: on employe ces différens topiques avec les précautions convenables, sous forme de lotion, de liniment, d'onguent, ou de pommade. La décoction de son dans le vinaigre & l'eau-rose, est un bon remede dans la rougeur simple du visage; on vante beaucoup aussi dans ce cas, l'huile de myrrhe par défaillance, le mucilage de psyllium mêlé avec les fleurs de soufre, &c. Voyez Cosmétique . Si la maladie est rébelle & les tubercules durs; après avoir fait usage des émolliens, résolutifs, on passera aux linimens faits avec le cérat de blanc de baleine, ou le cérat blanc de Bates. Les tubercules suppurés doivent être ouverts pour donner issue à la matiere, & on panse les pustules avec l'emplâtre de céruse & de dyachylum blanc, à quoi on ajoûte un peu de précipité blanc ou de mercure doux, pour les plus rébelles; au lieu qu'on se borne à toucher celles qui paroissent benignes, avec un noüet de sel de Saturne, d'alun brûlé, & de sel prunelle trempé dans les eaux de frai de grenouille & de nénuphar: les noüets de sublimé doux peuvent aussi être exprimés sur les pustules. Au surplus, le traitement de l'érésypele avec excoriation, & des dartres, convient aussi à tous égards dans ce cas-ci. V. Érésypele , Dartre . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Goutte-sereine Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Goutte-sereine Goutte-sereine , gutta serena , ἀμαύρωσις , ( Medecine. ) c'est le nom d'une des plus funestes maladies dont les yeux puissent être affectés, dans laquelle l'organe immédiat de la vision est rendu en partie ou même totalement paralytique; ensorte que les rayons de lumiere qui entrent dans l'oeil, frappent la rétine & y peignent l'image des objets, d'où ils sont réfléchis sans qu'il en résulte une sensation entiere, ou sans que l'impression en soit aucunement transmise à l'ame par le moyen du nerf optique; ce qui constitue une diminution considérable de la vûe, ou même une véritable cécité, quoiqu'il n'y ait cependant aucun vice apparent dans les yeux, dont la fonction principale est ainsi lesée ou reste absolument sans exercice. En effet, si l'on examine l'oeil malade avec attention, on n'y trouve rien d'extraordinaire dans toutes les parties qui peuvent tomber sous les sens: les tuniques, les humeurs, ne paroissent viciées en aucune maniere; on observe seulement que la pupille, ou pour mieux dire, le bord circulaire de l'uvée, semble d'abord immobile; mais il ne l'est cependant pas absolument lorsqu'il n'y a qu'un oeil d'affecté. Dans ce cas, la pupille paroît se dilater & se resserrer quand les deux yeux sont ouverts, & que l'on regarde de l'oeil sain des objets différemment éloignés, ou qu'on passe entre l'oeil sain & le grand jour quelque corps opaque; parce que les nerfs moteurs qui se portent à l'uvée de l'oeil malade, étant dans leur état naturel, la communication continue à être libre entre le cerveau & les fibres motrices de cette membrane: ainsi elle suit les mouvemens de celle de l'oeil sain; mais lorsque cet oeil est fermé, ou que la goutte-sereine est dans les deux yeux, la pupille reste immobile dans l'oeil ouvert, parce que la rétine y étant insensible à la lumiere, rien n'excite le mouvement des fibres motrices de l'uvée, dont les nerfs sont comme sympathiques avec les nerfs optiques; ce qui n'a pas lieu à l'égard des autres organes appartenans à l'oeil, qui conservent indépendant l'exercice de leur fonction, & restent dans l'état naturel. Cette maladie se declare de différentes manieres; quelquefois elle ôte tout à coup la vûe, comme il arrive à la suite des chûtes que l'on fait de haut, dans lesquelles on se heurte fortement la tête, ou des coups violens que l'on se donne, que l'on reçoit à cette partie, ou de toute autre cause externe de cette nature. D'autres fois, la vûe se perd peu à peu & par degrés; ce qui arrive dans les vielliards attaqués d'hémi-plégie ou de paralysie complette, & dans les personnes qui prennent la goutte-sereine à la suite de différentes maladies de langueur. Les symptomes qui précedent ou qui accompagnent la formation de la goutte-sereine sont aussi tort différens selon les differentes causes qui y donnent lieu: ainsi les malades se plaignent d'abord, les uns de bourdonnement, de tintement dans les oreilles, d'autres d'étourdissement, de vertige, de pesanteur de cerveau, d'assoupissement extraordinaire, d'autres de douleur de tête habituelle; d'autres enfin n'ont aucune de ces incommodités, & ne s'apperçoivent du mal naissant que par l'obscurcissement de leur vûe. Il y a des personnes qui sont sujettes à une sorte de goutte-sereine périodique qui leur ôte subitement la vûe pendant quelques instans ou quelques heures & même pendant plusieurs jours, & qui cesse ensuite souvent aussi promptement, mais elle revient par intervalle: cela arrive sur-tout aux hypochondriaques, aux hystériques, & aux femmes en couche. On observe qu'il y a aussi de la différence à l'égard de l'intensité du mal dans la goutte-sereine , attendu qu'elle ne prive pas totalement de la vûe: dans certains cas, elle laisse en core la faculté de distinguer la lumiere des ténebres; ce qui fait appeller imparfaite cette sorte de goutte sereine ; au lieu qu'on donne le nom de parfaite à celle qui rend la cécité complette, dans laquelle on n'apperçoit aucune trace de lumiere. Presque tous les Medecins ont attribué la cause prochaine de cette maladie à l'obstruction du nerf optique; ce qui a même le plus contribué à lui faire donner le nom de goutte sereine , dans l'idée que c'est comme une goutte d'humeur viciée, de lymphe épaissie qui bouche la cavité de ce nerf: mais comme il n'y a point de preuve bien démontrée de l'existence d'une cavité dans les filets médullaires, dont l'assemblage forme les nerfs, & que le fluide nerveux est encore problématique; on peut dire en général, que tout ce qui peut produire la paralysie, dans quelque partie du corps que ce soit, peut aussi être la cause de la goutte-sereine , lorsque cette cause a son siége dans le nerf optique: c'est ce que prouvent les recherches anatomiques faites dans les yeux de ceux qui sont morts avec la goutte sereine . On a toûjours trouvé le vice dans le nerf optique, qui, dans quelques sujets, étoit desséché, exténué, & de la moitié plus mince qu'il ne doit être naturellement: telle est l'observation de Bonet, sepulcret. anat. lib. I. sect. xvij. observat. 3 & 3 . Le même auteur a aussi trouvé, ( loco citato, observat. 1. ) une tumeur qui comprimoit ce nerf à son origine; & ( ibid. observat. 4. ) l'artere carotide extrèmement pleine de sang, qui a son entrée dans l'orbite, produisoit le meme effet sur ce nerf. Wepfer ( de apopl. hist. jv. ) rapporte avoir vû, dans le cas dont il s'agit, du sang & de la sérosité extravasés & pesans, sur le principe du nerf optique. Pawius ( observat. anatom. ij. ) dit avoir vû une vessie pleine d'une humeur aqueuse, qui pressoit les nerfs optiques dans leur conjonction. Platérus fait aussi mention d'une tumeur dure & ronde portant sur ces mêmes nerfs. Ainsi la cause qui les affecte de paralysie, peut avoir son siége ou vers leur origine & leur trajet dans l'intérieur du crane, ou à leur entrée dans l'orbite; elle peut aussi se trouver dans l'intérieur de ces nerfs, c'est-à-dire dans les vaisseaux sanguins qui pénetrent dans leur substance, ainsi que le démontrent les anatomistes modernes, & entre autres Wepser déjà cité, de cicut. aquat . Ces vaisseaux qui sont des branches de la carotide interne, dont quelques rameaux entourent aussi les nerfs optiques à leur entrée dans l'orbite, venant à recevoir trop de sang, par quelque cause que ce soit, produisent l'effet ou de porter, de presser de dedans en-dehors sur les fascicules des nerfs qui composent les optiques, & de les comprimer contre la circonférence osseuse du trou de l'orbite, par lequel ils penetrent dans l'oeil, ou de s'appuyer dans leur dilatation contre cette même partie ambiante, susceptible de résistance pour réagir en quelque sorte sur les nerfs resserres & comme étranglés dans ce passage. C'est principalement à la compression de ces différens vaisseaux engorgés, qu'on doit attribuer la cause de la goutte-sereine périodique, qui cesse ordinairement des que cet engorgement cesse par quelque moyen que ce puisse être. Il est aussi très-vraissemblable que l'on doit chercher la cause de la goutte-sereine imparfaite, dans une sorte d'infiltration séreuse des membranes de l'oeil, & sur-tout de la sclérotique, dans la partie où elles entourent l'insertion du nerf optique dans le globe de l'oeil; ensorte que par leur épaississement contre nature elles compriment ce nerf, & rendent paralytique une partie des filets nerveux qui le composent, en laissant subsister dans quelques uns qui restent libres, la faculté de transmettre les impressions de la lumiere, qui ne peuvent alors qu'être considérablement affoiblies à proportion qu'elles rendent un moindre nombre de traits de l'image peinte sur la rétine: de sorte même qu'il arrive quelquefois dans certaines gouttes-sereines imparfaites, que l'on voit distinctement la moitié supérieure ou inférieure ou latérale des objets, sans voir rien de l'autre moitié, parce que l'une des deux est absolument paralytique, tandis que l'autre reste libre. Le chanoine dont parle Saint-Yves, dans son traité des maladies des yeux , qui étoit affecté d'une goutte-sereine imparfaite, dans laquelle il voyoit la représentation de son oeil malade de ce même oeil sur le papier qu'il regardoit, c'est à-dire la représentation de l'uvée, de la partie colorée de cet oeil, observation confirmée par une semblable du fameux medecin oculiste, M. Petit, communiquée à l'académie des Sciences; ne pouvoit éprouver cet effet, qu'autant que les rayons de lumiere qui se portoient sur les points paralytiques du fond de son oeil, étant réfléchis sur la surface postérieure de l'uvée, en étoient aussi renvoyés sur d'autres points de la rétine qui étoient susceptibles d'en recevoir des impressions. Toutes les causes occasionnelles de la paralysie en général, auxquelles se joignent des causes particulieres qui en déterminent l'effet sur l'organe immédiat de la vision, peuvent donner lieu à la goutte-sereine. Voyez Paralysie . Ainsi dans les sujets pléthoriques, tout ce qui peut faire refluer le sang & les autres humeurs vers la partie supérieure, comme les convulsions, les resserremens spasmodiques, les efforts du vomissement, de l'accouchement, & autres semblables; la suppression des hémorrhoides, du flux menstruel, peut donner lieu à des dépôts sur le principe des nerfs optiques, ainsi que les métastases de matieres morbisiques, qui se font dans les fievres malignes putrides; la repercussion des éruptions cutanées, &c. les coups, les commotions qui peuvent causer quelque tiraillement, quelque compression dans les fibres des nerfs optiques; la trop grande application à la lecture & à tout autre exercice de la vision, soit avec trop soit avec trop peu de lumiere; ce qui fatigue, affoiblit la rétine dans le premier cas, en y excitant une sensibilité trop durable, ou l'uvée dans le second cas, en dilatant trop la prunelle pour l'admission du peu de rayons qui se présentent; les gran les évacuations de bonnes humeurs, sur-tout de la semence, qui en général affoiblissent beaucoup & rendent cet effet plus particulierement sensible dans les organes où l'atonie est de plus grande conséquence, comme dans ceux de la voix, de la vision ( voyez Eunuque ); en un mot, tous les vices des différentes humeurs par excès, par défaut, par les qualités, peuvent également contribuer à établir les différentes causes occasionnelles de la goutte-sereine . Cette maladie est regardée comme incurable lorsque la cécité est complette, qu'elle est invétérée, que les sujets qui en sont affectés sont d'un âge avancé, d'une constitution foible, délicate, languissante, à la suite de violentes maladies, sur-tout de quelque attaque d'apoplexie, & lorsqu'elle est jointe à la paralysie de quelque partie du corps. La goutte-sereine qui est imparfaite dans des sujets jeunes & robustes, & même celle qui est parfaite, mais périodique, sont très-souvent susceptibles de guérison, sur-tout lorsqu'elles surviennent d'un engorgement sanguin dans les parties affectées. La curation de la goutte-sereine doit être dirigée selon les indications que présente la nature bien étudiée & bien établie des causes qui l'ont produite: ainsi comme ces causes sont très-difficiles à découvrir, à distinguer les unes des autres, il est aussi très-difficile de bien entreprendre le traitement de cette maladie, & encore plus rare de le suivre avec succès; il n'y a que la goutte-sereine périodique dans les sujets robustes, causée par un engorgement de vaisseaux sanguins qui compriment le nerf optique ou qui couvrent ses ramifications dans la rétine, qui étant bien connue, peut être aisément guérie par la saignée révulsive, par les sang-sues appliquées à la tempe, par le rétablissement du flux supprimé des regles, des hémorrhoides, &c. au lieu que dans les personnes d'une mauvaise constitution, dont la masse des humeurs est pituiteuse, caco-chimique, toute goutte-sereine causee par un dépôt d'humeurs séreuses ou de toute autre nature, qui pesent sur le nerf optique & le privent de sa sensibilité naturelle, est très difficile à détruire; on ne peut l'attaquer que par les purgatifs, les cauteres, les sétons, les vesicatoires, les errhins, & en un mot par tous les secours propres à évacuer & à détourner les humeurs peccantes du siége de la maladie: on peut aussi user des remedes fondans, savonneux, mercuriels, &c. mais le plus souvent ces remedes sont inutiles & ne font que fatiguer les malades; ce qui est absolument toûjours vrai par rapport aux remedes appliqués sur les yeux mêmes; parce qu'il ne peut en résulter aucun effet dans le siége du mal, qui est trop éloigné des parties sur lesquelles peuvent se faire les applications; attendu qu'il est dans le fond de l'orbite, & peut-être même au-delà, dans l'intérieur du crane. On ne peut excepter que le cas où le nerf optique est comprimé par l'épaississement humoral de la sclérotique; ce qui étant bien connu, peut donner lieu aux remedes topiques, qui peuvent alors être employés pour fortifier les membranes de l'oeil, leur donner du ressort de proche en proche, afin qu'elles se dégorgent des humeurs surabondantes, & qu'elles ne s'en laissent pas abreuver de nouveau; mais ce cas n'a jamais lieu dans la goutte-sereine parfaite: il n'y a que l'ignorance ou la charlatanerie qui puisse engager à tenter la guérison de cette maladie par des collyres ou toutes autres applications sur les yeux. Au surplus, pour un plus grand détail sur cette maladie, V. les traites des maladies des yeux de Maître-Jan, de Saint-Yves; ce qu'en disent Sennert, Riviere, & les theses pathologiques & thérapeutiques d'Hoffman, system. med. ration. tom. IV. part. IX. cap. jv. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUTTE Author=unknown Normalized Classification=Blason anglois Part of Speech=adject GOUTTE; GOUTTE; adject. semé de gouttes, en terme de Blason anglois , signifie un champ chargé ou arrosé de gouttes. En blasonnant, il faut exprimer la couleur des gouttes, c'est-à-dire goutté de sable, de gueules, &c. Quelques auteurs veulent que les gouttes rouges soient appellées gouttes de sang ; les noires, gouttes de poix ; les blanches, gouttes d'eau. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUTTIERE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA GOUTTIERE GOUTTIERE, subst. f. en Architecture , canal de plomb ou de bois soutenu d'une barre de fer, pour jetter les eaux du chesneau d'un comble, dans une rue ou dans une cour; les plus riches de ces gouttieres se font en forme de canon, & sont ambouties de moulures & ornées de feuilles moulées. Les gouttieres de bois & de plomb ne peuvent avoir, suivant l'ordonnance, que trois piés de saillie au-delà du nû du mur. Gouttiere de pierre, canal de pierre à la place des gargouilles dans les corniches. Il s'en fait en maniere de demi-vase coupé en longueur, comme il s'en voit au vieux louvre. Les gouttieres des bâtimens gothiques sont formées de chimeres, harpies, & autres animaux imaginaires; on nomme aussi gargouilles , ces sortes de gouttieres . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouttieres Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gouttieres Gouttieres , ( Marine. ) La tonture des ponts fait que l'eau coule vers les bords où l'on met une piece qui forme le premier bordage horisontal ou du pont, & le commencement du bordage vertical ou de la premiere vaigre de l'entrepont. Cette piece qui regne tout-au-tour du vaisseau se nomme la gouttiere: elle est entaillée d'un pouce & demi ou deux pouces vis-à-vis chaque ban & chaque barroit; on l'entaille aussi vis-à-vis chaque aiguillette de parque, de tout l'équarrissage de l'aiguillette. La gouttiere repose sur les entremises, qui sont des pieces qui s'étendent d'un bau à l'autre; elle est clouée sur les baux & arrêtée sur les membres par des chevilles qui percent les bordages, les membres, la gouttiere , & qui sont clavetées en-dedans sur des viroles. C'est dans les gouttieres qu'on perce les dalots ou les trous par lesquels l'eau doit s'échapper. Il faut que la partie de la gouttiere qui porte sur les baux, sans y comprendre l'entaille qui forme la gouttiere , ait la même épaisseur que les illoires. Les gouttieres n'ont jamais trop de largeur, & on les laisse de toute la longueur des pieces. Pour bien comprendre leur situation dans le vaisseau, voyez Marine, Pl. V . fig. 1 . n°. 144. gouttieres des gaillards; n°. 74. gouttieres du premier pont, & n°. 75. les serres-gouttieres du premier pont. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouttiere à jetter trempe Author=unknown Normalized Classification=Brasserie Part of Speech=NA Gouttiere à jetter trempe Gouttiere à jetter trempe , terme de Brasserie; c'est un canal pour conduire l'eau du bec à jetter trempe dans la pompe de la cuve-matiere. Voyez Brasserie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouttiere Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Gouttiere Gouttiere , ( Reliure. ) on appelle de ce nom la marge extérieure ou de devant d'un livre quand il est rogné ou relié. Voyez Rogner . On fait la gouttiere en mettant deux ais à rogner, l'un d'un côté du volume, l'autre de l'autre, & abbaissant un peu chacun des côtés du volume pour faire élever les feuilles du milieu; ensorte que l'ouvrier en rognant son volume, puisse faire une marge égale à toutes les feuilles du volume, & que donnant ensuite une forme convexe au dos, le devant paroisse de la forme d'une gouttiere bien droite & bien égale. Voyez Rogner & Relier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouttieres Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=NA Gouttieres Gouttieres , ( Vénerie. ) il se dit des raies creuses qui sont le long des perches ou du marrain de la tête du cerf, du dain, ou du chevreuil. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNAIL Author=Bellin|d'Alembert Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GOUVERNAIL GOUVERNAIL, s. m. ( Marine. ) c'est une piece de bois d'une certaine largeur, assujettie à l'étambot par des gonds & des pentures qui lui permettent de tourner à gauche & à droite, suivant la route qu'on veut faire. Du côté du vaisseau où il se termine en forme de coin, il a la même épaisseur que l'étambot; on a coûtume de le tailler en queue d'aronde, c'est-à-dire qu'il est plus épais en-dehors que du côté de l'étambot, pour que l'angle qu'il fait avec la quille soit moins obtus. La partie du gouvernail qui touche à l'étambot est de chêne; le reste qu'on nomme le safran , est d'un bois plus leger comme de sapin. La barre du gouvernail est un levier ou une longue piece de bois de chêne qui entre par un de ses bouts dans une mortaise pratiquée au haut du gouvernail; elle sert à le faire mouvoir. Voy. Pl. IV . Marine, fig. prem. n°. 175. le gouvernail, n°. 176. le safran du gouvernail, n°. 177. la barre du gouvernail ou gousset, n°. 178. le taquet du gousset, n°. 179. la tamise ou demi-lune, n°. 180. la noix ou hulot, n°. 181. la manuelle, n°. 182. la ferrure du gouvernail . La tamise ou tamisaille est une piece de bois en forme d'arc, qu'on attache au-dessous du second pont dans la sainte-barbe, sur laquelle coule la barre du gouvernail lorsqu'on la fait mouvoir. La hauteur du gouvernail doit être d'une fois un tiers l'épaisseur de la quille jointe à la hauteur de l'étambot, à quoi on ajoûte un pié & demi ou deux piés pour placer sa barre. Sa largeur est différente dans toutes les parties de sa longueur: à l'endroit de la quille il a autant de pouces que le vaisseau a de piés de large; au droit de la flotaison il a les trois quarts de sa plus grande largeur. Deux piés plus haut que la flotaison il a une moitié de sa plus grande largeur, & au bout d'en-haut un peu plus du tiers. Quelques-uns prétendent que les dimensions du gouvernail devroient être réglées plûtôt sur la longueur du vaisseau que sur sa largeur, la force de la résistance devant être proportionnée à la force du mobile. Plusieurs constructeurs font que la coupe horisontale de la partie plongée augmente de largeur en s'éloignant du vaisseau; ainsi ils la forment en queue d'aronde, dans la vûe que son angle avec la quille soit moins obtus. Pour faire tourner le gouvernail avec plus de facilité, on se sert ordinairement d'une roue de trois ou quatre piés de diametre, placée verticalement sous le gaillard. Dans le sens de la largeur du navire, voyez dans la Planche VI . la figure 73 . pour l'intelligence de la manoeuvre du gouvernail ci-après énoncée. Cette figure représente l'étambot cotté AB , le gouvernail est marqué CD ; & CE est la barre ou le timon à l'extrémité E , duquel on applique deux cordes EGIL & EFHK , qui passent sous les deux poulies F & G , qui sont arrêtées aux deux côtés du navire, & venant repasser sur les poulies H & I , remontent ensuite verticalement jusqu'à l'axe MN de la roue OP , & s'enveloppent chacune de différens côtés sur cet axe. Il est clair que lorsqu'on fait tourner la roue OP dans un certain sens, une corde se lâche en même tems que l'autre se roidit, & doit tirer le timon vers le côté du navire. La force des matelots ou des timonniers doit se trouver multipliée autant de fois que le rayon de la roue est plus grand que le rayon de son essieu, & que la longueur du timon est plus grande que la demi-largeur du gouvernail . Dans les plus grands vaisseaux la longueur du timon CE peut avoir trente piés, ce qui donne déjà un avantage à la force motrice, comme elle est appliquée à quinze fois plus de distance, son mouvement doit donc être quinze fois plus grand; d'un autre côté le rayon de la roue OP peut être trois ou quatre fois plus grand que le rayon de l'axe ou de l'arbre MN , ce qui multiplie la force encore trois ou quatre fois. Ainsi faisant abstraction du frottement qui ne laisse pas que d'être considérable, la force de chaque timonnier est multipliée quarante-cinq ou soixante fois; & il suffit par conséquent de faire un effort de vingt livres, pour en soûtenir un de neuf cents ou de douze cents livres que feroit l'eau par son choc contre le gouvernail ; c'est aux Anglois que nous devons cette disposition. Si l'on veut connoître plus particulierement la théorie du gouvernail & de ses effets, il faut voir le traité du navire de M. Bouguer, & la théorie de la manoeuvre des vaisseaux de M. Pitot. ( Z ) On peut comprendre sans peine par le raisonnement suivant l'effet du gouvernail . Lorsqu'on tourne le gouvernail de droite à gauche, par exemple, la résistance de l'eau qui agit sur ce gouvernail tend à pousser de gauche à droite, & pour plus de facilité on peut supposer cette résistance appliquée au point où le gouvernail est uni au vaisseau, c'est-à-dire à la poupe; donc il y a une puissance appliquée à la poupe, laquelle puissance est dirigée de gauche à droite. Or quand l'extrémité d'un corps est poussée de gauche à droite par une puissance, cette extremité doit tourner de gauche à droite, & l'extrémité opposée de droite à gauche. Ceux qui ne seront pas géometres peuvent s'en assûrer par l'expérience journaliere; & à l'égard des autres, ils trouveront au mot Centre spontané de rotation , les principes d'après lesquels cette proposition peut être démontrée. Ainsi le mouvement du gouvernail dans un sens fait tourner la poupe du côté opposé, & la proue du même côté que le gouvernail . Cette explication est simple, & peut être entendue par tout le monde; mais elle ne suffit pas pour résoudre rigoureusement & généralement le problème des mouvemens du vaisseau & du gouvernail ; on peut le réduire à la question suivante. Etant donnés deux corps unis ensemble par une espece de charniere ( tels que le vaisseau & le gouvernail ) & supposant une puissance donnée appliquée à un point donné d'un de ces corps, trouver le mouvement qui doit en résulter . J'appellerai point d'union , l'endroit où les deux corps sont unis par charniere; il est visible que le point d'union doit, ou au moins peut avoir un mouvement en ligne droite, dont il faut chercher la quantité & la direction, & qu'outre cela chacun de ces deux corps aura un mouvement de rotation circulaire autour du point d'union ; de maniere que si on connoit la vîtesse de rotation d'un point de chaque corps, on connoitra la vitesse de rotation de tous les autres points: & le mouvement de chacu sera composé de ce mouvement de rotation & d'un mouvement égal & parallele au mouvement du point d'union. Il y a donc ici quatre inconnues; la quantité du mouvement du point d'union, sa direction, & la quantité du mouvement circulaire d'un point pris é volonté dans chaque corps. Or tous ces mouvemens doivent être tels ( voyez Dynamique ), que si on les imprimoit en sens contraire, ils feroient équilibre avec la puissance donnée qui pousse le corps. Décomposons donc le mouvement de chaque particule des deux corps en deux directions, l'une parallele, si l'on veut à la puissance donnée, l'autre perpendiculaire à la direction de cette même puissance. Il faut pour qu'il y ait équilibre, 1°. que la somme des forces paralleles à la puissance donnée lui soit égale; 2°. que la force résultante des forces imprimees au navire en sens contraire, passe par le point où le gouvernail est joint au navire, c'est-à-dire par le point d'union; 3°. que la somme des puissances perpendiculaires soit nulle; 4°. que les forces perpendiculaires & paralleles, & la puissance donnée, se fassent mutuellement équilibre. Voilà les quatre équations qui serviront à trouver les quatre inconnues. On pourroit croire, en y faisant peu d'attention, que la quatrieme condition revient à la premiere & à la troisieme; mais il est aisé de voir qu'on seroit dans l'erreur. Quand deux puissances égales & paralleles, par exemple, tirent en sens contraire deux differens points d'un levier, leur somme est nulle, mais la somme de leurs momens ne l'est pas; aussi n'y a-t-il pas équilibre. Voyez Equilibre , Levier , Moment , Statique . Voilà la maniere générale de résoudre le problème; elle peut être simplifiée par différens moyens, qu'il seroit trop long d'indiquer ici. Mais ceci suffit pour faire voir que le rapport des mouvemens du gouvernail à celui du vaisseau est un des problemes des plus delicats de la Dynamique, & que peut être il n'a été résolu jusqu'ici qu'assez imparfaitement, quoique suffisamment pour l'usage de la Marine. Au reste comme la masse du gouvernail est très petite par rapport à celle du vaisseau, on peut si l'on veut la negliger dans la solution de ce probleme, & n'avoir égard qu'au mouvement du vaisseau produit par la resistance ou réaction de l'eau sur le gouvernail . Ce problème est de la même nature que celui des rames; il y a sur l'un & sur l'autre d'excellentes remarques à faire, que nous renvoyons au mot Rame . Ces remarques ont principalement rapport à l'action de la puissance qui fait tourner le gouvernail , & à la résistance de l'eau, qui doivent ici entrer l'une & l'autre en ligne de compte, si on veut résoudre la question avec toute la rigueur dont elle est susceptible. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouvernail Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Gouvernail Gouvernail , ( Hydr. ) on appelle aussi de ce nom la queue d'un moulin ou machine hydraulique, qui le met d'elle-même au vent. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNANCE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GOUVERNANCE GOUVERNANCE, s. f. ( Jurisprud. ) est un titre que l'on donne à plusieurs bailliages d'Artois & de Fiandres; ce qui vient de ce qu'anciennement les gouverneurs de ces pays en étoient les grands baillifs nés; sous les anciens comtes d'Artois on appelloit bailliage , ce qui fut dans la suite nommé gouvernance . Mais cela ne différoit que de nom; les droits des bailliages & des gouvernances ont toûjours été les mêmes, & actuellement les bailliages ne different des gouvernances que par rapport à leur ressort; par exemple la gouvernance ou bailliage de Bethune releve de la gouvernance d'Arras. Ainsi que l'on dise bailliage ou gouvernance de Bethune, c'est la même chose. Voyez l'auteur des notes sur la coûtume d'Artots, page 190 . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNANTE D'ENFANS Author=Lefebvre Normalized Classification=Economie morale Part of Speech=NA GOUVERNANTE GOUVERNANTE D'ENFANS, ( Economie morale. ) c'est la premiere personne à qui les grands & les riches confient l'éducation d'un enfant lorsqu'il sort des bras de la nourrice: les impressions qu'il reçoit de la gouvernante sont plus importantes qu'on ne croit; celles même que la nourrice lui donne ne sont pas sans conséquence. Des premieres impressions que reçoit un enfant, dépendent ses premiers penchans; de ses premiers penchans, ses premieres habitudes; & de ces habitudes dépendront peut-être un jour les qualités ou les défauts de son esprit, & presque toûjours les vertus ou les vices de son coeur. Considérons-le depuis l'instant qu'il est né: le premier sentiment qu'il éprouve est celui de la douleur, il la manifeste par des cris & par des larmes: si cette douleur vient de besoin, la nourrice s'empresse de le satisfaire; si c'est d'un derangement dans l'économie animale, la nourrice ne pouvant y apporter remede, tâche au moins de l'en distraire; elle lui parle tendrement; elle l'embrasse & le caresse. Ces soins & ces caresses toûjours amenées par les larmes de l'enfant, sont le premier rapport qu'il apperçoit; bien-tôt pour les obtenir il manifestera par les mêmes signes un besoin moins grand, des douleurs moins vives; bien-tôt encore, pour être caressé, il jettera des cris & répandra des larmes sans éprouver ni besoin ni douleur. Que si après s'être assûrée de la santé de l'enfant, la nourrice n'est pas attentive a réprimer ces premiers mouvemens d'impatience, il en contractera l'habitude; sa moindre volonté ou le moindre retard à la satisfaire, seront suivis de cris & de mouvemens violens. Que sera-ce si une mere idolatre veut non-seulement qu'on obéisse à son enfant, mais qu'on aille au-devant de ses moindres fantaisies? alors ses caprices augmenteront dans une proportion centuple à l'empressement qu'on aura pour les satisfaire; il exigera des choses impossibles, il voudra tout-à-la-fois & ne voudra pas; chacun de ses momens sera marqué par toutes les violences dont son âge est capable: il n'a pas vécu deux ans, & voilà déjà bien des défauts acquis. Des bras de la nourrice, il passe entre les mains d'une gouvernante: elle est bien loin de se douter qu'il faille travailler d'abord à réprimer les mauvaises habitudes que l'enfant peut avoir; quand elle l'imagineroit, elle en seroit empêchée par les parens: on ne veut pas le contrarier, on craindroit de le fâcher. Elle va donc, pour l'accoûtumer avec elle, lui prodiguer, s'il est possible, avec plus d'excès & plus mal-à-propos les mêmes soins & les mêmes caresses; & au lieu de prendre de l'ascendant sur lui, elle va commencer par lui en laisser prendre sur elle. Cependant il se fortifie & son esprit commence à se développer; ses yeux ont vû plus d'objets, ses mains en ont plus touché, plus de mots ont frappé ses oreilles; & ces mots toûjours joints à la présence de certains objets, en retracent l'image dans son cerveau; de toutes parts s'y rassemblent des idées nouvelles; déjà l'enfant les compare, & son esprit devient capable de combinaisons morales. Il seroit alors de la plus grande importance de n'offrir à son esprit & à ses yeux que des objets capables de lui donner des idées justes & de lui inspirer des sentimens loüables; il semble qu'on se proposé tout le contraire. Les premieres choses qu'on lui fait valoir ne sont capables que de flatter sa vanité ou d'irriter sa gourmandise; les premieres loüanges qu'il reçoit roulent sur son esprit & sur sa figure; les premieres notions qu'on lui donne de lui-même, c'est qu'il est riche ou que sa naissance est illustre; & la naissance ou les richesses sont les premiers objets dont il entend parler avec respect ou avec envie; s'il fait des questions, on le trompe; veut-on l'amuser, on lui dit des absurdités; s'il commande, on obéit; s'il parle à-tort & à-travers, on applaudit; on rit, s'il fait des méchancetés; on lui apprend à frapper, à dire des injures, à contrefaire, à se moquer: ce qu'on lui recommande comme raisonnable, on lui permet de ne le pas suivre; ce qu'on lui a défendu comme condamnable, on permet qu'il le fasse, & souvent on lui en donne l'exemple: on le menace sans le punir, on le caresse par foiblesse & par fantaisie; on le gronde par humeur & mal-à-propos: ce qu'on a refusé à sa priere, on l'accorde à son importunité, à son opiniâtreté, à ses pleurs, à ses violences. Pourroit-on s'y prendre autrement, si l'on se proposoit de lui déranger la tête & d'éteindre en lui tout sentiment de vertu? A l'égard des principes qu'on croit lui donner, quelle impression veut-on qu'ils fassent sur lui, quand tout contribue à les détruire? comment respectera-t-il la religion, lorsqu'après lui en avoir enseigné les devoirs, on ne les lui fera pratiquer ni avec respect ni avec exactitude? comment craindra-t-il ses parens, quand ils ne lui feront pas reconnoître leur autorité, & qu'ils paroîtront lui rendre beaucoup plus qu'il ne leur rend? comment saura-t-il qu'il doit quelque chose à la société, quand il verra tout le monde s'occuper de lui, & qu'il ne sera occupé de personne? Abandonné au déreglement de ses goûts & au desordre de ses idées, il s'élevera lui-même le plus doucement & le plus mal qu'il lui sera possible; le moindre penchant qu'il aura, il voudra le satisfaire; ce penchant deviendra fort par l'habitude; les habitudes se multiplieront; & de leur assemblage se formera dans l'enfant l'habitude générale de compter pour rien ce qu'on lui dit être la raison, & de n'écouter que son caprice & sa volonté. Ainsi se passent les sept premieres années de sa vie; & ses défauts se sont tellement accrus, que les parens eux-mêmes ne peuvent plus se les dissimuler: l'enfant leur cede encore quand ils prennent un ton plus sérieux, parce qu'ils sont plus forts que lui; mais dèslors il se promet bien de ne reconnoître aucune autorité quand il sera plus grand: à l'égard de la gouvernante , elle n'a plus d'empire sur lui, il se moque d'elle, il la méprise; preuve évidente de la mauvaise éducation qu'il a reçûe. Il passe entre les mains des hommes: c'est alors qu'on pense à réparer le mal qu'on a fait; on croit la chose fort aisée: on se flatte qu'avant trois mois l'enfant ne sera pas reconnoissable; on est dans l'erreur. Avec beaucoup de peine on pourra, jusqu'à un certain point, retrancher la superficie de ses mauvaises habitudes: mais les racines resteront; fortifiées par le tems, elles se sont, pour ainsi dire, identifiées avec l'ame; elles sont devenues ce qu'on appelle la nature . Cette peinture n'a rien d'exagéré; relativement à beaucoup d'éducations, les traits en sont plûtôt affoiblis que chargés. Ainsi sont élevés, je ne dis pas les enfans des particuliers, dont la mauvaise éducation est bien moins dangereuse pour eux & moins importante pour la société, mais les enfans des grands & des riches, c'est-à-dire ceux qui devroient être l'espérance de la nation, & qui par leur fortune & leur rang, influeront beaucoup un jour sur ses moeurs & sur sa destinée. On s'imagine qu'il ne faut point contraindre les enfans dans leurs premieres années; on ne fait pas attention que les contradictions qu'on leur épargne ne sont rien, que celles qu'on leur prépare seront terribles. On se propose de les plier quand ils seront forts; pour quoi ne veut-on pas voir qu'il seroit bien plus facile & plus sur d'y reussir quand ils sont foibles? Quiconque a examine les hommes dans leur enfance, & les a suivis dans les différens périodes de leur âge, a pû remarquer comme moi, que presque tous les défauts qu'ils avoient à sept ans, ils les ont conservés le reste de leur vie. On craindroit en gênant un enfant, de troubler son bonheur & d'altérer sa santé: il est cependant manifeste que celui qui est élevé dans la soûmission est, pour le present même, mille fois plus heureux que l'enfant le plus gâté. Qu'on examine & qu'on juge; on verra l'enfant bien éleve être gai, coment, & tranquille; tout sera plaisir pour lui, parce qu'on lui fait tout acheter: l'autre, au contraire, est inquiet, inegal & colere à proportion qu'il a été plus gâté; ses desirs se détruisent l'un l'autre; la plus petite contradiction l'irrite; rien ne l'amuse, parce qu'il est rassasie sur tout. Croit-on que ces mouvemens violens dont il est sans cesse agite ne puissent pas influer sur son tempérament? croit-on que l'inquiétude de son esprit & le desordre de ses idées ne soient pas capables d'altérer les fibres délicates de son cerveau? Qu'on y prenne garde, il n'y a guere d'enfans gâtés qui dans leurs premieres années n'ayent eu des symptomes de vertige; & lorsqu'ils sont devenus grands, on peut juger par leur conduite si leur tête est bien saine. Parens aveugles, vous vous trompez grossierement sur les objets que vous vous proposez; vous n'êtes pas moins dans l'erreur sur vos propres motifs; vous vous croyez tendres, vous n'êtes que foibles: ce ne sont pas vos enfans que vous aimez, c'est l'amusement qu'ils vous donnent. Croyez-vous que le ciel vous les confie pour être l'objet d'une passion folle, ou pour vous servir d'amusement? ignorez-vous que c'est un dépôt dont vous lui rendrez compte? que vous en êtes comptables à la république, à la postérité? pourquoi faut-il vous dire que vous l'êtes à vous-mêmes? Un jour viendra que vous payerez bien cher les foibles plaisirs que leur enfance vous donne: quelle sera votre douleur, quand vous verrez l'objet de toutes vos affections devenu celui du mépris public? quand son mépris pour vous-mêmes deviendra le salaire de vos molles complaisances? quand ce fils rendu dénaturé par l'exces de vos tendresses, sera le premier à vous reprocher tous ses vices comme étant votre ouvrage? alors vous répandrez des larmes de sang; vous accuserez la gouvernante , le précepteur, le gouverneur, tout l'univers. Parens injustes, vous n'aurez peut-être à vous plaindre que de vous! Si c'étoit aux meres que j'adressasse ce discours, la plûpart me regarderoient comme un moraliste atrabilaire; c'est aux peres que je m'adresse: en leur qualité d'hommes, leur ame doit être moins foible & leurs vûes moins bornées; il ne leur est pas permis de se laisser séduire par l'objet présent, & de ne pas porter leurs yeux dans l'avenir. Si vous êtes dignes de ce titre de pere , vous devez vous occuper de l'education de vos enfans, même avant qu'ils soient nés. Quoique peu de meres soient capables de cette passion funeste qui va jusqu'a l'idolatrie, toutes sont foibles, toutes sont capables d'aveuglement: si vous voulez contenir leurs sentimens dans les bornes qu'ils doivent avoir, il faut vous y prendre de bonne heure. Faites remarquer à votre épouse la mauvaise education qu'on donne aux enfans de sa connoissance, les déreglemens de presque tous les jeunes gens d'un certain ordre, tous les chagrins qu'ils donnent à leurs parens, & combien les sentimens de la nature sont éteints dans leur coeur; parlez-lui sur tout cela avec la tendresse que vous lui devez, & avec la force que doit vous inspirer un interêt si grand. Veillez en même tems sur sa tendresse; elle même est un enfant à qui il seroit dangereux de laisser prendre une mauvaise habitude: si elle avoit gâte votre fils dans les bras de la nourrice, elle continueroit de le gâter entre les mains de la gouvernante; elle mettroit obstacle à tout le bien qne pourroient faire le précepteur & le gouverneur: pour la ramener, il faudroit livrer des combats; peut-être n'auriez-vous pas la force de combattre toujours, & votre fils seroit perdu sans ressource. Quand on choisira une nourrice, outre les qualités physiques qu'elle doit avoir, faites ensorte qu'elle soit femme de bon sens: tant que l'enfant se portera bien, qu'on ne lui passe ni volonté ni impatience; quand même il seroit indisposé, il ne faudroit pas s'écarter de cette méthode: un mois de maladie nuit plus à son éducation qu'une année de soins n'a pû l'avancer. Pour peu qu'il y ait de danger, tous les parens perdent la tête, & il est bien difficile qu'ils ne la perdent pas: il seroit à souhaiter qu'au-moins l'un des deux ne compromit point son autorité, que le pere prît sur lui de ne pas voir son enfant, afin que par la suite l'ascendant qu'il auroit conservé pût rendre à la mere & à la gouvernante tout celui qu'elles ont perdu. Ce n'est pas la maladie qui rend impatient, c'est l'habitude de l'être qui fait qu'on l'est davantage quand on souffre; & c'est la foible & timide complaisance des parens qui fait qu'alors un enfant le devient à l'excès. Si l'enfant pleure, il est aisé de démêler le motif de ses larmes; s'il pleure pour avoir quelque chose, c'est opiniâtreté, c'est impatience; s'il pleure sans qu'on voye pourquoi, c'est douleur: dans le premier cas, il faut le caresser, pour le distraire, n'avoir pas l'air de le comprendre, & faire tout le contraire de ce qu'il veut; dans le second cas, consultez votre tendresse, elle vous conseillera bien. Les premieres volontés d'un enfant sont toûjours foibles; c'est un germe qui se développe & que la moindre résistance détruit; elles resteront foibles tant qu'elles lui réussiront mal; que si son impatience & ses volontés sont fortes, c'est une preuve que la nourrice n'est pas attentive, & qu'elle l'a gâté. Dès qu'elle ne lui sera plus nécessaire, & qu'on l'aura sevré, qu'elle soit écartée. Le premier jour, l'enfant répandra des larmes; si ses larmes viennent d'attachement & de sensibilité, on ne peut payer par trop de caresses ces précieuses dispositions; s'il s'y mêle de l'humeur, qu'on le caresse encore; mais que les caresses diminuent à-mesure que l'humeur augmentera; s'il demande quelque chose avec impatience, on lui dira avec beaucoup de douceur, qu' on est bien fâché de le refuser, mais qu'on n'accorde point aux enfans ce qu'ils demandent avec impatience: peut-être il n'entendra pas ce discours, mais il entendra l'air & le ton; il verra qu'on ne lui donne point ce qu'il a demandé; soit étonnement soit lassitude, il suspendra ses larmes; qu'on profite de cet intervalle pour le satisfaire. Le second jour, on mettra sa patience a une plus longue épreuve, & l'on continuera par degrés les jours suivans, en observant toûjours de ne le caresser que lorsqu'il sera tranquille, & de cesser les caresses qu'on lui fait, ou même de prendre un air plus sérieux dès qu'il sera opiniâtre ou impatient: cette conduite n'a rien de dur ni de cruel; l'enfant s'appercevra bientôt qu'il n'est caressé & qu'il n'obtient ce qu'il veut que quand il est doux, & il prendra son parti de le devenir. Dès que vous l'aurez rendu tel, comptez que vous aurez tout gagné; son ame sera entre vos mains comme une cire molle que vous paitrirez comme il vous plaira; vous n'aurez plus à travailler que sur vous-même, pour vous soûtenir dans une attention continuelle, pour déméler en lui ces semences de défauts ou de vices souvent foibles & obscures, & que néanmoins il faut réprimer dès qu'elles paroissent, si l'on veut y parvenir avec certitude & sans tourmenter l'enfant; pour mettre votre esprit à la portée du sien, sur tout pour avoir une conduite soutenue: car ne croyez pas qu'on éleve un enfant avec de beaux discours & de belles phrases: vos discours pourront éclairer son esprit; mais c'est votre conduite qui formera son caractere. Ne ressemblez point à la plûpart des gouvernantes , qui sont tracassieres, grondeuses, acariatres, ou au contraire toûjours en admiration devant leurs éleves & leurs complaisantes éternelles: quelques-unes même réunissent les deux extrèmes, successivement idolâtres & pleines d'humeur. C'est leur mal-adresse, & ce sont leurs défauts qui donnent aux enfans une partie de ceux qu'ils ont. Avec beaucoup de fermeté dans la conduite, ayez beaucoup d'égalité dans l'humeur, de gaieté dans vos leçons, de douceur dans vos discours; prêchez d'exemple, rien n'est plus puissant sur les enfans comme sur les hommes faits; de quelque tempérament que soit votre éleve, vous verrez qu'insensiblement la douceur & la sérénité de votre ame passeront dans la sienne. Si vous voulez l'instruire avec fruit, ne vous contentez pas de lui étaler votre éloquence devant les autres & quand vous pourrez être entendue; ce n'est pas quand l'enfant est dissipé, que les choses sensées qu'on lui dit peuvent faire impression sur lui: c'est dans le particulier, quand son ame est tranquille & son esprit recueilli. Il n'y a point d'enfant en qui l'on ne puisse saisir de ces momens d'attention; une gouvernante habile peut les faire naître souvent. Dès qu'il sera capable d'avoir une idée de Dieu, expliquez-lui ce que c'est que sa toute-puissance, sa bonté, sa justice; apprenez-lui le culte qu'on lui doit & les prieres qu'il faut lui adresser; pour lui donner l'exemple, priez avec lui, & mettez-vous dans la posture où il doit être. Ce n'est qu'en parlant à ses yeux que vous parlerez à sa raison. A commencer du moment que vous l'aurez instruit, ne permettez jamais ni qu'il oublie de prier, ni qu'il prie dans une posture peu décente, à-moins qu'il ne soit malade: alors au lieu de ses prieres ordinaires, qu'il en fasse une courte, & qu'il n'y manque jamais: vous lui apprendrez ses autres devoirs de religion, & les lui ferez pratiquer à mesure qu'il sera en âge de les remplir. Ses devoirs envers ses parens marcheront de pair avec ceux de la religion; apprenez-lui que son bonheur ou son malheur est dans leurs mains; qu'il tient de leurs bontés tout ce qu'il est & tout ce qu'il a; qu'ils sont pour lui l'image de Dieu; que Dieu leur a donné par rapport à lui une partie de sa puissance, de sa bonté, de sa justice; qu'il ordonne de les aimer & de les honorer, & qu'il n'a promis une longue vie qu'aux enfans qui les honorent; mais il faut que les parens entrent bien dans vos vûes: car si vos discours ne sont pas secondés par leur conduite, toutes les leçons que vous pourrez faire à l'enfant, sont autant de paroles perdues. Le premier sentiment qu'on doit exiger d'un enfant, ce n'est pas son amitié, c'est son respect: si l'on veut s'en faire aimer par la suite, il faut commencer par s'en faire craindre; celui qu'on éleve dans l'indépendance n'est occupé que de lui-même, & son coeur s'endurcit; celui qu'on éleve dans la soûmission sent le besoin qu'il a d'appui, & s'attache naturellement aux personnes dont il dépend. Que ses parens lui cachent toute la tendresse qu'ils ont pour lui; l'enfant en abuseroit; qu'ils viennent rarement le trouver, ou du-moins qu'ils restent peu avec lui; qu'ils ayent l'air de venir plûtôt pour s'informer de sa conduite que pour le caresser; qu'ils ne badinent point avec lui d'une maniere indécente, comme avec un perroquet ou une poupée. Quand on est pere, peut-on ne pas sentir le respect qu'on doit à son fils? Que tous les jours l'enfant aille rendre à ses parens ce qui leur est dû; qu'il y reste peu, à-moins que ce ne soit par récompense; si vous êtes contente de lui, qu'il y soit reçû avec bonté, qu'on lui fasse quelques caresses, qu'on lui donne quelques avis toûjours conformes à ceux que vous lui aurez donnés: car il faut qu'il y ait une correspondance exacte entre tous les disc ours qu'il entendra. Pour cela il est à-propos que quelqu'un d'intelligent vienne tous les matins savoir de vous ce qui s'est passé, ce que vous avez dit à l'enfant, ce que vous jugez à-propos qu'on lui dise. Si vous n'êtes pas contente de lui, qu'il se présente toûjours, c'est un devoir auquel il ne doit jamais manquer; mais qu'alors la satisfaction de voir ses parens lui soit refusée. Il est vraissemblable qu'il fondra en larmes. S'il est touché comme il doit l'être, ne joignez point d'autre peine à cette punition, au contraire il faut le consoler. Entrez dans sa douleur, dites-lui qu'elle est juste, mais qu'il s'y est exposé, & qu'il ne tient qu'à lui de rentrer en grace par une meilleure conduite: si au contraire il n'est pas assez sensible à cette disgrace, joignez-y toutes les privations capables de la lui faire sentir, imposez-les lui non comme la peine de sa premiere faute, mais comme celle de son insensibilité: au reste, dans une éducation bien faite, ce dernier cas ne peut guere arriver; il faudroit que l'enfant eût été bien gâté, pour que son ame se fût endurcie à ce point-là. Je n'ai point parlé de l'obéissance, quoiqu'elle soit la base de toute éducation; sans elle, il est impossible de fixer aucun principe dans l'esprit d'un enfant; elle doit être établie dans son coeur avant même qu'il sache ce que c'est qu'obéir, & je l'ai supposée en parlant des devoirs précédens. Les enfans ne sont desobéissans qu'autant qu'on veut bien qu'ils le soient; il n'en est aucun qui ose résister soit à ce qu'on lui ordonne soit à ce qu'on lui défend, quand il est sûr d'être puni; il ne faut pas souffrir qu'il balance; la plus legere desobéissance doit être punie. Si dès la premiere enfance on ne l'accoûtume point à suivre la raison d'autrui, on peut-être sûr qu'il ne suivra pas la sienne quand il sera plus avancé en âge. Au lieu de nourrir son orgueil en portant ses regards sur les avantages de sa fortune & de son rang, fixez-les sur son état présent; faites lui voir qu'il est dépourvû de tout ce qui mérite l'estime des hommes; qu'il n'a ni science, ni raison, ni vertus; qu'il ne peut rien pour lui-même, & que personne n'a besoin de lui; ne lui donnez point de titres & ne souffrez pas qu'on lui en donne; s'il en a, il sera tems qu'il les connoisse quand il entrera dans le monde. Qu'il soit attentif & poli, qu'il reçoive avec reconnoissance les bontés qu'on aura pour lui; que personne ne soit son complaisant ni son adulateur: si son rang ne vous permet pas de le garantir de certains respects, qu'il sache que c'est à ses parens qu'ils s'adressent, & qu'ils sont le prix de leurs bienfaits ou de leurs vertus. Qu'il ne commande à personne, qu'il demande avec douceur, qu'il remercie avec politesse; s'il commande, que tout le monde soit sourd, & que le mot je veux , s'il sort de sa bouche, soit un arrêt de refus prononcé par lui-même. Qu'il ne soit point, comme tous les enfans, avide de recevoir, éloigné de donner: qu'il donne de bonne grace, sinon qu'il soit privé de ce qu'il a refusé de donner; qu'il reçoive difficilement, qu'il ne demande jamais. On ne peut lui apprendre trop tôt qu'il est humiliant de recevoir, qu'il est doux de donner, & que c'est un devoir pour ceux qui sont dans l'abondance par rapport à ceux qui sont dans le besoin. S'il rencontre un pauvre ou un malheureux, qu'il lui donne quelque secours: s'il reçoit un service ou un présent de gens au-dessous de lui, qu'il les récompense ou leur rende au-delà de ce qu'il a reçû: s'il brise quelque chose qu'on lui aura confié, qu'il répare le dommage par un présent qui y soit supérieur; que tout cela se fasse par ses mains & de son argent: c'est ainsi qu'on lui en apprendra l'usage, & qu'en même tems on lui inspirera les premiers sentimens d'humanité, de générosité, de justice. Puisqu'on donne de l'argent aux enfans, il ne faut pas que ce soit pour l'amasser, comme quelques parens l'exigent, ni pour le dépenser en fantaisies, comme c'est l'intention de beaucoup d'autres, à-moins qu'on n'ait envie de les rendre avares ou dissipateurs. Il semble qu'on ne sache loüer les enfans que sur leur esprit & sur leur figure: sont-ce là les objets qu'il faut leur présenter comme loüables? Veut-on les rendre fats, présomptueux, frivoles? Ces loüanges sont d'autant plus ridicules, qu'elles sont presque toûjours fausses. Ce qu'il faut loüer devant eux, ce sont les choses véritablement loüables: ce qu'on doit loüer en eux, c'est leur douceur, leur obéissance, leur exactitude à remplir leurs devoirs, leur respect & leur attachement pour les personnes qu'ils doivent aimer; il ne faut les loüer qu'autant qu'ils le méritent. Dites à votre éleve que lorsqu'on loue un enfant sur son esprit & sur sa figure, c'est qu'on le méprise, & qu'on ne voit rien en lui qui mérite d'être loüé. Veillez sur les personnes qui l'approcheront; ne le laissez jamais entre les mains des valets, ou d'autres gens imprudens & grossiers; que l'entrée de sa chambre ne soit permise qu'à des personnes prudentes & polies, qui, quand elles joueront avec lui, sachent conserver de la décence; & qui, lorsqu'elles lui parleront raison, ne s'écartent jamais de la morale la plus exacte. Faites ensorte qu'il ne soit point dans le sallon, quand il y aura beaucoup de monde; il n'y trouveroit que des complaisans ou des gens qui en feroient leur joüet: ni l'un ni l'autre ne doivent convenir à des parens sensés. Les exemples qu'il verroit ne seroient point assez bons; les conversations qu'il entendroit ne seroient point assez exactes; beaucoup d'actions sans conséquence, ne le sont point pour un enfant; beaucoup de discours, irrepréhensibles pour des gens faits, pourroient l'induire en erreur. Peu de gens sont capables de sentir tout le respect qu'on doit à l'enfance; aucun n'est capable de s'y plier, à-moins qu'il n'en fasse son unique affaire. Les parens eux-mêmes ne le pourroient pas; & leurs discours & leurs exemples seroient un piége d'autant plus dangereux pour l'enfant, qu'il a plus de respect pour eux. Il fera des fautes, il est de l'humanité d'en faire; mais si vous êtes attentive, il en fera peu. Les enfans ne sont presque jamais punissables, qu'il n'y ait plas de la faute de ceux qui les conduisent que de la leur. Plus votre conduite sera égale & soûtenue, moins il osera s'écarter de ce que vous lui prescrirez; plus vous mettrez de douceur, d'affection & de bonté dans vos leçons & dans vos remontrances, plus il lui sera facile de s'y conformer; plus vous l'avertirez de ses devoirs, moins il sera en danger d'y manquer. Il fera des fautes par ignorance, il oubliera ce que vous lui aurez dit, parce qu'on l'aura distrait; il brisera ou renversera quelque chose par étourderie; il ménagera peu ses vêtemens. &c. Ces bagatelles viennent de l'âge, & ne tirent point à conséquence pour l'avenir: il fant l'en avertir; mais il ne faut pas l'en punir, à-moins qu'il n'y eût mauvaise intention. Une desobéissance, un trait d'humeur, un mot qui n'est pas conforme à la vérité, une parole malhonnête, un coup donné, une dispute avec ses freres ou soeurs, tout ce qui peut être le germe d'un vice, tout ce qui annonce de la bassesse ou de l'insensibilité; voilà des fautes punissables. Ces mêmes fautes deviendront des crimes du premier ordre, quand il y aura intention marquée, récidive ou habitude; car il faut considérer les fautes d'un enfant, moins par ce qu'elles sont, que par leur principe & par les suites qu'elles peuvent avoir. La punition des fautes legeres, ce sera d'en avertir les parens, & de les lui reprocher devant tout le monde. Il vous priera de n'en rien faire; soyez inexorable: bien loin de dissimuler ses fautes, il faut les exagérer. Il faut le rendre sensible à la honte, si vous voulez qu'il le devienne à l'honneur. Les fautes les plus legeres deviendront graves, à mesure qu'il y sera moins sensible: ce tera, par exemple, un crime du premier ordre, que de n'avoir pas été sensible à la honte d'une petite faute. La punition des grands crimes sera la privation des caresses de ses parens, même la privation totale du bonheur de les voir. On y joindra, suivant I'énormité de la faute, toutes les autres privations possibles, non comme ajoûtant à la premiere, mais comme en étant la suite. L'enfant sera négligé dans son extérieur, comme il convient à un enfant disgracié de ses parens. Tout le monde saura qu'il est en disgrace, & tout le monde le fuira. Vous ne lui accorderez d'amusemens qu'autant qu'il en faut pour l'empêcher de tomber dans la langueur & dans l'abattement. Vous même vous serez froide avec lui, mais sans cesser d'être douce. Vous lui ferez faire sur son état les remarques les plus propres à le lui rendre amer; vous lui rappellerez qu'il est puni, dans les momens où il seroit le plus tenté de l'oublier. La durée de sa punition dépendra du besoin qu'il a d'être puni; elle sera s'il le faut de plusieurs jours: il vaut mieux qu'elle soit plus longue, & n'être pas obligé d'y revenir. Il aura beau promettre d'être plus raisonnable, ses promesses ne seront point écoutées. Pour obtenir sa grace, il faudra qu'il la mérite, & elle ne sera jamais accordée qu'à l'excès de sa douleur & à sa bonne conduite. En lui annonçant que ses parens consentent de le revoir, faites lui valoir l'excès de leurs bontés; rappellez-lui la grandeur de la faute qu'il avoit commise; attendrissez son ame, pour y porter plus avant la reconnoissance & le repentir. Dès que leurs caresses auront mis le sceau à son pardon. il rentrera en possession de son état naturel, & tout reprendra sa face accoûtumée: mais ayez soin qu'il y ait une si grande différence entre cet état & celui de disgrace, que l'enfant tremble toûjours d'encourir le dernier. J'ai parlé de cette grande punition, persuadé qu'elle ne peut avoir lieu que rarement. Si l'on a été attentif à punir l'enfant des petites fautes. il ne s'exposera pas à en faire de plus grandes. A l'égard des verges, je n'en ai rien dit, parce qu'il n'en doit pas être question dans une éducation bien faite, si ce n'est peuttre dans le tems où la douleur est le seul langage que l'enfant puisse entendre; ou bien lorsqu'ayant été précédemment gâté, soit parce qu'il a été malade, soit par négligence, il est parvenu à ce point d'opiniâtreté de dire affirmativement, non: alors, comme il est de la plus grande importance de ne lui pas céder, c'est avec la verge qu'il faut lui répondre. Il seroit à souhaiter qu'on le fit sans humeur; mais si je conseillois d'attendre que la colere fût passée, je serois sûr que la faute seroit oubliée, & que l'enfant ne seroit pas puni. A l'âge où il est, il vaut mieux qu'il soit puni avec un peu d'humeur, que de ne l'être pas. Dans tout autre cas, & dès que l'enfant est capable d'un sentiment honnête, les verges doivent être bannies. On n'en fait usage si souvent que par négligence, par humeur, ou par incapacité; on rend ce châtiment inutile par la maniere dont on l'employe; on n'y attache pas assez de honte. Il faudroit qu'il fût l'annonce & le prélude de toutes les autres punitions possibles, que ces punitions lui fussent imposées parce qu'il s'est fait traiter comme un enfant sans ame & sans honneur: alors ce châtiment deviendroit pour lui un évenement unique, dont la seule idée le feroit frémir; au lieu que de la façon dont on s'y prend, il s'accoutume à cette punition comme à toute autre chose, & n'y gagne qu'un défaut de plus. Les coups sont un châtiment d'esclave, & je veux que votre eleve soit un enfant bien-né. Ménagez la sensibilité de son ame, & vous aurez mille moyens de le punir ou de le récompenser; accoûtumez-le à penser noblement, cela n'est pas si difficile qu'on le croit. Le principe de l'honneur est dans les enfans comme dans les hommes faits, puisque l'amour-propre y est; il n'est question que de le bien diriger, & de l'attacher invariablement à des objets honnêtes. Les enfans sont incapables de discussion; ils ne jugent des choses que par le prix qu'on y met; mettez à un haut prix celles que vous voudrez qu'il estime, & vous verrez qu'il les estimera; faites-lui faire une chose loüable pour mériter d'en faire une autre, c'est une excellente économie. Accordez-lui les choses de son âge, non comme bonnes, mais comme nécessaires à sa foiblesse; refusez-les lui, non comme estimables, mais parce qu'il les aime, & qu'on ne doit point avoir d'indulgence pour un enfant qui se conduit mal; ne les lui proposez jamais comme des récompenses dignes de lui; cherchez ces récompenses dans des objets qu'il doive aimer, & dont il doive faire cas toute sa vie; placez-les dans les caresses de ses parens, dans quelque devoir de religion qu'il n'ait point encore rempli, dans quelque action supérieure à son âge qu'il n'ait point encore faite, dans le plaisir d'apprendre quelque chose qu'il ignore, dans la consideration, dans l'estime, dans les loüanges; car il faut lui faire aimer les loüanges pour l'amener au goût des choses loüables. Quand il s'est distingué par quelque qualité loüable, qu'est-ce qui empêcheroit qu'on ne lui donnât un surnom qui exprimât cette qualité; qu'on ne l'appellât le raisonnable , le veridique , le bienfaisant , le poli; qu'on ne lui écrivît, soit pour le loüer de ce qu'il auroit fait de bien, soit pour lui reprocher ses défauts, en mettant en tête de la lettre les titres qu'il auroit merités, ou en le menaçant de les lui supprimer, s'il continuoit à s'en rendre indigne? C'est ainsi qu'on peut élever son ame au-dessus des sentimens de son âge; échauffée par l'émulation & par l'amour de la gloire, elle s'ouvrira d'elle-même à toutes les semences de raison & de vertu que vous y voudrez répandre; toute l'activité qui l'auroit entraînée vers le mal, la portera vers le bien; à-mesure que vous y verrez croître les semences précieuses que vous y aurez versées, cultivez-les par les mêmes moyens que vous les aurez fait naître. Caressez, loüez, applaudissez. Dès que de son propre mouvement il aura fait ou pensé quelque chose de loüable, imaginez-en quelqu'autre à lui faire faire pour le récompenser. Que tout le monde vienne lui faire compliment avec un air de considération. J'ai recommandé aux parens d'aller rarement chez leurs enfans, & d'être ménagers de leurs caresses, mais ceci est un cas à part; c'est le seul où il leur soit permis de laisser éclater toute leur tendresse; puisque l'enfant a été capable d'un sentiment vertueux, il faut pour l'instant le regarder comme un homme fait, & aller dans sa chambre lui rendre l'hommage qu'on doit à la sagesse & à la vertu. Quand l'enfant sera près de sortir de vos mains, ne vous relâchez en rien de vos soins ni de votre attention. Ne souffrez pas qu'il s'écarte de la soûmission accoûtumée. C'est une chose aussi déraisonnable qu'ordinaire, de préparer un enfant par plus d'indépendance à un état plus subordonné. J'ai parlé des moeurs de l'enfant; je parlerai de son esprit au mot Institution , & ce ne sera qu'alors que je pourrai dire mon avis sur le choix d'une gouvernante. Article de M. Lefebvre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GOUVERNE GOUVERNE, s. f. ( Comm. ) terme usité dans les écritures mercantilles, pour signifier guide, regle, conduite: ainsi quand un négociant écrit à son correspondant ou commissionnaire que ce qu'il lui mande doit lui servir de gouverne , c'est-à-dire que le commissionnaire doit se gouverner, se guider, se regler conformément à ce que lui marque son commettant. Quelques-uns se servent aussi du mot gouverno , qui a précisément la même signification. Dict. de Com . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNEMENT Author=Jaucourt Normalized Classification=Droit naturel | Droit politique Part of Speech=s.m. GOUVERNEMENT GOUVERNEMENT, s. m. ( Droit nat. & polit. ) maniere dont la souveraineté s'exerce dans chaque état. Examinons l'origine, les formes, & les causes de la dissolution des gouvernemens . Ce sujet mérite les regards attentifs des peuples & des souverains. Dans les premiers tems, un pere etoit de droit le prince & le gouverneur né de ses enfans; car il leur auroit eté bien mal-aisé de vivre ensemble sans quelque espece de gouvernement: eh quel gouvernement plus simple & plus convenable pouvoit-on imaginer, que celui par lequel un pere exerçoit dans sa famille la puissance exécutrice des lois de la nature! Il étoit difficile aux enfans devenus hommes faits, de ne pas continuer à leur pere l'autorité de ce gouvernement naturel par un consentement tacite; ils étoient accoûtumés à se voir conduire par ses soins, & à porter leurs differends devant son tribunal. La communauté des biens établie entr'eux, les sources du desir d'avoir encore inconnues, ne faisoient point germer de disputes d'avarice; & s'il s'en élevoit quelqu'une sur d'autres sujets, qui pouvoit mieux les juger qu'un pere plein de lumieres & de tendresse? L'on ne distinguoit point dans ces tems-là entre minorité & majorité; & si l'enfant étoit dans un âge à disposer de sa personne & des biens que le pere lui donnoit, il ne desiroit point de sortir de tutele, parce que rien ne l'y engageoit: ainsi le gouvernement auquel chacun s'étoit soûmis librement, continuoit toûjours à la satisfaction de chacun, & étoit bien plûtôt une protection & une sauve-garde, qu'un frein & une sujétion: en un mot les enfans ne pouvoient trouver ailleurs une plus grande sûreté pour leur paix, pour leur liberté, pour leur bonheur, que dans la conduite & le gouvernement paternel. C'est pourquoi les peres devinrent les monarques politiques de leurs familles; & comme ils vivoient long tems, & laissoient ordinairement des héritiers capables & dignes de leur succéder, ils jettoient par-là les fondemens des royaumes héréditaires ou électifs, qui depuis ont été reglés par diverses constitutions & par diverses lois, suivant les pays, les lieux, les conjonctures & les occasions. Que si après la mort du pere, le plus proche héritier qu'il laissoit n'étoit pas capable du gouvernement faute d'âge, de sagesse, de prudence, de courage, ou de quelque autre qualité; ou bien si diverses familles convenoient de s'unir & de vivre ensemble dans une société, il ne faut point douter qu'alors tous ceux qui composoient ces familles n'usassent de leur liberte naturelle, pour établir sur eux celui qu'ils jugeoient le plus capable de les gouverner. Nous voyons que les peuples d'Amérique qui vivent éloigrnés de l'épée des conquérans, & de la domination sanguinaire des deux grands empires du Pérou & du Mexique, jouissent encore de leur liberté naturelle, & se conduisent de cette maniere; tantôt ils choisissent pour leur chef l'héritier du dernier gouverneur; tantôt le plus vaillant & le plus brave d'entre eux. Il est donc vraissemblable que tout peuple, quelque nombreux qu'il soit devenu, quelque vaste pays qu'il occupe, doit son commencement à une ou à plusieurs familles associées. On ne peut pas donner pour l'origine des nations, des établissemens par des conquêtes; ces évenemens sont l'effet de la corruption de l'état primitif des peuples, & de leurs desirs immodérés. Voyez Conquête . Puisqu'il est constant que toute nation doit ses commencemens à une ou à plusieurs familles; elle a dû au-moins pendant quelque tems conserver la forme du gouvernement paternel, c'est-à-dire n'obeir qu'aux lois d'un sentiment d'affection & de tendresse, que l'exemple d'un chef excite & fomente entre des fieres & des proches: douce autorité qui leur rend tous les biens communs, & ne s'attribue elle-même la propriété de rien! Ainsi chaque peuple de la terre dans sa naissance & dans son pays natal, a été gouverné comme nous voyons que le sont de nos jours les petites peuplades de l'Amérique, & comme on dit que se gouvernoient les anciens Scythes, qui ont été comme la pepiniere des autres nations: mais à-mesure que ces peuples se sont accrus par le nombre & l'étendue des familles, les sentimens d'union fraternelle ont dû s'affoiblir. Celles de ces nations qui par des causes particulieres sont restées les moins nombreuses, & sont plus long-tems demeurées dans leur patrie, ont le plus constamment conservé leur premiere forme de gouvernement toute simple & toute naturelle: mais les nations qui trop resserrées dans leur pays, se sont vues obligées de transmigrer, ont été forcées par les circonstances & les embarras d'un voyage, ou par la situation & par la nature du pays où elles se sont portées, d'établir d'un libre consentement les formes de gouvernement qui convenoient le mieux à leur génie, à leur position & à leur nombre. Tous les gouvernemens publics semblent evidemment avoir été formés par delibération, par consultation & par accord. Qui doute, par exemple, que Rome & Venise n'ay ent commencé par des hommes libres & indépendans les uns à l'égard des autres, entre lesquels il n'y avoit ni supériorité ni sujétion naturelle, & qui sont convenus de former une société de gouvernement? Il n'est pas cependant impossible, à considérer la nature en elle-même, que des hommes puissent vivre sans aucun gouvernement public. Les habitans du Pérou n'en avoient point; encore aujourd'hui les Chériquanas, les Floridiens & autres, vivent par troupes sans regles & sans lois: mais en général, comme il falloit chez les autres peuples moins sauvages repousser avec plus de sûreté les injures particulieres, ils prirent le parti de choisir une sorte de gouvernement & de s'y soûmettre, ayant reconnu que les desordres ne finiroient point, s'ils ne donnoient l'autorité & le pouvoir à quelqu'un ou à quelques-uns d'entr'eux de décider toutes les querelles, personne n'étant en droit sans cette autorité de s'ériger en seigneur & en juge d'aucun autre. C'est ainsi que se conduisirent ceux qui vinrent de Sparte avec Pallante, & dont Justin fait mention. En un mot toutes les sociétés politiques ont commencé par une union volontaire de particuliers, qui ont fait le libre choix d'une sorte de gouvernement; ensuite les inconvéniens de la forme de quelques-uns de ces gouvernemens , obligerent les mêmes hommes qui en étoient membres, de les réformer, de les changer, & d'en établir d'autres. Dans ces sortes d'établissemens s'il est arrivé d'abord (ce qui peut être) qu'on se soit contenté de remettre tout à la sagesse & à la discrétion de celui ou de ceux qui furent choisis pour premiers gouverneurs, l'expérience fit voir que ce gouvernement arbitraire détruisoit le bien public, & aggravoit le mal loin d'y remédier: c'est pourquoi on fit des lois, dans lesquelles chacun put lire son devoir & connoître les peines que méritent ceux qui les violent. La principale de ces lois fut que chacun auroit & posséderoit en sûreté ce qui lui appartenoit en propre. Cette loi est de droit naturel. Quel que soit le pouvoir qu'on accorde à ceux qui gouvernent, ils n'ont point le droit de se saisir des biens propres d'aucun sujet, pas même de la moindre portion de ces biens, contre le consentement du propriétaire. Le pouvoir le plus absolu, quoiqu'absolu quand il est nécessaire de l'exercer, n'est pas même arbitraire sur cet article; le salut d'une armée & de l'état demande qu'on obéisse aveuglement aux officiers supérieurs: un soldat qui fait signe de contester est puni de mort; cependant le général même avec tout son pouvoir de vie & de mort, n'a pas celui de disposer d'un denier du bien de ce soldat, ni de se saisir de la moindre partie de ce qui lui appartient en propre. Je sai que ce général peut faire des conquêtes, & qu'il y a des auteurs qui regardent les conquetes comme l'origine & le fondement des gouvernemens: mais les conquêtes sont aussi éloignées d'être l'origine & le fondement des gouvernemens , que la démolition d'une maison est éloignée d'être la vraie cause de la construction d'une autre maison dans la même place. A la vérité la destruction d'un état prépare un nouvel état; mais la conquête qui l'établit par la force n'est qu'une injustice de plus: toute puissance souveraine légitime doit émaner du consentement libre des peuples. Quelques-uns de ces peuples ont placé cette puissance souveraine dans tous les chefs de famille assemblés, & réunis en un conseil, auquel est dévolu le pouvoir de faire des lois pour le bien public, & de faire exécuter ces lois par des magistrats commis à cet effet; & alors la forme de ce gouvernement se nomme une démocratie. Voyez Démocratie . D'autres peuples ont attribue toute l'autorité souveraine à un conseil, compose des principaux citoyens, & alors la forme de ce gouvernement s'appelle une aristocratie. Voyez Aristocratie . D'autres nations ont confié indivisément la souveraine puissance & tous les droits qui lui sont essentiels, entre les mains d'un seul homme, roi, monarque ou empereur; & alors la forme de ce gouvernement est une monarchie. Voyez Monarchie . Quand le pouvoir est remis entre les mains de ce seul homme, & ensuite de ses héritiers, c'est une monarchie héréditaire; s'il lui est confié seulement pendant sa vie, & à condition qu'après sa mort le pouvoir retourne à ceux qui l'ont donné, & qu'ils nommeront un successeur, c'est une monarchie élective. D'autres peuples faisant une espece de partage de souveraineté, & mélangeant pour ainsi dire les formes des gouvernemens dont on vient de parler, en ont confié les différentes parties en differentes mains, ont tempéré la monarchie par l'aristocratie, & en même tems ont accordé au peuple quelque part dans la souveraineté. Il est certain qu'une société a la liberté de former un gouvernement de la maniere qu'il lui plait, de le mêler & de le combiner de differentes façons. Si le pouvoir législatif a été donné par un peuple à une personne, ou à plusieurs à vie, ou pour un tems limité, quand ce tems-là est fini, le pouvoir souverain retourne à la société dont il émane. Dès qu'il y est retourné, la societé en peut de nouveau disposer comme il lui plait, le remettre entre les mains de ceux qu'elle trouve bon, de la maniere qu'elle juge à-propos, & ainsi ériger une nouvelle forme de gouvernement . Que Puffendorff qualifie tant qu'il voudra toutes les sortes de gouvernemens mixtes du nom d' irréguliers , la véritable régularité sera toujours celle qui sera le plus conforme au bien des sociétés civiles. Quelques écrivains politiques prétendent que tous les hommes étant nés sous un gouvernement , n'ont point la liberte d'en instituer un nouveau: chacun, disent-ils, nait sujet de son pere ou de son prince, & par conséquent chacun est dans une perpétuelle obligation de sujetion ou de fidélité. Ce raisonnement est plus spécieux que solide. Jamais les hommes n'ont regardé aucune sujétion naturelle dans laquelle ils soient nés, à l'égard de leur pere ou de leur prince, comme un lien qui les oblige sans leur propre consentement à se soûmettre à eux. L'histoire sacrée & profane nous fournissent de fréquens exemples d'une multitude de gens qui se sont retirés de l'obéissance & de la jurisdiction sous laquelle ils étoient nés, de la famille & de la communauté dans laquelle ils avoient été nourris, pour établir ailleurs de nouvelles sociétés & de nouveaux gouvernemens . Ce sont ces émigrations, également libres & légitimes, qui ont produit un si grand nombre de petites sociétés, lesquelles se répandirent en différens pays, se multiplierent, & y séjournerent autant qu'elles trouverent dequoi subsister, ou jusqu'à ce que les plus forts engloutissant les plus foibles, établirent de leurs débris de grands empires, qui à leur tour ont été brises & dissous en diverses petites dominations: au lieu de quantité de royaumes, il ne se seroit trouvé qu'une seule monarchie dans les premiers siecles, s'il étoit vrai que les hommes n'ayent pas eû la liberté naturelle de se séparer de leurs familles & de leur gouvernement , quel qu'il ait été, pour en ériger d'autres à leur fantaisie. Il est clair par la pratique des gouvernemens eux-mêmes, aussi-bien que par les lois de la droite raison, qu'un enfant ne nait sujet d'aucun pays ni d'aucun gouvernement; il demeure sous la tutele & l'autorite de son pere, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'âge de raison. A cet âge de raison, il est homme libre, il est maitre de choisir le gouvernement sous lequel il trouve bon de vivre, & de s'unir au corps politique qui lui plaît davantage; rien n'est capable de le soûmettre à la sujétion d'aucun pouvoir sur la terre, que son seul consentement. Le consentement qui le soûmet à quelque gouvernement , est exprès ou tacite. Le consentement exprès le rend sans contredit membre de la société qu'il adopte; le consentement tacite le lie aux lois du gouvernement dans lequel il jouit de quelque possession: mais si son obligation commence avec ses possessions, elle finit aussi avec leur joüissance. Alors des propriétaires de cette nature sont maîtres de s'incorporer à une autre communauté, & d'en ériger une nouvelle, in vacuis locis , comme on dit en termes de Droit, dans un desert, ou dans quelque endroit du monde, qui soit sans possesseurs & sans habitations. Cependant, quoique les hommes soient libres de quitter un gouvernement , pour se soûmettre à un autre, il n'en faut pas conclure que le gouvernement auquel ils préferent de se soûmettre, soit plus légitime que celui qu'ils ont quitté; les gouvernemens de quelque espece qu'ils soient, qui ont pour fondement un acquiescement libre des peuples, ou expres, ou justifié par une longue & paisible possession, sent également légitimes, aussi long-tems du-moins que par l'intention du souverain, ils tendent au bonheur des peuples: rien ne peur dégrader un gouvernement qu'une violence ouverte & actuelle, soit dans son établissement, soit dans son exercice, je veux dire l'usurpation & la tyrannie. Voyez Usurpation & Tyrannie . Mais la question qui partage le plus les esprits, est de déterminer quelle est la meilleure forme de gouvernement . Depuis le conseil tenu à ce sujet par les sept grands de Perses jusqu'à nos jours, on a jugé diversement cette grande question, discutée jadis dans Hérodote, & on l'a presque toûjours décidée par un goût d'habitude ou d'inclination, plûtôt que par un goût éclairé & refléchi. Il est certain que chaque forme de gouvernement a ses avantages & ses inconvéniens, qui en sont inséparables. Il n'est point de gouvernement parfait sur la terre; & quelque parfait qu'il paroisse dans la spéculation, dans la pratique & entre les mains des hommes il sera toûjours accompagné d'instabilité, de révolutions & de vicissitudes: enfin le meilleur se détruira, tant que ce seront des hommes qui gouverneront des hommes. On pourroit cependant répondre en général à la question proposée, que c'est dans un tempérament propre à réprimer la licence, sans dégénérer en oppression, qu'il faut prendre l'idée de la meilleure forme de gouvernement . Tel sera celui qui fuyant les extrémités, pourra pourvoir au bon ordre, aux besoins du dedans & du dehors, en laissant au peuple des sûretés suffisantes qu'on ne s'écartera pas de cette fin. Le législateur de Lacédémone voyant que les trois sortes de gouvernemens simples avoient chacun de grands inconvéniens; que la monarchie dégénéroit aisément en pouvoir arbitraire, l'aristocratie en un gouvernement injuste de quelque particulier, & la démocratie en une domination aveugle & sans regles; Lycurgue, dis-je, crut devoir faire entrer ces trois sortes de gouvernemens dans celui de sa patrie, & les fondre, pour ainsi dire, en un seul, en sorte qu'ils se servissent l'un à l'autre de balance & de contre-poids. Ce sage mortel ne se trompa pas, du-moins nulle république n'a conservé si long-tems ses lois, ses usages & sa liberté, que celle de Lacédémone. Il y a dans l'Europe un état extrèmement florissant, où les trois pouvoirs sont encore mieux fondus que dans la république des Spartiates. La liberté politique est l'objet direct de la constitution de cet état, qui, selon toute apparence, ne peut périr par les desordres du dedans, que lorsque la puissance législative sera plus corrompue que l'exécutrice. Personne n'a mieux développé le beau système du gouvernement de l'état dont je parle, que l'auteur de l' esprit des lois . Au reste il est très-nécessaire d'observer que tout gouvernement ne convient pas également à tous les peuples; leur forme doit dépendre infiniment du local, du climat, ainsi que de l'esprit, du génie, du caractere de la nation, & de son étendue. Quelque forme que l'on préfere, il y a toûjours une premiere fin dans tout gouvernement , qui doit être prise du bien général de la nation; & sur ce principe le meilleur des gouvernemens est celui qui fait le plus grand nombre d'heureux. Quelle que soit la forme du gouvernement politique, le devoir de quiconque en est chargé, de quelque maniere que ce soit, est de travailler à rendre heureux les sujets, en leur procurant d'un côté les commodités de la vie, la sûreté & la tranquillité; & de l'autre tous les moyeus qui peuvent contribuer à leurs vertus. La loi souveraine de tout bon gouvernement est le bien public, salus populi, suprema lex esto: aussi dans le partage où l'on est sur les formes du gouvernement , on convient de cette derniere vérité d'une voix unanime. Il est sans doute important de rechercher, en partant d'après ce principe, quel seroit dans le monde le plus parfait gouvernement qu'on pût établir, quoique d'autres servent aux fins de la société pour laquelle ils ont été formés; & quoiqu'il ne soit pas aussi facile de fonder un nouveau gouvernement , que de bâtir un vaisseau sur une nouvelle théorie, le sujet n'en est pas moins un des plus dignes de notre curiosité. Dans le cas même où la question sur la meilleure forme de gouvernement seroit décidée par le consentement universel des politiques, qui fait si dans quelques siecles il ne pourroit pas se trouver une occasion de réduire la théorie en pratique, soit par la dissolution d'un ancien gouvernement , soit par d'autres évenemens qui demanderoient qu'on établît quelque part un nouveau gouvernement? Dans tous les cas il nous doit être avantageux de connoître ce qu'il y a de plus parfait dans l'espece, afin de nous mettre en état de rapprocher autant qu'il est possible toutes constitutions de gouvernement de ce point de perfection, par de nouvelles lois, par des altérations imperceptibles dans celles qui regnent, & par des innovations avantageuses au bien de la société. La succession des siecles a servi à perfectionner plusieurs arts & plusieurs sciences; pourquoi ne serviroit-elle pas à perfectionner les différentes sortes de gouvernemens , & à leur donner la meilleure forme? Déjà par des principes éclairés & des expériences connues, on éviteroit dans une nouvelle constitution ou dans une réforme de gouvernement , tous les défauts palpables qui s'opposent ou qui ne manqueroient pas de s'opposer à son accroissement, à sa force & à sa prospérité. Ce seroit des défauts dans un gouvernement , si les lois & les coûtumes d'un état n'étoient pas conformes au naturel du peuple, ou aux qualités & à la situation du pays. Par exemple, si les lois tendoient à tourner du côté des armes un peuple propre aux arts de la paix; ou si ces mêmes lois négligeoient d'encourager, d'honorer le commerce & les manufactures, dans un pays situé favorablement pour en retirer un grand profit. Ce seroit des défauts dans un gouvernement , si la constitution des lois fondamentales n'étoit avantageuse qu'aux grands; si elle tendoit à rendre l'expédition des affaires également lente & difficile. Telles sont les lois à réformer en Pologne, où, d'un côté, celui qui a tué un paysan, en est quitte pour une amende; & où d'un autre côté, l'opposition d'un seul des membres de l'assemblée rompt la diete, qui d'ailleurs est bornée à un tems trop court pour l'expédition des affaires. Enfin (car je n'ai pas le dessein de faire la satyre des états) partout où se trouveroient des réglemens & des usages contraires aux maximes capitales de la bonne politique, ce seroit des défauts considérables dans un gouvernement; & si par malheur on pouvoit colorer ces défauts du prétexte spécieux de la religion, les effets en seroient beaucoup plus funestes. Ce n'est pas assez que d'abroger les lois qui sont des défauts dans un état, il faut que le bien du peuple soit la grande fin du gouvernement . Les gouverneurs sont nommés pour la remplir; & la constitution civile qui les revêt de ce pouvoir, y est engagée par les lois de la nature, & par la loi de la raison, qui a déterminé cette fin dans toute forme de gouvernement , comme le mobile de son bonheur. Le plus grand bien du peuple, c'est sa liberté. La liberté est au corps de l'état, ce que la santé est à chaque individu; sans la santé, l'homme ne peut goûter de plaisir; sans la liberté, le bonheur est banni des états. Un gouverneur patriote verra donc que le droit de défendre & de maintenir la liberté, est le plus sacré de ses devoirs. Ensuite le soin principal dont il doit s'occuper, est de travailler à prévenir toutes les tristes causes de la dissolution des gouvernemens; & cette dissolution peut se faire par les desordres du dedans, & par la violence du dehors. 1°. Cette dissolution du gouvernement peut arriver, lorsque la puissance législative est altérée. La puissance législative est l'ame du corps politique; c'est de-là que les membres de l'état tirent tout ce qui leur est nécessaire pour leur conservation, pour leur union, & pour leur bonheur. Si donc le pouvoir législatif est ruiné, la dissolution & la mort de tout le corps politique s'ensuivent. 2°. Un gouvernement peut se dissoudre, lorsque celui qui a la puissance suprème & exécutrice abandonne son emploi, de maniere que les lois déjà faites ne puissent être mises en exécution. Ces lois ne sont pas établies pour elles-mêmes; elles n'ont été données que pour être les liens de la société, qui continssent chaque membre dans sa fonction. Si les lois cessent, le gouvernement cesse en même tems, & le peuple devient une multitude confuse, sans ordre & sans frein; quand la justice n'est plus administrée, & que par conséquent les droits de chacun ne sont plus en sûreté, il ne reste plus de gouvernement . Des que les lois n'ont plus d'exécution, c'est la même chose que s'il n'y en avoit point; un gouvernement sans lois, est un mystere dans la politique, inconcevable à l'esprit de l'homme, & incompatible avec la société humaine. 3°. Les gouvernemens peuvent se dissoudre quand la puissance législative ou exécutrice agissent par la force, au-delà de l'autorité qui leur a été commise, & d'une maniere opposée à la confiance qu'on a prise en elles: c'est ce qui arrive, par exemple, lorsque ceux qui sont revêtus de ces pouvoirs, envahissent les biens des citoyens, & se rendent arbitres absolus des choses qui appartiennent en propre à la communauté, je veux dire de la vie, de la liberté, & des richesses du peuple. La raison pour laquelle on entre dans une société politique, c'est afin de conserver ses biens propres; & la fin pour laquelle on revêt certaines personnes de lautorité législative & de la puissance exécutrice, c'est pour avoir une puissance & des lois qui protegent & conservent ce qui appartient en propre à toute la société. S'il arrive que ceux qui tiennent les renes du gouvernement trouvent de la résistance, lorsqu'ils se servent de leur pouvoir pour la destruction, & non pour la conservation des choses qui appartiennent en propre au peuple, ils doivent s'en prendre à eux-mêmes, parce que le bien public & l'avantage de la société sont la fin de l'institution d'un gouvernement . D'où résulte nécessairement que le pouvoir ne peut être arbitraire, & qu'il doit être exercé suivant des lois établies, afin que le peuple puisse connoitre son devoir, & se trouver en sûreté à l'ombre des lois; & afin qu'en même tems les gouverneurs soient retenus dans de justes bornes, & ne soient point tentés d'employer le pouvoir qu'ils ont en main, pour faire des choses nuisibles à la societé politique. 4°. Enfin une force étrangere, prévûe ou imprévûe, peut entierement dissoudre une société politique; quand cette societé est dissoute par une force etrangere, il est certain que son gouvernement ne sauroit subsister davantage. Ainsi l'épée d'un conquérant renverse, confond, détruit toutes choses; & par elle la société & le gouvernement sont mis en pieces, parce que ceux qui sont subjugués, sont privés de la protection de ce gouvernement dont ils dépendoient, & qui étoit destiné à les défendre. Tout le monde conçoit aisément, que lorsque la société est dissoute, le gouvernement ne sauroit subsister: il est aussi impossible que le gouvernement subsiste alors, qu'il l'est que la structure d'une maison subsiste, après que les matériaux dont elle avoit été construite, ont été séparés les uns des autres par un ouragan, ou ont été confondus pêle-mêle en un monceau, par un tremblement de terre. Indépendamment de ces malheurs, il faut convenir qu'il n'y a point de stabilité absolue dans l'humanité; car ce qui existe immuablement, existe nécessairement, & cet attribut de l'Etre suprème ne peut appartenir à l'homme ni à ses ouvrages. Les gouvernemens les mieux institués, ainsi que les corps des animaux les mieux constitués, portent en eux le principe de leur destruction. Etablissez avec Lycurgue les meilleures lois; imaginez avec Sidney les moyens de fonder la plus sage république; faites avec Alfred qu'une nation nombreuse trouve son bonheur dans une monarchie, tout cela ne durera qu'un certain tems. Les états après s'être accrus & aggrandis, tendent ensuite à leur décadence & à leur dissolution: ainsi la seule voie de prolonger la durée d'un gouvernement florissant, est de le ramener à chaque occasion favorable, aux principes sur lesquels il a été fondé. Quand ces occasions se présentent souvent, & qu'on les saisit à-propos, les gouvernemens sont plus heureux & plus durables; lorsque ces occasions arrivent rarement, ou qu'on en profite mal, les corps politiques se dessechent, se fannent, & périssent. Article de M. le Chev. de Jaucourt . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouvernement militaire Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Gouvernement militaire Gouvernement militaire , ( Art milit. ) c'est le commandement souverain & la disposition de tout le pouvoir militaire d'une nation par terre & par mer. Voyez Gouvernement . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouvernement Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gouvernement Gouvernement , ( Marine. ) c'est la conduite du vaisseau. Le maître & le pilote ne sont pas responsables de la force des courans ni des vents contraires, mais ils le doivent être de la manoeuvre & du mauvais gouvernement . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNER Author=Beauzée|Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. GOUVERNER GOUVERNER, v. act. terme de Grammaire . Il ne suffit pas, pour exprimer une pensée, d'accumuler des mots indistinctement: il doit y avoir entre tous ces mots une corrélation universelle qui concourre à l'expression du sens total. Les noms appellatifs, les prépositions, & les verbes relatifs, ont essentiellement une signification vague & générale, qui doit etre déterminee tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, selon les conjonctures. Cette détermination se fait communément par des noms que l'on joint aux mots indéterminés, & qui, en conséquence de leur destination, se revêtent de telle ou telle forme, prennent telle ou telle place, suivant l'usage & le génie de chaque langue. Or ce sont les mots indéterminés qui, dans le langage des Grammairiens gouvernent ou régissent les noms déterminans. Ainsi les méthodes pour apprendre la langue latine disent, que le verbe actif gouverne l'accusatif: c'est une expression abregée, pour dire, que quand on veut donner à la signification vague d'un verbe actif, une détermination spéciale tirée de l'indication de l'objet auquel s'applique l'action énoncée par le verbe, on doit mettre le nom de cet objet au cas accusatif, parce que l'usage a destiné ce cas à marquer cette sorte de service. C'est une métaphore prise d'un usage très-ordinaire de la vie civile. Un grand gouverne ses domestiques, & les domestiques attachés à son service lui sont subordonnés; il leur fait porter sa livrée, le public la reconnoit & décide au coup-d'oeil, que tel homme appartient à tel maître. Les cas que prennent les noms déterminatifs sont de même une sorte de livrée; c'est par-là que l'on juge que ces noms sont, pour ainsi dire, attachés au service des mots qu'ils déterminent par l'expression de l'objet, de la cause, de l'effet, de la forme, de la matiere, &c. Ils sont à leur égard ce que les domestiques sont à l'égard du maître: on dit des uns dans le sens propre, qu'ils sont gouvernés; on le dit des autres dans le sens figuré. Il seroit à desirer, dans le style didactique sur-tout, dont le principal mérite consiste dans la netteté & la précision, qu'on pût se passer de ces expressions figurées, toûjours un peu énigmatiques. Mais il est très-difficile de n'employer que des termes propres; & il faut avoüer d'ailleurs que les termes figurés deviennent propres en quelque sorte, quand ils sont consacrés par l'usage & définis avec soin. On pouvoit cependant éviter l'emploi abusif du mot dont il est ici question, ainsi que des mots régie & régime , destinés au même usage. Il étoit plus simple de donner le nom de complément à ce que l'on appelle régime , parce qu'il sert en effet à rendre complet le sens qu'on se propose d'exprimer; & alors on auroit dit tout simplement: le complément de telles prépositions doit être à tel cas; le complément objectif du verbe actif doit être à l'accusatif , &c. M. Dumarsais a fait usage de ce mot en bien des occurrences, sans en faire en son lieu un article exprès: nous développerons nos vûes sur cet objet au mot Régime , en y exposant les principes de Grammaire qui peuvent y avoir rapport. On y verra que l'on peut quelquefois à peu de frais répandre la lumiere sur les élémens des Sciences & des Arts. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverner Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. Gouverner Gouverner , v. act. Voyez Gouvernement . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverner Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gouverner Gouverner , ( Marine. ) c'est tenir le timon ou la barre du gouvernail pour conduire le vaisseau & porter le cap sur le rumb de vent qu'on veut suivre. On dit gouverner au nord, au sud, pour dire faire route au nord, ou au sud. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOUVERNEUR D'UNE PLACE DE GUERRE Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. GOUVERNEUR GOUVERNEUR D'UNE PLACE DE GUERRE, s. m. ( Art milit. ) est le premier commandant ou le premier officier de la place. Dans les villes importantes, outre le gouverneur il y a un officier général qui a le commandement des troupes. Ce second, ou plûtôt principal commandant, a été imaginé pour modérer le trop de pouvoir que les gouverneurs avoient autrefois, & les empêcher de pouvoir rien faire dans leurs places de contraire aux intentions du roi. M. de Puysegur, pere du célebre maréchal, auteur de l' Art de la guerre par regles & par principes , avoit donné la premiere idée au roi Louis XIII. de l'établissement de ces commandans. Elle n'a été pleinement exécutée que sous Louis XIV. Le chevalier de Ville a fait un traité de la charge des gouverneurs des plates , dans lequel ces officiers peuvent puiser d'excellentes instructions pour s'acquitter dignement des fonctions de leur emploi. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverneur d'un jeune homme Author=Lefebvre Normalized Classification=Morale Part of Speech=NA Gouverneur d'un jeune homme Gouverneur d'un jeune homme , ( Morale .) L'objet du gouverneur n'est pas d'instruire son éleve dans les Lettres ou dans les Sciences. C'est de former son coeur par rapport aux vertus morales, & principalement à celles qui conviennent à son état; & son esprit, par rapport à la conduite de la vie, à la connoissance du monde & des qualités nécessaires pour y réussir. Le gouverneur est quelquefois chargé de son éleve dès l'âge de sept ans; ce qui n'a guere lieu que chez les princes. Ordinairement, & chez les gens de qualité, le jeune homme lui est remis, lorsqu'ayant fini l'étude du latin, il est sur le point de commencer ses exercices, & de faire les premiers pas dans le monde. On ne le considérera que dans cette derniere époque. Les qualités qu'il doit avoir, les précautions qu'il faut apporter dans le choix qu'on en fait, la conduite des parens avec lui, la sienne avec son éleve: voilà les quatre points qui feront la matiere de cet article. À l'âge où le jeune homme est remis entre les mains d'un gouverneur , l'éducation n'est plus une affaire d'autorité, c'est une affaire d'insinuation & de raison. Ce n'est pas que l'autorité en soit bannie, mais on ne l'y doit montrer que sobrement, & quand tous les autres moyens sont épuisés. Alors les penchans sont décidés, les volontés sont fortes, l'esprit est plus clairvoyant, l'amour-propre plus en garde, les passions commencent à paroître. Il faut donc de la part du gouverneur plus de ressources dans l'esprit, plus d'expérience, plus d'art, plus de prudence. Si l'éducation précédente a été mauvaise, il ne faut pas se flatter de la réparer en entier: on développera les talens, on palliera les défauts, on sauvera le fond par la superficie. Il seroit à souhaiter qu'on pût faire mieux; mais cela seul doit être regardé comme un objet très-important. Quand les penchans sont vicieux, c'est en détruire en partie les effets, & ce n'est pas rendre un petit service à l'homme en particulier & à l'humanité en général, que de les compenser par des talens, de leur donner un frein quel qu'il soit, & de les empêcher de se montrer à découvert. Beaucoup de parens ne sont pas plus attentifs à cette partie de l'éducation qu'à toutes les autres. Ils donnent un gouverneur à leurs enfans, moins en vûe de leur être utiles, que par bienséance ou par faste. Ils préferent celui qui coûte le moins à celui qui mérite le plus; ils bornent ses fonctions à garder le jeune homme à vûe, à l'accompagner quand il sort, à les en débarrasser quand il est dans la maison. Il est sans autorité, puisqu'il est sans considération: est-il étonnant que tant de gouverneurs soient des gens moins que médiocres, & que la plûpart des éducations réussissent si mal? On seroit trop heureux si l'on pouvoit ramener les parens que ce reproche peut regarder, à une façon de penser plus raisonnable & plus conforme à leurs vrais intérêts. A l'égard du pere tendre qui aime ses enfans comme il doit les aimer, qui regarde comme le premier de ses devoirs l'éducation de ses enfans, & qui ne veut rien négliger de ce qui peut y contribuer; ce digne pere est un objet intéressant pour toute la société: tout citoyen vertueux doit concourir au succès de ses vûes, du-moins à l'empêcher d'être trompé: c'est pour lui que cet article est fait. Que le gouverneur soit d'un âge mûr; s'il étoit trop jeune, lui-même auroit besoin d'un Mentor; s'il étoit trop âgé, il seroit à craindre qu'il ne descendît difficilement à beaucoup de minuties aux quelles il faut se prêter avec un jeune homme, & que tous deux ne prissent de l'humeur: qu'il n'ait point de disgraces dans l'extérieur ni dans la figure; il faudroit un mérite bien éminent pour effacer ces bagatelles. Les jeunes gens y sont plus sensibles qu'on ne pense; ils en sont humiliés ou en font des plaisanteries. Qu'il ait vécu dans le monde & qu'il le connoisse; car s'il a passé sa vie dans son cabinet ou dans un coin de la société, reculé de la sphere où son éleve doit vivre, il sera gauche à beaucoup d'égards; il y aura mille choses qu'il ne verra pas dans le point de vûe où il faut les voir; il donnera à son éleve des conseils ridicules, & avec du mérite il s'en fera mépriser. Qu'il ne soit pas non plus trop homme du monde, il seroit superficiel; il pourroit avoir des principes qui ne seroient pas exacts; il se plieroit difficilement à la contrainte que l'état exige; il tomberoit dans l'impatience & dans le dégoût; il se seroit engagé legerement, & négligeroit tout par ennui. Qu'il ait moins de bel esprit que de bon esprit; ce qu'il lui faut c'est un sens droit, un discernement juste, un esprit sage & sans prétentions. Toute prétention est un ridicule, & n'annonce pas une tête saine; l'homme brillant dans la conversation n'est pas le plus propre à l'état de gouverneur; il n'est pas toûjours le plus aimable dans le commerce habituel & dans la société intime; l'imagination qui domine en lui, saisit les objets trop vivement; elle est sujette à des écarts, & rend l'humeur inégale. Qu'il ait une idée de la plûpart des connoissances que son éleve doit acquérir: quoiqu'il né soit pas chargé de ses études, il est à souhaiter qu'il puisse les diriger; il faut qu'il soit en état de raisonner de tout avec lui; il y a mille choses qu'il peut lui apprendre par la seule conversation. Il n'est pas nécessaire qu'il soit homme profond à tous égards, pourvû qu'il connoisse assez chaque chose, pour en bien savoir l'usage & l'application; s'il en ignore quelques-unes, qu'il sache au-moins qu'il les ignore; s'il s'est appliqué particulierement à quelque science, il faut prendre garde qu'il n'en soit point passionné, & qu'il n'en fasse pas plus de cas qu'elle ne mérite: car il arriveroit, ou qu'il s'en occuperoit tout entier & négligeroit son éleve, ou qu'il rameneroit tout à cette science, sans examiner le rang qu'elle doit avoir dans les connoissances du jeune homme. On appuiera d'autant plus sur ces observations, que le jeune homme aura plus d'esprit naturel & de lumieres acquises. Ce qui est nécessaire au gouverneur avec tous les jeunes gens, c'est une ame ferme, des moeurs douces, une humeur égale. Avec une ame foible, il se laissera mener par son éleve, & sans le vouloir il deviendra son complaisant. Avec un caractere dur, ou le jeune homme se révoltera contre lui, ou sans se révolter, il le haïra, ce qui n'est pas un moindre obstacle au succès de l'éducation. Avec une humeur inégale, il sera incapable d'une conduite soûtenue; il sera tantôt foible & tantôt dur, suivant la disposition de son ame. Il reprendra mal-à-propos & par humeur, ou avec humeur, & dès-lors il perdra tout crédit sur l'esprit de son éleve. Je souhaiterois outre cela qu'il eût fait une éducation; il y auroit acquis des lumieres auxquelles l'esprit ne supplée point. L'homme qui a le plus d'esprit, chargé pour la premiere fois de conduire un jeune homme, s'appercevra bien-tôt, si ses vûes sont droites, qu'avec plus d'expérience il eût mieux fait. On choisit ordinairement pour gouverneur un homme de Lettres ou un militaire: l'homme de Lettres est plus facile à trouver, & convient plus communément à l'état. On sent bien que je n'entens par homme de Lettres ni le bel esprit proprement dit, ni le littérateur obscur & sans goût, ni l'homme superficiel, qui se croit lettré parce qu'il parle haut & qu'il décide; mais l'homme d'esprit qui a cultivé les Lettres par le goût qu'elles inspirent à toute ame honnête & sensible, & sur les moeurs duquel elles ont répandu leur douceur & leur aménité. A l'égard du militaire, s'il avoit vécu dans la capitale, & qu'il eût employé ses loisirs à orner son esprit & à perfectionner sa raison; s'il joignoit aux connoissances de l'homme de Lettres quelques notions de la guerre, non en subalterne qui ne connoît que les petits détails qui lui sont personnels, non en raisonneur vague qui donne d'autant plus carriere à son imagination qu'il a moins de connoissances réelles, mais en homme attentif qui a cherché à s'instruire, & qui a médité sur ce qu'il a vû; il n'est pas douteux qu'il ne fût plus propre que tout autre à faire l'éducation d'un homme de qualité. Mais quand il n'a, comme j'en ai vû plusieurs, d'autre mérite que la décoration qui est propre à son état, & que, prenant celui de gouverneur il en croit le titre & les fonctions peu dignes de lui, j'ai peine à concevoir pourquoi on l'a choisi. Le gouverneur que je viens de décrire n'est pas un homme ordinaire. Je l'ai dépeint tel qu'il seroit à souhaiter qu'il fût, mais tel en même tems qu'on doit peu se flatter de le trouver. Pour le découvrir il faut le chercher: il faut avoir des yeux pour le connoître; il faut mériter de se l'attacher. Si vous n'êtes point à portée de faire ce choix par vous-même, prenez bien garde à qui vous vous en rapporterez. Tout important qu'est pour vous cet objet, presque personne ne se fera scrupule de vous tromper. Défiez-vous des gens du monde. La plûpart sont trop legers & trop dissipés pour apporter l'attention nécessaire à une chose qui en demande tant. Ils vous proposeront avec chaleur un homme qu'ils ne connoissent point, ou qu'ils connoissent mal; qui ne sera par l'évenement qu'un homme inepte, & peut-être sans moeurs; ou qui s'il a quelque mérite, n'aura pas celui qui convient à la chose. Défiez-vous sur-tout des femmes. Elles sont pressantes; & leur imagination ne saisit rien foiblement. Ne comptez aussi que médiocrement sur la plûpart des gens de Lettres, même de ceux qui passent pour se connoître le mieux en éducation. Si vous n'êtes pas leur ami, ils vous donneront un homme médiocre, mais qui sera de leur connoissance, & à qui ils aimeront mieux rendre service qu'à vous. Examinez par vos yeux tout ce que vous pourrez voir: & du reste, ne vous en rapportez qu'à des gens qui soient assez essentiellement vos amis pour ne pas vouloir vous tromper: assez attentifs pour ne pas se méprendre par legereté; & en même tems assez éclairés pour ne pas vous tromper par défaut de lumieres. Il y a des qualités qui s'annoncent au-dehors, & dont vous pourrez juger par vous-même. Il en est d'autres qu'on ne connoît qu'à l'usage. Telles sont celles qui constituent le caractere, & telle est l'humeur. Si le gouverneur que vous avez en vûe a déjà fait une éducation, vous aurez un grand avantage pour le connoître à cet égard. Avec un peu d'adresse, vous pourrez savoir des jeunes gens qui vivoient avec son éleve, la maniere dont le gouverneur se conduisoit avec eux, ce qu'ils en pensoient; ils sont en cette matiere juges très-compétens. Plus un excellent gouverneur est un homme rare, plus on lui doit d'égards quand on croit l'avoir trouvé. On lui en doit beaucoup par rapport à lui-même; on lui en doit encore davantage par rapport à l'objet qu'on se propose, qui est le succès de l'éducation. Qu'il soit annoncé dans la maison de la maniere la plus propre à l'y faire respecter. Puisqu'il y vient prendre les fonctions de pere, il est juste que vous fassiez réjaillir sur lui une partie du respect qu'on vous porte. S'il ne vous a pas paru mériter votre confiance, vous avez eu tort de le choisir. Si vous l'en avez jugé digne, il faut la lui donner toute entiere. Qu'il soit le maître absolu de son éleve, car c'est sur l'autorité que vous lui donnerez que le jeune homme le jugera. Ne contrariez ses vûes, ni par une tendresse mal-entendue, in par l'opinion que vous avez de vos lumieres. Dès qu'on est pere, on doit sentir qu'on est aveugle & qu'on est foible. Il y a mille choses essentielles qu'on ne voit point, ou qu'on voit mal. Il y en a d'autres qui sont des bagatelles, & dont on est trop vivement affecté. Expliquez-lui en général vos intentions, mais ne vous mêlez point du détail. Il doit connoître le jeune homme beaucoup mieux que vous. Lui seul peut voir à chaque instant ce qu'il convient de faire. Celui-là seul peut suivre une marche uniforme qui fait son unique ob; jet de l'éducation. Toute inégalité dans l'éducation est un vice essentiel. Je ne dis pas pour cela que vous deviez perdre de vûe votre enfant dès que vous l'avez remis entre les mains d'un gouverneur . Cette conduite seroit imprudente; elle repugneroit à votre tendresse, & un gouverneur honnête homme en seroit mal satisfait. Il veut être avoüé, mais avec discernement. Ne raisonnez point de lui avec le jeune homme, à-moins que ce ne soit pour le faire respecter; raisonnez beaucoup du jeune homme avec lui. Plus ses principes vous seront connus, moins vous serez en danger de les contredire. S'il y a dans sa conduite quelque chose qui ne soit pas conforme à vos idées, demandez-lui ses raisons. Deux hommes de mérite peuvent penser différemment sur le même objet en l'envisageant par des faces différentes. Mais si le gouverneur est homme sage & attentif, il y a à parier que c'est lui qui a raison. Si vous avez apporté dans le choix d'un gouverneur les précautions que j'ai indiquées, il est difficile que vous soyez trompé. Si vous l'êtes, ce ne sera pas essentiellement. Si le gouverneur que vous avez pris se trouve à quelques égards inférieur à l'idée qu'on vous en avoit donnée; dès que vous l'avez choisi, il faut le traiter aussi-bien que si vous le jugiez homme supérieur; vous le rendrez du-moins supérieur à lui-même. Je ne parle point de ce que vous devez faire pour lui du côté de la fortune. J'aurai peut-être occasion d'en parler ailleurs; & si votre ame est noble, comme je le suppose, vous le savez. Le gouverneur de son côté ne doit pas s'engager sans examen. Il faut qu'il connoisse l'état qu'il va prendre, & qu'il consulte ses forces. Quiconque est jaloux de sa liberté, de ses goûts, de ses fantaisies, ne doit pas embrasser cet état. Il exige un renoncement total à soi-même, une assiduité continuelle, une attention non interrompue, & ce zele ardent qui dévore un honnête homme, quand il s'agit de remplir les engagemens qu'il a pris. Qu'il connoisse aussi le caractere des parens, & jusqu'à quel point ils sont capables de raison. Il lui seroit douloureux de prendre des engagemens qu'on le mettroit hors d'état de remplir. Si par exemple on ne lui accordoit ni considération, ni autorité; comme il ne pourroit faire aucun bien dans les fonctions qui lui seroient confiées; quelqu'avantage qu'il y trouvât d'ailleurs, je présume qu'il ne tarderoit pas à y renoncer. On peut réduire à trois classes le caractere de tous les jeunes gens. Les uns, qui sont nés doux, & qu'une mauvaise éducation n'a pas gâtés, s'élevent, pour ainsi dire, tous seuls. On a peu de chose à leur dire, parce que leurs inclinations sont bonnes. Il suffit de leur indiquer la route pour qu'ils la suivent. Presque tout le monde est capable de les conduire, sinon supérieurement, au-moins d'une maniere passable. D'autres sont doux en apparence, qui ne sont rien moins que dociles; ils écoutent tant qu'on veut, mais ne font que leur volonté. Quelques uns sentent bien que vous avez raison, mais la raison leur déplaît quand elle ne vient pas d'eux. Si vous les attendez, ils y reviendront quand ils pourront se flater d'en avoir tout l'honneur. Pressez-les, ils se roidiront, & vous perdrez leur confiance. Il en est enfin qui ont l'imagination vive & les passions impétueuses. Quelque bien nés qu'ils soient, vous devez vous attendre à quelques écarts de leur part. Pour les contenir, il faut de la prudence & du sang-froid. Il faut sur-tout avoir l'oeil & la main justes. Si vous vous y prenez mal-adroitement, ils vous échapperont; vous les punirez, mais vous ne les plierez pas. Les observations qui suivent sont relatives sur-tout aux caracteres des deux dernieres especes. Des que votre éleve vous sera remis, travaillez à établir votre autorité. Moins vous devez la montrer durant le cours de l'éducation, plus il est important de la bien établir d'abord. Si le jeune homme est doux, il se pliera de lui-même; s'il ne l'est pas, ou que précédemment il ait été mal conduit, la chose sera plus difficile. Mais avec de la prudence & de la fermeté, vous en viendrez à-bout. Débutez avec lui par la plus grande politesse, mais que votre politesse soit imposante; ou n'ayez point de côtés foibles, ou cachez-les-bien; car son premier soin sera de les découvrir. Soyez le même tous les jours & dans tous les momens de la journée; rien n'est plus capable de vous donner de l'ascendant sur lui. S'il vient à vous manquer, soit par hauteur, soit par indocilité, qu'il soit puni séverement, & de maniere à n'être pas tenté d'y revenir. Il est vraissemblable qu'après cette premiere épreuve il prendra son parti. A l'âge où je suppose le jeune homme, il n'y a point de caracteres indomptables. Qu'on examine ceux qui paroissent tels, on verra qu'ils ne le sont que par la faute des parens, ou par celle du gouverneur . S'il n'étoit question que de contenir votre éleve durant le tems que vous vivrez ensemble, peut-être votre autorité seroit-elle suffisante; mais il est question de laisser dans son coeur & dans son esprit des impressions durables, & vous ne pouvez y parvenir sans avoir sa confiance & son amitié. Lors donc que votre empire sera bien établi, songez à vous faire aimer. En vous donnant ce conseil, je parle autant pour votre bonheur que pour le bien de votre éleve. Si quelque chose est capable d'adoucir votre état, c'est d'être aimé. Ce n'est pas l'autorité qu'on a sur les jeunes gens qui empêche qu'on n'en soit aimé, c'est la maniere dont on en use. Quand on en use avec dureté ou par caprice, on se fait haïr; quand on est foible & qu'on ne fait pas en user à-propos, on se fait mépriser; quand on est dans le juste milieu, ils sentent qu'on a raison; & dès qu'on a leur estime, on n'est pas loin de leur coeur. Je vous dis, & je le dirai de même à quiconque aura des hommes à conduire: dès qu'ils sont instruits de leurs de voirs, ne leur faites ni grace ni injustice; c'est un moyen sûr de les contenir; si votre affection remplit l'intervalle, vous leur deviendrez cher, & vous les rendrez vertueux. Marquez de l'attachement à votre éleve, il y sera sensible. Quand ses goûts seront raisonnables, quelque contraires qu'ils soient aux vôtres, prêtez-vous-y de bonne grace. Prévenez-les quand vous serez content de lui. Qu'il lise votre amitié dans votre air, dans vos discours, dans votre conduise; mais que cette amitié soit décente, & que les témoignages qu'il en recevra paroissent tellement dépendre de votre raison, qu'ils lui soient refusés dès qu'il cessera de les mériter. Si vous êtes obligé de le punir, paroissez le faire à regret. Qu'il sache dès le commencement de l'éducation que s'il fait des fautes, il sera infailliblement puni; & qu'alors ce soit la loi qui ordonne, & non pas vous. Vous entendez ce que c'est que les punitions dont je veux parler. C'est la privation de votre amitié, des bontés de ses parens, de celles des personnes qu'il estime: en un mot, de toutes les choses qu'il peut & qu'il doit desirer. Si vous vous y êtes bien pris d'abord, & que vous l'ayez subjugué, vous ne serez guere dans le cas de le punir. Il y auroit de l'imprudence à le punir souvent. Il n'est pas loin du tems où la crainte des punitions n'aura plus lieu; il est capable de motifs plus nobles; c'est donc par d'autres liens qu'il faut le retenir. Quelque faute qu'il ait faite, & quelque chose que vous ayez à lui dire, parlez-lui s'il le faut avec force; ne lui parlez jamais avec impolitesse. Vous n'auriez raison qu'à demi, si vous ne l'aviez pas dans la forme. Rien ne peut vous autoriser à lui donner un mauvais exemple; & vous ne devez pas l'accoûtumer à entendre des paroles dures. S'il est vis, reprenez-le avec prudence; dans ses momens de vivacité il ne seroit pas en état de vous entendre, & vous l'exposeriez à vous manquer. Il y a moins d'inconvénient à ne pas reprendre, qu'à reprendre mal-à-propos. Ne soyez point minucieux. Il y a de la petitesse d'esprit à insister sur des bagatelles, & c'est mettre trop peu de différence entre elles & les choses graves. Il y a des choses graves sur lesquelles vous serez obligé de revenir souvent: tâchez de n'en avoir pas l'air. Que vos leçons soient indirectes, on sera moins en garde contr'elles. Il y a mille façons de les amener & de les déguiser. Faites-lui remarquer dans les autres les défauts qui seront en lui, il ne manquera pas de les condamner; ramenez-le sur lui-même. Instruisez-le aux dépens d'autrui. Faites quelquefois l'application des exemples que vous lui citerez; plus souvent laissez-la lui faire. Raisonnez quelquefois: d'autres fois une plaisanterie suffit. Attaquez par l'honneur & par la raison ce que l'honneur & la raison pourront détruire; attaquez par le ridicule ce que vous sentirez qui leur resiste. Abaissez sa hauteur s'il en a: mortifiez sa vanité, mais n'humiliez pas son amour-propre. Ce n'est pas en avilissant les hommes qu'on les corrige: c'est en élevant leur ame, & en leur montrant le degré de perfection dont ils sont capables. Ménagez sur-tout son amour propre en public. Il sera d'autant plus sensible à cette marque d'attention, qu'il verra les autres gouverneurs ne l'avoir pas toûjours pour leurs éleves. A l'égard des choses loüables qu'il pourra faire, loüez-les publiquement. Faites-le valoir dans les petites choses, afin de l'encourager à en faire de meilleures. Si vous trouvez dans votre éleve un de ces naturels heureux qui n'ont besoin que de culture, vous aurez du plaisir à la lui donner. S'il est au contraire de ces esprits gauches & ineptes qui ne conçoivent rien, ou qui entendent de travers, de ces ames molles & stériles, incapables de sentiment, & qui se laissent aller indistinctement à toutes les impressions qu'on veut leur donner, que je vous plains! Instruisez-le à la maniere de Socrate. Causez avec lui familierement sur le vrai, sur le faux, sur le bien & sur le mal, sur les vertus & sur les vices. Faites-le plus parler que vous ne lui parlerez. Amenez-le par vos questions, & de conséquence en conséquence, à s'appercevoir lui-même de ce qu'il y a de défectueux dans sa façon de penser. Accoutumez-le à ne point porter un jugement sans être en état de l'appuyer par des raisons. Fortifiez les principes qu'il a: donnez-lui ceux qui lui manquent. Les premiers de tous & les plus négligés, sont ceux de la religion. En entrant dans le monde, un jeune homme la connoît à peine par son cathéchisme & par quelques pratiques extérieures. Il la voit combattue de toutes parts: il suit le torrent. Soit dans les entretiens que vous aurez ensemble, soit par les lectures auxquelles vous l'engagerez, faites ensorte qu'il la connoisse par l'histoire & par les prouves. On donne aux jeunes gens des maitres de toute espece; on devroit bien leur donner un maître de religion. On les mettroit en état de la défendre, au-moins dans leur coeur. L'homme du peuple est contenu par la crainte des lois; l'homme d'un etat moyen l'est par l'opinion publique. Le grand peut éluder les lois, & n'est que trop porté à se mettre au-dessus de l'opinion publique. Quel frein le retiendra, si ce n'est la religion? Faites-lui en remplir les devoirs, mais ne l'en excédez pas. Montrez-la-lui par tout ce qu'elle a de respectable; il n'y a que les passions qui puissent empêcher de reconnoitre la grandeur & la beauté de sa morale. Elle seule peut nous consoler dans les maladies, dans les adversités; les grands n'en sont pas plus exempts que le reste des hommes. Faites valoir à ses yeux les moindres choses que font pour lui ses parens. Qu'il soit bien convaincu qu'il n'a qu'eux dans le monde pour amis véritables. S'ils sont trop dissipés pour s'occuper de lui comme ils le devroient, tâchez qu'il ne s'en apperçoive pas. S'il s'en apperçoit, effacez l'impression qu'il en peut recevoir. Quelle que soit leur humeur, c'est à lui de s'y conformer, non à eux de se plier à la sienne. Dans l'enfance, les parens ne sont pas assez attentifs à se faire craindre, & dans la jeunesse ils s'occupent trop peu de se faire aimer. Voilà une des principales sources des chagrins qu'ils éprouvent, des déréglemens de la jeunesse, & des maux qui affligent la société. Si un pere, après avoir élevé son fils dans la plus étroite soûmission, lui laissoit voir sa tendresse à mesure que la raison du jeune homme se developpe, enchainé par le respect & par l'amour, quel est celui qui oseroit s'échapper? Quel que soit un pere à l'extérieur, si les jeunes gens pouvoient lire dans son coeur toute la joie qu'il eprouve quand son fils fait quelque chose de loüable, & toute la douleur dont il est pénétré quand ce fils s'ecarte du chemin de l'honneur, ils seroient plus attentifs qu'ils ne le sont à se bien conduire. Par malheur, on ne conçoit l'etendue de ces sentimens que quand on est pere. Faites envisager à votre éleve qu'il le doit être un jour. Cultivez à tous égards la sensibilité de son ame. Avec une ame sensible on peut avoir des foiblesses, on est rarement vicieux. Soyez rempli d'attentions pour lui, vous le forcerez d'en avoir pour vous; vous l'en rendrez capable par rapport à tout le monde. Accoûtumez-le à remplir tous les petits devoirs qu'imposent aux ames bien nées la tendresse ou l'amitié. Les négliger, c'est être incapable des sentimens qui les inspirent. On a beau s'en excuser sur l'oubli; cette excuse est fausse & honteuse. L'esprit n'oublie jamais quand le coeur est attentif. S'il étoit pardonnable à quelqu'un d'être peu citoyen, ce seroit à un particulier; per du dans la foule, il n'est rien dans l'état: il n'en est pas de même d'un homme de qualité; il doit être plein d'amour pour son roi, puisqu'il a l'honneur de l'approcher de plus près; il doit s'interesser à la gloire & au bonheur de sa patrie, puisqu'il peut y contribuer: rien dans l'état ne lui doit être indifférent, puisqu'il peut y influer sur tout. Qu'il sache qu'on n'est grand, ni pour avoir des ancêtres illustres, quand on ne leur ressemble pas; ni pour occuper de grands emplois, quand on les remplit mal; ni pour posséder de grands domaines, quand on les consume en dépenses folles & honteuses; ni pour avoir un nombreux domestique, de brillans équipages, des habits somptueux, quand on fait languir à sa porte le marchand & l'ouvrier: qu'en un mot on n'est grand & qu'on ne peut être heureux que par des vertus personnelles, & par le bien qu'on fait aux hommes. Attachez-vous sur-tout à lui donner des idées de justice: faites-lui remarquer mille petites injustices que vous lui verrez faire; entrez sur cela dans les moindres détails. Vous ne sauriez croire combien les gens d'un certain ordre ont de peine à concevoir cette vertu. Traitez-le en homme fait, si vous voulez qu'il le devienne; supposez-lui des sentimens, si vous voulez qu'il en acquerre; rendez-le fier avec lui-même, & qu'il s'estime assez pour ne pas vouloir se manquer: que la corruption du siecle soit un nouvel aiguillon pour lui. Plus les moeurs sont dépravées, plus on est sûr de se distinguer par des moeurs contraires; s'il n'a point assez d'ame pour se respecter lui-même, qu'il respecte du-moins les jugemens du public: tout homme qui les méprise est un homme méprisable: ce public peut être corrompu, ses jugemens ne le sont jamais. Il n'y a qu'un cas où l'on doive se mettre au-dessus de l'opinion du vulgaire, c'est lorsqu'on est sûr de la pureté & de la grandeur de ses motifs: alors il faut ne considérer que sa propre vertu; la gloire qui la suivra sera moins prompte, mais elle sera plus solide. Ce n'est pas l'amour des loüanges qu'il faut inspirer aux hommes, ils n'y sont que trop sensibles, & rien n'est plus capable de les rapetisser ou de les perdre; c'est l'amour de la vertu, elle seule peut donner de la consistance à leur ame. Faisons bien, les loüanges viendront si elles peuvent. Ne négligez pas les vertus d'un ordre inférieur, mais qui font le charme de la société, & qui y sont d'un usage continuel: si vous l'en avez rendu capable, vous l'aurez rendu poli; car la politesse considérée dans son principe, n'est que l'expression des vertus sociales. Indépendamment de cette politesse primitive qui annonce la modestie, la douceur, la complaisance, l'affabilité, même l'estime & l'amitié: il en est une autre qui paroît plus superficielle, mais qui n'est pas moins importante; c'est celle qui dépend de la connoissance des usages & du sentiment des convenances: c'est celle-là qui doit distinguer votre éleve; mais il n'en saisira les finesses qu'autant qu'il aura le desir de plaire. Desirer de plaire est un moyen pour y réussir; ce mérite n'est pas le premier de tous, mais c'est l'unique qui ne soit jamais infructueux; il fait supposer les qualités qu'on n'a pas, il met dans tout leur jour celles qu'on peut avoir, il leur donne des partisans, il desarme l'envie. C'est par les grands talens qu'on se rend capable des grandes places; c'est par les petits talens qu'on y parvient. Cultivez son esprit, son extérieur, & ses manieres dans l'air qui lui est propre: il peut se trouver en lui telle singularité qui d'abord vous aura déplû, & qui dans la suite polie par l'usage du monde, deviendra dans sa maniere d'être un trait distinctif qui le rendra plus agréable. Qu'il aime les Lettres, c'est un goût digne de lui; c'est même un goût nécessaire. Personne n'ose avoüer qu'il ne les aime pas; tout le monde prétend s'y connoître, tout le monde en veut raisonner; mais il n'est donné qu'à ceux qui les aiment d'en raisonner sensément: elles élevent l'ame, elles étendent les idées, elles ornent l'imagination, elles adoucissent les moeurs, elles mettent le dernier sceau à la politesse de l'esprit. En général tous les goûts honnêtes que vous pourrez placer dans son ame, seront autant de ressources contre les passions & l'ennui; mais faites-les lui concevoir de la maniere dont ils lui conviennent, & sauvez-le des préventions & du ridicule. La source de tous les ridicules est de placer sa gloire ou dans de petites choses ou dans des qualités que la nature nous refuse, ou dans un mérite qui n'est pas celui de notre état. Quiconque ne voudra se distingûer que par l'honneur, la probité, la bienfaisance, les talens, les vertus de son état ou de son rang, celui-là est inaccessible au ridicule; il ne négligera pas le mérite de plaire, mais il ne l'estimera pas plus qu'il ne vaut; il le cherchera dans les qualités qui sont en lui, non dans celles qui lui sont étrangeres: il se prêtera à toutes les bagatelles qu'exige la frivolité du monde, sans en être profondément occupé: il estimera les Lettres, les Sciences, les Arts, parce que le beau en tout genre est digne d'occuper son ame: peut-être les cultivera-t-il, mais en secret dans ses momens de loisir & pour son amusement; il aimera & servira de tout son pouvoir les Savans, les Gens de Lettres, les Artistes, sans être leur enthousiaste, leur courtisan, ni leur rival. Le tems qu'il passe avec vous doit lui donner une expérience anticipée; ne négligez rien de ce qui peut la lui procurer: ouvrez devant ses yeux le livre du monde, apprenez-lui la maniere d'y lire; tout ce qui peut y frapper ses yeux ou ses oreilles, doit servir à son instruction. Faites éclorre ses idées, s'il en a; s'il n'en a point, donnez lui en. L'étude de l'Histoire lui aura montré en grand le tableau des passions humaines; il y aura parcouru les diverses révolutions qu'elles ont produit sur la terre; on lui aura fait remarquer cet amas de contradictions qui forme le caractere de l'homme; ce mélange de grandeur & de petitesse, de courage & de foiblesse, de lumieres & d'ignorance, de sagesse & de folie dont il est capable: il y aura vu d'un côté le vice presque toûjours triomphant, mais intérieurement rongé d'inquiétudes & de remords, ébloüir les yeux du vulgaire par des succès passagers, puis être plongé pour jamais dans l'opprobre & dans l'ignominie: d'un autre côté, la vertu souvent persécutée, quelquefois obscurcie, mais toûjours contente d'elle-même, reprendre avec le tems son ascendant sur les hommes, & durant toute la suite des siecles, recevoir l'hommage de l'univers, assise sur les débris des empires. En lui montrant plus en détail les fragilités de notre espece, ne la lui peignez pas trop en noir; faites-la lui voir plus foible que méchante, entrainée vers le mal, mais capable du bien. Il faut qu'il ne soit pas la dupe des hommes, mais il ne faut pas qu'il les haïsse ni qu'il les méprise. Qu'il voye leurs miseres avec assez de supériorité pour n'en être ni surpris ni blessé. Qu'il connoisse sur-tout l'homme de sa nation & de son siecle; c'est avec lui qu'il doit vivre, c'est de lui qu'il doit se défier, c'est lui dont il doit prendre les manieres & ne pas imiter les moeurs: qu'il soit au fait de ses bonnes qualités, de ses vices dominans, de ses opinions, de ses travers, de ses ridicules: que pour s'en faire un tableau plus détaillé, il le parcoure un peu dans les divers etats; qu'il saisisse les nuances qui les différencient; qu'il évalue tout au poids de la raison. Qu'il apprenne à juger les hommes non par leurs discours, mais par leurs actions. Qu'il sache que celui qui flatte est l'ennemi le plus vil, mais le plus dangereux: que les honnêtes gens sont peu flatteurs, qu'on n'obtient leur amitié qu'après avoir mérité leur estime, mais qu'ils sont les seuls sur lesquels on puisse compter. Par défaut d'expérience, il présumera beaucoup de ses lumieres; par un effet de la vivacité de l'âge, il aura des fantaisies peu raisonnables; permettez-lui quelquefois de les suivre, quand vous serez sûr que l'effet démentira son attente: les hommes ne s'instruisent qu'à leurs dépens. Ce ne sera qu'à force de se tromper qu'il se croira capable d'erreur. Veillez sur ses moeurs, mais songez que c'est un homme du monde que vous élevez; qu'il va se trouver livré à lui-même au milieu des passions & des vices; que pour s'en garantir il faut qu'il les connoisse. Voyez à quel point il est instruit, & reglez vos conseils sur ce qu'il sait: ne lui parlez point en maitre, raisonnez avec votre ami. Quelque confiance qu'il ait en vous, il ne vous dira pas tout; mais je vous suppose assez de pénétration pour deviner ce qu'il ne vous aura pas dit, & pour lui parler en conséquence: alors les instructions que vous lui donnerez feront d'autant plus dimpression sur lui qu'il vous soupçonnera moins d'avoir vû le besoin qu'il en a. Voyez tout, mais ayez quelquefois l'air de ne pas voir; dans d'autres cas, & lorsque le jeune homme s'y attendra le moins, faites lui connoître que rien ne vous échappe. Faites-lui remarquer dans le petit nombre d'exemples qui viendront à sa connoissance, l'estime & les avantages qui suivent la sagesse & la bonne conduite; & dans mille exemples frappans, qui malheureusement ne vous manqueront jamais, les dangers du vice & le mépris qui l'accompagne. Prenez garde qu'il ne lui tombe entre les mains de mauvais livres, craignez sur-tout qu'il ne les lise en secret; il vaudroit beaucoup mieux qu'il les lut devant vous: si vous lui en surprenez dans le commencement de l'éducation, ôtez-les lui: si cela arrive vers la fin, soyez plus circonspect; n'allez pas vous compromettre par un zele inconsidéré qui aigriroit le jeune homme & que vous ne pourriez pas soûtenir: vous connoissez son caractere & les circonstances; reglez-vous sur cela; n'employez que les motifs que vous sentirez efficaces: attaquez l'ouvrage du côté du style, du raisonnement, & du goût; parlez-en comme d'une lecture indigne d'un honnête homme, d'un homme poli. Il y a peu de jeunes gens avec qui cette méthode ne réussisse. Les noeuds de l'autorité doivent se relâcher à mesure que l'éducation s'avance. Si l'on veut qu'un jeune homme use bien de sa liberté, il faut, autant qu'on le peut, lui rendre insensible le passage de la subordination à l'indépendance. Le jour qu'il joüira de sa liberté, quelque bien né qu'il soit, quelque attachement qu'il ait pour vous, il sera charmé de vous quitter; mais si vous vous êtes bien conduit, son yvresse ne sera pas longue; l'estime & l'amitié vous le rameneront: alors l'autorité que vous aurez sur lui sera d'autant plus puissante qu'elle sera de son choix; vos conseils lui seront d'autant plus utiles qu'il vous les aura demandés: vous ne l'empêcherez pas de tomber dans quelques écarts, mais ils seront moins grands & vous l'aiderez à en revenir. On ôte aux jeunes gens leur gouverneur lorsqu'ils en ont le plus besoin; c'est un mal sans remede: mais peut-être le gouverneur ne peut-il jamais leur être plus utile, que quand dépouillé de ce titre, on l'a mis à portée de vivre avec eux familierement & comme leur ami. Les détails sur la matiere qu'on vient de traiter seroient infinis: on s'est borné ici à des vûes très-générales. Quelques-unes ne sont applicables qu'à l'homme de qualité; la plûpart peuvent convenir à tous les états: si elles sont justes, c'est à la prudence du gouverneur qui les jugera telles, à en faire l'application & à les modifier convenablement à l'âge, à l'état, au caractere, au tempérament de son eleve. Cet article est de M. Lefebvre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverneur de la personne d'un prince Author=Lefebvre Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gouverneur Gouverneur de la personne d'un prince . Si en général l'éducation des hommes est une chose très-importante, combien doit le paroître davantage l'éducation d'un prince, dont les moeurs donneront leur empreinte à celles de toute une nation, & dont le mérite ou les défauts feront le bonheur ou le malheur d'une infinité d'hommes? Il seroit à souhaiter, dans quelque état que ce fût, qu'on pût toûjours choisir pour gouverneur d'un jeune prince un homme aussi distingué par l'étendue de ses connoissances que par sa probité & ses vertus, & non moins recommandable par la grandeur de ses emplois que par l'éclat de sa naissance; il en seroit plus capable de faire le bien, & le feroit avec plus d'autorité. Pour ne pas se jetter sur cette matiere dans de vagues spéculations, le peu qu'on se propose d'en dire sera tiré en partie de l'instruction donnée en 1756 par les états de Suede au gouverneur du prince royal & des princes héréditaires, & en partiede ce qui fut pratiqué dans l'éducation même de l'empereur Charles-Quint, par Guillaume de Croy, seigneur de Chiévre, gouverneur des Pays-Bas & de la personne de ce prince. Puisque les rois sont hommes avant que d'être rois, il faut commencer par leur inspirer toutes les vertus morales & chrétiennes, également nécessaires à tous les hommes. Pour accoûtumer le jeune prince à regler ses goûts sur la raison, il faut qu'au moins dans son enfance il reconnoisse la subordination. Il ne faut pas que dès qu'il est né tout le monde prenne ses ordres, jusqu'aux personnes préposées à son éducation; il ne faut pas qu'on applaudisse à ses fantaisies, ni qu'on lui dise, comme font les courtisans, qu'il est un dieu sur la terre; il faut au contraire lui apprendre que les rois ne sont pas faits d'un autre limon que le reste des hommes; qu'ils leur sont égaux en foiblesse dès leur entrée dans le monde, égaux en infirmités pendant tout le cours de leur vie; vils comme eux devant Dieu au jour du jugement, & condamnables comme eux pour leurs vices & pour leurs crimes; qu'en un mot l'Être suprème n'a point créé le genre humain pour le plaisir particulier de quelques douzaines de familles. Personne n'est plus mal instruit dans la religion que les rois; ils la méprisent faute de la connoître, ou l'avilissent par la maniere dont ils la conçoivent: que celle du jeune prince soit éclairée; qu'on lui apprenne à distinguer ce qu'il doit à Dieu, ce qu'il doit aux ministres de la religion, ce qu'il se doit à soi-même. ce qu'il doit à ses peuples. On retient les hommes dans leur devoir par le charme des approbations & par la terreur des châtimens; on ne peut contenir les princes que par la crainte des jugemens divins & du blâme de la postérité. Qu'on tienne donc ces deux objets toûjours présens à leurs yeux, tandis que d'un autre côté on les encouragera par les attraits d'une bonne conscience & d'une gloire sans tache. Plus on excitera le jeune prince à respecter l'Être supreme, plus il reconnoîtra son propre néant & son égalité avec les autres hommes; & de-là naîtront pour eux son humanité, sa justice, & toutes les vertus qu'il leur doit. Beaucoup de rois sont devenus tyrans, non parce qu'ils ont manqué d'un bon coeur, mais parce que l'état des pauvres de leur pays n'est jamais parvenu jusqu'à eux. Qu'un jeune prince fasse souvent des voyages à la campagne; qu'il entre dans les cabanes des paysans, pour voir par lui-même la situation des pauvres; & que par-là il apprenne à se persuader que le peuple n'est pas riche, quoique l'abondance regne à la cour; & que les dépenses superflues de celle-ci diminuent les biens & augmentent la misere du pauvre paysan & de ses enfans affamés: mais que ce spectacle ne soit point de sa part une spéculation stérile. Il ne convient pas qu'un malheureux ait eu le bonheur d'être vû de son prince sans en être soulagé. Qu'il sache que les rois regnent par les lois, mais qu'ils obéissent aux lois; qu'il ne leur est pas permis d'enfreindre & de violer les droits de leurs sujets, & qu'ils doivent s'en faire aimer plutôt que s'en faire craindre. Qu'il connoisse sur-tout le caractere & les moeurs de la nation sur laquelle il doit regner, afin qu'un jour il puisse la gouverner suivant son génie, & en faire le cas qu'elle mérite: si, par exemple, il est destiné à regner sur les François, qu'on ne manque pas de lui vanter leur industrie, leur activité dans le travail, leur attachement inviolable pour leurs rois, & cette ame noble & fiere qui répugne à la violence, mais qui fait tout pour l'honneur. Que dès ses premieres années on le rende capable d'application & de travail. L'ignorance & l'inapplication des princes est la source la plus ordinaire des maux qui desolent leurs états. Dans leur enfance on leur donne des maîtres sans nombre dont aucun ne fait son devoir: on perd un tems précieux à leur enseigner mille choses inutiles qu'ils n'apprennent point: tout le nécessaire est négligé. Leur grande étude & peut-être l'unique qui leur convienne, est celle qui peut les conduire à la science des hommes & du gouvernement; ce n'est que dans l'Histoire & dans la pratique des affaires, qu'ils peuvent la puiser. L'éducation de l'empereur Charles-Quint est à cet égard le meilleur modele qu'on puisse proposer. L'étude de l'Histoire parut si importante à Chievres son gouverneur , qu'il ne s'en rapporta qu'à soi-même pour la lui enseigner; il feignit de l'étudier avec lui. Il commença par lui donner la connoissance de l'Histoire en général; ensuite il passa à celle des peuples de l'Europe avec lesquels Charles devoit avoir un jour des affaires à démêler: il s'attacha surtout à l'histoire d'Espagne & à celle de France, dans laquelle on comprenoit alors l'histoire des Pays-Bas; il lui faisoit lire chaque auteur dans sa langue & dans son style; persuadé que pour un prince il n'y a rien d'inutile dans l'Histoire, & que les faits qui ne servent pas dans la vûe qu'on a en les lisant, serviront tôt ou tard dans les vûes qu'on aura. Lorsqu'il lui eut donné par l'Histoire les connoissances générales dont il avoit besoin, il l'instruisit en particulier de ses véritables intérêts par rapport à toutes les puissances de l'Europe: de-là il le fit passer à la pratique, convaincu que sans elle la spéculation est peu de chose. Il étoit, comme on l'a dit, gouverneur des Pays-Bas, & c'étoit dans les Pays-Bas qu'il élevoit Charles. Dans un âge où l'on ne parle aux enfans que de jeux & d'amusement, il voulut non-seulement que le jeune prince entrât dans son conseil, mais qu'il y fût autant & plus assidu qu'aucun des conseillers d'état; il le chargea d'examiner & de rapporter lui-même à ce conseil toutes les requêtes d'importance qui lui étoient adressées des diverses provinces; & de peur qu'il ne se dispensât d'y apporter l'attention & l'exactitude nécessaires, s'il lui étoit permis de se ranger de l'avis des autres conseillers, son gouverneur l'obligea toûjours à parler le premier. Arrivoit-il quelque dépêche importante des pays étrangers? Chievres lui faisoit tout quitter pour la lire, jusque-là que s'il dormoit, & qu'elle demandât une prompte expédition, il l'éveilloit & l'obligeoit à l'examiner devant lui. Si le jeune prince se trompoit dans la maniere dont il prenoit l'affaire, ou dans le jugement qu'il en portoit, il étoit repris incontinent par son gouverneur: s'il trouvoit d'abord le noeud de la difficulté & l'expédient propre pour l'éviter, cela ne suffisoit pas. Il falloit encore qu'il appuyât ce qu'il avoit avancé par de bonnes raisons, & qu'il répondît pertinemment aux objections que Chievres ne manquoit pas de lui faire. Lorsqu'il survenoit une négociation de longue haleine, & qu'un prince étranger envoyoit son ambassadeur dans les Pays-Bas, la fatigue de Charles redoubloit; son gouverneur ne donnoit audience qu'en sa présence, ne travailloit qu'avec lui, n'expédioit que par lui. Si l'ambassadeur présentoit ses propositions par écrit, Charles étoit chargé d'en informer son conseil, & de rapporter ce qu'il y avoit pour ou contre, afin que ceux qui opineroient après lui pussent parler avec une entiere connoissance de cause. Si l'ambassadeur se contentoit de s'expliquer de vive voix, & que l'affaire dont il s'agissoit fût trop secrete pour être confiée au papier, il falloit que Charles retînt précisément & distinctement ce qu'il entendoit; qu'il ne lui en échapât point la moindre circonstance: sans quoi le défaut de sa mémoire eût été relevé en plein conseil, & sa négligence exagérée dans le lieu où il avoit plus à coeur d'acquérir de l'estime: telle étoit la vie de Charles avant même qu'il eût quatorze ans. Hangest de Genlis, ambassadeur de France dans les Pays-Bas, paroissant appréhender que l'exces de travail & d'application n'altérât le tempérament & l'esprit du jeune prince, Chievres lui répondit qu'il avoit eu la même crainte; mais qu'après y avoir réfléchi, il étoit persuade que le premier de ses devoirs consistoit à mettre de bonne heure son éleve en état de n'avoir point de tuteur; & qu'il lui en faudroit toute sa vie, s'il ne l'accoûtumoit de jeunesse à prendre une connoissance exacte de ses affaires. Article de M. Lefebvre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverneur Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gouverneur Gouverneur , pour dire timonier , ( Mar. ) celui qui tient la barre du gouvernail, pour le diriger suivant la route & l'air de vent qu'on veut faire. Le mot de gouverneur n'est guere d'usage. Voyez Timonier . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverneur Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Gouverneur Gouverneur , ( Hist. mod. ) se prend aussi quelquefois pour un président ou surintendant, comme est le gouverneur de la banque d'Angleterre, le gouverneur & les directeurs de la compagnie du sud, le gouverneur d'un hôpital, &c. Voyez Banque , Compagnie , Hôpital . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverneur Author=unknown Normalized Classification=Papeterie Part of Speech=NA Gouverneur Gouverneur , terme de Papeterie , c'est le nom que l'on doune à un ouvrier qui est chargé du soin de faire pourrir le chiffon, de le couper, de le remettre dans les piles, de l'en retirer quand il est assez piloné, & enfin de conduire tout ce qui concerne l'action du moulin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gouverneur Author=unknown Normalized Classification=Saline Part of Speech=NA Gouverneur Gouverneur , ( Salines. ) c'est dans les Salines de Lorraine, le premier des quatre juges qui forment la jurisdiction de la saline. Les fonctions de cet officier sont de veiller à la conservation des droits du roi, à la bonne formation des sels, de constater l'état des bâtimens & les variations de la source salée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOYANE Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOYANE GOYANE, ( Géog. ) Voyez Guiane . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOYAVE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GOYAVE GOYAVE, s. f. fruit du goyavier. Voyez ci-après Goyavier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOYAVIER Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=s.m. GOYAVIER GOYAVIER, s. m. ( Bot. exotiq. ) arbre étranger d'Amérique & des Indes orientales. Quelques-uns l'appellent poirier des Indes; en anglois the guava . Nos voyageurs écrivent aussi gajavier, goujavier, guajavier; mais c'est le même arbre. Les bienfaits de la nature dans la multiplication des plantes nous deviendroient quelquefois incommodes & nuisibles, si nous n'en arrêtions le cours. Il y a un excellent fruit si commun dans toute l'Amérique, qu'on en trouve souvent où on ne voudroit point en avoir, & du-moins plus qu'on ne voudroit; parce que l'arbre qui le porte, croît facilement par-tout où ses graines tombent. Ce fruit en renferme quantité, qui sont blanches ou rougeâtres, inégales, raboteuses, de la grosseur des graines de navet, si dures qu'elles ne se digerent jamais. Les hommes & les animaux les rendent comme il les ont prises, sans qu'elles perdent rien de leur vertu végétative: il arrive de-là que les animaux qui ont mangé de ces graines, les restituent avec leurs excremens dans les savannes, c'est-à-dire dans les prairies où ils paissent toute l'année. Bien-tôt ces graines prennent racine, levent & produisent des arbres qui sont à charge dans une infinité de lieux, & en particulier dans les savannes qu'ils couvriront entierement, si on n'avoit grand soin de les arracher. Le fruit qui porte ces graines s'appelle la goyave . Donnons d'abord les noms, les caracteres & la description de l'arbre qui produit ce fruit, car nous le connoissons parfaitement. C'est le guajava , Clus. hist. 1. Guayava indica, fructu mali facie , J. B. Pomifera indica, maliformis, guayava dicta , Raii, hist. Guajabo pomifera indica , C. B. p. 437. Xalxochitl, seu pomum arenoscum , Hernand, 84. Pela , Hort. Malab. 3. 31. L'extrémité du pédicule passe dans l'ovaire, qui est de figure ovale, couronné & découpé en cinq parties, comme le calice. Sa fleur est en rose à cinq pétales, & croit sur l'ovaire au-dedans de la couronne; elle est munio d'un grand nombre d'étamines. L'ovaire a un long tuyau, & se change en un fruit charnu rempli de plusieurs petites semences. Il y a plusieurs especes de goyavier; mais nous ne connoissons dans nos jardins que les deux suivans. 1°. Guajava, alba, dulcis , H. L. le goyavier blanc . 2°. Guajava, rubra, acida, fructu rotundiori , H. L. le goyavier rouge . Le goyavier en Amérique, suivant le P. Plumier, est d'environ vingt piés, & gros à proportion; son tronc est droit, rameux; son écorce est unie, de couleur verte, rougeâtre, d'un goût austere; ses feuilles sont longues de trois doigts, & larges d'un doigt & demi, charnues, pointues, un peu crêpées, veineuses, de couleur verte, brunes, luisantes, attachées à des queues courtes & grosses. Ses fleurs sont à-peu près aussi grandes que celles du coignassier; elles sont à cinq pétales, presque arrondies, disposées en rose, & accompagnées d'une belle touffe d'étamines blanches, qui occupent tout le dedans; elles naissent sur l'ovaire au-dedans de la couronne. Leur calice est découpé en cinq pointes, & devient ensuite un fruit long ou oval, couronné comme une nefle; il est à-peu-près gros comme une pomme de rainette, couvert d'une pellicule mince, unie; toute sa chair est remplie de petites semences graveleuses & à pointes aigues; il est verd au commencement & d'un goût acerbe; étant mûr il devient jaunâtre, par-dessus blanchâtre, ou rougeâtre en-dedans. La racine de l'arbre est longue de plusieurs aulnes, rousse en-dehors, blanche en-dedans, pleine de suc, d'un goût doux. L'écorce de cet arbre est fort mince & fort adhérente au bois, pendant que l'arbre est sur pié; mais elle se détache aisément, se fend & se roule quand il est abattu. Le bois est grisâtre; ses fibres sont longues, fines, pressées, mêlées & flexibles, ce qui les rend difficiles à couper; il est très-bon à brûler, & on en fait en Amérique d'excellent charbon pour les forges. Ces arbres se trouvent plantés par-tout dans les îles Caraïbes pour l'utilité, quoique la maniere ordinaire de ces plantations soit d'en manger le fruit; les semences passant toutes entieres dans le corps, sont rendues avec les excrémens; de sorte que partout où les Negres habitent, on ne manque point de pepiniere de goyaviers , qui deviennent souvent très incommodes dans les plantations. Quelques auteurs disent que la racine de cet arbre est astringente, & qu'on en prépare une décoction, qui est un excellent remede pour la dyssenterie, lorsqu'il s'agit de resserrer & de fortifier. Ils attribuent aussi aux feuilles des vertus vulnéraires & résolutives, en les employant dans les bains. Hernandez ajoûte qu'appliquées en fomentation, elles guérissent la gale, & qu'on en fait un sirop très-efficace contre le flux de ventre. Il prétend encore que la décoction de l'écorce du goyavier est bonne pour l'enflure des jambes, pour les ulceres fistuleux & autres maux: mais les goyaviers que nous cultivons en Europe n'ont aucune de ces propriétés, & il est vraissemblable que ceux de l'Amérique ne les ont pas davantage. Le témoignage d'Hernandez n'est pas d'assez grand poids pour mériter créance, & les voyageurs éclairés auxquels on peut se rapporter, ne confirment point le témoignage du medecin espagnol. Le fruit du goyavier est regardé dans le pays comme également sain & délicieux, & peut passer avec raison, au rapport du chevalier Hans Sloane, pour le premier fruit des Indes, quand il est mûr, bien choisi, & qu'il est venu dans une bonne exposition. Vers le tems qui approche de sa maturité, c'est-à-dire quand il est encore verd, il est dur & astringent; en mûrissant un peu plus, il acquiert une nature moyenne; dans sa pleine maturité, il est plein de suc doux, & a le goût & l'odeur de la framboise: il est alors relâchant, au lieu qu'il resserroit auparavant. Les hommes & les oiseaux en sont également avides. Les goyaves rouges & blanches ont le même degré de bonté au gout, & different seulement en ce que les unes ont le dedans blanc, & les autres l'ont rouge, ou pour parler plus juste, de couleur de chair. Les habitans du pays mangent les goyaves en plusieurs manieres, crues, cuites au four, ou devant le feu & en compote. On en fait aussi de la gelée, des confitures, des candis & des pâtes. On les employe en santé & en maladie. Ce fruit, dit le chevalier Hans Sloane, a le seul inconvénient que quand il est bien mût, il se corrompt très-vîte; quand il l'est moins, il est astringent, resserre prodigieusement, si l'on en mange beaucoup; & ses graines étant parvenues dans les gros boyaux, en particulier dans le rectum, y occasionnent avec les excrémens endurcis par leurs pointes aiguës & irrégulieres, une grande douleur, & très-souvent un flux de sang par le déchirement qu'elles produisent. On a eu en Europe la curiosité de cultiver les goyaviers , & on est parvenu à en avoir du fruit, quoique ces arbres ne croissent guere parmi nous qu'à la hauteur de six ou sept piés. Leur culture est très difficile: on les multiplie en semant leurs graines dans un lit chaud, & quand elles ont monté, en les transplantant dans un petit pot rempli de bonne terre, qu'on met dans un lit de tan, observant de leur donner de l'air à proportion de la chaleur qui regne; ensuite on les met à l'étroit pour mieux fortifier leur tige dans de plus grands pots, qu'on porte dans les serres à la fin d'Août, dans un endroit où la chaleur est tempérée: on les arrose fréquemment pendant l'hyver avec de l'eau qu'on aura tenue au-moins 24 heures dans la serre pour en ôter le froid. Il faut souvent nettoyer les feuilles avec une guenille de laine, pour en ôter la poussiere, les ordures & la vermine, qui attaque ces sortes de plantes; en été, il faut leur donner de l'air en ouvrant les fenêtres de la serre qui les regarde; mais il faut éviter de les sortir, excepté pour quelques heures, par une pluie chaude, ou pour les nettoyer; autrement ils ne produiront ni fleur ni fruit. Les voyageurs françois, comme le P. du Tertre, Lonvilliers, le P. Labat, les auteurs des lettres édifiantes, & Moore parmi les Anglois, parlent beaucoup du goyavier & de son fruit: mais outre qu'ils ne sont point d'accord dans leurs relations, ils se sont attachés aux détails les moins intéressans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOYLAND, (le) Géog. Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOYLAND GOYLAND, ( le ) Géog . petit pays de la province de Hollande, entre l'Amslel-land, la province d'Utrecht & le Zuydersée. Naerden en est le lieu principal, où Knyf étoit né. On peut consulter son livre sur ce petit pays: Knyf (Gulielm.) Goylandiae histor. & Botan. descript . Amst. 1621, in 4°. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOZZI, ou les GOZES DE CANDIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOZZI GOZZI, ou les GOZES DE CANDIE, ( Géog. ) ce sont deux petites îles de la Mediterranée au midi de la partie occidentale de l'île de Candie, à cinq lieues du fort Selino: elles sont placées E. & O. selon de Witt. La principale des deux est la Gandos de Pline, l. IV. c. xij. & la Claudos de Ptolomée, l. III. c. xvij. & des actes des Apôt. ch. vij. vers. 16 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GOZZO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GOZZO GOZZO, ( Géog. ) par de Lisle, le goze ; île d'Afrique sur la côte de Barbarie, au sud de la Sieile, & à deux lieues N. O. de l'île de Malte. Un si grand voisinage fait qu'elle a eu les mêmes maîtres & la même destinée. Elle appartient aujourd'hui aux chevaliers de Malte. Son circuit n'est que d'environ huit lieues, sa longueur de trois, & sa largeur d'une & demie; mais elle est environnée de rochers escarpés & d'écueils. Cette ile est le Gaulos de Pline, lib. III. c. viij. & de Pomponius Mela, l. II. c. vij . Silius Italicus dit en en parlant, l. XIV. vers. 274. & strato Gaulon spectabile Ponto . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRABATAIRE Author=Mallet Normalized Classification=Liturgie | Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m. GRABATAIRE GRABATAIRE, s. m. ( Liturg. & Hist. ecclésiast. ) on appelloit autrefois grabataires , ceux qui différoient de recevoir le baptême jusqu'a la mort, ou qui ne le recevoient que lorsqu'ils etoient dangereusement malades, & sans esperance de vivre plus long-tems, dans l'opinion ou ils etoient que le baptême effaçoit tous les péchés qu'ils avoient commis. Voyez Bapteme . Chambers . Ils ont été nommes grabataires de grabat , un mauvais lit suspendu, étroit & sans rideaux, anciennement celui des esclaves, des pauvres & des philosophes cyniques. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRABEAU Author=Diderot Normalized Classification=Epicier | Commerce Part of Speech=s.m. GRABEAU * GRABEAU, s. m. ( Epic. & Comm. ) fragmens, poussieres, criblures & autres rebuts de matieres fragiles, dont la vente en masse est permise aux Epiciers, & dont la vente en grabeau leur est défendue. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRABOW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRABOW GRABOW, ( Géog. ) petite ville de la basse Saxe au duché de Meckelbourg, sur le ruisseau de l'Elde, à deux milles d'Allemagne de Neustadt. Longit. 29. 35. lat. 53. 36 . Il y a deux autres petites villes de ce nom en Pologne; l'une sur le Prosne au palatinat de Kalish; l'autre au palatinat de Belz, près de la source du Wiepertz. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRACCHURIS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GRACCHURIS GRACCHURIS, ( Géog. anc. ) ancienne ville de l'Espagne tarragonoise dont parlent Tite-Live, Antonin & Ptolomée. Titus Gracchus Sempronius proconsul, ayant vaincu les Celtibériens, les reçut à composition; & pour laisser en Espagne un monument de ses travaux, il bâtit la ville de Gracchuris: Festus Pompeius prétend néanmoins qu'elle existoit long-tems avant Sempronius, & qu'on l'appelloit alors Illurcis; mais que ce fameux général romain l'ayant reparée & augmentée considerablement, il lui donna son nom. Quoi qu'il en soit, Gracchuris est présentement la ville d'Agréda, où naquit la religieuse espagnole, qui après en avoir pris le surnom fit tant de bruit dans le siecle passé par une vie de la sainte Vierge, qu'elle intitula mystique cité de Dieu . Agréda est dans la vieille Castille, à trois lieues sud-ouest de Tarragone. Long. 15. 54. l. 41. 53 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRACE Author=unknown Normalized Classification=Théologie Part of Speech=s.f. GRACE GRACE, s. f. en termes de Theologie , signifie un don que Dieu confere aux hommes par sa pure libéralité, & sans qu'ils ayent rien fait pour le meriter, soit que ce don regarde la vie presente, soit qu'il ait rapport à la vie future. De-là les Théologiens distinguent d'abord des graces dans l'ordre naturel, & des graces dans l'ordre du salut; les premieres renferment les dons de la création, de l'être, de la conservation, de la vie, de l'intelligence, & tous les avantages de l'ame & du corps; ce qui fait dire à S. Aug. ep. 177. ad Innoc. Quadam non improbanda ratione dicitur gratiâ Dei quâ creati sumus homines ..... qui & essemus, & viveremus, & sentiremus, & intelligeremus . C'est aussi par la grace de Dieu que les anges & les ames des hommes sont immortelles, que l'homme a son libre arbitre, &c. Les graces dans l'ordre du salut, sont celles qui de leur nature ont rapport & conduisent à la vie eternelle; & c'est de celles-ci principalement que traitent les Théologiens, lorsqu'ils agitent les matieres de la grace . Ils définissent la grace dans l'ordre du salut en général, un don surnaturel que Dieu accorde gratuitement à des êtres intelligens, relativement à leur salut; ce qui convient à toute grace surnaturelle, tant à celle qui est conférée en vertu des mérites de Jesus-Christ, qu'à celle qui selon S. Thomas & plusieurs autres scholastiques, fut accordée aux anges dans leur creation, & au premier homme dans l'etat d'innocence. Mais quand il s'agit de la grace de Jesus-Christ ou du Sauveur, ils la définissent un don surnaturel que Dieu accorde gratuitement à des créatures intelligentes en vûe de la passion & des merites de Jesus-Christ & relativement à la vie eternelle. On peut remarquer dans cette definition, 1°. que le mot don est un terme très-vague auquel on n'attache pas d'idee nette. 2°. Les Theologiens ne sont pas d'accord sur l'explication de ce mot surnaturel , qui entre dans leur définition. Les uns prétendent que c'est ce qui surpasse les forces actives de la nature. Les autres entendent par surnaturel ce qui est au-dessus des forces actives & passives de la nature. Ceux-ci entendent par surnaturel ce qui surpasse les forces tant physiques qu'intentionnelles des substances existantes & des accidens qui leur sont connaturels. Ceux-là font consister la surnaturalité dans un certain rapport à Dieu comme auteur de la grace & de la gloire. D'autres enfin la font consister dans une excellence au-dessus des forces & de l'exigence des natures créées & créables; dans une union avec Dieu ou réelle & physique, comme l'union hypostatique, ou intentionnelle immediate, ou intentionnelle médiate. On peut choisir entre ces divers sentimens celui qui paroitra le plus clair; car ils sont très-théologiques. Cette grace se divise en une infinité d'especes: savoir 1° en grace incréée & grace créée: la premiere est l'amour que Dieu porte aux créatures, & la volonté qu'il a deles rendre eternellement heureuses; cette dénomination est tout-à-fait impropre: la seconde, ce sont les moyens & les bienfaits qu'il leur confere pour parvenir à cette fin. S. Thomas, III. part. quoest. ij. art. 10 . Estius, Sylvius, Bellarm. &c. 2°. En grace de Dieu & grace du Christ: l'une est celle qui est conférée sans egard aux mérites de Jesus-Christ, on l'appelle aussi grace de santé; c'est la grace des anges & d'Adam avant leur chûte: l'autre est celle qui est conférée en considération des mérites du Rédempteur, on la nomme aussi grace médicinale; elle a lieu dans l'état présent de l'homme. S. Thomas, Cajétan , &c. 3°. En grace extérieure & grace intérieure: la premiere est celle qui remue l'homme par des moyens exterieurs, tels que la loi, la doctrine, la predication de l'évangile; les Pélagiens ne reconnoissoient que cette espece de grace: la seconde est celle qui le touche intérieurement par de bonnes pensées, de saints desirs, des résolutions pieuses, &c. 4°. En grace donnée gratuitement & grace qui rend agréable a Dieu , ou, comme s'expriment les Théologiens, gratia gratis data , & gratia gratum faciens: par gratia gratis data , ils entendent un don surnaturel que Dieu confere à quelqu'un pour le salut & la sanctification des autres, quoique en vertu de ce don il n'opere pas toûjours la sienne propre: tels sont le don des langues, le don des miracles, le don de prophétie, &c. Par gratia gratum faciens , ils entendent un don surnaturel destine primitivement & par sa nature à la sanctification & au salut de celui qui le reçoit, & le rendant agréable aux yeux de Dieu. 5°. Cette derniere se divise en grace habituelle & en grace actuelle . La grace habituelle est celle qui réside dans l'ame comme une qualite inhérente, fixe & permanente, à-moins que le peché mortel ne l'en chasse; elle se subdivise en grace sanctifiante ou justifiante , vertus infuses & dons du S. Esprit. La grace sanctifiante ou justifiante est celle par laquelle l'homme devient formellement juste, reçoit la justice comme une forme: on a emprunte cette expression de la philosophie d'Aristote. La grace actuelle est celle qui est accordée par maniere d'acte ou de motion passagere pour faire quelque bonne oeuvre particuliere, comme de résister a telle ou telle tentation, accomplir tel ou tel précepte. Dans toutes les contestations qui divisent les Théologiens sur la doctrine de la grace , c'est de l'actuelle qu'il est question. 6°. Cette grace actuelle se divise en grace d'entendement & grace de volonté. La grace d'entendement est une illustration intérieure de l'esprit: la grace de volon té est un mouvement indélibéré & immédiat que Dieu opere dans la volonté. La grace actuelle, au-moins depuis le péché d'Adam, affecte ces deux facultés à cause des tenebres dont l'entendement est obscurci, & qui demandent qu'il soit éclaire, & de la foiblesse que le peche du premier homme a mis dans la volonte, & qui exige un secours d'en haut pour le porter au bien. Cette distinction, comme on voit, suppose celle qu'on a établie entre l'entendement & la volonte, & qui paroit, à quelques egards, précaire & nominale. 7°. La grace actuelle, entant qu'elle renferme ces deux qualités, se divise en grace operante & co-opérante, prévenante & subsequente, existante & aidante; termes que les Theologiens expliquent différemment selon les divers systemes qu'ils embrassent sur la grace . On peut dire que la grace opérante, prévenante, & existante, est la même chose dans le fond; & la définir une illustration soudaine de l'entendement, & une motion indélibérée de la volonté que Dieu opere en nous sans nous, afin que nous voulions & que nous fassions le bien surnaturel: de même la grace co-opérante, subsequente, & aidante, est la même chose dans le fond; & on la définit un concours surnaturel par lequel Dieu agit avec nous pour produire tous & chacun des actes surnaturels & libres dans l'ordre du salut. 8°. La grace opérante ou existante se divise en grace efficace & en grace suffisante. La grace efficace est celle qui opere certainement & infailliblement le consentement de la volonté, & à laquelle cette volonté ne résiste jamais quoiqu'elle ait un pouvoir prochain & réel de lui résister. La grace suffisante est celle qui donne à la volonte des forces proportionnées pour faire le bien, mais dont la volonte n'use pas toûjours. La grace , son, opération, sa nécessité, son accord avec la liberté de l'homme, étant des mysteres incompréhensibles a notre foible raison, il n'est pas étonnant qu'il y ait eu sur tous ces points des opinions opposeés; les plus considérables sont celles des Pélagiens, des Sémi-Pélagiens, des Arminiens, des Molinistes, des Congruistes, &c. d'une part; & de l'autre des Prédestinatiens, des Wiclesistes, des Luthériens, des Calvinistes rigides ou Gomaristes, de Baïus, de Jansenius, des Augustiniens, des Thomistes, &c. Voyez ces articles . La dispute entre les défenseurs de ces différentes opinions roule principalement sur la necessite & l'efficacité de la grace . Les Pélagiens & les Sémi-Pélagiens sont en opposition avec tous les autres sur cet article les premiers refusant de reconnoitre aucune espece de grace intérieure, & ceux-ci niant la nécessite de la grace pour le commencement de la foi & des oeuvres. Selon les theologiens qui ont écrit depuis la bulle d'Innocent X contre le livre de Jansénius, S. Augustin n'a disputé contre ces heretiques que pour les obliger de reconnoitre cette nécessité qu'ils nioient: en convenant que c'est-là l'objet principal de S. Augustin, il faut avouer que chemin faisant il enseigne aussi l'efficacité de la grace , d'une maniere très-forte; que sans doute les Semi-Pélagiens en niant la nécessité de la grace pour le commencement des oeuvres & de la foi, croyoient encore que celle qu'ils admettoient étoit versatile; & que S. Augustin combat cette opinion. La doctrine catholique enseigne que la grace intérieure previent la volonté, & que par consequent elle est nécessaire pour le commencement de la foi & des oeuvres, & que l'homme ne peut rien sans elle dans l'ordre du salut. Les Pélagiens & les Sémi-Pélagiens mis à part, les defenseurs des autres opinions sont principalement divises sur l'efficacité de la grace . Les vérités catholiques sur cette matiere, sont 1°. qu'il y a des graces efficaces par lesquelles Dieu sait triompher de la résistance du coeur humain, sans préjudice de la liberté: 2°. qu'il y a des graces suffisantes auxquelles l'homme resiste quelquefois. Mais on dispute fortement sur la question d'où naît l'efficacité de la grace; est-ce du consentement de la volonté, ou bien est-elle efficace par elle-même? c'est à ces deux opinions qu'il faut réduire la multitude de celles qui partagent les Théologiens. Les principaux systèmes sur cette matiere sont ceux des Thomistes, des Augustiniens, des Congruistes, des Molinistes, & du P. Thomassin. Les Thomistes pretendent qu'on doit tirer l'efficacité de la grace de la toute-puissance de Dieu & du souverain domaine qu'il a sur les vo ontes des hommes; ils la definissent une grace qui de sa nature prévient le libre consentement de la volonte, & opere ce consentement, on appliquent physiquement la volonte à l'acte, sans gêner ou detruire pour cela la liberté: selon eux, elle est absolument necessaire pour agir, dans quelque état que l'on considere l'homme; avant le péché d'Adam, à titre de dépendance; après le peché d'Adam & à titre de dependance, & à titre de foiblesse que la volonte de l'homme a contractée par ce pêche. Ils l'appellent aussi prémotion physique. Voyez Prémotion . Les Augustiniens soûtiennent que l'efficacité de la grace prend sa source dans la force d'une délectation victorieuse absolue, qui emporte par sa nature le consentement de la volonté: selon eux, la grace efficace est celle qui prévient physiquement la volonté, mais qui n'en opere le consentement que par une prémotion morale. Ils sont partages sur sa necessité, les uns voulant que pour tout acte surnaturel & méritoire il faille une grace elle ce par elle-même; les autres, comme le cardinal Norris, distinguant les oeuvres difficiles d'avec les oeuvres faciles, & exigeant pour les premieres seulement une grace efficace par elle-même, & pour les autres une grace suffisante. Voy. Suffisante & Augustiniens . Les Congruistes croyent que l'efficacité de la grace vient de la combinaison avantageuse de toutes les circonstances dans lesquelles elle est accordée. Dieu, dans ce système, prévoit en quel tems, en quel lieu, & en quelles circonstances la volonté sera d'humeur de consentir ou de ne pas consentir à la grace , & par pure bonté il la place dans le moment favorable: selon eux, la grace efficace & la grace suffisante ne different point essentiellement l'une de l'autre; mais seulement en ce que la grace efficace est un plus grand bienfait, eu égard aux circonstances, que n'est la grace suffisante: à-peu-près comme le don d'une épée fait à une personne est toûjours un don, soit en tems de paix soit en tems de guerre; cependant relativement à cette derniere circonstance, l'épée étant plus utile en tems de guerre qu'en tems de paix, le don qu'on en fait est plus précieux dans une circonstance que dans l'autre. Voyez Congruisme . Les Molinistes pensent que l'efficacité de la grace vient du consentement de la volonte; que Dieu en donnant à tous indifferemment la même grace , laisse à la décision de la volonté humaine de la rendre efficace par son consentement ou inefficace par son refus; ensorte qu'à proprement parler, ils ne reconnoissent point de grace efficace par elle même, ou ce que les autres theologiens appellent, gratia per se & ab intrinseco efficax . Le P. Thomassin ( dogmat. theolog. t. III. tract. jv. c. xviij. ) fait consister l'efficacité de la grace dans un assemblage de plusieurs secours surnaturels, tant intérieurs qu'extérieurs, qui pressent tellement la volonté, qu'ils obtiennent infailliblement son consentement; de maniere cependant que chacun de ces secours pris séparément peut être prive de son effet, & même en est souvent prive par la resistance de la volonté; mais collectivement pris, ils l'attaquent avec tant de force qu'ils en demeurent victorieux, en la prédéterminant non physiquement, mais moralement. Les erreurs sur la grace efficace condamnées par l'Eglise, sont celles de Luther, de Calvin, & de Jansenius: Luther soûtenoit que la grace agissoit avec tant d'empire sur la volonté de l'homme, qu'il ne lui restoit pas même le pouvoir de résister. Calvin dans son instit. l. III. c. xxiij. s'attache à prouver que la volonte de Dieu apporte dans toutes choses, & même dans nos volontés, une nécessite inevitable. Selon Luther & Calvin, cette nécessité n'est point physique, totale, immuable, essentielle, mais une nécessité relative, variable, & passagere. Calv. instit. liv. III. chap. ij. n. 11. & 12 . Luther, de serv. arbitr. fol. 434 . Les Arminiens & plusieurs branches des Luthériens ont adouci cette dureté de la doctrine de leurs maitres. Voyez Arminiens , Luthériens . Les Arminiens soûtiennent comme les Catholiques, la nécessité de la grace efficace en ce sens, que cette grace ne manque jamais aux justes que par leur propre faute, qu'ils ont toûjours dans le besoin des graces intérieures vraiment & proprement suffisantes pour attirer la grace efficace, & qu'elles l'attirent infailliblement quand on ne les rejette pas; mais qu'au contraire elles demeurent souvent sans effet, parce qu'au lieu d'y consentir, comme on le pourroit, on y résiste. Jansénius & ses disciples croyent que l'efficacité de la grace vient de l'impression d'une délectation céleste indélibérée qui l'emporte en degrés de force sur les degrés de la concupiscence qui lui est opposée. Voyez Jansénisme . Toutes ces opinions se réduisent, comme nous l'avons dit plus haut, à deux systèmes diamétralement opposes, dont l'un favorise le libre arbitre & l'autre la puissance de Dieu; & dans chacune de ces deux classes en particulier, les opinions ne sont séparées souvent que par des nuances legeres & presque imperceptibles. Les sémi-Pélagiens admettoient, au moins pour les bonnes oeuvres, une grace versatile & que Dieu accordoit après avoir consulté la volonté & prévû son consentement. Il seroit difficile d'assigner une différence à cet égard entre eux & les Molinistes & les Congruistes: il est vrai qu'ils prétendoient, disent les Théologiens, que ce consentement prévû étoit pour Dieu un motif déterminant, une raison de l'accorder; mais les Thomistes & les autres Théologiens catholiques partisans de la grace efficace par sa nature, reprochent tous les jours aux Congruistes & aux Molinistes, que c'est là une conséquence necessaire de leur opinion. Les Molinistes & les Congruistes entre eux sont à-peu-près dans les mêmes termes. Molina n'a jamais nié la congruité de la grace; & Suarès en disant qu'elle tire son efficacité des circonstances, ne peut pas disconvenit que le consentement ou le dissentiment de la volonte rend en dernier ressort la grace efficace ou inefficace: c'est la remarque de Tourneli, de gratia Christi, tom. II. p. 674 . Le sentiment du P. Thomassin peut encore être rappellé au Molinisme ou au Congruisme; car la motion morale qui resulte de la multitude des graces , avec quelque force qu'elle presse la volonté, est toûjours distinguée du consentement, n'opere pas physiquement le consentement: c'est donc toûjours ce même consentement qui rendra la grace efficace. D'autre part, toutes les opinions qui prêtent à la grace une efficacité indépendante du consentement, rentrent les unes dans les autres; les noms n'y font rien: qu'on appelle la grace une délectation , une prémotion , &c. cela ne fera rien à la question capitale, qui est de savoir si le consentement de la volonté sous son empire est libre ou nécessaire. L'Eglise se met peu en peine des opinions abstraites sur la nature de la grace ; mais attentive à conserver le dogme de la liberté, sans lequel il n'y a ni religion ni morale, elle condamne les expressions qui y donnent atteinte. Il est difficile de croire qu'aucun théologien, sans en excepter Luther & Calvin, ayent sait de l'homme un être absolument destitué de tout pouvoir d'agir, incapable de mérite & de demerite, le jouet de la puissance de Dieu, & devenant au gré de l'Être supreme un vase d'honneur ou un vase d'ignominie, un élu ou un réprouvé: mais leurs expressions abusives & contraires au langage reçû, etoient condamnables; & c'est cela même que l'Eglise a condamné. On trouvera aux articles particuliers , Molinisme , Congruisme , Thomisme , &c. des détails dont nous nous abstenons ici. D'ailleurs on a tant écrit sur cette matiere sans rien éclaircir, que nous craindrions de travailler tout aussi inutilement: on peut lire sur ces matieres les principaux ouvrages des Théologiens des divers partis; les discussions auxquelles ils se sont livrés, sort souvent minutieuses & futiles, ne méritent pas de trouver leur place dans un ouvrage philosophique, quelque encyclopédique qu'il soit. On a donné à S. Augustin le nom de docteur de la grace , à cause des ouvrages qu'il a composés sur cette matiere: il paroit qu'effectivement on lui est redevable de beaucoup de lumieres sur cet article important: car il assûre lui-même que Dieu lui avoit révélé la doctrine qu'il développe. Dixi hoc apostolico praecipuè cipue testimonio etiam me ip sum fuisse convictum, cùm in hac quaestione solvendâ (comment la foi vient de Dieu) cùm ad episcopum Simplicianum scriberem, revelavit . S. Augustin, lib. de praed. sanct. c. jv . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grace Author=Jaucourt Normalized Classification=Droit politique Part of Speech=NA Grace Grace , ( Droit politiq. ) pardon, rémission, accordée par le souverain à un ou à plusieurs coupables. Le droit de faire grace est le plus bel attribut de la souveraineté. Le prince, loin d'être obligé de punir toûjours les fautes punissables, peut faire grace par de très-bonnes raisons; comme, par exemple, s'il revient plus d'utilité du pardon, que de la peine; si le coupable ou les coupables ont rendu de grands services à l'état; s'ils possedent des qualités éminentes; si certaines circonstances rendent leurs fautes plus excusables; s'ils sont en grand nombre; s'ils ont été séduits par d'autres exemples; si la raison particuliere de la loi n'a point lieu à leur égard: dans tous ces cas & autres semblables, le souverain peut faire grace , & il le doit toûjours pour le bien public, parce que l'utilité publique est la mesure des peines; & lorsqu'il n'y a point de fortes raisons au souverain de faire la grace entiere, il doit pencher à modérer sa justice. A plus forte raison, le prince dans une monarchie ne peut pas juger lui-même; s'il le vouloit, la constitution de l'état seroit détruite: les pouvoirs intermédiaires dépendans seroient anéantis; la crainte s'empareroit de tous les coeurs; on verroit la pâleur & l'effroi sur tous les visages, & personne ne sauroit s'il seroit absous, ou s'il recevroit sa grace: c'est une excellente remarque de l'auteur de l'esprit des lois. Lorsque Louis XIII. ajoûte-t-il pour la confirmer, voulut être juge dans le procès du duc de la Valette, le président de Bellievre déclara, « qu'il voyoit dans cette affaire une chose inoüie, un prince songer à opiner au procès d'un de ses sujets; que les rois ne s'étoient reservés que les graces , & renvoyoient toûjours les condamnations vers leurs officiers: votre majesté, continua-t-il, voudroit-elle voir sur la sellette un homme devant elle, qui par son jugement iroit dans une heure à la mort? que bien au contraire, la vûe seule des rois portoit les graces , & levoit les interdits des églises ». Concluons que le throne est appuyé sur la clemence comme sur la justice. Voyez-en les preuves au mot Clémence . La rigueur de la justice est entre les mains des juges; la faveur ou le droit de pardonner appartient au monarque; s'il punissoit lui-même, son aspect seroit terrible; si sa clémence n'avoit pas les mains liées, son autorité s'aviliroit. Il faut, je l'avoue, des exemples de sévérité pour contenir le peuple; mais il en faut également de bonté pour affermir le throne. Si le monarque ne se fait pas aimer, il ne regnera pas long-tems, ou son long regne ne sera que plus détesté. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grace Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Grace Grace , ( Jurisp. ) Les dons & brevets, pensions, priviléges accordés par le prince, sont des graces qui doivent toûjours être favorablement interprétées, à-moins qu'elles ne fassent préjudice à un tiers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grace Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Matiere criminelle Part of Speech=NA Grace Grace , en matiere criminelle , se prend en général pour toutes lettres du prince qui déchargent un accusé de quelque crime, ou de la peine à laquelle il auroit été sujet. On se servoit autrefois de ce terme grace dans le style de chancellerie; mais présentement on dit abolition, rémission , & pardon: & quoique ces termes paroissent d'abord synonymes pour signifier grace , ils ont cependant chacun leur signification propre. Abolition est lorsque le prince efface le crime & en remet la peine, de maniere qu'il ne reste aux juges aucun examen à faire des circonstances. Rémission est lorsqu'il remet seulement la peine: ces lettres s'accordent pour homicide involontaire, ou commis par la nécessité d'une légitime défense de la vie. Les lettres de pardon s'accordent dans les cas où il n'échet pas peine de mort, & qui néanmoins ne peuvent pas être excusés. Il n'appartient qu'au roi de donner des graces . Néanmoins anciennement plusieurs seigneurs & grands officiers de la couronne, s'étoient arrogé le droit d'en donner; tels que le connétable, les maréchaux de France, le maître des arbalêtriers, & les capitaines ou gouverneurs des provinces; ce qui leur fut d'abord défendu par Charles V. alors régent du royaume, par une ordonnance du 13 Mars 1359. Cette défense fut réitérée pour toutes sortes de personnes par Louis XII. en 1499. Le chancelier de France les accorde, mais c'est toûjours au nom du roi. Ce privilége fut accordé au chancelier de Corbie par Charles VI. le 13 Mars 1401. Les lettres portent, qu'en tenant les requêtes générales avec tel nombre de personnes du grand-conseil qu'il voudra, il pourra accorder des lettres de grace en toute sorte de cas, & à toutes sortes de personnes. Suivant l'ordonnance de 1670, les lettres d'abolition, celles pour ester à droit après les cinq ans de la contumace, de rappel de ban ou de galeres, de commutation de peine, réhabilitation du condamné en ses biens & bonne renommée, & de révision de procès, ne peuvent être scellées qu'en la grande chancellerie. Les lettres de rémission qui s'accordent pour homicide involontaire, ou commis dans la nécessité d'une légitime defense de la vie, peuvent être scellées dans les petites chancelleries. On peut obtenir grace par un simple brevet, & sans qu'il y ait dans le moment des lettres de chancellerie; savoir, quand les rois font leur entrée pour la premiere sois, après leur avénement à la couronné, ils ont coûtume de donner grace à tous les criminels qui sont détenus dans les prisons de la ville où le roi fait son entrée: mais si les criminels ne levent pas leurs lettres en chancellerie six mois après la date du brevet du grand-aumônier, ils en sont déchûs. Le roi accorde aussi quelquefois de semblables graces à la naissance des fils de France, & aux entrées des reines. Lorsque Charles VI. établit le duc de Berri son frere, pour son lieutenant dans le Languedoc en 1380, il lui donna, entre autres choses, le pouvoir d'accorder des lettres de grace . Louis XI. permit aussi à Charles duc d'Angoulême d'en donner une fois dans chaque ville où il feroit son entrée. Mais aucun prince n'a ce droit de son chef; & quelqu'étendue de pouvoir que nos rois accordent dans les apanages aux enfans de France, le droit de donner des lettres de grace n'y est jamais compris. Louise de Savoie ayant obtenu le privilége de donner des lettres de grace dans le duché d'Anjou, s'en départit, ayant appris que le parlement de Paris avoit délibéré de faire au roi des remontrances à ce sujet. Il est quelquefois arrivé que dans les facultés des légats envoyés en France par la cour de Rome, on a inséré le pouvoir d'abolir le crime d'hérésie dont les accusés pourroient être prevenus. Les parlemens ont toûjours rejetté ces sortes de clauses. Le cardinal de Plaisance légat, ayant en l'année 1547 donné des lettres de grace à un clerc qui avoit tué un soldat; par arrêt du 5 Janvier 1548, il fut dit qu'il avoit été mal, nullement & abusivement procédé à l'entérinement de telles lettres par le juge ecclésiastique, & que nonobstant ces lettres, le procès seroit fait & parfait à l'accusé. Les évêques d'Orléans donnoient autrefois des lettres de grace à tous les criminels qui venoient se rendre dans les prisons d'Orléans lors de leur entrée solennelle à Orléans: il ne s'en trouva d'abord que deux ou trois; mais par succession de tems le nombre s'en accrut beaucoup, tellement qu'en 1707 il y en eut jusqu'à 900, & en 1733 il y en eut plus de 1200. L'édit du mois de Novembre 1753 a beaucoup restraint ce privilége. Il est dit dans le préambule, qu'il n'appartient qu'à la puissance souveraine de faire grace; que les empereurs chrétiens par respect filial pour l'église, donnoient accès aux supplications de ses ministres pour les criminels; que les anciens rois de France déféroient aussi souvent à la priere charitative des évêques, sur-tout en des occasions solennelles où l'église usoit aussi quelquefois d'indulgence envers les pécheurs, en se relâchant de l'austérité des pénitences canoniques; que telle est l'origine de ce qui se pratique à l'avenement des évêques d'Orléans à leur entrée; que cet usage n'etant pas soûtenu de titres d'une autorité inébranlable, sa Majesté a cru devoir lui donner des bornes. Le Roi ordonne en conséquence, qu'à l'avenir les évêques d'Orléans à leur entrée pourront donner aux prisonniers en ladite ville, pour tous crimes commis dans le diocese & non ailleurs, leurs lettres d'intercession & déprécation; sur lesquelles le roi fera expédier des lettres de grace sans frais; qu'en signifiant les lettres déprécatoires, il sera sursis pendant six mois, sauf l'instruction qui sera continuée. L'édit excepte de ces lettres, l'assassinat prémédité, le meurtre ou outrage & excès, ou recousse des prisonniers pour crime, des mains de la justice, commis ou machiné par argent ou sous autre engagement; le rapt commis par violence; les exces ou outrages commis en la personne des magistrats ou officiers, huissiers & sergens royaux exerçans, faisant ou exécutant quelque acte de justice; les circonstances & dépendances desdits crimes, telles qu'elles sont prévûes & marquées par les ordonnances, & tous autres forfaits & cas notoirement réputés non graciables dans le royaume. Pour ce qui est des regles que l'on observe par rapport aux lettres d'abolition, rémission, pour dons & autres lettres de grace; en général il faut observer que tous les juges auxquels les lettres d'abolition sont adressées, doivent les entériner incessamment, si elles sont conformes aux charges & imformations: les cours souveraines peuvent cependant faire des remontrances au roi, & les autres juges representer à M. le chancelier ce qu'ils jugent à-propos sur l'atrocité du crime. On ne doit pas accorder de lettres d'abolition pour les duels, assassinats prémédités, soit pour ceux qui en sont les auteurs ou complices, soit pour ceux qui à prix d'argent ou autrement, se louent & s'engagent pour tuer, outrager, excéder ou retirer des mains de la justice les prisonniers pour crime, ni à ceux qui les auront loués ou induits pour ce faire, quoiqu'il n'y ait eu que la seule machination & attentat sans effet; pour crime de rapt commis par violence, ni à ceux qui ont excédé ou outragé quelque magistrat, officier, huissier, ou sergent royal, faisant ou exécutant quelque acte de justice. L'arrêt ou le jugement de condamnation doit être attaché sous le contre-scel des lettres de rappel de ban ou de galeres, de commutation de peine, ou de réhabilitation, à peine de nullité; & toutes ces lettres doivent être entérinées, quoiqu'elles ne soient pas conformes aux charges & informations: si elles sont obtenues par des gentilshommes, ils doivent y exprimer nommément leur qualité, à peine de nullité. Pour obtenir des lettres de revision, on présente requête au conseil, laquelle est renvoyée aux maîtres des requêtes pour donner leur avis; ensuite duquel intervient arrêt qui ordonne que les lettres seront expédiées. Voyez Revision . Les lettres de grace obtenues par les gentilshommes, doivent etre adressées aux cours souveraines qui peuvent néanmoins renvoyer l'instruction sur les lieux, si la partie civile le requiert. L'adresse en peut aussi être faite aux présidiaux, si la compétence y a été jugée. Les lettres obtenues par les roturiers, s'adressent aux baillis & sénéchaux des lieux où il y a siege présidial; & dans les provinces où il n'y a point de présidial, l'adresse se fait aux juges ressortissans nuement aux cours. On ne peut présenter les lettres d'abolition, rémission, pardon, & pour ester à droit, que l'accuse ne soit actuellement en prison, & il doit y demeurer pendant toute l'instruction, & jusqu'au jugement définitif; & la signification des lettres ne peut suspendre les decrets ni l'instruction, jugement & exécution de la contumace, si l'accusé n'est dans les prisons du juge auquel les lettres auront été adressées. On doit présenter les lettres dans les trois mois de leur date; mais comme l'accusé est ordinairement absent, & même souvent qu'il ignore qu'on ait obtenu pour lui des lettres, on en a accordé quelquefois de nouvelles après les trois mois expirés. Les charges & informations avec les lettres, même les procedures faites depuis l'obtention des lettres, doivent être incessamment apportées au greffe des juges auxquels l'adresse des lettres est faite; & l'on ne peut procéder à l'entérinement, que toutes les charges & informations n'ayent été apportées & communiquées avec les lettres aux procureurs du roi, quelque diligence que les impétrans ayent faite pour les faire apporter, sauf à décerner des exécutoires & autres peines contre les greffiers négligens. Les lettres doivent être signifiées à la partie civile, pour donner ses moyens d'opposition; & le procureur du roi & la partie civile peuvent, nonobstant la presentation des lettres de rémission & pardon, informer par addition, & faire recoller & confronter les temoins. Les demandeurs en lettres d'abolition, rémission & pardon, sont tenus de les présenter à l'audience tête nue & à genoux sans épée; & après qu'elles ent été lûes en leur présence, ils doivent affirmer qu'ils ont donné charge d'obtenir ces lettres, qu'elles contiennent vérité, qu'ils veulent s'en servir: après quoi ils sont renvoyés en prison, & ensuite sont interrogés par le rapporteur du procès. De telle nature que soient les lettres de grace , ceux qui les ont impétrées doivent être interrogés sur la sellette, & l'interrogatoire rédigé par écrit par le greffier, & envoyé en cas d'appel avec le procès. Si les lettres sont obtenues pour des cas qui ne soient pas graciables, ou si elles ne sont pas conformes aux charges, l'impétrant en est debouté; parce qu'on suppose que le roi a été surpris, son intention n'étant de faire grace qu'autant que le cas est graciable. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. xvj . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graces expectatives Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Graces expectatives Graces expectatives , sont des provisions que le pape donne d'avance d'un bénéfice qui n'est pas encore vacant. Il y en a de générales, par lesquelles le pape veut qu'un tel soit pourvû du premier bénéfice qui vacquera; & il y en a de spéciales, par lesquelles le pape mande à l'ordinaire de conferer un certain bénéfice à un tel. Cette maniere de conférer les bénéfices n'étoit point pratiquée par les premiers papes, & elle a toûjours été reprouvée en France, a l'exception de l' expectative des indultaires & de celle des gradués. Voy. Fevret, tr. de l'abus, liv. II. ch. vij. & ci-apr . Gradués , indultaires , Mandats apostoliques ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grace principale Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Grace principale Grace principale , ( Hist. mod. ) titre qu'on donnoit autrefois à l'évêque de Liége, qui est prince de l'Empire. La reine Marguerite dans ses mémoires raconte qu'on le traitoit ainsi: mais depuis il a pris celui d' altesse . Il n'y a point aujourd'hui de baron dans la haute Allemagne, & sur-tout en Autriche, qui ne se fasse donner ce titre d'honneur. Les Anglois s'en servent à l'égard des éveques & des personnes de la premiere qualite après les princes. Comme on le donne en Allemagne aux princes qui ne sont pas du premier rang, les ambassadeurs de France l'accorderent d'abord à l'évêque d Osnabruk, qui étoit ambassadeur du collége électoral à Munster, mais ensuite ils le traiterent d'altesse. Ce titre de grace principale n'est plus maintenant d'usage en notre langue. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grace Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire | Littérature | Mythologie Part of Speech=NA Grace Grace , ( Gramm. Littérat. & Mytholog. ) dans les personnes, dans les ouvrages, signifie non-seulement ce qui plait , mais ce qui plait avec attrait . C'est pourquoi les anciens avoient imaginé que la déesse de la beaute ne devoit jamais paroître sans les graces . La beauté ne déplaît jamais, mais elle peut etre dépourvûe de ce charme secret qui invite à la regarder, qui attire, qui remplit l'ame d'un sentiment doux. Les graces dans la figure, dans le maintien, dans l'action, dans les discours, dependent de ce mérite qui attire. Une belle personne n'aura point de graces dans le visage, si la bouche est fermee sans sourire, si les yeux sont sans douceur. Le serieux n'est jamais gracieux; il n'attire point, il approche trop du severe qui rebute. Un homme bien-fait, dont le maintien est mal assûré ou gêné, la démarche précipitée ou pesante, les gestes lourds, n'a point de grace , parce qu'il n'a rien de doux, de liant dans son exterieur. La voix d'un orateur qui manquera d'inflexion & de douceur, sera sans grace . Il en est de même dans tous les arts. La proportion, la beaute, peuvent n'être point gracieuses. On ne peut dire que les pyramides d'Egypte ayent des graces . On ne pouvoit le dire du colosse de Rhodes, comme de la Venus de Cnide. Tout ce qui est uniquement dans le genre fort & vigoureux, a un mérite qui n'est pas celui des graces . Ce seroit mal connoitre Michel-Ange & le Caravage, que de leur attribuer les graces de l'Albane. Le sixieme livre de l'Énéïde est sublime: le quatrieme a plus de grace . Quelques odes galantes d'Horace respirent les graces , comme quelques-unes de ses épîtres enseignent la raison. Il semble qu'en général le petit, le joli en tout genre, soit plus susceptible de graces que le grand. On loueroit mal une oraison funebre, une tragedie, un sermon, si on leur donnoit l'épithete de gracieux . Ce n'est pas qu'il y ait un seul genre d'ouvrage qui puisse être bon en étant opposé aux graces . Car leur opposé est la rudesse, le sauvage, la sécheresse. L'Hercule Farnese ne devoit point avoir les graces de l'Apollon du Belvedere & de l'Antinoüs; mais il n'est ni sec, ni rude, ni agreste. L'incendie de Troye dans Virgile n'est point décrit avec les graces d'une élégie de Tibulle. Il plaît par des beautés fortes. Un ouvrage peut donc être sans graces , sans que cet ouvrage ait le moindre desagrement. Le terrible, l'horrible, la description, la peinture d'un monstre, exigent qu'on s'eloigne de tout ce qui est gracieux: mais non pas qu'on affecte uniquement l'opposé. Car si un artiste, en quelque genre que ce soit, n'exprime que des choses affreuses, s'il ne les adoucit pas par des contrastes agreables, il rebutera. La grace en peinture, en sculpture, consiste dans la mollesse des contours, dans une expression douce; & la peinture a par-dessus la sculpture, la grace de l'union des parties, celle des figures qui s'animent l'une par l'autre, & qui se prêtent des agrémens par leurs attitudes & par leurs regards. Voyez l'article suivant . Les graces de la diction, soit en eloquence, soit en poésie, dépendent du choix des mots, de l'harmonie des phrases, & encore plus de la délicatesse des idées, & des descriptions riantes. L'abus des graces est l'affeterie, comme l'abus du sublime est l'empoulé; toute perfection est près d'un défaut. Avoir de la grace , s'entend de la chose & de la personne. Cet ajustement, cet ouvrage, cette femme, a de la grace . La bonne grace appartient à la personne seulement. Elle se presente de bonne grace. Il a sait de bonne grace ce qu'on attendoit de lui. Avoir des graces , depend de l'action. Cette femme a des graces dans son maintien, dans ce qu'elle dit, dans ce qu'elle fait . Obtenir sa grace , c'est par métaphore obtenir son pardon: comme faire grace est pardonner . On fait grace d'une chose, en s'emparant du reste. Les commis lui prirent tous ses effets, & lui firent grace de son argent. Faire des graces, répandre des graces , est le plus bel apanage de la souveraineté, c'est faire du bien: c'est plus que justice. Avoir les bonnes graces de quelqu'un , ne se dit que par rapport à un supérieur; avoir les bonnes graces d'une dame , c'est etre son amant favorise. Etre en grace , se dit d'un courtisan qui a été en disgrace; on ne doit pas faire dépendre son bonheur de l'un, ni son malheur de l'autre. On appelle bonnes graces , ces demi-rideaux d'un lit qui sont aux côtés du chevet. Les graces , en latin charites , terme qui signifie aimables . Les Graces , divinités de l'antiquité, sont une des plus belles allegories de la mythologie des Grecs. Comme cette mythologie varia toujours tantôt par l'imagination des Poëtes, qui en furent les theologiens, tantôt par les usages des peuples, le nombre, les noms, les attributs des Graces changerent souvent. Mais enfin on s'accorda à les fixer au nombre de trois, & à les nommer Aglaé, Thalie, Euphrosine , c'est-à-dire brillant, fleur, gaieté . Elles etoient toujours aupres de Venus. Nul voile ne devoit couvrir leurs charmes. Elles présidoient aux bienfaits, à la concorde, aux rejoüissances, aux amours, à l'eloquence même; elles etoient l'emblème sensible de tout ce qui peut rendre la vie agreable. On les peignoit dansantes, & se tenant par la main; on n'entroit dans leurs temples que couronné de fleurs. Ceux qui ont insulté à la mythologie fabuleuse, devoient au-moins avoüer le merite de ces fictions riantes, qui annoncent des vérités dont résulteroit la félicité du genre humain. Art. de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grace Author=Watelet Normalized Classification=Beaux-Arts Part of Speech=NA Grace Grace , ( Beaux arts. ) Le mot grace est d'un usage très-fréquent dans les arts. Il semble cependant qu'on a toûjours attribué au sens qu'il emporte avec lui quelque chose d'indécis, de mystérieux, & que par une convention générale on s'est contenté de sentir à-peu-près ce qu'il veut dire sans l'expliquer. Seroit-il vrai que la grace qui a tant de pouvoir sur nous, naquît d'un principe inexplicable? & peut-on penser que pour l'imiter dans les ouvrages des arts, il suffise d'un sentiment aveugle, & d'une certaine disposition qu'on ne peut comprendre? non sans doute. Je crois, pour me renfermer dans ce qui regarde l'art de peinture, que la grace des figures imitées comme celle des corps vivans, consiste principalement dans la parfaite structure des membres, dans leur exacte proportion, & dans la justesse de leurs emmanchemens. C'est dans les mouvemens & les attitudes d'un homme ou d'une femme qu'on distingue sur-tout cette grace qui charme les yeux. Or si les membres ont la mesure qu'ils doivent avoir relativement à leur usage, si rien ne nuit à leur développement, si enfin les charnieres & les jointures sont tellement parfaites, que la volonté de se mouvoir ne trouve aucun obstacle, & que les mouvemens doux & lians se fassent successivement dans l'ordre le plus précis: c'est alors que l'idée que nous exprimons par le mot grace sera excitée. Et qu'on n'avance pas comme une objection raisonnable, qu'une figure sans être telle que je viens de la décrire, peut avoir une certaine grace particuliere; qu'on ne dise pas qu'il y a des défauts auxquels certaines graces sont attachées. Il seroit impossible, à ce que je crois, de prouver que cela doit être ainsi; & lorsqu'on essayeroit d'établir l'opinion que j'attaque, on démêleroit sans doute dans l'examen des faits, des circonstances étrangeres, des goûts particuliers, des usages établis, des habitudes qui tiennent aux moeurs, enfin des préjugés sur lesquels on fonde le sentiment que j'attaque. Rien ne me paroît devoir contribuer davantage à la corruption des Arts & des Lettres, que d'établir qu'il y a des moyens de plaire & de réussir, indépendans des grands principes que la raison & la nature ont établis. On a peut-être aussi grand tort de séparer, comme on le fait aujourd'hui, l'idée de la beauté de celle des graces , que de trop distinguer dans les Lettres un bon ouvrage d'avec un ouvrage de goût . Un peintre en peignant une figure de femme, croit lui avoir donné la grace qui lui convient, en la rendant plus longue d'une tête qu'elle ne doit l'être, c'est-à-dire en donnant neuf fois la longueur de la tête à sa figure, au lieu de huit. Seroit-il possible qu'on arrivât par un secret si facile, à cet effet si puissant, à cette grace qu'on rencontre si rarement? non sans doute. Mais il est plus aisé de prendre ce moyen, que d'observer parfaitement la construction intérieure des membres, la juste position & le jeu des muscles, le mouvement des jointures, & le balancement des corps. Il arrive quelquefois cependant que l'artiste dont j'ai parlé, fait une illusion passagere: mais il ne doit ce succès qu'à un examen aussi peu reflechi & aussi aveugle que son travail. C'est ainsi qu'un ouvrage dont le plan n'est pas rempli, ou qui en manque, dans lequel la raison est souvent blessée, où la langue n'est pas respectée, usurpe quelquefois le nom d' ouvrage de goût . Je laisse à juger s'il peut y avoir un goût véritable qui n'exige pas la plus juste combinaison de l'esprit & de la raison: peut-il aussi y avoir de véritable grace qui n'ait pour principe la perfection des corps relative aux usages auxquels ils sont destinés? Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRACIABLE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject GRACIABLE GRACIABLE, adj. ( Jurisprud. ) se dit d'un cas ou délit pour lequel on peut obtenir des lettres de grace. Voyez Grace . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRACIEUX Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GRACIEUX GRACIEUX, adj. ( Gramm. ) est un terme qui manquoit à notre langue, & qu'on doit à Ménage. Bouhours en avoüant que Ménage en est l'auteur, prétend qu'il en a fait aussi l'emploi le plus juste, en disant: pour moi de qui les vers n'ont rien de gracieux . Le mot de Ménage n'en a pas moins réussi. Il veut dire plus qu' agréable ; il indique l'envie de plaire: des manieres gracieuses , un air gracieux . Boileau, dans son ode sur Namur , semble l'avoir employé d'une façon impropre, pour signifier moins fier, abaissé, modeste: Et desormais gracieux Allez à Liége, à Bruxelles Porter les humbles nouvelles De Namur pris à vos yeux . La plûpart des peuples du nord disent, notre gracieux souverain ; apparemment qu'ils entendent bienfaisant . De gracieux on a fait disgracieux , comme de grace on a formé disgrace ; des paroles disgracieuses , une avanture disgracieuse . On dit disgracié , & on ne dit pas gracié . On commence à se servir du mot gracieuser , qui signifie recevoir, parler obligeamment ; mais ce mot n'est pas encore employé par les bons écrivains dans le style noble. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gracieux Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Gracieux Gracieux , ( Jurisprud. ) ce terme s'applique en matiere bénéficiale à une forme particuliere de provisions qu'on appelle en forme gracieuse, in formâ gratiosâ . Voyez ci-devant Forme en matiere bénéficiale . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRACIEUSE, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRACIEUSE GRACIEUSE, ( la ) Géog. île de l'Océan atlantique, l'une des Açores, ainsi nommée à cause de la beauté de sa campagne, & de l'abondance de ses fruits. Elle est à 7 lieues N. O. de Tercere. Long. 330. 30. latit. 39. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADATION Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. GRADATION GRADATION, s. f. ( Gramm. ) il se dit en général d'une disposition où les choses sont considérées, comme s'élevant les unes au-dessus des autres. Ce corps s'est formé par une gradation insensible. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradation Author=unknown Normalized Classification=Logique Part of Speech=NA Gradation Gradation , en termes de Logique , signifie une argumentation qui consiste en plusieurs propositions arrangées, de façon que l'attribut de la premiere soit le sujet de la seconde, & que l'attribut de la seconde soit le sujet de la troisieme, & ainsi des autres, jusqu'à ce que le dernier attribut vienne à être affirmé du sujet de la premiere, comme dans l'arbre de porphyre. L'homme est un animal: un animal est une chose vivante: une chose vivante est un corps, un corps est une substance, donc l'homme est une substance. Un argument de cette espece est susceptible d'une infinité d'erreurs qui peuvent naître de l'ambiguité des termes, dont un sophiste abuse; comme dans celui-ci: Pierre est un homme, un homme est un animal, un animal est un genre, un genre est un des universaux, donc Pierre est un des universaux. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradation Author=Jaucourt Normalized Classification=Poésie Part of Speech=NA Gradation Gradation , ( Poésie. ) tableau gradué d'images & de sentimens, qui enchérissent les uns sur les autres; c'est ainsi que l'on doit présenter les passions, en peignant avec art leurs commencemens, leurs progrès, leur force, & leur étendue; je n'en citerai pour exemple que le fragment de Sapho sur l'amour; il est si beau que trois grands poëtes, Catulle, Despréaux, & l'auteur anglois de l'hymne à Vénus, se sont disputé la gloire de le rendre de leur mieux, chacun dans leur langue. Me permettra-t-on d'insérer ici les trois traductions en faveur de leur élégance, & pour la satisfaction d'un grand nombre de lecteurs qui seront bien-aises de les comparer & de les juger? Ecoutons d'abord Catulle, il dit à Lesbie sa maîtresse: Ille mi par esse Deo videtur, Ille, si fas est superare divos, Qui sedens adversûs identidem te Spectat, & audit Dulce ridentem; misero quod omnes Eripit sensus mihi! nam simul te Lesbia aspexi, nihil est super me Quod loquar amens; Lingua sed torpet, tenuis sub artus Flamma dimanat, sonitu suopte Tinniunt aures, geminâ teguntur Lumina nocte . Voici maintenant la traduction de Despréaux. Heureux qui près de toi, pour toi seule soupire, Qui joüit du plaisir de t'entendre parler, Qui te voit quelquefois doucement lui sourire, Les Dieux dans leur bonheur peuvent-ils l'égaler? Je sens de veine en veine une subtile flamme, Courir par tout mon corps sitôt que je te vois; Et dans les doux transports où s'égare mon ame, Je ne saurois trouver de langue, ni de voix . Un nuage confus se répand sur ma vûe, Je n'entends plus, je tombe en de douces langueurs s Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue, Un frisson me saisit, je tremble, je me meurs . Enfin voici la traduction angloise. Blest as th'immortal god is he The jouth who fondly sets by thee, And hears, and sees thee all the while, Softly speak, and sweetly smile , My bozom glowed, the subtle flame Ran quick through all my vital frame, O'er my dim eyes a darkness hung, My ears with hollow murmurs rung . In dewy damps my limbs were chill'd, My blood with gentle horrors thrill'd, My feeble pulze forgot to play, I faint'd, sunk, and dy'd away . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradation Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gradation Gradation , en terme d'Architecture , signifie la disposition de plusieurs parties rangées avec symmétrie & par degrés, de sorte qu'elles forment une espece d'amphitéatre, & que celles de devant ne nuisent point à celles de derriere. Les Peintres se servent aussi du terme de gradation pour marquer le changement insensible des couleurs, qui se fait en diminuant les teintes & les nuances. Voyez Dégradation . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GRADE GRADE, s. m. ( Jurispr. ) se prend quelquefois pour degré d'honneur ou dignité . Il s'entend aussi des degrés que l'on obtient dans les universités; on dit faire insinuer ses grades, jetter ses grades sur un bénéfice . Les grades obtenus per saltum , sont ceux qui ont été obtenus précipitamment sans avoir le tems d'étude nécessaire, & sans observer entre l'obtention de deux degrés les interstices nécessaires. Voyez Degré & Gradués . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grade Author=Jaucourt Normalized Classification=Jurisprudence romaine Part of Speech=NA Grade Grade , ( Jurisp. rom. ) L'empereur Justinien établit qu'il faudroit passer par cinq différens grades , avant que d'arriver à celui de docteur ès lois; il ordonna donc que dans la premiere année on expliquât aux écoliers les institutes qui portoient son nom; & l'on appelloit ceux à qui l'on enseignoit les principes de cette jurisprudence, justinianaei: dans la seconde année, on leur inteprétoit les édits perpétuels des préteurs; & ils étoient surnommés edictales: dans la troisieme année, ils passoient à l'étude des décisions de Papinien, dont ils prenoient le nom de papinianistae: dans la quatrieme année, on leur faisoit expliquer les endroits les plus difficiles des lois, & on les appelloit lytae , du mot grec λύω , solvo , parce qu'ils étoient plus libres dans leurs travaux: dans la cinquieme année, on les honoroit du titre de prolytae , ou gens affranchis des études de droit. Cet établissement de Justinien ne fut pas de longue durée; toutes les Sciences déjà tombées de son tems, s'éteignirent avec l'empire romain, & les premieres étincelles de leur renaissance ne commencerent à paroître que dans les douzieme & treizieme siecle; il fallut en exciter l'étude par des honneurs & des grades , qui donnent encore des droits & des priviléges qu'on ne devroit accorder dans des siecles éclairés, qu'à ceux qui les méritent par leurs talens & leurs lumieres. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADIN Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GRADIN GRADIN, s. m. ( Architecture. ) petite marche ou petit degré; on en pratique sur la table d'un autel, d'un buffet; on donne le même nom aux bancs élevés les uns au-dessus des autres, aux amphitéatres, & aux édifices publics. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradin Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Gradin Gradin , ( Hydr. ) les gradins sont des élévations ou degrés de plomb ou de pierre, pratiqués dans les buffets d'eau & cascades, où l'eau en tombant forme des nappes. Quoique ces gradins suivent ordinairement une ligne droite, on en voit de circulaires. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradins de Gazon Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Gradins de Gazon Gradins de Gazon , ( Jardinage. ) ce sont des marches ou escaliers formés par du gazon, dont on compose les amphitéatres, vertugadins, cascades champêtres, & estrades qui ornent les jardins. Ces gradins terminent à merveille le coup-d'oeil d'une grande allée, & se placent fort bien dans les renfoncemens de charmille qu'on peut pratiquer dans la salle verte d'un bosquet. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADINE Author=unknown Normalized Classification=Sculpture Part of Speech=s.f. GRADINE GRADINE, s. f. ( Sculpture. ) instrument à l'usage des Sculpteurs; c'est une espece de ciseau à plusieurs dents. Voyez nos Planches . Il y a des gradines de différentes longueurs, & même de différentes matieres, selon que l'ouvrage est ou en marbre, ou en pierre, ou en terre. Les dents de la gradine ont deux usages; l'un d'abattre beaucoup plus de marbre dans le travail, que si elle étoit sans dents; & l'autre, de tracer par l'intervalle qu'elles laissent entr'elles, certaines parties délicates: comme les poils de la barbe, les sourcils, les cheveux, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADISCA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRADISCA GRADISCA, ( Géog. ) les Allemands écrivent Gradisch ; petite, mais forte ville du comté de Gortz, sur le Lizonzo, aux frontieres du Frioul, & sujette à la maison d'Autriche, à 2 lieues de Gortz, à 4 d'Aquilée, à 22 N. E. de Venise. Longit. 31. 10. latit. 45. 52 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradisca Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gradisca Gradisca , Gratiana , ( Géogr. ) ville forte de Hongrie, dans la Croatie, prise sur les Turcs par les Impériaux en 1691. Elle est sur la Save, aux frontieres de la Bosnie, à 8 lieues S. O. de Zagrab. Long. 40. 10. latit. 45. 38 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRADO GRADO, Gradus , ( Géog. ) petite ville d'Italie, située dans une île de même nom, sur la côte du Frioul, dans l'état de Venise, à 4 lieues S. d'Aquilée, 22 N. E. de Venise. Elle doit sa fondation aux ravages d'Attila en 454. Elle a été presque réduite en cendres en 1374, & elle ne s'est pas relevée de ce desastre; son patriarchat est uni à l'évêché de Venise. Long. 31. 10. latit. 45. 52 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADUATION Author=unknown Normalized Classification=Mathématique pratique | Art méchanique Part of Speech=s.f. GRADUATION GRADUATION, s. f. ( Mathémat. prat. & Arts méch. ) on se sert de ce mot pour marquer l'action de graduer ou de diviser une grandeur quelconque en degrés. Voyez Degré & Graduer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graduation Author=unknown Normalized Classification=Saline Part of Speech=NA Graduation Graduation , bâtiment de saline ; ce bâtiment est placé dans une saline, & destiné à séparer par évaporation les eaux douces qui se trouvent mêlées avec les eaux salées; ou à faire par la seule action de l'air & des vents, ce qui ne s'opéroit que par le feu, d'où il résulte une moindre consommation de bois. Le bâtiment de graduation de la saline de Rozieres en Lorraine, bâti en 1740 dans une île de la riviere de Meurthe, à 3120 piés de longueur, 24 de large, & 42 de haut. Voyez à l'article Saline , la description de ce bâtiment, & les raisons de son utilité. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADUÉS Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m.pl. GRADUÉS GRADUÉS, s. m. pl. ( Jurisprud. ) en général sont ceux qui ont obtenu des degrés dans une université, tels que le degré de maître-ès-Arts, celui de bachelier, de licentié, ou de docteur. Les gradués joüissent de plusieurs prérogatives. Il faut être gradué pour être reçû dans la plûpart des offices de judicature, du-moins dans les cours souveraines & dans les bailliages & sénéchaussées. Mais c'est sur-tout en matiere bénéficiale que les priviléges des gradués sont considérables, & qu'ils sont susceptibles d'un plus grand détail. On entend ordinairement par le terme de gradués dans cette matiere, ceux qui après avoir étudié dans une université fameuse du royaume, y ont obtenu des degrés & les ont fait signifier à des patrons ou collateurs, afin de pouvoir requérir les bénéfices dans les mois qui leur sont affectés. Voyez Université fameuse . Les degrés obtenus dans des universités étrangeres, ne sont pas considérés à l'effet d'obtenir des bénéfices; il faut néanmoins excepter l'université d'Avignon, qui joüit à cet égard des mêmes priviléges que les universités du royaume. On comprend aussi quelquefois sous le nom de gradués , tous ceux qui ont obtenu des degrés, quoiqu'ils ne les ayent pas fait signifier à des patrons ou collateurs. Les gradués qui ont fait signifier leurs grades peuvent requérir & recevoir des bénéfices; ceux qui ne les ont pas fait signifier ne peuvent pas requérir, mais seulement recevoir certains bénéfices qui ne peuvent être possédés que par des gradués . On distingue trois sortes de gradués: savoir ceux qui ont été reçûs dans les formes prescrites par les statuts & reglemens autorisés par les lois; les gradués de grace qui ont la capacité requise, mais qui ont été dispensés du tems d'étude & de quelques exercices ordinaires pour y parvenir; enfin, les gradués de privilége. On appelle ainsi ceux qui en Italie, & dans quelques autres pays catholiques, ont obtenu du pape ou de ses légats & autres personnes qui prétendent en avoir le pouvoir, des lettres à l'effet d'être dispensés des examens & autres exercices. Les degrés de grace de docteurs ou de licentiés suffisent aux personnes que le Roi nomme aux archevêchés ou évêchés, lorsque les universités les ont donnés sur des dispenses accordées ou autorisées par le Roi; mais les universités n'ont pas le pouvoir d'en donner de leur autorité privée. Les gradués de grace, tels que sont ceux qui prennent des degrés en droit par bénéfice d'âge, & ceux qui obtiennent des degrés dans certaines universités où l'on a la facilité de les accorder, sans exiger le tems d'étude nécessaire, ne peuvent en vertu de leurs grades requérir des bénéfices. Les gradués de privilége ne sont point reconnus en France. L'origine du droit des gradués sur les bénéfices est fort ancienne: en effet, dès le xiij. siecle les papes conféroient les bénéfices aux gradués , suivant le rôle qui leur en étoit envoyé par les universités; mais les gradués n'avoient pas encore un droit certain aux bénéfices. Les gradués étant fort négligés par les collateurs & par les patrons, il en fut fait de grandes plaintes au concile de Bâle, qui leur affecta la troisieme partie des bénéfices, ce qui fut aussi-tôt confirmé en France par la pragmatique-sanction du roi Charles VII. & depuis par le concordat fait entre Léon X. & le roi François I. Mais comme il n'étoit pas facile de partager tous les bénéfices du royaume en trois parties égales, le même concordat ordonna que l'année seroit divisée en trois parties, & que les bénéfices qui vaqueroient par mort durant le tiers de l'année, seroient affectés aux gradués . Ce tiers étant de quatre mois: on en a affecté deux aux gradués simples; savoir Avril & Octobre, qu'on nomme mois de faveur ; & deux aux gradués nommés, qui sont Janvier & Juillet, qu'on appelle mois de rigueur . Tous gradués soit simples ou nommés, sont sujets à l'examen de l'ordinaire avant d'obtenir le visa , & ce non-seulement pour les moeurs, mais aussi pour la capacité. On entend par gradués simples, ceux qui n'ont que les lettres de leurs degrés avec leurs attestations de tems d'étude; les gradués nommés sont ceux qui ont en outre des lettres de nomination, par lesquelles l'université en laquelle ils sont gradués , les présente aux collateurs & patrons ecclésiastiques pour être pourvûs des bénéfices qui viendront à vaquer dans les mois qui leur sont affectés. Il y a néanmoins une exception pour les bénéfices à charge d'ames, à l'égard desquels il est permis au collateur par les derniers reglemens de gratifier le plus capable, quoique le bénéfice ait vaqué dans un mois de rigueur. Tous collateurs & patrons ecclésiastiques, soit séculiers ou réguliers, sont sujets à l'expectative des gradués ; les chanoines, chapitres, doyens, abbés, abbêsses, évêques, archevêques, cardinaux. Le pape même seroit sujet au droit des gradués , s'il conféroit comme ordinaire de France; mais il n'y est pas sujet quand il confere comme ordinaire des ordinaires, jure devolutionis . Les bénéfices sujets aux gradués sont tous les bénéfices dont ils sont capables, & qui vaquent par mort dans les mois qui leur sont affectés, à l'exception des bénéfices consistoriaux, des électifs-confirmatifs, & de ceux qui sont à la nomination ou collation du Roi. Ceux dont la nomination appartient alternativement au Roi & à un patron ou collateur ecclesiastique, sont sujets aux gradués dans le tour du patron ou collateur ecclésiastique. Les dignités des églises cathédrales sont exemptes de l'expectative des gradués , suivant l'édit de 1006; mais il n'a pas été enregistré au grand conseil, ni dans quelques parlemens. Les bénéfices en patronage laïc, ceux qui exigent quelques qualités particulieres, comme de noble ou de musicien; les bénéfices unis valablement, & ceux fondés depuis la date de la nomination des gradués , ne sont pas non plus sujets à leur droit, ni les chapelles desservies par commission dans des châteaux & maisons particulieres, ces chapelles n'étant pas des bénéfices. L'affectation particuliere d'un certain nombre de bénéfices d'une église faite à des gradués par le titre d'érection d'une église, n'empêcheroit pas les gradués de requérir les autres bénéfices dans les mois qui leur sont affectés. Les gradués ne peuvent pas requérir des bénéfices en Bretagne ni en Franche-Comté, dans les trois évêchés de Metz, Toul, & Verdun, ni dans le Roussillon. Le concordat donne aux gradués le decret irritant, c'est-à-dire que toute disposition qui seroit faite au préjudice de leur requisition, seroit nulle de plein droit; mais si le collateur ordinaire avoit conféré à un non-gradué un bénéfice sujet aux gradués , & qui auroit vaqué dans un des mois qui leur sont affectés, la provision ne seroit pas nulle de plein droit; elle subsisteroit, pourvû qu'aucun gradué ne vînt après requérir dans les six mois. Suivant le concordat, les gradués doivent s'adresser dans les six mois de la vacance du bénéfice au collateur ordinaire & patron, pour requérir le bénéfice vacant; en cas de refus du collateur ou patron, ils doivent s'adresser au supérieur immédiat, en remontant de degré en degré jusqu'au pape; & si le collateur n'a point de supérieur ecclésiastique dans le royaume, les parlemens commettent le chancelier de Notre-Dame ou le grand archidiacre de la même église, pour donner des provisions. En Normandie, les gradués obtiennent des lettres de chancellerie adressées aux évêques ou à leurs grands-vicaires, qui leur ordonnent de conférer aux gradués , & les collateurs obéissent à cet ordre. Lorsqu'un bénéfice sujet aux gradués vient à vaquer, le gradué qui veut le requérir doit se transporter chez le collateur, lui demander le bénéfice; si le collateur le lui refuse, il faut prendre acte du refus, le faire insinuer, & se présenter au supérieur immédiat, lui justifier de l'acte de refus, & des titres en vertu desquels le gradué requiert, & en cas de nouveau refus, il faut faire la même chose auprès du supérieur. Le collateur supérieur ne peut pas conférer d'avance, mais seulement en cas de refus de la part du collateur ordinaire. Le tems d'étude nécessaire pour acquérir les degrés à l'effet de pouvoir requerir des bénéfices, est reglé par l'ordonnance de Louis XII. du mois de Mars 1498, & du mois de Juin 1510, auxquelles le concordat est aussi conforme en ce point; ce tems est de dix ans pour les licentiés ou bacheliers formés en Théologie; sept ans pour les docteurs ou licentiés en Droit canon, civil, ou en Medecine; pour les maîtres ou licentiés-ès-Arts cinq ans à logicalibus inclusivè , ou en autre plus haute & supérieure faculté; pour les bacheliers simples en Théologie six ans; pour les bacheliers en Droit canon ou civil, cinq ans, à-moins qu'ils ne fussent nobles ex utroque parente , & d'ancienne lignée; auquel cas il suffit qu'ils ayent étudié trois ans. L'université de Paris est dans l'usage de recevoir maîtres-és-Arts ceux qui ont fait leur cours dans les universités de Reims & de Caen, & qui ont étudié un an dans l'université de Paris. Le certificat de tems d'étude doit être signé du professeur, & visé du principal où l'on a etudié. Les lettres de degré doivent aussi être délivrées par les universités ou l'on a étudié. Pour obtenir des bénéfices en vertu de ses grades, il faut notifier aux collateurs ou patrons ses degrés, ses lettres de nomination, si on en a, & le certificat de tems d'étude. Cette notification doit être faite en présence de deux notaires apostoliques, ou d'un notaire apostolique & de deux témoins qui signent la minute de la notification; en cas de refus du notaire apostolique, il faut lui demander acte de son refus; s'il ne veut pas le donner, il faut s'adresser au juge royal, pour en obtenir une ordonnance qui autorise un autre officier à instrumenter au lieu & place du notaire apostolique. Les mêmes formalités doivent être observees dans la notification que les gradués sont obligés de réitérer tous les ans dans le tems de carême, de leurs noms & surnoms aux collateurs ou patrons ecclésiastiques. Le concordat veut que ces notifications soient faites à la personne du collateur ou à son domicile; cependant il y a des diocèses où ces actes se signifient à l'évêque, en parlant à son secrétaire: le greffier du chapitre, ou la premiere dignité dans les lieux où cet usage est établi, reçoivent aussi les actes de notification comme feroit le chapitre même. A l'égard de la rémotion qui se fait tous les ans en l'absence des collateurs, elle peut être faite à leurs vicaires, & au défaut des vicaires au greffe des insinuations. Le gradué qui a fait notifier ou insinuer ses degrés au collateur avant la vacance du bénéfice, est préféré à celui qui n'a notifié les siens que dans le tems de la vacance; mais celui-ci l'emporte sur un pourvû per obitum , postérieurement à la requisition. Quand la nomination du gradué n'est adressée qu'au patron, il suffit de la notifier au patron; mais si elle est aussi adressée au collateur, il faut la notifier à l'un & à l'autre. Un gradué qui omet en un carême de réitérer la notification de ses noms & surnoms, n'est pas pour toûjours déchu de son droit, mais seulement pour cette année. Quand un bénéfice vaque dans un des deux mois de faveur, le collateur ou patron n'est pas obligé de le conférer au plus ancien gradué ni au plus qualifié; il peut choisir entre tous les gradués soit simples ou nommés qui ont requis, celui qu'il juge à-propos. Ainsi les gradués nommés peuvent requerir les bénéfices qui vaquent dans les mois de faveur; mais les gradués simples ne peuvent pas requérir ceux qui vaquent dans les mois de faveur. Dans les mois de rigueur le collateur ou patron est oblige de conférer aux gradués nommés, eu égard à l'ancienneté & à la prérogative de leurs grades. L'ancienneté se détermine par la date des lettres de nomination. Entre plusieurs gradués nommés, qui sont également anciens, on préfere le plus qualifié: ainsi les docteurs, licentiés, ou bacheliers formés en Théologie, sont préférés aux docteurs en Droit civil, en Droit canon, ou en Medecine; les bacheliers en Droit canon ou en Droit civil, aux maîtres-ès-Arts; les docteurs en Droit canon, aux docteurs en Droit civil, & aux docteurs en Medecine; les bacheliers en Droit canon, aux bacheliers en Droit civil: mais cela n'a lieu qu'en concurrence de date. On ne peut tirer aucune préférence de ce qu'un gradué a été nommé par une université plus fameuse qu'une autre, pourvû que celle-ci soit aussi du nombre des universités fameuses. Si plusieurs gradués ont des lettres de nomination du même jour, on préfere celui qui a obtenu le premier ses degrés. Lorsque toutes choses se trouvent égales, le collateur ou patron a la liberté de nommer celui qu'il juge à-propos. Les gradués nommés sont obligés d'exprimer dans leurs lettres les bénéfices dont ils sont pourvûs, & la véritable valeur de ces bénéfices, année commune. Les gradués doivent aussi faire mention des pensions qu'ils se sont reservées en résignant. Ce n'est pas assez pour requérir un bénéfice en vertu de ses grades, d'avoir fait insinuer dûement ses degrés, il faut aussi avoir l'âge & les autres qualités requises pour le bénéfice, soit par la loi, soit par la fondation. Il faut aussi être françois, ou du moins être naturalisé; mais il suffit que ces lettres soient enregistrées avant le jugement du procès. Pour requérir des bénéfices en vertu de ses grades, il faut être du-moins tonsuré. Il faut aussi être né d'un mariage légitime. Il est pareillement nécessaire d'être capable des effets civils. Un gradué qui est in reatu , ne peut requérir de bénéfice. Pour qu'un gradué soit censé rempli, il faut qu'il ait du-moins quatre cents livres de revenu en bénéfices obtenus en vertu de ses grades, ou six cents livres en bénéfices obtenus autrement qu'en vertu de ses grades, si c'est un ecclésiastique séculier; car s'il est régulier, le plus petit bénéfice suffit pour qu'il soit cense rempli; le tout à-moins que les gradués ne prouvent qu'ils ont été évincés de ces bénéfices par jugement contradictoire donné sans fraude ni collusion. Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a replétion, on considere la valeur des bénéfices du gradué , eu égard au tems qu'ils lui sont advenus. Les rétributions & même les distributions journalieres & les obits de fondation, sont comptés dans le revenu pour la replétion. La somme de quatre cents ou de six cents livres nécessaire pour remplir le gradué , s'entend, toute déduction faite, des charges ordinaires, telles que les décimes, mais non pas des charges extraordinaires & casuelles, au nombre desquelles on met le don gratuit. Les gradués ne sont pas remplis par des pensions qui ne sont pas cléricales; mais celles qui leur tiennent lieu de la dotation d'un titre ecclésiastique, les remplissent comme des bénéfices. Il en est de même des autres pensions cléricales assignées sur les fruits d'un bénéfice, pour être payées par le titulaire pendant la vie du pensionnaire. Un gradué séculier ne peut pas requérir un bénéfice régulier, & vice versâ . Les gradués réguliers ne peuvent requérir en vertu de leurs grades des bénéfices d'un autre ordre, même avec dispense du pape; & celui qui a déjà un bénéfice autrement qu'en vertu de ses grades, ne peut pas non plus en requérir un autre, quand même il auroit une dispense ad duo , parce que le pape ne peut donner d'extension au concordat. Les bénéfices que peuvent requérir les gradués , sont ceux qui vaquent par mort; ils ne peuvent pas exercer leur droit sur ceux dont le défunt a permuté, ou dont il a donné sa démission pure & simple, lorsqu'il y a deux jours francs avant le décès de celui qui a résigné ou permuté. Pour posseder une cure dans une ville murée, il faut être gradué ; la dispense de degrés qui seroit donnée par le pape, ne seroit pas admise. Au reste, il suffit d'être gradué avant la prise de possession d'une telle cure. Il y a encore d'autres bénéfices pour lesquels il faut être gradué . 1°. Les prébendes théologales ne peuvent être conférées qu'à des docteurs en Théologie, ou à des bacheliers formés. 2°. Pour posseder une dignité dans une cathédrale, ou la premiere dignité d'une collégiale, il faut être au-moins bachelier en Théologie ou en Droit canon. Pour être archevéque ou évêque, il faut être docteur en Théologie, ou docteur en Droit, ou au-moins licencié; mais les princes du sang & les religieux mendians sont dispensés d'être gradués . Les régens septenaires de l'université de Paris, c'est-à-dire qui ont professé quelque science pendant sept ans, même la Grammaire, pourvû que ce soit en un collége célebre, & ceux qui ont été principaux d'un collége de même qualité aussi pendant sept années entieres & sans interruption, sont préférés dans les mois de rigueur à tous les gradués nommés, excepté aux docteurs en Théologie. Les professeurs, pour joüir de ce privilége de septenaires, doivent avoir leur quinquennium . En concurrence de plusieurs professeurs en diverses facultés, on adjuge le bénéfice à celui d'entre eux qui est le plus ancien gradué . Quand le régent septenaire concourt avec un docteur en Théologie aussi ancien que lui, ces deux gradués étant égaux en toutes choses, le collateur peut gratifier celui qu'il juge à propos. Le septenaire de Paris est préféré aux gradués des autres universités, même pour les bénéfices des autres diocèses. Les régens septenaires des universités de Caën & de Reims ont aussi le même privilége que ceux de Paris. Le tems que les gradués ont pour requérir, est de six mois. Le pape peut prévenir les gradués , mais il faut que ce soit avant leur requisition; & pour empêcher la prévention du pape, il n'est pas nécessaire que le gradué ait obtenu des provisions du collateur ordinaire; il suffit pour lier les mains au pape, qu'il ait fait sa requisition, & si le collateur ou patron la refuse, qu'il en prenne un acte de refus. La requisition faite par un gradué dont le degré seroit nul, met à couvert le droit de tous les autres gradués , quoiqu'ils n'ayent requis qu'après les provisions données par le pape. Quoiqu'un gradué nommé ait obtenu des provisions, il est évincé de plein droit par un gradué nomme plus ancien que lui, qui se présente dans les six mois qu'ils ont pour faire leurs requisitions. Les chapitres peuvent sede vacante conférer aux gradués simples & nommés. Il n'est pas libre aux collateurs ou patrons dans les mois de faveur, de gratifier des gradués qui n'ont pas fait insinuer leurs grades. Les gradués ne peuvent pas transmettre leurs droits à d'autres gradués , si ce n'est après avoir obtenu des provisions. A l'égard du droit de conférer les bénéfices affectés aux gradués , quand il est dévolu au supérieur faute par l'inférieur d'avoir conféré dans six mois, le supérieur peut conférer de la même façon qu'auroit fait l'inferieur, & conséquemment gratifier un des contendans, supposé que l'inférieur eût le droit de le faire, soit que le bénéfice eût vaqué dans un mois de faveur, ou que toutes choses fussent égales entre les contendans; autre chose seroit si le droit étoit dévolu au supérieur, pour avoir par l'inférieur conféré à un clerc non gradué ; car dans ce cas le collateur a perdu le droit de gratifier pour avoir contrevenu au concordat. Un gradué qui se marie ou qui s'est fiancé, perd son droit de nomination. Il y auroit encore bien d'autres choses à observer par rapport aux gradués , mais qui nous jetteroient dans une trop longue discussion; ceux qui voudront approfondir cette matiere, peuvent consulter les ordonnances de Louis XII . du mois de Mars 1498, & Juin 1510; le concordat, l'édit de 1606, le traité des matieres bénéficiales de Fuet, celui de Drapier. Il ne nous reste plus qu'à expliquer dans les subdivisions suivantes les différentes qualifications que l'on donne aux gradués . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué ancien Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué ancien Gradué ancien , ou plûtôt comme on dit, l' ancien gradué , ou le plus ancien gradué , n'est pas celui qui a le premier obtenu ses grades; on entend ordinairement par-là celui d'entre plusieurs gradués nommés dont les lettres de nomination sont antérieures aux lettres des autres gradués . Il arrive néanmoins aussi qu'entre plusieurs gradués nommés dont les lettres sont de même date, & toutes choses étant égales entr'eux, on préfere celui qui est le plus ancien par ses grades. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué ès Arts Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué ès Arts Gradué ès Arts , est celui qui a obtenu des lettres de maître dans la faculté des Arts. Voyez Maitre-ès-Arts . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué en Droit canon Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué en Droit canon Gradué en Droit canon , est celui qui a obtenu des degrés dans une faculté de Droit en Droit canon seulement. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué en Droit civil Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué en Droit civil Gradué en Droit civil , est celui qui a obtenu des degrés en droit civil seulement: ce qui ne se pratique plus qu'à l'égard des étrangers. Voyez ce qui a été dit ci-dev. au mot Docteur en Droit . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué en Droit civil et canonique Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué en Droit civil et canonique Gradué en Droit civil et canonique , ou in utroque jure , est celui qui a obtenu ses degrés dans l'une & l'autre faculté. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué de faveur Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué de faveur Gradué de faveur : on donne quelquefois ce nom aux gradués simples. Voyez Gradué simple . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué dans les formes Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué dans les formes Gradué dans les formes , est celui qui pour obtenir ses degrés, a rempli le tems d'étude & les autres formes nécessaires, suivant les réglemens observés dans le royaume. Voyez Gradué de grace & Gradué de privilege . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradués de grace Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradués de grace Gradués de grace , sont ceux qui obtiennent des degrés en droit par bénéfice d'âge, & ceux qui obtiennent des degrés dans certaines universités où l'on a la facilité de les accorder sans exiger le tems d'étude nécessaire. Ces sortes de gradués ne peuvent en vertu de leurs grades requérir des bénéfices. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué en Medecine Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué en Medecine Gradué en Medecine , est celui qui a obtenu des degrés dans une faculté de Medecine. Les gradués en Droit sont préférés aux gradués en Medecine. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué nommé Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué nommé Gradué nommé , est celui qui a obtenu des lettres de nomination de l'université où il a pris ses degrés, par lesquelles l'université le présente aux collateurs & patrons ecclésiastiques pour être pourvû des bénéfices qui viendront à vaquer dans les mois qui sont affectés aux gradués . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradués de Privilége Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradués de Privilége Gradués de Privilége , sont ceux qui en Italie & dans quelques autres pays catholiques ont obtenu du pape ou de ses légats & autres personnes qui prétendent en avoir le pouvoir, des lettres à l'effet d'être dispensés des examens & autres exercices. Ces sortes de gradués ne sont point reconnus dans le royaume, à l'effet de requérir des bénéfices. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué qualifié Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué qualifié Gradué qualifié , est celui qui a les qualités requises pour posséder un bénéfice. Entre plusieurs gradués , le plus qualifié est celui qui a le grade le plus élevé, ou en parité de grades, qui a d'ailleurs quelqu'autre qualité qui doit le faire préférer, comme s'il est noble. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué rempli Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué rempli Gradué rempli , est celui qui possede du-moins 400 liv. de revenu en bénéfices obtenus en vertu de ses grades, ou 600 liv. en bénéfices obtenus autrement qu'en vertu de ses grades, si c'est un ecclésiastique séculier; car si c'est un régulier, le plus petit bénéfice suffit pour le remplir. Voyez ce qui en est dit ci-devant au mot Gradué , & ci-après Replétion . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué régulier Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué régulier Gradué régulier , est un religieux ou chanoine régulier qui a obtenu des degrés dans une université: sur quoi il faut observer qu'il n'y a que certains ordres qui soient admis à prendre des degrés. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué de rigueur Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué de rigueur Gradué de rigueur , Voyez Gradué nommé . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué per saltum Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué Gradué per saltum , est celui qui a obtenu ses degrés sans observer le tems d'étude & les interstices nécessaires entre l'obtension des différens degrés. Les grades ainsi obtenus per saltum ne servent pas en France pour requérir des bénéfices. Voyez Gradué de grace . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué séculier Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué séculier Gradué séculier , est un ecclésiastique séculier qui a obtenu des grades. Gradué séculier est opposé à gradué régulier ; on confond quelquefois gradué laïc avec gradué séculier. Voyez Gradué régulier . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué septenaire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué septenaire Gradué septenaire : on donne quelquefois improprement ce titre de gradué à celui qui a professé pendant sept ans dans un collége de plein exercice, ou qui a fait pendant sept ans la fonction de principal . Ces deux fonctions équivalent l'une & l'autre à un grade. Le septenaire est même préféré à tous les gradués , excepté aux docteurs en Théologie. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué simple Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué simple Gradué simple , est celui qui n'a que les lettres de ses degrés avec une attestation du tems d'étude; à la différence des gradués nommés, qui ont en outre des lettres de nomination sur un collateur ou patron. Les gradués simples ne peuvent requérir que les bénéfices qui vaquent au mois de faveur. Voyez ci-devant au mot Gradué . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué en Theologie Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué en Theologie Gradué en Theologie , est celui qui a obtenu quelque degré dans la faculté de Théologie, comme de bachelier, licencié, ou docteur. Ces gradués sont préférés à tous les autres en partie de degré. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gradué in utroque Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gradué Gradué in utroque , voyez ci-devant Gradué en Droit civil et canon . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADUEL Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique | Liturgie Part of Speech=s.m. GRADUEL GRADUEL, s. m. ( Hist. ecclésiast. & Liturgie. ) on appelloit autrefois graduel & un livre d'église, & les prieres qu'il contenoit, & qui se chantoient après l'épître. Après la lecture de l'épitre, le chantre montoit sur l'ambon avec son livre nommé graduel ou antiphonier , & chantoit le répons , que nous nommons graduel , à cause des degrés de l'ambon: & répons , à cause que le choeur répond au chantre. Voyez Ambon . Aujourd'hui on ne donne plus le nom de graduel qu'à certain verset qu'on chante après l'épître, & qu'on chantoit autrefois sur les degrés de l'autel; ou selon Ugotio, en montant de note en note; ou bien selon Macri, pendant que le diacre montoit au pupitre, qui étoit élevé sur plusieurs degrés pour chanter l'évangile. On appelle aussi graduels les quinze pseaumes que les Hébreux chantoient sur les quinze degrés du temple. D'autres croyent que ce nom vient de ce qu'on élevoit sa voix par degrés en montant de ton. Voyez Pseaume . Le cardinal Bona, dans son traité de la divine psalmodie , dit que les quinze pseaumes graduels nous font ressouvenir qu'on n'arrive à la perfection que par degrés. Il marque ensuite les quinze degrés de vertu qui correspondent aux quinze pseaumes graduels . Il y en a cinq pour les commençans, cinq pour ceux qui sont plus avancés, & cinq pour les parfaits. Dictionnaire de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADUER Author=d'Alembert Normalized Classification=Mathématique pratique | Art méchanique Part of Speech=v.act. GRADUER GRADUER, v. act. ( Mathém. prat. & Arts méch. ) c'est diviser er. degrés un instrument de Mathématique, de Physique, &c. Ce mot degré signifie dans ces instrumens des parties égales ou inégales , mais plus ordinairement égales , qui sont marquées ou séparées par de petites lignes; comme les degrés d'un quart de cercle, les degrés d'un thermometre, les degrés d'une échelle quelconque; lorsqu'il est question d'instrument de Mathématique, on se sert plus du mot diviser que du mot graduer ; ainsi on dit: ce quart de cercle est mal divisé: la division n'en est pas exacte . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRADUS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie maritime ancienne Part of Speech=NA GRADUS GRADUS, ( Géog. marit. anc. ) les Romains donnoient le nom de gradus aux ports qui étoient à l'embouchure des fleuves, & où il y avoit des escaliers par lesquels on pouvoit descendre du môle dans les vaisseaux. C'est par cette raison qu'on appelle aujourd'hui échelles du levant les ports considérables de l'Asie qui sont sur la Méditerranée. Le mot de gras dont on se sert pour exprimer les embouchures du Rhone, est encore un vestige de ce nom. Semblablement les Espagnols donnent le nom de crao à ces sortes de descentes, comme par exemple, à celle qui est à Valence, anciennement appellée gradus valentinus . Enfin le nom de grau que l'on donne sur la côte de Languedoc, à l'embouchure d'une riviere, vient de la même origine. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAFFEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAFFEN GRAFFEN, ( Géog. ) ville de l'Indoustan, au royaume de Visapour, sur la riviere de Coutour, entre la ville de Visapour & le port de Dabul. Lon. 92. 25. lat. 18. 36 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAGE Author=Jaucourt Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=s.f. GRAGE GRAGE, s. f. ( Arts méchan. ) espece de rape de cuivre, dont nos insulaires se servent pour mettre leur manioc en farine; la grage est composée d'une planche de trois piés & demi de long, & d'un pié de large; on attache sur le milieu une piece de cuivre de quinze à dix-huit pouces de long, sur dix à douze de large, non pas de toute la largeur du cuivre, mais en lui faisant faire un ceintre tel que celui de nos rapes à sucre. Le negre qui grage , applique un bout de l'instrument dans une auge ou canot, & s'appuyant l'estomac sur l'autre bout, il rape les racines de manioc, & en fait une farine semblable à une grosse sciûre de bois humide. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAILLE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRAILLE GRAILLE, Voyez Corneille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAIN Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA GRAIN * GRAIN, ( Gramm. ) il s'est dit d'abord des petits corps ou fruits que les arbres & les plantes produisent; qui leur servent de semences, ou qui les contiennent. Ainsi on dit un grain de raisin , un grain de blé, d'orge, d'avoine, de seigle . On a étendu cette dénomination à d'autres petits corps, à des fragmens, à des configurations; & on a dit un grain d'or pour une petite portion d'or: la molécule differe du grain , en ce qu'elle est plus petite; il faut plusieurs molécules réunies pour faire un grain . On a dit le grain de l'acier, pour ces inégalités qui offrent à la fracture d'un morceau d'acier l'image d'une crystallisation réguliere, sur-tout si le refroidissement n'a pas été subit; car le refroidissement précipité gâte cette apparence, de même que l'évaporation hâtée altere la régularité des crystaux: un grain de chapelet, pour un petit corps rond de verre, d'ivoire, de bois, ou d'autre matiere, percé de part en part d'un trou qui sert à l'enfiler avec un certain nombre d'autres, à l'aide desquels celui qui s'en sert sait le compte exact des pater & des ave qu'il récite: les grains , pour la collection générale des fromentacés qui servent à la nourriture de l'homme & des animaux; les gros grains sont ceux qui servent à la nourriture de l'homme; les menus, ceux qui servent à la nourriture des animaux: un grain de métal, pour un petit globule rond de métal qu'on obtient dans la réduction d'une petite portion de mine ou de chaux métallique, & qu'on trouve à la pointe d'une des matieres qui ont servi de flux ou de fondant: un grain de vérole, pour une pustule considérée séparément; il se dit & de la pustule & de la tache qu'elle laisse communément. Grain a encore d'autres acceptions; c'est un poids, une monnoie, &c. Voyez les articles suivans , mais sur-tout l' article Grains ( Economie politiq. ), où ce terme est considéré selon son objet le plus important. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grains Author=Quesnay Normalized Classification=Economie politique Part of Speech=NA Grains Grains , ( Economie polit. ) Les principaux objets du Commerce en France, sont les grains , les vins & eaux-de-vie, le sel, les chanvres & les lins, les laines, & les autres produits que fournissent les bestiaux: les manufactures des toiles & des étoffes communes peuvent augmenter beaucoup la valeur des chanvres, des lins, & des laines, & procurer la subsistance à beaucoup d'hommes qui seroient occupés à des travaux si avantageux. Mais on apperçoit aujourd'hui que la production & le commerce de la plûpart de ces denrées sont presque anéantis en France. Depuis long-tems les manufactures de luxe ont séduit la nation; nous n'avons ni la soie ni les laines convenables pour fabriquer les belles étoffes & les draps fins; nous nous sommes livrés à une industrie qui nous étoit étrangere; & on y a employé une multitude d'hommes, dans le tems que le royaume se dépeuploit & que les campagnes devenoient desertes. On a fait baisser le prix de nos blés, afin que la fabrication & la main-d'oeuvre fussent moins cheres que chez l'étranger: les hommes & les richesses se sont accumulés dans les villes; l'Agriculture, la plus féconde & la plus noble partie de notre commerce, la source des revenus du royaume, n'a pas été envisagée comme le fond primitif de nos richesses; elle n'a paru intéresser que le fermier & le paysan: on a borné leurs travaux à la subsistance de la nation, qui par l'achat des denrées paye les dépenses de la culture; & on a crû que c'étoit un commerce ou un trafic établi sur l'industrie, qui devoit apporter l'or & l'argent dans le royaume. On a défendu de planter des vignes; on a recommandé la culture des mûriers; on a arrêté le débit des productions de l'Agriculture & diminué le revenu des terres, pour favoriser des manufactures préjudiciables à notre propre commerce. La France peut produire abondamment toutes les matieres de premier besoin; elle ne peut acheter de l'étranger que des marchandises de luxe: le trafic mutuel entre les nations est nécessaire pour entretenir le Commerce. Mais nous nous sommes principalement attachés à la fabrication & au commerce des denrées que nous pouvions tirer de l'étranger; & par un commerce de concurrence trop recherché, nous avons voulu nuire à nos voisins, & les priver du profit qu'ils retireroient de nous par la vente de leurs marchandises. Par cette politique nous avons éteint entre eux & nous un commerce réciproque qui étoit pleinement à notre avantage; ils ont interdit chez eux l'entrée de nos denrées, & nous achetons d'eux par contrebande & fort cher les matieres que nous employons dans nos manufactures. Pour gagner quelques millions à fabriquer & à vendre de belles étoffes, nous avons perdu des milliards sur le produit de nos terres; & la nation parée de tissus d'or & d'argent, a crû joüir d'un commerce florissant. Ces manufactures nous ont plongés dans un luxe desordonné qui s'est un peu étendu parmi les autres nations, & qui a excité leur émulation: nous les avons peut-être surpassées par notre industrie; mais cet avantage a été principalement soûtenu par notre propre consommation. La consommation qui se fait par les sujets est la source des revenus du souverain; & la vente du superflu à l'étranger augmente les richesses des sujets. La prospérité de l'état dépend du concours de ces deux avantages: mais la consommation entretenue par le luxe est trop bornée; elle ne peut se soûtenir que par l'opulence; les hommes peu favorisés de la fortune ne peuvent s'y livrer qu'à leur préjudice & au desavantage de l'état. Le ministere plus éclairé sait que la consommation qui peut procurer de grands revenus au souverain, & qui fait le bonheur de ses sujets, est cette consommation générale qui satisfait aux besoins de la vie. Il n'y a que l'indigence qui puisse nous réduire à boire de l'eau, à manger de mauvais pain, & à nous couvrir de haillons; tous les hommes tendent par leurs travaux à se procurer de bons alimens & de bons vêtemens: on ne peut trop favoriser leurs efforts; car ce sont les revenus du royaume, les gains & les dépenses du peuple qui font la richesse du souverain. Le détail dans lequel nous allons entrer sur les revenus que peuvent procurer d'abondantes récoltes de grains , & sur la liberté dans le commerce de cette denrée, prouvera suffisamment combien la production des matieres de premier besoin, leur débit & leur consommation intéressent tous les différens états du royaume, & fera juger de ce que l'on doit aujourd'hui attendre des vûes du gouvernement sur le rétablissement de l'Agriculture. Nous avons déjà examiné l'état de l'Agriculture en France, les deux sortes de culture qui y sont en usage, la grande culture ou celle qui se fait avec les chevaux, & la petite culture ou celle qui se fait avec les boeufs, la différence des produits que donnent ces deux sortes de culture, les causes de la dégradation de notre agriculture, & les moyens de la rétablir. Voyez Fermiers , ( Economie politiq. ) Nous avons vû que l'on cultive environ 36 millions d'arpens de terre, & que nos récoltes nous donnent, année commune, à-peu-près 45 millions de septiers de blé; savoir 11 millions produits par la grande culture, & 34 millions par la petite culture ( a ). Nous allons examiner le revenu que 45 millions de septiers de blé peuvent procurer au Roi, conformément aux deux sortes de culture qui les produisent: nous examinerons aussi ce qu'on en retire pour la dixme, pour le loyer des terres, & pour le gain du cultivateur; nous comparerons ensuite ces revenus avec ceux que produiroit le rétablissement parfait de notre agriculture, l'exportation étant permise; car sans cette condition, nos récoltes qui ne sont destinées qu'à la consommation du royaume, ne peuvent pas augmenter, parce que si elles étoient plus abondantes, elles feroient tomber le blé en non-valeur; les cultivateurs ne pourroient pas en soûtenir la culture, les terres ne produiroient rien au Roi ni aux propriétaires. Il faudroit donc éviter l'abondance du blé dans un royaume où l'on n'en devroit recueillir que pour la subsistance de la nation. Mais dans ce cas, les disettes sont inévitables, parce que quand la récolte donne du blé pour trois ou quatre mois de plus que la consommation de l'année, il est à si bas prix que ce superflu ruine le laboureur, & néanmoins il ne suffit pas pour la consommation de l'année suivante, s'il survient une mauvaise récolte: ainsi il n'y a que la facilité du débit à bon prix, qui puisse maintenir l'abondance & le profit. Etat de la grande culture des grains . La grande culture est actuellement bornée environ à six millions d'arpens de terre, qui comprennent principalement les provinces de Normandie, de la Beauce, de l'Isle-de-France, de la Picardie, de la Flandre françoise, du Hainault, & peu d'autres. Un arpent de bonne terre bien traité par la grande culture, peut produire 8 septiers & davantage, mesure de Paris, qui est 240 livres pesant; mais toutes les terres traitées par cette culture, ne sont pas également fertiles; car cette culture est plûtôt pratiquée par un reste d'usage conservé dans certaines provinces, qu'à raison de la qualité des terres. D'ailleurs une grande partie de ces terres est tenue par de pauvres fermiers hors d'état de les bien cultiver: c'est pourquoi nous n'avons évalué du fort au foible le produit de chaque arpent de terre qu'à cinq septiers, semence prélevée. Nous fixons l'arpent à 100 perches, & la perche à 22 piés. ( b ) Les six millions d'arpens de terre traités par cette culture entretiennent tous les ans une sole de deux millions d'arpens ensemencés en blé; une sole de deux millions d'arpens ensemencés en avoine & autres grains de Mars; & une sole de deux millions d'arpens qui sont en jacheres, & que l'on prépare à apporter du blé l'année suivante. Pour déterminer avec plus d'exactitude le prix commun du blé dans l'état actuel de la grande culture en France, lorsque l'exportation est défendue, il faut faire attention aux variations des produits des récoltes & des prix du blé, selon que les années sont plus ou moins favorables à nos moissons. Les 87 liv. total des cinq années, frais déduits, divisées en cinq années, donnent par arpent 17 liv. 8 s. de produit net. Ajoûtez à ces . . . . . . . . . . . 17 liv. 8 s. Les frais montant à . . . . . . . . 60 Cela donnera par chaque arpent au total . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 liv. 8 s. Les cinq années donnent 25 septiers, ce qui fait cinq septiers année commune. Ainsi pour savoir le prix commun de chaque septier, il faut diviser le total ci-dessus par 5, ce qui établira le prix commun de chaque septier de blé à 15 liv. 9 s. Chaque arpent produit encore la dixme, qui d'abord a été prélevée sur la totalité de la récolte, & qui n'est point entrée dans ce calcul. Elle est ordinairement le treizieme en-dedans de toute la récolte ou le douzieme en-dehors. Ainsi, pour avoir le produit en entier de chaque arpent, il faut ajoûter à 77 liv. 8 s. le produit de la dixme, qui se prend sur le total de la récolte, semence comprise. La semence évaluée en argent est 10 liv. 6 s. qui avec 77 liv. 8 s. font 87 liv. 14 s. dont 1/12 pris en-dehors pour la dixme, est 7 livres. Ainsi avec la dixme le produit total, semence déduite, est 84 liv. 16 s. Ces 84 liv. 16 s. se partagent ainsi: Pour la dixme . . . . 7 liv. 84 liv. 8 s. Pour les frais . . . . 60 84 liv. 8 s. Pour le produit net. . 17 8 84 liv. 8 s. La culture de chaque arpent qui produit la récolte en blé, est de deux années. Ainsi le fermier paye deux années de fermage sur les 17 liv. 8 s. du produit net de cette récolte; il doit aussi payer la taille sur cette même somme, & y trouver un gain pour subsister. Elle doit donc être distribuée à-peu-près ainsi: Pour le propriétaire 3/5 ou 10 7 7 17 8 Pour la taille . . . 1/5 ou 3 9 6 17 8 Pour le fermier. . . 1/5 ou 3 9 6( f ) 17 8 ( a ) Si les cultivateurs étoient assez riches pour traiter les 36 millions d'arpens par la grande culture, conformément aux six millions qui sont traités actuellement par cette culture. la récolte annuelle seroit environ de 66 millions de septiers, au lieu de 44 millions, comme on va le prouver par l'examen de l'état actuel de la grande culture. ( b ) C'est un cinquieme plus par arpent, que la mesure de l'arpent donnée par M. de Vauban; ainsi les récoltes doivent produire, selon cette mesure, un cinquieme de plus de grain que cet auteur ne l'a estimé par arpent. ( c ) Le prix commun réglé, comme on fait ordinairement, sur les prix différens des années, sans égard aux frais, & au plus ou moins de récolte chaque année, n'est un prix commun que pour les acheteurs qui achetent pour leur subsistance la même quantité de blé chaque année. Ce prix est ici le cinquieme de 87 liv. qui est 17 liv. 8 s. C'est à-peu-près le prix commun de la vente de nos blés à Paris depuis long-tems; mais le prix commun pour les fermiers, qui sont les vendeurs, n'est qu'environ 15 liv. 9 sols, à cause de l'inégalité des récoltes. ( d ) On ne parle point ici des années stériles, parce qu'elles sont fort rares, & que d'ailleurs on ne peut déterminer le prix qu'elles donnent aux blés. ( e ) Voyez le détail de ces frais, aux articles Fermiers & Fermes . ( f ) Nous ne nous reglons pas ici sur l'imposition réelle de la taille; nous supposons une imposition qui laisse quelque profit au fermier, & un revenu au propriétaire, qui soûtienne un peu les richesses de la nation & l'entretien des terres. 60 liv. de frais, & 13 liv. 18 s. 6 den. pour le propriétaire & pour la taille, font 73 liv. 18 s. 6 d. pour un arpent de blé, qui portant année commune cinq septiers, chaque septier coûte au fermier 14 15 8 Les années abondantes, l'arpent portant sept septiers, à 10 liv. le septier, le fermier perd par septier . . . . . . . . 0 11 2 1/2 Ou par arpent . . . . . . . . . . . . 3 18 6 Les bonnes années, l'arpent portant six septiers à 12 l. le fermier perd par septier 0 6 5 Ou par arpent . . . . . . . . . . . . 1 18 6 S'il paye plus de taille qu'il n'est marqué ici, & s'il paye par arpent pour chaque année de fermage plus de 5 liv. 5 s. ses pertes sont plus considérables, à-moins que ce ne soit des terres très-bonnes ( g ) qui le dédommagent par le produit. Ainsi le fermier a intérêt qu'il n'y ait pas beaucoup de blé; car il ne gagne un peu que dans les mauvaises années: je dis un peu , parce qu'il a peu à vendre, & que la consommation qui se fait chez lui à haut prix, augmente beaucoup sa dépense. Les prix des différentes années réduits aux prix communs de 15 liv. 9 s. le fermier gagne, année commune, 14 s. par septier ou 3 liv. 10 s. par arpent. La sole de deux millions d'arpens en blé donne en total, à cinq septiers de blé par arpent, & la dixme y étant ajoûtée, 10, 944, 416 septiers, dont la valeur en argent est 169, 907, 795 liv. De cette somme totale de 169, 907, 795 liv. il y a: Pour la taille . . . . 7,000,000 35,000,000 Pour les propriétaires 21,000,000 35,000,000 Pour les fermiers . . 7,000,000 35,000,000 Pour la dixme . . . . 14,907,795 134,907,795 Pour les frais . . . 120,000,000 134,907,795 Produit total . . . . . . . . . . 169,907,795 Il y a aussi par la grande culture deux millions d'arpens ensemencés chaque année en avoine, ou autres grains de Mars. Nous les supposerons tous ensemencés en avoine, pour éviter des détails inutiles qui nous rameneroient à-peu-près au même produit, tous ces grains étant à-peu-près de la même valeur, étant vrai aussi que l'avoine forme effectivement la plus grande partie de ce genre de récolte. On estime qu'un arpent donne, dixme prélevée, deux septiers d'avoine double mesure du septier de blé. Le septier est évalué 9 liv. Il faut retrancher un sixieme des deux septiers pour la semence; reste pour le produit de l'arpent 15 liv. ou un septier & 2/3. Ajoûtez la dixme, le produit total est 16 livres 10 s. dont il y a: Pour le fermage d'une année 5 5 10 Pour la taille . . . . . . . . 2 10 Pour le fermier . . . . . . . 2 15 10 Pour les frais ( h ) . . . . . . 5 6 10 Pour la dixme . . . . . . . . 1 10 6 10 Produit total . . . . . . . . . . . . . . 16 10 Les deux millions d'arpens en avoine donnent, y compris la dixme, & soustraction faite de la semence, 3, 675,000 septiers, qui valent en argent 33, 330, 333 liv. 7 s. dont il y a: Pour les propriétaires 10,500,000 20,000,000 Pour la taille . . . . 4,000,000 20,000,000 Pour les fermiers. . . 5,500,000 20,000,000 Pour la dixme . . . . 3,000,000 13,000,000 Pour les frais. . . . 10,000,000 13,000,000 Produit total . . . . . . . . . . 33,000,000 Total des produits de la récolte du blé & de celle de l'avoine, traités par la grande culture . Etat de la petite culture des grains . Nous avons observé à l' article Fermier , déjà cité, que dans les provinces où l'on manque de laboureurs assez riches pour cultiver les terres avec des chevaux, les propriétaires ou les fermiers qui font valoir les terres sont obligés de les faire cultiver par des paysans auxquels ils fournissent des boeufs pour les labourer. Nous avons vû que les frais qu'exige cette culture, ne sont pas moins considérables que ceux de la culture qui se fait avec les chevaux; mais qu'au défaut de l'argent qui manque dans ces provinces, c'est la terre elle-même qui subvient aux frais. On laisse des terres en friche pour la pâture des boeufs de labour, on les nourrit pendant l'hyver avec les foins que produisent les prairies; & au lieu de payer des gages à ceux qui labourent, on leur cede la moitié du produit que fournit la récolte. Ainsi, excepté l'achat des boeufs, c'est la terre elle-même qui avance tous les frais de la culture, mais d'une maniere fort onéreuse au propriétaire, & encore plus à l'état; car les terres qui restent incultes pour le pâturage des boeufs, privent le propriétaire & l'état du produit que l'on en tireroit par la culture. Les boeufs dispersés dans ces pâturages ne fournissent point de fumier; les propriétaires confient peu de troupeaux à ces métayers ou paysans chargés de la culture de la terre, ce qui diminue extrèmement le produit des laines en France. Mais ce ( g ) Les gros fermiers qui exploitent de grandes fermes & de bonnes terres qu'ils cultivent bien, gagnent davantage, quoique de bonnes terres soient affermées à un plus haut prix; car une terre qui produit beaucoup, procure un plus grand bénéfice sur les frais & sur la semence. Mais il s'agit ici d'une estimation générale du fort au foible, par rapport à la différente valeur des terres, & aux différens états d'aisance des fermiers. On verra ci-après dans les détails, les différens rapports des revenus des terres avec les frais de culture: il est nécessaire d'y faire attention, pour juger des produits de l'agriculture relativement aux revenus des propriétaires, aux profits des fermiers, à la taille & à la dixme; car on appercevra, à raison des divers produits, des rapports fort différens. ( h ) On ne met ici que les frais de moisson, parce que les frais de culture sont compris avec ceux du blé. Voyez l'article Fermiers ( Econom. polit. ) défaut de troupeaux prive les terres de fumier; & faute d'engrais, elles ne produisent que de petites récoltes, qui ne sont évaluées dans les bonnes années qu'au grain cinq, c'est-à-dire au quintuple de la semence, ou environ trois septiers par arpent, ce qu'on regarde comme un bon produit. Aussi les terres abandonnées à cette culture ingrate sont-elles peu recherchées; un arpent de terre qui se vend 30 ou 40 liv. dans ces pays-là, vaudroit 2 ou 300 liv. dans des provinces bien cultivées. Ces terres produisent à peine l'intérêt du prix de leur acquisition, sur-tout aux propriétaires absens: si on déduit des revenus d'une terre assujettie à cette petite culture, ce que produiroient les biens occupés pour la nourriture des boeufs; si on en retranche les intérêts au denier dix des avances pour l'achat des boeufs de labour, qui diminuent de valeur après un nombre d'années de service, on voit qu'effectivement le propre revenu des terres cultivées est au plus du fort au foible de 20 ou 30 sous par arpent. Ainsi, malgré la confusion des produits & les dépenses de cette sorte de culture, le bas prix de l'acquisition de ces terres s'est établi sur des estimations exactes vérifiées par l'intérêt des acquéreurs & des vendeurs. Voici l'état d'une terre qui produit, année commune, pour la part du propriétaire environ 3000 liv. en blé, semence prélevée, presque tout en froment; les terres sont bonnes, & portent environ le grain cinq. Il y en a 400 arpens en culture, dont 200 arpens forment la sole de la récolte de chaque année; & cette récolte est partagée par moitié entre les métayers & le propriétaire. Ces terres sont cultivées par dix charrues tirées chacune par quatre gros boeufs; les quarante boeufs valent environ 8000 liv. dont l'intérêt mis au denier dix, à cause des risques & de la perte sur la vente de ces boeufs, quand ils sont vieux & maigres, est 800 liv. Les prés produisent 130 charrois de foin qui sont consommés par les boeufs: de plus il y a cent arpens de friches pour leur pâturage; ainsi il faut rapporter le produit des 3000 liv. en blé pour la part du propriétaire. A l'intérêt du prix des boeufs. . . 800 1050 liv. A l'intérêt de 1000 liv. de blé 1050 liv. choisi pour le premier fonds de la 1050 liv. semence avancée par le propriétaire 50 1050 liv. A 200 liv. de frais particuliers 1050 liv. faits par le propriétaire, sans comp-1050 liv. ter les réparations & les appointe-1050 liv. mens d'un régisseur . . . . . . . . 200 1050 liv. A 130 charrois de foin, le char-1950 liv. roi à 10 liv.. . . . . . . . . . . 1300 1950 liv. A 100 arpens de pâtureaux à 15 1950 liv. sous l'arpent . . . . . . . . . . . 75 1950 liv. Reste pour le produit des 400 1950 liv. arpens de terres cultivées. . . . . 575 1950 liv. Total . . . . . . . . . . . . . . . 3000 liv. Ainsi ces quatre cents arpens de bonnes terres ne donnent pas par arpent 1 l. 10 s. de revenu ( i ): mais dans le cas dont il sera parlé ci-après, chaque arpent seroit affermé 10 liv. les 400 arpens rapporteroient au propriétaire 4000 liv. au lieu de 575. Aussi ne devra-t-on pas être étonné de la perte énorme qu'on appercevra dans les revenus des terres du royaume. Les terres médiocres sont d'un si petit revenu, que selon M. Dupré de Saint-Maur ( essai sur les monn. ), celles de Sologne & du Berry au centre du royaume, ne sont guere loüées que sur le pié de 15 sols ( i ) Il faut même supposer de bonnes années, & que le prix du foin ne passe pas 10 liv. ou que la longueur des hyvers n'en fasse pas consommer par les boeufs une plus grande quantite; car un peu moins de produit ou un peu plus de dépense, anéantit ce petit revenu. l'arpent, les prés, les terres, & les friches ensemble; encore faut-il faire une avance considérable de bestiaux qu'on donne aux fermiers, sans retirer que le capital à la fin du bail. « Une grande partie de la Champagne, de la Bretagne, du Maine, du Poitou, des environs de Bayonne, &c. dit le même auteur, ne produisent guere davantage ». ( k ) Le Languedoc est plus cultive & plus fertile; mais ces avantages sont peu profitables, parce que le blé qui est souvent retenu dans la province, est sans débit; & il y a si peu de commerce, que dans plusieurs endroits de cette province, comme dans beaucoup d'autres pays, les ventes & les achats ne s'y font que par troc ou l'échange des denrées mêmes. Les petites moissons que l'on recueille, & qui la plûpart étant en seigle ( l ) fournissent peu de fourrages, contribuent peu à la nourriture des bestiaux, & on n'en peut nourrir que par le moyen des paturages ou des terres qu'on laisse en friche: c'est pourquoi on ne les épargne pas. D'ailleurs les métayers, toûjours fort pauvres, employent le plus qu'ils peuvent les boeufs que le propriétaire leur fournit, à faire des charrois à leur profit pour gagner quelque argent, & les propriétaires sont obliges de tolérer cet abus pour se conserver leurs métayers: ceux-ci, qui trouvent plus de profit à faire des charrois qu'à cultiver, négligent beaucoup la culture des terres. Lorsque ces métayers laissent des terres en friche pendant longtems, & qu'elles se couvrent d'épines & de buissons, elles restent toûjours dans cet état, parce qu'elles coûteroient beaucoup plus que leur valeur à esserter & défricher. Dans ces provinces, les paysans & manouvriers n'y sont point occupés comme dans les pays de grande culture, par des riches fermiers qui les employent aux travaux de l'agriculture & au gouvernement des bestiaux; les métayers trop pauvres leur procurent peu de travail. Ces paysans se nourrissent de mauvais pain fait de menus grains qu'ils cultivent eux-mêmes, qui coûtent peu de culture, & qui ne sont d'aucun profit pour l'état. Le blé a peu de débit faute de consommation dans ces pays; car lorsque les grandes villes sont suffisamment fournies par les provinces voisines, le blé ne se vend pas dans celles qui en sont éloignées; on est forcé de le donner à fort bas prix, ou de le garder pour attendre des tems plus favorables pour le débit: cette non valeur ordinaire des blés en fait encore négliger davantage la culture; la part de la récolte qui est pour le métayer, devient à peine suffisante pour la nourriture de sa famille; & quand la recolte est mauvaise, il est lui-même dans la disette: il faut alors que le proprietaire y supplée. C'est pourquoi les récoltes qu'on obtient par cette culture ne sont presque d'aucune ressource dans les années de disette, parce que dans les mauvaises années elles suffisent à peine pour la subsistance du propriétaire & du colon. Ainsi la cherté du blé dans les mauvaises années ne dédommage ( k ) On peut juger de-là combien est mal fondée l'opinion de ceux qui croyent que la campagne est dépeuplée, parce que les grands propriétaires le soit emparés de toutes les terres, ensorte que les paysans ne peuvent pas en avoir-pour cultiver a leur profit: ou voit que le fermage des terres est à si bas prix, qu'il leur seroit très-facile d'en affermer autant qu'ils en voudroient; mais il y a d'autres raisons qui s'y opposent, & que nous examinerons dans la suite: car il faut dissiper des préjugés vulgaires qui voilent des vérités qu'il est intéressant d'approfondir. ( l ) Ceux qui sont assujettis à la petite culture, sont peu attachés au fourrage que produit le froment, parce qu'ils en font peu d'usage; & ils préferent volontiers la culture du seigle, parce qu'il vient plus sûrement dans les terres maigres. Dailleurs il y a toûjours quelque partie de la sole des terres ensemencées qui porte des grains de Mars, que nous confondrons ici avec le blé, pour éviter de petits détails peu utiles. On peut compenser la valeur de ces différens grains par un prix commun un peu plus bas que celui du froment. point de la non-valeur de cette denrée dans les bonnes années; il n'y a que quelques propriétaires aisés qui peuvent attendre les tems favorables pour la vente du blé de leur récolte, qui puissent en profiter. Il faut donc, à l'égard de cette culture, n'envisager la valeur du blé que conformément au prix ordinaire des bonnes années; mais le peu de debit qu'il y a alors dans les provinces éloignées de la capitale, tient le blé à fort bas prix: ainsi nous ne devons l'évaluer qu'à 12 liv. le septier, froment & seigle, dans les provinces où les terres sont traitées par la petite culture. C'est en effet dans ces provinces, que le prix du blé ne peut soûtenir les frais pécuniaires de la grande culture; qu'on ne cultive les terres qu'aux dépens des terres mêmes, & qu'on en tire le produit que l'on peut en les faisant valoir avec le moins de dépenses qu'il est possible. Ce n'est pas parce qu'on laboure avec des boeufs, que l'on tire un si petit produit des terres; on pourroit par ce genre de culture, en faisant les depenses necessaires, tirer des terres à-peu-près autant de produit que par la culture qui se fait avec les chevaux: niais ces depenses ne pourroient être faites que par les propriétaires; ce qu'ils ne feront pas tant que le commerce du ble ne sera pas libre, & que les non-valeurs de cette denrée ne leur laisseront appercevoir qu'une perte certaine. On estime qu'il y a environ trente millions d'arpens de terres traitées par la petite culture; chaque arpent du sort au foible produisant, année commune, le grain quatre, ou trente-deux boisseaux non compris la dixme; de ces trente-deux boisseaux il faut en retrancher huit pour la semence. Il reste deux septiers qui se partagent par moitié entre le propriétaire & le métayer. Celui-ci est chargé de la taille & de quelques frais inevitables. Trente millions d'arpens de terres traitées par la petite culture, sont divisés en deux soles qui produisent du blé alternativement. Il y a quinze millions d'arpens qui portent du blé tous les ans, excepté quelques arpens que chaque métayer reserve pour ensemencer en grains de Mars: car il n'y a point par cette culture de sole particuliere pour ces grains . Nous ne distinguerons point dans les quinze millions d'arpens, la petite récolte des graines de Mars, de celle du ble; l'objet n'est pas assez considérable pour entrer dans ce détail. D'ailleurs la récolte de chaque arpent de blé est si foible, que ces deux sortes de récoltes different peu l'une de l'autre pour le produit. Chaque arpent de ble donnant du fort au foible quatre pour un, ou deux septiers, semence prélevée, & non compris la dixme; le septier à 12 liv. année commune, froment & seigle, le produit en argent pour les deux septiers est . . . . . . . . 24 Ajoûtez un 1/12 en-dehors qui a été enlevé pour la dixme prise sur toute la récolte, semence comprise . . . . . . . . . . . 2 13 Total. . . . . . . . . . . . . . . . 26 13 Les 24 liv. ou les deux septiers se distribuent ainsi: Au propriétaire pour les intérêts de 12 ses avances, pour quelques autres frais, 12 pour le dédommagement des fonds occupés 12 pour la nourriture des boeufs de 12 labour . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 12 Pour lui tenir lieu de deux années de 12 fermage, à 1 l. 10 s. par chaque année 3 12 Au métayer pour ses frais, son entre-12 tien, & sa subsistance . . . . . . . . . 10 12 Pour le payement de sa taille . . . . 1 12 Pour ses risques & profits. . . . . . 1 12 Le produit total de 26 liv. 13 s. par chaque arpent se partage donc ainsi: Pour le fermage de deux années.. 3 5 Pour la taille . . . . . . . . . 1 5 Pour le métayer. . . . . . . . . 1 5 Pour la dixme. . . . . . . . . . 2 13 21 13 Pour les frais . . . . . . . . . 19 21 13 Produit total . . . . . . . . . . . 26 13 La récolte en blé des 15 millions d'arpens traites par la petite culture, donne, la dixme comprise & la semence prélevée, 33,150,000 septiers, qui valent en argent 397,802,040 liv. dont il y a: Pour la taille . . . . 15,000,000 75,000,000 Pour les propriétaires 45,000,000 75,000,000 Pour les métayers . . 15,000,000 75,000,000 Pour la dixme . . . . 37,802,040 322,802,040 Pour les frais. . . . 285,000,000 322,802,040 Produit total . . . . . . . . . 397,802,040 Total des produits de la grande & de la petite culture réunis . Etat d'une bonne culture des grains . La gêne dans le commerce des grains, le défaut d'exportation, la dépopulation, le manque de richesses dans les campagnes, l'imposition indéterminée des subsides, la levée des milices, l'exces des corvées, ont réduit nos récoltes à ce petit produit. Autrefois avec un tiers plus d'habitans qui augmentoient la consommation, notre culture sournissoit à l'étranger une grande quantité de grains; les Anglois se plaignoient en 1621, de ce que les François apportoient chez eux des quantités de blé si considérables & à si bas prix, que la nation n'en pouvoit soûtenir la concurrence dans ses marchés ( m ); il se vendoit alors en France 18 l. de notre monnoie actuelle: c'étoit un bas prix dans ce siecle. Il falloit donc que nos récoltes produisissent dans ces tems-là au-moins 70 millions de septiers de blé; elles en produisent aujourd'hui environ 45 millions: un tiers d'hommes de plus en consommoit 20 millions au-delà de notre consommation actuelle, & le royaume en fournissoit encore abondamment à l'étranger; ( m ) Traité des avantages & des desavantages de la Grande-Bretagne . cette abondance étoit une heureuse suite du gouvernement économique de M. de Sully. Ce grand ministre ne desiroit, pour procurer des revenus au roi & à la nation, & pour soutenir les forces de l'état, que des laboureurs, des vignerons, & des bergers. Le retablissement de notre culture suppose aussi l'accroissement de la population; les progrès de l'un & de l'autre doivent aller ensemble; le prix des grains doit sur passer les frais de culture: ainsi il faut que la consommation intérieure & la vente à l'etranger, entretiennent un profit certain sur le prix des grains . La vente a l'etranger facilite le débit, ranime la culture, & augmente le revenu des terres; l'accroissement des revenus procure de plus grandes dépenses qui favorisent la population, parce que l'augmentation des dépenses procure des gains à un plus grand nombre d'hommes. L'accroissement de la population étend la consommation; la consommation soûtient le prix des denrées qui se multiplient par la culture à-proportion des besoins des hommes, c'est-à-dire à-proportion que la population augmente. Le principe de tous ces progrès est donc l'exportation des denrées du crû; parce que la vente à l'étranger augmente les revenus; que l'accroissement des revenus augmente la population; que l'accroissement de la population augmente la consommation; qu'une plus grande consommation augmente de plus en plus la culture, les revenus des terres & la population; car l'augmentation des revenus augmente la population, & la population augmente les revenus. Mais tous ces accroissemens ne peuvent commencer que par l'augmentation des revenus; voilà le point essentiel & le plus ignoré ou du-moins le plus négligé en France: on n'y a pas même reconnu dans l'emploi des hommes, la différence du produit des travaux qui ne rendent que le prix de la main d'oeuvre, d'avec celui des travaux qui payent la main-d'oeuvre & qui procurent des revenus. Dans cette inattention on a préféré l'industrie à l'Agriculture, & le commerce des ouvrages de fabrication au commerce des denrées du crû: on a même soûtenu des manufactures & un commerce de luxe au préjudice de la culture des terres. Cependant il est évident que le gouvernement n'a point d'autres moyens pour faire fleurir le Commerce, & pour soûtenir & étendre l'industrie, que de veiller à l'accroissement des revenus; car ce sont les revenus qui appellent les marchands & les artisans, & qui payent leurs travaux. Il faut donc cultiver le pié de l'arbre, & ne pas borner nos soins à gouverner les branches; laissons-les s'arranger & s'étendre en liberté, mais ne négligeons pas la terre qui fournit les sucs nécessaires à leur végétation & à leur accroissement. M. Colbert tout occupé des manufactures, a crû cependant qu'il falloit diminuer la taille, & faite des avances aux cultivateurs, pour relever l'Agriculture qui dépérissoit; ce qu'il n'a pû concilier avec les besoins de l'état: mais il ne parle pas des moyens essentiels, qui consistent à assujettir la taille à une imposition reglée & à établir invariablement la liberté du commerce des grains: l'Agriculture fut négligée; les guerres qui étoient continuelles, la milice qui dévastoit les campagnes, diminuerent les revenus du royaume; les traitans, par des secours persides, devinrent les suppôts de l'état; la prévoyance du ministre s'étoit bornée à cette malheureuse ressource, dont les effets ont été si funestes à la France * . * Le financier citoyen, chap. iij. & jv . La culture du blé est fort chere; nous avons beaucoup plus de terres qu'il ne nous en faut pour cette culture; il faudroit la borner aux bonnes terres, dont le produit surpasseroit de beaucoup les frais d'une bonne culture. Trente millions d'arpens de bonnes terres formeroient chaque année une sole de 10 millions d'arpens qui porteroient du blé: de bonnes terres bien cultivées, produiroient au-moins, année commune, six septiers par arpent, semence prélevée: ainsi la sole de dix millions d'arpens donneroit, la dixme comprise, au-moins 65 millions de septiers de blé. ( n ) La consommation intérieure venant à augmenter, & la liberté du commerce du blé étant pleinement rétablie, le prix de chaque septier de blé, année commune, peut être évalué à 18 liv. un peu plus ou moins, cela importe peu; mais à 18 liv. le produit seroit de 108 liv. non compris la dixme. Pour déterminer plus sûrement le prix commun du blé, l'exportation étant permise, il faut faire attention aux variations des produits des récoltes & des prix du blé selon ces produits. On peut juger de l'état de ces variations dans le cas de l'exportation, en se reglant sur celles qui arrivent en Angleterre, où elles ne s'étendent depuis nombre d'années, qu'environ depuis 18 jusqu'à 22 liv. Il est facile de comprendre pourquoi ces variations y sont si peu considérables: l'Agriculture a fait de très-grands progres dans ce royaume; les récoltes, quelque foibles qu'elles y soient, sont toûjours plus que suffisantes pour la subsistance des habitans. Si notre agriculture étoit en bon état, nous recueillerions dans une mauvaise année à-peu-près autant de blé que nous en fournit aujourd'hui une bonne récolte: ainsi on ne pourroit, sans des accidens extraordinaires, éprouver la disette dans un royaume où les moindres récoltes jointes à ce qui resteroit nécessairement des bonnes annees, seroient toûjours au-dessus des besoins des habitans. On peut en juger par l'exposition que nous allons donner des variations des récoltes que produit une bonne culture selon la diversité des années. On y remarquera qu'une mauvaise récolte de 10 millions d'arpens donne 40 millions de septiers de blé sans la recolte d'une même quantité d'arpens ensemencés en grains de Mars. ( n ) Nous supposons que chaque arpent produise six septiers, semence prélevée: nons savons cependant qu'un bon arpent de terre bien cultivé doit produire davantage. Nous avons juge à-propos, pour une plus grande sûreté dans l'estimation, de nous fixer à ce produit; mais afin qu'on puisse juger de ce que peut rapporter un arpent de terre, dans le cis dont il s'agit ici, nous en citerons un exemple tiré de l' article Ferme , donné par M. le Roy, lieutenant des chasses du parc de Versailles. « J'ai actuellement, dit l'auteur, sous les yeux une ferme qui est de plus de trois cents arpens, dont les terres sont bonnes sans être du premier ordre. Elles étoient il y a quatre ans entre les mains d'un fermier qui les labouroit assez bien, mais qui les fumoit très-mal, parce qu'il vendoit ses pailles, & nourrissoit peu le bétail. Ces terres ne rapportoient que trois à quatre septiers de blé par arpent dans les meilleures années; il s'est ruiné, & on l'a contraint de remettre sa ferme à un autre cultivateur plus industrieux. Tout a changé de face; la dépense n'a point été épargnée; les terres encore mieux labourées qu'elles n'étoient, ont été convertes de troupeaux & de fumier: en deux ans elles on été améliorées au point de rapporter dix septiers de blé par arpent, & d'en faire espérer encore plus par la suite. Ce succès sera répété toutes les fois qu'il sera tenté. Multiplions nos troupeaux, nous doublerons presque nos récoltes. Puisse cette persuasion frapper également les fermiers & les propriétaires! Si elle devenoit générale, si elle étoit encouragée, nous verrions bientôt l'Agriculture faire des progrès rapides, nous lui devrions l'abondance avec tous ses effets ». Les 200 liv. du total, frais déduits, divisés par cinq années, donnent pour année commune, ci. . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Ajoûtez les frais. . . . . . . . . . . . . 66 Total . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Les 106 liv. divisées par six septiers, donnent pour prix commun du septier . . . . . . . . . . . . 17 13 4 ( q ) Au produit de six septiers, dont la valeur est . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Ajoûtez pour la dixme 1/12 en-dehors pris sur tout le produit & sur la semence à prélever . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Le produit total de l'arpent est . . . 116 Dont il y auroit de produit net 40 l. distribuées ainsi: Pour le fermage de deux années 1/2 ou 20 liv. 40 Pour la taille 1/4 ou . . . . . . . . 10 ( r ) 40 Pour le fermier 1/4 ou. . . . . . . . 10 40 La dixme. . . . . . . . . . . . . . . 10 76 Les frais . . . . . . . . . . . . . . 66 76 Produit total de l'arpent. . . . 116 66 liv. de frais, & 30 liv. pour la taille & le fermage, font 96 liv. par arpent: le produit étant six septiers, le septier coûteroit, année commune, au fermier 16 liv. Dans une année abondante, à huit septiers par arpent, le septier lui coûte 12 livres; étant vendu 16 liv. il gagne 4 liv. Dans une mauvaise année, à quatre septiers par arpent, le septier lui coûte 24 liv. étant vendu 20 liv. il perd 4 liv. Les années bonnes & mauvaises, réduites à une année commune, il gagne par septier 1 liv. 13 s. ou environ 10 liv. par arpent. La récolte en blé de dix millions d'arpens donne, année commune, la dixme comprise levée sur toute la récolte, le fonds de la semence compris, 65,555,500 de septiers, semence prélevée, qui valent en argent 1,159,500,000 liv. dont il y a: Pour les propriétaires 200,000,000 400,000,000 Pour la taille . . . . 100,000,000 400,000,000 Pour les fermiers. . . 100,000,000 400,000,000 Pour la dixme. . . . . 99,500,000 759,500,000 Pour les frais . . . . 660,000,000 759,500,000 Produit total. . . . . . . . . .1,159,500,000 Il y auroit de même une sole de dix millions d'arpens qui produiroit des grains de Mars, & dont chaque arpent de bonne terre & bien cultivée produiroit, année commune, au-moins deux septiers, semence prélevée & la dixme non comprise; le septier évalué un peu au-dessous des 2/3 du prix du blé, vaudroit environ 10 liv. L'arpent produiroit . . . . . . . . . 20 21 17 Et la dixme qui est le 1/2 en-dehors ou . . . . . . . . . . 1 17 21 17 Les 21 liv. 17 s. se distribuent ainsi: Pour une année de fermage au propriétaire . . . . . . . . . . . . . . 10 15 Pour la taille . . . . . . . . . . . . 2 10 15 Pour le fermier. . . . . . . . . . . . 2 10 15 Pour la dixme. . . . . . . . . . . . . 1 17 6 17 Pour les frais . . . . . . . . . . . . 5 6 17 Produit total. . . . . . . . . . . . 21 17 Les dix millions d'arpens en avoine donneroient, la dixme comprise 21, 944, 441 septiers, qui valent en argent 218, 500, 000 liv. dont il y a: Pour les propriétaires 100,000,000 150,000,000 Pour la taille . . . . 25,000,000 150,000,000 Pour les fermiers. . . 25,000,000 150,000,000 Pour la dixme . . . . 18,500,000 68,666,660 Pour les frais . . . . 50,000,000 68,666,660 Produit total . . . . . . . . . 218,500,000 Les produits de la récolte des dix millions d'arpens en blé & de la récolte des dix millions d'arpens en grains de Mars réunis produiroient: ( o ) Nous mettons le prix plus bas qu'en Angleterre, quoique le blé de France soit meilleur; mais si nous en vendions à l'étranger, la concurrence pourroit faire baisser le prix de part & d'autre. ( p ) Dans la grande culture actuelle en France, on a remarque ci-devant que le fermier perd dans les bonnes années; ici il gagne, mais il perd dans les mauvaises: ainsi il a intérêt qu'il y ait beaucoup de blé: au lieu que dans l'autre cas l'abondance ruine le fermier, & celui-ci ne peut se dédommager un peu que dans les mauvaises années. ( q ) Le prix commun des acheteurs seroit le cinquieme de 90 liv. qui est 18 liv. c'est environ le prix commun ordinaire de la vente de nos blés dans ces derniers tems; ainsi l'exportation n'augmenteroit pas le prix du blé pour les acheteurs: elle l'augmenteroit pour les fermiers de 2 liv. 4 s. par septier; ce seroit sur 65 millions de septiers, 160 millions de bénéfice pour l'Agriculture, sans que le blé augmentât de prix pour l'acheteur. Voilà l'avantage de l'exportation. Ainsi on ne doit pas s'étonner des progrès de l'Agriculture en Angleterre. ( r ) Pour les terres chargées du droit de champart ou de la dixme agriere, les fermiers ne payent pas tant de taille; mais ce qui manqueroit se répandroit sur ceux qui afferment cette espece de dixme. Il y a, outre les trente millions dont on vient d'apprétier le produit, trente autres millions d'arpens de terres cultivables de moindre valeur que les terres précédentes, qui peuvent être employées à différentes productions; les meilleures à la culture des chanvres, des lins, des légumes, des seigles, des orges, des prairies artificielles des menus grains; les autres selon leurs différentes qualités peuvent être plantés en bois, en vignes, en mûriers, en arbres à cidre, en noyers, chataigniers, ou ensemencés en blé noir, en faux seigle, en pommes de terre, en navets, en grosses raves, & en d'autres productions pour la nourriture des bestiaux. Il seroit difficile d'apprétier les différens produits de ces trente millions d'arpens; mais comme ils n'exigent pas pour la plûpart de grands frais pour la culture, on peut, sans s'exposer à une grande erreur, les évaluer du fort au foible pour la distribution des revenus environ à un tiers du produit des trente autres millions d'arpens, dont il y auroit Pour les propriétaires 100,000,000 180,000,000 Pour la taille . . . . 40,000,000 180,000,000 Pour les fermiers. . . 40,000,000 180,000,000 Pour la dixme. . . . . 37,000,000 257,000,000 Pour les frais . . . . 220,000,000 257,000,000 Produit total . . . . . . . . 437,000,000 Récapitulation des différens produits de la bonne culture réunis. Les soixante millions d'arpens de terres cultivables en France donneroient: Comparaison des produits de la culture actuelle du royaume avec ceux de la bonne culture . ( s ) Les frais ne se font pas tous en argent; la nourriture des chevaux & celle des domestiques sont fournies en nature par les récoltes, ainsi il n'y a guere que la moitié de ces frais qui participe à la circulation de l'argent. Il n'en est pas de même des frais de la culture des vignes, & des dépenses pour les récoltes des vins; car ces avances se font presque toutes en argent: ainsi on voit toûjours que plus de la moitié de la masse d'argent monnoyé qu'il y a dans le royaume, doit circuler dans les campagnes pour les frais de l'agriculture. ( t ) On suppose dans ces deux états de culture, la taille égale environ à un tiers du revenu des propriétaires. La capitation & les taxes particulieres jointes à la taille, montent aujourd'hui l'imposition totale à-peu-près à l'égal de la moitié des revenus ou à 40 millions. Suivant cette proportion, l'imposition totale monteroit dans la bonne culture à 200 millions, au lieu de 40 millions. Nous comprenons dans les deux cas, sous le même point de vûe, les pays d'états & les pays d'élections, qui en effet payent ensemble aujourd'hui en taille, dons gratuits & capitation, environ 40 millions sur des terres du royaume employées à la culture des grains . ( u ) Dans l'état actuel, les frais ne produisent que 30 pour cent; & dans une bonne culture, où le débit des grains seroit favorisé, comme en Angleterre, par l'exportation, les frais produiroient environ cent pour cent. ( x ) Notez que dans cette comparaison on ne suppose aucune augmentation dans le prix commun des grains; car il n'est pas vraissemblable que l'exportation en fit augmenter le prix: mais elle exclueroit les non-valeurs & les chertés. Elle produit constamment cet avantage en Angleterre, quoiqu'on n'y exporte qu'environ un million de septiers (ce qui n'est pas un vingtieme de la récolte), ne trouvant pas chez l'étranger à en vendre davantage. Observations sur les avantages de la culture des grains . Les frais de la culture restent dans le royaume, & le produit total est tout entier pour l'état. Les bestiaux égalent au-moins la moitié de la richesse annuelle des récoltes; ainsi le produit de ces deux parties de l'Agriculture seroient environ de trois milliarts: celui des vignes est de plus de cinq cents millions, & pourroit être beaucoup augmenté, si la population s'accroissoit dans le royaume, & si le commerce des vins & eaux-de-vie étoit moins gêné ( y ). Les produits de l'Agriculture seroient au moins de quatre milliarts, sans y comprendre les produits des chanvres, des bois, de la pêche, &c. Nous ne parlons pas non plus des revenus des maisons, des rentes, du sel, des mines, ni des produits des Arts & Métiers, de la Navigation, &c. qui augmenteroient à-proportion que les revenus & la population s'accroîtroient; mais le principe de tous ces avantages est dans l'Agriculture, qui fournit les matieres de premier besoin, qui donne des revenus au roi & aux propriétaires, des dixmes au clergé, des profits aux cultivateurs. Ce sont ces premieres richesses, toûjours renouvellées, qui soûtiennent tous les autres états du royaume, qui donnent de l'activité à toutes les autres professions, qui font fleurir le Commerce, qui favorisent la population, qui animent l'industrie, qui entretiennent la prospérité de la nation. Mais il s'en faut beaucoup que la France joüisse de tous ces milliarts de revenus que nous avons entre-vû qu'elle pourroit tirer d'elle-même. On n'estime guere qu'à deux milliarts la consommation ou ( y ) L'auteur du livre intitulé le financier citoyen , dont les intentions peuvent être loüables, est trop attaché aux droits des aides: il paroit n'avoir pas envisagé dans le vrai point de vûe les inconvéniens de ces droits; il ne les regarde que du côté des consommateurs, qui sont libres, dit-il, de faire plus ou moins de dépense en vin. Mais ce plus ou moins de dépense est un objet important par rapport aux revenus des vignes, & aux habitans occupés à les cultiver. Cette culture employe beaucoup d'hommes, & peut en employer encore davantage; ce qui mérite une grande attention par rapport à la population: d'ailleurs les terres employées en vignes sont d'un grand produit. Le grand objet du gouvernement est de veiller à l'augmentation des revenus, pour le bien de l'état & pour le fonds des impositions; car les terres qui produisent beaucoup, peuvent soûtenir une forte imposition. Les vignes produisent tous les ans, ainsi chaque arpent peut fournir pour la taille le double de chaque arpent de terre cultivé en blé; ce qui produiroit au roi à-peu-près autant que les droits des aides, qui ruinent un commerce essentiel au royaume, & desolent les vignerons par les rigueurs de la régie & les vexations des commis. Dans le système d'une bonne culture, la taille bien régie doit être la principale source des revenus du roi. C'est une partie qu'on n'a point approfondie, & qui n'est connue que par les abus destructifs contre lesquels on s'est toûjours récrîé, & auxquels on n'a point encore remédié. V. Impôts . Il paroit que l'auteur tient aussi un peu au préjugé vulgaire par rapport à l'industrie. L'industrie procure la subsistance à une multitude d'hommes, par le payement de la main-d'oeuvre; mais elle ne produit point de revenus, & elle ne peut se soûtenir que par les revenus des citoyens qui achetent les ouvrages des artisans. Il défend l'imposition sur l'industrie, dans la crainte de l'anéantir; mais l'industrie subsistera toûjours dans un royaume à raison des revenus, par rapport aux ouvrages nécessaires, & par rapport aux ouvrages de luxe: l'imposition peut seulement en augmenter un peu le prix. Mais cette partie intéresse fort peu le commerce extérieur, qui ne peut nous enrichir que par la vente de nos productions. L'auteur est entierement décidé en faveur des fermes générales bien ordonnées; il y trouve les revenus du roi assûrés, des intérêts pour les seigneurs sous des noms empruntés, des fortunes honnêtes pour les fermiers & sous-fermiers, des appointemens pour les commis; mais il veut que les financiers ayent de la probité. Un autre avantage qu'il apperçoit dans les fermes, c'est qu'elles peuvent s'augmenter sans nuire à l'Agriculture, à l'Industrie, ni au Commerce. Il est vrai du-moins que dans des royaumes incultes, c'est peut-être le seul moyen pour tirer des revenus pour le souverain, & des intérêts pour les seigneurs; mais dans un état riche par ses biens & par le commerce de ses productions, ce moyen onéreux n'est pas nécessaire, & les seigneurs soûtiennent leurs dépenses par les produits de leurs terres. la dépense annuelle de la nation. Or la dépense est à-peu-près égale aux revenus, confondus avec les frais de la main-d'oeuvre, qui procurent la subsistance aux ouvriers de tous genres, & qui sont presque tous payés par les productions de la terre; car, à la reserve de la pêche & du sel, les profits de la navigation ne peuvent être eux-mêmes fort considérables, que par le commerce des denrées de notre cru. On regarde continuellement l'Agriculture & le Commerce comme les deux ressources de nos richesses; le Commerce, ainsi que la main-d'oeuvre, n'est qu'une branche de l'Agriculture: mais la main-d'oeuvre est beaucoup plus étendue & beaucoup plus considérable que le Commerce. Ces deux états ne subsistent que par l'Agriculture. C'est l'Agriculture qui fournit la matiere de la main-d'oeuvre & du Commerce, & qui paye l'une & l'autre: mais ces deux branches restituent leurs gains à l'Agriculture, qui renouvelle les richesses, qui se dépensent & se consomment chaque année. En effet, sans les produits de nos terres, sans les revenus & les dépenses des propriétaires & des cultivateurs, d'où naîtroit le profit du Commerce & le salaire de la main-d'oeuvre? La distinction du Commerce d'avec l'Agriculture, est une abstraction qui ne présente qu'une idée imparfaite, & qui séduit des auteurs qui écrivent sur cette matiere, même ceux qui en ont la direction, & qui rapportent au commerce productif le commerce intérieur qui ne produit rien, qui sert la nation, & qui est payé par la nation. On ne peut trop admirer la supériorité des vûes de M. de Sully: ce grand ministre avoit saisi les vrais principes du gouvernement économique du royaume, en établissant les richesses du roi, la puissance de l'état, le bonheur du peuple, sur les revenus des terres, c'est-à-dire sur l'Agriculture & sur le commerce extérieur de ses productions; il disoit que sans l'exportation des blés, les sujets seroient bientôt sans argent & le souverain sans revenus. Les prétendus avantages des manufactures de toute espece ne l'avoient pas séduit; il ne protegeoit que celles des étoffes de laine, parce qu'il avoit reconnu que l'abondance des récoltes dépendoit du débit des laines, qui favorise la multiplication des troupeaux nécessaires pour fertiliser les terres. Les bonnes récoltes produisent beaucoup de fourrages pour la nourriture des bestiaux; les trente millions d'arpens de terres médiocres seroient en partie destinés aussi à cet usage. L'auteur des Prairies artificielles décide très-judicieusement qu'il faut à-peu-près la même quantité d'arpens de prairies artificielles qu'il y a de terre ensemencée en blé chaque année. Ainsi pour trente millions d'arpens, il faudroit dix millions d'arpens de prairies artificielles pour nourrir des bestiaux qui procureroient assez de fumier pour fournir un bon engrais aux terres qui chaque année doivent être ensemencées en blé. Cette pratique est bien entendue; car si on se procure par l'engrais de la terre un septier de blé de plus par chaque arpent, on double à-peu-près le profit. Un arpent de blé qui porte cinq septiers à 15 liv. le septier, donne, tous frais déduits, 20 liv. de revenu; mais un septier de plus doubleroit presque lui seul le revenu d'un arpent; car si un arpent donne six septiers, le revenu est 35 liv. & s'il en portoit sept, le revenu seroit 50 liv. ou 3/5 de revenu de plus que dans le premier cas: le revenu n'est pas simplement à raison du produit, mais à raison du produit & des frais. Or l'augmentation des frais est en bestiaux qui ont aussi leur produit; ainsi les profits d'une culture imparfaite ne sont pas comparables à ceux d'une bonne culture. Ainsi on voit que la fortune du fermier en état de faire les frais d'une bonne culture, dépend du produit d'un septier ou deux de plus par arpent de terre; & quoiqu'il en partage la valeur pour la taille & pour le fermage, son gain en est beaucoup plus considérable, & la meilleure portion est toûjours pour lui; car il recueille des fourrages à-proportion avec lesquels il nourrit des bestiaux qui augmentent son profit. Il ne peut obtenir cet avantage que par le moyen des bestiaux; mais il gagneroit beaucoup aussi sur le produit de ces mêmes bestiaux. Il est vrai qu'un fermier borné à l'emploi d'une charrue, ne peut prétendre à un gain considérable; il n'y a que ceux qui sont assez riches pour se former de plus grands établissemens, qui puissent retirer un bon profit, & mettre par les dépenses qu'ils peuvent faire, les terres dans la meilleure valeur. Celui qui n'occupe qu'une charrue, tire sur ce petit emploi tous les frais nécessaires pour la subsistance & l'entretien de sa famille; il faut même qu'il fasse plus de dépense à proportion pour les différens objets de son entreprise: n'ayant qu'une charrue il ne petit avoir, par exemple, qu'un petit troupeau de moutons, qui ne lui coûte pas moins pour le berger, que ce que coûteroit un plus grand troupeau qui produiroit un plus grand profit. Un petit emploi & un grand emploi exigent donc, à bien des égards, des dépenses qui ne sont pas de part & d'autre dans la même proportion avec le gain. Ainsi les riches laboureurs qui occupent plusieurs charrues, cultivent beaucoup plus avantageusement pour eux & pour l'état, que ceux qui sont bornés à une seule charrue; car il y a épargne d'hommes, moins de dépense, & un plus grand produit: or les frais & les travaux des hommes ne sont profitables à l'état, qu'autant que leurs produits renouvellent & augmentent les richesses de la nation. Les terres ne doivent pas nourrir seulement ceux qui les cultivent, elles doivent fournir à l'état la plus grande partie des subsides, produire des dixmes au clergé, des revenus aux propriétaires, des profits aux fermiers, des gains à ceux qu'ils employent à la culture. Les revenus du roi, du clergé, des propriétaires, les gains du fermier & de ceux qu'il employe, tournent en dépenses, qui se distribuent à tous les autres états & à toutes les autres professions. Un auteur * a reconnu ces vérités fondamentales lorsqu'il dit: « que l'assemblage de plusieurs riches propriétaires de terres qui résident dans un même lieu, suffit pour former ce qu'on appelle une ville , où les marchands, les fabriquans, les artisans, les ouvriers, les domestiques se rassemblent, à proportion des revenus que les propriétaires y dépensent: auquel cas la grandeur d'une ville est naturellement proportionnée au nombre des propriétaires des terres, ou plûtôt au produit des terres qui leur appartiennent. Une ville capitale se forme de la même maniere qu'une ville de province; avec cette différence que les gros propriétaires de tout l'état résident dans la capitale ». Les terres cultivées en détail par de petits fermiers, exigent plus d'hommes & de dépenses, & les profits sont beaucoup plus bornés. Or les hommes & les dépenses ne doivent pas être prodigués à des travaux qui seroient plus profitables à l'état, s'ils étoient exécutés avec moins d'hommes & moins de frais. Ce mauvais emploi des hommes pour la culture des terres seroit préjudiciable, même dans un royaume fort peuplé; car plus il est peuplé, plus il est nécessaire de tirer un grand produit de la terre: mais il seroit encore plus desavantageux dans un royaume qui ne seroit pas assez peuplé; car alors il faudroit être plus attentif à distribuer les hommes * Cantillon, essai sur le Commerce, chap. v. vj . aux travaux les plus nécessaires & les plus profitables à la nation. Les avantages de l'Agriculture dépendent donc beaucoup de la réunion des terres en grosses-fermes, mises dans la meilleure valeur par de riches fermiers. La culture qui ne s'exécute que par le travail des hommes, est celle de la vigne; elle pourroit occuper un plus grand nombre d'hommes en France, si on favorisoit la vente des vins, & si la population augmentoit. Cette culture & le commerce des vins & des eaux-de-vie sont trop gênés; c'est cependant un objet qui ne mérite pas moins d'attention que la culture des grains . Nous n'envisageons pas ici le riche fermier comme un ouvrier qui laboure lui-même la terre; c'est un entrepreneur qui gouverne & qui fait valoir son entreprise par son intelligence & par ses richesses. L'agriculture conduite par de riches cultivateurs est une profession très-honnête & très-lucrative, reservée à des hommes libres en état de faire les avances des frais considérables qu'exige la culture de la terre, & qui occupe les paysans & leur procure toûjours un gain convenable & assûré. Voilà, selon l'idée de M. de Sully, les vrais fermiers ou les vrais financiers qu'on doit établir & soûtenir dans un royaume qui possede un grand territoire; car c'est de leurs richesses que doit naître la subsistance de la nation, l'aisance publique, les revenus du souverain, ceux des propriétaires, du clergé, une grande dépense distribuée à toutes les professions, une nombreuse population, la force & la prospérité de l'état. Ce sont les grands revenus qui procurent les grandes dépenses, ce sont les grandes dépenses qui augmentent la population, parce qu'elles étendent le commerce & les travaux, & qu'elles procurent des gains à un grand nombre d'hommes. Ceux qui n'envisagent les avantages d'une grande population que pour entretenir de grandes armées, jugent mal de la force d'un état. Les militaires n'estiment les hommes qu'autant qu'ils sont propres à faire des soldats; mais l'homme d'état regrette les hommes destinés à la guerre, comme un propriétaire regrette la terre employée à former le fossé qui est nécessaire pour conserver le champ. Les grandes armées l'épuisent; une grande population & de grandes richesses le rendent redoutable. Les avantages les plus essentiels qui résultent d'une grande population, sont les productions & la consommation, qui augmentent ou font mouvoir les richesses pécuniaires du royaume. Plus une nation qui a un bon territoire & un commerce facile, est peuplée, plus elle est riche; & plus elle est riche, plus elle est puissante. Il n'y a peut-être pas moins aujourd'hui de richesses pécuniaires dans le royaume, que dans le siecle passé: mais pour juger de l'état de ces richesses, il ne faut pas les considérer simplement par rapport à leur quantité, mais aussi par rapport à leur circulation relative à la quantité, au débit & au bon prix des productions du royaume. Cent septiers de blé à 20 liv. le septier, sont primitivement une richesse pécuniaire quatre fois aussi grande que 50 septiers à 10 livres le septier: ainsi la quantité des richesses existe aussi réellement dans la valeur des productions, que dans les especes d'or & d'argent, sur-tout quand le commerce avec l'étranger assûre le prix & le débit de ces productions. Les revenus sont le produit des terres & des hommes. Sans le travail des hommes, les terres n'ont aucune valeur. Les biens primitifs d'un grand état sont les hommes, les terres & les bestiaux. Sans les produits de l'agriculture, une nation ne peut avoir d'autre ressource que la fabrication & le commerce de trafic; mais l'une & l'autre ne peuvent se soûtenir que par les richesses de l'étranger: d'ailleurs de telles ressources sont fort bornées & peu assûrées, & elles ne peuvent suffire qu'à de petits états. Observations sur la taille levée sur la culture des grains . On ne doit imposer les fermiers à la taille qu'avec beaucoup de retenue sur le profit des bestiaux, parce que ce sont les bestiaux qui sont produire les terres: mais sans étendre la taille sur cette partie; elle pourroit par l'accroissement des revenus monter à une imposition égale à la moitié du prix du fermage: ainsi en se conformant aux revenus des propriétaires des terres qui seroient de quatre cents millions, la taille ainsi augmentée & bornée-là pour toute imposition sur les fermages, produiroit environ 200 millions, & cela non compris celle qui est imposée sur les rentiers & propriétaires taillables, sur les maisons, sur les vignes, sur les bois taillables, sur le fermage particulier des prés, sur les voituriers, sur les marchands, sur les paysans, sur les artisans, manouvriers, &c. Sur les 200 millions de taille que produiroit la culture des grains , il faut en retrancher environ 1/20 pour l'exemption des nobles & privilégiés, qui font valoir par eux-mêmes la quantité de terres permise par les ordonnances, ainsi il resteroit 190 millions; mais il faut ajoûter la taille des fermiers des dixmes, qui étant reunies à ces 190 millions, formeroit au moins pour la total de la taille 200 millions. ( z ) La proportion de la taille avec le loyer des terres, est la regle la plus sûre pour l'imposition sur les fermiers, & pour les garantir des inconvéniens de l'imposition arbitraire; le propriétaire & le fermier connoissent chacun leur objet, & leurs intérêts reciproques fixeroient au juste les droits du roi. ( a ) Il seroit bien à desirer qu'on pût trouver une regle aussi sûre pour l'imposition des métayers. Mais si la culture se rétablissoit, le nombre des fermiers augmenteroit de plus en plus, celui des métayers diminueroit à proportion: or une des conditions essentielles pour le rétablissement de la culture & l'augmentation des fermiers, est de reformer les abus de la taille arbitraire, & d'assûrer aux cultivateurs les fonds qu'ils avancent pour la culture des terres. On doit sur-tout s'attacher à garantir les fermiers, comme étant les plus utiles à l'etat, des dangers de cette imposition. Aussi éprouve-t-on que les desordres de la taille sont moins destructifs dans les villes taillables que dans les campagnes; parce que les campagnes produisent les revenus, & que ce qui détruit les revenus détruit le royaume. L'etat des habitans des villes est etabli sur les revenus, & les villes ne sont peuplées qu'à proportion des revenus des provinces. Il est donc essentiel d'assujettir dans les campagnes l'imposition de la taille à une regle sure & invariable, afin de multiplier les riches fermiers, & de diminuer de plus en plus le nombre des colons indigens, qui ne cultivent la terre qu'au desavantage de l'etat. Cependant on doit appercevoir que dans l'etat actuel de la grande & de la petite culture, il est difficile de se conformer d'abord à ces regles; c'est pourquoi nous avons pour la sûreté de l'imposition proposé d'autres moyens à l' article Fermier : mais dans la suite le produit du ble ou le loyer des terres fourniroient la regle la plus simple & la plus convenable pour l'imposition proportionnelle de la taille sur les cultivateurs. Dans l'etat present de l'agriculture, un arpent de terre traité par la grande culture produisant 74 livres, ne peut donner qu'environ 1/24 du produit total du prix du blé pour la taille. Un arpent traité par la petite culture produisant 24 liv. donne pour la taille 1/24. Un arpent qui seroit traité par la bonne culture, les autres conditions posées, produisant 1061. donneroit pour la taille environ 1/11; ainsi par la seule différence des cultures, un arpent de terre de même valeur produiroit ici pour la taille 10 liv. là il produit 3 liv. 10 s. ailleurs il ne produit qu'une livre. On ne peut donc établir pour la taille aucune taxe fixe sur les terres dont le produit est si susceptible de variations par ces différentes cultures; on ne peut pas non plus imposer la taille proportionnellement au produit total de la recolte, sans avoir égard aux frais & à la différence de la quantité de semence, relativement au profit, selon les differentes cultures: ainsi ceux qui ont propose une dixme pour la taille ( b ), & ceux qui ont propose une taille ( z ) Nous ne supposons ici qu'environ 10 millions de taille sur les fermiers des dixmes, mais le produit des dixmes n'étant point chargé des frais de culture il est susceptible d'une plus forte taxe: ainsi la dixme qui est affermée, c'est à-dire qui n'est pas réunie aux cures, pouvant monter à plus de 100 millions par le rétablissement, leur culture pourroit avec justice être imposée à plus de 20 millions de taille. En effet, elle ne seroit pas, dans ce cas même, proportionnée à celle des cultivateurs; & ceux qui affermeroient leurs dixmes, profiteroient encore beaucoup sur le rétablissement de notre culture. ( a ) Peut-être que la taille égale à la moitié du fermage paroitra forcée, & cela peut être vrai en effet; mais au moins cette taille étant fixée, les fermiers s'y conformeroient en affermant les terres. Voilà l'avantage d'une taille qui seroit fixée: elle ne seroit point ruineuse, parce qu'elle seroit prévûe par les fermiers; au lieu que la taille arbitraire peut les ruiner, étant sujets à des augmentations successives pendant la durée des baux, & ils ne peuvent éviter leur perte par aucun arrangement sur le prix du fermage. Mais toutes les fois que le fermier connoitra par le prix du bail la taille quil doit payer, il ne laissera point tomber sur lui cette imposition, ainsi elle ne pourra pas nuire à la culture; elle sera prise sur le produit de la ferme, & la partie du revenu dû propriétaire en sera meilleure & plus assûrée; parce que la taille n'apportera point d'obstacle à la culture de son bien; au contraire, la taille imposée sans regle sur le fermier, rend l'état de celui-ci incertain; son gain est limité par ses arrangemens avec le propriétaire, il ne peut se prêter aux variations de cette imposition: si elle devient trop forte, il ne peut plus faire les frais de la culture, & le bien est dégradé. Il faut toûjours que l'imposition porte sur le fonds, & jamais sur la culture; & qu'elle ne porte sur le fonds que relativement à sa valeur & à l'état de la culture, & c'est le fermage qui en décide. On peut soupçonner que la taille proportionnelle aux baux pourroit occasionner quelqu'intelligence frauduleuse entre les propriétaires & les fermiers, dans l'exposé du prix du fermage dans les baux; mais la sûreté du propriétaire exigeroit quelque clause, ou quelqu'acte particulier inusité & suspect qu'il faudroit défendre: telle seroit, par exemple, une reconnoissance d'argent prêté par le propriétaire au fermier. Or comme il est très-rare que les propriétaires prêtent d'abord de l'argent à leurs fermiers, cet acte seroit trop suspect, surtout si la date étoit dès les premiers tems du bail, ou si l'acte n'étoit qu un billet sous seing privé. En ne permettant point de telles conventions, on exclueroit la fraude. Mais on pourroit admettre les actes qui surviendroient trois ou quatre ans après le commencement du bail, s'ils étoient passés pardevant notaire, & s'ils ne changeoient rien aux clauses du bail; car ces actes postérieurs ne pourroient pas servir à des arrangemens frauduleax à l'égard du prix du fermage, & ils peuvent devenir nécessaires entre le propriétaire & le fermier, à cause des accidens qui quelquefois arrivent aux bestiaux ou aux moissons pendant la durée d'un bail, & qui engageroient un propriétaire à secourir son fermier. L'argent avancé sons la forme de pot-de-vin par le fermier, en diminution du prix du bail, est une fraude qu'on peut reconnoître par le trop bas prix du fermage, par comparaison avec le prix des autres terres du pays. S'il y avoit une différence trop marquée, il faudroit anéantir le bail, & exclure le fermier. réelle sur les terres, n'ont pas examiné les irrégularités qui naissent des differens genres de culture, & les variations qui en resultent. Il est vrai que dans les pays d'etats on établit communément la taxe sur les terres, parce que ces pays étant bornés à des provinces particulieres où la culture peut être à peu près uniforme, on peut regler l'imposition à-peu-près sur la valeur des terres, & à la différente quantité de semence, relativement au produit des terres de différente valeur; mais on ne peut pas suivre cette regle généralement pour toutes les autres provinces du royaume. On ne peut donc dans l'état actuel établir une taille proportionnelle, qu'en se réglant sur la somme imposée préalablement sur chaque paroisse, selon l'etat de l'agriculture de la province; & cette taille imposée seroit repartie, comme il est dit à l' article fermier , proportionnellement aux effets visibles d'agriculture, declarés tous les ans exactement par chaque particulier. On pourroit même, quand les revenus se réduisent au produit des grains , éviter ces declarations; & lorsque la bonne culture y seroit entierement établie, on pourroit simplifier la forme par une imposition proportionnelle aux loyers des terres. Le laboureur, en améliorant sa culture & en augmentant ses dépenses, s'attendroit, il est vrai, à payer plus de taille, mais il seroit assûre qu'il gagneroit plus aussi, & qu'il ne seroit plus exposé à une imposition ruineuse, si la taille n'augmentoit que proportionnellement à l'accroissement de son gain. Ainsi on pourroit des-à-present imposer la taille proportionnelle aux baux, dans les pays ou les terres sont cultivées par des fermiers. Il ne seroit peut-être pas impossible de trouver aussi une regle à-peu-près semblable, pour les pays où les proprietaires font cultiver par des métayers; on sait à-peu-près le produit de chaque metairie; les frais étant déduits, on connoîtroit le revenu du propriétaire; on y proportionneroit la taille, ayant égard à ne pas enlever le revenu même du proprietaire, mais à établir l'imposition sur la portion du métayer, proportionnellement au revenu net du maître. S'il se trouvoit dans cette imposition proportionnelle quelques irrégularités prejudiciables aux métayers, elles pourroient se réparer par les arrangemens entre ces métayers & les proprietaires: ainsi ces inconvéniens inseparables des regles generales se réduiroient à peu de chose, étant supportés par le propriétaire & le métayer. Il me paroit donc possible d'etablir dès aujourd'hui pour la grande & pour la petite culture, des regles fixes & générales pour l'imposition proportionnelle de la taille. Nous avons vû par le calcul des produits de la grande culture actuelle, que la taille imposée à une somme convenable, se trouve être à-peu-près égale à un tiers du revenu des propriétaires. Dans cette ( b ) On a vû par les produits des différentes cultures, que la taille convertie en dixme sur la culture faite avec le boeufs, monteroit à plus des deux tiers du revenu des propriétaires. Dailleurs la taille ne peut pas être fixée à-demeure sur le revenu actuel de cette culture, parce que les terres ne produisant pas les revenus qu'elles donneroient lorsqu'elles seroient mieux cultivées, il arriveroit qu'elles se trouveroient taxées sept ou huit fois moins que celles qui seroient actuel ement en pleine valeur. Dans l'état actuel de la grande culture, les terres produisent davantage; mais elles donnent la moitié moins de revenu qu'on n'en retireroit dans le cas de la liberté du commerce des grains . Dans l'état présent, la dixme est égale à la moitie du fermage, la taille convertie en dixme seroit encore fort onéreuse; mais dans le cas d'exportation, les terres donneroient plus de revenu; la dixme re se trouveroit qu'environ égale à un tiers du fermage. La taille convertie en dixme, ne seroit plus dans une proportion convenable avec les revenus; car elle pourroit alors être portée à l'égal de la moitié des revenus, & être beaucoup moins onéreuse que dans l'état présent; ainsi les proportions de la taille & de la dixme avec le fermage sont fort différentes, selon les différens produits des terres. Dans la petite culture la taille seroit forte, si elle égaloit la moitié de la dixme; elle seroit foible dans une bonne culture, si elle n'étoit égale qu'à la totalité de la dixme. Les proportions de la taille avec le produit sont moins discordantes dans les différens états de culture; mais toûjours le sont-elles trop pour pouvoir se prêter à une regle générale: c'est tout ensemble le prix des grains , l'état de la culture, & la qualité des terres, qui doivent former la base de l'imposition de la taille à raison du produit net du revenu du propriétaire. C'est ce qu'il faut observer aussi dans l'imposition du dixieme sur les terres cultivées avec des boeufs aux frais des propriétaires, car si on prenoit le dixieme du produit, ce seroit dans des cas la moitié du revenu, & dans d'autres le revenu tout entier qu'on enleveroit. culture les terres etant presque toutes affermées, il est facile de determiner l'imposition proportionnellement aux revenus fixés par les baux. Mais il n'en est pas de même des terres traitées par la petite culture, qui sont rarement affermées; car on ne peut connoitre les revenus des propriétaires que par les produits. Nous avons vû par les calculs de ces produits, que dans la petite culture la taille se trouvoit aussi à-peu-près à l'egal du tiers des revenus des propriétaires; mais ces revenus qui d'ailleurs sont tous indécis, peuvent être envisagés sous un autre aspect que celui sous lequel nous les avons considéres dans ces calculs: ainsi il faut les examiner sous cet autre aspect, afin d'eviter la confusion qui pourroit naitre des différentes manieres de considérer les revenus des propriétaires qui sont cultiver par des métayers, & qui avancent des frais pécuniaires, & employent une grande portion des biens fonds de chaque métairie pour la nourriture des boeufs de labour. Nous avons expose ci-devant pour donner un exemple particulier de cette culture, l'état d'une terre qui peut rendre au proprietaire, année commune, pour 3000 livres de blé, semence prélevée. On voit le detail des différens frais compris dans les 3000 livres; savoir 1050 liv. pour les avances pécuniaires, qui reduisent les 3000 livres à 1950 livres. Il y a 1375 livres de revenus de prairies & friches pour la nourriture des boeufs; ainsi les terres qui portent les moissons ne contribuent à cette somme de 1950 livres que pour 575 livres, parce que le revenu des prairies & friches fait partie de ce même revenu de 1950 livres. Si la taille étoit à l'égal du tiers de ces 1950 livres, elle monteroit à 650 livres, qui payées par cinq métayers par portion egale, seroient pour chacun 13. livres. Ces métayers ont ensemble la moitié du grain , c'est-à-dire pour 3000 livres: ainsi la part pour chacun est 600 liv. Si chaque fermier, à raison du tiers de 1950 liv. payoit 131 liv. de taille, il ne lui resteroit pour ses frais particuliers, pour sa subsistance & l'entretien de sa famille, que 479 liv. 16 sous. D'ailleurs nous avons averti dans le détail de l'exemple que nous rappellons ici, que le fonds de la terre est d'un bon produit, relativement à la culture faite avec les boeufs, & qu'il est d'environ un quart plus fort que les produits ordinaires de cette culture: ainsi dans le dernier cas où les frais sont les mêmes, le revenu du propriétaire ne seroit que de 1450 livres, & la part de chaque métayer 453 liv. Si la taille étoit à l'égal du tiers du revenu du propriétaire, elle monteroit à 497 livres; ce qui seroit pour la taxe de chaque métayer 102 livres: il ne lui resteroit de son produit que 348 livres, qui ne pourroient pas suffire à ses dépenses; il faudroit que la moitié pour le moins de la taille des cinq métayers, retombât sur le propriétaire qui est chargé des grandes dépenses de la culture, & a un revenu incertain. Ainsi selon cette maniere d'envisager les revenus casuels des propriétaires qui partagent avec des métayers, si on imposoit la taille à l'égal du tiers de ces revenus, les propriétaires payeroient pour la taille au-moins un tiers de plus sur leurs terres, que les propriétaires dont les terres sont affermées, & dont le revenu est determiné par le fermage sans incertitude & sans soin; car par rapport à ceux-ci, la taille qui seroit égale au tiers de leur revenu, est en-dehors de ce même revenu, qui est reglé & assûré par le bail; au lieu que si la taille suivoit la meme proportion dans l'autre cas, la moitié au-moins retomberoit sur le revenu indécis des propriétaires. Or la culture avec des métayers est fort ingrate & fort difficile à régir pour les propriétaires, surtout pour ceux qui ne résident pas dans leurs terres, & qui payent des régisseurs; elle se trouveroit trop surchargée par la taille, si elle étoit imposée dans la même proportion que dans la grande culture. Mais la proportion seroit juste à l'égard de l'une & de l'autre, si la taille étoit à l'égal du tiers ou de la moitié des revenus des propriétaires dans la grande & dans la petite culture, où les terres sont affermées, & où les propriétaires ont un revenu décidé par le fermage: elle seroit juste aussi, si elle étoit environ égale au quart du revenu casuel du propriétaire qui fait valoir par le moyen de métayers, ce quart seroit à-peu-près le sixieme de la part du métayer. Ainsi en connoissant à-peu-près le produit ordinaire d'une métairie, la taille proportionnelle & fixe seroit convenablement & facilement réglée pendant le bail du métayer, au sixieme ou au cinquieme de la moitié de ce produit qui revient au métayer. Il y a des cas où les terres sont si bonnes, que le métayer n'a pour sa part que le tiers du produit de la métairie: dans ces cas mêmes le tiers lui est aussi avantageux que la moitié du produit d'une métairie dont les terres seroient moins bonnes: ainsi la taille établie sur le même pié dans ce cas-là, ne seroit pas d'un moindre produit que dans les autres, mais elle seroit foible proportionnellement au revenu du propriétaire qui auroit pour sa part les deux tiers de la récolte; elle pourroit alors être mise à l'égal du tiers du revenu: ainsi en taxant les métayers dans les cas où la récolte se partage par moitié, au sixieme ou au cinquieme de leur part du produit des grains de la métairie, on auroit une regle générale & bien simple pour établir une taille proportionnelle, qui augmenteroit au profit du roi à mesure que l'agriculture feroit du progrès par la liberté du commerce des grains , & par la sûreté d'une imposition déterminée. Cette imposition reglée sur les baux dans la grande culture, se trouveroit être à-peu-près le double de celle de la petite culture; parce que les produits de l'une sont bien plus considérables que les produits de l'autre. Je ne sais pas si, relativement à l'état actuel de la taille, les taxes que je suppose rempliroient l'objet; mais il seroit facile de s'y conformer, en suivant les proportions convenables. Voyez Impôt . Si ces regles étoient constamment & exactement observées, si le commerce des grains étoit libre, si la milice épargnoit les enfans des fermiers, si les corvées étoient abolies ( c ), grand nombre de propriétaires taillables refugiés dans les villes sans occupation, retourneroient dans les campagnes faire valoir paisiblement leurs biens, & participer aux profits de l'agriculture. C'est par ces habitans aisés qui quitteroient les villes avec sûreté, que la campagne se re ( c ) Les fermiers un peu aisés font prendre à leurs enfans des professions dans les villes, pour les garantir de la milice; & ce qu'il y a de plus desavantageux à l'agriculture, c'est que non-seulement la campagne perd les hommes destinés à être fermiers, mais aussi les richesses que leurs peres employoient à la culture de la terre. Pour arrêter ces effets destructifs, M. de la Galaisiere, intendant de Lorraine, a exempté de la milice par une ordonnance, les charretiers & fils des fermiers, à raison des charrues que leur emploi exige. Les corvées dont on charge les paysans, sont très-desavantageuses à l'état & au roi, parce qu'en réduisant les paysans à la misere, on les met dans l'impuissance de soûtenir leurs petits établissemens; d'où résulte un grand dommage sur les produits, sur la consommation & sur les revenus: ainsi loin que ce soit une épargne pour l'état de ménager de cette maniere les frais des travaux publics, il les paye très-cher, tandis qu'ils lui coûteroient fort peu, s'il les faisoit faire à ses frais; c'est-à-dire par de petites taxes générales dans chaque province, pour le payement des ouvriers. Toutes les provinces reconnoissent tellement les avantages des travaux qui facilitent le Commerce, qu'elles se prêtent volontiers à ces sortes de contributions, pourvû qu'elles soient employées surement & fidelement à leurs destinations. peupleroit de cultivateurs en état de rétablir la culture des terres. Ils payeroient la taille comme les fermiers, sur les profits de la culture, proportionnellement aux revenus qu'ils retireroient de leurs terres, comme si elles étoient affermées; & comme propriétaires taillables, ils payeroient de plus pour la taille de leur bien même, le dixieme du revenu qu'ils retireroient du fermage de leurs terres, s'ils ne les cultivoient pas eux-mêmes. L'intérêt fait chercher les établissemens honnêtes & lucratifs. Il n'y en a point où le gain soit plus certain & plus irréprochable que dans l'agriculture, si elle étoit protégée: ainsi elle seroit bien-tôt rétablie par des hommes en état d'y porter les richesses qu'elle exige. Il seroit même très convenable pour favoriser la noblesse & l'agriculture, de permettre aux gentilshommes qui font valoir leurs biens, d'augmenter leur emploi en affermant des terres, & en payant l'imposition à raison du prix du fermage; ils trouveroient un plus grand profit, & contribueroient beaucoup aux progrès de l'agriculture. Cette occupation est plus analogue à leur condition, que l'état de marchands débitans dans les villes, qu'on voudroit qui leur fût accordé. Ce surcroît de marchands dans les villes seroit même fort préjudiciable à l'agriculture, qui est beaucoup plus intéressante pour l'état que le trafic en détail, qui occupera toûjours un assez grand nombre d'hommes. L'etat du riche laboureur seroit considéré & protégé; la grande agriculture seroit en vigueur dans tout le royaume; la culture qui se fait avec les boeufs disparoîtroit presqu'entierement, parce que le profit procureroit par-tout aux propriétaires de riches fermiers en état de faire les frais d'une bonne culture; si la petite culture se conservoit encore dans quelques pays où elle paroîtroit préférable à la grande culture, elle pourroit elle-même prendre une meilleure forme par l'attrait d'un gain qui dédommageroit amplement les propriétaires des avances qu'ils feroient: le métayer alors pourroit payer sur sa part de la récolte la même taille que le fermier; car si un métayer avoit pour sa part 18 ou 20 boisseaux de blé par arpent de plus qu'il n'en recueille par la petite culture ordinaire, il trouveroit en payant quatre ou cinq fois plus de taille, beaucoup plus de profit qu'il n'en retire aujourd'hui. L'état de la récolte du métayer pourroit donc fournir aussi une regle sûre pour l'imposition d'une taille proportionnelle. Voilà donc au-moins des regles simples, faciles & sûres pour garantir les laboureurs de la taxe arbitraire, pour ne pas abolir les revenus de l'état par une imposition destructive, pour ranimer la culture des terres & rétablir les forces du royaume. L'imposition proportionnelle des autres habitans de la campagne, peut être fondée aussi sur des profits ou sur des gains connus; mais l'objet étant beaucoup moins important, il suffit d'y apporter plus de ménagement que d'exactitude; car l'erreur seroit de peu de conséquence pour les revenus du roi, & un effet beaucoup plus avantageux qui en résulteroit, seroit de favoriser la population. La taille dans les villes ne peut se rapporter aux mêmes regles: c'est à ces villes elles-mêmes à en proposer qui leur conviennent. Je ne parlerai pas de la petite maxime de politique que l'on attribue au gouvernement, qui, dit-on, regarde l'imposition arbitraire comme un moyen assûré pour tenir les sujets dans la soûmission: cette conduite absurde ne peut pas être imputée à de grands ministres, qui en connoissent tous les inconvéniens & tout le ridicule. Les sujets taillables sont des hommes d'une très médiocre fortune, qui ont plus besoin d'être encouragés que d'être humiliés; ils sont assujettis souverainement à la puissance royale & aux lois; s'ils ont quelque bien, ils n'en sont que plus dépendans, que plus susceptibles de crainte & de punition. L'arrogance rustique qu'on leur reproche est une forme de leur état, qui est fort indifférente au gouvernement; elle se borne à résister à ceux qui sont à-peu-près de leur espece, qui sont encore plus arrogans, & qui veulent dominer. Cette petite imperfection ne dérange point l'ordre; au contraire elle repousse le mépris que le petit bourgeois affecte pour l'état le plus recommandable & le plus essentiel. Quel avantage donc prétendroit-on retirer de l'imposition arbitraire de la taille, pour réprimer des hommes que le ministere a intérêt de protéger? seroit-ce pour les exposer à l'injustice de quelques particuliers qui ne pourroient que leur nuire au préjudice du bien de l'état? Observations sur l'exportation des grains . L'exportation des grains , qui est une autre condition essentielle au rétablissement de l'agriculture, ne contribueroit pas à augmenter le prix des grains . On peut en juger par le prix modique qu'en retirent nos voisins qui en vendent aux étrangers; mais elle empêcheroit les non-valeurs du blé. Ce seul effet, comme nous l'avons remarqué p. 819. éviteroit à l'agriculture plus de 150 millions de perte. Ce n'est pas l'objet de la vente en lui-même qui nous enrichiroit; car il seroit fort borné, faute d'acheteurs. Voyez Fermier , p. 533. VI. vol . En effet, notre exportation pourroit à peine s'étendre à deux millions de septiers. Je ne répondrai pas à ceux qui craignent que l'exportation n'occasionne des disettes *; puisque son effet est au contraire d'assurer l'abondance, & que l'on a démontré que les moissons des mauvaises années surpasseroient celles que nous recueillons actuellement dans les années ordinaires: ainsi je ne parlerai pas non plus des projets chimériques de ceux qui proposent des établissemens de greniers publics pour prévenir les famines, ni des inconvéniens, ni des abus inséparables de pareilles précautions. Qu'on refléchisse seulement un peu sur ce que dit à cet égard un auteur anglois ( d ). « Laissons aux autres nations l'inquiétude sur les moyens d'éviter la famine; voyons-les éprouver la faim au milieu des projets qu'elles forment pour s'en garantir: nous avons trouvé par un moyen bien simple, le secret de joüir tranquillement & avec abondance du premier bien nécessaire à la vie; plus heureux que nos peres, nous n'éprouvons point ces excessives & subites différences dans le prix des blés, toûjours causées plûtôt par crainte que par la réalité de la disette . . . . En place de vastes & nombreux greniers de ressource & de prévoyance, nous avons de vastes plaines ensemencées. Tant que l'Angleterre n'a songé à cultiver que pour sa propre subsistance, elle s'est trouvée souvent au-dessous de ses besoins, obligée d'acheter des blés étrangers: mais depuis qu'elle s'en est fait un objet de commerce, sa culture a tellement augmenté, qu'une bonne récolte peut la nourrir cinq ans; & elle est en état maintenant de porter les blés aux nations qui en manquent. Si l'on parcourt quelques-unes des provinces de la France, on trouve que non-seulement plusieurs de ses terres restent en friche, qui pourroient produire des blés ou nourrir des bestiaux, mais que les terres cultivées ne rendent pas à beaucoup près à proportion de leur bonté; parce que le laboureur manque de moyen pour les mettre en valeur. Ce n'est pas sans une joie sensible que j'ai remarqué dans le gouvernement de France un vice dont les conséquences sont si étendues, & j'en ai félicité ma patrie; mais je n'ai pû m'empêcher de sentir en même tems combien formidable seroit * Voyez le traité de la police des grains, par M. Herbert. ( d ) Avant. & desavant. de la Grande-Bretagne . devenue cette puissance, si elle eût profité des avantages que ses possessions & ses hommes lui offroient ». O sua si bona norint! ( e ) Il n'y a donc que les nations où la culture est bornée à leur propre subsistance, qui doivent redouter les famines. Il semble au contraire que dans le cas d'un commerce libre des grains , on pourroit craindre un effet tout opposé. L'abondance des productions que procureroit en France l'agriculture portée à un haut degré, ne pourroit-elle pas les faire tomber en non-valeur? On peut s'épargner cette inquiétude; la position de ce royaume, ses ports, ses rivieres qui le traversent de toutes parts, réunissent tous les avantages pour le commerce; tout favorise le transport & le debit de ses denrées. Les succès de l'agriculture y rétabliroient la population & l'aisance; la consommation de toute espece de productions premieres ou fabriquées, qui augmenteroit avec le nombre de ses habitans, ne laisseroit que le petit superflu qu'on pourroit vendre à l'étranger. Il est vrai qu'on pourroit redouter la fertilité des colonies de l'Amérique & l'accroissement de l'agriculture dans ce nouveau monde, mais la qualité des grains en France est si supérieure à celle des grains qui naissent dans ces pays-là, & même dans les autres, que nous ne devons pas craindre l'égalité de concurrence; ils donnent moins de farine, & elle est moins bonne; celle des colonies qui passe les mers, se déprave facilement, & ne peut se conserver que fort peu de tems; celle qu'on exporte de ( e ) Si, malgré des raisons si décisives, on avoit encore de l'inquiétude sur les disettes dans le cas d'exportation, il est facile de se rassûrer; car on peut, en permettant l'exportation, permettre aussi l'importation des blés étrangers sans exiger de droits: par-là le prix du blé ne pourra pas être plus haut chez nous que chez les autres nations qui en exportent. Or on sait par une longue expérience qu'elles sont dans l'abondance, & qu'elles éprouvent rarement de cherté; ainsi la concurrence de leurs blés dans notre pays, empêcheroit nos marchands de fermer leurs greniers dans l'espérance d'une cherté, & l'inquiétude du peuple ne feroit point augmenter le prix du blé par la crainte de la famine; ce qui est presque toûjours l'unique cause des chertés excessives. Mais quand on le voudra, de telles causes disparoitront à la vûe des bateaux de blés étrangers qui arriveroient à Paris. Les chertés n'arrivent toûjours que par le défaut de liberté dans le commerce du blé. Les grandes disettes réelles sont très-rares en France, & elles le sont encore plus dans les pays où la liberté du commerce du blé soûtient l'Agriculture. En 1709, la gelée fit par-tout manquer la récolte: le septier de blé valoit en France 100 livres de notre monnoie actuelle, & on ne le vendoit en Angleterre que 43 liv. ou environ le double du prix ordinaire dans ces tems-là; ainsi ce n'étoit pas pour la nation une grande cherté. Dans la disette de 1693 & 1694, le blé coûtoit moitié moins en Angleterre qu'en France, quoique l'exportation ne fut établie en Angleterre que depuis trois ou quatre ans: avant cette exportation, les Anglois essuyoient souvent de grandes chertés, dont nous profitions par la liberté du commerce de nos grains sous les regnes d'Henri IV. de Louis XIII. & dans les premiers tems du regne de Louis XIV. L'abondance & le bon prix entretenoient les richesses de la nation: car le prix commun du blé en France étoit souvent 25 liv. & plus de notre monnoie, ce qui formoit annuellement une richesse dans le royaume de plus de trois milliarts, qui réduits à la monnoie de ces tems-là, étoient environ 1200 millions. Cette richesse est diminuée aujourd'hui de cinq sixiemes. L'exportation ne doit pas cependant être illimitée; il faut qu'elle soit, comme en Angleterre, interdite, lorsque le blé passe un prix marqué par la loi. L'Angleterre vient d'essuyer une cherté, parce que le marchand est contrevenu à cette regle par des abus & des monopoles que le gouvemement a tolérés, & qui ont toûjours de funestes effets dans un état qui a recours a des ressources si odieuses; ainsi la nation a éprouvé une cherté dont l'exportation même l'avoit préservée depuis plus de soixante ans. En France, les famines sont fréquentes, parce que l'exportation du blé y étoit souvent défendue; & que l'abondance est autant desavantageuse aux fermiers, que les disettes sont funestes aux peuples. Le prétexte de remédier aux famines dans un royaume, en interceptant le commerce des grains entre les provinces, donne encore lieu à des abus qui augmentent la misere, qui détruisent l'Agriculture, & qui anéantissent les revenus du royaume. France est préférée, parce qu'elle est plus profitable, qu'elle fait de meilleur pain, & qu'on peut la garder long-tems. Ainsi nos blés & nos farines seront toûjours mieux vendus à l'étranger. Mais une autre raison qui doit tranquilliser, c'est que l'agriculture ne peut pas augmenter dans les colonies, sans que la population & la consommation des grains n'y augmente à proportion; ainsi leur superflu n'y augmentera pas en raison de l'accroissement de l'agriculture. Le défaut de débit & la non-valeur de nos denrées qui ruinent nos provinces, ne sont que l'effet de la misere du peuple & des empêchemens qu'on oppose au commerce de nos productions. On voit tranquillement dans plusieurs provinces les denrées sans débit & sans valeur; on attribue ces desavantages à l'absence des riches, qui ont abandonné les provinces pour se retirer à la cour & dans les grandes villes; on souhaiteroit seulement que les évêques, les gouverneurs des provinces, & tous ceux qui par leur etat devroient y résider, y consommassent effectivement leurs revenus; mais ces idées sont trop bornées; ne voit-on pas que ce ne seroit pas augmenter la consommation dans le royaume, que ce ne seroit que la transporter des endroits où elle se fait avec profusion, dans d'autres où elle se seroit avec économie? Ainsi cet expédient, loin d'augmenter la consommation dans le royaume, la diminueroit encore. Il faut procurer par-tout le débit par l'exportation & la consommation intérieure, qui avec la vente à l'étranger soûtient le prix des denrées. Mais on ne peut attendre ces avantages que du commerce général des grains , de la population, & de l'aisance des habitans qui procureroient toûjours un débit & une consommation nécessaire pour soûtenir le prix des denrées. Pour mieux comprendre les avantages du commerce des grains avec l'étranger, il est nécessaire de faire quelques observations fondamentales sur le commerce en général, & principalement sur le commerce des marchandises de main-d'oeuvre, & sur le commerce des denrées du crû; car pour le commerce de trafic qui ne consiste qu'à acheter pour revendre, ce n'est que l'emploi de quelques petits états qui n'ont pas d'autres ressources que celle d'être marchands. Et cette sorte de commerce avec les étrangers ne mérite aucune attention dans un grand royaume; ainsi nous nous bornerons à comparer les avantages des deux autres genres de commerce, pour connoître celui qui nous intéresse le plus. Maximes de Gouvernement économique . I. Les travaux d'industrie ne multiplient pas les richesses . Les travaux de l'agriculture dédommagent des frais, payent la main-d'oeuvre de la culture, procurent des gains aux laboureurs: & de plus ils produisent les revenus des biens-fonds. Ceux qui achetent les ouvrages d'industrie, payent les frais, la main-d'oeuvre, & le gain des marchands; mais ces ouvrages ne produisent aucun revenu au-delà. Ainsi toutes les dépenses d'ouvrages d'industrie ne se tirent que du revenu des biens-fonds; car les travaux qui ne produisent point de revenus ne peuvent exister que par les richesses de ceux qui les payent. Comparez le gain des ouvriers qui fabriquent les ouvrages d'industrie, à celui des ouvriers que le laboureur employe à la culture de la terre, vous trouverez que le gain de part & d'autre se borne à la subsistance de ces ouvriers; que ce gain n'est pas une augmentation de richesses; & que la valeur des ouvrages d'industrie est proportionnée à la valeur même de la subsistance que les ouvriers & les marchands consomment. Ainsi l'artisan détruit autant en subsistance, qu'il produit par son travail. Il n'y a donc pas multiplication de richesses dans la production des ouvrages d'industrie, puisque la valeur de ces ouvrages n'augmente que du prix de la subsistance que les ouvriers consomment. Les grosses fortunes de marchands ne doivent point être vûes autrement; elles sont les effets de grandes entreprises de commerce, qui réunissent ensemble des gains semblables à ceux des petits marchands; de même que les entreprises de grands travaux forment de grandes fortunes par les petits profits que l'on retire du travail d'un grand nombre d'ouvriers. Tous ces entrepreneurs ne font des fortunes que parce que d'autres font des dépenses. Ainsi il n'y a pas d'accroissement de richesses. C'est la source de la subsistance des hommes, qui est le principe des richesses. C'est l'industrie qui les prépare pour l'usage des hommes. Les propriétaires, pour en joüir, payent les travaux d'industrie; & par-là leurs revenus deviennent communs à tous les hommes. Les hommes se multiplient donc à proportion des revenus des biens fonds. Les uns font naître ces richesses par la culture; les autres les préparent pour la joüissance; ceux qui en joüissent payent les uns & les autres. Il faut donc des biens-fonds, des hommes & des richesses pour avoir des richesses & des hommes. Ainsi un état qui ne seroit peuplé que de marchands & d'artisans, ne pourroit subsister que par les revenus des biens-fonds des étrangers. II. Les travaux d'industrie contribuent à la population & à l'accroissement des richesses . Si une nation gagne avec l'étranger par sa main-d'oeuvre un million sur les marchandises fabriquées chez elle, & si elle vend aussi à l'étranger pour un million de denrées de son crû, l'un & l'autre de ces produits sont également pour elle un surcroît de richesses, & lui sont également avantageux, pourvû qu'elle ait plus d'hommes que le revenu du sol du royaume n'en peut entretenir; car alors une partie de ces hommes ne peuvent subsister que par des marchandises de main-d'oeuvre qu'elle vend à l'etranger. Dans ce cas une nation tire du sol & des hommes tout le produit qu'elle en peut tirer; mais elle gagne beaucoup plus sur la vente d'un million de marchandises de son crû, que sur la vente d'un million de marchandises de main-d'oeuvre, parce qu'elle ne gagne sur celles-ci que le prix du travail de l'artisan, & qu'elle gagne sur les autres le prix du travail de la culture & le prix des matieres produites par le sol. Ainsi dans l'égalité des sommes tirées de la vente de ces différentes marchandises, le commerce du crû est toûjours par proportion beaucoup plus avantageux. III. Les travaux d'industrie qui occupent les hommes au préjudice de la culture des biens-fonds, nuisent à la population & à l'accroissement des richesses . Si une nation qui vend à l'etranger pour un million de marchandises de main-d'oeuvre, & pour un million de marchandises de son crû, n'a pas assez d'nommes occupés à faire valoir les biens-fonds, elle perd beaucoup sur l'emploi des hommes attachés à la fabrication des marchandises de main-d'oeuvre qu'elle vend à l'étranger; parce que les hommes ne peuvent alors se livrer à ce travail, qu'au préjudice du revenu du sol, & que le produit du travail des hommes qui cultivent la terre, peut être le double & le triple de celui de la fabrication des marchandises de main-d'oeuvre. IV. Les richesses des cultivateurs font naître les richesses de la culture . Le produit du travail de la culture peut être nul ou presque nul pour l'état, quand le cultivateur ne peut pas faire les frais d'une bonne culture. Un homme pauvre qui ne tire de la terre par son travail que des denrées de peu de valeur, comme des pommes de terre, du ble noir, des châtaignes, &c. qui s'en nourrit, qui n'achete rien & ne vend rien, ne travaille que pour lui seul: il vit dans la misere; lui, & la terre qu'il cultive, ne rapportent rien à l'état. Tel est l'effet de l'indigence dans les provinces où il n'y a pas de laboureurs en état d'employer les paysans, & où ces paysans trop pauvres ne peuvent se procurer par eux-mêmes que de mauvais alimens & de mauvais vêtemens. Ainsi l'emploi des hommes à la culture peut être infructueux dans un royaume ou ils n'ont pas les richesses necessaires pour préparer la terre à porter de riches moissons. Mais les revenus des biensfonds sont toûjours assûrés dans un royaume bien peuplé de riches laboureurs. V. Les travaux de l'industrie contribuent a l'augmentation des revenus des biens-fonds, & les revenus des biens-fonds soutiennent les travaux d'industrie . Une nation qui, par la fertilité de son sol, & par la difficulté des transports, auroit annuellement une surabondance de denrées qu'elle ne pourroit vendre à ses voisins, & qui pourroit leur vendre des marchandises de main-d'oeuvre faciles à transporter, auroit intérêt d'attirer chez elle beaucoup de fabriquans & d'artisans qui consommeroient les denrees du pays, qui vendroient leurs ouvrages à l'etranger, & qui augmenteroient les richesses de la nation par leurs gains & par leur consommation. Mais alors cet arrangement n'est pas facile; parce que les fabriquans & artisans ne se rassemblent dans un pays qu'à proportion des revenus actuels de la nation; c'est-à-dire à proportion qu'il y a des propriétaires ou des marchands qui peuvent acheter leurs ouvrages à-peu-près aussi cher qu'ils les vendroient ailleurs, & qui leur en procureroient le débit à mesure qu'ils les fabriqueroient; ce qui n'est guere possible chez une nation qui n'a pas elle-même le débit de ses denrées, & où la non-valeur de ces mêmes denrées ne produit pas actuellement assez de revenu pour établir des manufactures & des travaux de main-d'oeuvre. Un tel projet ne peut s'exécuter que fort lentement. Plusieurs nations qui l'ont tenté ont même éprouvé l'impossibilité d'y réussir. C'est le seul cas cependant ou le gouvernement pourroit s'occuper utilement des progres de l'industrie dans un royaume fertile. Car lorsque le commerce du crû est facile & libre, les travaux de main-d'oeuvre sont toûjours assûrés infailliblement par les revenus des biens-fonds. VI. Une nation qui a un grand commerce de denrées de son crû, peut toûjours entretenir, du-moins pour elle, un grand commerce de marchandises de main-d'oeuvre . Car elle peut toûjours payer à proportion des revenus de ses biens-fonds les ouvriers qui fabriquent les ouvrages de main d'oeuvre, dont elle a besoin. Ainsi le commerce d'ouvrages d'industrie appartient aussi sûrement à cette nation, que le commerce des denrées de son crû. VII. Une nation qui a peu de commerce de denrées de son crû, & qui est reduite pour subsister à un commerce d'industrie, est dans un état précaire & incertain . Car son commerce peut lui être enlevé par d'autres nations rivales qui se livreroient avec plus de succès à ce même commerce. D'ailleurs cette nation est toûjours tributaire & dépendante de celles qui lui vendent les matieres de premier besoin. Elle est réduite à une économie rigoureuse, parce qu'elle n'a point de revenu à dépenser; & qu'elle ne peut étendre & soûtenir son trafic, son industrie & sa navigation, que par l'épargne; au lieu que celles qui ont des biens-fonds, augmentent leurs revenus par leur consommation. VIII. Un grand commerce intérieur de marchandises de main-d'oeuvre ne peut subsister que par les revenus des biens-fonds . Il faut examiner dans un royaume la proportion du commerce extérieur & du commerce intérieur d'ouvrages d'industrie; car si le commerce intérieur de marchandises de main-d'oeuvre étoit, par exemple, de trois millions, & le commerce exterieur d'un million, les trois quarts de tout ce commerce de marchandises de main-d'oeuvre seroient payées par les revenus des biens-fonds de la nation, puisque l'etranger n'en payeroit qu'un quart. Dans ce cas, les revenus des biens-fonds seroient la principale richesse du royaume. Alors le principal objet du gouvernement seroit de veiller à l'entretien & à l'accroissement des revenus des biensfonds. Les movens consistent dans la liberté du commerce & dans la conservation des richesses des cultivateurs. Sans ces conditions, les revenus, la population, & les produits de l'industrie s'anéantissent. L'agriculture produit deux sortes de richesses: savoir le produit annuel des revenus des propriétaires, & la restitution des frais de la culture. Les revenus doivent être dépensés pour être distribues annuellement à tous les citoyens, & pour subvenir aux subsides de l'etat. Les richesses employées aux frais de la culture, doivent être reservées aux cultivateurs, & être exemptes de toutes impositions; car si on les enleve, on detruit l'agriculture, on supprime les gains des habitans de la campagne, & on arrête la source des revenus de l'état. IX. Une nation qui a un grand territoire, & qui fait baisser le prix des denrées de son crû pour favoriser la fabrication des ouvrages de main-d'oeuvre, se detruit de toutes parts . Car si le cultivateur n'est pas dedommagé des grands frais que la culture exige, & s'il ne gagne pas, l'agriculture périt; la nation perd les revenus de ses biens-fonds; les travaux des ouvrages de main-d'oeuvre diminuent, parce que ces travaux ne peuvent plus être payés par les propriétaires des biens-fonds; le pays se dépeuple par la misere & par la desertion des fabriquans, artisans, manouvriers & paysans, qui ne peuvent subsister qu'à proportion des gains que leur procurent les revenus de la nation. Alors les forces du royaume se détruisent; les richesses s'anéantissent, les impositions surchargent les peuples, & les revenus du souverain diminuent. Ainsi une conduite aussi mal entendue suffiroit seule pour ruiner un etat. X. Les avantages du commerce exterieur ne consistent pas dans l'accroissement des richesses pécuniaires . Le surcroît de richesses que procure le commerce extérieur d'une nation, peut n'etre pas un surcroît de richesses pécuniaires, parce que le commerce extérieur peut se faire avec l'etranger par échange d'autres marchandises qui se consomment par cette nation. Mais ce n'est pas moins pour cette même nation une richesse dont elle joüit, & qu'elle pourroit par économie convertir en richesses pécuniaires pour d'autres usages. D'ailleurs les denrées envisagées comme marchandises, sont tout ensemble richesses pécuniaires & richesses réelles. Un laboureur qui vend son blé à un marchand, est payé en argent; il paye avec cet argent le propriétaire, la taille, ses domestiques, ses ouvriers, & achete les marchandises dont il a besoin. Le marchand qui vend le blé à l'étranger, & qui achete de lui une autre marchandise, ou qui commerce avec lui par échange, revend à son retour la marchandise qu'il a rapportée, & avec l'argent qu'il reçoit, il rachete du blé. Le blé envisagé comme marchandise, est donc une richesse pécuniaire pour les vendeurs, & une richesse réelle pour les acheteurs. Ainsi les denrées qui peuvent se vendre, doivent toûjours être regardées indifféremment dans un état comme richesses pécuniaires & comme richesses réelles, dont les sujets peuvent user comme il leur convient. Les richesses d'une nation ne se reglent pas par la masse des richesses pécuniaires. Celles-ci peuvent augmenter ou diminuer sans qu'on s'en apperçoive; car elles sont toûjours effectives dans un état par leur quantité, ou par la célérité de leur circulation, à raison de l'abondance & de la valeur des denrées. L'Espagne qui joüit des thrésors du Pérou, est toûjours épuisée par ses besoins. L'Angleterre soûtient son opulence par ses richesses réelles; le papier qui y représente l'argent a une valeur assûrée par le commerce & par les revenus des biens de la nation. Ce n'est donc pas le plus ou le moins de richesses pécuniaires qui décide des richesses d'un état; & les défenses de sortir de l'argent d'un royaume au préjudice d'un commerce profitable, ne peuvent être fondées que sur quelque préjugé desavantageux. Il faut pour le soûtien d'un état de véritables richesses, c'est-à-dire des richesses toûjours renaissantes, toûjours recherchées & toûjours payées, pour en avoir la joüissance, pour se procurer des commodites, & pour satisfaire aux besoins de la vie. XI. On ne peut connoitre par l'état de la balance du commerce entre diverses nations, l'avantage du commerce & l'etat des richesses de chaque nation . Car des nations peuvent être plus riches en hommes & en biens-fonds que les autres; & celles-ci peuvent avoir moins de commerce intérieur, faire moins de consommation, & avoir plus de commerce extérieur que celles-là. D'ailleurs quelques-unes de ces nations peuvent avoir plus de commerce de trafic que les autres. Le commerce qui leur rend le prix de l'achat des marchandises qu'elles revendent, forme un plus gros objet dans la balance, sans que le fond de ce commerce leur soit aussi avantageux que celui d'un moindre commerce des autres nations, qui vendent à l'etranger leurs propres productions. Le commerce des marchandises de main-d'oeuvre en impose aussi, parce qu'on confond dans le produit le prix des matieres premieres, qui doit être distingué de celui du travail de fabrication. XII. C'est par le commerce intérieur & par le commerce exterieur, & sur-tout par l'état du commerce intérieur, qu'on peut juger de la richesse d'une nation . Car si elle fait une grande consommation de ses denrées à haut prix, ses richesses seront proportionnées à l'abondance & au prix des denrées qu'elle consomme; parce que ces mêmes denrées sont réellement des richesses en raison de leur abondance & de leur cherté; & elles peuvent par la vente qu'on en pourroit faire, être susceptibles de tout autre emploi dans les besoins extraordinaires. Il suffit d'en avoir le fonds en richesses réelles. XIII. Une nation ne doit point envier le commerce de ses voisins quand elle tire de son sol, de ses hommes, & de sa navigation, le meilleur produit possible . Car elle ne pourroit rien entreprendre par mauvaise intention contre le commerce de ses voisins, sans déranger son etat, & sans se nuire à elle-même; sur-tout dans le commerce réciproque qu'elle a établi avec eux. Ainsi les nations commerçantes rivales, & même ennemies, doivent être plus attentives à maintenir ou à étendre, s'il est possible, leur propre commerce, qu'à chercher à nuire directement à celui des autres. Elles doivent même le favoriser, parce que le commerce réciproque des nations se soûtient mutuellement par les richesses des vendeurs & des acheteurs. XIV. Dans le commerce réciproque, les nations qui vendent les marchandises les plus nécessaires ou les plus utiles, ont l'avantage sur celles qui vendent les marchandises de luxe . Une nation qui est assûrée par ses biens-fonds d'un commerce de denrees de son crû, & par conséquent aussi d'un commerce intérieur de marchandises de main-d'oeuvre, est indépendante des autres nations. Elle ne commerce avec celles-ci que pour entretenir, faciliter, & étendre son commerce extérieur; & elle doit, autant qu'il est possible, pour conserver son indépendance & son avantage dans le commerce réciproque, ne tirer d'elles que des marchandises de luxe, & leur vendre des marchandises nécessaires aux besoins de la vie. Elles croiront que par la valeur réelle de ces différentes marchandises, ce commerce réciproque leur est plus favorable. Mais l'avantage est toûjours pour la nation qui vend les marchandises les plus utiles & les plus nécessaires. Car alors son commerce est établi sur le besoin des autres; elle ne leur vend que son superflu, & ses achats ne portent que sur son opulence. Ceux-là ont plus d'intérêt de lui vendre, qu'elle n'a besoin d'acheter; & elle peut plus facilement se retrancher sur le luxe, que les autres ne peuvent épargner sur le nécessaire. Il faut même remarquer que les états qui se livrent aux manufactures de luxe, éprouvent des vicissitudes fâcheuses. Car lorsque les tems sont malheureux, le commerce de luxe languit, & les ouvriers se trouvent sans pain & sans emploi. La France pourroit, le commerce étant libre, produire abondamment les denrées de premier besoin, qui pourroient suffire a une grande consommation & à un grand commerce exterieur, & qui pourroient soûtenir dans le royaume un grand commerce d'ouvrages de main-d'oeuvre. Mais l'état de sa population ne lui permet pas d'employer beaucoup d'hommes aux ouvrages de luxe; & elle a même intérêt pour faciliter le commerce extérieur des marchandises de son crû, d'entretenir par l'achat des marchandises de luxe, un commerce réciproque avec l'étranger. D'ailleurs elle ne doit pas pretendre pleinement à un commerce général. Elle doit en sacrifier quelques branches les moins importantes à l'avantage des autres parties qui lui sont les plus profitables, & qui augmenteroient & assureroient les revenus des biensfonds du royaume. Cependant tout commerce doit être libre, parce qu'il est de l'intéret des marchands de s'attacher aux branches de commerce extérieur les plus sûres & les plus profitables. Il suffit au gouvernement de veiller à l'accroissement des revenus des biens du royaume, de ne point gêner l'industrie, de laisser aux citoyens la facilité & le choix des dépenses. De ranimer l'agriculture par l'activité du commerce dans les provinces où les denrées sont tombées en non-valeur. De supprimer les prohibitions & les empêchemens préjudiciables au commerce. intérieur & au commerce réciproque extérieur. D'abolir ou de modérer les droits excessifs de riviere & de péage, qui détruisent les revenus des provinces éloignées, ou les denrées ne peuvent être commerçables que par de longs transports; ceux à qui ces droits appartiennent, seront suffisamment dédommagés par leur part de l'accroissement général des revenus des biens du royaume. Il n'est pas moins nécessaire d'éteindre les priviléges surpris par des provinces, par des villes, par des communautés, pour leurs avantages particuliers. Il est important aussi de faciliter par-tout les communications & les transports des marchandises par les réparations des chemins & la navigation des rivieres ( f ). Il est encore essentiel de ne pas assujettir le commerce des denrées des provinces à des défenses & à des permissions passageres & arbitraires, qui ruinent les campagnes sous le prétexte captieux d'assûrer l'abondance dans les villes. Les villes subsistent par les depenses des propriétaires qui les habitent; ainsi en détruisant les revenus des biens-fonds, ce n'est ni favoriser les villes, ni procurer le bien de l'état. Le gouvernement des revenus de la nation ne doit pas être abandonné à la discrétion ou à l'autorité de l'administration subalterne & particuliere. On ne doit point borner l'exportation des grains à des provinces particulieres, parce qu'elles s'épuisent avant que les autres provinces puissent les regarnir; & les habitans peuvent être exposés pendant quelques mois à une disette que l'on attribue avec raison à l'exportation. Mais quand la liberté d'exporter est générale, la levée des grains n'est pas sensible; parce que les marchands tirent de toutes les parties du royaume, & sur-tout des provinces où les grains sont à bas prix. Alors il n'y a plus de provinces où les denrées soient en non-valeur. L'agriculture se ranime partout à proportion du debit. Les progres du commerce & de l'agriculture marchent ensemble; & l'exportation n'enleve jamais qu'un superflu qui n'existeroit pas sans elle. & qui entretient toûjours l'abondance & augmente les revenus du royaume. Cet accroissement de revenus augmente la population & la consommation, parce que les dépenses augmentent & procurent des gains qui attirent les hommes. Par ces progrès un royaume peut parvenir en peu de tems à un haut degre de force & de prospérité. Ainsi par des moyens bien simples, un souverain peut faire dans ses propres états des conquêtes bien plus avantageuses que celles qu'il entreprendroit sur ( f ) Les chemins ruraux ou de communication avec les grandes routes, les villes & les marchés, manquent ou sont mauvais presque par-tout dans les provinces, ce qui est un grand obstacle a l'activité du Commerce. Cependant il semble qu'on pourroit y remédier en peu d'années; les propriétaires sont trop intéressés à la vente des denrées que produisent leurs biens, pour qu'ils ne voulussent pas contribuer aux dépenses de la réparation de ces chemins. On pourroit donc les imposer pour une petite taxe réglée au sou la livre de la taille de leurs fermiers, & dont les fermiers & les paysans sans bien seroient exempts. Les chemins à réparer seroient décidés par MM. les intendan, dans chaque district, après avoir consulté les habitans, qut ensuite les seroient exécuter par des entrepreneurs. On répareroit d'abord les endroit; les plus impraticables, & on perfectionneroit successivement les chemins; les fermiers & paysans seroient ensuite chargés de les entretenir. On pourroit faire avec les provinces de pareils arrangemens pour les rivieres qui peuvent être rendues navigables. Il y a des provinces qui ont si bien reconnu l'utilité de ces travaux, qu'elles ont demandé elles-mêmes à être autorisées à en faire les dépenses; mais les besoins de l'état ont quelquefois enlevé les fonds que l'on y avoit destinés: ces mauvais succès ont étouffé des dispositions ti avantageuses au bien de l'état. ses voisins. Les progrès sont rapides; sous Henri IV. le royaume épuisé, chargé de dettes, devint bientôt un pays d'abondance & de richesses. Voyez Impôt . Observations sur la nécessité des richesses pour la culture des grains . Il ne faut jamais oublier que cet état de prospérité auquel nous pouvons prétendre, seroit bien moins le fruit des travaux du laboureur, que le produit des richesses qu'il pourroit employer à la culture des terres. Ce sont les fumiers qui procurent de riches moissons; ce sont les bestiaux qui produisent les fumiers; c'est l'argent qui donne les bestiaux, & qui fournit les hommes pour les gouverner. On a vû par les détails précédens, que les frais de trente millions d'arpens de terre traites par la petite culture, ne sont que de 285 millions; & que ceux que l'on feroit pour 30 millions d'arpens bien traités par la grande culture, seroient de 710 millions; mais dans le premier cas le produit n'est que de 390 millions: & dans le second il seroit de 1, 378, 000000. De plus grands frais produiroient encore de plus grands profits; la dépense & les hommes qu'exige de plus la bonne culture pour l'achat & le gouvernement des bestiaux, procurent de leur côté un produit qui n'est guere moins considérable que celui des récoltes. La mauvaise culture exige cependant beaucoup de travail; mais le cultivateur ne pouvant faire les dépenses nécessaires, ses travaux sont infructueux; il succombe: & les bourgeois imbécilles attribuent ses mauvais succès à la paresse. Ils croyent sans doute qu'il suffit de labourer, de tourmenter la terre pour la forcer à porter de bonnes récoltes; on s'applaudit lorsqu'on dit à un homme pauvre qui n'est pas occupé, va labourer la terre . Ce sont les chevaux, les boeufs, & non les hommes, qui doivent labourer la terre. Ce sont les troupeaux qui doivent la fertiliser; sans ces secours elle récompense peu les travaux des cultivateurs. Ne sait-on pas d'ailleurs qu'elle ne fait point les avances, qu'elle fait au contraire attendre long-tems la moisson? Quel pourroit donc être le sort de cet homme indigent à qui l'on dit va labourer la terre? Peut-il cultiver pour son propre compte? trouvera-t-il de l'ouvrage chez les fermiers s'ils sont pauvres? Ceux-ci dans l'impuissance de faire les frais d'une bonne culture, hors d'état de payer le salaire des domestiques & des ouvriers, ne peuvent occuper les paysans. La terre sans engrais & presqu'inculte ne peut que laisser languir les uns & les autres dans la misere. Il faut encore observer que tous les habitans du royaume doivent profiter des avantages de la bonne culture, pour qu'elle puisse se soûtenir & produire de grands revenus au souverain. C'est en augmentant les revenus des proprietaires & les profits des fermiers, qu'elle procure des gains à tous les autres états, & qu'elle entretient une consommation & des dépenses qui la soûtiennent elle-même. Mais si les impositions du souverain sont établies sur le cultivateur même, si elles enlevent ses profits, la culture dépérit, les revenus des proprietaires diminuent; d'où résulte une épargne inévitable qui influe sur les stipendiés, les marchands, les ouvriers, les domestiques: le système général des dépenses, des travaux, des gains, & de la consommation, est dérangé; l'état s'affoiblit; l'imposition devient de plus en plus destructive. Un royaume ne peut donc être florissant & formidable que par les productions qui se renouvellent ou qui renaissent continuellement de la richesse même d'un peuple nombreux & actif, dont l'industrie est soûtenue & animée par le gouvernement. On s'est imaginé que le trouble que peut causer le gouvernement dans la fortune des particuliers, est indifférent à l'état; parce que, dit-on, si les uns deviennent riches aux dépens des autres, la richesse existe également dans le royaume. Cette idée est fausse & absurde; car les richesses d'un état ne se soûtiennent pas par elles-mêmes, elles ne se conservent & s'augmentent qu'autant qu'elles se renouvellent par leur emploi dirigé avec intelligence. Si le cultivateur est ruiné par le financier, les revenus du royaume sont anéantis, le commerce & l'industrie languissent; l'ouvrier manque de travail; le souverain, les propriétaires, le clergé, sont prives des revenus; les depenses & les gains sont abolis; les richesses renfermées dans les coffres du financier, sont infructueuses, ou si elles sont placées à intérêt, elles surchargent l'état. Il faut donc que le gouvernement soit très-attentif à conserver à toutes les professions productrices, les richesses qui leur sont nécessaires pour la production & l'accroissement des richesses du royaume. Observations sur la population soûtenue par la culture des grains . Enfin on doit reconnoitre que les productions de la terre ne sont point des richesses par elles-mêmes; qu'elles ne sont des richesses qu'autant qu'elles sont nécessaires aux hommes, & qu'autant qu'elles sont commerçables: elles ne sont donc des richesses qu'à proportion de leur consommation & de la quantité des hommes qui en ont besoin. Chaque homme qui vit en société n'étend pas son travail à tous ses besoins; mais par la vente de ce que produit son travail, il se procure ce qui lui manque. Ainsi tout devient commerçable, tout devient richesse par un trafic mutuel entre les hommes. Si le nombre des hommes diminue d'un tiers dans un état, les richesses doivent y diminuer des deux tiers, parce que la dépense & le produit de chaque homme forment une double richesse dans la société. Il y avoit environ 24 millions d'hommes dans le royaume il y a cent ans: après des guerres presque continuelles pendant quarante ans, & après la révocation de l'édit de Nantes, il s'en est trouvé encore par le dénombrement de 1700, dix-neuf millions cinq cents mille; mais la guerre ruineuse de la succession à la couronne d'Espagne, la diminution des revenus du royaume, causée par la gêne du Commerce & par les impositions arbitraires, la misere des campagnes, la desertion hors du royaume, l'affluence de domestiques que la pauvreté & la milice obligent de se retirer dans les grandes villes où la debauche leur tient lieu de mariage; les desordres du luxe, dont on se dédommage malheureusement par une économie sur la propagation; toutes ces causes n'autorisent que trop l'opinion de ceux qui réduisent aujourd'hui le nombre d'hommes du royaume à seize millions; & il y en a un grand nombre à la campagne réduits à se procurer leur nourriture par la culture du blé noir ou d'autres grains de vil prix; ainsi ils sont aussi peu utiles à l'état par leur travail que par leur consommation. Le paysan n'est utile dans la campagne qu'autant qu'il produit & qu'il gagne par son travail, & qu'autant que sa consommation en bons alimens & en bons vêtemens contribue à soûtenir le prix des denrées & le revenu des biens, à augmenter & à faire gagner les fabriquans & les artisans, qui tous peuvent payer au roi des subsides à proportion des produits & des gains. Ainsi on doit appercevoir que si la misere augmentoit, ou que si le royaume perdoit encore quelques millions d'hommes, les richesses actuelles y diminueroient excessivement, & d'autres nations tireroient un double avantage de ce desastre: mais si la population se réduisoit à moitié de ce qu'elle doit être, c'est-à-dire de ce qu'elle étoit il y a cent ans, le royaume seroit dévasté; il n'y auroit que quelques villes ou quelques provinces commerçantes qui seroient habitées, le reste du royaume seroit inculte; les biens ne produiroient plus de revenus; les terres seroient par-tout surabondantes & abandonnées à qui voudroit en joüir, sans payer ni connoitre de proprietaires. Les terres, je le répete, ne sont des richesses que parce que leurs productions sont nécessaires pour satisfaire aux besoins des hommes, & que ce sont ces besoins eux-mêmes qui établissent les richesses: ainsi plus il y a d'hommes dans un royaume dont le territoire est fort étendu & fertile, plus il y a de richesses. C'est la culture animée par le besoin des hommes, qui en est la source la plus féconde, & le principal soutien de la population; elle fournit les matieres nécessaires à nos besoins, & procure des revenus au souverain & aux propriétaires. La population s'accroit beaucoup plus par les revenus & par les dépenses que par la propagation de la nation même. Observations sur le prix des grains . Les revenus multiplient les dépenses, & les dépenses attirent les hommes qui cherchent le gain; les étrangers quittent leur patrie pour venir participer à l'aisance d'une nation opulente, & leur affluence augmente encore ses richesses, en soûtenant par la consommation le bon prix des productions de l'agriculture, & en provoquant par le bon prix l'abondance de ces productions: car non-seulement le bon prix favorise les progres de l'agriculture, mais c'est dans le bon prix même que consistent les richesses qu'elle procure. La valeur d'un septier de blé considéré comme richesse, ne consiste que dans son prix: ainsi plus le blé, le vin, les laines, les bestiaux, sont chers & abondans, plus il y a de richesse dans l'état. La non-valeur avec l'abondance n'est point richesse. La cherté avec pénurie est misere. L'abondance avec cherté est opulence . J'entends une cherté & une abondance permanentes; car une cherté passagere ne procureroit pas une distribution générale de richesses à toute la nation, elle n'augmenteroit pas les revenus des propriétaires ni les revenus du Roi; elle ne seroit avantageuse qu'à quelques particuliers qui auroient alors des denrées à vendre à haut prix. Les denrées ne peuvent donc être des richesses pour toute nation, que par l'abondance & par le bon prix entretenu constamment par une bonne culture, par une grande consommation, & par un commerce extérieur: on doit même reconnoître que relativement à toute une nation, l'abondance & un bon prix qui a cours chez l'étranger, est grande richesse pour cette nation, sur-tout si cette richesse consiste dans les productions de l'agriculture; car c'est une richesse en propriété bornée dans chaque royaume au territoire qui peut la produire: ainsi elle est toûjours par son abondance & par sa cherté à l'avantage de la nation qui en a le plus & qui en vend aux autres: car plus un royaume peut se procurer de richesses en argent, plus il est puissant, & plus les facultés des particuliers sont étendues, parce que l'argent est la seule richesse qui puisse se prêter à tous les usages, & décider de la force des nations relativement les unes aux autres. Les nations sont pauvres par-tout où les productions du pays les plus nécessaires à la vie, sont à bas prix; ces productions sont les biens les plus precieux & les plus commerçables, elles ne peuvent tomber en non-valeur que par le défaut de population & de commerce extérieur. Dans ces cas, la source des richesses pécuniaires se perd dans des pays privés des avantages du Commerce, où les hommes réduits rigoureusement aux biens nécessaires pour exister, ne peuvent se procurer ceux qu'il leur faut pour satisfaire aux autres besoins de la vie & à la sûreté de leur patrie: telles sont nos provinces où les denrées sont à vil prix, ces pays d'abondance & de pauvreté, où un travail forcé & une épargne outrée ne sont pas même des ressources pour se procurer de l'argent. Quand les denrées sont cheres, & quand les revenus & les gains augmentent à proportion, on peut par des arrangemens économiques, diversifier les dépenses, payer des dettes, faire des acquisitions, établir des enfans, &c. C'est dans la possibilité de ces arrangemens que consiste l'aisance qui résulte du bon prix des denrées. C'est pourquoi les villes & les provinces d'un royaume où les denrées sont cheres, sont plus habitées que celles ou toutes les denrées sont à trop bas prix, parce que ce bas prix éteint les revenus, retranche les dépenses, détruit le Commerce, supprime les gains de toutes les autres professions, les travaux & les salaires des artisans & manouvriers: de plus il anéantit les revenus du Roi, parce que la plus grande partie du Commerce pour la consommation se fait par échange de denrées, & ne contribue point à la circulation de l'argent; ce qui ne procure point de droits au roi sur la consommation des subsistances de ces provinces, & très-peu sur les revenus des biens. Quand le Commerce est libre, la cherté des denrées a nécessairement ses bornes fixées par les prix mêmes des denrées des autres nations qui étendent leur commerce par-tout. Il n'en est pas de même de la non-valeur ou de la cherté des denrées causées par le défaut de liberté du Commerce; elles se succedent tour à tour & irrégulierement, elles sont l'une & l'autre fort desavantageuses, & dépendent presque toûjours d'un vice du gouvernement. Le bon prix ordinaire du blé qui procure de si grands revenus à l'état, n'est point préjudiciable au bas peuple. Un homme consomme trois septiers de blé: si à cause du bon prix il achetoit chaque septier quatre livres plus cher, ce prix augmenteroit au plus sa dépense d'un sou par jour, son salaire augmenteroit aussi à proportion, & cette augmentation seroit peu de chose pour ceux qui la payeroient, en comparaison des richesses qui résulteroient du bon prix du blé. Ainsi les avantages du bon prix du blé ne sont point détruits par l'augmentation du salaire des ouvriers; car alors il s'en faut beaucoup que cette augmentation approche de celle du profit des fermiers, de celle des revenus des propriétaires, de celle du produit des dixmes, & de celle des revenus du roi. Il est aisé d'appercevoir aussi que ces avantages n'auroient pas augmenté d'un vingtieme, peut-être pas même d'un quarantieme de plus le prix de la main-d'oeuvre des manufactures, qui ont déterminé imprudemment à défendre l'exportation de nos blés, & qui ont causé à l'état une perte immense. C'est d'ailleurs un grand inconvénient que d'accoûtumer le même peuple à acheter le blé à trop bas prix; il en devient moins laborieux, il se nourrit de pain à peu de frais, & devient paresseux & arrogant; les laboureurs trouvent difficilement des ouvriers & des domestiques; aussi sont-ils fort mal servis dans les années abondantes. Il est important que le petit peuple gagne davantage, & qu'il soit pressé par le besoin de gagner. Dans le siecle passé où le blé se vendoit beaucoup plus cher, le peuple y étoit accoûtumé, il gagnoit à proportion, il devoit être plus laborieux & plus à son aise. Ainsi nous n'entendons pas ici par le mot de cherté , un prix qui puisse jamais être excessif, mais seulement un prix commun entre nous & l'étranger; car dans la supposition de la liberté du commerce extérieur, le prix sera toûjours réglé par la concurrence du commerce des denrées des nations voisines. Ceux qui n'envisagent pas dans toute son étendue la distribution des richesses d'un état, peuvent objecter que la cherté n'est avantageuse que pour les vendeurs, & qu'elle appauvrit ceux qui achetent; qu'ainsi elle diminue les richesses des uns autant qu'elle augmente celles des autres. La cherté, selon ces idées, ne peut donc pas être dans aucun cas une augmentation de richesses dans l'etat. Mais la cherté & l'abondance des productions de l'Agriculture n'augmentent-elles pas les profits des cultivateurs, les revenus du roi, des propriétaires, & des bénéficiers qui joüissent des dixmes? ces richesses elles-mêmes n'augmentent-elles pas aussi les dépenses & les gains? le manouvrier, l'artisan, le manufacturier, &c. ne font-ils pas payer leur tems & leurs ouvrages à proportion de ce que leur coûte leur subsistance? Plus il y a de revenus dans un état, plus le Commerce, les manufactures, les Arts, les Métiers, & les autres professions deviennent nécessaires & lucratives. Mais cette prospérité ne peut subsistes que par le bon prix de nos denrées: car lorsque le gouvernement arrête le débit des productions de la terre, & lorsqu'il en fait baisser les prix, il s'oppose à l'abondance, & diminue les richesses de la nation à proportion qu'il fait tomber les prix des denrées qui se convertissent en argent. Cet état de bon prix & d'abondance a subsisté dans le royaume tant que nos grains ont été un objet de Commerce, que la culture des terres a été protégée, & que la population a été nombreuse; mais la gêne dans le commerce des blés, la forme de l'imposition des subsides, le mauvais emploi des hommes & des richesses aux manufactures de luxe, les guerres continuelles, & d'autres causes de dépopulation & d'indigence, ont détruit ces avantages; & l'état perd annuellement plus des trois quarts du produit qu'il retiroit il y a un siecle, de la culture des grains , sans y comprendre les autres pertes qui résultent nécessairement de cette énorme dégradation de l'Agriculture & de la population. Art. de M. Quesnay le fils . Pour ne point rendre cet article trop long, nous renvoyons à Nielle ce qui concerne les maladies des grains . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grains de Paradis, ou grand Cardamome Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grains de Paradis Grains de Paradis , ou grand Cardamome . Voyez Cardamome . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain de fin Author=unknown Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=NA Grain de fin Grain de fin , ( Chimie. Métall. ) petit bouton de fin qu'on retire du plomb, de la litharge, ou du verre de plomb, &c. qui doivent servir à coupeller l'argent: on l'appelle encore le témoin & le grain de plomb; derniere expression qui répond à l'idiome allemand qui exprime la même idée. Si l'on met du plomb marchand seul sur une coupelle, & qu'on l'y traite comme si l'on affinoit de l'argent, on trouve pour l'ordinaire à la fin de l'opération un petit point blanc, qui est le fin que contenoit ce plomb: mais cette quantité, pour si petite qu'elle soit, se trouve avec le culot qui est formé par le coupellement de l'argent avec le plomb, & l'augmente de poids: il faut donc trouver un moyen de l'en défalquer dans la pesée du bouton de fin; sans quoi on tomberoit dans l'erreur. Pour cela, on scorifie à part la même quantité de plomb qu'on a employée pour l'essai, & on le coupelle pour en avoir le témoin. On met ce témoin dans le plateau des poids avec lesquels on pese le culot; & par ce moyen en ne comptant que les poids, on soustrait celui du témoin du bouton de fin qui a reçû du plomb la même quantité d'argent étranger à la mine essayée. C'est ainsi qu'on se dispense des embarras du calcul & des erreurs qu'il peut entraîner. On peut être sûr que le bouton de fin a reçû la même accrétion de poids, puisque le plomb & sa quantité sont les mêmes; il y a pourtant certaines précautions à prendre pour garder cette exactitude: il faut grenailler à la fois une certaine quantité de plomb, & mêler le résultat avec un crible, parce que l'argent ne se distribue pas uniformément dans toute la masse du plomb. Voyez Lotissage . On a pour l'ordinaire autant de témoins qu'on employe de quantités différentes de grenaille, & la chose parle d'elle-même; si l'on en fait de nouvelle, il faut recommencer sur nouveaux frais: ainsi il en faut faire beaucoup à-la-fois; car le plomb de la même miniere ne contient pas la même quantité d'argent. Les produits d'une mine changent tous les jours; & d'ailleurs l'argent n'est pas répandu uniformément dans le même gâteau de plomb, comme nous l'avons déjà insinué, & comme nous le détaillerons plus particulierement à l' article Lotissage . C'est aussi par la même raison que ceux qui au lieu de grenailler leur plomb d'essai le réduisent en lamines qu'ils coupent de la grandeur que prescrit ce poids, & dont ils enveloppent l'essai, sont sujets à tomber dans l'erreur. Mais il ne suffit pas de s'être assûré de la quantité d'argent que contient le plomb, il faut aussi examiner sous ce même point de vûe tout ce qui sert aux essais & qui peut être soupçonné d'en augmenter le bouton; la litharge, le verre de plomb, le cuivre & le fer, &c. il faut avoir le grain de plomb de tous ces corps. Il est vrai que la plûpart du tems l'erreur qui en pourroit résulter ne seroit pas considérable; mais elle le deviendroit si elle étoit répétée, c'est à-dire si elle étoit une somme de celles qui pourroient venir de plusieurs causes à-la-fois. S'il se trouve de l'argent dans le plomb, le bismuth (car celui-ci sert aussi à coupeller) la litharge, &c. c'est qu'il n'y est pas en assez grande quantité pour défrayer des dépenses de l'affinage. D'ailleurs il y a des auteurs qui prétendent que si l'on coupelle de nouveau le plomb qui a été bu par la coupelle, on y trouve toûjours de l'argent: ainsi il ne peut y avoir de plomb sans argent, quoiqu'on dise qu'il s'en trouve. Voyez Cramer , Plomb , Fourneau , à la section des fourneaux de fusion; Mine perpétuelle de Bécher , Essai , Affinage & Raffinage de l'Argent, & Grenailler -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain de Plomb Author=unknown Normalized Classification=Chimie | Métallurgie Part of Speech=NA Grain de Plomb Grain de Plomb , ( Chimie. Métallurg. ) Voyez Grain de fin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=NA Grain Grain , ( Physique. ) on appelle de ce nom tous les coups de vent orageux qui sont accompagnés de pluie, de tonnerre, & d'éclairs, & l'on se sert du terme de grain-sec pour désigner ceux qui sont sans pluie. Voyez Ouragan . Hist. natur. du Sénégal, par M. Adanson. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Grain Grain , ( Art milit. ) dans l'artillerie est une opération dont on se sert pour corriger le défaut des lumieres des pieces de canon & mortiers qui se sont trop élargies. Ce grain n'est autre chose que de nouveau métal que l'on fait couler dans la lumiere pour la boucher entierement. Pour que ce nouveau métal s'unisse plus facilemement avec l'ancien, on fait chauffer la piece très-fortement, pour lui donner à-peu-près le même degré de chaleur que le métal fondu que l'on y coule: quand ce métal est refroidi, on perce une nouvelle lumiere à la piece; pour que le nouveau métal ne coule pas dans l'ame du canon par la lumiere, on y introduit du sable bien refoulé jusque vers les anses. Comme il est assez difficile que le nouveau métal dont on remplit la lumiere s'unisse parfaitement avec l'ancien, le chevalier de Saint-Julien propose, dans son livre de la forge de Vulcain , d'élargir la lumiere de deux pouces jusqu'à l'ame du canon, comme à l'ordinaire; de faire ensuite autour de cette ouverture, à trois ou quatre pouces de distance, quatre trous en quatre endroits différens, disposés de maniere qu'ils aillent se rencontrer obliquement vers le milieu de l'épaisseur de la lumiere; il faut que ces trous ayent au moins chacun un pouce de diametre. Il faut après cela prendre un instrument de bois à-peu-près comme un refouloir, qui soit exactement du calibre de la piece; sur la tête de cette espece de refouloir; il faut faire une entaille d'un demi-pouce de profondeur, coupée également suivant sa circonférence, ensorte que le fond de cette entaille donne une superficie convexe, parallele à celle de sa partie supérieure. On doit garnir l'entaille d'une ligne ou deux d'épaisseur, en lui donnant toûjours la forme convexe; après cela, il faut faire fondre cinq ou six cents livres de métal, bien chauffer le canon, & introduire dedans le refouloir dont nous venons de parler; son entaille doit répondre au trou de la lumiere. Le canon étant ensuite placé de maniere que le trou de la lumiere se trouve bien perpendiculaire à l'horison, il faut faire couler le métal dans tous les trous que l'on a percés, & après les en avoir remplis, & laissé refroidir le tout, la lumiere se trouvera exactement bouchée & en état de résister à tout l'effort de la poudre dont le canon sera chargé dans la suite; c'est ce que cette construction rend évident. Il est question après cela de retirer le refouloir; pour le faire plus facilement, on a la précaution de le construire de deux pieces, & en tirant celle de dessous, l'autre se détache aisément. On perce ensuite une nouvelle lumiere, avec un instrument appellé foret; & c'est la raison pour laquelle on dit indifféremment, dans l'usage ordinaire, percer ou forer une lumiere. Voyez Canon . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain Author=unknown Normalized Classification=Poids Part of Speech=NA Grain Grain , ( Poids. ) c'est la soixante-douzieme partie d'une dragme en France. Il y en a conséquemment 24 en un denier; 28 4/5 en un sterling; 14 2/3 en une maille; 7 1/5 en un felin. En Allemagne la dragme n'a que soixante grains . Cette dragme & ces grains sont différens de ceux de France Les grains d'Angleterre & de Hollande le sont aussi, &c. Voyez la section du poids de proportion à l'article Poids fictif . Le carat de diamans en France pese quatre grains réels. Celui de l'or est un poids imaginaire. Voyez Carat & Poids fictif Le poids de semelle pour l'argent est de trente-six grains réels. Celui pour l'or est de six grains , aussi réels en France. Voyez Poids fictif . Pour les matieres précieuses, le grain réel se divise en 1/2, en 1/4, en 1/8, &c. & il est toûjours constamment de même poids; mais le grain imaginaire, ou qui est une division d'un poids représentant, a une valeur proportionnée à ce poids. Voyez Poids fictif . La lentille des Romains, cens , pesoit un grain; leur aereole, aereolus , le cholcus des Grecs pesoit deux grains . La silique des Romains, le cération des Grecs, le kirac des Arabes, 4 grains . Le danich des Arabes, huit grains . L'obole des Romains, l'onolosat des Arabes, 12 grains . La dragme des Romains, 72 grains . En Pharmacie, le grain est ordinairement le plus petit poids. Ce n'est pas qu'on ne prenne des médicamens composés, où une drogue simple n'entre que pour un demi grain , un tiers, un quart, &c. de grain; mais ces fractions ne sont pas séparées de la masse totale, & se pesent en commun. Cependant il arrive quelquefois qu'une drogue simple est ordonnée à la quantité d'un demi-grain; & pour lors il faut avoir un poids particulier, pour n'être pas obligé de partager la pesée d'un grain . Ces poids sont faits d'une petite lame de laiton, assez étendue pour porter l'empreinte de sa valeur; & il faut convenir que ces sortes de poids sont plus justes que ceux qui leur ont donné leur nom. Je veux parler des grains d'orge qui ont servi d'abord à diviser notre denier, ou le scrupule de la Medecine en 24 parties. Il est vrai qu'on avoit la précaution de les prendre médiocrement gros; mais la masse n'est pas dans tous en même proportion avec le volume. D'ailleurs ces sortes de poids étoient sujets aux vicissitudes du sec & de l'humide, qui devoient y apporter des changemens considérables, sans compter qu'ils étoient rongés des insectes qui les diminuoient tout-d'un-coup d'un demi-grain , & conséquemment le médicament pesé: ensorte qu'on devoit être exposé à des inexactitudes continuelles. Dans les formules, le grain a pour caractere ses deux premieres lettres. Ainsi, prenez de tartre stibié gr. ij. signifie qu'on en prenne deux grains . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain Author=unknown Normalized Classification=Raffinerie Part of Speech=NA Grain Grain , en terme de Raffineur , est proprement le sucre coagulé qui forme ces sels luisans & semblables par leur grosseur aux grains de sable. On appelle encore de ce nom dans les raffineries, des sirops que la chaleur fait candir & attacher au fond du pot. Voyez Pot . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain d'Orge Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA Grain d'Orge Grain d'Orge , ( Medecine. ) maladie fréquente dans les cochons qu'on engraisse, & qui consiste en quantité de petites pelotes dures de la grosseur d'un grain d'orge , répandues sur toute la membrane cellulaire; ces grains ont leur siége dans les bulbes des poils, qui sont de vrais follicules adipeux, où l'injection d'eau & même de matiere céracée, pénetre aisément par les arteres. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain d'Orge Author=unknown Normalized Classification=Tourneur Part of Speech=NA Grain d'Orge Grain d'Orge , outil dont se servent les Tourneurs; il paroît être composé des biseaux droit & gauche. Voyez nos Planches du tour , où il est représenté vû par-dessous. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grain de Vent Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Grain de Vent Grain de Vent , ( Marine. ) se dit d'un nuage, d'un tourbillon en forme d'orage, qui ne fait que passer, mais qui donne du vent ou de la pluie, & souvent les deux ensemble: lorsqu'on l'apperçoit de loin, on se prépare, & l'on se tient aux drisses & aux écoutes pour les larguer s'il est nécessaire, ou faire d'autres manoeuvres selon le besoin. Il y a des grains si forts & si subits, qu'ils causent bien du desordre dans les voiles & les manoeuvres. On dit un grain pesant , lorsque le vent en est très-fort. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAINE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. GRAINE GRAINE, s. f. ( Botanique. ) semence que les plantes fournissent pour la conservation & la propagation de l'espece, après qu'elles ont produit leurs fleurs & leur fruit. M. Dodard définit la graine , un bourgeon de plante abregée, accompagné d'une pulpe qui lui tient lieu de placenta. La graine est souvent le fruit même de la plante, comme dans la plûpart des herbes potageres; quelquefois elle n'est que la partie renfermée dans le fruit en forme de grain, de pepin, de noyau; mais dans tous ces cas, c'est toûjours elle qui sert à multiplier l'espece. L'anatomie des graines , leur variété externe & interne, les voies dont la nature se sert pour les semer, & le secret de leur végétation seront à jamais l'objet des recherches & de l'admiration des Physiciens. Grew, qui a fait tant de curieuses observations sur cette matiere, a remarqué qu'en général les graines ont quatre enveloppes, dont la premiere s'appelle la capsule , qui ressemble quelquefois à une petite bourse, comme celle du cresson; quelquefois c'est une gousse, comme celle des légumes; quelquefois elle est divisée en deux, comme dans l'oseille & dans la renouée. La seconde & la troisieme enveloppe s'appellent les peaux de la graine , principalement dans les féves; leur couleur varie depuis le blanc jusqu'au noir de jay. La quatrieme & derniere enveloppe se peut nommer secondine , parce qu'elle est, pour ainsi dire, dans les plantes, ce que sont dans les animaux les membranes qui enveloppent le fétus: on la peut voir en enlevant fort adroitement les robes d'une féve nouvellement formée. La figure des graines est tantôt semblable à celle d'un rein, comme dans cette espece de ben appellée papaver spumeum: tantôt elle est triangulaire, comme dans l'oseille & dans le sceau de Salomon; quelquefois entre ronde & triangulaire, comme dans la menthe & dans la mélisse; quelquefois elle est ronde-plate, comme dans les giroflées & les amaranthes; quelquefois sphérique, comme dans les navets & dans le muguet des bois; quelquefois ovale, comme dans le peigne de Vénus & dans les tithymales; ou demi-ovale, comme dans l'anis & dans le fénouil, ou demi-ronde, comme dans la coriandre. On en trouve qui ont la forme d'une pique, comme dans la laitue; ou d'un cylindre, comme dans les jacobées; ou d'une pyramide, comme dans le bec de cicogne à feuilles de guimauve. Il y en a de lisses & polies, comme celles du scandix; d'autres qui sont bouillonnées, comme celles de l'herbe aux mittes; d'autres qui sont remplies de petites fosses exagones semblables aux rayons de miel, comme celles des pavots, de la jusquiame, du mufle de veau, & du passerage; d'autres qui sont percées comme des pierres ponces, telles que sont celles du grémil & du phalange de Candie. La graine de plusieurs plantes mâles est huileuse, & cette graine n'est autre chose qu'une espece de poussiere de diverses couleurs, qui dans les fleurs tient au sommet des étamines; elle est jaune dans le lis blanc, rouge dans le lis frisé, noire dans plusieurs especes de tulipes; toutes ces graines repoussent l'eau. Cela se voit fort bien dans la semence du pié de loup, lycopodium; car si on en enduit le fond d'un verre, on s'appercevra que l'eau qu'on y verse reçoit une surface convexe, & qu'une goutte d'eau y paroît sous la forme d'un globule rond: l'eau ne pénetrera pas un morceau de toile ou de papier, si on a eu soin de les frotter auparavant comme il faut avec la graine de cette mousse terrestre. Les peaux des graines de coignassier, de l'herbe aux puces, de la roquette, de la cameline, du cresson, du basilic, & de plusieurs autres, sont vernissées d'un mucilage qui s'évanoüit quand elles sont seches. Toutes les graines de plantes ont des enveloppes ou des étuis qui les mettent à couvert jusqu'à ce qu'elles soient jettées en terre; on les retourne, on les mesure, on les entasse sans danger, parce qu'elles sont enveloppées & garanties: les unes naissent dans le coeur des fruits, comme les pepins des pommes & des poires; d'autres viennent dans des gousses, comme les pois, les féves, les graines de pavot, le cacao. Il y en a qui outre la chair du fruit ont encore de grosses coques de bois plus ou moins dures, comme les noix, les amandes des abricots, des pêches, & d'autres fruits, tant des Indes orientales que des Indes occidentales. Plusieurs par-dessus leur coque de bois ont un brou amer comme nos noix; ou un fourreau hérissé de pointes, comme les châtaignes & les marrons d'Inde. Indépendamment des enveloppes extérieures, chaque graine a encore son épiderme ou sa peau, dans laquelle sont renfermés la pulpe & le germe. Toutes ces choses frappent les yeux, & bien davantage encore, quand on regarde les plus petites graines avec la lentille; car alors elles se montrent aussi différentes dans leur figure & dans leur caractere, que le sont tous les autres genres d'êtres de la création: mais si leur forme extérieure porte une si grande variété, leur structure interne etant artistement développée par des préparations & des sections, offre au microscope mille choses dignes d'admiration. Je suis fâché de n'en oser citer que quelques exemples. La graine de l'angélique est une des plus odorantes du monde: ôtez-en la premiere pellicule, & vous découvrirez au microscope ce qui produit sa charmante odeur; c'est une fine gomme ambrée, couchée par filets sur toutes les cannelures de cette semence. Faites une section longitudinale au grand cardamome, qu'on appelle autrement graine de paradis , vous appercevrez d'abord une substance poisseuse noire, contenant une matiere blanche en forme radiée, semblable à du sel très-blanc; & c'est aussi probablement un mélange de sel volatil & de concrétion farineuse, du-moins sa structure étoilée & son goût piquant favorisent cette opinion. Mais ce dont on ne peut douter, & qui est encore plus curieux, le centre de chaque graine est rempli d'un petit morceau de camphre parfait, le même, à tous égards, que celui de nos boutiques; il est toûjours de la figure des bouteilles qui ont un ventre large & arrondi, avec un cou long & étroit. La graine du grand érable, qu'on nomme improprement sycomore , présente au microscope un insecte qui a ses aîles étendues; les aîles sont finement vasculaires, & les enveloppes couvertes d'un duvet blanc & soyeux contiennent une petite pelote ronde & compacte. Après avoir ôté la pellicule brune qui y est fermement attachée, on découvre une plante toute verte, singulierement repliée; le pédicule a environ, 2/3, & chaque feuille séminale 6/8 de pouce de longueur: les germes y sont de la plus grande perfection. La poussiere des graines de la plûpart des pavots étant exposée au microscope, est transparente comme la graine même, & lui ressemble entierement. La substance farineuse des féves, des pois, du froment, de l'orge, & autres grains, est enfermée dans de petites membranes qui sont comme autant de petits sacs percés de trous à-travers desquels on peut voir la lumiere, & qui paroissent des restes de vaisseaux coupés; ensorte que probablement chaque particule de farine est nourrie par des vaisseaux dont on ne voit plus que des extrémités tronquées. Il est vraissemblable que toutes les graines farineuses sont formées de petits globules renfermés dans des membranes qui sont un amas de vaisseaux destinés à nourrir les divers globules qu'elles contiennent. L'huile des amandes & de toutes les graines oléagineuses, est contenue dans de petits vaisseaux qui vûs au microscope, naissent des membranes dont ils font partie. Comme la substance oléagineuse reçoit son accroissement des vaisseaux qui sont dans les cellules, & que la plante se ferine pendant le tems que la graine est en terre, les orifices sont formés de maniere à admettre le passage intérieur de l'humidité qu'ils attirent en eux pendant leur séjour en terre: ainsi la graine doit enfler successivement, & faire croitre la plante en grosseur, jusqu'à ce que la racine soit devenue capable de lui fournir par elle-même la nourriture de la terre. Le lecteur trouvera un nombre infini d'autres belles choses de ce genre, recueillies & décrites exactement par le docteur Parsons, dans son ouvrage intitulé A microscopic theatre of seeds . Je le cite en anglois, car nous n'avons pas été encore assez curieux pour le traduire en notre langue. Je remarquerai seulement en faveur de ceux qui voudront s'attacher à ces sortes d'observations, qu'elles demandent beaucoup d'adresse dans la dissection, & que la plûpart des especes de graines doivent être préparées pour l'examen microscopique en les trempant dans l'eau chaude, jusqu'à ce que leurs enveloppes soient enlevées; & alors, par exemple, leurs feuilles séminales peuvent être ouvertes sans déchirement. Ce n'est pas au hasard ni pour la simple vûe qu'est fait l'appareil merveilleux des graines; on sait aujourd'hui qu'il n'y a pas une seule plante dans le monde, grande, médiocre ou petite, qui puisse se produire sans graine , soit que la graine ait été mise dans les lieux mêmes où ces plantes naissent par la main du créateur ou de l'homme, soit qu'elle y ait été portée d'ailleurs au-travers de l'air par les pluies ou par les vents: il est vrai qu'on a été long-tems à chercher sans succès les graines des plantes capillaires, de plusieurs especes de fucus, de plantes marines, de mousses, &c. mais l'industrie du xvij. & du xviij. siecle, a découvert les graines de la plûpart de ces plantes, & nous sait présumer que les autres n'en sont pas destituées. Les graines de la fougere & des plantes capillaires, d'abord vûes par Caesius, ont été pleinement demontrees par M. Guillaume Cole & par Swammerdam. Voyez Fougere . Les graines de quelques plantes marines ont été découvertes par le comte de Marsigli & par M. de Reaumur. Voyez l'histoire de l'académie des Sciences, années 1711 & 1712 . Les graines de quelques especes de fucus ont été découvertes par M. Samuel Doody: celles de quelques coralloïdes, par le docteur Tancred Robinson; celles de plusieurs fungus, & en particulier des truffes, des vesses-de-loup, & d'autres de ce genre, par le docteur Lister. Voyez les Transactions philosophiques . Quand toutes ces découvertes n'existeroient pas, il suffit de considérer la structure admirable des plantes, pour juger qu'il est impossible qu'elle résulte du concours fortuit de quelques sucs diversement agités, & que ce concours fortuit produise régulierement dans chaque espece des plantes toûjours parfaitement semblables. Enfin Malpighi a prouvé par ses expériences, confirmées depuis par tous les Physiciens, qu'une terre qui ne reçoit aucune semence, ne produit rien: c'est donc une vérité de raisonnement & de fait, que toute plante vient d'une graine . Arrêtons-nous ici quelques momens à considérer les différentes voies dont se sert la nature pour semer les graines des plantes aussitôt qu'elles sont mûres; & c'est ce qu'elle exécute non-seulement en ouvrant la capsule où la graine est enfermée, mais aussi en donnant à la graine une structure convenable pour se répandre près ou loin. Or, 1°. les graines de plusieurs plantes qui demandent un terroir particulier, comme celles du pié-de-veau, du pavot, &c. sont assez pesantes & menues pour tomber droit en-bas & s'insinuer dans la terre, sans qu'elles ayent besoin d'autre secours: 2°. lorsqu'elles sont assez grosses & legeres pour pouvoir être enlevées par le vent, elles ont souvent un simple crochet comme la benoite, ou plusieurs petits crochets, qui les arrêtent & les empêchent d'être portées trop loin de leur place; telles sont les graines de l'aigremoine & du grateron: 3°. il y a au contraire des semences garnies d'ailes ou de plumes, tant pour être dispersées par le vent, lorsqu'elles sont mûres, comme celles du frêne, qu'afin qu'elles puissent s'écarter sans tomber les unes sur les autres; ainsi les graines de la dent de lion & la plûpart des graines à aigrettes, ont quantité de petites plumes longues qui les mettent en état de se répandre de tous côtés: 4°. il y a des graines , comme celle de l'oseille sauvage, qui sont dardées au loin avec force, par le secours d'une pellicule ou coque blanche, épaisse, tendineuse & élastique, qui étant desséchée se creve, & de cette maniere élance fortement la graine , comme dans la langue-de-cerf & la persicaire acre & siliqueuse; toute la différence est que dans les unes le ressort se roule en-dedans, & dans les autres l'action se fait du dedans en-dehors. Ainsi tantôt le créateur a renfermé les graines dans des capsules élastiques dont les ressorts les écartent à une distance convenable; tantôt il a donné aux graines une espece de duvet ou d'aigrettes qui leur servent d'aîles pour être jettées par le vent; & tantôt dans les graines legeres, il leur a mis des crochets pour empêcher d'être portées trop loin. Telles sont les vûes constantes de la nature pour la conservation & la propagation des especes par le secours des graines . « La plante qui étoit cachée sous un petit volume acquiert une grande étendue, & rend sensible avec le tems ce que les yeux ne pouvoient appercevoir dans l'origine ». C'est un passage remarquable de Plutarque. Pour comprendre ce développement des graines , on en peut juger par un pois, une feve, un pepin de melon; mais les parties d'une feve étant plus grosses & plus sensibles, nous la prendrons pour exemple. Après avoir fait tremper une feve vingt-quatre heures dans de l'eau plus que tiede, ôtez sa robe, il vous reste à la main deux pieces qui se détachent & qu'on appelle les deux lobes de la graine; au bout de l'un de ces lobes est le germe, enfoncé comme un petit clou: ce germe tient aux deux lobes par deux petits liens. Ces deux liens, qui sont deux vrais tuyaux, se fortifient & s'alongent en différentes branches, qui vont tout le long des lobes recevoir à chaque instant de nouveaux sucs; ils les épuisent insensiblement au profit de la petite plante. La plus fine pellicule qui couvre les deux lobes, végete aussi quelque peu; & les deux extrémités de ce sac qui embrassent la tête du germe, s'alongent & montent avec lui pour lui servir de défense contre les frottemens qui en pourroient altérer le tissu délicat. Le germe monte droit & perce l'air de sa pointe; mais les deux bouts du sac étant d'un tissu moins nourri que la tige, obéissent à l'essort de l'air qui pese dessus, & s'abaissent de côté & d'autre sous la forme de deux petites feuilles vertes, toutes différentes du véritable feuillage que la plante produira par la suite. Cette pellicule est comme la chemise ou la robe de la grains; & les deux bouts qui en sortent, font le collet qui se rabat de part & d'autre. Quand les deux lobes ont fourni toute leur substance au germe éclos hors de terre, & qu'ils viennent à se sécher, la peau qui les enveloppe se seche aussi, & les deux premieres feuilles que nous avons appellées le collet , & qui ne sont que les deux bouts de cette peau, se sechent de même par une suite nécessaire: alors la petite plante qui s'est grossie de toute la chair que les lobes contenoient, n'y trouvant plus rien, va chercher sa nourriture dans la terre même. Toute graine a un germe: ce germe, roit d'une feve, d'un pepin de melon, ou d'un pepin de pomme & de toute autre plante, est ce qu'on appelle la plantule , & est composé de la radicule, de la tige & de la plume. La radicule est le bas de la petite plante; c'est la partie par où elle s'attachera à la terre: la tige est le corps de la plante; & la plume en est la tête où le feuillage en petit est enveloppé: c'est ce qui sort toûjours de terre & qui s'éleve peu-à-peu. Mais comment arrive-t-il que la plume sort toûjours de terre & non la radicule; car il est certain que les graines portées en terre par le vent ou par l'homme, tombent au hasard dans une infinité de positions différentes? Quand un laboureur seme, il jette son blé à l'avanture; quand un jardinier plante des feves ou des pois, il n'observe point où est le bas ni le haut de la graine , si le côté auquel répond la plume se trouve en bas, & si celui auquel répond la radicule du germe se trouve en-haut. Qu'est-ce donc qui force la plume à remonter droit en l'air, & la radicule à demeurer en terre; car il se passe ici certainement une action de violence? On a bien de la peine à concevoir ce phénomene, & l'on n'a donné jusqu'à ce jour que des hypothèses ingénieuses pour l'expliquer: telles sont celles de MM. Dodard, La Hire, Geoffroi & autres, rapportées dans l'histoire de l'académie des Sciences, & que je regarde comme autant de romans de la végétation des plantes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graine Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=NA Graine Graine , ( Agricul. ) on distingue en Agriculture les graines , en graines potageres, graines à fleurs, & graines d'arbres. Les graines potageres se sement en tout tems sur des couches préparées, où chaque espece a son rayon à part. On les éloigne les unes des autres; & en arrachant les méchantes herbes, on prend garde d'arracher les graines , car on peut s'y tromper, jusqu'a ce que la plante paroisse. Quand les graines sont semées, si la couche est seche on l'arrose, & l'on continue les arrosemens selon le besoin. Comme les gelées blanches sont mourir les graines , on a soin de les couvrir pendant la nuit, & on éleve les couvertures à un demi pié au-dessus, pour qu'elles ne posent point sur les couches. Lorsque le soleil est favorable, on les découvre tous les matins, & on les recouvre tous les soirs avant la gelée. Dès que les graines sont à la hauteur qu'on juge à-propos, on les transplante à une certaine distance les unes des autres, selon leur grosseur. Les graines des fleurs se sement semblablement en toute saison, & demandent au-moins les mêmes apprêts & les mêmes soins que les graines potageres, c'est-à-dire une couche garnie de bon fumier chaud, & par-dessus un demi-pié de vieux terreau pourri. Après que la grande chaleur est passée, on fait sur la couche des rayons à quatre doigts les uns des autres, pour semer dans chacun les graines de la même espece. Quand les graines sont semées & qu'on les a couvertes de deux travers de doigt de terreau, on arrose journellement les couches avec un petit arrosoir dans les tems secs: on les couvre encore, de peur des gelées blanches, comme on fait pour les graines potageres, en étendant les couvertures sur des cerceaux, & on les découvre le jour quand le soleil donne sur la couche. L'attention qu'on doit avoir, c'est de ne rien arracher dans les rayons de ces couches, que les jeunes fleurs levées ne soient déjà grandes, de peur de les arracher pour de l'herbe, car elles viennent de même. Les graines d'arbres se plantent ordinairement au printems & en automne. On prend de la terre forte, de la terre neuve, de la terre de jardin & du terreau; on mele le tout ensemble, qu'on passe à la claie. Si on seme les graines en terre, on met sept à huit hotées de cette terre sur les planches, & on laboure le tout. Si on seme les graines dans les caisses ou autres vaisseaux, on les remplit de cette terre: ces graines doivent être couvertes de quatre bons travers de doigt d'epaisseur; on les arrose s'il ne pleut point, & on les garantit de la gelée, jusqu'à ce que les arbres naissans soient assez forts pour la supporter. Parmi les arbres qui contribuent à l'embellissement d'un jardin, ou peut distinguer ceux qui portent des graines , & ceux qui portent des fruits. Les arbres à graine les plus en usage, sont l'orme, le tilleul, le frêne, l'érable & le sycomore. Ceux qui portent des fruits sont le chêne, le marronnier d'Inde, le chataignier, le hêtre & le noisetier. Les graines & les fruits de ces arbres se recueillent en automne, à l'exception des graines d'orme qui se ramassent au mois de Mai, & qui se sement dans le même tems. La forme, la pesanteur & la maniere dont les graines tombent à terre, nous peuvent quelquefois diriger dans la façon de les semer. Les plus pesantes se sement plus profondément; ainsi l'on seme les glands & les noyaux à la profondeur de deux, trois & quatre doigts. M. Bradley a observé que des graines , quoique très-bonnes, dégénerent si l'on les seme sur le même terrein où on les a recueillis; de sorte que pour remédier à cet inconvénient, il conseille de troquer chaque année les graines des arbres forestiers avec des correspondans des provinces différentes, comme cela se pratique pour les fleurs. Il a encore observé que les graines tirées des plus beaux arbres, ou de ceux qui portent le plus de fruit, ne sont pas toûjours les meilleures pour semer; mais qu'il faut les choisir saines, unies, pleines, pesantes & entieres: les glands nets, pesans & luisans, sont préférables aux gros glands: les graines poreuses, douces, insipides, doivent être semées d'abord après leur maturité: les graines chaudes ameres demandent à être gardées six mois, un an & davantage, avant qu'on les seme. On pratique différentes méthodes pour conserver les graines; quelques-uns les encaissent par couches alternatives, dans du sable ou de la terre humide pendant l'hyver; prennent au bout de ce terme les graines de caisses qui sont alors bourgeonnantes, & les sement délicatement dans le terrein préparé: elles prosperent autant de cette maniere que si on les eût semées en automne, outre qu'elles ont évité la vermine & les autres accidens. Pour les fruits qu'on veut semer plus tard, comme le gland, le marron d'Inde, la chataigne, la faine, la noisette, on les conserve dans des mannequins avec du sable sec, en faisant alternativement des lits de sable & des lits de fruits. Par rapport aux autres graines , les grainiers qui les vendent, se contentent de les étendre par paquet dans un lieu sec, de les visiter & de les remuer: d'autres les tiennent dans des sachets, qu'ils pendent au plancher; d'autres les gardent dans des pots ou des bouteilles étiquetées. Par tous ces moyens, les graines conservent leur vertu fructifiante plus ou moins long-tems. L'on demande à ce sujet pourquoi plusieurs sortes de graines gardent leur faculté de germe un grand nombre d'années, tandis que tant d'autres la perdent promptement? Il semble que la cause en est dûe à la quantité plus ou moins grande d'huile que contiennent les semences, & au tissu plus ou moins serré de leur enveloppe, gousse ou coque; par exemple, les graines de concombre, de melon, de citrouille, qui ont une écorce épaisse & dure, conservent huit à dix ans leur faculté fructifiante. Il en est de même de la graine de radis, de raves, & autres semences huileuses, qui par cette raison se maintiennent bonnes pendant trois ou quatre ans; au lieu que les graines de persil, de carote, de panais & de la plûpart des plantes à parasol, perdent leur vertu germinante au bout d'une ou deux années. Mais n'y auroit il point de moyen de prolonger aux graines la durée de leur vertu végétative? Miller nous apprend que le grand secret & ce secret qui intéresse les Botanistes, est de conserver les graines dans leurs propres gousses ou enveloppes, après qu'elles ont été cueillies bien mûres; de les tenir dans un endroit sec, & de ne leur point ôter entierement toute communication avec l'air extérieur, qui est nécessaire pour maintenir le principe de leur végétation, comme il l'a éprouvé par l'expérience suivante. Il prit des graines fraîches de diverses plantes, de laitue, de persil, d'oignon, enferma chaque graine dans des bouteilles de verre, qu'il scella hermétiquement; il mit en même tems une quantité égale des mêmes semences dans des sacs séparés, qu'il pendit tous au plancher en un endroit bien sec. L'année suivante il sema en même tems & sur les mêmes couches d'une terre préparée, une partie desdites graines , tant de celles des bouteilles, que de celles des sacs. Presque toutes les graines des sacs vinrent à merveille, & il n'en vint pas une seule de celles qu'il avoit enfermées dans les bouteilles. Il répéta son expérience deux ou trois années de suite, & jamais aucune graine des bouteilles ne monta, tandis que les graines des sacs pousserent encore la troisieme annee. Il suit de cette expérience, que ceux qui ont à recevoir des graines des pays étrangers, doivent avertir leurs correspondans de se bien garder de les leur envoyer enfermées dans des pots ou des bouteilles bouchées. Un second moyen que Miller conseille pour conserver les graines , & qu'il préfere à tout autre, est de les enfoüir à trois ou quatre piés de profondeur, à l'abri des grosses pluies & de l'influence du soleil: il a vû des graines conservées de cette maniere pendant vingt ans, qui au bout de ce terme ont pris racine & ont germé aussi parfaitement que les semences les plus fraîches de la même espece. Enfin Miller a trouvé la méthode de faire fructifier toutes les especes de graines domestiques & étrangeres, qui ont pour enveloppe les coques les plus dures. Après avoir préparé de bonnes couches avec de l'écorce de tan, il y seme ces graines , par exemple des noix de coco; il couvre ces noix du même tan à l'épaisseur de deux ou trois pouces; il les laisse dans cette situation six semaines ou deux mois; ensuite il les transplante dans des pots remplis de bonne terre; il plonge ces pots jusqu'au bord dans le tan, & couvre enfin toute la surface des pots avec le même tan de l'épaisseur d'un demi-pouce. Il assûre que cette méthode lui a rarement manqué, & même qu'en s'en servant, il a vû quelquefois des graines exotiques à coque dure, pousser davantage en quinze jours qu'elles ne le font au bout d'un mois dans leur pays natal. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graine d'Avignon Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Graine d'Avignon Graine d'Avignon , ( Bot. ) baie d'une espece de rhamnus ou de nerprun, que les Botanistes nomment lycium gallicum , ou rhamnus catharticus minor . Il croît dans les lieux rudes & pierreux, entre les rochers, aux environs d'Avignon & dans le comtat Venaissin. On en trouve aussi en Dauphiné, en Languedoc & en Provence. Cette espece de nerprun est un arbrisseau épineux, dont les racines sont jaunes & ligneuses; il pousse des rameaux longs de deux ou trois piés, couverts d'une écorce grisâtre, garnis de petites feuilles épaisses, ressemblantes à celles du buis, nerveuses, faciles à se détacher. Ses fleurs sont petites, monopétales, jointes plusieurs ensemble; il leur succede des baies grosses comme des grains de poivre à trois ou quatre angles, & quelquefois faites en petits coeurs, de couleur verd jaunâtre, d'un goût stiptique & fort amer. Voilà les baies qu'on nomme graine d'Avignon, grainette, graine jaune . On nous l'envoye seche; on la desire grosse, récente & bien nourrie. Les Teinturiers, & sur-tout les Corroyeurs, s'en servent pour teindre en jaune, en y joignant de l'alun par parties égales. Voyez Jaune & Corroyer . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graine Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Graine Graine , ( Jardinage. ) les graines d'ornement different des chapelets parce qu'elles sont toûjours rondes & d'inégale grosseur; on les place au bout des rinceaux & des feuillages, pour remplir des places longues dans la broderie des parterres. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graine Author=unknown Normalized Classification=Broderie au métier Part of Speech=NA Graine Graine , en terme de Brodeur au métier , c'est un point qui représente des semences de fruits, & qui se fait en tenant le fil tiré d'une main, & de l'autre en fichant l'aiguille en-dessous & la faisant sortir en-dessus. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAINER Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=v.act. GRAINER GRAINER, v. act. ( Arts méchaniques. ) c'est pratiquer de petites éminences ou grains à la surface d'un corps; cela se pratique sur toutes sortes de substances, même sur les peaux. Les Boursiers entendent par grainer une peau, lui donner l'apparence qu'on voit au chagrin: cela se fait par le moyen d'une forme de cuivre grainée comme un dez & que l'on tient modérément chaude, & sur laquelle on applique le maroquin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAINOIR Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. GRAINOIR GRAINOIR, s. m. ( Art militaire. ) est dans l'artillerie une espece de crible dans lequel se passe la poudre par de petits trous ronds qui y sont faits exprès & qui forment le grain en passant quand la matiere vient d'être tiree des mortiers du moulin. Il y en a de plusieurs grandeurs. Voyez Poudre . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAIRIE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GRAIRIE GRAIRIE, s. f. ( Jurisprud. ) est un droit que le roi a sur les bois d'autrui, à cause de la jurisdiction qu'il y tait exercer par ses officiers pour la conservation de ces bois. Ce terme vient du latin ager, quasi agri pars , parce qu'en quelques endroits le roi a une certaine part dans les coupes de bois, outre les droits de justice, glandée, paissions & chasses. En d'autres endroits, ce droit consiste dans un droit en argent, comme dans la forêt d'Orléans, ou on leve pour le roi deux sous parisis d'une part, & dix-huit deniers d'autre pour le droit de grairie: ailleurs ce droit est différent. On confond quelquefois les termes de grurie & grairie , lesquels en effet signifient souvent la même chose; mais ils ont aussi en certaines occasions chacun leur signification propre: grurie signifie quelquefois une justice des eaux & forêts sur les bois d'autrui; grairie est le droit que le roi y perçoit à cause de cette justice. Quelques-uns entendent aussi par grairie un bois est possédé en commun, d'autres appellent cela segrairie . Ragueau, en son glossaire , dit que le droit de grairie consiste en la propriété & domaine de partie du bois ou forêt. L'ordonnance des eaux & forêts attribue jurisdiction & compétence aux officiers des eaux & forêts sur les bois tenus en grairie, grurie , &c. Dans les bois où le roi a droit de grairie , les grands-maîtres doivent faire les ventes avec les mêmes formalités que pour les bois du roi, sans souffrir qu'il soit fait aucun avantage ni donné aucune préférence aux tréfonciers ou possesseurs. Les maîtres particuliers sont les ventes des taillis tenus en grairie . Dans tous les bois sujets aux droits de grurie, grairie , &c. la justice & tous les profits qui en procedent appartiennent au roi, ensemble la chasse, paisson & glandée, privativement à tous autres, à-moins que pour la paisson & glandée il n'y eût titre au contraire. Les parts & portions que le roi prend lors de la coupe & usance des bois sujets aux droits de grurie & grairie , doivent être levées & perçûes à son profit en espece ou en argent, suivant l'ancien usage de chaque maitrise où ils sont situés, sans qu'il soit permis de rien changer ni innover à cet égard; & les bois de cette qualité ne peuvent être vendus que par le ministere des officiers des eaux & forêts, & avec les mêmes formalités que les autres bois & forêts du roi. Les droits de grairie ou grurie ne peuvent être donnés, vendus, ni aliénés en tout ou partie, ni même donnés à ferme pour telle cause & prétexte que ce soit; leur produit ordinaire doit être donné en recouvrement au receveur des domaines & bois, lequel en doit compter comme de la vente des forêts du toi. Voyez Grurie , & au mot Danger , Tiers et Danger , Segrairie , Gruage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAIS, ou GRÈS Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.m. GRAIS, ou GRÈS GRAIS, ou GRÈS, s. m. en latin cos, saxum arenarium, saxum sabulosum , ( Hist. nat. Mineralogie. ) c'est ainsi qu'on nomme une pierre très-connue formée par l'assemblage de petits grains de sable qui sont joints les uns aux autres par un gluten ou lien qui nous est inconnu. Les particules de sable qui composent le grais sont plus ou moins grandes, cependant l'oeil peut presque toûjours les appercevoir & les distinguer. Il se trouve soit en masses ou roches informes, soit par couches dont l'épaisseur est quelquefois considérable; il varie pour la consistence & pour la liaison de ses parties: quand il est solide, il fait feu avec le briquet, mais ordinairement il se met très-aisément en grains. Wallerius compte huit especes de grais , mais elles ne different réellement que par la finesse des parties dont il est composé. 1°. La premiere espece est le grais ou pierre à aiguiser, cos turcica , ainsi nommée par l'usage qu'on en sait; ses parties sont très-fines: on le frotte d'huile quand on veut s'en servir pour repasser les rasoirs, les couteaux, & autres instrumens tranchans. 2°. Le grais dont on fait les pierres de remouleurs dont le grain est assez fin; il est ou gris ou blanc, ou rougeâtre ou jaunâtre. 3°. Le grais d'un tissu lâche, au-travers duquel l'eau peut se filtrer, qu'on appelle communément pierre a filtrer . 4°. Le grais poreux qui paroît comme vermoulu; il donne aussi passage à l'eau, comme le précédent. 5°. Le grais à bâtir; c'est celui dont on se sert pour bâtir en plusieurs endroits: il est mêlé d'argille, & varie pour la dureté & la finesse de ses parties. Le grais de Suede, qu'on nomme pierre de Gothie , affecte une figure cubique; la même chose arrive au grais dont on se sert pour le pavé à Paris. 6°. Le grais grossier ou ordinaire, qui est ou blanc ou gris ou jaunâtre: ses parties sont grossieres & inégales. 7°. Le grais feuilleté; il varie pour la finesse & la grossiereté de ses parties. 8°. Le grais mélangé, dont les parties qui le composent sont des petites pierres de différentes especes. En général on entend par grais des pierres composées de sable, de quelque nature qu'il soit: c'est de cette pierre qu'on se sert pour paver les rues de Paris, & il n'en est point de plus propre à cet usage: il s'en trouve une grande quantité dans les environs de Fontainebleau, qui vient ici par la riviere de Seine. Quelques-uns de ces grais sont assez peu compactes, & on les brise très-aisément au marteau pour en faire du sablon qui sert à nettoyer la vaisselle; d'autres sont d'une dureté très-considérable, & ne se divisent qu'avec beaucoup de peine. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grais de Normandie Author=Diderot Normalized Classification=Minéralogie | Chimie Part of Speech=NA Grais de Normandie * Grais de Normandie , ( Minéralog. & Chimie. ) c'est ainsi qu'on appelle en Normandie une terre dont on se sert pour faire les pots-à-beurre, & qu'on prétend supérieure en plusieurs cas aux terres d'Allemagne, & même à la porcelaine. Pour donner au grais la propriété de résister au feu, il faut qu'il ait été rougi; on le rougit au feu, en le chauffant par degrés; si le feu est poussé trop vif il se fend: il faut ensuite le refroidir avec la meme précaution qu'on l'a chaussé; il se brise sur le champ, si le refroidissement est subit. Ce grais est composé d'une terre glaise & d'un petit sablon blanc semblable à celui d'Etampes; la glaise en est beaucoup plus onctueuse que la commune; elle se dissout sur la langue & laisse un goût de sa von, sans aucun vestige de stipticité; on la tire de la terre près de Domfront; au sortir de la terre elle est humide, elle ne tarde pas à se secher: on trouve dans les trous d'où on l'atirée, de petits poissons que les ouvriers pêchent & qu'ils mangent. D'où viennent ces poissons? il n'y a dans les environs ni étangs ni riviere, ni aucune eau courante. La poterie de cette terre se fabrique aux environs de Mortain. Pour l'employer, on commence par la couper en tranches minces & legeres avec un couteau à deux manches; on jette ces tranches dans une fosse avec du sable & de l'eau. On agite le mélange avec une pelle à différens intervalles; on le laisse en cet état pendant vingt-quatre heures, tems qu'il faut, disent les ouvriers, pour pourrir la terre. La dose de sable varie; elle est communément d'une partie sur trois de terre; on retire le mélange de la fosse pour le marcher ou fouler avec les piés, il en devient plus homogene. Quand il est marché, on le paîtrit avec les mains, ensuite on fabrique des vaisseaux sur le tour du potier de terre; on pese la terre selon l'espece de vaisseau qu'on veut tourner. On fait secher au soleil le vaisseau tourné; on a soin d'en varier l'exposition de maniere que la dessication s'en fasse également; sans cette attention, sa forme s'altérera. Quand il est séché, on le fait cuire pendant trois jours & trois nuits. Le fourneau qui sert à la cuisson est oblong; son âtre va toûjours en montant de son entrée vers le fond, & son diametre en diminuant du bas en haut; sa chaleur en devient plus vive & plus uniforme. Le foyer est au-dessous de l'âtre; il est placé à l'entrée du fourneau, & n'a qu'environ deux piés de largeur: la gueule n'a pas plus d'un pié & demi de hauteur sur environ six piés de longueur; vers le fond, le sommet est percé d'une ouverture qui sert de cheminée: on remplit le fourneau de pots jusqu'à cette ouverture. On dit que des vaisseaux faits avec cette terre ou grais de Normandie , composée d'un quart d'os calcinés, d'environ trois quarts de terre, & d'un neuvieme de sable, supporteront la plus grande violence du feu, & le refroidissement le plus subit, même l'immersion dans l'eau. On peut aussi, selon le mémoire que nous analysons, substituer avec succès aux os calcinés la chaux, le plâtre, les coquilles, &c. L'auteur prétend encore qu'on peut sans inconvénient supprimer entierement l'addition de sable, parce que le grais dont il s'agit n'en contient déjà que trop. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grais Author=unknown Normalized Classification=Miroiterie | Lunetier Part of Speech=NA Grais Grais , c'est ce que les Miroitiers-Lunetiers appellent ordinairement du nom de meule; ils n'employent communément que celles de Lorraine, qui sont également bonnes pour leurs ouvrages, quoiqu'inférieures à celles d'Angleterre: c'est sur ce grais qu'ils dressent & arrondissent les bords de verres de leurs lunettes, pour les placer dans la rainure des châsses. Voyez Chasse . Dictionn. de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAISIVAUDAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAISIVAUDAN GRAISIVAUDAN, pagus Gratianopolitanus , ( Géog. ) c'est-à-dire le territoire de Grenoble; c'est un pays de France dans le Dauphiné, dont Grenoble est la capitale; il s'étend entre les montagnes le long de l'Isere & du Drac; il est borné au N. O. par le Viennois, au N. & N. E. par la Savoie, à l'est par le Briançonnois, par le Gapençois, & au S. E. par l'Embrunois; ce pays n'a reconnu que les rois de Bourgogne, & sous leur autorité les évêques de Grenoble, jusqu'en l'an 1040 ou environ. Il est baigné par l'Isere, la Romagne, & le Drac. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAISSE Author=d'Aumont Normalized Classification=Economie animale. Médecine Part of Speech=s.f. GRAISSE GRAISSE, s. f. ( Econom. anim. Medecine. ) on entend vulgairement par ce terme la substance onctueuse, de consistence fluide ou molle, qui se trouve non-seulement dans les cavités du tissu cellulaire, sous presque toute l'étendue des tégumens de la surface du corps de l'homme & de la plûpart des animaux, mais encore dans les cellules des membranes qui enveloppent les muscles, qui pénetrent dans l'interstice des fibres musculaires, dans les paquets de cellules membraneuses dont sont couverts plusieurs visceres, tels que les reins, le coeur, les intestins, & principalement dans le tissu cellulaire des membranes qui forment le mésentere, l'épiploon, & ses dépendances. Voyez Cellulaire ( tissu ), Membrane , Épiploon , &c. Les Medecins distinguent deux sortes de graisse; l'une est celle dont la substance séparée de la masse des humeurs, sous forme d'huile tenue, perd peu de sa fluidité dans les cavités où elle se ramasse; elle y conserve toûjours une sorte de mouvement progressif qui la fait passer d'une cellule dans une autre, & ne se fige presque point étant exposée à l'air froid; ce suc graisseux est appellé par les Grecs στέαρ , & par les Latins pinguitudo ou pinguedo; au lieu que ceux-là donnent le nom de ἀζούγγια ou ἀζούγγιον , & ceux ci celui d' adeps, sebum , ou sevum , à cette espece de graisse qui a une consistence presque solide, qui n'est pas susceptible de se liquéfier aisément, soit par la chaleur ou le mouvement de l'animal, soit par l'effet du feu; elle ne se renouvelle que très-lentement dans les cellules où elle est ramassée, & elle se fige à l'air froid, au point de prendre une sorte de dureté. C'est cette derniere sorte de graisse , qui étant tirée du corps des boeufs, des moutons, des chevres, &c. est distinguée par le nom de suif. Voy. Suif . On se sert cependant du mot adeps pour désigner toute sorte de graisse , & on nomme membrane adipeuse indistinctement toute membrane dont les cellules contiennent ou sont destinées à contenir de la graisse , sous quelque forme qu'elle soit. On observe que la moëlle, qui ne differe guere de la graisse par sa nature, est aussi de différente espece par rapport à sa consistence: celle qui est dans les cellules osseuses des extrémités des os longs ou dans celles des os plats, est toûjours sous forme fluide, coulante comme de l'huile; au lieu que dans les grandes cavités des os longs, elle a plus de consistence; elle y est sous une forme presque solide, comme la graisse de la seconde espece. Voyez Moelle . Dans quelque partie du corps animal que l'on trouve de la graisse , elle se présente toûjours renfermée dans des cellules membraneuses de figure ovale & un peu applaties, selon la remarque de Malpighi; les cavités de ces cellules ont toutes de la communication entre elles: les cellules elles-mêmes sont disposées de maniere qu'elles forment des couches, des enveloppes dans certaines parties; dans d'autres, elles sont entassées & forment comme des pelotons. Dans ces différentes dispositions, elles sont également renfermées dans des membranes extérieures qui les soûtiennent, & terminent l'étendue de leurs aggrégés. Tout ce composé forme les membranes adipeuses, qui sont d'une épaisseur & d'un volume plus ou moins grands selon le nombre & la capacité des cellules, & selon qu'elles sont plus ou moins remplies de la substance onctueuse qui forme la graisse; elles sont flasques & comme affaissées dans les sujets maigres. Si on expose à l'action du feu une portion de membrane adipeuse bien pleine de graisse , lorsqu'elle est fondue & au point de bouillir, les cloisons membraneuses qui forment les cellules se rompent & laissent s'écouler un fluide qui paroit huileux, & qui lorsqu'il est encore chaud, est onctueux au tact; il ne peut point être mêlé avec l'eau, & y surnage; il est susceptible de s'enflammer & de nourrir la flamme; en se refroidissant il perd sa fluidité & prend de la consistence à-peu-près comme le beurre, & peut devenir même beaucoup plus ferme selon les animaux d'où il est tiré. De tout cela on ne peut que conclure que la graisse est évidemment de la nature des huiles grasses; à quoi M. Cartheuser, dans sa matiere médicale, de unguinoso oleis & pinguibus , ajoûte qu'outre la substance huileuse il s'y trouve encore une substance terreuse acide, qui donne à la graisse froide la consistance qu'elle est susceptible de prendre: ensorte que la solidité plus ou moins grande dépend du plus ou du moins de cette derniere substance qui s'y trouve mêlée. Il donne pour fondement de cette assertion, d'après l'expérience rapportée dans les mém. de l'académie des Sciences de Paris, 1719 , ce qui arrive lorsqu'on mêle un sel ou un esprit acide avec de l'huile d'olives ou d'amandes douces, & qu'on les met un peu en digestion; savoir que ces huiles étant ensuite refroidies, se coagulent, surnagent la surface du mélange, & prennent la consistence & la forme de la graisse & même la solidité du suif. Il observe après cela que les animaux qui vivent de viandes s'engraissent plus difficilement & plus rarement que les animaux qui ne vivent que d'herbes ou de grains, & sur-tout les ruminans qui sont les seuls qui fournissent du suif proprement dit; ce qu'il pense devoir être attribué à cette différence d'alimens, parce que ceux qui sont tirés du regne végétal sont imprégnés de cet acide coagulant qui ne se trouve point dans les chairs dans toutes les autres productions du regne animal, excepté le lait. De-là vient que l'huile nourriciere qui en est extraite par la digestion, n'étant point susceptible de se figer lorsqu'elle est déposée dans les cellules adipeuses, ne peut point y former de la graisse ferme, solide; elle est reportée dans la masse des humeurs, en retenant sa fluidité huileuse, & elle y fournit matiere à la confection du sang, de la lymphe gélatineuse, & se détruit ensuite par l'action de la vie, sous une forme qui la dispose à être évacuée avec les différentes humeurs excrémenticielles dont elle est la partie rancide. D'où il résulte, selon l'auteur cité, que les animaux qui mangent peu de végétaux ne peuvent avoir que peu de graisse de consistance solide: mais il faut un acide mêle avec l'huile des alimens, pour former cette graisse . Pourquoi cet acide ne s'y trouve-t-il pas dans l'analyse? Il n'y a pas encore de preuves qu'il en existe en nature dans aucune des humeurs animales. Voyez Fermentation , ( Economie anim. ) Les parties huileuses qui sont destinées à fournir la matiere de la graisse , sont pour cet effet séparées de la masse du sang, comme la matiere de toutes les autres secrétions: les injections anatomiques ne laissent aucun doute à cet égard; étant faites dans les arteres qui se distribuent aux membranes adipeuses, les liqueurs injectées passent facilement & constamment de ces arteres dans les cellules dont sont composées les membranes, les remplissent & les parcourent dans toute leur étendue par le moyen des communications qui sont entre elles: la même chose arrive aussi de l'injection faite dans les veines correspondantes. C'est donc dans la partie où l'artere se change en veine, que se fait la séparation des molécules huileuses, & qu'elles entrent dans des conduits particuliers destinés à les porter dans les cellules adipeuses. Ces conduits & leurs orifices sont très-larges à proportion du diametre des vaisseaux sanguins d'où ils partent; ils sont aussi très-courts. Ainsi entre les différentes parties du sang, qui est un fluide bien hétérogene, celles qui sont le plus legeres, ou qui ont le moins de densité, de gravité spécifique, qui ont le mouvement le plus lent, & qui ont le moins de disposition à conserver la direction de celui qu'elles ont d'abord reçû, doivent, selon les lois de l'Hydraulique, se porter, ou pour mieux dire, être jettées vers les parois des vaisseaux, & pénétrer dans les ouvertures collatérales, lorsqu'il s'en trouve qui sont propres à les recevoir, tandis que les parties les plus denses, les plus mobiles, suivent l'axe du vaisseau, & s'écartent le moins de la direction du mouvement qu'elles ont reçû. Ainsi les molécules huileuses doivent enfiler les conduits adipeux, les canaux secretoires des sucs graisseux, tandis que les globules du sang continuent leur route dans le milieu des arteres, pour passer dans les veines. Voyez Secrétion . Ces sucs étant continuellement portés dans les cellules adipeuses, s'y accumulent, les remplissent jusqu'à ce que ces cellules résistent à une trop grande dilatation, & se vuident dans les voisines à proportion que les premieres reçoivent de nouvelle matiere pour être distribuée aux suivantes, & ainsi des unes aux autres, jusqu'à celles qui communiquent à des veines sanguines correspondantes, qui reçoivent la surabondance des sucs graisseux dont se déchargent les cellules, après qu'ils les ont toutes parcourues dans l'intervalle des arteres qui rampent dans l'intérieur des membranes, & les veines qui en partent. Le suintement huileux qui se fait continuellement à-travers les membranes de ces cellules contribue à relâcher les tuniques de ces arteres, à en affoiblir le ressort, rend par-là le mouvement du sang plus lent, tout étant égal, que dans d'autres arteres aussi éloignées du centre du mouvement; ensorte que cette lenteur favorise beaucoup la séparation des molécules huileuses; ce qui forme dans les animaux gras une disposition à s'engraisser toûjours davantage, sur-tout lorsqu'à cette disposition particuliere se joint le défaut d'exercice; par où l'impulsion du sang dans les vaisseaux capillaires, est encore considérablement diminuée, & chaque partie du sang suit alors de plus en plus la tendance à la cohésion, que lui donne sa gravité spécifique, à proportion que la force du torrent s'affoiblit; tendance qui est une des principales causes qui concourent dans la secrétion de la graisse , comme dans celle de toutes les autres humeurs. Et comme les sucs huileux en se séparant du sang, ne sont pas absolument dégagés des parties sereuses, puisqu'elles servent de véhicule à toutes les humeurs en général dans leur cours, ils ne pourroient pas prendre la consistance de graisse , s'ils ne se dépouilloient pas de ces parties qui leur deviennent inutiles & leur empêchent de former un tout homogene. La nature pourvoit à cette dépuration vraissemblablement, en faisant dans les cellules adipeuses mêmes une nouvelle secrétion des parties aqueuses par des vaisseaux collatéraux qui partent de ces cellules & reçoivent ces parties pour les porter dans les vaisseaux lymphatiques; ensorte que les sucs graisseux parviennent à s'épaissir de plus en plus à proportion qu'ils se dépurent davantage, & qu'ils perdent plus de leur mouvement progressif dans les différentes cavités des cellules qu'ils parcourent; & à mesure que les molécules huileuses se réunissent entre elles en vertu de leur analogie naturelle, sans aucun corps étranger intermédiaire, & acquierent plus de consistence: d'où s'ensuit enfin la formation complette de la substance onctueuse contenue dans ces cellules, qui devient une vraie graisse; ce qui peut être comparé à ce qui se fait dans certains arbres, dont les sucs abondans principalement en parties aqueuses dans le tronc, se filtrent dans les branches & dans l'écorce, de maniere que ces parties s'en separent entierement & qu'il en résulte des substances huileuses, inflammables, comme les baumes, les résines. La graisse tirée du corps des animaux n'est jamais dépouillée à ce point-là de son humidité: mais pour peu qu'elle soit exposée à l'action du feu pour en faire évaporer les parties aqueuses qui lui restent, elle devient aisement susceptible de prendre flamme. Plusieurs physiologistes regardent la graisse ou les sucs huileux, filtrés, & déposés dans les cellules des différentes membranes adipeuses, comme une matiere qui étant reportée de ces cellules par des veines dans la masse des humeurs, est principalement destinée à contribuer à la formation des globules rouges du sang, & par conséquent à la nutrition. Voyez Sanguification , Nutrition . Tel est l'usage général qu'ils attribuent à cette substance; il n'est pas douteux qu'il ne se fasse une circulation des parties fluides de la graisse , qu'elles ne rentrent dans les vaisseaux sanguins, après avoir parcouru les cellules adipeuses qui sont entre les arteres & les veines correspondantes. Cela est bien prouvé par ce qui arrive à la suite des exercices violens, des grandes maladies, qui peuvent consumer la graisse la plus abondante en très-peu de tems: elle est forcée par les grands mouvemens musculaires, à parcourir ses cellules avec promptitude, & à se remêler dans le sang; & même Ruysch, ( de gland. fabr. ad Boerrh. ) rapporte avoir ouvert le corps d'un cheval très-gras, dont les cellules de l'épiploon furent trouvées rompues par l'effet d'une course forcée, au point qu'il s'étoit répandu plusieurs livres de graisse liquéfiée sous forme d'huile dans la capacité du bas-ventre; ce qui avoit causé subitement la mort de l'animal. Le même auteur, ( loco citato ) assûre aussi qu'il a eu occasion d'observer des malades dont la fievre avoit diminué en peu de jours le poids du corps de plus de trente livres. La trop grande chaleur animale & l'agitation extraordinaire des humeurs, rendent la graisse plus fluide, la font rentrer plus promptement de ses cellules dans la masse des humeurs, & empêchent la réparation des sucs adipeux en les détournant de leurs couloirs secrétoires, en ne leur permettant pas d'y entrer à cause de la rapidité avec laquelle ils se presentent à leurs orifices, d'où ils sont comme entrainés par le torrent. Malpighi prétend que le principal effet pour lequel la graisse est reportée dans la masse du sang, est d'en adoucir l'acrimonie que les circulations répétées lui font contracter, d'en envelopper les sels exaltés par la chaleur, le mouvement, & l'alkalescence qui s'en suit. Mais l'observation paroit contraire à ce sentiment, puisqu'on voit ordinairement que la fievre est plus ardente, & les humeurs plus disposées à rancir, à devenir acres dans les sujets gras, que dans les maigres, & que les animaux qui ont le plus de graisse , & dans lesquels elle est plus ferme, moins disposee à circuler, à être reportée dans le sang, sont d'un caractere plus doux & plus benin. Il est certain que la graisse ne peut pas être broyée par l'action des muscles ou des vaisseaux, échauffée par le mouvement des humeurs au point d'être liquéfiée & remêlée dans la masse des humeurs, sans se corrompre & devenir extremement nuisible à l'économie animale. Mais n'est-il pas plus vraissemblable que les parties huileuses que fournit, que rend au sang la graisse par sa circulation naturelle, sans échauffement, sont destinées principalement à la formation de la bile & des autres humeurs, dans la composition desquelles il entre de ces parties? L'amas de graisse qui se fait dans l'épiploon, dont le sang veineux fourni à la veine-porte est abondamment chargé des parties huileuses qui s'y sont mêlées, ne semble-t-il pas prouver ce qui vient d'être avancé? Voyez Foie ( Physiol. ), Epiploon . Quoi qu'il en soit, les usages de la graisse sur lesquels il n'y a pas de contestation, sont tous relatifs à des effets particuliers, topiques: ainsi celle qui est renfermée dans la membrane adipeuse sous la peau, contribue à defendre le corps des injures de l'air, & sur-tout du froid, en mettant à couvert un grand nombre de vaisseaux sanguins & de nerfs distribués sous les tégumens de toute l'habitude du corps. Elle sert aussi à tenir la peau tendue, égale dans sa surface pour l'arrondissement des formes dans les differentes parties ou il manqueroit sans ce moyen. C'est ainsi que la graisse contribue beaucoup à la beaute du corps, en empêchant que la peau ne se ride, en remplissant les vuides dans les intervalles des muscles, où il y auroit sans elle des enfoncemens défectueux a la vûe, particulierement à l'égard du visage, sous la peau des joües, des tempes, où il se trouve dans l'embonpoint des pelotons de graisse qui soulevent les tégumens & les mettent de niveau avec les parties saillantes, dont les endroits qui seroient creux, se trouvent environnés. La même chose a lieu par rapport aux yeux, dont le globe est aussi enveloppé dans la graisse , excepté dans sa partie anterieure, pour qu'il soit d'un volume proportionné à la cavité de l'orbite, & comme pour mettre à couvert les muscles de ces organes des frottemens contre les parois osseuses qui les contiennent (attendu que toutes les membranes adipeuses sont insensibles par elles-mêmes), & pour faciliter le jeu des instrumens qui servent à les mouvoir. La graisse sert encore par la transudation huileuse qui s'en fait, à entretenir une certaine flexibilité, une mollesse convenable dans la peau, pour favoriser le jeu des vaisseaux & des nerfs de cette partie, & pour faciliter la transpiration cutanée, en conservant aux pores leur perméabilité. Elle est aussi d'une grande utilité aux muscles en général, en leur procurant la souplesse nécessaire à leur action, & en empêchant le frottement des fibres musculaires entr'elles & leur desséchement, qui contribue plus que la foiblesse à empêcher de se mouvoir les personnes qui sont dans le marasme. La graisse facilite la sortie des excrémens & du fétus, en remplissant les intervalles qui se trouvent entre le rectum, le vagin, & les os du bassin: elle tient lieu de coussinet dans d'autres parties, & empêche qu'elles ne soient exposées à des pressions incommodes, douloureuses, & même à des contusions, comme aux fesses, au pubis, à la plante des piés. Elle n'est jamais abondante dans les parties où il n'y a que des muscles de peu de conséquence, comme au front, autour du crane; parce que la nature semble n'en avoir placé que dans les parties exposées à l'action, à l'agitation, au frottement; comme pour y servir de préservatif contre les mauvais effets de ces différens mouvemens. Elle ne paroît manquer que dans les parties où elle seroit nuisible, où elle generoit les fonctions, sans être d'ailleurs d'aucune utilité; comme dans le tissu cellulaire des membranes du cerveau. Il en est de même des parties où les mouvemens sont peu considérables, peu fréquens, par exemple, dans le tissu cellulaire, qui est sous la peau des paupieres, sous celle du prépuce, où elle seroit d'un poids, d'un volume incommode; dans la continuation de la membrane adipeuse, qui tapisse intérieurement la peau du scrotum. Dans ces différentes parties, les cellules analogues à celle de la membrane adipeuse, sont très petites, d'un tissu plus délié, & d'une structure qui ne permet pas aux arteres d'y déposer les parties huileuses, dont leur sang est chargé; d'autant plus qu'il y a peu de ces vaisseaux qui pénetrent dans les interstices de ces cellules: il n'y entre presque que des vaisseaux lymphatiques, qui rendent ces parties des tégumens plus susceptibles de bouffissure, de leucophlegmatie; lorsque la sérosité du sang est portée en trop grande abondance dans ces portions du tissu cellulaire, ce à quoi sont aussi sujettes celles de toutes les autres parties du corps; lorsque les cellules sont vuides de sucs adipeux, & qu'il n'y est porté au lieu de ces sues, que la partie aqueuse du sang, qui peut former des infiltrations de proche en proche, dans toute l'étendue de ce tissu, qui peut aussi dans certains cas, à défaut de graisse , se remplir d'air, & même avec de la graisse , être pénétre, distendu ultérieurement par le fluide aérien; ce qui forme des emphysemes de différente espece. Voyez Emphysème . Le même homme peut augmenter de volume du double par cette derniere cause, & il se peut faire une augmentation de poids aussi considérable par l'hydropisie de tout le tissu cellulaire ( voyez Hydropisie ), comme par la trop grande réplétion de sucs adipeux qui forme une sorte d'exces d'embonpoint, qui est l' obésité , sans que les solides qui constituent essentiellement la masse du corps animal, acquierent rien de plus dans cet état. Voyez Nutrition . Et pour ce qui regarde les mauvais effets du trop de graisse , les moyens d'y remédier, voyez Corpulence , Obésité . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graisse Author=Venel Normalized Classification=Diète | Matière médicale | Pharmacie Part of Speech=NA Graisse Graisse , ( Diete, Pharmacie, & Mat. med. ) la graisse prise intérieurement fatigue l'estomac, comme elle est fastidieuse à la bouche; les chairs pénétrées ou mêlées de gros morceaux de graisse , comme celles des oiseaux & des quadrupedes que l'on engraisse à dessein pour le service des bonnes tables, sont indigestes & rassasiantes. Les assaisonnemens aromatiques & piquans les corrigent cependant en partie; l'habitude & l'oisiveté des gens qui en font leur nourriture ordinaire, achevent de les leur rendre à-peu-près indifférentes. Un estomac peu habitué à ce genre d'alimens ne sauroit les supporter, & ils nuiroient plus infailliblement encore à celui d'un paysan vigoureux accoûtumé aux grosses viandes. On employe quelquefois la graisse intérieurement à titre de remede; on donne des bouillons gras, par exemple, & du saindoux fondu contre l'action des poisons corrosifs. On fait entrer les graisses fondues dans les lavemens adoucissans & relâchans; on les applique extérieurement comme résolutives, émollientes, & adoucissantes. Les graisses sont la base la plus ordinaire des pomades, des onguens, des linimens; elles entrent dans quelques emplâtres. On n'employe pas indifféremment les graisses de tous les animaux dans chacune de ces compositions pharmaceutiques; on demande au contraire toûjours une certaine graisse particuliere; & il y a du choix en effet quant à la perfection, à l'élégance, & surtout à la consistence du médicament, quoique ce choix soit assez indifférent par rapport à ses vertus medicinales. On a cependant distingué les graisses de divers animaux par ces dernieres propriétés, & on a attribué à quelques-unes plusieurs vertus particulieres, à la graisse humaine, par exemple, à la graisse d'ours, des viperes, &c. Voyez les articles partieuliers . La préparation des graisses qu'on veut conserver pour les usages medicinaux se fait ainsi. Prenez d'une graisse quelconque autant que vous voudrez, séparez-la des morceaux de peau, des gros vaisseaux, des tendons, &c. auxquels elle peut tenir; coupez-la par petits morceaux, battez-la dans un mortier de marbre, lavez-la plusieurs fois à froid avec de l'eau pure, faites-la fondre au bain-marie, passez-la à-travers un linge, & serrez-la dans un vaisseau convenable. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graisse de Verre, ou Fiel & Sel de Verre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Graisse de Verre Graisse de Verre , ou Fiel & Sel de Verre , écume prise sur la surface de la matiere dont elle se forme avant que d'être vitrifiée. Voyez Verre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAISSER Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=v.act. GRAISSER GRAISSER, v. act. ( Art méch. ) c'est enduire de graisse ou même d'huile. Ainsi les Cardeurs disent graisser la laine; c'est l'action de la rendre plus douce, plus sorte, & plus facile à être filée, en répandant de l'huile d'olive dessus. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMEN PARNASSI Author=d'Argenville Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRAMEN PARNASSI GRAMEN PARNASSI, Parnassia , que l'on rend en françois par la sieur du Parnasse , est une plante annuelle dont la tige d'un demi-pié de haut, est menue & chargée de feuilles presque rondes attachées à de longues queues rougeâtres, semblables à celles de la violette ou du lierre, & embrassées vers le bas d'une feuille sans queue. La fleur est rosacée ou blanche, composée de dix feuilles, cinq grandes & cinq petites, qui sont frangées: il succede à cette fleur un fruit ovale rempli de semence. Cette plante vient ordinairement dans les prés & dans des lieux humides; on la seme sur couche. Quand on la veut placet dans les jardins, elle se peut élever en pots, & fait assez bien. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMINÉES (semences des plantes) Author=unknown Normalized Classification=Diète Part of Speech=NA GRAMINÉES GRAMINÉES, ( semences des plantes ) Diete. Voyez Farine & Farineux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMMAIRE Author=Beauzée|Douchet Normalized Classification=Terme abstrait Part of Speech=s.f. GRAMMAIRE GRAMMAIRE, s. f. terme abstrait . R. Γράμμα , littera , lettre; les Latins l'appellerent quelquefois Litteratura . C'est la science de la parole prononcée ou écrite. La parole est une sorte de tableau dont la pensée est l'original; elle doit en être une fidele imitation, autant que cette fidélité peut se trouver dans la représentation sensible d'une chose purement spirituelle. La Logique, par le secours de l'abstraction, vient à bout d'analyser en quelque sorte la pensée, toute indivisible qu'elle est, en considérant séparément les idées différentes qui en sont l'objet, & la relation que l'esprit apperçoit entre elles. C'est cette analyse qui est l'objet immédiat de la parole; & c'est pour cela que l'art d'analyser la pensée, est le premier fondement de l'art de parler, ou en d'autres termes, qu'une saine Logique est le fondement de la Grammaire . En effet, de quelques termes qu'il plaise aux différens peuples de la terre de faire usage, de quelque maniere qu'ils s'avisent de les modifier, quelque disposition qu'ils leur donnent: ils auront toûjours à rendre des perceptions, des jugemens, des raisonnemens; il leur faudra des mots pour exprimer les objets de leurs idées, leurs modifications, leurs corrélations; ils auront à rendre sensibles les différens points de vûe sous lesquels ils auront envisagé toutes ces choses; souvent le besoin les obligera d'employer des termes appellatifs & généraux, même pour exprimer des individus; & conséquemment ils ne pourront se passer de mots déterminatifs pour restraindre la signification trop vague des premiers. Dans toutes les langues on trouvera des propositions qui auront leurs sujets & leurs attributs; des termes dont le sens incomplet exigera un complément, un régime: en un mot, toutes les langues assujettiront indispensablement leur marche aux lois de l'analyse logique de la pensée; & ces lois sont invariablement les mêmes partout & dans tous les tems, parce que la nature & la maniere de proceder de l'esprit humain sont essentiellement immuables. Sans cette uniformité & cette immutabilité absolue, il ne pourroit y avoir aucune communication entre les hommes de différens siecles ou de différens lieux, pas même entre deux individus quelconques, parce qu'il n'y auroit pas une regle commune pour comparer leurs procédes respectifs. Il doit donc y avoir des principes fondamentaux communs à toutes les langues, dont la verite indestructible est antérieure à toutes les conventions arbitraires ou fortuites qui ont donné naissance aux différens idiomes qui divisent le genre humain. Mais on sent bien qu'aucun mot ne peut être le type essentiel d'aucune idée; il n'en devient le signe que par une convention tacite, mais libre; on auroit pu lui donner un sens tout contraire. Il y a une égale liberté sur le choix des moyens que l'on peut employer, pour exprimer la correlation des mots dans l'ordre de l'énonciation, & celle de leurs idées dans l'ordre analytique de la pensée. Mais les conventions une fois adoptées, c'est une obligation indispensable de les suivre dans tous les cas pareils; & il n'est plus permis de s'en départir que pour se conformer à quelque autre convention également autentique, qui déroge aux premieres dans quelque point particulier, ou qui les abroge entierement. De-là la possibilité & l'origine des différentes langues qui ont été, qui sont, & qui seront parlees sur la terre. La Grammaire admet donc deux sortes de principes. Les uns sont d'une verité immuable & d'un usage universel; ils tiennent à la nature de la pensée même; ils en suivent l'analyse; ils n'en sont que le résultat. Les autres n'ont qu'une vérité hypothétique & dépendante de conventions libres & muables, & ne sont d'usage que chez les peuples qui les ont adoptés librement, sans perdre le droit de les changer ou de les abandonner, quand il plaira à l'usage de les modifier ou de les proscrire. Les premiers constituent la Grammaire générale , les autres sont l'objet des diverses Grammaires particulieres . La Grammaire générale est donc la science raisonnée des principes immuables & généraux de la parole prononcée ou écrite dans toutes les langues. Une Grammaire particuliere est l'art d'appliquer aux principes immuables & généraux de la parole prononcée ou écrite, les institutions arbitraires & usuelles d'une langue particuliere. La Grammaire générale est une science , parce qu'elle n'a pour objet que la spéculation raisonnée des principes immuables & généraux de la parole: une Grammaire particuliere est un art , parce qu'elle envisage l'application pratique des institutions arbitraires & usuelles d'une langue particuliere aux principes généraux de la parole ( voyez Art ). La science grammaticale est antérieure à toutes les langues, parce que ses principes sont d'une vérité éternelle, & qu'ils ne supposent que la possibilité des langues: l'art grammatical au contraire est postérieur aux langues, parce que les usages des langues doivent exister avant qu'on les rapporte artificiellement aux principes généraux. Malgré cette distinction de la science grammaticale & de l'art grammatical, nous ne prétendons pas insinuer que l'on doive ou que l'on puisse même en séparer l'étude. L'art ne peut donner aucune certitude à la pratique, s'il n'est éclairé & dirigé par les lumieres de la spéculation; la science ne peut donner aucune consistance à la théorie, si elle n'observe les usages combinés & les pratiques différentes, pour s'élever par degrés jusqu'à la généralisation des principes. Mais il n'en est pas moins raisonnable de distinguer l'un de l'autre, d'assigner à l'un & à l'autre son objet propre, de prescrire leurs bornes respectives, & de déterminer leurs différences. C'est pour les avoir confondues que le P. Buffier, ( Gramm. fr. n°. 9. & suiv. ) regarde comme un abus introduit par divers Grammairiens, de dire: l'usage est en ce point opposé à la Grammaire . « Puisque la Grammaire , dit-il à ce sujet, n'est que pour fournir des regles ou des réflexions qui apprennent à parler comme on parle; si quelqu'une de ces regles ou de ces réflexions ne s'accorde pas à la maniere de parler comme on parle, il est évident qu'elles sont fausses & doivent être changées ». est très clair que notre Grammairien ne pense ici qu'à la Grammaire particuliere d'une langue, à celle qui apprend à parler comme on parle, à celle enfin que l'on designe par le nom d' usage dans l'expression censurée. Mais cet usage a toûjours un rapport nécessaire aux lois immuables de la Grammaire générale , & le P. Buffier en convient lui-même dans un autre en droit. « Il se trouve essentiellement dans toutes les langues, dit-il, ce que la Philosophie y considere, en les regardant comme les expressions naturelles de nos pensées: car comme la nature a mis un ordre nécessaire dans nos pensées, elle a mis, par une conséquence infaillible, un ordre nécessaire dans les langues ». C'est en effet pour cela que dans toutes ou trouve les mêmes especes de mots; que ces mots y sont assujettis à-peu-près aux mêmes especes d'accidens; que le discours y est soûmis a la triple syntaxe, de concordance, de régime, & de construction, &c. Ne doit-il pas résulter de tout ceci un corps de doctrine indépendant des décisions arbitraires de tous les usages, & dont les principes sont des lois également universelles & immuables? Or c'est à ces lois de la Grammaire générale , que les usages particuliers des langues peuvent se conformer ou ne pas se conformer quant à la lettre, quoiqu'effectivement ils en suivent toûjours & nécessairement l'esprit. Si l'on trouve donc que l'usage d'une langue autorise quelque pratique contraire à quelqu'un de ces principes fondamentaux, on peut le dire sans abus, ou plûtôt il y auroit abus à ne pas le dire nettement; & rien n'est moins abusif que le mot de Cicéron ( orat. n. 47. ) Impetratum est à consuetudine ut peccare suavitatis causâ liceret: c'est à l'usage qu'il attribue les fautes dont il parle, impetratum est à consuetudine; & conséquemment il reconnoît une regle independante de l'usage & supérieure à l'usage; c'est la nature même, dont les décisions relatives à l'art de la parole forment le corps de la science grammaticale. Consultons de bonne foi ces décisions, & comparons y sans préjugé les pratiques usuelles; nous serons bientôt en état d'apprécier l'opinion du P. Buffier. Les idiotismes suffiroient pour la sapper jusqu'aux fondemens, si nous voulions nous permettre une digression que nous avons condamnée ailleurs ( voyez Gailicisme & Idiotisme ): mais il ne nous faut qu'un exemple pour parvenir à notre but, & nous le prendrons dans l'Ecriture. Que signifient les plaintes que nous entendons faire tous les jours sur les irrégularités de notre alphabet, sur les emplois multipliés de la même lettre pour représenter divers élémens de la parole, sur l'abus contraire de donner à un même element plusieurs caracteres différens, sur celui de réunir plusieurs caracteres pour représenter un élément simple, &c? C'est la comparaison secrete des institutions usuelles avec les principes naturels, qui fait naître ces plaintes; on voit, quoi qu'on en puisse dire, que l'usage autorise de véritables fautes contre les principes immuables dictés par la nature. Eh! comment pourroit-il se faire que l'usage des langues s'accordât toûjours avec les vûes générales & simples de la nature? Cet usage est le produit du concours fortuit de tant de circonstances quelquefois très-discordantes. La diversité des climats, la constitution politique des Etats; les révolutions qui en changent la face; l'état des sciences, des arts, du commerce; la religion & le plus ou le moins d'attachement qu'on y a; les prétentions opposées des nations, des provinces, des villes, des familles même: tout cela contribue à faire envisager les choses, ici sous un point de vûe, là sous un autre, aujourd'hui d'une façon, demain d'une maniere toute differente; & c'est l'origine de la diversité des génies des langues. Les différens résultats des combinaisons infinies de ces circonstances, produisent la différence prodigieuse que l'on trouve entre les mots des diverses langues qui expriment la même idée, entre les moyens qu'elles adoptent pour désigner les rapports énonciatifs de ces mots, entre les tours de phrase qu'elles autorisent, entre les licences qu'elles se permettent. Cette influence du concours des circonstances est frappante, si l'on prend des termes de comparaison très-éloignés, ou par les lieux, ou par les tems, comme de l'orient à l'occident, ou du regne de Charlemagne à celui de Louis le bien-aimé: elle le sera moins, si les points sont plus voisins, comme d'Italie en France, ou du siecle de François I. à celui de Louis XIV: en un mot plus les termes comparés se rapprocheront, plus les différences paroîtront diminuer; mais elles ne seront jamais totalement anéanties: elles demeureront encore sensibles entre deux nations contiguës, entre deux provinces limitrophes, entre deux villes voisines, entre deux quartiers d'une même ville, entre deux familles d'un même quartier: il y a plus, le même homme varie ses façons de parler d'âge en âge, de jour en jour. De là la diversité des dialectes d'une même langue, suite naturelle de l'égale liberté & de la différente position des peuples & des Etats qui composent une même nation: de-là cette mobilité, cette succession de nuances, qui modifie perpétuellement les langues, & les métamorphose insensiblement en d'autres toutes différentes: c'est encore une des principales causes des difficultés qui peuvent se trouver dans l'étude des Grammaires particulieres . Rien n'est plus aisé que de se méprendre sur le véritable usage d'une langue. Si elle est morte, on ne peut que conjecturer; on est réduit à une portion bornée de témoignages consignés dans les livres du meilleur siecle. Si elle est vivante, la mobilité perpétuelle de l'usage empêche qu'on ne puisse l'assigner d'une maniere fixe; ses oracles n'ont qu'une vérité momentanée. Dans l'un & dans l'autre cas, il ne faut négliger aucune des ressources que le hasard peut offrir, ou que l'art d'enseigner peut fournir. Le moyen le plus utile & le plus avoué par la raison & par l'expérience, c'est de diviser l'objet dont on traite en différens points capitaux, auxquels on puisse rapporter les différens principes & les diverses observations qui concernent cet objet. Chacun de ces points capitaux peut être soudivisé en des parties subordonnées, qui serviront à mettre de l'ordre dans les matieres relatives aux premiers chefs de distribution. Mais les membres de ces divisions doivent effectivement présenter des parties différentes de l'objet total, ou les différens points de vûe sous lesquels on se propose de l'envisager; il doit y en avoir assez pour faire connoitre tout l'objet, & assez peu pour ne pas surcharger la mémoire, & ne pas distraire l'attention. Voici donc comment nous croyons devoir distribuer la Grammaire , soit générale, soit particuliere. La Grammaire considere la parole dans deux états différens, ou comme prononcée, ou comme écrite: la parole écrite est l'image de la parole prononcée, & celle-ci est l'image de la pensée. Ces deux points de vûe peuvent donc être comme les deux principaux points de réunion, auxquels on rapporte toutes les observations grammaticales; & toute la Grammaire se divise ainsi en deux parties générales, dont la premiere qui traite de la parole, peut être appellée Orthologie; & la seconde, qui traite de l'écriture, se nomme Orthographe . La nécessité de caractériser avec précision les points saillans de notre systeme grammatical, & la liberté que l'usage de notre langue paroit avoir laissée sur la formation des termes techniques, nous ont déterminés à en risquer plusieurs, que l'on trouvera dans le tableau que nous allons presenter de la distribution de la Grammaire . Nous ferons en sorte qu'ils soient dans l'analogie des termes didactiques usités, & qu'ils expriment exactement toute l'étendue de l'objet que nous prétendons leur faire désigner: à mesure qu'ils se présenteront, nous les expliquerons par leurs racines. Ainsi le mot Orthologie a pour racines ὀρθὸς , rectus , & λόγος , sermo; ce qui signifie maniere de bien parler . De l'Orthologie . Pour rendre la pensée sensible par la parole, on est obligé d'employer plusieurs mots, auxquels on attache les sens partiels que l'analyse démêle dans la pensée totale. C'est donc des mots qu'il est question dans la premiere partie de la Grammaire , & on peut les y considerer ou isolés, ou rassemblés, c'est-à-dire, ou hors de l'élocution, ou dans l'ensemble de l'élocution; ce qui partage naturellement le traité de la parole en deux parties, qui sont la Lexicologie & la Syntaxe . Le terme de Lexicologie signifie explication des mots; R. R. λέξις , vocabulum , & λόγος , sermo . Ce mot a déjà été employé par M. l'abbe Girard, mais dans un sens différent de celui que nous lui assignons, & que ses racines mêmes paroissent indiquer. M. Duclos semble diviser comme nous l'objet du traité de la parole; il commence ainsi ses re- marques sur le dernier chap. de la Grammaire générale: « La Grammaire de quelque langue que ce soit, a deux fondemens, le Vocabulaire & la Syntaxe ». Mais le Vocabulaire n'est que le catalogue des mots d'une langue, & chaque langue a le sien; au lieu que ce que nous appellons Lexicologie , contient sur cet objet des principes raisonnés communs à toutes les langues. I. L'office de la Lexicologie est donc d'expliquer tout ce qui concerne la connoissance des mots; & pour y procéder avec méthode, elle en considere le matériel , la valeur , & l' étymologie . 1°. Le matériel des mots comprend leurs élémens & leur prosodie . Les sons & les articulations sont les parties élémentaires des mots, & les syllabes qui résultent de leur combinaison, en sont les parties intégrantes & immédiates. Voyez Son & Syllabe . La Prosodie fixe les décisions de l'usage par rapport à l'accent & à la quantité. L'accent est la mesure de l'élévation, comme la quantité est la mesure de la durée du son dans chaque syllabe. Voyez Prosodie , Accent, & Quantité Les mots ne conservent pas toûjours la forme matérielle que l'usage vulgaire leur a assignée primitivement; souvent il se fait des changemens, ou dans les parties élémentaires, ou dans les parties intégrantes qui les composent, sans que ces licences avouées de l'usage en alterent la signification: comme dans les mots relligio, amasti, amarier , au lieu de religio, amavisti, amari . On donne communément le nom de figures aux divers changemens qui arrivent à la forme matérielle des mots. Voyez au mot Figure l' article des figures de diction qui regardent le matériel du mot. 2°. La valeur des mots consiste dans la totalité des idées que l'usage a attachées à chaque mot. Les différentes especes d'idées que les mots peuvent rassembler dans leur signification, donnent lieu à la Lexicologie de distinguer dans la valeur des mots trois sens différens; le sens fondamental , le sens spécifique , & le sens accidentel . Le sens fondamental est celui qui résulte de l'idée fondamentale que l'usage a attachée originairement à la signification de chaque mot: cette idée peut être commune à plusieurs mots, qui n'ont pas pour cela la même valeur, parce que l'esprit l'envisage dans chacun d'eux sous ces points de vûe différens. Par rapport à cette idée primitive, ses mots peuvent être pris ou dans le sens propre, ou dans le sens figuré. Un mot est dans le sens propre, lorsqu'il est employé pour réveiller dans l'esprit l'idée qu'on a eu intention de lui faire signifier primitivement; & il est dans le sens figuré, lorsqu'il est employé pour exciter dans l'esprit une autre idée qui ne lui convient que par son analogie avec celle qui est l'objet du sens propre. On donne communément le nom de tropes aux divers changemens de cette espece, qui peuvent se faire dans le sens fondamental des mots. Voyez Sens & Trope . Le sens spécifique est celui qui résulte de la différence des points de vûe, sous lesquels l'esprit peut envisager l'idée fondamentale, relativement à l'analyse de la pensée. De-là les différentes especes de mots, les noms, les pronoms, les adjectifs, &c. ( voyez Mot , Nom , Pronom , &c. ) On trouve souvent des mots de la même espece, qui semblent exprimer la même idée fondamentale & le même point de vûe analytique de l'esprit; on donne à ces mots la qualification de synonymes , pour faire entendre qu'ils ont précisement la même signification; & on appelle synonymie la propriété qui les fait ainsi qualifier. Nous examinerons ce qu'il y a de vrai & d'utile sur cette matiere aux articles Synonymes & Synonymie . Le sens accidentel est celui qui résulte de la différence des relations des mots à l'ordre de l'énonciation. Ces diverses relations sont communément indiquées par des formes différentes, telles qu'il plait aux usages arbitraires des langues de les fixer: de-là les genres, les cas, les nombres, les personnes, les tems, les modes ( voyez Accident & tous les mots que nous venons d'indiquer ). Les différentes lois de l'usage sur la génération des formes qui expriment ces accidens, constituent les déclinaisons & les conjugaisons. Voyez Déclinaison & Conjugaison . 3°. L'Etymologie des mots est la source d'où ils sont tirés. L'étude de l'étymologie peut avoir deux fins différentes. La premiere est de suivre l'analogie d'une langue, pour se mettre en état d'y introduire des mots nouveaux, selon l'occurrence des besoins: c'est ce qu'on appelle la formation; & elle se fait ou par dérivation ou par composition . De-là les mots primitifs & les dérivés , les mots simples & les composés. Voyez Formation . Le second objet de l'étude de l'étymologie, est de remonter effectivement à la source d'un mot, pour en fixer le véritable sens par la connoissance de ses racines génératrices ou élémentaires, naturelles ou étrangeres: c'est l' art étymologique , qui suppose des moyens d' invention , & des regles de critique pour en faire usage. Voyez Etymologie & Art Etymologique Tels sont les points de vûe fondamentaux auxquels on peut rapporter les principes de la Lexicologie. C'est aux dictionnaires de chaque langue à marquer sur chacun des mots qu'ils renferment, les décisions propres de l'usage, relatives à ces points de vûe. Voyez Dictionnaire , & plusieurs remarques de l'article Encyclopédie . II. L'office de la Syntaxe est d'expliquer tout ce qui concerne le concours des mots réunis, pour exprimer une pensée. Quand on veut transmettre sa pensée par le secours de la parole, la totalité des mots que l'on réunit pour cette fin, fait une proposition; la syntaxe en examine la matiere & la forme . 1°. La matiere de la proposition est la totalité des parties qui entrent dans sa composition; & ces parties sont de deux especes, logiques , & grammaticales . Les parties logiques sont les expressions totales de chacune des idées que l'esprit apperçoit nécessairement dans l'analyse de la pensée, savoir le sujet , l' attribut , & la copule . Le sujet est la partie de la proposition qui exprime l'objet dans lequel l'esprit apperçoit l'existence ou la non existence d'une modification; l'attribut est celle qui exprime la modification, dont l'esprit apperçoit l'existence ou la nonexistence dans le sujet; & la copule est la partie qui exprime l'existence ou la non-existence de l'attribut dans le sujet. Les parties grammaticales de la proposition sont les mots que les besoins de l'énonciation & de la langue que l'on parle y font entrer, pour constituer la totalité des parties logiques. Voyez Sujet & Copule . Les différentes manieres dont les parties grammaticales constituent les parties logiques, font naître les différentes especes de propositions; les simples & les composées, les incomplexes & les complexes, les principales & les incidentes, &c. Voyez Proposition , & ce qui en est dit a l'article Construction . 2°. La forme de la proposition consiste dans les inflexions particulieres, & dans l'arrangement respectif des différentes parties dont elle est composée. Par rapport à cet objet, la syntaxe est différente dans chaque langue pour les details; mais toutes ses regles, dans quelque langue que ce soit, se rapportent à trois chefs généraux, qui sont la Concordance , le Régime , & la Construction . La Concordance est l'uniformité des accidens communs à plusieurs mots, comme sont les genres, les nombres, les cas, &c. Les regles que la syntaxe prescrit sur la concordance, ont pour fondement un rapport d'identité entre les mots qu'elle fait accorder, parce qu'ils expriment conjointement un même & unique objet. Ainsi la concordance est ordinairement d'un mot modificatif avec un mot subjectif, parce que la modification d'un sujet n'est autre chose que le sujet modifié. Le modificatif se rapporte au subjectif, ou par apposition, ou par attribution; par apposition, lorsqu'ils sont réunis pour exprimer une seule idée précise, comme quand on dit, ces hommes savans: par attribution, lorsque le modificatif est l'attribut d'une proposition dont le subjectif est le sujet, comme quand on dit, ces hommes sont savans . Toutes les langues qui admettent dans les modificatifs des accidens semblables à ceux des subjectifs, mettent ces mots en concordance dans le cas de l'apposition, parce que l'identité y est réelle & nécessaire; la plûpart l'exigent encore dans le cas de l'attribution, parce que l'identité y est réelle: mais quelques unes ne l'admettent pas, & employent l'adverbe au lieu de l'adjectif, parce que dans l'analyse de la proposition elles envisagent le sujet & l'attribut comme deux objets séparés & différens: ainsi pour dire ces hommes savans , on dit en allemand, diese gelehrten manner , comme en latin, hi docti viri; mais pour dire ces hommes sont savans , on dit en allemand, diese manner sind gelehrt , comme on diroit en latin, hi viri sunt doctè , ou cum doctrinâ , au lieu de dire sunt docti . L'une de ces deux pratiques est peut-être plus conforme que l'autre aux lois de la Grammaire générale; mais entreprendre sur ce principe de réformer celle des deux que l'on croiroit la moins exacte, ce seroit pécher contre la plus essentielle des lois de la Grammaire générale même, qui doit abandonner sans reserve le choix des moyens de la parole à l'usage, Quem penès arbitrium est & jus & norma loquendi. Voyez Concordance , Apposition, & Usage Le Régime est le signe que l'usage a établi dans chaque langue, pour indiquer le rapport de determination d'un mot à un autre. Le mot qui est en régime sert à rendre moins vague le sens général de l'autre mot auquel il est subordonné; & celui-ci, par cette application particuliere, acquiert un degre de précision qu'il n'a point par lui-même. Chaque langue a ses pratiques différentes pour caractériser le regime & les différentes especes de régime: ici c'est par la place; là par des prépositions; ailleurs par des terminaisons; par-tout c'est par les moyens qu'il a plû à l'usage de consacrer. Voyez Régime & Détermination . La Construction est l'arrangement des parties logiques & grammaticales de la proposition. On doit distinguer deux sortes de construction: l'une analytique , & l'autre usuelle . La construction analytique est celle où les mots sont rangés dans le même ordre que les idées se presentent à l'esprit dans l'analyse de la pensée. Elle appartient à la Grammaire générale , & elle est la regle invariable & universelle qui doit servir de base à la construction particuliere de quelque langue que ce soit; elle n'a qu'une maniere de procéder, parce qu'elle n'envisage qu'un objet, l'exposition claire & suivie de la pensée. La construction usuelle, est celle où les mots sont rangés dans l'ordre autorisé par l'usage de chaque langue. Elle a differens procédes, à cause de la diversité des vûes qu'elle a à combiner & à concilier: elle ne doit point abandonner totalement la succession analytique des idées; elle doit se prêter à la succession pathétique des objets qui intéressent l'ame; & elle ne doit pas négliger la succession euphonique des expressions les pius propres à flater l'oreille. Ce mélange de vûes souvent opposées ne peut se faire sans avoir recours à quelques licences, sans faire quelques inversions à l'ordre analytique, qui est vraiment l'ordre fondamental: mais la Grammaire générale approuve tout ce qui mene à son but, à l'expression fidele de la pensée. Ainsi quelque vrais & quelque nécessaires que soient les principes fondamentaux de la Grammaire générale sur l'énonciation de la pensée; quelque conformité que les usages particuliers des langues puissent avoir à ces principes, on trouve cependant dans toutes, des locutions tout-à-fait éloignées & des principes métaphysiques & des pratiques les plus ordinaires; ce sont des écarts de l'usage avoués même par la raison. La construction usuelle est donc simple ou figurée: simple, quand elle suit sans écart le procédé ordinaire de la langue; figurée, quand elle admet quelque façon de parler qui s'éloigne des lois ordinaires. On donne à ces locutions particulieres le nom de figures de construction , pour les distinguer de celles dont nous avons parlé plus haut, & qui sont des figures de mots, les unes relatives au matériel, & les autres au sens. Celles ci sont les diverses altérations que les usages des langues autorisent dans la forme de la proposition. ( voy. Figure & Construction ) C'est communément sur quelques-unes de ces figures, que sont fondés les idiotismes particuliers des langues, & c'est en les ramenant à la construction analytique que l'on vient à-bout de les expliquer. C'est l'analyse seule qui remplit les vuides de l'ellipse, qui justifie les redondances du pléonasme, qui éclaire les détours de l'inversion. Voilà, nous osons le dire, la maniere la plus naturelle & la plus sûre d'introduire les jeunes gens à l'intelligence du latin & du grec. Voyez Construction , Idiotisme , Inversion , Méthode On voit par cette distribution de l'Orthologie, quelles sont les bornes précises de la Grammaire par rapport à cet objet. Elle n'examine ce qui concerne les mots, que pour les employer ensuite à l'expression d'un sens total dans une proposition. Faut-il reunir plusieurs propositions pour en composer un discours? Chaque proposition isolée sera toûjours du ressort de la Grammaire , quant à l'expression du sens que l'on y envisagera; mais ce qui concerne l'ensemble de toutes ces propositions, est d'un autre district. C'est à la Logique à decider du choix & de la force des raisons que l'on doit employer pour éclairer l'esprit: c'est à la Rhetorique à régler les tours, les figures, le style dont on doit se servir pour émouvoir le coeur par le sentiment, ou pour le gagner par l'agrément. Ainsi la Logique enseigne en quelque sorte ce qu'il faut dire; la Grammaire , comment il faut le dire pour être entendu; & la Rhetorique, comment il convient de le dire pour persuader. De l'Ortographe . Les Arts n'ont pas été portés du premier coup à leur perfection; ils n'y sont parvenus que par degrés, & après bien des changemens. Ainsi quand les hommes songerent à communiquer leurs pensées aux absens, ou à les transmettre à la postérité, ils ne s'aviserent pas d'abord des signes les plus propres à produire cet effet. Ils commencerent par employer des symboles représentatifs des choses, & ne songerent à peindre la parole même, qu'après avoir reconnu par une longue expérience l'insuffisance de leur premiere pratique, & l'inutilité de leurs efforts pour la perfectionner autant qu'il convenoit à leurs besoins. Voyez Ecriture , Caracteres , Hieroglyphes . L'écriture symbolique fut donc remplacée par l'écriture ortographique, qui est la représentation de la parole. C'est cette derniere seule qui est l'objet de la Grammaire; & pour en exposer l'art avec methode, il n'y a qu'à suivre le plan même de l'Orthologie. Or nous avons d'abord considéré à part les mots qui sont les élemens de la proposition, ensuite nous avons envisagé l'ensemble de la proposition; ainsi la Lexicologie & la Syntaxe sont les deux branches générales du traité de la parole. Celui de l'écriture peut se diviser également en deux parties correspondantes que nous nommerons Lexicographie & Logographie . R. R. λέξις , vocabulum; λόγος , sermo; & γραφία , scriptio: comme si l'on disoit ortographe des mots , & ortographe du discours . Le terme de Logographie est connu dans un autre sens, mais qui est éloigné du sens étymologique que nous revendiquons ici, parce que c'est le seul qui puisse rendre notre pensée. I. L'office de la Lexicographie est de prescrire les regles convenables pour représenter le matériel des mots, avec les caracteres autorités par l'usage de chaque langue. On considere dans le matériel des mots les élémens & la prosodie; de-là deux sortes de caracteres, caracteres élémentaires , & caracteres prosodiques . 1°. Les caracteres élémentaires sont ceux que l'usage a destinés primitivement à la représentation des élemens de la parole, savoir les sons & les articulations. Ceux qui sont établis pour representer les sons, se nomment voyelles; ceux qui sont introduits pour exprimer les articulations, s'appellent consonnes: les uns & les autres prennent le nom commun de lettres . La liste de toutes les lettres autorisées par l'usage d'une langue, se nomme alphabet; & on appelle alphabétique , l'ordre dans lequel on a coûtume de les ranger ( voyez Alphabet , Lettres , Voyelles , Consonnes ). Les Grecs donnerent aux lettres des noms analogues à ceux que nous leur donnons: ils les appellerent στοιχεῖα , élémens , ou γράμματα , lettres . Les termes d' élémens , de sons & d' articulations , ne devroient convenir qu'aux élémens de la parole prononcée; comme ceux de lettres , de voyelles & de consonnes , ne devroient se dire que de ceux de la parole écrite; cependant c'est assez l'ordinaire de confondre ces termes, & de les employer les uns pour les autres. C'est à cet usage, introduit par la maniere dont les premiers Grammairiens envisagerent l'art de la parole, que l'on doit l'etymologie du mot Grammaire . 2°. Les caracteres prosodiques sont ceux que l'usage a établis pour diriget la prononciation des mots écrits. On peut en distinguer de trois sortes: les uns reglent l'expression même des mots ou de leurs elemens; tels que la cédille , l' apostrophe , le tiret , & la diérèse: les autres avertissent de l'accent, c'est à-dire de la mesure de l'élévation du son; ce sont l' accent aigu , l' accent grave , & l' accent circonflexe: d'autres enfin fixent la quantité ou la mesure de la durée du son; & on les appelle longue, breve , & douteuse , comme les syllabes mêmes dont elles caractérisent le son. Voyez Prosodie , Accent , Quantité , & les mots que nous venons d'indiquer . II. L'office de la Logographie est de prescrire les regles convenables pour représenter la relation des mots à l'ensemble de chaque proposition. & la relation de chaque proposition à l'ensemble du discours. 1°. Par rapport aux mots considéres dans la phrase, la Logographie doit en général fixer le choix des lettres capitales ou courantes; indiquer les occasions où il convient de varier la forme du caractere & d'employer l'italique ou le romain, & prescrire les lois usuelles sur la maniere de représenter les formes accidentelles des mots, relatives à l'ensemble de la proposition. 2°. Pour ce qui est de la relation de chaque proposition à l'ensemble du discours, la Logographie doit donner les moyens de distinguer la différence des sens, & en quelque sorte les différens degrés de leur mutuelle dépendance. Cette partie s'appelle Ponctuation . L'usage n'y décide guere que la forme des caracteres qu'elle employe: l'art de s'en servir devient en quelque sorte une affaire de goût; mais le goût a aussi ses regles, quoiqu'elles puissent plus difficilement être mises à la portée du grand nombre. Voyez Ponctuation . Tel est l'ordre que nous mettons dans notre maniere d'envisager la Grammaire . D'autres suivroient un plan tout différent, & auroient sans doute de bonnes raisons pour préférer celui qu'ils adopteroient. Cependant le choix n'en est pas indifférent. De toutes les routes qui conduisent au même but, il n'y en a qu'une qui soit la meilleure. Nous n'avons garde d'assûrer que nous l'ayons saisie; cette assertion seroit d'autant plus présomptueuse, que les principes d'après lesquels on doit décider de la préférence des méthodes didactiques, ne sont peut-être pas encore assez déterminés. Tout ce que nous pouvons avancer, c'est que nous n'avons rien négligé pour présenter les choses sous le point de vûe le plus favorable & le plus lumineux. Il ne faut pas croire cependant que chacune des parties que nous avons assignées à la Grammaire puisse être traitée seule d'une maniere complette; elles se doivent toutes des secours mutuels. Ce qui concerne l'écriture doit aller assez parallelement avec ce qui appartient à la parole: il est difficile de bien sentir les caracteres distinctifs des différentes especes de mots, sans connoître les vûes de l'analyse dans l'expression de la pensée; & il est impossible de fixer bien précisément la nature des accidens des mots, si l'on ne connoît les emplois différens dont ils peuvent être chargés dans la proposition. Mais il n'en est pas moins nécessaire de rapporter à des chefs généraux toutes les matieres grammaticales, & de tracer un plan qui puisse être suivi, du moins dans l'exécution d'un ouvrage élémentaire. Avec cette connoissance des élémens, on peut reprendre le même plan & l'approfondir de suite sans obstacle, parce que les premieres notions présenteront partout les secours qui sont dûs à l'une des parties par les autres. Nous allons les rapprocher ici dans un tableau raccourci, qui sera comme la récapitulation de l'exposition détaillée que nous en avons faite, & qui mettra sous les yeux du lecteur l'ordre vraiment encyclopédique des observations grammaticales. SYSTÈME FIGURÉ DES PARTIES DE LA GRAMMAIRE . Il faudroit peut-être, pour donner à cet article toute la perfection nécessaire, faire connoître ici les différentes Grammaires des langues savantes & vulgaires. Nous l'aurions souhaité, & nous l'avions même insinué à notre illustre prédécesseur: mais le tems ne nous a pas permis de le faire nous-mêmes; & notre respect pour le public nous empêche de lui présenter des jugemens hasardés ou copiés. Nous dirons simplement qu'il y a peu d'ouvrages de Grammaire dont on ne puisse tirer quelque avantage, mais aussi qu'il y en a peu, ou il n'y ait quelque chose à desirer pour le philosophique. ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMMAIRIEN Author=Dumarsais Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject GRAMMAIRIEN GRAMMAIRIEN, adj. qui est souvent pris substantivement; il se dit d'un homme qui a fait une étude particuliere de la Grammaire. Autrefois on distinguoit entre grammairien & grammatiste; on entendoit par grammairien ce que nous entendons par homme de lettres, homme d'érudition, bon critique: c'est en ce sens que Suétone a pris ce mot dans son livre des grammairiens célebres. Voyez ci-devant l'article Gens de Lettres . Quintilien dit qu'un grammairien doit être philosophe, orateur; avoir une vaste connoissance de l'Histoire, être excellent critique & interprete judicieux des anciens auteurs & des poetes; il veut même que son grammairien n'ignore pas la Musique. Tout cela suppose un discernement juste & un esprit philosophique, éclairé par une saine Logique & par une Métaphysique solide. Mixtum in his omnibus judicium est . Quintil. inst. orat. lib. I. c. jv. Ceux qui n'avoient pas ces connoissances & qui étoient bornés à montrer par état la pratique des premiers élémens des lettres, étoient appellés grammatistes . Aujourd'hui on dit d'un homme de lettres, qu' il est bon grammairien , lorsqu'il s'est appliqué aux connoissances qui regardent l'art de parler & d'écrire correctement. Mais s'il ne connoît pas que la parole n'est que le signe de la pensée; que par conséquent l'art de parler suppose l'art de penser; en un mot s'il n'a pas cet esprit philosophique qui est l'instrument universel & sans lequel nul ouvrage ne peut être conduit à la perfection, il est à peine grammatiste: ce qui fait voir la vérité de cette pensée de Quintilien, « que la Grammaire au fond est bien au-dessus de ce qu'elle paroit être d'abord »: plus habet in recessu quam in fronte promittit . Quintil. inst. orat. lib. I. c. jv. init . Bien des gens confondent les Grammairiens avec les Grammatistes: mais il y a toûjours un ordre supérieur d'hommes, qui, comme Quintilien, ne jugent les choses grandes ou petites que par rapport aux avantages réels que la société peut en recueillir: souvent ce qui paroit grand aux yeux du vulgaire, ils le trouvent petit, si la société n'en doit tirer aucun profit; & souvent ce que le commun des hommes trouve petit, ils le jugent grand, si les citoyens en doivent devenir plus éclairés & plus instruits, & qu'il doive en résulter qu'ils en penseront avec plus d'ordre & de profondeur; qu'ils s'exprimeront avec plus de justesse, de précision, & de clarté, & qu'ils en seront bien plus disposés à devenir utiles & vertueux. ( F ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMMATIAS ou GARAMANTIAS Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA GRAMMATIAS ou GARAMANTIAS GRAMMATIAS ou GARAMANTIAS, ( Histoire nat. ) nom donne par Pline & quelques naturalistes anciens à une espece de jaspe sanguin, c'est-à-dire verd , & rempli de taches rouges, suivant quelques-uns. Wallerius croit que c'est un jaspe rouge avec des veines blanches. On la portoit comme un amulette pour se garantir des poisons. Il ne faut pas confondre cette pierre avec le lapis garamanticus ou le grenat. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMMONT Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA GRAMMONT GRAMMONT, ( Hist. eccl. ) abbaye chef d'ordre religieux qu'on nomme l' ordre de Grammont , fondé par saint Etienne de Grammont , environ l'an 1076, & qui fut d'abord gouverné par des prieurs jusqu'en l'an 1318, que Guillaume Belliceri fut nommé abbé de Grammont , & en reçut les marques des mains de Nicolas, cardinal d'Ostie. Cet ordre fut approuvé par divers papes, & la regle qui en étoit très-austere, fut mitigée d'abord par Innocent IV. en 1247, puis en 1309 par Clement V. Sainte-Marthe, Gall. christian . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grammont, ou Grand-mont Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grammont Grammont , ( Géog. ) ou Grand-mont , Grandimontium , petite ville de France dans la Marche limosine, seulement connue par son ancienne abbaye, à 6 lieues N. E. de Limoges. Long. 19. 8. lat. 45. 56 . Cette abbaye est le chef-lieu d'un ordre qui en porte le nom. Voyez l'article précédent . Elle est immédiatement soûmise au saint siége, & présente à la vûe un véritable desert propre à la solitude la plus pénitente. C'est tout près de cette retraite que le celebre Muret Marc Antoine, l'un des plus excellens écrivains du xvj. siecle vint au monde; sans le secours d'aucun maitre, & par la seule force de son génie, il acquit une parfaite connoissance des langues greque & latine. Ses ouvrages recueillis à Venise en 1727, sont remplis d'érudition, de goût, & de délicatesse. Il passa ses jours en Italie, & mourut à Rome le 4 Juin 1585, âgé de 59 ans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grammont, ou Gérard-mont Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grammont Grammont , ou Gérard-mont , Gerardimons , ( Géog. ) les Flamands disent Gheersberg: ville de la Flandre autrichienne, sur la Dendre, à 3 lieues d'Oudenarde, 7 N. E. de Tournay. Long. 21. 31. lat. 50 46 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAMONIE Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GRAMONIE * GRAMONIE, s. f. terme de Commerce , en usage dans quelques échelles du levant, particulierement à Smyrne. La gramonie signifie dans le commerce des soies une deduction de 3/4 de piastre par balle, outre & par-dessus toutes les tares établies par l'usage. Dictionn. de Commerce, de Chambers, & de Trévoux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAN GRAN, Strigonium , ( Géog. ) ville de la basse Hongrie, avec un archevêché, dont l'archevêque est chancelier d'Hongrie. Le sultan Soliman prit Gran en 1543; le prince Charles de Mansfeld la reprit en 1595; les Turcs y rentrerent en 1604; enfin les Impériaux les en chasserent en 1683. Elle est sur le Danube, à 8 lieues S. E. de Comorre, 10 N. O. de Bude, 13 E. de Raab, 14 N. E. d'Albe-royale, 35 S. E. de Vienne. Long. 36. 35. latit. 48. 4 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAND, GRANDEUR Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire | Littérature Part of Speech=adject GRAND GRAND, adj. GRANDEUR, s. f. ( Gramm. & Litterat. ) c'est un des mots les plus fréquemment employés dans le sens moral, & avec le moins de circonspection. Grand homme, grand génie, grand esprit, grand capitaine, grand philosophe, grand orateur, grand poëte; on entend par cette expression quiconque dans son art passe de loin les bornes ordinaires . Mais comme il est difficile de poser ces bornes, on donne souvent le nom de grand au médiocre. On se trompe moins dans les significations de ce terme au physique. On sait ce que c'est qu'un grand orage, un grand malheur, une grande maladie, de grands biens, une grande misere. Quelquefois le terme gros est mis au physique pour grand , mais jamais au moral. On dit de gros biens , pour grandes richesses; une grosse pluie , pour grande pluie; mais non pas gros capitaine , pour grand capitaine; gros ministre , pour grand ministre. Grand financier, signifie un homme très-intelligent dans les finances de l'état. Gros financier , ne veut dire qu' un homme enrichi dans la finance . Le grand homme est plus difficile à définir que le grand artiste . Dans un art, dans une profession, celui qui a passé de loin ses rivaux, ou qui a la réputation de les avoir surpassés, est appellé grand dans son art, & semble n'avoir eu besoin que d'un seul mérite. Mais le grand homme doit réunir des mérites différens. Gonsalve, surnommé le grand capitaine , qui disoit que la toile d'honneur doit être grossierement tissue , n'a jamais été appellé grand homme . Il est plus aisé de nommer ceux à qui l'on doit refuser l'épithete de grand homme , que de trouver ceux à qui on doit l'accorder. Il semble que cette dénomination suppose quelques grandes vertus. Tout le monde convient que Cromwel étoit le général le plus intrépide de son tems, le plus profond politique, le plus capable de conduire un parti, un parlement, une armée. Nul écrivain cependant ne lui donne le titre de grand homme , parce qu'avec de grandes qualités il n'eut aucune grande vertu. Il paroît que ce titre n'est le partage que du petit nombre d'hommes dont les vertus, les travaux, & les succès ont éclaté. Les succès sont nécessaires, parce qu'on suppose qu'un homme toûjours malheureux l'a été par sa faute. Grand tout court, exprime seulement une dignité . C'est en Espagne un nom appellatif honorifique, distinctif, que le roi donne aux personnes qu'il veut honorer. Les grands se couvrent devant le roi, ou avant de lui parler, ou après lui avoir parlé, ou seulement en se mettant en leur rang avec les autres. Charles Quint confirma à 16 principaux seigneurs les priviléges de la grandesse ; cet empereur, roi d'Espagne, accorda les mêmes honneurs à beaucoup d'autres. Ses successeurs en ont toûjours augmenté le nombre. Les grands d'Espagne ont long-tems prétendu être traités comme les électeurs & les princes d'Italie. Ils ont à la cour de France les mêmes honneurs que les pairs. Le titre de grand a toûjours été donné en France à plusieurs premiers officiers de la couronne, comme grand-sénéchal, grand-maître, grand-chambellan, grand-écuyer, grand-échanson; grand-pannetier, grand-véneur, grand-louvetier, grand-fauconnier. On leur donna ce titre par prééminence, pour les distinguer de ceux qui servoient sous eux. On ne le donna ni au connétable, ni au chancelier, ni aux maréchaux, quoique le connétable fût le premier des grands officiers, le chancelier le second officier de l'état, & le maréchal le second officier de l'armée. La raison en est qu'ils n'avoient point de vice-gérens, de sous-connétables, de sous-maréchaux, de sous-chanceliers, mais des officiers d'une autre dénomination qui exécutoient leurs ordres; au lieu qu'il y avoit des maîtres-d'hôtel sous le grand maître, des chambellans sous le grand-chambellan, des écuyers sous le grand-écuyer, &c. Grand qui signifie grand-seigneur , a une signification plus étendue & plus incertaine; nous donnons ce titre au sultan des Turcs, qui prend celui de padisha , auquel grand-seigneur ne répond point. On dit un grand , en parlant d'un homme d'une naissance distinguée, revêtu de dignités; mais il n'y a que les petits qui le disent. Un homme de quelque naissance ou un peu illustré, ne donne ce nom à personne. Comme on appelle communément grand seigneur celui qui a de la naissance, des dignités, & des richesses, la pauvrete semble ôter ce titre. On dit un pauvre gentil-homme , & non pas un pauvre grand seigneur . Grand est autre que puissant; on peut être l'un & l'autre. Mais le puissant désigne une place importante. Le grand annonce plus d'extérieur & moins de réalité. Le puissant commande: le grand a des honneurs. On a de la grandeur dans l'esprit, dans les sentimens, dans les manieres, dans la conduite. Cette expression n'est point employée pour les hommes d'un rang médiocre, mais pour ceux qui par leur état sont obligés à montrer de l'élévation. Il est bien vrai que l'homme le plus obscur peut avoir plus de grandeur d'ame qu'un monarque. Mais l'usage ne permet pas qu'on dise, ce marchand, ce fermier s'est conduit avec grandeur; à-moins que dans une circonstance singuliere & par opposition on ne dise, par exemple, le fameux négociant qui reçut Charles-Quint dans sa maison, & qui alluma un fagot de canelle avec une obligation de cinquante mille ducats qu'il avoit de ce prince, montra plus de grandeur d'ame que l'empereur . On donnoit autrefois le titre de grandeur aux hommes constitués en dignité. Les curés en écrivant aux évêques, les appelloient encore votre grandeur . Ces titres que la bassesse prodigue & que la vanité reçoit, ne sont plus guere en usage. La hauteur est souvent prise pour de la grandeur . Qui étale la grandeur , montre la vanité. On s'est épuisé à écrire sur la grandeur , selon ce mot de Montagne: nous ne pouvons y atteindre, vengeons-nous par en médire. Voyez Grandeur & l'article suivant. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand Author=Marmontel Normalized Classification=Philosophie | Morale | Politique Part of Speech=s.f. Grand Grand , s. f. ( Philos. Mor. Politiq. ) les grands: on nomme ainsi en général ceux qui occupent les premieres places de l'état, soit dans le gouvernement, soit auprès du prince. On peut considérer les grands ou par rapport aux moeurs de la société, ou par rapport à la constitution politique. Par rapport aux moeurs, voyez les articles Courtisan , Gloire , Grandeur , Faste , Flaterie , Noblesse , &c. Nous prenons ici les grands en qualité d'hommes publics. Dans la démocratie pure il n'y a de grands que les magistrats, ou plûtôt il n'y a de grand que le peuple. Les magistrats ne sont grands que par le peuple & pour le peuple; c'est son pouvoir, sa dignité, sa majesté, qu'il leur confie: de-là vient que dans les républiques bien constituées, on faisoit un crime autre fois de chercher à acquérir une autorité personnelle. Les généraux d'armée n'étoient grands qu'à la tête des armées; leur autorité étoit celle de la discipline; ils la déposoient en même tems que le soldat quittoit les armes, & la paix les rendoit égaux. Il est de l'essence de la démocratie que les grandeurs soient électives, & que personne n'en soit exclu par état. Dès qu'une seule classe de citoyens est condamnée à servir sans espoir de commander, le gouvernement est aristocratique. Voyez Aristocratie . La moins mauvaise aristocratie est celle où l'autorité des grands se fait le moins sentir. La plus vicieuse est celle où les grands sont despotes, & les peuples esclaves. Si les nobles sont des tyrans, le mal est sans remede: un sénat ne meurt point. Si l'aristocratie est militaire, l'autorité des grands tend à se réunir dans un seul: le gouvernement touche à la monarchie ou au despotisme. Si l'aristocratie n'a que le bouclier des lois, il faut pour subsister qu'elle soit le plus juste & le plus modéré de tous les gouvernemens. Le peuple pour supporter l'autorité exclusive des grands , doit être heureux comme à Venise, ou stupide comme en Pologne. De quelle sagesse, de quelle modestie la noblesse Vénitienne n'a-t-elle pas besoin pour ménager l'obéissance du peuple! de quels moyens n'use-t-elle pas pour le consoler de l'inégalité! Les courtisanes & le carnaval de Venise sont d'institution politique. Par l'un de ces moyens, les richesses des grands refluent sans faste & sans éclat vers le peuple: par l'autre, le peuple se trouve six mois de l'année au pair des grands , & oublie avec eux sous le masque sa dépendance & leur domination. La liberté romaine avoit chéri l'autorité des rois; elle ne put souffrir l'autorité des grands . L'esprit républicain fut indigné d'une distinction humiliante. Le peuple voulut bien s'exclure des premieres places, mais il ne voulut pas en être exclu; & la preuve qu'il méritoit d'y prétendre, c'est qu'il eut la sagesse & la vertu de s'en abstenir. En un mot la république n'est une que dans le cas du droit universel aux premieres dignités. Toute prééminence héréditaire y détruit l'égalité, rompt la chaîne politique, & divise les citoyens. Le danger de la liberté n'est donc pas que le peuple prétende élire entre les citoyens sans exception, ses magistrats & ses juges, mais qu'il les méconnoisse après les avoir élûs. C'est ainsi que les Romains ont passé de la liberté à la licence, de la licence à la servitude. Dans les gouvernemens républicains, les grands revêtus de l'autorité l'exercent dans toute sa force. Dans le gouvernement monarchique, ils l'exercent quelquefois & ne la possedent jamais: c'est par eux qu'elle passe; ce n'est point en eux qu'elle réside; ils en sont comme les canaux, mais le prince en ouvre & ferme la source, la divise en ruisseaux, en mesure le volume, en observe & dirige le cours. Les grands comblés d'honneurs & dénués de force, représentent le monarque auprès du peuple, & le peuple auprès du monarque. Si le principe du gouvernement est corrompu dans les grands , il faudra bien de la vertu & dans le prince & dans le peuple pour maintenir dans un juste équilibre l'autorité protectrice de l'un, & la liberté légitime de l'autre: mais si cet ordre est composé de fideles sujets & de bons patriotes, il sera le point d'appui des forces de l'état, le lien de l'obéissance & de l'autorité. Il est de l'essence du gouvernement monarchique comme du républicain, que l'état ne soit qu'un, que les parties dont il est composé forment un tout solide & compacte. Cette machine vaste toute simple qu'elle est, ne sauroit subsister que par une exacte combinaison de ses pieces; & si les mouvemens sont interrompus ou opposés, le principe même de l'activité devient celui de la destruction. Or la position des grands dans un état monarchique, sert merveilleusement à établir & à conserver cette communication, cette harmonie, cet ensemble, d'où résulte la continuité réguliere du mouvement général. Il n'en est pas ainsi dans un gouvernement mixte, où l'autorité est partagée & balancée entre le prince & la nation. Si le prince dispense les graces, les grands seront les mercenaires du prince, & les corrupteurs de l'état: au nombre des subsides imposés sur le peuple, sera compris tacitement l'achat annuel des suffrages, c'est-à-dire ce qu'il en coûte au prince pour payer aux grands la liberté du peuple. Le prince aura le tarif des voix, & l'on calculera en son conseil combien telle & telle vertu peuvent lui coûter à corrompre. Mais dans un état monarchique bien constitué où la plénitude de l'autorité réside dans un seul sans jalousie & sans partage, où par conséquent toute la puissance du souverain est dans la richesse, le bonheur & la fidélité de ses sujets, le prince n'a aucune raison de surprendre le peuple: le peuple n'a aucune raison de se défier du prince: les grands ne peuvent servir ni trahir l'un sans l'autre; ce seroit en eux une fureur absurde que de porter le prince à la tyrannie, ou le peuple à la révolte. Premiers sujets, premiers citoyens, ils sont esclaves si l'état devient despotique; ils retombent dans la foule, si l'état devient républicain: ils tiennent donc au prince par leur supériorité sur le peuple; ils tiennent au peuple par leur dépendance du prince, & par-tout ce qui leur est commun avec le peuple, liberté, propriété, sûreté, &c. aussi les grands sont attachés à la constitution monarchique par intérêt & par devoir, deux liens indissolubles lorsqu'ils sont entrelacés. Cependant l'ambition des grands semble devoir tendre à l'aristocratie; mais quand le peuple s'y laisseroit conduire, la simple noblesse s'y opposeroit, à-moins qu'elle ne fût admise au partage de l'autorité; condition qui donneroit aux premiers de l'état vingt mille égaux au lieu d'un maître, & à laquelle par conséquent ils ne se résoudront jamais; car l'orgueil de dominer qui fait seul les révolutions, souffre bien moins impatiemment la supériorité d'un seul, que l'égalité d'un grand nombre. Le desordre le plus effroyable de la monarchie, c'est que les grands parviennent à usurper l'autorité qui leur est confiée, & qu'ils tournent contre le prince & contre l'état lui-même, les forces de l'état déchiré par les factions. Telle étoit la situation de la France lorsque le cardinal de Richelieu, ce génie hardi & vaste, ramena les grands sous l'obéissance du prince, & les peuples sous la protection de la loi. On lui reproche d'avoir été trop loin; mais peut-être n'avoit-il pas d'autre moyen d'affermir la monarchie, de rétablir dans sa direction naturelle ce grand arbre courbé par l'orage, que de le plier dans le sens opposé. La France formoit autrefois un gouvernement fédératif très-mal combiné, & sans cesse en guerre avec lui-même. Depuis Louis XI. tous ces co-états avoient été réunis en un; mais les grands vassaux conservoient encore dans leurs domaines l'autorité qu'ils avoient eue sous leurs premiers souverains, & les gouverneurs qui avoient pris la place de ces souverains, s'en attribuoient la puissance. Ces deux partis opposoient à l'autorité du monarque des obstacles qu'il falloit vaincre. Le moyen le plus doux, & par conséquent le plus sage, étoit d'attirer à la cour ceux qui dans l'éloignement & au milieu des peuples accoûtumés à leur obéir, s'étoient rendus si redoutables. Le prince fit briller les distinctions & les graces; les grands accoururent en foule; les gouverneurs furent captivés, leur autorité personnelle s'évanoüit en leur absence, leurs gouvernemens héréditaires devinrent amovibles, & l'on s'assûra de leurs successeurs; les seigneurs oublierent leurs vassaux, ils en furent oubliés; leurs domaines furent divisés, aliénés, dégradés insensiblement, & il ne resta plus du gouvernement féodal que des blasons & des ruines. Ainsi la qualité de grand de la cour n'est plus qu'une foible image de la qualité de grand du royaume . Quelques-uns doivent cette distinction à leur naissance. La plûpart ne la doivent qu'à la volonté du souverain; car la volonté du souverain fait les grands comme elle fait les nobles, & rend la grandeur ou personnelle, ou héréditaire à son gré. Nous disons personnelle ou héréditaire , pour donner au titre de grand toute l'étendue qu'il peut avoir; mais on ne doit l'entendre à la rigueur que de la grandeur héréditaire, telle que les princes du sang la tiennent de leur naissance, & les ducs & pairs de la volonté de nos rois. Les premieres places de l'état s'appellent dignités dans l'église & dans la robe, grades dans l'épée, places dans le ministere, charges dans la maison royale; mais le titre de grand , dans son étroite acception, ne convient qu'aux pairs du royaume. Cette réduction du gouvernement féodal à une grandeur qui n'en est plus que l'ombre, a dû coûter cher à l'état; mais à quelque prix qu'on achette l'unité du pouvoir & de l'obéissance, l'avantage de n'être plus en bute au caprice aveugle & tyrannique de l'autorité fiduciaire, le bonheur de vivre sous la tutele inviolable des lois toûjours prêtes à s'armer contre les usurpations, les vexations & les violences; il est certain que de tels biens ne seront jamais trop payés. Dans la constitution présente des choses il nous semble donc que les grands sont dans la monarchie françoise, ce qu'ils doivent être naturellement dans toutes les monarchies de l'Univers; la nation les respecte sans les craindre; le souverain se les attache sans les enchaîner, & les contient sans les abattre: pour le bien leur crédit est immense; ils n'en ont aucun pour le mal, & leurs prérogatives mêmes sont de nouveaux garans pour l'état du zele & du dévouement dont elles sont les récompenses. Dans le gouvernement despotique tel qu'il est souffert en Asie, les grands sont les esclaves du tyran, & les tyrans des esclaves; ils tremblent & ils font trembler: aussi barbares dans leur domination que lâches dans leur dépendance, ils achetent par leur servitude auprès du maître, leur autorité sur les sujets, également prêts à vendre l'état au prince, & le prince à l'état; chefs du peuple dès qu'il se révolte, & ses oppresseurs tant qu'il est soûmis. Si le prince est vertueux, s'il veut être juste, s'il peut s'instruire, ils sont perdus: aussi veillent-ils nuit & jour à la barriere qu'ils ont élevée entre le throne & la vérité; ils ne cessent de dire au souverain, vous pouvez tout , afin qu'il leur permette de tout oser; ils lui crient, votre peuple est heureux , au moment qu'ils expriment les dernieres gouttes de sa sueur & de son sang; & si quelquefois ils consultent ses forces, il semble que ce soit pour calculer en l'opprimant combien d'instans encore il peut souffrir sans expirer. Malheureusement pour les états où de pareils monstres gouvernent, les lois n'y ont point de tribunaux, la foiblesse n'y a point de refuge: le prince s'y reserve à lui seul le droit de la vindicte publique; & tant que l'oppression lui est inconnue, les oppresseurs sont impunis. Telle est la constitution de ce gouvernement déplorable, que non-seulement le souverain, mais chacun des grands dans la partie qui lui est confiée, tient la place de la loi. Il faut donc pour que la justice y regne, que non-seulement un homme, mais une multitude d'hommes soient infaillibles, exempts d'erreur & de passion, détachés d'eux-mêmes, accessibles à tous, égaux pour tous comme la loi; c'est-à-dire qu'il faut que les grands d'un état despotique soient des dieux. Aussi n'y a-t-il que la théocratie qui ait le droit d'être despotique; & c'est le comble de l'aveuglement dans les hommes que d'y prétendre ou d'y consentir. Article de M. Marmontel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand Author=unknown Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject Grand Grand , adject. en Anatomie , se dit de quelques muscles, ainsi appellés par comparaison avec d'autres qui sont petits. Le grand zigomatique. Voyez Zigomatique . Le grand oblique. Voyez Oblique . Le grand droit. Voyez Droit . Le grand complexus. Voyez Complexus . Le grand dorsal. Voyez Dorsal . Le grand fessier. Voyez Fessier . Le grand pectoral. Voyez Pectoral . Le grand dentelé. Voyez Dentelé . Grand rond. Voyez Rond . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grands-Audienciers de France Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Grands-Audienciers de France Grands-Audienciers de France , ( Jurispr. ) sont les premiers officiers de la grande chancellerie de France, dont ils reçoivent en leur hôtel toutes les lettres qu'ils doivent rapporter au sceau. Ils rapportent les premiers au sceau, avant messieurs les maîtres des requêtes & messieurs les deux grands-rapporteurs & autres, qui ont droit d'y rapporter certaines lettres. Ils commencent par la liasse de messieurs les secrétaires d'état, & rapportent en certains cas des édits & déclarations du roi, dont après qu'ils sont scellés, ils font la lecture publique & les enregistrent sur le registre de l'audience de France, & en signent aussi l'enregistrement sur les originaux qui ne sont ni présentés ni registrés au parlement, ni dans aucune autre cour supérieure. Après la liasse du roi ils rapportent au sceau celle du public, composée de toutes especes de lettres, à l'exception des lettres de justice, des provisions d'office, des lettres de ratification, & des lettres de rémission & pardon, qui sont rapportées par d'autres officiers. Ils enregistrent sur différens registres pour chaque matiere, les provisions scellées des grands officiers & des secrétaires du roi de la grande chancellerie, qui viennent s'immatriculer chez le grand-audiencier de quartier, à la suite de leurs provisions registrées. Celles des autres secrétaires du roi des chancelleries près les cours supérieures du royaume, sont aussi enregistrées sur un autre registre, & ces dernieres provisions ne sont scellées qu'après que l'information des vie & moeurs du récipiendaire a, été faite par le grand-audiencier assisté de son contrôleur, dont mention est faite sur le repli des provisions, à la suite du renvoi qui leur en est fait par M. le garde des sceaux, lequel écrit de sa main le soit montré . Les grands-audienciers enregistrent encore sur des registres différens les octrois accordés par le roi, les prébendes de nomination royale, les indults, les priviléges & permissions d'imprimer. A chacun des articles M. le garde des sceaux écrit sur le registre, scellé . Ils président au contrôle, où leur fonction est de taxer toutes les lettres qui ont été scellées. Les taxes apposées sur chaque lettre, & paraphées du grand-audiencier de France & de son contrôleur, font le caractere & la preuve des lettres scellées; puisque pour l'ordinaire & par un abus très-repréhensible, on ôte la cire sur laquelle sont empreints les sceaux de France & du dauphin. Le nom d' audienciers qu'on leur a donné vient, suivant les formules de Marculphe, de ce que le parchemin qui sert à faire les lettres de chancellerie, s'appelloit autrefois carta audientialis: d'autres disent que c'est parce que l' audiencier demande l'audience à celui qui tient le sceau, pour lui présenter les lettres: d'autres prétendent que ce nom d' audiencier vient de ce que ce sont eux qui présentent les lettres au sceau, dont la tenue est réputée une audience publique: d'autres enfin, & c'est l'opinion qui paroît la mieux fondée, tiennent que l' audiencier est ainsi nommé, parce que la salle où se tient le sceau est réputée la chambre du roi, & que le sceau qui s'y tient s'appelle l' audience de France: c'est le terme des ordonnances. Dans cette audience, le grand-audiencier délivroit autrefois les lettres, nommant tout haut ceux au nom desquels elles étoient expédiées; c'est pourquoi on l'appelloit en latin judiciarius praeco . On leur donne encore en latin les noms, in judiciali cancelleriae Francioe praetorio supremo diplomatum ac rescriptorum relatores, amanuensium decuriones, scribarum magistri: ces derniers titres annoncent qu'ils ont toûjours été au-dessus des clercs-notaires & secrétaires du roi. Ils ont aussi le titre de conseillers du roi en ses conseils , & sont secrétaires du roi nés en la grande chancellerie; ils en peuvent prendre le titre, & en faire toutes les fonctions, & en ont tous les priviléges sans être obligés d'avoir un office de secrétaire du roi, étant tous réputés du collége des secrétaires du roi: ils peuvent cependant aussi posséder en même tems un office de secrétaire du roi. Leur office est de la couronne du roi; c'est pourquoi ils payent leur capitation à la cour, à celui qui reçoit celle de la famille royale, des princes & princesses du sang, & des grands officiers de la couronne. Il n'y avoit anciennement qu'un seul audiencier en la chancellerie de France. Les plus anciens titres où il en soit fait mention, sont deux états de la maison du roi Philippe-le-Long, l'un du 2 Décembre 1316, l'autre du 18 Novembre 1317, où il est dit, que le chancelier doit héberger avec lui son chauffe-cire & celui qui rend les lettres; celui-ci quoique bien supérieur à l'autre, puisqu'il est le premier officier de la grande chancellerie, n'est nommé que le dernier, soit par inattention du redacteur, soit parce qu'on les a nommés suivant l'ordre des opérations, & que l'on chauffe la cire pour sceller avant que l'on rende les lettres. Celui qui faisoit alors la fonction d' audiencier étoit seul; il rapportoit les lettres, les rendoit après les avoir taxées, & faisoit les fonctions de thrésorier & de scelleur. On l'a de puis appellé audiencier du roi , ou audiencier de France , & ensuite grand-audiencier de France . On le nommoit encore en 1321 comme en 1316, suivant un réglement de Philippe-le-Long, du mois de Février 1321, portant qu'il établira une certaine personne avec celui qui rend les lettres, pour recevoir l'émolument du sceau. Ce même réglement ne vouloit pas que celui qui rendoit les lettres fût notaire, & cela, est-il dit, pour ôter toute suspicion; ce qui a été bien changé depuis, puisque les audienciers sont en cette qualité secrétaires du roi, qu'ils en peuvent prendre le titre & en faire toutes les fonctions. L' audiencier a été surnommé grand-audiencier , soit à cause de l'importance de son office & parce qu'il sait ses fonctions en la grande chancellerie de France, soit pour le distinguer des audienciers particuliers qu'il commettoit autrefois dans les autres chancelleries, & qui ont depuis été érigés en titre d'office. Le sciendum ou instruction faite pour le service de la chancellerie, que quelques-uns croyent de 1339. d'autres de 1394, d'autres seulement de 1415, est l'acte le plus ancien qui donne le titre d' audiencier à celui qui exerce cette fonction. Il y est dit, entre autres choses, que chaque notaire du roi (c'est-à-dire secrétaire) aura soin d'envoyer chaque mois qu'il aura exercé son office à Paris ou ailleurs, en suivant la cour, à l' audiencier ou au contrôleur de l'audience du roi, sa cédule, le premier, le second, ou au plûtard le troisieme ou le quatrieme jour du mois, conçûe en ces termes: Monsieur l'audiencier du roi, je tel ai été à Paris, ou en la cour du roi pendant un tel mois faisant ma charge, ayant escrit, &c. Que si dans la distribution des bourses le secrétaire du roi trouve de l'erreur à son préjudice, il peut recourir à l' audiencier & lui dire: Monsieur, je vous prie de voir si au rôle secret de la distribution des bourses ii ne s'est pas trouvé de faute sur moi, car je n'ai en ma bourse que tant; & alors l' audiencier verra, est-il dit, le rôle secret; & s'il y a erreur, il suppléera le défaut. La naïveté de ces formules font connoître la simplicité de ces tems, & peut faire croire que le sciendum est plûtôt de 1339 que de 1415. Ce même sciendum porte que des lettres en simple queue pour chasseurs, venatoribus , & autres semblables, on n'a pas coûtume de rien recevoir, mais qu'ils chassent pour l' audiencier & le contrôleur; ce qui est néanmoins de grace. Ces derniers termes sont équivoques; car on ne sait si c'est la remise des droits qui étoit de grace, ou si c'étoit le gibier que donnoient les chasseurs. Par le terme de chasseurs on pourroit peut-être entendre le grand-véneur & autres officiers de la vénerie du roi, le grand-fauconnier, &c. En effet on voit que les principaux officiers du roi étoient exempts des droits du sceau, tels que le chancelier, les chambellans, le grand-bouteiller, & autres semblables: mais il y a plus d'apparence que par le terme de chasseurs on a entendu en cet endroit de simples chasseurs sans aucune dignité; le droit de l' audiencier n'en étoit que plus étendu, vû qu'alors la chasse étoit après la guerre la principale occupation de toute la noblesse: & à ce compte la maison de l' audiencier devoit être bien fournie de gibier; mais il faut aussi convenir que si l'on chassoit beaucoup, alors on prenoit peu de lettres en chancellerie. Pour ce qui est des personnes que le sciendum comprend sous ces mots & autres semblables , il y a apparence que c'étoient aussi des personnes peu opulentes qui vivoient de leur industrie, & que par cette raison le grand-audiencier ne prenoit point d'argent d'eux; de même que c'étoit alors la coûtume qu'un menétrier passoit à un péage sans rien payer, pourvû qu'il joüât de son instrument devant le péager, ou qu'il fît joüer son singe s'il en avoit un: d'où est venu le proverbe, payer en monnoie de singe . On ne voit point comment l'ancien usage a changé par rapport à l' audiencier , à-moins que ce ne soit par les défenses qui lui ont été faites dans la suite de recevoir autre chose que la taxe. L' audiencier du roi, appellé depuis grand-audiencier , étoit autrefois seul pour la grande chancellerie de France, de même que le contrôleur général de l'audience de France, dont la fonction est de contrôler toutes les lettres que délivre l' audiencier . A-mesure que l'on établit des chancelleries près les cours, l' audiencier & le contrôleur y établissoient de leur part des commis & subdélégués, pour y faire en leur nom les mêmes fonctions qu'ils faisoient en la grande chancellerie, & ces audienciers & contrôleurs particuliers commis, étoient subordonnés au grand-audiencier & au contrôleur général, auxquels ils rendoient compte de leur mission. Ce fut sans doute pour distinguer l' audiencier de la grande chancellerie de tous ces audienciers particuliers par lui commis, qu'on le surnomma grand-audiencier de France . Dans un réglement du roi Jean, du 7 Décembre 1361, il est fait mention de l' audiencier de Normandie qui étoit apparemment un de ces audienciers commis par celui de la grande chancellerie, lequel y est qualifié d' audiencier du roi . Suivant les statuts des secrétaires du roi, confirmés par lettres de Charles V. du 24 Mai 1389, quand le roi étoit hors de Paris pour quelque voyage, on commettoit un audiencier forain pour recevoir les émolumens des collations, lequel à son retour devoit remettre ces émolumens aux secrétaires du roi commis pour cette recette en vérifiant la sienne sur son journal de l'audience. Il y avoit aussi un audiencier & un contrôleur particuliers pour la chancellerie de Bretagne, laquelle ayant formé autrefois une chancellerie particuliere indépendante de celle de France, avoit toûjours conservé un audiencier & un contrôleur en titre, même depuis l'édit du mois de Mai 1494, par lequel Charles VIII. abolit le nom & l'office de chancelier de Bretagne. A l'égard des autres chancelleries particulieres établies près les cours, dans lesquelles le grand-audiencier & le contrôleur général de l'audience avoient des commis ou subdélégués; ces fonctions ayant paru trop importantes pour les confier à des personnes sans caractere, Henri II. par un édit du mois de Janvier 1551, créa en chef & titre d'office formé six offices d' audiencier & six offices de contrôleur, tant pour la grande chancellerie que pour celles établies près les parlemens de Paris, Toulouse, Dijon, Bordeaux & Roüen; il supprima les noms & qualités de grand-audiencier de France & de contrôleur général de l'audience , & ordonna qu'ils s'appelleroient dorénavnt, savoir en la grande chacenllerie, conseiller du roi & audiencier de France , & contrôleur de l'audience de France; & que dans les autres chancelleries l' audiencier s'appelleroit conseiller du roi audiencier de la chancellerie du lieu où il seroit établi, & que le contrôleur s'appelleroit contrôleur de ladite chancellerie . Par le même édit, ces nouveaux officiers furent créés clercs-notaires & secrétaires du roi, pour signer & expédier toutes lettres qui s'expédieroient en la chancellerie en laquelle chacun seroit établi, & non ailleurs; de maniere qu'ils n'auroient pas besoin de tenir un autre office de secrétaire du roi & de la maison & couronne de France; mais si quelqu'un d'eux s'en trouve pourvû, l'édit déclare ces deux charges compatibles, & veut qu'en ce cas il prenne une bourse à part à cause de l'office de secrétaire du roi. On ne voit point par quel réglement le titre de grand-audiencier a été rendu à l' audiencier de la grande chancellerie; l'édit du mois de Février 1561 paroît être le premier où cette qualité lui ait été donnée depuis la suppression qui en avoit été faite dix ans auparavant; les édits & déclarations postérieurs lui donnent aussi la plûpart la même qualité, & elle a été communiquée aux trois autres audienciers qui ont été créés pour la grande chancellerie. L'édit du mois d'Octobre 1571 créa pour la grande chancellerie deux offices, l'un d' audiencier , l'autre de contrôleur, pour exercer de six mois en six mois avec les anciens, & avec les mêmes droits qu'eux. Au mois de Juillet 1576, Henri III. créa encore pour la grande chancellerie deux audienciers & deux contrôleurs, outre les deux qui y étoient déjà, pour exercer chacun par quartier, & les nouveaux avec les mêmes droits que les anciens. On a aussi depuis multiplié le nombre des audienciers dans les petites chancelleries, mais ceux de la grande sont les seuls qui prennent le titre de grands audienciers de France . Ils prêtent serment entre les mains de M. le garde des sceaux. Le grand audiencier a sur les secrétaires du roi une certaine inspection relativement à leurs fonctions, & qui étoit même autrefois plus étendue qu'elle ne l'est présentement. Le roi Jean fit le 7 Décembre 1361 un réglement pour les notaires du roi, suivant lequel ils devoient donner à la fin de chaque mois une cédule des jours de leur service; ils étoient obligés à une continuelle résidence dans le lieu où ils étoient distribués; & lorsqu'ils vouloient s'absenter sans un mandement du roi, ils devoient prendre congé de l' audiencier & lui dire par serment la cause pour laquelle ils vouloient s'absenter; alors il leur donnoit congé & leur fixoit un tems pour revenir, selon les circonstances, mais il ne pouvoit pas leur donner plus de huit jours, sans l'autorité du chancelier. L' audiencier ni le chancelier même ne pouvoient permettre à plus de quatre à la fois de s'absenter; & s'ils manquoient quatre fois de suite, à la quatrieme l' audiencier pouvoit mettre un des autres notaires en leur place, pour servir continuellement: il ne pouvoit cependant le faire que par le conseil du chancelier. Suivant une déclaration de Charles IX. du mois de Juillet 1565, les secrétaires du roi doivent donner ou envoyer au grand-audiencier toutes les lettres qu'ils ont dressées & signées, pour les présenter au sceau, à l'exception des provisions d'offices, qui se portent chez le garde des rôles. Il est enjoint à l' audiencier ou à celui des secrétaires du roi qui sera commis en son absence ou empêchement légitime, de présenter les lettres selon l'ordre & ancienneté de leurs dates & longueur du tems de la pour suite des parties, avec défense d'en interrompre l'ordre pour quelque cause que ce soit, sinon pour lettres concernant les affaires du roi: présentement après la liasse du roi ils rapportent les autres lettres, en les arrangeant par especes. Le réglement fait par le chancelier de Sillery le 23 Décembre 1609, pour l'ordre que l'on doit tenir au sceau, porte pareillement que les lettres seront présentées par le grand-audiencier seul & non par d'autres; ce qui doit s'entendre seulement des lettres de sa compétence. Il est dit aussi que pendant la tenue du sceau il n'en pourra recevoir aucunes, sinon les arrêts ou lettres concernant le service de sa majesté. Le garde des sceaux du Vair fit le premier Décembre 1619 un réglement pour le sceau, portant entre autres choses, que les provisions des audienciers & contrôleurs des chancelleries, avant d'être présentées au sceau, seront communiquées aux grands audienciers de France & contrôleurs généraux de l'audience, qui mettront sur icelles s'ils empêchent ou non lesdites provisions. Il est aussi d'usage, suivant un édit du mois de Novembre 1482, que les secrétaires du roi ne peuvent faire aucune expédition ni signature, qu'ils n'ayent fait serment devant le grand-audiencier & le contrôleur, d'entretenir la confrairie du collége des secrétaires du roi, & qu'ils n'ayent fait enregistrer leurs provisions sur le livre de l' audiencier & du contrôleur. Les grands-audienciers font chacun pendant leur quartier le rapport des lettres qui sont de leur compétence. L'édit du mois de Février 1599, & plusieurs autres réglemens postérieurs qui y sont conformes, veulent qu'aussi-tôt que les lettres sont scellées elles soient mises dans les coffres sans que les audienciers contrôleurs & autres en puissent délivrer aucune, pour quelque cause que ce soit, quand même les impétrans seroient secrétaires du roi ou autres notoirement exemts du sceau; mais que les lettres seront délivrées seulement après le contrôle, à moins que ce ne fût pour les affaires de sa majesté & par ordre du chancelier. Ce même édit ordonne que le contrôle & l'audience de la grande chancellerie se feront en la maison du chancelier, si faire se peut, sinon en la maison du grand-audiencier qui sera de quartier, & en son absence dans celle du contrôleur, toutefois proche du logis de M. le chancelier. Que l' audiencier & le contrôleur assisteront au contrôle, qu'ils suivront les réglemens pour la taxe des lettres, que les taxes seront écrites tout-au-long & paraphées de la main du grand-audiencier & du contrôleur. Pour faire la taxe, toutes les lettres doivent être lûes intelligiblement par l' audiencier & le contrôleur alternativement, savoir la qualité des impétrans & le dispositif. Il est défendu aux audienciers & contrôleurs d'en donner aucune au clerc de l'audience par lequel ils les font délivrer, qu'elles n'ayent été lûes & taxées. Enfin il est ordonné aux audienciers & contrôleurs, de faire un registre des lettres expédiées chaque jour de sceau, & qui seront taxées à cent-deux sous parisis & au-dessus: l' audiencier a pour faire ce registre un droit sur chaque lettre appellé contentor , ou droit de registrata . Au commencement c'étoit le chancelier qui recevoit lui-même l'émolument du sceau; ensuite il commettoit un receveur pour cet objet: depuis ce fut l' audiencier qui fut chargé de faire cette recette pour le chancelier; il la faisoit faire par le clerc de l'audience, & en rendoit compte à la chambre des comptes sous le nom du chancelier, comme si c'étoit le chancelier qui fût comptable; ce qui blessoit la dignité de sa charge; c'est pour quoi Louis XIII. créa trois trésoriers du sceau, qui ont été depuis réduits à un seul; & par une déclaration du mois d'Août 1636, il fut ordonné que le compte des charges ordinaires seroit rendu par les grands-audienciers sous leur nom, sans néanmoins qu'au moyen de ce compte les grands-audienciers soient reputés comptables, & que le compte des charges extraordinaires sera rendu par les tresoriers du sceau. Du nombre des charges ordinaires que le grand-audiencier doit acquitter, sont les gages & pensions que le chancelier a sur le sceau, comme il est dit dans les provisions du chancelier de Morvilliers, du 23 Septembre 1461, qu'il prendra ses gages & pensions par la main de l' audiencier . Les audienciers des petites chancelleries étoient autrefois obligés de remettre au grand audiencier les droits qui appartiennent au roi; mais depuis que ces droits sont affermés, c'est le fermier qui remet au trésorier du sceau la somme portée par son bail. Le grand-audiencier compte de tous ces différens objets avec les émolumens du grand sceau. Par des lettres patentes du 2 Mars 1570, vérifiées en la chambre des comptes de Paris le 20, les grands-audienciers ont été déclarés exemts & reservés de l'ordonnance du mois de Juin 1532, portant que tous comptables tant ordinaires qu'extraordinaires, seront tenus de présenter leur compte à la chambre, dans le tems porté par ladite ordonnance. Le grand audiencier est aussi chargé du compte de la cire que l'on employe au sceau. L'édit de 1561 ordonne qu'aussi-tôt que le sceau sera levé, l' audiencier & le contrôleur ou leur commis, arrêteront avec le cirier combien il aura été fourni de cire; & ils doivent en faire registre signé d'eux, aussi-tôt que l'audience sera faite. La distribution des bourses se faisoit autrefois chaque mois par le grand-audiencier : les lettres du mois d'Août 1358, données par Charles, régent du royaume, qui fut depuis le roi Charles V. pour l'etablissement des Célestins à Paris, supposent que le grand-audiencier faisoit dès-lors chaque mois cette distribution, & lui ordonnent de donner tous les mois une semblable bourse aux Célestins, laquelle a été depuis convertie en une somme de 76 liv. Ils prenoient en outre autrefois de grands profits sur l'émolument du sceau; c'est pourquoi l'ordonnance de Charles VI. du mois de Mai 1413, ordonna que l' audiencier & le contrôleur ne prendroient dorénavant que six sous par jour, comme les autres notaires du roi, avec leurs mêmes droits accoûtumés d'ancienneté; défenses leur furent faites de prendre aucuns dons ou autres profits du roi, sur peine de les recouvrer sur eux ou leurs héritiers. Présentement la confection des bourses se fait tous les trois mois par le grand-audiencier qui est de quartier, en présence du contrôleur, & de l'avis des anciens officiers de la compagnie des secrétaires du roi, des députés des officiers du marc d'or, & du garde des rolles. Le grand-audiencier préleve d'abord pour lui une somme de 8000 liv. appellée bourse de préference: après ce prélevement & autres qui se font sur la masse, il compose les bourses dont il arrête le rôle; il en présente une au roi, & en reçoit cinq pour lui; ce qui lui tient lieu d'anciens gages & taxations. Les grands-audienciers , comme étant du nombre & collége des secrétaires du roi, ont de tout tems joüi des priviléges accordés à ces charges; ce qui leur a été confirmé par différens édits, notamment par celui du mois de Janvier 1551, qui les crée secrétaires du roi, sans qu'ils soient obligés d'avoir ni tenir aucun office dudit nombre & collége; il est dit qu'ils joüiront de tous les priviléges, franchises, exemptions, concessions, & octrois accordés aux secrétaires du roi, leurs veuves & enfans. Les lettres patentes du 18 Février 1583 leur donnent droit de franc-salé. Les archives des grands-audienciers & contrôleurs généraux de la chancellerie sont dans une salle de la maison claustrale de sainte-Croix de la Bretonnerie; ce qui a été autorisé par un brevet du roi du 5 Janvier 1610. Les clercs de l'audience qui avoient été érigés en titre d'office par édit du mois de Mars 1631, ont été supprimés & leurs charges réunies à celles des grands-audienciers , qui les font exercer par commssion. Au nombre des petits officiers de la grande chancellerie, sont le fourrier, les deux ciriers, & les deux portes-coffre, qui payent l'annuel de leurs offices aux quatre grands-audienciers & aux quatre contrôleurs généraux; & à défaut de payement en cas de mort, ces offices tombent dans leur casuel & à leur profit. Voyez Miraulmont, en ses mémoires sur la chancellerie de France; Joly, en son traité des offices; Tessereau, hist. de la chancellerie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Chambre Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Grand-Chambre Grand-Chambre , ( Jurisprudence. ) Voyez au mot Chambre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Conseil Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Grand-Conseil Grand-Conseil , ( Jurisprudence. ) Voyez au mot Conseil , l'article Grand-Conseil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grands-Jours Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire de France Part of Speech=NA Grands-Jours Grands-Jours , ( Hist. de France. ) especes d'assises solemnelles; c'étoient des séances que les seigneurs ou nos rois tenoient ou faisoient tenir de tems en tems en certaines villes de leur dépendance, pour juger des affaires civiles & criminelles. Les grandsjours ont été appellés au lieu de grands-plaids , dit Loiseau. Les comtes de Champagne tenoient les grandsjours à Troyes deux fois l'année, comme les ducs de Normandie leur échiquier, & les rois leur parlement. Les grands-jours de Troyes étoient la justice de Champagne, tant que cette province fut gouvernee par ses propres comtes, & les sept pairs de Champagne assistoient leurs comtes à la tenue des grands-jours . Dans les lettres patentes de Charles VI. du 4 Mars 1405, il est porté que le comte de Joigny, comme doyen des sept pairs de Champagne, seroit toûjours assis auprès du comte, quand il tiendroit son état & grands-jours . C'est vraissemblablement de Troyes que tous les autres grands-jours ont pris leur nom; car Philippe-le-Bel ordonna en 1302, que les grands-jours de Troyes se tiendroient deux fois l'an, & qu'il s'y trouveroit des commissaires ecclésiastiques & gentils-hommes. Le duc de Berri avoit aussi le droit de faire tenir les grands-jours pour le pays de son obéissance. Dans la suite, le nom de grands-jours a été spécialement appliqué à des tribunaux extraordinaires, mais souverains, que nos rois ont quelquefois établis dans les provinces éloignées des parlemens dont elles ressortissent, pour réformer les abus qui s'y introduisoient dans l'administration de la justice, pour juger les affaires qui y naissoient, & pour affranchir les peuples des droits que les seigneurs usurpoient sur eux par autorité. Coquille définit les grands jours de son siecle, un tribunal composé de présidens, maîtres des requêtes & conseillers du parlement, nommés par lettres patentes, séans dans la ville marquée par le roi pour certaines provinces, spécifiés avec pouvoir de juger en dernier ressort de toute matiere criminelle, & des affaires civiles jusqu'à la concurrence de six cents liv. de rente ou de dix mille liv. en capital. Les grands-jours ont été tenus au nom du roi à Poitiers, en 1454, 1531, 1541, 1567, 1579; à Angers, en 1539; à Moulins, en 1534, 1540, 1545; à Riom, en 1546; à Tours, en 1547; à Troyes, en 1535; à Lyon en 1596, & ailleurs. Avant l'érection du parlement de Dijon, les grands-jours du duché de Bourgogne se tenoient à Beaune. Les lettres patentes portant établissement de grands-jours , nommoient les juges & les autres officiers dont le tribunal devoit être composé, & détailloient les matieres dont ils devoient connoître. Les lettres patentes données pour les grands-jours établis à Clermont en Août 1665, attribuoient aux commissaires pour la province d'Auvergne, à-peu-près la même autorité qu'ont les parlemens dans leur ressort, tant en matiere civile qu'en matiere criminelle & de police. Ces sortes de lettres patentes devoient être enregistrées au parlement; celles données pour l'Auvergne l'ont été le 5 Septembre 1665; mais aussi depuis ce tems les grands-jours se sont évanoüis. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Croix Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Grand-Croix Grand-Croix , ( Hist. mod. ) dans l'ordre de Malte, on donne ce nom aux piliers ou chefs des langues qui sont baillifs conventuels, aux grands-prieurs, aux baillifs capitulaires, à l'évêque de Malte, au prieur de l'église, & aux ambassadeurs du grand-maître auprès des souverains. Voyez Malte ou Ordre de Malte . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Maître des Arbalétriers de France Author=Mallet Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Grand-Maître des Arbalétriers de France Grand-Maître des Arbalétriers de France , ( Hist. mod. ) c'étoit anciennement un des grands officiers de la couronne, qui avoit la surintendance sur tous les officiers des machines de guerre, avant l'invention de l'artillerie; on en trouve dans notre histoire une suite depuis S. Louis jusque sous François premier. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Maître de France Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Grand-Maître de France Grand-Maître de France , ( Hist. mod. ) officier de la couronne appellé autrefois souverain maître d'hôtel du roi; il a le commandement sur tous les officiers de la maison & de la bouche du roi, qui lui prêtent tous serment de fidélité, & des charges desquels il dispose: depuis Arnoul de Wesemale, qualifié de souverain maitre d'hôtel du roi Philippe-le-Bel, vers l'an 1290, on compte quarante-deux grands-maîtres de France , jusqu'à M. le prince de Condé, qui est aujourd'hui revêtu de cette charge, qui pendant sa minorité a été exercée par M. le comte de Charolois, son oncle. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Maître des Cérémonies de France Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Grand-Maître des Cérémonies de France Grand-Maître des Cérémonies de France , ( Hist. mod. ) officier du roi dont la charge étoit autrefois annexée à celle de grand-maître de la maison du roi; elle en fut séparée par Henri III. en 1585. Le grand-maître des cérémonies a soin du rang & de la séance que chacun doit avoir dans les actions solemnelles, comme au sacre des rois, aux réceptions des ambassadeurs, aux obseques & pompes funebres des rois, des reines, des princes & des princesses; il a sous lui un maître des cérémonies & un aide des cérémonies. La marque de sa charge est un bâton couvert de velours noir, dont le bout & le pommeau sont d'yvoire. Quand le grand-maître , le maître, ou l'aide des cérémonies, vont porter l'ordre & avertir les cours souveraines, ils prennent place au rang des conseillers; avec cette différence, que si c'est le grand-maître , il a toûjours un conseiller après lui; si c'est le maître ou l'aide des cérémonies, il se met après le dernier conseiller, puis il parle assis & couvert, l'épée au côté & le bâton de cerémonie en main. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand-Maître d'Artillerie Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne | Art militaire Part of Speech=NA Grand-Maître d'Artillerie Grand-Maître d'Artillerie , ( Hist. mod. & Art milit. ) étoit en France le chef supreme de l'Artillerie. Par les provisions que le roi lui faisoit expédier, il avoit la sur-intendance, l'exercice, l'administration, & le gouvernement de l'etat, & charge de grand maître , & capitaine général de l'Artillerie de France, tant deçà que delà les monts & les mers, dedans & dehors le royaume, pays & terres étant sous l'obéissance & la protection de sa majesté. Il ne se faisoit aucuns mouvemens de munitions d'Artillerie dans le royaume, que par les ordres du grand-maître , ou de ses lieutenans, ou officiers, à qui il donnoit des commissions particulieres pour cet effet, ensuite des ordres qu'il recevoit du roi. Tous les marchés se faisoient en son nom, stipulant pour sa majesté; il arrêtoit le compte général de l'Artillerie que le thrésorier rend à sa chambre des comptes, où le grand-maitre étoit reçû comme ordonnateur de tous les fonds qui ont rapport à la dépense d'Artillerie de quelque nature qu'elle pût être. Le grand-maître avoit encore un privilége dont il n'étoit point fait mention dans les provisions de sa charge; c'est que quand on prenoit une ville sur laquelle on avoit tiré du canon, les cloches des églises, les ustenciles de cuivre & autre métal, lui appartenoient, & devoient être rachetés d'une somme d'argent par les habitans, à-moins que dans la capitulation on ne fût convenu du contraire. Il avoit encore le droit en entrant & en sortant d'une place où il y avoit de l'Artillerie, d'être salué de cinq volées de grosses pieces de canon, sans préjudice du plus grand nombre, auquel il pourroit avoir droit par sa naissance, ou par quelqu'autre qualité. Le grand-maître d'Artillerie prêtoit serment entre les mains du roi, au-moins depuis que cette charge avoit été érigée en charge de la couronne; car avant ce tems-là Armand de Biron, sous le regne de Charles IX. prêta serment, non pas entre les mains de ce prince, mais entre les mains de Henri, duc d'Anjou, qui fut depuis roi de France, troisieme du nom. Ce serment fut fait le 3 de Février 1570. Mais ce qui ajoûta le plus de splendeur à cette haute dignité, est le relief que lui donna Henri IV. en l'érigeant en charge de la couronne, en faveur de Maximilien de Béthune, marquis de Rosni, & depuis duc de Sully. Cette érection se fit en 1601 au mois de Janvier. Le grand-maître de l'Artillerie avoit un grand nombre d'officiers, & même des corps de troupes seus sa jurisdiction & dans sa dépendance; aux officiers desquels il pourvoyoit & donnoit à la plûpart des provisions en vertu de sa charge. Le grand-maître pour marque de sa dignité, mettoit au-dessous de l'écu de ses armes deux canons sur leurs affuts, des caques de poudre, des boulets, & des gabions. « Il seroit difficile, dit le P. Daniel, de déterminer le tems où le titre de grand a été donné au maitre d'Artillerie . Il est certain qu'il lui a été donné au-moins quelquefois, même dans des actes authentiques, long-tems avant que cette dignité fût érigée en charge de la couronne. Henri III. Charles IX. Henri II. le lui donnoient dans leurs ordonnances. L'usage en étoit dès le regne de François I.» Histoire de la milice françoise . On peut voir dans le I. vol. de la troisieme édition des mémoires de Saint-Remi, le détail de tous les droits & priviléges qui étoient attribués à la charge de grand-maître de l'Artillerie . Cette importante charge a été supprimée au mois de Décembre 1755, sur la démission de Louis-Charles de Bourbon, comte d'Eu, qui en avoit été pourvû en survivance de M. le duc du Maine, le 12 Mai 1710. Voyez Génie . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand Acquit Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Grand Acquit Grand Acquit , ( Commerce. ) on nomme ainsi à Livourne un droit qui se leve sur chaque vaisseau ou barque de sel qui se met en coûtume. Ce droit est de quatre livres par bâtiment, & c'est un de ceux que l'on paye au convoi. Voyez Convoi . Dictionn. de Commerce, de Chambers, & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grande Chartre Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire d'Angleterre Part of Speech=NA Grande Chartre Grande Chartre , ( Hist. d'Angl. ) Voyez Chartre , & vous observerez qu'elle n'est pas le fondement, mais une déclaration des libertés de l'Angleterre. La nation, par l'établissement de ce corps de lois, se proposa d'affermir ses libertés naturelles & originaires, par l'aveu authentique du roi (Henri III.) qui étoit sur le throne, afin de ne laisser ni à lui ni à ses successeurs aucun prétexte pour empiéter à l'avenir sur les priviléges des sujets. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand'OEuvre Author=unknown Normalized Classification=Alchimie Part of Speech=NA Grand'OEuvre Grand'OEuvre , ( Alchimie. ) voyez Pierre philosophale & Philosophie hermétique . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grand Gosier Author=unknown Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=NA Grand Gosier Grand Gosier , ( Ornith. ) gros oiseau marin plus fort qu'une oie; il a l'air triste & pesant; ses jambes sont courtes & fortes: son cou est long, ainsi que son bec, dont la partie inférieure s'élargit à volonté pour laisser passer librement les gros poissons que l'oiseau reçoit dans une grande poche qu'il a au-dessous de ce bec. On prétend qu'on peut apprivoiser cet oiseau, & s'en servir comme d'un pourvoyeur, en lui faisant regorger le poisson qu'il a pris. Nous ne garantissons point ce fait. Son plumage est blanchâtre & gris-mêlé de quelques plumes noires aux aîles. Quelques-uns le nomment pélicant . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANDESSE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.f. GRANDESSE GRANDESSE, s. f. ( Hist. mod. ) qualité des grands d'Espagne. Voyez l'article Grand . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANDEUR Author=d'Alembert Normalized Classification=Philosophie | Mathématique Part of Speech=s.f. GRANDEUR GRANDEUR, s. f. ( Philos. & Mathém. ) Voilà un de ces mots dont tout le monde croit avoir une idée nette, & qu'il est pourtant assez difficile de bien définir. Ne seroit-ce pas parce que l'idée que ce mot renferme, est plus simple que les idées par lesquelles on peut entreprendre de l'expliquer? Voyez Définition & Elémens des Sciences . Quoi qu'il en soit, les Mathématiciens définissent ordinairement la grandeur , ce qui est susceptible d'augmentation & de diminution; d'après cette notion l' infini ne seroit pas plus une grandeur que le zéro, puisque l'infini n'est pas plus susceptible d'augmentation que le zéro ne l'est de diminution; aussi plusieurs mathématiciens regardent-ils le zéro d'une part & l'infini de l'autre, non comme des grandeurs , mais comme la limite des grandeurs; l'une pour la diminution, l'autre pour l'augmentation. Voyez Limite . On est sans doute le maître de s'exprimer ainsi, & il ne faut point disputer sur les mots; mais il est contre l'usage ordinaire de dire que l'infini n'est point une grandeur , puisqu'on dit une grandeur infinie . Ainsi il semble qu'on doit chercher une définition de la grandeur plus analogue aux notions communes. De plus, suivant la définition qu'on vient d'apporter, on devroit appeller grandeur tout ce qui est susceptible d'augmentation & de diminution; or la lumiere est susceptible d'augmentation & de diminution; cependant on s'exprimeroit fort improprement en regardant la lumiere comme une grandeur . D'autres changent un peu la définition précédente, en substituant ou au lieu de & , & ils définissent la grandeur , ce qui est susceptible d'augmentation ou de diminution. Suivant cette définition dans laquelle ou est disjonctif, zéro seroit une grandeur; car s'il n'est pas susceptible de diminution, il l'est d'augmentation; cette définition est donc encore moins bonne que la précédente. On peut, ce me semble, définir assez bien la grandeur , ce qui est composé de parties. Il y a deux sortes de grandeurs , la grandeur concrete & la grandeur abstraite. Voyez Concret & Abstrait . La grandeur abstraite est celle dont la notion ne désigne aucun sujet particulier. Elle n'est autre chose que les nombres, qu'on appelle aussi grandeurs numériques. Voyez Nombre . Ainsi le nombre 3 est une quantité abstraite, parce qu'il ne désigne pas plus 3 piés que 3 heures, &c. La grandeur concrete est celle dont la notion renferme un sujet particulier. Elle peut être composée ou de parties co-existantes, ou de parties successives; & sous cette idée elle renferme deux especes, l' étendue , & le tems. Voyez Etendue & Tems . Il n'y a proprement que ces deux especes de grandeurs; toutes les autres s'y rapportent directement ou indirectement L'étendue est une grandeur dont les parties existent en même tems; le tems une grandeur dont les parties existent l'une après l'autre. La grandeur s'appelle aussi quantité, voyez Quantité ; & sous cette idée on peut dire que la grandeur abstraite répond à la quantité discrete , & la grandeur concrete à la quantité continue. Voyez Discret & Continu . La grandeur & ses propriétés sont l'objet des Mathématiques, ce qui sera expliqué plus au long à l' article Mathématiques . Sur la grandeur apparente des objets, voyez les mots Optique & Vision . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grandeur Author=Marmontel Normalized Classification=Philosophie morale Part of Speech=s.f. Grandeur Grandeur , s. f. ( Phil. mor. ) ce terme en Physique & en Géométrie est souvent absolu, & ne suppose aucune comparaison; il est synonyme de quantité , d' étendue . En Morale il est relatif, & porte l'idée de supériorité. Ainsi quand on l'applique aux qualités de l'esprit ou de l'ame, ou collectivement à la personne, il exprime un haut degré d'élévation au-dessus de la multitude. Mais cette élévation peut être ou naturelle, ou factice; & c'est-là ce qui distingue la grandeur réelle de la grandeur d'institution. Essayons de les définir. La grandeur d'ame, c'est-à-dire la fermeté, la droiture, l'élévation des sentimens, est la plus belle partie de la grandeur personnelle. Ajoûtez-y un esprit vaste, lumineux, profond, & vous aurez un grand homme. Dans l'idée collective & générale de grand homme , il semble que l'on devroit comprendre les plus belles proportions du corps; le peuple n'y manque jamais. On est surpris de lire qu'Alexandre étoit petit; & l'on trouve Achille bien plus grand lorsqu'on voit dans l'Iliade qu'aucun de ses compagnons ne pouvoit remuer sa lance. Cette propension que nous avons tous à mêler du physique au moral dans l'idée de la grandeur , vient 1°. de l'imagination qui veut des mesures sensibles; 2°. de l'épreuve habituelle que nous faisons de l'union de l'ame & du corps, de leur dépendance & de leur action réciproque, des opérations qui résultent du concours de leurs facultés. Il étoit naturel sur-tout que dans les tems où la supériorité entre les hommes se décidoit à force de bras, les avantages corporels fussent mis au nombre des qualités héroïques. Dans des siecles moins barbares on a rangé dans leurs classes ces qualités qui nous sont communes avec les bêtes, & que les bêtes ont au-dessus de nous. Un grand homme a été dispensé d'être beau, nerveux, & robuste. Mais il s'en faut bien que dans l'opinion du vulgaire l'idée de grandeur personnelle soit réduite encore à sa pureté philosophique. La raison est esclave de l'imagination, & l'imagination est esclave des sens. Celle-ci mesure les causes morales à la grandeur physique des effets qu'elles ont produites, & les apprétie à la toise. Il est vraissemblable que celui des rois d'Egypte qui avoit fait élever la plus haute des pyramides, se croyoit le plus grand de ces rois; c'est à peu-près ainsi que l'on juge vulgairement ce qu'on appelle les grands hommes . Le nombre des combattans qu'ils ont armés ou qu'ils ont vaincus, l'étendue de pays qu'ils ont ravagée ou conquise, le poids dont leur fortune a été dans la balance du monde, sont comme les materiaux de l'idée de grandeur que l'on attache à leur personne. La réponse du pirate à Alexandre, quia tu magnâ classe imperator , exprime avec autant de force que de vérité notre maniere de calculer & de peser la grandeur humaine. Un roi qui aura passé sa vie à entretenir dans ses états l'abondance, l'harmonie, & la paix, tiendra peu de place dans l'histoire. On dira de lui froidement il fut bon; on ne dira jamais il fut grand . Louis IX. seroit oublié sans la déplorable expédition des croisades. A-t-on jamais entendu parler de la grandeur de Sparte, incorruptible par ses moeurs, inebranlable par ses lois, invincible par la sagesse & l'austérité de sa discipline? Est-ce à Rome vertueuse & libre que l'on pense, en rappellant sa grandeur? L'idée qu'on y attache est formée de toutes les causes de sa décadence. On appelle sa grandeur , ce qui entraina sa ruine; l'éclat des triomphes, le fracas des conquêtes, les folles entreprises, les succès insoûtenables, les richesses corruptrices, l'enflure du pouvoir, & cette domination vaste, dont l'etendue faisoit la foiblesse, & qui alloit crouler sous son propre poids. Ceux qui ont eu l'esprit assez juste pour ne pas altérer par tout cet alliage physique l'idée morale de grandeur , ont crû du-moins pouvoir la restreindre à quelques-unes des qualités qu'elle embrasse. Car où trouver un grand homme, à prendre ce terme à la rigueur? Alexandre avoit de l'étendue dans l'esprit & de la force dans l'ame. Mais voit-on dans ses projets ce plan de justice & de sagesse, qui annonce une ame élevée & un génie lumineux? ce plan qui embrasse & dispose l'avenir, où tous les revers ont leur ressource, tous les succès leur avantage, où tous les maux inévitables sont compensés par de plus grands biens? Detecto fine terrarum, per suum rediturus orbem, tristis est (Sénec.). Les vûes de Cesar etoient plus belles & plus sages. Mais il faut commencer par l'absoudre du crime de haute trahison, & oublier le citoyen dans l'empereur, pour trouver en lui un grand homme. Il en est à-peu près de même de tous les princes auxquels la flaterie ou l'admiration a donné le nom de grands . Ils l'ont éte dans quelques parties, dans la legislation, dans la politique, dans l'art de la guerre, dans le choix des hommes qu'ils ont employés; & au lieu de dire il a telle ou telle grande qualité , on a dit du guerrier, du politique, du législateur, c'est un grand homme. Huc & illuc accedat, ut perfecta virtus sit, aequalitas ac tenor vitae, per omnia constans sibi (Senec.). Nous ne connoissons dans l'antiquité qu'un seul homme d'état, qui ait rempli dans toute son étendue l'idée de la véritable grandeur , c'est Antonin; & un seul homme privé, c'est Socrate. Voyez l'article Gloire . Il est une grandeur factice ou d'institution, qui n'a rien de commun avec la grandeur personnelle. Il faut des grands dans un état, & l'on n'a pas toûjours de grands hommes. On a donc imaginé d'élever au besoin ceux qu'on ne pouvoit aggrandir; & cette élévation artificielle a pris le nom de grandeur . Ce terme au singulier est donc susceptible de deux sens, & les grands n'ont pas manqué de se prévaloir de l'équivoque. Mais son pluriel (les grandeurs ) ne présente plus rien de personnel; c'est le terme abstrait de grand dans son acception politique; ensorte qu'un grand homme peut n'avoir aucun des caracteres qui distinguent ce qu'on appelle les grands , & qu'un grand peut n'avoir aucune des qualités qui constituent le grand homme. Voyez Grand . ( Philos. Mor. & Politique. ) Mais un grand dans un état, tient la place d'un grand homme; il le représente; il en a le volume, quoiqu'il arrive souvent qu'il n'en ait pas la solidité. Rien de plus beau que de voir réunis le mérite avec la place. Ils le sont quelquefois à beaucoup d'égards; & notre siecle en a des exemples; mais sans faire la satyre d'aucun tems ni d'aucun pays, nous dirons un mot de la condition & des moeurs des grands, tels qu'il en est par-tout, en protestant d'avance contre toute allusion & toute application personnelle. Un grand doit être aupres du peuple l'homme de la cour, & à la cour l'homme du peuple. L'une & l'autre de ces fonctions demandent ou un mérite recommandable, ou pour y suppléer un extérieur imposant. Le mérite ne se donne point, mais l'extérieur peut se prescrire; on l'étudie, on le compose. C'est un personnage à joüer. L'extérieur d'un grand devroit être la décence & la dignité. La décence est une dignité négative qui consiste à ne rien se permettre de ce qui peut avilir ou dégrader son état, y attacher le ridicule, ou y répandre le mépris. Il s'agit de modifier les dehors de la grandeur suivant le goût, le caractere, & les moeurs des nations. Une gravité taciturne est ridicule en France; elle l'auroit été à Athenes. Une politesse legere eût été ridicule à Lacédémone; elle le seroit en Espagne. La popularité des pairs d'Angleterre seroit déplacée dans les nobles Venitiens. C'est ce que l'exemple & l'usage nous enseignent sans étude & sans réflexion. Il semble donc assez facile d'être grand avec décence. Mais la dignité positive dans un grand est l'accord parfait de ses actions, de son langage, de sa conduite en un mot, avec la place qu'il occupe. Or cette dignite suppose le merite, & un mérite égal au rang. C'est ce qu'on appelle payer de sa personne . Ainsi les premiers hommes de l'etat devroient faire les plus grandes choses; condition toujours pénible, souvent impossible à remplir. Il a donc fallu suppléer à la dignité par la décoration, & cet appareil a produit son effet. Le vulgaire a pris le fantôme pour la réalité . Il a confondu la personne avec la place. C'est une erreur qu'il faut lui laisser; car l'illusion est la reine du peuple. Mais qu'il nous soit permis de le dire, les grands sont quelquefois les premiers à détruire cette illusion par une hauteur révoltante. Celui qui dans les grandeurs ne fait que représenter, devroit savoir qu'il n'ébloüit pas tout le monde, & ménager du-moins ses confidens pour les engager au silence. Qu'un homme qui voit les choses en elles-mêmes, qui respecte les préjugés, & qui n'en a point, se montre à l'audience d'un grand avec la simplicité modeste: que celui-ci le recoive avec cet air de supériorité qui protege & qui humilie, le sage n'en sera ni offensé, ni surpris; c'est une scene pour le peuple. Mais quand la foule s'est écoulée, si le grand conserve sa gravité froide & severe, si son maintien & son langage ne daignent pas s'humaniser, l'homme simple se retire en soûriant, & en disant de l'homme superbe ce qu'on disoit du comédien Baron: il joüe encore hors du théatre . Il le dit tout bas, & il ne le dit qu'à lui-même; car le sage est bon citoyen. Il sait que la grandeur , même fictive, exige des ménagemens. Il respectera dans celui qui en abuse, ou les ayeux qui la lui ont transmise, ou le choix du prince qui l'en a décore, ou, quoi qu'il en soit, la constitution de l'état qui demande que les grands soient en honneur & à la cour, & parmi le peuple. Mais tous ceux qui ont la pénétration du sage, n'en ont pas la modération. Paucis imponit leviter extrinsecùs induta facies...tenue est mendacium: perlucet, si diligenter inspexeris (Senec.). Dans un monde cultive sur-tout, la vanité des petits humiliée a des yeux de lynx pour pénétrer la petitesse orgueilleuse des grands; & celui qui en faisant sentir le poids de sa grandeur en laisse appercevoir le vuide, peut s'assûrer qu'il est de tous les hommes le plus severement juge. Un homme de mérite élevé aux grandeurs , tâche de consoler l'envie, & d'échapper à la malignité. Mais malheureusement celui qui a le moins à prétendre, est toûjours celui qui exige le plus. Moins il soûtient sa grandeur par lui même, plus il l'appesantit sur les autres. Il s'incorpore ses terres, ses équipages, ses ayeux, & ses valets, & sous cet attirail, il se croit un colosse. Proposez-lui de sortir de son enveloppe, de se dépouiller de ce qui n'est pas à lui, osez le distinguer de sa naissance & de sa place, c'est lui arracher la plus chere partie de son existence; réduit à lui même, il n'est plus rien. Etonné de se voir si haut, il prétend vous inspirer le respect qu'il s'inspire à lui même. Il s'habitue avec ses valets à humilier des hommes libres, & tout le monde est peuple à ses yeux. Asperius nihil est humili qui surgit in altum . (Clod.) C'est ainsi que la plûpart des grands se trahissent & nous détrompent. Car an seul mécontent qui a leur secret, suffira pour le repandre; & leur personnage n'est plus que ridicule des que l'illusion a cessé. Qu'un grand qui a besoin d'en imposer à la multitude, s'observe donc avec les gens qui pensent, & qu'il se dise à lui-même ce que diroient de lui ceux qu'il auroit reçûs avec dédain, ou rebutés avec arrogance. « Qui es-tu donc, pour mépriser les hommes? & qui t'éleve au-dessus d'eux? tes services, tes vertus? Mais combien d'hommes obscurs plus vertueux que toi, plus laborieux, plus utiles? Ta naissance? on la respecte: on salue en toi l'ombre de tes ancêtres; mais est ce à l'ombre à s'énorgueillir des hommages rendus au corps? Tu aurois lieu de te glorifier, si l'on donnoit ton nom à tes ayeux, comme on donnoit au pere de Caton le nom de ce fils, la lumiere de Rome (Cic. off. ). Mais quel orgueil peut t'inspirer un nom qui ne te doit rien, & que tu ne dois qu'au hasard? La naissance excite l'émulation dans les grandes ames, & l'orgueil dans les petites. Ecoute des hommes qui pensoient noblement, & qui savoient apprétier les hommes. Point de rois qui n'ayent eu pour ayeux des esclaves; point d'esclaves qui n'ayent eu des rois pour ayeux (Plat.). Personne n'est né pour notre gloire: ce qui fut avant nous n'est point à nous (Senec.). En un mot, la gloire des ancêtres se communique comme la flamme; mais comme la flamme, elle s'éteint si elle manque de nourriture, & le mérite en est l'aliment. Consulte-toi, rentre en toi-même: nudum inspice, animum intuere, qualis quantusque sit, alieno an suo magnus ( ibid. )». Il n'y a que la véritable grandeur , nous dira-t-on, qui puisse soûtenir cette épreuve. La grandeur factice n'est imposante que par ses dehors. Hé bien, qu'elle ait un cortege fastueux & des moeurs simples, ce qu'elle aura de dominant sera de l'état, non de la personne. Mais un grand dont le faste est dans l'ame, nous insulte corps à corps. C'est l'homme qui dit à l'homme, tu rampes au-dessous de moi: ce n'est pas du haut de son rang, c'est du haut de son orgueil qu'il nous regarde & nous méprise. Mais ne faut-il pas un mérite supérieur pour conserver des moeurs simples dans un rang si élevé? cela peut être, & cela prouve qu'il est très-difficile d'occuper décemment les grandeurs sans les remplir, & de n'être pas ridicule par-tout ou l'en est déplacé. Un grand, lorsqu'il est un grand homme, n'a recours ni à cette hauteur humiliante qui est le singe de la dignité, ni à ce faste imposant qui est le fantôme de la gloire, & qui ruine la haute noblesse par la contagion de l'exemple & l'émulation de la vanité. Aux yeux du peuple, aux yeux du sage, aux yeux de l'envie elle-même, il n'a qu'a se montrer tel qu'il est. Le respect le devance, la vénération l'environne. Sa vertu le couvre tout entier; elle est son cortége & sa pompe. Sa grandeur a beau se ramasser en lui-même, & se dérober à nos hommages, nos hommages vont la chercher. Voyez Labruyere, du mérite personnel . Mais qu'il faut avoir un sentiment noble & pur de la véritable grandeur , pour ne pas craindre de l'avilir en la dépouillant de tout ce qui lui est étranger! Qui d'entre les grands de notre âge voudroit etre surpris, comme Fabrice par les ambassadeurs de Pyrrhus, faisant cuire ses légumes? Article de M. Marmontel . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grandeur d'Ame Author=Formey Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grandeur d'Ame Grandeur d'Ame . Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de prouver que la grandeur d'ame est quelque chose de réel: il est difficile de ne pas sentir dans un homme qui maîtrise la fortune, & qui par des moyens puissans arrive à des fins élevées, qui subjugue les autres hommes par son activité, par sa patience, ou par de profonds conseils; il est difficile, dis-je, de ne pas sentir dans un génie de cet ordre une noble dignité: cependant il n'y a rien de pur, & dont nous n'abusions. La grandeur d'ame est un instict élevé, qui porte les hommes au grand, de quelque nature qu'il soit; mais qui les tourne au bien ou au mal, selon leurs passions, leurs lumieres, leur éducation, leur fortune, &c. Egale à tout ce qu'il y a sur la terre de plus élevé, tantôt elle cherche à soûmettre par toutes sortes d'efforts ou d'artifices les choses humaines à elle; & tantôt dédaignant ces choses, elle s'y soûmet elle-même, sans que sa soûmission l'abaisse: pleine de sa propre grandeur . elle s'y repose en secret, contente de se posseder. Qu'elle est belle, quand la vertu dirige tous ses mouvemens; mais qu'elle est dangereuse alors qu'el e se soustrait à la regle! Représentez-vous Catilina au-dessus de tous les préjugés de sa naissance, meditant de changer la face de la terre, & d'anéantir le nom romain: concevez ce génie audacieux, menaçant le monde du sein des plaisirs, & formant d'une troupe de voluptueux & de voleurs un corps redoutable aux armées & à la sagesse de Rome. Qu'un homme de ce caractere auroit porté loin la vertu, s'il eût tourné au bien! mais des circonstances malheureuses le poussent au crime. Catilina étoit né avec un amour ardent pour les plaisirs, que la sévérité des lois aigrissoit & contraignoit; sa dissipation & ses débauches l'engagerent peu-à-peu à des projets criminels: ruiné, décrié, traversé, il se trouva dans un état, où il lui étoit moins facile de gouverner la république que de la détruire; ne pouvant être le héros de sa patrie, il en méditoit la conquête. Ainsi les hommes sont souvent portés au crime par de fatales rencontres, ou par leur situation: ainsi leur vertu dépend de leur fortune. Que manquoit-il à César, que d'être né souverain? Il étoit bon, magnanime, généreux, brave, clément; personne n'etoit plus capable de gouverner le monde & de le rendre heureux: s'il eût eû une fortune égale à son génie, sa vie auroit été sans tache; mais César n'étant pas né roi, n'a passé que pour un tyran. De-là il s'ensuit qu'il y a des vices qui n'excluent pas les grandes qualités, & par conséquent de grandes qualités qui s'éloignent de la vertu. Je reconnois cette vérité avec douleur: il est triste que la bonté n'accompagne pas toûjours la force, que l'amour du juste ne prévale pas nécessairement sur tout autre amour dans tous les hommes & dans tout le cours de leur vie; mais non-seulement les grands-hommes se laissent entraîner au vice, les vertueux même se démentent, & sont inconstans dans le bien. Cependant ce qui est sain est sain, ce qui est fort est fort. Les inégalités de la vertu, les foiblesses qui l'accompagnent, les vices qui flétrissent les plus belles vies, ces défauts inséparables de notre nature, mêlée si manifestement de grandeur & de petitesse, n'en détruisent pas les perfections: ceux qui veulent que les hommes soient tout bons ou tout méchans, nécessairement grands ou petits, ne les ont pas approfondis. Il n'y a rien de parfait sur la terre; tout y est mélangé & fini; les mines ne nous donnent point d'or pur. Cet article est tiré des papiers de M. Formey . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANDIN Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRANDIN GRANDIN, Voyez Bouget . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANGE Author=unknown Normalized Classification=Economie Part of Speech=s.f. GRANGE GRANGE, s. f. ( Econ. ) lieu où l'on sert, où l'on bat les grains. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANIQUE, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GRANIQUE GRANIQUE, ( le ) Géog. anc. ) Granicus , riviere de la Troade en Asie. Elle a sa source au mont Ida, coule en serpentant tantôt vers le S. E. tantôt vers le N. O. & enfin se tourne vers le N. N. O. avant que de tomber dans le Propontide. Cette riviere si fameuse par la premiere bataille que le plus grand capitaine de l'antiquité gagna sur ses bords, ne doit point perdre son nom quand on parlera d'Alexandre, de Darius, & des tems reculés. Les Turcs l'appellent Sanson; elle est aujourd'hui très-petite, presque à sec en été, & cependant se déborde quelquefois considérablement par les pluies. Son fond n'est que sablon & gravier, & les Turcs qui négligent entierement de nettoyer les embouchures des rivieres, ont laissé combler celle du Granique; aussi n'est-il plus navigable par cette seule raison, & même près de la mer où il est assez large. On le traverse au-dessous d'un village nommé Sousighirli; sur un méchant pont de bois à piles de pierre, qui sont peu assûrées. Voyez les voyages de Spon, de Lucas, de Wheeler, & de Tournefort. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANIT, ou GRANITE Author=d'Holbach|Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Lithologie Part of Speech=NA GRANIT, ou GRANITE GRANIT, ou GRANITE, ( Hist. nat. Lithologie. ) c'est une pierre opaque très-dure, qui donne des étincelles lorsqu'on la frappe avec de l'acier, & qui doit être mise par conséquent au rang des jaspes ou des pierres quartreuses & non des marbres, comme quelques auteurs l'on prétendu; les acides n'agissent point sur les vrais granits . Wallerius fait du granit une variété du porphyre; il y a tout lieu de croire que ce n'est qu'une même pierre, qui n'en differe que par la couleur qui est purement accidentelle, & qui ne change rien à la nature de la pierre. Voyez Porphyre . Cependant M. Pott prétend que le granit est d'un grain beaucoup plus grossier que le porphyre. Le granit est ordinairement d'un blanc sale, rempli de taches noirâtres, ou d'un gris foncé; il y en a dans lequel on trouve des particules talqueuses, luisantes, ou du mica. Il y a du granit qui est entre-mêlé de taches d'un rouge pâle, d'autre d'un rouge violet; c'est celui que les Italiens nomment granito rosso; il étoit le plus estimé des anciens, qui le nommoient syenites ou piropaecilon . On le trouvoit, suivant Pline, en Arabie, & dans la haute Egypte; il prenoit un poli admirable. C'est de cette espece de granit que sont faits les fameux obélisques égyptiens que l'on voit encore à Rome. Voyez Pline, Hist. natur. livre XXXVI. chap. viij . Quelques gens ont cru que le granit étoit une pierre composée par art, & que les anciens avoient le secret de coller ensemble de petits morceaux de pierres pour en former des colonnes ou des obélisques d'une grandeur demesurée; c'est la grandeur de ces ouvrages qui semble avoir donné lieu à cette opinion qui n'est point fondée; car, suivant le témoignage de Shaw, dans ses voyages en Egypte & au Levant , on voit encore des carrieres considérables de granit dans l'Arabie pétrée. Il s'en trouve encore dans beaucoup d'autres parties du monde; le granit se rencontre en masses de roche d'une grandeur énorme, & tout l'art des anciens consistoit à en détacher des morceaux très-grands dont ils faisoient leurs colonnes & leurs obelisques. C'est improprement que l'on donne le nom de granit à des pierres composées qui ont à peu-près le même coup-d'oeil que lui; ces dernieres ne sont pas à beaucoup-près d'une dureté aussi grande; il y en a de ces dernieres qui sont composées en grande partie de spath calcaire feuilleté; elles s'égrenent facilement & se pulvérisent. On trouve aussi des particules de quartz qui sont très dures dans ces faux granits: quand on ne s'en rapporte qu'au coup-d'oeil, il est très-aisé de se tromper, & l'on jetteroit une grande confusion dans l'histoire naturelle des pierres, en appellant granit tout ce qui lui ressemble; il paroît que l'on ne doit donner ce nom qu'à une pierre composée, dont toutes les parties sont très dures. Au reste, il semble que les particu es no res qui se trouvent même dans le granit véritable, n'ont point encore été suffisamment examinées; il y a des raisons de présumer qu'elles ne sont point de la même nature que les particules blanches ou rouges qu'on y remarque. Le Dauphiné est rempli de roches de granit blanc & gris, sur-tout le long des bords du Rhône; il s'en trouve aussi en Bourgogne & en Bretagne: mais souvent celui qu'on trouve dans ces deux provinces semble devoir être mis dans la classe du faux granit , étant entre-mêlé de parties spathiques & calcaires. (-) Presque toutes les îles de l'Archipel sont couvertes d'un granit blanc ou grisâtre, pétri naturellement avec des morceaux de talc noirâtres & brillans. M. de Tournefort en a vû à Constantinople, dont le fond est isabelle, piqué de taches couleur d'acier. Le granit violet oriental, qui est marqueté de rouge & de blanc, vient de l'ile de Chypre. Le granit se trouve aussi fréquemment dans toute l'Europe; celui de Corse qu'on tire près de San-Bonifacio, est rouge, mêlé de taches blanches; celui de Monte-Antico, près de Sienne, est verd & noir. Celui de l'île d'Elbe sur la côte de Toscane, est roussâtre; les Romains l'aimoient, & en tiroient une grande quantité de cet endroit là. Le granit psaronien est ainsi nommé de ses taches qui imitent la couleur du sansonet; le granit de Saxe est pourpre. La basse-Normandie a des carrieres de granit du côté de Granville, qu'on employe sous le nom de carreaux de Saint-Sévere pour les chambranles des portes & des cheminées; le Maine a du granit difficile à polir. Celui de Dauphiné est une espece de caillou extrèmement dur, & d'ailleurs bien veiné; sa réputation avoit été autrefois grande; mais la carriere ayant été négligée, on en a presque perdu la connoissance. Toutes les colonnes qui passent pour être de pierre fondue, sont de granit des provinces de ce royaume. On trouve en abondance dans l'île de Minorque de superbe granit rouge & blanc, marqueté de noir, de blanc, & de jaunâtre, dont on a fait à Londres de très-beaux dessus de table. L'Angleterre, l'Irlande, les comtés de Cornouailles & de Devonshire, possedent deux sortes de granit , du noir & blanc, fort dur, qu'on nomme moor-stone , & du granit rouge, blanc, & noir, d'une grande beauté. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANSBAINS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRANSBAINS GRANSBAINS, ( Géog. ) chaîne de montagnes qui traverse l'Ecosse, & qui la sépare en deux, savoir en citérieure & en ultérieure; elle s'étend en long depuis l'embouchure de la Dée à l'E. vers Aberdeen, jusqu'au lac de Lomond à l'O. C'est une partie du mont Grampins , dont Tacite fait mention dans la vie d'Agricola, où il décrit la victoire que ce général remporta près de cette montagne sur Galgacus roi d'Ecosse. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANSON Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRANSON GRANSON, Gransonium , ( Géog. ) petite ville de Suisse au pays de Vaud, capitale d'un bailliage de même nom. Granson est mémorable par la bataille que les Suisses y gagnerent contre Charles, dernier duc de Bourgogne en 1475. Elle est située sur le bord occidental du lac de Neufchatel, à une lieue d'Iverdun. Long. 24. 32. latit. 46. 48 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANTHAM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRANTHAM GRANTHAM, Grathamium , ( Géog. ) ville à marché d'Angleterre en Lincolnshire, sur la riviere de Wintham; elle a droit d'élire deux députés au parlement. Elle est à 3 lieues S. de L'Incoln, 30 N. de Londres. Long. 16. 32. latit. 52. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANVILLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRANVILLE GRANVILLE, Grandisvilla , ( Géog. ) petite ville maritime de France dans la basse-Normandie, avec un port. Elle est en partie sur un rocher, & en partie dans la plaine, à 5 lieues d'Avranches, à 6 de Coutance vers la Bretagne, & à 74 N. O. de Paris. Les Anglois ont bâti Granville sous Charles VII. Long. suivant Cassini, 15 d . 54'. 18''. lat. 48 d . 50'. 6'' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANULATION Author=Jaucourt Normalized Classification=Métallurgie Part of Speech=s.f. GRANULATION GRANULATION, s. f. ( Métall. ) réduction des métaux en poudre ou en petite grenaille, afin qu'ils puissent se fondre plus aisément, & se mêler plus également avec d'autres corps dans certaines opérations délicates. C'est ce qu'on exécute d'une façon grossiere par la voie humide, en jettant les métaux quand ils sont en fusion, dans l'eau froide, au-travers d'un balai de genêt ou de bouleau tout neuf; ou plûtôt en les faisant passer dans un cylindre creux percé de trous, espece de couloir destiné à cette opération. Mais la meilleure méthode de granuler les métaux cassans, se pratique par la voie seche, c'est-à-dire en jettant ces sortes de métaux au moment qu'ils sont en fusion, dans une boîte de bois bien enduite intérieurement de craie: on granule parfaitement Je plomb de cette maniere, & voici comment il faut s'y prendre. Mettez une certaine quantité de plomb dans une cueillere de fer; faites-le fondre lentement sur un petit feu; dès qu'il sera entierement liquéfié, versez-le dans votre boîte de bois, dont l'intérieur, ainsi que son couvercle, qui doit être juste & bien fait, seront partout enduits de craie; secouez sur le champ votre boîte avec le métal fondu que vous venez d'y verser, & secouez-la fortement, ensorte que le métal soit violemment agité contre toutes les parois de la boîte; continuez cette agitation jusqu'à ce que le métal soit refroidi; alors ouvrez la boîte, & vous trouverez la plus grande partie de votre métal finement granulé , c'est-à-dire réduit en très-petits grains; lavez tous ces grains dans l'eau chaude, vous enleverez la craie qui s'y est attachée; enfin passez-les par des couloirs pour en trier les diverses grosseurs. Le plomb, l'étain, le cuivre, sont les métaux les plus propres à ce procedé, parce qu'ils deviennent très-cassans lorsqu'ils entrent en fusion. La craie dont on couvre tout l'intérieur de la boîte de bois, y donne une grande force de résistance, & l'empêche de se brûler, tandis que le métal secoué contre ses parois, acquérant de la fragilité, à mesure qu'il se refroidit, se réduit par les secousses réitérées en une fine poudre, qu'on ne peut obtenir par aucune autre méthode. Il y a pourtant quelques précautions à suivre dans ce procédé, qu'il est bon de savoir; 1°. le plomb ne doit pas être fondu à un feu violent, parce qu'il dépose dans la fusion une pellicule sur sa surface, qui se regenere aussi souvent qu'on l'écarte; de sorte que toutes ces pellicules se mêlant avec le métal, tandis que vous le secouez dans votre boîte, s'opposent à la granulation; 2°. quoique le feu ne soit pas violent, il faut observer que le plomb soit toûjours fluide; autrement il se réuniroit en masse presque aussi-tôt que vous le verseriez dans la boîte; vous n'en retireriez donc que peu de poudre, & vous seriez obligé de répéter le procédé à plusieurs reprises; 3°. l'espece de granulation dont nous parlons, ne doit pas s'appliquer à tous les métaux; on ne peut l'obtenir de ceux qui sont d'autant plus tenaces, qu'ils approchent davantage de la fusion L'or & l'argent, par exemple, sont de cette classe; ils ne peuvent être granulés que par la méthode humide & grossiere de l'eau froide: du-moins les découvertes de nos jours en ce genre ne s'étendent pas plus loin. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRANULATOIRE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GRANULATOIRE GRANULATOIRE, s. f. Voyez Grenailler . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAPHIQUE Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=NA GRAPHIQUE GRAPHIQUE, adjectif, ( Astron. ) on appelle en Astronomie opération graphique , celle qui consiste à résoudre certains problemes d'Astronomie par le moyen d'une ou de plusieurs figures tracées en grand sur un papier, & relatives à la solution de ces problèmes. Si ces opérations ne donnent pas une solution extrèmement exacte, elles donnent en récompense la solution la plus prompte, & fournissent une premiere approximation commode, qu'on peut ensuite pousser plus loin en employant le calcul. Ainsi on employe les opérations graphiques pour avoir d'abord une solution ébauchée du problème des cometes, de celui des éclipses, & de quelques autres. On peut en voir des exemples dans différens ouvrages d'Astronomie. ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAPHOIDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=s.f. GRAPHOIDE GRAPHOIDE, s. f. ( Anat. ) ce mot se dit 1°. de l'apophyse stiloïde, qui est une appendice de l'os des tempes, faite en forme de petit stilet, longue, aiguë, déliée, & tant-soit peu courbée, comme les éperons ou les ergots du coq. 2°. Quelques-uns donnent aussi, quoique mal-à-propos, le nom de graphoïde au muscle digastrique. 3°. Enfin d'autres donnent la même dénomination à une petite extension du cerveau qui part de la base de ce viscere, & panche en-arriere. C'est ainsi que les termes grecs sont par un malheur inévitable tellement multipliés en Medecine & en Anatomie, pour signifier une même chose & même des choses différentes, que pour en étendre les sons & les diverses applications, on est obligé de perdre sur la science aride des mots, le tems le plus précieux de la vie, & qu'on pourroit employer utilement à la connoissance des choses qu'ils désignent. Graphoïde vient de γράφω , j'écris , & εἶδος , forme; voilà pourquoi ce mot est donné à diverses choses qui ont la forme plus ou moins approchante d'une plume dont nous nous servons pour écrire. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAPHOMETRE Author=d'Alembert Normalized Classification=Géométrie pratique Part of Speech=s.m. GRAPHOMETRE GRAPHOMETRE, s. m. ( Géom. prat. ) nom que plusieurs auteurs donnent à un instrument de mathématique, appellé plus communément demi-cercle. Ce mot vient de deux mots grecs, γράφω , j'écris , & μέτρον , mesure; apparemment parce que les divisions de degrés qui sont sur cet instrument donnent, pour ainsi dire, par écrit la mesure des angles qu'on observe par son moyen. On a vû au mot Demi-Cercle en quoi cet instrument differe de l'équerre d'arpenteur. V . Equerre d'Arpenteur . Il differe de la planchette en ce que celle-ci est un instrument beaucoup plus simple & sans aucune division. Voyez Planchette "> Planchette . Ce dernier est plus expéditif, mais le graphometre est plus exact; cependant quand il s'agit d'opérations trigonométriques qui demandent une grande précision, comme de celles qu'il faut faire pour mesurer les angles des triangles dans la mesure d'un degré du méridien, on se sert d'un instrument encore plus exact que le graphometre , d'un quart de cercle bien divisé & garni de lunette. Voyez Quart de Cercle . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAPPE Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GRAPPE GRAPPE, s. f. ( Hist. nat. ) on donne ce nom au fruit, & quelquefois à la semence de plusieurs plantes, lorsque ce fruit ou cette semence a ses grains distribués sur un soûtien branchu, comme on le voit au fruit de la vigne. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grappe de Mer Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Zoophyte Part of Speech=NA Grappe de Mer Grappe de Mer , zoophyte , c'est un corps oblong qui a une sorte de pédicule, & qui ressemble par sa forme extérieure à une grappe de raisin en fleur. Les parties du dedans sont peu distinctes; on y reconnoît seulement plusieurs petites glandes, dont Rondelet a donné la figure avec celle du zoophyte entier. Hist. des insectes & zoophytes, pag. 90 . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grappe Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=NA Grappe Grappe , ( Manége & Maréch. ) maladie cutanée, que quelques auteurs ont confondue avec celle que nous nommons arêtes ou queues de rat , & que d'autres ont imaginé avec raison être la même que celle que nous connoissons sous la dénomination de peignes. Voyez Peignes , Eaux , Maladie . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grappe de Raisin Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA Grappe de Raisin Grappe de Raisin , ( Peinture. ) C'est au célebre Titien que l'art de la Peinture doit le principe caché sous l'emblème de la grappe de raisin . Ce savant peintre, le premier coloriste peut-être qui ait existé, en refléchissant sur l'accord du clair obscur & de la couleur, avoit observé cette harmonie, qui est le but où doivent tendre principalement ceux qui s'occupent à imiter la nature. Il avoit remarqué que la dégradation des couleurs & les différens effets de la lumiere & de l'ombre produisent dans un petit espace, à l'égard des grains qui composent une grappe de raisin , ce qu'ils produisent dans un plus vaste champ sur les corps qui sont offerts continuellement à nos yeux. Il se servoit de cet objet de comparaison pour développer ses idées, & pour rendre plus frappantes les instructions qu'il donnoit à ses éleves. Dans ces instructions il faisoit vraissemblablement remarquer aux jeunes artistes que chaque grain en particulier est l'objet d'une dégradation de couleur, d'une diminution de lumiere, & d'une progression d'ombre extrèmement combinées, à cause de la forme ronde du grain de raisin qui ne permet pas que la lumiere frappe également deux points de cette surface. Il observoit ensuite que cette combinaison si variée dans chaque grain est tellement subordonnée à une combinaison générale, qu'il en résulte, a l'égard de toute la grappe regardée comme un seul corps, un effet semblable à celui que produit un grain lorsqu'il est examiné en particulier. De ces observations tirées de l'exemple d'une grappe de raisin , il entroit sans doute dans des détails sur l'accord & l'union des grouppes, & sur l'harmonie du coloris & du clair obscur, qu'il seroit bien à souhaiter qu'il nous eût transmis. Nous en trouvons, il est vrai, l'application dans ses ouvrages; mais il faut avoir déjà fait un chemin considérable dans l'art de la Peinture par le raisonnement & par l'observation, pour être en état d'entendre ces leçons pratiques, & de lire dans les tableaux des grands maîtres. Rien n'est aussi commun & aussi juste que le conseil qu'on donne aux artistes qui commencent leur carriere, lorsqu'on leur dit: voyez les ouvrages des Titiens, des Raphaëls, des Wandik . Ils obéissent sans doute; mais s'il en est beaucoup qui regardent, il en est fort peu qui ayent l'avantage de voir. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAPPIN Author=Diderot Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.m. GRAPPIN * GRAPPIN, s. m. ( Econ. rustiq. ) instrument de fer à plusieurs fourchons pointus, recourbés, séparés les uns des autres, distribués comme les doigts de la main, & se rassemblant pour former une douille creuse, où le manche du grappin est reçu. On se sert principalement du grappin à la campagne, pour séparer une partie de la raphe du grain du raisin dans les vaisseaux où on le porte immédiatement après qu'il est vendangé, avant que de le jetter dans la cuve. Il y a une autre sorte de grappin , qu'on attache aux piés pour grimper plus facilement sur les gros arbres. La Marine a aussi son grappin. Voyez l'article suivant . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grappin Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Grappin Grappin , ( Marine. ) c'est une petite anchre qui a cinq pattes, & qui sert à tenir une chaloupe ou un petit bâtiment. On porte souvent le grappin à terre. Quelques-uns l'appellent hérisson, risson, harpeau; mais le terme le meilleur est grappin . On dit mouiller le grappin . Grappin à main , ou grappin d'abordage , c'est un croc qu'on jette à la main de dessus les haubans & le beaupré, sur un vaisseau ennemi qu'on veut accrocher. Ce sont les matelots qui doivent jetter le grappin , ou sur les haubans, ou sur le beaupré, & souvent sur les écotars; & lorsque le grappin s'est attaché à quelque manoeuvre ou autre partie du vaisseau ennemi, on hale la corde qui est attachée au grappin , & on fait approcher les deux vaisseaux. On jette encore les grappins dans les hauts du vaisseau qu'on veut aborder, tâchant d'accrocher la dunette ou le château d'avant, & d'y sauter en même tems. Grappin de brûlots , c'est un grappin qui a des crochets au lieu de pattes. On les met au bout du mât de beaupré & des vergues des brûlots, pour accrocher le navire qu'on veut brûler. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAS Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GRAS GRAS, adj. ( Gramm. ) Gras , qui a de la graisse. Voyez Graisse . Il se dit aussi de tous corps enduit de graisse, & de ceux qui donnent au toucher la même sensation que ces corps enduits de graisse, ou que la graisse même. Il s'oppose quelquefois à maigre; on dit faire gras, faire maigre . Il désigne en d'autres circonstances la marque principale de l'embonpoint: cette femme est grasse . Il se prend substantivement: je n'aime pas le gras de la viande; le gras de la jambe . Dans ce dernier exemple il est synonyme à charnu . On l'employe au figuré: il s'est engraissé dans cette affaire; une cause grasse . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras Author=unknown Normalized Classification=Coupe des pierres Part of Speech=NA Gras Gras , ( Coupe des pierres. ) signifie un excès d'épaisseur de pierre, ou de bois, ou d'ouverture d'angle plus grand qu'il n'est nécessaire pour le lieu où la pierre, où le morceau de bois doit être placé. Le défaut opposé s'appelle maigre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras, parler, chanter gras Author=Cahusac Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. Gras Gras , s. m. parler, chanter gras , défaut qui vient plus souvent de l'éducation que de l'organe. Voyez la grammaire de Restaut, sur la lettre R . Il est rare que les enfans ne parlent pas gras , il est rare aussi qu'avec des soins on ne vienne pas à-bout de les guérir d'un défaut de prononciation aussi desagréable. Voyez Grasseyer , Grasseyement . ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras Author=unknown Normalized Classification=Peinture | Sculpture Part of Speech=NA Gras Gras , en Peinture & en Sculpture , est un terme dont l'acception revient à celle de moëlleux , de flou & de large . On dit gras large , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras de la Jambe Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gras de la Jambe Gras de la Jambe , est sa partie charnue, en latin sura . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras de Jambe Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=NA Gras de Jambe Gras de Jambe , ( Manége. ) l'aide du gras de jambe est, après celle du pincer, la plus forte de toutes les aides des jambes du cavalier. Voyez Jambes & Manége . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras fondu Author=Bourgelat Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gras fondu Gras fondu , épithete par laquelle on désigne un cheval atteint de la maladie que l'on nomme gras fondure. Voyez ci-après Gras fondure . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gras-Fondure Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=s.f. Gras-Fondure Gras-Fondure , s. f. adipis fusio , ( Manége & Maréchal. ) maladie. Le nom qu'on lui a donné designant précisément ce qu'elle n'est pas, on ne sauroit former des doutes sur l'ignorance de ceux de qui elle l'a reçu. Un travail forcé, un repos excessif l'occasionnent, Le dégoût, l'agitation, l'inquiétude, l'action de l'animal qui se couche, se releve, & regarde sans cesse son flanc, & le battement plus ou moins violent de cette partie, en sont des signes fréquens, mais équivoques. Celui qui lui appartient essentiellement résulte de la présence d'une matiere visqueuse, épaisse & blanchâtre, qui se trouve mêlée avec les excrémens, & qui, sous la forme d'une espece de toile, en enveloppe & en coeffe, pour ainsi dire, les parties marronnées. C'est ce symptome univoque qui en a grossierement imposé, lorsque l'on s'est persuadé que cette humeur muqueuse & cette prétendue membrane ne sont autre chose que la graisse fondue, comme si le tube intestinal en étoit intérieurement & considérablement garni, & comme si, du tissu cellulaire du péritoine dans lequel elle est répandue, elle pouvoit en se fondant se frayer une route dans ce canal, & être dès-lors & par ce moyen évacuée avec la fiente. Quiconque envisagera la maladie dont il s'agit sous l'aspect d'une affection inflammatoire du basventre, & spécialement du mésentere & des intestins, concevra une juste idée de son génie & de son caractere. En effet si l'on suppose, ensuite d'un exercice outré & de l'extrème accélération du mouvement circulaire, une phlogose fixée plus particulierement, & à raison de certaines dispositions, sur les parties de l'abdomen: ou, si l'on imagine, ensuite d'un repos trop long & conséquemment à la stase des humeurs, un engorgement dans le tissu vasculeux de ces mêmes parties, nécessairement enflammées, dès que leurs fibres nerveuses tiraillées, ou dès que les humeurs stagnantes ayant acquis un degré d'acrimonie susciteront des oscillations plus fréquentes & plus fortes, & donneront lieu à une effervescence; tous les signes qui caractérisent la gras-fondure , ne présenteront rien qui ait droit de surprendre; & l'on verra sans peine comment le mucus, toûjours abondant dans les intestins qu'il lubréfie, & qui d'ailleurs est de la nature des sucs albumineux que la chaleur durcit, peut, dans un lieu que la main même du maréchal trouve brûlant, être parvenu au point de consistance qu'il a acquis, lorsqu'il est entraîné avec les crotins qu'il recouvre. La phlogose qui se manifeste violemment dans la région abdominale est-elle universelle? la gras-fondure sera jointe à la courbature, ou à quelque autre maladie aiguë. Les engorgemens qui ont lieu dans le tissu vasculeux dont j'ai parlé, sont-ils accompagnés de celui des vaisseaux lymphatiques des parties membraneuses qui enveloppent les articulations? il y aura fourbure & gras-fondure en même tems. L'inflammation enfin est-elle très-legere & bornée seulement aux intestins? les desordres qu'elle suscitera seront à peine sensibles. Du reste c'est une erreur née de la fausse idée que l'on s'est formée de cette maladie, de croire que les chevaux chargés de graisse soient les seuls qui puissent y être exposés; la masse des humeurs contenant en eux, il est vrai, une grande quantité de parties sulphureuses, est très-susceptible d'alkalisation & d'explosion; mais d'une autre part, la force & la rigidité des solides dans les chevaux maigres ne les y rend pas moins sujets. Lorsque la gras-fondure est simple, il est rare que les suites en soient funestes. Elle est aussi plus ou moins dangereuse, selon ses diverses complications; elle cede néanmoins, dans tous les cas, à un traitement méthodique, pourvû que les secours qu'elle exige ne soient pas tardifs. Ce traitement méthodique consiste uniquement & en général, dans des saignées plus ou moins multipliées, dans l'administration d'un plus ou moins grand nombre de lavemens émolliens, & dans le soin de tenir exactement l'animal à un régime, humectant & délayant; car on doit absolument proscrire tous remedes cordiaux & purgatifs, capables d'enflammer, d'irriter encore davantage, & d'occasionner infailliblement la mort de l'animal. ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRASSE ou GRACE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRASSE ou GRACE GRASSE ou GRACE, en latin Grinnicum , ( Géog. ) petite ville de France en Provence, avec un évêché suffragant d'Embrun. Elle est sur une montagne, à six lieues O. de Nice, cinq N. O. d'Antibes, vingt-six N. E. d'Aix. Longit. 24. 36. 5. lat. 43. 39. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grasse Bouline Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Grasse Bouline Grasse Bouline , ( Marine. ) Voyez Bouline . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRASSEL Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège | Maréchallerie Part of Speech=s.m. GRASSEL GRASSEL, s. m. ( Manége & Maréch. ) Le grassel termine la portion de l'arriere-main, que je nomme la cuisse . Il occupe conséquemment la partie supérieure de celle que l'on doit appeller la jambe , suivant la nouvelle distinction que j'ai cru devoir faire, eu égard aux extrémités postérieures de l'animal. Voyez les élémens d'Hipp. vol. I. Il est formé par un os d'une figure à-peu-près quarrée, désigné par le nom de rotule , qui se trouve sur l'éminence antérieure, lisse & polie de l'extrémité inférieure du fémur. Cet os est maintenu par les ligamens capsulaires de l'articulation qu'il recouvre, & par les tendons des muscles extenseurs de la jambe, qui s'y attachent avant de parvenir au tibia. Il fait l'office d'une poulie, en glissant lors de la contraction de ces muscles sur l'éminence dont j'ai parlé. Les chevaux peuvent boiter du grassel. Voyez Effort . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRASSETTE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GRASSETTE GRASSETTE, s. f. pinguicula ( Hist. nat. botan. ) genre de plante à fleur monopétale anomale, ouverte des deux côtés, mais ressemblante à la fleur de la violette, presque divisée en deux levres, & terminée par une sorte de queue. Il sort du calice un pistil qui passe dans la partie postérieure de la fleur, & qui devient un fruit ou une coque qui s'ouvre en deux pieces, & qui renferme de petites semences attachées à un placenta. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRASSEYEMENT Author=Cahusac Normalized Classification=Voix Part of Speech=s.m. GRASSEYEMENT GRASSEYEMENT, s. m. ( Voix. ) défaut de l'organe qui gâte la prononciation ordinaire, celle que nous desirons dans la déclamation & dans le chant, sur-tout dans celui du théatre. Voyez Grasseyer . On parle gras, on chante gras, lorsqu'on donne le son r comme si elle étoit précédée d'un c ou d'un g , & qu'on dit l comme si elle étoit un y , sur-tout quand elle est double. Ainsi le mot race dans la bouche de ceux qui grasseyent , sonne comme le mot grace ou trace dans celle des gens qui parlent ou chantent bien; & au lieu de dire carillon, groseille , on prononce niaisement caryon, groseye. Voyez les articles B & L. Le grasseyement sur les autres lettres de la langue sont au-moins aussi insupportables. Il y en a sur le c qu'on prononce comme s'il étoit un t . On a mis sur le théatre des personnages de ce genre qui y ont beaucoup grasseyé & fait rire. Il y a eu un motif raisonnable de ridiculiser ce défaut, rarement naturel, & qui presque toûjours n'est produit que par l'affectation ou la mignardise. On a vû sur le théatre lyrique une jeune actrice qui auroit peut-être distrait les spectateurs de ce défaut, si sa voix avoit secondé son talent. Elle arriva un jour sur la scene par ce monologue qu'on eut la mal-adresse de lui faire chanter: Déesse des amours, Vénus, daigne m'entendre, Sois sensible aux soupirs de mon coeur amoureux . Il est rare que dans les premiers ans on ne puisse pas corriger les enfans de ce vice de prononciation, qui ne vient presque jamais du défaut de l'organe: celui de r , par exemple, n'est formé que par un mouvement d'habitude qu'on donne aux cartilages de la gorge, & qui est poussé du dedans au-dehors. Ce mouvement est inutile pour la prononciation de r: il est donc possible de le supprimer. Tout le monde peut aisément en faire l'expérience: car on grasseye quand on veut. Ce défaut est laissé aux enfans, sur-tout aux jeunes filles lorsqu'elles paroissent devoir être jolies, comme une espece d'agrément qui leur devient cher, parce que la flatterie sait tout gâter. On a un grand soin d'arrêter le grasseyement sur le c , le d & le double l , qui est le tic de presque tous les enfans, parce qu'il donne un ton pesant & un air bête. Il seroit aussi facile de les guérir de celui qui gâte la prononciation de r ; quoiqu'il soit plus supportable, il n'en est pas moins un défaut. Lorsqu'il est question du chant, le grasseyement est encore plus vicieux que dans le parler. Le son à donner change, parce que les mouvemens que le grasseyement employe sont étrangers à celui que forment pour rendre R les voix sans défaut. Sur le théatre on ne passe guere ce défaut d'organe qu'à des talens supérieurs, qui ont l'adresse de le racheter ou par la beauté de la voix, ou par l'excellence de leur jeu. Telle fut la célebre Pelissier, qui dans le tragique sur-tout employoit toutes les ressources de l'art pour rendre ce défaut moins desagréable. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRASSEYER Author=Cahusac Normalized Classification=Chant | Voix Part of Speech=v.neut. GRASSEYER GRASSEYER, v. neut. ( Chant. Voix. ) c'est changer par une prononciation d'habitude ou naturelle, le son articulé de la voix: ainsi on grasseye , lorsqu'on prononce les c , les d , en t , les doubles ll en y; ou lorsqu'on croasse de la gorge la lettre r , ensorte qu'on la fait précéder d'un c ou d'un g. Voyez Grasseyement . C'est le plus souvent par l'habitude qu'on acquiert ce défaut très-desagréable. Les enfans ont presque tous le grasseyement du c & du d , ainsi que celui des doubles l; ils le quittent cependant avec facilité, & l'on ne dit plus, lorsqu'on est bien élevé, tompagnie pour compagnie , ni Versayes pour Versailles. Voyez l'article L . Les soins des précepteurs, quand ils le veulent, réparent sans peine le vice qu'ont donné ou laissé les complaisances des gouvernantes: on n'est pas si attentif sur le grasseyement de r , sur-tout pour les filles, dont on espere de l'agrément; on le regarde alors en les gâtant, comme une mignardise, & on ne corrige point ce défaut, par la fausse persuasion qu'il est un surcroît de graces. Voyez Grasseyement , & l'article R. Mais il faut toûjours en revenir aux principes: la prononciation ne peut être bonne, que lorsqu'elle est sans défaut. Ainsi dans l'éducation des enfans, on ne peut trop veiller à la correction des défauts de la voix, de la prononciation, & du ton que leurs organes prennent souvent de leurs différens entours: dans ces momens, le plus petit défaut devient successivement un desagrément; & dans un âge plus avancé, lorsqu'on entre dans le monde, le ton qu'on a pris dans les premiers ans produit des effets presque aussi prompts que ceux qu'on voit produire au premier abord à certaines physionomies. ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATELLE Author=unknown Normalized Classification=Maladie Part of Speech=s.f. GRATELLE GRATELLE, s. f. ( Maladie. ) c'est une sorte d'affection cutanée, qui est la même que celle qui est appellée essere Voyez Essere . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATERON Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GRATERON GRATERON, s. m. aparine , ( Botanique. ) genre de plante à fleur campaniforme évasée & découpée; le calice devient un fruit sec, entouré d'une écorce mince & composée de deux globules qui renferment une semence à ombilic. Les feuilles de la plante sont rudes ou velues, & disposées autour des noeuds de la tige, au nombre de cinq ou plus. Tournefort, instit. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Dans le systeme de Linnaeus, l'aparine ou le grateron forme pareillement un genre distinct de plante, qu'il caractérise ainsi. Le calice est placé sur le germe, & divisé par quatre noeuds à son extrémité. La fleur consiste en un seul pétale qui ne fait point de tuyau, mais est applatie & découpée en quatre segmens; les étamines sont quatre filets pointus plus courts que la fleur; les bossettes sont simples; le germe du pistil est double; le style est très-délié, un peu fendu en deux vers le bout, & de même longueur que les étamines. Les stigmates sont à tête: le fruit est composé de deux corps secs, arrondis, croissans ensemble, hérissés de poils crochus qui les rendent rudes, roides, & propres à s'accrocher à ce qu'ils touchent. La graine est unique, arrondie, creusée en nombril, & assez grosse. Entre les seize especes de grateron que compte Tournefort, nous ne décrirons que la plus commune, aparine vulgaris , de C. B. P. 133 . Parkins, théat. 567 . Boerh. J. A. 150 . Tournefort, inst. 104. élém. bot. 93 . Sa racine est menue, fibreuse; ses tiges sont grêles, quarrées, rudes au toucher, genouillées, pliantes, grimpantes, longues de trois ou quatre coudées, & branchues; ses feuilles longuettes, étroites, rudes au toucher, terminées par une petite épine, sont au nombre de cinq, six, ou sept, disposées en étoiles comme celles de la garence autour de chaque noeud des tiges. Ses fleurs naissent des noeuds vers l'extrémité des rameaux, portées sur de longs pédicules grêles; elles sont très-petites, blanchâtres, d'une seule piece, en cloche, ouvertes, découpées chacune en quatre parties; leur calice est aussi partagé en quatre. Il se change en un fruit sec, dur, & comme cartilagineux, couvert d'une écorce mince & noirâtre, composé de deux corps presque sphériques, remplis chacun d'une graine un peu creusée vers le milieu. Cette plante vient communément dans les bois, dans les buissons, dans les haies, & quelquefois parmi les blés; elle s'attache aux habits de ceux qui la rencontrent sur leur chemin; elle est ennemie de toutes les plantes qui naissent autour d'elle, les embrasse avec ses feuilles hérissées de poils, & les déracine. Les paysans s'en servent quelquefois en guise de couloir, pour séparer du lait qu'ils viennent de traire, les poils & autres ordures. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grateron Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Grateron Grateron , ( Mat. medic. ) Le grateron est compté par quelques auteurs parmi les remedes apéritifs & diurétiques: mais la classe de ces remedes, que nous avons exposée à l' article Diurétique , est assez remplie pour qu'il soit inutile de la grossir du nom de celui-ci, qui est peu usité, & dont les vertus sont par conséquent mal connues. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATICULER Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=v.n. GRATICULER GRATICULER, v. n. terme de Peint . ce mot nous vient de l'italien grata , grille. Il exprime la maniere dont ordinairement les artistes transportent une composition ou une ordonnance qu'ils veulent suivre d'une surface sur une autre, dans la proportion & la grandeur qui leur conviennent. Pour parvenir à cette opération, on trace sur son dessein ou sur son esquisse, des lignes qui se croisent à angles droits & à distances égales, & qui forment ainsi des quarrés égaux entre eux. On trace aussi sur la surface sur laquelle on veut copier sa composition, un même nombre de lignes croisées qui y produisent un même nombre de quarrés. Alors on dessine dans chaque quarré de sa surface ce qui est dessiné dans le quarré correspondant du dessein ou de l'esquisse. Il est aisé de comprendre que plus on multiplie les quarrés, plus on parvient à copier exactement son original. Il faut remarquer aussi que si les quarrés qu'on trace sur la surface sont plus petits ou plus grands que les quarrés tracés sur l'esquisse ou le dessein, alors la copie qu'on en fait est plus grande ou plus petite: c'est par-là qu'on peut établir entre la copie & l'original telle proportion que l'on veut. Si l'on fait les quarrés destinés à la copie la moitié plus grands que ceux qui sont sur l'original, cette copie sera géométriquement moitié plus grande que l'original; ainsi du reste, soit en diminuant soit en augmentant. On trace ces quarrés ou avec de la craie ou avec du fusin, ou enfin de telle maniere qu'on le veut; mais il faut, autant qu'on le peut, qu'ils se puissent effacer aisément lorsqu'on en a fait l'usage auquel ils sont destinés. Cette maniere de copier sert aux Graveurs qui veulent avoir un dessein exact plus petit ou plus grand qu'un tableau qu'ils veulent graver. Elle sert aussi aux Peintres qui veulent rapporter en très-grand une esquisse d'une grande composition: enfin elle est en général assez précise lorsqu'on multiplie les quarrés, & d'un grand usage dans tous les arts qui ont rapport au Dessein ou à la Peinture. Voyez Anamorphose & Craticulaire . Il y a une autre maniere de faire les réductions & de copier par le moyen d'un instrument nommé singe , dont on donnera le détail au mot Singe : mais l'usage n'en est pas à beaucoup près aussi commun & aussi facile. Cet article est de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATIFICATION Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. GRATIFICATION * GRATIFICATION, s. f. ( Grammaire. ) don accordé en récompense surérogatoire de quelque service rendu. Il semble donc que la gratification suppose trois choses, un consentement particulier de celui qui gratifie, une action utile de la part de celui qui est gratifié, & un avantage pour celui-ci antérieur à la gratification: sans cet avantage, la gratification ne seroit qu'une récompense ordinaire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratification Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire du governement d'Angleterre Part of Speech=NA Gratification Gratification , ( Hist. du gouvern. d'Anglet. ) la gratification est une récompense que le parlement accorde sur l'exportation de quelques articles de Commerce, pour mettre les négocians en état de soûtenir la concurrence avec les autres nations dans les marchés étrangers. Le remede est très-sage, & ne sauroit s'étendre à trop de branches de négoce, à mesure que l'industrie des autres peuples & le succès de leurs manufactures y peuvent donner lieu. La gratification instituée en particulier en 1689, pour l'exportation des grains sur les vaisseaux anglois, afin d'encourager la culture des terres, a presque changé la face de la Grande-Bretagne: les communes ou incultes ou mal cultivées, des pâturages arides ou deserts, sont devenus, au moyen des haies dont on les a fermés & séparés, des champs fertiles, ou des prairies très riches. Les cinq schelings de gratification par quartier de grain, c'est-à-dire environ vingt-quatre boisseaux de Paris, s'employent par le laboureur au défrichement & à l'amélioration de ses champs, qui étant ainsi portés en valeur, ont doublé de revenu. L'effet de cette gratification est de mettre le royaume en état de vendre son blé dans les marchés étrangers, au même prix que la Pologne, le Dannemark, Hambourg, l'Afrique, la Sicile, &c. c'est en d'autres termes, donner au laboureur une gratification de 200 mille liv. sterling par an, pour que l'Angleterre gagne 1500 mille liv. sterling, qu'elle n'auroit pas sans ce secours. Généralement parlant, la voie de la gratification est la seule qui puisse être employée en Angleterre, pour lui conserver la concurrence de tous les commerces avec l'étranger. C'est une belle chose dans un état, que de l'enrichir en faisant prospérer les mains qui y travaillent davantage. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATIOLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. GRATIOLE GRATIOLE, s. f. ( Botanique. ) espece de digitale; aussi est-elle nommée digitalis minima , par Boerhaave, J. A. 229 . Tournef. inst. 165. elem bot. 135. gratiola , par J. B. iij. 434 . Ger. 466 . Emac. 581 . Rai, hist. ij. 1885 . Rivin, irr. M. 126 . Rupp. Fl. Jen. 200. C'est une petite plante dont la tige menue pénetre fort avant dans la terre, & pousse plusieurs tiges quarrées, d'environ un pié de haut, des noeuds desquelles naissent des feuilles longues, étroites, & pointues comme celles de l'hysope ordinaire. Il sort de leurs aisselles des fleurs portées sur de courts pédicules, petites, oblongues, d'un jaune pâle, ouvertes en maniere de gueules en-devant, & partagées en deux levres d'un pourpre clair; la levre supérieure est en forme de coeur, réfléchie vers le haut, & l'inférieure est divisée en trois parties; leur calice est d'une seule piece, partagé en cinq quartiers, du fond duquel s'éleve un long pistil qui se change en une capsule rougeâtre, arrondie, terminée en pointe, partagée en deux loges, & remplie de menues graines roussâtres. Toute cette plante est sans odeur, mais d'une saveur très-amere, mêlée de quelque adstriction. Elle aime les lieux montagneux, & fleurit au mois de Juillet: elle est rarement d'usage, parce qu'elle agit avec violence par haut & par bas; & c'est pour cela qu'elle mérite d'être considérée en matiere médicale. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratiole Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gratiole Gratiole , ( Mat. med. ) on la place communément dans les listes des plantes usuelles au rang des purgatifs hydragogues; & en effet elle purge très violemment. C'est un vrai remede de paysan ou de charlatan, auquel on pourroit avoir recours à la campagne dans le cas de nécessité, à la dose d'une demi-poignée de plante fraîche en infusion ou en décoction, mais qu'on ne doit jamais employer quand on est à portée d'avoir les purgatifs plus éprouvés & moins dangereux des boutiques. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATITUDE, RECONNOISSANCE Author=Jaucourt Normalized Classification=Synonymes Part of Speech=sub.f GRATITUDE, RECONNOISSANCE GRATITUDE, RECONNOISSANCE, sub. f. ( Synonymes. ) ces deux mots désignent une même chose, le sentiment des bienfaits qu'on a reçûs; avec cette différence, que le second est toûjours en regne, & que le premier, quoique plus moderne, n'ayant été hasardé que sur la fin du seizieme siecle, commence à vieillir dans le dix-huitieme. « Quant à la gratitude , dit Montagne, (car il me semble que nous avons besoin de mettre ce mot en crédit), l'exemple du lion qui récompensa Androclus du bienfait qu'il avoit reçû de lui, en venant le lecher dans l'amphitéatre de Rome, est un exemple de cette vertu qu'Appien & Séneque nous ont consacrée ». Autre bizarrerie de notre langue; le mot de méconnoissance est tombé, & le mot ingratitude a pris sa place. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATTEAU Author=unknown Normalized Classification=Doreur Part of Speech=s.m. GRATTEAU GRATTEAU, s. m. en terme de Doreur , sont des morceaux de fer trempé de toutes formes, enfermés dans un manche de bois; ils servent à gratter les pieces pour l'apprêt. Voyez Gratter , & les Planches du Doreur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratteau Author=unknown Normalized Classification=Fourbisseur Part of Speech=NA Gratteau Gratteau , instrument de Fourbisseur , mais différent de celui des Doreurs sur métal; il est tourné en spirale par le milieu; les deux bouts sont plats, tranchans, & courbés, l'un à droite & l'autre à gauche; il sert à gratter & même à brunir la plaque des gardes d'épée qu'on veut nettoyer & réparer. On appelle petit gratteau , un ciselet un peu recourbé par le bout, avec lequel les Fourbisseurs & autres ouvriers grattent & adoucissent le relief de leurs ouvrages. Voyez les figures du Fourbisseur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratte-Bosse Author=unknown Normalized Classification=Ciseleur | Graveur Part of Speech=s.m. Gratte-Bosse Gratte-Bosse , s. m. ( Graveur. Cizeleur. ) est une brosse de fils de laiton, ficelés ensemble par un autre fil de même matiere; elle sert à gratter sans les endommager les différens ouvrages de métaux, & à en emporter toute la crasse que le recuit peut leur avoir donné, en brossant ces différens ouvrages avec le gratte-bosse dans de l'eau commune, ou dans les eaux convenables aux métaux que l'on travaille. Voyez la figure dans les Planches de Gravure . L'Arquebusier, le Doreur, le Fondeur, le Monnoyeur, &c. se servent du gratte-bosse , & ils disent gratte-bosser . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratte-Cul Author=unknown Normalized Classification=Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=s.m. Gratte-Cul Gratte-Cul , s. m. ( Pharmac. & Mat. med. ) on nomme ainsi le fruit de l'églantier. Voyez Églantier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATTER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRATTER GRATTER, verbe act. c'est appliquer & mouvoir à la surface d'un corps, quelque instrument pointu ou tranchant, capable d'en detacher de petites particules. On se gratte , on gratte la terre avec les ongles. Voyez les articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratter Author=unknown Normalized Classification=Batteur d'or Part of Speech=NA Gratter Gratter , en terme de Batteur d'or; c'est faire tomber avec le couteau ( Voyez Couteau ), l'or qui deborde des quarterons. Voyez Quarterons . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratter Author=unknown Normalized Classification=Doreur Part of Speech=NA Gratter Gratter , en terme de Doreur; c'est l'action d'adoucir les traits que le rifloir ou la lime ont faits sur une piece avec le grattoir. Voyez les figures du Doreur . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratter Author=unknown Normalized Classification=Formier Part of Speech=NA Gratter Gratter , en terme de Formier; c'est rendre la forme beaucoup moins imparfaite qu'elle n'étoit auparavant, & propre à recevoir sa derniere façon, en la grattant avec une vieille lame d'épée. Voy. Grattoir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratter Author=Papillon Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gratter Gratter , c'est rendre nourries des tailles déjà gravées, qu'on peut avoir faites trop délicates; cela se fait avec attention & jugement avec le grattoir à ombre; & les tailles en viennent à l'impression plus fortes & plus ombrées qu'elles n'ont été gravées. Voyez l'article Gravure en Bois . Article de M. Papillon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratter un Vaisseau Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gratter un Vaisseau Gratter un Vaisseau , ( Marine. ) c'est le racler pour ôter le vieux goudron qui est dessus le bois. On gratte les dehors du vaisseau, ses ponts & ses mâts, lorsque l'on trouve que cela est nécessaire, & on le fait pour le moins une fois dans l'année; l'outil dont on se sert pour cette opération se nomme racle . Aussitôt qu'on a gratté ou raclé les côtés du vaisseau, il faut les goudronner avec du goudron chaud, parce qu'autrement le bordage se gâte & se noircit, surtout si la pluie donne dessus avant qu'on le goudronne. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gratter Author=unknown Normalized Classification=Raffinerie Part of Speech=NA Gratter Gratter , en terme de Raffineur , c'est l'action d'enlever avec un couteau ordinaire le sucre qui avoit jailli sur les bords de la forme, en mouvant, ou la terre des esquives en plamotant. Voyez Mouver , Plamoter . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATTOIR Author=unknown Normalized Classification=Grammaire | Art méchanique Part of Speech=s.m. GRATTOIR GRATTOIR, s. m. ( Gramm. & Arts méchaniq. ) instrument dont le nom indique assez la fonction; il est peu d'artistes qui n'ayent un grattoir , connu sous ce nom ou sous un autre. Voyez l'article Gratter , & les articles suivans . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , ( Hydraul. ) Voyez Outils de Fontainier, au mot Fontainier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=Le Blond Normalized Classification=Artillerie Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , dans l'Artillerie , est un petit ferrement dont on se sert pour nettoyer la chambre & l'ame du mortier. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , ( Marine. ) outil pour gratter le vaisseau. Voyez Racle . Voyez aussi l'article Gratter . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , outil d'Arquebusier , c'est une verge de fer un peu plus longue qu'un canon de fusil; cette verge est fendue par en-haut; chaque branche en est applatie & un peu recourbée en-dehors; les Arquebusiers l'insinuent dans le canon, & ses extrémites en détachent la crasse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Bijoutier Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , en terme de Bijoutier , est un outil de fer trempé, de diverses formes, selon le besoin de l'artiste; il a toûjours une partie tranchante. Pour en comprendre l'utilité, il faut distinguer dans la manoeuvre deux tems ou l'ouvrier est obligé de s'en servir. 1°. Quand son lingot est fondu & forgé d'une certaine épaisseur; il le découvre avec un grattoir de toutes parts, pour en enlever les pailles ou impuretés provenues de la fonte & des sels dont on s'est servi pour faciliter la fusion du métal: il n'est besoin pour cette opération que d'un grattoir plat pour découvrir, & d'un demi-rond pour enlever les impuretés profondes: cette opération s'appelle épailler. Voyez Épailler . 2°. Quand la tabatiere, garniture, ou autre bijou quelconque, est au point de perfection que pour le polir en-dedans il faut le reparer, c'est-là le second tems où l'artiste est obligé d'employer cette sorte d'outil: pour amener son bijou à ce point, il a fallu nécessairement qu'il aille plusieurs fois au feu, qu'il restât plusieurs heures dans l'eau mixte, d'où il a résulte une espece de croûte qu'il faut enlever; il a fallu en outre employer des soudures qui dans la fusion, laissent toûjours des superfluités qu'il faut faire disparoître, ces bijoux n'étant point égaux dans leurs formes: la diversité des angles & des cavités qu'il faut nettoyer, décident l'artiste sur la forme qu'il doit donner à son outil. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Chauderonnerie Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , terme de Chauderonnier; le grattoir ordinaire des Chauderonniers ne differe guere de celui du Monnoyeur, mais il est emmanché d'un plus long manche pour pouvoir atteindre au fond des marmites, coquemarts, & autres ustensiles de cuisine, qu'ils nettoyent & grattent avec cet instrument qui est d'acier, pour les mettre en etat d'être étamés. Ils en ont encore deux autres outre celui-là; l'un qui est fait en croissant, pour gratter l'équerre des chauderons, marmites, & autres ouvrages enfoncés; l'autre qui est fort court & en forme de couteau, sert à en gratter les bords. Ces deux sortes de grattoirs ont aussi des manches de bois; mais avec cette différence, que les manches des grattoirs en couteau sont toûjours très-courts, & que les grattoirs en croissant en ont de diverses longueurs proportionnées à la profondeur des pieces qu'on veut gratter. Voyez les Planches du Chauderonnier . A la partie supérieure du manche est le grattoir en croissant; la partie inférieure est le grattoir à deux biseaux. Ces sortes d'outils sont d'acier trempé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Doreur Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , ( Doreur. ) cet instrument n'a rien de particulier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Ecrivain Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , ( Ecrivain. ) c'est un instrument d'acier d'une forme elliptique & traversé sur toute sa longueur d'une arrête; il est à deux tranchans, & monte sur un manche de bois. Il sert à enlever les taches du papier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Fonderie Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , terme de Fonderie , est un outil d'acier crochu par un bout & dentelé; il sert à celui qui polit l'ouvrage au sortir de la fonte, pour ôter les épaisseurs qui peuvent se trouver à la bronze. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Formier Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , chez les Formiers , c'est une vieille lame d'épée avec laquelle on gratte un ouvrage quelconque, pour le préparer à recevoir sa derniere façon. Voyez Planche du Formier-Talonnier, fig. 2 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir à creuser Author=Papillon Normalized Classification=Gravure en bois Part of Speech=NA Grattoir à creuser Grattoir à creuser , ( Gravure en bois. ) c'est un outil qui sert à polir le bois, dans la nouvelle maniere de le préparer selon M. Papillon, pour y graver les lointains & points éclairés. Voyez la figure de cet outil, Pl. du suppl . de la Gravure en bois, fig. 2 . & la maniere de s'en servir, immédiatement après les principes de cet art, dans l' article des secrets & nouvelles manieres de préparer le bois , &c. Article de M. Papillon . La Gravure en cuivre a aussi son grattoir , qui n'a rien de particulier. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir à ombrer Author=unknown Normalized Classification=Gravure en bois Part of Speech=NA Grattoir à ombrer Grattoir à ombrer , ( Gravure en bois. ) Il ne differe de celui à creuser & polir le bois, qu'en ce qu'il n'est point courbe à son taillant ou à son épaisseur; il n'a que les coins un peu adoucis & peu sensiblement arrondis; il est très-utile dans la maniere trouvée par M. Papillon, de renforcer les ombres, à gratter artistement & prudemment les tailles, &c. déjà gravees que l'on trouve trop délicates, pour les rendre plus nourries, leur donner plus de force, & par consequent les faire ombrer davantage la place où elles ont été faites. Voyez la figure de cet outil, Pl. du supplém. de la Gravure en bois, fig. 5 . & la maniere de s'en servir, à l'article Gravure . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir à anches Author=unknown Normalized Classification=Lutherie Part of Speech=NA Grattoir à anches Grattoir à anches , ( Lutherie. ) représenté fig. 12 . Planche X . de Lutherie, est un morceau de bois dur, par exemple, du boüis ou du poirier, concave d'un côté & convexe de l'autre, sur lequel les facteurs de musettes & de hautbois ratissent les lames de roseau, dont les anches de ces instrumens sont faites. Voyez Anches des instrumens à vent -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Plombier Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , terme de Plombier , est un instrument de fer plat, court, assez tranchant, pointu & un peu recourbé; il a un manche de bois fort court. On s'en sert pour gratter & ratisser les soudures. Voyez les Planches & les figures du Plombier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Potier d'étain Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , outil de Potier d'étain; il y en a de plusieurs sortes. Le grattoir à deux mains est plat comme une pleine de tourneur. L'acier couvre la planche; ainsi il a un taillant de chaque côté, parce qu'il est émoulu en biseau comme les crochets, & il a un manche de bois à chaque bout. Il sert à gratter presque tout ce qui se repare à la main. Voyez Reparer . Il y a d'autres grattoirs qu'on nomme grattoirs sous bras , qui servent à différens ouvrages, tant à reparer qu'à tourner. Ils ont différentes formes, mais ils n'ont qu'un manche de bois dans lequel on les fait tenir. Voyez les Planches du Potier d'étain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=NA Grattoir Grattoir , ( Relieur. ) c'est un morceau de fer épais dans le milieu, & mince par les deux bouts: il y a des dents à ses extrémités; elles servent à racler le dos des livres pour y faire entrer la colle. Il y en a ordinairement une étroite & une large, afin que l'instrument serve à des gros volumes & à des petits. Voyez la Planche du Relieur; voyez aussi Frottoir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grattoir Author=Diderot Normalized Classification=Sculpture | Stuccateur Part of Speech=NA Grattoir * Grattoir , ( Sculpteur & Stuccateur. ) celui du sculpteur est presque recourbé à angle droit, & la partie recourbée est dentelée sur toute sa circonférence. Il est de fer & emmanché dans un morceau de bois. Celui du stuccateur se termine en feuille ou spatule elliptique, & plus large par le bout qu'ailleurs; la portion elliptique est un peu recourbée; elle a aussi des dents sur toute sa circonférence. Le nom de cet outil designe assez l'usage que l'artiste en fait. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATUIT Author=unknown Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=adject GRATUIT GRATUIT, adj. ( Jurisprud. ) voyez ou mot Don . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRATZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRATZ GRATZ, Graiacum , ( Géogr. ) ville d'Allemagne capitale de la Stirie, avec un bon château sur une roche, un palais & une académie. Gratz est, suivant Cluvier, la Muroëla de Ptolomée; cependant d'autres auteurs n'en conviennent point, & même révoquent en doute son ancienneté. Elle est sur le Muer, à 24 lieues S. O. de Vienne, & 18 N. O. de Varadin. Long. suivant Street, 33 d . 26'. 15''. latit. 48 d . 50'. 6'' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAUDENTZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAUDENTZ GRAUDENTZ, Grudentum , ( Géog. ) petite ville de Pologne au palatinat de Culm sur la Vistule, avec un bon château, à 14 lieues de Dantzig, 8 de Thorn, 30 N. O. de Warsovie. Long. 37. 2. lat. 53. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVE Author=Beauzée|Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GRAVE GRAVE, adj. en terme de Grammaire: on dit, accent grave, accent aigu, accent circonflexe; & cela se dit également & des différentes élévations du son , & des signes prosodiques qui les caractérisent dans les langues anciennes, & des mêmes caracteres, tels que nous les employons aujourd'hui, quoique destinés à une autre fin ( voyez Accent ). ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grave Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=NA Grave Grave , ( Phys. ) signifie la même chose que pesant; on dit un corps grave , les graves . Voyez ci-après Gravité . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grave, Gravité Author=Voltaire Normalized Classification=Grammaire | Littérature | Morale Part of Speech=NA Grave, Gravité Grave, Gravité , ( Gramm. Littérat. & Morale. ) Grave , au sens moral, tient toûjours du Physique; il exprime quelque chose de poids. C'est pourquoi on dit, un homme, un auteur, des maximes de poids , pour homme, auteur, maximes graves . Le grave est au sérieux ce que le plaisant est à l'enjoüé: il a un degré de plus; & ce degré est considérable. On peut être sérieux par humeur, & même faute d'idées. On est grave ou par bienséance, ou par l'importance des idées qui donnent de la gravité . Il y a de la différence entre être grave & être un homme grave . C'est un défaut d'être grave hors de propos. Celui qui est grave dans la société est rarement recherché. Un homme grave est celui qui s'est concilié de l'autorité plus par sa sagesse que par son maintien. Pietate gravem ac meritis si fortè virum quem . L'air décent est nécessaire par-tout: mais l'air grave n'est convenable que dans les fonctions d'un ministere important, dans un conseil. Quand la gravité n'est que dans le maintien, comme il arrive très souvent, on dit gravement des inepties. Cette espece de ridicule inspire de l'aversion. On ne pardonne pas à qui veut en imposer par cet air d'autorité & de suffisance. Le duc de la Rochefoucauld a dit que, la gravité est un mystere du corps inventé pour cacher les défauts de l'esprit . Sans examiner si cette expression, mystere du corps , est naturelle & juste, il suffit de remarquer que la reflexion est vraie pour tous ceux qui affectent la gravité , mais non pour ceux qui ont dans l'occasion une gravité convenable à la place qu'ils tiennent, au lieu où ils sont, aux matieres qu'on traite. Un auteur grave est celui dont les opinions sont suivies dans les matieres contentieuses. On ne le dit pas d'un auteur qui a écrit sur des choses hors de doute. Il seroit ridicule d'appeller Euclide, Archimede, des auteurs graves . Il y a de la gravité dans le style. Tite-Live, de Thou, ont écrit avec gravité . On ne peut pas dire la même chose de Tacite, qui a recherché la précision, & qui laisse voir de la malignité; encore moins du cardinal de Retz, qui met quelquefois dans ses récits une gaieté déplacée, & qui s'écarte quelquefois des bienséances. Le style grave évite les saillies, les plaisanteries; s'il s'éleve quelquefois au sublime, si dans l'occasion il est touchant, il rentre bien-tôt dans cette sagesse, dans cette simplicité noble qui fait son caractere; il a de la force, mais peu de hardiesse. Sa plus grande difficulté est de n'être point monotone. Affaire grave , cas grave , se dit plûtôt d'une cause criminelle que d'un procès civil. Maladie grave suppose du danger. Article de M. de Voltaire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grave Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=adject Grave Grave , adj. ( Musique. ) son grave. Voyez Son & Gravité . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grave, ou Gravement Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=adv. Grave Grave , ou Gravement , adv. ( Musique. ) dans la musique italienne, c'est le mouvement le plus lent; dans la françoise, il est seulement le second en lenteur. Le premier s'indique par le mot lentement . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grave Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. Grave Grave , s. f. ( Marine. ) c'est un terrein plein de cailloutage situé au bord de la mer, sur lequel les pêcheurs étendent la morue ou autres poissons qu'ils veulent faire sécher. Le mot grave n'est d'usage que dans l'île de Terre-neuve, l'Isle-royale, & le golphe Saint-Laurent, où la pêche est considérable. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grave Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grave Grave , Gravia , ( Géogr. ) forte ville des Pays-Bas dans le Brabant hollandois. Elle est sur la rive gauche de la Meuse qui remplit ses fossés, à 2 lieues de Cuyk, à 3 de Nimegue, 6 de Bois-le-Duc, 26 N. E. de Bruxelles. Long. 23. 16. lat. 51. 46 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVELINES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAVELINES GRAVELINES, ( Géogr. ) les Flamands l'appellent Grevelingen , en latin moderne Gravaringa , ville forte des Pays-Bas dans la Flandre françoise, sur la frontiere de l'Artois. Théodoric comte de Flandres la fit bâtir vers l'an 1160, & la nomma Nieuport. Voyez de Valois, notit. gall. page 266 . Les fortifications sont du chevalier de Ville & du maréchal de Vauban. Les Anglois prirent Gravelines en 1383, & les François en 1644: l'archiduc Léopold la reprit en 1652, & le maréchal de la Ferté en 1658. Elle fut cédée à la France par le traité des Pyrénées; elle est dans un terrein marécageux sur l'Aa, près de la mer, à 5 lieues O. de Calais, 6 S. O. de Dunkerque, 16 S. O. de Gand. Long. suivant Cassini, 15 d . 39'. 5''. latit. 50 d . 58'. 40'' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVELLE Author=unknown Normalized Classification=Maladie Part of Speech=s.f. GRAVELLE GRAVELLE, s. f. ( maladie ) Voyez Pierre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravelle Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravelle Gravelle , Voyez Cendres . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravelle Author=unknown Normalized Classification=Cloutier d'épingle Part of Speech=NA Gravelle Gravelle ; les Cloutiers d'épingle appellent de ce nom le tartre qui s'attache aux douves de tonneau; ils le font sécher, & s'en servent pour jaunir leurs clous. Voyez Jaunir . Les Teinturiers se servent du même nom. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVER Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.act. GRAVER * GRAVER, v. act. & neut. c'est imiter les objets de la nature & les scenes de la vie, avec des traits tracés au burin, ou autrement, sur des substances capables de les retenir, & d'en laisser l'empreinte sur le papier, la toile, le satin, par le moyen de l'impression. On grave sur presque toutes les matieres dures, le fer, l'acier, la pierre, le cuivre, le bois, &c. Voyez ces différens travaux aux articles Gravure . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graver Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Graver Graver , en terme d'Artificier , se dit de l'effet d'un feu trop vif à l'égard d'un cartouche qui n'est pas de force suffisante pour y résister parfaitement, soit parce que les révolutions du carton ne sont pas exactement collées les unes sur les autres, soit parce qu'elles ne sont pas assez nombreuses, ce qui fait que le cartouche perce ou se fend. Dictionn. de Trév . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graver Author=unknown Normalized Classification=Boutonnier Part of Speech=NA Graver Graver , en terme de Boutonnier , c'est l'action d'imprimer sur un cerceau tel ou tel dessein. On a pour cela des poinçons qui couvrent tout le cerceau; & d'un coup de marteau fort ou foible, selon l'épaisseur de la piece, on y marque l'empreinte du poinçon. Quoiqu'il n'y ait rien de trop merveilleux dans cette espece de gravure, ceux qui la font ne laissent pas de se cacher soigneusement pour travailler: si c'est de peur qu'on ne leur dérobe leur secret, où est-il donc ce secret? Il est plus vraissemblable de croire que c'est pour prêter à cette manoeuvre une difficulté imaginaire, qui abuse ceux qui voudroient s'occuper dans cette partie, ou pour donner du relief à leur ouvrage, & se faire mieux payer de leur tems. Si c'est cela, ces ouvriers ne sont pas mal-adroits. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Graver Author=unknown Normalized Classification=Piqueur de tabatiere Part of Speech=NA Graver Graver , en terme de Piqueur en tabatiere , c'est tracer les desseins sur la tabatiere, en sorte que les traits ne s'effacent point; ce qui arriveroit, si l'on ne se servoit que du crayon ou d'autre matiere semblable. On ne peut cependant faire aucun usage du burin dans cette opération; sa forme triangulaire feroit des traits qui couvriroient les clous, &c. mais on ne se sert que d'une aiguille ordinaire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVESENDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAVESENDE GRAVESENDE, ( Géogr. ) petite ville d'Angleterre, dans la province de Kent, sur la Tamise, à 20 milles au-dessous de Londres, & à 7 de Rochester. C'est un port & passage très-fréquenté. Long. 17. 58. latit. 51. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVEUR en cuivre, en acier, au burin, à l'eau forte, en bois, en maniere noire, & en clair-obscur Author=Jaucourt Normalized Classification=Arts modernes Part of Speech=NA GRAVEUR GRAVEUR en cuivre, en acier, au burin, à l'eau forte, en bois, en maniere noire, & en clair-obscur , ( Arts modernes. ) ce sont-là autant d'artistes qui par le moyen du dessein & de l'incision sur les matieres dures, imitent les lumieres & les ombres des objets visibles. Les glorieux monumens du savoir des anciens ont presque tous péri: mais si à tant d'avantages qu'ils semblent avoir sur nous ils avoient joint l'art de graver, que de richesses nous en reviendroient? elles tromperoient notre douleur, tanti solatia luctûs! & peut-être nous appercevrions-nous moins de nos pertes. Il seroit sans doute échappé quelques empreintes de tant de rares productions de leur génie; nous aurions du-moins quelques images des grands hommes que nous admirons, ce patrimoine de la postérité, & qui la touche si fort. Cependant loin de nous affliger davantage, cherchons dans ce que nous avons, des motifs de consolation sur ce que nous n'avons plus. Ne songeons desormais qu'à tirer parti de la découverte admirable de la Gravure, moyen sûr de faire passer d'âge en âge jusqu'à nos derniers neveux, les connoissances que nous avons acquises. J'envisage les productions de ce bel art comme un parterre émaillé de quantité de fleurs variées dans les formes & les couleurs, qui quoique moins précieuses les unes que les autres, concourent toutefois à l'effet de ce tout ensemble brillant, que les yeux du spectateur avide ne peuvent se lasser de considérer. Tels sont les ouvrages des habiles Graveurs qu'un curieux délicat a sû réunir dans son cabinet; il les parcourt avec un plaisir secret ignoré des hommes sans goût: tantôt il admire à quel point de grands maîtres ont porté leur burin par une touche forte, vigoureuse & hardie; tantôt il se plaît à voir la correction qui se présente sous des travaux plus agréables; ensuite satisfait des beautés propres au burin, il passe à celles de l'eau-forte, qui moins recherchée dans ses atours, lui peint l'aimable nature dans sa simplicité: telle il la chérit dans les estampes du Parmesan, du Guide, & autres grands peintres qui ont laissé couler leurs pensées sur le cuivre avec cette facilité qu'on retrouve dans leurs desseins. Il est vrai qu'à regret il voit ces précieuses eaux fortes dénuées de ce clair-obscur, le charme de la vûe; mais il les retrouve dans d'autres maîtres, qui célebres en cette partie, ont produit comme par enchantement sur les objets, les jours & les ombres qu'y répand la lumiere. Ces maîtres méritent d'être connus non-seulement des amateurs, qui goûtent tant de plaisir au spectacle de leurs ouvrages, mais sur-tout des personnes qui se destinant au même art, brûlent de courir avec honneur dans la même carriere. C'est par ces raisons que nous nous croyons obligés de nommer ici ces illustres artistes, & de jetter en passant quelques fleurs sur leur tombe. On trouvera dans Moréri & dans le P. Anselme, la généalogie, la naissance, les noms des rois, des princes, des grands seigneurs; l'Encyclopédie ne leur doit rien à ce titre, mais elle doit tout aux Arts & aux talens. Albert Durer , né à Nuremberg en 1470, & dont j'ai parlé comme peintre au mot École , ne laisse presque à desirer dans les ouvrages de son tems, dont les Italiens eux-mêmes profiterent, sinon que cet illustre artiste eût connu l'antique, pour donner à ses figures autant d'élégance que de vérité. Aldegraf , ( Albert ) né en Westphalie, disciple de Durer, en a saisi la maniere, & s'est fait autrefois une grande réputation. Audran , ( Gérard ) mort en 1703 âgé de soixante trois ans, a exercé son burin à multiplier les grands morceaux du Poussin, de Mignard, & autres. On connoît ses magnifiques estampes des batailles d'Alexandre, qu'il a gravées d'après les desseins de le Brun: l'oeuvre de cet artiste est recommandable par la force & le bon goût de sa maniere. Baldini , ( Baccio ) florentin, fut éleve de Maso Finiguerra, inventeur du secret de la Gravure en cuivre, & fit paroître encore quelque chose de mieux que son maître. Belle , ( Etienne de la ) né à Florence en 1610, mort dans la même ville en 1664, acquit une maniere d'eau-forte très-expéditive, & d'un si grand effet, que quelques curieux le mettent au-dessus de Callot. Si la maniere de ce maître n'est point si finie de gravure ni si précise de dessein que celle de Callot, sa touche est plus libre, plus savante, & plus pittoresque: peu de gens l'ont surpassé pour l'esprit, la finesse, & la legereté de la pointe. Il a généralement négligé les piés & les mains de ses petites figures, mais ses têtes ont une noblesse & une beauté de caractere séduisante; son oeuvre est très-considérable. Bénédette Castiglione , peintre & graveur , né à Gènes en 1616, mort à Mantoue en 1670, a gravé à l'eau forte plusieurs pieces, où il a mis autant d'esprit que de goût. Le clair-obscur de ses estampes fait le charme des connoisseurs. Bloëmaert , ( Corneille ) né à Gorkum vers l'an 1606, est un des plus célebres graveurs au burin; & c'est une chose étonnante, qu'avec une maniere précise & finie il ait pû donner autant d'ouvrages que nous en avons de lui. Frédéric Bloëmaert est bien inférieur à Corneille. Bloëttling , l'un des grands artistes de Hollande, a principalement réussi dans la gravure en maniere noire. Blond , ( Michel le ) mort à Amsterdam en 1656, a laissé plusieurs monumens de son habileté dans la gravure. Bollswert ( Scheldt ) né dans les Pays-Bas, a beaucoup travaillé d'après les ouvrages de Rubens, de Vandick, & de Jordan, dont il a rendu le goût & les grands effets. Adam & Boëce Bolswert n'ont pas eu les rares talens de Scheldt, & cependant ils sont mis au nombre des bons artistes. Bosse , ( Abraham ) né à Tours au commencement du dernier siecle, avoit une maniere de graver à l'eau-forte qui lui est particuliere; ses estampes sont agréables. Il étoit savant dans la Perspective & dans l'Architecture. Nous avons de lui deux bons traités, l'un sur la maniere de dessiner, l'autre sur l'art de la Gravure. Bruyn , ( Nicolas de ) a fait quantité de grands morceaux au burin, entre lesquels il y en a qui sont finis avec beaucoup de soin; sa maniere est d'une propreté charmante, mais seche & maigre; on lui reproche encore un goût de dessein gothique. Bry , ( Théodore de ) est mis au rang des petits maîtres, quoiqu'il ait gravé plusieurs morceaux d'histoire; les estampes qu'il a copiées d'après d'autres estampes, & qu'il a réduites en petit, sont plus estimées que les originaux: s'il y a beaucoup de netteté & de propreté, il y a aussi trop de secheresse dans son burin. Callot , ( Jacques ) né à Nancy en 1593, mort dans la même ville en 1635; il s'échappa deux ou trois fois de la maison paternelle dans sa tendre jeunesse, pour se livrer à la Gravure; arrivé à Florence, le grand duc Côme II. charmé de ses talens, prit soin de se l'attacher; c'est alors que Callot imagina ses petits sujets, dans lesquels il a si bien réussi. Son oeuvre contient environ seize cents pieces, la plûpart gravées à l'eau-forte, & ce sont les plus estimées; il a sû rendre les moindres choses intéressantes par la facilité du travail, l'expression des figures, le choix & la distribution. On recherchera toûjours ses foires, ses supplices, ses miseres de la guerre, sa passion, son éventail, son parterre, & sa grande rue de Nancy. L'esprit & la finesse de sa pointe, le feu & l'abondance de son génie, la variété de ses grouppes sans contrastes forcés, font les délices des amateurs. Carrache , ( Augustin ) également versé dans les Sciences & dans les Beaux-Arts, a gravé plusieurs morceaux au burin, d'après le Corrège, le Tintoret, le Barroche, Voënius, & Paul Véronese. On admire dans ses pieces la plus grande correction, qui se présente sous des travaux agréables. Château , ( Guillaume ) natif d'Orléans, mort à Paris en 1683, âgé de cinquante ans, a mis au jour d'assez bonnes estampes, d'après les-ouvrages du Poussin. Chauveau , ( François ) mort à Paris en 1674, s'exerça d'abord à graver au burin quelques tableaux de la Hire; mais il quitta bien-tôt le burin pour graver à l'eau-forte ses propres pensées. Si l'on ne trouve point dans ses ouvrages la douceur & le moëlleux de la gravure, on y voit avec étonnement le feu, la force, la variété, & le tour ingénieux de ses compositions. Lorsqu'on s'adressoit à lui pour quelque dessein, il prenoit aussi-tôt une ardoise, & y crayonnoit son sujet en plusieurs façons différentes, jusqu'à ce qu'on fût content, ou qu'il le fût lui-même; car on l'étoit souvent, qu'il ne l'étoit pas encore. Clerc , ( Sébastien le ) né à Metz en 1637, mort à Paris en 1714. Il mania le burin avec succès, & se distingua dans la gravure à l'eau forte: son oeuvre est très-considérable & très-variée. Ses compositions sont gracieuses, sa gravure nette, & sa touche facile. Ses meilleures pieces sont 1°. le catafalque en l'honneur du chancelier Séguier, mort en 1672: 2°. la pierre du Louvre , estampe de 1679: 3°. l'arc de triomphe de 1680: le grand concile , & le S. Augustin prêchant , toutes deux de 1683, & toutes deux les plus rares vignettes de son burin: 4°. la passion de Notre Seigneur , en trente-six planches, en 1695: 5°. la multiplication des pains , en 1696: 6°. l'entrée triomphante d'Alexandre dans Babylone , en 1706, &c. C'est dans ces morceaux recherchés des gens de de goût, que l'on apperçoit les talens de cet artiste. Coëch , ( Pierre ) naquit à Alost, & mourut en 1551. Il voyagea en Italie & ensuite dans le Levant, où il fit une suite de desseins qui représentoient des cérémonies des Turcs; & ces desseins ont été depuis gravés en bois. Cort , ( Corneille ) né en Hollande, vivoit dans le seizieme siecle; il se fixa à Rome, & devint un des plus corrects graveurs qu'il y ait eu. Ce fut de lui qu' Augustin Carrache apprit la gravure, & c'est lui qui publia le premier les ouvrages de Raphaël & du Titien. Dassier , ( les ) pere & fils, de Genève, ont rendu leurs noms célebres par le même talent: leurs belles médailles d'après nature & plusieurs autres ouvrages de leur burin, prouvent qu'ils sont dignes d'être comptés parmi les plus célebres graveurs . Drevet , ( Pierre ) les Drevet pere & fils, tous deux nommés Pierre , se sont acquis une très-grande réputation par leur burin: on connoît les portraits qu'ils ont gravés d'après Rigaud. Drevet fils est mort à Paris en 1739, âgé de quarante-deux ans. Edelinck , ( Gérard ) ou le Chevalier , natif d'Anvers, mort en 1707 dans un âge fort avancé, a gravé des pieces qui sont des chefs-d'oeuvre, où regnent la pureté de burin, la fonte, & la couleur; M. Colbert l'attira en France. Nous avons de lui des estampes des hommes illustres, une sainte-famille d'après Raphaël, la famille de Darius, & la Madeleine de le Brun, trois pieces admirables; mais il regardoit le portrait de Champagne comme son triomphe. Falda , ( Jean-Baptiste ) né en Italie, a donné des estampes à l'eau-forte, qui sont d'un très-bon goût: ses livres des palais, des vignes, des fontaines de Rome & des environs, sont aussi très-recherchés. Goltz , ( Henry ) né en 1558 dans le duché de Juliers, mort à Harlem en 1617; il a gravé plusieurs sujets en diverses manieres. On a beaucoup de ses estampes extrèmement estimées, faites d'après les desseins qu'il avoit apportés d'Italie: si celles de son invention ont quelquefois un goût de dessein un peu rude, on admire en échange la legereté, la fermeté, & tous les autres talens de ce célebre artiste. Le Guide , dont le pinceau leger & la touche gracieuse enchantent, déploya le même esprit dans les gravures à l'eau-forte, qu'il fit d'après les tableaux de piété des grands maîtres d'Italie. Hollard , ( Vinceslas ) né à Prague en 1607, tenta d'imiter avec la pointe le beau fini du burin, & ses succès répondirent à ses vûes; il conduisit donc l'eau-forte avec toute l'intelligence possible, en connut les gradations, en développa les ressources, enfin apprit à s'en servir; il excella dans les fourrures, les paysages, les animaux, les insectes; mais il n'a pas egalement reussi dans les grands sujets, parce que le dessein & la correction manquoient à ses talens. Lasne , ( Michel ) natif de Caën, mort en 1667, âgé de soixante-douze ans. Il a donné quelques planches au burin d'après Raphael, Paul Véronèse, Rubens, Annibal Carrache, Voüet, le Brun, & autres: il a aussi fait des morceaux de son génie, dans lesquels les passions sont assez bien exprimées. Lucas de Leyden , né en 1494, mort en 1533, fut le rival & l'ami d'Albert Durer. On a de lui une grande quantité d'estampes gravées au burin, à l'eau-forte, & en bois. Luyken , ( Jean ) né à Amsterdam en 1649, mort en 1712, montra dans son oeuvre qui est très-considérable, beaucoup de feu, d'imagination, & de facilité. Mantegne , ( André ) né gardeur de moutons près de Padoue en 1451, avoit reçu de la nature un heureux génie qui le tira bien-tôt de cette condition servile, en lui inspirant le goût des Arts qui annoblissent l'origine la plus abjecte, & font rechercher l'homme à talens pour lui-même, & non pour ses ayeux. Mantegne au lieu de veiller à la garde de son troupeau, s'amusoit à le dessiner; un peintre le vit, le prit chez lui, l'éleva, l'adopta pour son fils, l'institua son héritier. Jacques Bellin enchanté de son caractere & de ses talens, lui donna sa fille en mariage: le duc de Mantoue le combla d'honneurs & de bienfaits, il le créa chevalier en reconnoissance de son excellent tableau connu sous le nom du triomphe de César; on a gravé de clair-obscur en neuf feuilles ce chef-d'oeuvre du pinceau de Mantegne; mais il s'est couvert de gloire par l'invention ou la perfection de la gravure au burin pour ses estampes. Il grava lui-même plusieurs pieces sur des planches d'étain d'après ses propres desseins. Il mourut en 1517, âgé de soixante six ans. Mantuan , ( Georges le ) nous avons aussi de lui divers beaux morceaux graves au burin. Marc-Antoine , ( Raymond ) natif de Bologne, florissoit au commencement du seizieme siecle; il essaya ses forces avec succès contre Albert Durer, se mit à copier la passion que ce maître avoit donnée en trente-six morceaux, & grava sur ses planches, ainsi que lui A. B. Tous les connoisseurs s'y tromperent, & Albert Durer fit un voyage à Rome pour porter au pape ses plaintes contre son rival. Mare-Antoine devint le graveur favori de Raphael, dont il a repandu les ouvrages & la gloire par-tout où il y a quelque étincelle de goût & de savoir. Ce fut encore Marc-Antoine qui grava les estampes qui furent mises au-devant des sonnets infames de l'Arétin. L'exactitude du dessein de ce fameux maître, la douceur & le charme de son burin, feront toûjours rechercher ses estampes. Maso , dit Finiguerra , né à Florence, inventa dans le quinzieme siecle le secret de graver sur le cuivre; il travailloit en Orfévrerie l'an 1460, & avoit coûtume de faire une empreinte de terre de tout ce qu'il gravoit sur l'argent pour émailler; au moment qu'il jettoit dans ce moule de terre du soufre fondu, il s'apperçut que ces dernieres empreintes étant frottées d'huile & de noir de fumée, représentoient les traits qui étoient gravés sur l'argent. Il trouva dans la suite le moyen d'exprimer les mêmes figures sur du papier en l'humectant, & en passant un rouleau très um sur l'empreinte; ce qui lui réussit tellement, que ses figures paroissoient imprimées & comme dessinées avec la plume. Cet essai donna l'être à la Gravure, foible entre ses mains, puisque les Arts sortoient à-peine des ténebres epaisses ou l'ignorance les avoit laissés près de mille ans ensevelis. La découverte de Maso ne reçut qu'un accroissement insensible de Baldini, orfevre de la même ville de Florence, à qui notre artiste l'avoit communiqué; il falloit un peintre pour l'améliorer: car si l'heureux génie de la Peinture n'inspire le graveur , vainement s'efforce-t-il d'y reussir: cet art parut donc avec un grand avantage dans les morceaux qui furent gravés alors par Mantegne, dont nous avons parlé tout à l'heure. Masson , ( Antoine ) a sur-tout excellé dans les gravures de portraits; ses disciples d'Emmaüs sont un ches-d'oeuvre. Son burin est ferme & également gracieux: on pretend qu'il s'etoit fait une maniere de graver toute particuliere, & qu'au lieu de faire agir la main sur la planche, comme c'est l'ordinaire pour conduire le burin selon la forme du trait que l'on y veut exprimer, il tenoit au contraire sa main droite fixe, & avec la main gauche il fai oit agir la planche suivant le sens que la taille exigeoit. J'ignore l'année de la naissance & de la mort de ce grand maitre. Mellan , ( Claude ) né à Abbeville en 1601, mort en 1688. « Ce célebre graveur en taille-douce, dit M. Perrault, eut deux grands avantages sur la plûpart de ses confreres: le premier, c'est qu'il n'avoit pas seulement le don de graver avec beaucoup de grace & d'élégance les tableaux des excellens maitres, mais qu'il étoit aussi l'auteur & l'ouvrier de presque tous les desseins qu'il gravoit; de sorte qu'on doit le regarder comme un habile graveur & comme un grand dessinateur tout ensemble; on pourroit ajoûter, comme peintre , car il a peint des tableaux de bon goût: le second avantage, plus grand encore que le premier, c'est qu'il a inventé lui-même la maniere admirable de graver dont il s'est servi dans la plûpart de ses ouvrages ». Les graveurs ordinaires ont presque autant de tailles differentes qu'ils ont de differens objets à representer: autre est celle dont ils se servent pour la chair, soit du visage, soit des mains, ou des autres partie; du corps, autre celle qu'ils employent pour les vêtemens, autre celle dont ils representent la terre, l'eau, l'air, & le feu, & même dans chacun de ces objets ils varient leur taille & le maniement de leur burin en plusieurs façons différentes. Mellan imitoit toutes choses avec de simples traits mis auprès les uns des autres, sans jamais les croiser en quelque maniere que ce soit, se contentant de les faire ou plus forts ou plus foibles, selon que le demandoient les parties, les couleurs, les jours, & les ombres de ce qu'il représentoit. Il a porté cette gravure à une telle perfection, qu'il est difficile d'y rien ajoûter, & l'on n'a point encore entrepris d'aller plus loin dans cette sorte de travail: ce n'est pas que Mellan ne sût pratiquer la maniere des autres graveurs; il a fait beaucoup d'estampes à double taille, qui sont très-belles & très-estimées; mais il s'est plus adonné à celle qui est simple; & c'est par celle-là qu'il s'est le plus distingue. Parmi ses ouvrages il y en a un qui paroît mériter d'être plus admiré que les autres, c'est une tete de Jesus-Christ dessinée & ombrée avec sa couronne d'épines, & le sang qui ruissele de tous côtes, d'un seul & unique trait, qui commençant par le bout du nez, & allant toû ours en tournant, so me exactement tout ce qui est représenté dans cette estampe, par la seule différente epaisseur de ce trait, qui selon qu'il est plus ou moins gros, fait des yeux, un nez, une bouche, des joues des cheveux, du sang & des épines, le tout si bien représenté & avec une telle marque de douleur & d'affliction, que rien n'est plus triste ni plus touchant. On met encore au rang des chefs-d'oeuvre de sa gravure, sa galerie justinienne, son portrait de Justinien, & celui de Clément VIII. Son oeuvre contient une infinité de pieces curieuses. Il fut choisi pour représenter les figures antiques & les bustes du cabinet du roi de France; son burin réussit parfaitement dans ces sortes d'ouvrages, qui étant tous d'une couleur, s'accommodent bien de l'uniformité de sa gravure, laquelle n'étant point croisée, conserve une blancheur très-convenable au marbre qu'elle représente. Enfin ses gravures avoient plus de feu, plus de vie, & plus de liberté que le dessein même qu'il imitoit, contre ce qu'il arrive aux autres graveurs , dont les ouvrages sont toûjours moins vifs que le dessein & le tableau qu'ils copient. Cet avantage de Mellan ne peut venir que du goût qu'il prenoit à son travail, & de l'extreme facilité qu'il avoit à conduire son burin de la maniere qu'il lui plaisoit. Mérian , ( Matthieu ) naquit à Bâle en 1593, & mourut à Schwalsbach en 1651. Il est célebre par son habileté dans l'art de graver à l'eau-forte, par son fils Gaspard Mérian qui se distingua dans le même genre, & par sa fille Marie Sybille Mérian, encore plus connue. Les principaux ouvrages de Matthieu Mérian pere, sont le théatre de l'Europe, la Danse des morts, cent-cinquante figures historiques de la bible, & un grand nombre de paysages. Nanteuil , ( Robert ) né à Rheims en 1630, mort à Paris en 1678: il n'a gravé que des portraits, mais avec une précision & une pureté de burin qu'on ne peut trop admirer. Son recueil est très-considérable, puisqu'il contient plus de deux cents quarante estampes. Nanteuil après avoir peint Louis XIV. en pastel, le grava aussi grand que nature; ce qui n'avoit point encore été tenté par personne avec succès: jusque-là il avoit été presque impossible aux plus habiles graveurs de bien représenter avec le seul blanc du papier & le seul noir de l'encre, toutes les autres couleurs que demande un portrait lorsqu'il est en grand; car lorsqu'il est en petit, l'imag nation de celui qui le regarde y supplée. Cependant dans le portrait du roi par Nanteuil, la couleur naturelle du teint, le vermeil des joues, & le rouge des levres y est marqué; au lieu que dans les portraits de cette même grandeur faits par la plûpart des autres artistes, le teint paroit plombé, les joues livides, & les levres violettes; ensorte qu'on croit plûtôt voir des hommes noyés que des hommes vivans: le portrait dont je parle est peut-être le plus bel ouvrage de cette espece qui ait jamais vû le jour. Nanteuil a gravé de la même maniere le portrait de la reine mere de Louis XIV. celui du due d'Orléans, du cardinal Mazarin, du maréchal de Turenne, & de quelques autres personnes, qui lui ont acquis une réputation que le tems n'a point encore effacée. Ce célebre artiste avoit gagné par son talent plus de cinquante mille écus, & en laissa très-peu à ses héritiers, ayant toûjours fait servir la fortune à ses plaisirs. Au reste, il est un exemple de ces hommes qui se sont engagés dans leur profession par une inclination dominante: son pere fit les mêmes efforts pour l'empêcher de devenir graveur , que les parens font ordinairement pour obliger les enfans à s'instruire dans quelque prosession; mais Nanteuil éluda les vains efforts de son pere; il montoit en secret sur des arbres pour n'être point vu, & s'y cachoit sans cesse pour dessiner à loisir. Le Parmesan partagea son goût entre la Gravure & la Peinture, deux arts qu'il eut porté au degré le plus éminent, si le destin qui lui donna tant de rapport avec Raphaël par la fécondité du génie, toûjours tourné du côté de l'agrément & de la gentillesse, n'eût terminé ses jours par une mort également prématurée. Pens , ( Georges ) natif de Nuremberg, florissoit au commencement du seizieme siecle; ses gravures en taille-douce sont estimées: il y marquoit son nom par ces deux lettres ainsi disposées, P. G. Pérelle; nous avons deux artistes françois de ce nom, qui se sont illustrés dans la gravure du paysage. Perrier , ( François ) né à Mâcon en 1590, mort à Paris en 1650, s'est distingué par ses gravures à l'eau-forte; on estime sur-tout celles qui représentent les antiques, les bas-reliefs de Rome, & dans le moderne, plusieurs choses d'après Raphaël: il grava aussi quelques antiques dans la maniere du clair-obscur, que le Parmesan avoit le premier mis en usage. Picard , ( Bernard ) né à Paris en 1673, mort à Amsterdam en 1733, étoit fils d'Etienne Picard, surnommé le Romain , homme de réputation dans la gravure. Bernard s'attacha sur-tout à mettre beaucoup de propreté & de netteté dans ses ouvrages pour plaire à la nation chez laquelle il s'étoit retiré, & qui aime passionnément le fini, & le travail où brille la patience: il ne fut guere occupé en Hollande que par les libraires, mais il avoit soin de garder une quantité d'épreuves de toutes les planches qu'il gravoit; & les curieux qui vouloient faire des collections, les achetoient à tout prix: ses desseins étoient aussi fort chers. On connoit ses planches des métamorphoses d'Ovide. Quand ce maître s'est écarté de sa maniere léchée, il a exécuté des choses très-piquantes, & ses compositions en grand nombre font honneur à son génie; les pensées en sont belles & pleines de noblesse, mais quelquefois trop recherchées & trop allégoriques. Il a fait un nombre d'estampes qu'il nomma les impostures innocentes , parce qu'il avoit tâché d'imiter les différens goûts pittoresques de certains maîtres savans qui n'ont gravé qu'à l'eau-forte, tels que le Guide, le Rembrand, Carle-Maratte, & autres; il réussit & eut le plaisir de voir ses estampes achetées par ceux-là même qui se donnoient pour connoisseurs du goût & de la maniere des peintres. Bernard a publié le catalogue de son oeuvre. Pippo , (dit Philippe de Santa-Croce ) s'est autant distingué par le beau fini & l'extrème délicatesse qu'il mettoit dans ses ouvrages, que par le choix singulier de la matiere qu'il employoit pour son travail. Ce graveur s'amusoit à tailler sur des noyaux de prunes & de cerises, de petits bas-reliefs composés de plusieurs figures, mais si fines qu'elles devenoient imperceptibles à la vûe: ces figures sont néanmoins dans toutes leurs proportions. Poilly , ( François ) né à Abbeville en 1622, mort à Paris en 1693, a mis au jour une oeuvre très-considérable, quoiqu'il donnât beaucoup de tems & de soin à finir ses planches. La précision, la netteté, & le moëlleux de son burin, font rechercher ses ouvrages, dans lesquels il a sû conserver la noblesse, les graces, & l'esprit des grands-maîtres qu'il a copiés. Nicolas Poilly, son frere, mort en 1696 âgé de soixante-dix ans, s'est distingué dans la gravure du portrait; l'un & l'autre ont laissé des enfans qui se sont appliqués à leur profession. Le Rembran fit passer la chaleur de sa peinture jusque dans la maniere de graver dont il est l'inventeur. Quelle touche, quelle harmonie, quels effets surprenans! sont-ce des estampes ou des desseins? la belle & l'extrème facilité qui y regnent pourroient induire en erreur, si la fermeté du travail dans certains endroits ne le déceloit: en marchant par des routes nouvelles, il a rapproché la gravure de son vrai point de vûe, qui est de rendre toutes sortes d'objets uniquement par l'ombre & la lumiere, en les opposant alternativement avec tant d'entente, qu'il en résulte le relief le plus séduisant. Il envisagea son art comme la scene où les caracteres ne frappent point s'ils ne sont exagérés: il crut devoir s'abandonner à une impétuosité qui produit souvent un certain desordre dans le faire; mais ce desordre ne peut rebuter que ceux dont les idées superficielles cherchent dans la gravure des travaux refroidis; trop faits aux afféteries de nos modernes, ils sont insensibles aux beautés fortes du Rembrand. Elles doivent sans doute trouver de l'indulgence pour les négligences de détail qu'on remarque dans ses estampes, parmi lesquelles la piece où J. C. guérit les malades (piece connue sous le nom de cent florins , parce qu'il la vendoit ce prix-là, même de son vivant) prouve décidemment que cette maniere est susceptible du fini le plus flatteur. Il seroit encore à souhaiter que ce célebre artiste se fût appliqué à varier ses productions; les objets déjà si séduisans par le charme de son clair-obscur, en eussent été mieux caractérisés. Enfin Rembrand ne connut point l'élégance du Dessein; fils d'un artisan, il modela ses pensées sur les objets qui meubloient sa chaumiere: trop heureux s'il eût adhéré aux idées judicieuses de son propre pere, qui remarquant en lui avec plaisir un esprit au-dessus de son âge, l'envoya étudier à Leyde; mais il ne sut pas profiter de ce tems précieux où l'education pouvoit si bien corriger le vice du terroir; son goût seroit insensiblement devenu délicat & correct; ensuite considérant son art sous un autre coup-d'oeil, il l'auroit embelli, comme l'Albane, des dépouilles de la Littérature. On a fait à Paris un catalogue raisonné de l'oeuvre du Rembrand. Romain de Hooge , hollandois, a terni ses talens par la corruption de son coeur; on lui reproche encore l'incorrection du Dessein, & le goût des sujets allégoriques ou d'une satyre triviale. Roullet , ( Jean Louis ) né à Arles en 1645, mort à Paris en 1699, se rendit à Rome pour y exercer la Gravure; de retour en France, ses talens ne furent point oisifs. On loue ses ouvrages pour la correction du Dessein, la pureté, & l'élégance. Sadeler , ( Jean ) né à Bruxelles en 1550, mort à Venise, fit, ainsi que son frere Raphael, des ouvrages assez estimés; mais ils eurent l'un & l'autre un neveu, Gilles Sadeler, qui les surpassa de loin par la sévérité du Dessein, par le goût & la netteté de son travail: les empereurs Rodolphe II. Matthias, & Ferdinand II. se l'attacherent par leurs bienfaits. Saerdam , ( Jean ). Les estampes de ce maître sont goûtées de quelques curieux, mais la correction du Dessein manque à l'artiste. Silvestre , ( Israël ) né à Nancy en 1621, & mort à Paris en 1691, devint célebre par le goût & l'intelligence qu'il a mis dans divers paysages & dans differentes vûes gravées de sa main. Louis XIV. occupa ses talens & les récompensa. Simonneau , ( Charles ) né à Orléans vers l'an 1639, mourut à Paris en 1728. Après avoir été éleve de Noel Coypel dans le Dessein, il le devint de Château pour la Gravure, mais enfin il ne consulta plus que son génie: il grava le portrait, les figures, & des sujets d'histoire avec une grande vérité. Plusieurs vignettes de son invention peuvent aussi le mettre au rang des compositeurs; mais il se distingua davantage par les médailles qu'il grava pour servir à l'histoire métallique de Louis XIV. Spierre , ( François ) a fait des ouvrages rares & estimés; son burin est gracieux, & les estampes de sa composition prouvent ses talens. On estime sort la Vierge qu'il a gravée d'après le Correge. Stella , (Mademoiselle) niece de Jacques Stella, peintre, a mis dans ses gravures beaucoup de gout & d'intelligence. Suyderhoef , ( Jonas ) hollandois, s'est plus attaché à mettre dans ses productions un effet pittoresque & piquant, qu'à faire admirer la propreté & la delicatesse de son burin; il a gravé plusieurs portraits d'après Rembrand. La plus considérable de ses estampes est celle de la paix de Munster, ou il a saisi le gout de Terburg, auteur du tableau original, dans lequel ce peintre a representé près de soixante plénipotentiaires qui assisterent à la signature de cette paix. Thomassin , pere & fils, graveurs françois, ont publié d'assez bons morceaux, sur-tout le fils; on connoit sa mélancolie d'après le Féty, & c'est une estampe précieuse. Vichem , allemand, est le plus célebre graveur en bois du dix-septieme siecle. On voit de ses gravures depuis 1607 jusqu'en 1670; il a manié la pointe à graver en bois avec une liberté & une hardiesse surprenantes. Villamene , ( François ) italien, éleve d'Augustin Carrache, est recommandable par la correction de son dessein & par la propreté de son travail; mais on lui reproche d'être trop maniéré dans ses contours. Vosterman , ( Lucas ) graveur hollandois dont les estampes sont très-recherchées; il a contribué à faire connoître le mérite de Rubens, & à multiplier ses belles compositions. On trouve dans les estampes de Vosterman une maniere expressive & beaucoup d'intelligence. Warin , ( Jean ) graveur & sculpteur, natif de Liége en 1604, mort à Paris en 1672. Après avoir fait long-tems ses délices du Dessein, il s'exerça à la gravure, & y réussit parfaitement; enfin il inventa des machines très-ingénieuses pour monnoyer les médailles qu'il avoit gravées. On connoit le sceau de l'académie françoise, où il a représenté le cardinal de Richelieu d'une maniere si ressemblante. Ce grand maître a encore gravé les poinçons des monnoies de France sous Louis XIII. & sous la minorité de Louis XIV. Je ne parle pas de quantité de belles médailles dont on lui est redevable, j'ajoûterai seulement qu'il travailloit à l'histoire métallique du roi quand il mourut. Wischer , ( Corneille ) est le maître qui fait le plus d'honneur à la Hollande; on ne peut guere graver avec plus de finesse, de force, d'esprit & de vérité. Son burin est en même tems le plus savant, le plus pur, & le plus gracieux; ses desseins dénotent encore l'excellent artiste; les estampes de son invention prouvent son goût & son génie. Louis & Jean Wischer se sont aussi distingues par les estampes qu'ils ont gravés d'après Berghem & Wouwermans, mais il est difficile d'atteindre à la supériorité de Corneille. Il y a d'illustres graveurs qui vivent encore, dont nous ne pouvons parler, mais dont les ouvrages feront passer les noms à la postérité. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVIER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GRAVIER GRAVIER, s. m. Voyez Arene . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravier Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=NA Gravier Gravier , ( Hist. nat. ) On donne le nom de gravier à un amas prodigieux de petites pierres, & surtout de petits cailloux; il ne differe du sable que parce que ses parties sont plus grossieres & moins homogenes que les siennes. Le gravier se trouve ordinairement sur le bord des rivieres & dans quelques endroits de la campagne, où il est repandu par couches qui varient infiniment pour l'étendue, la profondeur, & la nature des pierres qui le composent. En général pourtant le gravier , dans quelque endroit qu'il se trouve, semble toûjours y avoir été apporté par les eaux, attendu que les pierres qu'on y remarque sont toûjours plus ou moins arrondies, ce qui a dû se faire par le roulement. On se sert du gravier pour sabler les allées des jardins. Les Anglois ont un gravier d'une nature excellente, & qui surpasse tous les autres en bonté; on l'employe aux grands chemins: ce qui en fait des routes très-unies, & beaucoup plus commodes que le pavé pour les voitures. De toutes les especes de graviers qu'on trouve en Angleterre, le plus estimé est celui de Black-Heath; il est entierement composé de petits cailloux parfaitement arrondis. On prétend que Loüis XIV. offrit à Charles II. de lui fournir assez de pavé pour paver la ville de Londres, à condition que ce prince lui donnât en échange la quantité de gravier nécessaire pour sabler les jardins de Versailles. Quoi qu'il en soit de la vérité de ce fait, il paroit que cet échange n'a point eu lieu. Voici comment on sable en Angleterre, en France, & ailleurs, les allées des jardins avec du gravier . On commence par couvrir l'allée, soit avec des rognures de pierres de taille qu'on appelle recoupe des pierres , soit avec des pierres-à-fusil, ou toute autre pierre dure; on en met huit ou dix pouces d'épaisseur pour empêcher les mauvaises herbes de croître: au lieu de pierres on y met quelquefois du salpetre qu'on a soin de bien battre; on met ensuite par-dessus cinq ou six pouces de gravier . On a la précaution de faire que le milieu de l'allée soit plus éleve que les deux cotés, & forme comme un dos-d'âne, pour faciliter l'écoulement des eaux. Il faut ensuite faire passer, en tous sens à plusieurs reprises, un rouleau ou gros cylindre de pierre fort pesant par-dessus le gravier , afin de l'égaliser; il est à-propos de faire la même chose trois ou quatre fois à la suite des pluies d'orage violentes. Quand le gravier est trop sec, il est bon de le mêler avec de la glaise, cela fait qu'il prend corps plus aisément. Voyez le supplement de Chambers . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVII Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GRAVII GRAVII , ( Géogr. anc. ) ancien peuple d'Espagne dont Silius Italicus, Pline & Ptolomée, font mention. Ce dernier met ce peuple dans l'Espagne Tarragonoise; il le nomme Graii , & lui donne une ville qu'il appelle Tydae , Θοῦδαι . Cette ville de Tyde est présentement Tury dans la Galice, aux confins du Portugal. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVINA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAVINA GRAVINA, ( Géog. ) petite ville d'Italie au royaume de Naples dans la terre de Barry, au pié des montagnes, avec un évêché suffragant de Matéra & titre de duché. On la croit la Pleyra des anciens; son nom italien vient du mot françois ravine , parce qu'elle est assise sur une grande ravine. Elle est à 4 lieues N. de Matera, 10 S. O. de Barry. Long. 34. 10. latit. 41. 54 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVITATION Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. GRAVITATION GRAVITATION, s. f. en terme de Physique , signifie proprement l' effet de la gravité ou la tendance qu'un corps a vers un autre par la force de sa gravité. Voyez ci-après Gravité . Suivant le systeme de Physique établi par Newton, & reçu maintenant par un grand nombre de philosophes, chaque particule de matiere pese ou gravite vers chaque autre particule. Voyez Newtonianisme . Ce que nous appellons gravitation par rapport à un corps A , qui pese vers un autre corps B , Newton l'appelle attraction par rapport au corps B vers lequel le corps A pese: ou, ou ce qui revient au même, l'attraction que le corps B exerce sur le corps A , est ce qui fait que le corps A a une gravitation vers B; l'attraction est la cause inconnue & la gravitation l'effet. Voyez Attraction . Selon Newton, les planetes, tant premieres que secondaires, aussi-bien que les cometes, pesent ou tendent toutes vers le soleil, & pesent outre cela les unes vers les autres, comme le soleil pese & tend vers elles; & la gravitation d'une planete quelconque C vers une autre planete D , est en raison directe de la quantité de matiere qui se trouve dans la planete D , & en raison inverse du quarré de la distance de la planete C à la planete D. Voyez Planete , Comete , Soleil , Terre , Lune , &c. Mais ce ne sont pas seulement les corps célestes qui s'attirent mutuellement. Newton ajoute que toutes les parties de la matiere ont cette proprieté réciproque les unes par rapport aux autres; & c'est ce qu'il appelle la gravitation universelle . On peut voir aux mots Attraction & Gravité , les preuves de ce systeme & l'usage que Newton en a fait, ainsi que les reflexions que nous avons faites sur ces preuves & sur cet usage. A ces réflexions nous en joindrons ici quelques-unes. I. Reflexions philosophiques sur le système de la gravitation universelle . Les observations astronomiques demontrent que les planetes se meuvent, ou dans le vuide, ou au-moins dans un milieu fort rare, ou enfin, comme l'ont pretendu quelques philosophes, dans un milieu fort dense qui ne resiste point, ce qui seroit néanmoins plus difficile à concevoir que l'attraction même. Mais quelque parti qu'on prenne sur la nature du milieu dans lequel les planetes se meuvent, la loi de Kepler démontre au-moins qu'elles tendent vers le soleil. Voyez Loi de Kepler & Gravité . Ainsi la gravitation des planetes vers le soleil, quelle qu'en soit la cause, est un fait qu'on doit regarder comme démontré, ou rien ne l'est en Physique. La gravitation des planetes secondaires ou satellites vers leurs planetes principales, est un second fait évident & démontre par les mêmes raisons & par les mêmes faits. Les preuves de la gravitation des planetes principales vers leurs satellites ne sont pas en aussi grand nombre; mais elles suffisent cependant pour nous faire reconnoitre cette gravitation . Les phénomenes du flux & reflux de la mer, & sur-tout la théorie de la nutation de l'axe de la terre & de la précession des équinoxes, si bien d'accord avec les observations, prouvent invinciblement que la terre tend vers la lune; voyez Flux & Reflux , Marée , Nutation , Précession . Nous n'avons pas de semblables preuves pour les autres satellites. Mais l'analogie seule ne suffit-elle pas pour nous faire conclure que l'action entre les planetes & leurs satellites est réciproque? Je n'ignore pas l'abus qu'on peut faire de cette maniere de raisonner, pour tirer en Physique des conclusions trop générales; mais il me semble, ou qu'il faut entierement renoncer à l'analogie, ou que tout concourt ici pour nous engager à en faire usage. Si l'action est réciproque entre chaque planete & ses satellites, elle ne paroit pas l'être moins entre les planetes premieres. Independamment des raisons tirées de l'analogie, qui ont à la vérité moins de force ici que dans le cas précédent, mais qui pourtant en ont encore, il est certain que Saturne éprouve dans son mouvement des variations sensibles, & il est fort vraissemblable que Jupiter est la principale cause de ces variations. Le tems seul, il est vrai, pourra nous éclairer pleinement sur ce point, les Géometres & les Astronomes n'ayant encore ni des observations assez complettes sur les mouvemens de Saturne, ni une théorie assez exacte des dérangemens que Jupiter lui cause. Mais il y a beaucoup d'apparence que Jupiter, qui est sans comparaison la plus grosse de toutes les planetes & la plus proche de Saturne, entre au-moins pour beaucoup dans la cause de ces dérangemens: je dis pour beaucoup , & non pour tout; car outre une cause dont nous parlerons dans un moment, l'action des cinq satellites de Saturne pourroit encore produire quelque dérangement dans cette planete; & peut-être sera-t-il necessaire d'avoir égard à l'action des satellites pour determiner entierement & avec exactitude toutes les inégalités du mouvement de Saturne, aussi-bien que celles de Jupiter. Si les satellites agissent sur les planetes principales; & si celles-ci agissent les unes sur les autres, elles agissent donc aussi sur le soleil: c'est une conséquence assez naturelle. Mais jusqu'ici les faits nous manquent encore pour la verifier. Le moyen le plus infaillible de decider cette question, est d'examiner les inégalités de Saturne; car si Jupiter agit sur le Soleil en même tems que Saturne, il est nécessaire de transporter à Saturne, en sens contraire, l'action de Jupiter sur le Soleil, pour avoir le mouvement de Saturne par rapport à cet astre; & entr'autres inégalites cette action doit produire dans le mouvement de Saturne une variation proportionnelle au sinus de la distance entre le lieu de Jupiter & celui de Saturne. C'est aux Astronomes à s'assurer si cette variation existe, & si elle est telle que la théorie la donne. Voyez Saturne . On peut voir par ce detail quels sont les différens degrés de certitude que nous avons jusqu'ici sur les principaux points du système de la gravitation universelle , & quelle nuance, pour ainsi dire, observent ces degrés. Ce sera la même chose quand on voudra transporter, comme fait Newton, le système general de la gravitation des corps celestes à celle des corps terrestres ou sublunaires. Nous remarquerons en premier lieu que cette attraction ou gravitation generale s'y manifeste moins en détail dans toutes les parties de la matiere, qu'elle ne fait, pour ainsi dire, en total dans les differens globes qui composent le systeme du monde; nous remarquerons de plus qu'elle se manifeste dans quelques-uns des corps qui nous environnent plus que dans les autres; qu'elle paroit agir ici par impulsion, là par une mechanique inconnue, ici suivant une loi, là suivant une autre; enfin plus nous généraliserons & étendrons en quelque maniere la gravitation , plus ses effets aous paroitront varies, & plus nous la trouverons obscure, & en quelque maniere informe dans les phenomenes qui en resultent, ou que nous lui attribuons. Soyons donc très-reserves sur cette généralisation, aussi-bien que sur la nature de la force qui produit la gravitation des planetes; reconnoissons seulement que les effets de cette force n'ont pu se réduire, du-moins jusqu'ici, à aucune des lois connues de la mechanique; n'emprisonnons point la nature dans les limites étroites de notre intelligence; approfondissons assez l'idée que nous avons de la matiere, pour être circonspects sur les propriétes que nous lui attribuons ou que nous lui refusons; & n'imitons pas le grand nombre des philosophes modernes, qui en affectant un doute raisonné sur les objets qui les intéressent le plus, semblent vouloir se dedommager de ce doute par des assertions prématurées sur les questions qui les touchent le moins. II. Loi génerale de la gravitation . Si on appelle φ la force de la gravitation d'un point vers un autre, e l'espace que cette force fait parcourir pendant le tems t , on aura d d e = φ d t 2 , ou plus exactement , comme on l'a vû au mot Force , page 118 de ce Volume , en appellant a l'espace que la pesanteur p fait parcourir pendant un tems θ . M. Euler, dans sa piece sur le mouvement de Saturne, qui a remporte le prix de l'académie des Sciences en 1748, prend pour équation, non pas d d e = φ d t 2 , mais d d e =1/2 φ d t 2 . Comme cette maniere de presenter l'équation des forces accélératrices a causé de la difficulté à plusieurs personnes, je dirai ici qu'elle ne me paroit point exacte. En effet supposons φ = p , c'est-à-dire φ égale à la pesanteur naturelle, on auroit donc, suivant M. Euler, & ou ; cependant toutes les formules reçues jusqu'ici donnent la vitesse à la fin de l'espace , & le tems ; ce qui est fort différent de l'expression de t qui résulte de la formule de M. Euler. Il est vrai que l'équation, peu exacte en elle même, d d e =1/2 φ d t 2 , dont M. Euler se sert, n'influe point sur le reste de sa piece, parce qu'il corrige cette erreur par une autre, en substituant dans la suite de la piece, à la place de , la quantité , a étant le rayon de l'orbite, σ l'anomalie, & Θ le soleil; au lieu qu'en nous servant de la formule d d e = φ d t 2 , nous eussions substitué cette quantité , non à la place de , mais à la place de d t 2 ; en sorte que dans les deux cas le résultat auroit été le même, savoir . En effet étant ici la force centripete, & a d σ l'arc parcouru pendant le tems d t , on a ( voyez l'article Force , pages 118 & 119. ): donc, puisque , on aura . Nous supposons qu'on ait ici sous les yeux la piece de M. Euler imprimée à Paris en 1749. III. Maniere de trouver la gravitation d'un corps vers un autre . Newton dans le livre I. de ses principes , a donné pour cela une méthode qui a été commentée & étendue depuis par différens auteurs. Voyez les memoires de l'acad. 1732. le commentaire des PP. le Seur & Jaquier; les mémoires de Petersbourg , &c. Cette méthode a principalement pour objet l'attraction que les corps sphériques, elliptiques & cylindriques, ou regardés comme tels, exercent sur un point donné. Nous avons donné les premiers la methode de trouver l'attraction qu'un solide peu différent d'une sphere, elliptique ou non, sphéroïde ou non, exerce sur un point placé, soit au-dedans, soit au-dehors de lui. Voyez la seconde & la troisieme partie de nos recherches sur le système général du monde , Paris 1754 & 1756; voyez aussi l'article Figure de la Terre . De plus une remarque singuliere que nous avons faite à ce sujet, & que nous croyons nouvelle, c'est que quand un corpuscule est au-dehors d'une surface spherique & très-près de cette surface, l'attraction que cette surface exerce sur ce corpuscule, est à-peu-près double de celle qu'elle exerce, si le corpuscule est placé sur la surface même. On peut voir dans la III. partie de nos recherches sur le système du monde, 1756, pp. 198 & 199. la preuve & le dénouement de cette espece de paradoxe. Mais pour faire sentir aux commençans comment le calcul donne ce paradoxe, représentons-nous la différentielle de l'attraction d'une surface sphérique, r étant le rayon, 2 π le rapport de la circonférence au rayon, n la distance du corpuscule à la surface sphérique, & x une abscisse quelconque; nous trouverons aisément par les méthodes connues que l'intégrale de cette différentielle est Voyez Intégral , Transformation , & la II. partie de mes recherches sur le système du monde, page 284 . Or, soit que n soit =0, ou non, la seconde partie de cette intégrale, savoir devient , quand x = 2 r . A l'égard de la premiere partie, elle est évidemment toûjours nulle, quand n=0, puisque n en multiplie tous les termes; mais quand n n'est pas=0, elle devient, lorsque x = 2 r , , comme la précédente à laquelle elle s'ajoûte pour lors. Ainsi quand n=0, l'attraction n'est que ; & quand n n'est pas zéro, elle est . Voilà la raison analytique du paradoxe. IV. Usage du système de la gravitation pour trouver les masses des planetes . Soient deux planetes, dont les masses soient M, m , qui ayent des satellites qui tournent autour d'elles à la distance A, a , & qui fassent leurs révolutions dans les tems T, t , les forces centripetes de ces satellites seront , puisque la gravitation est en raison directe de la masse du corps attirant, & inverse du quarré de la distance: de plus ces forces centripetes seront égales aux forces centrifuges; & en considérant les orbites des satellites comme des cercles, les forces centrifuges seront entr'elles comme Voyez Force centrale au mot Central . Donc on aura . Donc si on connoît le rapport de A avec a & celui de T avec t , on connoîtra le rapport de M à m . Par-là on peut connoître le rapport de la masse du Soleil, de Jupiter & de Saturne, à celle de la Terre; car toutes ces planetes (en y comprenant le Soleil) ont des satellites, dont on connoit le rapport des distances à leurs planetes principales, & les tems des révolutions. V. Planete . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVITÉ Author=d'Alembert Normalized Classification=Physique | Méchanique Part of Speech=s.f. GRAVITÉ GRAVITÉ, s. f. ( Phys. & Méchaniq. ) on appelle ainsi parmi les Physiciens la force que le vulgaire appelle pesanteur , & en vertu de laquelle les corps tendent vers la terre. Il y a cette différence entre pesanteur & gravité , 1°. que gravité ne se dit jamais que de la force ou cause générale qui fait descendre les corps, & que pesanteur se dit quelquefois de l'effet de cette force dans un corps particulier; ainsi on dit la force de la gravité pousse les corps vers la terre , & la pesanteur du plomb est plus grande que celle du cuivre . 2°. Que pesanteur ne se dit jamais que de la force particuliere qui fait tomber les corps terrestres vers la terre, & que gravité se dit aussi quelquefois dans le système Newtonien, de la force par laquelle un corps quelconque tend vers un autre. Car le principe général de ce système, est que la gravité est une propriété universelle de la matiere. Voyez Gravitation . Mais avant que d'en détailler les preuves, disons un mot des systèmes imaginés par les autres philosophes, pour rendre raison de la gravité . Le vulgaire est d'abord étonné qu'on cherche une cause à ce phénomene; il lui paroît tout naturel qu'un corps tombe, dès qu'il n'est pas soûtenu; sur quoi nous renvoyons le lecteur à l' article Force d'inertie , p. 112. col. j. Nous renvoyons aussi aux mots Accélération & Descente sur les explications que les Péripatéticiens, les Epicuriens, & les Gassendistes donnent de la gravité , & qui ne méritent pas un plus long détail. Mais l'explication de Descartes est trop ingénieuse & trop séduisante au premier coup-d'oeil, pour ne pas nous y arrêter. La matiere subtile, dit ce philosophe, se meut en tourbillon autour de la terre; en vertu de ce mouvement elle a une force centrifuge, voyez Force & Centrifuge ; en vertu de cette force, toutes les parties de cette matiere tendent à s'éloigner de la terre; elles doivent donc pousser les corps vers la terre, c'est-à-dire dans un sens contraire à la direction de leur force centrifuge: car par la même raison qu'un fluide qui pese de haut en bas, tend à pousser de bas en-haut les corps qu'on y plonge, & les y pousse en effet, s'ils tendent de haut en-bas avec moins de force que lui; par cette même raison la matiere du tourbillon ayant une force centrifuge, doit pousser vers la terre les corps qu'on place dans ce tourbillon, & qui n'ont point une pareille force. Voyez Fluide & Hydrodynamique . Ainsi la pesanteur du corps L place dans la pyramide AEB ( fig. 8 . Méch. ), est égale à la force centrifuge de la matiere du tourbillon dont il occupe la place, multipliée par la masse de cette matiere, moins la force centrifuge du corps L , s'il en a, multipliée par la masse L . En supposant l'existence des tourbillons que nous croyons insoûtenable, & que presque personne n'admet plus aujourd'hui, voyez Tourbillon , il suit de cette explication qu'il faut, ou que la force centrifuge de la matiere du tourbillon soit beaucoup plus grande que celle du corps L , ou que la matiere subtile soit beaucoup plus dense que ce corps. Or la force centrifuge du corps L vient de sa vîtesse de rotation autour de la terre; vîtesse qui est à-peu-près égale à celle des points de la surface terrestre. Donc il faudroit dans le premier cas que la matiere du tourbillon eût beaucoup plus de vîtesse de rotation que la terre; or cela posé, on sentiroit une espece de vent continuel dans le sens de la rotation de la terre, c'est-à-dire d'occident en orient. Dans le second cas, si la matiere du tourbillon a beaucoup plus de densité que les corps terrestres, on devroit sentir dans les mouvemens de bas en-haut & de haut enbas la résistance de cette matiere; or on sait que cette résistance est insensible, que l'air seul est la source de celle qu'on éprouve, & qu'il n'y en a point dans la machine du vuide, où tous les corps tombent également vîte. Ce n'est pas tout; supposant, comme on le dit, la force centrifuge de la matiere du tourbillon beaucoup plus grande que celle du corps L , le corps L devroit toûjours avoir une pesanteur sensiblement égale, pourvû qu'il conservât le même volume; car la force centrifuge qui agiroit sur ce corps, seroit alors la même. Or cela est contraire à l'expérience: car un pié cube d'or pese plus qu'un pié cube de liége. De plus & par la même raison, les corps devroient descendre d'autant plus vîte, abstraction faite de la résistance de l'air, qu'ils auroient moins de masse sous un même volume; car la force qui les presse étant la même, elle devroit y produire des vîtesses en raison inverse des masses. Or c'est ce que l'expérience dément encore; car l'expérience prouve que tous les corps descendent également vîte dans le vuide; d'où il résulte que la gravité agit en raison de la masse, & non du volume du corps. Une autre objection contre les Cartésiens, c'est que les corps devroient descendre vers l'axe de la terre, & non vers le centre; de sorte que sous les paralleles à l'équateur ils devroient tomber par des lignes obliques, & non par des lignes à-plomb. Les Cartésiens, il est vrai, ont imaginé différens moyens de répondre à ces difficultés; mais tous ces moyens sont autant de paralogismes. Je me flate de l'avoir démontré dans mon traité des fluides, art. 409 . M. Huyghens a cherché à corriger sur ce point le système de Descartes; mais la correction est pire que le mal; voyez Descente ; il en est de même de M. Bulfinger. Il suppose dans une piece qui a remporté le prix de l' academie des Sciences en 1728 , que la matiere du tourbillon se meut à la-fois autour de deux axes. Il prétend que de ce double mouvement il doit résulter une tendance des corps terrestres vers le centre de la terre; mais cet auteur a supposé qu'en ce cas les particules de la matiere décrivoient toutes par un mouvement composé de grands cercles, ce qui n'est pas vrai; car elles décrivent des courbes différentes, dont la plûpart sont en 8 de chiffre, comme on peut s'en assûrer par l'expérience & par l'analyse. Ainsi son explication n'est pas plus recevable que celles de Huyghens & de Descartes. M. Varignon a fait aussi un système sur la cause de la pesanteur, dont on peut voir le précis dans son éloge par M. de Fontenelle, mém. de l'Acad. 1722. mais ce système ne portant sur rien, & n'ayant fait aucune fortune, nous n'en ferons point de mention ici. M. le Sage, de Geneve, a présenté depuis peu à l'académie des Sciences un écrit qui contient un système ingénieux sur cette matiere; mais ce système n'est pas encore publié, & nous attendrons qu'il le soit pour en faire mention, afin de ne point trop surcharger cet article. Nous renvoyons donc sur cela au mot Pesanteur . Avant que de passer à l'explication Newtonienne de la gravité , nous ferons une remarque qui ne sera pas inutile. Quand on dit que les corps pesans ou graves tendent vers le centre de la terre, on n'entend pas cela rigoureusement; car il faudroit en ce cas que la terre fût sphérique, & que les corps pesans fussent poussés perpendiculairement à cette surface. Or il est prouvé que la terre n'est pas sphérique, & il n'est pas bien démontré que la direction de la pesanteur soit perpendiculaire à la surface de la terre; sur quoi voyez l'article Figure de la Terre , & la III. partie de mes recherches sur le système du monde ; Paris, 1756. liv. VI. Il faut d'ailleurs distinguer deux sortes de gravité: la gravité primitive, non altérée par la force centrifuge qui vient de la rotation de la terre & des corps qu'elle entraîne: & la gravité altérée par cette force; cette derniere gravité est la seule que nous sentons; & quand même la premiere auroit sa direction au centre de la terre, la seconde par une conséquence nécessaire ne l'auroit pas. Mais il est aisé de s'assûrer que la gravité primitive elle-même n'a pas sa direction au centre de la terre; car si cela étoit, le rapport des axes seroit à très-peu-près de 577 à 578, tel que M. Huyghens l'a trouvé dans cette hypothèse. Or les observations donnent le rapport des axes de la terre beaucoup plus grand. Voyez l'article Figure de la Terre . Ainsi il paroît que la gravité n'est pas une force constamment dirigée vers le centre de la terre, & c'est déjà une preuve indirecte en faveur du système de Newton, qui veut que la pesanteur soit causée par l'attraction que toutes les parties de la terre exercent sur les corps pesans; attraction dont l'effet doit être dirigé différemment, suivant le lieu de la surface terrestre où le corps attiré est placé. Voyez Attraction . Voici maintenant les preuves du système Newtonien. Preuves de la gravité universelle . Tout le monde convient que tout mouvement est naturellement rectiligne; de sorte que les corps, qui dans leur mouvement décrivent des lignes courbes, y doivent être forcés par quelque puissance qui agit sur eux continuellement. D'où il s'ensuit que les planetes faisant leurs révolutions dans des orbites curvilignes, il y a quelque puissance dont l'action continuelle & constante les empêche de se déplacer de leur orbite, & de décrire des lignes droites. D'ailleurs les Mathématiciens prouvent que tous les corps qui dans leurs mouvemens décrivent quelque ligne courbe sur un plan, & qui par des rayons tirés vers un certain point, décrivent autour de ce point des aires proportionnelles au tems, sont poussés par quelque puissance qui tend vers ce même point; voyez Force centrale . Il est démontré aussi par les observations que les planetes premieres tournant autour du soleil, & les planetes secondaires appellées satellites , tournant autour des premieres, décrivent des aires proportionnelles au tems; voyez Loi de Kepler . Par conséquent la puissance qui les retient dans leur orbite, a sa direction vers les centres du soleil & des planetes. Enfin il est prouvé que si plusieurs corps décrivent autour d'un même point des cercles concentriques, & que les quarrés de leurs tems périodiques soient comme les cubes des distances du centre commun, les forces centripetes des corps qui se meuvent seront réciproquement comme les quarrés des distances. Voyez Force centrale . Or tous les Astronomes conviennent que cette analogie a lieu par rapport à toutes les planetes: d'où il s'ensuit que les forces centripetes de toutes les planetes, sont réciproquement comme les quarrés des distances où elles sont des centres de leurs orbites. Voyez l'article Planete & l'article Loi de Kepler . De tout ce qu'on vient de dire, il s'ensuit que les planetes sont retenues dans leurs orbites par une puissance qui agit continuellement sur elles: que cette puissance a sa direction vers le centre de ces orbites: que l'efficacité de cette puissance augmente à mesure qu'elle approche du centre, & qu'elle diminue à mesure qu'elle s'en éloigne; qu'elle augmente en même proportion que diminue le quarré de la distance, & qu'elle diminue comme le quarré de la distance augmente. Or en comparant cette force centripete des planetes avec la force de gravité des corps sur la terre, on trouvera qu'elles sont parfaitement semblables. Pour rendre cette vérité sensible, nous examinerons ce qui se passe dans le mouvement de la Lune, qui est la planete la plus voisine de la terre. Les espaces rectilignes, décrits dans un tems donné par un corps qui tombe & qui est poussé par quelque puissance, sont proportionnels à ces puissances, à compter depuis le commencement de la chûte. Par conséquent la force centripete de la Lune dans son orbite, sera à la force de la gravité sur la surface de la terre, comme l'espace, que la Lune parcourroit en tombant pendant quelque tems par sa force centripete du côté de la terre, supposé qu'elle n'eût aucun mouvement circulaire, est à l'espace que parcouroit dans le même tems quelqu'autre corps en tombant par sa gravité sur la terre. On sait par expérience que les corps pesans parcourent ici-bas 15 piés par seconde, voyez Descente . Or l'espace que la force centripete de la Lune lui feroit parcourir en ligne droite dans une seconde, est sensiblement égal au sinus verse de l'arc que la Lune décrit dans une seconde. Et puisqu'on connoit le rayon de l'orbite de la Lune & le tems de sa révolution, on connoîtra par conséquent ce sinus verse. Faisant donc le calcul, on trouve que ce sinus verse est à 15 piés, c'est-à-dire que la force centripete de la Lune dans son orbite, est à la force de la gravité sur la surface de la terre, comme le quarré du demi-diametre de la terre est au quarré du demi-diametre de l'orbite. On peut voir ce calcul tout au long dans le III. livre des principes de Newton, & dans plusieurs autres ouvrages auxquels nous renvoyons . C'est pourquoi la force centripete de la Lune est la même que la force de la gravité , c'est-à-dire procede du même principe; autrement si ces deux forces étoient différentes, les corps poussés par les deux forces conjointement, tomberoient vers la terre avec une vîtesse double de celle qui naîtroit de la seule force de la gravité . Il est donc évident que la force centripete par laquelle la Lune est retenue dans son orbite, n'est autre chose que la force de la gravité qui s'étend jusque-là. Par conséquent la Lune pese vers la terre; donc réciproquement celle ci pese vers la Lune: ce qui est confirmé d'ailleurs par les phénomenes des marées. Voyez Flux & Reflux & Gravitation On peut appliquer le même raisonnement aux autres planetes. En effet, comme les révolutions des planetes autour du Soleil, & celles des satellites de Jupiter & de Saturne autour de ces planetes, sont des phénomenes de la même espece que la révolution de la Lune autour de la terre; comme les forces centripetes des planetes ont leur direction vers le centre du Soleil; comme celles des Satellites tendent vers le centre de leur planete; & enfin comme toutes ces forces sont réciproquement comme les quarrés des distances aux centres, on peut conclure que la loi de la gravité & sa cause sont les mêmes dans toutes les planetes & leurs satellites. C'est pourquoi comme la Lune pese vers la terre, & celle-ci vers la Lune, de même tous les satellites pesent vers leurs planetes principales: & les planetes principales vers leurs satellites; les planetes vers le Soleil, & le Soleil vers les planetes. Voyez Gravitation , Planete , &c. Il ne reste plus qu'à savoir quelle est la cause de cette gravité universelle, ou tendance mutuelle que les corps ont les uns vers les autres. Clarke ayant détaillé plusieurs propriétés de la gravité des corps, conclud que ce n'est point un effet accidentel de quelque mouvement ou matiere subtile, mais une force générale que le Tout-puissant a imprimée des le commencement à la matiere, & qu'il y conserve par quelque cause efficiente qui en pénetre la substance. Gravesande, dans son introduction à la philosophie de Newton , prétend que la cause de la gravité est absolument inconnue, & que nous ne devons la regarder que comme une loi de la nature & comme une tendance que le créateur a imprimée originairement & immédiatement à la matiere, sans qu'elle depende en aucune façon de quelque loi ou cause seconde. Il croit que les trois réflexions suivantes suffisent pour prouver sa proposition. Savoir: 1°. Que la gravité demande la présence du corps qui pese ou attire: c'est ainsi que les satellites de Jupiter, par exemple, pesent sur cette planete, quelque part qu'elle se trouve. 2°. Que la distance au corps attirant étant supposée la même, la vîtesse avec laquelle les corps se meuvent par la force de la gravité , dépend de la quantité de matiere qui se trouve dans le corps qui attire, & que la vîtesse ne change point, quelle que puisse être la masse du corps pesant. 3°. Que si la gravité ne dépend d'aucune loi connue de mouvement, il faut que ce soit quelqu'impulsion venant d'un corps étranger, de sorte que la gravité étant continuelle, elle demande aussi une impulsion continuelle. Or s'il y a quelque matiere qui pousse continuellement les corps, il faut que cette matiere soit fluide & assez subtile pour pénétrer la substance de tous les corps: mais comment un corps qui est assez subtil pour pénétrer la substance des corps les plus durs, & assez raréfié pour ne pas s'opposer sensiblement au mouvement des corps, peut-il pousser des corps considérables les uns vers les autres avec tant de force? Comment cette force augmente-t-elle suivant la proportion de la masse du corps vers lequel l'autre corps est poussé? D'où vient que tous les corps, en supposant la même distance & le même corps vers lequel ils tendent, se meuvent avec la même vîtesse? Enfin un fluide qui n'agit que sur la surface, soit des corps mêmes, soit de leurs particules intérieures, peut-il communiquer aux corps une quantité de mouvement, qui suive exactement la proportion de la quantité de matiere renfermée dans les corps? M. Cotes, en donnant un plan de la philosophie de Newton, va encore plus loin, & assûre que la gravité doit être mise au rang des qualités premieres de tous les corps, & réputée aussi essentielle à la matiere que l'étendue, la mobilité, & l'impénétrabilité. Pref. ad Newt. princip . Sur quoi voyez les articles Attraction & Gravitation . Mais Newton, pour nous faire entendre qu'il ne regarde point la gravité comme essentielle aux corps, nous donne son opinion sur la cause, & il prend le parti de la proposer par forme de question, comme n'étant point encore content de tout ce qu'on en a découvert par les expériences. Nous ajoûterons ici cette question dans les propres termes dont il s'est servi. Après avoir prouvé qu'il y a dans la nature un milieu beaucoup plus subtil que l'air; que par les vibrations de ce milieu, la lumiere communique de la chaleur aux corps, subit elle-même des accès de facile réflexion & de facile transmission; & que les différentes densités des couches de ce milieu produisent la réfraction aussi-bien que la réflexion de la lumiere ( voyez Milieu , Chaleur , Réfraction &c. ), il fait la question suivante. « Ce milieu n'est-il pas beaucoup plus raréfié dans les corps denses du Soleil, des étoiles, des planetes, & des cometes, que dans les espaces célestes qui sont vuides, & qui se trouvent entre ces corps? & ce milieu, en passant de là à des distances considérables, ne se condense-t-il pas continuellement de plus en plus, & ne devient-il pas ainsi la cause de la gravité que ces grands corps exercent les uns sur les autres, & de celle de leurs parties, puisque chaque corps s'efforce de s'éloigner des parties les plus denses du milieu vers ses parties les plus raréfiées? Car si l'on suppose que ce milieu est plus raréfié dans le corps du soleil que dans sa surface, & plus à la surface qu'à une distance très-petite de cette même surface, & plus à cette distance que dans l'orbe de Saturne; je ne vois pas, dit M. Newton, pourquoi l'accroissement de densité ne seroit pas continué dans toute la distance qu'il y a du soleil à Saturne, & au delà. Et quand même cet accroissement de densité seroit excessivement lent ou foible à une grande distance, cependant si la force élastique de ce milieu est excessivement grande, elle peut être suffisante pour pousser les corps depuis les parties les plus denses du milieu, jusqu'à l'extrémité de ses parties les plus raréfiées, avec toute cette force que nous appellons gravité . La force élastique de ce milieu est excessivement grande, comme on en peut juger par la vîtesse de ses vibrations: car d'un côté les sons se répandent environ à 180 toises dans une seconde de tems: de l'autre la lumiere vient du soleil jusqu'à nous dans l'espace de sept ou huit minutes, & cette distance est environ de 33000000 lieues; & pour que les vibrations ou impulsions de ce milieu puissent produire les secousses alternatives de facile transmission & de facile réflexion, il faut qu'elles se fassent plus promptement que celles de la lumiere, & par conséquent environ 700000 fois plus vîte que celles du son; de sorte que la vertu élastique de ce milieu, toutes choses d'ailleurs égales, doit être plus de 700000 x 700000, c'est-à-dire plus de 490000000000 fois plus grande que n'est la vertu élastique de l'air: car les vîtesses des pulsions des milieux élastiques, toutes choses d'ailleurs égales, sont en raison sous-doublée de la directe des élasticités de ces milieux. Comme la vertu magnétique est plus considérable dans les petites pierres d'aimant que dans les grandes à proportion de leur volume, & que l'attraction électrique agit plus vivement sur les petits corps que sur les grands: de même la petitesse des rayons de lumiere peut contribuer infiniment à la force de l'agent, ou de la puissance qui leur fait subir les réfractions. Et si on suppose que l'éther (comme l'air que nous respirons) contienne des particules qui s'efforcent de s'éloigner les unes des autres, & que ces particules soient infiniment plus petites que celles de l'air, ou même que celles de la lumiere, leur petitesse excessive peut contribuer à la grandeur de la force par laquelle elles s'éloignent les unes des autres, rendre le milieu infiniment plus rare & plus élastique que l'air, & par conséquent infiniment moins propre à résister aux mouvemens des projectiles, & infiniment plus propre à causer la pesanteur des corps par l'effort que font ses particules pour s'étendre. Optic. p. 325.» &c. Voyez Lumiere , Elasticité , &c. Voilà un précis des idées générales que Newton paroît avoir eues sur la cause de la gravité: cependant si on examine d'autres endroits de ses ouvrages, on est tenté de croire que cette explication générale qu'il donne dans son Optique , étoit destinée principalement à rassûrer quelques personnes que l'attraction avoit revoltées. Car ce philosophe, en avoüant que la pesanteur pourroit être produite par l'impulsion, ajoûte qu'elle pourroit aussi être produite par quelqu'autre cause: il fait mouvoir les planetes dans un grand vuide, ou du-moins dans un espace qui contient très-peu de matiere; il remarque que l'impulsion d'un fluide est proportionnelle à la quantité de surface des corps qu'il frappe, au lieu que la gravité est comme la quantité de matiere, & vient d'une cause qui pénetre pour ainsi dire les corps; ainsi il n'étoit pas, ce me semble, fort éloigné de regarder la gravité comme un premier principe, & comme une loi primordiale de la nature. En un mot toute cette explication est bien foible, pour ne rien dire de plus, bien vague, & bien peu conforme à la maniere ordinaire de philosopher de son illustre auteur; & nous ne pouvons croire qu'il l'ait proposée bien sérieusement. D'ailleurs Newton parut donner son approbation à la préface que M. Cotes a mise à la tête de la seconde édition de ses Principes , & dans laquelle cet auteur soûtient, comme nous l'avons dit, que la gravité est essentielle à la matiere. Voyez aux articles Attraction & Gravitation les réflexions que nous avons faites sur cette derniere opinion. La partie de la Méchanique qui traite du mouvement des corps en tant qu'il résulte de la gravité , s'appelle quelquefois statique. Voyez Statique . On distingue la gravité en absolue & relative . La gravité absolue est celle par laquelle un corps descend librement sans éprouver aucune résistance. Voyez Résistance . Les lois de la gravité absolue se trouvent aux articles Accélération & Descente . La gravité relative est celle par laquelle un corps descend après avoir consumé une partie de son poids à surmonter quelqu'obstacle ou résistance. Voyez Résistance . Telle est la gravité par laquelle un corps descend le long d'un plan incliné, où une partie de sa force est employée à surmonter la résistance ou le frottement du plan. Telle est encore la gravité par laquelle un corps descend dans un fluide. Voyez Frottement , & pour les lois de la gravité relative, consultez les articles Plan incliné , Descente , Fluide , Resistance , &c. Centre de Gravité , voyez Centre . La formule que nous avons donnée au mot Force centrifuge , page 120 de ce Volume, col. 1. peut servir à trouver le rapport de la force centrifuge des corps terrestres à la gravité; car on peut connoître par les lois des pendules ( voyez Pendule ) le tems θ d'une vibration d'un pendule, dont la longueur seroit égale au rayon de la terre; & on peut connoître de plus l'espace A , où la partie de la circonférence de l'équateur qu'un point quelconque de la surface de la terre décrit dans ce même tems; & comme π est le rapport de la demi-circonférence au rayon, & AB le diametre de la terre, on aura donc en nombres très-approchés le rapport de 2 A à π AB ou de A à c'est-à-dire de l'arc A à la demi-circonférence de la terre. Or, achevant le calcul, on trouve que ce rapport est d'environ 1 à 17. Voyez le discours de M. Huyghens sur la cause de la pesanteur . Donc le rapport de la force centrifuge à la gravité sous l'équateur, est égal au quarré de 1/17, c'est-à-dire 1/289. Les lois de la gravité des corps qui pesent dans les fluides, sont l'objet de l'Hydrostatique. Voyez Hydrostatique . Dans cette science on divise la gravité en absolue & spécifique . La gravité absolue est la force avec laquelle les corps tendent en embas. Voyez le commencement de cet article . La gravité spécifique est le rapport de la gravité d'un corps à celle d'un autre de même volume. Voy. Specifique . Pour les lois de la gravité spécifique avec les manieres de la trouver, ou de la déterminer dans les solides & dans les fluides, consultez l' article Balance hydrostatique . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravité Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravité Gravité , voyez ci-dev. l'article Grave , ( Gram. & Morale. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravité Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA Gravité Gravité , en Musique , est cette modification du son, par laquelle on le considere comme grave, ou bas par rapport à d'autres sons qu'on appelle hauts ou aigus. Voyez Son Grave . C'est une des bisarreries de notre langue, qu'il n'y ait point pour opposer à ce mot de substantif propre aux sons aigus: celui d' acuité que quelques-uns ont voulu introduire, n'a pû passer. La gravité des sons dépend de la grosseur, longueur, tension des cordes, de la longueur des tuyaux, & en général du volume & du poids des corps sonores: plus ils ont de tout cela, & plus leur gravité est grande; car il n'y a point de gravité absolue, & aucun son n'est grave ou aigu que par comparaison. Voyez Corde & Fondamental . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVITER Author=unknown Normalized Classification=Physique Part of Speech=v.n. GRAVITER GRAVITER, v. n. ( Physiq. ) on dit dans la philosophie newtonienne, qu'un corps gravite vers un autre, pour dire qu'il tend vers cet autre corps par la force de la gravité, ou, pour parler suivant le système de Newton, qu'il est attiré par cet autre corps. Voyez Gravitation , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVOIR Author=unknown Normalized Classification=Charronnage Part of Speech=s.m. GRAVOIR GRAVOIR, s. m. outil de Charron , c'est une espece de marteau dont un pan est rond & plat, & l'autre pan est plat & tranchant. Il sert aux Charrons pour couper & fendre des cercles de fer & d'autres pieces. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravoir Author=Diderot Normalized Classification=Lunetier Part of Speech=NA Gravoir * Gravoir , ( Lunetier. ) c'est un instrument avec lequel le lunetier trace dans la châsse de la lunette, la rainure où se place le verre, & qui le retient. Il consiste en une plaque ronde, d'un diametre un peu plus petit que le verre & la châsse. Cette plaque est tranchante & dentelée. Il y a une platine appliquée à cette plaque, & qui la déborde: l'un & l'autre sont montés sur un petit arbre qui les traverse, qui a ses poupées comme les arbres des tours à tourner en l'air, & qui porte au milieu une boîte ronde, comme il y en a aux forets. On monte la corde de l'arçon sur cette boite; on fait tourner l'arbre & la plaque tranchante; l'ouvrier place sa châsse contre la platine qui le dirige; il fait mordre la plaque tranchante dans l'épaisseur de la châsse, & la rainure se fait. Il faut observer que la platine peut être montée avec la plaque tranchante sur un même arbre, pourvû que ces deux parties laissent entre elles l'intervalle convenable, ou qu'elles peuvent être séparées, ensorte que la plaque tranchante soit seule fixée sur l'arbre, & qu'on en puisse approcher parallelement, & fixer solidement & à la distance convenable, la platine qui sert de directrice à l'ouvrier, & sans laquelle il ne seroit pas sûr de pratiquer sa rainure dans un plan bren vertical. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVOIS Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m.pl. GRAVOIS GRAVOIS, s. m. pl. ( Architect. ) se dit des décombres des bâtimens, des pieces d'eaux & bassins lors qu'ils sont achevés; ou bien de ce qui reste des allées quand elles viennent d'être dressées & épierrées. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAVURE Author=Watelet Normalized Classification=Beaux-Arts Part of Speech=s.f. GRAVURE GRAVURE, s. f. ( Beaux Arts. ) On a déjà dit au mot Estampe quelque partie des choses qui ont rapport à l'art de graver; mais cet art n'a été regardé alors que du côté de ses productions. Nous devons entrer ici dans le détail des opérations nécessaires pour produire par les moyens qui lui sont propres, les ouvrages auxquels il est destiné. Les mots gravure & graver viennent ou du grec γράφω , qui signifie j'écris , ou du latin cavare , creuser. Il est moins nécessaire de s'arrêter à fixer son étymologie, que d'expliquer précisément l'action de graver Cette action consiste à creuser, & toutes les differentes matieres dans lesquelles on peut creuser les formes des objets qu'on a dessein de graver sont comprises dans les idées générales de l'art de la Gravure . La différence des matieres & celle des outils & des procédés qu'on employe, distinguent les especes de Gravure: ainsi l'on dit, graver en cuivre, en bois, en or, en argent, en fer, en pierres fines . Je commencerai par l'art de graver en cuivre, non pas comme le plus ancien, mais comme celui qui est d'un plus grand usage, & sans doute d'un usage plus utile aux hommes pour multiplier leurs connoissances. Dans les détails des opérations de cet art, j'emprunterai les préceptes & les descriptions qui sont contenus dans un ouvrage d'Abraham Bosse, graveur du roi, qui a été considérablement enrichi par les lumieres de M. Cochin le fils, savant artiste de nos jours, qui dans une derniere édition de cet ouvrage l'a augmenté de différens traités que les progrès de l'art lui ont fournis, & de réflexions justes qu'il doit à son talent & à ses succès. Le cuivre dont on se sert pour la Gravure dont je parle, est le cuivre rouge. Le choix que l'on fait de cette espece de cuivre, est fondé sur ce que le cuivre jaune est communement aigre, que sa substance n'est pas égale, qu'il s'y trouve des pailles, & que ces défauts sont des obstacles qui s'opposent à la beauté des ouvrages auxquels on le destineroit. Le cuivre rouge même n'est pas totalement à l'abri de ces défauts; il en est dont la substance est aigre, & les traits qu'on y grave se ressentent de cette qualité; ils sont maigres & rudes: il s'en trouve de mou dont la substance approche (quant à cette qualité) de celle du plomb. Les ouvrages que l'on y grave n'ont pas la netteté qu'on voudroit leur donner: l'eau-forte ne l'entame qu'avec peine; elle ne creuse pas, & trompe l'attente du graveur. Quelquefois on rencontre dans une même planche de cuivre ces qualités opposées; enfin on y trouve de petits trous imperceptibles, ou des taches desagréables. Le cuivre rouge qui a les qualités les plus propres à la Gravure , doit donc être plein, ferme, liant; & la façon de connoître s'il est exempt des défauts contraires que j'ai énoncés, c'est d'y former quelques traits avec le burin en différens sens: alors, s'il est aigre, le bruit que fera le burin en le coupant, & le sentiment de la main, vous l'indiqueront; s'il est mou, ce même sentiment qui vous rappellera l'idée du plomb, vous le découvrira aussi. Lorsqu'on a fait choix d'un cuivre propre à graver, on doit mettre ses soins à ce qu'il reçoive la préparation qui lui est nécessaire pour l'usage auquel on le destine. Les Chauderoniers l'applanissent, le coupent, le polissent; mais il est à-propos que les Graveurs connoissent eux-mêmes ces préparations, parce qu'il pourroit se trouver que voulant faire usage de leur art dans un pays où il seroit inconnu, ils ne trouveroient pas les ouvriers en cuivre instruits des moyens qu'il faut employer. Une planche de cuivre de la grandeur d'environ un pié sur neuf pouces, doit avoir à-peu-près une ligne d'épaisseur; & cette proportion peut régler pour d'autres dimensions. La planche doit être bien forgée & bien applanie à froid: c'est par ce moyen que le cuivre devient plus serré & moins poreux. Il s'agit, après ce premier soin, de la polir. On choisit celui des deux côtés de la planche qui paroit être plus uni & moins rempli de gersures & de pailles; on attache la planche par le côté contraire sur un ais, de maniere qu'elle y soit retenue par quelques pointes ou clous; alors on commence à frotter le côté apparent avec un morceau de grès, en arrosant la planche avec de l'eau commune: on la polit ainsi le plus également qu'il est possible, en passant le grès fortement dans tous les sens, & en continuant de mouiller le cuivre & le grès, jusqu'à ce que cette premiere opération ait fait disparoître les marques des coups de marteau qu'on a imprimés sur la planche en la forgeant. Lorsque ces marques ont disparu, ainsi que les pailles, les gersures, & les autres inégalités qui pourroient s'y rencontrer; on substitue au grès la pierre-ponce bien choisie; on s'en sert en frottant le cuivre comme on a dejà fait en tous sens, & en l'arrosant d'eau commune: l'on efface ainsi les raies que le grain trop inégal du grès a laissées sur la planche; après quoi l'on se sert pour donner un poli plus fin, d'une pierre-ponce à aiguiser, qui pour l'ordinaire est de couleur d'ardoise, quoiqu'il s'en trouve quelquefois de couleur d'olive & de rouge. Enfin le charbon & le brunissoir achevent de faire disparoître de dessus la planche les plus petites inégalités. Voici comme il faut s'y prendre pour préparer le charbon qu'on doit employer. Vous choisirez des charbons de bois de saule qui soient assez gros & pleins, qui n'ayent point de fente ni de gersure, & tels que ceux dont communément les Orfevres se servent pour souder. Vous ratisserez l'écorce de ces charbons, vous les rangerez ensemble dans le feu, vous les couvrirez ensuite d'autres charbons allumés & de quantité de cendre rouge; desorte qu'ils puissent demeurer sans communication avec l'air, pendant environ une heure & demie, & que le feu les ayant entierement pénétrés, il n'y reste aucune vapeur. Lorsque vous jugerez qu'ils seront en cet état, vous les plongerez dans l'eau & les laisserez refroidir. Vous frotterez la planche qui a déjà été unie par le grès, la pierre-ponce, la pierre à aiguiser, avec un charbon préparé, comme je viens de le dire, en arrosant d'eau commune & le cuivre & le charbon, jusqu'à ce que vous ayez fait disparoître ainsi les marques que peuvent avoir laissées les pierres différentes dont j'ai indiqué l'usage. Il faut remarquer que quelquefois il arrive qu'un charbon glisse sur le cuivre sans le mordre, & par conséquent sans le polir; il faut alors en choisir un autre qui soit plus propre à cette opération, & la repéter avec patience jusqu'à ce que le cuivre soit exempt des moindres raies & des plus petites inégalités apparentes. La derniere préparation qu'il peut recevoir, ou de la main de l'ouvrier en cuivre, ou de celle de l'artiste, c'est d'être bruni. On se sert pour cela d'un instrument qu'on nomme brunissoir . Cet instrument est d'acier: l'endroit par où l'on s'en sert pour donner le lustre à une planche, est extrèmement poli; il a à-peu-près la forme d'un coeur, comme on peut le voir dans la Planche premiere ayant rapport à l'art du Graveur en cuivre, lettre A. Son épaisseur est de quelques lignes; il se termine en pointe, & l'usage qu'on en fait après avoir répandu quelques gouttes d'huile sur le cuivre, est de le passer diagonalement sur toute la planche, en appuyant un peu fortement la main; ce qui s'appelle brunir . C'est ainsi qu'on parvient à donner à la planche de cuivre un poli pareil à celui d'une glace de miroir, & qu'on fait disparoître les plus petites inégalites. Lorsqu'on a mis en usage ces différens moyens, si l'on veut être assûré que l'on a réussi, il faut livrer la planche à un imprimeur en taille-douce, qui après l'avoir frottée de noir & essuyée, comme on a coûtume de faire, lorsque la planche est gravée, la fera passer sous la presse avec une feuille de papier blanc. Les inégalités les moins sensibles, s'il en reste quelques - unes, s'imprimeront sur le papier, & vous serez en état d'ôter à la planche les moindres défauts qu'elle pourroit avoir. Je crois qu'après avoir instruit de la façon d'apprêter le cuivre, il faut commencer par les opérations qui servent à graver à l'eau forte; après quoi j'en viendrai à la maniere de graver au burin. Pour parvenir à faire usage de l'eau-forte, il est nécessaire de couvrir la planche d'un vernis; & voici les differentes manieres de composer les vernis dont on couvre les planches, comme je le dirai ensuite. Il est de deux especes de vernis: on nomme l'un vernis dur , & l'autre vernis mou . Le premier par lequel je commencerai est d'un usage plus ancien. Voici sa composition. Prenez cinq onces de poix greque, ou, à son défaut, de la poix grasse, autrement poix de Bourgogne; cinq onces de résine de Tyr ou colophone; à son défaut, de la résine commune: faites fondre ce mélange ensemble sur un feu médiocre, dans un pot de terre neuf, bien plombé, vernissé, & bien net. Ces deux ingrédiens étant fondus & bien mêlés ensemble, mettez-y quatre onces de bonne huile de noix, ou d'huile de lin; mêlez bien le tout sur le feu durant une bonne demi-heure; puis laissez cuire ce mélange jusqu'à ce qu'en ayant mis refroidir, & le touchant avec le doigt, il file comme un sirop bien gluant: alors retirez le vernis de dessus le feu; & lorsqu'il sera un peu refroidi, passez-le à-travers d'un linge neuf, dans quelque vase de fayence ou de terre bien plombé; vous le serrerez ensuite dans une bouteille de verre épais, ou dans quelqu'autre vase qui ne s'imbibe pas, & que l'on puisse bien boucher: le vernis se gardera alors vingt ans, & n'en sera que meilleur. Voilà la composition du vernis dur tel que Bosse le donne, & tel qu'il s'en servoit sans doute. Voici celui dont se servoit Callot, & qu'on appelle vulgairement vernis de Florence . Prenez un quarteron d'huile grasse bien claire & faite avec de bonne huile de lin, pareille à celle dont les Peintres se servent: faites-la chauffer dans un poëlon de terre vernissé & neuf: ensuite mettez-y un quarteron de mastic en larmes pulvérisé; remuez bien le tout, jusqu'à ce qu'il soit fondu entierement. Passez alors toute la masse à-travers un linge fin & propre, dans une bouteille qui ait un cou assez large; bouchez-la exactement pour que le vernis se conserve mieux. Je crois qu'après avoir donné la composition du vernis dur, il est à-propos de dire la maniere d'appliquer ce vernis dur sur la planche de cuivre. La planche ayant été forgée, polie & lustrée comme je l'ai dit ci-dessus, il faut encore prendre soin d'ôter de sa surface la moindre impression grasse qui pourroit s'y rencontrer; pour cela vous la frotterez avec une mie de pain, un linge sec, ou bien avec un peu de blanc d'Espagne mis en poudre, & un morceau de peau; vous aurez soin sur-tout de ne pas passer les doigts & la main sur le poli du cuivre, lorsque vous serez au moment d'appliquer le vernis. Pour l'appliquer sur la planche, vous l'exposerez sur un réchaud dans lequel il y ait un feu médiocre; lorsque le cuivre sera un peu échauffé, vous le retirerez; & trempant alors dans le vase où vous conservez votre vernis, une petite plume, un petit bâton, ou une paille, vous poserez du vernis sur la planche en assez d'endroits, pour que vous puissiez ensuite l'étendre par-tout & l'en couvrir; au reste il faut remarquer que la façon ancienne dont Bosse fait mention pour étendre ce vernis, au moyen de la paume de la main, est sujet à inconvénient, soit à cause de la transpiration de la main, soit parce qu'il est difficile de l'étendre avec une grande égalité. Je croi donc qu'il vaut mieux (& j'en parle par expérience) se servir de tampons faits avec de petits morceaux de taffetas neufs, dans lesquels on renferme un morceau de coton qui soit neuf aussi. Lorsqu'on s'est muni de quelques tampons proportionnés à la grandeur de la planche qu'on veut vernir, on frappe doucement sur les endroits de la planche où l'on a mis du vernis; on l'étend ainsi par-tout avec égalité; & l'on doit surtout prendre garde qu'il n'y en ait une trop grande épaisseur, parce qu'il seroit plus difficile de le faire cuire, & de graver ensuite. Ce vernis, qui est fort transparent, pourroit aisément mettre dans l'erreur ceux qui s'en serviroient sans le connoître: il ne faut donc pas s'attendre à voir facilement si le vernis a la juste épaisseur qui lui convient; mais j'avertis que lorsqu'il semblera qu'il n'y en a point du tout, pour ainsi dire, il y en aura encore assez. Je me suis servi avec succès d'un moyen pour l'unir parfaitement: le voici. J'ai coupé des morceaux de papier blanc fin & lisse, à-peu-près de la grandeur de la planche; & les passant avec la paume de la main legerement sur la planche où j'avois étendu le vernis à l'aide des tampons dont j'ai parlé, je suis parvenu ainsi à rendre ma couche de vernis égale, & aussi peu épaisse qu'on peut le desirer. Cette opération faite, il faut donner au vernis par le moyen du feu le degré de consistance, qui lui fait donner le nom de vernis d'or; mais auparavant il faut le noircir, pour qu'il soit plus facile d'appercevoir les traits qu'on forme avec les instrumens qui servent à graver. Pour noircir le vernis, vous vous servirez de plusieurs bouts de bougie jaune que vous assemblerez, afin qu'étant allumés, il en résulte une fumée grasse & épaisse. Cela fait, vous attacherez au bord de votre planche un, deux, trois ou quatre étaux, suivant la grandeur de la planche & la difficulté de la manier. Ces étaux qui pour plus de commodité peuvent avoir des manches de fer propres à les tenir, vous donneront la facilité d'exposer le côté de la planche que vous avez vernie à la fumée des bougies, comme vous verrez fig. 1 . de la Planche qui a rapport a la gravure sur cuivre . Vous aurez attention de promener continuellement ou la planche ou les bougies, pour que la flamme ne fasse pas trop d'impression sur quelque endroit de la planche; ce qui pourroit brûler le vernis. Il faut aussi ne pas trop approcher le vernis de la meche, ou meme de la flamme. L'usage indiquera le juste milieu qu'il faut observer. Le point où il faut arriver, est de rendre la planche d'un noir égal & exempt de transparence, sans que le vernis soit brûlé dans aucun endroit. Venons au moyen de sécher, de cuire, & durcir le vernis à l'aide du feu. Il faut allumer une quantité de charbon proportionnée à la grandeur de la planche; vous formerez avec ces charbons, dans un endroit qui soit sur-tout à l'abri de la poussiere, un brasier dont l'étendue excede de quelque chose la planche en tous sens; vous aurez encore attention de mettre fort peu de charbons dans le milieu, parce que la chaleur se concentrera assez, & qu'il faut plus de tems pour cuire les bords de la planche: lorsque ces précautions seront prises, vous exposerez votre planche sur ce brasier, à l'aide de deux petits chenets faits exprès, ou de deux étaux, avec lesquels vous la tiendrez suspendue à quelques pouces du feu. On doit comprendre que le côté de la planche sur lequel est appliqué le vernis, n'est pas celui qui doit être tourné vers le brasier, il se trouvera dessus; & pour éviter qu'il n'y tombe d'atomes de poussiere, ce qui est très-essentiel, vous étendrez un linge qui vous garantira de ces petits accidens. Lorsqu'après l'espace de quelques minutes, vous verrez votre planche jetter de la fumée, vous vous tiendrez prêt à la retirer; & pour ne pas risquer de le faire trop tard, ce qui pourroit arriver si l'on attendoit qu'elle ne rendît plus de fumée du tout, vous éprouverez en touchant le vernis avec un petit bâton, s'il résiste ou s'il cede au petit frottement que vous lui ferez éprouver; s'il s'attache au bâton, & s'il quitte le cuivre, il n'est pas encore durci; s'il fait résistance, & s'il ne s'attache point au bâton, vous le retirerez; & si par hasard vous avez tardé un peu trop long-tems, & que vous craigniez qu'il ne soit un peu trop cuit, vous arroserez le derriere de la planche avec de l'eau fraîche; parce que la chaleur que le cuivre retient assez long-tems après avoir été séparé du feu, donneroit au vernis un trop grand degré de cuisson; il seroit alors difficile à travailler, & s'écailleroit. Je vais à-présent parler du vernis mou; après quoi je donnerai les moyens de transmettre un dessein sur le vernis, & ensuite de le graver. Voici différentes compositions du vernis mou. Composition du vernis mou suivant Bosse . Prenez une once & demie de cire vierge bien blanche & nette, une once de mastic en larmes pur & net, une demi-once de spalt calciné; broyez bien le mastic & le spalt; faites fondre au feu votre cire dans un pot de terre bien plombé & verni par-dedans; quand elle sera entierement fondue & bien chaude, vous la saupoudrerez de ce mastic peu-à-peu, afin qu'il fonde & qu'il se mêle. Vous remuerez le tout avec un petit bâton. Ensuite vous saupoudrerez ce mélange avec le spalt, comme vous avez fait la cire avec le mastic, en remuant encore le tout sur le feu jusqu'à ce que le spalt soit bien fondu & mêlé avec le reste, c'est-à-dire environ la moitié d'un demi-quart-d'heure; puis vous l'ôterez du feu & le laisserez refroidir. Ayant ensuite mis de l'eau claire dans un plat, vous y verserez le vernis, & vous le pétrirez avec vos mains dans cette eau; vous en formerez ainsi de petites boules, que vous envelopperez dans du taffetas pour servir comme je le dirai. Je passe sous silence les differentes combinaisons qu'on peut faire des ingrédiens avec lesquels cette sorte de vernis peut se composer; vous en trouverez plusieurs décrites dans le livre de Bosse, de l'édition de 1745. Voici seulement une façon de le composer qui me paroît une des meilleures, après avoir éprouvé toutes les autres. Faites fondre dans un vase neuf de terre vernie deux onces de cire vierge, demi-once de poix noire, & demi-once de poix de Bourgogne. Il faut y ajoûter peu-à-peu deux onces de spalt, que l'ou aura réduit en poudre très-fine. Laissez cuire le tout jusqu'à ce qu'en ayant fait tomber une goutte sur une assiette, cette goutte étant bien refroidie puisse se rompre en la pliant trois ou quatre fois entre les doigts: alors le vernis est assez cuit, il faut le retirer du feu, le laisser refroidir un peu, puis le verser dans de l'eau tiede, afin de pouvoir le manier facilement, & en faire de petites boules que l'on enveloppera dans du taffetas neuf pour s'en servir. Il y a quelques observations à faire, qui serviront dans les différens procédés qu'on employera pour la composition du vernis. 1°. Il faut prendre garde que le feu ne soit pas trop violent, de crainte que les ingrédiens dont on se sert ne brûlent. 2°. Pendant qu'on employe le spalt, & même après l'avoir employé, il faut remuer le mélange continuellement avec une spatule ou un petit morceau de bois. 3°. L'eau dans laquelle on versera la composition doit être à-peu-près du même degré de chaleur que les drogues qu'on y verse. 4°. Il faut faire ensorte que le vernis soit plus dur, pour s'en servir en été, que pour l'employer en hyver. On parviendra à le rendre plus ferme, en lui donnant un plus grand degré de cuisson, ou en mettant une plus forte dose de spalt, ou un peu de poix-résine. La maniere d'appliquer ce vernis sur la planche, differe un peu de la maniere d'appliquer le vernis dur. J'ai dit à la fin de la préparation que je viens de donner, que lorsque le vernis est assez cuit, il faut le retirer du feu, le laisser refroidir un peu, puis le verser dans de l'eau tiede, afin de pouvoir le manier facilement & en faire de petites boules que l'on enveloppera dans du taffetas neuf pour s'en servir. Vous tiendrez au moyen d'un étau votre planche sur un réchaud, dans lequel il y aura un feu médiocre; vous lui donnerez une chaleur modérée; & passant alors le morceau de taffetas dans lequel est enfermée la boule de vernis que vous avez pétrie sur la planche en divers sens, la chaleur fera fondre doucement le vernis, qui se faisant jour au-travers du taffetas, se répandra legerement sur la surface du cuivre. Lorsque vous croirez qu'il y en a suffisamment, vous vous servirez d'un tampon fait avec du coton enfermé dans du taffetas; & frappant doucement dans toute l'étendue de la planche, vous porterez par ce moyen le vernis dans les endroits où il n'y en aura pas, & vous ôterez ce qu'il y en a de trop dans les endroits où il sera trop abondant. Il faut avoir une grande attention qu'il n'y ait pas trop de vernis sur les planches, & qu'il y soit également répandu; le travail de la pointe en devient plus fin & plus facile. Pour cela, vous retirerez à-propos votre planche de dessus le feu (tandis que vous vous servirez du tampon), & l'y remettrez s'il est nécessaire; parce que si le vernis devient trop chaud, il brûle & se calcine dans les endroits où il est atteint d'une chaleur trop vive: si, au contraire, il est trop peu chaud, le tampon que vous appuyez legerement l'enleve, & laisse des parties de la planche à découvert. Lorsque cette opération est faite, vous remettez un instant votre planche sur le réchaud; & lorsque le vernis a pris une chaleur égale qui le rend luisant par-tout, vous vous servez, ainsi que pour le vernis dur, des morceaux de bougie jaune, à la fumée desquels vous noircissez votre planche avec les attentions que j'ai prescrites; après quoi vous laissez bien refroidir la planche dans un endroit qui soit à l'abri de la poussiere, pour vous en servir comme je vais le dire. Voici donc la planche qu'on destine à la gravure , forgée, polie, vernie, soit au vernis dur, soit au vernis mou, & noircie; ensorte qu'elle ne semble plus un morceau de cuivre, mais une surface noire & unie, sur laquelle il s'agit de tracer le dessein qu'on veut graver. La façon la plus ordinaire de transmettre sur le vernis les traits du dessein qu'on doit graver, est de frotter ce dessein par-derriere avec de la sanguine mise en poudre très-fine, ou de la mine de plomb. Lorsqu'on a ainsi rougi ou noirci l'envers du dessein, de maniere cependant qu'il n'y ait pas trop de cette poudre dont on s'est servi, on l'applique sur le vernis par le côté qui est rouge ou noir; on l'y maintient avec un peu de cire qu'on met aux quatre coins du dessein: ensuite on passe avec une pointe d'argent ou d'acier qui ne soit pas coupante, quoique fine, sur tous les trains qu'on veut transmettre, & ils se dessinent ainsi sur le vernis. Après quoi on ôte le dessein; & pour empêcher que ces traits legers qu'on a tracés en calquant ne s'effacent lorsque l'on appuie la main sur le vernis en gravant, on expose la planche un instant sur un feu presque éteint, ou sur du papier enflammé, & on la retire dès qu'on s'apperçoit que le vernis rendu un peu humide, a pu imbiber le trait du calque. Cette façon de calquer la plus commune & la plus facile a un inconvénient; les objets dessinés ainsi sur la planche & gravés, se trouveront dans les estampes qu'on imprimera, placés d'une façon contraire à celle dont ils étoient disposés dans le dessein: il paroîtra par conséquent dans les estampes que les figures feront de la main gauche les actions qu'elles sembloient faire de la main droite dans le dessein qu'on a calqué; & quel que soit cet inconvénient, il est si desagréable ou si nuisible à l'usage qu'on attend de la gravure , qu'il faut absolument le surmonter. Voici les différens moyens qu'on a pour cela. 1°. Si le dessein original est fait avec la sanguine ou la mine de plomb, il faut, au moyen de la presse à imprimer les estampes, en tirer une contre-épreuve, c'est-à-dire, transmettre un trait ou une empreinte de l'original sur un papier blanc, en faisant passer le dessein & le papier qu'on a posé dessus, sous la presse, comme on le dira à l' article de l' Impression des Estampes ; alors on a une représentation du dessein original dans un sens contraire. En faisant ensuite à l'égard de cette contre-épreuve ce que j'ai prescrit tout-à-l'heure pour le dessein même, c'est-à-dire en calquant la contre-épreuve sur la planche, les épreuves qu'on tirera de cette planche lorsqu'elle sera gravée, offriront les objets placés du même sens qu'ils le sont sur l'original. Si le dessein n'est pas fait à la sanguine ou à la mine de plomb, & qu'il soit lavé, dessiné à l'encre, ou peint, il faut user d'un autre moyen que voici. Prenez du papier fin vernis, avec l'esprit de térébenthine, ou le vernis de Venise, qui sert à vernir les tableaux; appliquez ce papier qui doit être sec & qui est extraordinairement transparent sur le dessein ou sur le tableau: dessinez alors les objets que vous voyez au-travers avec le crayon ou l'encre de la Chine. Ensuite ôtant votre papier de dessus l'original, retournez-le; les traits que vous aurez formés & que vous verrez au-travers, y paroîtront disposés d'une façon contraire à ce qu'ils sont dans l'original; appliquez sur la planche le côté du papier sur lequel vous avez dessiné; mettez entre ce papier vernis & la planche, une feuille de papier blanc, dont le côté qui touche à la planche soit frotté de sanguine ou de mine de plomb; assûrez vos deux papiers avec de la cire, pour qu'ils ne varient pas; & calquez avec la pointe, en appuyant un peu plus que vous ne feriez s'il n'y avoit qu'un seul papier sur la planche; vous aurez un calque tel qu'il faut qu'il soit pour que l'estampe rende les objets disposés comme ils le sont sur le dessein. Je dois ajoûter ici que pour vous conduire dans l'exécution de la planche, il vous faudra consulter la contre-épreuve, ou le dessein que vous aurez fait; & que si vous voulez, pour une plus grande exactitude, vous servir du dessein ou du tableau original, il faut le placer de maniere que se réfléchissant dans un miroir, le miroir qui devient votre guide, vous présente les objets du sens dont ils sont tracés sur votre planche. Ces moyens que je viens d'indiquer, sont propres à préparer le trait lorsque l'on grave un dessein ou un tableau de la même grandeur qu'il est; mais s'il est nécessaire, comme il arrive souvent, de diminuer ou d'augmenter la proportion des objets, il faut se servir des opérations indiquées aux mots Graticuler ou Réduire . La planche étant préparée au point qu'il ne s'agît plus que de graver, il est bon de donner une idée générale de l'opération à laquelle on veut parvenir, en gravant à l'eau-forte; ensuite nous dirons de quels instrumens on se sert. Le vernis dont on vient d'enduire la planche, est de telle nature que si vous versez de l'eau-forte dessus, elle ne produira aucun effet; mais si vous découvrez le cuivre en quelqu'endroit, en enlevant ce vernis, l'eau-forte s'introduisant par ce moyen, rongera le cuivre dans cet endroit, le creusera, & ne cessera de le dissoudre, que lorsque vous l'en ôterez, ou qu'elle aura perdu & consumé sa qualité corrosive. Il s'agit donc de ne découvrir le cuivre que dans les endroits que l'on a dessein de creuser, & de livrer ces endroits à l'effet de l'eau-forte, en ne la laissant opérer qu'autant de tems qu'il en faut pour creuser, suivant votre intention, les endroits dont vous aurez ôté le vernis: vous vous servirez pour cela d'outils qu'on nomme pointes & échopes . La façon de faire des pointes la plus facile est de choisir des aiguilles à coudre de différentes grosseurs, d'en armer de petits manches de bois de la grandeur d'environ cinq ou six pouces, & de les aiguiser au besoin & à son gré, pour les rendre plus ou moins fines, suivant l'usage qu'on en veut faire. On peut mettre à ces outils le degré de propreté qu'on juge à-propos; on peut se servir de morceaux de burins, qui étant d'un très-bon acier, sont très-propres à faire des pointes; & quant à la maniere de les monter, c'est ordinairement une virole de cuivre qui les unit au bois, au moyen d'un peu de mastic ou de cire d'Espagne. J'ai éprouvé que des morceaux de burins arrondis & enfoncés profondément dans un manche de bois assez gros pour faire l'effet d'un porte-crayon de cuivre, formoient de très-bonnes pointes; la profondeur dont elles sont enfoncées supplée à la virole, & fait que lorsque vous voulez entamer le cuivre, & appuyer quelques touches, elles se prêtent à la force que vous y mettez sans se démancher. La façon de les aiguiser est de les passer sur une pierre fine à aiguiser, en les tournant sans cesse entre les doigts pour les arrondir parfaitement. On sent aisément que l'on est le maître de leur rendre la pointe plus ou moins épaisse, suivant l'usage qu'on en veut faire. On appelle du nom de pointe en général, toutes ces sortes d'outils; mais le nom d' échopes distingue celles des pointes dont on applatit un des côtés; ensorte que l'extrémité n'est pas parfaitement ronde, mais qu'il s'y trouve une espece de biseau, comme on peut le voir dans la Planche de la gravure sur cuivre , lettre B . Avant que de parler de la maniere de se servir des pointes & des échopes, je vais prescrire quelques observations nécessaires pour conserver le vernis. C'est sur-tout le vernis mou que ce soin doit regarder; le vernis dur est à l'abri des petits accidens qu'il faut éviter; il ne se raye pas aisément: il suffit d'envelopper la planche qui en est couverte, d'un papier, d'un linge, ou d'un morceau de peau, lorsque l'on ne travaille pas. Pour le vernis mou, le moindre frottement d'un corps tant-soit-peu dur l'enleve; & l'on doit ou tenir la planche sur laquelle on s'en sert, enfermée dans un tiroir lorsqu'on ne grave pas; ou bien enveloppée dans un linge fin, ou dans une peau fine. Il faut même, lorsqu'en gravant on appuie la main sur le vernis, le faire avec précaution; au reste il y a des moyens de réparer les petits accidens qui peuvent y être arrivés, que je dirai avant que d'expliquer la maniere d'appliquer l'eau-forte: venons à la maniere de travailler avec les pointes sur le vernis. Il est nécessaire premierement que l'artiste choisisse une place convenable pour y placer la table sur laquelle il doit graver. Cette place est l'embrasure d'une croisée qui ait un beau jour, & qui, s'il se peut, ne soit pas exposée au plein midi; car le trop de jour pourroit être aussi nuisible à la vûe du graveur que l'obscurité. Pour modérer ce jour, il suspendra entre la fenêtre & lui un chassis garni de papier huilé ou vernis, comme il est marqué dans la fig. 3 . de la Planche de la Gravure sur cuivre . Il se servira aussi pour plus de commodité d'un pupitre, dans lequel il enfermera la planche, pour la mettre à l'abri de tout accident, lorsqu'il n'y travaillera pas. Il y a eu des graveurs qui se sont servis d'un chevalet de peintre, & qui à l'aide de l'appuie main, ont exécuté leurs ouvrages de la même façon qu'on peint un tableau; cette pratique est, je crois infiniment moins préjudiciable à la santé, que l'attitude courbée qu'on a ordinairement en gravant; mais il est difficile de s'y faire & d'y accoûtumer la main: c'est à l'artiste à éprouver & à choisir; & je crois nécessaire de recommander aux Artistes d'essayer toûjours avec soin & réflexion tout ce qui a été pratiqué avant eux; c'est le moyen d'étendre un art & de rencontrer soi-même des découvertes neuves; d'ailleurs telle pratique convient au caractere, au tempérament, au génie, & au goût d'un artiste, qui en peut tirer un parti que nul n'a pu en tirer avant lui. Venons à l'opération de graver: j'ai fait sentir au mot Estampe , que graver est en quelque façon dessiner & peindre; ainsi plus le graveur sera instruit des principes théoriques de la Peinture & de la pratique de cet art, plus il lui sera facile d'en faire une juste application. Il faut au moins indispensablement que le graveur sache bien dessiner, & qu'il s'entretienne toûjours dans l'habitude du dessein au crayon d'après la bosse & d'après la nature. Ces conditions supposées, le graveur ayant calqué comme je l'ai dit sur sa planche le dessein qu'il veut exécuter, il se servira de ses pointes, pour en rendre l'effet par des hachures plus ou moins fortes, c'est-à-dire plus fines & plus grosses. Les regles de la perspective aérienne & la réflexion qu'il fera sur l'effet que produisent les corps en raison de leur éloignement, le conduiront aisément à se servir des pointes les plus fines dans les plans éloignés, & des pointes les plus fortes pour les premiers plans. Il s'agira donc d'ombrer par le moyen des hachures qu'il formera sur sa planche, en enlevant le vernis avec ses pointes, les objets que lui présente son dessein. Je remarquerai pour ceux qui n'ont jamais gravé, qu'il y a pour s'y habituer une petite difficulté à surmonter: elle consiste en ce que lorsqu'on dessine sur le papier blanc, les hachures qu'on forme se trouvent opposées à la blancheur du fond par une couleur brune, foncée, ou noire; au lieu que les hachures que produisent les pointes en découvrant le vernis qui est très-noir, sont claires & brillantes: ensorte que cette opposition est absolument différente de celle que produit le dessein. Au reste, on s'accoûtume aisément à cette différence; & l'on se fait à imaginer que ce qui est le plus clair & le plus brillant sur la planche vernie, deviendra le plus noir sur l'estampe. Revenons à quelques-uns des principes de cet art: j'ai dit que l'on y parvenoit à une juste dégradation par la différente grosseur des pointes qu'on employe. Mais l'on sent aisément que le travail doit concourir à produire les effets nécessaires à l'accord & à l'harmonie. Ce travail, c'est-à-dire le sens dans lequel on trace les hachures, doit être déterminé par l'étude de la nature comme dans le dessein; & assez ordinairement si le dessein est bon, les hachures du crayon vous indiqueront celles des pointes. Ainsi le sens des muscles & le tissu de la peau pour les figures, seront les points dont vous partirez pour regler votre travail: & voilà pourquoi il est essentiel qu'un graveur ait une grande habitude de dessiner. Sans cela la liberté que se donnent quelquefois les Artistes en dessinant, pourroit l'égarer. Cette réflexion me conduit naturellement à dire en passant un mot sur ce qui peut contribuer à la corruption de cet art. On ne connoissoit dans les premiers tems où on l'a exercé que la Gravure au burin, dont je donnerai le détail. La longueur du travail du burin, & l'avantage de la découverte & de la promptitude d'un nouveau moyen, contribuerent à rendre la façon de graver à l'eau-forte plus générale & plus commune; cependant on commença par soûmettre cette nouvelle pratique à une imitation servile des effets du burin: c'étoit les premiers pas d'un art timide qui n'osoit s'écarter de celui à qui il devoit la naissance; mais cette subordination dura peu: la gravure à l'eau-forte prit l'essor & se chargea de faire les trois quarts des ouvrages qu'elle entreprenoit, laissant au burin le soin de leur donner un peu plus de propreté, d'accord, & de perfection. Elle ne se borna pas-là; elle hasarda d'exécuter d'une façon libre des ouvrages entiers; elle se débarrassa du joug que lui avoit imposé le burin; les regles qu'on avoit établies n'y furent plus des lois auxquelles on ne pouvoit se dispenser de se soûmettre; d'habiles artistes en promenant au hasard la pointe sur le vernis, formerent des croquis pleins d'esprit & de feu, mais fort incorrects & d'un travail fort peu agréable. Un nombre infini de graveurs de tous états s'éleverent, & crurent qu'il suffisoit de calquer un dessein ou un tableau sur le cuivre, d'en former un trait peu correct, de le couvrir de hachures arbitraires, & de laisser à l'eau-forte le soin d'achever ces ouvrages imparfaits, dont nous sommes inondés aujourd'hui. Mais si l'art de la Gravure a perdu, & perd ainsi tous les jours du mérite savant qu'elle a eu dans les tems où on l'exerçoit avec plus de reserve, de soins, & de réflexions; cette espece d'abus qu'on en fait a son utilité pour la communication générale des Arts & des connoissances. Il n'est point d'ouvrage sur ces matieres, où les idées un peu compliquées ne soient éclaircies par des figures gravées, qui font entendre ce qu'on auroit souvent de la peine à comprendre sans cela. Ces figures le plus souvent très imparfaites du côté de l'art, ne servent pas moins à la fin pour laquelle on les employe: l'art de la Gravure est donc devenu moins parfait, mais plus utile aux hommes. Voici quelques-unes des regles que Bosse nous a transmises, & desquelles on peut supprimer, ou auxquelles on peut ajoûter, pourvû que ce soit d'après des travaux raisonnés, & qu'on ait toûjours en vûe l'imitation de la nature, & l'application des vrais principes de la Peinture & du Dessein. J'ai dit que la premiere taille ou le premier rang de hachures qu'on trace avec la pointe sur le vernis doit suivre le sens des hachures du dessein, ou de la brosse & du pinceau, si c'est d'après un tableau qu'on grave: mais ce premier rang de hachures n'est pas suffisant pour parvenir à l'effet d'une planche; il est d'usage de passer sur ces premieres tailles un second, & quelquefois un troisieme, & même un quatrieme rang de traits qui se croisent en différens sens. Les secondes tailles doivent concourir avec les premieres à assûrer les formes, à fortifier les ombres, & à décider les figures ou les objets qu'on grave; mais comme dès les premieres tailles, on a dû épargner les reflets & les demi-teintes, les secondes doivent ménager de même les parties qui doivent être moins colorées. Si l'ombre se trouve très-forte & le reflet aussi, les deux tailles de l'ombre doivent être faites avec une pointe molle & forte, & ces deux mêmes tailles seront continuées dans les reflets par des pointes plus fines dans le même genre de travail. On doit observer de faire la premiere taille forte, nourrie, & serrée; la seconde un peu plus déliée & plus écartée, & la troisieme encore plus fine. La raison de cela est, que la premiere étant celle qui indique le sens des muscles & de la peau, doit être celle qui domine; les autres ne sont ajoûtées que pour colorer davantage les figures ou les corps sur lesquels on les employe. L'une dessine, les autres peignent; la premiere est faite pour imiter les formes, les autres pour répandre sur ces formes l'effet juste du clair obscur. Si la premiere & la seconde taille forment en se croisant des quarrés, la troisieme doit former des losanges sur l'une des deux; ou si les deux premieres sont en losange, la troisieme sera quarrée. On doit se servir rarement de troisieme hachure à l'eau-forte, lorsqu'on se réserve de retoucher la planche au burin, parce qu'on laisse cette troisieme pour ajoûter, par le moyen du burin, la couleur qui peut manquer, & la propreté qu'on veut donner à l'ouvrage. Le genre de travail que l'on employe doit, comme on le sentira aisément, avoir rapport à la nature des objets qu'on grave. Cette espece de convention contribue beaucoup à l'effet que produit la Gravure; ainsi on a remarqué que les traits doublés qui forment des quarrés, c'est-à-dire qui se croisent perpendiculairement, produiroient à la vûe un travail plus dur & moins agréable à l'oeil, que les traits qui se coupent en formant des losanges ou des demi-losanges. On a donné la préférence à ce dernier travail, pour représenter des corps délicats, tels que ceux des femmes, des enfans, des jeunes hommes; & l'on s'est éloigné plus ou moins de cette combinaison de tailles à-proportion de l'austérité qu'on desiroit dans les travaux qu'on vouloit employer. Quelques artistes ont trouvé que dans les figures qui ne demandoient pas une grande vigueur de couleur, on pouvoit hardiment se servir du grand losange; mais qu'il devenoit embarrassant, lorsqu'il faut rendre les tons plus colorés. Au reste il est des artistes qui sans s'astreindre à ces regles, ont fait de très-belles estampes, ce qui ne prouve pas qu'elles soient inutiles, mais seulement qu'il ne faut s'en affranchir qu'autant qu'on est sûr de réussir sans leurs secours. Les plus beaux exemples de ces pratiques, dont je viens de rendre compte, sont les estampes de Corneille Vischer. Les draperies exigent du graveur une infinité de combinaisons & d'attentions dans le travail qui varie, suivant la nature des étoffes, le mouvement des plis & le plan des figures. En général il faut, comme dans les chairs, que la premiere taille dessine la forme & le mouvement du pli: mais si la continuation de cette taille dans le pli qui suit, n'est pas propre, comme cela doit arriver souvent, à en exprimer le juste caractere, il faut la destiner à servir de seconde ou de troisieme même, en subordonnant cette taille à celle que vous lui substituez. Cette combinaison qui demande du soin & de l'habitude, donnera à votre travail une aisance & une justesse qui charmeront l'oeil. Une feconde observation est, qu'il faut éviter que ces tailles dont vous vous servez, & qui vont se terminer au contour des membres nuds, ou des autres corps qui se touchent, tombent à angles droits sur ces contours; mais il faut que ces hachures se perdent avec eux d'une maniere insensible & douce. En général, les hachures des draperies doivent former des traits ondoyans, & éviter d'être roides & gênées; elles doivent s'unir par les moyens dont j'ai parlé, de maniere que dans l'ouvrage les objets se détachent principalement par l'effet des ombres & des jours. Les clairs & les demi-teintes exigent dans la Gravure , ainsi que dans le Dessein, une propreté de travail extrème: on aura donc soin de varier les pointes, & de se servir dans cette occasion de celles qui sont plus fines. Les ombres qui demandent à être solides, & qui représentent l'effet de la privation de la lumiere, admettent un travail ferme, &, pour ainsi dire, plus rempli d'accidens & d'inégalités; mais les demi-teintes & les reflets qui participent de la lumiere, doivent être exécutés avec une attention d'autant plus grande, que lorsque les objets sont clairs, on doit mieux en distinguer les formes & les détails. Sur les grandes lumieres les travaux ne peuvent être ou trop ménagés, ou faits avec trop de legereté, & avec cette propreté qui flatte l'oeil. Les tailles doivent être écartées les unes des autres; & si l'on a dessein de terminer l'ouvrage à la pointe, c'est alors que le travail de cet outil doit tendre à imiter la netteté du burin. Pour les planches qu'on destine à être retouchées au burin, il faut y reserver le travail dont je viens de parler; parce qu'on est plus maître de donner avec le burin ce degré juste de netteté qui doit faire valoir l'ouvrage. Les linges & les étoffes fines doivent se préparer à une seule taille propre; il faut laisser au burin à les terminer par des secondes tailles legeres & mises à-propos. Puisqu'il est question de cette propreté qu'on doit chercher, sans la pousser trop loin, je vais me permettre quelques réflexions qui viennent à-propos. Il en doit être de l'art de la Gravure , comme de tous les autres Arts. Les principes généraux que les réflexions ont établis, embrassent un art en général: ces principes se restraignent ensuite, & se soûmettent à des exceptions & à des modifications qu'exigent les différens genres de productions de l'art qui les a adoptés: il seroit donc injuste de vouloir que dans la Gravure tous les ouvrages fussent soûmis indispensablement aux principes que je viens de donner. Parcourons legerement les classes principales des ouvrages de caracteres différens, auxquels la Gravure s'employe. Son usage le plus commun & le plus relatif à la Peinture, est de multiplier les idées de composition des tableaux des bons artistes, & les effets du clair-obscur de ces compositions. Il y a des tableaux de différens genres; par conséquent il doit y avoir différens genres de Gravure pour les imiter. L'histoire est l'objet principal de la Peinture; on peut exiger, pour qu'elle soit traitée parfaitement par un peintre, que toutes les parties de son art y concourent; que le beau fini soit uni à la grandeur du faire, à la perfection de l'effet, & à la justesse de l'expression: un tableau de cette espece, s'il y en a, pour être gravé parfaitement, doit être rendu dans l'estampe par toutes les parties de la Gravure . Le burin le plus fier, le plus propre, le plus varié, le plus savant, sera à peine suffisant pour imiter parfaitement le tableau dont je parle. Le travail de l'eau-forte donneroit trop au hasard, & je crois qu'elle nuiroit à la beauté de l'exécution. Si un tableau moins parfait offroit une composition pleine de feu, d'expression, & en même tems un faire moins terminé, & un accord moins exact, je crois que le graveur qui employeroit l'eau-forte pour rendre le feu de l'expression qui domine dans l'ouvrage, & qui retouchant au burin ajoûteroit à son ouvrage le degré d'harmonie que contient son original, rempliroit les vûes de la Gravure . Enfin un tableau dont le mérite consisteroit plus dans le beau faire & dans l'harmonie, que dans l'expression & la force, doit recevoir en Gravure la plus grande partie de la vérité de son imitation, d'un burin bien conduit, & dont le beau travail répondra au précieux méchanisme du pinceau & à la fonte des couleurs. Le portrait est un second genre de Gravure , d'un usage aussi grand & peut-être plus multiplié encore que le premier. Ce genre de Gravure doit suivre à-peu-près les mêmes regles que je viens d'établir. Les tableaux d'après lesquels on grave les portraits, doivent inspirer au graveur habile le méchanisme dont il doit se servir, à-moins que par une application différente des moyens qu'il employe, il ne les proportionne en quelque sorte à l'état, au sexe, à l'âge & à la figure des personnages dont il transmet la ressemblance. La jeunesse & les graces du sexe demandent une propreté de travail & une douceur dans l'arrangement des tailles, qui sied moins à la vieillesse ou au caractere austere d'un guerrier. Cette réflexion m'a souvent frappé, lorsqu'admirant les précieux ouvrages des Drevets & des Edelinks, j'ai vû un magistrat âgé, ou un guerrier, dont la représentation m'offroit quelque chose d'efféminé, que j'ai cru être l'effet d'une trop grande uniformité de travail, & de ce qu'on appelle un trop beau burin . Au reste je ne prétends pas que cette réflexion soit prise à la rigueur, & je la soûmets à ceux des artistes qui auront assez exercé leur art & assez refléchi, pour la modifier comme elle doit l'être. Le paysage, sous le nom duquel je comprendrai, pour ne pas être trop long, tous les autres genres particuliers, peut se livrer à plus de liberté, & par conséquent l'eau-forte y peut être employée avec succès, mais toûjours avec un rapport juste au caractere du tableau qu'on grave, ou à la nature des objets qu'on représente. Je n'ai en vûe dans tout ce que je dis ici, que les ouvrages de Gravure auxquels on cherche à donner un juste degré de perfection; car pour les gravures qui sont l'ouvrage des Peintres, il seroit injuste de leur fixer aucune regle, ce sont des délassemens pour eux; & la pointe en s'égarant même entre leurs mains, porte toûjours l'empreinte du génie des artistes qui la font obéir à leur caprice. Je passe aussi sous silence les gravures multipliées des amateurs; ce sont des amusemens qui servent à les instruire: il en est peu qui puissent aspirer à un degré de perfection, pour lequel un travail assidu, constant & suivi pendant un grand nombre d'années, est à peine suffisant. Je reviens aux préceptes de Bosse, dont je donne l'extrait raisonné. Indépendamment des hachures simples, de celles qui se croisent, soit en formant des quarrés, soit en formant des losanges, il y a encore une sorte de travail dont on se sert dans différentes occasions. Ce travail se fait en formant des points séparés les uns des autres, & ces points peuvent être ou totalement ronds, ou ronds par un côté, & un peu alongés par l'autre; ils peuvent être longs, droits, ou tremblotés. L'usage est de se servir de points ronds à l'eau-forte, & on les employe pour donner aux chairs un caractere délicat qui fasse naître une idée des pores & du tissu de la peau. Ce travail, ainsi que ceux dont j'ai déjà parlé, est subordonné au goût & aux réflexions du graveur. L'usage excessif des points, rend le travail mou & peu brillant; celui des tailles seules pour représenter des chairs, est trop austere; un mélange judicieux de ces deux especes de travaux, donnera à la gravure à l'eau-forte un degré d'agrément auquel elle peut tendre. Il est nécessaire d'arranger avec beaucoup de soin les points qu'on place avec la pointe; les petits hasards de l'eau-forte les dérangeront assez. L'usage est d'en faire des rangs dans le sens dont on auroit fait des tailles, dans l'endroit où on les employe. Ceux du second rang se placent de maniere qu'ils se trouvent au-dessous ou au-dessus de l'intervalle qui est entre chacun des premiers; ils servent aussi de continuation aux hachures, en approchant des clairs dans lesquels ils se perdent, en les diminuant à mesure que l'on approche des grandes lumieres. Je reviens encore, avec Bosse, aux tailles, comme au principal objet du travail de la Gravure . Un effet de la dégradation qu'éprouvent les objets dans l'éloignement, est que les détails de ces objets s'apperçoivent moins: c'est cette raison qui a dicté le précepte de serrer les tailles, en même tems qu'on les rend plus fines dans les plans éloignés. Par cette même raison on détaillera moins, à l'aide des hachures & des traits qui forment les contours, les différens objets dont on gravera la représentation lorsqu'ils seront censés éloignés de l'oeil. On observera cette dégradation par plan, & ce soin donnera beaucoup d'effet aux planches: on changera donc de pointe à mesure que les objets approcheront de l'horison; on serrera les tailles; on détaillera moins les petites parties, & l'on gravera les grandes d'une façon un peu indécise, mais large, en ombrant par masses, comme on le peut voir dans les estampes de Gerard Audran, entre autres dans l'estampe de Pyrrhus sauvé, qu'il a gravée d'après le Poussin, & dans laquelle il a rendu d'une maniere excellente la touche large du pinceau dans les lointains & dans les fonds. L'art de l'imitation, dans la Peinture comme dans la Gravure , exige qu'on ne se livre à l'exactitude des détails que fort à-propos: c'est de-là que naît l'ensemble, l'unité, & l'effet des ouvrages. Un objet travaillé avec soin, dont toutes les parties sont rendues avec exactitude & recherche, est capable, avec le plus grand mérite d'exécution, de gâter & de détruire l'effet d'une composition. Savoir supprimer avec discernement en Peinture, & passer à-propos sous silence dans l'art d'écrire, sont les moyens d'arriver à la perfection à laquelle doivent tendre ces différens arts. C'est dans le paysage, comme je l'ai déjà indiqué, que l'on peut se permettre une plus grande liberté dans les différens travaux des hachures. Le travail libre, varié, les hachures tremblantes, interrompues, redoublées & confondues, donnent à ce genre de gravure un effet piquant, qui plaît extrèmement aux connoisseurs, aux artistes, & souvent aux amateurs, sans qu'ils en approfondissent trop la raison. Il en résulte qu'on abuse très-souvent de cette façon de travailler, qui n'exige, pour ainsi dire, aucune regle, & qui met ainsi fort à son aise celui qui s'y livre. L'illusion qu'on se fait, & le prétexte qu'offre à l'ignorance & à la paresse le mot de goût , pris dans un sens fort éloigné de celui qu'il doit avoir, produisent des paysages où les arbres, les fabriques, le ciel & les terreins sont d'un travail si brut & si égratigné, qu'on ne sent aucun plan, aucune forme, & aucun effet. Si cette maniere qu'on ose appeller graver de goût & avec esprit , continue à se répandre, elle achevera de corrompre cette partie de l'art de la Gravure . Il est une liberté que l'esprit & le goût véritables peuvent inspirer, mais qui a toûjours pour but de faire sentir au spectateur ou la forme des objets qu'on grave, ou leur effet de clair obscur, ou le caractere principal qui les distingue. Lorsqu'un graveur n'est affecté dans son travail d'aucun de ces objets, & qu'il ne met pas son art à les faire passer dans l'esprit de ceux qui voyent ses ouvrages, il en impose injustement; & ce charlatanisme dont il colore son peu de talent, doit être puni par une juste évaluation de ses ouvrages. Je n'entrerai pas dans un plus grand détail de principes pour la gravure à l'eau-forte. Les principes du dessein auxquels on peut recourir au mot Dessein , & une grande partie de ceux de la Peinture qui sont distribués dans les articles qui leur conviennent, doivent servir de supplément à celui-ci. Je vais reprendre le méchanisme de la gravure à l'eau-forte. Les pointes dont on se sert & dont j'ai donné le détail, peuvent être de deux sortes, ou coupantes, ou émoussées. Celles qui sont coupantes sont particulierement destinées à graver au vernis dur, parce que ce vernis resisteroit trop aux pointes qui ne coupent pas. Lorsqu'on grave sur le vernis mou, on peut se servir des unes & des autres. L'inconvénient des pointes coupantes est de faire quelquefois des touches dures, parce que la pointe qui va en grossissant depuis le point qui la termine, ouvre le cuivre d'autant plus qu'elle s'y enfonce davantage; ce qui produit des tailles trop noires, si elles ne sont pas accompagnées par d'autres tailles. On doit en général avoir grand soin dans la Gravure , d'éviter & dans les touches & dans toutes sortes de travaux, une certaine maigreur & sécheresse, que la finesse des outils dont on se sert doit occasionner. Je crois que les planches qui n'ont qu'une médiocre étendue, peuvent être gravées avec esprit & à l'aide des pointes coupantes; qu'en général on doit mêler les pointes des deux especes, & que le juste emploi qu'on en fera répandra beaucoup de goût sur les ouvrages auxquels on les aura employées. L'échope est une pointe coupante qui, comme je l'ai dit, a une espece de biseau sur un des côtés de son extrémité, comme vous le verrez à la Planche I . de la gravure en taille-douce . Il en résulte que vous pouvez regarder l'échope comme une plume à écrire, dont l'ovale ABCD seroit l'ouverture, & la partie proche le C seroit le bout qui écrit. La maniere de tenir l'échope est aussi à-peu-près semblable à celle dont on tient la plume, à la reserve qu'au lieu que la taille, ou l'ouverture de la plume, est tournée vers le creux de la main, & que l'ovale ou la face de l'échope est d'ordinaire tournée vers le pouce, comme la figure le montre: ce n'est pas que l'on ne la puisse tourner & manier d'un autre sens; mais la premiere maniere peut mériter la préférence, parce qu'elle est peut-être la plus commode, & qu'on a bien plus de force pour appuyer. C'est en s'esseyant & en s'exerçant, que l'on concevra facilement le moyen de faire avec l'échope des traits gros & profonds. La figure ABCD représente la face ou l'ovale de l'échope: or si l'on pouvoit enfoncer le bout de cet outil dans le cuivre jusqu'à la ligne DB , qui est le point où l'ovale est le plus large, on feroit un trait dont la largeur seroit égale à la longueur de DB , & qui dans le milieu seroit creux ou profond de la longueur de OC . Si vous n'enfoncez pas votre échope dans le cuivre jusqu'aux points que j'ai désignés, vous pourrez faire un trait, tel que le représente la figure marquée par les lettres b, o, d, c . Vous voyez par ces deux exemples, qu'en appuyant fort peu, le trait sera moins profond, & conséquemment plus large, comme sont les traits marqués dans la figure aux lettres r n s , où vous voyez qu'il faut commencer legerement par r , qu'il faut appuyer de plus en plus jusqu'a n , enfin qu'ayant rendu la main plus legere jusqu'à s , vous ferez un trait pareil à r n s . Il faut remarquer que pour que la figure soit plus intelligible, on a dessiné l'échope beaucoup plus grosse qu'elle ne doit être en effet. Lorsque l'on veut rendre le commencement & la fin des hachures plus déliés, il faut avec une pointe reprendre l'extrémité de ces hachures, en appuyant un peu à l'endroit où l'on reprend, & en soulevant doucement la main jusqu'à l'endroit où la hachure doit se perdre. Vous remarquerez qu'en tournant la planche suivant le sens dans lequel on veut travailler, on rendra cette manoeuvre plus facile. Ces remarques sur l'échope sont entierement tirées de l'ouvrage que j'ai cité. J'ai fait l'épreuve des pratiques qu'elles contiennent; & je pense, ainsi que Bosse, qu'on peut en acquérant l'usage de cette espece de pointe, en tirer un très-grand parti pour la variété des traits; puisqu'en se servant de cet outil par le côté tranchant, on fera des traits d'une finesse extrème, & que le moindre mouvement des doigts donnera à ces traits une largeur plus ou moins grande: mais je préviendrai en même tems qu'il faut de l'adresse, de l'attention, & beaucoup d'habitude pour y habituer entierement la main: aussi y a t-il peu d'artistes qui s'en servent uniquement. La maniere de gouverner l'échope servira aisément pour le maniement de la pointe; ainsi je n'insisterai point là-dessus. Il faut avoir l'attention de tenir en général les pointes & les échopes le plus à-plomb qu'il est possible, & de les passer souvent sur la pierre à aiguiser, pour que leurs inégalités ne nuisent pas à la propreté du travail. Il est encore nécessaire de nettoyer votre vernis, & de n'y laisser aucune malpropreté: vous vous servirez pour cela ou des barbes d'une plume, ou d'un linge très-fin, ou d'une petite brosse douce qui sera faite exprès. Il est tems de passer aux préparatifs nécessaires, avant de livrer la planche à l'eau-forte. Je suppose donc qu'on a tracé sur cette planche, en ôtant le vernis avec les pointes & les échopes, tout ce qui peut contribuer à rendre plus exactement le dessein ou le tableau qu'on a entrepris de graver: la planche étant dans cet état, il faut commencer par un examen qui tendra à connoître si le vernis ne se trouve pas égratigné dans des endroits où il ne doit pas l'être, soit par l'effet du hasard, soit parce qu'on a fait quelques faux traits. Lorsque vous aurez remarqué ces petits défauts, vous préparerez un mélange propre à les couvrir. Ce mélange se fait en mettant du noir de fumée en poudre dans du vernis de Venise (c'est celui dont on se sert pour vernir les tableaux); vous employerez ce mélange, après lui avoir donné assez de corps pour qu'il couvre les traits que vous voulez faire disparoître, avec des pinceaux à laver ou à peindre en mignature. Il est une autre mixtion nécessaire pour en enduire le derriere de la planche, qui sans cela seroit exposé sans nécessité à l'effet corrosif de l'eau-forte. En voici la composition. Prenez une écuelle de terre plombée, mettez-y une portion d'huile d'olive, posez ladite écuelle sur le feu. Lorsque l'huile sera bien chaude, jettez-y du suif de chandelle: le moyen de savoir si le mélange est tel qu'il doit être, est d'en laisser tomber quelques gouttes sur un corps froid, tel qu'une planche de cuivre, par exemple; si ces gouttes se figent de maniere qu'elles soient médiocrement fermes, le mélange est juste; si elles sont trop fermes & cassantes, vous remettrez de l'huile; si au contraire elles sont trop molles & qu'elles restent presque liquides, vous ajoûterez une petite dose de graisse. Lorsque la mixtion sera au degré convenable, vous ferez bien bouillir le tout ensemble l'espace d'une heure, afin que le suif & l'huile se lient & se mêlent bien ensemble. On se sert d'une brosse ou d'un gros pinceau pour employer cette mixtion; & lorsqu'on veut en couvrir le derriere du cuivre, on la fait chauffer de maniere qu'elle soit liquide. Ces précautions nécessaires que je viens d'indiquer, sont communes aux ouvrages dans lesquels on s'est servi du vernis dur, & à ceux où le vernis mou a été employé: mais l'eau-forte dont on doit se servir, n'est pas la même pour l'un & l'autre de ces ouvrages. Commençons par l'eau-forte dont on se doit servir pour faire mordre les planches vernies au vernis dur. Prenez trois pintes de vinaigre blanc, du meilleur & du plus fort; six onces de sel commun, le plus net & le plus pur; six onces de sel ammoniac clair, transparent, & qui soit aussi bien blanc & bien net; quatre onces de verdet, qui soit sec & exempt de raclure de cuivre & de grappes de raisin avec lesquelles on le fabrique. Ces doses serviront de regle pour la quantité d'eau-forte qu'on voudra faire. Mettez le tout (après avoir bien pilé les drogues qui ont besoin de l'être) dans un pot de terre bien vernissé principalement en-dedans, & qui soit assez grand pour que les drogues en bouillant & en s'élevant ne passent pas par-dessus les bords; couvrez le pot de son couvercle, mettez-le sur un grand feu; faites bouillir promptement le tout ensemble deux ou trois gros bouillons, & non davantage. Lorsque vous jugerez à-peu-près que le bouillon est prêt à se faire, découvrez le pot & remuez le mélange avec un petit bâton, en prenant garde que l'eau-forte ne s'éleve trop & ne surmonte les bords, d'autant qu'elle a coûtume en bouillant de s'enfler beaucoup. Lorsqu'elle aura bouilli, comme je l'ai dit ci-dessus, deux ou trois bouillons, vous la retirerez du feu, vous la laisserez refroidir en tenant le pot découvert; & lorsqu'elle sera enfin refroidie, vous la verserez dans une bouteille de verre ou de grès, la laissant reposer un jour ou deux avant que de vous en servir; si en vous en servant vous la trouviez trop forte, & qu'elle fît éclater le vernis, vous la pourrez modérer en y mêlant un verre ou deux du même vinaigre dont vous vous serez servi pour la faire. J'observerai ici que cette composition est assez dangereuse à faire, lorsqu'on ne prend pas l'attention de respirer le moins qu'il est possible la vapeur qui s'exhale, & de renouveller souvent l'air dans l'endroit où on la fait chauffer. Après avoir composé l'eau-forte dont on se sert pour faire mordre la planche qu'on a vernie au vernis dur, il faut savoir en faire usage. Je vais dire premierement la maniere dont Bosse fait mention; elle est la plus simple, mais non pas la plus commode. Je dirai ensuite comment M. le Clerc avoit commencé de rendre cette opération plus commode; & je finirai par décrire une machine assez simple que j'ai fait exécuter, dont je me sers, & qui tout-à-la-fois ménage le tems de l'artiste, & le met à l'abri du danger qu'on peut courir par l'évaporation de l'eau-forte. L'ancienne maniere d'employer l'eau-forte dont j'ai parlé, est de la verser sur la planche, de façon qu'elle ne s'y arrête pas & qu'elle coule dans toutes les hachures. Pour cela on place la planche presque perpendiculairement, & pour plus de facilité on l'attache, à l'aide de quelques pointes, contre une planche de bois assez grande, qui a un rebord par en-haut & par les deux côtés. On l'appuie presque perpendiculairement, ou contre un mur, ou contre un chevalet; ensuite on met au-dessous une terrine qui reçoit l'eau-forte qu'on verse sur la planche, & qui se rend dans la terrine après avoir coulé dans toutes les hachures. La planche de bois dont j'ai parlé, & sur laquelle la planche de cuivre est attachée, sert à empêcher l'eau-forte qu'on verse de tomber à terre, & les rebords la contiennent: on voit par-là qu'il ne faut pas qu'il y en ait en-bas, puisqu'alors l'eau-forte trouveroit un obstacle pour se rendre dans le vase qui doit la recevoir. On prend encore une précaution pour qu'elle se rende plus immédiatement dans ce vase: c'est de mettre au-dessous de la planche de bois une espece d'auge dans laquelle cette planche de bois entre, & qui la débordant des deux côtés, reçoit sans qu'il s'en perde toute l'eau-forte, qui y est conduite par les rebords dont j'ai parlé. L'auge est percée d'un seul trou, qui répond à la terrine qui est au-dessous; & moyennant ces précautions, toute l'eau-forte, après avoir lavé la planche, se rend dans la terrine. On la puise de nouveau alors avec le vase qui sert à la verser, & on la répand encore sur la planche; ce qu'on recommence jusqu'à ce que l'opération soit faite, en observant toûjours que lorsqu'on la verse la planche en soit bien inondée, afin qu'elle pénetre dans toutes les hachures. Voilà la plus ancienne maniere de faire mordre avec cette sorte d'eau-forte, qu'on nomme communément eau-forte à couler . La Pl. I . rendra cette explication plus sensible; on y voit à la fig. 2 . let. A , le graveur versant l'eau-forte; la lettre B désigne la planche de cuivre attachée sur la planche de bois marquée C : les rebords sont indiqués par les lettres D , l'auge par la lettre E , & la terrine par la lettre F. Passons à la maniere dont M. le Clerc a cherché à simplifier cette opération: il a senti que son objet principal étoit de faire passer l'eau-forte sur la planche, & que c'étoit en partie par ce mouvement qu'elle approfondissoit les tailles qu'on a faites sur le vernis; il a jugé alors qu'en attachant la planche de cuivre horisontalement dans le fond d'une espece de boîte découverte plus grande que la planche de cuivre; qu'en enduisant cette boîte de suif, pour qu'elle contînt l'eau-forte; qu'en y versant ensuite de l'eau-forte, & en baissant & haussant alternativement cette boîte, l'eau-forte qui y seroit passeroit sur la planche au premier mouvement, & y repasseroit en second en allant d'un côté de la boîte à l'autre; qu'ainsi en ballottant cette eau-forte par le moyen des deux mains, on épargneroit la fatigue qu'on essuie dans la maniere précédente, dans laquelle il faut ramasser l'eau-forte dans la terrine, pour la reporter sans cesse sur la planche. D'ailleurs la façon précipitée dont l'eau-forte contenue dans la boîte passe sur la planche, fait gagner un tems considérable à l'artiste; ce qui est un objet intéressant. C'est cet objet qui m'a déterminé à chercher un nouveau moyen. J'ai premierement obvié à l'évaporation de l'eau-forte, dont la vapeur est nuisible à celui qui fait mordre, en adaptant à la boîte dont je viens de parler un couvercle qui n'est autre chose qu'un verre blanc, une vitre ou une glace montée à jour dans un quadre de fer-blanc ou d'autre métal. Ce couvercle qui ferme exactement la boîte, empêche que la vapeur de l'eau-forte mise en mouvement ne soit à beaucoup près aussi abondante & aussi nuisible que lorsqu'elle se répand librement. Les boîtes dont je me sers sont entierement de fer-blanc, j'en ai de plus grandes & de plus petites, & je les enduis de plusieurs couches de couleur à l'huile pour les mettre à l'abri de l'impression de l'eau-forte: ces sortes de boîtes sont peu coûteuses & durent toûjours, pourvû qu'on ait soin de leur donner de tems en tems quelques couches de couleur à l'huile. La façon la plus commode de se servir de la boîte pour ballotter l'eau-forte, est de la poser sur les genoux qui forment un point d'appui. On tient les deux côtés avec les deux mains, & on souleve un peu chaque main l'une après l'autre, comme on peut le voir fig. 4 . de la Pl. I . de la grav. en taille-douce . Cette maniere me parut simple, & j'ai par la seule addition du couvercle, remédié au danger réel auquel le fréquent usage de l'eau-forte peut exposer les artistes qui s'en servent souvent: mais ce moyen a toûjours l'inconvénient d'entraîner une perte de tems assez considérable pour l'artiste, ou la nécessité d'employer un homme dont il faut payer la peine. Pour surmonter cette difficulté, j'ai adapté à la boîte une machine très-simple qui lui communique le mouvement qu'on lui donneroit avec les deux mains, & qui rend ce mouvement si égal, que l'on est bien plus à portée de calculer l'effet de l'eau-forte sur la planche. Voici en quoi consiste cette machine, dont les figures aideront à bien faire entendre la construction. Cette machine dont l'assemblage se voit Pl. II . de la gravure en taille-douce, fig. 1 . est composée d'une cage de fer formée par deux montans A A , joints ensemble par deux traverses B B; l'inférieure est attachée à deux piés C C , qui passent au-travers de la table, & y sont arrêtés par deux écrous. Cette cage renferme deux roues & deux pignons: sur la premiere roue est rivé un tambour ou barillet contenant un fort ressort: leur arbre commun porte un rochet, & l'un des montans un encliquetage, lesquels servent à remonter le grand ressort & à lui donner la bande nécessaire. La deuxieme roue est enarbrée sur le premier pignon; elle engrene dans le second, qui porte sur un de ses pivots, extérieurement à la cage, un rochet à trois dents. Ce rochet forme un échappement au moyen de deux palettes fixées sur un anneau elliptique D D , dans lequel il est renfermé. Sur le prolongement de son grand axe, cet anneau porte deux queues sur lesquelles sont deux coulisses, l'une supérieure, l'autre inférieure; il est arrêté sur un des montans de la cage par des tenons à vis qui lui permettent de se mouvoir librement de haut en-bas. La queue inférieure formée en équerre, porte un petit bras de fer I , qui lui est joint au moyen d'une vis par une de ses extrémités, & qui l'est de même par l'autre à la branche courte F du T , marqué E F G . En K est une goupille fixée sur un des montans; elle passe à-travers une douille rivée sur le T , sur laquelle il peut se mouvoir. Sa branche G passe par une ouverture faite à la table en forme de rainure, suffisamment grande pour ne pas gêner son mouvement, & porte une lentille de plomb assez pesante. A l'extrémité de la branche longue E est attaché un autre petit bras L , semblable à I , joint par son autre bout au levier M , lequel est fixé invariablement à l'un des tourillons du porte-boîte. Celui-ci est fait d'une piece de fer O N, N O , coudée en N N & en O O où sont deux tourillons sur lesquels il se meut. P P sont deux doigts de fer rivés sur la barre N N , lesquels entrent dans deux mains artachées sur la boîte pour l'empêcher de se renverser. Q Q sont deux supports terminés par deux tenons qui traversent la table, & sont arrêtés dessous par deux vis ou deux clavettes; ils servent à porter les tourillons du porte-boîte: on y a ajoûté deux petits anneaux afin qu'ils ne puissent s'échapper. La boite est de fer-blanc, couverte d'un verre qui permet à l'artiste de voir l'effet de l'eau-forte, & la situation de sa planche. Voici maintenant comment se fait le jeu de cette machine. Si l'on met le balancier G en mouvement il le communique par le petit bras L au levier M , & par conséquent au porte-boîte; ce qui produit un bercement qui agite sans cesse l'eau-forte contenue dans la boîte, en la faisant passer sur la planche & repasser sans discontinuer: mais ce mouvement se rallentiroit & cesseroit peu-à-peu tout-à-fait, si le rochet R faisant monter & descendre alternativement l'anneau elliptique au moyen de ses palettes, ne restituoit pas le mouvement au balancier, auquel il communique le sien par le petit bras I . Pour faciliter l'intelligence de cette machine, nous allons développer quelques-unes de ses parties. La fig. 2 . de la Pl. II . représente le plan de l'anneau elliptique. DD sont les queues sur lesquelles sont les coulisses. P P sont les palettes: on voit en R le rochet renfermé dans cet anneau. C'est le retour d'équerre de la queue inférieure qui porte le petit bras I , joint de même à la branche courte F du T marqué E F G . Fig. 3 . de la même Planche, K est la douille sur laquelle il se meut; G est le balancier; H la lentille; E la branche longue qui communique par le petit bras L au levier M du porte-boîte. Fig. 4 , O O sont les tourillons; S S les petits anneaux pour les contenir; P P les doigts pour arrêter la boîte; Q Q les supports des tourillons. J'avertirai que comme cette machine n'est parfaitement intelligible qu'avec le secours des figures qui ne doivent paroître qu'à la fin de l'ouvrage, si quelqu'un étoit curieux de la faire exécuter, je serai toûjours disposé à faire voir celle dont je me sers, ou à en envoyer le dessein, si cela peut obliger quelqu'un ou lui être de quelque utilité. Revenons à ce qui regarde l'effet de l'eau-forte. Cette liqueur corrosive destinée à approfondir les tailles, lorsqu'elle est répandue sur la planche, la creuse effectivement en détruisant les parties de cuivre qui sont découvertes, & en respectant celles qui sont enduites de vernis. Mais il est nécessaire, pour qu'une planche soit au point de perfection où tend le graveur, que ces tailles soient approfondies avec une juste dégradation: les lointains ou les plans éloignés ne feront point l'effet qu'ils doivent faire, si les tailles dont ils sont travaillés sont trop approfondies; car alors le noir d'impression dont on remplit ces tailles en imprimant la planche, y sera en trop grande abondance; ces objets paroîtront trop noirs sur l'estampe, & ne feront pas l'illusion qu'ils doivent causer: il est donc nécessaire de conduire avec une grande sagacité & beaucoup d'intelligence l'opération de l'eau-forte sur les tailles. Pour cela, lorsqu'on a fait mordre sa planche pendant l'espace de tems qu'on estime suffisant pour les lointains, on suspend l'opération de l'eau-forte; on retire la planche, on la lave en versant beaucoup d'eau fraîche dessus; ensuite on la laisse secher ou à l'air ou en l'approchant doucement d'un feu très-modéré. Lorsque la planche sera seche, vous vous éclaircirez de l'effet qu'a produit l'eau-forte, en découvrant le vernis, avec un grattoir ou un petit morceau de charbon de saule, dans quelque endroit des lointains. Si vous jugez qu'ils soient assez mordus, vous couvrirez tout ce qui doit être du ton de ces lointains, en vous servant du mélange que j'ai déjà indiqué, & qui se fait avec le vernis de peintre & le noir de fumée; vous l'employerez avec des pinceaux plus ou moins fins, suivant la finesse des traits & des masses que vous voulez couvrir. Ensuite, après avoir donné le tems à ce vernis que vous venez d'employer, de sécher, vous remettrez votre planche comme elle étoit, pour l'exposer de nouveau à l'eau-forte; vous la ferez mordre autant que vous croirez qu'il est nécessaire pour les plans qui suivent ceux que vous avez couverts; ensuite vous retirerez encore votre planche, vous couvrirez une seconde fois ce que vous voulez soustraire à l'effet de l'eau-forte: enfin vous réitérerez cette opération autant de fois que vous le voudrez & que vous croirez qu'il le faut pour parvenir à un juste effet de dégradation dans les plans & dans les objets. J'observerai qu'il seroit injuste d'exiger qu'on donnât des évaluations précises du tems qu'on doit employer l'eau-forte chaque fois; les calculs & les observations les plus exactes n'ont pû me satisfaire; l'effet de l'eau-forte dépend de trop de causes accidentelles, pour qu'on puisse le soûmettre à des regles invariables. 1°. L'eau-forte est plus ou moins agissante, suivant le degré de cuisson qu'on lui a donné, & suivant la qualité & le choix particulier des ingrédiens dont elle est composée. 2°. Le cuivre par sa nature peut être plus ou moins docile à l'effet de l'eau forte. Le cuivre mou dont j'ai parlé dans le commencement de cet article, résiste à l'action de l'eau-forte; le cuivre aigre se dissout trop tôt, & toutes ces différences sont susceptibles de degrés & de nuances infinies. 3°. L'effet de l'air influe sensiblement sur l'effet de l'eau-forte, le froid retarde son action, le chaud l'accélere, l'humidité y cause des différences sensibles. 4°. La maniere de se servir des outils avec lesquels on grave, & la différence des pointes ou émoussées ou coupantes, facilitent à l'eau-forte l'entrée du cuivre, ou lui laissent la peine de l'entamer. Il faut donc que l'usage accompagné des observations particulieres de l'artiste, lui donnent les lumieres dont il a besoin pour se guider: il est fort difficile d'arriver à faire mordre une planche à un effet juste; & c'est pour cela que la plus grande partie des graveurs se contentent d'obtenir de l'eau-forte un ton général, gris, propre, & égal, en réservant de donner à leur ouvrage avec le secours du burin un accord & un effet dont ils sont les maîtres par ce moyen: mais cette pratique que le méchanisme de la gravure favorise, est sujet à des réflexions que j'ai déjà indiquées. Poursuivons ce qui regarde l'opération que je viens de décrire. Lorsqu'après avoir exposé autant de tems qu'il le faut la planche à l'action de l'eau-forte, ce qui va quelquefois à l'espace d'une heure, d'une heure & demie & plus, vous la trouvez parvenue au point que vous souhaitez; vous la lavez une derniere fois dans une quantité d'eau fraîche, ensuite la chauffant raisonnablement, vous enlevez avec un linge tout le vernis dont vous avez fait usage avec le pinceau, pour couvrir les différens plans: vous ôtez par le même moyen la mixtion de suif & d'huile dont le derriere de la planche est couvert; après quoi il reste à enlever le vernis dur: vous y parviendrez en vous servant du charbon de saule que vous passerez dessus la planche, en frottant fortement & en mouillant d'eau commune ou d'huile & la planche & le charbon. Il est inutile d'observer qu'à mesure que vous voyez le cuivre se découvrir, il faut ménager le frottement, pour que le charbon n'altere point les finesses de la gravure . Lorsque vous aurez enfin enlevé tout ce qui reste de vernis dur à la planche, vous la livrerez à l'imprimeur pour en tirer des épreuves: on donnera au mot Impression , tout le détail de cette opération, avec la figure de la presse & sa description. Revenons à la maniere de faire mordre les planches vernies au vernis mou, lorsqu'on employe pour cela l'eau-sorte qu'on nomme eau de départ . Cette eau-forte se fait avec le vitriol, le salpetre, & quelquefois l'alun de roche, distillés ensemble; c'est celle dont les affineurs se servent pour séparer l'or d'avec l'argent & le cuivre; elle se trouve plus aisément que l'autre. D'ailleurs la composition en doit être détaillée ailleurs; ainsi je ne la donnerai point. Je remarquerai ici, pour ne point l'oublier, qu'on peut se servir pour faire mordre les planches gravées au vernis mou, de l'eau-forte dont j'ai donné la composition, & qui est faite avec le vinaigre, le sel ammoniac, & le verdet; elle ménage davantage le vernis, & on la gouverne plus aisément: mais l'eau-forte de départ ne peut servir pour les planches vernies au vernis dur; elle fait éclater ce vernis, & détruit ainsi en un moment l'ouvrage de plusieurs jours & quelquefois de plusieurs mois. Venons au vernis mou & à l'eau-forte de départ. Il faut prendre de la cire molle, rouge ou verte, qui devienne flexible en l'échauffant un peu, comme celle dont se servent les Sculpteurs pour modeler. Vous en formerez en le paîtrissant & l'étendant un rebord autour de votre planche. Ce rebord n'a pas besoin d'être plus haut que cinq ou six lignes au plus; mais il faut qu'il soit tellement appliqué à la planche de cuivre, qu'elle puisse par son moyen, contenir l'eau dont on doit la couvrir à la hauteur de deux ou trois lignes. La planche ainsi préparée, vous la placerez horisontalement sur une table qui soit de niveau, comme on le voit à la fig. 5 . de la I. Planche de la gravure en taille-douce . Alors vous prendrez l'eau-forte dont j'ai parlé, vous y mêlerez moitié d'eau commune, & vous la verserez sur la planche; vous observerez son effet qui se rend sensible par le bouillonnement qui est excité par-tout où elle creuse le cuivre: le reste de l'opération se rapporte à celle que j'ai décrite pour l'eau-forte à couler, c'est-à-dire, que lorsque vous jugez que les lointains & les traits qui doivent être foibles, sont assez mordus, vous versez l'eau-forte, vous lavez bien la planche avec de l'eau commune, vous la laissez secher, vous couvrez ce que vous jugez qui doit être couvert avec le vernis de peintre & le noir de fumée, après quoi vous y remettez l'eau-forte, &c. Voilà les manieres connues de graver à l'eau-forte; c'est aux artistes à les éprouver toutes, & sur-tout à ne jamais opérer sans faire des observations: c'est ainsi qu'ils pourront découvrir des pratiques ou plus commodes, ou plus sûres, ou plus convenables à leur génie & à leur goût. Il y a, je crois, une infinité de recherches à faire sur cette partie, dont j'espere donner un jour les détails, lorsque je m'en serai assûré par des expériences réitérées. Je me contente aujourd'hui d'offrir aux artistes la machine dont j'ai donné le détail, comme un moyen sûr d'éviter les inconvéniens que l'eau-forte a pour ceux qui s'en approchent. La conservation des hommes doit toûjours être l'objet principal de ceux qui dans les arts cherchent à étendre leurs découvertes. Je vais maintenant emprunter de l'ouvrage que j'ai cité au commencement de cet article, la plus grande partie de ce qui regarde la gravure au burin. De la gravure au burin . Le Dessein est toûjours la base sur laquelle on doit appuyer toutes les opérations de la Gravure; on ne peut donc trop recommander aux Graveurs, soit à l'eau-forte soit au burin, de s'exercer continuellement à dessiner; ils doivent sur-tout s'appliquer à dessiner long-tems des têtes, des piés, & des mains d'après nature, & peut-être aussi souvent d'après les desseins des artistes qui ont bien dessiné ces extrémités. Augustin Carrache & Villamene sont des exemples à suivre pour cette partie du Dessein, dans laquelle ils ont parfaitement réussi. Un graveur qui aura les ouvrages de ces artistes sous les yeux, & qui fera de continuelles études, se trouvera en état de corriger les desseins peu corrects d'après lesquels il est quelquefois obligé de graver; & peut-être même d'ajoûter quelquefois à des tableaux d'ailleurs fort estimables, une exactitude dans les détails, que les peintres habiles se croyent mal-à-propos en droit de négliger. Je ne prétens pas pour cela insinuer aux Graveurs de se donner une liberté qui seroit condamnable. Le graveur est pour les peintres dont il imite les tableaux, ce que le traducteur est pour les auteurs dont il interprete les ouvrages; ils doivent l'un & l'autre conserver le caractere de l'original, & se dépouiller de celui qu'ils ont; ils doivent être des protées: on ne lit une traduction, & l'on ne consulte pour l'ordinaire une gravure , que pour connoître les auteurs originaux. Il est nécessaire que les Graveurs sachent l'Architecture & la Perspective, par les raisons que j'ai données ci-dessus; en effet il arrive quelquefois qu'un dessein ne fait qu'indiquer d'une maniere indécise les différens ornemens de l'Architecture, ou les effets de la Perspective. Si le graveur ignore les regles qui doivent déterminer les effets, & les proportions qui assujettissent les ornemens & les marbres de l'Architecture, il ajoûtera à la négligence & aux défauts du Dessein, ou commettra des erreurs essentielles, faute de pouvoir lire ce qu'un peintre aura indiqué. Le cuivre rouge est aussi celui qu'on choisit pour graver au burin; il faut qu'il ait les mêmes qualités pour être propre à cette sorte de gravure que pour servir à la gravure à l'eau-forte; il faut aussi qu'il soit préparé de même, & sur-tout qu'il soit parfaitement propre, uni, & lisse. Les outils qu'on nomme burins , se font de l'acier le plus pur & le meilleur; celui d'Allemagne a jusqu'ici la réputation d'être préférable à tout autre. L'acier, pour être bon, doit avoir un grain fin & de couleur de cendre. Il est essentiel que l'ouvrier qui forge les burins connoisse bien l'art de tremper l'acier. La forme du burin est représentée à la Planche I . de la Gravure en taille-douce . On y a représenté les especes principales des burins, tels que le burin quarré lettre A , & le burin losange lettre B . On approche ou on s'éloigne plus ou moins de ces deux formes, suivant le plan de travail qu'on s'est formé: on les fait aussi plus courts ou plus longs, suivant son goût ou la facilité qu'on y trouve, ou le genre d'ouvrage qu'on grave. Le burin le plus commode en général & d'un plus fréquent usage, est celui qui n'est ni trop long ni trop court, dont la forme est entre le losange & le quarré, qui est assez délié par le bout, mais ensorte que cette finesse ne vienne pas de trop loin pour qu'il conserve du corps & de la force; car il casse ou plie s'il est délié dans toute sa longueur, ou aiguisé trop également. Il faut observer que le graveur doit avoir le plus grand soin que son burin soit toûjours parfaitement aiguisé, & qu'il n'ait jamais la pointe émoussée, s'il veut que sa gravure soit nette & que son ouvrage soit propre. J'ai dit que les burins étoient ordinairement ou losanges ou quarrés; les premiers sont propres à faire un trait profond à proportion de leur largeur: le burin quarré fait un trait large qu'on approfondit quelquefois avec le burin losange. Le burin a quatre côtés; il n'est nécessaire d'aiguiser que les deux dont la réunion forme la pointe de l'outil. Voyez la figure marquée C: elle vous indique a b & b c . Ce sont les deux côtés qu'il faut aiguiser: après quoi, en applatissant le bout par un plan incliné, on forme la pointe b qui est destinée à pénétrer le cuivre & à ouvrir la route du burin. C'est sur une pierre à l'huile bien choisie que se fait l'opération d'aiguiser le burin de la maniere qui est marquée fig. D, Pl. I . On y applique comme vous le pouvez voir, un des côtés du burin dans toute sa longueur: on tient ce côté ferme & bien à plat sur la pierre qui est humectée d'huile, en appuyant le second & le troisieme doigt, qui servent à contenir le burin pour qu'il ne se sépare point de la pierre: on glisse alors le burin le long de la pierre, & on le ramene autant de fois qu'il est nécessaire pour que le côté soit bien & bien également aiguisé; on en fait autant pour l'autre côté, jusqu'à ce que l'arête commune à ces deux côtés soit bien vive & bien affilée: ensuite on travaille à former la face, comme vous le voyez aussi représenté fig. 1 . de la même Planche . Il faut de l'adresse & de l'habitude pour parvenir à aiguiser un burin, de maniere que ces trois faces soient parfaitement lisses & plates; ce qui est nécessaire cependant à la perfection de l'outil. Je n'ai point parlé de la monture du burin, elle est figurée, & cela suffit; elle se fait du bois le plus commun; on la tient plus longue ou plus courte en raison de la facilité qu'on y trouve; mais vous observerez seulement dans la fig. F de la même Planche , que l'un des côtés du manche est applati; ce qui est nécessaire pour pouvoir mettre le burin à plat sur la planche, & pour que par ce moyen la pointe du burin qui s'engageroit trop dans le cuivre en levant le manche du burin, ne casse pas si souvent. Examinez la fig. G , pour y apprendre la façon de tenir le burin: vous remarquerez dans cette figure, que le bout du manche qui est à moitié arrondi, doit être appuyé dans le creux de votre main; ensorte que ce soit l'os du bras qui lui donne une impulsion directe. Vous observerez aussi, par la maniere dont les doigts sont arrangés, qu'il ne doit s'en trouver aucun entre le burin & la planche, lorsqu'on applique le burin sur le cuivre pour travailler: cela est nécessaire par la même raison que je viens de donner, pour laquelle on coupe le bout du manche du burin; la meilleure maniere est donc de faire ensorte que le burin glisse toûjours horisontalement sur le cuivre: alors vous pouvez en rendant votre main legere, commencer un trait d'une finesse extrème; pour peu que vous soûleviez ensuite imperceptiblement le poignet, le burin entrera plus profondément dans le cuivre par la pointe, & élargira par conséquent la taille, si la main se remet enfin comme elle étoit en commençant, le trait finira par être aussi délicat que lorsque vous l'avez commencé. Or cette manoeuvre est essentielle pour la beauté de la Gravure & pour l'intelligence des ombres: il faut donc s'y rompre par une infinité d'essais; il en faut beaucoup aussi pour qu'en faisant cette opération délicate, vous puissiez encore tourner votre burin en tout sens, & donner à vos tailles une flexibilité à laquelle en général la maniere de conduire cet outil qu'on pousse toûjours, semble contraire. Au reste, il faut avertir qu'il n'est pas besoin d'autant de force qu'on le croit pour cette manoeuvre, & que la roideur est sur-tout nuisible à la conduite du burin. Une force bien ménagée, adoucie, & liante, est ce qu'il faut acquérir pour réussir à cette sorte de gravure . Il faut ajoûter à ce que j'ai dit du méchanisme de la gravure au burin, que pour rendre plus facile l'exécution des tailles courbes, on peut de la main gauche faire tourner doucement la planche elle-même, en ayant soin que les mouvemens des deux mains s'accordent bien, & que la planche fasse bien également une partie du mouvement, tandis que le burin fait l'autre: pour cela, on appuie la planche qu'on grave sur un petit coussinet de cuir rempli de sable ou de son. La planche y prend une espece d'équilibre, comme elle est représentée, fig. H, Pl. I . & on peut aisément la faire prêter avec la main gauche aux mouvemens qui sont nécessaires. Lorsque vous êtes parvenu à faire à l'aide du burin une taille en coupant le cuivre, cette taille a besoin d'être nettoyée, c'est-à-dire qu'il se forme par l'action du burin deux petites barbes sur le haut de la taille, ensorte qu'en passant le doigt vous sentez une inégalité le long de la hachure, qu'il faut faire disparoître; on se sert pour cela d'un outil très-coupant qu'on nomme grattoir; on le passe à plat sur la taille, en allant diagonalement tout le long de la taille, & l'on s'apperçoit en y passant le doigt ensuite, s'il y reste encore quelque ébarbure: on appelle donc cette opération ébarber . Le grattoir est représenté dans la Planche I . tenant au bout du brunissoir. Lorsqu'on a ainsi approprié sa taille, on la frotte avec un petit tampon fait de feutre roulé & sali de noir & d'huile, pour en voir l'effet, & pour juger si elle est ou assez large ou assez nette, ou enfin telle qu'on la desire. Avant que de dire un mot sur quelques parties de l'exercice de cet art, j'ajoûterai que si vos burins sont trempés trop durs, ils casseront très-souvent & malgré l'adresse que vous mettrez à les conduire. Il faut, si vous vous appercevez de ce défaut, mettre ces burins sur un charbon ardent dont vous excitez le feu jusqu'à ce que l'acier jaunisse; vous les tremperez ensuite dans l'eau ou dans du suif, & vous essayerez ainsi de leur donner le juste degré qui leur est nécessaire: s'ils émoussent leur pointe, au contraire, changez-en, c'est un signe certain qu'ils sont mauvais. Venons à quelques observations & quelques regles générales, en rappellant ce que j'ai déjà dit, savoir que le caractere du graveur, son intelligence, & le genre d'ouvrage qu'il traite, doivent le décider ou à suivre une maniere, ou mieux encore à s'en former une qu'il doit toûjours soûmettre aux principes invariables de la Peinture & du Dessein. Les manieres de graver de Goltzius, Muller, Lucas-Kilian, Mellan, & d'autres qui leur ressemblent, sont libres & faciles; elles ont un mérite réel; on peut les blâmer aussi d'un peu d'affectation dans le tournoyement des tailles; ils étoient bien-aises qu'on leur sût gré de l'habitude qu'ils avoient acquise. Il vaudroit mieux qu'ils n'en eussent point fait parade, & qu'ils ne l'eussent employée que dans les endroits où elle étoit nécessaire. Point d'affectation ni de négligence, voilà le point duquel le graveur doit approcher le plus qu'il lui sera possible. Evitez de croiser les tailles de maniere qu'elles soient trop en losange, sur-tout dans les chairs, parce que les angles aigus répétés dans cette sorte de travail, forment un effet desagréable. La maniere entre quarré & losange, est la plus utile & la plus agréable à l'oeil; elle est aussi plus difficile à employer, parce que l'inégalité des traits s'y fait plus aisément remarquer. Le burin doit observer une partie des principes que j'ai donnés au commencement de cet article; les hachures principales doivent donc suivre le sens des muscles, en s'adoucissant vers les lumieres & vers les reflets, & se renflant ou s'approfondissant dans les places des fortes ombres. Il faut que l'extrémité des hachures qui viennent former les contours, ou se perdre dans les traits qui décident ces contours, soit conduite d'une façon nette & legere; de maniere qu'il n'y ait rien de tranché ni de dur. On peut consulter là-dessus les ouvrages d'Edelinck qui a possédé cette partie. Il est à souhaiter que les tailles s'ajustent tellement entre elles, qu'elles s'aident dans leur effet, & ne se nuisent jamais en se rencontrant & en se croisant; l'air de facilité que cela donne à l'ouvrage y répand un grand agrément. Que les tailles soient ondoyées; qu'elles se plient en divers sens, mais avec aussi peu d'affectation que de roideur, comme je l'ai déjà dit: il est difficile d'en prendre l'habitude; mais il est aussi blâmable d'en abuser, qu'il le seroit de faire toûjours des traits droits, parce qu'il est plus aisé d'en venir à bout. Les cheveux, la barbe, & le poil des animaux, demandent une grande legereté dans la main, & une flexibilité rare dans le burin. Mais il ne faut pas que pour faire parade de cette adresse on néglige de faire bien sentir ses masses, qui doivent indiquer les formes & l'effet de la lumiere & de l'ombre sur les masses. Les étoffes demandent aussi de la legereté d'outil, en proportion cependant avec la nature des étoffes; les étoffes de gros draps & de laine épaisse demandent un travail plus brut; le linge veut être gravé d'une façon déliée & pressée à une taille ou à deux tout au plus, si cela se peut. Les étoffes fermes & luisantes veulent des tailles plus droites & moins variées; les plis de ces étoffes sont cassés & forment des surfaces plates. Les tailles qu'on nomme entre-deux servent à indiquer le luisant; on s'en sert aussi dans les métaux qui réfléchissent la lumiere. L'Architecture demande des tailles droites, mais celles qui se trouvent sur les plans qui fuient doivent tendre au point de vûe. Les hachures des colonnes veulent être perpendiculaires: si vous les faites rondes & horisontales, il arrivera souvent que pour satisfaire aux lois de la Perspective, il faudra que celles qui approchent du chapiteau, soient d'un sens contraire à celles qui approchent de la base; ce qui fait, sur les premiers plans sur-tout, un effet desagréable. Le paysage est difficile à traiter au burin; souvent on l'ébauche à l'eau-forte, & je crois qu'on fait bien: il faut chercher à se faire une maniere, & pour cela consulter les bons auteurs; Augustin Carrache, Villamene, Jean Sadeler, sont bons à imiter: Corneille Carts en a gravé plusieurs d'après le Mucian, qui sont très-beaux & qui peuvent servir de modeles. Les montagnes & les rochers, lorsqu'ils sont sur les premiers & seconds plans, doivent être travaillés d'une maniere un peu brute, en quittant & reprenant souvent les tailles, en les variant suivant les plans des pierres & des rochers, en les entre-mêlant de plantes, d'herbages, & de terreins: pour ces objets, lorsqu'ils se trouvent dans les lointains, ils doivent participer de l'interposition de l'air; être peu décidés dans leurs inégalités & dans les accidens qui les accompagnent, & se perdre quelquefois avec les travaux dont on se sert pour graver les ciels. Les eaux se représentent ordinairement par des lignes très-droites, égales, & mêlées d'entre-deux fines & déliées, pour exprimer le luisant de l'eau, mais si c'est une mer agitée qu'on représente, on sent bien que ce doit être par un autre genre de travail qu'on doit y arriver: il faut alors que les tailles suivent le sens des flots & indiquent le mouvement des vagues. Les nuages demandent aussi que leur forme & leur mouvement soient indiqués par les hachures, & que les travaux qu'on employe soient d'autant plus legers que l'éloignement des nuées est plus grand. En général il faut proportionner autant qu'on le peut la grosseur des tailles & l'espece de travail, à la grandeur des ouvrages, indépendamment des autres assujettissemens dont j'ai parlé. Il faut donc employer des tailles mâles & nourries dans une grande estampe, mais sans que le travail devienne pour cela grossier & desagréable; par le même principe une petite planche sera gravée avec les burins losanges qui font des tailles fines, mais en évitant que le travail soit maigre & aride. C'est un art très-difficile que celui de la Gravure; il demande beaucoup d'exercice du Dessein, beaucoup d'adresse à conduire les outils, une grande intelligence pour se transformer, pour ainsi dire, & prendre l'esprit de l'auteur d'après lequel on grave. Il faut encore de la patience sans froideur, de l'assiduité sans dégoût, de l'exactitude qui ne soit pas servile, de la facilité sans abus: ces qualités si nombreuses enfantent beaucoup de graveurs, & leur union si difficile fait qu'il en est fort peu d'excellens. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en bois Author=Diderot|Papillon Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en bois * Gravure en bois . Historique . Cette gravure est fort ancienne à la Chine & aux Indes, où l'on a fabriqué des toiles peintes de tems immémorial; elle paroît y avoir donné naissance aux premiers essais de l'art d'imprimer. Les Chinois ont d'abord gravé leurs caracteres sur des morceaux de bois qu'ils enduisoient d'encre, & qu'ils appliquoient ensuite sur le satin & d'autres étoffes minces & legeres. Nous avions des tablettes gravées en creux, que nous remplissions de cire pour en avoir le relief, lorsque Laurent Coster imprima l'écriture avec des planches de bois. Coster inventa cet art en 1420. Mentel parut en 1440, Guttenberg & ses associés en 1450; & la gravure , tant en bois qu'en cuivre, étoit connue en 1460. Il y en a encore qui prétendent qu André Murano gravoit en cuivre dès 1412, & Luprecht Rust dès 1450; mais il est certain que Martin Schon de Colmar, l'un des maîtres d'Albert Durer, exerça cet art en 1460, ou au plus tard en 1470. Les Graveurs en bois ont été appellés anciennement Tailleurs en bois , ce qui les a quelquefois confondus avec les Dominotiers. Il en faut faire deux classes; l'une, des vieux, anciens, ou petits maîtres, ou maîtres appellés à la licorne, à l'étoile, aux pelles, aux chandeliers, à la dague , &c. de ces images qui accompagnoient sur leurs planches les initiales de leurs noms: l'autre, des grands maîtres, tels qu'Albert Altorsfer né en Suisse, qui travailloit en 1500; Sebald Beham ou de Boheme, Hans Scufelix, Albert Durer pere du peintre, Jean de Gourmont, Antoine de Cremone, George-Matthieu de Lyon, Antoine Van-Leest, Joseph Porta, Gorsannus, Gaspard Ruina, Joseph Salviati, Pierre Gatin, André Manteigne, Albert Durer le peintre, Lucas de Cronach, Albert Aldegraf, Lucas de Leide, Lucas Ciamberlanus, Jollar, &c. On remarque dans les gravures d'Albert Durer, des contre-tailles, des secondes, triples & quadruples tailles. Ce fut en 1490 que parurent les premieres estampes à rentrées de deux planches, ou teintes; art qui se perfectionna en Italie en 1520. Voyez Gravure en bois , de Camayeu . Ce fut au commencement du xvj. siecle qu'on appliqua la gravure en bois à l'impression des cartes à joüer. Le Titien a gravé lui-même en bois quelques-uns de ses tableaux. Tout le monde connoît de nom la danse des morts de Holbein. La gravure en bois s'étendit à la Cosmographie, & Gérard Mercator executa en bois quelques-unes de ses cartes. Cet art fut encore cultivé par Jost Amman ou Amman de Zuric; Jacques Zuberlin de Tubingue; Pierre Hook ou Houck Woveriot de Lorraine; Jean de Colcar ou Calker, qui grava en bois les planches anatomiques de Vesale; Jean Cousin, Bernard Salomon, Moni; Fo, qui a gravé en bois des animaux pour Conrard Gesner; le vénitien Pagan, Michel Zimmerman, le Verrochio, Enée Bé, Sigismond Feyerabendts, Christophe Amberger, Simon Huter, Virgilius Solis; Christophe Chrieger, dont on a une planche de la bataille de Lépante; Christophe dit le Suisse; Verdizzotti, Cruche, les trois Vichem. On voit dans les ouvrages de C. S. Vichem jusqu'à cinq à six tailles l'une sur l'autre; il entendoit d'ailleurs très-bien le clair-obscur. Ce fut alors qu'on commença parmi nous à imprimer des papiers dominotés. Ce premier pas conduisit aux toiles peintes, dont les premieres parurent au commencement du regne de Louis XIII. Il y eut alors & depuis des graveurs célebres; Raefe, Goujeon, Jean Leclerc; la carte des Gaules de celui-ci est un bel ouvrage: Vinceola, Berbrule, les deux Stimmers; Ecmart, qui a exécuté plusieurs morceaux de Calot; le libraire Guillaume le Bé, Duval, Christophe Jépher, qui a gravé d'après les tableaux de Rubens; Pierre le Sueur, Boulemont, Van-Heylen; Jean Papillon, pere de l'auteur des mémoires que nous analysons; Vincent & Nicolas le Sueur, &c. De l'Art . La gravure en bois devient très-difficile & très-pénible, lorsqu'on a des plantes, des fleurs, des animaux, des figures humaines, & autres objets délicats à exécuter. Une planche qui n'a occupé un graveur en cuivre que quatre à cinq jours, pourra occuper un mois entier un graveur en bois. Pour s'en convaincre, qu'on jette les yeux sur la fig. 10 . Planche II . de la gravure en bois . Voilà quatre traits qui ne coûteront guere plus à faire au burin sur une planche de cuivre, qu'à la plume sur le papier; mais s'il s'agit de les exécuter en bois, c'est autre chose. Il faut 1°. couper & recouper, & enlever le bois en A, B, C, D, fig. 11 . ce qui demande seize coups de pointes; & en suivant l'opération jusqu'au bout, on en trouvera quarante-huit, sans compter ceux sur lesquels on est obligé de revenir par accident, & les vingt-quatre coups nécessaires pour dégager fortement les traits de chaque côté. Voilà donc pour ces quatre traits soixante-douze coups de pointes; nombre qui seroit encore fort augmenté, s'il falloit dégager & évuider avec le fermoir les pleins A, A, A, fig. 12 . Les quatre traits de cette figure 12 . sont blancs, & le creux du bois enlevé par la pointe est ombré. Si l'on sentoit le fermoir entraîné par le fil du bois du côté des traits, ils en pourroient être endommagés si l'on ne quittoit le fermoir, & si l'on ne revenoit pas sur ces endroits avec la pointe à graver. Lorsqu'on aura enlevé le bois de chaque côté entre les traits par le dégagement au fermoir, il restera peu de chose qu'on séparera avec la gouge aux lieux A, A , &c... en la passant & repassant plusieurs fois, afin de polir le fond de la gravure . Ces coups de fermoirs & de gouges sont au-moins doubles des coups de pointes; mais si l'on vouloit, on pourroit démontrer à la rigueur que telle figure qui s'exécutera sur cuivre en 92 coups de burin, ne s'exécutera pas en bois à-moins de 10892 coups de pointes & de 3600 coups de fermoirs & de gouges. Il est vrai qu'en revanche une planche en bois peut fournir plusieurs milliers d'épreuves. Il y a donc entre la gravure en cuivre & en bois une grande différence pour le travail. Mais il ne faut pas ignorer que dans la gravure en bois , ce sont les tailles de relief ou d'épargne qui marquent l'impression, & que par conséquent contre un coup ou une coupe de burin qui forme un trait dans la gravure en cuivre, & marque à l'impression, il faut dans la premiere de ces gravures quatre coups pour enlever le bois de chaque côté du trait: ajoûtez à cela les dégagemens à la pointe & au fermoir; & dans la préparation des champs à évuider, les coups de fermoir & de gouge qui sont nécessaires. Des outils . Les outils du graveur en bois sont la pointe à graver, les fermoirs & gouges, le trusquin, l'entaille, le maillet, le racloir, l'équerre, les regles simples & paralleles, la fausse regle, le compas simple & à plusieurs pointes, les porte-crayons, un marteau leger, le garde-vûe, la mentonniere, la petite brosse, la presse à tremper le papier, une petite balle, une pierre à huile, une pierre douce, une meule de grais montée, un petit broyon, un marbre, un rouleau garni de drap, un étau, des scies à main, une varlope, un rabot, un valet, & un établi solide. La pointe à graver se fait avec un ressort de pendule, d'un tiers de ligne ou environ d'épaisseur; on le fait détremper au feu; on le coupe par bouts de la longueur de la fente du manche qu'on voit fig. 1 . Planche I . On divise chaque bout sur leur largeur, selon celle qu'on veut donner aux lames. Les lames pour gros ouvrages ont environ cinq lignes de largeur; pour ouvrages délicats deux lignes ou deux lignes & demie. On les dégrossit, & l'on en forme le taillant sur la meule; on y tire un biseau du côté gauche, sur toute la longueur, à un demi-pouce près vers le bas, qu'on laisse sans biseau, voyez la fig. 2 . le côté droit est aiguisé tout plat, sans biseau, voyez fig. 3 . le dos du chef de la pointe ( fig. 4 . ) doit avoir entre les deux lignes ponctuées un petit biseau de chaque côté, comme en B . Cela fait, on les trempe très-sec, en les faisant rougir sur un feu de charbon vif, & en les plongeant subitement dans l'eau froide. On leur donne le recuit à la lumiere d'une chandelle, jusqu'au jaune foncé. Si elles devenoient violettes, elles seroient trop molles, sur-tout pour des gravures délicates & sur le buis. On les emmanche un peu longues, comme d'un pouce ou deux, sur le manche fendu qu'on serre par une corde tortillée, comme on voit figure 5 . On acheve de former le taillant & le dos du chef de la pointe sur la pierre à huile. Il faut que la premiere partie A du chef soit aiguisée vive par le dos, ou sur l'épaisseur de la lame & sans biseau, & que la seconde qui est déjà oblique, en ait au contraire deux, comme on voit en B, fig. 2 . 3. & 4 . On enlevera le morfil qui se fait de chaque côté, à la premiere partie du chef A , en passant l'angle des deux vives arêtes sur la pierre à l'huile. Ce morfil gratteroit le bois, lorsqu'on y feroit entrer la pointe pour graver. On adoucit ensuite le taillant sur la pierre douce, soit avec de l'eau, soit avec de la salive. On en ôte aussi le morfil. On place alors la lame dans la fente du manche; on met tout le long du manche, du côté du taillant, un papier plié en deux ou trois, ou une petite carte, pour empêcher que le taillant ne coupe la corde qu'on tortillera sur la manche pour en tenir les deux parties assemblées. On ficelle le manche en commençant par la partie supérieure où sont les hoches destinées à recevoir & à retenir la ficelle, & l'on descend du haut en bas. Par ce moyen on attache la lame sur toute sa longueur; on la tire du manche, & on la laisse sortir de la quantité convenable, à-mesure qu'elle se casse, racourcit ou gâte, & qu'on la raccommode. On trouve des fermoirs & des gouges de toutes longueurs chez le clinquaillier. On les emmanchera de la longueur qu'on voit fig. 6 & 7 . Les manches seront à virole & à bouton par le bas; le bouton à demi abattu, comme aux burins. Ils en seront plus commodes à tenir, & ne gêneront pas la main en vuidant les champs. Il faudra observer de mettre ce biseau du taillant du côté applati & coupé du manche; que le côté sans biseau soit placé comme dans la fig. 7 . Pour être bien outillé, il faut avoir des fermoirs depuis environ trois lignes de large, au taillant, en diminuant jusqu'au diametre de la tête d'une moyenne aiguille à coudre. On se sert quelquefois de ces aiguilles pour en faire de petits fermoirs qu'on emmanche dans de la cire d'Espagne chaude, que l'on fait entrer dans des viroles longues, creuses, ajustées, & tenues d'une couple de lignes, ou davantage, à des manches de bois plus courts, afin que le tout assemblé soit de la même longueur que les autres manches. Les gouges seront emmanchées comme les fermoirs. Il ne les faut pas au graveur aussi arrondies qu'au sculpteur; que le demi-cercle qui en formera le taillant soit plus développé. Dans les parties angulaires à vuider, on peut se servir d'un fermoir assez rond ou à taillant oblique: mais il en faudroit avoir qui eussent le taillant & son biseau formés, les uns d'un côté, les autres à contredit; observant de les emmancher toûjours, le côté du biseau vers celui du manche où le bouton aura été abattu ( voyez les figures 8 & 9. ), & que les manches soient longs, à pans arrondis ou ronds, afin de pouvoir être tenus à pleines mains. Le maillet sera leger, & guere plus gros que le poing. Le trusquin qu'on voit fig. 10 . ne sert au graveur qu'à tracer des filets autour des vignettes, ou à guider, lorsqu'il s'agit de faire des tailles horisontales ou perpendiculaires; il est petit. La pointe n'en doit pas être vive; elle pourroit gâter le bois par des traces qu'elle laisseroit en des endroits où l'on seroit obligé de graver des tailles. Que cette pointe soit adoucie & un peu arrondie. L'entaille ( fig. 11 . ) sera nécessaire à ceux qui gravent des pieces délicates, comme lettres grises, petites vignettes, fleurons, &c. Elle prendra & serrera fortement par le moyen de ses coins ces ouvrages que l'artiste ne peut tenir entre ses doigts. Le racloir ( fig. 12 . ) servira à unir & polir la superficie des bois destinés à la gravure , au sortir des mains du menuisier ou de l'ébéniste. Sa lame E doit en être aiguisée vive sur son épaisseur, afin que son morfil gratte & use le bois; il en faut un autre qui n'ait point de morfil, pour les cas où il ne faut qu'adoucir. On peut substituer la prêle au racloir; c'est même avec la prêle qu'on acheve de le préparer. L'équerre de cuivre ( fig. 13 . ) servira pour tracer des lignes droites, horisontales ou perpendiculaires, avec la pointe à calquer, ou au lieu du trusquin, lorsqu'on a des tailles paralleles à faire. Les lignes tirées à l'équerre & à la plume seront nettes, si les vives arêtes abattues forment un biseau des deux côtés sur toute la longueur F . Il ne faut pas que ce biseau la rende tranchante. Il faut des regles simples, composées, &c. elles serviront à tirer des paralleles à la plume, sans le compas. La fausse regle ( fig. 14 . ) servira à tirer des rayons d'un point donné comme centre, soit avec la plume, soit avec la pointe à calquer, qui n'est autre chose qu'une aiguille emmanchée dans un manche à longue virole, comme celui des petits fermoirs, & dont on a formé la pointe par le côté de la tête qu'on a cassée, & qu'on a arrondie ou émoussée. Il faut au graveur un compas à plusieurs pointes, un porte-crayon, un tire-ligne, &c. Il est inutile d'insister sur l'usage de ces instrumens. Le garde vûe ( fig. 15 . ) est un morceau de carton d'environ sept pouces de large & cinq de haut, qui se place sous le bonnet, & qui garantit les yeux du grand jour. La mentonniere ( figure 16 . ) est une toile piquée, comme le sont les bonnets piqués des femmes, qu'on attache sur sa bouche avec les deux cordons; elle empêche en hyver l'haleine de se porter sur le bois, de le mouiller, & de détremper l'encre du dessein. Sans mentonniere, si l'on travaille des pieces délicates, l'humidité de l'haleine fera renfler le bois; & l'on ne saura plus, après qu'on aura fait les coupes, où l'on aura passé la pointe pour marquer le lieu des recoupes. Il faut la mentonniere sur-tout, si l'on grave sur le buis; on peut s'en passer en travaillant sur le poirier. Il faut des brosses douces dont le poil soit coupé court avec des ciseaux, pour nettoyer la poussiere & les petits copeaux. Voyez figure 17 . Une petite presse telle que celle qui sert aux parcheminiers, perruquiers, &c. qu'on voit fig. 18 . entre laquelle on mettra le papier mouillé avec une éponge, pour lui faire prendre eau également: ce qui sera fait, si l'on le manie & remanie; si on le remet sous la presse, & si on l'y laisse quelques heures de suite, entre chacune de ces opérations. Il faut avec la presse un broyon qu'on voit fig. 20 . d'environ la hauteur de la main; & un rouleau de bois ( figure 21 . ) de 15 à 18 pouces de longueur, garni de drap, & à poignées assez longues, pour être tenu à pleines mains. Si l'on ajoûte le marbre à ces derniers outils, on aura tout ce qu'il faut pour tirer des épreuves de sa planche, sans la porter chez l'imprimeur en lettres. C'est sur ce marbre qu'on broyera l'encre. Du bois . Le poirier, le pommier, le cormier, le buis, en un mot tous les bois qui ne sont pas poreux, sont propres à la gravure en bois; mais le buis est à préférer. Les substances dures & seches, telles que le gayac, le coco, le palisante, l'ébene, les bois d'Inde, sont sujets à s'égrener. Il n'en faut point employer, non plus que de bois blanc & mou. Il en faut faire équarrir les morceaux par l'ébéniste ou le menuisier, quand même les figures qu'on auroit à trai er seroient rondes, ovales, ou autres. On leur donnera dix lignes d'épaisseur; c'est celle de la hauteur de la lettre d'Imprimerie. On peut tenir les morceaux à fleurons, armes, &c. moins hauts. On y suppléera par-dessous avec des cartes; & le coup de presse en étant amorti, les bords de la gravure n'en seront point écrasés; & la planche en durera plus long-tems. Principes . Que celui qui veut graver ait un établi d'une hauteur convenable: qu'il n'ait point la tête trop baissée ni le corps trop droit: que son établi soit un peu élevé en pupitre: qu'il ait le jour en face, parce que la coupe faite, la petite ombre du bois coupé le guidera pour la recoupe. Sans cette ombre l'on auroit peine, en hyver que l'humidité ou l'haleine enfle le bois, à discerner la trace de la pointe. Qu'il fasse d'abord quelques traits sur un morceau de poirier, au bout de la pointe, sans avoir été dessinés. Pour cet effet qu'il tienne la planche fermement de la main gauche: qu'il ait dans la droite sa pointe à graver, à-peu-près comme une plume à écrire, mais que sa main soit un peu plus tournée & panchée vers le corps. Que le biseau du taillant de la pointe soit du même côté, ensorte qu'on ne voye presque que l'épaisseur de la lame, obliquement, très-peu du plat, du taillant & du bout de la pointe, & le dessus de la main. Qu'il enfonce l'outil dans le bois, sur le plan incliné du biseau du taillant, & qu'il fasse la coupe. C'est la premiere & principale opération du graveur. Que les deux derniers doigts de sa main posent sur la planche, pour ne pas être gênés, en tirant la pointe de gauche à droite, comme on voit en A; c'est le contraire de la gravure au burin, où l'outil est poussé de droite à gauche. Pour enlever le bois coupé, l'on fait la recoupe. La recoupe est la seconde opération. Que la main soit tournée en-dehors du corps, de façon qu'on n'en voye que le pouce & l'index qui tiennent la pointe, avec le bout du doigt du milieu: que les autres doigts soient posés & presque cachés sur la planche: qu'on enfonce la pointe au-dessus de la coupe, & où l'on a commencé à la former, ensorte qu'elle entre dans le bois, appuyée en-dehors du corps, sur le côté du taillant qui n'a point de biseau, & que l'on voye tout le côté du taillant du biseau, malgré l'ombre. Cela supposé, si l'on tire parallelement l'outil de gauche à droite, on enlevera le bois à mesure qu'il se détachera, comme on voit en B fig. 4 . Pour achever de former ou graver le trait, le contour, ou la taille commencée, on en fera autant qu'il a été dit, par une coupe & une recoupe du côté opposé à celui que l'on aura gravé: & on donnera à ce trait, ce contour, ou taille, une figure pyramidale sur toute sa longueur, plus ou moins menue, selon qu'on l'aura voulu. On se formera la main en faisant des traits en-travers du fil du bois, comme en C, fig. 5 . retournant la planche, le fil du bois montant toûjours devant soi, & faisant une autre coupe comme en D, fig. 6 . Les deux coupes faites, retournant la planche d'un autre sens, le fil du bois en-travers devant soi, & y traçant à des distances égales d'autres coupes en échelle, depuis le haut jusqu'en-bas, comme on voit en E, fig. 7 . Les lignes tracées fig. 7 . dénotant où l'on a passé la pointe, il s'agit d'enlever le bois à cette espece d'échelle; pour cela on recoupe & l'on acheve les tailles, comme dans la fig. 8 . commençant toûjours par celle d'en-haut, & finissant par celle d'en-bas. On voit fig. 9 . la forme que doivent avoir les tailles. Ce sont comme des dents de scie: & l'espace qui les constitue est une espece de gouttiere. Il faut bien prendre garde à la coupe, de ne pas coucher la pointe vers le corps, plus qu'il n'a été prescrit: on s'exposeroit à endommager les tailles par le pié, ce qui les rendroit sujettes à se casser. Quand on fait des tailles en-travers du fil du bois, s'il arrive qu'il soit disposé à s'égrener, on exécute la recoupe avant la coupe. Voilà pour les tailles droites. Les circulaires ou courbes se font en tournant un peu la main sur elle-même devant soi, toûjours de gauche à droite, tant à la coupe qu'à la recoupe, concourant à cette opération, de la main qui tiendra la planche & qui la fera mouvoir à contre-sens de la main qui tiendra l'instrument; commençant la coupe & la recoupe en A , & les finissant en B, fig. 13 . où les traits blancs marquent le relief, & l'ombre marque les creux. Les entre-tailles ou tailles courtes entre des longues, comme on en voit en C, fig. 14 . se font comme les tailles ordinaires, les racourcissant seulement à volonté. Les ente-tailles ou tailles rentrées ou grossies par endroits, ne se font pas autrement que les tailles, observant sur leur longueur de réserver des endroits plus épais & plus nourris, comme on voit fig. 15 . Pour les contre-tailles ou secondes tailles, l'on fait d'abord toutes les coupes paralleles, comme à des tailles simples: puis l'on croise ces coupes par d'autres, sous toutes sortes d'angles: observant de ne pas trop enfoncer la pointe, de peur d'égrener ou même de détacher les croisées: procédant ensuite carreau par carreau, en équerre, à contre-sens de ce qui a été coupé, l'on recoupe; & lorsque tout est gravé, on passe en frottant l'ongle sur les croisées pour les raffermir. Voyez la fig. 16 . où les carreaux sont creux, & les tailles croisées de relief. Nous ne dirons des triples tailles, sinon qu'il faut à chaque sens de chaque taille, faire d'abord les trois coupes, ce qui divise ou coupe toutes leurs croisées: aller posément, passer d'un petit carreau à un autre, y faire la recoupe, & enlever le bois, ce qui suppose un artiste exercé, voyez la fig. 17 . S'il arrive que parmi des tailles on en fasse qui soient de beaucoup plus basses que celles entre lesquelles elles se trouvent, de sorte que ces dernieres empêchent la balle d'atteindre aux autres, & par conséquent celles-ci de laisser aucun trait sur le papier, on appelle ces tailles tailles perdues . L'effet en est irréparable & mauvais, sur-tout dans les morceaux délicats. Les points si faciles à faire dans la gravure en cuivre, sont très-difficiles dans la gravure en bois . Il faut qu'ils soient de relief, vuidés tout-autour, & assez solides à la base pour ne point se casser ou s'écraser. Pour cet effet, il faut faire cette base à quatre faces, en pyramide. On ne les arrangera point par colonnes, comme font ceux qui après a voir gravé les tailles, les coupent & recoupent tout en-travers, pour abréger l'ouvrage: en exécutant d'une seule coupe & recoupe toute la largeur des points qu'ils ont à marquer: au hasard de faire partir & sauter les points qu'ils gravent ainsi, par les soubresauts de la pointe de taille en taille; mais il faut, après avoir divisé toute la longueur d'une taille par des points un à un, former à la taille d'à-côté les points correspondans à l'entre-deux de chacun des autres, & ainsi de suite, comme on voit fig. 18 . & 191 Si les points n'etoient pas assez fins pour paroître ronds, il faudroit en abattre ou adoucir les angles; car rien n'est plus desagréable que des points quarrés à des ouvrages délicats, sur-tout à des chairs pointillées, s'il arrivoit d'en faire; ce qui est rare dans la gravure en bois , où l'on ne porte guere le fini jusque-là. Les points longs ou tailles courtes se font quelquefois au bout des grandes tailles, en les séparant à leurs extrémités. Il faut les rendre très-déliées & très-pointues où elles se doivent perdre dans les clairs. L'on en glisse aussi parmi des tailles qui ombrent la pierre, &c. alors il semble qu'il les faut d'égale épaisseur dans leurs petites longueurs, afin d'en obtenir l'effet des entre-tailles. Mais l'usage de ces points longs est rare dans la gravure en bois . Voilà les manoeuvres auxquelles il faut s'exercer, avant que de passer à des sujets. On passera du poirier au buis, des traits aux desseins, & des contours simples aux vuides. Il s'agit maintenant de vuider solidement & proprement la gravure . Dégagez d'abord fermement vos contours avec la pointe, que vous passerez & repasserez dans tout le creux de la gravure qui bordera les champs ou parties de buis qu'il faut enlever & creuser; servez-vous ensuite du fermoir pour enlever autour de ces traits le bois, partie par partie. Le dégagement avec la pointe qui aura précédé, empéchera le fil du bois d'entraîner le fermoir, & les copeaux qu'on séparera, d'en attirer d'autres. L'art de bien vuider a été assez négligé: cu les artistes sont mal outillés pour cette manoeuvre: ou ils ne font consister la perfection que dans les tailles: ou ils sacrifient tout à la diligence, négligent la propreté & la solidité, & ne vuident les champs que superficiellement ou grossierement, sans les ragréer, polir, & finir à la gouge; ou ils abandonnent ce travail à des apprentis qui, ne prenant aucune attention pour ne pas appuyer la lame de l'outil sur les traits, les meurtrissent, écrasent, & font égrener: ou qui baissant trop le coude en agissant, & tenant la lame du fermoir ou de la gouge presque de niveau au plan sur lequel la planche est posée, font passer l'outil tout au-travers de la gravure , & la défigurent par sept à huit échapades ou breches: ou qui ne contenant pas leur main droite par la gauche, vont donner du taillant de l'outil au pié d'un contour ou d'une taille qu'ils coupent, cassent, ou ébrechent tout-à-fait. On ne répare ces accidens que par des pieces; & cette réparation laisse toûjours de très-mauvais effets. D'ailleurs le vuider peu profond & grossier, fait que des places qui doivent être blanches, viennent maculées d'encre. Pour bien vuider une planche, il faut être assis plus haut que pour la graver. Cela fait, on plante une cheville dans un des trous répandus à distance sur l'établi, pour y appuyer l'ouvrage s'il en est besoin. On a un fermoir dans la main droite: ce fermoir doit être de moyenne largeur, comme de deux lignes ou environ: la partie du bouton de son manche est placée dans la main, comme on voit fig. 3 . Pl. 3 . le biseau du taillant de l'outil en A , & un peu do l'épaisseur de la lame, paroissant du côté droit sur toute sa longueur. On tient la planche de la main gauche: on écarte le pouce on B, fig. 4 . pour recevoir & soûtenir, comme en C , le bout du pouce de l'autre main qui tient le fermoir; par ce moyen la lame de l'outil appuyée du côté gauche en O , peut facilement glisser d'environ la longueur de quatre lignes seulement; en avançant & retirant vers le creux de la main les quatre autres doigts. C'est ainsi que l'outil va & vient à discrétion dans le bois. Cependant cette position n'est encore que préparatoire; pour dégager, on tirera le bras droit assez, pour que l'outil poussé entre diagonalement dans le bois: alors la situation des mains changera, prendra celles qu'on a représentées fig. 5 . & 6. & l'on vuidera sans danger. Le bois ainsi ébauché & enlevé dans toute une longueur à volonté, on y repassera le fermoir pour la polir par-tout, jusqu'à la base des contours ou traits. Si l'on sent en dégageant que l'on est dans le fil du bois, & qu'on en est entraîné, on reprendra la pointe qu'on repassera au pié du trait; ou pour le mieux, on enfoncera moins l'outil par le côté du fil, qu'à contre-fil. S'il y a des petites parties à vuider qui n'exigent pas de dégagement avec le fermoir, il faut les vuider en plain avec les outils proportionnés à leurs espaces. On voit fig. 7 . une planche entierement dégagée avec le fermoir. Il s'agit de vuider les grands champs comme en L. Il y faut procéder à coups de maillet avec des gouges proportionnées, comme on voit dans la vignette. On commencera cette manoeuvre à contre-fil: puis de droit fil; l'on formera ainsi un bloc de copeau qu'on enlevera. On réparera ensuite ces creux à la gouge sans maillet, plaçant les mains comme nous les avons montrées ci-dessus, & conduisant l'outil de maniere à ne faire aucune échapade. Plus les places à vuider seront grandes, plus il faudra les creuser, afin que les balles & le papier n'y atteignent pas à l'impression. Ainsi une place d'un pouce de diametre sera creusée d'environ 3 lignes, & ainsi des autres à proportion. Les parties à vuider sur les bords d'une planche sans filets, comme aux fleurons, aux figures de Mathématiques, &c. le seront à coups de gouges & de maillet, & presqu'à moitié de leur épaisseur sur leurs extrémités, pour peu que les places soient grandes, afin d'empêcher les balles & le papier d'y atteindre. Ces places n'étant point soûtenues, les balles y pochent plus, & il y faut vuider plus creux, plus d'à-plomb, & plus en fond qu'ailleurs. Voyez Pl. III . fig. 10 . Malgré toutes ces précautions, s'il arrive qu'on fasse quelqu'échapade, qu'il y ait quelque trait ou taille brisée, éclatée, il y faut remédier par une piece, ainsi que nous allons l'indiquer. Vuider & mettre pieces . Si bien mises que soient des pieces, elles peuvent se renfler à l'impression, après avoir été mouillées, ou par d'autres causes, excéder le reste de la superficie, & marquer plus noir; ou si elles n'excedent pas, laisser leurs limites sur l'estampe. Si une planche est échapadée, on prendra un fermoir de grandeur convenable; on en tounera le biseau vers le dedans du trou qu'on veut pratiquer à l'endroit échapadé: & l'on fera ce trou qu'on tiendra d'abord plus petit. On tracera les limites du trou à petits coups: puis avec un fermoir plus petit, l'on enlevera tout le bois de l'enceinte. L'attention principale, c'est de ne pas froisser ou meurtrir les traits contigus à cette ouverture. On la creusera de deux lignes plus profonde que le trait ébreché. On en planira le fond: on en unira bien les côtés; on la repassera à la main & au fermoir: on en rendra les bords bien vifs & bien nets: on observera de la creuser un peu plus large à son fond qu'à son entrée, afin que la piece y entre facilement, s'y étende, & se resserre d'autant à sa surface. Cela fait, on taillera un morceau de bois, de maniere à remplir ce trou le plus exactement qu'il sera possible; on l'y placera le bois plein tourné en-dessus, & le bois debout tourné vers un des côtés: après avoir enduit toute l'ouverture d'un peu de colle-forte ou de gomme arabique, ou même sans cette précaution, on l'enchâssera fortement à l'aide d'un maillet & d'un morceau de bois qu'on appuyera dessus, & sur lequel on frappera. On enlevera ensuite avec un fermoir l'excédent de la piece: on la polira: on dessinera dessus, & l'on recommencera de graver sur la piece, comme on a gravé sur le reste de la planche. Des passes-par-tout . L'on entend par ce mot des morceaux de bois troüés, où l'on place telle lettre de fonte que l'on veut. Pour les bien faire, prenez un morceau de bois équarri, de la hauteur de la lettre: tracez dessus & dessous au trusquin le trou que vous y voulez percer. Arrêtez ensuite votre bois dans l'entaille: évuidez-le dessus & dessous au fermoir, à une ligne ou deux de profondeur; puis le transportant de l'entaille dans un étau, arrêtez-le dedans, & le percez d'un ou de plusieurs trous avec un vilebrequin, jusqu'à moitié de l'épaisseur du bois. Faites-en autant de l'autre côté. Remettez-le ensuite dans l'entaille, & avec des fermoirs de différentes formes, achevez d'emporter le bois qu'occupe l'intérieur du trou que vous avez à percer. Cela fait, polissez-en l'intérieur & les bords: tracez à la plume ce que vous y voulez graver, & achevez. Epreuves . Voici comment on aura des épreuves de son ouvrage sans recourir à l'imprimeur. On mouillera à l'éponge, ou l'on trempera son papier ou deux à deux, ou quatre à quatre, ou six à six feuilles; on intercallera chaque feuille trempée avec des feuilles seches; on le maniera, changera de côté, mêlera, quelques heures après la trempe, & le séjour de quelques heures sous la presse dont nous avons parlé parmi les outils. On aura du noir d'imprimeur qu'on broyera sur le marbre: on en touchera la balle: l'on promenera la balle sur la planche: on étendra une feuille sur la planche enduite de noir, & l'on passera le rouleau sur la feuille. On aura par ce moyen une épreuve sur laquelle on pourra retoucher son ouvrage. L'art de retoucher est sans contredit la partie la plus difficile de la gravure en bois . Retoucher . On ne renouvelle pas par la retouche une planche en bois, comme une planche en cuivre. On ne rétablit pas la taille d'épargne, s'il arrive qu'elle soit écrasée, ou devenue filandreuse par le mouillage & le long service; ou si l'on répare ainsi quelques ouvrages, ce sont des morceaux grossiers, & non des gravures délicates. Ce seroit plûtôt fait de regraver une autre planche. Nous entendons par retoucher , revenit sur une planche nouvelle, pour la perfectionner, en affoiblissant les traits & les contours qu'on trouve trop durs, trop roides, ou trop marques. Tout se réduit ici à exhorter le graveur à faire cette retouche le plus judicieusement qu'il pourra, réfléchissant sur-tout qu'il ne suppléera pas le bois qu'il aura enlevé mal-à-propos. Nous en dirons davantage plus bas, où nous exposerons d'après M. Papillon les ressources qu'il a imaginées & portées dans son art. Impression . Lorsque la planche est sortie des mains du graveur, c'est souvent à l'imprimeur, pour qui elle est destinée, à la faire valoir son prix. Les pressiers prennent une seule fois de l'encre pour cinq épreuves: d'où il peut arriver que les premieres soient pochées, les secondes boüeuses, & les dernieres grises; premier défaut à éviter. Il faudroit à chaque épreuve prendre de l'encre, & n'en prendre que ce qu'il faut; avoir des balles moins pesantes, toucher avec ménagement & moins de promptitude, en un mot user des précautions nécessaires. Si le papier est trop sec, la gravure viendra neigeuse: autre défaut. La gravure est neigeuse lorsque les tailles & les traits sont confondus, & qu'on n'apperçoit que des petits points vermichelés. Si le papier est trop humide, on aura des taches, ou places dans lesquelles l'estampe aura trop ou n'aura pas assez pris de noir. Si la planche est plus haute que la lettre, il faut qu'elle vienne pochée. Laissez-la de niveau avec la lettre, le tympan foulera toûjours assez; ou si l'empreinte n'est pas assez forte, vous aurez toûjours la ressource des hausses. Il ne faut pas tenir une planche en bois pour usée lorsqu'elle donne des épreuves grises ou neigeuses. On se laisse dans ce jugement tromper par une conformité qu'on suppose, & qui n'existe pas entre la gravure en cuivre & la gravure en bois . Il faut savoir que la gravure en cuivre, lorsqu'elle est usée, tous les traits s'affoiblissent & s'effacent; & qu'au contraire à la gravure en bois , les tailles se confondent, le pâtent, & ne font plus qu'une masse. Supplément . Il est peu de graveurs qui ne sachent ce que nous avons dit jusqu'à présent sur la gravure en bois . Nous allons ajoûter ici par supplément ce que M. Papillon a découvert, & ce qui lui appartient en propre dans cet art. La premiere de ses découvertes est relative à la maniere de creuser & de préparer le bois pour graver des lointains ou parties éclairées, & de gratter les tailles déjà gravées, pour les rendre plus fortes & les faire ombrer davantage. La seconde est relative à la maniere de retoucher proprement la gravure en bois . Nous finirons par ses idées sur la méthode d'imprimer les endroits creux. Pour creuser à une planche, un lointain, un ciel, ou autre chose, on dessinera tout le reste, à la réserve de ces objets. Ensuite pour ébaucher le creux, on prendra une gouge de la grandeur convenable; on enlevera le bois peu-à-peu, & à contre-fil, autant qu'on pourra: & l'on en ôtera peu sur les bords, afin que la pente du creux y commence en douceur, & qu'elle aille imperceptiblement eu glacis. Cela est important. Si les bords étoient creusés trop profonds ou à-plomb, la gravure ne marqueroit pas en ces endroits quand on imprimeroit, la balle ne pouvant y atteindre; & quand la balle y toucheroit, les hausses qu'on seroit forcé de mettre au tympan, feroient casser le papier à ces bords du creux. Il en arriveroit de même au rouleau, lorsqu'on appuyeroit le bout des doigts pour faire venir la gravure aux endroits creusés. On polira cette ébauche avec la même gouge, le plus proprement qu'on pourra, afin d'avoir moins a travailler au grattoir à creuser. La lame de ce dernier instrument se fera avec un bout de ressort, comme la pointe à graver. On la trempera plûtôt molle que seche, afin qu'étant aiguisée, le morfil y tienne mieux. Il faut qu'elle soit tranchante sur l'épaisseur de la lame, comme au racloir ou grattoir ordinaire; il faut que cette partie soit courbe à droite & à gauche, & non de niveau comme à un fermoir. Les angles feroient des rayures qu'on auroit beaucoup de peine à atteindre & à effacer. On prendra garde de ne point trop creuser l'endroit que l'on voudra graver. Il ne faut donner qu'une demi-ligne de creux à un espace d'un pouce, & cela encore à l'endroit le plus profond. Le creux étant ébauché parfaitement à la gouge, on le repassera & polira au grattoir à creuser, jusqu'à ce qu'il ait la concavité convenable, & qu'il soit sans rayures, inégalités, & dentelures. Pour l'achever, on se servira de la prêle. Ce creux étant fini, on le frottera avec du sandarac en poudre, & l'on y dessinera ce qu'on voudra graver. Si c'est un ciel, un horison, une riviere, ou un autre objet qui exige des tailles horisontales ou perpendiculaires, on y tracera d'abord des lignes d'espace en espace avec le trusquin. Sans ces guides, on ne graveroit jamais les tailles de niveau ou à-plomb. On les croiroit telles: elles le paroîtroient, & elles ne produiroient point cet effet à l'épreuve: elles seroient plus ou moins courbées par leurs extrémités; c'est la suite du plus ou moins de profondeur du creux. Il faudra graver un peu plus à-plomb que de coûtume sur le glacis d'un endroit creusé, afin que la gravure ne soit point faite ni couchée sur le même plan de ce glacis, ce qui la rendroit sujette à pocher ou à s'engorger d'encre. On levera le coude ou le poignet en y gravant, sans quoi on risquera de sentir la pointe s'arrêter par l'extrémité du manche aux bords supérieurs de l'endroit creusé. Il faut aussi que la gravure soit plus profonde sur le glacis, & les traits des bords plus à-plomb, par les mêmes raisons. On veillera à n'y point couper les tailles par le pié: pour peu qu'on s'oubliât & qu'on ne contînt pas sa pointe fortement, la pente du glacis rejetteroit l'outil en-dehors en faisant les coupes, & le repousseroit en-dedans en faisant les recoupes, ce qui occasionneroit nécessairement l'accident qu'on a dit. Pour rendre des tailles plus fortes ou plus épaisses qu'elles n'auroient été gravées, & qu'elles ne paroîtront à une premiere épreuve, on grattera legerement leur superficie avec le grattoir à creuser, ou plûtôt à ombrer, parce que celui-ci n'étant presque point courbe, on en avancera plus facilement l'ouvrage. On choisira celui de ces grattoirs qui mordera le moins & l'on grattera l'endroit à retoucher autant qu'il sera possible, opérant dans le sens du fil du bois; autrement on pourroit rendre les tailles barbelées. On évitera de les gratter sur leurs travers, de crainte que le grattoir ne les égrene en sautillant de taille en taille. On brossera avec une petite brosse, on soufflera sur la gravure , afin de chasser la raclure du bois qui resteroit & rempliroit l'entre-deux des tailles. Quand les tailles grattées paroîtront plus épaisses, on tirera une seconde épreuve de la planche. Si les tailles grattées ne semblent pas encore assez fortes, on recommencera; & ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit satisfait. Cependant il faut procéder avec circonspection. On ne rendra point très-épaisses des tailles qui auront été gravées très-fines & un peu écartées les unes des autres; il faudroit atteindre à la racine des tailles: & alors les tailles trop profondes ne viendroient plus à l'impression. Il ne faut pas que le milieu des endroits grattés soit plus bas qu'un quart-de-ligne, ou tout-au-plus une demi-ligne. Le plus ou moins de profondeur doit dépendre du plus ou moins d'étendue de gravure que l'on grattera. Il faut encore observer de former un glacis imperceptible qui, à mesure qu'on approchera des bords de l'endroit qu'on grattera, soit un peu plus relevé & anticipe en s'éteignant, en se perdant sur la gravure qui sera autour. Ce travail est très nécessaire pour faciliter le tirage des épreuves; autrement les tailles grattées auront peine à marquer à l'impression, & la peine d'ajuster des hausses au tympan seroit embarrassante. On est toûjours maître de retoucher & de baisser un peu avec la pointe à graver les tailles où l'on a formé ce glacis, quand on s'apperçoit que le grattoir les a rendues trop épaisses. Cependant je ne peux nier que cette pratique de gratter les tailles pour les rendre plus fortes, ne m'ait fait souvent observer qu'elles devenoient inégales & brouillées, se pâtoient, & ne faisoient plus qu'une partie matte & noire. La pointe ayant enlevé le bois inégalement dans le fond des tailles par la coupe & par la recoupe, & comme il est impossible de l'enfoncer également par-tout, soit parce qu'il y a des veines dans le bois plus tendres les unes que les autres, soit par l'incertitude de la main & de l'outil, à mesure qu'en grattant l'on a plus approché du fond des tailles, on les a confondues davantage. Le seul remede qu'il y ait, c'est de repasser legerement la pointe dans les mêmes coupes & recoupes, & d'enlever le bois qui empéche le blanc de paroître net & égal. Cette remarque est importante. Alors la retouche est nécessaire, à-moins que le mauvais effet ne vînt de la poussiere retenue entre les tailles, d'où on la chassera avec une pointe à calquer, fine, & non mordante, qu'on essuyera à chaque instant, à mesure qu'on s'en servira. La poussiere peut tenir fortement, mêlée avec le noir qui la mastique, pour ainsi dire, dans la gravure . On peut creuser également le cormier, le poirier, &c. pour graver selon la méthode de M. Papillon; mais il faut en polissant suivre le fil du bois; si le grattoir avoit été employé à contre-fil, on ne pourroit plus polir proprement. Il en faut dire autant des tailles que l'on gratteroit pour les rendre plus nourries, après avoir été gravées. Quelques personnes s'étoient apperçûes que les creux des planches de M. Papillon étoient travaillés singulierement; des graveurs en bois l'ont questionné là-dessus: malgré cette observation de leur part, M. Papillon ne connoît aucun artiste qui ait encore tenté de creuser une planche avant de la graver. Ceux qui savent que l'on peut retoucher la gravure en bois , croyent que ces creux sont produits par la fréquence des retouches; & ce nombre même est très-petit: presque personne ne croyant qu'on puisse retoucher une planche après une premiere épreuve. Quant à l'art de fortifier des tailles & de les faire ombrer davantage, il pense aussi qu'aucun graveur ne s'en est avisé, & il ajoûte qu'il n'en est pas surpris, & que cette manoeuvre lui paroîtroit absurde à lui-même, si l'expérience qu'il en fait ne la justifioit. De la maniere de retoucher proprement . Il n'y a presque pas un morceau gravé en bois, qui n'ait besoin après la premiere épreuve, d'être retouché, quelque net qu'il paroisse, à-moins qu'il ne soit de forte taille, comme une affiche de comédie, &c. Les pieces délicates ne peuvent rester gravées au premier coup, parce que destinées pour l'imprimerie en lettre, & la presse les foulant beaucoup plus que le rouleau, une épreuve imprimée au rouleau paroîtra bien nette, & cependant toutes les tailles déliées en viendront trop dures, si on la tire à la presse. On ne peut donc alors se dispenser de retoucher. Pour n'avoir pas toûjours à regarder en gravant, un dessein, à contredit de celui qui seroit sur la planche, lorsqu'il s'agiroit d'y placer & graver les ombres: M. Papillon lave à l'encre de la Chine ses desseins sur le bois même: ce qui épargne du tems & donne du feu. Alors il ne fait qu'un croquis au crayon rouge, qui se calque sur la planche, qui se rectifie ensuite à la mine-de-plomb, & qu'il finit à l'encre & à la plume, traçant, lavant, & ombrant. Mais qu'arrive-t-il de-là? c'est que l'encre de la Chine qui a servi à ombrer, peut former sur la planche une certaine épaisseur. Alors, avant que de faire une premiere épreuve, on prendra une éponge & de l'eau, on nettoyera la planche, on la laissera secher, & l'on tirera l'épreuve. Si l'on s'apperçoit qu'il y ait beaucoup à retoucher, on n'essuyera pas la planche avec une autre épreuve faite sans avoir pris de l'encre, afin de pouvoir distinguer facilement les tailles, & remarquer les endroits où il faudra les adoucir & abaisser, en les retouchant avec la pointe à graver. Si on veut éviter de se salir les doigts, on laissera sécher la planche un jour ou deux. La vûe se reposera pendant ce tems; car fatiguée d'une application assidue d'un mois ou deux sur une même planche, elle n'en peut presque pas juger la premiere épreuve. Pour retoucher on aura devant soi son épreuve; on n'oubliera pas que les tailles de la planche sont à contre-sens de l'estampe; on verra si une taille est trop épaisse seulement en quelques endroits ou sur toute sa longueur; on la diminuera de son épaisseur par le côté convenable, égalisant autant qu'il est possible la distance de cette taille à la suivante, avec les autres entre-deux ou distances de tailles; on veillera à ne point trop ôter de bois, sans quoi la taille sera perdue: on aura soin de brosser à mesure qu'on avancera, afin que les petits copeaux ne restent pas dans la gravure . On sent combien le dessein est nécessaire dans la retouche, soit pour ne pas estropier un coutours, déplacer un muscle, pécher contre le clair-obscur; soit en diminuant le trait par le côté opposé à celui qu'il falloit choisir, enflant ou amaigrissant mal-à-propos; soit en revenant sur des tailles qui étoient bien, rendant clair ce qu'il falloit laisser obscur, courbant ce qu'il falloit redresser, redressant ce qu'il falloit courber, &c. Quand on sera obligé de retoucher ou diminuer, par exemple, l'épaisseur du trait A par le côté où il tiendra aux tailles B , on le fera taille par taille, c'est-à-dire qu'on appuyera un peu la pointe au côté de la coupe d'une taille, à son extrémité, sur le trait duquel on fera entrer le taillant de la pointe, suivant à-peu-près l'épaisseur du bois qu'on voudra ôter au trait. On fera la même chose vis-à-vis sur le côté de la recoupe de la taille, qui est au-dessus de celle dont on vient de parler. Cela fait, on retouchera le trait enlevant le bois depuis une taille jusqu'à l'autre, comme on voit par les points de la figure suivante; ce qui fera trois coups de pointe à donner entre ces deux tailles. Trait A , tailles B, C partie retranchée du trait. C'est ainsi qu'il faut s'y prendre pour retoucher le trait du côté où il tient à des tailles; car si l'on faisoit d'abord une coupe en passant la pointe dans l'épaisseur du trait & dans toute sa longueur, pour couper & recouper ensuite le bois en-travers taille par taille; cela seroit coupe sur coupe, & toutes les tailles seroient infailliblement endommagées, interrompues par le bout, & ne tiendroient plus au trait; elles en seroient séparées par l'ancienne coupe faite en cet endroit pour le former & pour dégager les tailles; le bois se sépareroit de lui même en cet endroit, & l'on ne pourroit y remédier. C'est de la même maniere qu'on retouchera les gravures aux endroits qu'on aura creusés, & s'il est nécessaire, où l'on aura gratté des tailles, observant de tenir toûjours la pointe plus à-plomb sur le glacis des endroits creusés & des tailles grattées. Après avoir retouché, on tirera une seconde épreuve, qu'on retouchera si le trait & les tailles ne paroissent pas encore assez adoucis; puis une troisieme & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on soit satis fait de son ouvrage. On gardera dans un porte-feuille les premieres épreuves de chaque planche, selon l'ordre où elles auront été tirées avant & après les retouches, & l'on connoitra par comparaison les progres qu'on fera d'annee en année. Les Holbeins, Bernard Salomon & C. S. Vichem ont retouché quelques-uns de leurs morceaux en bois, à la pointe a graver; mais seulement à certains endroits, à l'extrémité des tailles éclairées: jamais dans les grandes parties; & sur les estampes que M. Papillon a d'eux, il pretend qu'ils ne l'ont fait qu'une fois à chacune de leurs planches, excepté celle de la bible d'Holbein, où Abisaig est à genoux devant David, & où la retouche est très-sensible aux traits de la montagne que l'on voit par la croisée de la chambre; quelques figures emblématiques de Bernard Salomon, & autres morceaux de C. S. Vichem. Il est sûr que ces graveurs habiles entre les anciens n'ont point retouché de lointains ni de ciel; & que parmi les modernes, MM. Vincent le Sueur, son trere Pierre, Nicolas fils de ce dernier, sont les seuls qui ayent retouché leurs gravures à de grandes parties. Le pere de M. Papillon n'avoit pas cet usage, & M. son fils dit que c'est une des raisons pour lesquelles ses gravures manquent d'effet. Maniere de bien imprimer les endroits creuses de la gravure . On fera atteindre le papier aux en droits creusés, soit avec le doigt, le pouce, ou la paume de la main, selon leur étendue, lorsqu'on imprimera au rouleau: ce secours ne sera pas nécessaire à l'impression en lettres, où l'on a celui des hausses & de la foule du tympan, qu'il faut toutefois savoir préparer. On collera un morceau de papier ou deux à l'endroit du tympan, qui répondra au creux de la planche. Il faut que ces papiers occupent toute l'étendue du creux. Sur ces premiers papiers on en collera d'autres, qui iront toûjours en diminuant jusqu'au centre. Il ne faut pas couper ces morceaux avec des ciseaux, mais en dechirer les bords avec les ongles. Sans cette attention, l'épaisseur du papier formera une gaufrure & un trait blanc à l'épreuve. Si un lointain ou un autre endroit creusé vient trop dur à l'impression, il faudra mettre une ou plusieurs hausses au tympan de toute l'etendue de la planche; mais découper ces hausses & en ôter le papier à l'endroit qui répondra au lointain, ou même, sans employer de hausses, découper la feuille du tympan à l'endroit convenable. On pourroit même dans un besoin y découper le parchemin du tympan, & le premier lange ou blanchet. Il faudra que les blanchets ayent déjà servi; neufs, ils feroient venir la gravure trop dure. Voilà tout ce que nous avons cru devoir employer des mémoires très-savans & très-étendus que M. Papillon nous a communiqués sur son art: la réputation & les ouvrages de cet artiste doivent répondre de la bonté de cet article, si nous avons bien sû tirer parti de ses lumieres. Au reste ces principes sont les premiers qui ayent jamais été publiés sur cet art, & ils sont tous de M. Papillon; nous n'avons eu que le petit mérite de les rédiger. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en creux sur le bois & de dépouille Author=Diderot|Papillon Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en creux * Gravure en creux sur le bois & de dépouille . L'on a par le moyen de cette gravure , des empreintes de relief en pâte, terre ou sable préparés, beurre, cire, carton, &c. des sceaux, des cachets, des armoiries de cloche à cire perdue; des figures pour la pâtisserie, les desserts, les sucreries, &c. Il est vraissemblable qu'on a commencé à graver sur le bois, avant que de graver sur aucune matiere plus dure; & il ne l'est pas moins que la gravure en creux , appellée anciennement engravure , a précédé la gravure . Il faut distinguer deux sortes de gravure en creux , relativement aux outils dont on s'est servi; l'une en gouttiere exécutée avec des outils tranchans, tels que le couteau, le fermoir, le canif & la gouge; l'autre plus parfaite, travaillée à la gouge plus ou moins courbe; le fermoir & la pointe à graver n'y sont que rarement employés: de-là & ses vives arêtes & ses bords adoucis, & son caractere de dépouille que n'a point la premiere dont les angles & les vives arêtes aigues sont sujets à retenir des parties des substances molles sur lesquelles on veut avoir les reliefs des gravures . Les anciens n'ont guere connu d'autres gravures que celles-là, si l'on y ajoûte celles qu'ils opéroient avec le fer brûlant. Il faut pour la gravure en bois & de dépouille , donner la préférence au buis qui se polit mieux qu'aucun autre bois; & la manoeuvre principale consiste à faire ensorte que les parties creusées, quelles qu'elles soient, ne soient point coupées, soit perpendiculairement au plan de la planche, soit en-dessous. Il faut que les enfoncemens aillent en pente depuis leurs bords jusqu'à leurs fonds, & qu'ils n'ayent en général aucune gouttiere ni aucune saillie trop aigue; le relief qui en viendroit seroit desagréable, à-moins que l'objet représenté ne l'eût exigé. Les parties creusées à deux, trois reprises, sont celles qui demandent le plus d'attention. L'écusson d'une armoirie, par exemple, étant creusé d'un demi-pouce de profondeur, comme nous l'avons prescrit; si cet écusson a un surtout, on le fera de deux lignes plus profond que le reste, & les figures qu'il portera, d'une ligne ou d'une demi-ligne. Quant aux petites parties qui pourront se faire à la main, d'un seul coup de gouge ou de fermoir, il faudra les couper nettes jusqu'au fond. On montera sur des manches les parties d'un ouvrage qui seront isolées, & qui se rapporteront dans l'usage les unes à côté des autres. Si l'ouvrage & le manche étoient d'une piece, comme il arrive quelquefois, le graveur se trouveroit souvent dans le cas de travailler sur un bois debout, & de couper à contre-fil; ce qui rendroit la gravure ingrate & mauvaise. Dans ces cas on fera tourner le manche, & à l'extrémité du manche on pratiquera une entaille, dans laquelle on enchâssera une piece sur laquelle on gravera; observant seulement que les bords de ces pieces ayent les contours nécessaires bien évidés, pour enlever les reliefs qu'on aura à en tirer. On voit que si le graveur a à travailler sur un rouleau fait au tour, il y trouvera son avantage; la forme lui donnant les ronds, quarts de ronds & autres bosses, qu'il auroit été obligé de tirer d'une surface plane. Les pieces isolées demandent des doubles planches & des parties creusées à contredit les unes des autres; il faut que les contours s'y correspondent avec beaucoup de précision, afin qu'appliquées l'une d'un côté, l'autre de l'autre, la pâte entre deux, le relief vienne comme on le desire. C'est la suite de l'exactitude des repaires, & de la parfaite ressemblance des deux morceaux gravés. Gravure en bois d'une forte taille . C'est la même chose que la gravure ordinaire, avec cette différence qu'à celle-là les tailles sont plus grossieres: ce sont les mêmes manoeuvres & les mêmes outils; il faut seulement que les pointes soient plus épaisses, plus fortes de lames, & plus obliques à la premiere partie du chef. C'est en cette gravure que sont les planches de dominoterie, de papiers de tapisserie, les affiches, les moules de cartes, les planches des toiles peintes, les enseignes des marchands, les desseins de jupons, &c. Gravure en bois matte & de relief . C'est un diminutif de la précédente. Les grosses lettres d'affiches, les masses de rentrées pour les camayeux, & les toiles peintes, sont gravées de cette maniere. Elle est à l'usage des Fondeurs: c'est par son moyen qu'ils obtiennent en creux la terre ou le sable où ils coulent les métaux. Le graveur doit observer en leur faveur de graver ses traits & contours un peu en talud; ils en feront plus de dépouille, & le creux ne retiendra aucune partie du métal, quand il s'agira d'en retirer la piece. Les planches de cuivre & autres ouvrages obtenus par cette manoeuvre, se reparent & s'achevent au ciselet: mais la gravure en bois a donné les grosses masses; ce qui a épargné beaucoup d'ouvrage à l'artiste, qui, sans ce moyen, auroit été obligé d'exécuter au burin de grandes parties. Cet article & le suivant sont encore tirés des mém. de M. Papillon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en bois, de camayeu, ou de clairobscur, de relief, à tailles d'épargne & à rentrées, ou à plusieurs planches Author=Diderot|Papillon Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en bois * Gravure en bois , de camayeu, ou de clairobscur, de relief, à tailles d'épargne & à rentrées, ou à plusieurs planches , formant autant de teintes par dégradation sur l'estampe. Le camayeu est très-ancien, s'il est vrai que ce fut de cette maniere de peindre d'une seule couleur, qu'un certain Cléophante fut surnommé chez les Grecs le Monochromate . Quant à la gravure en camayeu, il est vraissemblable qu'elle a pris naissance chez quelques-uns de ces peuples orientaux, où l'usage de peindre leurs toiles par planches à rentrées & couleurs différentes, subsiste de tems immémorial. La gravure en bois conduisit à l'invention de l'Imprimerie en lettres; & les premieres rentrées de lettres en vermillon qu'on voit dans des livres dès 1470 & 1472, exécutées par Guttemberg, Schoeffer & autres, suggérerent sans doute à quelque peintre allemand d'imiter les desseins faits avec la pierre noire sur le papier bleu & rehaussés de blanc, avec deux planches en bois à rentrées, une pour le trait noir, & l'autre pour la teinte bleue, avec les rehauts ou les hachures blanches reservées dessus. Cette découverte a précédé l'année 1500. On voit de ces estampes ou premiers camayeux datés de 1504, qui ne sont pas sans mérite. Il y en a d'un goût gothique de Martin Schon, d'Albert Durer, de Hans ou Jean Burgkmaïr, & de leurs contemporains. Lucas de Leiden, Lucas Cranis ou de Cronach, Sebald, & presque tous ceux qui travailloient alors pour les Imprimeurs en lettres, ont gravé à deux planches ou rentrées. Les Italiens s'appliquerent aussi à ce genre, après les Allemands. Voici ce qu'on en lit dans Felibien: « Hugo da Carpi, dit cet auteur, publia dans ses principes d'Architecture une maniere de graver en bois, par le moyen de laquelle les estampes paroissent comme lavées de clair-obscur: il faisoit, pour cet effet, trois sortes de planches d'un même dessein, lesquelles se tiroient l'une après l'autre sous la presse, sur une même estampe; elles étoient gravées de façon que l'une servoit pour les jours & grandes lumieres; l'autre pour les demi-teintes, & la troisieme pour les contours & les ombres fortes ». Abraham Bosse qui a traité de tous les genres de gravure , a aussi parlé de la maniere de graver de Hugo da Carpi. « Au commencement du seizieme siecle, dit Bosse, on imagina en Italie & en Allemagne l'art d'imiter en estampes les desseins lavés, & l'espece de peinture à une seule couleur, que les Italiens appellent chiaro scuro , & que nous connoissons sous le nom de camayeu ». On voit par l'historique qui précede, que la gravure en camayeu est beaucoup plus ancienne que Bosse ne la fait. Il ajoûte « qu'avec le secours de cette invention, on exprima le passage des ombres aux lumieres & les différentes teintes du lavis; que celui qui fit cette découverte s'appelloit Hugo da Carpi (autre erreur de Bosse), & qu'il exécuta de fort belles choses d'après les desseins de Raphael & du Parmesan ». Voici exactement ce que Hugo da Carpi exécuta, au jugement de M. Papillon graveur en bois, qui a mieux examiné cette matiere qu'Abraham Bosse, & qui nous a communiqué un petit mémoire là-dessus. Hugo da Carpi grava des rentrées ou planches par parties mattes, & employa jusqu'à quatre planches de bois pour une estampe, sans y faire aucune taille, les imprimant d'une seule couleur par dégradation de teintes, chaque planche donnant à l'estampe une teinte différente; il affectoit de se servir de papier gris, afin que les rehauts ou les parties les plus éclairées fussent d'une derniere teinte très-foible, qui se fondit mieux avec celles des planches gravées; & il parvint par cette industrie à donner à ses ouvrages un air de peinture fort voisin du camayeu. Ce secret plut tellement au célebre Raphael, qu'il souhaita que plusieurs de ses compositions fussent perpétuées de cette maniere; il grava lui-même des camayeux en bois, auxquels il mit son initiale ou une R blanche à l'estampe, ou de la teinte la plus claire. Sylvestre ou Marc de Ravenne, mais particulierement François Mazzuolo dit le Parmesan, ont beaucoup gravé de cette maniere, d'après Raphael; ils furent imités par Jérôme Mazzuolo, Antonio Frontano, le Beccafumi, Baldassorne, Perucci, Benedict. Penozzi, Lucas Cangiage, Roger Goltz ou Goltzius, Henri & Hubert de même nom. Le trait des médailles données en camayeu par Hubert Goltzius peintre antiquaire, a été gravé à l'eau-forte. Plusieurs graveurs en ont fait autant depuis, pour avoir des copies plus exactes de desseins de peintres croqués à la plume & lavés de couleur; ressource qui n'est applicable qu'à cet usage, car le trait maigre de l'eau-forte n'a ni la beauté ni l'expression du trait gravé en bois, qui est plus vigoureux & plus nourri. Dès le tems des Goltzius, des graveurs en camayeu varioient leurs rentrées par différentes couleurs du trait, & chargeoient cette gravure de tailles & de contre-tailles; ce qui sortoit du genre, & nuisoit à l'effet du camayeu de Hugo da Carpi. On a des gravures en camayeu de Vanius, Luvin, Dorigny, Bloemart, Fortunius, André Andriam, Pierre Gallus, Ligosse de Veronne, Barroche, Antonio da Trento, Giuseppe Scolari, Nicolas Rossilianus, Dominique Saliene, &c. Cet art fleurit en 1600 sous Paul Molreelse d'Utrecht, George Lalleman, Businck, Stella, ses filles & sa niece, les deux Maupins, le Guide, Coriolan & Jean Coriolan; en 1650, sous Chistophe Jegher, qui a gravé d'après Rubens, Montenat, Vincent le Sueur qui n'y a pas réussi, Nicolas qui en a exécuté avec plus de succès pour M. Crozat & M. le comte de Caylus. François Perrier peintre de Franche-Comté, imagina, il y a environ cent ans, de graver à l'eau-forte toutes ses rentrées de camayeu; ce qui, selon Bosse, avoit déjà été tenté par le Parmesan, qui avoit abandonné cette maniere qui lui avoit paru trop mesquine. Elle se faisoit à deux planches de cuivre, dont l'une imprimoit le noir, & l'autre le blanc sur papier gris: mais ces estampes étoient sans agrément & sans effet, & Perrier abandonna ses planches de cuivre pour revenir à celles de bois. Après ce petit historique, passons maintenant à la manoeuvre de l'art. Voici comment Bosse explique la manoeuvre de Hugo da Carpi. « Il faut, dit-il, avoir deux planches de pareille grandeur, exactement ajustées l'une sur l'autre: on peut sur l'une d'elles graver entierement ce que l'on desire, puis la faire imprimer de noir sur un papier gris & fort; & ayant verni l'autre planche comme ci-devant, & l'ayant mise le côté verni dans l'endroit de l'empreinte que la planche gravée a faite en imprimant sur cette feuille, la passer de même entre les rouleaux: ladite estampe aura fait sa contre-épreuve sur la planche vernie. Après quoi il faut graver sur cette planche les rehauts, & les faire fort profondément creuser à l'eau-forte. On peut exécuter la même chose avec le burin, & même plus facilement. La plus grande difficulté dans tout ceci est de trouver du papier & une huile qui ne fasse point jaunir ni roussir le blanc: le meilleur est de se servir d'huile de noix très-blanche & tirée sans feu, puis la mettre dans deux vaisseaux de plomb, & la laisser au soleil jusqu'à ce qu'elle soit épaissie à proportion de l'huile foible dont nous allons parler. Pour l'huile forte, on laissera l'un de ces vaisseaux bien plus de tems au soleil. Il faut ensuite avoir du blanc de plomb bien net, & l'ayant lavé & broyé extrèmement fin, le faire sécher & en broyer avec de l'huile foible bien à sec, & après l'allier avec de l'autre huile plus forte & plus épaisse, comme on fait pour le noir. Puis ayant imprimé de noir ou autre couleur sur du gros papier gris, la premiere planche qui est gravée entierement, vous en laisserez sécher l'impression pendant dix à douze jours: alors ayant rendu ces estampes humides, il faut encrer de ce blanc la planche où sont gravés les rehauts, de la même façon que l'on imprime ordinairement, l'essuyer, & la poser ensuite sur la feuille de papier gris déjà imprimée, ensorte qu'elle soit justement placée dans le creux que la premiere planche y a faite, prenant garde de ne point la mettre à l'envers, ou le haut en bas. Cela fait, il ne s'agit plus que de faire passer entre les rouleaux ». Ce discours d'Abraham Bosse est louche en plusieurs endroits. Nous allons tâcher d'exposer la maniere de graver en camayeu, d'une maniere plus précise & plus claire. Les planches destinées à la gravure en camayeu se feront de poirier préférablement au buis; parce que sur le premier de ces bois les masses prennent mieux la couleur que sur le second. Il ne faut pas d'autres outils ni d'autres principes que ceux de l'article précédent sur la gravure en bois . Il faut graver autant de planches ou rentrées que l'on veut faire de teintes. Les plus grands clairs ou les jours, comme hachures ou rehauts de blanc, doivent être formés en creux dans la planche, pour laisser au papier même à en donner la couleur. Quelquefois on gravera sur cuivre, à l'eau-forte, le trait de l'estampe, sur-tout si l'on ne peut imiter le croquis original tracé à la plume & lavé, sans que ce trait soit fort délié. Le mérite de cette gravure consistera principalement dans la justesse des rentrées de chaque planche ou teinte: on y réussira par le moyen des pointes ajustées & de la frisquette, comme à l'impression en lettres; mais mieux encore par la presse en tailledouce, & d'une machine telle que celle dont nous allons donner la description. Lorsque les planches ou rentrées d'une estampe auront toutes été dessinées fort juste les unes sur les autres, en bois, bien équarries & gravées au nombre de trois au-moins, une pour les masses les moins brunes, où l'on aura gravé en creux les rehauts, une pour les masses plus brunes, & une pour le trait ou les contours & coups de force des figures, chacune n'ayant rien de ce qu'on aura gravé sur une autre; l'on aura une machine de bois de chêne ou de noyer, de l'épaisseur des planches gravées, & à peu de chose près de la largeur de la presse en taille-douce. Cette machine sera composée de trois pieces jointes ensemble par des tenons à mortoise; l'une formée en talud, pour pouvoir être glissée facilement entre les rouleaux de la presse sur la table, & ayant de chaque côté une petite bande de fer fixée avec des vis sur son épaisseur & sur l'épaisseur des deux autres. L'on mettra dans le vuide sur l'espace de la presse, des langes de drap plus ou moins, selon l'exigence, pour que la gravure vienne bien. Il faudra que le papier soit mouillé bien à-propos. On en prendra une feuille, qu'on insérera en équerre, selon la marge qu'on y voudra laisser, sous la piece en talud & sous l'une des deux autres, par-dessus les langes. On encrera de la couleur qu'on voudra, la premiere planche ou rentrée, c'est-à-dire la plus claire, avec des balles semblables à celles des faiseurs de papiers de tapisserie. L'on posera adroitement cette planche du côté de la gravure , sur la feuille de papier qu'on a étendue sur les langes, un peu dessous la piece en talud, & l'une des deux autres. On observera de l'approcher bien juste de l'angle ou équerre de ces pieces. Cela fait, on posera sur la planche quelques langes, maculatures, ou autres choses mollettes, afin que tournant le moulinet, & faisant passer le tout entre les rouleaux, la couleur qui est sur la gravure s'attache bien au papier. Cette teinte faite sur autant de feuilles qu'on voudra d'estampes, on passera avec les mêmes précautions à la seconde teinte; & ainsi de suite. S'il y a plus de trois teintes, on commencera toûjours par la plus claire; on passera aux brunes, qu'on tirera successivement en passant de la moins brune à celle qui l'est le plus, & l'on finira par le trait ou par la planche des contours; ce qui achevera l'estampe en camayeu ou clair-obscur. C'est ainsi (dit M. Papillon) qu'ont été imprimés les beaux camayeux que MM. de Caylus & Crozat ont fait exécuter: c'est ainsi qu'on est parvenu à ne point confondre les rentrées; & c'est de ce dernier soin que dépend toute la beauté de ce genre d'ouvrage. Quant aux couleurs qu'on employera, elles sont arbitraires; on les prendra à l'huile ou la détrempe; le bistre ou la suie de cheminée & l'indigo sont les plus usités; l'encre de la Chine fera fort bien; il en est de même de la terre d'ombre bien broyée, &c. M. de Montdorge observe avec raison dans le mémoire qu'il nous à communiqué là-dessus, qu'il y a grande apparence que les effets de ce genre de gravure , combinés avec les effets de la gravure en maniere noire, ont fait naître les premieres idées d'imprimer en trois couleurs, à l'imitation de la peinture. Cet article a été rédigé d'après l'ouvrage d'Abraham Bosse & celui de Felibien, & les lumieres de M. de Montdorge & de M. Papillon. Quant aux trois articles qui suivent, ils sont tels que nous les avons reçus de M. de Montdorge. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en couleurs, à l'imitation de la Peinture Author=Montdorge Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en couleurs, à l'imitation de Gravure en couleurs, à l'imitation de la Peinture . Cette maniere de graver est un art nouveau, dont la découverte est précieuse à d'autres arts; Jacques Christophe le Plon, natif de Francfort, éleve de Carlo Marate, en est l'inventeur: on doit placer l'époque de cette invention entre 1720 & 1730; l'Angleterre en a vû naître les premiers essais; à peine commençoient-ils à y réussir, que le Blon passa en France (c'etoit en 1737); un rouleau d'épreuves échappées de l'attelier de Londres, composoit alors tout son bien; mais quelques amateurs étonnés de l'effet merveilleux de trois couleurs imprimees sur le papier, voulurent suivre des opérations si singulieres, & se réunirent pour mettre l'inventeur en état de donner des leçons de son art; les commencemens furent difficiles. Quand le Blon travailloit à Londres, c'étoit au centre des graveurs en maniere noire; & cette maniere qui fait la base du nouvel art étoit totalement abandonnée en France. Les effets du nouveau genre de gravure sont les conséquences des principes que le Blon a établis dans un traité du coloris; persuadé que les grands coloristes, que le Titien, Rubens, Vandeyk, avoient une maniere invariable de colorier, il entreprit de fonder en principes l'harmonie du coloris, & de la réduire en pratique méchanique par des regles sûres & faciles: tel est le titre d'un traité qu'il a publié à Londres en anglois & en françois: ce traité a été réimprimé & fait partie d'un livre intitulé l' art d'imprimer les tableaux, à Paris 1757 . Il est revêtu du certificat de M M. les commissaires qui furent nommés par le roi pour être dépositaires des secrets de le Blon. C'est en cherchant les regles du coloris, que j'ai trouvé, dit l'inventeur, la façon d'imprimer les objets avec leurs couleurs naturelles; & passant ensuite à des instructions préliminaires, il jette les fondemens de son art, en établissant que la Peinture peut représenter tous les objets visibles avec trois couleurs, savoir le jaune, le rouge, & le bleu, puisque toutes les autres couleurs sont composées de ces trois primitives; par ex. le jaune & le rouge font l'orangé; le rouge & le bleu font le pourpre, le violet; le bleu & le jaune font le verd. Les différens mélanges des trois couleurs primitives produisent toutes les nuances imaginables, & lear réunion produit le noir: je ne parle ici que des couleurs matérielles, ajoûte-t-il, c'est-à-dire des couleurs dont se servent les Peintres; car le mélange de toutes les couleurs primitives impalpables ne produit pas le noir, mais précisément le contraire; il produit le blanc. Le blanc est une concentration ou exces de lumiere; le noir est une privation ou défaut de lumiere. Trois couleurs, nous le répétons, donnent par leur mélange autant de teintes qu'il en puisse naitre de la palette du plus habile peintre: mais on ne sauroit, en les imprimant l'une après l'autre, les fondre comme le pinceau les fond sur la toile: il faut donc que ces couleurs soient employées de façon que la premiere perce à-travers la seconde, & la seconde à-travers la troisieme, afin que la transparence puisse suppléer à l'effet du pinceau. Chacune de ces couleurs sera distribuée par le secours d'une planche particuliere: ainsi trois p'anches sont nécessaires pour imprimer une estampe à l'imitation de la Peinture. Préparation des planches . Elles seront grainées comme les planches destinées à la maniere noire. Voyez Gravure en maniere noire . Ces planches doivent être entre elles de même épaisseur, bien unies, & très-exactement d'équerre à chaque angle; unies, pour qu'à l'impression toute la superficie soit également pressée; & d'équerre, pour qu'elles se rapportent contour sur contour l'une après l'autre, quand elles imprimeront la même feuille de papier. La meilleure façon de rendre les planches exactement égales entre elles, c'est de faire des trous aux quatre coins, de les joindre l'une sur l'autre par quatre rivures bien serrées; de tracer le quarré sur les bords de la premiere; de limer jusqu'au trait en conservant toûjours l'équerre sur l'épaisseur des quatre: limez enfin vos rivures, & les planches en sortiront comme un cahier de papier sort de la coupe du relieur. On peut au lieu de rivure, serrer les planches avec de petits étaux qui changeront de place à mesure qu'on limera les bords. C'est à l'artiste à consulter son adresse & sa patience dans les différens moyens qu'il employera pour les opérations méchaniques. Moyen sûr pour calquer sur la planche grainée . Il s'agit à-présent de distribuer le tableau sur les trois planches; & pour que les contours sur chaque planche se retrouvent précisément dans les endroits où ils doivent se rencontrer, voici de quel moyen on se sert. Prenez une de vos planches, couchez-la sur un carton épais plus grand de deux pouces en hauteur & en largeur, que la planche; faites avec le canif une ouverture bien perpendiculaire dans le carton, la planche elle-même servira de calibre; & dès que le carton sera coupé sur les quatre faces, il vous donnera un cadre de deux pouces. Ayez pour détacher ce cadre une lame bren acérée & bien aiguisée avec un manche à pleine main: attendez-vous à trouver de la résistance; & pour éviter d'en trouver encore plus, essayez sur différentes especes de carton celui qui se coupera le plus net & le plus facilement; sur-tout que le carton que vous choisirez soit bien sec, & tout-au-moins aussi épais que la planche de cuivre. Vous avez aux quatre coins de celle qui fait votre calibre, quatre trous qui ont servi à assembler les autres planches pour les limer; vous pourrez en profiter pour river encore le calibre avec le carton, par ce moyen les rendre fixes l'un sur l'autre, & donner plus de facilité à enlever le cadre. Il faudra, pour le garantir de l'humidité qui le feroit étendre, l'enduire dessus & dessous d'une grosse couleur à l'huile telle qu'on l'employe pour imprimer les toiles de tableau. Le cadre de carton est ainsi préparé pour recevoir un voile qui sera cousu à points serrés sur ses bords intérieurs; c'est ce voile qui sert à porter avec précision les contours. On le présentera donc sur l'original qu'on va graver; & après avoir tracé au pinceau avec du blanc à l'huile sur le voile, on attendra que l'huile soit seche pour repasser les mêmes traits avec du blanc beaucoup plus liquide que celui qui a seché; on enfermera la premiere planche dans le cadre de carton; & le blanc encore frais marquera sur la grainure tous les contours dont le voile est charge. On repassera du blanc liquide sur les traits du voile, pour calquer les autres planches: on sera certain par ce moyen du rapport exact qu'elles auront entre elles. Le blanc liquide qui doit calquer du voile au cuivre grainé, est un blanc à détrempe délayé dans l'eau-de-vie avec un peu de fiel de boeuf, pour qu'il morde mieux sur le trait à l'huile: mais pour conserver ce trait, il est à-propos de prendre une plume & de le repasser à l'encre de la Chine; car l'encre ordinaire tient trop opiniâtrément dans les cavités de la grainure. Gravure des planches . Les instrumens dont on se sert pour ratisser la grainure, sont les mêmes que ceux qu'on employe pour la maniere noire. Voyez Gravure en maniere noire De l'intention des trois planches . La premiere planche que l'on ébauche est celle qui doit tirer en bleu, la seconde en jaune, & la troisieme en rouge. Il faut avoir grande attention de ne pas trop approcher du trait qui arrête les contours, & de réserver toûjours de la place pour se redresser quand on s'appercevra par les épreuves que les planches ne s'accordent pas parfaitement. On dirigera la gravure de façon que le blanc du papier, comme il a été dit, rende les luisans du tableau; la planche bleue rendra les tournans & les fuyans; la planche jaune donnera les couleurs tendres & les reflets; enfin la planche rouge animera le tableau & fortifiera les bruns jusqu'au noir. Les trois planches concourent presque par-tout à faire les ombres, quelquefois deux planches suffisent, quelquefois une seule. Quand il se trouve des ombres à rendre extrèmement fortes, on met en oeuvre les hachures du burin. Voyez l'article Gravure au Burin . Il est aisé de juger que les effets viennent non-seulement de l'union des couleurs, mais encore du plus ou du moins de profondeur dans les cavités du cuivre: le burin sera donc d'un grand secours pour forcer les ombres; & qu'on ne croye pas que ses hachures croisées dans les ombres fassent dur: nous avons des tableaux imprimés, où vûes d'une certaine distance, elles rappellent tout le moëlleux du pinceau. Les ombres extrèmement fortes obligent de caver le cuivre plus profondément que ne font les hachures ordinaires de la taille-douce: on se sert alors du ciseau pour avoir plus de facilité à creuser. Pour établir l'ensemble . Dès qu'on a gravé à-peu-près la planche bleue, on en tire quelques épreuves & l'on fait les corrections au pinceau: pour cela, mettez un peu de blanc à détrempe sur les parties de l'épreuve qui paroissent trop colorées, & un peu de bleu à détrempe sur les parties qui paroissent trop claires: puis en consultant cette épreuve corrigée, vous passerez encore le grattoir sur les parties du cuivre trop fortes, par conséquent trop grainées, & vous grainerez avec le petit berceau les parties qui paroîtront trop claires, par conséquent trop grattées; mais avec un peu d'attention, on évite le cas d'être obligé de regrainer. Cette premiere planche bleue approchant de sa perfection, vous fournira des épreuves qui serviront à conduire la planche jaune: voici comment. Examinez les draperies ou autres parties qui doivent rester en bleu pur; couvrez ces parties sur votre épreuve bleue avec de la craie blanche, & ratissez la seconde planche de façon qu'elle ne rende en jaune que ce que la craie laisse voir en bleu. Mais ce que rend la planche bleue n'apporte pas tout ce que demande la planche jaune; c'est pourquoi vous ajoûterez à détrempe sur cette épreuve bleue tout le jaune de l'original, jaune pur, jaune paille, ou autre plus ou moins foncé. Si la planche bleue ne fournit rien sur le papier dans une partie où est placé, par exemple, le noeud jaune d'une mante; vous peindrez ce noeud à détrempe jaune sur votre épreuve bleue, afin qu'en travaillant la seconde planche d'après l'épreuve de la premiere, vous lui fassiez porter en jaune tout ce que cette épreuve montrera de jaune & de bleu. On travaille avec les mêmes précautions la troisieme en rouge d'après la seconde en jaune; & pour juger des effets de chaque planche, on en tire des épreuves en particulier, qui font des camayeux, mais tous imparfaits, parce qu'il leur manque des parties qui ne peuvent se retrouver pour l'ensemble, qu'en unissant à l'impression les trois couleurs sur la même feuille de papier. On jugera, quand elles seront réunies, des teintes, demi-teintes, de toutes les parties enfin trop claires ou trop chargées de couleurs; on passera, comme on l'a déjà fait, le berceau sur les unes & le grattoir sur les autres. C'est ainsi que furent conduits les premiers ouvrages dans ce genre, qu'on vit paroître il y a vingt-cinq ou trente ans en Angleterre. On devroit s'en tenir à cette façon d'opérer: l'inventeur cependant en a enseigné une plus expéditive dont il s'est servi à Londres & à Paris; mais il ne s'en servoit que malgré lui, parce qu'elle est moins triomphante pour le système des trois couleurs primitives. Maniere plus prompte d'opérer . Quatre planches sont nécessaires pour opérer plus promptement: on charge d'abord la premiere de tout le noir du tableau; & pour rompre l'uniformité qui tiendroit trop de la maniere noire, on ménage dans les autres planches, de la grainure qui puisse glacer sur ce noir. On aura attention de tenir les demi-teintes de cette premiere planche un peu foibles, pour que son épreuve reçoive la couleur des autres planches sans les salir. Le papier étant donc chargé do noir, la seconde planche qui imprimera en bleu, puisqu'on ne la forçoit que pour aider à faire les ombres, doit être beaucoup moins forte de grainure qu'elle ne l'étoit en travaillant sur les premiers principes: de même la planche jaune & la planche rouge qui servoient aussi à forcer les ombres, ne seront presque plus chargées que des parties qui devoient imprimer en jaune & en rouge, & de quelques autres parties encore qui glaceront pour fondre les couleurs, ou qui réunies en produiront d'autres; ainsi que le bleu & le jaune produiront ensemble le verd; le rouge & le bleu produiront le pourpre, &c. Le cuivre destiné pour la planche noire sera grainé sur toute la superficie; mais en traçant sur les autres, on pourra réserver de grandes places qui resteront polies. Ainsi en s'évitant la peine de les grainer, on s'évitera encore celle qu'on est obligé de prendre pour ratisser & polir les places qui ne doivent rien fournir à l'impression. Quand on est une fois parvenu à se faire un modele, on est bien avancé: que j'aye, par exemple, un portrait à graver; il s'y trouve, je suppose, cent teintes différentes; l'estampe en couleur d'un saint-Pierre que j'aurai conservee avec les cuivres qui l'ont imprimée, va decider une partie de mes teintes, & voici comment. Je veux colorer l'écharpe du portrait; cette écharpe me paroit par la confrontation, de la même teinte que la ceinture de mon S. Pierre anciennement imprimée; j'examine les cuivres du S. Pierre, je reconnois qu'il y a tant de jaune, tant de rouge dans leur grainure: alors pour rendre l'écharpe du portrait, je réserve en jaune & en rouge autant de grainure que mes anciens cuivres en ont pour la ceinture du saint-Pierre. Des cas particuliers qui peuvent exiger une cinquieme planche . Il se rencontre dans quelques tableaux des transparens à rendre, qui demandent une planche extraordinaire; des vitres dans l'Architecture, des voiles dans les draperies, des nuées dans les ciels, &c. le papier qui fait le clair de nos teintes, a été couvert de differentes couleurs, & par conséquent ne peut plus fournir aux transparens, qui doivent être blancs ou blanchâtres, & paroitre par-dessus toutes les couleurs. On sera donc obligé, pour faire sentir la transparence, d'avoir recours à une cinquieme, ou plutôt à l'un des quatre cuivres qui ont déjà travailié. Je cherche à rendre, je suppose, les vitres d'un palais, la planche rouge n'a rien fourni pour ce palais, & conserve par conséquent une place fort large sans grainure; j'en vais profiter pour y graver au burin quelques traits qui imprimés en blanc sur le bleuâtre des vitres, rendront la transparence de l'original, & m'épargneront un cinquieme cuivre: les épreuves de cette impression en blanc se tirent, pour les corriger, sur du papier bleu. On concluera de cette explication, que par une économie, fort contraire il est vrai à la simplicité de notre art, on peut profiter des places lissées dans chaque planche, pour donner de certaines touches qui augmenteront la force, & avec d'autant plus de facilite, que la même planche imprimera sous un même tour de presse, plusieurs couleurs à-la-fois, en mettant differentes teintes dans des parties assez éloignées les unes des autres pour qu'on puisse les étendre & les essuyer sur la planche sans les confondre. L'imprimeur intelligent, maitre de disposer de toutes ses nuances & de les eclaircir avec le blanc ajoûté, aura grande attention de consulter le ton dominant pour conserver l'harmonie. De l'impression . Le papier, avant d'être mis sous la presse, sera trempe au-moins vingt-quatre heures: on ne risque rien de le faire tremper plus longtems. On tirera, si l'on veut, les quatre & les cinq planches de suite, sans laisser secher les couleurs; il semble même qu'elles n'en seront que mieux mariées: cependant si quelque obstacle s'oppose à ces impressions précipitées, on pourra laisser sécher chaque couleur, & faire retremper le papier autant de fois qu'il recevra de planches différentes. On ne sauroit arriver à la perfection du tableau sans imprimer beaucoup d'essais; ces essais usent les planches; & quand on est dans le fort de l'impression, on est bien-tôt obligé de les retoucher. Les cuivres, pour ne pas se flatter, tireront au plus six ou huit cents épreuves sans altération sensible. Les estampes colorées exigent des attentions que d'autres estampes n'exigent pas; par exemple, l'imprimeur aura soin d'appuyer ses doigts encrés sur le revers de son papier aux quatre coins du cuivre, afin que ce papier puisse recevoir successivement, angle sur angle, toutes les planches dans ses reperes. Voy . Impression en Taille- douce . Des couleurs . Toutes les couleurs doivent être transparentes pour glacer l'une sur l'autre, & demandent par conséquent un choix particulier; elles peuvent etre broyées à l'huile de noix; cependant la meilleure & la plus siccative est l'huile de pavots; quelle qu'elle soit, on y ajoûtera toûjours la dixieme partie d'huile de litharge: c'est à l'imprimeur à rendre ses couleurs plus ou moins coulantes, selon que son expérience le guide; mais qu'il ait grande attention à les faire broyer exactement fin, sans cela elles entrent avec force dans la grainure, n'en sortent qu'avec peine; elles hapent le papier & le font déchirer. Du blanc . Les transparens dont il a été parlé, seront imprimés avec du blanc de plomb le mieux broyé. Du noir . Le noir ordinaire des Imprimeurs en taille-douce est celui qu'on employe pour la premiere planche, quand on travaille à quatre cuivres; on y ajoûtera un peu d'indigo, pour le disposer à s'unir au bleu. Du bleu . L'indigo fait aussi notre bleu d'essai; mettez-le en poudre, & pour le purifier jettez-le dans un matras; versez dessus assez d'esprit-de-vin pour que le matras soit divisé en trois parties; la premiere d'indigo, la seconde d'esprit-de-vin, la troisieme vuide: faites bouillir au bain de sable, & versez ensuite par inclination l'esprit-de-vin chargé de l'impureté; remettez de nouvel esprit-de-vin, & recommencez la même opération jusqu'à ce que cet esprit sorte du matras sans être taché; laissez alors votre matras sur le feu jusqu'à siccité. Si au lieu de faire évaporer vous distillez l'esprit-de-vin, il sera bon encore à pareille purification. L'indigo ne sert que pour les essais; on employe à l'impression le plus beau bleu de Prusse: mais il faut se garder de s'en servir pour essayer les planches; il les tache si fort qu'on a de la peine à reconnoitre ensuite les défauts qu'on cherche à corriger. Du jaune . Le stil de grain le plus foncé est le jaune qu'on broye pour nos impressions; on n'en trouve pas toûjours chez les marchands qui descende assez bas, alors on le fait ainsi. Prenez de la graine d'Avignon, faites-la bouillir dans de l'eau commune: jettez-y pendant qu'elle bout, de l'alun en poudre: passez la teinture à-travers un linge fin, & délayez-y de l'os de seche en poudre avec de la craie blanche, partie égale: la dose n'est point prescrite; on tâtera l'opération pour qu'elle fournisse un stil de grain qui conserve à l'huile une couleur bien foncée. Du rouge . On demande pour le rouge une laque qui s'éloigne du pourpre & qui approche du nacarat; elle sera mêlée avec deux parties de carmin le mieux choisi: on peut aussi faire une laque qui contienne en elle-même tout le carmin nécessaire; on y mêlera, selon l'occasion, un peu de cinnabre minéral & non artificiel. Il est à-propos d'avertir que pour faire les essais, le cinnabre seul, même l'artificiel, suffit. Nous pouvons assûrer que pour peu qu'on ait de pratique dans le dessein, si l'on suit exactement les opérations que nous venons de décrire, on tirera des épreuves qui seront de bonnes copies d'un tableau quel qu'il soit; & l'on ne doit pas regarder comme un foible avantage, de trouver dans les livres d'Anatomie, de Botanique, d'Histoire naturelle, des estampes sans nombre, qui, en apportant les contours, donnent aussi les couleurs. On peut juger de l'utilité de cette nouvelle découverte, en examinant les planches anatomiques imprimées depuis quelques années à Paris par le sieur Gautier de l'académie de Dijon, qui à la mort de le Blon a succédé à son privilége après avoir été son éleve. Quelques autres éleves ont aussi gravé différens morceaux; & ces morceaux, avec ceux du sieur Gautier, font espérer que le nouvel art sera bien-tôt à sa perfection. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en maniere noire Author=Montdorge Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en maniere noire Gravure en maniere noire : ce genre de gravure s'est appellé pendant un tems en France, l' art noir; les étrangers le connoissent assez communément sous le nom de meza-tinta . On prétend que le premier qui ait travaillé en maniere noire est un prince Rupert. Quelques auteurs parlent avec éloge d'une tête qu'il grava avant qu'on eût jamais connu cette façon de graver; les opérations en sont plus promptes & les effets plus moëlleux que ceux de la gravure à l'eau-forte & au burin: il est vrai que la préparation des cuivres est un peu longue, mais on peut employer toutes sortes d'ouvriers à les préparer. Préparation des planches . Elles seront d'abord choisies parmi les meilleures planches de cuivre plané; quelques artistes préferent le cuivre jaune pour la grainure; ils prétendent que son grain s'use moins vîte que le grain de cuivre rouge: le grès, la pierreponce, la pierre douce à aiguiser, le charbon de bois de saule, & enfin le brunissoir à deux mains, seront employés pour le poliment des cuivres; on ne peut être sûr de sa perfection qu'après l'essai suivant. Faites encrer & essuyer la planche par l'imprimeur; qu'il la passe à la presse sur une feuille de papier mouillé, comme on y passe une planche gravée; si le papier sort de la presse aussi blanc qu'avant d'y passer, la planche est parfaite; si elle a quelques défauts, le papier taché indiquera les endroits qu'il faut encore brunir. De la grainure . Les planches ainsi préparées seront grainées comme on les graine pour imprimer en maniere noire: cette grainure-ci doit être encore plus fine, s'il est possible; & pour parvenir au dernier degré de finesse, il faut travailler d'après les instructions suivantes. Le berceau est un instrument qui a la forme d'un ciseau de menuisier; mais le ciseau coupe & le berceau pique comme une molette dont les pointes sont extrèmement aiguës; il tire son nom du mouvement sans doute qui le fait agir, & qui ressemble au balancement qu'on donne au berceau d'un enfant. Voy. A & B, Planche 0 0 0 , un des côtés du berceau porte un biseau couvert de filets de la grosseur d'un cheveu, & chaque filet est terminé par une pointe. L'outil sera repassé sur le revers de son biseau; & l'on aura grand soin en l'aiguisant, de conserver toûjours le même périmetre: ce périmetre doit être tiré du centre d'un diametre de six pouces: trop de rondeur caveroit le cuivre, & moins de rondeur ne mordroit pas assez. Les plus petits berceaux conserveront le même périmetre de six pouces; leurs manches demandent moins de force, & peuvent être moins composés, voyez E & F . Le grand berceau est destiné pour grainer en plein cuivre, & les petits pour faire les corrections. Divisez vos planches par des traits de crayon de neuf lignes environ; je dis environ , parce que le cuivre de grandeur arbitraire ne fournira pas toûjours la division juste de neuf lignes. Voyez Planche 000 , au coin 4, le mauvais effet qui peut résulter de la division trop exacte de neuf lignes. Posez le berceau perpendiculairement dans le milieu de chaque division; balancez en appuyant fortement le poignet, & remontant toûjours la planche; parcourez l'autre espace qui se trouve entre deux lignes tracées: cet espace parcouru, parcourez-en un autre, & successivement d'espace en espace; le cuivre sera tout couvert de petits points. Tracez alors des lignes au crayon sur un sens différent; balancez le berceau entre vos nouvelles lignes, & quand vous l'aurez passé sur toute la superficie du cuivre, vous changerez encore la direction de ces lignes: enfin quand vous aurez fait travailler le berceau sur les quatre directions marquées dans la planche, il y a une précaution à prendre. On parcourt vingt fois chaque direction, ce qui fait quatre-vingt passages sur le total de la superficie; mais on observera, en repassant chaque direction, de ne pas placer le berceau précisément où l'on a commencé; & pour éviter de suivre le même chemin, il faut tirer chaque coup de crayon à trois lignes de distance du premier trait qui a déjà guidé. Ainsi donc vous avez tracé la premiere fois depuis 1 jusqu'à 1, la seconde fois vous tracerez depuis 2 jusqu'à 2, la troisieme fois depuis 3 jusqu'à 3, & cela parce que le berceau pressé sous le poids de la main, formeroit en faisant toûjours les mêmes passages, une cannelure insensible qui nuiroit à l'exacte égalité qu'on demande à la superficie. Il faut éprouver la planche pour la grainure, comme on l'a éprouvé pour le poli, & qu'elle rende à l'impression un noir également noir & par-tout velouté. On peut, pour certains ouvrages, conserver le fond blanc à une estampe, comme il l'est presque toûjours sous les fleurs, fous les oiseaux peints en miniature: pour cela, on grainera seulement l'espace que doit occuper la fleur, le fruit, ou quelque autre morceau d'Histoire naturelle qu'on veut graver, & le reste du cuivre sera poli au brunissoir. De la façon de graver sur la grainure . Les planches bien préparées, vous dessinerez ou vous calquerez le sujet, ainsi que nous l'avons expliqué. Voy . Gravure en couleurs . Vous placerez votre cuivre sur le coussinet, & si vous copiez, vous graverez en regardant toûjours l'original dans un miroir, pour voir la droite à gauche & la gauche à droite. L'instrument dont on se sert pour graver, ou plûtôt pour ratisser la grainure, se nomme racloir ( Voyez G, Pl. ooo ); il doit être aiguisé sur les deux côtés plats: on se sert encore du grattoir, qui ne differe de celui-ci que parce qu'il a trois faces égales. Ce grattoir porte ordinairement un brunissoir sur la même tige, voyez H . Le brunissoir sert à lisser les parties que le racloir ou le grattoir ont ratissées pour fournir des lumieres: ainsi l'instrument dans la maniere noire, agit par un motif tout différent de l'instrument qui sert à la gravure en taille-douce: car si le graveur en taille-douce doit en conséquence de l'effet, regarder son burin comme un crayon noir; le graveur en maniere noire doit, en conséquence de l'effet contraire, regarder le grattoir comme un crayon blanc. Il s'agit en travaillant de conserver la grainure dans son vif sur les parties du cuivre destinées à imprimer les ombres, d'émousser les pointes de la grainure sur les parties du cuivre destinées à imprimer les demi-teintes, & de ratisser les parties du cuivre qui doivent épargner le papier pour qu'il puisse fournir les luisans. On commence par les masses de lumiere; & par les parties qui se détachent gé- néralement en clair de dessus un fond brun. On va petit-à-petit dans les reflets; enfin on prépare legerement le tout par grandes parties. Les maîtres de l'art recommandent fort de ne pas se presser d'user le grain dans l'envie d'aller plus vîte; car il n'est pas facile d'en remettre quand on en a trop ôté; il doit rester par-tout une legere vapeur de grains, excepté sur les luisans; & s'il arrive qu'on ait trop usé certains endroits, on peut regrainer avec les petits berceaux E & F , & recommencer à ratisser avec plus de précaution. Ce n'est qu'en tirant souvent des épreuves, qu'on sera en état de juger des effets du grattoir. De l'impression. Voyez l'article Impression en Taille-douce , & soyez averti qu'il est plus difficile d'imprimer en maniere noire qu'en taille-douce, par la raison que les lumieres se trouvent en creux; & lorsque les parties de ces lumieres sont étroites, la main de l'imprimeur ne peut y entrer pour les essuyer, sans dépouiller les parties voisines; on se sert pour y pénétrer, d'un petit bâton pointu enveloppé d'un linge mouillé. Le papier doit être vieux trempé & d'une pâte fine & moelleuse; on prend du plus beau noir d'Allemagne, & on le prépare un peu lâche: il faut de plus que les planches soient encrées bien à fond à plusieurs reprises & bien essuyées à la main & non au torchon. La gravure en maniere noire , disent ceux qui en traitent, ne tire pas un grand nombre de bonnes épreuves & s'use fort promptement; d'ailleurs toutes sortes de sujets, ajoûtent-ils, ne sont pas également propres à ce genre de gravure . Les sujets qui demandent de l'obscurité, comme les effets de nuit, ou les tableaux où il y a beaucoup de brun, comme ceux de Rembrant, de Benedette, quelques Ténieres, &c. sont les plus faciles à traiter & font le plus d'effet: les portraits y réussissent encore assez bien, comme on le peut voir par les beaux morceaux de Smith & de G. White, qui sont les plus habiles graveurs que nous ayons en ce genre. Les paysages n'y sont pas propres, & en général les sujets clairs & larges de lumiere sont les plus difficiles de tous, & ne tirent presque point, parce qu'il a fallu beaucoup user la planche pour en venir à l'effet qu'ils demandent. Au reste, le défaut de cette gravure est de manquer de fermeté, & généralement la grainure lui donne une certaine mollesse qui n'est pas facile nent susceptible d'une touche savante & hardie: elle peint d'une maniere plus large & plus grasse que la taille-douce; elle colore davantage, & elle est capable d'un plus grand effet par l'union & l'obscurité qu'elle laisse dans les masses; mais elle dessine moins spirituellement, & ne se prête pas assez aux saillies pleines de feu que la gravure à l'eau-forte peut recevoir d'un habile dessinateur. Enfin ceux qui ont le mieux réussi dans la gravure en maniere noire ne peuvent guere être loüés que par le soin avec lequel ils l'ont traitée; mais pour l'ordinaire ce travail manque d'esprit, non par la faute des graveurs, mais par l'ingratitude de ce genre de gravure , qui ne peut seconder leur intention. On recherche depuis quelque tems en France les opérations de la maniere noire avec plus de soin qu'autrefois, dans l'intention de les joindre aux opérations de la gravure en trois couleurs que nous a enseignée Jacques Christophe le Blon. Voyez Gravure en couleurs à l'imitation de la Peinture -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en taille-douce pour imprimer en couleurs Author=Montdorge Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en taille-douce pour imprimer Gravure en taille-douce pour imprimer en couleurs . Cet art nouvellement mis en pratique n'est qu'une branche de la gravure à l'imitation de la Peinture inventée par le Blon. Voyez Gravure en couleurs . On reconnoîtra dans celui-ci plusieurs avantages particuliers pour l'Anatomie, pour la Géographie, & pour quelques autres arts encore; ils y gagneront le tems qu'on employe à grainer le cuivre, & les planches tireront considérablement plus d'épreuves que n'en tirent les planches grainées. Un livre imprimé chez Briasson à Paris, fournit des modeles de ce genre mixte de gravure; il a pour titre: adversaria anatomica prima de omnibus cerebri, nervorum & organorum functionibus animalibus inservientium descriptionibus & iconismis, autore Petro Tarin, medico . Ces planches sont de l'invention & de la main du sieur Robert, éleve de le Blon dans la gravure en couleurs. Deux cuivres suffisent pour imprimer ainsi; ils seront gravés à l'eau-forte & au burin. Voyez Gravure à l'eau-forte & Gravure au burin . Le premier imprime le noir, le second le rouge, avec le minium, & l'épreuve sort de la presse comme un dessein à deux crayons. On peut encore pour l'avantage de l'Anatomie, joindre une troisieme planche qui apporte les veines bleues sur des places épargnées par les deux premieres planches. On aura recours, pour le parfait accord des angles, aux moyens que nous avons déjà enseignés. Voyez Gravure en couleurs . Ces articles sur la gravure en couleurs & la gravure en maniere noire sont de M. de Montdorge . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure sur le Crystal et le Verre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure sur le Crystal et le Verre Gravure sur le Crystal et le Verre , voyez les articles Verrerie & Verre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure sur Métaux Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure sur Métaux Gravure sur Métaux , pour les médailles, les monnoies, &c. Voyez les articles Monnoyage & Monnoie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure en Pierres fines Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure en Pierres fines Gravure en Pierres fines , voyez l'article Pierres gravées . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure Author=unknown Normalized Classification=Cordonnerie Part of Speech=NA Gravure Gravure , terme de Cordonnier; il se dit d'une raie qui se fait avec la pointe du tranchet autour de la semelle du soulier pour noyer les points. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure de Caracteres d'Imprimerie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure de Caracteres d'Imprimerie Gravure de Caracteres d'Imprimerie ; la gravure des caracteres se fait en relief sur un des deux bouts d'un morceau d'acier d'environ deux pouces geométriques de long, & de grosseur proportionnee à la grandeur de l'objet qu'on y veut former, & qui doit y être taillé dans la derniere perfection avec les regles de l'art, & suivant les proportions relatives à chaque lettre. Car c'est de la perfection du poinçon que dépendra la perfection de toutes les mêmes lettres qui en seront émanées Voyez Poinçons de Fonderie & Caractere -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gravure, dans le sommier d'Orgue Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gravure, dans le sommier d'Orgue Gravure, dans le sommier d'Orgue , est l'espace prismatique K L, fig. 2 . Pl. d'Orgue , qui est le vuide que laissent entr'elles les barres H G, F E du sommier: c'est dans ces espaces que le vent contenu dans la laye entre, pour de-là passer aux tuyaux lorsque l'on ouvre une soupape. Voyez Sommier , Soupape , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRAY GRAY, Gradicum , ( Géog. ) ville de France dans la Franche-Comté, capitale du Bailliage d'Amont. Elle étoit déjà connue vers l'an 1050; elle est sur la Sône, à 5 lieues N. de Dole, 10 N. O. de Besançon, 8 N. E. de Dijon. Long. 23 d . 15'. latit. 47 d . 29'. 52" . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAYE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GRAYE GRAYE, s. f. Voyez Freux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRAYLLAT Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GRAYLLAT GRAYLLAT, s. m. Voyez Corneille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREBE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=s.m. GREBE GREBE, s. m. colymbus major cristatus & cornutus , ( Ornit. ) oiseau aquatique du genre des colymbes qui n'ont point de queue, & dont les doigts sont bordés d'une membrane qui ne les unit pas les uns aux autres. Le grebe qui a servi de sujet pour cette description, avoit environ deux piés de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout des ongles; la tête étoit petite, les ailes & les jambes étoient très-courtes, il n'y avoit point de queue; le bec étoit droit, pointu, & étroit; il avoit deux pouces un quart de longueur depuis la pointe jusqu'aux coins de la bouche; les plumes du derriere de la tête étoient un peu plus longues que les autres, & formoient une petite crête partagée en deux pointes. Le front, le sommet, & le derriere de la tête, le côté postérieur du cou, le dos, le croupion, & toutes les plumes qui paroissoient sur les ailes lorsqu'elles étoient pliées, avoient une couleur brune, cendrée, excepté sur les bords de la plûpart des plumes; ils étoient de couleur cendrée claire. Les côtés de la tête, le côté antérieur du cou, la gorge, & le ventre en entier avoient une couleur blanche, luisante, & argentée. Les côtés de la poitrine & du corps avoient des teintes de cendré, de blanc, & de roussatre; le bec étoit en partie blanc, en partie cendré, en partie rougeâtre; les pattes avoient une couleur cendrée, & les bords des membranes des doigts étoient jaunâtres; il y avoit quatre doigts à chaque pié; le doigt extérieur étoit le plus long, & le postérieur étoit le plus court; les ongles ressembloient à ceux de l'homme. La poitrine & le ventre du grebe sont très-recherchés à cause de la belle couleur blanche & brillante des plumes & de leur finesse. On en fait des manchons, des paremens de robes, & d'autres parures de femmes. Il y a beaucoup de ces oiseaux sur le lac de Genève; on tire de cette ville le plus grand nombre des peaux de grebe & les plus belles; il en vient aussi de Suisse; il s'en trouve en Bretagne, mais elles ne sont pas si belles; on les appelle dans le commerce grebes de pays . J'en ai vû un à Montbard en Bourgogne il y a cinq ou six ans; il y fut tué dans le plus grand froid de l'hyver; on en a vû aussi aux environs de Paris, &c. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREC Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GREC GREC, s. m. ( Grammaire. ) ou langue greque , ou grec ancien, est la langue que parloient les anciens Grecs , telle qu'on la trouve dans les ouvrages de leurs auteurs, Platon, Aristote, Isocrate, Demosthene, Thucydide, Xenophon, Homere, Hésiode, Sophocle, Euripide, &c. Voyez Langue . La langue greque s'est conservée plus long-tems qu'aucune autre, malgré les révolutions qui sont arrivées dans le pays des peuples qui la parloient. Elle a été cependant altérée peu-à-peu, depuis que le siége de l'empire romain eut été transféré à Constantinople dans le quatrieme siecle: ces changemens ne regardoient point d'abord l'analyse de la langue, la construction, les inflexions des mots, &c. Ce n'étoit que de nouveaux mots qu'elle acquéroit, en prenant des noms de dignité, d'offices, d'emplois, &c. Mais dans la suite les incursions des Barbares, & sur-tout l'invasion des Turcs, y ont causé des changemens plus considérables. Cependant il y a encore à plusieurs égards beaucoup de ressemblance entre le grec moderne & l'ancien. Voyez l'article suivant Grec vulgaire . Le grec a une grande quantité de mots; ses inflexions sont autant variées, qu'elles sont simples dans la plûpart des langues de l'Europe. Voyez Inflexion . Il a trois nombres; le singulier, le duel, & le pluriel ( voyez Nombre ); beaucoup de tems dans les verbes; ce qui répand de la variété dans le discours, empêche une certaine sécheresse qui accompagne toûjours une trop grande uniformité, & rend cette langue propre à toutes sortes de vers. Voyez Temps . L'usage des participes, de l'aoriste, du prétérit, & les mots composés qui sont en grand nombre dans cette langue, lui donnent de la force & de la briéveté, sans lui rien ôter de la clarté nécessaire. Les noms propres dans le grec signifient souvent quelque chose, comme dans les langues orientales. Ainsi Aristote signifie bonne fin; Démosthene signifie force du peuple; Philippe signifie qui aime les chevaux; Isocrate signifie d'une égale force, &c. Le grec est la langue d'une nation polie, qui avoit du goût pour les Arts & pour les Sciences qu'elle avoit cultivées avec succès. On a conservé dans les Langues vivantes quantité de mots grecs propres des Arts; & quand on a voulu donner des noms aux nouvelles inventions, aux instrumens, aux machines, on a souvent eu recours au grec , pour trouver dans cette langue des mots faciles à composer qui exprimassent l'usage ou l'effet de ces nouvelles inventions. C'est sur ce qu'ont été formés les noms d' acoustique , d' aréometre , de barometre , de thermometre , de logarithme , de télescope , de microscope , de loxodromie , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grec vulgaire ou moderne Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grec vulgaire Grec vulgaire ou moderne , est la langue qu'on parle aujourd'hui en Grece. On a écrit peu de livres en grec vulgaire depuis la prise de Constantinople par les Turcs; ceux que l'on voit ne sont guere que des catéchismes, & quelques livres semblables, qui ont été composés ou traduits en grec vulgare par les Missionnaires latins. Les Grecs naturels parlent leur langue sans la cultiver: la misere où les réduit la domination des Turcs, les rend ignorans par nécessité, & la politique ne permet pas dans les états du grand-seigneur de cultiver les Sciences. Soit par principe de religion ou de barbarie, les Turcs ont détruit de propos-délibéré les monumens de l'ancienne Grece, & méprisé l'étude du grec , qui pouvoit les polir, & rendre leur empire florissant. Bien différens en cela des Romains, ces anciens conquérans de la Grece , qui s'appliquerent à en apprendre la langue, après qu'ils en eurent fait la conquête, pour puiser la politesse & le bon goût dans les Arts & dans les Sciences des Grecs . On ne sauroit marquer précisément la différence qu'il y a entre le grec vulgaire & le grec littéral: elle consiste dans des terminaisons des noms, des pronoms, des verbes, & d'autres parties d'oraisons qui mettent entre ces deux langues une différence à-peu-près semblable à celle que l'on remarque entre quelques dialectes de la langue italienne ou espagnole. Nous prenons des exemples de ces langues, parce qu'elles sont plus connues que les autres; mais on pourroit dire la même chose des dialectes des langues hébraïque, tudesque, esclavonne, &c. Il y a aussi dans le grec vulgaire plusieurs mots nouveaux, qu'on ne trouve point dans le grec littéral, des particules qui paroissent explétives, & que l'usage seul a introduites pour caractériser certains tems des verbes, ou certaines expressions qui auroient sans ces particules le même sens, si l'usage avoit voulu s'en passer; divers noms de dignités & d'emplois inconnus aux anciens Grecs , & quantité de mots pris des langues des nations voisines. Dictionnaire de Trévoux & Chambers . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grecs (philosophie des) Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grecs * Grecs ( philosophie des ). Je tirerai la division de cet article de trois époques principales, sous lesquelles on peut considérer l'histoire des Grecs , & je rapporterai aux tems anciens leur philosophie fabuleuse; aux tems de la législation, leur philosophie politique; & aux tems des écoles, leur philosophie sectaire . De la philosophie fabuleuse des Grecs . Les Hébreux connoissoient le vrai Dieu; les Perses étoient instruits dans le grand art de former les rois & de gouverner les hommes; les Chaldéens avoient jetté les premiers fondemens de l'Astronomie; les Phéniciens entendoient la navigation, & faisoient le commerce chez les nations les plus éloignées; il y avoit longtems que les Egyptiens étudioient la Nature & cultivoient les Arts qui dépendent de cette étude; tous les peuples voisins de la Grece étoient versés dans la Théologie, la Morale, la Politique, la Guerre, l'Agriculture, la Métallurgie, & la plûpart des Arts méchaniques que le besoin & l'industrie font naître parmi les hommes rassemblés dans des villes & soûmis à des lois; en un mot, ces contrées que le grec orgueilleux appella toûjours du nom de Barbares , étoient policées, lorsque la sienne n'étoit habitee que par des sauvages dispersés dans les forêts, fuyant la rencontre les uns des autres, paissant les fruits de la terre comme les animaux, retirés dans le creux des arbres, errant de lieux en lieux, & n'ayant entre eux aucune espece de société. Du-moins c'est ainsi que les Historiens mêmes de la Grece nous la montrent dans son origine. Danaüs & Cecrops étoient égyptiens; Cadmus, de Phénicie; Orphée, de Thrace. Cecrops fonda la ville d'Athenes, & fit entendre aux Grecs , pour la premiere fois, le nom redoutable de Jupiter; Cadmus éleva des autels dans Thebes, & Orphée prescrivit dans toute la Grece la maniere dont les dieux vouloient être honorés. Le joug de la superstition fut le premier qu'on imposa; on fit succéder à la terreur des impressions séduisantes, & le charme naissant des beaux Arts fut employé pour adoucir les moeurs, & disposer insensiblement les esprits à la contrainte des lois. Mais la superstition n'entre point dans une contrée sans y introduire à sa suite un long cortége de connoissances, les unes utiles, les autres funestes. Aussi-tôt qu'elle s'est montrée, les organes destinés à invoquer les dieux se dénouent; la langue se perfectionne; les premiers accents de la Poésie & de la Musique sont retentir les airs; on voit sortir la Sculpture du fond des carrieres, & l'Architecture d'entre les herbes; la conscience s'éveille, & la Morale nait. Au nom des dieux prononcé, l'univers prend une face nouvelle; l'air, la terre, & les eaux se peuplent d'un nouvel ordre d'êtres, & le coeur de l'homme s'émeut d'un sentiment nouveau. Les premiers législateurs de la Grece ne proposerent pas à ses peuples des doctrines abstraites & seches; des esprits hébétés ne s'en seroient point occupés: ils parlerent aux sens & à l'imagination; ils amuserent par des cerémonies voluptueuses & gaies: le spectacle des danses & des jeux avoit attiré des hommes feroces du haut de leurs montagnes, du fond de leurs antres; on les fixa dans la plaine, en les y entretenant de tables, de représentations, & d'images. A mesure que les phenomenes de la nature les plus frappans se succéderent, on y attacha l'existence des dieux; & Strabon croit que cette méthode étoit la seule qui pût réussir. Fieri non potest , dit cet auteur, ut mulierum & promisiuae turbae multitudo philosophicâ oratione ducatur, exciteturque ad religionem, pietatem, & fidem; sed superstitione praeterea ad hoc opus est, quoe incuti sine fabularum portentis nequit. Etenim fulmen, aegis, tridens, faces, anguis, hastaeque deorum thyrsis infixae fabulae sunt atque tota theologia prisca. Hoec autem recepta fuerunt à civitatum autoribus, quibus veluti larvis insipientium animos terrerent . Nous ajoûterons que l'usage des peuples policés & voisins de la Grece, étoit d'envelopper leurs connoissances sous les voiles du symbole & de l'allégorie, & qu'il étoit naturel aux premiers législateur des Grecs de communiquer leurs doctrines ainsi qu'ils les avoient reçûes. Mais un avantage particulier aux peuples de la Grece, c'est que la superstition n'étouffa point en eux le sentiment de la liberté, & qu'ils conserverent sous l'autorité des prêtres & des magistrats, une façon de penser hardie, qui les caractérise dans tous les tems. Une des premieres conséquences de ce qui précede, c'est que la Mythologie des Grecs est un cahos d'idées, & non pas un système, une marqueterie d'une infinité de pieces de rapport qu'il est impossible de séparer; & comment y réussiroit-on? Nous ne connoissons pas la vie, les moeurs, les idées, les préjugés des premiers habitans de la Grece. Nous aurions là-dessus toutes les lumieres qui nous manquent, qu'il nous resteroit à desirer une histoire exacte de la Philosophie des peuples voisins; & cette histoire nous auroit été transmise, que le triage des superstitions greques d'avec les superstitions barbares seroit peut-être encore au-dessus des forces de l'esprit humain. Dans les tems anciens, les législateurs étoient philosophes & poetes: la reconnoissance & l'imbécillité mettoient tour-à-tour les hommes au rang des dieux; & qu'on devine après cela ce que devint la vérité déjà déguisée, lorsqu'elle eut été abandonnée pendant des siecles à ceux dont le talent est de feindre, & dont le but est d'étonner. Dans la suite fallut-il encourager les peuples à quelque entreprise, les consoler d'un mauvais succès, changer un usage, introduire une loi? ou l'on s'autorisa des fables anciennes en les défigurant, ou l'on en imagina de nouvelles. D'ailleurs l'emblème & l'allégorie ont cela de commode, que la sagacité de l'esprit, ou le libertinage de l'imagination peut les appliquer à mille choses diverses: mais à-travers ces applications, que devient le sens véritable? Il s'altere de plus en plus; bien-tôt une fable a une infinité de sens differens; & celui qui paroit à la fin le plus ingénieux est le seul qui reste. Il ne faut donc pas espérer qu'un bon esprit puisse se contenter de ce que nous avons à dire de la philosophie fabuleuse des Grecs . Le nom de Promethée fils de Japhet est le premier qui s'offre dans cette histoire. Promethée sépare de la matiere ses élémens, & en compose l'homme, en qui les forces, l'action, & les moeurs sont variées selon la combinaison diverse des élémens; mais Jupiter que Promethée avoit oublié dans ses sacrifices, le prive du feu qui devoit animer l'ouvrage. Promethée conduit par Minerve, monte aux cieux, approche le ferula à une des roues du char du soleil, en reçoit le feu dans sa tige creuse, & le rapporte sur la terre. Pour punir sa témérité, Jupiter forme la femme connue dans la fable sous le nom de Pandore , lui donne un vase qui renfermoit tous les maux qui pouvoient desoler la race des hommes, & la dépêche à Promethée. Promethée renvoye Pandore & sa boîte fatale; & le dieu trompé dans son attente, ordonne à Mercure de se saisir de Promethée, de le conduire sur le Caucase, & de l'enchaîner dans le fond d'une caverne où un vautour affamé déchirera son foie toûjours renaissant; ce qui fut exécuté: Hercule dans la suite délivra Promethée. Combien cette fable n'at-elle pas de variantes, & en combien de manieres ne l'a-t-on pas expliquée? Selon quelques-uns, il n'y eut jamais de Promethée; ce personnage symbolique représente le génie audacieux de la race humaine. D'autres ne disconviennent pas qu'il n'y ait eu un Promethée; mais dans la fureur de rapporter toute la Mythologie des Payens aux traditions des Hébreux, il faut voir comme ils se tourmentent, pour faire de Promethée, Adam, Moyse, ou Noé. Il y en a qui prétendent que ce Promethée fut un roi des Scythes, que ses sujets jetterent dans les fers pour n'avoit point obvié aux inondations d'un fleuve qui dévastoit leurs campagnes. Ils ajoûtent qu'Hercule détourna le fleuve dans la mer, & délivra Promethée. En voici qui interpretent cette fable bien autrement: l'Egypte, disent-ils, eut un roi fameux qu'elle mit au rang des dieux pour les grandes découvertes d'un de ses sujets. C'étoit dans les tems de la fable comme aux tems de l'histoire; les sujets méritoient des statues, & c'étoit au souverain qu'on les élevoit. Ce roi fut Osiris, & celui qui fit les découvertes fut Hermès: Osiris eut deux ministres, Mercure & Promethée; il avoit confié à tous les deux les découvertes d'Hermès. Mais Promethée se sauva, & porta dans la Grece les secrets de l'état: Osiris en fut indigné; il chargea Mercure du soin de sa vengeance. Mercure tendit des embuches à Promethée, le surprit, & le jetta dans le fond d'un cachot, d'où il ne sortit que par la faveur de quelque homme puissant. Pour moi, je suis de l'avis de ceux qui ne voyent dans cet ancien législateur de la Grece, qu'un bienfaiteur de ses habitans sauvages qu'il tira de la barbarie dans laquelle ils étoient plongés, & qui leur fit luire les premiers rayons de la lumiere des Sciences & des Arts; & ce vautour qui le dévore sans relâche, n'est qu'un emblème de la méditation profonde & de la solitude. C'est ainsi qu'on a cherché à tirer la vérité des fables; mais la multitude des explications montre seulement combien elles sont incertaines. Il y a une broderie poétique tellement unie avec le fond, qu'il est impossible de l'en séparer sans déchirer l'étoffe. Cependant en considérant attentivement tout ce système, on reste convaincu qu'il sert en général d'enveloppe tantôt à des faits historiques, tantôt à des découvertes scientifiques, & que Ciceron avoit raison de dire que Promethée ne seroit point attaché au Caucase, & que Cephée n'auroit point été transporté dans les cieux avec sa femme, son fils, & son gendre, s'ils n'avoient mérité par quelques actions éclatantes que la fable s'emparât de leurs noms. Linus succéda à Promethée; il fut théologien, philosophe, poëte, & musicien. Il inventa l'art de filer les intestins des animaux, & il en fit des cordes sonores qu'il substitua sur la lyre aux fils de lin dont elle étoit montée. On dit qu'Apollon jaloux de cette découverte, le tua; il passe pour l'inventeur du vers lyrique; il chanta le cours de la lune & du soleil, la formation du monde, & l'histoire des dieux; il écrivit des plantes & des animaux; il eut pour disciples Hercule, Thamyris, & Orphée. Le premier fut un esprit lourd, qui n'aimoit pas le châtiment & qui le méritoit souvent. Quelques auteurs accusent ce disciple brutal d'avoir tué son maître. Orphée disciple de Linus fut aussi célebre chez les Grecs que Zoroastre chez les Chaldéens & les Perses, Baddas chez les Indiens, & Thoot ou Hermes chez les Egyptiens; ce qui n'a pas empêché Aristote & Ciceron de prétendre qu'il n'y a jamais eu d'Orphée: voici le passage d'Aristote; nous le rapportons pour sa singularité. Les Epicuriens prouvoient l'existence des dieux par les idées qu'ils s'en faisoient, & Aristote leur répondoit: & je me fais bien une idée d'Orphée, personnage qui n'a jamais été; mais toute l'antiquité réclame contre Aristote & Ciceron. La fable lui donne Apollon pour pere, & Calliope pour mere, & l'histoire le fait contemporain de Josué: il passe de la Thrace sa patrie dans l'Egypte, où il s'instruit de la Philosophie, de la Théologie, de l'Astrologie, de la Medecine, de la Musique, & de la Poésie. Il vient de l'Egypte en Grece, où il est honoré des peuples; & comment ne l'auroit-il pas été, prêtre & medecin, c'est-à-dire homme se donnant pour savoir écarter les maladies par l'entremise des dieux, & y apporter remede, quand on en est affligé? Orphée eut le sort de tous les personnages célebres dans les tems où l'on n'écrivoit point l'histoire. Les noms abandonnés à la tradition étoient bien-tôt oubliés ou confondus; & l'on attribuoit à un seul homme tout ce qui s'étoit fait de mémorable pendant un grand nombre de siecles. Nous ne connoissons que les Hébreux chez qui la tradition se soit conservée pure & sans altération; & n'auroient-ils que ce privilége, il suffiroit pour les faire regarder comme une race très-particuliere, & vraiment chérie de Dieu. La Mythologie des Grecs n'étoit qu'un amas confus de superstitions isolées; Orphée en forma un corps de doctrine; il institua la divination & les mysteres; il en fit des cérémonies secrettes, moyen sûr pour donner un air solemnel à des puérilités; telles furent les fêtes de Bacchus & d'Hecate, les éleusinies, les panathenées & les thesmophories. Il enjoignit le silence le plus rigoureux aux initiés; il donna des regles pour le choix des prosélytes: elles se réduisoient à n'admettre à la participation des mysteres, que des ames sensibles & des imaginations ardentes & fortes, capables de voir en grand & d'allumer les esprits des autres: il prescrivit des épreuves; elles consistoient dans des purifications, la confession des fautes qu'on avoit commises, la mortification de la chair, la continence, l'abstinence, la retraite, & la plûpart de nos austérités monastiques; & pour achever de rendre le secret de ces assemblées impénétrable aux profanes, il distingua différens degrés d'initiation, & les initiés eurent un idiome particulier & des caracteres hiéroglyphiques. Il monta sa lyre de sept cordes; il inventa le vers hexametre, & surpassa dans l'Epopée tous ceux qui s'y étoient exercés avant lui. Cet homme extraordinaire eut un empire étonnant sur les esprits, du moins à en juger par ce que l'hyperbole des Poëtes nous en fait présumer. A sa voix, les eaux cessoient de couler; la rapidité des fleuves étoit retardée; les animaux, les arbres accouroient; les flots de la mer étoient appaisés, & la nature demeuroit suspendue dans l'admiration & le silence: effets merveilleux qu'Horace a peints avec force, & Ovide avec une délicatesse mêlée de dignité. Horace dit ode XII. liv. I. Aut in umbrosis Heliconis oris Aut super Pindo, gelidove in Haemo, Unde vocalem temerè insecutae Orphea sylvoe , Arte maternâ rapidos morantem Fluminum lapsus, celeresque ventos, Blandum & auritas fidibus canoris Ducere quercus . Et Ovide, métamorph. liv. X. Collis erat, collemque super planissima campi Area, quam viridem faciebant graminis herbae; Umbra loco deerat, qua postquam poste resedit, Dis genitus vates & fila sonantia movit, Umbra loco venit . Ceux qui n'aiment pas les prodiges opposeront aux vers du poëte lyrique un autre passage, où il s'explique en philosophe, & où il réduit la merveilleuse histoire d'Orphée à des choses assez communes: Sylvestres homines sacer interpresque deorum, Coedibus & victu foedo deterruit Orphaeus, Dictus ab hoc lenire tigres, rapidosque leones; c'est-à-dire qu'Orphée fut un fourbe éloquent, qui fit parler les dieux pour maîtriser un troupeau d'hommes farouches, & les empêcher de s'entrégorger; & combien d'autres évenemens se reduiroient à des phénomenes naturels, si l'on se permettoit d'écarter de la narration l'emphase avec laquelle ils nous ont été transmis! Après les précautions qu'Orphée avoit prises pour dérober sa théologie à la connoissance des peuples, il est difficile de compter sur l'exactitude de ce que les auteurs en ont recueilli. Si une découverte est essentielle au bien de la société, c'est être mauvais citoyen que de l'en priver; si elle est de pure curiosité, elle ne valoit ni la peine d'être faite, ni celle d'être cachée: utile ou non, c'est entendre mal l'intérêt de sa réputation que de la tenir secrette; ou elle se perd après la mort de l'inventeur qui s'est tu, ou un autre y est conduit & partage l'honneur de l'invention. Il faut avoir égard en tout au jugement de la postérité, & reconnoître qu'elle se plaindra de notre silence, comme nous nous plaignons de la taciturnité & des hiéroglyphes des prêtres égyptiens, des nombres de Pythagore, & de la double doctrine de l'académie. A juger de celle d'Orphée d'après les fragmens qui nous en restent épars dans les auteurs, il pensoit que Dieu & le chaos co-existoient de toute éternité; qu'ils étoient unis, & que Dieu renfermoit en lui tout ce qui est, fut, & sera; que la lune, le soleil, les étoiles, les dieux, les déesses & tous les êtres de la nature, étoient émanés de son sein; qu'ils ont la même essence que lui; qu'il est présent à chacune de leurs parties; qu'il est la force qui les a développées & qui les gouverne; que tout est de lui, & qu'il est en tout; qu'il y a autant de divinités subalternes, que de masses dans l'Univers; qu'il faut les adorer; que le Dieu créateur, le Dieu générateur, est incompréhensible; que répandu dans la collection générale des êtres, il n'y a qu'elle qui puisse en être une image; que tout étant de lui, tout y retournera; que c'est en lui que les hommes pieux trouveront la récompense de leurs vertus; que l'ame est immortelle, mais qu'il y a des lustrations, des cérémonies qui la purgent de ses fautes, & qui la restituent à son principe aussi sainte qu'elle en est émanée, &c. Il admettoit des esprits, des démons & des héros. Il disoit: l'air fut le premier être qui émana du sein de Dieu; il se plaça entre le chaos & la nuit. Il s'engendra de l'air & du chaos un oeuf, dont Orphée fait éclore une chaîne de puérilités peu dignes d'être rapportées. On voit en général qu'il reconnoissoit deux substances nécessaires, Dieu & le chaos; Dieu principe actif; le chaos ou la matiere informe, principe passif. Il pensoit encore que le monde finiroit par le feu, & que des cendres de l'Univers embrase, il en renaîtroit un autre. Que l'opinion, que les planetes & la plûpart des corps célestes sont habités comme notre terre, soit d'Orphée ou d'un autre, elle est bien ancienne. Je regarde ces lambeaux de philosophie, que le tems a laissés passer jusqu'à nous, comme ces planches que le vent pousse sur nos côtes après un naufrage, & qui nous permettent quelquefois de juger de la grandeur du bâtiment. Je ne dis rien de sa descente aux enfers; j'abandonne cette fiction aux Poëtes. On peut croire de sa mort tout ce qu'on voudra; ou qu'après la perte d'Euridice il se mit à prêcher le célibat, & que les femmes indignées le massacrerent pendant la célébration des fêtes de Bacchus; ou que ce dieu vindicatif qu'il avoit négligé dans ses chants, & Vénus dont il avoit abjuré le culte pour un autre qui lui déplaît, irriterent les bacchantes qui le déchirerent; ou qu'il fut foudroyé par Jupiter, comme la plûpart des héros des tems fabuleux; ou que les Thraciennes se défirent d'un homme qui entraînoit à sa suite leurs maris; ou qu'il fut la victime des peuples qui supportoient impatiemment le joug des lois qu'il leur avoit imposées: toutes ces opinions ne sont guere plus certaines, que ce que le poëte de la métamorphose a chanté de sa tête & de sa lyre. Caput, Haebre, lyramque Excipis, &, mirum, medio dum labitur amne , Flebile nescio quid queritur lyra, flebile lingua Murmur at exanimis; respondent flebile ripae . « Sa tête étoit portée sur les flots; sa langue murmuroit je ne sai quoi de tendre & d'inarticulé, que répétoient les rivages plaintifs; & les cordes de sa lyre frappées par les ondes, rendoient encore des sons harmonieux ». O douces illusions de la Poésie, vous n'avez pas moins de charmes pour moi que la vérité! puissiez-vous me toucher & me plaire jusque dans mes derniers instans! Les ouvrages qui nous restent sous le nom d'Orphée, & ceux qui parurent au commencement de l'ere chrétienne, au milieu de la dissension des Chrétiens, des Juifs & des Philosophes payens, sont tous supposés; ils ont été répandus ou par des Juifs, qui cherchoient à se mettre en considération parmi les Gentils; ou par des chrétiens, qui ne dédaignoient pas de recourir à cette petite ruse, pour donner du poids à leurs dogmes aux yeux des Philosophes; ou par des philosophes même, qui s'en servoient pour appuyer leurs opinions de quelque grande autorité. On faisoit un mauvais livre; on y inséroit les dogmes qu'on vouloit accréditer, & l'on écrivoit à la tête le nom d'un auteur célebre: mais la contradiction de ces différens ouvrages rendoit la fourberie manifeste. Musée fut disciple d'Orphée; il eut les mêmes talens & la même philosophie, & il obtint chez les Grecs les mêmes succès & les mêmes honneurs. On lui attribue l'invention de la sphere; mais on la revendique en faveur d'Atlas & d'Anaximandre. Le poëme de Léandre & Héro, & l'hymne qui porte le nom de Musée , ne sont pas de lui; tandis que des auteurs disent qu'il est mort à Phalere, d'autres assûrent qu'il n'a jamais existé. La plûpart de ces hommes anciens qui faisoient un si grand secret de leurs connoissances, ont réussi jusqu'à rendre leur existence même douteuse. Thamyris succede à Musée dans l'histoire fabuleuse; il remporte le prix aux jeux pithiens, défie les muses au combat du chant, en est vaincu & puni par la perte de la vûe & l'oubli de ses talens. On a dit de Thamyris ce qu'Ovide a dit d'Orphée: Ille etiam Thracum populis fuit autor, amorem In teneros transferre mares, citràque juventam AEtatis breve ver & primos carpere flores . Voilà un vilain art bien contesté. Amphion contemporain de Thamyris, ajoûte trois cordes à la lyre d'Orphée; il adoucit les moeurs des Thébains. Trois choses, dit Julien, le rendirent grand poëte, l'étude de la Philosophie, le génie, & l'oisiveté. Melampe qui parut après Amphion, fut théologien, philosophe, poëte & medecin; on lui éleva des temples après sa mort, pour avoir guéri les filles de Praetus de la fureur utérine: on dit que ce fut avec l'ellébore. Hésiode, successeur de Melampe, fut contemporain & rival d'Homere. Nous laisserons les particularités de sa vie qui sont assez incertaines, & nous donnerons l'analyse de sa théogonie. Le Chaos, dit Hésiode, étoit avant tout. La Terre fut après le Chaos; & après la Terre, le Tartare dans les entrailles de la Terre: alors l'Amour naquit, l'Amour le plus ancien & le plus beau des immortels. Le Chaos engendra l'Erebe & la Nuit; la nuit engendra l'Air & le Jour; la Terre engendra le Ciel, la Mer & les Montagnes; le Ciel & la Terre s'unirent, & ils engendrerent l'Océan, des fils, des filles; & après ces enfans, Saturne, les Cyclopes, Bronte, Stérope & Argé, fabricateurs de foudres; & après les Cyclopes, Cotté, Briare & Gygès. Dès le commencement les enfans de la Terre & du Ciel se brouillerent avec le Ciel, & se tinrent cachés dans les entrailles de la Terre. La Terre irrita ses enfans contre son époux, & Saturne coupa les testicules au Ciel. Le sang de la blessure tomba sur la Terre, & produisit les Géants, les Nymphes & les Furies. Des testicules jettés dans la Mer naquit une déesse, autour de laquelle les Amours se rassemblerent: c'étoit Vénus. Le Ciel prédit à ses enfans qu'il seroit vengé. La Nuit engendra le Destin, Nemesis, les Hespérides, la Fraude, la Dispute, la Haine, l'Amitié, Momus, le Sommeil, la troupe legere des Songes, la Douleur & la Mort. La Dispute engendra les Travaux, la Mémoire, l'Oubli, les Guerres, les Meurtres, le Mensonge & le Parjure. La Mer engendre Nérée, le juste & véridique Nérée; & après lui, des fils & des filles, qui engendrerent toutes les races divines. L'Océan & Thétis eurent trois mille enfans. Rhéa fut mere de la Lune, de l'Aurore & du Soleil. Le Styx fils de l'Océan engendra Zelus, Nicé, la Force & la Violence, qui furent toûjours assises à côté de Jupiter. Phébé & Caeus engendrerent Latone, Astérie & Hécate, que Jupiter honora par-dessus toutes les immortelles. Rhéa eut de Saturne Vesta, Cerès, Pluton, Neptune & Jupiter, pere des dieux & des hommes. Saturne qui savoit qu'un de ses enfans le déthroneroit un jour, les mange à mesure qu'ils naissent; Rhéa conseillée par la Terre & par le Ciel, cache Jupiter le plus jeune dans un antre de l'ile de Crete, &c. Voilà ce qu'Hésiode nous a transmis en très-beaux vers, le tout mêlé de plusieurs autres rêveries greques. Voyez , dans Brucker, tome I. pag. 417. le commentaire qu'on a fait sur ces réveries. Si l'on s'en est servi pour cacher quelques vérités, il faut avoüer qu'on y a bien réussi. Si Hésiode pouvoit revenir au monde, & qu'il entendît seulement ce que les Chimistes voyent dans la fable de Saturne, je crois qu'il seroit bien surpris. De tems immémorial, les planetes & les métaux ont été désignés par les mêmes noms. Entre les métaux, Saturne est le plomb. Saturne dévore presque tous ses enfans; & pareillement le plomb attaque la plûpart des substances métalliques: pour le guérir de cette avidité cruelle, Rhéa lui fait avaler une pierre; & le plomb uni avec les pierres, se vitrifie & ne fait plus rien aux métaux qu'il attaquoit, &c. Je trouve dans ces sortes d'explications beaucoup d'esprit, & peu de vérité. Une réflexion qui se présente à la lecture du poëme d'Hésiode, qui a pour titre, des jours & des travaux , c'est que dans ces tems la pauvreté étoit un vice; le pain ne manquoit qu'au paresseux: & cela devroit être ainsi dans tout état bien gouverné. On cite encore parmi les théogonistes & les fondateurs de la philosophie fabuleuse des Grecs , Epiménide de Crete, & Homere. Epiménide ne fut pas inutile à Solon dans le choix des lois qu'il donna aux Athéniens. Tout le monde connoît le long sommeil d'Epiménide: c'est, selon toute apparence, l'allégorie d'une longue retraite. Homere théologien, philosophe & poëte, écrivit environ 900 ans avant l'ere chrétienne. Il imagina la ceinture de Vénus, & il fut le pere des graces. Ses ouvrages ont été bien attaqués, & bien défendus. Il y a deux mots de deux hommes célebres que je comparerois volontiers. L'un disoit qu'Homere n'avoit pas vingt ans à être lu; l'autre, que la religion n'avoit pas cent ans à durer. Il me semble que le premier de ces mots marque un défaut de philosophie & de goût, & le second un défaut de philosophie & de foi. Voilà ce que nous avons pû rassembler de supportable sur la philosophie fabuleuse des Grecs . Passons à leur philosophie politique. Philosophie politique des Grecs . La Religion, l'Eloquence, la Musique & la Poésie, avoient préparé les peuples de la Grece à recevoir le joug de la législation; mais ce joug ne leur étoit pas encore imposé. Ils avoient quitté le fond des forêts; ils étoient rassemblés; ils avoient construit des habitations, & élevé des autels; ils cultivoient la terre, & sacrifioient aux dieux: du reste sans conventions qui les liassent entre eux, sans chefs auxquels ils se fussent soûmis d'un consentement unanime, quelques notions vagues du juste & de l'injuste étoient toute la regle de leur conduite; & s'ils étoient retenus, c'étoit moins par une autorité publique, que par la crainte du ressentiment particulier. Mais qu'est ce que cette crainte? qu'est-ce même que celle des dieux? qu'est-ce que la voix de la conscience, sans l'autorité & la menace des lois? Les lois, les lois; voilà la seule barriere qu'on puisse élever contre les passions des hommes: c'est la volonté générale qu'il faut opposer aux volontés particulieres; & sans un glaive qui se meuve également sur la surface d'un peuple, & qui tranche ou fasse baisser les têtes audacieuses qui s'élevent, le foible demeure exposé à l'injure du plus fort; le tumulte regne, & le crime avec le tumulte; & il vaudroit mieux pour la sûreté des hommes, qu'ils fussent épars, que d'avoir les mains libres & d'être voisins. En effet, que nous offre l'histoire des premiers tems policés de la Grece? des meurtres, des rapts, des adulteres, des incestes, des parricides; voilà les maux auxquels il falloit remédier, lorsque Zaleucus parut. Personne n'y étoit plus propre par ses talens, & moins par son caractere: c'étoit un homme dur; il avoit été pâtre & esclave, & il croyoit qu'il falloit commander aux hommes comme à des bêtes, & mener un peuple comme un troupeau. Si un européen avoit à donner des lois à nos sauvages du Canada, & qu'il eût été témoin des excès auxquels ils se portent dans l'ivresse, la premiere idée qui lui viendroit, ce seroit de leur interdire l'usage du vin. Ce fut aussi la premiere loi de Zaleucus: il condamna l'adultere à avoir les yeux crevés; & son fils ayant été convaincu de ce crime, il lui fit arracher un oeil, & se fit arracher l'autre. Il attacha tant d'importance à la législation, qu'il ne permit à qui que ce fût d'en parler qu'en présence de mille citoyens, & qu'avec la corde au cou. Ayant transgressé dans un tems de guerre la loi par laquelle il avoit décerné la peine de mort contre celui qui paroîtroit en armes dans les assemblées du peuple, il se punit lui-même en s'ôtant la vie. On attribue la plûpart de ces faits, les uns à Charondas, les autres à Dioclès de Syracuse. Quoi qu'il en soit, ils n'en montrent pas moins combien on exigeoit de respect pour les lois, & quel danger on trouvoit à en abandonner l'examen aux particuliers. Charondas de Catane s'occupa de la politique, & dictoit ses lois dans le même tems que Zaleucus faisoit exécuter les siennes. Les fruits de sa sagesse ne demeurerent pas renfermés dans sa patrie, plusieurs contrées de l'Italie & de la Sicile en profiterent. Ce fut alors que Triptoleme poliça les villes d'Eleusine; mais toutes ses institutions s'abolirent avec le tems. Dracon les recueillit, & y ajoûta ce qui lui fut suggéré par son humeur féroce. On a dit de lui, que ce n'étoit point avec de l'encre, mais avec du sang qu'il avoit écrit ses lois. Solon mitigea le système politique de Dracon, & l'ouvrage de Solon fut perfectionné dans la suite par Thesée, Clisthene, Démetrius de Phalere, Hipparque, Pisistrate, Periclès, Sophocle, & d'autres génies du premier ordre. Le célebre Lycurgue parut dans le courant de la premiere olympiade. Il étoit reservé à celui-ci d'assujettir tout un peuple à une espece de regle monastique. Il connoissoit les gouvernemens de l'Egypte. Il n'écrivit point ses lois. Les souverains en furent les dépositaires; & ils purent, selon les circonstances, les étendre, les restreindre, ou les abroger, sans inconvénient: cependant elles étoient le sujet des chants de Tyrtée, de Terpandre, & des autres poëtes du tems. Rhadamante, celui qui mérita par son intégrité la fonction de juge aux enfers, fut un des législateurs de la Crete. Il rendit ses institutions respectables, en les proposant au nom de Jupiter. Il porta la crainte des dissensions que le culte peut exciter, ou la vénération pour les dieux, jusqu'à défendre d'en prononcer le nom. Minos fut le successeur de Rhadamante, l'émule de sa justice en Crete, & son collégue aux enfers. Il alloit consulter Jupiter dans les antres du mont Ida; & c'est de-là qu'il rapportoit aux peuples non ses ordonnances, mais les volontés des dieux. Les sages de Grece succéderent aux législateurs. La vie de ces hommes, si vantés pour leur amour de la vertu & de la verité, n'est souvent qu'un tissu de mensonges & de puérilités, à commencer par l'historiette de ce qui leur mérita le titre de sages . De jeunes Ioniens rencontrent des pêcheurs de Milet, ils en achetent un coup de filet; on tire le filet, & l'on trouve parmi des poissons un trépié d'or. Les jeunes gens prétendent avoir tout acheté, & les pêcheurs n'avoir vendu que le poisson. On s'en rapporte à l'oracle de Delphe, qui adjuge le trépié au plus sage des Grecs . Les Milésiens l'offrent à Thalès, le sage Thales le transmet au sage Bias, le sage Bias à Pittacus, Pittacus à un autre sage, & celui-ci à Solon, qui restitua à Apollon le titre de sage & le trépié . La Grece eut sept sages. On entendoit alors par un sage , un homme capable d'en conduire d'autres. On est d'accord sur le nombre; mais on varie sur les personnages. Thalès, Solon, Chilon, Pittacus, Bias, Cléobule & Periandre, sont le plus généralement reconnus. Les Grecs ennemis du despotisme & de la tyrannie, ont substitué à Periandre, les uns Myson, les autres Anacharsis. Nous allons commencer par Myson. Myson naquit dans un bourg obscur. Il suivit le genre de vie de Timon & d'Apémante, se garantit de la vanité ridicule des Grecs , encouragea ses concitoyens à la vertu, plus encore par son exemple que par ses discours, & fut véritablement un sage. Thalès fut le fondateur de la secte ionique. Nous renvoyons l'abregé de sa vie à l' article Ionienne , (Philosophie) où nous ferons l'histoire de ses opinions. Solon succéda à Thalès. Malgré la pauvreté de sa famille, il joüit de la plus grande considération. Il descendoit de Codrus. Exécestide, pour réparer une fortune que sa prodigalité avoit épuisée, jetta Solon son fils dans le commerce. La connoissance des hommes & des lois fut la principale richesse que le philosophe rapporta des voyages que le commerçant entreprit. Il eut pour la Poésie un goût excessif, qu'on lui a reproché. Personne ne connut aussi-bien l'esprit leger & les moeurs frivoles de ses concitoyens, & n'en sut mieux profiter. Les Athéniens desespérant, après plusieurs tentatives inutiles, de recouvrer Salamine, décernerent la peine de mort contre celui qui oseroit proposer derechef cette expédition. Solon trouva la loi honteuse & nuisible. Il contrefit l'insensé; & le front ceint d'une couronne, il se présenta sur une place publique, & se mit à réciter des élégies qu'il avoit composées. Les Athéniens se rassemblent autour de lui; on écoute; on applaudit; il exhorte à reprendre la guerre contre Salamine. Pisistrate l'appuie; la loi est révoquée; on marche contre les habitans de Megare; ils sont défaits, & Salamine est recouvrée. Il s'agissoit de prévenir l'ombrage que ce succès pouvoit donner aux Lacédémoniens, & l'allarme que le reste de la Grece en pouvoit prendre; Solon s'en chargea, & y réussit: mais ce qui mit le comble à sa gloire, ce fut la défaite des Cyrrhéens, contre lesquels il conduisit ses compatriotes, & qui furent séverement châtiés du mépris qu'ils avoient affecté pour la religion. Ce fut alors que les Athéniens se diviserent sur la forme du gouvernement; les uns inclinoient pour la démocratie; d'autres pour l'oligarchie, ou quelque administration mixte. Les pauvres étoient obérés au point que les riches devenus maîtres de leurs biens & de leur liberté, l'étoient encore de leurs enfans: ceux-ci ne pouvoient plus supporter leur misere; le trouble pouvoit avoir des suites fâcheuses. Il y eut des assemblées. On s'adressa d'une voix générale à Solon, & il fut chargé d'arrêter l'état sur le penchant de sa ruine. On le créa archonte, la troisieme année de la quarante-sixieme olympiade; il rétablit la police & la paix dans Athenes; il soulagea les pauvres, sans trop mécontenter les riches; il divisa le peuple en tribus; il institua des chambres de judicature; il publia ses lois; & employant alternativement la persuasion & la force, il vint à-bout des obstacles qu'elles rencontrerent. Le bruit de sa sagesse pénétra jusqu'au fond de la Scythie, & attira dans Athenes Anacharsis & Toxaris, qui devinrent ses admirateurs, ses disciples & ses amis. Après avoir rendu à sa patrie ce dernier service; il s'en exila. Il crut que son absence étoit nécessaire pour accoûtumer ses concitoyens, qui le fatiguoient sans cesse de leurs doutes, à interpréter eux-mêmes ses lois. Il alla en Egypte, où il fit connoissance avec Psenophe; & dans la Crete, où il fut utile au souverain par ses conseils; il visita Thalès; il vit les autres sages; il conféra avec Périandre, & il mourut en Chypre âgé de 80 ans. Le desir d'apprendre qui l'avoit consumé pendant toute sa vie, ne s'éteignit qu'avec lui. Dans ses derniers momens, il étoit encore environné de quelques amis, avec lesquels il s'entretenoit des sciences qu'il avoit tant chéries. Sa philosophie pratique étoit simple; elle se reduisoit à un petit nombre de maximes communes, telles que celles-ci: ne s'écarter jamais de la raison: n'avoir aucun commerce avec le méchant: méditer les choses utiles: éviter le mensonge: être fidele ami: en tout considérer la fin; c'est ce que nous disons à nos enfans: mais tout ce qu'on peut faire dans l'âge mûr, c'est de pratiquer les leçons qu'on a reçûes dans l'enfance. Chilon de Lacédémone fut élevé à l'éphorat sous Eutydeme. Il n'y eut guere d'homme plus juste. Parvenu à une extrème vieillesse, la seule faute qu'il se reprochoit, c'étoit une foiblesse d'amitié qui avoit soustrait un coupable à la sévérité des lois. Il étoit patient, & il répondoit à son frere, indigné de la préférence que le peuple lui avoit accordée pour la magistrature: tu ne sais pas supporter une injure, & je le sais moi . Ses mots sont laconiques. Connois toi: rien de trop: laisse en repos les morts . Sa vie fut d'accord avec ses maximes Il mourut de joie, en embrassant son fils qui sortoit vainqueur des jeux olympiques. Pittacus naquit à Lesbos, dans la 32 e olympiade. Encouragé par les freres du poëte Alcée, & brûlant par lui-même du desir d'affranchir sa patrie, il débuta par l'exécution de ce dessein périlleux. En reconnoissance de ce service, ses concitoyens le nommerent général dans la guerre contre les Athéniens. Pittacus proposa à Phrinon qui commandoit l'ennemi, d'épargner le sang de tant d'honnêtes gens qui marchoient à leur suite, & de finir la querelle des deux peuples par un combat singulier. Le défi fut accepté. Pittacus enveloppa Phrinon dans un filet de pêcheur qu'il avoit placé sur son bouclier, & le tua. Dans la répartition des terres, on lui en accorda autant qu'il en voudroit ajoûter à ses domaines; il ne demanda que ce qu'il en pourroit renfermer sous le jet d'un dard, & n'en retint que la moitié. Il prescrivit de bonnes lois à ses concitoyens. Après la paix, ils reclamerent l'autorité qu'ils lui avoient confiée, & il la leur résigna. Il mourut âgé de 70 ans, après avoir passé les dix dernieres années de sa vie dans la douce obscurité d'une vie privée. Il n'y a presque aucune vertu dont il n'ait mérité d'être loüé. Il montra surtout l'élévation de son ame dans le mépris des richesses de Crésus; sa fermeté dans la maniere dont il apprit la mort imprévûe de son fils; & sa patience, en supportant sans murmure les hauteurs d'une femme impérieuse. Bias de Priene fut un homme rempli d'humanité; il racheta les captives Messéniennes, les dota, & les rendit à leurs parens. Tout le monde sait sa réponse à ceux qui lui reprochoient de sortir les mains vuides de sa ville abandonnée au pillage de l'ennemi: j'emporte tout avec moi . Il fut orateur célebre & grand poëte. Il ne se chargea jamais d'une mauvaise cause; il se seroit cru deshonoré, s'il eût employé sa voix à la défense du crime & de l'injustice. Nos gens de palais n'ont pas cette délicatesse. Il comparoit les sophistes aux oiseaux de nuit, dont la lumiere blesse les yeux. Il expira à l'audience entre les bras d'un de ses parens, à la fin d'une cause qu'il venoit de gagner. Cléobule de Linde, ville de l'île de Rhodes, avoit été remarqué par sa force & par sa beauté, avant que de l'être par sa sagesse. Il alla s'instruire en Egypte. L'Egypte a été le séminaire de tous les grands hommes de la Grece. Il eut une fille appellée Eumétide ou Cléobuline , qui fit honneur à son pere. Il mourut âgé de 70 ans, après avoir gouverné ses citoyens avec douceur. Périandre le dernier des sages, seroit bien indigne de ce titre, s'il avoit mérité la plus petite partie des injures que les historiens lui ont dites; son grand crime, à ce qu'il paroît, fut d'avoir exercé la souveraineté absolue dans Corinthe: telle étoit l'aversion des Grecs pour tout ce qui sentoit le despotisme, qu'ils ne croyoient pas qu'un monarque pût avoir l'ombre de la vertu: cependant à travers leurs invectives, on voit que Périandre se montra grand dans la guerre & pendant la paix, & qu'il ne fut déplacé ni à la tête des affaires ni à la tête des armées; il mourut âgé de 80 ans, la quatrieme année de la quarante huitieme olympiade: nous renvoyons à l'histoire de la Grece pour le détail de sa vie. Nous pourrions ajoûter à ces hommes, Esope, Théognis, Phocilide, & presque tous les poëtes dramatiques; la fureur des Grecs pour les spectacles donnoit à ces auteurs une influence sur le gouvernement, dont nous n'avons pas l'idée. Nous terminerons cet abrégé de la philosophie politique des Grecs , par une question. Comment est-il arrivé à la plûpart des sages de Grece, de laisser un si grand nom après avoir fait de si petites choses? il ne reste d'eux aucun ouvrage important, & leur vie n'offre aucune action éclatante; on conviendra que l'immortalité ne s'accorde pas de nos jours à si bas prix. Seroit-ce que l'utilité générale qui varie sans cesse, étant toutefois la mesure constante de notre admiration, nos jugemens changent avec les circonstances? Que falloit-il aux Grecs à-peine sortis de la Barbarie? des hommes d'un grand sens, fermes dans la pratique de la vertu, au-dessus de la séduction des richesses & des terreurs de la mort, & c'est ce que leurs sages ont été: mais aujourd'hui c'est par d'autres qualités qu'on laissera de la réputation après soi; c'est le génie & non la vertu qui fait nos grands hommes. La vertu obscure parmi nous n'a qu'une sphere étroite & petite dans laquelle elle s'exerce; il n'y a qu'un être privilégié dont la vertu pourroit influer sur le bonheur général, c'est le souverain; le reste des honnetes gens meurt, & l'on n'en parle plus: la vertu eut le même sort chez les Grecs dans les siecles suivans. De la philosophie sectaire des Grecs . Combien ce peuple a changé! du plus stupide des peuples, il est devenu le plus délié; du plus féroce, le plus poli: ses premiers législateurs, ceux que la nation a mis au nombre de ses dieux, & dont les statues décorent ses places publiques & sont révérées dans ses temples, auroient bien de la peine à reconnoître les descendans de ces sauvages hideux qu'ils arracherent il n'y a qu'un moment du fond des forêts & des antres. Voici le coup-d'oeil sous lequel il faut maintenant considérer les Grecs sur-tout dans Athenes. Une partie livrée à la superstition & au plaisir, s'échappe le matin d'entre les bras des plus belles courtisanes du monde, pour se répandre dans les écoles des philosophes & remplir les gymnases, les théatres & les temples; c'est la jeunesse & le peuple: une autre, toute entiere aux affaires de l'état, médite de grandes actions & de grands crimes; ce sont les chefs de la république, qu'une populace inquiete immole successivement à sa jalousie: une troupe moitié sérieuse & moitié folâtre passe son tems à composer des tragédies, des comédies, des discours éloquens & des chansons immortelles; & ce sont les rhéteurs & les poëtes: cependant un petit nombre d'hommes tristes & querelleurs décrient les dieux, médisent des moeurs de la nation, relevent les sottises des grands, & se déchirent entre eux; ce qu'ils appellent aimer la vertu & chercher la vérité; ce sont les philosophes, qui sont de tems-en-tems persécutés & mis en fuite par les prêtres & les magistrats. De quelque côté qu'on jette les yeux dans la Grece, on y rencontre l'empreinte du génie, le vice à côté de la vertu, la sagesse avec la folie, la mollesse avec le courage; les Arts, les travaux, la volupté, la guerre & les plaisirs; mais n'y cherchez pas l'innocence, elle n'y est pas. Des barbares jetterent dans la Grece le premier germe de la Philosophie; ce germe ne pouvoit tomber dans un terrein plus fécond; bientôt il en sortit un arbre immense dont les rameaux s'étendant d'âge en âge & de contrées en contrées, couvrirent successivement toute la surface de la terre: on peut regarder l'Ecole Ionienne & l'Ecole de Samos comme les tiges principales de cet arbre. De la secte Ionique . Thales en fut le chef. Il introduisit dans la Philosophie la méthode scientifique, & mérita le premier d'être appelle philosophe , à prendre ce mot dans l'acception qu'il a parmi nous; il eut un grand nombre de sectateurs; il professa les Mathématiques, la Métaphysique, la Theologie, la Morale, la Physique, & la Cosmologie; il regarda les phénomenes de la nature, les uns comme causes, les autres comme effets, & chercha à les enchainer: Anaximandre lui succéda, Anaximene à Anaximandre, Anaxagoras à celui-ci, Diogene Apolloniate à Anaxagoras, & Archelaus à Diogene. Voyez Ionienne , ( Philosophie) La secte ionique donna naissance au Socratisme & au Péripatétisme. Du Socratisme . Socrate, disciple d'Archélaüs, Socrate qui fit descendre du ciel la Philosophie, se renferma dans la Métaphysique, la Théologie, & la Morale; il eut pour disciples Xénophon, Platon, Aristoxène, Démétrius de Phalere, Panétius, Callisthene, Satyrus, Eschine, Criton, Cimon, Cebès, & Timon le misanthrope. Voy. l'art. Socratisme . La doctrine de Socrate donna naissance au Cyrénaïsme sous Aristippe, au Mégarisme sous Euclide, à la secte Eliaque sous Phédon, à la secte Académique sous Platon, & au Cynisme sous Anthisthene. Du Cyrénaïsme . Aristippe enseigna la Logique & la Morale; il eut pour sectateurs Arété, Egesias, Annium, l'athée Théodore, Evemere, & Bion le Boristhenite. Voyez l'article Cyrénaïsme . Du Mégarisme . Euclide de Mégare, sans négliger les parties de la philosophie Socratique, se livra particulierement à l'étude des Mathématiques; il eut pour sectateurs Eubulide, Alexine, Euphane, Apollonius, Cronus, Diodore, & Stilpon. Voyez l'article Mégarisme . De la secte Eliaque & Erétriaque . La doctrine de Phédon fut la même que celle de son maître; il eut pour disciples Ménedeme & Asclépiade. Voy. Eliaque , ( secte. ) Du Platonisme . Platon fonda la secte Académique; on y professa presque toutes les Sciences, les Mathématiques, la Geométrie, la Dialectique, la Métaphysique, la Psycologie, la Morale, la Politique, la Théologie, & la Physique. Il y eut trois académies; l'académie premiere ou ancienne, sous Speusippe, Xénocrate, Polémon, Cratès, Crantor: l'académie seconde ou moyenne, sous Architas & Lacyde: l'académie nouvelle ou troisieme, quatrieme, & cinquieme, sous Carnéade, Clitomaque, Philon, Charmidas, & Antiochus. Voyez les articles Platonisme & Académie . Du Cynisme . Anthistene ne professa que la Morale; il eut pour sectateurs Diogene, Onesicrite, Maxime, Cratès, Hypparchia, Métrocle, Ménedeme, & Ménippe. Voyez l'art . Cynisme . Le Cynisme donna naissance au Stoïcisme; cette secte eut pour chef Zénon, disciple de Cratès. Du Stoicisme . Zénon professa la Logique, la Métaphysique, la Théologie, & la Morale; il eut pour sectateurs Persée, Ariston de Chio, Hérille, Sphere, Athénodore, Clianthe, Chrysippe, Zénon de Tarre, Diogene le Babylonien, Antipater de Tarse, Panétius, Posidonius, & Jason. Voyez l'art . Stoicisme . Du Péripatétisme . Aristote en est le fondateur; Montagne a dit de celui-ci, qu'il n'y a point de pierres qu'il n'ait remuées. Aristote écrivit sur toutes sortes de sujets, & presque toûjours en homme de génie; il professa la Logique, la Grammaire, la Rhétorique, la Poétique, la Métaphysique, la Théologie, la Morale, la Politique, l'Histoire naturelle, la Physique & la Cosmologie: il eut pour sectateurs Théophraste, Straton de Lampsaque, Lycon, Ariston, Critolaüs, Diodore, Dicéarque, Eudeme, Héraclide de Pont, Phanion, Démétrius de Phalere, & Hieronimus de Rhodes. Voyez les articles Aristotélisme & Péripatétisme . De la secte Samienne . Pythagore en est le fondateur; on y enseigna l'Arithmétique, ou plus généralement, la science des nombres, la Géométrie, la Musique, l'Astronomie, la Théologie, la Medecine, & la Morale. Pythagore eut pour sectateurs Thelauge son fils, Aristée, Mnésarque, Ecphante, Hypon, Empédocle, Epicarme, Ocellus, Tymée, Archytas de Tarente, Alcméon, Hyppase, Philolaüs, & Eudoxe. Voyez l'art . Pythagorisme . On rapporte à l'école de Samos la secte Eléatique l'Héraclitisme, l'Epicuréisme, & le Pyrrhonisme ou Scepticisme. De la secte Eléatique . Xénophane en est le fondateur: il enseigna la Logique, la Métaphysique, & la Physique; il eut pour disciples Parmenide, Mélisse, Zénon d'Elée, Leucippe qui changea toute la philosophie de la secte, négligeant la plûpart des matieres qu'on y agitoit, & se renfermant dans la Physique; il eut pour sectateurs Démocrite, Protagoras, & Anaxarque. Voyez Eléatique , ( secte. ) De l'Héraclitisme . Héraclite professa la Logique, la Métaphysique, la Théologie, & la Morale, & il eut pour disciple Hippocrate, qui seul en valoit un grand nombre d'autres. Voyez Héraclitisme . De l'Epicuréisme . Epicure enseigna la Dialecti que, la Théologie, la Morale, & la Physique; il eut pour sectateurs Métrodore, Polyene, Hermage, Mus, Timocrate, Diogene de Tarse, Diogene de Séleucie, & Apollodore. Voy. l'art . Épicuréisme . Du Pyrrhonisme ou Scepticisme . Pyrrhon n'enseigna qu'à douter; il eut pour sectateurs Timon & Enésideme. Voyez les art . Pyrrhonisme & Scepticisme . Voilà quelle fut la filiation des différentes sectes qui partagerent la Grece, les chefs qu'elles ont eus, les noms des principaux sectateurs, & les matieres dont ils se sont occupés; on trouvera aux articles cités , l'exposition de leurs sentimens & l'histoire abrégée de leurs vies. Une observation qui se présente naturellement à l'aspect de ce tableau, c'est qu'après avoir beaucoup étudié, réfléchi, écrit, disputé, les philosophes de la Grece finissent par se jetter dans le Pyrrhonisme. Quoi donc, seroit-il vrai que l'homme est condamné à n'apprendre qu'une chose avec beaucoup de peine; c'est que son sort est de mourir sans avoir rien sû? Consultez sur les progrès de la Philosophie des Grecs hors de leurs contrées, les articles des différentes sectes, les articles de l'histoire de la Philosophie en général, de la philosophie des Romains sous la république & sous les empereurs, de la philosophie des Orientaux, de la philosophie des Arabes, de la philosophie des Chrétiens, de la philosophie des peres de l'Eglise, de la philosophie des Chrétiens d'occident, des Scholastiques, de la philosophie Parménidéenne, &c. vous verrez que cette philosophie s'étendit également par les victoires & les défaites des Grecs . Nous ne pouvons mieux terminer ce morceau que par un endroit de Plutarque qui montre combien Alexandre étoit supérieur en politique à son précepteur, qui fait assez l'éloge de la saine Philosophie, & qui peut servir de leçon aux rois. « La police ou forme de gouvernement d'état tant estimée, que Zénon, le fondateur & premier auteur de la secte des philosophes Stoïques, a imaginée, tend presque à ce seul point en somme, que nous, c'est-à-dire les hommes en général, ne vivions point divisés par villes, peuples, & nations, estant tous séparés par lois, droits & coûtumes particulieres, ains que nous estimions tous hommes nos bourgeois & nos citoyens, & qu'il n'y ait qu'une sorte de vie comme il n'y a qu'un monde, ne plus ne moins que si ce fût un même troupeau paissant soubs même berger en pastis communs. Zénon a écrit cela comme un songe ou une idée d'une police & de lois philosophiques qu'il avoit imaginées & formées en son esprit: mais Alexandre a mis à réelle exécution ce que l'autre avoit figuré par écrit; car il ne fit pas comme Aristote son précepteur lui conseilloit, qu'il se portât envers les Grecs comme pere, & envers les barbares comme seigneur, & qu'il eût soin des uns comme de ses amis & de ses parens, & se servît des autres comme de plantes ou d'animaux; en quoi faisant, il eût rempli son empire de bannissemens, qui sont toûjours occultes semences de guerres & factions & partialités fort dangereuses: ains estimant être envoyé du ciel comme un commun réformateur, gouverneur, & réconciliateur de l'univers, ceux qu'il ne put rassembler par remontrances de la raison, il les contraignit par force d'armes, & assemblant le tout en un de tous costés, en les faisant boire tous, par maniere de dire, en une même coupe d'amitié; & meslant ensemble les vies, les moeurs, les mariages & façons de vivre, il commanda à tous hommes vivans d'estimer la terre habitable être leur pays & son camp en être le château & donjon, tous les gens de bien parens les uns des autres, & les méchans seuls étrangers. Au demeurant, que le grec & le barbare ne seroient point distingués par le manteau ni à la façon de la targue ou du cimeterre, ou par le haut chapeau, ains remarqués & discernes le grec à la vertu & le barbare au vice, en réputant tous les vertueux grecs & tous les vicieux barbares; en estimant au demeurant les habillemens communs, les tables communes, les mariages, les façons de vivre, étant tous unis par mélange de sang & communion d'enfans ». Telle fut la politique d'Alexandre, par laquelle il ne se montra pas moins grand homme d'état qu'il ne s'étoit montré grand capitaine par ses conquêtes. Pour accréditer cette politique parmi les peuples, il appella à sa suite les philosophes les plus célebres de Grece; il les répandit chez les nations à mesure qu'il les subjuguoit. Ceux-ci plierent la religion des vainqueurs à celle des vaincus, & les disposerent à recevoir leurs sentimens en leur dévoilant ce qu'ils avoient de commun avec leurs propres opinions. Alexandre lui même ne dédaigna pas de conferer avec les hommes qui avoient quelque réputation de sagesse chez les barbares, & il rendit par ce moyen la marche de la Philosophie presque aussi rapide que celle de ses armes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grecs Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ancienne | Littérature Part of Speech=NA Grecs Grecs , ( Hist. anc. & Littérature .) On ne cessera d'admirer les talens & le génie de cette nation, tant que le goût des Arts & des Sciences subsistera dans le monde. Parcourons l'histoire générale de ce peuple célebre qu'il n'est pas permis d'ignorer; elle offre de grandes scenes à l'imagination, de grands sujets de reflexion à la Politique & à la Philosophie. De toutes les histoires du monde, c'est celle qui est la plus liée à l'esprit humain, & par conséquent la plus instructive & la plus intéressante: mais pour éviter la confusion, nous diviserons cette histoire en cinq âges différens, & nous considérerons les Grecs 1°. depuis leur commencement jusqu'à la prise de Troie: 2°. depuis la prise de Troie jusqu'aux victoires de Mycale & de Platée: 3°. depuis cette époque jusqu'à la mort d'Alexandre: 4°. depuis la mort de ce prince jusqu'à la conquête que les Romains firent de la Grece; 5°. depuis cette époque jusqu'au regne d'Auguste. Premier âge de la Grece . L'histoire des Grecs ne peut remonter qu'à l'arrivée des colonies, & conséquemment tout ce qu'ils ont débité sur les tems antérieurs est imaginé après coup. Mais dans quel tems du monde ces colonies se sont-elles établies dans la Grece? M. Freret, dans un ouvrage très-curieux sur cette matiere, a entrepris de déterminer cette époque: par une suite de calculs, il fixe celle d'Inachus, la plus ancienne de toutes, à l'an 1970; celle de Cécrops à l'an 1657; celle de Cadmus à l'an 1594, & celle de Danaüs à l'an 1586 avant Jesus-Christ. Il semble que le nom de Pélasges , regardé par quelques anciens & par les modernes comme celui d'un peuple d'Arcadie qu'ils font successi vement errer dans les iles de la mer Egée, sur les côtes de l'Asie mineure, & sur celles de l'Italie, pourroit bien être le nom général des premiers Grecs avant la fondation des cités; nom que les habitans de chaque contrée quitterent à mesure qu'ils se policerent, & qui disparut enfin quand ils furent civilisés. Suivant ce système, les anciens habitans de la Lydie, de la Carie, & de la Mysie, les Phrygiens, les Pisidiens, les Arméniens, en un mot presque tous les peuples de l'Asie mineure, formoient dans l'origine une même nation avec les Pelasges ou Grecs européens: ce qui fortifieroit cette conjecture, c'est que la langue de toutes ces nations asiatiques, la même malgré les différences qui caractérisoient les dialectes, avoit beaucoup de rapport pour le fond avec celle des Grecs d'Europe, comme le montrent les noms grecs donnes dans l'Iliade aux Troyens & à leurs alliés, & les entretiens que les chefs ont sans interpretes: peut-être aussi que la nation greque n'eut point de nom qui la désignât collectivement. Il y eut entr'autres divisions, deux partis celebres qui agiterent long-tems la Grece, je veux dire les Héraclides descendans d'Hercule fils d'Amphytrion, & les Pélopides descendans d'Atrée & de Thieste fils de Pélops, qui donna son nom au Peloponnese: la haine horrible de ces deux freres a cent fois retenti sur le théatre. Atrée fut pere d'Agamemnon & de Ménélas: ce dernier n'est que trop connu pour avoir épousé la fille de Tyndare roi de Lacédemone, la soeur de Clytemnestre, de Castor, & de Pollux, en un mot la belle Hélene. Peu de tems après son mariage, elle se fit enlever par Paris, fils de Priam roi de la Troade: tous les Grecs entrant dans le ressentiment d'un mari si cruellement outragé, formerent en commun l'entreprise à jamais mémorable de la longue guerre, du siége, & de la destruction de Troie. Les poésies d'Homere & de Virgile ont immortalisé cet évenement, les femmes & les enfans en savent par coeur les plus petits détails. Ici finit le premier âge de la Grece. On appelle cet âge le tems héroïque , parce que l'on y doit rapporter les travaux d'Hercule, de Thésée, de Pyrithoüs, les voyages des Argonautes, l'expédition des sept capitaines devant Thebes, en faveur de Polynice fils d'OEdipe contre Etéocle son frere; la guerre de Minos avec Thésée, & généralement tous les sujets que les anciens tragiques ont cent fois célébrés. Second âge de la Grece . Au retour de la fameuse expédition de Troie, la Grece éprouva mille révolutions que les vicissitudes des tems amencerent sur la scene; leurs rois dont l'autorité avoit été fort étendue à la tête des armées, tenterent hautement dans le sein du repos de dépouiller le peuple de ses principales prérogatives: l'ambition n'avoit point encore trouve le secret de se déguiser avec adresse, d'emprunter le masque de la modération, & de marcher à son but par des routes détournées; cependant jamais elle n'eut besoin de plus d'art & de ménagement. Sa violence souleva des hommes pauvres, courageux, & dont la fierté n'étoit point émoussée par cette foule de besoins & de passions qui asservirent leurs descendans. A peine quelques états eurent secoüé le joug, que tous les autres voulurent être libres; le nom seul de la royauté leur fut odieux, & une de leurs villes opprimée par un tyran, devenoit en quelque sorte un affront pour tous les Grecs: ils s'associerent donc à la célebre ligue des Amphictions; & voulant mettre leurs lois & leur liberté sous la sauve-garde d'un corps puissant & respectable, ils ne formerent qu'une seule république: pour serrer davantage le lien de leur union, ils établirent des temples communs & des jours marqués pour y offrir des sacrifices, des jeux, & des fêtes solennelles, auxquelles toutes les villes confédérées participoient; mais il falloit encore à cette ligue un ressort principal qui pût regler ses mouvemens, les précipiter ou les rallentir. Ce qui manquoit aux Grecs , Lycurgue le leur procura, & le beau gouvernement qu'il établit à Sparte le rendit en quelque sorte le législateur de la Grece entiere. « Hercule, dit Plutarque, parcouroit le monde, & avec sa seule massue il exterminoit les brigands: Sparte avec sa pauvreté exerçoit un pareil empire sur la Grece; sa justice, sa modération & son courage y étoient si considérés, que sans avoir besoin d'armer ses citoyens ni de les mettre en campagne, elle calmoit par le ministere d'un seul homme, toutes les séditions domestiques, terminoit les querelles élevées entre les villes, & contraignoit les tyrans à abandonner l'autorité qu'ils avoient usurpée ». Cette espece de médiation toûjours favorable à l'ordre, valut à Lacédémone une supériorité d'autant plus marquée, que les autres républiques étoient continuellement obligées de recourir à sa protection; se ressentant tour-à-tour de ses bienfaits, aucune d'elles ne refusa de se conduire par ses conseils. Il est beau pour l'humanité de voir un peuple qui ne doit sa grandeur qu'à son amour pour la justice. On obéissoit aux Spartiates parce qu'on honoroit leur vertu: ainsi Sparte devint insensiblement comme la capitale de la Grece, & joüit sans contestation du commandement de ses armées réunies. Athenes après Sparte tenoit dans la confédération le premier rang; elle se distinguoit par son courage, ses richesses, son industrie, & sur-tout par son élégance de moeurs & un agrément particulier que les Grecs ne pouvoient s'empêcher de goûter, quoiqu'ils fussent alors assez sages pour lui préférer des qualités plus essentielles. Les Athéniens naturellement vifs, pleins d'esprit & de talens, se croyoient destinés à gouverner le monde. Chaque citoyen regardoit comme des domaines de l'état tous les pays où il croissoit des vignes, des oliviers & du froment. Cette république n'avoit jamais joüi de quelque tranquillité au-dedans, sans montrer de l'inquiétude au-dehors. Ardente à s'agiter, le repos la fatiguoit; & son ambition auroit dérangé promptement le système politique des Grecs, si le frein de son gouvernement n'eût tempéré ses agitations. Polybe compare Athenes à un vaisseau que personne ne commande, ou dans lequel tout le monde est le maître de la manoeuvre; cependant cette comparaison n'a pas toûjours été vraie. Les Athéniens, par exemple, surent bien s'accorder pour le choix de leurs généraux, quand il fut question de combattre Darius. Ce puissant monarque ayant entrepris de subjuguer la Grece, en remit le soin à Mardonius son gendre. Celui-ci débarqua dans l'Eubée, prit Erétrie, passa dans l'Attique, & rangea ses troupes dans la plaine de Marathon, mais dix mille Grecs d'une bravoure à toute épreuve, sous les ordres de Miltiade, mirent l'armée des Perses en déroute, l'an du monde 3494, & remporterent une victoire des plus signalées. Darius termina sa carriere au moment qu'il se proposoit de tirer vengeance de sa défaite; Xercès toutefois, loin d'abandonner les vûes de son prédécesseur, les seconda de tout son pouvoir, & rassembla pour y réussir toutes les forces de l'Asie. Les Grecs de leur côté résolurent unanimement de vaincre ou de mourir; leur amour passionné pour la liberté, leur haine envenimée contre la monarchie, tout les portoit à préférer la mort à la domination des Perses. Nous ne connoissons plus aujourd'hui ce que c'est que de subjuguer une nation libre: Xercès en éprouva l'impossibilité; car il faut convenir que les Perses n'étoient point encore tombés dans cet état de mollesse & de corruption, où Alexandre les trouva depuis. Cette nation avoit encore des corps de troupes d'autant plus formidables, que le courage y servoit de degrés pour parvenir aux honneurs; cependant sans parler des prodiges de valeur de Léonidas au pas des Thermopyles, où il périt avec ses trois cents Lacédémoniens, la supériorité de Thémistocle sur Xercès, & de Pausanias sur Mardonius, empêcha les Grecs de succomber sous l'effort des armes du plus puissant roi de l'Asie. Les journées de Salamine & de Platée furent décisives en leur faveur; & pour comble de gloire, Léotichides roi de Sparte & Xantippe athénien triompherent à Mycale du reste de l'armée des Perses. Ce fut le soir même de la journée de Platée, l'an du monde 3505, que les deux généraux grecs , avant de donner la bataille de Mycale, dirent à leurs soldats qu'ils marchoient à la victoire, & que Mardonius venoit d'être défait dans la Grece; la nouvelle se trouva véritable, ou par un effet prodigieux de la renommée, dit M. Bossuet, ou par une heureuse rencontre; & toute l'Asie mineure se vit en liberté. Ce second âge est remarquable par l'extinction de la plûpart des royaumes qui divisoient la Grece; c'est aussi durant cet âge, que parurent ses plus grands capitaines, & que se formerent ses principaux accroissemens, au moyen du grand nombre de colonies qu'elle envoya, tant dans l'Asie mineure que dans l'Europe; enfin c'est dans cet âge que vêcurent les sept hommes illustres auxquels on donna le nom de Sages . Quelques-uns d'eux n'étoient pas seulement des philosophes spéculatifs, ils étoient encore des hommes d'état. Voyez l'article Philosophie des Grecs . Troisieme âge de la Grece . Plus les Grecs avoient connu le prix de leur union pendant la guerre qu'ils soûtinrent contre Xercès, plus ils devoient en resserrer les noeuds après leurs victoires; malheureusement les nouvelles passions que le succès de Sparte & d'Athenes leur inspira, & les nouveaux intérêts qui se formerent entre leurs alliés, aigrirent vivement ces deux républiques l'une contre l'autre, exciterent entr'elles une funeste jalousie; & leurs querelles en devenant le principe de leur ruine, vengerent, pour ainsi dire, la Perse de ses tristes défaites. Les Athéniens, fiers des journées de Salamine & de Platée, dont ils se donnoient le principal honneur, voulurent non-seulement aller de pair avec Lacédémone, mais même affecterent le premier rang, trancherent, & déciderent sur tout ce qui concernoit le bien général, s'arrogeant la prérogative de punir & de récompenser, ou plûtôt agirent en arbitres de la Grece. Remplis de projets de gloire qui augmentoient leur présomption, au lieu d'augmenter leur crédit, plus attentifs à étendre leur empire maritime qu'à en joüir; enorgueillis des avantages de leurs mines, de la multitude de leurs esclaves, du nombre de leurs matelots; & plus que tout cela, se glorifiant des belles institutions de Solon, ils négligerent de les pratiquer. Sparte leur eût généreusement cédé l'empire de la mer; mais Athenes prétendoit commander par-tout, & croyoit que pour avoir particulierement contribué à délivrer la Grece de l'oppression des Barbares, elle avoit acquis le droit de l'opprimer à son tour. Voilà comme elle se gouverna depuis la bataille de Platée, & pendant plus de cinquante ans. Durant cet espace de tems, Sparte ne se donna que de foibles mouvemens pour réprimer sa rivale; mais à la fin pressée par les plaintes réitérées de toutes parts contre les vexations d'Athenes, elle prit les armes pour obtenir justice; & Athenes rassembla toutes ses forces pour ne la jamais rendre. C'est ici que commence la fameuse guerre du Péloponnese, qui apporta tant de changemens dans les intérêts, la politique, & les moeurs de la Grece, épuisa les deux républiques rivales, & les força de signer un traité de paix qui remit les villes greques asiatiques dans une entiere indépendance. Thucydide & Xénophon ont immortalisé le souvenir de cette guerre si longue & si cruelle, par l'histoire qu'ils en ont écrite. Tout faisoit présumer que la Grece alloit joüir d'un profond repos, quand Thebes parut aspirer à la domination; jusque-là Thebes unie tantôt avec Sparte, tantôt avec Athenes, n'avoit tenu que le second rang, sans que l'on soupçonnât qu'un jour elle prétendroit le premier. On fut bien trompé dans cette confiance. Les Thébains extrèmement aguerris, pour avoir presque toûjours eu les armes à la main depuis la guerre du Pélopponnese, & pleins d'un desir ambitieux qui croissoit à-proportion de leurs forces & de leur courage, se trouverent trop serrés dans leurs anciennes limites; ils rompirent avec Athenes, attaquerent Platées, & la raserent. Les Lacédémoniens irrités marcherent contr'eux, entrerent avec une puissante armée dans leur pays, & y pénétrerent bien avant: tous les Grecs crurent Thebes perdue; on ne savoit pas quelle ressource elle pouvoit trouver dans un seul citoyen. Epaminondas que Cicéron regarde comme le premier homme de la Grece, avoit été élevé chez son pere Polymne, dont la maison étoit le rendez-vous des savans, & des plus grands maîtres dans l'art militaire. Voyez dans Cornelius Nepos les détails de l'éducation d'Epaminondas, & son admirable caractere. Ce jeune héros défit totalement les Lacédémoniens à Leuctres, & leur porta même un coup mortel, dont ils ne se releverent jamais. Après cette victoire, il traversa l'Attique, passa l'Eurotas, & mit le siége devant Sparte; mais considérant qu'il alloit s'attirer la haine de tout le Péloponnese, s'il détruisoit une si puissante république, il se contenta de l'humilier. Cependant ce grand homme, plein d'une ambition demesurée pour la gloire de sa patrie, vouloit lui donner sur mer la même supériorité qu'il lui avoit rendue sur terre, quand la fin de ses jours fit échoüer un si grand projet, que lui seul pouvoit soûtenir. Il mourut d'une blessure qu'il reçut à la bataille de Mantinée, où il avoit mis les ennemis en deroute. On vit alors la Grece partagée en trois puissances. Thebes tâchoit de s'élever sur les ruines de Lacédemone; Lacédémone songeoit à réparer ses pertes, Athenes, quoiqu'en apparence dans le parti de Sparte, étoit bien-aise de voir aux mains ses deux rivales, & ne pensoit qu'à les balancer, en attendant la premiere occasion d'accabler l'une & l'autre. Mais une quatrieme puissance les mit d'accord, & parvint à l'empire de la Grece: ce fut Philippe de Macedoine, un des profonds politiques, & des grands rois que le hasard ait placés sur le trone. Eleve à Thebes chez le pere d'Epaminondas, il eut la même éducation que ce héros; il y étoit en qualite d'ôtage, quand il apprit la consternation des peuples de Macédoine par la perte de leur roi Perdicas son frere ainé, tué dans un combat contre les Illyriens. A cette nouvelle, Philippe se déroba de Thebes, arriva dans sa patrie, reduisit les Péoniens sous son obéissance, ferma la porte du royaume à Pausanias prince du sang royal, vainquit les Illyriens, & fit une paix captieuse avec Athenes. Enhardi par ces premieres prospérités, il s'empara de Crénide que les Thasiens avoient bâtie, & y ouvrit des mines, dont il employa le produit à entretenir un puissant corps de troupes étrangeres, & à s'acquerir des créatures. Il avoit visité les principales villes de la Grece; il en avoit étudié le génie, les intérêts, les forces, & la foiblesse. Il savoit que la corruption s'étoit glissée par tout, qu'en un mot la Grece dans cette conjoncture sembloit ne demander qu'un maître. Convaincu de cette vérité, après avoir long-tems médite son projet, & l'avoir caché avec une profonde dissimulation, il vainquit les Grecs par les Grecs , & ne parut être que leur instrument. Démosthene leur parloit de l'amour de la gloire, de l'amour de la patrie, de l'amour de l'indépendance; & ces belles passions n'existoient plus. Au lieu de s'unir très-étroitement, pour se garantir d'un ennemi si redoutable qui étoit à leurs portes, ils firent tout le contraire, & se déchirerent plus que jamais par la guerre civile, qu'on nomma la guerre sacrée . Philippe vit avec plaisir cette guerre qui affoiblissoit des peuples dont il se promettoit l'empire, & demeura neutre, jusqu'à ce que les Thessaliens furent assez aveugles pour l'appeller à leur secours. Il y vola, chassa leur tyran, & se concilia l'affection de ces peuples, dont l'excellente cavalerie jointe à la phalange macédonienne eut depuis tant de part à ses succès, & ensuite à ceux d'Alexandre. Au retour de cette entreprise, il s'empara du passage des Thermopyles, se rendit maître de la Phocide, se fit déclarer Amphiction, général des Grecs contre les Perses, vengeur d'Apollon & de son temple; enfin la victoire décisive de Chéronée sur les Athéniens & les Béotiens, couronna ses autres exploits. Ainsi la Macédoine jusqu'alors foible, méprisée, souvent tributaire, & toûjours réduite à mendier des protections, devint l'arbitre de la Grece. Philippe fut tué par trahison à l'age de 47 ans, l'an du monde 3648; mais il eut l'avantage de laisser à son fils un royaume craint & respecté, avec une armée disciplinée & victorieuse. Alexandre n'eut pas plûtôt pourvû au-dedans de son royaume, qu'il alla fondre sur ses voisins. On le vit en moins de deux ans subjuguer la Thrace, passer le Danube, battre les Getes, prendre une de leurs villes; & repassant ce fleuve, recevoir les hommages de diverses nations, châtier en revenant les Illyriens, & ranger au devoir d'autres peuples; delà voler à Thebes qu'un faux bruit de sa mort avoit révolté contre la garnison macédonienne, détruire cette ville; & par cet exemple de sévérité, tenir en bride le reste des Grecs qui l'avoient déjà proclamé leur chef. Après avoir réglé le gouvernement de la Grece , il partit pour l'Asie l'an du monde 3650 avec une armée de trente-huit mille hommes, traversa l'Hellespont, & s'avança vers le Granique, où il remporta sa premiere victoire sur les Perses; ensuite ii poussa ses conquêtes jusqu'à Sardes qui se rendit à lui; & parcourant la côte d'Asie, il continua de soûmettre tout jusqu'à la Cilicie & la Phénicie: de-là revenant par l'intérieur des terres, il subjugua la Pamphylie, la Pisidie, la Phrygie, la Paphlagonie, & la Cappadoce; il gagna la bataille d'Issus, & bien-tôt après celle d'Arbelles, qui coûta l'empire à Darius. On sait la suite de ses exploits. Ce prince conçut le dessein de conquérir les Indes, il s'empara des royaumes de Taxile & de Porus, il continua sa route vers l'Océan, arriva sur les confins du Carman, subjugua les Cosséens, & mourut à Babylone l'an du monde 3660. S'il est vrai que la victoire lui donna tout, il fit tout aussi pour se procurer la victoire; & peut-être est-ce le seul usurpateur qui puisse se vanter d'avoir fait répandre des larmes à la famille qu'il avoit renversée du throne. C'est dans ce troisieme âge de la Grece qu'il faut admirer le nombre incroyable de grands hommes qu'elle produisit, soit pour la guerre, soit pour les Sciences, ou pour les Arts. On trouvera dans Cornelius Nepos & dans Plutarque d'excellentes vies des capitaines grecs du siecle d'Alexandre; lisez-les, & les relisez sans cesse. Entre les poëtes, Eschile, Sophocle, Euripide, &c. pour le tragique; Eupolis, Cratinus, Aristophane, &c. pour le comique, acquirent une réputation que la postérité leur a conservée. Pindare, malgré la stupidité reprochée à ses compatriotes, porra l'ode à un degré sublime, qui a été plus admiré qu'imité. Parmi les orateurs, on distingue singulierement Démosthene, Eschine, Isocrate, Gorgias, Prodicus, Lysias, &c. Entre les philosophes, Anaxagore, Mélisse, Empédocle, Parménide, Zenon d'Elée, Esope, Socrate, Euclide de Mégare, Platon, Aristote, Diogene, Aristippe, Xénophon, le même que le général & l'historien. Entre les historiens, on connoît Hérodote, Ctésias, Thucydide, &c. Voyez la suite de cet article . Le célebre Méthon trouva l'ennéadécatéride, ou la fameuse période de 19 années; découverte que les Athéniens firent graver en lettres d'or au milieu de la place publique. Voyez Ennéadécatéride . Enfin, tous les artistes les plus célebres dont nous parlerons plus bas, fleurirent dans le troisieme âge de la Grece; âge incomparable qui fit voler la gloire de cette nation jusqu'au bout du monde, & qui la portera jusqu'à la fin des siecles! Quatrieme âge de la Grece . Alexandre mourut souverain d'un état qui comprenoit la Thrace, la Macédoine, l'Illyrie, l'Epire, la véritable Grece, le Péloponnese, les îles de l'Archipel, la Grece asiatique, l'Asie mineure, la Phénicie, la Syrie, l'Egypte, l'Arabic, & la Perse. Ces états toutefois n'étoient rien moins que conquis solidement; on avoit cédé aux forces, au courage, à l'habileté, ou si l'on veut, à la fortune d'Alexandre; mais il n'étoit pas possible qu'un joug si nouveau & si rapidement imposé, fût de longue durée; & quand ce monarque auroit eu un fils capable de lui succéder, il y a lieu de croire qu'il n'auroit pû long-tems contenir tant de peuples, si différens de moeurs, de langages, & de religion. Toûjours est-il sûr que la division ne tarda guere de se mettre entre les prétendans à un si vaste empire; aussi vit-on que les principaux royaumes qui se formerent des debris de la fortune de ce grand conquérant, au nombre de 12 ou 13, se réduisirent enfin à trois: l'Egypte, la Syrie, & la Macédoine, qui subsisterent jusqu'à la conquête des Romains. Cependant au milieu de tant de troubles, les Grecs ne surent se faire respecter de personne; & loin de profiter des divisions des Macédoniens, ils en furent les premiers la victime; on ne songea pas même à les ménager, parce que la foiblesse ou la vengeance d'Antipater les avoit reduits, les rendoit presque méprisables. Leur pays servit de théatre à la guerre, & leurs villes furent en proie à mille despotes, qui s'emparerent successivement de l'autorité souveraine, jusqu'à ce que les Achéens jetterent les fondemens d'une république, qui fut le dernier effort de la liberte des Grecs , & le fruit de la valeur d'Aratus, natif de Sycione. Ce jeune guerrier n'avoit que vingt ans, lorsqu'il forma le dessein magnanime de rendre la liberte à toutes les villes de la Grece, dont la plus grande partie étoit opprimée par des tyrans, & par des garnisons macédoniennes. Il commença l'exécution de ce projet par sa propre patrie; & plusieurs autres villes entrerent dans la confédération vers l'an 511 de la fondation de Rome. La vûe des Achéens étoit de ne faire qu'une simple république de toutes les villes du Péloponnese, & Aratus les y encourageoit tous les jours par ses exploits. Les rois de Macédoine dont ce projet blessoit les intérêts, ne songerent qu'à le traverser, soit en plaçant autan qu'ils le pouvoient, des tyrans dans les villes, soit en donnant à ceux qui y étoient déjà établis, des troupes pour s'y maintenir. Aratus mit toute son application à chasser ces garnisons par la force, ou à engager par la douceur les villes opprimées à se joindre à la grande alliance. Sa prudence, son adresse, & ses rares qualités contribuerent extrèmement à le seconder; cependant il ne réussit pas; les Etoliens & Cléomene roi de Lacédemone s'opposerent si fortement a ses vûes, qu'ils parvinrent à les faire échoüer. Enfin les Achéens après avoir été défaits plusieurs fois, appellerent Philippe Il. roi de Macédoine à leur secours, & l'attirerent dans leur parti, en lui remettant la forteresse de Corinthe; c'est pour lors que ce prince déclara la guerre aux Etoliens; on la nomma la guerre des alliés, sociale bellum; elle commença l'an 534 de Rome, & dura trois ans. Les Etoliens & les Athéniens réunis, mais également aveuglés par la haine qu'ils portoient au roi de Macédoine, inviterent Rome à les soûtenir, & Rome ne gardant plus de mesure avec Philippe, lui déclara la guerre. Les anciennes injures qu'elle en avoit reçûes, & les nouveaux ravages qu'il venoit de faire sur les terres de ses alliés, en furent un prétexte plausible. Rome alors enrichie des dépouilles de Carthage, pouvoit suffire aux frais des guerres les plus éloignées & les plus dispendieuses; les dangers dont Annibal l'avoit menacée, n'avoient fait que donner une nouvelle force aux ressorts de son gouvernement. Tout étoit possible à l'activité des Romains, à leur amour pour la gloire, & au courage de leurs légions. Quelque legere connoissance qu'on ait de la seconde guerre punique, on doit sentir l'étrange disproportion qui se trouvoit entre les forces de la république romaine, secondée par une partie des Grecs , & celles de Philippe. Aussi ce prince ayant été vaincu, fut obligé de souscrire aux conditions d'une humiliante paix qui le laissa sans ressource. Vainement Persée se flata de venger son pere; il fut battu & fait prisonnier l'an de Rome 596, & avec lui finit le royaume de Macédoine. Les Romains essayerent dèslors sur les Grecs cette politique adroite & savante, qui avoit déjà trompé & subjugué tant de nations: sous prétexte de rendre à chaque ville sa liberté, ses lois, & son gouvernement, ils mirent réellement la Grece dans l'impuissance de se réunir. Les Etoliens s'étoient promis de grands avantages de la part des Romains, en favorisant leurs armes contre Philippe; & pour toute récompense ils se virent obligés à ne plus troubler la Grece par leurs brigandages, & à périr de misere, s'ils ne tâchoient de subsister par le travail & l'industrie. Cet état leur parut insupportable; mais comme le joug étoit déjà trop pesant pour le secoüer sans un secours étranger, ils engagerent Anthiochus roi de Syrie, à prendre les armes contre la république. La défaite de ce prince lui fit perdre l'Asie mineure; & tous les Grecs ensemble se trouverent encore plus asservis par la puissance des Romains. Remarquons ici avec un des plus beaux génies de notre siecle, l'habileté de leur conduite après la défaite d'Antiochus. Ils étoient maîtres de l'Afrique, de l'Asie, & de la Grece, sans y avoir presque de villes en propre. Il sembloit qu'ils ne conquissent que pour donner; mais ils restoient si bien les maitres, que lorsqu'ils faisoient la guerre à quelque prince, ils l'accabloient, pour ainsi dire, du poids de tout l'univers. Il n'étoit pas tems encore pour les Romains de s'emparer des pays qu'ils venoient de conquérir. S'ils avoient garde les villes prises à Philippe, ils auroient fait ouvrir les yeux à la Grece entiere. Si après la seconde guerre punique ou celle contre Antiochus, ils avoient pris des terres en Afrique ou en Asie, ils n'auroient pû conserver des conquêtes si foiblement établies. Il falloit attendre que toutes les nations fussent accoûtumées à obéir comme libres & comme alliées, avant de leur commander comme sujettes, & qu'elles eussent été se perdre peu-à-peu dans la république romaine, comme les fleuves vont se perdre dans la mer. Après la défaite de Philippe, de Persée, & d'Antiochus, Rome prit l'habitude de régler par elle-même les différends de toutes les villes de la Grece. Les Lacédémoniens, les Béotiens, les Etoliens, & la Macedoine, étoient rangés sous sa puissance; les Athéniens sans force par eux-mêmes, & sans alliés, n'étonnoient plus le monde que par leurs basses flateries; & l'on ne montoit plus sur la tribune où Démosthene avoit parlé, que pour proposer les decrets les plus lâches. Les seuls Achéens oserent se piquer d'un reste d'indépendance, lorsque les Romains leur ordonnerent par des députés de séparer de leur corps Lacédemone, Corinthe, Argos, & Orcomene d'Arcadie. Sur leur refus, le sénat leur déclara la guerre, & le Préteur Métellus remporta sur eux deux victoires: l'une auprès des Thermopyles, & l'autre dans la Phocide. Enfin, Rome bien résolue de faire respecter sa puissance & de pousser ses avantages aussi loin qu'il lui seroit possible, envoya le consul Mummius avec les légions, pour se rendre maître de toute l'Achaïe. Le choix étoit terrible, & le succès assûré. Ce consul célebre par la rusticité de ses moeurs, par la violence & la dureté de son caractere, par son ignorance dans les Arts qui charmoient la Grece, défit pour la derniere fois les Achéens & leurs alliés. Il passa tout au fil de l'épée, livra Corinthe au pillage & aux flammes. Cette riche capitale de l'Achaïe, cette ville qui sépara les deux mers, ouvrit & ferma le Péloponnese; cette ville de la plus grande importance, dans un tems où le peuple grec étoit un monde, & les villes greques des nations; cette ville, dis-je, si grande & si superbe, fut en un moment pillée, ravagée, réduite en cendres; & la liberté des Grecs fut à jamais ensevelie sous ses ruines. Rome victorieuse & maitresse souveraine, abolit pour lors dans toutes les villes le gouvernement populaire. En un mot, la Grece devint province romaine, sous le nom de province d'Achaïe . Ce grand évenement arriva l'an de Rome 608, & l'an du monde 3838. Durant ce quatrieme âge que nous venons de parcourir, la Grece fit touiours éclore des héros, mais rarement plusieurs à-la-fois comme dans les siecles précédens. Lors de la bataille de Marathon, on avoit vu dans un même tems Leonidas, Pausanias, Miltiades, Thémistocle, Aristide, Léotichides, & plusieurs autres hommes du premier ordre. On vit dans cet âge-ci, un Phocion, un Aratus, & ensuite un Philopoëmen, après lequel la Grece ne produisit plus de héros dignes d'elle, comme si elle étoit épuisée. Quelques rois, tels que Pyrrhus d'Epire, Cléomene de Sparte, se signalerent à la vérité par leur courage: mais la conduite, les vertus, & la morale, ne répondoient pas en eux à la valeur. Il se trouve dans cet âge quantité de philosophes célebres, & entr'autres Théophraste, successeur d'Aristote: Xénocrate, successeur de Platon, & maître de Polémon, dont Cratès fut le disciple; celui-ci forma Crantor, qui eut pour éleve Arcésilaüs, fondateur de la moyenne académie; Epicure, disciple de Cratès; Zénon, fondateur de la secte des Stoiciens; Chrysippe & Cléante qui suivirent ses sentimens; Straton de Lampsaque péripatéticien, successeur de Théophraste; & Lycas, successeur de Straton. Je ne dois pas oublier Démétrius de Phalere, sorti de la même école, depuis fait archonte d'Athenes, qu'il gouverna pendant dix ans; au bout desquelles le crédit de ses ennemis l'obligea de se sauver chez le roi Prolomée: j'ajoûte encore Diogene le stoicien, différent de Diogene le cynique; Critolaüs, péripatéticien; Carnéades, academicien; Lacyde, fondateur de la nouvelle académie, &c. Entre les Poëtes, on distingue Aratus, qui a traité de l'Astronomie en vers; Calliniaque, poéte élégiaque; Ménandre, poëte comique; Theocrite, Bion, & Moschus, poetes bucoliques. L'historien Timée, le géographe Eratosthene, & quelques autres, se firent aussi beaucoup de reputation par leurs ouvrages. Mais il faut convenir qu'on s'apperçevoit déjà de la décadence des lettres; aussi le cinquieme âge dont nous parlerons très-brievement, ne peut guere vanter que Métrodore, philosophe sceptique; Geminus, mathématicien; & Diodore de Sicile, historien. Les Sciences abandonnant la la Grece, prenoient leur vol vers l'Italie, qui produisit à son tour la foule d'écrivains célebres du siecle d'Auguste. Cinquieme âge de la Grece . Pendant cet âge qui commença l'an du monde 3838, & qui dura jusqu'à l'empire d'Octave, c'est-à-dire 116 ans, les Romains apporterent peu de changemens dans les lois municipales des villes greques; ils se contenterent d'en tirer le tribut annuel, & d'exercer la souveraineté par un préteur. Un gouvernement si doux pour un pays épuisé par de longues guerres, retint la Grece sous la dépendance de la république, jusqu'au regne de Mithridate, qui fit sentir à l'univers qu'il étoit ennemi de Rome, & qu'il le seroit toûjours. De tous les rois qui attaquerent la puissance romaine, Mithridate seul la combattit avec courage. Il eut de grands succès sur les premiers généraux romains; conquit une partie de l'Asie, la Thrace, la Macédoine, & la Grece, & ne put être réduit à ses anciennes limites que par les victoires de Sylla. Ce fameux capitaine qui ternit par sa barbarie la gloire que ses grandes qualités pouvoient lui procurer, n'eut pas plûtôt obtenu, malgré Marius, le commandement de l'armée contre le roi de Pont, qu'ayant appris qu'il avoit fait d'Athenes sa forteresse & sa place d'armes, il résolut de s'en emparer; mais comme il n'avoit point de bois pour ses machines de guerre, & que rien n'étoit sacré pour lui, il coupa les superbes allées de l'academie & du Lycée, qui étoient les plus beaux parcs du monde; bien-tôt après il fit le siége, & se rendit maitre d'Athenes, ou il abandonna le pillage à la licence de ses troupes, pour se concilier leur attachement. Il avoit déjà pillé lui-même les thrésors des temples d'Epidaure, d'Olympie, de Delphes, &c. auxquels ni Flaminius, ni Paul-Emile, ni les autres capitaines romains n'avoient osé toucher. Cependant. « Mithridate, tel qu'un lion qui regardant ses blessures, n'en est que plus indigné, formoit encore le dessein de délivrer la Grece, de porter la guerre en Italie, & d'aller à Rome avec les autres nations qui l'asservirent quelques siecles après, & par les mêmes chemins; mais indignement trahi par Pharnace son propre fils, & par une armée effrayée des hasards qu'il alloit chercher, il perdit toute espérance, & termina ses jours en roi magnanime ». La prise d'Athenes, les victoires d'Orcomene & de Chéronée, toutes deux gagnées par Sylla, l'an 87 avant Jesus-Christ; & pour dire encore plus, la mort de Mithridate, rendirent la Grece aux Romains sans qu'elle ait essuyé de nouvelles vicissitudes pendans les dissensions de César & de Pompée. Enfin, après les guerres civiles qui firent passer l'empire du monde entre les mains d'Auguste, il créa trois préteurs l'an 727 de Rome, pour assûrer davantage le repos de la Grece, ou plûtôt sa servitude, dont la durée s'est perpétuée jusqu'à nos jours. Je n'ai pas le courage de suivre des malheurs qu'elle a éprouvés sous les successeurs d'Auguste, & depuis la translation du siége impérial de Rome à Bizance. Je dirai seulement que mille sois envahie, pillée, ravagée par cent nations différentes, Goths, Scythes, Alains, Gépides, Bulgares, Afriquains, Sarrazins, Croisés; elle devint enfin la proie des Turcs au commencement du xjv. siecle; toûjours gémissante depuis cette époque, sous le joug de la porte ottomane, elle n'offre actuellement à la vue des voyageurs, que des pays incultes, des masures, & de pauvres habitans plongés dans la misere, l'ignorance, & la superstition. Reflexions sur la prééminence des Grecs dans les Sciences & dans les Arts . Tel a été le sort d'un des plus beaux pays du monde, & de la nation la plus illustre de l'antiquité; quoi qu'en dise un des judicieux écrivains de Rome, qui cherche à diminuer la gloire des Grecs , en avançant que leur histoire tire son principal lustre du génie & de l'art des auteurs qui l'ont écrite, peut-on s'empêcher de reconnoître que leurs citoyens s'élevent quelquefois au-dessus de l'humanité? Marathon, les Thermopyles, Salamine, Platée, Mycale, la retraite des dix mille & tant d'autres faits éclatans, exécutés dans le sein même de la Grece pendant le cours de ses guerres domestiques, ne sont-ils pas dignes, ne sont-ils pas même au-dessus des loüanges que leur ont donné les Historiens? Mais un éloge particulier que mérite la Grece, c'est d'avoir produit les plus grands hommes, dont l'histoire doit garder le souvenir. Rome ne peut rien opposer à un Lycurgue, à un Solon, à un Thémistocle, à un Epaminondas, & à quelques autres de cet ordre. On ne voit guere de citoyens de Rome s'élever au-dessus de leur siecle & de leur nation, pour prendre un nouvel essor, & lui donner une face nouvelle. Dans la Grece au contraire, je vois souvent de ces génies vastes, puissans, & créateurs, qui s'ouvrent un chemin nouveau, & qui pénétrant l'avenir, se rendent les maîtres des évenemens. La Grece abattue, conserva même une sorte d'empire bien honorable sur ses vainqueurs; ses lumieres dans les Lettres & dans les Arts, soûmirent l'orgueil des Romains. Les vainqueurs devenus disciples des vaincus, apprirent une langue que les Homere, les Pindare, les Thucydide, les Xenophon, les Demosthene, les Platon, les Sophocle, & les Euripide avoient enrichie par leurs ouvrages immortels. Des orateurs qui charmoient dejà Rome, allerent puiser chez les Grecs ce talent enchanteur de tout embellir, ce goût fin & delicat qui doit guider le génie, & ces secrets de l'art qui lui prêtent une nouvelle force. Dans les écoles de Philosophie, où les citoyens les plus distingués de Rome se depouilloient de leurs préjugés, ils apprenoient à respecter les Grecs; ils rapportoient dans leur patrie leur reconnoissance & leur admiration; & leur république craignant d'abuser des droits de la victoire, tâchoit par ses bienfaits de distinguer la Grece des autres provinces qu'elle avoit soûmises. Quelle gloire pour les lettres, d'avoir epargné au pays qui les a cultivées, des maux dont ses législateurs, ses magistrats. & ses capitaines n'avoient pû le garantir? Vengées du mépris que leur témoigne l'ignorance, elles sont sû es d'être respectées tant qu'il se trouvera d'aussi justes appréciateurs du mérite, que l'étoient les Romains. Si des Sciences nous passons aux Beaux-Arts, nous n'hésiterons pas d'assûrer que les Grecs n'ont point eu de rivaux en ce genre. C'est sous le ciel de la Grece, on ne peut trop le répéter, que le seul gout digne de nos hommages & de nos études, se plut à repandre sa lumiere la plus éclatante. Les inventions des autres peuples qu'on y transportoit, n'étoient qu'une premiere semence, qu'un germe grossier, qui changeoit de nature & de forme dans ce terroir fertile. Minerve, à ce que disent les anciens, avoit elle-même choisi cette contrée pour la demeure des Grecs; la température de l'air la lui faisoit regarder comme le sol le plus propre à faire éclore de beaux génies. Cet éloge est une fiction, on le sait: mais cette fiction même est une preuve de l'influence qu'on attribuoit au climat de la Grece; & l'on est autorisé à croire cette opinion fondée, lorsqu'on voit le goût qui regne dans les ouvrages de cette nation, marqué d'un sceau caractéristique, & ne pouvoir être transplanté sans souffrir quelqu'altération. On verra toûjours, par exemple, entre les statues des anciens Romains & leurs originaux, une différence étonnante à l'avantage de ces derniers. C'est ainsi que Didon avec sa suite, comparée à Diane parmi ses Oréades, est une copie affoiblie de la Nausicaa d'Homere, que Virgile a tâché d'imiter. On trouve, il est vrai, des négligences dans quelques fameux ouvrages des Grecs qui nous restent: le dauphin & les enfans de la Vénus de Médicis, laissent quelque chose à desirer pour la perfection; les accessoires du Diomede de Dioscoride sont dans le même cas; mais ces foibles parties ne peuvent nuire à l'idée que l'on doit se former des artistes grecs . Les grands maitres sont grands jusque dans leurs négligences, & leurs fautes même nous instruisent. Voyons leurs ouvrages comme Lucien vouloit que l'on vît le Jupiter de Phidias; c'est Jupiter lui-même, & non pas son marche-pié, qu'il faut admirer. Il seroit aisé de faire valoir les avantages physiques que les Grecs avoient sur tous les peuples; d'abord la beauté étoit un de leurs apanages; le beau sang des habitans de plusieurs villes greques se fait même remarquer de nos jours, quoique mêlé depuis des siecles avec celui de cent nations étrangeres. On se contentera de citer les femmes de l'île de Scio, les Géorgiennes, & les Circassiennes. Un ciel doux & pur contribuoit à la parfaite conformation des Grecs , & l'on ne sauroit croire de combien de precautions pour avoir de beaux enfans, ils aidoient cette influence naturelle. Les moyens que Quillet propose dans sa callipédie , ne sont rien en comparaison de ceux que les Grecs mettoient en usage. ils porterent leurs recherches jusqu'à tenter de changer les yeux bleus en noirs; ils instituerent des jeux où l'on se disputoit le prix de la beauté; ce prix consistoit en des armes que le vainqueur faisoit suspendre au temple de Minerve. Les exercices auxquels ils étoient accoûtumés dès l'enfance, donnoient à leurs visages un air vraiment noble, joint à l'eclat de la santé. Qu'on imagine un spartiate ne d'un héros & d'une héroine, dont le corps n'a jamais éprouve la torture des maillots, qui depuis sa septieme année a couché sur la dure, & qui depuis son bas âge s'est tantôt exercé à lutter, tantôt à la courte, & tantôt à nager; qu'on le mette à côté d'un sibarite de nos jours, & qu'on juge lequel des deux un artiste choisiroit pour être le modele d'un Achille ou d'un Thésée. Un Thésée formé d'après le dernier, seroit un Thésée nourri avec des roses, tandis que celui qui seroit fait d'après le spartiate, seroit un Thésée nourri avec de la chair, pour nous servir de l'expression d'un peintre grec , qui définit ainsi deux représentations de ce héros. Les Grecs étoient d'ailleurs habillés de maniere, que la nature n'étoit point gênée dans le developpement des parties du corps; des entraves ne leur serroient point comme à nous le cou, les hanches, les cuisses, & les piés. Le beau sexe même ignoroit toute contrainte dans la parure; & les jeunes Lacédémoniennes étoient vêtues si legerement, qu'on les appelloit montre-hanches . En un mot, depuis la naissance jusqu'à l'âge fait, les efforts de la nature & de l'art tendoient chez ce peuple à produire, à conserver, & à orner le corps. Cette prééminence des Grecs en fait de beauté une fois accordée, on sent avec quelle facilité les maîtres de l'art dûrent parvenir à rendre la belle nature. Elle se prêtoit sans cesse à leurs vûes dans toutes les solemnités publiques, les fêtes, les jeux, les danses, les gymnases, les théatres, &c. & comme il trouvoient par-tout l'occasion de connoître cette belle nature, il n'est pas étonnant qu'ils l'ayent si parfaitement exprimée. Mille autres raisons ont concouru à la supériorité de cette nation dans la pratique des Beaux-Arts; les soins qu'elle prenoit pour y former la jeunesse, la considération personnelle qui en résultoit, celle des villes & des sociétés particulieres rendue publique, par des priviléges distinctifs en faveur des talens; cette même considération marquée d'une maniere encore moins équivoque par le prix excessif des ouvrages des grands maîtres: toutes ces raisons, dis-je, ont dû fonder la supériorité de ce peuple à cet égard sur tous les peuples du monde. Il n'est point de preuves plus fortes de l'amour des Beaux-Arts, que celles qui se tirent des soins employés pour les augmenter & les perpétuer. Les Grecs voulant que leur étude fît une partie de l'éducation, ils instituerent des écoles, des académies, & autres établissemens généraux, sans lesquels aucun art ne peut s'élever, ni peut-être se soûtenir. Tandis que les seuls enfans de condition libre étoient admis à ces sortes d'écoles, on ne cessoit de rendre des hommages aux célebres artistes. Le lecteur trouvera dans Pausanias & dans Pline le détail de ceux qu'Apelle reçut des habitans de Pergame, Phidias & Damophon des Eléens, Nicias & Polignotte des Athéniens. Aristodeme écrivit un livre qui ne rouloit que sur ce sujet. L'histoire nous a conservé le récit d'une autre sorte de reconnoissance, qui, quelque singuliere & quelqu'éloignée de nos moeurs qu'elle puisse être, n'est pas moins la preuve du cas que les Grecs faisoient des Beaux-Arts. Les Crotoniates ou les Agrigentins, il n'importe, avoient fait venir à grands frais le célebre Zeuxis; ce peintre devant représenter Hélene, leur demanda quelques jeunes filles pour lui servir de modele; les habitans lui en présenterent un certain nombre, & le prierent d'agréer en don les cinq plus belles qu'il avoit choisies. Vous aimerez mieux d'autres témoignages d'estime en faveur des Artistes? Eh bien, on donnoit, par exemple, à des édifices publics le nom des architectes qui les avoient construits; c'est ainsi que suivant Pollux, il y avoit dans Athenes une place qui portoit le nom de l'architecte Méthicus; c'est ainsi que suivant Pausanias, les Eléens avoient donné à un portique le nom de l'architecte Agaptus. Les Grecs , non contens de leurs efforts pour entretenir l'émulation dans le grand, penserent encore à l'exciter universellement. Ils établirent chaque année des concours entre les Artistes. On y voloit de toutes parts, & celui qui avoit la pluralité des suffrages, étoit couronné à la vûe & avec l'applaudissement de tout le peuple; ensuite son ouvrage étoit payé à un prix excessif, quelquefois étoit au-dessus de tout prix, d'un million, de deux millions, & même de plusieurs millions de notre monnoie. Qu'on ne dise point ici que les Grecs n'accordoient tant de faveurs, & ne semoient tant d'or, que pour marquer leur attachement aux divinités ou aux héros dont les artistes, peintres, & sculpteurs donnoient des représentations conformes à leurs idées. Ce discours tombera de lui-même, si l'on considere que les mêmes graces étoient également prodiguées à toutes sortes de succès & de talens, aux Sciences comme aux Beaux-Arts. Si l'amour propre a besoin d'être flaté pour nourrir l'émulation, il a souvent besoin d'être mortifié pour produire les mêmes effets; aussi voyons-nous qu'il y avoit des villes, où celui des Artistes qui présentoit le plus mauvais ouvrage, étoit obligé de payer une amende. Cette coûtume se pratiquoit à Thebes; & par tout où ces sortes de punitions n'avoient pas lieu, l'honneur du triomphe & la honte d'être surpassé, étoit un avantage, ou bien une peine suffisante. Peut-être que les divers alimens d'émulation exposés jusqu'ici, sont encore au-dessous de la considération des Orateurs, des Historiens, des Philosophes, & de tous les gens d'esprit, qui pénétrés eux-mêmes du mérite des Beaux-Arts & du mérite des Artistes, les célébroient de tout leur pouvoir. Il y a eu peu de statues & de tableaux de grands maîtres qui n'ayent été chantés par les poëtes contemporains, & ce qui est encore plus flateur, par ceux qui ont vêcu après eux. On sait que la seule vache de Myron donna lieu à quantité de pensées ingénieuses, & de fines épigrammes; l'Anthologie en est pleine; il y en a cinq sur un tableau d'Apelle représentant Venus sortant de l'onde, & vingt-deux sur le Cupidon de Praxitele. Tant de zele pour conduire les Beaux-Arts au sublime; tant de gloire, d'honneur, de richesses, & de distinctions répandues sur leur culture, dans un pays où l'esprit & les talens étoient si communs, produisirent une perfection dont nous ne pouvons plus juger aujourd'hui complettement, parce que les ouvrages qui ont mérité tant d'éloges, nous ont presque tous été ravis. Les Romains en comparaison des Grecs , eurent peu de goût pour les Arts; ils ne les ont aimés, pour ainsi dire, que par air & par magnificence. Il est vrai qu'ils ne négligerent rien pour se procurer les morceaux les plus rares & les plus recommandables; mais ils ne s'appliquerent point comme il le falloit à l'étude des mêmes arts, dont ils admiroient les ouvrages; ils laissoient le soin de s'en occuper à leurs esclaves, qui par eux-mêmes étoient pour la plûpart des étrangers; en un mot, comme le dit M. le comte de Caylus, dans son mémoire sur cette matiere , on ne vit point chez les Romains, ni la noble émulation qui animoit les Grecs , ni les productions sublimes de ces maîtres de l'art, que les âges suivans ont célébrés, dont les moindres restes nous sont si précieux, & qui, dans tous les genres, servent & serviront toûjours de modeles aux nations civilisées capables de goût & de sentiment. Article de M. le Chevalier de Jaucourt . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grecs modernes considérés par rapport à la religion Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA Grecs modernes Grecs modernes considérés par rapport à la religion , ( Hist. ecclés. ) sont des chrétiens schismatiques, aujourd'hui soûmis à la domination du grand-seigneur, & répandus dans la Grece, les îles de l'Archipel, à Constantinople & dans l'Orient, où ils ont le libre exercice de leur religion. Le schisme des Grecs commença dans le neuvieme siecle sous leur patriarche Photius, & sous l'empire de Michel III. surnommé le Bûveur ou l'Yvrogne: mais ce ne fut que dans le onzieme qu'il fut consommé par le patriarche Michel Cerularius. Dans le treizieme & le quinzieme siecles, aux conciles de Lyon & de Florence, la réunion des Grecs avec l'église romaine fut plûtôt tentée que consommée; & depuis ce tems-là les Grecs pour la plûpart sont demeurés schismatiques, quoique parmi eux il y ait un assez bon nombre de catholiques obéissans à l'église romaine, sur-tout dans les îles de l'Archipel. Voyez Schisme . Les grecs schismatiques ne reconnoissent point l'autorité du pape, & le regardent seulement comme le patriarche des Latins. Ils ont quatre patriarches pour leur nation; celui de Constantinople, qui se dit le premier; celui d'Alexandrie, celui d'Antioche, & celui de Jérusalem. Le patriarche d'Alexandrie réside ordinairement au grand Caire, & celui d'Antioche à Damas. Les chrétiens qui habitent la Grece proprement dite, ne reconnoissent pour leur chef que le patriarche de Constantinople qui y fait sa résidence, & qui est élû par les métropolitains & archevêques, puis confirmé par le grand-seigneur. Tous leurs patriarches & évêques sont religieux de l'ordre de S. Basile ou de S. Chrysostome. Les prélats & les religieux grecs portent leurs cheveux longs comme les séculiers en Europe, & different en cela des autres nations orientales qui les portent courts. Leurs habits pontificaux & sacerdotaux sont entierement différens de ceux dont on use dans l'eglise romaine. Ils ne se servent point de surplis ni de bonnets quarrés, mais seulement d'aubes, d'étoles & de chapes. Ils célebrent la messe avec une espece de chape qui n'est point ouverte ou fendue par le devant. Le patriarche porte une dalmatique en broderie, avec des manches de même; & sur la tête une couronne royale, au lieu de mitre. Les évêques ont une certaine toque à oreilles, semblable à un chapeau sans rebords. Ils ne portent point de crosse, mais une béquille d'ébene, ornée d'ivoire ou de nacre de perle. On ne célebre qu'une seule messe par jour en chaque église greque, & deux les fêtes & dimanches. Ils n'ont point d'autre traduction de la Bible que celle des Septante. Ils nient que le saint-Esprit procede du Fils, & néanmoins administrent le baptême au nom des trois personnes de la sainte Trinité. Ils ont la même créance que les Latins au sujet de l'eucharistie; mais ils consacrent avec du pain levé, & donnent la communion au peuple sous les deux especes. Ils n'admettent point de purgatoire, quoiqu'ils avouent dans leur martyrologe qu'il y a un étang de feu, par lequel passent les ames qui ont quelques souillures pour en être purifiées. Ils prient Dieu pour les défunts, & célebrent des messes à leur intention pour les délivrer de ces peines, ou selon d'autres, pour fléchir la miséricorde de Dieu, qui, selon eux, ne doit juger personne qu'à la fin du monde. Il y en a aussi qui pensent que les peines des Chrétiens ne seront pas éternelles en enfer. Ils traitent d'hérétiques ceux qui ne font pas le signe de la croix comme eux, c'est-à-dire en portant premierement la main au côté droit, puis au gauche; parce que, disent-ils, notre Seigneur donna sa main droite la premiere pour être crucifiée. Ils ne veulent point d'images en bosse ou en relief, mais seulement en plate peinture ou en gravure. Ils ne se servent point de musique ni de cloches dans les églises, & tiennent les femmes séparées des hommes par des treillis. A Constantinople, la plûpart des Chrétiens ont des chapelets; mais dans la Grece, il n'y en a guere qui sachent le Pater & l' Ave . En général, les Grecs modernes sont fort ignorans, même leurs évêques, prêtres & religieux, les lettres étant aujourd'hui aussi négligées parmi eux, qu'elles y étoient autrefois cultivées. On trouvera répandu dans ce Dictionnaire ce qui concerne les opinions & les pratiques des Grecs modernes , soit sur le dogme, soit sur la discipline, sous les différens titres qui y sont relatifs. On compte parmi les Grecs modernes plusieurs sociétés ou sectes chrétiennes répandues en Orient, & qui ont leurs évêques & leurs patriarches particuliers; comme les Maronites ou Chrétiens du mont Liban, les Arméniens, les Georgiens, les Jacobites, les Nestoriens, les Cophtes, &c. Voyez Maronites , Arminiens , &c. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRECE, (Eglise de la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=NA GRECE GRECE, ( Eglise de la ) Hist. ecclés . L' église de la Grece , qu'il faut distinguer de l' église greque , est l'église établie par S. Paul & par ses collégues, à Corinthe, à Thessalonique, & autres lieux de l'ancienne Grece en Europe. On peut encore y ajoûter l'église fondée par les apôtres, à Ephese, à Antioche, & dans les autres villes de la Grece asiatique. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grece Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.f. Grece Grece , s. f. ( Géog. ) Nous comprenons aujourd'hui sous le nom de Grece , divers pays qui n'en étoient pas tous anciennement, & qu'on pourroit diviser en sept parties soûmises au grand-seigneur: savoir, 1°. la Romanie ou Rumelie, qui étoit la Thrace des anciens: 2°. la Macédoine, qui renferme le Jamboli, le Coménolitari & la Janna: 3°. l'Albanie: 4°. la Livadie: 5°. la Morée, autrefois le Péloponnese: 6°. l'île de Candie, autrefois Crete: 7°. les iles de l'Archipel au nombre de quarante-trois. Toute cette étendue de pays est bornée à l'est par la mer Egée, au nord par les provinces du Danube, à l'ouest & au sud par une partie de la Méditerranée. Le gouvernement politique s'exerce sous le département général de deux bachas, de celui de Rumélie & du capoutan bacha. Celui de Rumélie a sous lui 24 sangiacs; le capoutan bacha, qui est l'amiral de l'Archipel, a sous ses ordres treize sangiacs. La religion dominante est le Mahométisme; le Christianisme du rit grec, suivi par le plus grand nombre des habitans qui cultivent les îles de l'Archipel, y est toléré. Les langues d'usage sont le turc & le grec vulgaire. La langue turque est employée par les Mahométans, & la greque par les Chrétiens. Les denrées, sur-tout celles des îles de l'Archipel dont il se fait un grand commerce, consistent en huiles, vins, soies crues, miel, cire, coton, froment, &c. L'ile de Candie est renommée pour ses oliviers qui ne meurent que de vieillesse, parce qu'il n'y gele jamais. Chio est célebre pour son mastic & pour ses vins; Andros, Tine, Thermie & Zia, pour leurs soies; Mételin qui est l'ancienne Lesbos, pour ses vins & ses figues; Naxie, pour son émeril; Milo, pour son soufre; Samos, pour son ochre; Siphanto, pour son coton; Skino, pour son froment; Amorgos, pour une espece de lichen, plante propre à teindre en rouge, & que les Anglois consomment, &c. Cependant la Grece a essuyé tant de revers, qu'on ne trouve plus en elle aucune trace de son ancienne gloire & de sa grandeur passée. Ses villes autrefois si nombreuses & si florissantes, n'offrent aujourd'hui que des monceaux de ruines; ses provinces jadis si belles & si fertiles, sont desertes & sans culture. Telle est la pesanteur du joug des Ottomans sous lequel les habitans gémissent, qu'ils en sont entierement accablés, & leur seul aspect ne fait appercevoir que des esprits abattus. Voyez Grecs . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grece asiatique Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA Grece asiatique Grece asiatique , ( Géog. anc. ) on a autrefois ainsi nommé la partie de l'Asie où les Grecs s'étoient établis, principalement l'Eolide, l'Ionie, la Carie & la Doride, avec les îles voisines. Ces Grecs asiatiques envoyerent le long de la Propontide & même jusqu'au fond du Pont-Euxin, des colonies qui y établirent d'autres colonies: de-là vient que l'on y trouve des villes qui portent des noms purement grecs, comme Héraclée, Trébisonde, Athenes. Voyez Athenes , Héraclée , Trébisonde . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grece, (grande) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA Grece Grece , ( grande ) Géog. anc. dénomination anciennement donnée à la partie orientale & méridionale d'Italie, où les premiers Grecs envoyerent un grand nombre de colonies, qui y fonderent plusieurs villes considérables, comme nous l'apprend Denis d'Halicarnasse. La grande Grece comprenoit la Pouille, la Messapie la Calabre, les Salentins, les Lucaniens, les Brutiens, les Crotoniates & les Locriens. Le P. Briet en a fait une table, dont voici l'abregé. Cette dénomination de grande Grece ne s'est introduite vraissemblablement que quand la république romaine a été formée, & a possédé un état, dont les Latins, les Volsques & les Sabins faisoient partie; car ces peuples étoient Grecs d'origine, & leur pays pouvoit être naturellement compris dans la Grece italique: mais comme ils avoient subi le joug des Romains & parloient une langue différente de celle des Grecs, on réserva le nom de grecs à ceux qui avoient conservé leur langue originale, qu'ils mêlerent pourtant ensuite avec la latine. Ainsi nous voyons que du tems d'Auguste on parloit encore à Canuse un jargon qui étoit un mélange de grec & de latin: Canusini more bilinguis . Quelques modernes comparant l'étendue de la Grece italique avec celle de la Grece proprement dite, qui comprenoit l'Achaïe, le Péloponnese, & la Thessalie, ont cru que le nom de grande Grece lui avoit été très-mal appliqué: mais les observations astronomiques du P. Feuillée, de M. Vernon & autres, prouvent le contraire. En effet il résulte de ces observations que la longueur & la largeur qu'on donnoit ci-devant à la Grece propre, excédoit de plusieurs degrés sa veritable étendue, ensorte que ce pays se trouva plus petit de la moitié qu'on ne le supposoit. On peut donc aujourd'hui établir pour certain, que la Grece italique a été jadis nommée grande Grece avec beaucoup de fondement, puisqu elle étoit en réalité plus grande que la veritable Grece , & cela même sans qu'il soit besoin d'y attacher la Sicile, quoique cette île étant pleine de colonies greques, pût aussi être appellée Grece , comme l'ont fait Strabon & Tite-Live. Il est vrai néanmoins que la grande Grece diminua insensiblement, à mesure que la république romaine s'aggrandit. Strabon observe qu'il ne restoit plus de son tems que Tarente, Rheges & Naples qui eussent conservé les moeurs greques, & que toutes les autres villes avoient pris les manieres etrangeres, c'est-à-dire celles des Romains leurs vainqueurs. Au reste la Grece italique a produit, ainsi que la véritable Grece , quantité d'hommes illustres: entre les Philosophes Pythagore, Parménide, Zénon, &c. entre les Poëtes Ibicus & quelques autres: mais ces Grecs d'ltalie ayant avec le tems cultivé la langue latine, s'en servirent dans leurs poésies; Horace par exemple & Racuve, tous deux nés dans la Pouille, étoient Grecs, quoiqu'ils soient du nombre des poetes latins. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grece propre Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA Grece propre Grece propre , ( Géog. anc. ) La Grece propre ou proprement dite, n'étoit d'abord qu'une petite contrée de Grece dans la Thessalie; mais ce nom se donna dans la suite à un terrein plus étendu, & enfin la Grece propre renferma tout le pays que possédoit la Macédoine, l'Epire & la plus grande partie du Péloponnese, lorsque leurs peuples, las des rois, s'erigerent en républiques pour conserver leur liberté par leurs alliances contre l'oppression étrangere, & par la police & les lois, contre l'usurpation ou le trop grand crédit des particuliers. On comprenoit alors dans la Grece propre l'Acarnanie, l'Etolie, la Doride, la Locride, la Phocide, la Béotie, l'Attique & la Mégaride. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRECQUE Author=unknown Normalized Classification=Relieur Part of Speech=s.f. GRECQUE GRECQUE, s. f. les Relieurs appellent grecque , une scie à main dont les dents sont toutes droites; ils s'en servent pour faire une entaille au-haut & au-bas des livres pliés & battus avant de les mettre entre les mains de la couturiere, afin qu'elle y fasse rentrer la chaînette du fil avec lequel elle coud le livre. Ils se servent aussi de cet outil dans la reliure, qui a pris de-là son nom, reliure à la grecque . Dans cette reliure, ils scient le dos à tous les endroits des nerfs, afin qu'ils rentrent tous, & que le dos soit plat au lieu d'être à nerfs. Cette façon de coudre les livres nous vient d'Italie. On en use dans les reliures en vélin dont le dos de la peau est séparé du livre, quoique fortifié. De la grecque on a fait le verbe grecquer . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÉENWICH Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRÉENWICH GRÉENWICH, ( Géog. ) petite ville d'Angleterre dans la province de Kent N. O. à-deux lieues de Londres sur la Tamise. Long. suivant Harris & Cassini, 17 d . 28'. 3" lat 51 d . 28'. 3" . Gréenwich est remarquable par son observatoire & par son hôpital en faveur des matelots invalides. Cette derniere maison étoit le palais chéri de Guillaume & de la reine Marie; mais en 1694 ils l'abandonnerent volontairement à cette pieuse destination. C'est à Gréenwich que naquit Henri VIII. prince aussi fougueux que voluptueux, d'une opiniâtreté invincible dans ses desirs, & d'une volonté despotique qui tint lieu de lois; libéral jusqu'à la prodigalité: courageux, intrépide, il battit les François & les Ecossois, réunit le pays de Galles à l'Angleterre, & érigea l'Irlande en nouveau royaume: cruel & sans retour sur lui-même, il se souilla de trois divorces & du sang de deux épouses: également tyran dans sa famille, dans le gouvernement & dans la religion, il se sépara du pape, parce qu'il étoit amoureux d'Anne de Boulen, & se fit le premier reconnoître pour chef de l'église dans ses états. Mais si ce fut un crime sous son empire de soûtenir l'autorité du pape, c'en fut un d'être protestant; il fit brûler dans la même place ceux qui parloient pour le pontife romain, & ceux qui se déclaroient pour la réforme d'Allemagne. Elisabeth sa fille, l'une des plus illustres souveraines dont les annales du monde ayent parlé, naquit dans le même lieu qu'Henri VIII. hérita de ses couronnes, mais non pas de son caractere & de sa tyrannie. Son regne est le plus beau morceau de l'histoire d'Angleterre: il a été l'école où tant d'hommes célebres d'état & de guerre se sont formés, que la Grande-Bretagne n'en produisit jamais un si grand nombre; elle ne peut oublier l'époque mémorable ou, après la dispersion de la flotte invincible, cette reine disoit à son parlement: « Je sais, Messieurs, que je ne tiens pas le sceptre pour mon propre avantage, & que je me dois toute entiere à la société qui a mis en moi sa confiance; mon plus grand bonheur est de voir que j'ai pour sujets des hommes dignes que je renonçansse pour eux au throne & à la vie ». ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREFFE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GREFFE GREFFE, s. m. ( Jurisprud. ) est un lieu public où l'on conserve en dépôt les minutes, registres & autres actes d'une jurisdiction, pour y avoir recours au besoin; c'est aussi le lieu où ceux qui ont la garde de ce dépôt, font & délivrent les expéditions qu'on leur demande des actes qui y sont renfermés. Ce bureau ou dépôt est ordinairement près du tribunal auquel il a rapport: il y a néanmoins certains greffes pour des objets particuliers, qui sont souvent éloignés du tribunal, comme pour les greffes des hypotheques, des insinuations, &c. On entend aussi par le terme de gresse , l'office de greffier. Voyez ci-après Greffier . Chaque tribunal, soit supérieur ou inférieur, a au-moins un gresse; il y en a même plusieurs dans certains tribunaux: chacun de ces greffes contient le dépôt d'une certaine nature d'actes. Les greffes , ou plûtôt leurs expéditions, étoient appellés anciennement écritures ou clergies; on les vendoit quelquefois, ou bien on les donnoit à ferme: l'un & l'autre fut ensuite défendu, & on ordonna qu'il y seroit pourvû de personnes capables. Enfin les greffes , qui n'étoient que de simples commissions révocables ad nutum , ont été érigés en titre d'office. Les greffes royaux sont domaniaux; ceux des justices seigneuriales sont patrimoniaux à l'égard des seigneurs; à l'égard de leurs greffiers, ce ne sont que des commissions révocables, à-moins que les greffiers n'ayent été pourvûs à titre onéreux. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Affirmations Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Affirmations Greffe des Affirmations , est le bureau où l'on reçoit les affirmations de voyages des parties qui sont venues d'un lieu dans un autre, pour apporter leurs pieces & faire juger quelque affaire. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe d'Appeaux, ou Greffe pour les Appellations Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe d'Appeaux Greffe d'Appeaux , ou Greffe pour les Appellations ; Voyez Greffier d'Appeaux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Apprentissages Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Apprentissages Greffe des Apprentissages : il fut ordonné par l'édit du mois d'Août 1704, que dans chaque ville du royaume où il y a maîtrise & jurande, il seroit établi un greffe pour insinuer & registrer tous les brevets d'apprentissage, lettres de maîtrise & actes de réception. Ces offices ont depuis été réunis aux communautés. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Arbitrages Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Arbitrages Greffe des Arbitrages ; il fut créé par édit du mois de Mars 1673, à Paris & dans plusieurs autres villes du royaume, un certain nombre d'offices de greffiers des arbitrales, pour recevoir & expédier, chacun dans leur district, toutes les sentences arbitrales: mais ces offices furent bientôt unis à ceux des notaires, par différentes déclarations rendues pour chaque lieu où il se trouvoit de ces greffiers établis. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe de l'Audience Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe de l'Audience Greffe de l'Audience , est l'office du greffier particulier qui tient la plume à l'audience. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Baptêmes, Mariages et Sépultures Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Baptêmes, Mariages et Sépultures Greffe des Baptêmes, Mariages et Sépultures . Voyez Greffier des Baptêmes , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe en chef Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe en chef Greffe en chef , c'est l'office du premier greffier d'un tribunal dont les autres greffiers ne sont que les commis. Au parlement il y a présentement deux greffes en chef , l'un appellé le greffe en chef civil , l'autre le greffe en chef criminel . Il y a aussi un greffe en chef pour les requêtes du palais. Voyez Greffier en chef . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe civil Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe civil Greffe civil , est celui qui contient le dépôt de tous les actes concernant les affaires civiles. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Criées ou des Decrets Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Criées Greffe des Criées ou des Decrets , c'est l'office du greffier qui reçoit toutes les criées & jugemens concernant les saisies réelles: on entend aussi par-là le dépôt de ces sortes d'actes. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe criminel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe criminel Greffe criminel , est le lieu où sont en dépôt tous les jugemens & autres actes & pieces concernant les affaires criminelles: on entend aussi quelquefois par-là l'office de greffier au criminel. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Decrets Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Decrets Greffe des Decrets , est la même chose que greffe des criées. Voyez ci-dev . Greffe des Criées . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Dépôts Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Dépôts Greffe des Dépôts : tous les greffes en général sont autant de dépôts particuliers; mais ceux auxquels le titre de greffe des dépôts est propre, sont des bureaux & dépôts particuliers où l'on conserve d'autres actes que les jugemens: tels sont les greffes des présentations & des affirmations; ceux des greffiers appellés garde-sacs , qui gardent les productions des parties; & le greffe des dépôts proprement dit, où l'on conserve les registres de distributions des procès, les procédures faites dans les jurisdictions, telles qu'interrogatoires faits & articles, enquêtes, informations, récollement, confrontations, procès-verbaux, &c. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Dépris Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Dépris Greffe des Dépris ; voyez ci-après Greffier des Dépris . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Domaines des Gens de Mainmorte Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Domaines des Gens de Mainmorte Greffe des Domaines des Gens de Mainmorte ; c'étoient des bureaux établis dans chaque ville pour le contrôle & enregistrement des titres des gens de main-morte de leurs baux, de la déclaration de leurs biens. Il y a eu plusieurs sois de ces greffes établis & ensuite supprimés, selon les occurrences. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe de l'Ecritoire ou des Experts Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe de l'Ecritoire Greffe de l'Ecritoire ou des Experts ; voy. Greffier de l'Ecritoire , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe garde-sac Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe garde-sac Greffe garde-sac ; Voyez Garde-sac . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Gens de Main-morte Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Gens de Main-morte Greffe des Gens de Main-morte ; voyez Greffe des Domaines des Gens de Mainmorte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe de Geole Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe de Geole Greffe de Geole , c'est l'office de greffier d'une prison, & le lieu où il tient ses registres. Voyez Greffier de Geole . Ces offices ont été déclarés domaniaux par une déclaration du 16 Janvier 1581. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Hypotheques Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Hypotheques Greffe des Hypotheques , est le bureau où le conservateur des hypotheques enregistre les oppositions qui se font entre ses mains au sceau des lettres de ratification que l'on obtient en chancellerie pour purger les hypotheques sur un contrat de rente assigné sur les revenus du roi. Voyez Conservateur des Hypotheques . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Insinuations Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Insinuations Greffe des Insinuations , c'est le bureau où l'on insinue les actes sujets à la formalité de l'insinuation. Il y a un greffe pour l'insinuation des donations; un autre pour les insinuations laïques; un autre pour les insinuations ecclésiastiques. Ces bureaux ont été appellés greffes , parce qu'autrefois ces insinuations se faisoient en effet au greffe du tribunal. Voyez Insinuation . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Inventaires Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Inventaires Greffe des Inventaires ; voyez Greffier des Inventaires . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Main-mortes Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Main-mortes Greffe des Main-mortes ; voyez Greffier des Main-mortes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Notifications Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Notifications Greffe des Notifications ; voyez Greffier des Notifications . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Présentations Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Présentations Greffe des Présentations , est celui où se font les actes de présentations, tant du demandeur que du défendeur, de l'appellant & de l'intimé. Voy. Présentation . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Prisons Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Prisons Greffe des Prisons , c'est la même chose que greffe de la geole. Voyez Geole , Greffe de la Geole & Prison . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe plumitif Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe plumitif Greffe plumitif ; Voyez Greffier au Plumitif . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe sanguin Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe sanguin Greffe sanguin , se disoit anciennement pour greffe criminel: de même qu'on disoit une enquête de sang , pour une information en matiere criminelle . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe de Subdélégation Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe de Subdélégation Greffe de Subdélégation ; voyez Greffier des Subdélégations . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe des Tailles Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffe des Tailles Greffe des Tailles ; voyez Greffier des Tailles . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffe Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=s.f. Greffe Greffe , s. f. ( Jar. ) c'est proprement une partie d'une jeune branche d'un nouveau rejetton de l'année, prise sur un arbre que l'on veut multiplier, pour l'insérer sur un autre arbre qui sert de sujet, & dont on veut améliorer le fruit ou changer l'espece: mais plus ordinairement on entend par le mot greffe , l'opération même de greffer , ou le produit de cette opération; & c'est dans ce dernier sens que l'on a dit, que la greffe étoit le triomphe de l'art sur la nature. Par ce moyen en effet on force la nature à prendre d'autres arrangemens, à suivre d'autres voies, à changer ses formes, & à suppléer le bon, le beau, le grand à la place de l'abject: enfin on peut par le moyen de la greffe transmuer le sexe, l'espece, & même le genre des arbres, relativement aux méthodes des Botanistes, dont les systèmes en plusieurs cas sont peu d'accord avec les résultats de la greffe . Ce petit art est ce que l'on a imaginé de plus ingénieux pour la perfection de la partie d'Agriculture qui en fait l'objet; & cette partie s'étend principalement sur tous les arbres fruitiers. Par le secours de la greffe on releve la qualité des fruits, on en perfectionne le coloris, on leur donne plus de grosseur, on en avance la maturité, on les rend plus abondans, enfin on change dans plusieurs cas le volume que les deux arbres auroient dû prendre naturellement. Mais on ne peut créer d'autres especes: si la nature se soûmet à quelques contraintes, elle ne permet pas qu'on l'imite. Tout se réduit ici à améliorer ses productions, à les embellir & à les multiplier; & ce n'est qu'en semant les graines, en suivant ses procédés, qu'on peut obtenir des variétés ou des especes nouvelles; encore faut-il pour cela tout attendre du hasard, & rencontrer des circonstances aussi rares que singulieres. On se dispensera de faire ici l'énumération de tous les arbres qui peuvent se greffer les uns sur les autres, & des sujets qui conviennent le mieux à chaque espece d'arbre; parce qu'il en sera fait mention à l'article de chaque arbre en particulier. Venons à l'explication des différentes méthodes de greffer, qui sont la greffe en fente , la greffe en couronne , la greffe à emporte-piece , la greffe en flûte , la greffe en approche , & la greffe en écusson . Greffe en fente; c'est la plus ancienne façon de greffer: on en fait usage sur-tout pour les fruits à pepin. On peut l'appliquer sur des sujets qui ayent depuis un pouce jusqu'à six de diametre; mais pour la sûreté du succès le moindre volume doit prévaloir, quoiqu'il y ait exemple d'avoir vû réussir cette greffe sur des sujets de trois piés de pourtour, sur lesquels on avoit inséré des greffes d'un pouce & demi de diametre: mais quand les arbres sont si gros, il vaut mieux les greffer sur leurs branches moyennes. Le tems propre à faire cette greffe est depuis le commencement du mois de Février, jusqu'à ce que la seve soit en action, au point de faire ouvrir les boutons ou de faire détacher l'écorce. Il faut éviter la pluie, le hâle & l'ardeur du soleil. La greffe proprement dite doit être choisie sur des arbres vigoureux & de bon rapport, où il faudra couper des branches de la derniere pousse qui soient bien saines & disposées à se mettre à fruit; à la différence des branches gourmandes & de faux bois, qui ne conviennent nullement à faire des greffes . On peut faire provision de bonnes branches, & les couper quelque tems avant de s'en servir; il faudra dans ce cas les laisser de toute leur longueur & les couvrir de terre jusqu'à moitié dans un lieu frais & à l'ombre, où on pourra les garder pendant un mois ou deux. Elles n'en seront que mieux disposées à prospérer: ces branches se trouvant privées de la nutrition de seve, ne se soûtiennent à la faveur de l'humidité de la terre, que dans un état de médiocrité; mais elles se relevent vivement dès qu'elles se trouvent appliquées sur des sujets vigoureux, dont elles tirent un suc nourricier plus analogue: par ce moyen encore on prolonge le tems de greffer, par la raison que ces branches reçoivent plûtard l'impression des premieres chaleurs, qui mettent la seve en mouvement au printems. Cette maniere de greffer exige plus d'attirail qu'aucune autre; il faut une scie pour couper le tronc du sujet, un greffoir pour entr'ouvrir la fente, un fort couteau de cinq ou six pouces de lame pour fendre le tronc, une serpette ordinaire pour tailler la greffe & unir l'écorce du tronc après le sciage, un coin de fer ou de bois dur, & un marteau pour frapper sur le couteau qui doit commencer la fente, & ensuite sur le coin afin de l'ouvrir & de l'entretenir; il faut aussi être pourvu de terre grasse qui soit maniable, de quelques morceaux d'écorces, de mousse & d'osier. Voici la façon d'y procéder. On coupe la greffe de deux ou trois pouces de longueur, ensorte qu'elle reste garnie de trois ou quatre bons yeux ou boutons; on fait au gros bout & sur la longueur d'un demi-pouce, une entaille en forme de coin sur deux faces, en conservant avec précaution l'écorce qui reste sur les autres côtés, & qui doit être bien adhérente. Il faut que le côté qui sera tourné en dehors soit un peu plus épais que celui du dedans, & que de ce même côté du dehors & précisément au-dessus de l'entaille, la greffe ait un bon oeil; ensuite il faudra scier le tronc du sujet à plus ou moins de hauteur, suivant que l'on se propose d'en faire un arbre d'espallier, de demi-tige, ou de haut vent. Ce sciage doit être fait un peu en pente, tant pour l'écoulement des eaux que pour faciliter la réunion des écorces; puis il sera très-à-propos d'unir & ragréer avec la serpette le déchirement qu'on aura fait avec la scie à l'écorce du sujet: après cela, on appliquera le couteau transversalement sur le tronc à-peu près au milieu; on frappera avec ménagement quelques coups de marteau sur le couteau, pour commencer la fente & donner entrée au coin que l'on forcera à coups de marteau autant qu'il sera besoin pour faire place à la greffe . Si par l'examen que l'on fera ensuite on appercevoit que la fente eût occasionné des inégalités soit au bois soit à l'écorce, il faudra les retrancher avec la serpette, ensorte que la greffe soit bien saisie & arrêtée, sans qu'il reste de jours ni de défectuosités. Ces dispositions étant bien faites, on placera la greffe , avec grande attention sur-tout de faire correspondre l'écorce de la greffe avec celle du sujet: c'est-là le point principal d'où dépend tout le succès. J'ai dit plus haut qu'à l'endroit de l'entaille de la greffe , il devoit rester deux côtés garnis d'écorce, & que l'un de ces côtés devoit être plus épais que l'autre; c'est ce côté plus épais qui doit faire face au dehors, & l'écorce de cette partie de la greffe doit si bien se rapporter à celle du sujet, que la seve puisse passer de l'un à l'autre sans obstacle ni détour, comme si les deux écorces n'en faisoient qu'une. La nécessité de ce rapport très-exact des écorces vient de ce qu'on s'est assûré par des expériences, que le bois de la greffe ne s'unit jamais avec celui du sujet; que la réunion se fait uniquement d'une écorce à l'autre, & que l'accroissement des parties ligneuses ne devient commun qu'à mesure qu'il se forme de nouveau bois. La greffe ainsi appliquée, on recouvre toutes les fentes & coupures d'une espece de mastic composé de cire & de poix. pour parer aux inconvéniens de la pluie, de la sécheresse, & des autres intempéries de l'air qui ne manqueroient pas d'altérer la greffe; mais les gens moins arrangés se contentent de mettre un morceau d'écorce sur la fente horisontale; de recouvrir le dessus du tronc avec de la glaise mêlée de mousse ou de menu foin, & d'envelopper le tout avec du linge qui laisse passer & dominer la greffe; on attache ce linge par le bas avec un bon osier qui resserre en même tems la fente faite au sujet. On peut mettre deux greffes sur le même sujet, ou même quatre s'il est gros, en faisant une seconde fente en croix; mais il est plus ordinaire de n'en mettre qu'une. La greffe en fente est bien moins usitée à-présent que la greffe en écusson, quoiqu'il soit vrai que la premiere pousse plus vigoureusement & forme plûtot un arbre de haute tige que la seconde. Greffe en couronne . Le procédé pour cette greffe est à-peu-près semblable à celui de la greffe en fente; il n'y a d'autre différence que de mettre les greffes entre l'écorce & le bois sans faire de fente; de les choisir plus fortes & pour le moins d'un demi pouce de diametre; de leur donner plus de hauteur, & de faire l'entaille plus longue. Il faut que l'arbre que l'on veut couronner soit en pleine seve, ensorte que l'écorce puisse se séparer aisément du bois; on scie une ou plusieurs branches à un pié ou deux au-dessus du tronc de l'arbre qui doit servir de sujet; on coupe & on unit les égratignures du sciage avec la serpette dont la pointe sert ensuite à séparer l'écorce & à la détacher du bois de façon à pouvoir y insérer les greffes . On en peut mettre six ou huit sur chaque branche à proportion de sa grosseur; puis on recouvre le tout, comme il a été dit pour la greffe en fente: on ne fait usage de cette greffe en couronne que pour de très-gros arbres de fruits à pepin qui souffriroient difficilement la fente. Greffe à emporte piece . Autre pratique qui a beaucoup de rapport avec la greffe en fente; on ne s'en sert que pour greffer de gros arbres qu'on ne pourroit fendre sans les risquer: voici le procédé. On fait avec un ciseau de menuisier une entaille un peu profonde dans l'écorce & dans le bois, d'une branche moyenne, vive & saine de l'arbre dont on veut changer l'espece. On dispose la greffe à-peu-près comme pour la fente; mais il faut que le gros bout soit taillé & ajusté de maniere à pouvoir remplir exactement l'entaille qui aura été faite. On y fait entrer la greffe un peu à serre & de façon que les écorces se raccordent bien: on assûre cette greffe avec de l'osier, & on la couvre de mastic ou de glaise, à-peu-près comme pour la greffe en fente. On peut mettre ainsi plusieurs greffes sur une même branche, afin d'être plus certain du succès, le tems propre pour cette maniere de greffer est depuis le commencement de Février jusqu'à ce que le mouvement de la seve fasse détacher les écorces. Greffe en flûte . C'est la plus difficile de toutes les méthodes de greffer; elle se fait au mois de Mai, lorsque les arbres sont en pleine seve: on choisit deux branches, l'une sur l'arbre qui doit servir de sujet, & l'autre sur l'arbre de bonne espece que l'on veut multiplier; ces deux branches, par la mesure que l'on en prend, doivent se trouver de même grosseur dans la partie qui doit servir de greffe , & dans celle que l'on veut greffer. On laisse sur pié la branche qui doit être greffée, on en coupe seulement le bout à trois ou quatre pouces au-dessus de l'endroit où l'on veut greffer. Après avoir fait une incision circulaire au-dessous, on enleve toute l'écorce sur cette longueur de trois ou quatre pouces; ensuite on détache la bonne branche de son arbre, on en coupe le bout au-dessus de l'endroit qui a été trouvé de grosseur convenable; on fait une incision circulaire à l'écorce pour avoir un tuyau de la longueur de deux ou trois travers de doigt, ensorte qu'il soit garni de deux bons yeux: on enleve adroitement ce tuyau en pressant & tournant l'écorce avec les doigts, sans pourtant offenser les yeux; puis on le passe dans le bois de la branche écorcée, de façon qu'il enveloppe exactement & qu'il se réunisse par le bas à l'écorce du sujet: s'il s'y trouve quelque inégalité, on y remédie avec la serpette. Enfin on couvre le dessus de la greffe avec un peu de mastic ou de glaise, & plus communément on rabat sur l'écorce de petits copeaux, en incisant tout-autour avec la serpette le bout du bois qui est resté nud en-dessus; on forme par là une espece de couronnement qui défend la greffe des injures de l'air. Cette méthode de greffer est peu usitée, si ce n'est pour le châtaignier, le figuier, l'olivier, le noyer, &c. qu'il seroit très-difficile de faire réussir en les greffant d'autre façon. Greffe en approche . Cette méthode ne peut s'exécuter qu'avec deux arbres voisins l'un de l'autre, ou dont l'un étant en caisse peut être approché de l'autre; elle se fait sur la fin du mois de Mai lorsque les arbres sont en pleine seve. On ne laisse qu'une tige au sujet, qui doit être au-moins de la grosseur du doigt, & dont on coupe la tête: on fait au-dessus de la tige coupée & en pente, une entaille propre à recevoir la bonne branche réduite à moitié de sa grosseur. On amincit cette branche sur les côtés & en-dessous, de façon qu'elle puisse entrer dans l'entaille, la remplir exactement, & que les écorces puissent se toucher & se réunir de part & d'autre: on couvre ensuite les ouvertures avec du mastic ou de la glaise que l'on ajuste & que l'on attache comme à la greffe en fente. Lorsque par l'examen que l'on fait deux ou trois mois après, on juge que les écorces sont suffisamment réunies; on coupe la bonne branche au-dessous de la greffe , & on laisse encore subsister quelque tems les enveloppes pour plus d'assûrance. Cette méthode de greffer réussit difficilement; on ne s'en sert que pour quelques arbrisseaux curieux. Greffe en écusson . C'est la plus expéditive, la plus étendue, & la plus simple; la plus usitée, la plus naturelle, & la plus sûre de toutes les méthodes de greffes . Un jardinier peut faire par jour trois cents écussons, au lieu qu'à peine peut-il faire cent greffes en fente, quoique ce soit la méthode la moins longue après celle en écusson: on peut même pour celle-ci employer de jeunes gens, qui sont bien-tôt stilés à cette opération. Presque tous les arbres peuvent se greffer en écusson: on court les risques de la plus grande incertitude en greffant les fruits à noyau par une autre méthode; & c'est la meilleure dont on puisse se servir pour les arbres curieux & étrangers; rien de plus simple que l'attirail qu'elle exige. Un greffoir & de la filasse, voilà tout. La greffe en écusson réussit plus ordinairement qu'aucune autre sorte de greffe; & d'autant plus sûrement, que si la premiere opération manque, ce qui s'apperçoit en moins de quinze jours, on peut la répéter plusieurs fois pendant tout le tems de la durée de la seve. Aucune méthode n'est plus naturelle, puisqu'elle approche le plus qu'il est possible des voies de la nature; il suffit de la simple substitution d'un oeil faite à une branche: c'est, pour ainsi dire, tromper la nature. Aussi cette maniere de greffer a-t-elle si bien prévalu, qu'on n'en emploie presque pas d'autre à-présent, avec cette grande raison de plus, que les sujets n'en sont nullement deshonorés; vingt incisions manquées sur une branche, la laissent toûjours vive & entiere; quelques plaies causées à l'écorce se recouvrent aisément, & on peut recommencer l'année suivante. Enfin les arbres greffés de cette maniere donnent plûtôt des fleurs & des fruits, que lorsqu'ils sont greffés en fente. On peut greffer en écusson pendant toute la belle saison, depuis le commencement du mois de Mai jusqu'à la fin de Septembre; si ce n'est qu'il en faut excepter les tems de pluie, les chaleurs trop vives & les grandes sécheresses. Il faut aussi le concours de deux circonstances; que le sujet soit en seve, ainsi que l'arbre sur lequel on prend l'écusson: le progrès des écussons que l'on peut faire pendant cinq mois de la belle saison, n'est pas le même, ceux que l'on fait avant la S. Jean poussent dès la même année; c'est ce qu'on appelle écusson à la pousse; ceux que l'on greffe après ce tems se nomment écusson à oeil dormant , parce qu'ils ne poussent qu'au printems de l'année suivante. Au surplus pour l'un & l'autre cas l'écusson se fait de la même maniere. Ce qu'on appelle proprement l' écusson n'est autre chose qu'un oeil levé sur une branche de l'année; on choisit pour cet effet sur l'arbre dont on veut multiplier l'espece, une des premieres branches de l'année, dont les yeux soient bien nourris & bien formés. La premiere attention sera de couper toutes les feuilles jusque contre la queue, afin d'empêcher d'autant moins la dissipation de la seve & le desséchement de l'oeil. On peut au besoin conserver ces branches pendant deux ou trois jours, en les faisant tremper par le gros bout dans un peu d'eau, ou en les piquant en terre dans un lieu frais & à l'ombre. Pour lever l'écusson ou l'oeil de dessus la branche, on fait avec le greffoir trois incisions triangulaires dans l'écorce qui environne l'oeil; la premiere en-travers à deux ou trois lignes au-dessus de l'oeil; la seconde à l'un des côtés, en descendant circulairement pour qu'elle se termine au dessus de l'oeil; & la troisieme de l'autre côté en sens contraire, de façon qu'elle vienne croiser la seconde à environ un demi-pouce au-dessous de l'oeil, & que ces trois traits fassent ensemble une espece de triangle dont la pointe soit en bas; puis en pressant & tirant adroitement avec ses doigts cette portion d'écorce, sans offenser l'oeil, elle se détache aisément si la seve est suffisante. L'écusson étant levé, on le tient entre ses levres par la queue de la feuille qu'on doit y avoir laissée exprès; ensuite on choisit sur le sujet un endroit bien uni, où l'on fait avec le greffoir deux incisions comme si l'on figuroit la lettre majuscule T , & on en proportionne l'étendue à la grandeur de l'écusson que l'on y veut placer; puis on détache avec le manche du greffoir l'écorce des deux angles rentrans, & on fait entrer l'écusson entre ces deux écorces, en commençant par la pointe que l'on fait descendre peu-à-peu jusqu'à ce que le haut de l'écusson réponde exactement à l'écorce supérieure du sujet. On prend ensuite de la filasse de chanvre, ou encore mieux de la laine filée, dont on passe plusieurs tours sans couvrir l'oeil, & que l'on assûre par un noeud, pour maintenir les écorces & faciliter leur réunion. Lorsque cette greffe a été faite à oeil poussant, c'est-à-dire avant la S. Jean, dès qu'on s'apperçoit au bout de huit ou dix jours que l'écusson est bien vif & qu'il est prêt à pousser, on coupe le sujet à quatre doigts au dessus de l'écusson, afin qu'en déterminant la seve à se porter avec plus d'abondance sur le nouvel oeil, il puisse pousser plus vîte & plus vigoureusement; ensuite on relâche peu-à-peu ou on coupe entierement la ligature par-derriere l'écusson, à-mesure du progrès que l'on apperçoit: mais si c'est à oeil dormant que la greffe ait été faite, c'est-à-dire après la S. Jean, on ne dégage l'écusson & l'on ne coupe la tête du sujet qu'au printems suivant, lorsque l'écusson commence à pousser. On connoît encore d'autres manieres de greffer, telles que la greffe sur les racines, la greffe en queue de verge de foüet, la greffe par térébration, &c. mais la trop grande incertitude de leur succès les a fait négliger. C'est principalement pour la multiplication des bonnes especes d'arbres fruitiers, que l'on fait usage de la greffe , attendu qu'en les élevant de semence, on ne se procureroit que très-rarement la même sorte de fruit dont on auroit semé la graine: il est bien constant d'ailleurs que la greffe contribue à perfectionner les fruits par les circuits & les détours que cette opération occasionne à la seve, en la forçant de traverser les inflexions & les replis qui se forment toûjours à l'endroit où la greffe s'unit au sujet. Mais on ne peut par le moyen de la greffe changer l'espece des arbres, ni même produire de nouvelles variétés; ce grand oeuvre est reservé à la seule nature: tout l'art se réduit à cet égard à donner aux fruits un fort petit degré de perfection. On se sert aussi de la greffe pour multiplier plusieurs arbrisseaux curieux, & même quelques arbres, tels que les belles especes d'érable, d'orme, de mûrier, &c. mais à ce dernier égard, c'est au détriment de la figure, de la force, & de la durée des arbres; ils ne peuvent jamais récupérer la beauté qu'ils auroient eue & l'élévation qu'ils auroient prise dans leur état naturel. On est bien revenu du merveilleux que les anciens qui ont traité de l'Agriculture, & quantité de modernes après eux, attribuoient à la greffe: à les en croire, on pouvoit faire par cette voie les métamorphoses les plus étonnantes & changer la propre nature des choses, en faisant produire à la vigne de l'huile au lieu de vin, & aux arbres des forêts les fruits les plus délicieux, au lieu des graines seches qu'ils rapportent. A les entendre, le platane pouvoit devenir un arbre fruitier & produire des figues, des cerises, ou des pommes: mais je me suis assûré par plusieurs expériences, que le platane est peut-être de tous les arbres celui qui est le moins propre à servir de sujet pour la greffe; non-seulement les fruits que l'on vient de citer n'y reprennent pas, mais même un seul écusson de figuier fait mourir le platane; & ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que les écussons pris & appliqués sur le même arbre n'ont point encore voulu réussir, quoique cette épreuve ait été répétée quantité de fois. Les changemens que l'on peut opérer par le moyen de la greffe , sont plus bornés que l'on ne pense; il faut entre l'arbre que l'on veut faire servir de sujet & celui que l'on veut y greffer, un rapport & une analogie qui ne sont pas toûjours indiqués sûrement par la ressemblance de la fleur & du fruit: ce sont pourtant les caracteres les plus capables d'annoncer le succès des greffes. Voyez les Planches de Jardinage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREFFER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GREFFER GREFFER, Voyez Greffe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREFFIER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GREFFIER GREFFIER, s. m. scriba, actuarius, notarius, amanuensis , ( Jurisprud. ) est un officier qui est préposé pour recevoir & expédier jugemens & autres actes qui émanent d'une jurisdiction; il est aussi chargé du dépôt de ces actes qu'on appelle le greffe . Emilius Probus en la vie d'Eumenes, dit que chez les Grecs la fonction de greffier étoit plus honorable que chez les Romains; que les premiers n'y admettoient que des personnes d'une fidélité & d'une capacité reconnues. Chez les Romains, les scribes ou greffiers , que l'on appelloit aussi notaires parce qu'ils écrivoient en note ou abregé, étoient d'abord des esclaves publics appartenans au corps de chaque ville qui les employoit à faire les expéditions des tribunaux, afin qu'elles fussent délivrées gratuitement; cela fit douter si l'esclave d'une ville ayant été affranchi, ne dérogeoit pas à sa liberté en continuant l'office de greffier ou notaire: mais la loi derniere, au code de servis reipubl . décida pour la liberté. Dans la suite, Arcadius & Honorius défendirent de commettre des esclaves pour greffiers ou notaires; desorte qu'on les élisoit dans chaque ville comme les juges appellés dans chaque ville deffensores civitatum: c'est pourquoi la fonction de greffier fut mise au nombre des offices municipaux; de même qu'autrefois en France on mettoit aussi par élection les greffiers de ville & ceux des consuls des marchands. Les présidens & autres gouverneurs des provinces se servoient de leurs clercs, domestiques, pour greffiers; ceux-ci étoient appellés cancellarii; cu bien ils en choissoient un à leur volonté; ce qui leur fut défendu par les empereurs Arcadius & Honorius, lesquels ordonnerent que ces greffiers seroient dorénavant tirés par élection de l'office ou compagnie des officiers ministériels attachés à la suite du gouverneur, à la charge que ce corps & compagnie répondroit civilement des fautes de celui qu'il avoit élu pour greffier . Justinien ordonna que les greffiers des défenseurs des cités & des juges pédanées, seroient pris dans ce même corps. L'office ou cohorte du gouverneur étoit composée de quatre sortes de ministres, dont les greffiers réunissent aujourd'hui toutes les fonctions: les uns appellés exceptores , qui recevoient sous le juge les actes judiciaires; d'autres regendarii , qui transcrivoient ces actes dans des registres; d'autres appellés cancellarii , à cause qu'ils étoient dans un lieu fermé de barreaux, mettoient ces actes en forme, les souscrivoient & délivroient aux parties. Ces chanceliers devinrent dans la suite des officiers plus considérables. Enfin il y avoit encore d'autres officiers que l'on appelloit ab actis seu actuarii , qui recevoient les actes de jurisdiction volontaire, telles que les émancipations, adoptions, manumissions, les contrats & testamens que l'on vouloit insinuer & publier, & ceux-ci tenoient un registre de ces actes qui étoit autre que celui des actes de jurisdiction contentieuse. En France, les juges se servoient anciennement de leurs clercs pour notaires ou greffiers: on appelloit clerc tout homme lettré, parce que les ecclésiastiques étoient alors presque les seuls qui eussent connoissance des lettres. Ces clercs attachés aux juges demeuroient ordinairement avec eux, & étoient ordinairement du nombre de leurs domestiques & serviteurs; c'étoient proprement des secrétaires plûtôt que des officiers publics; Philippe le Bel en 1303, leur défendit de se servir de leurs clercs pour notaires. Ces clercs ou notaires étoient d'abord amovibles ad nutum du juge: cependant Chopin sur la coûtume de Paris, rapporte un arrêt de l'an 1254, où l'on trouve un exemple d'un greffe, c'étoit celui de la prevôté de Caën, qui étoit héréditaire, ayant été donné par Henri roi d'Angleterre à un particulier pour lui & les siens; au moyen de quoi on jugea que ce greffe étoit un patrimoine où la fille avoit part, quoiqu'elle ne pût pas exercer ce greffe, parce qu'elle le pouvoit faire exercer par une personne interposée: mais observez que ce n'étoit pas un greffe royal, car le roi d'Angleterre l'avoit donné comme duc de Normandie & seigneur de la ville de Caen. Dans les cours d'église, quoiqu'il y eût alors beaucoup plus d'affaires que dans les cours séculieres, il n'y avoit point de scribe ou gre fier en titre d'office, tant on faisoit peu d'attention à cet état. Le chap. quoniam extrà de prob . permet au juge de nom mer tel scribe que bon lui semblera, pour chaque cause. Philippe le Bel révoqua les aliénations qui avoient été faites au profit de plusieurs personnes de ces notairies, écritures, enregistremens, garde des registres, &c. aux uns à vie, d'autres à volonté, d'autres pour un certain tems, par voie d'accensement. Ces lettres furent confirmées par Philippe V. dit le Long , le 8 Mars 1316. Charles IV. par un mandement du 10 Novembre 1322, ordonna que les greffes seroient donnés à ferme; mais les greffes n'y sont désignés que sous le nom de scripturae, stilli, scribanioe memoriala processuum: il paroît que l'on faisoit une différence entre scriptuiae & scribaniae; ce dernier terme semble se rapporter singulierement à la fonction des commis du greffe, qui ne faisoient que copier, comme font aujourd'hui les greffiers en peau. Dans une ordonnance de 1327, les greffiers du châtelet sont nommés registratores . Ceux qui faisoient la fonction de greffiers au parlement étoient d'abord qualifiés notaires ou cleres , & quelquefois clercs-notaires ou amanuenses quia manu propriâ scribebant; on leur donna ensuite le nom de registreurs . Il n'y avoit d'abord qu'un seul greffier en chef, qui étoit le greffier en chef civil: mais comme il étoit clerc, c'est-à-dire ecclésiastique, & qu'il ne devoit pas signer les jugemens dans les affaires criminelles, on établit un greffier en chef criminel qui étoit lai; on établit ensuite un troisieme greffier pour les présentations, qu'on appelloit d'abord le receveur des présentations . MM. du Tillet, greffiers en chef du parlement, prirent dans la suite le titre de commentariensis , qui est synonyme de registrator . Ce n'est que dans une ordonnance du mois de Mars 1356, faite par Charles V. alors lieutenant-général du royaume, qu'il est parlé pour la premiere fois des greffiers & clercs du parlement: les greffes ou écritures des greffiers en général y sont encore nommés clergies , & il est dit que les clergies ne seront plus données à ferme, à cause que les fermiers exigeoient des droits exorbitans, mais qu'ils seront donnés à garde par le conseil des gens du pays & du pays voisin. Il ordonna néanmoins le contraire le 4 Septembre 1357, c'est à-dire que les greffes qu'il appelle scripturoe seroient donnés à ferme & non en garde, parce que, dit-il, ils rapportent plus lorsqu'ils sont donnés en garde; la dépense excede souvent la recette. Le roi Jean ayant reconnu l'inconvénient de ces baux, ordonna le 5 Décembre 1360, que les clergeries ou greffes, tant des bailliages & sénéchaussées royales que des prevôtés royales, ne seroient plus données à ferme; mais que dorénavant on les donneroit à des personnes suffisantes & convenables qui sauroient les bien gouverner & exercer sans grever le peuple. On voit dans un réglement fait par ce même prince le 7 Avril 1361, qu'il y avoit alors au parlement trois greffiers qui sont nommés registratores seu grefferii; ils avoient des gages & manteaux dont ils étoient payés sur les fonds assignés pour les gages du parlement. Dans un autre réglement de la même année, le greffier civil & le greffier criminel du parlement, avec le receveur des présentations, sont compris dans la liste des notaires ou secrétaires du roi. Il y avoit autrefois un fonds destiné pour payer aux greffiers du parlement l'expédition des arrêts, au moyen de quoi ils les délivroient gratis; ce qui dura jusqu'au regne de Charles VIII. qu'un commis du greffe qui avoit le fonds destiné au payement de l'expédition des arrêts, s'étant enfui, le roi qui etoit en guerre avec ses voisins, & pressé d'argent, laissa payer les arrêts par les parties; ce qui ne coûtoit d'abord que six blancs ou trois sous la piece. Dans les autres tribunaux, les greffiers n'étoient toûjours appellés que notaires ou clercs jusqu'au tems de Louis XII. où les ordonnances leur donnerent le titre de greffier , & recevoient des parties un émolument pour l'expédition des jugemens. Il s'étoit introduit un abus de donner à ferme les greffes avec les prevôtés & les bailliages; ce qui fut défendu d'abord par Charles VI. en 1388, qui ordonna que les clergies seroient affermées à des personnes qui ne tiendroient point aux baillis & senéchaux. Charles VIII. par son ordonnance de l'an 1493, sépara aussi l'office de juge d'avec le greffe & autres émolumens de la justice. L'usage de donner les greffes royaux à ferme continua jusqu'en 1521, que François I. érigea les greffiers en titre d'office. Cet edit ne fut pas d'abord exécuté, on continua encore de donner les greffes à ferme: Henri II. renouvella en 1554 l'édit de François I. mais Charles IX. le révoqua en 1564, remettant les greffes en ferme; il le rétablit pourtant en 1567; & enfin en 1580, Henri III. réunit les greffes à son domaine, & ordonna qu'ils seroient vendus à faculté de rachat, de même que les autres biens domaniaux; il attribua néanmoins à ces offices le droit d'hérédité. Les greffiers du parlement furent créés en charge dès 1577; mais cela ne fut exécuté que par édit de 1673 le 23 Mars. Les greffiers ainsi érigés en titre d'office, avoient sous eux des commis ou scribes que l'on appelloit clercs , lesquels par édit de 1577, furent aussi mis en titre d'office sous le titre de commis-greffiers; la plûpart de ces commis ont même peû-à-peu usurpé le titre de greffier purement & simplement; & les affaires se multipliant, ils ont pris sous eux d'autres commis. Avant que ces clercs du greffe fussent érigés en titre d'office, il leur étoit défendu à peine de concussion, de rien prendre des parties, encore que cela leur fût offert volontairement; telle est la disposition de l' art. 77. de l'ordonnance d'Orléans: cependant plusieurs s'étoient avisés de prendre un droit qu'ils appelloient vin de clerc , au lieu duquel l'édit de 1577 leur attribua la moitié des émolumens qu'avoient les greffiers en chef. Il y a eu grand nombre d'offices de greffiers de toutes especes, comme on le peut voir ci-devant au mot Greffe , & dans les subdivisions suivantes. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Affirmations Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Affirmations Greffier des Affirmations , voyez ci-devant Greffe des Affirmations . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier d'Appeaux Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier d'Appeaux Greffier d'Appeaux : anciennement on appelloit ainsi celui qui tenoit la plume dans un bailliage ou sénéchaussée, à l'audience où l'on jugeoit les appels, que l'on disoit aussi appeaux , en parlant des appels au plurier: comme on dit encore, nouvel & nouveaux . Quelques-uns confondent les greffiers d'appeaux avec les greffiers à peau , ou à la peau , ou en peau; ceux-ci sont néanmoins bien différens; ce sont ceux qui expédient les arrêts sur parchemin. Voyez ci-après Greffiers . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Baptêmes, Mariages, & Sépultures, ou greffiers conservateurs des registres des baptêmes, &c. Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Baptêmes, Mariages, & Sépultures Greffiers des Baptêmes, Mariages, & Sépultures , ou greffiers conservateurs des registres des baptêmes , &c. furent établis par l'édit du mois d'Octobre 1691 dans toutes les villes du royaume, où il y a justice royale, duché-pairie, & autres jurisdictions, pour fournir dans le mois de Decembre de chaque année à tous les curés des paroisses de leur ressort, deux registres cotés & paraphés par lesdits greffiers , à la réserve des premiere & derniere page qui seroient signées sans frais par le juge du lieu; l'un desquels registres serviroit de minute, & l'autre de grosse, pour y écrire par les curés les baptêmes, mariages, & sépultures. L'édit ordonnoit aussi que six semaines après l'expiration de chaque année, les greffiers pourroient retirer les grosses qui auroient servi pendant l'année précédente; & que les juges ou greffiers des jurisdictions royales, à qui les grosses de ces registres avoient été remises depuis l'ordonnance de 1667, seroient tenus de les remettre entre les mains de ces greffiers , aussi-bien que les registres des consistoires qui avoient été déposés entre leurs mains en vertu de la déclaration du mois d'Octobre 1685. Ces greffiers furent supprimés par édit du mois de Décembre 1716. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Batimens, Greffiers des Experts, ou Greffiers de l'Ecritoire Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Batimens Greffiers des Batimens , qu'on appelle aussi Greffiers des Experts , ou Greffiers de l'Ecritoire , sont des personnes établies en titre d'office pour rédiger par écrit tous les rapports des experts jurés; tels que les visites, alignemens, prisées, & estimations, & autres actes que font les experts, en garder la minute, & en délivrer des expéditions à ceux qui les en requierent. On les appelloit anciennement clercs des bâtimens , ou de l'écritoire . Le premier office de cette espece fut créé pour Paris par édit du mois d'Octobre 1565, registré le 5 Mars 1568. Par un édit du mois d'Octobre 1574, on en créa cinq pour Paris. On en créa aussi dans les autres villes du Royaume. Il y eut encore différentes créations & suppressions jusqu'au mois de Mai 1690, qu'on en créa quatre pour Paris, outre les 16 qui existoient alors. Mais le nombre en a été depuis réduit à 16, comme il est présentement. Le même édit du mois de Mai 1670 supprima tous les offices des greffiers de l'écritoire , crées anciennement pour les provinces; & en créa deux nouveaux dans les villes où il y a parlement, chambre des comptes, ou cour des aides, & un dans chaque ville où il y a bureau des finances ou présidial. L'édit du mois de Juillet suivant en créa un dans chaque ville où il y a bailliage, sénéchaussée, ou autre siége royal. Il y a encore eu depuis diverses créations & suppressions de ces sortes d'offices. Voyez les édits du mois de Novembre 1704, 1 Mars 1708, 12 Août 1710. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Chancelleries Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Chancelleries Greffiers des Chancelleries , sont des officiers établis dans les chancelleries pour garder & conserver les minutes de toutes les lettres, & autres actes qui sont présentés au sceau, & pour écrire en parchemin, ou faire écrire par leur commis les expéditions de toutes lesdites lettres & actes qu'ils sont tenus de collationner sur la minute, & de mettre le mot collationné . Il fut créé quatre de ces offices pour la grande chancellerie par édit du mois de Mai 1674, lesquels ayant été acquis par les secrétaires du roi, sont exercés par quartier par certains d'entr'eux. Au mois de Mars 1692, le roi créa de semblables offices de greffiers gardes-minutes dans les chancelleries près les parlemens, cours supérieures, & présidiaux du royaume. Il y en a huit en la chancellerie du palais à Paris, qui sont exercés par des procureurs au parlement. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier en chef Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier en chef Greffier en chef , est le premier greffier d'une cour souveraine, ou autre tribunal; c'est le seul auquel appartienne vraiment le titre de greffier . Tous les autres ne sont proprement que ses commis, quoique par les édits de création de leurs charges, ou par extension dans l'usage on leur ait aussi applique le titre le greffiers; mais on les appelle greffiers simplement , ou commis-greffiers , au lieu que le greffier primitif de la jurisdiction est appellé greffier en chef , pour le distinguer des autres greffiers qui lui sont subordonnés. Dans quelques tribunaux il y a un greffier en chef pour le civil, un pour le criminel; dans d'autres il y a deux greffiers en chef qui font concurremment toutes les expeditions. Voyez Commis-Greffiers . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers du premier Chirurgien du Roi Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers du premier Chirurgien du Roi Greffiers du premier Chirurgien du Roi , sont des officiers nommés par le premier chirurgien du roi, tant dans les communautés de Chirurgiens, que dans celles de Barbiers-Perruquiers-Baigneurs, & Etuvistes, pour y tenir le registre des réceptions & celui des délibérations. L'établissement de ces greffiers est aussi ancien que celui des lieutenans du premier chirurgien du roi; ils furent supprimés dans les provinces du royaume par l'édit du mois de Février 1692, qui, en créant deux chirurgiens royaux dans chaque communauté, ordonna qu'ils feroient alternativement chacun pendant une année la fonction de greffiers-receveurs & gardes des archives. L'édit du mois de Septembre 1723 a depuis rétabli le premier chirurgien dans le droit de nommer des lieutenans & greffiers dans toutes les villes où il y a archevêché, évêché; par les chambres des comptes, cour des aides, bailliage ou sénéchaussée ressortissans uniment aux cours de parlement, & l'exécution de cet édit a été ordonnée par une déclaration du 3 Septembre 1736. Suivant les nouveaux statuts des chirurgiens des provinces du 14 Février 1720, & ceux des barbiers-perruquiers du 6 Février 1725, tous les anciens registres, titres, & papiers de chaque communauté sont enfermés dans un coffre ou armoire fermant à trois clés, dont le greffier en a une. Les registres courans des réceptions & délibérations restent pendant trois ans entre ses mains. Ce sont eux qui sont toutes les expéditions, copies, & extraits que l'on tire sur les registres, titres & papiers de la communauté. Ceux qui sont nommés pour remplir la fonction de greffier dans les communautés de chirurgiens, joüissent de l'exemption de logement de gens de guerre, de collecte, guet & garde, tutele, curatelle, & autres charges de ville, & publique. Voyez les statuts imprimés avec les notes de M. d'Olblen, secrétaire de M. le premier chirurgien du roi. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier civil Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier civil Greffier civil , est celui qui tient la plume pour les affaires civiles. Voyez Greffier criminel & Greffier en chef . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers-commis Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers-commis Greffiers-commis , sont des commis du greffe qui ont été érigés en charge pour aider à faire les expéditions du tribunal sous le greffier en chef. Ils furent créés dans toutes les cours souveraines, bailliages, sénéchaussées, & autres jurisdictions royales. Par édit du 22 Mars 1578, on les appelloit alors clercs des greffiers . Ce titre de clerc étoit celui que les greffiers même portoient anciennement; dans la suite on les a appellés commis-greffiers; ils prennent même presentement le titre de greffiers simplement, quoique ce titre n'appartienne régulierement qu'au greffier en chef. Outre ces commis-greffiers qui sont en charge, ces mêmes greffiers ont sous eux d'autres commis ou clercs amovibles qui sont à leurs ordres pour faire leurs expéditions. On appelle ceux-ci commis du greffe , ou au greffe; il y a aussi des greffiers-commis , sur lesquels voyez l'article suivant . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers-Commis Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers-Commis Greffiers-Commis , sont différens des commis-greffiers dont on a parlé ci-devant; ceux-ci sont des praticiens qu'un juge nomme commissaires & délegue pour faire quelque'acte particulier, commet pour tenir la plume sous lui, comme lorsqu'un juge est nommé pour faire une descente sur les lieux, ou quelqu'autre procès-verbal. Voyez ci-dev . Commis-Greffiers . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Criées Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Criées Greffier des Criées , est celui qui tient la plume à l'audience particuliere, destinée à faire la certification des criées, comme il y en a un au châtelet de Paris. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier criminel, du criminel, ou au criminel Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier criminel, du criminel Greffier criminel, du criminel , ou au criminel , est celui qui tient la plume lorsqu'on juge les affaires criminelles. Ces sortes de greffiers n'ont été établis dans les tribunaux qu'à mesure que les affaires se sont multipliées, & que l'on a vû qu'un seul greffier ne pouvoit suffire pour faire toutes les expéditions tant au civil qu'au criminel. Le greffier en chef au criminel du parlement est un officier qui a la direction de tout ce qui dépend du greffe criminel, dont il fait faire les expéditions par ses commis. Voyez au mot Parlement , à l'article Greffier . Voyez ci-devant Greffier civil . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Dépris Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Dépris Greffiers des Dépris , c'étoient des officiers héréditaires créés par l'édit du mois de Février 1627, pour recevoir les dépris des vins, ou déclarations que l'on vient faire au bureau des aides pour la vente des vins. Ils furent supprimés par édit du mois de Janvier 1692. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Domaines des Gens de Mainmorte Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Domaines des Gens de Mainmorte Greffier des Domaines des Gens de Mainmorte , voyez ci-devant Greffe des Domaines , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier Garde-Minute Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier Garde-Minute Greffier Garde-Minute , voyez ci-dev. Greffiers des Chancelleries . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier Garde-Sac Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier Garde-Sac Greffier Garde-Sac , voyez ci-devant Garde-Sac . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Gens de Main-morte, ou des Domaines des Gens de Main-morte Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Gens de Main-morte Greffier des Gens de Main-morte , ou des Domaines des Gens de Main-morte , voyez ci-devant l'article Greffe des Domaines , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier de la Geole Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier de la Geole Greffier de la Geole , voyez ci-devant Greffe de la Geole . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Hypotheques Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Hypotheques Greffier des Hypotheques , voyez Greffe des Hypotheques . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Insinuations Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Insinuations Greffier des Insinuations , voyez ci-devant Greffe des Insinuations , & ci-après au mot Insinuation . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Instructions Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Instructions Greffiers des Instructions , étoient des greffiers creés pat édit du mois d'Octobre 1660, pour tenir la plume dans toutes les instructions qui se font aux conseils d'état, des finances, & des parties. Ils furent supprimés par édit du mois de Juin 1661. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Inventaires Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Inventaires Greffiers des Inventaires , étoient des officiers établis en certains lieux pour écrire les inventaires sous la dictée d'autres officiers appellés commissaires aux inventaires , auxquels on avoit attribué dans ces mêmes lieux la confection des inventaires; les uns & les autres furent établis par édit du mois de Mai 1622 & Décembre 1639: dans le ressort des parlemens de Toulouse, Bordeaux, & Aix seulement, il ne fut levé qu'un petit nombre de ces offices, cette création n'ayant point eu lieu dans le ressort des autres parlemens. La confection des inventaires étoit souvent contestée entre différens officiers; c'est pourquoi par un édit du mois de Mars 1702, portant suppression des commissaires aux inventaires & de leurs greffiers créés par les édits dont on a parlé, & création de nouveaux offices de commissaires aux inventaires, & de greffiers d'iceux dans toutes les justices royales, excepté dans la ville de Paris; ces offices de commissaires & de greffiers aux inventaires ont depuis été unis aux offices des justices royales, & à ceux des notaires, chacun en droit soi, pour la faculté qu'ils ont de faire les inventaires. Voyez Inventaires . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Notifications Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Notifications Greffiers des Notifications , étoient ceux qui recevoient les notifications de tous les contrats d'acquisition. Ils furent établis par édit du mois de Décembre 1587, portant création d'un office de greffier des notifications des contrats en chaque siége royal, & autres principales villes. Ces offices furent créés à l'occasion de la disposition de l'édit du mois de Novembre précédent, portant que le retrait lignager auroit lieu dans toute l'étendue du royaume, & que l'an du retrait lignager ne courroit que du jour que les contrats seroient notifiés ou insinués au greffe des jurisdictions royales, dans le ressort desquelles les biens seroient situés; il fut dit que les greffiers seroient registre à part de ces notifications, contenant l'an & jour des acquisitions par eux insinuées, le nom des contractans, le prix & charges de la vente, & des notaires qui auroient reçû le contrat, & qu'ils ne délivreroient ni endosseroient ladite notification aux contrats d'acquisition, qu'ils n'en eussent d'abord fait registre. C'étoient d'abord les greffiers ordinaires qui faisoient ces notifications; mais par l'édit du mois de Décembre 1581, on en établit de particuliers pour rendre plus prompte l'expédition des notifications. Ils furent supprimés par édit du mois de Novembre 1584, & rétablis & réunis au domaine par autre édit du mois de Mars 1586. Ils étoient encore connus sous ce titre en 1640, suivant une déclaration du 10 Décembre 1639, registrée le 17 Janvier suivant; on les a depuis appellés greffiers des insinuations , & leurs fonctions ont été reglées par différens édits concernant les insinuations laiques. Voyez Greffier des Insinuations . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier des Paroisses, ou des Tailles Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier des Paroisses Greffier des Paroisses , ou des Tailles , voyez ci-après Greffier des Tailles . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier en Peau, ou greffier à peau Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier en Peau Greffier en Peau , ou comme on dit vulgairement, greffier à peau , sont ceux qui transcrivent sur le parchemin les jugemens & autres actes émanés du tribunal où ils sont établis; ils furent créés en titre d'office héréditaire dans toutes les cours & jurisdictions royales du royaume, par édit du mois de Février 1577: par un autre édit de 1580, ces offices furent déclarés domaniaux, & en conséquence aliénés à faculté de rachat perpétuel. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffier plumitif, ou au plumitif Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffier plumitif Greffier plumitif , ou au plumitif , est celui qui tient le plumitif de l'audience, c'est-à-dire une feuille sur laquelle il écrit sommairement & en abregé le jugement à mesure que le juge le prononce. Voyez Plumitif . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Subdélégations Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Subdélégations Greffiers des Subdélégations : par l'édit du mois de Janvier 1707, il fut établi un greffier de la subdélégation dans les villes du royaume où il a été établi des subdélégués, pour tenir minute & registre de tous les actes émanés des subdélégués, & d'en délivrer des expéditions. Ces offices furent réunis à ceux des subdélégués par une déclaration du 17 Janvier 1708. Voyez Subdélégué . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Greffiers des Tailles, ou des Rôles des Tailles, ou Greffiers des Paroisses Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Greffiers des Tailles Greffiers des Tailles , ou des Rôles des Tailles , ou Greffiers des Paroisses , furent établis par édit du mois de Septembre 1515, portant création d'un office de greffier en chaque paroisse du royaume, pour tenir registre, dresser, & écrire sous les assesseurs, les rôles de tous les deniers qui se levent par forme de taille. Ces offices avoient d'abord été créés héréditaires; mais par une déclaration du 16 Janvier 1581, il fut dit qu'ils étoient compris dans l'édit du mois de Mars 1580, portant suppression & réunion au domaine de tous les greffes du royaume, pour être vendus à faculté de rachat perpétuel. Ces offices furent supprimés par édit du mois de Novembre 1616. Cependant par édit du mois de Juillet 1622, il fut encore créé un office de greffier héréditaire des tailles en tous les dioceses, villes, communautés, & consulats de la province de Languedoc, & ressort de la cour des aides de Montpellier. Par un autre édit du mois d'Août 1690, on créa pareillement des offices de greffiers des roses & des tailles, & impositions ordinaires & extraordinaires en chaque ville, bourg, & paroisse taillable du ressort des cours des aides de Paris, Roüen, Montauban, Libourne, Clermont Ferrand, & Dijon: on en créa d' alternatifs dans le ressort de ces mêmes cours, par une déclaration du mois de Novembre 1694. Tous ces offices furent encore supprimés par un édit du mois d'Août 1698. On les rétablit dans le ressort des cours des aides de Paris, Roüen, Montauban, Bordeaux, Clermont-Ferrand, & Dijon, par un édit du mois d'Octobre 1703; mais en même tems ils furent unis aux offices de syndics créés par édit de Mars 1702, à ceux de greffiers des hôtels-de-ville établis par l'édit de Juillet 1690, où il n'y avoit point de syndic, & à ceux de maire, créés par édit du mois d'Août 1692, où il n'y a ni greffier ni syndic. Ces mêmes offices furent supprimés par édit du mois de Novembre 1703, & leurs fonctions, droits, & priviléges attribués aux offices des syndics. Ils furent encore rétablis par un autre édit du mois d'Août 1722, & confirmés dans leurs fonctions par un arrêt du conseil d'état du 15 Février 1724, portant qu'aucun rôle des tailles ne pourra être mis à exécution qu'il n'ait été signé par eux. Enfin ces mêmes offices ont depuis encore été supprimés. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREFFOIR Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GREFFOIR GREFFOIR, s. m. voyez les outils du Jardinier à l'article Jardinage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREGORIEN Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=adject GREGORIEN GREGORIEN, adj. ( Hist. ecclés. ) il se dit de quelques institutions, usages, réglemens ecclésiastiques dont on attribue l'origine à S. Grégoire le grand pape qui vivoit dans le vj. siecle. Ainsi l'on dit rit gregorien , & chant gregorien . Le rit grégorien sont les cérémonies que le pape saint Grégoire introduisit dans l'Eglise romaine, tant pour la célébration de la liturgie, que pour l'administration des sacremens; & qui sont contenues dans le livre de ce pontife, connu sous le nom de sacramentaire de S. Grégoire. Voyez Liturgie , Sacremen , & Sacramentaire . S. Grégoire ne se contenta pas de regler les prieres que l'on devoit chanter: il en regla aussi le chant; & c'est ce chant que l'on appelle grégorien , du nom de son auteur, qui, pour en conserver la tradition, établit à Rome une école de chantres qui subsistoit encore trois cents ans après, du tems de Jean Diacre. Le moine Augustin allant en Angleterre, emmena des chantres de cette école romaine, qui instruisirent aussi les Gaulois. Quant à la nature & au caractere distinctif du chant grégorien, voyez Chant , & Plein-Chant . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grégorien Author=unknown Normalized Classification=Chronologie Part of Speech=NA Grégorien Grégorien , ( Chronol. ) on appelle calendrier grégorien , le calendrier réformé en 1582 par le pape Grégoire XIII. ( voyez Calendrier ); année grégorienne , l'année julienne réformée suivant ce calendrier ( voyez An ); & on appelle quelquefois époque grégorienne , l'année 1582, époque de la réformation de ce même calendrier. Ainsi on dit: l'année 1757 est la 175 e de l' époque grégorienne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÊLE Author=Ratte Normalized Classification=Physique Part of Speech=s.f. GRÊLE GRÊLE, s. f. ( Physique. ) La grêle est de même nature que la glace ordinaire; ce sont des glaçons d'une figure qui approche le plus souvent de la sphérique, formés par des gouttes de pluie qui s'étant gelées dans l'air, tombent sur la terre avant que d'avoir pu se dégeler. Voyez Glace & Pluie . La neige dont les différences d'avec la grêle sont visibles & connues de tout le monde, n'est aussi que de l'eau qui s'est glacée dans l'air. Lorsque les molécules aqueuses qui se sont élevées dans l'atmosphere en forme de vapeurs, retombent en bruine ou en pluie, il arrive souvent que le froid est assez considérable pour les geler; elles se changent alors en neige ou en grêle; en neige, si la congelation les faisit avant qu'elles se soient réunies en grosses gouttes; en grêle , si les particules d'eau ont le tems de se joindre avant que d'être prises par la gelée. Voyez Neige . Les petits glaçons dont la neige est composée s'unissant mal entre eux, les floccons qui résultent de cette union imparfaite sont fort rares & fort legers; il n'en est pas de même des grains de grêle , dont le tissu est compact & serré, la dureté grande, & qui en un mot sont semblables à la glace ordinaire. On remarque d'ailleurs dans les grains de grêle une assez grande variété; ils different par la grosseur, par la figure, par la couleur: examinons en particulier toutes ces différences. La grosseur de la grêle dépend beaucoup de celle des gouttes de pluie dont elle est formée; cela est évident. Ainsi les mêmes variétés qu'on observe dans les gouttes de pluie quant à la grosseur, se seront remarquer dans les grains de grêle . On sait que la pluie est fort menue à une certaine hauteur dans l'atmosphere, & qu'elle devient toûjours plus grosse à-mesure qu'elle tombe, plusieurs petites gouttes s'unissant en une seule. Il n'est donc pas surprenant que la grêle qui tombe sur le haut des montagnes, soit plus petite, toutes choses d'ailleurs égales, que celle qui tombe dans les vallées, comme Scheuchzer, Fromond, & plusieurs autres physiciens & naturalistes l'ont observé. Il semble d'abord que la grêle ne devroit jamais être plus grosse que des gouttes de pluie: mais si l'on fait réflexion qu'un grain de grêle déjà formé par un degré de froid considérable, gele toutes les particules d'eau qu'il touche dans sa chûte, on concevra aisément comment il peut devenir le noyau d'une ou de plusieurs couches de glace, qui augmenteront considérablement son volume & son poids: ce qui prouve que la grosse grêle se forme de cette maniere, c'est qu'elle n'est jamais d'une densité uniforme depuis la surface jusqu'au centre. Les gouttes de pluie ont rarement plus de trois lignes de diametre, ce n'est que dans certaines pluies extraordinaires qu'on a vû tomber des gouttes dont le diametre étoit de près d'un pouce: on voit par-là jusqu'où peut aller la grosseur des grains de grêle , lorsqu'elle n'excede point celle des gouttes de pluie; ce qui est le cas le plus fréquent. Lorsque par les causes que nous avons exposées, ou par quelque autre semblable, le volume & le poids de la grêle sont plus grands qu'ils ne devroient être naturellement, il arrive quelquefois que la grêle est d'une grosseur prodigieuse; on en a vû dont les grains étoient aussi gros que des oeufs de poule & d'oie, d'autres qui pesoient une demi-livre, trois quarts, & une livre: dans les mêmes orages comme dans les orages différens, les grains de grêle ne sont pas tous de même grosseur. L'histoire de l'académie des Sciences parle d'une grêle qui ravagea le Perche en 1703; les moindres grains étoient comme des noix, les moyens comme des oeufs de poule, les autres étoient comme le poing, & pesoient cinq quarterons. Ce n'est pas dans les seuls écrits des physiciens, qu'il faut chercher des détails sur ces sortes de phénomenes; les historiens dans tous les tems ont pris soin de nous en transmettre le souvenir. Aujourd'hui, lorsqu'une de ces grêles extraordinaires desole quelque contrée, les nouvelles publiques ne manquent guere d'en faire mention. Nous avons dit que la figure des grains de grêle approchoit ordinairement de la sphérique; cette rondeur est une suite de celle qu'affectent naturellement les gouttes de pluie, comme toutes les autres gouttes d'eau, tant par l'attraction mutuelle des particules qui les composent, que parce que l'eau s'unit difficilement avec l'air; plusieurs causes peuvent empêcher que cette rondeur ne soit parfaite; le vent en est une des principales, il comprime les gouttes de pluie, il les applatit, il les rend concaves ou anguleuses dans certaines portions de leurs surfaces. Les gouttes en se convertissant en grêle , conservent ces mêmes figures, & de-là vient qu'il est si rare de voir des grains de grêle parfaitement sphériques, principalement quand leur chûte est accompagnée d'un vent violent. La grosse grêle formée par la réunion des différentes couches de glace, est tantôt conique ou piramydale, quelquefois hémi-sphérique, souvent fort anguleuse. Une chose assez constante parmi toutes ces variétés, c'est que les grains qui tombent dans le même orage sont tous à-peu-près de même figure; dans certains orages, par exemple, ils sont tous coniques, dans d'autres hemi-sphériques, &c. La transparence & la couleur de la grêle ne sont pas plus exemptes de variations que sa grosseur & que sa figure. Si l'on voit tomber des grains de grêle dont la transparence est seulement un peu moindre que celle de l'eau dont ils sont formés, on en observe assez communément qui sont opaques & blanchâtres. Souvent le noyau qu'on apperçoit au milieu de certains grains de grêle , est fort blanc, tandis que les couches de glace qui l'environnent sont transparentes: en découvrant ce noyau, on le trouve semblable à de la neige ramassée. Il y a une sorte de menue grêle connue sous le nom de grésil , dont la blancheur égale celle de la neige. Le grésil est dur & peut être comparé à de la coriandre sucrée. On ne doit pas confondre le grésil avec une autre sorte de grêle fort menue aussi, qu'on voit quelquefois tomber par un tems calme, humide & tempéré, & qui se fond presque toûjours en tombant; elle a peu de consistance, & paroît comme saupoudrée d'une espece de farine: on peut dite qu'elle tient en quelque sorte le milieu entre la neige & la grêle ordinaire. La chûte de la grêle est accompagnée de plusieurs circonstances la plûpart assez connues. 1°. Le tems est fort sombre, couvert & orageux. 2°. Toutes les fois que la grêle est un peu grosse, l'orage qui la donne est excité par un vent d'ordinaire assez impétueux & qui continue de souffler avec violence pendant qu'elle tombe. 3°. Le vent n'a quelquefois aucune direction bien déterminée, & il paroît souffler indifféremment de tous les points de l'horison: ce qu'on remarque assez constamment, c'est qu'avant la chûte de la grêle il y a toûjours du changement dans les vents; si, par exemple, le vent de midi a chassé vers nous l'orage, il ne grêlera que quand le vent de nord aura commencé à souffler. 4°. Quand il grêle, & même avant que la grêle tombe, on entend souvent un bruit dans l'air causé par le choc des g ains de grêle que le vent pousse les uns contre les autres avec impétuosité. 5°. La grêle tombe seule ou mêlée avec la pluie, & dans le premier cas, la pluie la précede ou la suit. 6°. Lorsque la grêle est un peu considérable, elle est presque toûjours accompagnée de tonnerre. Plusieurs auteurs vont plus loin, car ils assûrent comme une chose indubitable, qu'il ne grêle jamais sans qu'il tonne; je crois qu'il seroit difficile de le prouver. A Montpellier où la grêle n'est pas fréquente à beaucoup près, si l'on en juge par comparaison à ce qu'il en tombe chaque année à Paris, j'ai vû grêler plus d'une fois sans entendre le moindre coup de tonnerre. On dira peut-être qu'il tonnoit alors à quelques lieues de Montpellier dans les endroits où étoit le fort de l'orage: cela peut être vrai, mais le contraire pourroit l'etre aussi. Ne donnons pas à la nature des lois générales qu'elle desavoue: arrêtons-nous à ce qu'il y a de certain sur cette matiere, c'est que le tonnerre accompagne toûjours la grêle qui est un peu considérable. Jamais le tonnerre ne gronde & n'éclate avec plus de force que dans ces grêles extraordinaires dont nous avons parlé, dont les grains sont d'une grosseur si prodigieuse; les éclairs, les foudres, se succedent sans interruption, le ciel est tout en feu, l'obscurité de l'air est d'ailleurs effroyable, on diroit que l'univers va se replonger dans son premier cahos. 7°. Quoique les orages qui donnent la grêle soient quelquefois précédés de chaleurs étouffantes, on remarque néanmoins qu'aux approches de l'orage, & plus encore après qu'il a grêlé, l'air se refroidit considérablement. Des physiciens célebres paroissent persuadés qu'il ne grêle jamais que pendant le jour: M. Hamberger dit à cette occasion qu'un de ses amis âgé de soixante-dix ans l'a assûré qu'il n'avoit jamais vû grêler la nuit. Elém. physiq. n°. 520 . Tout jeune que je suis, je puis assûrer le contraire; j'ai vû plus d'une fois tomber de la grêle à Montpellier pendant la nuit & à différentes heures de la nuit. La grêle est plus fréquente à la fin du printems & pendant l'été, qu'en aucun autre tems de l'année; elle est moins fréquente en autonne & assez rare en hyver. Le grésil tombe communément au commencement du printems. Quand on dit que la grêle est rare en hyver, on ne prétend point que ce soit un phénomene tout-à-fait extraordinaire d'en voir dans cette saison. A Montpellier, où l'on passe quelquefois des années entieres sans avoir de la grêle , j'en ai vû tomber quatre fois pendant l'hyver dans l'intervalle de huit années consécutives. Le 30 Janvier 1741 fut à cet égard singulierement remarquable: la grêle qui tomba ce jour-là s'amassa en moins d'une demi-heure dans les rues & sur les toîts des maisons à la hauteur de plusieurs pouces; celle qui étoit sur les toîts fut plus de vingt-quatre heures à se fondre, on ne se souvenoit pas d'en avoir jamais tant vû en aucune saison de l'année: pendant qu'elle tomboit, le tonnerre gronda sans interruption comme dans les plus grands orages de l'été. On doit remarquer qu'elle tomba vers les neuf heures du soir; ce qui fortifie ce qu'on a déjà dit contre ceux qui prétendent qu'il ne grêle que pendant le jour. Les funestes effets de la grêle ne sont malheureusement que trop connus: celle dont les grains égalent en grosseur des oeufs de poule & pesent jusqu'à une livre, fait des ravages affreux; elle détruit sans ressource les moissons, les vendanges, & les fruits; elle coupe les branches d'arbre, tue les oiseaux dans l'air & les troupeaux dans les pâturages; les hommes même en sont quelquefois blessés mortellement. Quelque terribles que soient ces effets, la grêle en produiroit de plus funestes encore, si la vîtesse qu'elle acquiert dans sa chûte n'étoit diminuée par la résistance de l'air. Tous les pays ne sont pas également sujets à la grêle , les nuages qui la donnent se forment & s'arrêtent par préférence, si l'on peut s'exprimer ainsi, sur certaines contrées: rarement ces nuages parviennent jusqu'au sommet de certaines montagnes fort élevées, mais les montagnes les rompent, comme on dit, & les attirent sur les vallons voisins. L'exposition à de certains vents, les bois, les étangs, les rivieres qui se trouvent dans un pays, doivent être considérés. Indépendamment des variétés qui naissent de la situation des lieux, il en est d'autres d'un autre genre, dont nous sommes tous les jours les témoins; de deux champs voisins exposés au même orage, l'un sera ravagé par la grêle , l'autre sera épargné: c'est que toutes les nues dont la réunion forme l'orage sur une certaine étendue de pays, ne donnent pas de la grêle; il grêlera fortement ici, & à quatre pas on n'aura que de la pluie. Tout ceci est assez connu. La grêle , comme tous les autres météores, présente dans le méchanisme de sa formation des difficultés considérables, des mysteres profonds, que toute la sagacité des physiciens n'a pû encore pénétrer. Descartes suppose que les nues, où elle se forme, sont composées de très-petites parcelles de neige ou de glace, qui se fondent à-demi, & qui se réunissent; un vent froid qui survient acheve de les geler; d'autres fois la neige se fond totalement, & alors le vent doit être extrèmement froid pour convertir ces gouttes d'eau en grêle. Tract. de meteor. cap. vj. Tout le monde sait aujourd'hui que les nuages ne sont pas des amas de glaçons, mais des brouillards semblables à ceux que nous voyons si souvent s'élever & se répandre sur la superficie de la terre. Voyez Nuage . L'hypothèse de Descartes est donc insoûtenable dans sa totalité: il n'y a que le vent froid que plusieurs physiciens continuent d'admettre sans trop rechercher les différentes causes, qui peuvent la produire. D'autres philosophes, sans avoir recours au vent froid, imaginent simplement qu'à la hauteur où se forme la grêle , le froid de l'atmosphere est toûjours assez considérable, au milieu même de l'été, pour convertir l'eau en glace: cette opinion est sujette à de grandes difficultés. On a vû souvent la grêle se former au-dessus d'un vallon à une hauteur fort inférieure à celle des montagnes voisines, qui joüissoient pendant ce tems-là d'une douce température. C'est d'ailleurs sans beaucoup de fondement qu'on se représente les nuages comme si fort élevés au-dessus de nos têtes; ils sont au contraire très-voisins de nous dans les grands orages. Nous avons remarqué que le tonnerre accompagne ordinairement la grêle; on peut donc imaginer que ces deux météores se forment à peu-près à la même distance de la terre. Or quand le tonnerre est perpendiculaire sur quelque lieu & qu'il éclate fortement, l'intervalle d'une ou deux secondes qu'on observe entre l'éclair & le bruit, fait juger que la matiere de la foudre n'est guere qu'à 180 ou tout au plus à 360 toises de distance. Croira-t-on qu'à cet éloignement de la terre il regne naturellement pendant l'été un froid assez grand pour geler l'eau? Ce dernier raisonnement est pris d'une dissertation sur le sujet que nous traitons, couronnée par l'académie de Bordeaux en 1752. M. Musschenbroeck attribue la formation de la grêle aux particules congelantes, qui répandues dans l'air en certaines circonstances glacent les gouttes de pluie. Essai de Physique, tome II. chap. xxxjx . Selon M. Hamberger, quand la partie supérieure d'un gros nuage est directement exposée aux rayons du soleil & que l'inférieure est à l'ombre, celle-ci se refroidit au point, que toutes les gouttes d'eau qui la composent & celles qui leur succedent, se convertissent en glace. Elém. physic. n°. 520 . Si c'étoit-là la véritable origine de la grêle , on n'en verroit jamais tomber que pendant le jour. Dissert. sur la glace, pp. 259 & 260 . M. de Mairan ayant observé que de l'eau exposée à un courant d'air se refroidit de deux degrés au-delà de la température actuelle de cet air environnant, croit que le même effet doit avoir lieu à l'égard des vapeurs aqueuses suspendues dans un air agité, & qu'il doit être plus considérable à raison de la ténuité de ces molécules. Voilà d'où naissent selon lui certaines grêles d'été * . Un sentiment fort différent de tous ceux que nous venons d'exposer, est celui de l'auteur de la dissertation déjà citée, qui a remporté le prix au jugement de l'académie de Bordeaux. La grêle est selon lui un mélange d'eau glacée, de sel volatil, de sel concret, & de soufre: c'est le résultat d'une congelation artificielle pareille à celle que nous faisons tous les jours par le moyen des sels: les idées de l'auteur sur les sels répandus dans l'air, ne sont pas toûjours conformes aux principes de la bonne Chimie. On peut se passer d'admettre avec lui des parties frigorifiques proprement dites: il y a d'ailleurs des vûes très-ingénieuses dans sa dissertation. Toutes ces explications roulent visiblement sur quelques idées principales qui ne paroissent pas devoir refuser de s'unir. Peut-être suffira-t-il de les combiner d'une certaine maniere, pour approcher beaucoup du système de la nature. A la hauteur où se forme la grêle dans notre atmosphere, la température de l'air est souvent exprimée par 10 ou 8 degrés du thermometre de M. de Réaumur au-dessus de la congelation. Ce premier point sera facilement accordé. Un vent médiocrement froid, tel qu'il s'en éleve au commencement de presque tous les orages, diminuera cette température de trois ou quatre degrés. Les gouttes d'eau refroidies au cinquieme ou sixieme degré par la communication du froid de l'atmosphere, recevront encore deux degrés de froideur, par cela seul qu'elles seront exposées à un courant d'air, à un air incessamment renouvellé. * N'est-ce pas en facilitant l'évaporation de l'eaus que l'air agité la refroidit? Les expériences communiquées depuis peu à l'académie des Sciences par M. Beaumet, maître apothicaire de Paris, ne permettent guere d'en douter. Encore quelques degrés de froid, & les gouttes d'eau perdant leur liquidité, se convertiront en glace. Ici je pense avec l'auteur de la dissertation couronnée par l'académie de Bordeaux, qu'il faut avoir recours à quelque opération chimique semblable à une infinité d'autres que nous mettons tous les jours sur le compte de la nature. Nous avons vû que le tonnerre accompagnoit le plus souvent la grêle; le seules vapeurs aqueuses ne paroissent donc pas devoir suffire pour faire naître ce météore: il faut que l'air soit chargé de plusieurs sortes d'exhalaisons. Les parties propres de l'air qui nous environne & que nous respirons, sont mêlées avec plusieurs substances hétérogenes. Notre atmosphere contient de l'eau, un acide vitriolique connu sous le nom d' acide universel , des matieres oléagineuses, grasses & inflammables fournies par la plûpart des corps terrestres, des alkalis volatils qui s'exhalent des animaux & des végétaux putréfiés. Je ne parle point du nitre aérien ni de tous ces autres sels fixes qu'on ne faisoit pas difficulté d'admettre autrefois comme abondamment répandus dans notre atmosphere. Ces sortes de sels ne sauroient s'y élever en grande quantité, moins encore s'y soûtenir à une certaine hauteur. Les alkalis volatils dissous dans l'eau la refroidissent sans la glacer, ils font avec l'acide vitriolique des effervescences froides: ces dissolutions & ces effervescences font descendre le thermometre de plusieurs degrés. Il suit évidemment de-là qu'une certaine quantité d'alkalis volatils combinés avec l'eau & l'acide vitriolique dans une nuée, y exciteront un froid considérable. Ce froid ne glacera point les gouttes d'eau intimement mêlées avec l'alkali volatil, mais il pourra glacer les gouttes voisines auxquelles il se communiquera. Toutes les gouttes d'eau qui composent une nuée destituée d'alkali volatil, se glaceront par le froid d'une nuée voisine dans laquelle la présence des sels volatils aura excité des dissolutions & effervescences froides. Les alkalis volatils s'élevent dans l'air avec les matieres inflammables; & quand celles-ci sont abondamment répandues dans l'atmosphere, les premiers s'y trouvent pareillement en grande quantité: voilà pourquoi le tonnerre accompagne si souvent la grêle . On explique aussi par-là pourquoi il grêle plus fréquemment sur la fin du printems & pendant l'été, qu'en aucun autre tems de l'année, toutes ces sortes d'exhalaisons ne s'élevant qu'à un certain degré de chaleur. Tous les autres phénomenes de la grêle s'expliqueront avec la même facilité, un plus long détail seroit inutile; ceux qui se plaisent à la recherche des causes physiques, pourront appliquer d'eux-mêmes les principes que nous avons exposés; & à l'égard de ceux qui n'exigent de nous que le simple récit des faits, peut-être trouveront-ils que nous en avons trop dit. Musschenbroeck, essai de Physiq. tome II. chap. xxxjx . De Challes, de meteoris; Nollet, leçons de Physiq. tome III. &c. Article de M. de Ratte . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêle Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=NA Grêle Grêle , terme de Chirurgie , maladie des paupieres; c'est une petite tumeur ronde, mobile, dure, blanche, assez semblable à un grain de grêle . La matiere qui forme ces sortes de tumeurs est si épaisse, qu'on ne doit rien espérer des remedes qu'on proposeroit pour ramollir cette humeur: ce n'est point une maladie dangereuse, mais elle est très-incommode quand la grêle est sous la membrane interne des paupieres. L'opération est l'unique ressource, & elle doit se pratiquer différemment suivant le siége de la tumeur. Quand elle est à la superficie extérieure de l'une ou de l'autre paupiere, on étend avec les doigts la peau de la paupiere d'un angle à l'autre, afin d'affermir la grêle sur laquelle on fait une incision suffisante selon la longueur de la paupiere. On fait sauter le grain avec une petite curette. Le pansement doit être des plus simples, c'est une plaie qui se réunit d'elle-même, & qui seroit indifférente au bon ou au mauvais traitement. Lorsque la grêle est en-dedans, après avoir situé commodément le malade, on renverse la paupiere pour découvrir la maladie; il faut inciser jusqu'au grain: mais à la paupiere inférieure, la direction de l'incision doit être d'un angle à l'autre, comme pour l'extérieur: au contraire à la paupiere supérieure, l'incision doit être longitudinale. Ce sont les connoissances anatomiques qui prescrivent ces différences: par une incision transversale, on pourroit couper les fibres du releveur de la paupiere supérieure, en opérant sans attention sous cette partie. Le pansement consiste à défendre l'oeil de l'inflammation: ce qu'on obtient aisément par le régime, & par l'application des collyres convenables. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêle Author=unknown Normalized Classification=Cornetier | Tabletterie Part of Speech=s.f. Grêle Grêle , s. f. ( Tabletier-Cornetier. ) c'est une lame d'acier plate & dentelée, dont on se sert pour grêler les dents de peigne. Voyez Grêler . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêle Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=adject Grêle Grêle , adj. il se dit des corps qui ont beaucoup plus de longueur & de fragilité qu'ils n'en doivent avoir naturellement. Un cerf a le merrien grêle: on dit aussi des châtrés & de ceux qui en ont la voix, qu'ils ont la voix grêle . La même épithete se donne à une partie du canal intestinal. Voyez l'article suivant & l'article Intestin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêle Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=NA Grêle Grêle , en Anatomie , c'est un muscle de la jambe ainsi nommé à cause de sa forme grêle. Voyez les Pl. anatomiques . Il prend son origine par un tendon plat de la branche de l'os pubis & de l'ischium, descend sur le côté interne du fémur, se retrécit & devient tendineux un peu au-dessous du couturier, à la partie supérieure de la face interne du tibia. Lorsqu'il est parvenu à la partie latérale interne du condyle interne de cet os, il se contourne & va s'attacher à la partie latérale interne de la tubérosité antérieure du tibia. On donne encore le nom de grêle antérieur à un muscle de la jambe qui s'appelle aussi droit antérieur. Voyez Droit . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêlé Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject Grêlé Grêlé , adj. on appelle, en terme de Blason , couronnes grêlées , celles qui sont chargées d'un rang de perles grosses & rondes, comme les couronnes des comtes & des marquis. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÊLEAU Author=unknown Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.m. GRÊLEAU GRÊLEAU, s. m. ( Economie rustique. ) C'est ainsi qu'on appelle dans la forêt d'Orléans un baliveau au-dessous de trois piés de tour. C'est ce qu'on appelle chêneteau dans d'autres forêts. Voyez le dictionn. du Commerce & de Trévoux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÊLER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.n. GRÊLER GRÊLER, v. n. voyez l'article Grêle , ( Physiq. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêler Author=unknown Normalized Classification=Blanchisserie Part of Speech=NA Grêler Grêler , en termes de Blanchisserie. Voyez Mettre en Ruban . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grêler Author=unknown Normalized Classification=Tabletterie | Cornetier Part of Speech=NA Grêler Grêler , en termes de Tabletier-Cornetier , c'est l'action d'arrondir les dents sur toute leur longueur; ce que l'estandon n'avoit point fait, ne les ayant fendues que quarrement. Voyez Estadon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRELIN Author=unknown Normalized Classification=Corderie Part of Speech=s.m. GRELIN GRELIN, s. m. terme de Corderie , cordage composé de plusieurs aussieres, & commis deux fois. Les grelins se fabriquent de la même façon que les aussieres; la seule différence qu'il y a entre ces deux sortes de cordages, c'est que les grelins sont composés d'aussieres, au lieu que les aussieres sont faites de torons. M. Duhamel dit, dans son art de la Corderie , que les grelins ont plusieurs avantages sur les aussieres. 1°. Comme ils sont commis deux fois, les fibres de chanvre sont entrelacées, de maniere que les frottemens violens que ces cordages ont à souffrir, ne peuvent déranger facilement ces fibres: avantage que n'ont pas les aussieres; aussi sont-elles moins de durée. 2°. Les grelins sont plus serrés que les aussieres; ainsi l'eau les pénetre plus difficilement. 3°. On a dit dans l' article Aussieres a quatre Torons , qu'il est avantageux de multiplier le nombre des torons: or il n'y a pas de moyen plus sûr de les multiplier, que de faire des cordages en grelin . On peut faire des grelins avec toutes sortes d'aussieres, & les composer d'autant d'aussieres qu'on met de torons dans les aussieres. Grelins en queue de rat , sont des grelins qui ont une fois plus de grosseur par un bout que par l'autre. Quand on a fait des aussieres eu queue de rat, on en prend autant qu'on veut que le grelin ait de cordons, & on les commet de la même façon que les grelins ordinaires, excepté que pour tordre les grelins on ne fait virer que les manivelles du chantier. Voyez l'article Corderie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÊLOIRE Author=unknown Normalized Classification=Blanchisserie Part of Speech=s.f. GRÊLOIRE GRÊLOIRE, s. f. en termes de Blanchisserie , est une espece d'auge de cuivre rouge étamé, de quatre piés de long sur demi-pié de large en-haut, & sur trois pouces par en-bas. Cette partie inferieure est percée de trous égaux dans toute sa longueur; chaque bout en haut est la place d'un petit réchaud, pour empêcher la cire de se figer. La grêloire se nomme ainsi, parce qu'elle partage la matiere en filets qui s'applatissent en tombant sur le cylindre. Voyez Mettre en Ruban . La grêloire est soûtenue sur une chevrette. Voyez Chevrette & l'artic . Blanchir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÊLOT Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.m. GRÊLOT GRÊLOT, s. m. ( Hydr. ) est un marteau pointu appellé têtu , avec lequel les Limosins piquent les anciens massifs de ciment pour les renduire. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREMIL, ou HERBE AUX PERLES Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GREMIL GREMIL, s. m. ou HERBE AUX PERLES, lithospermum , genre de plante à fleur monopétale, infundibuliforme, & découpée. Le calice est divisé jusqu'à la base; il en sort un pistil qui entre dans la partie inférieure de la fleur, & qui est entouré de quatre embryons: ces embryons deviennent des semences arrondies, dures, polies & luisantes; elles mûrissent dans le calice qui l'aggrandit. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Sa racine est dans nos climats de la grosseur du pouce, ligneuse & fibreuse. Ses tiges sont hautes de près de deux coudées, droites, roides, cylindriques & branchues. Ses feuilles sont nombreuses, placées alternativement, longues de deux ou trois pouces, pointues, rudes, sans queue, & d'un verd noirâtre. Ses fleurs naissent au sommet des tiges & des rameaux, de chaque aisselle des feuilles; elles sont portées sur des pédicules courts, & sont d'une seule piece, blanches ou d'un verd blanchâtre, à entonnoir, partagées en cinq segmens obtus, renfermées dans un calice velu, découpées jusqu'a la base en cinq quartiers étroits: leur pistil est verd, comme accompagné de quatre embryons, qui se changent ensuite en autant de graines arrondies, dures, polies, luisantes, d'un gris de perle, & semblables à de petites perles: ces graines grossissent & mûrissent dans le calice même; souvent elles sont au nombre de deux ou de trois, rarement de quatre. Cette plante vient dans les lieux secs parmi les haies, & fleurit en Mai; elle ne rougit presque pas le papier bleu; mais comme sa graine est d'usage, elle demande un petit article séparé. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gremil ou Herbe aux Perles Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gremil Gremil ou Herbe aux Perles , ( Mat. méd. ) La graine de gremil qui est émulsive, est la seule par tie de cette plante qui soit d'usage en Medecine. Elle passe pour un puissant diurétique, & pour un bon anodyn adoucissant. On prétend qu'elle chasse les graviers & les petits calculs, & même qu'elle les brise. On la prend réduite en poudre, à la dose d'un gros, dans un véhicule convenable, dans du vin blanc par exemple; ou on fait une émulsion, qu'on édulcore avec un sirop approprié, tel que celui de cinq racines. On ne croit aujourd'hui que très-difficilement aux prétendus lythomtriptiques tites des végétaux; & cette incrédulité est très-raisonnable sans doute, lorsqu'il ne s'agit, comme dans ce cas-ci, que d'une semence émulsive. La vertu que Mathiole & quelques autres auteurs accordent à cette semence prise à la do e de deux gros, de favoriser la sortie des foetus dans les accouchemens difficiles, & de chasser l'arriere-faix, ne pareit pas mériter beaucoup plus de confiance, quoiqu'un bon diurétique soit plus capable en général de produire ces derniers effets, que de fondre la pierre dans les reins ou dans la vessie. Voyez Diurétique & Utérin La semence du gremil entre dans les deux compositions suivantes de notre pharmacopée; savoir le sirop de guimauve compose, & la bénédicte laxative. On substitue souvent à la graine de l' herbe aux perles celle du gremil rampant, & même celle d'un autre gremil, connu plus communément sous le nom de larmes de Job . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gremil rampant Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Gremil rampant Gremil rampant , ( Botan. ) plante connue des Botanistes sous le nom de lithospermum minùs repens latifolium , C. B. P. 258. J. R. H. 137. Sa racine est ligneuse, tortueuse, noire. Ses tiges sont nombreuses, grêles, longues, noirâtres, rudes, velues, couchées pour la plus grande partie sur terre, & poussant quelques fibres par intervalles. Ses feuilles sont longues d'environ deux pouces, large d'un demi-pouce, terminées en pointe, d'un verd foncé, noirâtres, rudes & velues. Ses fleurs sont bleues, placées au sommet des rameaux en grand nombre; il leur succede des graines dures, blanches, de la grosseur de celles de l'orobe. La tige qui porte les fleurs est droite & garnie de longues feuilles d'un verd pâle. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gremil rampant Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gremil rampant Gremil rampant , ( Mat. méd. ) on attribue à sa graine les mêmes proprietés qu'à celle du gremil ou herbe aux perles. Voyez Gremil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gremil larme de Job Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Gremil larme de Job Gremil larme de Job , ( Mat. méd. ) la semence de cette plante passe pour avoir les mêmes vertus que celle de l'herbe aux perles, & celle du gremil rampant. Voyez Gremil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENADE Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=s.f. GRENADE GRENADE, s. f. ( Pharm. & Mat. méd. ) c'est le fruit du grenadier. Voyez l'article Grenadier . Des trois especes de grenades , on n'employe guere en Medecine que la grenade aigre. Les graines ou semences contenues dans ce fruit, le suc qu'on en exprime, l'écorce du fruit & les fleurs qui l'ont précédé, sont en usage en Medecine. Le suc des grains de grenade a une saveur aigrelette très-agreable, il est moins acide que celui du citron, de la groseille, & de l'épine vinette, avec lesquels il est d'ailleurs parfaitement analogue. Il faut les ranger avec ces autres sacs, dans l'ordre des muqueux acides. Voyez Muqueux . Si l'on garde dans un lieu frais ce suc exprimé, clarifié, & enfermé dans un vaisseau convenable, il donne du sel essentiel d'une saveur acide. Il est susceptible de la fermentation vineuse, ne donne point de gelée comme le suc de groseille, & peut être mis par conséquent sous la forme de sirop avec suffisante quantité de sucre. Ce sirop se prépare de la même maniere que le sirop de limon. Voyez Citron . On prépare beaucoup de ces sirops dans les pays où les grenades croissent abondamment. Celui qu'on employe à Paris vient du Languedoc. Les grains de grenade manges tout entiers sont regardés comme amis de l'estomac, comme en temperant l'ardeur, calmant la soif, rafraichissant, arrêtant le flux hémorrhoidal trop abondant, corrigeant l'acrimonie de la bile, arrêtant le vomissement & le hoquet. Les malades attaques de fievres ardentes & bilieuses, éprouvent un leger soulagement, & même un certain degre de plaisir, lorsqu'on leur permet de rouler de-tems-en-tems dans leur bouche & de sucer quelques grains de grenade . On fait une eau de grenades dans le pays où elles sont communes, en étendant le suc exprimé de ses grains dans suffisante quantité d'eau, & l'édulcorant avec un peu de sucre, ou en dissolvant le sirop de grenade dans sept à huit parties d'eau. Cette boisson a les mêmes usages que la limonade ou l'eau de groseille; elle est seulement un peu moins agaçante, & par conséquent moins sujette aux inconvéniens des acides donnés mal-à-propos. L'écorce de grenade prise intérieurement, passe pour un puissant astringent; sa saveur amere & austere est une preuve suffisante de la réalité de cette vertu. Il est à présumer cependant que son action se borne à l'oesophage, à l'estomac & au canal intestinal; que par conséquent ce remede n'est véritablement utile que contre les diarrhées, qu'on peut arrêter sans danger, & qu'on ne doit pas beaucoup compter sur son efficacité dans le relâchement ou les hémorrhagies des autres parties, comme dans les écoulemens immodérés des regles, les fleurs blanches, les gonorrhées, &c. On la donne en poudre depuis demi-gros jusqu'à un pour chaque prise, & jusqu'à demi-once en décoction. On employe l'écorce de grenade extérieurement dans les décoction, les gargarismes & les lavemens astringens. La décoction très-chargée de cette écorce est sur-tout célebre pour redonner le ton naturel & la capacité convenable au vagin, relâché & délabré par un accouchement laborieux, ou par toute autre cause. Les fleurs de grenade , plus connues dans les boutiques sous le nom de balaustes , ont la même vertu que l'écorce, mais dans un degré inférieur; on en fait à-peu-près le même usage, tant extérieurement qu'intérieurement. Voyez Balauste . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Grenade Grenade , ( Art milit. ) c'est une espece de petite bombe, de meme diametre ou calibre qu'un boulet de quatre livres, laquelle pese environ deux livres, & qui est chargée de quatre ou cinq onces de poudre. Les grenades se jettent avec la main par des soldats nommés cet effet grenadiers . Elles ont une lumiere comme la bombe, & une fusée de même composition. Le soldat met avec une meche le feu à la fusée, & il jette la grenade dans le lieu qui lui est indiqué. Le feu prenant à la poudre de la grenade , son effort la brise & la rompt en éclats, qui tuent ou estropient ceux qu'ils atteignent. Le soldat ne peut guere jetter de grenades qu'à la distance de quinze ou seize toises au plus. Il y a d'autres grenades qui ne se jettent point à la main, mais qui se roulent dans les fosses & dans les autres endroits où l'on veut en faire usage: ce sont proprement des especes de bombes, qui ont de diametre depuis trois pouces jusqu'à six. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade d'Artifice Author=unknown Normalized Classification=Artificier Part of Speech=NA Grenade d'Artifice Grenade d'Artifice , ( Artificier. ) c'est une imitation du fruit appellé grenade , ou, si l'on veut, des grenades de guerre, par un petit globe de carton à-peu-près de même grosseur, qu'on remplit de poudre ou d'autre composition, pour le jetter à la main ou avec une fronde à l'instant qu'on y met le feu. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade, (le royaume de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grenade Grenade , ( le royaume de ) Géog. province considérable d'Espagne, avec titre de royaume; c'est proprement la haute Andalousie, qui fait partie de la Boetique des anciens. Il est borné N. par la nouvelle Castille, E. par la Murcie, S. par la Méditerranée, O. par l'Andalousie. Les principales rivieres qui l'arrosent sont le Xénil, le Guadalantin, le Riofrio & le Guadalquivireja. Il a environ 70 lieues de long sur 30 de large, & 80 de côtes. Malgré le manque de culture, le terrein est fertile en grains, en vins, en lin, en chanvre, en excellens fruits, & en passerilles; il abonde en mûriers qui nourrissent quantité de vers à soie, & en forêts qui produisent des noix de galles, des palmiers & des glands de chéne d'un assez bon gout; le sumac, si utile pour l'apprêt des peaux de bouc, de chevre & de maroquin, abonde dans les montagnes. La capitale du royaume s'appelle Grenade . Ferdinand le Catholique prit cette province sur les Maures en 1492. Du tems qu'ils la possédoient, elle étoit le pays du midi le plus riche & le plus peuplé: il n'a fait depuis que dégénérer; & sa destruction a été achevée par l'expulsion de tous les Maures qui restoient dans ce royaume, & que le conseil mal éclairé de Philippe III. roi d'Espagne, s'imagina devoir chasser en 1609. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grenade Grenade , ( Géog. ) grande ville d'Espagne, capitale du royaume de ce nom, avec un archevêché & une université, érigée depuis que Ferdinand V. conquit cette ville sur les Maures en 1492 Ils l'avoient fondé dans le dixieme siecle, & c'étoit le dernier domaine qui leur restoit dans cette partie de l'Europe. Ferdinand V. surnommé le Catholique , ne se fit point de scrupule d'attaquer son ancien allié Boabdilla, qui en étoit alors le maître. Le siége dura huit mois, au bout desquels Boabdilla fut obligé de la rendre. Les contemporains ont écrit qu'il versa des larmes en se retournant vers les murs de cette ville si peuplée, si riche, ornée du vaste palais des rois Maures ses ayeux, dans lequel se trouvoient les plus beaux bains du monde, & dont plusieurs sales voûtées étoient soûtenues sur cent colonnes d'albâtre. Quoique cette ville ait beaucoup perdu de sa splendeur, cependant les édifices publics y sont encore magnifiques, & il s'y fait un grand commerce de soie qui passe pour la meilleure de l'Europe. Grenade est d'une situation très-riante & très-avantageuse, sur la riviere du Darro & du Xénil qui en baigne les murailles, à 50 lieues S. O. de Murcie, 25 N. E. de Malaga, 45 S. E. de Séville, 90 S. E. de Madrid. Long. 18. 19. lat. 37. 30 . Cette ville est la patrie de Louis de Grenade, de Suarez, & de Marmol. Le premier étoit dominicain, & publia deux volumes in-folio sur la vie spirituelle. Il mourut en 1588, âgé de 84 ans. Le jésuite Suarez composa vingt-trois volumes de philosophie, de morale & de théologie scholastique. Marmol écrivit en espagnol une description générale d'Afrique, livre utile & que M. d'Ablancourt n'a point dédaigné de traduire en françois. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grenade Grenade , ( Géog. ) l'une des plus belles & des plus riches villes de l'Amérique espagnole, sur le bord de la Nicaragua, qu'on appelle aussi quelquefois le lac de Grenade , à 22 lieues E. de Léon, & à 28 de la mer du Sud. Les flibustiers françois la pillerent en 1665 & en 1675. Lon. 292. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade, (la nouvelle) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grenade Grenade , ( la nouvelle ) Géog. pays de l'Amérique méridionale dans la Terre-ferme, d'environ 130 lieues de longueur, sur 30 dans sa plus grande largeur. Les Sauvages des vallées se nourrissent de mays, de pois, de patates. Il y a des mines d'or, de cuivre, d'acier, de bons pâturages, des grains, des fruits, du sel, & beaucoup de poisson dans les rivieres de ce pays. Il appartient aux Espagnols. Sancta Fé de Bogota en est la capitale, que Ximenès a fait bâtir. Lat. 12 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenade, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grenade Grenade , ( la ) Géog. île de l'Amérique septentrionale dans la mer du Nord, & l'une des Antilles. Sa longueur du N. au S. est de 10 lieues; sa plus grande largeur de 5, & sa circonférence d'environ 22. Elle est très-fertile, appartient aux François depuis 1650, n'est éloignée que d'environ 30 lieues de la Terre-ferme, & de 70 de la Martinique. Longit. 315. 35. lat. nord 12. 15. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENADIER Author=Daubenton|Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GRENADIER GRENADIER, s. m. punica , genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales, disposés en rond. Le calice a la forme d'une cloche, & il est découpé; il devient un fruit presque rond, garni d'une couronne, & divisé en plusieurs loges remplies de grains pleins de suc, attachés à un placenta & séparés des uns des autres par des membranes très-minces. Il y a dans ces grains une semence ordinairement oblongue. Tourn. inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) Le grenadier domestique, granata sive punica malus, sativa , C.B.P. 438. J. B. 1. 76. Raii, hist. 1462 , &c. n'est qu'un arbrisseau, quoiqu'il s'éleve quelquefois à la hauteur d'un arbre lorsqu'on le cultive dans un terrein favorable, & qu'on en coupe les jeunes pousses. Ses branches sont menues, anguleuses, couvertes d'une écorce rougeâtre, partagées en des rameaux, armés d'épines roides, oblongues, droites. Ses feuilles sont placées sans ordre, semblables à celles du myrte ordinaire, ou de l'olivier, moins pointues, d'un verd luisant, portées sur des queues rougeâtres, garnies de veines rouges qui les traversent, & de côtes en-dessous, d'une odeur forte, urineuse, surtout si on les froisse entre les doigts. Les fleurs sortent des aisselles des branches; elles sont en rose, à cinq pétales, de couleur écarlate: leur centre est occupé par plusieurs étamines, garnies de sommets & renfermées dans un calice de même couleur, long d'un pouce & plus, coriace, en forme de cloche, partagé en cinq lanieres, pointues, lesquelles dans la suite couronnent le nombril du fruit. Le calice se change en un fruit sphérique, un peu applati des deux côtés, de différente grosseur, qu'on nomme grenade , & qui est connu de tout le monde. Le grenadier sauvage ressemble en tout au domestique, excepté qu'il est d'ordinaire plus épineux. Celui qui porte une fleur double s'appelle en Provence balaustier , & par les Botanistes malus punica, flore pleno majore , ou malus punica sylvestris major . Il produit d'amples fleurs, composées d'un très-grand nombre de pétales fort serrés. Les fleurs sont renfermées dans un calice qui n'est pas oblong, comme celui du grenadier domestique, mais large & applati, de couleur jaune purpurin, coriace, ligneux & divisé en plusieurs lanieres. Ses pétales sont quelquefois si nombreux, que les fleurs paroissent de grandes roses d'une couleur foncée: on les nomme balaustes quand elles sont contenues dans leur calice. Voyez Balauste . Le fruit du grenadier sauvage ou domestique égale en grosseur nos plus belles pommes. Son écorce est médiocrement épaisse & comme du cuir, un peu dure cependant & cassante, verte & lisse avant la maturité, ensuite de couleur rouge & ridée, qui approche enfin de la couleur de la châtaigne, jaune intérieurement, d'une saveur astringente. Ce fruit renferme plusieurs grains disposés en différentes loges, d'un rouge foncé dans les uns, de couleur d'améthyste dans les autres, remplis de beaucoup de suc vineux, quelquefois doux, quelquefois acide ou tenant le milieu entre l'un & l'autre. Ces grains sont disposés en maniere de rayon de miel, séparés par des cloisons charnues & membraneuses, qui sont comme des parois mitoyennes, ameres, tantôt blanchâtres, tantôt purpurines, & ayant un placenta situe dans le milieu. Chaque grain est semblable à un grain de raisin, & renferme une seule semence, oblongue, composée d'une écorce ligneuse, & d'une amande amere un peu astringente. On trouve une espece singuliere de grenade dont les grains ne contiennent point de semence, mais c'est par accident & par un jeu de la nature. Le grenadier vient naturellement dans le Languedoc, la Provence, l'Espagne & l'Italie. On le cultive avec soin dans les pays tempérés; les fleurs, les pépins de ses fruits, le suc, l'amande & l'écorce de grenade, sont d'usage. Voyez Grenade , ( Matiere méd. ) ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadier Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=NA Grenadier Grenadier , ( Agricult .) Entre les especes de grenadiers cultivés par les curieux, on nomme principalement le grenadier à fleur double, le grenadier panaché, le grenadier nain d'Amérique, & le grenadier à fruit. Les trois premiers sont préférables au dernier par leurs fleurs: on les encaisse d'ordinaire; & c'est ainsi qu'ils servent d'ornement aux jardins. On choisit pour cet effet une terre à potager de la meilleure sorte, on la passe à la claie fine; on a du terreau; on fait du tout un mélange, moitié l'un, moitié l'autre; on en emplit les caisses qui doivent être proportionnées à la grandeur des grenadiers qu'on leur destine. La terre étant ainsi préparée, on plante le grenadier après en avoir accommodé les racines; quand cet arbre est planté, on a du terreau & de bon fumier de vache, dont on épanche un doigt d'épaisseur sur la superficie de la caisse, & on donne ensuite au grenadier un ample arrosement. Les grenadiers à fruit ne demandent pas tant de précaution: ils réussissent même mieux en pleine terre qu'en caisse; mais il faut que ce soit en espalier principalement, & à une bonne exposition, parce que les grenades en deviennent plus grosses & plus colorées. Les grenadiers en caisse se labourent avec une houlette ou une pioche, & ceux qui sont en pleine terre avec la beche. On doit dans les grandes chaleurs les arroser fréquemment, autrement la fleur coule. Il est essentiel de tailler les grenadiers . Le secret consiste à rogner les branches qui naissent mal placées; on les retranche; on conserve celles qui sont courtes & bien nourries, & on racourcit les branches dégarnies, afin de rendre le grenadier plus touffu: c'est ce qui en fait la beauté. On a soin de les pincer après leur premiere pousse de l'année, quand on voit qu'il y a quelques branches qui s'échappent. Miller donne sur cela d'excellens préceptes; consultez-le. Tout grenadier à fleur double, & autres qu'on éleve en caisse, ne doivent avoir le pié garni d'aucune branche, parce que ce défaut les défigure, & empêche que la tête de cet arbrisseau ne se forme agréablement. Si les grenadiers en caisse coulent, & que les trop grandes chaleurs de l'été en soient la cause, il faut les mouiller beaucoup; & lorsque, malgré cette précaution, la coulure ne cesse point, il n'y a pas d'autre parti à prendre, que de les changer de caisses, si elles sont petites, ou bien de les rencaisser dans les mêmes, en remplissant les caisses d'une nouvelle terre préparée. Les grenadiers s'élevent de semence; ils se multiplient aussi de marcotes de la maniere qui suit. Supposez un grenadier de belle espece, au pié duquel il est venu quelques branches assez longues pour être couchées en terre, on en prend une, on l'émonde autant qu'on le juge à-propos, & de maniere que celle qui doit être couchée en terre soit tout-à-fait nette; ensuite on couche cette branche dans un rayon, on l'arrête avec un petit crochet qu'on fiche en terre, on la couvre de terre, on l'arrose, & au bout de six mois elle prend racine. S'il ne croît point de branches au pié de l'arbre, & qu'on soit obligé pour le marcoter d'avoir recours à la tête, on choisit la branche qui y paroît le plus propre; on l'émonde, comme on l'a dit, & on la couche dans un pot plein de terre, & fendu par un côté, afin d'y passer la branche & de l'attacher au gros de l'arbre, ou à quelqu'autre appui que ce soit. Le tems favorable à marcotter les grenadiers est le printems, pour qu'on puisse voir en automne si les marcottes ont pris racine, afin de les sevrer de leur mere branche, & de les planter ailleurs. Les grenadiers se perpétuent aussi de bouture, & c'est une bonne méthode. Pour cet effet, on choisit les branches les plus droites & les plus unies, qu'on coupe à un pié de longueur; avant que de les mettre en terre, on en ratisse un peu l'écorce par le bas l'espace de deux travers de doigt; on rogne le haut, puis on les fiche dans quelque caisse ou pot rempli de terre convenable, & ensuite on les arrose. L'expérience a fait connoître qu'une branche de grenadier , accommodée de cette façon, prenoit aisément racine. Le froid est l'ennemi mortel des grenadiers . Pour les en garantir, on met ceux qui sont en caisse dans une serre à l'épreuve de la gelée. A l'égard des grenadiers en pleine terre, on les conserve contre les rigueurs du froid, si on met à leur pié beaucoup de fumier, & si l'on couvre de paillassons toute la palissade. Les grenadiers à fleur double, & qui ne donnent point de fruit, commencent à fleurir au mois de Mai, & durent en fleurs jusqu'en Août, pourvû qu'ils soient bien gouvernés. Les Anglois ont éprouvé que le grenadier à fruit, à fleur simple, & à fleur double, supportoient très-bien les hyvers de leur climat; les uns les taillent en pomme, d'autres les mettent en espalier ou en treille, & d'autres préferent de les planter en haie, ou dans des bosquets pour les moins exposer à sentir la serpette & le ciseau. Le grenadier nain d'Amérique que les habitans cultivent dans leurs jardins, parce qu'il porte des fleurs & des fruits la plus grande partie de l'année, s'éleve rarement au-dessus de trois piés, produit un fruit qui n'excede pas la grosseur d'une noix, & qui n'est pas trop bon à manger. Cet arbrisseau est fort délicat; cependant il prospere à merveille, si on le tient constamment dans la serre avec les autres plantes du même pays, & à un degré de chaleur modéré. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadier Author=Durival Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. Grenadier Grenadier , s. m. ( Art milit. ) soldat d'élite, l'exemple & l'honneur de l'infanterie. La création des grenadiers dans l'infanterie françoise est de l'année 1667. L'objet de leur institution étoit de se porter en avant pour escarmoucher & jetter des grenades parmi les troupes ennemies, afin d'y mettre le desordre au moment d'une action. C'est de ce service primitif qu'est dérivé leur nom. Les armés à la legere dans la légion romaine, & les ribauds dans les troupes de nos anciens rois, faisoient à-peu-près le même service que les grenadiers dans nos armées. Toutes les puissances de l'Europe ont des grenadiers; quelques princes en ont même des corps entiers. Nous n'examinerons ici ni leur forme, ni leur établissement; notre objet est de faire connoître leur service dans les troupes de France. Loüis XIV. en établit d'abord quatre par compagnie d'infanterie; ils furent ensuite réunis, & formerent des compagnies particulieres, à l'exception de quelques régimens étrangers au service du Roi, qui les ont conservés jusqu'ici sur le pié de leur premiere distribution. Sa Majesté établit aussi en 1744 des compagnies de grenadiers dans chacun des bataillons de milice; nous en parlerons à l' article Grenadiers Royaux . Le corps des grenadiers est le modele de la bravoure & de l'intrépidité. C'est dans ce corps redoutable que l'impétuosité guerriere, caractere distinctif du soldat françois, brille avec le plus d'éclat. Notre histoire militaire moderne fourmille de prodiges dûs à sa valeur. Les grenadiers sont des dieux à la guerre. Ils joüissent de l'honneur dangereux de porter & de recevoir les premiers coups, & d'exécuter toutes les opérations périlleuses. Il y a constamment une compagnie de ces braves à la tête de chaque bataillon. Cette portion précieuse en est l'ame & le soûtien. Elle est composée des soldats les plus beaux, les plus lestes, & les plus valeureux, fournis par les autres compagnies du bataillon. Un soldat doit avoir servi plusieurs années en cette qualité, avant de pouvoir obtenir le titre de grenadier . En le recevant, il contracte l'obligation de servir pendant trois ans au-delà du terme de son engagement; mais il lui est libre d'y renoncer pour se conserver le droit d'obtenir son congé absolu à l'expiration de son service. Le grenadier joüit d'une paye plus forte que le soldat, & d'autres distinctions. Une des plus flateuses est de porter un sabre au lieu d'épée, & dans le partage du service, d'occuper toûjours les postes d'honneur. On conçoit que ces troupes, si souvent, & trop souvent exposées, essuient de fréquentes pertes, & ont besoin de réparations. On y fait remplir provisoirement les places vacantes par des grenadiers postiches . Ces postiches sont des soldats aspirans au titre de grenadier , designés pour l'ordinaire par le suffrage des grenadiers même, sous les yeux desquels ils font leurs preuves de vertu guerriere; ainsi le service des postiches est le séminaire des grenadiers. Voyez Grenadier Postiche . Un soldat pour être brave, n'est pas toûjours jugé digne d'être grenadier; il doit encore être exempt de tout reproche du côté de l'honneur & de la probité. Après des épreuves suffisantes, les grenadiers postiches sont enfin associés au corps des grenadiers; ils en prennent bien-tôt l'esprit, & en soûtiennent la réputation. Malheur à celui qui y porte atteinte par quelque action honteuse. Il est sensible que chaque soldat choisi sur ce qu'il y a de meilleur pour entrer aux grenadiers , fait une plaie au corps du bataillon, & que par cette raison il seroit dangereux pour le service d'en multiplier trop l'espece. C'est aux maîtres de l'art à déterminer jusqu'à quel point ils peuvent être portés. On s'est fixé en France à une compagnie de quarantecinq grenadiers par bataillon composé de 685 hommes C'est encore aux grands capitaines à décider la question, si dans une action on doit faire donner les grenadiers de prime-abord, à distinguer les cas où l'on doit faire mouvoir à-la-fois tous les ressorts de la machine, de ceux où l'on peut reserver l'effort des grenadiers . Dans le relâchement de la discipline, on a vû ce corps conspirant sa ruine, ne respirer que le duel, & ne mesurer sa considération que sur la quantité qu'il versoit de son propre sang. Cette fureur destructive s'est enfin ralentie. Le grenadier aujourd'hui moins féroce, plus docile, & toûjours également brave, n'exerce plus ordinairement son courage que contre les ennemis de l'état. Nous devons cet heureux changement & beaucoup d'autres avantages, au rétablissement de notre discipline militaire; époque glorieuse du ministere de M. le comte d'Argenson. Cet article est de M. Durival le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadiers a cheval (Compagnie des) Author=Durival Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grenadiers a cheval Grenadiers a cheval ( Compagnie des ). Cette compagnie fut créée par Loüis XIV. au mois de Décembre 1676, & unie à la maison du roi, sans néanmoins y avoir de rang, ni de service auprès de la personne de S. M. Elle fut tirée du corps des grenadiers , & composée de quatre-vingt-quatre maîtres, non compris les officiers, pour marcher & combattre à pié & à cheval à la tête de la maison du roi. Elle a soûtenu dans toutes les occasions la haute réputation du corps dont elle tire son origine, & la gloire de celui auquel elle a l'avantage d'être associée. Que ne pouvons-nous suivre cette troupe de héros dans le cours de ses exploits! Nous la verrions dès le mois de Mars 1677, à peine formée & pour coup d'essai, attaquer en plein jour avec les mousquetaires le chemin couvert de Valenciennes, prendre d'assaut tous les ouvrages, tuer tout ce qui se présenta d'ennemis, monter sur le rempart, & emporter la place au moment qu'on s'y attendoit le moins; défendre ensuite celle de Charleroy, & obliger l'ennemi d'en lever le siége; l'année suivante s'emparer d'assaut de la contrescarpe d'Ypres; en 1691 renverser, au fameux combat de Leuze, & tailler en pieces quatre escadrons ennemis, & successivement se signaler au siége de Namur, à la malheureuse affaire de Ramilli, aux glorieuses & fatales journées de Malplaquet & d'Ettingen, & à la célebre bataille de Fontenoy. Nous ne faisons que parcourir rapidement ces époques, & en omettons beaucoup d'autres consignées dans les fastes militaires de la France, à la gloire de cette valeureuse troupe. Le Roi en est capitaine. Le corps qui lui donna naissance, la soûtient encore aujourd'hui. Ce sont les compagnies de grenadiers de l'infanterie françoise qui fournissent chacune à leur tour les remplacemens qui y sont nécessaires. Les sujets présentés pour y être admis, sont séverement examinés & éprouvés avant leur réception. La taille, la figure, la bravoure, sont des qualités nécessaires; on exige encore la sagesse, la sobriété, & les bonnes moeurs; avantages qui dans le soldat s'allient rarement avec les premiers. Les sujets qui ne les réunissent pas tous, sont refusés & renvoyés à leurs compagnies. Celle des grenadiers à cheval est par sa création la plus nouvelle de la maison du Roi. Elle a souffert plusieurs changemens depuis son institution. Formée d'abord de quatre-vingt-quatre maîtres, elle fut portée peu après à cent vingt, réduite à cent en 1679, augmentée en 1691 jusqu'à cent cinquante maîtres, remise à quatre-vingt quatre en 1725, & fixée enfin à ce qui la compose aujourd'hui; savoir, un capitaine-lieutenant, trois lieutenans, trois sou-lieutenans, trois maréchaux-des-logis, six sergens, trois brigadiers, six sou-brigadiers, & cent quinze grenadiers formant un escadron. Article de M. Durival le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadiers de France (Corps des) Author=Durival Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grenadiers de France Grenadiers de France ( Corps des ). Ce corps fut formé par ordonnance du Roi du 15 Février 1749, de quarante-huit compagnies de grenadiers réservées dans les réformes de 1748, « pour continuer, dit cette ordonnance, d'entretenir au service de Sa Majesté des troupes d'une espece si précieuse à conserver ». Il est composé de quatre brigades de douze compagnies chacune, & a rang dans l'infanterie du jour de la création des premiers grenadiers en France. Un officier général le commande supérieurement sous le titre d' inspecteur-commandant . Il y fut d'abord attaché un major pour tout le régiment, quatre colonels, deux lieutenans-colonels, & un aide-major par brigade. Cet arrangement a souffert depuis plusieurs changemens. Le nombre des colonels a été augmenté successivement jusqu'à vingt-quatre, & celui des lieutenans-colonels réduit à quatre. Le roi ayant encore reconnu qu'un seul officier-major par brigade ne pouvoit suffire aux différens détails de la discipline & du service, Sa Majesté régla par son ordonnance du 8 Juillet 1756, que l'état-major de chaque brigade seroit à l'avenir composé d'un sergent-major & d'un aide-major, & que les places de sergent-major seroient remplies par les aide-majors actuels, pour en joüir aux honneurs, autorités & prérogatives attribués aux autres majors de l'infanterie. Le commandement en second du corps fut en même tems conféré à l'ancien major. Lorsqu'il vaque des compagnies, il doit y être nommé alternativement un capitaine des troupes réglées ayant au-moins deux ans de commission de capitaine, & un lieutenant du régiment. Chacune des quarante-huit compagnies est composée de quarante-cinq hommes, & commandée par un capitaine, un lieutenant, & un lieutenant en second. L'un des deux lieutenans est pour l'ordinaire un soldat de fortune, que son mérite & ses services ont élevé au grade d'officier. Il y a dans chaque brigade un sergent, un caporal, & onze grenadiers entretenus sous la dénomination de charpentiers . Le remplacement des grenadiers qui y manquent, se fait chaque année par les compagnies de grenadiers des bataillons des milices du royaume ( voyez ci-après Grenadiers Royaux ); & les capitaines payent à chacun de ces grenadiers de remplacement la somme de 30 liv. pour leur tenir lieu d'engagement pendant six ans, au bout desquels ils reçoivent leurs congés absolus. Le Roi leur fait délivrer en outre une gratification de six liv. à chacun, au moment de leur engagement. Le régiment des grenadiers de France depuis sa création, n'a pas eu jusqu'ici d'occasion de se signaler; mais que ne doit-on pas attendre du mérite des officiers qui le commandent, de l'excellente discipline qui y regne, & de la qualité des hommes qui le composent? C'est avec ce corps, auquel fut joint pour cet effet celui des volontaires royaux, que M. le chevalier de Rostaing fit en 1754, sous les murs de Nancy, l'essai de la légion dont il avoit donné le plan. Article de M. Durival le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadier Postiche Author=Durival Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grenadier Postiche Grenadier Postiche , soldat choisi pour entrer aux grenadiers , avec lesquels, en attendant, il fait le service, quand la troupe n'est pas complette. Dans l'infanterie françoise, le choix de ces soldats se fait à tour de rôle sur toutes les compagnies de fusiliers de chaque bataillon, auxquelles néanmoins ils restent attachés, jusqu'à leur réception aux grenadiers . Voyez ci-devant Grenadier . Lorsqu'ils obtiennent ce grade, le capitaine des grenadiers paye 25 liv. pour chacun aux capitaines des compagnies dont ils ont été tirés, & rend en outre l'habit & les armes. Les soldats destinés aux grenadiers ne peuvent être pris dans le nombre des hautes-payes des compagnies. Si une compagnie en tour de fournir un homme aux grenadiers , ne peut pas en présenter de qualité convenable au service de cette troupe, il est fourni par la compagnie qui suit immédiatement; mais dans ce cas le capitaine de cette derniere compagnie est autorisé à prendre dans la premiere un soldat à son choix; & le capitaine est en outre obligé de lui payer une indemnité réglée. Dans les milices, les grenadiers postiches forment une compagnie particuliere établie dans chaque bataillon par ordonnance du 28 Janvier 1746. La compagnie des grenadiers postiches fournit à celle des grenadiers les remplacemens qui y sont nécessaires, & tire elle-même ceux dont elle a besoin de toutes les compagnies de fusiliers du bataillon. Pendant la guerre, ces deux troupes sont détachées des bataillons; & de plusieurs réunies ensemble, on forme les régimens de grenadiers royaux. Voyez ci-après Grenadiers Royaux . Article de M. Durival le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadiers-Royaux (Régiment de) Author=Durival Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grenadiers-Royaux Grenadiers-Royaux ( Régiment de ). C'est un corps composé de plusieurs compagnies de grenadiers de milice, réunies sous un même chef. Le Roi par son ordonnance du 15 Septembre 1744, établit des compagnies de grenadiers dans tous les bataillons de milice du royaume; & par celle du 10 Avril 1745, il en forma sept régimens de grenadiers-royaux d'un bataillon chacun, qui servirent la campagne suivante, commandés par des colonels & lieutenans-colonels, avec les majors & aide-majors qui y furent attachés. Sa majesté satisfaite du service de ces troupes, & voulant en augmenter la force pour les mettre en état d'être employés d'une maniere encore plus utile, établit par ordonnance du 28 Janvier 1746 des compagnies de grenadiers-postiches dans chaque bataillon de milice, les unit à celles des grenadiers par ordonnance du 10 Mars suivant, & de toutes ces troupes, composa sept régimens de grenadiers-royaux de deux bataillons chacun. Ces corps servirent utilement & glorieusement pendant les campagnes qui suivirent leur institution, jusqu'à la paix de 1748. Réunis ou séparés, ils donnerent à l'envi l'un de l'autre, dans toutes les occasions, les plus grandes marques de zele & de bravoure. Ils se signalerent au siége de la citadelle d'Anvers, à celui de Mons, à la bataille de Raucoux, & à celle de Lawfeld, sur-tout au siége à jamais mémorable de Bergopzoom, enfin dans toutes les diverses opérations militaires auxquelles il eurent part pendant toutes ces campagnes. A la paix les régimens de grenadiers-royaux furent séparés; les compagnies qui les composoient furent renvoyées à leurs bataillons de milice, & licenciées en même tems que les corps de ces bataillons. Tous les bataillons de milice du royaume sont convoqués une fois par an pendant la paix, pour être recrûtés & passer en revûe, & sont séparés après quelques jours de service; voyez Levée des Troupes . Mais les compagnies de grenadiers demeurent assemblées, & sont reunies pour composer des bataillons de grenadiers-royaux . Ces bataillons établis au nombre de onze par ordonnance du premier Mars 1750, sont exercés chaque année pendant un mois à toutes les manoeuvres de guerre, ensuite séparés, & les grenadiers renvoyés dans leurs paroisses, jusqu'à ce qu'il plaise au Roi de les rappeller. On prepare ainsi ces corps dans le silence de la paix, aux opérations militaires qu'ils doivent exécuter pendant la guerre. Les bataillons de grenadiers royaux fournissent chaque année au corps des grenadiers de France, les remplacemens qui y sont nécessaires. Des officiers de ce corps sont détachés à chaque bataillon pendant le tems des assemblées, & y choisissent & engagent des grenadiers de bonne volonté, jusqu'à concurrence de ce que doit fournir chaque bataillon. Voyez Grenadiers de France . Lors du licenciement des compagnies de grenadiers-royaux , on leur permet par distinction d'emporter leurs habits, à la différence des soldats, qui sont obligés de les laisser en dépôt dans le lieu d'assemblée; voyez Licenciement . Le Roi accorde en outre 3 sous par jour à chaque sergent de ces compagnies pendant tout le tems de leur séparation; un sou six deniers à chaque tambour, & un sou à chaque grenadier; dont le décompte leur est fait à l'assemblée suivante de leur bataillon. Article de M. Durival le jeune . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENADIERE Author=unknown Normalized Classification=Ceinturier Part of Speech=s.f. GRENADIERE GRENADIERE, s. f. terme de Ceinturier , c'est une espece de gibeciere qu'on donne à chaque grenadier, pour y mettre ses grenades. Voyez Grenadier . Elle est composée d'une bande, d'un travers ou porte-hache, d'une bourse, d'un dessus, d'une boucle avec son attache pour fermer la grenadiere , & d'un poulvrin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenadiere, ou grande Sautreliere, ou Boîteux, ou Chapeau à Sauterelles Author=Diderot Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA Grenadiere * Grenadiere , ou grande Sautreliere , ou Boîteux , ou Chapeau à Sauterelles , ( Pêche. ) espece de filet qui ressemble assez au chalut. Il étoit en usage dans l'amirauté de Boulogne. On prenoit avec la grenadiere des sauterelles ou grandes chevrettes. Elle étoit faite d'une barre de fer quarrée, large d'un pouce, & longue de sept a huit piés. Sur ses extrémités étoit arrêté un demi-cercle de bois qui formoit l'entrée d'un verveux. La barre étoit percée à chaque bout, & là étoit frappé un cordage de la grosseur d'un pouce de diametre. Ce cordage avoit trois brasses de longueur. Un autre cordage étoit frappé sur le milieu du cercle. Celui-ci se réunissoit au premier. C'est sur cet appareil qu'étoit retenu le filet, ou l'espece de chausse dont il s'agit. Cette chausse étoit amarrée à un bateau par un autre cordage qui la traînoit à un quart-de-lieue de la côte. Il y a une autre espece de grenadiere qui consiste en une traverse de bois AB , qu'on appelle le seuil , & un long manche CD , fixé sur le milieu du seuil. Le seuil est taillé en biseau, & peut avoir 8 à 9 piés de long. On y attache un filet à mailles fort étroites. Le filet ressemble à la truble; le pêcheur descend dans l'eau jusqu'au cou, lors de la basse mer; & marchant vers le rivage, il pousse devant lui ce filet dont le seuil laboure le sable, & enleve les chevrettes & les petits poissons mêlés avec le sable. Ces pêches ont été défendues, ainsi que celles de la drege & du coloris. Voyez nos Planches de Péche . La maille du filet de la grenadiere est d'environ quatre à cinq lignes. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENADILLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=s.f. GRENADILLE GRENADILLE, s. f. ( Bot. exot. ) genre de plante qu'on a déjà caractérisée sous son nom vulgaire de fleurs de la passion; les Botanistes l'appellent granadilla; c'est une belle plante étrangere de la nouvelle Espagne, dont on cultive pour la fleur un grand nombre d'especes; Bradley rapporte en avoir vû plus de trente dans le jardin d'Amsterdam, mais il s'en faut de beaucoup qu'il s'en trouve aujourd'hui un nombre aussi considérable dans ce même jardin; & selon toute apparence, M. Bradley s'est trompé. Miller n'en connoît que treize especes en Angleterre, sur la culture desquelles il a donné les meilleures & les plus exactes instructions qu'on puisse desirer; j'y renvoye les curieux. Tournefort a fait d'une des especes de grenadille , un genre particulier sous le nom de murucuja; cette espece se trouve en plusieurs endroits de l'ile Saint-Domingue, & produit bien rarement du fruit en Europe; du-moins Miller, malgré ses talens, n'est jamais parvenu à lui en faire porter. Le P. Feuillée a aussi décrit quelques especes de grenadilles de la vallée de Lima, & entr'autres une qu'il surnomme pomifere: elle donne un fruit rond, de deux pouces & demi de diametre, rempli d'une substance aqueuse, doucâtre, & cependant agréable au goût; ce fruit contient de petites graines enfermées dans une peau blanche en-dedans, & cramoisi-jaune en-dehors. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENAGE Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. GRENAGE GRENAGE, s. m. ( Art milit. ) c'est une des opérations de la fabrique de la poudre-à-canon; elle consiste à mettre la poudre en grain. Voyez l'article Poudre-à-Canon . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENAILLER Author=Villiers Normalized Classification=Docimastique Part of Speech=v.act. GRENAILLER GRENAILLER, v. act. ( Docimasie. ) réduire un métal en petits grains, à-peu-près semblables au plomb à tirer qu'on nomme cendrée . Au moyen de cette division, on le dissout, on le pese, & on le mêle plus aisement. On la fait par la voie seche & par la voie humide, c'est-à-dire avec & sans eau. Il faut donc avoir les instrumens nécessaires pour ces deux méthodes. Ce sont des granulatoires secs & à l'eau. Le granulatoire à l'eau se trouve dans nos Planc. de Chimie . Cette machine est particulierement destinée à l'opération en question. C'est un chauderon ou baquet sur lequel on met le treuil suivant. A un cylindre de bois ayant 6 pouces de long sur 4 de diametre, on ajuste un axe avec sa manivelle. On couvre ce cylindre parallelement à son axe, d'une couche de brins de balai épaisse de trois doigts, qu'on lie & qu'on serre fortement aux deux bouts avec une ficelle. On place ce treuil dans deux échancrures demi-circulaires, faites au bord du vaisseau, vis-à-vis l'une de l'autre. On l'y assujettit du côté de la manivelle au moyen d'un petit crampon recourbé à angle droit, comme un clou à crochet, fixé par sa jambe perpendiculaire, & libre par l'horisontale; & à l'autre extrémité avec un crampon ordinaire, entre les jambes duquel passe l'axe du cylindre. Cette machine est de Cramer; au lieu du treuil garni de brins de balai, on peut en employer un cannelé dans sa longueur, à-peu-près comme un moussoir de chocolat. Cette variété tirée de sa traduction angloise, se trouve aussi dans nos Planches de Chimie . On remplit d'eau le vaisseau, de façon qu'un tiers du cylindre y soit plongé. Quand on veut granuler un métal, de l'argent orifere, par exemple, on commence par le fondre. Si on a une grande quantité à grenailler à-la-fois, on employe un grand creuset qui puisse contenir le tout; & comme il y auroit trop à risquer si on l'enlevoit du feu, on y puise avec un petit qu'on a fait rougir, & l'on verse le métal doucement & sans discontinuer sur le treuil, qu'un aide tourne assez vîte au moyen de sa manivelle. Cette machine est la plus commode de toutes. Par cette méthode on peut grenailler toute sorte de métaux & de demi-métaux; & la grenaille est plus fine que par aucune autre. Si elle manquoit, on ne laisseroit pas de faire de la grenaille avec un chauderon & un balai; & même tout vaisseau large & médiocrement creux peut y servir, quoique le chauderon soit préférable. On remplira donc ce chauderon d'eau froide jusqu'à 8 pouc. de ses bords; on donnera à cette eau un mouvement de gyration avec le balai; on y versera l'or ou l'argent avec un petit creuset rougi au feu, d'un seul jet, sur les côtés, afin qu'il soit emporté par le mouvement donné à l'eau par le balai, qu'un aide remue circulairement. Plus l'argent peut s'étendre pendant qu'on le verse, plus les grenailles en sont creuses & menues. On peut encore, au lieu de donner à l'eau un mouvement circulaire en tenant le balai perpendiculairement, le coucher & le tourner à demi-plongé dans l'eau: & on imitera pour lors le granulatoire à treuil. Mais le balai en question ne doit pas être trop serré; sans quoi le métal, y arrêteroit, se refroidiroit, & se rassembleroit en masses avant que de parvenir à l'eau qui doit achever de le diviser & creuser ses grains. La même précaution doit avoir lieu à l'égard du treuil. Dans ces circonstances, on trouvera la grenaille au fond de l'eau, presqu'aussi divisée que si on eût employé le treuil. On la retire de l'eau, & on la seche dans un vaisseau de cuivre ou de terre. Quelques artistes se contentent de grenailler leur argent orifere en le jettant simplement dans une bassine remplie d'eau froide qu'ils n'agitent point. Mais leur grenaille est grossiere, & forme des masses ou rochers; car c'est le nom qu'on donne dans les monnoies à l'amas des grains d'or ou d'argent qui forment une masse au fond du bacquet. En Hongrie on grenaille l'argent comme nous venons de le dire, dans un chauderon où l'eau est agitée circulairement avec un balai; mais on le fait tomber du creuset en un jet le plus large qu'il est possible, & de fort haut. Par ce moyen, les grenailles se forment plus menues & plus universellement creuses & concaves. On les seche dans des bassines larges, qu'on pose sur deux buches, entre lesquelles on met des charbons ardens. Voyez Inquart & Départ . Les Chauderonniers donnent le nom de grenaille à lear soudure. Voyez Flux & Soudure . Ils la versent de la poesle ou elle a été fondue, dans une autre chauffée qu'ils tiennent sur l'eau où ils la plongent & l'agitent rapidement. Par ce moyen elle se met en des especes de rocailles, & se divise plus aisement dans le mortier de fonte où ils la pilent. Ils la passent ensuite par un petit crible de cuivre. Mais je crois que cette méthode tient encore de l'enfance des Arts, & qu'il vaudroit beaucoup mieux granuler cette espece de laiton avec notre granulatoire à l'eau; car elle ne se convertit point proprement en grains, & elle est d'ailleurs d'une dureté extraordinaire, qui fait perdre un tems considérable à la piler. Quand on la tire du feu, & sur-tout qu'on la verse d'une poesle dans l'autre, elle jette une grande flamme jaune & bleue, très-agréable à voir. On réussit presqu'également & avec autant de sûreté par les trois premieres méthodes à granuler l'or, l'argent, & les alliages métalliques, comme nous l'avons dit des deux premiers, & de la soudure des Chauderonniers, qui est un laiton ou alliage de zinc & de cuivre. Mais il n'en est pas de même de ce dernier métal, du plomb & de l'étain; leur granulation & sur-tout celle du cuivre, est toûjours accompagnée d'un danger qu'on n'évite qu'en le versant peu-à-peu, & très-lentement. Le meilleur moyen de ne courir aucun risque, c'est de les faire tomber tout divisés sur le balai ou sur le cylindre; on y réussit en les faisant passer à-travers de petits trous faits au fond d'un creuset rougi au feu, qu'on tient suspendu sur le treuil ou le balai. Pour les essais, ou le départ & inquart en petit, on fait des cornets de l'argent orifere. Dans les départs en grand, on le réduit en grenaille, soit qu'ils se fassent par la voie seche, soit qu'ils se fassent par l'humide. Et lorsqu'on veut savoir ce qu'ils tiennent d'or par marc, l'essayeur prend au hasard une ou deux de ces grenailles; il en pese un demi gros, & fait le départ à l'ordinaire: mais la chaux d'or qui en revient, n'est que très-rarement en rapport exact avec l'or contenu dans la totalité de l'argent granulé, parce que la pesanteur spécifique de celui-ci à celui-là étant comme de 654 à 1200, selon les observations de M. Wolf, il est presqu'impossible que, pendant qu'on verse lentement ces deux métaux en sonte, le plus pesant ne se précipite à-travers le plus leger, & ne rende conséquemment une partie de la grenaille plus riche que l'autre. Voyez-en la preuve aux articles Lotissage , Inquart , Départ , & Poids fictif . Mais passons à la granulation seche. Le granulatoire sec est une boîte de bois, aussi uniquement destinée à l'usage dont il est question. Il faut qu'elle soit garnie de son couvercle, & capable de contenir au-moins quatre fois plus de métal qu'on n'en veut grenailler d'un seul coup, afin qu'il y ait assez de jeu, & qu'on puisse l'y agiter fortement. Cette boîte doit être faite d'un bois très sec. Nous n'en avons point donné de figure, parce qu'elle n'a rien d'extraordinaire. Nous pensons seulement que celle qui aura le plus d'angles, sera la meilleure. Avant que de s'en servir, on aura soin de frotter uniformément dans tous leurs points, le fond & les parois, de craie ou de cire, ou de blanc dit d'Espagne , qui n'est qu'une craie lavée. Tout autre vaisseau, quel qu'il soit, peut servir à la granulation, pourvû qu'on y puisse secouer fortement un liquide sans craindre qu'il n'en sorte. On employe ordinairement ce vaisseau pour granuler le plomb, &c. qu'il est indispensable d'avoir divisé pour les essais, soit pour la facilité des pesées, soit pour que le fin y soit uniformement distribué. Voyez Grain de fin , &c. Si on se sert moins du granulatoire à l'eau pour le plomb, c'est parce qu'on peut s'en passer, qu'il y a moins de danger par la voie seche, & qu'elle donne la grenaille plus fine: voici comment on y procede. On fait fondre du plomb dans une cuilliere de fer ou dans un creuset sur un feu doux; pour qu'il ait le degré de chaleur nécessaire, il faut qu'il puisse brûler sans faire flamber l'extrémité d'une petite baguette de coudrier avec laquelle on l'agite; quand il en est à ce point, on le verse d'un seul jet dans la boîte; on la recouvre très-rapidement, afin que le plomb s'aille briser contre ses parois, & l'on continue ainsi jusqu'à ce qu'il ait perdu sa fluidité: on le trouve réduit pour la plus grande partie en une grenaille fine & raboteuse. On la lave pour en séparer la craie qui peut y adhérer, & on la frotte bien dans l'eau avec les mains, afin qu'il n'y en reste point du tout, car elle est réfractaire & ne manqueroit pas de nuire à la scorification des essais; on la seche bien, ensuite de quoi on la passe à-travers un tamis de crin qui la donne assez uniformément grosse comme de la graine de navette, ou, ce qui seroit encore mieux, comme de la graine de pavot, si la granulation l'avoit faite de cette finesse. On la garde pour l'usage dans un vase propre & qu'on bouche bien. Voyez Essai , Affinage , Grain de fin , Raffinage , & Pesée Le plus grossier se refond avec d'autre plomb & un peu de suif ou de graisse qu'on y fait brûler pour rendre le phlogistique à la partie calcinée; on lui donne le degré de chaleur nécessaire, & on le jette dans la boîte pour le granuler; on continue de la sorte tant qu'il en est besoin: vers la fin il en reste qu'il est presque impossible de grenailler; on le lave de sa craie, & on le garde pour les essais qui sont plus en grand. Si l'on verse le plomb fondu dans un mortier ou un chauderon de fer, & qu'on l'agite rapidement avec une cuilliere de fer jusqu'à ce qu'il reprenne sa solidité, les secousses qu'on lui donne lui font perdre sa continuité. Cette méthode, quoique plus difficile, est préférable à la précédente, parce qu'elle donne du plomb granulé plus clair & plus net, n'étant mêlé d'aucune matiere hétérogene: il est vrai qu'il reste beaucoup plus de grenaille grossiere, que par la premiere, mais on la sépare aisément avec le tamis de crin. De-là il s'ensuit qu'une boîte de taule vaut beaucoup mieux qu'une de bois, & que si l'on employe celle-ci, il est mieux de l'enduire avec la cire qu'avec la craie. Il est encore bon d'avertir que si on employe un mortier ou un chauderon de fer, faute de boîte de taule ou de bois enduire de cire, il faut les chauffer presque au ton de la chaleur du plomb; sans quoi il se fige sur le champ qu'il y est versé, à-moins qu'il n'y en ait une grande quantité, & encore ce qui touche le fond se prend-il en une masse: ainsi quand on en a peu, il faut l'agiter dans la cuilliere où il a été fondu. Au reste il n'est pas besoin de tant d'appareil pour granuler l'étain, on y réussit très-bien & très-commodément en le versant dans une de ces petites boîtes legeres de sapin dont on se sert pour mettre des pillules, il se grenaille encore plus aisément que le plomb, & il n'est pas nécessaire de mettre à la boîte un enduit ou un défensif contre la chaleur; l'étain se tient en bain à un degré de chaleur encore inférieur à celui du plomb. D'autres artistes ont encore une autre méthode pour granuler; ils prennent une pelle de bois d'aune, peu creuse, & dont il ne reste du manche qu'une longueur de quatre ou cinq pouces, pour servir de poignée; ils la frottent, comme nous l'avons dit du granulatoire sec, & y versent leur plomb; d'abord ils remuent la pelle horisontalement pour le faire rouler circulairement, en tenant la pelle avec les deux mains, selon sa longueur; puis quand ils le voyent au point de la granulation, ils le secouent comme on vanne le blé, & le font sauter le plus haut qu'il est possible, afin que les parties se desunissent en se brisant par des chûtes répétées. On roule d'abord le plomb dans la pelle, pour attendre le point de la granulation; il ne seroit pas convenable de l'y mettre à ce point, car on ne réussiroit jamais, par la raison qu'il se refroidiroit par le contact de l'air & de la pelle; ainsi ce n'est point, comme on pourroit le penser, pour lui faire prendre la craie, ce n'est pas dans le dessein de desunir les parties du plomb qu'on l'employe, quoiqu'elle puisse bien y contribuer, mais pour empêcher le bois de se brûler & le plomb de s'y attacher. Nous avons donné le dernier rang à cette méthode, parce qu'en effet c'est la plus incommode de toutes celles qu'on peut prendre: pour y avoir recours, il faudroit vouloir se donner beaucoup de peine pour réussir mal & risquer encore de se brûler, quelque adroit qu'on fût: nous n'avions garde de l'oublier, parce qu'elle existe, & que nous ne voulons omettre rien de ce qui peut satisfaire les différens goûts, pour peu que cela paroisse susceptible d'exécution. Pour comprendre comment la granulation se fait, il faut savoir qu'il y a certains métaux & demi-métaux, qui étant près d'entrer en fusion ou de redevenir solides quand ils sont fondus, sont très-fragiles & ressemblent alors à un sable mouillé; tels sont le plomb, l'étain, le laiton, le zinc, & le bismuth; on frotte encore de craie les parois du vaisseau de bois pour en rendre la surface plus solide & plus unie, afin qu'elles puissent opposer plus de résistance au choc qu'elles recoivent; avantage qu'on retire également de la cire: ainsi on en doit préférer l'emploi à celui de la craie. Quand on balotte le plomb fondu de la maniere que nous l'avons exposé, & qu'on lui fait heurter les parois du vaisseau; comme il est près de reprendre sa solidité, & qu'il est pour lors très-fragile, il se divise en des grains très-fins, résultat qu'on ne peut guere obtenir que par cette méthode, ou du-moins qui la rend préférable à la voie humide. C'est dans un vase de fer qu'on doit granuler le zinc & les autres matieres qui ne se fondent que difficilement; mais un vase de cette matiere vaut encore mieux pour le plomb qu'un de bois, comme nous l'avons déjà dit. Nous avons fixé le degré de chaleur qu'exige le plomb au point que nous avons assigné, parce que plus bas il se congeleroit avant le tems; plus haut, & si l'on donnoit le feu trop fort au commencement, sa surface se couvriroit d'une pellicule à laquelle une autre succéderoit toûjours, quelle quantité qu'on en retirât; ensorte que comme il ne seroit pas possible d'épuiser tout-à-fait de ces pellicules ou chaux le plomb qu'on soûmettroit à la granulation, elles se trouveroient mêlées avec lui par l'agitation, & troubleroient l'opération, parce qu'elles sont tenaces & par-là capables de s'attacher au vaisseau qu'elles brûleroient: mais on prévient cet inconvénient par le phlogistique qui est fourni par le petit bâton de coudrier & le suif, ou la graisse que nous avons dit de jetter sur le bain. Mais si la granulation se fait aisément par la voie seche sur les métaux fragiles quand ils sont près de se figer, il n'en est pas de même de ceux qui sont d'autant plus tenaces & pultacées qu'ils sont plus près de leur fusion, tels que l'or, l'argent, &c. & qu'il faut par conséquent avoir recours à la granulation humide que nous avons exposée d'abord. Voyez Cramer, Boizard, & Schlutter. Article de M. de Villiers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENAT Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.m. GRENAT GRENAT, s. m. ( Hist. nat. Minéralogie. ) pierre précieuse d'un rouge foncé, comme celui du gros vin, dont le nom semble dérivé des grains qui se trouvent dans la grenade. La couleur rouge des gre- nats varie ainsi que leurs degrés de transparence: ce qui fait qu'on en compte ordinairement de trois especes, la premiere, est d'un rouge clair & vif, comme celui des grains d'une grenade; la seconde, est d'un rouge tirant sur le jaune, qui approche de celui de la pierre nommée hyacinthe; la troisieme est d'un rouge qui tire sur le violet ou sur le gros bleu. Les grenats de cette derniere espece sont regardés comme les plus parfaits. Les Italiens les nomment rubini di rocca , rubis de roche; on les nomme aussi quelquefois grenats syriens . Les grenats varient aussi pour la grandeur. En effet il s'en trouve depuis la grosseur de la tête d'une épingle, jusqu'à un pouce de diametre. Boetius de Boot dit en avoir vû de la grosseur d'un oeuf de poule; ceux qui ont cette taille sont très-rares, & d'un prix très-considérable; il y a lieu de croire que c'est à des grenats d'une grandeur extraordinaire que l'on a donné le nom d' escarboucles . Quant à la dureté, M. Wallerius ne donne aux grenats que la huitieme place parmi les pierres précieuses. Le même auteur en fait sept especes, eu égard à leurs figures. Il y en a qui sont en rhomboïdes, quadrangulaires; d'autres sont octahedres, ou à huit facettes ou côtés; d'autres font dodécahedres, ou à douze côtés; d'autres de quatorze, d'autres de vingt côtés; d'autres enfin n'affectent aucune figure déterminée. Les grenats se trouvent dans des matrices de différentes natures, telles que l'ardoise, la pierre à-chaux, le grès, dans des pierres talqueuses, &c. Voyez la Minéralogie de Wallerius, tome I. page 223 . La couleur du grenat paroît venir d'une portion de fer; quelques auteurs ont crû qu'elle venoit de l'or & de l'étain; ils se sont apparemment fondés sur ce que la dissolution de l'or précipitée par l'étain, donne une couleur rouge ou pourpre très-vive; il seroit assez difficile de vérifier ce fait à cause de la petitesse du produit que pourroit donner l'analyse qu'on en feroit; ce qu'il y a de certain, c'est qu'on peut contrefaire les grenats ainsi que les rubis, au moyen de ce precipité, qu'on appelle pourpre minéral , en le mêlant avec de la fritte, ou matiere dont on fait le verre. Le grenat lorsqu'il est parfait, ne differe du rubis que par sa dureté, qui est beaucoup moindre. Quelques auteurs prétendant que les grenats entrent en fusion dans le feu, sans cependant rien perdre de leur couleur; mais M. Port dit avoir fait entrer en fusion sans addition, des grenats , tant orientaux que de Boheme, en employant un feu très-violent. Cette opération lui a produit une masse brune foncée, & quelquefois tirant sur le noir. Ce célebre chimiste remarque que ces pierres en fondant, conservent & augmentent même leur dureté; mais par malheur qu'elles ne conservent pas leur transparence ni leur couleur rouge: sans cela il seroit facile de fondre ensemble de petits grenats , comme de petites hyacinthes, pour en faire une grosse pierre. La couleur noire prouve que les grenats contiennent une portion de fer; c'est aussi ce qui contribue à leur fusibilité. Voyez la Litogéognosie, t. I. pp. 157 & 158 . Les Joüailliers distinguent les grenats en orientaux & en occidentaux; les premiers viennent des Indes, & sur-tout des royaumes de Calicut, de Cananor, de Cambaye, d'Ethiopie, &c. Il s'en trouve aussi en Europe, en Espagne, en Boheme, en Silésie, en Hongrie. On dit que les grenats d'orient se trouvent ordinairement détachés & répandus dans la terre de certaines montagnes, & dans le sable de quelques rivieres, mais que ceux d'Europe sont ordinairement placés en grand nombre dans une espece de roche talqueuse assez tendre. Voyez le supplément du dictionnaire de Chambers . Boetius de Boot, dans son traité de gemmarum & la pidum historiâ, page 152 & suiv. donne aux grenats de Boheme la préférence sur tous les autres, même sur ceux d'orient, à cause de leur pureté & de la vivacité de leur couleur, qui, selon lui, résiste au feu, & qu'ils conservent même après y avoir été exposés pendant plusieurs mois. Mais l'expérience de M. Pott prouve qu'il se trompe; & il faut que le feu auquel ces grenats avoient été exposés, n'eût pas été assez vif. Le même Boetius de Boot dit qu'en Boheme les gens de la campagne trouvent les grenats en morceaux gros comme des pois répandus dans la terre, sans être attachés à aucune matrice; ils sont noirs à la surface, & l'on ne peut reconnoître leur couleur qu'en les plaçant entre l'oeil & la lumiere. Il paroît que ceux qu'on trouve ainsi isolés, ont été détachés de leurs matrices par la violence des eaux qui les ont portés dans les endroits où on les trouve. Les grenats de Silésie sont ordinairement d'une qualité très-médiocre. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenat Author=unknown Normalized Classification=Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=NA Grenat Grenat , ( Pharmacie, & Mat. med. ) Le grenat est un des cinq fragmens précieux; voyez Fragmens précieux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENELER Author=unknown Normalized Classification=Art méchanique Part of Speech=v.act. GRENELER GRENELER, v. act. ( Art méch. ) c'est pratiquer à la surface d'un corps des grains; on dit aussi grainer & grener . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENER Author=unknown Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=v.n. GRENER GRENER, v. n. ( Economie rustiq. ) c'est monter en graine. Voyez l'article Graine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENETER Author=unknown Normalized Classification=Gainier Part of Speech=v.act. GRENETER GRENETER, v. act. ( Gainier. ) fer à greneter , outil de gainier; c'est un fer emmanché comme une lime, dont l'extrémité est terminée par une tête arrondie sphériquement, & qui est remplie de petits trous propres à former des grains semblables à ceux de la peau de requien. On fait chausser ce fer, & on l'applique fortement sur les endroits où le grain a manqué, ou sur les points des pieces de requien, afin de rétablir la continuité des grains, & cacher la jonction des deux morceaux. Voyez la figure dans la Planche du Gainier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENETI Author=unknown Normalized Classification=Monnoie Part of Speech=s.m. GRENETI GRENETI, s. m. ( Monnoie. ) petit cordon qui regne autour des monnoies & des médailles. Il est en forme de grains ou de points; en l'appelle aussi le chapelet . Il termine & enferme la légende. On donne aussi le nom de greneti au poinçon qui sert à frapper ces points. Ce poinçon est bien acéré & bien trempe. Il est encore à l'usage des Ciseleurs & des Graveurs, tant en relief qu'en creux. Voyez nos planches de Gravure . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENETIER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GRENETIER GRENETIER, s. m. ( Jurisprud. ) c'est un officier royal préposé à un grenier à sel, sur lequel il a inspection pour recevoir le sel que l'on envoye dans ce grenier, juger de la bonté de ce sel, de la quantité qu'il en faut pour les paroisses qui sont dans l'arrondissement de ce grenier, & d'en faire la distribution à ceux auxquels il est destiné. C'est aussi un des officiers qui exercent la jurisdiction établie pour ce grenier à sel, où ils jugent en premiere instance, & même dans certains cas en dernier ressort, les differends qui sur viennent par rapport au transport, distribution, & débit du sel. Philippe de Valois ayant établi le 20 Mars 1342 des greniers ou gabelles de sel, nomma trois maitres des requêtes clercs, & quatre autres personnes pour être maîtres, souverains commissaires-conducteurs & exécuteurs des greniers & gabelles; leur donnant pouvoir d'établir dans tous les endroits du royaume où ils jugeroient à propos, des commissaires, grenetiers , gabelliers, clercs, & autres officiers; de leur faire donner des gages convenables, & de les destituer à leur volonté. Ainsi les grenetiers sont aussi anciens que les greniers à sel. Ce même prince, par une ordonnance du 29 Mars 1346 touchant le fait des eaux & forêts, dit, article 39: « si nos grenetiers ont besoin de bois pour la reparation de nos châteaux, ils ne le pourront prendre dans nos forêrs, fors que par la main desdits maîtres ». Il sembleroit par-là que les grenetiers fussent alors chargés de la réparation des maisons royales, ce qui paroît pourtant bien étrange à leur fonction. Mais on soupçonne qu'au lieu de grenetiers , il pouvoit y avoir gruyers; ce qui est d'autant plus probable, que cette ordonnance supprime les gruyers, & leur ôte tout pouvoir sur les bois. Une instruction faite en 1360 par le grand-conseil du roi, sur la maniere de lever l'aide ordonnée pour la délivrance du roi Jean, porte que le grenetier commis à chaque grenier à sel payeroit aux marchands le sel qui se trouveroit dans le lieu, & qu'il le revendroit au profit du roi, le quint denier de plus; on voit par-là que les grenetiers faisoient alors l'office de receveur des gabelles. Dans la suite ces deux fonctions furent séparées; on ne laissa au grenetier que l'inspection sur le grenier à sel, & la jurisdiction. Les grenetiers furent compris dans la défense que Charles V. fit le 13 Novembre 1372 à certains officiers de se mêler d'aucun fait de marchandise. Le 6 Décembre suivant il leur ordonna de remettre tous les mois le produit de leurs greniers au receveur du diocèse où leur grenier étoit établi. Les généraux des aides avoient le pouvoir de les nommer, & à l'exclusion de tous autres juges, celui de les punir, s'ils commettoient quelque malversation dans l'exercice de leurs fonctions; on envoyoit quelquefois dans les provinces des réformateurs pour punir ceux d'entre ces officiers & autres préposés à la levée des aides qui avoient malversé. L'ordonnance de Charles VI. du premier Mars 1388, autorise les thrésoriers de France à voir les états des grenetiers , receveurs, & vicomtes des aides avant la reddition de leurs comptes, toutes les fois que bon leur semblera, & lorsqu'ils étoient mandés à la chambre pour aller compter, s'ils ne s'y rendoient pas au jour qui leur étoit assigné, ils étoient sujets à l'amende pour cause de leur desobéissance, suivant une autre ordonnance de la même année. Il fut aussi enjoint dans le même tems aux grenetiers d'exercer leur office en personne, & non par des lieutenans. On leur donna des contrôleurs pour tenir un double registre de leur recette & dépense. On ne voit point rien jusque-là qui fasse mention que les grenetiers fissent des actes de jurisdiction. Il y a néanmoins apparence qu'ils en avoient déjà quelqu'un. En effet, dans une instruction donnée par Charies VI. au mois de Juillet 1388, il est dit que si quelqu'officier des aides est battu ou injurié, information en sera faite par les élus ou grenetiers , ou par celui ou ceux qu'ils y commettront; que ceux qui seront trouvés coupables, seront punis; que si pour ce faire les élus ou grenetiers , ou leurs commis ont besoin de conseil ou de force, ils appelleront les baillis & juges du pays, & le peuple, si besoin est, & que de tels cas les élus & grenetiers auront la connoissance, punition, ou correction; ou que si bon leur semble, ils la renvoyeront à Paris devant les généraux des aides, lesquels pourront les évoquer, & prendre connoissance, quand même les élus & grenetiers ne la leur auroient pas renvoyée. Il est encore dit que toutes manieres de gens menans & conduisans sel non gabellé, à port d'armes ou autrement, seroient par les grenetiers & contrôleurs, & par toutes justices où ils viendroient & passeroient, pris & punis de corps & de biens, selon que le cas le requerroit; que si les grenetiers , contrôleurs, ou autres gens de justice demandoient aide pour le roi, chacun seroit tenu de leur aider, sur peine d'amende arbitraire. Les anciennes ordonnances concernant la jurisdiction des grenetiers & contrôleurs, furent renouvellées par celle de Louis XII. du 24 Juin 1500, qui leur attribue la connoissance de toutes causes, querelles, débats, rébellions, injures, outrages, battures, meurtres, exactions, concussions, fraudes, fautes, & de tous excès, crimes, délits, maléfices, faussetés, procès, & matieres procédant du fait des gabelles, quart de sel, fournissement des greniers à sel, circonstances & dépendances en premiere instance, jusqu'à condamnation & exécution corporelle, sauf l'appel aux généraux des aides, appellés depuis cour des aides . Les commissions de grenetier & de contrôleur furent érigées par François I. en titre d'office; & le sel devenant par la suite un objet de plus en plus important pour la finance qui en revient au roi, Henri II. créa des grenetiers & contrôleurs alternatifs, afin que pendant que les uns seroient en exercice pour la distribution & vente du sel, & pour rendre la justice, les autres fissent la recherche dans les paroisses de l'étendue de leur grenier. Ces grenetiers & contrôleurs alternatifs furent depuis supprimés en 1555, & rétablis en 1572. En 1615 on en créa de triennaux, pour exercer avec l'ancien & l'alternatif, chacun de trois années l'une. Il y a eu depuis différentes suppressions & réunions de ces grenetiers alternatifs & triennaux. Anciennement le grenetier étoit le premier officier du grenier à sel; mais depuis la création des présidens, dont l'époque est de 1629, il n'est plus que le second officier du tribunal. Voyez Chenu, des offices de France, tit. de la gabelle , & aux mots Gabelles , Grenier a Sel , & Sel . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENIER Author=Diderot Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=s.m. GRENIER * GRENIER, s. m. ( Econom. rustiq. ) Il y ade grenier à blé, & c'est celui où l'on serre le grain ou le blé après qu'il est battu; il y a le grenier à foin, c'est celui où l'on serre le foin. Le grenier est aussi le réceptacle de beaucoup d'autres provisions, sur-tout de celles qui veulent être gardées seches, de même que la cave est le réceptacle de celles qui ne craignent point l'humidité, ou qui la demandent. Les caves sont les lieux les plus bas des maisons, & les greniers en sont les lieux les plus hauts: le grenier est immédiatement sous la couverture. On conseille de donner aux greniers l'exposition du nord, autant que le terrein & le bâtiment peuvent le permettre, parce que cette exposition est la plus froide ou la plus tempérée dans les chaleurs. On a observé que les meilleurs greniers sont bâtis de brique, dans laquelle on ajuste en-dedans des soliveaux pour y cloüer des planches dont les côtés intérieurs du mur doivent être revêtus de maniere que la brique soit assez exactement bouchée pour que la vermine ne puisse s'y cacher. On peut y pratiquer plusieurs étages les uns sur les autres, qui n'ayent que fort peu d'élévation, parce que plus le ble est couché bas, moins on a de peine à le remuer. Quelques-uns ont pratiqué deux greniers l'un sur l'autre, & ont rempli de blé celui d'en-haut, en faisant un petit trou au milieu du plancher pour faire tomber le grain dans celui d'en-bas, comme le sable tombe dans une sabliere: quand tout le blé se trouve dans le grenier d'en-bas, on le reporte dans celui d'en-haut, & par ce moyen on donne au blé un mouvement perpétuel qui le garantit de la corruption. On empêche le blé de s'échauffer, en faisant partout des trous quarrés dans les murs du grenier , & en y faisant passer des tuyaux de bois pour donner du jour & de l'air. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenier public Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire romaine Part of Speech=NA Grenier public Grenier public , ( Hist. rom ). Les greniers publics de Rome destinés à serrer les blés, composoient de vastes bâtimens dont l'intérieur formoit une grande cour environnée de portiques à colonnades; c'étoit dans ces vastes bâtimens que l'on gardoit des provisions de blé pour plusieurs années, afin d'entretenir l'abondance, & de ne se point ressentir dans la capitale des tems de stérilité; on en taxoit le prix d'après lequel on le vendoit aux particuliers; les tributs que quelques provinces de l'empire payoient en blé, servoient à remplir ces greniers: l'on y prenoit celui qu'on donnoit tous les mois aux citoyens inscrits sur les rôles des distributions gratuites. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenier à Sel Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Grenier à Sel Grenier à Sel , ( Commerce. ) c'est un magasin ou dépôt où l'on conserve les sels de la ferme des gabelles. Voyez Gabelle . Grenier à sel se dit encore de la jurisdiction où se jugent en premiere instance les contraventions sur le fait du sel; les officiers aux greniers à sel en connoissent définitivement au-dessous d'un quart de minot; au-dessus elles peuvent être portés par appel à la cour des aides. Cette jurisdiction est composée de présidens, de lieutenans, de grenetiers, de contrôleurs, d'avocats & procureurs du roi, de greffiers, d'huissiers, & de sergens. Toutes ces charges sont doubles dans le grenier à sel de Paris, & les officiers servent alternativement d'année en année, à l'exception des avocats du roi & du premier huissier, qui sont toûjours de service; pour les greffiers, ils ne servent que de trois années l'une. Il y a encore à Paris, outre ces officiers, un garde-contrôleur des mesures, un vérificateur des rôles, un capitaine, un lieutenant, & treize gardes. Les greniers à sel départis dans les provinces ont les mêmes officiers, mais seulement un de chaque rang. Les directions pour les greniers à sel du royaume sont au nombre de dix-sept, savoir: Paris . Soissons, Laval, Abbeville, Le Mans, Saint-Quentin, Berry, Châlons, Moulins, Troyes, Roüen, Orleans, Caën, Tours, Alençon; Anjou, Dijon. Ces dix-sept directions contiennent deux cents quarante-quatre greniers à sel , & trente-six dépôts & contrôles. La direction de Paris a vingt-sept greniers à sel . Celle de Soissons, douze. Laval, neuf. Abbeville, aussi douze. Le Mans, treize. Saint-Quentin, fix. Berri, onze, & six dépôts Châlons, neuf. & contrôles. Troyes, onze. Moulins, douze, & dix-Orleans, vingt-un. neuf dépôts & contrôl. Tours, seize, & sept dé-Roüen, vingt-deux. pôts & contrôles. Caën, seulement deux. Anjou, onze, & quatre Alençon, quatorze. dépôts & contrôles. Dijon, trente-six. Tous ces greniers sont régis en chef par les fermiers généraux, qui ont sous eux les directeurs, les receveurs, & les contrôleurs des dix-sept directions générales, & sous ceux ci sont d'autres directeurs, contrôleurs, & receveurs particuliers, qui sont chargés du détail de chaque dépôt & grenier à sel . Les autres commis & officiers subalternes, sont les capitaines, leurs lieutenans, & les archers des gabelles, départis en grand nombre dans tous les greniers à sel , & particulierement sur les passages des provinces où l'on craint le reversement & commerce du faux sel; les jurés mesureurs de sel, & les porteurs de sel, les uns & les autres pourvûs en titre d'office; les manouvriers, les magasiniers, comme remueurs, briseurs, & enfin les voituriers par eau ou par terre, qui sont tous entretenus aux dépens de la ferme. Dictionn. de Commerce. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenier Author=Bellin Normalized Classification=Marine | Architecture navale Part of Speech=NA Grenier Grenier , ( Marine , ou Architecture navale. ) ce sont des planches qu'on met au fond de cale & aux côtés jusqu'aux fleurs, quand on veut charger en grenier ; ces planches servent à conserver les marchandises. On dit charger en grenier , quand ce sont des marchandises qu'on met au fond de cale sans les emballer, comme du sel, du blé, des légumes, &c. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENOBLE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRENOBLE GRENOBLE, Gratianopolis , ( Géogr. ) ancienne ville de France, capitale du Dauphiné, avec un évêché suffragant de Vienne, & un parlement érigé en 1493 par Louis XI. qui n'étoit encore que dauphin; mais son pere ratifia cette érection deux ans après. Grenoble est sur l'Isere, à onze lieues S O. de Chambéri, quarante-deux N. O. de Turin, seize S. E. de Vienne, cent vingt-quatre S. O. de Paris. Long. suivant Harris, 23 d . 31'. 15". suivant Cassini, 23 d . 14'. 15". latit 45 d . 11' . Cette ville reçut le nom de Gratianopolis de l'empereur Gratien fils de Valentinien I. car elle s'appelloit auparavant Cularo; & c'est sous ce nom qu'il en est parlé dans une lettre de Plancus à Cicéron, epist. xxiij . Long-tems après, les Romains l'érigerent en cité: dans le cinquieme siecle, elle fut assujettie par les Bourguignons, & dans le sixieme par les François Mérovingiens; ensuite elle a obéi à Lothaire, à Boson, à Charles le Gros, à Louis l'Aveugle, à Rodolphe II. à Conrad & à Rodolphe le lâche, ses fils, qui lui donnerent de grands priviléges. On met au nombre des jurisconsultes dont Grenoble est la patrie, Pape (Guy), qui mourut en 1487; son recueil de décisions des plus belles questions de droit , n'est pas encore tombé dans l'oubli. M. de Bouchenu de Valbonnais, (Jean Pierre Moret) premier président du parlement de Grenoble , né dans cette ville le 23 Juin 1651, mérite le titre du plus savant historiographe de son pays , par la belle histoire du Dauphiné , qu'il a publiée en trois vol. in fol. il est mort en 1730, âgé de 79 ans. Il voyagea dans sa jeunesse, & se trouva sur la flotte d'Angleterre à la bataille de Solbaye, la plus furieuse qu'eût encore vû Ruyter, & où l'on s'attribua l'avantage de part & d'autre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENOIR Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. GRENOIR GRENOIR, s. m. ( Art milit. ) instrument dont on se sert pour mettre la poudre à canon en grain. Voy. l'article Poudre à Canon , & l'article Salpetre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENOUILLE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GRENOUILLE GRENOUILLE, rana , s. f. animal qui a quatre piés, qui respire par des poumons, qui n'a qu'un ventricule dans le coeur, & qui est ovipare. On distingue deux sortes de grenouilles; les unes restent ordinairement dans l'eau & sont appellées grenouilles aquatiques; les autres se trouvent sur les feuilles des arbrisseaux & même des arbres: on leur donne le nom de rainettes. Voyez Rainette . La grenouille a quatre doigts aux piés de devant; & cinq à ceux de derriere, avec des nageoires. Les jambes de derriere sont plus longues & plus fortes que celles de devant. Cet animal a la tête grosse, le cou large & court, le bout du museau mince, les yeux gros, & la bouche grande. La peau est inégale & tuberculeuse dans quelques endroits. Les unes sont vertes, les autres brunes ou jaunâtres; le ventre est blanc & tacheté de noir. La grenouille est amphibie: elle n'a pas besoin de prendre l'air souvent; car on en a retenu sous l'eau qui y sont restées vivantes pendant quelques jours, cependant elles s'élevent à la superficie de l'eau pour respirer, & elles en sortent pour s'exposer au soleil. Cet animal a la vie très-dure, si c'est vivre que de s'agiter & de sauter pendant quelque tems après qu'on lui a ouvert la poitrine & le ventre, & qu'on en a arraché le coeur & tous les autres visceres. La chair de ces animaux est assez bonne à manger; pour cela on les écorche, & on ne prend que la partie postérieure du corps avec les cuisses. Les grenouilles ont deux cris différens: l'un est le croassement que l'on entend dans le tems de pluie & dans les jours chauds aux heures où l'ardeur du soleil ne se fait pas sentir; l'autre cri est nommé par les Grecs & les Latins, ololo , parce que la prononciation de ce mot imite le cri dont il s'agit: comme il est propre aux mâles, les anciens les ont appellés ololyzontes . C'est au printems qu'ils crient ainsi en cherchant les femelles pour s'accoupler; ce qui se fait d'une maniere très-singuliere, de même que la naissance, l'accroissement, & les transformations des grenouilles . Rondelet, hist. anim. palustr. cap. j. Rai, synop. method. anim. quad. p. 245 & sequent . Au mois de Mars les mâles font leur cri & courent après les femelles; dès que l'un des mâles en peut joindre une, il se jette sur son dos en l'assaillant par derriere, & la saisit à l'endroit de la poitrine, de sorte que les jambes de devant des mâles, passent de chaque côté derriere celles de la femelle, & se rejoignent sur le devant de sa poitrine. Le mâle se fixe dans cette situation, en entre-mêlant les doigts de l'un des pieds de devant avec ceux de l'autre, pour avoir un point d'appui qui l'empêche de glisser; il serre si étroitement la femelle, qu'il n'est presque pas possible de l'en séparer sans lui casser les bras: aussi quelque mouvement que la femelle puisse faire, quelque part qu'elle aille, le mâle reste inébranlable dans la même situation, avec une constance surprenante; car cet embrassement dure jusqu'à quarante jours consécutifs, selon que la saison est plus ou moins chaude. Les oeufs de la femelle se détachent de l'ovaire qui est placé sur la matrice, se répandent dans l'abdomen, & entrent ensuite dans les trompes de la matrice. Chaque trompe est pelotonnée; mais lorsqu'elle est étendue, elle a jusqu'à deux piés de longueur; les oeufs parcourent cet espace & arrivent dans la matrice: lorsqu'ils y sont tous rassemblés, la femelle les pousse au-dehors par l'anus, car la matrice y aboutit; alors le mâle l'aide en la serrant plus fortement entre ses bras, & il répand sur les oeufs tandis qu'ils sortent, une liqueur prolifique qui coule de l'anus. Le mâle a des testicules placés près des reins, des vésicules séminales, & des canaux déférens qui aboutissent au rectum. Les oeufs que rend une grenouille sont au nombre d'environ onze mille, ils tombent tous à-la-fois au fond de l'eau, s'ils ne sont retenus par des herbes ou d'autres corps qu'ils rencontrent. Dès que la ponte est faite, le mâle quitte la femelle. Comme les grenouilles n'ont aucune des parties de la génération placées à l'extérieur, il est assez difficile de distinguer leur sexe; cependant on peut reconnoitre le mâle par deux caracteres, l'un consiste en deux vésicules qui sont situées derriere les yeux, une de chaque côté, & qui se dilatent ou se contractent lorsque l'air y entre ou en sort; l'autre caractere se trouve sur le pouce des piés de devant, qui est fort épais, quelquefois très-noir & hérissé de plusieurs papilles assez semblables à celles qui sont sur la langue des boeufs: ces papilles se trouvent dirigées contre la poitrine de la femelle, dans le tems que le mâle la tient étroitement embrassée. Chaque oeuf de grenouille est composé d'un petit globule noir qui est posé au centre & entouré d'un mucilage blanchâtre & visqueux; le globule noir est le foetus dans ses enveloppes, & la liqueur épaisse qui l'environne fait sa nourriture. Lorsque le paquet d'oeufs est tombé au fond de l'eau, chaque oeuf se renfle, & quelques jours après ils s'élevent tous & nagent dans l'eau. Le quatrieme jour après la ponte, l'oeuf a déjà pris assez d'accroissement pour que l'on puisse voir très distinctement le foetus avec ses enveloppes au milieu & la matiere mucilagineuse qui les environne; au sixieme jour, le foetus sort de ses enveloppes & du mucilage qui est autour, alors il nage & il paroît à découvert sous la forme de tétard. Le mucilage s'est en partie dissous chaque jour jusqu'à ce tems, de sorte qu'il se trouve, pour ainsi dire, raréfié dans un plus grand volume, & qu'il ressemble dans cet état à un nuage; le tétard y rentre de-tems-en-tems pour y prendre de la nourriture & pour s'y reposer, lorsqu'il s'est fatigué en nageant, car ce nuage le soûtient sans qu'il fasse aucun effort. Le tétard au sortir de ces enveloppes, semble n'être composé que d'une tête & d'une queue, mais la partie ronde que l'on prend pour la tête, contient aussi la poitrine & le ventre: dans la suite, les jambes de derriere commencent à paroître au-dehors; mais celles de devant sont cachées sous la peau qui recouvre tout le corps, même les jambes de derriere: enfin il se dépouille de cette peau; alors ses quatre jambes sont à découvert, il prend la forme de grenouille , & il ne lui reste de celle de tétard que la queue qui se desseche peu-à peu & s'oblitere en entier: lorsqu'elle a disparu & que la transformation du tétard en grenouille est parachevée, la grenouille n'est pas encore en état de se reproduire, ce n'est qu'après deux ou trois ans qu'elle est propre à la géneration, au contraire des insectes, qui s'accouplent dès qu'ils ont subi leur derniere métamorphose. Swammerdam, biblia naturoe, p. 789 & sequent . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenouille Author=Venel Normalized Classification=Diète | Matière médicale Part of Speech=NA Grenouille Grenouille , ( Diete & Mat. méd. ) les grenouilles sont très-rarement employées en Medecine, dit Juncker, conspectus Therapeiae gener. quoique plusieurs ayent recommandé de les appliquer vivantes sur la tête contre le délire qui accompagne les fievres malignes, ou sur la langue pour prévenir les angines. Le foie de grenouille est recommandé depuis longtems, dit le même auteur, pour calmer les mouvemens épileptiques; & il avance que l'expérience est favorable à ce remede, pourvû, dit-il, qu'on l'employe assez récent, & après avoir fait préceder les remedes généraux. La grenouille séchée, tenue dans la main, arrête quelquefois l'hémorrhagie des narines dans les sujets très-sensibles: c'est encore Juncker qui rapporte cette vertu. Cet auteur n'a pas seulement soupçonné qu'il y eût un pays au monde où l'on donnât des bouillons de grenouille à titre de remede dans la plûpart des maladies chroniques, & sur-tout dans les maladies de poitrine. Voyez l'article Écrevisse , & l'article Nourrissant . On retire par la distillation du frai de grenouille , une eau qui a été très-vantée comme cosmétique, comme excellente contre la brûlure, les érésypeles, la goutte, la douleur de tête, &c. employée extérieurement; Sydenham la fait entrer dans les gargarismes contre les angines. Les grenouilles entrent dans un emplâtre très-composé & fort usité, auquel elles donnent leur nom, mais qui est plus connu encore sous le nom d' emplâtre de Vigo. Voyez Vigo ( emplatre de ). On fait avec les cuisses de grenouille différens ragoûts que les personnes les plus délicates peuvent manger sans inconvénient, malgré l'épithete de chair glaireuse qu'on leur a donnée, mais aussi dont les sujets qui sont accusés d'avoir les humeurs acres ne doivent pas se promettre plus de bien que des bouillons de grenouille auxquels nous ne croyons guere, comme nous l'avons déjà insinué. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grenouille Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Grenouille Grenouille , ( Imprimerie. ) c'est en général une espece de vase de fer rond ou quarré, plus ou moins grand, au fond duquel est enchâssé un grain d'acier sur lequel tourne le pivot ou extrémité d'un arbre, d'une vis, &c. La grenouille de la presse d'Imprimerie a sept à huit pouces de diametre sur environ un pouce & demi de haut: en-dessous est une sorte de pie ou d'allongement quarré de dix à douze lignes de long sur environ trois pouces de diametre, qui s'emboîte dans le milieu du sommet de la platine, si elle est de cuivre, ou dans le milieu du sommet de la crapaudine, quand la platine est de fer. Voyez Crapaudine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRENOUILLETTE Author=Louis Normalized Classification=Chirurgie Part of Speech=s.f. GRENOUILLETTE GRENOUILLETTE, s. f. terme de Chirurgie , tumeur qui se forme sous la langue par l'amas de la salive dans ses reservoirs. Tous ceux qui ont parlé de cette maladie avant la découverte des organes qui servent à la secrétion de la salive, n'ont pû avoir des idées précises sur la nature de cette tumeur: on croit que Celse en parle dans le xij. chap. du VII. liv. qui a pour titre, de abscessu sub linguâ . Ambroise Paré dit que la grenouillette est formée de matiere pituiteuse, froide, humide, grosse & visqueuse, tombant du cerveau sur la langue. Fabrice d'Aquapendente met cette tumeur au nombre des enkistées, & ajoûte qu'elle est de la nature du melliceris; Dionis est aussi de ce sentiment, & il estime que la grenouillette tient un peu de la nature des loupes. Munnick instruit par les découvertes de l'anatomie moderne, ne s'est pas mépris sur la nature de cette maladie; il dit positivement qu'elle vient d'une salive trop acre & trop épaisse, laquelle ne pouvant sortir par les canaux salivaires inférieurs, s'amasse sous la langue & y produit une tumeur. Une idée si conforme à la raison & à la nature des choses, n'a pas été suivie par M. Heister; il a emprunté d'Aquapendente tout ce qu'il dit sur la grenouillette; & M. Col de Villars, medecin de Paris, dans son cours de Chirurgie , dicté aux écoles de Medecine, dit que la ranule est causée par le séjour & l'épaississement de la lymphe qui s'accumule sous la membrane dont les veines ranules sont couvertes. Enfin M. de la Faye, dans ses notes sur Dionis, reconnoit deux especes de grenouillette , les unes rondes placées sous la langue, qu'il dit produites par la dilatation du canal excrétoire de la glande sublinguale, les autres sont plus longues que rondes, placées à la partie latérale de la langue, & formées, dit-il, par la dilatation du canal excrétoire de la glande maxillaire inférieure; il ajoûte que la salive est la cause matérielle de ces tumeurs, par son épaississement & l'atonie du canal. Voilà le précis des diverses opinions qu'on a eues sur la nature & le siége de la grenouillette . Ce n'est point une maladie rare, il n'y a point de praticien qui n'ait eu occasion de voir un grand nombre de tumeurs de cette espece: quand elles ne sont pas invétérées, la liqueur qui en sort ressemble parfaitement par sa couleur & sa consistance, à du blanc d'oeuf; la matiere est plus épaisse si elle a séjourné plus long-tems; elle devient quelquefois plâtreuse, & peut même acquérir une dureté pierreuse. Il sembleroit donc plus naturel de penser que l'épaississement de la salive n'est point la cause de la grenouillette , puisque l'épaississement de cette humeur est l'effet de son séjour. Cette maladie vient de la disposition viciée des solides; elle dépend de l'oblitération du canal excréteur: en effet on guérit toûjours ces tumeurs sans avoir recours à aucun moyen capable de délayer la salive, & de changer le vice qu'on suppose dans cette humeur; c'est une maladie purement locale; l'atonie du canal ne retiendroit pas la salive; & l'on n'a jamais obtenu la guérison de cette maladie que par le moyen d'un trou fistuleux resté pour l'excrétion de la salive dans un des points de l'ouverture qu'on a faite pour l'évacuation de la matiere renfermée dans la tumeur. J'en ai ouvert plusieurs; & il est presque toùjours arrivé, lorsque l'incision n'avoit pas assez d'étendue, que les levres de la plaie se réunissoient, & la tumeur se reproduisoit quelque tems après: les anciens ont fait la même observation. C'est la raison pour laquelle Paré préfere le cautere actuel à la lancette, dans ces sortes de cas. Dionis dit aussi qu'il a vû des grenouillettes qui revenoient, parce qu'on s'étoit contenté d'une simple ouverture avec la lancette. Pour prévenir cet inconvénient, il prescrit de tremper dans un mêlange de miel rosat & d'esprit de vitriol, un petit linge attaché au bout d'un brin de balai, avec lequel on frottera rudement le dedans du kiste, pour le faire exfolier ou se consumer. Il n'y a point d'auteur qui ne semble regretter que la situation de la tumeur ne permette pas la dissection totale du kiste. Les succès que Fabrice d'Aquapendente a eus en incisant seulement la tumeur dans toute son étendue, ne lui ont point ôté cette prévention; & M. Heister conseilleroit l'extirpation, si la nature des parties voisines qu'on pourroit blesser, n'y apportoit, dit-il, le plus grand obstacle; mais si ce prétendu kiste, si cette poche n'est autre chose que la glande même ou son canal excréteur dilaté par la rétention de l'humeur salivaire, on conviendra qu'il seroit dangereux d'irriter le fond de la tumeur, pour en détruire les parois, au défaut de l'extirpation qu'on estime nécessaire, & qu'on est fâché de ne pas trouver possible. Toutes les fois qu'on a fait une assez grande incision qui a permis l'affaissement des levres de la plaie, il n'y a point de récidive: Munnick recommande expressément cette incision; & Rossius met la petite ouverture qu'on fait dans ce cas, au nombre des fautes principales qu'on peut commettre dans la méthode de traiter cette maladie, & d'où dépend le renouvellement de la tumeur. Il ne faut pas dissimuler qu'il recommande aussi la destruction du kiste: mais pour parvenir à ce but, il ne propose que des remedes astringens & dessicatifs, dont l'effet est borné à donner du ressort aux parties qui ont souffert une trop grande extension, & à les réduire, autant qu'il est possible, à leur état naturel: c'est donc par pure prévention que cet auteur croyoit dissoudre & consumer insensiblement le kiste avec des remedes de cette espece. Les tumeurs salivaires sont les glandes même, & leurs tuyaux excrétoires dilatés par la matiere de l'excrétion retenue. Ainsi le nom de tumeur enkistée ne convient qu'improprement à la grenouillette , au moins est-il certain que si l'on appelle ces sortes de dilatations, tumeurs enkistées , elles ne sont pas du genre de celles dont on doive détruire & extirper le kiste; c'est bien assez de les ouvrir dans toute leur longueur, l'on peut même retrancher les levres de l'incision, dans le cas où ces bords seroient tuméfiés, durs, ou incapables de se rétablir à-peu-près dans l'état naturel, à cause de la grande extension que ces parties auroient soufferte par le volume considérable de la tumeur. J'ai observé que la guérison radicale dépendoit toûjours d'un trou fistuleux qui restoit pour l'excrétion de la salive; & lorsqu'il se trouve inférieurement derriere les dents incisives, il y a dans certains mouvemens de la langue, une éjaculation de salive très incommode. On peut prévenir cet inconvénient, puisque pour la guérison parfaite, il suffit de procurer à l'humeur salivaire retenue une issue qui ne puisse pas se consolider; il semble que la perforation de la tumeur avec le cautere actuel, comme Paré l'avoit proposée, seroit un moyen aussi efficace que l'incision, mais moins douloureux, & préférable en ce que l'on seroit assûré de former l'ouverture de la tumeur pour l'excrétion permanente de la salive, dans la partie la plus éloignée du devant de la bouche; & de mettre les malades à l'abri de l'incommodité de baver continuellement, ou d'éjaculer de la salive sur les personnes à qui ils parlent. ( Y ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRÈS Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRÈS GRÈS, Voyez Grais . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grès Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=s.m. Grès Grès , s. m. ( Vénerie. ) ce sont les grosses dents d'en-haut d'un sanglier qui touchent & frayent contre les défenses, & qui semblent les aiguiser; c'est d'où ce nom est venu. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRESIL Author=unknown Normalized Classification=Verrerie Part of Speech=s.m. GRESIL GRESIL, s. m. ( Verrerie. ) c'est ainsi qu'on appelle des fragmens de crystal, destinés à être remis en fusion dans les pots. Voyez l'article Verrerie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRESILLER, GRÉSER, ou GROISER du verre Author=unknown Normalized Classification=Vitrerie Part of Speech=NA GRESILLER, GRÉSER, ou GROISER GRESILLER, GRÉSER, ou GROISER du verre, en termes de Vitrier , c'est le façonner avec l'outil qu'on nomme un grésoir. Voyez Grésoir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRESOIR Author=unknown Normalized Classification=Vitrerie Part of Speech=s.m. GRESOIR GRESOIR, s. m. terme de Vitrier , est un instrument de fer qui sert à égruger les extrémités d'un carreau de verre. Cet instrument est de fer; il a à chaque extrémité une entaille, dans laquelle l'ouvrier engage le bord du verre à égriser; ce qu'il exécute en tenant ferme son outil de la main droite, en tournant le poignet sur lui-même, & faisant glisser de la main gauche le bord du verre dans l'entaille du gresoir , à mesure que le travail avance. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREVE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=s.f. GREVE GREVE, s. f. ( Géog. ) le mot de Greve signifie une place sablonneuse, un rivage de gros sable & de gravier sur le bord de la mer ou d'une riviere, où l'on peut facilement aborder & décharger les marchandises. On appelle greve en Géographie, un fond de sable que la mer couvre & découvre, soit par ses vagues, soit par son flux & reflux: le mot de greve n'est usité que parmi les équipages des bâtimens de Terre-Neuve. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GREVER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=v.act. GREVER GREVER, v. act. ( Jurisp. ) signifie charger quelqu'un de quelque condition; ce terme s'applique, surtout en matiere de substitution & de fidéi commis; on di grever un héritier ou légataire de substitution ou fidéi-commis: le grevant, gravans , est celui qui met la condition; le grevé, gravatus , est celui qui en est chargé. On ne peut en général grever personne, qu'en lui faisant quelque avantage; c'est ce que signifie la maxime, nemo oneratus nisi honoratus. Voyez Fidéi-Commis & Substitution . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIBANE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GRIBANE GRIBANE, s. f. ( Marine. ) c'est une espece de barque qui pour l'ordinaire est bâtie à sole, c'est-à-dire sans quille, & qui est du port depuis trente jusqu'à soixante tonneaux. Ce bâtiment porte un grand mât, un mât de misene sans hunier, & un beaupré; ses vergues sont mises de biais comme celle de l'artimon. On se sert de cette sorte de bâtiment pour transporter des marchandises le long des côtes de Normandie, & sur la riviere de Somme depuis S. Valleri jusqu'à Amiens. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIEFS Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m.pl. GRIEFS GRIEFS, s. m. pl. ( Jurisprud. ) signifie tort, préjudice qu'un jugement fait à quelqu'un. On entend aussi singulierement par griefs , les différens chefs d'appel que l'on propose contre une sen tence rendue en procès par écrit; on distingue le premier, le second grief &c. On appelle aussi griefs les écritures qui contiennent les causes & moyens d'appel dans un procès par écrit; au lieu que sur une appellation verbale appointée au conseil, ces mêmes écritures s'appellent causes & moyens d'appel . Les griefs sont quelquefois intitulés, hors le procès , parce que c'est une piece qui ne fait pas partie du procès par écrit: mais cette qualification ne convient proprement que quand il y a déjà des griefs qui font partie du procès, comme cela arrive quand il y a déjà eu appel devant un premier juge, & reglé comme procès par écrit, où l'on a fourni des griefs . Lorsqu'il y a encore appel devant le juge supérieur, les griefs que l'on fournit devant lui sont hors le procès; à la différence des griefs qui ont été fournis devant les premiers juges, lesquels font partie du procès. L'appellant en procès par écrit fournit donc ses griefs , & l'intimé ses réponses à griefs , auxquelles l'appellant peut répliquer par des écritures qu'on appelle salvations de griefs . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIFFADE Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=s.f. GRIFFADE GRIFFADE, s. f. ( Vénerie. ) c'est la blessure d'une bête onglée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIFFE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GRIFFE GRIFFE, s. f. l'extrémité de la patte d'un animal lorsqu'elle est armée d'ongles crochus & recourbés: on dit la griffe d'un chat & la griffe de quelques oiseaux de proie, mais plus communément la serre de l'oiseau. Griffe se prend aussi quelquefois ou pour un doigt avec son ongle, ou pour l'ongle seul. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griffes Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Griffes Griffes , ( Commerce. ) marques en forme de pattes d'oie, que les essayeurs d'étain de la ville de Roüen font aux saumons de ce métal qui viennent d'Angleterre; ces marques désignent la qualité. L'étain le plus pur n'a point de griffes , il a un agneau pascal; les autres étains moins fins se marquent à une, deux, ou trois griffes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griffe de renoncule Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Griffe Griffe de renoncule , ( Jardinage. ) se dit de ses cayeux, & mieux qu' oignons . Ces griffes ont leurs doigts, d'où il sort des fibres, ainsi que du collet ou liaison dans lequel s'articulent les doigts de la griffe . ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griffe Author=unknown Normalized Classification=Doreur Part of Speech=NA Griffe Griffe , en terme de Doreur , c'est une espece de tenailles ou serres montées sur un morceau de bois, qui servent à tenir le bouton pour le brunir à la main. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griffe Author=unknown Normalized Classification=Bijoutier Part of Speech=NA Griffe Griffe , en terme de Bijoutier & de Metteur en oeuvre , sont de petites épaisseurs de forme conique, prises & réservées sur l'épaisseur des sertissures, dont la tête excédant un peu la sertissure & le feuillet des pierres, repose en s'inclinant sur les faces de ces pierres, & les retient assujetties dans leur oeuvre. Dans les ouvrages à griffe , ce ne sont que de petites branches soudées aux bâtes sur lesquelles reposent les pierres, & excédantes de beaucoup ces bâtes, qui étant rabattues, embrassent les pierres par-dessus, & les tiennent assujetties; ces sortes d'ouvrages sont fort peu solides. Griffe , ouvrage à griffe , ce sont des bijoux en pierreries fausses, dont les pierres reposent simplement sur une bâte, & sont retenues uniquement par des griffes . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griffe Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Griffe * Griffe , ( Serrurerie. ) on donne en général ce nom à un grand nombre de pieces de fer, qui sont recourbées, & qui servent à en fixer d'autres dans une situation requise, ou quelquefois à les reprendre, quand elles en sortent, & à les y ramener. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIFFENHAGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIFFENHAGEN GRIFFENHAGEN, viritium , ( Géog. ) ville d'Allemagne, dans la Poméranie prussienne, au duché de Stétin, sur l'Oder, à 4 lieues de la ville de Stétin. Long. 38. 45. latit. 53. 17 . Elle ne fut érigée en ville que l'an 1262, après avoir été prise & reprise durant les guerres civiles de l'Empire. Elle a été finalement cédée à l'électeur de Brandebourg par le traité de Saint-Germain-en-Laye en 1679. Griffenhagen est la patrie d'André Muller, dont les ouvrages montrent la grande érudition qu'il avoit acquise dans les langues orientales & la littérature chinoise; il mourut en 1694. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIFFER Author=unknown Normalized Classification=Vénerie Part of Speech=v.n. GRIFFER GRIFFER, v. n. ( Vénerie. ) c'est prendre de la griffe, comme les oiseaux de proie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIFFON, ou plûtôt GRYPHON Author=Jaucourt Normalized Classification=Mythologie | Littérature Part of Speech=s.m. GRIFFON GRIFFON, ou plûtôt GRYPHON, s. m. ( Myth. & Littérat. ) en grec γρὺψ , animal fabuleux qui pardevant ressembloit à l'aigle, & par-derriere au lion; avec des oreilles droites, quatre piés, & une longue queue. Hérodote, Pomponius Méla, Elien, Solin, & Apulée, semblent avoir crû que cette espece d'animal existoit dans la nature; car ils nous disent que près les Arismaspes dans les pays du nord, il y avoit des mines d'or gardées par des gryphons , & qu'on en immoloit quelquefois sur les hécatombes; mais tous les autres écrivains de l'antiquité ne reconnoissoient de gryphons que dans la fable, & les écrits des Poëtes. Quand Virgile, parlant du mariage mal assorti de Mopsus & de Nisa, s'écrie, qu' on joindroit plûtôt des gryphons avec des jumens; il ne veut que peindre la bisarrerie d'une pareille union. Le gryphon n'étoit dans son origine qu'un hyéroglyphe des Egyptiens, par lequel ils désignoient Osiris , ou si l'on veut, par lequel ils vouloient exprimer l'activité du soleil, lorsqu'il est dans la constellation du lion. Les Grecs firent du hyéroglyphe un animal; la Gravure le représenta, la Poésie le peignit, & les Mythologistes trouverent de belles moralités renfermées dans cette peinture. Les gryphons furent consacrés à Jupiter, à la déesse Némésis, mais particulierement à Apollon ou au Soleil; ils sont souvent attelés au char de ce dieu, & Claudien nous le représente visitant ses autels dans un char traîné par des gryphons . Phoebus adest & fraenis grypha jugalem Riphaeo, repetens tripodas, detorsit ab axe. In panegyr. Honorii . Sidoine Apollinaire lui donne le même équipage; dans un grand nombre de médailles greques & latines, le gryphon entre avec le trépié, la lyre, & le laurier, dans les symboles qui indiquent le culte d'Apollon. Les Panormitains, les Abdérites, les Teiens, les Sciotes, & la ville de Smyrne, ont aussi souvent un gryphon sur leurs médailles; mais pour abréger, les curieux d'érudition sur cette matiere peuvent consulter Spanheim, diss. v. Beger, tom. II. pag. 368 . Vossius de idolol. lib. III. cap. xcjx . Bochart, hyérozoic. part. II. lib. II. cap. v. & vj. & enfin Aldrovandus parmi les Naturalistes. Cet animal chimérique entre dans les armoiries. Il y est ordinairement rampant. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griffon Author=unknown Normalized Classification=Tireur d'or Part of Speech=NA Griffon Griffon , ( Tireur d'or. ) lime plate en-dessous, dentelée par les bords, en forme de peigne dont les Tireurs d'or se servent pour canneler les lingots de cuivre qu'ils veulent argenter, pour en faire du fild'argent faux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIGNAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIGNAN GRIGNAN, ( Géog. ) petite ville de Provence, ou plûtôt des annexes de la Provence, avec titre de comté, sur les confins du Dauphiné. Long. 22. 35. lat. 44. 25. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIGNON Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GRIGNON GRIGNON, s. m. ( Marine. ) c'est du biscuit qui est par gros morceaux, & non en galettes. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIGRI Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GRIGRI GRIGRI, s. m. ( Hist. nat. Bot. ) est une des especes de palmiers très-commune dans les îles Coraïbes. L'arbre porte des grappes de petits cocos, de la grosseur d'une balle de pistolet, très-durs à rompre, & renfermant une amande dont on peut faire de l'huile. Article de M. le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIL Author=unknown Normalized Classification=Cuisine | Serrurerie Part of Speech=s.m. GRIL GRIL, s. m. ( Cuisine, Serrurerie. ) assemblage de différentes tringles de fer sur un chassis à pié, qui leur sert de soûtien; cet instrument a une queue pardevant, qui n'est qu'un prolongement du chassis qui soûtient les tringles. On pose le gril sur des charbons ardens, & les viandes sur le gril , pour les faire cuire. Les viandes cuites de cette maniere sont ordinairement très-succulentes, l'ardeur du feu en saisissant brusquement l'extérieur, & ne permettant pas au suc de s'échapper. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLADE Author=unknown Normalized Classification=Cuisine Part of Speech=s.f. GRILLADE GRILLADE, s. f. ( Cuisine. ) viande cuite sur le gril . Ce mot se prend aussi pour un mets ou ragoût que l'on fait roussir, en passant dessus un fer rouge. Griller des huitres, c'est les mettre dans de grandes coquilles, les assaisonner de sel, de poivre, de persil, & de fines herbes hachées menu; les arroser de leur propre liqueur, les parsemer de chapelures de pain, les faire cuire une demi-heure, & les roussir enfin par-dessus avec une pelle rouge. Les chevrettes se grillent de la même maniere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLAGE Author=d'Holbach Normalized Classification=Métallurgie Part of Speech=s.m. GRILLAGE GRILLAGE, s. m. ( Métallurgie. ) c'est une opération de Métallurgie, par laquelle on se propose de calciner ou de dégager des mines avant que de les fondre les parties sulfureuses, arsénicales, antimoniales & volatiles qui sont combinées avec le métal lorsqu'il est minéralisé; parce que ces parties étrangeres, si elles restoient unies avec le métal, nuiroient à sa pureté, le rendroient aigre, cassant, & difficile à fondre. Comme presque toutes les mines d'argent, de plomb, de cuivre, d'étain, &c. contiennent ou du soufre, ou de l'arsenic, ou l'un & l'autre à-la-fois, on est obligé de les faire passer par l'opération du grillage avant que de les faire fondre; cette opération est de la plus grande importance: & l'on en peut tirer un très-grand fruit quand elle se fait d'une façon convenable & analogue à la nature de la mine que l'on a à traiter. L'expérience a fait voir que le grillage n'est point du-tout indifférent, & que les mines qui ont été grillées, donnoient toûjours plus de métal que celles qui ne l'avoient point été. La grande diversité qui se trouve dans la combinaison des différentes mines, fait que les méthodes qu'on employe pour le grillage , sont très-variées, & different autant que les mines elles mêmes; de là vient aussi qu'il y en a qu'on est obligé de griller un très-grand nombre de fois, tandis que d'autres n'exigent qu'un petit nombre de grillages; cela dépend de la quantité des matieres que l'on doit dégager, & de leur combinaison plus ou moins intime avec le métal lorsqu'il est minéralisé. C'est donc aux directeurs des mines & des fonderies à connoître parfaitement la nature de leur mine, & des matieres qui entrent dans sa composition & qui l'accompagnent, pour juger de la maniere dont le grillage doit lui être appliqué. L'opération du grillage se pratique, ou avant de donner aux mines la premiere fonte au fourneau de fusion, ou bien il se fait sur la matte, c'est à-dire sur la matiere impure & mélangée que l'on obtient après la premiere fonte de la mine; ainsi on distingue deux especes de grillages: savoir, celui de la mine, & celui de la matte. L'une & l'autre de ces opérations se fait de plusieurs façons différentes, qui varient avec les lieux & suivant la nature des mines. On se contentera d'indiquer les méthodes les plus communes. Il y a des grillages qui se font à l'air libre: d'autres se font sous des angars ou toits; d'autres se font dans des fourneaux voûtés. Pour le grillage simple qui se fait à l'air libre, on choisit aupres de la fonderie un terrein uni, sur lequel on dispose en quarré du bois ou des fagots; l'on étend la mine par-dessus, & l'on continue ainsi à faire des couches alternatives de bois & de mine: ce qui fait un tas qui a la forme d'une pyramide tronquée, comme on peut voir dans les Planches de Métallurgie , fig. 1 . On a soin de laisser un intervalle vuide entre le sol du terrein & la premiere couche de bois, afin de pouvoir allumer le tas que l'on veut griller. Le grillage à l'air libre se fait aussi sur une aire entourée d'un mur, à qui on donne des formes différentes dans les différens pays. A Fahlun en Suede, ce mur ressemble à un fer à cheval ( Voyez dans la Planche la figure 2. la lettre A marque le registre ou la cheminée qu'on pratique pour que l'air fasse aller le feu). Mais la forme la plus ordinaire qu'on donne à ce mur, est celle qu'on voit à la fig. 3 . c'est un mur à trois côtés ABC , partagé par plusieurs autres murailles DDD , qui forment comme des cloisons; c'est dans l'espace compris entre ces murs ou cloisons, que l'on arrange le bois & la mine pour le grillage . Dans d'autres endroits le fourneau de grillage est un grand quarré de maçonnerie, voyez la figure 4 . aaa sont les soupiraux pour le cours libre de l'air; b est l'entrée du fourneau. A Freyberg en Saxe, on grille la mine d'argent & de plomb dans un fourneau qu'on voit représenté à la fig. 5 . dont le sol AA sur lequel se fait le grillage , est revêtu de briques; ce fourneau est couvert d'un toît soûtenu par des piliers de brique, qui portent sur la maçonnerie des côtés du fourneau; on laisse une ouverture à ce toît, pour que la fumée se dégage. Il y a des occasions où l'on est obligé de faire le grillage dans des fourneaux de réverbere, voûtés & arrangés de maniere que la flamme qu'on allume dessous, vient rouler sur la matiere que l'on veut griller. Schlutter en inventa un de cette espece, dont il se servit avec succès; il pouvoit contenir jusqu'à 32 quintaux de mine à-la-fois. Il en donne une description très-circonstanciée dans son traité de la fonte des mines, tom. II. pag. 31. & §. de la traduction françoise. Il y a encore un grand nombre de manieres pour faire le grillage des mines; & chaque endroit où l'on s'occupe des travaux de la métallurgie, suit à cet égard une méthode particuliere, qui differe à quelques égards de celle des autres pays; mais celles qui viennent d'être décrites, suffisent pour qu'on se fasse une idée de cette opération; ceux qui voudront de plus grands détails sur le grillage , les trouveront dans le traité de la fonte des mines d'André Schlutter, publié en françois par M. Hellot, tom. II. & dans Emmanuel Swedenborg, opera mineralia. De curpo . Les regles générales à observer pour le grillage , c'est d'employer un feu doux qui fasse simplement rougit doucement la mine sans la faire entrer en fusion. Il est nécessaire que le feu soit doux; parce que s'il étoit violent, en dégageant les parties volatiles qu'on veut faire partir, son impétuosité entraîneroit aussi les parties métalliques qui sont écartées les unes des autres dans la mine, & divisées en particules très-déliées. La plûpart des métallurgistes préferent le feu de bois à celui de charbon pour le grillage des mines, tant parce qu'il est moins coûteux que le charbon, que parce qu'il ne chauffe point si vivement, & remplit mieux les vûes qu'on se propose dans cette opération. On regarde le bois de pin & de sapin comme préférable à tous les autres; à son défaut on peut employer le bois de chêne ou de hêtre; on peut aussi se servir de fagots. Il y a des endroits où l'on grille avec du bois verd & mouillé; mais l'expérience a fait voir que l'usage du bois sec étoit beaucoup plus avantageux. L'on est quelquefois obligé de réitérer le grillage de la même mine un grand nombre de fois; cela dépend de sa nature & de ses propriétés; & c'est l'expérience & l'habileté du métallurgiste qui doit en décider. Il y a des mines qu'on est obligé de faire passer par 16, 18, & même 20 feux ou grillages; on voit que le traitement de ces sortes de mines ne peut être entrepris que dans des pays où le bois est très-commun, & la main-d'oeuvre à très-bon marché, comme en Suede. Lorsqu'on fait griller des mines, on est souvent obligé d'y faire des additions qui, jointes à l'action du feu, servent à les developper & à détruire les substances étrangeres qui sont unies au métal dans sa mine; c'est ainsi que l'on joint des pyrites avec de certaines mines de cuivre lorsqu'on les fait griller; par-là l'acide du soufre que ces pyrites contiennent se dégage, & met en dissolution la miniere ou la pierre qui sert d'enveloppe à la mine, & détruit les parties ferrugineuses qui s'y trouvent jointes; lorsque les mines sont arsénicales, il est aussi à propos d'y joindre des pyrites, parce que leur soufre se combine avec l'arsenic, qui par-là se dégage du métal. Quelquefois lorsque la mine est sulfureuse, on y joint de la chaux, qui dans le grillage absorbe la trop grande quantité de soufre. Par ces additions la mine est développée, & plus propre à recevoir le feu de fusion. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grillage Author=Diderot Normalized Classification=Serrurerie Part of Speech=NA Grillage * Grillage , ( Serrurerie. ) petit tissu ou de bois, ou de fil-de-fer, ou de laiton, qui s'entrelacent, qui se croisent, & qui laissent entr'eux des intervalles quarrés, oblongs, ou de toute autre figure. On pratique un grillage aux soupiraux des caves, aux portes d'un garde-manger, par-tout où l'on veut permettre l'entrée libre à l'air, & la fermer à toute autre chose. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grillage Author=unknown Normalized Classification=pending Part of Speech=NA Grillage Grillage , en termes de Fabriquant de blonde , est un plein dessiné diversement selon les goûts divers, & travaillé avec un seul fuseau pour chaque fil ou trait, chargé d'un fil qui n'a qu'un double. Quoique tout grillage s'appelle plein ou point de fuseau , il ne faut pas croire qu'il n'y ait point d'espace d'un fil à l'autre; il y en a toûjours de petits qui, pour l'ordinaire forment autant de quarrés un peu inclinés. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grillage Author=unknown Normalized Classification=Confiseur Part of Speech=NA Grillage Grillage , en termes de Confiseur , est un ouvrage à qui l'on donne ce nom, parce que l'on le laisse un peu roussir sur le feu. On fait des grillages d'amandes, de tailladin, de citron, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grillage Author=unknown Normalized Classification=Docimastique Part of Speech=NA Grillage Grillage , ( Docimasie. ) voyez l'article Rotissage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLE Author=Diderot Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GRILLE * GRILLE, s. f. on donne communément ce nom à tout assemblage de matiere solide, fait à claire voie; ainsi la claie est une espece de grille . La barriere qui sépare en deux le parloir des religieuses, s'appelle la grille; les religieuses sont d'un côté en-dedans, ceux qui conversent avec elles sont de l'autre côté en-dehors; cette grille est quelquefois couverte d'un voile: quelquefois elle reste ouverte, mais elle est doublée, & les traverses de l'une coupe & divise en plus petits espaces les intervalles vuides de l'autre. Voyez dans les articles suivans différentes autres acceptions du même mot. Les grilles , soit en porte, soit autre, sont de grands ouvrages de Serrurerie; elles demandent du dessein, de la connoissance en Architecture, un grand art de manier le fer. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Grille Grille , ( Hydr. ) en fait de Fontaines, est un assemblage de plusieurs cierges d'eau. Voyez Cierge . On le dit aussi d'un treillis de grosse charpente mis dans les fondations, dans l'eau, ou dans un terrein plein de glaise, qu'il ne faut pas éventer par le pilotage, pour mieux fonder dessus. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=Economie rustique Part of Speech=NA Grille Grille , ( Econom. rustique. ) on appelle grille de l'étang , le lieu par où l'eau se décharge quand il y en a trop. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Grille * Grille , ( Commerce. ) on appelle à Genes compagnie des grilles , une association de marchands pour la traite des Negres. Voyez Compagnie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=Diderot Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Grille * Grille , ( Commerce. ) laine d'Espagne; c'est de la prime, ou mere-laine, qu'on compare aux plus fines de Castille & d'Arragon. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Grille Grille , terme de Blason , qui se dit de certains barreaux qui sont à la visiere d'un héaume, & qui empêchent les yeux du chevalier d'être offensés. On appelle aussi grille , une porte à-coulisse & grillée, qu'on peint quelquefois sur les écus. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=Diderot Normalized Classification=Bas au métier Part of Speech=NA Grille * Grille , ( Bas-au-métier. ) il y a la grille & les ressorts de grille . Ce sont des parties de cette machine. Voyez l'article Bas-au-Metier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille a Dorer Author=Diderot Normalized Classification=Doreur Part of Speech=NA Grille a Dorer * Grille a Dorer , ( Doreur. ) treillis de fer dont les mailles sont en losange. Il sert aux Doreurs qui exposent au feu leurs ouvrages, avec commodité & propreté, en les plaçant sur cette grille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=Fonderie Part of Speech=NA Grille Grille , terme de Fonderie , est un chassis de plusieurs barres de fer d'un pouce & demi de grosseur, distantes de trois pouces, & couchées de niveau en croisant la galerie. Son usage est de porter le massif, sur lequel s'établit le modele, de soûtenir les briquaillons dont on remplit la fosse, & de lier les murs des galeries par une embrassure de fer, bandé avec des clavettes & des mouffles. Voyez les Planc. de la Fonderie des statues équestres . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=Hongroyeur Part of Speech=NA Grille Grille , terme de Hongroyeur , c'est un instrument de fer C ( Pl. de l'Hongroyeur ) garni de sept ou huit barres, qui entrent par leurs extrémités dans deux traverses aussi de fer, & recourbées par les bouts d'environ trois pouces, qui servent de pié à la grille . Cette grille se pose sur une grande pierre de taille, ou un massif de briques AB d'environ quatre piés en quarré, sur laquelle on a étendu des charbons ardens: c'est sur cette grille que l'on étend les cuirs frottés de suif, afin que par la chaleur des charbons, le suif puisse pénétrer dans l'intérieur du cuir. Voyez les figures 5 . & 4. Planche de l'Hongroyeur , qui représentent deux ouvriers qui passent un cuir enduit de suif sur la grille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Grille Grille , ( Jard. ) est un ornement des jardins, propre à perpétuer la vûe d'une allée. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille d'Imprimeur en Taille-douce Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grille Grille d'Imprimeur en Taille-douce; voyez l' article Imprimerie en Taille-douce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=La Monnoie Part of Speech=NA Grille Grille , ( à la Monnoie. ) sont les lames assemblées telles qu'elles sortent du moule, & comme elles se sont jointes à la tête du moule. On les sépare avec de grosses cisailles ou cisoir; c'est ce que l'on appelle ôter la tête des lames . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=Jeu de paume Part of Speech=NA Grille Grille , terme de jeu de Paume , c'est un trou d'environ trois piés de haut, sur environ deux piés de largeur, placé dans un des coins des jeux de paume, à la hauteur d'environ trois piés. Toute balle qui entre dans la grille vaut un quinze pour celui qui l'y a placée. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grille Author=unknown Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=NA Grille Grille , ( Rubanier. ) ce sont quantité de tours des mêmes ficelles posées & garnies en tête des hautes-lisses, sur le devant des deux porte-rames. Ces grilles ne sont point limitées; on en peut mettre tant que lesdits porte-rames en peuvent contenir. Ces grilles servent au passage des rames, dont on évite ainsi la confusion. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLER Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRILLER GRILLER, voyez l'article Rotissage . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLET ou GRILLETTE Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA GRILLET ou GRILLETTE GRILLET ou GRILLETTE, terme de Blason; sonnette ronde qu'on met au cou des petits chiens & aux jambes des oiseaux de proie. On l'appelle aussi grillot . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLETÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject GRILLETÉ GRILLETÉ, adj. en termes de Blason , se dit des oiseaux de proie qui ont des sonnettes aux piés. Leaulmont Puy-Gaillard, d'azur au faucon d'argent, perché, lié & grilleté de même. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRILLON Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GRILLON GRILLON, s. m. grillus , insecte qui ressembleroit à a cigale, si elle n'avoit point d'aîles, & qui en differe peu par le bruit qu'il fait. Il y a des grillons domestiques, & des grillons sauvages. Parmi ceux-ci, le mâle est presque aussi gros que la cigale, mais il a le corps plus long; sa couleur est noirâtre; il a la tête grande, & les yeux gros & saillans; il porte sur le front des antennes qui se meuvent facilement, quoiqu'elles n'ayent point d'articulation; il a six jambes de la même couleur que le corps, les dernieres sont très-longues, & donnent à cet insecte beaucoup de facilité pour sauter; il peut marcher en-arriere comme en-avant; les aîles couvrent presque tout le corps, elles sont courbes & legerement sillonnées; la queue est fourchue, & le corps est plus petit que celui de la femelle, qui a le ventre plus gras, les yeux verdâtres, les antennes rouges, & la queue semblable à un trident. On voit ces insectes dans les champs pendant l'été: ils entrent dans la terre & y nichent; ils y restent pendant l'hyver, mais les grands froids les font périr. Les mâles des grillons domestiques ont le corps brun, alongé, & beaucoup moins gros que celui du grillon sauvage; la tête presque ronde, & les yeux noirs; il y a deux lignes blanches transversales sur le dos, près des jambes du milieu; la queue est fourchue. La femelle est plus grosse que le mâle; elle a le ventre plus long; elle vole avec quatre aîles, celles du dessus sont plus courtes que celles du dessous; la queue est divisée en trois soies. Il y a des grillons de plusieurs autres especes; M. Linnaeus en compte quatorze. Mouffet, insect. theat. pag. 134. Voyez Insecte . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grillon Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Grillon Grillon , ( Comm. ) terme usité parmi les marchands de bois pour signifier le bout d'une pile . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMACE Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=s.f. GRIMACE GRIMACE, s. f. ( Peinture. ) Je regarde comme trop essentiel à l'intérêt de l'art de la Peinture, de recommander la simplicité dans les imitations de la nature, pour ne pas insister encore sur ce principe intéressant à l'occasion d'un mot dont l'usage a peut-être droit de devenir plus fréquent que jamais dans les Arts. Artistes qui voulez plaire & toucher, soyez donc persuadés que les figures qui grimacent , soit pour paroître avoir des graces, soit pour joüer l'expression, sont aussi rebutantes dans vos ouvrages aux yeux équitables d'un spectateur instruit, que les caracteres faux sont odieux dans la société pour les honnêtes gens. Je sai que vous pouvez m'objecter que presque toutes les expressions que vous envisagez autour de vous sont ou chargées ou feintes, que presque tout ce qu'on appelle grace est affectation & grimace: ce sont-là des obstacles qui s'opposent au progrès de l'art; il faut les connoître, & sans perdre le tems à s'en plaindre, mettre ses efforts à les surmonter. Refléchissez, pénétrez-vous des sujets que vous traitez, descendez en vous-mêmes, & cherchez-y cette naïveté des graces, cette franchise des passions, que l'intérêt que vous avez à les saisir, vous fera trouver. Un intérêt mal-entendu qu'on envisage apparemment dans la société, à se tromper les uns & les autres, y introduit l'affectation des grimaces; celui que vous avez à ne vous pas séduire vous-mêmes, vous fera dévoiler la vérité. Etudiez les grands modeles, ils ne doivent leur réputation & leur gloire qu'à la simplicité & à la vérité; plus ils sont exempts de grimace , plus leur réputation doit augmenter. Lisez aussi & relisez continuellement le petit nombre d'auteurs anciens, dans lesquels la simplicité de l'imitation triomphe des usages, des préjugés, des modes, des moeurs & des tems. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMAUD Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRIMAUD GRIMAUD, Voyez & Huette">Hulotte & Huette . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMBERG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIMBERG GRIMBERG, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans l'électorat de Treves, bâtie au douzieme siecle par Jean, quatre-vingts-sixieme évêque de Treves. Elle est à six lieues S. de cette ville. Long. 24. 10. lat. 49. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMELIN Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GRIMELIN GRIMELIN, s. m. ( Commerce. ) celui qui fait un commerce de peu de conséquence. Il se dit particulierement, en termes de négoce de bestiaux, de certains particuliers qui, sans être pourvûs d'office, se trouvent dans les marchés de Poissy & de Sceaux, & y font les fonctions de vendeurs, en avançant aux marchands, moyennant quelque droit, l'argent des boeufs & des moutons qu'ils ont vendus aux Bouchers de Paris. Ce grimelinage est défendu & déclaré usuraire par arrêt de la Tournelle du 29 Avril 1694. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMELINAGE Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRIMELINAGE GRIMELINAGE, petit gain que l'on fait dans un trafic ou dans une affaire. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMELINER Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=v.n. GRIMELINER GRIMELINER, v. n. gagner peu dans un négoce, se contenter d'un profit médiocre. Dict. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIMM GRIMM, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans l'électorat de Saxe en Misnie, sur la Mulde, à trois milles d'Allemagne de Leipsik: elle appartient à l'électeur de Saxe. Long. 30. 2. lat. 51. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMMEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIMMEN GRIMMEN, ( Géog. ) ville ancienne de Poméranie, au duché de Bardt, à cinq milles d'Allemagne de Strahklsund: elle fut entourée de murailles l'an 1190. Long. 37. 45. lat. 54. 18 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMOIRE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GRIMOIRE GRIMOIRE, s. m. voyez ci-après Grymoire . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMPEREAU Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=s.m. GRIMPEREAU GRIMPEREAU, s. m. picus varius minor , ( Orn. ) oiseau qui ressemble beaucoup à l'épeiche par sa figure & par son plumage, mais qui est beaucoup plus petit. Il ne pese pas une once. Il a près de six pouces depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout de la queue, & près d'onze pouces d'envergure. La queue est composée de dix plumes, & a deux pouces de longueur; les quatre plumes du milieu sont les plus longues & les plus fermes, elles ont une couleur noire, & l'extremité du tuyau est un peu recourbée en-dedans, & appuie contre les arbres pour soûtenir l'oiseau lorsqu'il grimpe le long des troncs ou des branches verticales: les autres plumes de la queue sont en partie noires & en partie blanches. La gorge, la poitrine & le ventre sont d'un blanc sale. Il y a du brun au-delà des narines, du blanc sur le sommet de la tête, & du noir sur l'occiput. Deux larges lignes blanches s'étendent depuis les yeux jusqu'au milieu du cou, où elles se joignent; & les côtés de ces lignes sont terminés par du noir. Le commencement du dos & les petites plumes du haut de l'aîle, sont noires; les grandes plumes & les autres petites plumes des aîles, sont parsemées de taches blanches qui ont la forme d'un demi-cercle. Le milieu du dos est blanc, avec des lignes noires transversales. Le mâle differe de la femelle, en ce qu'il a le sommet de la tête rouge, & non pas blanc. Willughby, ornith. Voyez Epeiche , Piochet , Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMSBY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIMSBY GRIMSBY, ( Géog. ) ville à marché d'Angleterre dans Lincolnshire, sur l'Humber, à huit lieues E. de Lincoln. Elle députe au parlement. Long. 16. 54. lat. 53. 10 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIMSEL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIMSEL GRIMSEL, ( Géog. ) montagne de Suisse aux confins du haut Vallais & du département de Goms, qu'elle sépare du canton de Berne. Elle est très-haute, & l'on ne peut y monter que par des sentiers escarpés. On trouve sur cette montagne une si riche mine de crystal, que l'on en tire des pieces de quelques quintaux. Voyez à ce sujet le trente-quatrieme volume des Transactions philosophiques . M. Haller n'a pas oublié la montagne de Grimsel , ni sa curieuse mine, dans sa charmante description des Alpes. « Ces lieux, dit-il, où le soleil ne jette jamais ses doux regards. sont ornés d'une parure que le tems ne flétrit jamais, & que les hyvers ne sauroient ravir; tantôt le limon humide forme des voûtes du plus brillant crystal, & tantôt des grottes naturelles qui ne sont pas moins surprenantes; un roc de diamans où se jouent mille couleurs, éclate à-travers l'air ténébreux, & l'éclaire de ses rayons. Disparoissez foibles productions de l'Italie, ici le diamant porte des fleurs; il croît & formera bien-tôt un rocher solide ». On appelle fleur de crystal , un sélénite fort commun dans les carrieres du lieu. M. Haller ajoûte avoir vû la plus grande piece de crystal qu'on ait jamais découvert sur cette montagne; elle pesoit 695 livres. Du tems d'Auguste, on trouva un bloc de crystal du poids de 50 livres, qui fut consacré aux dieux comme une merveille. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRINGOLÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=adject GRINGOLÉ GRINGOLÉ, adject. terme de Blason; il se dit des croix, fers de moulin, & autres choses de même nature qui se terminent en têtes de serpens. On appelloit autrefois ces serpens gargouilles; & on a dit ensuite gringole par corruption, d'où est venu gringolé . Kaër de Montfort en Bretagne, de gueules à la croix d'hermine, anchrée & gringolée d'or. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIOTTE Author=Jaucourt Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GRIOTTE GRIOTTE, s. f. espece de bouillie des anciens, faite avec de l'eau, du sel & de la farine d'orge nouveau, qui avoit été auparavant rôti. On y joignoit quelquefois de la coriandre, du moust, de l'hydromel: c'étoit-là la nourriture du peuple romain, de laquelle il est souvent parlé dans l'histoire, & qu'on appelloit polenta. Voyez Polenta . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Griotte Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Griotte Griotte , ( Botan. ) fruit du griottier. Voyez Griottier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIOTTIER Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GRIOTTIER GRIOTTIER, s. m. ( Botan. ) arbre qui porte les griottes ou grosses cerises à courte queue; elles sont fermes, plus douces que les autres, & d'une couleur qui tire sur le noir. Le griottier est une espece de cerisier nommé cerasus sativa, fructu majori , J. R. H. 625. cerasus sativa major , C. B. P. 449. en anglois, large spanish-cherry . Cet arbre n'est ni haut ni droit; il jette plusieurs branches garnies de rameaux fragiles; son tronc est médiocrement gros; son écorce est d'un rouge noirâtre; son bois est blanchâtre dans la circonférence, & noirâtre dans le coeur; ses feuilles sont larges, veinées, noirâtres; ses fleurs sont en roses, composées de plusieurs pétales blancs disposés en rond, & de quelques étamines de même couleur qui en occupent le milieu; leur calice est partagé en cinq segmens recourbés; il s'en éleve un pistil qui se change en un fruit arrondi, charnu, très-succulent dans sa maturité. Quand l'arbre est jeune, il donne des fruits plus gros que les autres especes de cerisiers, & qui sont soûtenus sur des queues plus courtes: on nomme ces fruits en Botanique, cerasa sativa majora . Depuis le tems de Lucullus, on cultive cet arbre dans toute l'Europe. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIP Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GRIP GRIP, s. m. ( Marine. ) ancien nom qu'on donnoit autrefois à une sorte de petit bâtiment que l'on armoit pour aller en course, tel à-peu-près qu'est aujourd'hui le brigantin. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIPPER Author=unknown Normalized Classification=Manufacture d'ourdissage Part of Speech=v.n. GRIPPER GRIPPER, v. n. ( Manufact. d'ourdissage. ) Si une étoffe frappée inégalement, ou fabriquée sur une chaîne mal tendue, ou sur une lisiere mal disposée, forme à la surface de petits plis, des tiraillemens, &c. on dit qu'elle grippe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIS Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA GRIS GRIS, ( Gramm. ) Si l'on imagine une infinité de petits points noirs, distribués entre une infinité de petits points blancs, on aura le gris , & toutes ses nuances, selon que les points noirs ou blancs domineront. Voy. à l'art. suiv. les diverses especes de gris . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gris Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=NA Gris Gris , ( Manége & Maréchall. ) épithete par laquelle nous désignons un cheval, dont le poil ou la robe présente un fond blanc mêlé de noir, ou même de quelqu'autre couleur: nous admettons diverses especes de gris . Le gris sale est celui dans lequel le poil noir domine. Si les crins de l'animal sont blancs, la robe en est d'autant plus belle. Le gris brun est différent du premier, en ce que les poils noirs y sont en moindre quantité que dans le gris sale, quoiqu'ils l'emportent néanmoins sur les poils blancs. Le gris sanguin , le gris rouge , ou le gris vineux , est un gris mêlé de bai dans tout le poil. Le gris argenté est une robe sur laquelle nous appercevons un gris vif, peu chargé de noir, & dont le fond blanc brille & reluit. Le gris pommelé se reconnoît à des marques assez grandes de couleur blanche & noire parsemées, à distances assez égales, soit sur le corps, soit sur la croupe. Le gris tisonné ou charbonné a des taches irrégulierement éparses de côté & d'autre, comme si le poil eût été noirci avec un charbon. Le gris tourdille est un gris sale approchant de la couleur d'une grive. Le gris truité autrement appellé tigre , consiste dans un fond blanc mêlé ou d'alzan ou de noir, semé par de petites taches assez également sur tout le corps. On appelle aussi cette robe gris moucheté , ces taches approchant de la figure des mouches. Le gris de souris est ainsi nommé par sa ressemblance au poil de cet animal. Quelques chevaux de cette robe ont les jambes & les jarrets garnis de raies noires, comme certains mulets; d'autres en ont une sur le dos; les uns ont les crins d'une couleur claire, les autres les ont noirs. Enfin il est encore une espece de gris que nous appellons gris étourneaux. Voyez Etourneau . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gris, (Petit-Gris) Author=unknown Normalized Classification=Plumasserie Part of Speech=NA Gris Gris , ( Petit-Gris ) en Plumasserie , ce sont des plumes qui sont ordinairement sous le ventre & sous les aîles de l'autruche. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRISAILLE Author=unknown Normalized Classification=Peinture Part of Speech=s.f. GRISAILLE GRISAILLE, s. f. ( Peinture. ) façon de peindre avec deux couleurs, l'une claire, & l'autre brune: au moyen de leur mélange l'on exprime les lumieres & les ombres. On appelle encore cette façon de peindre, faire des tableaux de clair-obscur . L'on dit une grisaille , peindre une grisaille. Voyez Camayeu . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grisaille Author=unknown Normalized Classification=Perruquier Part of Speech=NA Grisaille Grisaille , ( Perruquier. ) c'est un beau mélange de cheveux blancs & bruns. Les perruques en grisaille sont cheres. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRISART Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRISART GRISART, Voyez Colin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIS NEZ Author=Le Roy Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRIS NEZ GRIS NEZ, petite montagne du Boulonois, qui forme la pointe méridionale de la baie de Willan. Le Roi y entretient un guetteur en tems de guerre. Voyez Garde-Côtes . Cette montagne est le point des côtes de France le plus proche des côtes d'Angleterre. Le trajet de cette montagne à celle de Douvres n'est que de cinq lieues & demie, à 2400 toises la lieue. On peut observer que les bancs de pierre qui composent cette montagne, sont absolument de même nature que ceux des falaises de la côte de Douvres; on y retrouve les mêmes bancs à la même hauteur & de la même épaisseur. Ces bancs sont de pierre calcinable fort blanche; ce qui peut avoir fait donner le nom d' Albion à l'Angleterre. Cette conformité des bancs des côtes du détroit, donne lieu de penser que ce détroit s'est formé par une irruption de la mer qui a séparé l'Angleterre du Continent. ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRISETTES Author=unknown Normalized Classification=Histoire naturelle | Chasse Part of Speech=s.f.pl. GRISETTES GRISETTES, s. f. pl. ( Hist. nat. & Chasse. ) sont de petits oiseaux de passage qu'on appelle aussi syriots; ils ont le bec & les jambes plus courtes, & sont un peu plus petits que les moyennes bécassines. Ils ont le plumage d'un brun noir, hormis le ventre & les bouts des aîles qui sont blancs; leur chair est blanche, tendre & très-délicate; & c'est un des meilleurs mets, quoique rassasiant. On les trouve en Août, Septembre & Octobre, au bord des marais & des terres joignantes, ou sur les côtes de la mer; ils vont par bandes, & sont très-difficiles à approcher, quoiqu'ils aiment à se reposer sur les petites mottes de terre, pourquoi on les appelle aussi piés-de-terre . Mais dès qu'il y en a un de blessé, laissez-le crier pour qu'il fasse venir les autres; ou s'il est mort, retournez-le sur le dos, tout le reste de la bande, après avoir un peu tourné, revient à l'endroit d'où elle est partie; & appercevant le mort, elle viendra voltiger autour de lui; pendant ces viremens on en tue beaucoup, quand on a eu la précaution de se couvrir de quelques bottes de roseau ou de branchages. Il faut les manger vîte, car ils ne se gardent pas plus de vingt-quatre heures, sans se corrompre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRISONNEMENT Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=sub.m GRISONNEMENT GRISONNEMENT, sub. m. terme d'Architecture; on entend par ce terme dans l'Architecture la premiere esquisse d'un dessein. Voyez Esquisse . ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIPSWALD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRIPSWALD GRIPSWALD, Gripsvaldia , ( Géogr. ) ville d'Allemagne dans la Poméranie, autrefois impériale; mais depuis sujette aux Suédois, avec un bon port, & une université fondée en 1456 par Wratislas IX. duc de Poméranie Elle est près de la mer, vis-à-vis l'île de Rugen, à huit lieues S. E. de Stralsund, 22 N. O. de Stétin. Longit. suivant les géographes du pays, 30 d . suivant Pysius, 33 d . 2'. 5''. latit. 54 d . 14'. 1''. selon M. Cassini; sa différence de Paris en longit. a été trouvée par une éclipse de soleil, tantôt de 52 d . 45'. tantôt de 52 d . 40'. Hist. de l'académie des Sciences, année 1700 . Kuhnius, (Joachim) habile humaniste, naquit à Gripswald en 1647, & mourut le 11 Décembre 1697 à cinquante ans. On a de lui de savantes notes sur Pausanias, sur Elien, sur Pollux, & sur Diogene Laerce. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRISONS, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRISONS GRISONS, ( les ) Géog. peuple des Alpes que les anciens historiens nomment Rhoeti; ils doivent leur origine à des colonies que les Toscans envoyerent au-delà de l'Appennin. Le pays qu'occupent les Grisons modernes a pour bornes au nord les comtés de Tirol & de Sargans, à l'occident les cantons de Glaris & d'Uri, au midi le comté de Chiavenne & la Valteline, & à l'orient le Tirol encore & le comté de Bormio. Il est partagé en trois parties qu'on appelle ligues , en allemand bunt , savoir la ligue Grise, la ligue de la Caddée, & la ligue des dix communautés; les deux premieres sont au midi, & la troisieme au nord: ce sont comme trois cantons, dont chacun a son gouvernement à part, & qui réunis forment un corps de république dans lequel réside l'autorité souveraine. La longueur du pays appartenant à ce corps de république, est d'environ trente-cinq lieues du nord au sud: on a donné aux habitans le nom de Grisons , parce que les premiers qui dans le quinzieme siecle se liguerent pour secoüer le joug de ceux qui les opprimoient, portoient des habits grossiers d'une étoffe grise qu'ils fabriquoient chez eux. Ils reçurent le Calvinisme en 1524, & contracterent des alliances avec les Suisses en différens tems; mais en 1602, les trois ligues ensemble s'allierent avec la ville de Berne, & en 1707 elles renouvellerent une alliance solennelle avec Zurich & quelques-uns des cantons voisins. Quoique les trois ligues soient mêlées de protestans & de catholiques, le nombre des premiers l'emporte de beaucoup sur celui des derniers, qui dépendent pour le spirituel de l'évêché de Coire & de l'abbé de Dissentis. Le gouvernement temporel est démocratique, le peuple élit ses magistrats & officiers; & tous ceux qui ont atteint l'âge de seize ans, ont droit de suffrage. Les affaires qui regardent le corps de l'état se terminent dans des dietes générales composées des députés de chaque ligue qui s'assemblent aussi souvent que la nécessité le demande. Les affaires particulieres de chaque ligue se traitent dans les dietes provinciales. Le comté de Bormio, celui de Chiavenne, & la Valteline, possédés par les Grisons , ne sont proprement qu'une vallée très-étroite qui s'étend au pié des Alpes Rhétiques, mais qui peut avoir vingt lieues de longueur. L'Adda qui sort du mont Braulio arrose cette vallée dans toute son étendue, lui fait beaucoup de bien, & quelquefois beaucoup de mal par ses inondations. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIVE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=s.f. GRIVE GRIVE, turdus , s. f. ( Ornithologie. ) genre d'oiseau dont on distingue quatre especes, savoir la drenne, la grive , la litorne, & le mauvis: tous ces oiseaux passent communément sous le nom de grives , quoiqu'ils soient fort différens les uns des autres soit par la grandeur du corps & par la couleur du plumage, soit par la qualité de la chair. Je désigne par le nom de grive , celle que l'on nomme en latin turdus simpliciter dictus, seu viscivorus minor , c'est-à-dire grive simplement dite, ou petite mangeuse de gui; cependant elle ne mange point de baies de gui; elle n'a été ainsi appellée, que parce qu'elle ressemble beaucoup à la drenne, qui mange réellement du gui. La grive est plus petite que la litorne & un peu plus grosse que le mauvis; elle pese environ trois onces, elle a neuf pouces de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout de la queue ou des pattes; le bec est long d'un pouce, & il a une couleur brune; la langue paroît fourchue quand on la regarde de près; l'intérieur du bec est jaune, & l'iris des yeux a une couleur de noisette. La grive ressemble beaucoup à la drenne par la couleur & les taches de la poitrine & du ventre; ces taches sont brunes, la poitrine a une couleur jaunâtre, & le ventre est blanc: les taches de la poitrine sont plus étendues & en plus grand nombre sur la grive que sur le mauvis. Les petites plumes qui couvrent la face inférieure de l'aîle sont de couleur rousse jaunâtre, & celles qui couvrent les grandes plumes sont jaunâtres à la pointe; les petites plumes du dessous de la queue ont une couleur blanchâtre. Il y a dix-huit grandes plumes dans les aîles; la queue a trois pouces un quart de longueur, & elle est composée de douze plumes. Les jambes & les piés sont d'un brun pâle; la plante est jaunâtre, le doigt extérieur tient au doigt du milieu par la premiere phalange. Cet oiseau se nourrit plûtôt d'insectes que de baies, il mange de petits coquillages de terre: on ne connoît point le sexe par les couleurs. La grive construit l'extérieur de son nid avec de la mousse & des brins d'herbe ou de petits bois, & elle enduit le dedans avec du limon; elle dépose ses oeufs à nud sur ce limon. Il y a d'une seule ponte cinq ou six oeufs; ils sont d'un bleu verdâtre parsemé de quelques taches noires. Cet oiseau chante au printems, il est solitaire comme la drenne; il se perche sur les arbres, mais il niche plûtôt dans les haies que sur les grands arbres; il est aisé à prendre & bon à manger. Willug. Ornith. Voyez Drenne , Litorne , Mauvis , Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRIVELÉE Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GRIVELÉE GRIVELÉE, s. f. ( Commerce. ) profit injuste & secret que l'on fait dans un emploi ou sur les marchandises qu'on achete par commission. De ce mot on a fait griveler, grivelerie; & griveleur , celui qui grivele. Dictionnaire de Commerce . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRODECK Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRODECK GRODECK, ( Géog. ) nom de quatre petites villes de Pologne; la premiere dans la Russie Rouge, la seconde dans le palatinat de Podolie, la troisieme sur la rive gauche du Niester, la quatrieme au palatinat de Kiovie; les unes ni les autres ne méritent aucun détail. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRODNO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRODNO GRODNO, Grodna , ( Géog. ) ville de Pologne en Lithuanie, au palatinat de Troki. Elle est remarquable par une citadelle, par l'assemblée de la diete qui s'y tient tous les trois ans, & pour avoir souffert en 1753 un incendie qui l'a presque entierement réduite en cendres: sa position est dans une plaine sur le Niémen, à trente lieues sud-oüest de Troki, cinquante N. E. de Varsovie, vingt-quatre oüest de Novogrodeck. Longit. 42. 45. latit. 53. 18. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROENLAND, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROENLAND GROENLAND, ( le ) Groenlandia , ( Géog. ) grand pays des terres arctiques, entre le détroit de Davis au couchant, le détroit de Forbischer au midi, & l'Océan septentrional où est l'Islande, à l'oüest: on ignore ses bornes au nord, & on ne sait pas encore si ce vaste pays est un continent attaché à celui de l'Amérique ou à celui de la Tartarie, ou si n'étant joint à pas un des deux, ce n'est qu'une île. Quoi qu'il en soit, il est habité par des sauvages; & malgré le grand froid qui regne, il s'y trouve du gros & du menu bétail, des rennes, des loups-cerviers, des renards, & des ours blancs; on y a pris autrefois de très-belles martres, & des faucons en grand nombre. La mer est pleine de loups, de chiens, de veaux marins, & sur-tout d'une quantité incroyable de baleines, à la pêche desquelles les Anglois & les Hollandois envoyent chaque année plusieurs bâtimens. La Peyrere a donné une relation du Groenland , qu'il a tirée de deux chroniques, l'une islandoise & l'autre danoise; cette relation est imprimée dans les voyages au nord. Il attribue la découverte de ce pays à Erric le Rousseau, norvégien, qui vivoit dans le neuvieme siecle; plusieurs de ses compatriotes s'y fixerent dans la suite, y bâtirent, & y établirent avec les habitans un commerce qui subsista jusqu'en 1348: il se perdit alors; & quelques tentatives que l'on ait faites depuis pour retrouver l'ancien Groenland , c'est-à-dire l'endroit autrefois habité par les Norvégiens, & où étoit leur ville de garde, il n'a pas été possible d'y réussir. Cependant Martin Forbisher crut avoir retrouvé ce pays en 1578, mais il ne put y aborder à cause de la nuit, des glaces, & de l'hyver; une compagnie danoise y envoya deux navires en 1636, mais ils aborderent seulement au détroit de Davis. La partie des côtes la plus connue du Groenland , s'étend depuis environ le 325 d . de longitude jusqu'au premier méridien, & de-là jusqu'au 12 ou 13 d . en-deçà; sa latitude commence vers le 73 d . on n'en connoît point les côtes au-delà du 78 d . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROGNAUT Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GROGNAUT GROGNAUT, s. m. Voyez Rouget . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROIZON Author=unknown Normalized Classification=Mégisserie Part of Speech=s.m. GROIZON GROIZON, s. m. terme de Mégissier , c'est une craie blanche que les Mégissiers réduisent en poudre très fine, & dont ils se servent pour préparer le parchemin. Voyez Parchemin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROLL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROLL GROLL, Grolla , ( Géog. ) petite ville des Pays-Bas dans la Gueldre, au comté de Zultphen; elle est à six lieues sud-est de Zultphen. Long. 24. 5. latit. 52. 7 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROLLE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GROLLE GROLLE, Voyez Freux . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROMA Author=Jaucourt Normalized Classification=Art militaire des Romains Part of Speech=s.m. GROMA GROMA, s. m. ( Art milit. des Rom. ) c'étoit une espece de perche ou piece de bois d'environ 20 piés, soûtenue en équilibre par le milieu comme un fléau de balance, qui servoit chez les Romains à mesurer l'étendue d'un camp pour la distribution des tentes. Aux deux extrémités de cette machine qu'on plantoit près de la tente du général, pendoient deux cordeaux, au bout desquels étoient attachés des poids de plomb qui servoient à niveler les logemens militaires; de-là vint qu'on appella cette espece de science, l' art gromatique , terme qui s'est étendu depuis à toutes sortes d'arpentage. Mais on est fatigué de l'érudition aussi grande qu'inutile, que Saumaise déploye sur ce seul mot dans ses notes sur Solin; l'objet n'en valoit pas la peine. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRONEAU Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GRONEAU GRONEAU, s. m. Voyez Rouget . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRONDEUR Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRONDEUR GRONDEUR, Voyez Rouget . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRONINGUE, (la Seigneurie de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRONINGUE GRONINGUE, ( la Seigneurie de ) Groningerland , ( Géog. ) l'une des sept Provinces-Unies, bornée à l'est par l'Oost-Frise, à l'oüest par la Frise, au nord par la mer d'Allemagne, au sud par l'Overissel & le comté de Benthem qui est de la Westphalie. La province de Groningue n'est guere fertile qu'en très-gras pâturages où l'on nourrit quantité de gros chevaux. Cette province est distribuée en deux corps différens; les habitans de la ville de Groningue en composent un, & ceux du plat-pays qu'on appelle les Ommelandes , forment l'autre; ce sont ces deux corps assemblés par leurs députés, aux états de la provin. ce, qui en constituent la souveraineté: la moitié des députés est nommée par la ville, & l'autre moitié par les Ommelandes. Il semble en gros que le gouvernement de cette province a quelque conformité à ce lui de l'ancienne Rome, du-moins autant qu'il est permis de comparer le petit au grand. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Groningue Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Groningue Groningue , ( Géog. ) ville des Pays-Bas, capitale de la province ou sergneurie de même nom, l'une des Provinces-Unies, avec une citadelle, une université fondée en 1614, & autrefois un évêché qui étoit suffragant d'Utrecht; elle est sur les rivieres de Hunnes & d'Aa, à quatre lieues de la mer, onze est de Leeuwarden, vingt-deux nord-est de Deventer, trente-quatre nord-est d'Amsterdam. Long. 24. latit. 53. 13 . Cette ville subsistoit déjà l'an 1040; on croit qu'elle est bâtie dans le même lieu où Corbulon général des Romains, fit construire une citadelle pour s'assûrer de la fidélité des Frisons: c'est la conjecture d'Altingius. Entre les savans que cette ville a produits, je n'en citerai que trois qu'il n'est pas permis d'oublier, Wesselus, Trommius, & Schultens. Vesselus, ( Jean ) l'un des plus habiles hommes du quinzieme siecle, naquit à Groningue vers l'an 1419, & doit être regardé comme le précurseur de Luther: ses manuscrits furent brûlés après sa mort; mais ceux qui échapperent des flammes furent imprimés à Groningue en 1614, & puis à Amsterdam en 1617. Le pape Sixte IV. avec lequel cet homme rare avoit été autrefois fort lié, lui offrit toutes sortes d'honneurs & de faveurs, & des bénéfices & des mitres: Vesselus refusa tout, & n'accepta que deux exemplaires de la bible, l'un en grec & l'autre en hébreu; il revint chargé de ces deux livres plus chers à ses yeux que les dignités de la cour de Rome, & il en fit ses delices dans son pays. Trommius, ( Abraham ) a immortalisé son nom par ses concordances flamande & greque de l'ancien testament de la version des Septante. Il est mort en 1719 âgé de quatre vingt-six ans. Schultens, ( Albert ) réunit dans tous ses ouvrages la saine critique à la plus grande érudition. Le dix-huitieme siecle n'a point eu de savant plus versé dans les langues orientales que l'étoit M. Schultens; il a fini ses jours à Leyde en 1741. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROS Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=adject GROS * GROS, adj. ( Gramm. ) terme de comparaison; son correlatif est petit . Il me paroît dans presque tous les cas, s'étendre aux trois dimensions du corps, la longueur, la largeur, & la profondeur, & en marquer une quantité considérable dans le corps appellé gros par comparaison à des corps de la même espece. J'ai dit presque dans tous les cas , parce qu'il y en a où il ne désigne qu'une dimension; ainsi un gros homme est celui dont le corps a plus de diametre que l'homme n'en a communément, relativement à la hauteur de cet homme; alors petit n'est pas son correlatif; il se dit de la hauteur, & un petit homme est celui qui est au-dessous de la hauteur commune de l'homme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROS TOURNOIS Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire des monnoies Part of Speech=NA GROS TOURNOIS GROS TOURNOIS, ( Hist. des monn. ) ancienne monnoie de France en argent, qui fut d'abord faite à bordure de fleurs-de-lis. Les gros tournois succéderent aux sous d'argent; ils sont quelquefois nommés gros deniers d'argent, gros deniers blancs , & même sous d'argent; il n'est rien de si célebre que cette monnoie depuis S. Louis jusqu'à Philippe de Valois, dans les titres & dans les auteurs anciens, où tantôt elle est appellée argenteus Turonensis , tantôt denarius grossus , & souvent grossus Turonensis . Le nom de gros fut donné à cette espece, parce qu'elle étoit alors la plus grosse monnoie d'argent qu'il y eût en France, & on l'appella tournois , parce qu'elle étoit fabriquée à Tours, comme le marque la légende de Turonus civis pour Turonus civitas . Quoique Philippe d'Alsace comte de Flandres, qui succéda à son pere en 1185, eût fait fabriquer avant S. Louis des gros d'argent avec la bordure de fleurs-de-lis, S. Louis passe pour l'auteur des gros tournois de France avec pareille bordure; c'est pourquoi dans toutes les ordonnances de Philippe le Bel & de ses successeurs, où il est parlé de gros tournois , on commence toûjours par ceux de S. Louis: cette monnoie de son tems étoit à onze deniers douze grains de loi, & pesoit un gros sept grains 16/58: il y en avoit par conséquent cinquante-huit dans un marc. Chaque gros tournois valoit douze deniers tournois; de sorte qu'en ce tems-là le gros tournois étoit le sou tournois. Il ne faut pourtant pas confondre ces deux especes; la derniere a été invariable & vaut encore douze deniers, au lieu que le gros tournois a souvent changé de prix. Remarquez d'abord, si vous le jugez à-propos, la différence de l'argent de nos jours à celui du tems de S. Louis; alors le marc d'argent valoit 54 sous 7 den. il vaut aujourd'hui 52 liv. ainsi le gros tournois de S. Louis, qui valoit 12 den. tournois, vaudroit environ 18 s. de notre monnoie actuelle. Remarquez encore que les gros tournois , qui du tems de S. Louis étoient à 11 den. 12 grains de loi, ne diminuerent jamais de ce côté-là; qu'au contraire ils furent quelquefois d'argent fin, comme sous Philippe de Valois, & souvent sous ses successeurs, à 11 den. 15, 16, 17 grains: mais il n'en fut pas de même pour le poids & pour la valeur; car depuis 1343 sous Philippe de Valois, leur poids diminua toûjours, & au contraire leur valeur augmenta; ce qui montre que depuis S. Louis jusqu'à Louis XI. la bonté de la monnoie a toûjours diminué, puisqu'un gros tournois d'argent de même loi, qui pesoit sous Louis XI. 3 den. 7 grains, ne valoit sous S. Louis que 12 den. tournois, & que ce même gros sous Louis XI. ne pesant que 2 den. 18 grains & demi, valoit 34 den. Enfin observez que le nom de gros s'est appliqué à diverses autres monnoies qu'il faut bien distinguer des gros tournois: ainsi l'on nomma les testons grosse capitones; les gros de Nesle ou négelleuses, étoient des pieces de six blancs. Les gros de Lorraine étoient des carolus, &c. mais ce qu'on nomma petits tournois d'argent étoit une petite monnoie qui valoit la moitié du gros tournois: on les appelloit autrement mailles ou oboles d'argent , & quelquefois mailles ou oboles blanches . M. le Blanc, dans son traité des monnoies , vous donnera les représentations des gros tournois pendant tout le tems qu'ils ont eu cours. Au reste cette monnoie eut différens surnoms selon les différentes figures dont elle étoit marquée; on les appella gros à la bordure de lis, gros à la fleur-de-lis, gros royaux, gros à l'O, gros à la queue , parce que la croix qui s'y voyoit avoit une queue; gros à la couronne , parce qu'ils avoient une couronne, &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros, ou Groat Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA Gros Gros , ou Groat , ( Hist. mod. ) en Angleterre signifie une monnoie de compte valant quatre sous. Voyez Sou . Les autres nations, savoir les Hollandois, Polonois, Saxons, Bohémiens, François, &c. ont aussi leurs gros. Voyez Monnoie , Coin , &c. Du tems des Saxons, il n'y avoit point de plus forte monnoie en Angleterre que le sou, ni même depuis la conquête qu'en firent les Normans jusqu'au regne d'Edoüard III. qui en 1350 fit fabriquer des gros , c'est-à-dire de grosses pieces, ayant cours pour 4 den. piece: la monnoie resta sur ce pié-là jusqu'au regne d'Henri VIII. qui en 1504 fit fabriquer le premier les schelins. Voyez Schelin & Groschen . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gros Gros , est aussi une monnoie étrangere qui répond au gros d'Angleterre. En Hollande & en Flandres on compte pai livres de gros , valant six florins chacune. Voyez Livre . Chambers. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Gros Gros , ( Commerce. ) droit d'ardes établi en plusieurs provinces de Fiance: on le nomme droit de gros , parce qu'il se perçoit sur les vins, bierres, cidres, poirés, & eaux-de-vie qui se vendent en gros . Ce droit consiste au vingtieme du prix de la vente de ces liqueurs; on pretend que son établissement est de l'an 1355, sous le regne du roi Jean. Diction. de Commerce . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros Author=unknown Normalized Classification=Pharmacie Part of Speech=NA Gros Gros , ( Pharmacie. ) Voyez Dragme . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gros Gros , ( Marine. ) le gros du vaisseau, c'est l'endroit de sa plus grande largeur vers le milieu; on y met les plus épais bordages, parce que le bâtiment fatigue plus en cet endroit, & qu'il a moins de force que vers l'avant & l'arriere. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros tems Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Gros tems Gros tems , signifie tems orageux, vent forcé , ou tempête . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gros d'Haleine Author=Bourgelat Normalized Classification=Maréchallerie | Manège Part of Speech=NA Gros d'Haleine Gros d'Haleine , ( Manége & Maréchall. ) cheval qui souffle considérablement dans l'action & dans le travail, & dont le flanc néanmoins n'est nullement altéré dans le repos, ni plus agité qu'il ne doit l'être naturellement ensuite d'une course violente. Communément il fournit avec autant de vigueur que si l'on ne pouvoit pas lui reprocher cette incommodité, plus disgracieuse pour le cavalier qui le monte que préjudiciable au service dont l'animal lui peut être. Nous l'attribuons en général à un défaut de conformation: dans ces sortes de chevaux en effet les côtes sont ordinairement plates & serrées, & la capacité du thorax trop peu vaste pour permettre une grande dilatation des poumons; or ce viscere se trouvant gêné dans son expansion & dans son jeu, il n'est pas étonnant que l'animal soit obligé d'inspirer & d'expirer plus fréquemment, sur-tout dans des momens où l'action des muscles hâte & accélere plus ou moins la marche circulaire, & où le cheval est machinalement obligé de faire de continuels efforts pour faciliter le cours du sang dans des canaux qu'il ne sauroit parcourir avec promptitude & avec aisance, dès que l'extension n'est pas telle qu'elle puisse en favoriser le passage. Souvent aussi l'animal est gros d'haleine , attendu l'étroitesse de la glotte, de la trachée artere, & principalement des nasaux, dont il est d'autant plus essentiel que le diametre soit considérable, que la plus grande quantité de l'air inspiré & expiré enfile spécialement leurs cavités; c'est ce qu'il est très-aisé d'observer dans les tems froids & rigoureux; on voit en effet alors que l'espece de nuage résultant des vapeurs condensées des poumons, sort & s'échappe en plus grande partie par cette voie que par la bouche; d'où l'on doit juger de l'inconvénient du resserrement du double canal qui forme les fosses nasales, & de la nécessité de sa largeur & de son évasure, pour l'accomplissement d'une respiration libre & parfaite. L'impossibilité de remédier à un vice qui reconnoît de pareilles causes, est sensible; mais le cheval n'en étant pas moins utile, pourquoi nous plaindrions-nous de notre impuissance? Nous devons cependant faire attention à ce qu'il ne provienne pas d'un polype ( voyez Polype ), ou de la viscosité de l'humeur bronchiale; ce qui n'est pas extraordinaire dans des chevaux gros d'haleine , qui font entendre un rallement produit presque toûjours par les différentes collisions de l'air contre les matieres visqueuses qui tapissent les canaux aériens: dans ce dernier cas, le flanc de l'animal n'est point aussi tranquille, & il est fort à craindre qu'il ne devienne poussif, si l'on n'a recours promptement aux médicamens incisifs, atténuans, & fondans, tels que la poudre du lierre terrestre, de racine de meum, d'énula campana, d'iris de Florence, de cloportes, d'éthiops minéral, d'acier, ou de plumbum ustum, &c. qu'il est très-à-propos de lui donner exactement tous les matins & à jeun dans une jointée d'avoine. Voyez Pousse . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROS-DE-TOURS, & GROS-DE-NAPLES Author=Diderot Normalized Classification=Manufacture en soie Part of Speech=NA GROS-DE-TOURS, & GROS-DE-NAPLES * GROS-DE-TOURS, & GROS-DE-NAPLES, s. m. ( Manufacture en soie. ) étoffe de soie, dont la chaine & la trame sont plus fortes qu'au taffetas. La différence du gros-de-Tours & du gros-de-Naples consiste en ce que la trame & la chaine de celui-ci sont encore plus fortes qu'au gros-de-Tours , ce qui lui donne un grain plus saillant. Il y en a d'unis, de rayés, de façonnés, de brochés en soie, & en dorure. Ceuxci ne different du taffetas, qu'en ce qu'au lieu de deux coups de navette qu'on passe au taffetas entre les lacs broches, on n'en passe qu'un ici; mais en revanche la trame en doit être d'autant plus grosse, n'y ayant qu'une duie ou un croisé entre les brochés, au lieu qu'il y en a deux au taffetas. Le liage doit aussi différer. Il le faut prendre sur chaque lisse, c'est-à-dire de 4 le 5, afin qu'à chaque coup de navette, on puisse taire baisser la lisse sur laquelle se trouvent les fils qui doivent lier. A nsi dans l'ordre du remettage, la premiere lisse fournira le fil de la premiere lisse de liage; la seconde, celui de la seconde de liage, & ainsi des deux autres. Si l'on veut commencer à lier par la premiere lisse, pour éviter la contrariété, on fera lever la seconde & la quatrieme au premier coup; au second coup, où la seconde lisse de liage doit baisser, on fera lever la premiere & la troisieme; au troisieme coup, où la troisieme lisse de liage doit baisser, on fera lever la seconde & la quatrieme; & au quatrieme & dernier coup du course, où la quatrieme lisse de liage doit baisser, on fera lever la premiere & la troisieme lisse. Il ne faut pas oublier que dans les taffetas & gros-de-Tours façonnés ou à la tire, les fils sont doubles à chaque maille, & passés comme dans les satins brochés; mais comme ces étoffes levent la chaîne moitié par moitié, & qu'il y auroit à craindre que les fils de dessous ne suivîssent ceux de dessus, ou qui levent, on a soin de mettre à ces étoffes autant de lisses pour rabattre, que de lisses pour lever, c'est-à-dire quatre de chaque façon; de maniere que quand la premiere lisse & la troisieme levent, on a soin de faire baisser la seconde & la quatrieme: ce qui fait que l'ouverture est nette & que l'étoffe vient parfaite. Pareillement quand on fait lever la seconde & la quatrieme, on fait baisser la premiere & la troisieme. Voici l'armure du gros-de-Tours broché à l'ordinaire . On fait aussi des gros-de-Tours dans lesquels on ne fait point baisser de lisses de rabat au coup de fond: parce qu'on tire un lac qui fait une figure ordinairement délicate, & qui ne paroîtroit pas, si on faisoit rabattre la moitié; elle ne formeroit pour lors que le gros-de-Tours ordinaire, comme si on ne tiroit point du-tout: au lieu que le rabat ne baissant point, cette figure embellit le fond. Il faut pour ce genre d'étoffe une soie très-belle, afin que les fils qui ne levent point, ne suivent pas en partie ceux qui levent. C'est la même démonstration pour le taffetas façonné que pour le gros de-Tours , avec cette différence qu'au taffetas façonné, au lieu de commencer le liage par la quatrieme lisse, il faudroit le commencer par la premiere, afin d'éviter la contrariété des mouvemens dont on a parlé ci-dessus, & contre laquelle on ne peut trop se mettre en garde. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSCHEN ou GROS Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GROSCHEN ou GROS GROSCHEN ou GROS, s. m. ( Commerce. ) monnoie usitée dans quelques parties de l'Allemagne. Il y en a de plusieurs especes. Le gros ou groschen de Saxe fait quatre dreyers, & il faut 24 groschen pour faire un écu d'Empire, qui vaut environ 3 liv. 15 s. argent de France. Le groschen ou gros impérial vaut 3 kreutzers; il en faut 30 pour faire un écu d'Empire. Le gros appellé en allemand marien-groschen , est une monnoie d'argent usitée dans les duchés de Brunswik & de Lunebourg, dont il faut 36 pour faire un écu d'Empire. Cette monnoie a cours aussi dans les états du roi de Prusse. Le gros ou groschen de Pologne ne vaut qu'un kreutzer: il en faut 90 pour faire un écu d'Empire, ou 3 liv. 15 s. de France. Hubner, dictionnaire géographique. Voyez Kreutzer , &c . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSEILLE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GROSEILLE GROSEILLE, s. f. fruit du groselier. Il y en a de rouges & de blanches. Voyez Groselier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Groseille rouge Author=Venel Normalized Classification=Chimie | Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=NA Groseille rouge Groseille rouge , ( Chimie, Pharmac. & Mat. med. ) ce fruit contient un suc aigrelet fort agréable au goût & legerement parfumé, qui appartient à la classe des corps doux végétaux dont il occupe une division caractérisée par l'excès d'acide avec le citron, l'orange, l'épine-vinette, &c. Voyez Doux & Muqueux . Le suc de groseille un peu rapproché par le feu, ou mêlé d'un peu de sucre, acquiert facilement la consistence de gelée: on en obtient une belle, tremblante, & de garde, en le mêlant au sucre à parties égales; ensorte qu'on ne conçoit point comment on pourroit en préparer un sirop qui demanderoit qu'on employât une plus grande quantité de sucre, & que le mêlange restât cependant sous une consistence liquide. On peut donc avancer sans témérité que le sirop de groseille qu'on trouve au rang des compositions officinales dans plusieurs pharmacopées, est une préparation impossible, du moins si on employe le suc récent; car l'on peut aisément préparer un sirop avec ce suc altéré par la fermentation acéteuse qui est la seule dont il soit susceptible. Voyez Muqueux & Vin . Mais alors on a un sirop de vinaigre plûtôt que de groseille. Voyez Vinaigre . On peut employer l'acide de la groseille comme celui de l'épine-vinette à saturer les alkalis terreux, tels que le corail, les yeux d'écrevisse, &c. Voyez Corail , voyez aussi Yeux d'écrevisse . On prépare un rob avec ce suc, mais on le conserve plus ordinairement sous la forme de gelée. Voyez Rob & Gelée . Ce suc étendu de trois ou quatre parties d'eau & édulcoré avec suffisante quantité de sucre, est connu sous le nom d' eau de groseille . Le goût agréable de cette boisson l'a fait passer de la boutique de l'apotiquaire à celle du limonadier: comme la gelée a cessé bien-tôt d'être un remede officinal pour devenir une confiture très-agréable qu'on sert journellement sur les meilleures tables, & dont les bons bourgeois du vieux tems font seuls un remede domestique. Cette gelée est un excellent analeptique; elle convient très-bien dans les convalescences des maladies aiguës, & sur-tout après les siévres putrides & bilieuses; elle fournit un aliment leger, tempérant, & véritablement rafraîchissant. Voyez Tempérant & Rafraîchissant . L'eau de groseille prise à grandes doses est rafraîchissante & humectante; elle convient dans les chaleurs d'entrailles, les coliques bilieuses & néphrétitiques, certaines diarrhées ( voyez Diarrhée ), les digestions fongueuses, & toutes les autres incommodités comprises sous le nom général d' échauffement. Voyez Echauffement . Cette boisson est absolument analogue avec la limonade. Voyez Citron & Limonade . On peut la donner pour boisson ordinaire dans certaines fievres ardentes & putrides; mais dans ce cas, il faut la faire très-legere, & l'employer avec beaucoup de circonspection, principalement lorsqu'on craint l'inflammation des visceres du bas-ventre. Il ne faut point donner de l'eau de groseille aux personnes qui ont l'estomac foible, facile à être agacé, ni à ceux qui sont sujets aux rhumes, à la toux, & qui ont la poitrine délicate; car selon une observation constante, les acides affectent particulierement ces organes, & excitent la toux tant pectorale que stomacale. Geoffroy rapporte, d'après Hanneman cité par Donat, lib. II. Medic. septentrions. que l'usage trop continué des groseilles a causé la consomption; & d'après George Hannaeus, qu'un homme étoit attaqué de l'enchifrenement aussi-tôt qu'il avoit avalé deux grappes de groseilles rouges. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSEILLIER-ÉPINEUX Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GROSEILLIER-ÉPINEUX GROSEILLIER-ÉPINEUX, s. m. ( Botaniq. ) bas arbrisseau dont toutes les tiges sont armées d'épines, & qui porrent des baies séparées les unes des autres; ce genre de plante renferme sous deux especes générales, l'une sauvage, qui vient parmi les buissons dans la campagne, ou en forme de haies: & l'autre cultivée dans un grand nombre de jardins. Ces deux especes générales contiennent en outre plusieurs especes particulieres; mais il suffira de caractériser la plante. Ses feuilles sont laciniées ou déchiquetées; ses fleurs sont à cinq pétales; toute la plante est garnie d'épines; le fruit croît épars sur l'arbre, qui n'a d'ordinaire sur chaque bouton de ses tiges qu'un seul fruit, lequel est d'une figure ovalaire ou sphérique, renfermant plusieurs petites graines environnées d'une pulpe molle. Ses noms botaniques sont grossularia ou uva, crispa , Park. théat. 1560. Ger. 1. 143. J. B. 147. Raii, hist 1484. grossularia simplici acino, spinosa sylvestris , C. B. P. 455. Tourn. inst. 639. Boerh. ind. alt. 2. 153 . En françois le groseillier-blanc-épineux , dont le fruit s'appelle groseille-blanche-épineuse , en anglois, the goose-berry tree . Cet arbrisseau est haut de deux coudées & plus; sa racine est ligneuse, garnie de quelques fibres; ses tiges sont nombreuses, & se partagent en plusieurs rameaux; son écorce est purpurine dans les vieilles branches, blanchâtre dans les jeunes; son bois est de couleur de boüis pâle; il est garni de longues & fortes épines près de l'origine des feuilles; quelquefois les épines sont seules à seules; d'autres fois elles sont deux à deux, ou trois à trois. Ses feuilles sont larges d'un doigt, quelquefois arrondies, legerement découpées, semblables en quelque façon à celles de la vigne, d'un verd foncé, luisantes en-dessus, d'un verd plus clair en-dessous, molles, un peu velues, acidules, & portées sur de courtes queues. Ses fleurs sont petites, d'une odeur suave, mais un peu forte; elles naissent plusieurs ensemble du même tubercule d'où sortent les feuilles, sur un pédicule très-court, rougeâtre, velu. Elles sont pendantes, faites en rose, composées de cinq pétales placées en rond, d'un verd blanchâtre; leur calice est d'une seule piece, en forme de bassin, partagé en cinq segmens rouges des deux côtés, réfléchis en-dehors; elles ont cinq étamines, & un pistil verdâtre, garni à sa partie inférieure d'un duvet blanc. La partie postérieure du calice est comme sphérique; elle se change en une baie sphérique ou ovalaire, quelquefois velue, le plus souvent lisse, molle, pleine de suc, marquée d'un nombril, distingué par plusieurs lignes qui s'étendent depuis le pédicule jusqu'au nombril, & qui sont comme autant de méridiens. Cette baie est de couleur verte, dans le commencement acide & austere au goût, jaunâtre quand elle est mûre, d'une saveur douce & vineuse, remplie de plusieurs petites graines blanchâtres. Cet arbrisseau vient de lui-même en France, presque par-tout, & n'est pas moins fréquent en Allemagne & en Angleterre. Mais on le cultive dans ce dernier pays, de même qu'en Hollande, où ses feuilles & ses baies deviennent plus grandes. Alors on l'appelle groseillier épineux cultivé. Les Botanistes l'ont nommé grossularia spinosa sativa , C. B. P. 455. J. R. H. 639. grossularia majore fructu , Clus. Hist. 120. uva crispa fructu cerasi magnitudine . Gesn. hort . On ne fait usage que des fruits du groseillier-épineux , soit sauvage , soit cultivé . On les mange verds ou mûrs. Dans leur maturité ils ont une saveur un peu douce, mais fade. Quand ils sont verds, ils sont acides, austeres, rafraîchissans, & astringens. On s'en sert quelquefois à la place de verjus; ils sont agréables aux personnes qui ont du dégoût pour toutes sortes de nourriture alkaline, & alors ils appaisent les nausées & les maux de coeur qui proviennent d'une bile prédominante; mais si l'on en abuse, ils sont flatulenteux, & nuisent aux estomacs foibles. Il s'en consomme une grande quantité en Hollande & en Angleterre; & on ne voit à Londres pendant la saison de ces fruits dans les boutiques de pâtissier, que des gooseberries-pyes; il faut convenir que ce fruit est utile pour tempérer l'acrimonie muriatique & alkaline de la nourriture angloise. En France, il n'y a que les enfans, les femmeletes, ou les gens de la campagne qui en mangent. Ce fruit étant mou dans sa maturité avec une douceur fade, se corrompt. promptement dans l'estomac, & n'est plus astringent comme quand il est verd. On n'en use guere en Medecine, excep é quelquefois dans les tisannes, pour rafraichir & ranimer le ton des fibres du ventricule. Les Anglois, au rapport de Ray, font du vin des fruits mûrs du groseillier épineux . Ils les mettent dans un tonneau, & répandent de l'eau bouillante dessus; ils bouchent bien le tonneau, & le laissent dans un lieu tempéré pendant trois ou quatre semaines, jusqu'à ce que la liqueur soit imprégnée du suc & de l'esprit de ces fruits, qui restent insipides. Ensuite on verse cette liqueur dans des bouteilles: on y jette du sucre, on les bouche bien, & on les laisse jusqu'à ce que la liqueur mêlée intimement avec le sucre par la fermentation, se soit changée en une liqueur pénétrante, & assez semblable à du vin. Miller compte neuf especes de groseilliers-épineux cultivés en Angletetre, auxquels il faut ajoûter le groseillier-épineux de l'Amérique que nous nous contenterons de décrire. Ses tiges sont jaunes, rondes, deux fois grosses comme le pouce, & hérissées de petites étoiles piquantes, si près les unes des autres, qu'il est presque impossible de les prendre sans se blesser. Ses feuilles sont petites, de la largeur de la filaria, mais un peu plus longues, & de deux fois plus épaisses. Au haut de ses tiges croissent des bouquets de fleurs blanches comme neige, toutes semblables aux roses de Gueldre. A leur chûte succedent des fruits gros comme des oeufs de pigeon, de couleur jaune quand ils sont bien mûrs. Il sort de l'écorce du fruit cinq ou six petites feuilles pointues & fort étroites. Le dedans du fruit est assez semblable à celui des groseilles, mais d'un mauvais goût. Les botanistes qui ont nommé le groseillier-épineux uva crispa simplici acino , l'ont fort bien désigné; 1°. parce que son fruit ressemble au raisin, & qu'il est velu; 2°. parce que ce fruit vient en grains ou baies séparées, & non pas en grappe. Pour le nom de grossularia , j'en ignore l'origine: car celle qu'on donne à cute grossà , de sa peau grosse ou épaisse, est aussi pitoyable que barbare. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Groseillier-épineux Author=Jaucourt Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Groseillier-épineux Groseillier-épineux , ( Jardin. ) cet arbrisseau cultivé se met ordinairement en France dans un lieu écarté du jardin. Il n'est point d'une nature délicate, & pourvû qu'on l'entretienne de tems en tems par un labour, il vient également bien dans toute sorte de terre. Les labours lui sont nécessaires, parce que portant successivement une nouvelle nourriture à leurs racines, ils procurent un fruit plus beau, plus gros, & d'un meilleur goût. Tous les groseilliers-épineux chargent extrèmement, & quoique leur bois soit d'un génie assez retenu, pour peu qu'il s'échappe, on prend soin de l'arrêter avec des ciseaux. Ils rapportent beaucoup, & produisent autour de leurs vieux piés un grand nombre de rejettons enracinés, qui servent à les multiplier; outre que les branches, & particulierement les jeunes prennent de bouture. On les plante en rigole ainsi qu'on fait une haie vive, au mois de Septembre ou de Mars, & on les espace de six à huit piés; c'est à-peu-près-là toute la façon que nous y employons dans ce royaume. Mais comme les Anglois font une consommation prodigieuse des baies de cet arbuste, les jardiniers de Londres pour pourvoir à cette consommation, & profiter en même tems de leur terrein, qui est très cher, taillent leurs groseilliers-épineux après la Saint-Michel, bechent la terre qui est entre chaque arbrisseau, & y plantent tels légumes que le débit en soit fait au printems: saison où leurs groseilliers-épineux commencent à pousser. Au moyen de cette méthode ingénieuse, qu'on peut appliquer à d'autres points d'Agriculture dans tous les lieux où le terrein est précieux & borné, ils ne portent aucun préjudice à leurs autres arbres, & ils se servent même de cette ressource pour mettre à l'abri du grand froid des légumes qui périroient ailleurs, & dont ils tirent en outre un profit considérable. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Groseillier, ou Groseillier a grappes Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA Groseillier Groseillier , ou Groseillier a grappes , ( Botanique. ) en anglois, the currant-tree , & par les Botanistes, ribes , ou ribes vulgaris non spinosa . Voici ses caracteres: c'est un arbrisseau sans piquans, à larges feuilles; son pédicule se termine par un ovaire couronné d'un calice divisé en cinq segmens; sa fleur est pentapétale, & est garnie de cinq étamines; l'ovaire donne un tuyau qui forme un fruit long en ombilic figuré en grappes, & plein de petits pepins. On compte plusieurs especes de groseilliers à grappes , dont la plus commune qu'il suffira de décrire dans cet ouvrage, est le ribes vulgaris acidus, ruber , de J. Bauhin, Boerhaave, Gérard, Ray, Parkinson, &c . Il a ses racines branchues, fibreuses, & astringentes; ses tiges ou verges sont nombreuses, pliantes, & flexibles, hautes de deux ou de trois coudées, couvertes d'une écorce brune ou cendrée; leur bois est verd, & renferme beaucoup de moëlle; ses feuilles sont semblables à celles de la vigne, mais beaucoup plus petites, molles, sinuées, d'un goût acerbe, d'un verd foncé en-dessus, lisses, blanchâtres, & couvertes en-dessous de duvet; ses fleurs sont par grappes, disposées en rose, composées de cinq pétales purpurins en maniere de coeur. Elles naissent des crenelures du calice, qui est en forme de bassin découpé en cinq segmens, dont la partie postérieure se change en une baie ou grain verd d'abord, rouge ou blanc quand il est mûr, large de deux lignes, sphérique, rempli d'un suc acide, agréable, & de plusieurs petites semences. Cet arbrisseau vient en France, par exemple, dans les forêts des Alpes & des Pyrénées. On le cultive communément dans les jardins & dans les vergers. Il fleurit en Avril & Mai; son fruit est mûr en Juin & Juillet. On le mange & on s'en sert en Medecine. Voyez Groseilille . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Groseillier Author=Jaucourt Normalized Classification=Agriculture | Jardinage Part of Speech=NA Groseillier Groseillier , ribes , ( Agric. Jard. ) il réussit mieux de bouture que de plan; mais quand il a bien repris, il ne faut pas couper le bout des branches, ni les arrêter, à-moins que ces branches ne nuisent. On peut aisément multiplier les groseilliers en plantant leurs rejettons en Octobre, en les arrosant dans la sécheresse, & en les garantissant des mauvaises herbes. La terre sablonneuse est celle de toutes qui leur convient le mieux; & pour que les groseilles deviennent belles, il est bon d'amender & de labourer le terrein: ensuite il sera nécessaire de renouveller cet arbuste tous les dix ans, parce qu'au bout de ce terme il ne donne que des petits fruits, & ne fait plus de beau bois. On plante communément ces arbrisseaux à l'ombre d'autres arbres: cependant dans nos climats tempérés, le fruit est tout autrement meilleur, quand on les expose en plein air: méthode qui se pratique en Hollande, le pays de l'Europe où l'on entend le mieux la culture du groseillier , & où l'on en voit davantage; c'est-là qu'on les diversifie de toutes manieres: on les met en buisson, on les tient en arbrisseaux, auxquels on donne un à deux piés de tige; on les attache à des échalas, on les range par allées, on les éleve en espaliers contre des murs ou palissades, à six ou sept piés de hauteur, & finalement on en fait des contr'espaliers; à tous ces égards ils offrent une charmante perspective dans la saison, & fournissent en abondance un fruit recherche par sa beauté, sa grosseur, sa qualité, & son éclat. Pour mettre en buisson les groseilliers avec profit, il faut les planter à une distance convenable les uns des autres, & leur donner deux ou trois labours tous les ans. Le groseillier en buisson demande une forme ronde & bien évuidée dans le dedans; sa tige doit être touffue par le bas, plus ou moins grosse, & les branches doivent sortir du pié pour former le corps de ce buisson. On ne les taille point les deux premieres années, afin de conserver le jeune bois qui donne du fruit, mais on ne négligera pas de les tailler les années suivantes: car autrement par la confusion des branches qui passeroient, le groseillier ne seroit plus agréable à la vûe, ne joüiroit plus des rayons du soleil, & ne produiroit plus d'aussi beaux fruits. Les groseilliers plantés en alignement par rangées, requierent quatre piés d'espace d'un rang à l'autre, & environ dix piés entre chaque groseillier . La distance qu'ils doivent avoir en espaliers sera de huit piés, afin que leurs branches puissent être traînées horisontalement, ce qui contribue beaucoup à améliorer leurs fructifications. Ceux qu'on plante contre des murs ou des palissades, sont plus précoces qu'en plein vent, & en outre donnent leurs fruits mûrs quinze jours plûtôt ou plus tard, suivant leur exposition au midi ou au nord. La bonne maniere de tailler les groseilliers , est de couper les branches fort courtes, afin d'avoir l'annee suivante un fruit gros, nourri, & moins sujet à couler; mais comme ce fruit est produit sur les petits noeuds qui sortent du vieux bois, il faut conserver ces noeuds, & racourcir les jeunes rejettons à proportion de leur force; il est donc très-essentiel en taillant le groseillier , de ne point toucher à ces noeuds pour les rendre unis. Les groseilliers ne tirent pas seulement leur mérite de donner du fruit promptement, mais encore de produire un fruit durable, & qu'on peut manger jusqu'aux gelées, en mettant des plans de groseilliers à l'ombre entre deux buissons assez grands pour qu'ils soient moins frappés du soleil. Si l'ombrage de ces buissons ne suffit pas, on peut empailler les groseilliers , & par ce moyen conserver les groseilles fort avant dans la saison. Quant aux fourmis, qui sont les ennemis de cet arbuste, il faut tâcher de les détruire avec de l'eau bouillante, ou par quelqu'un des artifices indiqués au mot Fourmiliere . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Groseillier noir Author=unknown Normalized Classification=Matière médicale Part of Speech=NA Groseillier noir Groseillier noir , ( Mat. med. ) Voyez Cassis . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSA, Isola Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROSSA, Isola GROSSA, Isola , ( Géog. ) ile de la Dalmatie dans le golphe de Venise au comté de Zara, d'environ 20 lieues de circuit. Elle appartient aux Vénitiens. Long. 32 d . 33'. 6". latit. 44 d . 4'. 25". ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROSSEN GROSSEN, ( Géog. ) ville d'Allemagne dans la Silésie, avec titre de duché. Elle est au confluent du Bober & de Loder, à 16 lieues N. O. de Glogaw, 10 S. E. de Francfort sur l'Oder. Long. 32. 58. latit. 52. 2. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GROSSE GROSSE, s. f. ( Jurisprud. ) est une expédition d'un acte public, comme d'un contrat, d'une requête, d'une sentence ou arrêt. Dans les contrats, inventaires, procès-verbaux & jugemens, la grosse est la premiere expédition tirée sur la minute qui est l'original; au contraire pour les requêtes, inventaires de production, & autres écritures, la grosse est l'original, & la copie est ordinairement plus minutée. On appelle grosse ces sortes d'expéditions, parce qu'elles sont ordinairement écrites en plus gros caracteres que la minute ou copie. Voyez ce caractere dans les Planches de l'écrivain . En fait de contrats & de jugemens on n'appelle grosse que la premiere expédition qui est en forme exécutoire. Dans un ordre il faut rapporter la premiere grosse de l'obligation dont on demande le payement, si la premiere est perdue on en peut faire lever une seconde, en le faisant ordonner avec les parties intéressées; mais en ce cas on n'est colloqué que du jour de la seconde grosse , parce que l'on présume que la premiere pourroit être quitancée: au parlement de Normandie, le créancier ne laisse pas d'être colloqué du jour de l'obligation. Voyez l'art. 119. du reglement de 1660 . Dans quelques pays on ne connoît point de forme particuliere pour les grosses des contrats & sentences: on dit premiere & seconde expédition . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grosse Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA Grosse Grosse , ( Commerce. ) c'est un compte de douze douzaines, c'est-à-dire de douze fois douze, qui font cent quarante-quatre, une demi-grosse est six douzaines ou la moitié d'une grosse . Il y a quantité de marchandises que les marchands grossiers manufacturiers & ouvriers vendent à la grosse , comme les boutons de soie, fil & poil, les couteaux de table, & ceux à ressort, les ciseaux à lingeres & à tailleurs, les limes, les vrilles, les écritoires, les peignes, dez à coudre, & plusieurs autres ouvrages de quincaillerie & de mercerie: comme aussi le fil à marquer, les rubans de fil, &c. Dictionn. du Comm. & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grosse-Avanture Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. Grosse-Avanture Grosse-Avanture , s. f. ( Jurisprud. ) qu'on appelle aussi contrat à la grosse , ou contrat à retour de voyage , & que les Jurisconsultes appellent trajectitia pecunia , est un prêt que l'on fait d'une somme d'argent à gros intérêt, comme au denier quatre, cinq, six, ou autres qui excede le taux de l'ordonnance, à quelqu'un qui va trafiquer au-delà des mers, à condition que si le vaisseau vient à périr, la dette sera perdue. Ces contrats sont admis en France nonobstant le chapitre dernier aux décrétales de usuris , dont la décision n'a point été suivie par nos théologiens. Ils sont aussi autorisés par l'ordonnance de la Marine, liv. III. tit. v. La raison qui fait qu'on ne les regarde pas comme usuraires, est tant par rapport aux gains considérables, que peut faire celui qui emprunte pour le commerce maritime, qu'à cause du risque que court le créancier de perdre son argent: c'est d'ailleurs une espece de société dans laquelle le créancier entre avec celui auquel il prête. Les contrats à grosse avanture peuvent être faits devant notaire ou sous seing-privé. L'argent peut être prêté sur le corps & quille du vaisseau, sur agrêts & apparaux, armement & victuailles, conjointement & séparément, & sur le tout ou partie de son chargement pour un voyage entier, ou pour un tems limité. Il n'est pas permis d'emprunter sur le navire ou sur le chargement au-delà de leur valeur, à peine d'être contraint en cas de fraude au payement des sommes entieres, nonobstant la perte ou prise du vaisseau. Il est aussi défendu sous même peine, de prendre des deniers sur le fret à faire par le vaisseau & sur le profit espéré des marchandises, même sur les loyers des matelots, si ce n'est en présence & du consentement du maitre, & au-dessous de la moitié du loyer. On ne peut pareillement donner de l'argent à la grosse , aux matelots sur leurs loyers ou voyages, sinon en présence & du consentement du maitre, à peine de confiscation du prêt & de 50 liv. d'amende. Les n'aîtres sont responsables en leur nom du total des sommes prises de leur consentement par les matelots si elles excedent la moitié de leurs loyers, & ce nonobstant la perte ou prise du vaisseau. Le navire, ses agrêts & apparaux, armement & victuailles, même le fret, sont affectés par privilége au principal & intérêt de l'argent prêté sur le corps & quille du vaisseau pour les nécessités un voyage, & le chargement au payement des deniers pris pour le faire. Ceux qui prêteront à la grosse au maître dans le lieu de la demeure des propriétaires, sans leur consentement, n'auront hypotheque ni privilége que sur la portion que le maître pourra avoir au vaisseau & au fret, quoique les contrats fussent causés pour radoub ou victuailles de bâtiment. Mais les parts & portions des portions des propriétaires qui auroient refusé de contribuer pour mettre le bâtiment en état, sont affectées aux deniers pris par les maîtres pour radoub & victuailles. Les deniers laissés pour renouvellement ou continuation, n'entrent point en concurrence avec ceux qui sont actuellement fournis pour le même voyage. Tous contrats à la grosse demeurent nuls par la perte entiere des effets sur lesquels on a prêté, pourvû qu'elle arrive par cas fortuit dans le tems & dans les lieux des risques. Les prêteurs à la grosse contribuent à la décharge des preneurs aux grosses avaries, comme rachats, compositions, jets, mâts & cordages coupés pour le salut commun du navire & des marchandises, & non aux simples avaries ou dommages particuliers qui leur pourroient arriver, s'il n'y a convention contraire. En cas de naufrage les contrats à la grosse sont réduits à la valeur des effets sauvés. Lorsqu'il y a contrat à la grosse , & assûrance sur un même chargement, le donneur à la grosse est préféré aux assureurs sur les effets sauvés du naufrage pour son capital seulement. Il y a encore plusieurs regles pour ces contrats, que l'on peut voir dans l'ordonnance. Voyez aussi la loi 4. ff. de nautico foenore , & la loi 1. cod. codem . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSESSE Author=unknown Normalized Classification=Economie animale. Médecine Part of Speech=s.f. GROSSESSE GROSSESSE, s. f. ( Econom. anim. Medec. ) c'est le terme ordinaire que l'on employe pour désigner l'état d'une femme enceinte, c'est-à-dire d'une femme dans laquelle s'est opérée l'ouvrage de la conception, pour la production d'un homme, mâle ou femelle, quelquefois de deux, rarement d'un plus grand nombre. On entend aussi par le terme de grossesse , le tems pendant lequel une femme qui a conçu, porte dans son sein l'effet de l'acte de la génération, le fruit de la fécondation; depuis le moment où la faculté prolifique a été réduite en acte, & où toutes les conditions requises de la part de l'un & de l'autre sexe, concourent dans la femme, & commencent à y jetter les fondemens du foetus, jusqu'à sa sortie. Il suffit pour caractériser la grossesse , que ce qui est engendré prenne accroissement ou soit présumé pouvoir le prendre (dans les parties qui sont susceptibles de le contenir, mais ordinairement dans la matrice, rarement dans les trompes, & hors des parties de la génération), au point de procurer au bas-ventre une augmentatien de volume, de le rendre plus renflé, plus gres, qu'il n'est ordinairement. Ainsi il n'y a pas moins grossesse , soit que le germe reste parfait, ou qu'il devienne imparfait dans sa formation, dans son développement, & dans celui de ses enveloppes: les cas où il ne se forme que des monstres, des moles, de faux-germes, qui prennent néanmoins un certain accroissement, constituent toûjours de vraies grossesses . L'état où les germes restent enfermés, se nourrissent & croissent dans le sein des femelles de tous les animaux vivipares, comme dans l'espece humaine, a beaucoup de rapport avec l'incubation des ovipares; il peut être regardé lui-même comme une veritable incubation qui se fait au-dedans du corps des femelles pour la même fin que celle des ovipares se fait au-dehors. Le foetus humain, comme celui de tous les vivipares, prend son accroissement dans le ventre de sa mere pour acquérir des forces, qui lui donnent le moyen d'en sortir, & de pouvoir subsister hors d'elle, d'une maniere convenable aux dispositions qu'il a acquises; de même que le poulet couvé dans l'oeuf, s'y nourrit & y grossit, jusqu'à ce qu'il soit assez fort pour en sortir & pour travailler ultérieurement à sa nourriture & à son accroissement d'une maniere proportionnée à ses forces. Voyez Génération , Foetus , Incubation L'exposition de ce qui se passe pendant la grossesse , n'étant donc que l'histoire de la formation du foetus humain, de son développement, de la maniere particuliere dont il vit, dont il se nourrit, dont il croît dans le ventre de sa mere, & dont se font toutes ces différentes opérations de la nature à l'égard de l'un & de l'autre; c'est proprement l'histoire du foetus même qu'il s'agiroit de placer ici, si elle ne se trouvoit pas suffisamment détaillée en son lieu. Voyez Foetus . Ainsi il ne reste à traiter dans cet article, que des généralités de la grossesse , & de ce qui y est relatif; savoir, des signes qui l'annoncent, de sa durée, des causes qui en déterminent les différens termes naturels & contre-nature; & ensuite du régime qu'il convient aux femmes d'observer pendant la grossesse , des maladies qui dépendent de cet état, & de la cure particuliere dont elles sont susceptibles. Cela posé, entrons en matiere, suivant l'ordre qui vient d'être établi. Des signes de la grossesse . Quelques auteurs, dit M. de Buffon dans son histoire naturelle, tom. IV. en traitant de l'homme; quelques auteurs ont indiqué deux signes pour reconnoître si une femme a conçu. Le premier est un saisissement ou une sorte d'ébranlement qu'elle ressent dans tout le corps au moment de la conception, & qui dure même pendant quelques jours. Le second est pris de l'orifice de la matrice, qu'ils assûrent être entierement fermé après la conception. Mais ces signes sont au-moins bien équivoques, s'ils ne sont pas imaginaires. Le saisissement qui arrive au moment de la conception est indiqué par Hippocrate dans ces termes: liquidò constat earum rerum peritis, quod mulier, ubi concepit, statim inhorrescit ac dentibus stridet, & articulum reliquumque corpus convulsio prehendit: c'est donc une sorte de frisson que les femmes ressentent dans tout le corps au moment de la conception, selon Hippocrate; & le frisson seroit assez fort pour faire choquer les dents les unes contre les autres, comme dans la fievre. Galien explique ce symptome par un mouvement de contraction ou de resserrement dans la matrice; & il ajoûte que des femmes lui ont dit qu'elles avoient eu cette sensation au moment qu'elles avoient conçu. D'autres auteurs l'expriment par un sentiment vague de froid qui parcourt tout le corps, & ils employent aussi les mots d' horror & d' horripilatio . La plûpart établissent ce fait, comme Galien, sur le rapport de plusieurs femmes. Ce symptome seroit donc un effet de la contraction de la matrice qui se resserreroit au moment de la conception, & qui fermeroit par ce moyen son orifice, comme Hippocrate l'a exprimé par ces mots, quoe in utero gerunt, harum os uteri clausum est; ou, selon un autre traducteur, quoecumque sunt gravidae, illis os uteri connivet . Cependant les sentimens sont partagés sur les changemens qui arrivent à l'orifice interne de la matrice après la conception: les uns soûtiennent que les bords de cet orifice se rapprochent, de façon qu'il ne reste aucun espace vuide entre eux; & c'est dans ce sens qu'ils interpretent Hippocrate: d'autres prétendent que ces bords ne sont exactement rapprochés qu'après les deux premiers mois de la grossesse; mais ils conviennent qu'immédiatement après la conception l'orifice est fermé par l'adhérence d'une humeur glutineuse; & ils ajoûtent que la matrice qui hors de la grossesse pourroit recevoir par son orifice un corps de la grosseur d'un pois, n'a plus d'ouverture sensible après la conception; & que cette différence est si marquée, qu'une sage-femme habile peut la reconnoître. Cela supposé, on pourroit donc constater l'état de la grossesse dans les premiers jours. Ceux qui sont opposés à ce sentiment, disent que si l'orifice de la matrice étoit fermé après la conception, il seroit impossible qu'il y eût de superfétation. On peut répondre à cette objection, qu'il est très possible que la liqueur séminale pénetre à-travers les membranes de la matrice; que même la matrice peut s'ouvrir pour la superfétation, dans certaines circonstances, & que d'ailleurs les superfétations arrivent si rarement, qu'elles ne peuvent faire qu'une legere exception à la regle générale. D'autres auteurs ont avancé que le changement qui arriveroit à l'orifice de la matrice, ne pourroit être marqué que dans les femmes qui auroient déjà mis des enfans au monde, & non pas dans celles qui auroient conçu pour la premiere fois: il est à croire que dans celles-ci la différence doit être moins sensible; mais quelque grande qu'elle puisse être, en doit-on conclure que ce signe est réel & certain? Ne faut-il pas du-moins avoüer qu'il n'est pas assez évident? L'étude de l'anatomie & de l'expérience ne donnent sur ce sujet que des connoissances générales, qui sont fautives dans un examen particulier de cette nature. Il en est de même du saisissement ou du froid convulsif, que certaines femmes ont dit avoir ressenti au moment de la conception. Comme la plûpart des femmes n'éprouvent pas le même symptome, que d'autres assûrent au contraire avoir ressenti une ardeur brûlante, causée par la chaleur de la liqueur séminale du mâle, & que le plus grand nombre avoue n'avoir rien senti de tout cela, on doit en conclure que ces signes sont très-équivoques, & que lorsqu'ils arrivent c'est peut-être moins un effet de la conception, que d'autres causes qui paroissent plus probables. A ce qui vient d'être dit des signes de la grossesse , M. de Buffon ajoûte un fait qui prouve que l'orifice de la matrice ne se ferme pas immédiatement après la conception, ou bien que s'il se ferme, la liqueur séminale du mâle ne laisse pas de pouvoir entrer dans la matrice, en pénétrant à-travers le tissu de ce viscere. Une femme de Charles-Town, dans la Caroline méridionale, accoucha en 1714 de deux jumeaux, qui vinrent au monde tout-de-suite l'un après l'autre; il se trouva que l'un étoit un enfant negre, & l'autre un enfant blanc; ce qui surprit beaucoup les assistans. Ce témoignage évident de l'infidélité de cette femme à l'égard de son mari, la força d'avoüer qu'un negre qui la servoit étoit entré dans sa chambre un jour que son mari venoit de la laisser dans son lit; & elle ajoûta pour s'excuser, que ce negre l'avoit menacée de la tuer, & qu'elle avoit été contrainte de le satisfaire. Voyez Lectures on muscular motion, by M. Parsons. London, 1745, pag. 79 . Ce fait ne prouve-t-il pas aussi que la conception de deux ou de plusieurs jumeaux ne se fait pas toûjours en même tems? Voyez Superfétation . La grossesse , continue M. de Buffon, a encore un grand nombre de symptomes équivoques, auxquels on prétend communément la reconnoître dans les premiers mois; savoir une douleur legere dans la région de la matrice & dans les lombes; un engourdissement dans tout le corps, & un assoupissement continuel; une mélancolie qui rend les femmes tristes & capricieuses; des douleurs de dents, le mal de tête, des vertiges qui offusquent la vûe, le retrécissement des prunelles, les yeux jaunes & injectés, les paupieres affaissées, la pâleur & les taches du visage, le goût dépravé, le dégoût, les vomissemens, les crachemens, les symptomes hystériques, les fleurs blanches, la cessation de l'écoulement périodique, ou son changement en hémorrhagie, la secrétion du lait dans les mammelles, &c . L'on pourroit encore rapporter plusieurs autres symptomes, qui ont été indiqués comme des signes de la grossesse , mais qui ne sont souvent que les effets de quelques maladies particulieres; il n'y a que les mouvemens du foetus, devenu assez fort environ le quatrieme mois, pour les rendre sensibles au toucher sur le ventre, qui puisse assûrer l'état de la grossesse , & qui en soient par conséquent le signe le moins équivoque, si on les distingue bien des remuemens d'entrailles: on peut même dire qu'ils sont un signe certain, lorsqu'ils sont joints à la dureté, à l'enflure partieuliere de l'hypogastre, dans un sujet qui joüit d'ailleurs d'une bonne santé; les symptomes ci-devant mentionnés cessant ordinairement vers ce tems-là, lorsqu'ils sont l'effet de la grossesse . On seroit obligé d'entrer dans un trop grand détail, si l'on vouloit considérer chacun de ces symptomes & en rechercher la cause: pourroit-on même le faire d'une maniere avantageuse, puisqu'il n'y en a pas un qui ne demandât une longue suite d'observations bien faites? Il en est ici comme d'une infinité d'autres sujets de physiologie & d'économie animale; à l'exception d'un petit nombre d'hommes rares, qui ont répandu de la lumiere sur quelques points particuliers de ces sciences; la plûpart des auteurs qui en ont écrit, les ont traités d'une maniere si vague, & les ont expliqués par des rapports si éloignés & par des hypotheses si fausses, qu'il auroit mieux valu n'en rien dire du tout. Ce qu'on peut cependant indiquer ici de plus vraissemblable concernant les incommodités, les desordres dans l'économie animale, qu'éprouvent la plûpart des femmes dans les commencemens de leur grossesse , c'est que l'on doit les attribuer en général à la suppression des menstrues, plûtôt qu'à toute autre cause. Voyez ci-après Grossesse ( maladies de la ). Ce sont les mêmes symptomes que souffrent les filles à qui cette évacuation périodique manque. En effet, les incommodités des femmes grosses ne commencent à se faire sentir qu'au tems après la conception, où les regles auroient paru, si elle n'avoit pas eu lieu; ensorte qu'il se passe quelquefois près d'un mois sans que les maux de la grossesse surviennent, si la conception s'est faite immédiatement après les regles. Les bêtes qui ne sont pas sujettes à cette évacuation périodique, n'éprouvent aucun des effets qui suivent la suppression. La subversion de l'équilibre dans les solides & dans les fluides, qui résulte du reflux dans la masse des humeurs du sang qui devroit être évacué pour le maintien de cet équilibre, semble une cause suffisante pour rendre raison de tous les accidens occasionnés par les regles retenues. Voyez ce qui est dit à ce sujet dans l' art . Equilibre , ( Econ. anim. ); & pour ce qui regarde le goût dépravé des femmes grosses, leurs fantaisies singulieres, voyez Envie , ( Pathol. ) Malacie , Opilation , Menstrues . Voyez aussi ci-après ce qui est dit des maladies dépendantes de la grossesse . Dans le cours ordinaire de la nature, les femmes ne sont en état de concevoir qu'après la premiere éruption des regles; & la cessation de cet écoulement à un certain âge, les rend stériles pour le reste de leur vie. Voyez Puberté , Menstrues . Il arrive cependant quelquefois que la conception devance le tems de la premiere éruption des regles. Il y a beaucoup de femmes qui sont devenues meres avant d'avoir eu la moindre marque de l'écoulement naturel à leur sexe; il y en a même quelques-unes qui, sans être jamais sujettes à cet écoulement périodique, ne laissent pas d'être fécondes. On peut en trouver des exemples dans nos climats, sans les chercher jusque dans le Bresil, où des nations entieres se perpétuent, dit-on, sans qu'aucune femme ait d'écoulement périodique. On sait aussi que la cessation des regles, qui arrive ordinairement entre quarante & cinquante ans, ne met pas toutes les femmes hors d'état de concevoir. Il y en a qui ont conçû après cet âge, & même jusqu'à soixante & soixante & dix ans: mais on doit regarder ces exemples, quoique assez fréquens, comme des exceptions à la regle; & d'ailleurs, quoiqu'il ne se fasse pas d'évacuation périodique de sang, il ne s'ensuit pas toûjours que la matiere de cette évacuation n'existe point dans la matrice. Voyez Menstrues . La durée de la grossesse est pour l'ordinaire d'environ neuf mois, c'est-à-dire de deux cents soixante & quatorze jours: ce tems est cependant quelquefois plus long, & très-souvent bien plus court. On sait qu'il naît beaucoup d'enfans à sept & à huit mois; on sait aussi qu'il en naît quelques-uns beaucoup plûtard qu'au neuvieme mois: mais en général les accouchemens qui précedent le terme de neuf mois, sont plus communs que ceux qui le passent; aussi on peut avancer que le plus grand nombre des accouchemens qui n'arrivent pas entre le deux cents soixante & dixieme jours & le deux cents quatre-vingtieme, arrivent du deux cents soixantieme au deux cents soixante & dixieme; & ceux qui disent que ces accouchemens ne doivent pas être regardés comme prématurés, paroissent bien-fondés. Selon ce calcul, les tems ordinaires de l'accouchement naturel s'étendent à vingt jours, c'est-à-dire depuis huit mois & quatorze jours, jusqu'a neuf mois & quatre jours. On a fait une observation qui paroit prouver l'étendue de cette variation dans la durée des grossesses en genéral, & donner en même tems le moyen de la reduire à un terme fixe, dans telle ou telle grossesse particuliere. Quelques personnes prétendent avoir remarqué que l'accouchement arrivoit après dix mois lunaires de vingt-sept jours, ou neuf mois solaires de trente jours, au premier ou au second jour qui répondoit aux deux premiers jours auxquels l'écoulement périodique étoit arrivé à la mere avant sa grossesse . Avec un peu d'attention, l'on verra que le nombre de dix périodes de l'ecoulement des regles peut en effet fixer le tems de l'accouchement à la fin du neuvieme mois, ou au commencement du dixieme. Il naît beaucoup d'enfans avant le deux cents soixantieme jour; & quoique ces accouchemens précedent le terme ordinaire, ce ne sont pas de fausses-couches, parce que ces enfans vivent pour la plûpart. On dit ordinairement qu'ils sont nés à sept mois ou à huit mois; mais il ne faut pas croire qu'ils naissent en effet précisément à sept mois ou à huit mois accomplis: c'est indifféremment dans le courant du sixieme, du septieme, du huitieme, & même dans le commencement du neuvieme mois. Hippocrate dit clairement que les enfans de sept mois naissent dès le cent quatre-vingts-deuxieme jour; ce qui fait précisément la moitié de l'année solaire. On croit communément que les enfans qui naissent à huit mois, ne peuvent pas vivre, ou du-moins qu'il en périt beaucoup plus de ceux-là, que de ceux qui naissent à sept mois. Pour peu que l'on refléchisse sur cette opinion, elle paroît n'être qu'un paradoxe; & je ne sai si en consultant l'expérience, on ne trouvera pas que c'est une erreur. L'entant qui vient à huit mois est plus formé, & par conséquent plus vigoureux, plus fait pour vivre, que celui qui n'a que sept mois: cependant cette opinion, que les enfans de huit mois périssent plûtôt que ceux de sept, est assez communément reçûe; elle est fondée sur lautorité d'Aristote, qui dit: coeteris animantibus ferendi uteri unum est tempus; homini vero plura sunt, quippe & septimo mense & decimo nascitur, atque etiam inter septimum & decimum positis; qui enim mense octavo nascuntur, cesi minus, tamen vivere possunt. De generat. animal. lib. IV. cap. ult . Le commencement du septieme mois est donc le premier terme de la grossesse; si le foetus est rejetté plûtôt, il meurt, pour ainsi dire, sans être né: c'est un fruit avorté qui ne prend point de nourriture, & pour l'ordinaire il périt subitement dans la fausse-couche. Il y a, comme l'on voit, de grandes limites pour les termes de la durée de la grossesse , puisqu'elles s'étendent depuis le septieme jusqu'au neuvieme & dixieme mois, & peut-être jusqu'au onzieme: il naît à la vérité beaucoup moins d'enfans au dixieme mois, qu'il n'en naît dans le huitieme, quoiqu'il en naisse beaucoup au septieme. Mais en général les limites de la grossesse sont renfermées dans l'espace de trois mois, c'est-à dire depuis le septieme jusqu'au dixieme de sa durée possible. Les femmes qui ont fait plusieurs enfans, assûrent presque toutes que les femelles naissent plûtard que les mâles: si cela est, on ne devroit pas être surpris de voir naître des enfans à dix mois, sur-tout des femelles. Lorsque les enfans viennent avant neuf mois, ils ne sont pas aussi gros ni aussi formés que les autres: ceux au contraire qui ne viennent qu'à dix mois ou plûtard, ont le corps sensiblement plus gros & mieux formé, que ne l'est ordinairement celui des nouveau-nés; les cheveux sont plus longs; l'accroissement des dents, quoique cachées sous les gencives, est plus avancé; le son de la voix est plus net & le ton en est plus grave qu'aux enfans de neuf mois. On pourroit reconnoître à l'inspection du nouveau-né, combien sa naissance auroit été retardée, si les proportions du corps de tous les enfans de neuf mois étoient semblables, & si les progrès de leur accroissement étoient reglés: mais le volume du corps & son accroissement varient, selon le tempérament de la mere & celui de l'enfant; ainsi tel enfant pourra naître à dix ou onze mois, qui ne sera pas plus avancé qu'un autre qui sera né à neuf mois. Les foetus des animaux n'ont qu'un terme pour naître. Les jumens portent le leur pendant onze à douze mois; d'autres comme les vaches, les biches, pendant neuf mois; d'autres comme les renards, les louves, pendant cinq mois; les chiennes pendant neuf semaines; les chattes pendant six; les femelles des lapins trente-un jours: la plûpart des oiseaux sortent de l'oeuf au bout de vingt-un jours; quelques-uns, comme les serins, éclosent au bout de treize ou quatorze jours, &c . La variété est à cet égard tout aussi grande qu'en toute autre chose qui est du ressort & des opérations de la nature: cependant il paroît que les femelles des plus gros animaux, qui ne produisent qu'un petit nombre de foetus, sont constamment celles qui portent le plus long-tems; & que le tems du séjour de leur foetus dans le ventre de la mere est toûjours le même. On doit observer aussi que l'accouchement dans ces différens animaux est sans hémorrhagie: n'en doit-on pas conclure que le sang que les femmes rendent toûjours après leur accouchement, est le sang des menstrues; & que si le foetus humain naît à des termes si différens, ce ne peut être que par la variété de l'action de ce sang, qui se fait sentir sur la matrice à toutes les révolutions périodiques; action qui est aussi vraissemblablement une des principales causes de l'exclusion du foetus, dans quelque tems qu'elle se fasse, & par conséquent des douleurs de l'enfantement qui la précedent. En effet ces douleurs sont, comme on sait, tout au-moins aussi violentes dans les fausses-couches de deux & de trois mois, que dans les accouchemens ordinaires; & il y a bien des femmes qui ont dans tous les tems & sans avoir conçu, des douleurs très-vives, lorsque l'écoulement périodique est sur le point de paroître: ces douleurs sont de la même espece que celles de la fausse-couche ou de l'accouchement; dès-lors ne doit-on pas soupçonner qu'elles viennent de la même cause? L'écoulement des menstrues se faisant périodiquement & à des intervalles déterminés, quoique la grossesse supprime cette apparence, elle n'en detruit cependant pas la cause; & quoique le sang ne paroisse pas au terme accoûtumé, il doit se faire dans ce même tems une espece de révolution, semblable à celle qui se faisoit avant la grossesse aussi y a-t-il des femmes dont les menstrues ne sont pas supprimées dans les premiers mois de la grossesse: il y a donc lieu de penser que lorsqu'une femme a conçû, la révolution périodique se fait comme auparavant; mais que comme la matrice est gonflée, & qu'elle a pris de la masse & de l'accroissement ( Voyez Matrice ), les canaux excrétoires étant plus serrés & plus pressés qu'ils ne l'étoient auparavant, ne peuvent s'ouvrir ni donner d'issue au sang, à moins qu'il n'arrive avec tant de force, ou en si grande quantité, qu'il puisse se faire passage malgré la résistance qui lui est opposée: dans ce cas il paroîtra du sang, & s'il en coule en grande quantité, l'avortement suivra; la matrice reprendra la forme qu'elle avoit auparavant, parce que le sang ayant rouvert tous les canaux qui s'étoient fermés, ils reviendront au même état qu'ils étoient. Si le sang ne force qu'une partie de ses canaux, l'oeuvre de la génération ne sera pas détruite, quoiqu'il paroisse du sang; parce que la plus grande partie de la matrice se trouve encore dans l'état qui est nécessaire pour qu'elle puisse s'exécuter: dans ce cas il paroîtra du sang, & l'avortement ne suivra pas; ce sang sera seulement en moindre quantité que dans les évacuations ordinaires. Lorsqu'il n'en paroît point du tout, comme c'est le cas le plus ordinaire, la premiere révolution périodique ne laisse pas de se marquer & de se faire sentir par les mêmes symptomes, les mêmes douleurs: il se fait donc des le tems de la premiere suppression, une violente action sur la matrice; & pour peu que cette action fût augmentée, elle détruiroit l'ouvrage de la génération: on peut même croire avec assez de fondement, que de toutes les conceptions qui se font dans les derniers jours qui précedent l'arrivée des menstrues, il en réussit fort peu, & que l'action du sang détruit aisément les foibles racines d'un germe si tendre & si délicat, ou entraine l'oeuf avant qu'il se soit attaché à la matrice. Les conceptions au contraire qui se font dans les jours qui suivent l'écoulement périodique, sont celles qui tiennent & qui réussissent le mieux; parce que le produit de la conception a plus de tems pour croitre, pour se fortifier & pour résister à l'action du sang & à la révolution qui doit arriver au tems de l'écoulement. C'est sans doute par cette considération que le célebre Fernel, pour calmer les alarmes que donnoit à toute la France la stérilité de la reine, donna d'abord ses attentions aux écoulemens périodiques: après en avoir corrigé les irrégularités, il crut que le tems qui pouvoit le plus faire espérer la fécondité, étoit celui qui suivoit de près les regles. Le foetus ayant eu le tems de prendre assez de force pour résister à la premiere épreuve de la révolution périodique, est ensuite plus en état de souffrir la seconde, qui arrive un mois après cette premiere: aussi les avortemens causés par la seconde période sont-ils moins fréquens que ceux qui sont causés par la premiere; à la troisieme, le danger est encore moins grand, & moins encore à la quatrieme & à la cinquieme: mais il y en a toûjours. Il peut arriver & il arrive en effet de fausses-couches dans les tems de toutes ces révolutions périodiques; seulement on a observé qu'elles sont plus rares dans le milieu de la grossesse , & plus fréquentes au commencement & à la fin. On entend bien, par ce qui vient d'être dit, pourquoi elles sont plus fréquentes au commencement: il reste à expliquer (toûjours d'après M. de Buffon, qui nous fournit une grande partie de cet article) pourquoi elles sont aussi plus fréquentes vers la fin que vers le milieu de la grossesse . Le foetus vient ordinairement au monde dans le tems de la dixieme révolution; lorsqu'il naît à la neuvieme ou à la huitieme, il ne laisse pas de vivre, & ces accouchemens précoces ne sout pas regardés comme de fausses-couches, parce que l'enfant quoique moins formé, ne laisse pas de l'être assez pour pouvoir vivre; on a même prétendu avoir des exemples d'enfans nés à la septieme & même à la sixieme révolution, c'est à dire à cinq ou six mois, qui n'ont pas laissé de vivre; il n'y a donc de différence entre l'accouchement & la fausse-couche, que relativement à la vie du nouveau né; & en considérant la chose généralement, le nombre des fausses-couches du premier, du second, & du troisieme mois, est très-considérable par les raisons que nous avons dites, & le nombre des accouchemens précoces du septieme & du huitieme mois, est aussi assez grand en comparaison de celui des fausses-couches des quatrieme, cinquieme & sixieme mois, parce que dans ce tems du milieu de la grossesse , l'ouvrage de la génération a pris plus de solidité & plus de force, & qu'ayant eu celle de résister à l'action des quatre premieres révolutions périodiques, il en faudroit une beaucoup plus violente que les précédentes, pour le détruire: la même raison subsiste pour le cinquieme & le sixieme mois, & même avec avantage; car l'ouvrage de la génération est encore plus solide à cinq mois qu'à quatre, & à six mois qu'à cinq; mais lorsqu'on est arrivé à ce terme, le foetus qui jusqu'alors est foible & ne peut agir que foiblement par ses propres forces, commence à devenir fort & à s'agiter avec plus de vigueur; & lorsque le tems de la huitieme période arrive, & que la matrice en éprouve l'action, le foetus qui l'éprouve aussi, fait des efforts qui se réunissant avec ceux de la matrice, facilitent son exclusion; & il peut venir au monde dès le septieme mois, toutes les fois qu'il est à cet âge plus vigoureux ou plus avancé que les autres, & dans ce cas il pourra vivre; au contraire, s'il ne venoit au monde que par la foiblesse de la matrice, qui n'auroit pû résister au coup du sang dans cette huitieme révolution, l'accouchement seroit regardé comme une fausse-couche, & l'enfant ne vivroit pas; mais ces cas sont rares: car si le foetus a résisté aux sept premieres révolutions, il n'y a que des accidens particuliers qui puissent faire qu'il ne résiste pas à la huitieme, en supposant qu'il n'ait pas acquis plus de force & de vigueur qu'il n'en a ordinairement dans ce tems. Les foetus qui n'auront acquis qu'un peu plus tard ce même degré de force & de vigueur plus grandes, viendront au monde dans le tems de la neuvieme période; & ceux auxquels il faudra le tems de neuf mois pour avoir cette même force, viendront à la dixieme période; ce qui est le terme le plus commun & le plus général: mais lorsque le foetus n'aura pas acquis dans ce tems de neuf mois ce même degré de perfection & de force, il pourra rester dans la matrice jusqu'à la onzieme & même jusqu'à la douzieme période, c'est-à-dire ne naître qu'à dix ou onze mois, comme on en a des exemples. Il paroît donc que la révolution périodique du sang menstruel peut influer beaucoup sur l'accouchement, & qu'elle est la cause de la variation des termes de la grossesse dans les femmes, d'autant plus que toutes les autres femelles qui ne sont pas sujettes à cet écoulement périodique, mettent bas toûjours au même terme; mais il paroît aussi que cette révolution occasionnée par l'action du sang menstruel, n'est pas la cause unique de l'accouchement, & que l'action propre du foetus ne laisse pas d'y contribuer, puisqu'on a vû des enfans qui se sont fait jour & sont sortis de la matrice après la mort de la mere; ce qui suppose nécessairement dans le foetus une action propre & particuliere, par laquelle il doit toûjours faciliter son exclusion, & même se la procurer en entier dans de certains cas. Voyez Accouchement , Enfantement . Il est naturel d'imaginer que si les femelles des animaux vivipares étoient sujettes aux menstrues comme les femmes, leurs accouchemens seroient suivis d'effusion de sang, & qu'ils arriveroient à différens termes. Les foetus des animaux viennent au monde revêtus de leurs enveloppes, & il arrive rarement que les eaux s'écoulent & que les membranes qui les contiennent se déchirent dans l'accouchement; au lieu qu'il est très-rare de voir sortir ainsi le sac tout entier dans les accouchemens des femmes: cela semble prouver que le foetus humain fait plus d'effort que les autres pour sortir de sa prison, ou bien que la matrice de la femme ne se prête pas aussi naturellement au passage du foetus, que celle des animaux; car c'est le foetus qui déchire sa membrane par les efforts qu'il fait pour sortir de la matrice; & ce déchirement n'arrive qu'à cause de la trop grande résistance que fait l'orifice de ce viscere avant que de se dilater assez pour laisser passer l'enfant. M. de Buffon, hist. nat. tom. III. IV . Quant aux autres circonstances de ce qui se passe dans l'exclusion du foetus, & de ce qui la suit, voy. Accouchement , Naissance , Respiration , Mamelle , Lait . Régime pendant la grossesse . Il s'agit maintenant de dire quelque chose des précautions que doit observer une femme grosse par rapport à son enfant, & de la conduite qu'elle doit tenir pendant tout le cours de la grossesse , pour éviter bien des indispositions & des maladies particulieres à son état, dont il sera aussi fait une brieve mention à la fin de cet article. « Aussi-tôt que la grossesse est déclarée, dit l'auteur de l' essai sur la maniere de perfectionner l'espece humaine , que nous suivrons en partie dans ce que nous avons à dire ici, la femme doit tourner toutes ses vûes sur elle-même & mesurer ses actions aux besoins de son fruit; elle devient alors la dépositaire d'une créature nouvelle; c'est un abrégé d'elle-même, qui n'en differe que par la proportion & le développement successif de ses parties ». On doit regarder l'embryon dans le ventre de la mere, comme un germe précieux auquel elle est chargée de donner l'accroissement, en partageant avec lui la partie la plus pure de ce qui est destiné à être converti en sa propre substance: elle doit donc s'intéresser bien fortement à la conservation de ce précieux rejetton, qui exige de sa tendresse tous les soins dont elle est capable; ils consistent en général à respirer, autant qu'il est possible, un air pur & serein, à proportionner sa nourriture à ses besoins, à faire un exercice convenable, à ne point se laisser excéder par les veilles ou appesantir par le sommeil, à soûtenir les évacuations ordinaires communes aux deux sexes dans l'état de santé, & à mettre un frein à ses passions. Nous allons suivre sommairement tous ces préceptes les uns après les autres; nous tracerons aux femmes grosses les regles les plus salutaires pour leur fruit, & nous leur indiquerons la conduite la plus sûre & la moins pénible pour elles. Quoique l'embryon cantonné comme il l'est dans la matrice, paroisse vivre dans un monde différent du nôtre; quoique la nature l'ait muni d'une triple cloison pour le défendre des injures de l'air, il est cependant quelquefois la victime de cet ennemi qu'il ne s'est pas fait: renfermé dans le ventre de sa mere comme une tendre plante dans le sein de la terre, son organisation, sa force, sa constitution & sa vie, dépendent de celle qui doit lui donner le jour; si la mere ressent donc quelques incommodités des effets de l'air, le foetus en est nécessairement affecté. Ainsi les femmes enceintes doivent éviter, autant qu'il est en leur pouvoir, de respirer un air trop chaud, de vivre dans un climat trop sujet aux chaleurs, sur tout si elles n'y sont pas habituées, parce que leur effet tend principalement à causer trop de dissipation dans les humeurs, trop de relâchement dans les fibres; ce qui est ordinairement suivi de beaucoup de foiblesse, d'abattement, de langueur dans l'exercice des fonctions, d'où peuvent résulter bien des desordres dans l'économie animale par rapport à la mere, qui ne manquent pas de se transmettre à l'enfant. L'air froid ne produit pas de moins mauvais effets relativement à sa nature, sur-tout par les dérangemens qu'il cause dans l'évacuation si nécessaire de la transpiration insensible, entant qu'ils occasionnent des maladies catarrheuses qui portent sur la poitrine, y excitent la toux, dont les violentes secousses, les fortes compressions opérées sur les parties contenues dans le bas-ventre, peuvent donner lieu à de fausses-couches & à bien de fâcheux accidens qui s'ensuivent. La sécheresse & l'humidité peuvent aussi faire des impressions très-nuisibles sur le corps des femmes grosses & sur celui de leurs enfans; autant qu'elles peuvent, elles doivent éviter de demeurer dans les campagnes marécageuses, au bord des rivieres, dans le voisinage des égoûts, des cloaques, sur les hautes montagnes, ou dans des endroits trop exposés aux vents desséchans du nord. Les odeurs, tant bonnes que mauvaises, peuvent leur être très-pernicieuses, entant qu'elles peuvent nuire à la respiration, en altérant les qualités de l'air, ou qu'elles affectent le genre nerveux. On a vû, selon que le dit Pline, des femmes si délicates & si sensibles, que l'odeur d'une chandelle mal éteinte leur a fait faire des fausses-couches: Liébault assûre avoir observé un pareil effet, qui peut être produit encore plus fréquemment par les vapeurs de charbon mal allumé; Mauriceau rapporte une observation de cette espece à l'égard d'une blanchisseuse. Il y a aussi bien des exemples des mauvais effets que produisent les parfums dans l'état de grossesse , sur-tout par rapport aux femmes sujettes aux suffocations hystériques. Voyez Odeur , Parfum , Passion hystérique Si l'enfant dans la matrice trouvoit des sucs entierement préparés pour servir à sa nourriture, il risqueroit beaucoup moins pour sa conformation & sa vie, du défaut de régime de la mere; mais elle ne fait qu'ébaucher l'élaboration des humeurs qui doivent fournir au développement & à l'accroissement de son fruit: ainsi quand elles sout mal digérées, il reste à l'embryon beaucoup de travail pour en achever l'assimilation, à quoi ses organes délicats ne suffisent pas le plus souvent; d'où peuvent s'ensuivre bien des maux différens, tant pour la mere que pour l'enfant. Lorsqu'il s'agit donc d'établir les regles auxquelles les femmes enceintes doivent se conformer pour la maniere de se nourrir, il est nécessaire de considérer les différens états où elles se trouvent, la différence de leur tempérament, & les différens tems de leur grossesse . Plus les femmes sont délicates, moins elles sont avancées dans leur grossesse , & plus le foetus est incommodé du trop de nourriture; il faut qu'elle soit proportionnée aux forces & aux besoins réciproques de la mere & de l'enfant. Quand les femmes enceintes se sentent des dégoûts, des nausées, de la plénitude, elles doivent se condamner à la diete; il arrive quelquefois qu'elles ont une aversion marquée pour la viande, les oeufs, & toutes les substances animales; c'est un avertissement de la nature qui leur conseille de vivre de végétaux & de les assaisonner avec des aromates ou des acides, pour tempérer leurs humeurs qui ont trop de penchant à la putréfaction. Voyez Dégoût , Envie . Il est donc souvent très-important aux femmes-grosses d'écouter leur sentiment secret, comme la voix de la nature qui les instruit de la conduite qu'elles doivent tenir; elles peuvent en sûreté suivre le conseil d'Hippocrate ( aphoris. xxxviij. lib. II. ) qui porte que les alimens & la boisson qui ne sont pas de la meilleure qualité, sont cependant préférables dès qu'ils sont plus propres à exciter l'appétit, & qu'on en use en quantité convenable: car il n'est pas moins pernicieux aux femmes grosses de manger trop, que de vivre d'alimens indigestes, sur-tout dans le commencement de la grossesse , qu'il faut chercher à diminuer la plénitude & à ne point affoiblir l'estomac; à quoi on ne peut réussir qu'en ne prenant que peu d'alimens, mais autant qu'on le peut, bien choisis & qui puissent s'assimiler aisément. Voyez Alimens , Assimilation . Au bout de deux ou trois mois, les femmes enceintes qui joüissent d'une bonne santé, peuvent augmenter la quantité de leur nourriture à mesure que le foetus consume davantage des humeurs de la mere; elles peuvent manger indifféremment de toutes sortes d'alimens qui ne sont pas indigestes: elles doivent cependant préférer ceux qui contiennent peu d'excrémens & plus de parties aqueuses. Les femmes grosses qui digerent bien le lait, peuvent en faire usage, il donne un chyle doux, à-demi assimilé; le lait de vache est le plus nourrissant, & dans le dernier mois de la grossesse , il est le plus convenable. Si les femmes enceintes doivent se garantir des mauvais effets du trop de nourriture, elles n'ont pas moins à craindre de l'excès opposé, à cause de l'alkalescence des humeurs que produit toûjours une diete trop sévere. Les femmes grosses & les enfans ne peuvent point-du-tout supporter l'abstinence; on doit y avoir égard jusque dans leurs maladies: le jeûne forcé leur est presque toûjours préjudiciable, à-moins qu'elles ne soient extrèmement pléthoriques, ou que l'embryon ne soit très-petit; ainsi quand elles se sentent de la disposition à manger, elles seroient très-imprudentes de ne pas se satisfaire avec modération, & elles doivent se faire un peu de violence pour prendre de la nourriture, quand elles en sont détournées par un dégoût excessif, sur-tout lorsque la grossesse est avancée. La boisson des femmes grosses est aussi sujette à quelques variétés; dans les commencemens, la petitesse du foetus & la mollesse de ses organes exigent moins de boissons aqueuses; ainsi elles peuvent boire dans ce tems-là un peu de vin pur, & ensuite le bien tremper dans le cours de la grossesse . Quand la température de l'air est très-chaude, il faut qu'elles fassent un grand usage de boissons délayantes, mais elles doivent craindre l'usage de la glace, qui peut causer de violentes coliques, & quelquefois même des fausses-couches, comme l'éprouva, selon que le rapporte Mauriceau, une impératrice de son tems; à l'égard des liqueurs fortes, ce sont de vrais poisons pour les femmes enceintes, mais sur-tout pour leur fruit, attendu que par l'effet qu'elles produisent de raccornir les fibres, d'épaissir, de coaguler la lymphe, elles s'opposent à son développement, produisent des engorgemens, des tumeurs, des difformités, qui se manifestent quelquefois aussi-tôt que l'enfant voit le jour, ou dans la suite entant qu'il ne prend pas un accroissement proportionné à son âge, & qu'il vieillit de bonne heure: c'est ce qu'on observe à l'égard des enfans qui naissent de femmes du peuple & de celles qui habitent des pays où l'on fait un grand usage d'eau-de-vie. En général les femmes enceintes doivent éviter tout ce qui peut donner trop de mouvement, d'agitation, au sang, & disposer à des pertes, &c. comme sont les alimens acres, échauffans, les boissons de même qualité, & l'exercice du corps poussé à l'excès. C'est principalement dans les premiers tems de la grossesse , que l'exercice pouvant être facilement nuisible, est presqu'absolument interdit; c'est avec raison que l'on condamne la conduite des femmes enceintes qui se livrent à des mouvemens violens: rien cependant n'est plus commun parmi elles, sur-tout lorsqu'elles sont dans la vivacité de la premiere jeunesse; à peine la conception est-elle déclarée, qu'il leur arrive quelquefois de passer les nuits à danser & le jour à chanter; ce qui est le plus souvent la cause des fausses-couches aux quelles elles sont sujettes. Si dans les commencemens de la grossesse les femmes avoient l'attention de se reposer, elles pourroient ensuite se livrer à l'exercice avec plus de sécurité, lorsque les racines du placenta seroient implantées plus solidement dans la substance de la matrice, & que le foetus y auroit acquis plus de force. Les femmes élevées délicatement ne doivent pas se modeler sur celles de la campagne, qui malgré leur grossesse , continuent dans tous les tems leurs travaux ordinaires; la vie dure qu'elles menent, donne à leurs fibres plus de force, plus de ressort, & les garantit des accidens qu'éprouvent les femmes des villes: les danseuses publiques sont à-peu-près dans le même cas que celles qui sont habituées au travail. Ainsi les femmes enceintes doivent proportionner l'exercice qu'elles font, à la force de leur tempérament; il est toûjours plus sûr de s'y livrer moins qu'on ne pourroit le soûtenir, cependant sans passer d'une extrémité à l'autre, parce que le défaut nuit comme l'excès. Voyez Exercice , ( Econom. anim. ) Mais lorsqu'il s'agit de s'exercer avec modération pendant la grossesse , ce ne doit jamais être par des moyens qui puissent causer des secousses dans le corps; on ne doit par conséquent se servir qu'avec beaucoup de prudence, de voitures roulantes, & ne pas s'exposer aux accidens de l'équitation, sur-tout aux approches de l'accouchement; le repos est alors plus nécessaire que dans aucun autre tenis. C'est un préjugé pernicieux de croire que les mouvemens du corps aident alors à détacher l'enfant & à favoriser son exclusion; il en est comme d'un fruit que l'on abat à coups de gaule avant sa maturité: cet abus est une des causés les plus communes des mauvais accouchemens, des pertes qui les précedent, des situations desavantageuses dans lesquelles se présente l'enfant pour sortir de la matrice. Voyez Accouchement , Fausse-Couche . Des différens états de santé dans lesquels peut se trouver la femme . Il en est peu où le sommeil paroisse lui convenir autant que pendant la grossesse; l'embryon ou le foetus qu'elle porte est dans un repos presque continuel. Voyez Foetus . Puisque le repos du foetus est un des moyens que la nature se choisit pour travailler à sa formation, attendu la délicatesse de ses organes, qui ne pourroient pas être mis en mouvement dans les premiers tems sans danger de solution de continuité, les meres doivent donc être attentives à tout ce qui peut troubler ce repos, sur-tout dans les premiers tems de la grossesse: ainsi elles doivent dormir dans cet état plus qu'elles ne font ordinairement; mais en général le sommeil doit être proportionné à leurs forces & à l'exercice qu'elles font. Les femmes délicates dissipent moins que les autres, elles ont les fibres plus foibles, le sommeil les relâche, les affoiblit encore plus; elles doivent donc aussi s'y livrer avec modération: celles qui sont robustes & qui font beaucoup d'exercice, ou qui sont accoûtumées à des travaux pénibles, ont besoin de plus de repos, & le sommeil leur convient mieux. La vie oisive équivaut presque au sommeil; la vie exercée est l'état le plus marqué de la veille, & celui qui paroît être le plus éloigné du sommeil. Plus on s'exerce, plus on a besoin de repos, c'est ce qui doit servir aux femmes grosses pour se régler sur le plus ou moins d'avantage qu'elles peuvent retirer du sommeil, entant qu'il peut contribuer au parfait développement & à l'accroissement du foetus. Quant aux évacuations naturelles, il est ordinaire dans l'état de santé, que les femmes grosses ne soient point sujettes aux flux menstruel, le plus souvent il est nuisible qu'elles le soient; ainsi elles doivent éviter tout ce qui peut les échauffer, foüetter le sang, & faire reparoitre cette évacuation qui est alors contre-nature; les exercices violens, les passions vives produisent souvent cet effet, & sont par-là également préjudiciables à la mere & à l'enfant: quand au contraire la suppression naturelle des menstrues cause quelque atteinte à la santé des femmes grosses, elles peuvent y remédier par de plus grands exercices, par la diminution des alimens & le choix de ceux qui sont plus liquides, & par la saignée; le volume & le poids de la matrice, en resserrant le boyau rectum sur lequel elle porte principalement, y retient les matieres fécales, en retarde l'excretion; ce qui donne lieu à ce qu'elles s'y dessechent par leur séjour dans un lieu chaud, & occasionne le plus souvent la constipation. On peut remédier à cet inconvénient (qui peut meme être cause de quelque fausse-couche par les efforts qu'il fait faire dans la déjection), en usant de quelques legers laxatifs huileux ou de quelques minoratifs, & sur-tout en employant les remedes ou lavemens, avec la précaution de ne rien faire qui puisse rendre le ventre trop libre, parce que ce vice oppose à celui qu'il s'agit de combattre, dispose souvent à l'avortement, selon que l'a remarqué Hippocrate, qui dit, aphor. xxxjv. lib. V. que si une femme enceinte a un cours de ventre considérable, elle est en grand danger de se blesser. Tout annonce que la femme est plus délicate que l'homme, par conséquent plus sensible; c'est pourquoi elle est plus susceptible des plus fortes passions, mais elle les retient moins long-tems que l'homme. De tous les différens états de la vie dans lesquels peut se trouver la femme, il n'en est point dans lequel sa grande sensibilité soit plus marquée, & les passions qui en peuvent résulter lui sorent plus nuisibles que dans celui de la grossesse: cette différence ne peut être attribuée qu'au changement qui se fait dans l'équilibre de l'économie animale par rapport à la femme grosse, par l'effet de la suppression des menstrues, qui rend le systeme des vaisseaux en général plus tendu, qui augmente l'érétisme du genre nerveux; ce qu'on observe également dans cette meme suppression, lorsqu'elle est morbifique. Voyez Equilibre ( Econom. amm. ), Orgasme , Menstrues , Passion ( Physique ). En general toutes les passions agissent en tendant ou détendant les organes du sentiment, en contractant ou relâchant les fibres motrices; de quelque maniere qu'elles produisent leurs effets, elles ne peuvent que troubler l'action des solides & le cours des humeurs: ainsi les passions de l'ame ne peuvent manquer de produire de plus grands, desordres dans les femmes grosses, à proportion qu'elles y ont plus de disposition. Ainsi soit que les passions accélerent l'exercice de toutes leurs fonctions, ou qu'elles le retardent, il ne peut que s'en suivre des lesions qui doivent se communiquer au foetus ou par les compressions, par les resserremens spasmodiques, convulsifs, auxquels il est exposé de la part de la matrice & des parties ambiantes, ou par les étranglemens des vaisseaux utérins, qui lui transmettent la matiere de sa nourriture, ou par le défaut d'impulsion dans le cours des humeurs de la mere, qui dispose celles qui sont portées au foetus à perdre leur fluidité, & à contracter d'autres mauvaises qualités, &c. ensorte que les passions excessives ne peuvent qu'être très-pernicieuses au foetus, lorsqu'elles le sont à celle qui le porte dans son sein; d'autant plus qu'il est lui-même plus susceptible d'impression à-proportion que son organisation est plus foible, plus delicate; mais il faut observer que les influences de l'ame de la mere sur le foetus se reduisent toûjours à des impressions purement méchaniques, & qu'elles n'ont sur lui aucun pouvoir physique, tel que celui qu'on attribue communement à l'imagination. Voy. Imagination . On peut juger de tout ce qui vient d'être dit des mauvais effets des passions dans les femmes grosses, par ceux qu'elles produisent dans les femmes pendant l'évacuation menstruelle: la terreur causée par le bruit subit du tonnerre, d'un coup de canon, arrête souvent tout-à-coup le flux uterin dans les unes, & l'excite dans les autres au point de causer une suppression ou une perte, & quelquefois même une fausse-couche. Les passions sont donc extremement à craindre pour les femmes grosses, sur-tout quand elles font des révolutions subites; c'est pourquoi on doit éviter soigneusement qu'il ne leur soit annoncé aucun évenement qui soit propre à exciter tout-à-coup une grande joie, un grand chagrin, ou une grande crainte; qu'elles ne soient affectées de rien qui puisse les effrayer, les épouvanter, en un mot qui puisse causer des agitations subites, violentes dans l'ame, ou en suspendre considérablement les influences sur le corps. Elles doivent donc sur-tout être fort attentives à ne pas se laisser aller à la disposition qu'elles peuvent avoir à la colere, à la tristesse, ou à toute autre affection vive, forte, dont les rend susceptibles leur sensibilité naturelle, qui est fort augmentée ordinairement, comme il a été dit, par les changemens que la grossesse occasionne dans l'économie animale. Il faut qu'elles s'abstiennent généralement, autant qu'il est possible, de tout ce qui peut animer le sang & lui donner de l'acreté, pour ne pas augmenter cette disposition, c'est-à-dire le trop d'érétisme du genre nerveux dont elle dépend: on doit leur procurer de la dissipation & mettre en usage tous les moyens, tant physiques que moraux, propres à conserver ou à ramener le calme dans leur esprit. Une autre sorte de passion qu'ont la plûpart des femmes enceintes, qui n'est pas la moins nuisible aux foetus qu'elles portent dans leur sein, c'est le soin qu'elles prennent de la partie de leurs ajustemens, qui tend à leur conserver ou à leur faire paroître la taille aussi-bien faite qu'elles peuvent en être susceptibles. Elles employent communément pour cet effet, ce qu'on appelle corps , qui est une espece de vêtement peu flexible, armé de busques roides, dont elles se serrent le tronc pour le tenir droit; qui comprime fortement la partie moyenne & inférieure de la poitrine & toute la circonférence du bas-ventre au-dessus des hanches & des os pubis, autant qu'elle en est susceptible, par le moyen des lacets qui rapprochent avec violence les pieces de ce vêtement, que l'on tient toûjours fort étroit, pour que le resserrement, la constriction en soit d'autant plus considérable: ensorte que le bas-ventre prend la figure en en-bas d'un cone tronqué, dont la poitrine est la base: ce qui ne peut manquer de gêner tous les visceres de l'abdomen dans leurs différentes fonctions, d'empêcher notablement le jeu des organes de la respiration, & de presser les mammelles, d'en comprimer les vaisseaux en les tenant soulevées vers la partie supérieure du thorax, qui est la moins resserrée par l'espece de cuirasse dans laquelle le bas de la poitrine se trouve emboîté tout comme le bas-ventre. Mais tous ces mauvais effets sont encore plus marqués dans les femmes grosses, en tant qu'elles se servent de ce vêtement, joint au poids des jupons & des paniers liés fortement & suspendus sur les hanches, pour empêcher autant qu'il est possible, le ventre de grossir en-avant, & de leur gâter la taille; ce qui ne peut que gêner la matrice dans sa dilatation, l'empêcher de prendre une forme arrondie, rendre sa cavité moins ample, déranger la situation naturelle du foetus & de ses enveloppes, rendre ses mouvemens moins libres, &c. d'où doivent s'ensuivre bien des desordres, tant par rapport à l'enfant, que par rapport à la mere, dont tous les visceres du bas-ventre trop pressés entre eux, ne lui permettent pas de prendre des alimens, d'augmenter le volume de l'estomac, sans empêcher ultérieurement le jeu, l'abaissement du diaphragme, & disposer à la suffocation; embarrassent le ventricule & les intestins dans leurs fonctions, en détruisant la liberté du mouvement péristaltique; dérangent les digestions, la distribution du chyle; resserrent la vessie, le rectum; causent des rétentions d'urine, des constipations ou des évacuations forcées; exposent en un mot la mere à un grand nombre d'accidens qui augmentent considérablement les dérangemens de sa santé, qui peuvent même occasionner des avortemens: attendu que le foetus se ressentant de tous ces desordres par les vices qui en résultent dans le cours & la qualité des humeurs qu'il reçoit de sa mere, est d'ailleurs exposé à des compressions qui nuisent à sa conformation & à son accroissement; & tous ces funestes inconvéniens ont lieu, sans que les femmes y gagnent autre chose que l'apparence d'un peu moins de rotondité; tandis qu'elles augmentent par-là réellement les défectuosités qui résultent de la grossesse pour leur ventre, qui en est ensuite plus ridé, plus mou, plus pendant, à-proportion que les enveloppes, c'est-à-dire les tégumens ont été plus forcés à se recourber en en-bas, à s'étendre sous les busques, pour donner au bas-ventre dans un sens ou dans un autre, la capacité qui lui est nécessaire pour loger les visceres & tout ce que la matrice contient de plus qu'à l'ordinaire. M. Winslow a écrit en général sur les abus des corps, des busques, dont se servent les femmes: on peut le consulter sur ce qui a plus particulierement rapport aux femmes grosses, à cet égard, pour avoir un détail qui ne peut pas trouver sa place ici. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grossesse (maladies dépendantes de la) Author=d'Aumont Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grossesse Grossesse ( maladies dépendantes de la ). Les femmes enceintes sont sujettes à des desordres plus ou moins considérables dans l'économie animale, qui ne proviennent absolument que des changemens qu'y occasionne la grossesse . La plûpart des lésions de fonctions qu'elles éprouvent dans les commencemens, dans les premiers mois, ne doivent être attribuées qu'à la suppression du flux menstruel, à la pléthore, qui résulte de ce que cette évacuation n'a pas lieu comme auparavant, à cause que les effets de la conception ont excité une sorte d'érétisme dans la matrice, qui en a fermé l'orifice & resserré tous les pores, par lesquels se faisoit l'excrétion du sang utérin; d'où s'ensuit le reflux dans la masse des humeurs, de la portion surabondante de ce sang qui auroit été évacuée: reflux qui subsiste tant que le foetus & ses dépendances contenues dans la matrice ne sont pas suffisans pour consumer, pour employer à leur accroissement cette portion de la masse des humeurs qui est destinée à en fournir les matériaux. Les indispositions qui surviennent dans des tems plus avancés de la grossesse , proviennent du volume & de la masse du foetus & de ses dépendances, qui en distendant la matrice, en pressant les parties ambiantes, en opérant sur elles, gênent leurs fonctions, y font obstacle au cours des humeurs, y causent des dérangemens qui se communiquent souvent à toute la machine, soit en augmentant le renversement d'équilibre dans les fluides, soit en augmentant la sensibilité, l'irritabilité des solides qui en sont susceptibles par la communication de proche en proche, de ces qualités que possede plus éminemment la matrice, à-proportion qu'elle souffre une plus grande distension dans ses parois. Ainsi les maladies de la grossesse commençante & de ses premiers tems, sont les nausées, les vomissemens, le dégoût ou la dépravation de l'appétit, les défaillances, les vertiges, les douleurs que la plûpart des femmes ressentent alors aux reins, aux aînes, aux mammelles, la pesanteur, la lassitude, la difficulté de respirer, & souvent des dispositions aux fausses-couches, des symptomes qui en sont les avant-coureurs. Et comme toutes ces lésions sont les effets d'une même cause, c'est-à-dire du reflux dans la masse des humeurs, du sang surabondant dans la matrice, on réussit ordinairement à y remédier par la saignée, qui fait cesser cette cause, en faisant cesser la pléthore. Mais ce moyen dou être employé avec beaucoup de prudence, parce que selon l'observation d'Hippocrate, aph. 31. lib. V. une saignée faite mal-à-propos, peut causer l'avortement. Ainsi on ne doit y avoir recours que pour les femmes d'un assez bon tempérament, qui sont sujettes à avoir leurs regles abondamment ou plus long-tems que d'autres; qui menent une vie sédentaire, & se nourrissent bien. Si elles sont fort incommodées pendant le cours de leurs grossesses , on peut leur tirer du sang par intervalles jusqu'à cinq ou six fois: pour celles qui le sont moins, trois fois suffisent; savoir, dans le second mois, dans le cinquieme, & dans le neuvieme. On a cependant vû des cas, selon Mauriceau, de praegnant morb. lib. I. cap. xj. où on a été obligé d'y revenir jusqu'à dix fois. Cet auteur rapporte même avoir vu une femme qu'on fut obligé de saigner jusqu'à quarante-huit fois, pour l'empécher d'être suffoquée, sans que l'accouchement qui suivit, en fût moins heureux & moins à terme; mais de pareils exemples sont très-rares. Le plus grand nombre de femmes enceintes n'a pas besoin de beaucoup de saignées; elles sont très-dangereuses à celles qui, étant d'un temperament délicat, font peu de sang. Elles sont inutiles à celles qui sont robustes & font beaucoup d'exercice, comme les femmes de la campagne. Il est beaucoup de femmes à qui il suffit de prescrire la diete, ou au moins de retrancher de la nourriture ordinaire; de faire faire un peu plus d'exercice qu'à l'ordinaire, avec ménagement; de faire user de quelques boissons délayantes; pour qu'elles se délivrent de la plûpart des incommodités de la grossesse . En général, lorsqu'elles ne sont pas urgentes, on doit toûjours tenter ces derniers movens, avant d'en venir à la saignée. On éprouve aussi très souvent selon Boerhaave, de bons effets de l'usage des remedes cardiaques legerement aromatiques, unis à de doux anti-hystériques, ou de celui des boissons acidules, comme la limonade, les ptisanes nitreuses, lorsque les differens accidens de la grossesse sont accompagnés de foiblesse ou d'ardeurs d'entrailles. On doit être aussi très-reservé dans l'usage des purgatifs pour le cas dont il s'agit. Les émétiques sur tout, par les violentes secousses qu'ils occasionnent, sont très-dangereux, & peuvent causer des avortemens: l'experience prouve cependant qu'ils sont très-peu sûrs pour les procurer à dessein: mais le tempérament & la disposition actuelle du sujet décident toûjours de l'effet qu'on a lieu d'attendre de pareils moyens. Les vomitifs & les purgatifs doux peuvent être employés sans danger à l'égard des femmes qui ont beaucoup de facilité à être évacuées par le haut & par le bas. Elles peuvent par-là se décharger de la surabondance d'humeurs qui refluent sur-tout dans les vaisseaux de l'estomac, qui en distendent les fibres nerveuses, & y excitent le sentiment de nausée ou les efforts qui font le vomissement; & les purgatifs en dégorgeant de même les intestins, sont cesser les coliques ou les cours de ventre, qui incommodent souvent les femmes grosses: mais les purgatifs forts sont absolument à éviter, parce qu'en irritant trop les intestins, ils peuvent par communication exciter des mouvemens convulsifs dans la matrice, qui pourroient procurer l'avortement, principalement dans les premiers tems, & sur la fin de la grossesse . Il n'y a pas moins d'attention à faire concernant l'usage des narcotiques, qui peuvent aussi produire des effets fâcheux par le relachement général qu'ils procurent dans le genre nerveux; relâchement qui, comme il peut favoriser un accouchement trop douloureux, peut de même contribuer à l'exclusion du foetus dans tous les tems de la grossesse . Ainsi ce ne peut être qu'après avoir inutilement employé les saignées, (si elles sont praticables) pour calmer les douleurs qui surviennent dans cet état, que l'on peut recourir aux préparations d'opium, avec tout le ménagement possible. On ne peut guere indiquer de cas où ces remedes puissent être employés avec plus de sureté & de succès, selon Horstius, lib. X. observ. 3. que lorsque les femmes grosses sont affectées de violentes douleurs rhumatismales, qui causent des insomnies opiniâtres, pourvû qu'ils ne soient pas contre-indiqués d'ailleurs. En général, on ne doit s'obstiner à combattre aucun des symptomes des maladies dépendantes de la grossesse , qu'entant que les forces ne suffisent pas pour les soûtenir; qu'il y a danger qu'il ne survienne une fausse couche. Voyez Fausse-Couche . Ceci soit dit des vomissemens, des flux-de-ventre, & même des hémorrhagies quelconques; à plus forte raison, de toute autre accident de moindre consequence. Il faut s'appliquer à bien distinguer les douleurs des reins, des lombes, qui sont causées par la grossesse , d'avec celles qui pourroient être occasionnées par des calculs, des pierres contenues dans les voies urinaires. Voyez Calcul , Pierre . Dans ce dernier cas, on ne pou roit faire usage des bains qu'avec beaucoup de précaution, parce qu'ils operent des effets, d'où peuvent aisément résulter de fausses couches, sur-tout les bains chauds. Il y a des exemples qui prouvent que les bains de riviere, pris dans la saison convenable, même dans les commencemens de la grossesse , ne sont point nuisibles à cet etat. Les maladies qui surviennent aux femmes enceintes dans le milieu, & vers la fin de leur grossesse , sont principalement la difficulté d'uriner, la retention ou le vice oppose, qui est l'incontinence d'urine, la frequente envie de rendre cette humeur excrémentitielle, la constipation ou la dejection difficile, les hémorrhoïdes, les varices, l'enflure des pies, des jambes, des levres de la vulve, la disposition à faire des chûtes, & autres approchantes. Toutes ces lesions dependent d'une seule & même cause, ci-devant mentionnée, qui est le volume & le poids de la matrice, qui comprime la vessie contre les os du bassin, y forme un etranglement qui exige de grands efforts de la part des fibres musculaires de ce reservoir de l'urine, pour surmonter l'obstacle qu'il trouve à se vuider du liquide qu'il contient, ce qui établit la difficulté d'uriner; ou la pression de la vessie forme un empêchement qu'elle ne peut pas vaincre, ce qui donne lieu à la retention d'urine; ou l'urine ne peut etre retenue qu'en petite quantite, à cause de cette pression qui laisse peu de capacité au reservoir, ce qui oblige à une frequente évacuation. La matrice comprimant aussi le rectum contre l'os sacrum, empêche qu'il ne se remplisse de matieres fécales, fait séjourner ces matieres dans les parties supérieures des gros boyaux où elles se dessechent; ce qui fournit différentes causes de la constipation & de la dejection difficile. Cette même compression de la matrice portant sur les veines hémorrhoïdales, empêche le libre retour du sang qu'elles contiennent, qui dilate ses vaisseaux, y cause des distensions douloureuses, ou les rompt & se fait issue en s'évacuant, & les veines iliaques étant aussi comprimées par la même cause, il en résulte une gêne, un obstacle dans le retour du sang des extrémités inferieures, qui donne beu aussi à la dilatation forcée des rameaux veineux les moins forts, tels que ceux qui ne sont point soûtenus par l'action des muscles, ceux qui ne sont recouverts que de la peau; ce qui produit des varices aux piés; aux jambes. Voyez Varice . Et les principaux vaisseaux qui rapportent la lymphe de ces mêmes parties, soit qu'ils ne puissent pas se vuider aisément dans les veines engorgées, ou qu'ils soient aussi comprimées à leur passage par le bassin pour se rendre au reservoir, deviennent aussi engorgés eux-mêmes; ensorte que la surabondance de la liqueur qu'ils contiennent, venant à refluer dans le tissu cellulaire, en augmente le volume; d'où les enflures des piés & des jambes, qui s'étendent quelquefois jusqu'aux cuisses de proche en proche. Et par la même raison le tissu cellulaire des bords du vagin s'enfle aussi très-souvent, vers la fin de la grossesse sur-tout, où la cause de l'engorgement des vaisseaux produit des effets plus étendus. Pour ce qui est de la disposition qu'ont les femmes grosses à faire des chûtes, on peut l'attribuer encore à la compression des muscles psoas & iliaques, qui gêne la flexion des cuisses: mais la principale cause est le volume, le poids du ventre, qui dispose le corps à se porter aisément hors de son centre de gravité. La compression que produit la matrice & son poids, étant la cause générale & commune de tous ces symptomes, ou de toutes ces différentes lésions, cette cause n'est pas de nature à pouvoir être détruite; elle ne peut cesser que par l'exclusion du foetus, qui ne laisse à la matrice que son volume & son poids ordinaire: ainsi on ne peut apporter à ces maux-là d'autres remedes que des palliatifs. Voyez Urinaires , ( maladies des voies ) Constipation , Déjection , Hémorrhoïdes , Varice , OEdème ), attendu qu'il n'y a rien de particulier à observer par rapport à ces remedes employés dans le cas de grossesse . Pour ce qui est de la disposition à faire des chûtes, qui est ordinaire aux femmes grosses, surtout dans les derniers tems de la grossesse où le ventre a le plus de volume & de poids; comme cette disposition, outre les causes mentionnées, dépend beaucoup aussi de ce qu'elles ne peuvent pas voir leurs piés en marchant, ni par conséquent où elles les posent, d'autant plus qu'elles sont obligées de porter le corps en-arriere pour conserver l'équilibre de gravitation entre les parties du corps étant debout: lorsque les choses en sont venues à ce point-là, il n'y a pas d'autre moyen d'éviter les chûtes, qui sont très-dangereuses dans cet état pour la mere & pour l'enfant, que de ne jamais marcher sans être appuyé sur quelqu'un qui conduise ou soûtienne la femme grosse , & regle, pour ainsi dire, ses pas. Si le ventre par son volume & par son poids tombe sur les cuisses, & contribue à empêcher de marcher, on peut prendre le parti de le suspendre par des bandages appropriés, qui soient arrêtés fixes derriere les reins. Les maladies tant aiguës que chroniques, qui ne dépendent pas de la grossesse essentiellement, doivent être traitées comme dans les autres sujets, avec attention de n'employer aucun remede qui puisse être contre-indiqué par l'état de grossesse , sans y avoir eu égard, sans avoir bien pesé, lorsqu'on se détermine à en faire de contraires à cet état, les inconvéniens, le danger de part & d'autre, & sans y avoir été forcé par l'urgence du cas. C'est d'après ces précautions que l'on doit traiter les maladies inflammatoires, les fievres violentes, les hydropisies, la phthisie, la vérole même dans les femmes grosses, que l'expérience a appris être susceptibles de faire usage de toute sorte de remedes, avec les ménagemens convenables; ce qu'il seroit trop long d'établir ici avec un certain détail. Ce qui a été ébauché du régime des femmes grosses, & ce qui vient d'être dit du traitement des maladies propres à la grossesse , peut suffire pour servir de regle à l'égard de toutes autres maladies dans cet état: mais pour suppléer à ce qui manque ici, on ne peut trop recourir aux ouvrages où il est traité, ex professo , des maladies des femmes grosses; tels que ceux de Varandaeus, de Sennert, Etmuller, Mauriceau, &c. On trouve aussi bien des choses intéressantes à ce sujet dans les oeuvres d'Hoffman, passim: la continuation bren attendue du commentaire des aphorismes de Boerhaave, par l'illustre baron Wanswieten, premier medecin de la cour impériale, ne laissera sans doute rien à desirer en traitant de cette matiere en son lieu. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSETTO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROSSETTO GROSSETTO, Rossetum , ( Géog. ) petite ville d'Italie en Toscane, avec un évêché suffragant de Sienne: elle est à deux lieues de la mer, à quatorze sud est de Sienne. Long. 28. 8. lat. 25. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSEUR Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. GROSSEUR * GROSSEUR, s. f. ( Gramm. ) ce mot a deux acceptions assez differentes: on dit la grosseur , & une grosseur. Voyez pour grosseur pris dans le premier sens, l' article Gros , adjectif. Dans le second sens, c'est presque la même chose que tumeur , si ce n'est que toute tumeur est une grosseur , & que je ne crois pas que toute grosseur soit une tumeur. Voyez Tumeur . De gros on a fait le substantif grosseur , & le verbe grossir . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSIER Author=Mallet Normalized Classification=Marchand Part of Speech=adject GROSSIER GROSSIER, adj. ( Marchand ) négociant qui vend ou qui achete des marchand ses pour les revendre en gros. On dit en ce sens, un marchand grossier d'épiceries, de draperies, &c. A Amsterdam, il n'y a point de différence entre grossier & détailleur, etant permis à chacun de faire tout ensemble le commerce en gros & en détail, à l'exception néanmoins de celui des vins & des eaux-de-vie étrangeres. Dictionnaire de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSIR Author=d'Alembert Normalized Classification=Optique Part of Speech=v.act. GROSSIR GROSSIR, v. act. ( Optiq. ) signifie faire paroître un objet plus grand qu'il n'est en effet: ainsi on dit d'un microscope, qu'il grossit les objets. Voyez Microscope , Loupe , Lunette ; voyez aussi Miroir , &c. Il le faut avoüer, nous n'avons point encore de théorie bien satisfaisante, & qui soit à l'abri de toute difficulté, sur la propriété qu'ont les instrumens de Dioptrique ou de Catoptrique, de grossir les objets: en génér il cela vient de ce que le miroir ou le verre reflechit ou rompt les rayons, de maniere qu'ils entrent dans l'oeil sous un plus grand angle que s'ils partoient de l'objet apperçu à la vûe simple; mais cet angle ne suffit pas pour déterminer la grandeur de l'objet ( Voyez Vision ), il faut le combiner avec la distance apparente ( Voyez Distance ), & par consequent connoitre le lieu de l'image. Or les Opticiens ne nous ont point encore donné de regles sûres touchant ce dernier point. Voyez Dioptrique . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROSSOYER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GROSSOYER GROSSOYER, ( Jurispr. ) signifie mettre en grosse . On dit grossoyer une requête, une piece d'ecriture, une sentence ou arrêt, une obligation ou autre contrat. Voyez ci-devant Grosse . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROTESQUES Author=Watelet Normalized Classification=Beaux-Arts Part of Speech=s.f.pl. GROTESQUES GROTESQUES, s. f. pl. ( Beaux-Arts. ) vient du mot italien grotta , grotte. Ce genre de sujets de peinture, que nous nommons aussi ornement & arabesque , a été appellé grotesque , parce qu'il est une imitation de certaines peintures anciennes qui ont été découvertes dans des grottes soûterreines. Bellori nous dit, dans son introduction aux peintures antiques: « On voit au palais Farnese à Rome, un morceau d'ornement admirable; il représente des feuillages avec un mascaron, deux enfans, une figure dont la moitié offre le corps d'une nymphe, & l'autre moitié le corps d'un cheval. Ces figures sortent des branches, des feuillages, & cette composition est un de ces caprices que Vitruve appelle monstres & figures partagées , & nous autres grotesques . » On ne peut disconvenir que ces sortes d'inventions ne portent le caractere des songes d'un malade, & que ce ne soit précisément ce que peint Horace, lorsqu'il dit: Humano capiti cervicem pictor equinam Jungere si velit, & varias inducere plumas, Undique collatis membris, ut turpiter atrum Desinat in piscem mulier formosa supernè, Spectatum admissi risum teneatis amici? On pourroit peut-être induire de ce passage avec assez de vraissemblance, que le goût pur & solide n'approuvoit pas du tems d'Horace ce qu'on a depuis imité avec une espece de vénération. Mais je n'entrerai point dans une discussion qui seroit trop longue ici: je crois au-moins qu'on ne sauroit faire honneur à la raison austere de l'invention de ce genre de peinture, dont cependant on ne peut pas sans se montrer trop sévere, blâmer l'usage circonspect & modéré. Comme la sagesse n'exclut point une espece de déraison aimable qui lui sert d'ornement lorsqu'elle est placée, les Arts faits pour être sages & reservés ont le droit aussi de déroger quelquefois à l'austérité des grands principes. Le point important est de placer leurs écarts, & de ne les pas rendre excessifs: mais ce point, peut-être plus embarrassant pour une nation vive que pour celles qui sont plus refléchies, a été plus d'une fois perdu ou ignoré parmi nous. Une histoire de nos grotesques en tout genre produiroit assûrément ce rire dont parle Horace, Spectatum admissi risum teneatis amici? Au reste, les modeles qui ont été regardés comme les meilleurs en ce genre, sont les ornemens trouvés dans les palais & dans les thermes de Titus, à Tivoli, & dans les grottes de Naples & de Pouzzoles. Ces modeles, qui ont presque tous péri, ont servi à Raphael, à Jules Romain, à Polidore, & à Jean da Udine, pour imposer une espece de regle à ce genre qui n'a que trop de penchant à s'affranchir de tout esclavage. La symmétrie, l'élégance des formes, le choix agréable des objets, la legereté non-excessive dans l'agencement, sont les points sur lesquels on peut appuyer les principes de l'art des ornemens ou des grotesques . Leur convenance avec les lieux où on les employe, leur rapport avec les décorations dont ils font partie, doivent guider ces sortes d'égaremens. Enfin comme ce genre est uniquement de convention, il faut tâcher d'adopter en y travaillant, non pas les conventions excessives qui n'existent qu'un instant, mais celles qui par quelques points au-moins tiennent à la raison & se rapprochent de la nature. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROTKAW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROTKAW GROTKAW, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne, capitale de la principauté de même nom, qu'on appelle aussi la principauté de Neiss , en Silésie. Elle est située dans une plaine fertile, à quatre lieues S. O. de Brieg, dix S. O. de Breslau, douze N. E. de Glatz. Long. 35. 10. lat. 50. 42 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROTTA-FERRATA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GROTTA-FERRATA GROTTA-FERRATA, ( Géog. ) fameuse abbaye de la campagne de Rome, située près de la ville de Frescati. Ce monastere orné des peintures du Dominiquin, est desservi par des moines grecs, dont un cardinal est ordinairement abbé. C'étoit-là jadis le Tusculum de Cicéron, sa maison de campagne la plus chérie, celle où il alloit se délasser du poids des affaires de l'état: ex omnibus laboribus & molestiis, uno illo in loco conquiescimus , écrivoit-il avec délices à Atticus. Elle avoit appartenu auparavant à Sylla, & l'on y voyoit, dit Pline, entr'autres magnificences, un admirable tableau représentant la victoire que ce dictateur avoit remportée dans la guerre des Marses, où Cicéron avoit servi sous ses ordres en qualité de volontaire. Le consul de Rome seroit sans doi te bien surpris, s'il revenoit au monde, de voir sur les ruines de la maison dans laquelle il étoit né, sur les débris de son portique & de son palais, d'un côté un couvent d'inquisiteurs, la villa di S. Dominico , & de l'autre une abbaye qu'occupent des moines Calabrois. Quantùm mutatus ab illo! Mais enfin le Tusculum de Cicéron a eu le même sort que tous les édifices des plus grands hommes de son siecle; leurs maisons de plaisance, leurs temples & leurs palais, sont devenus l'habitation des moines, des prélats & des cardinaux qui gouvernent Rome moderne. Des prêtres fortunés foulent d'un pié tranquille Le tombeau des Catons & la cendre d'Emile . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROTTE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GROTTE GROTTE, s. f. cripta , ( Hist. nat. ) On nomme ainsi les cavernes, les creux ou les espaces vuides qui se rencontrent dans le sein de la terre, & surtout dans l'intérieur des montagnes. Buttner & la plûpart des Naturalistes attribuent la formation des grottes aux bouleversemens causés par le déluge universel ou par d'autres révolutions particulieres, telles que celles qu'ont pu causer les feux soûterreins; ou aux eaux qui en pénétrant au-travers des montagnes & des roches qui les composent, ont entraîné & détaché les substances, telles que la terre, le sable, &c. qui leur présentoient le moins de résistance, & n'ont laissé subsister que les plus solides qu'elles n'ont pû entraîner avec elles. Les grottes varient pour la grandeur & pour les phénomenes qu'elles présentent; il n'y a guere de pays montagneux où l'on n'en trouve quelques-unes. La grotte de Baumann, située dans le duché de Brunswick, entre Blankenbourg & Elbingrode, est une des plus fameuses que l'on connoisse en Europe; elle est d'une étendue très-considérable, & composée d'un grand nombre de cavernes qui communiquent les unes aux autres. Ces cavernes sont remplies de stalactites & de concrétions pierreuses, qui offrent aux yeux des figures tout-à-fait singulieres, & que l'imagination prévenue rend peut-être encore plus merveilleuses. Il y auroit même lieu de soupçonner que l'art a quelquefois aidé à perfectionner des ressemblances que la nature n'avoit fait qu'ébaucher; tel est peut-être le cheval, &c. que l'on dit être ou avoir été dans cette grotte . On trouve encore dans la roche qui forme cette grotte , des ossemens d'animaux, que la crédulité a fait regarder comme des os de géants. L'on vante encore l' unicornu fossile , ou le squelette d'un animal fabuleux appellé licorne , mais que l'on ne regarde actuellement que comme le squelette du poisson appellé narwal. Voyez Behrens, Hercynia curiosa . Le célebre Tournefort nous a donné dans son voyage du Levant, tome I. pag. 190. une description très-curieuse de la fameuse grotte d'Antiparos, dans l'Archipel: elle est remarquable par la beauté des stalactites & des concrétions d'une forme singuliere qu'elle présente. Ces stalactites sont de l'espece de marbre veiné & couleur d'onyx, que l'on nomme communément albâtre oriental , & qui ne doit être regardé que comme un marbre plus épuré, entraîné par les eaux, & déposé ensuite sur les parois de la grotte par ces mêmes eaux, après qu'elles ont été filtrées au-travers de la pierre. La France fournit un grand nombre de grottes , aussi curieuses & intéressantes pour les observateurs de l'Histoire naturelle, que celles d'aucune autre contrée de l'Univers: telle est entre autres la grotte ou caverne d'Arcy dans la Bourgogne, décrite à l' article Arcy , sans compter celles qui se trouvent en plusieurs autres endroits du Dauphiné, de la Franche-Comté, &c. & en général dans les pays montagneux. Voyez l'artie . Glaciere naturelle . La plûpart de ces grottes & cavernes sont sujettes à se remplir peu-à-peu, au point que des endroits où l'on passoit librement, se trouvent resserrés au bout d'un certain tems, & finissent même par se boucher entierement. Cela arrive par le concours continuel d'une eau chargée de parties lapidifiques, qui tombe goutte-à-goutte de la voûte ou partie supérieure de ces cavernes. Les rochers dont les Alpes sont composés, sont remplis en quelques endroits de cavités ou de grottes , d'où les habitans de la Suisse vont tirer le crystal de roche. On reconnoît la présence de ces cavités, lorsqu'en frappant avec de grands marteaux de fer sur les roches, elles rendent un son creux. Ce qui les indique d'une maniere encore plus sûre, c'est une veine ou zone de quartz blanc, qui coupe la roche en differens sens; elle est beaucoup plus dure que le reste de la roche. Les habitans de la Suisse la nomment bande ou ruban . Un autre signe auquel on connoit la présence d'une grotte contenant du crystal de roche, c'est lorsqu'il suinte de l'eau au-travers du roc, près des endroits où l'on a observe ce qui précede. Lorsque toutes ces circonstances se réunissent, on ouvre la montagne avec une grande apparence de succès, soit à coups de ciseau, soit à l'aide de la poudre à canon; on forme ensuite un passage à peu-près semblable aux galeries des mines. On a remarqué qu'il se trouvoit toûjours de l'eau dans ces grottes; elle s'amasse dans le bas après être tombée goutte à goutte par la partie supérieure. Il y a tout lieu de croire qu'on acquerroit beaucoup de connoissances sur la formation des crystaux & des pierres, si on examinoit attentivement la maniere dont la nature opere dans les grottes , & si l'on analysoit par les moyens que fournit la Chimie, les eaux qu'on y rencontre, & auxquelles sont dus tous les phenomenes qu'on y remarque. Voy. Crystal , Crystallisation , & Pierre . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte du Chien Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie | Histoire naturelle Part of Speech=NA Grotte du Chien Grotte du Chien , ( Géogr. & Hist. nat. ) en italien grotta del cane, buco velenoso, grotte ou caverne d'ltalie, au royaume de Naples, celebre de tout tems par ses exhalaisons mortelles. Les anciens l'ont nommé spiracula & scrobes Charoneoe; Pline en fait mention liv. II. ch. cxiij. Elle est située proche du lac d'Agnano, entre Naples & Pouzzoles, sur le chemin qui conduit à cette derniere ville, à deux milles de la premiere, & au pié de la montagne appellée de nos jours la solsatara , autrefois sorum Vulcani , & leucogaei colles . Cette fameuse moféta a pris le nom moderne qu'elle porte, de ce qu'on éprouve communément ses effets pernicieux sur les chiens; elle ne laisse pas cependant d'être également funeste aux autres animaux qui se trouvent exposés à la portée de ses vapeurs. On dit que Charles VIII. roi de France en fit l'essai sur un âne, & que deux esclaves qui y furent mis la tête en-bas par ordre de Pédro de Tolede, vice-roi de Naples, y perdirent la vre; je ne garantis point ces sortes de traits historiques: une exacte description de la grotte est ici l'objet le plus important. Elle a environ huit piés de haut, douze de long, sur six de large. Il s'éleve de son fond une vapeur chaude, ténue, subtile qu'il est aisé de discerner à la vûe. Cette vapeur ne sort point par petites parcelles, mais elle forme un jet continuel qui couvre toute la surface du fond de la grotte; & il y a cette différence entre cette vapeur & les vapeurs ordinaires, que la vapeur malfaisante de la grotte du chien ne se disperse point dans l'air, & qu'elle retombe un moment après s'être elevée. La couleur des parois de notre grotte est la mesure de son élévation: car les parois sont d'un verd foncé jusque-là, & de couleur de terre ordinaire au-dessus, à la hauteur de plus de dix pouces. Le docteur Méad s'est tenu debout dans la grotte , la tête haute, sans en recevoir aucune incommodité; & tout animal dont la tête se trouve au-dessous de cette marque, ou que sa petitesse empêche de porter sa tête au-dessus de la vapeur, perd tout-d'un-coup le mouvement, comme s'il étoit étourdi; ensuite au bout d'une trentaine de secondes, il paroît comme mort ou en défaillance: bien-tôt après ses membres sont attaques de tremblemens convulsifs; à la fin, j'entends dans l'espace d'une minute, il ne conserve d'autre signe de vie qu'un battement presqu'insensible du coeur & des arteres, qui ne tarde même pas à cesser, lorsqu'on laisse l'animal un peu trop long-tems, je veux dire deux ou trois minutes, & pour lors sa mort est infaillible. Si au contraire, d'abord après la defaillance on le tire dehors de la grotte , il reprend ses sens & ses esprits, sur-tout lors qu'on le plonge dans le lac d'Agnano, qui est à vingt pas de-là. Cette derniere circonstance n'est point toutefois d'une necessité absolue. On lit dans l' hist. de l'ac des Scienc. qu'un chien qui servit à l'épreuve ordinaire, en presence de M. Taitbout de Marigny, consul à Naples, fut simplement jetté sur l'herbe, & que peu de tems après il reprit sa vigueur au point de courir; on concoit même que si on jettoit le chien au sorur de la grotte , assez avant dans le lac pour qu'il y nageât, immobile comme il est dans ce moment, il périroit plutôt que de revenir. J'ajoute en terminant la description de la grotte de Naples, qu'on ne la laisse point ouverte; que celui qui en a la clé, fait ordinairement son expérience sur un chien quand quelqu'un desire de la voir; & enfin qu'il couche toûjours cet animal à terre dans la grotte , en faisant son expérience. J'eut-être que les animaux qu'on éprouve de cette maniere, respirent au lieu d'air, des vapeurs minérales, suffoquantes, c'est-à-dire une vapeur ténue, imprégnée de certaines particules, qui étant unies ensemble, composent des masses très-pesantes, lesquelles bien-loin de faciliter le cours du sang dans les poumons, sont plus propres à chasser l'air de leurs vésicules, & à retrécir les vaisseaux par leur trop grande pesanteur; au moyen de ce poids subit, les vésicules pulmonaires s'affaissent, & la circulation du sang vient à cesser. Lors au contraire qu'on tire à tems l'animal de cette vapeur minérale, la petite portion d'air qui reste dans les vésicules après chaque expiration, peut avoir assez de force pour expulser ce fluide pernicieux, sur-tout si l'on plonge l'animal dans l'eau; en effet, il arrive que l'eau aidant par sa froideur la contraction des fibres, fait reprendre au sang son premier cours, comme on l'éprouve tous les jours dans les syncopes; mais si cette stagnation continue trop long-tems, il est aussi impossible de rendre la vie à l'animal, que s'il étoit parfaitement étranglé; & le lac d'Agnano même n'est d'aucune utilité dans ce dernier cas, ce qui montre que son eau n'a pas plus de vertu qu'une autre, & qu'elle n'est point un spécifique particulier contre le poison de la grotte . Il semble présentement qu'on est dispensé de recourir à un poison singulier des vapeurs minérales de la caverne, pour expliquer la mort des animaux qui y périssent, si l'on considere que ces animaux, quand on les tire promptement hors de cet endroit, reviennent à eux sans conserver aucun signe de foiblesse, ni aucun des symptomes que l'on remarque dans ceux qui ont respiré un air imprégné de particules malignes par elles-mêmes; de plus, les corpuscules venéneux, s'il y en avoit, devroient infecter pour le moins à quelque degré l'air qui regne dans la partie supérieure de la grotte , & cependant ils ne causent aucun dommage à ceux qui le respirent. Ajoûtez, que par l'ouverture faite des animaux auxquels l'air du bas de la grotte a causé la mort, on ne découvre rien d'extraordinaire ni dans leurs fluides, ni dans leurs solides. Cependant j'avoue que toutes ces raisons ne suffisent pas, pour porter la conviction dans l'esprit, parce que la nature & les effets des poisons nous sont entierement inconnus; celui-ci peut n'exercer son empire qu'à une certaine distance, & ne produire aucun changement dans le cadavre. Tout ce qu'on a pu découvrir de la qualité des particules minérales qui s'elevent en vapeurs dans la grotte du chien , c'est qu'elles doivent être pour la plupart vitrioliques, du-moins à en juger par la couleur verdâtre de la terre, & par son goût aigrelet qui tient beaucoup de celui du phlegme de vitriol. Au reste, il est très apparent qu'on pourroit creuser ici sur la même ligne d'autres grottes funestes, où les mêmes effets se feroient sentir. Quoi qu'il en soit, l'antiquité nomme plusieurs autres cavernes celebres par des exhalaisons mortiferes. Telle étoit la Mephitis d'Hiérapolis, dont il est parlé dans Cicéron, dans Galien, & dans Strabon, qui avoient été temoins de ses effets. Telle étoit encore la caverne de Corycie, specus Corycius , dans la Cilicie, qui, à cause de ses exhalaisons empestées, pareilles à celles que les Poëtes donnent à Typhon, étoit appellée l'antre de Typhon, cubile Typhonis . Pomponius Mela n'a pas oublié de la décrire, & elle paroit aussi ancienne qu'Homere: car le mont Arima où il place cette caverne méphitique, étoit à ce que dit Eustathius, une montagne de Cilicie. Enfin les vapeurs pernicieuses de toute nature ne sont pas rares: & bien qu'elles soient plus fréquentes dans les mines, dans les puits, dans les carrieres, & dans d'autres lieux semblables, on ne laisse pas d'en rencontrer quelquefois sur la surface de la terre, sur-tout dans les pays qui abondent en minéraux, ou qui renferment des feux soûterreins, tels que sont en Europe la Hongrie, la Sicile, & l'Italie. Voyez Exhalaison , Mophete , &c. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte d'Arcy Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grotte Grotte d' Arcy , voyez l'article Arcy . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte du desert de la tentation Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grotte Grotte du desert de la tentation , ( Géog. ) grotte de la Palestine, où l'on suppose sans aucun fondement que Jesus-Christ fut tenté par le démon dans un lieu desert; je dis, où l'on suppose sans aucun fondement , parce que les Evangélistes qui nous donnent le détail de la tentation, ne parlent point de grotte: cependant le P. Nau prétend dans son voyage de la Terre-Sainte, liv. IV. ch. jv. qu'elle se voit sur une montagne de la Palestine, dont le sommet est extrèmement élevé, & dont le fond est un abysme. Il ajoûte que cette montagne se courbant de l'occident au septentrion, présente une façade de rochers escarpés, qui s'ouvrent en plusieurs endroits, & forment plusieurs grottes de differ entes grandeurs. Voilà donc chacun maître de fixer à sa fantaisie sur cette montagne la grotte prétendue de la tentation de notre Sauveur; & comme tout y est également desert, le choix ne sera que plus facile. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte de Naples Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grotte Grotte de Naples , ( Géog. ) quelques-uns l'appellent aussi grotte de Pouzzoles , parce qu'elle conduit de Naples à Pouzzoles au-travers de la montagne Pausilipe. Voyez Pausilipe . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte de Pouzzoles Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grotte Grotte de Pouzzoles , ( Géog. ) Voyez Pausilipe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte de Notre Dame de la Balme Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie | Histoire naturelle Part of Speech=NA Grotte Grotte de Notre Dame de la Balme , ( Géog. & Hist. nat. ) grotte de France dans le Dauphiné, sur le chemin de Grenoble. On lui donnoit autrefois 50 toises d'ouverture & 60 de largeur; mais il est arrivé par un nouvel examen que cette spacieuse caverne a diminué prodigieusement de dimension: & les physiciens modernes après bien des recherches, n'ont pû trouver de nos jours, ni le goufre, ni le lac dont parle Mézeray dans la vie de François Lannée 1548. Ce gouffre affreux a entierement disparu, & ce vaste lac se réduit à un petit ruisseau. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte de Quingey Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie | Histoire naturelle Part of Speech=NA Grotte Grotte de Quingey , ( Géogr. & Hist. nat. ) grotte de Franche-Comté, à une lieue de Quingey, & à cinquante pas du Doux. Elle est longue & large, & la nature y a formé des colonnes, des festons, des trophées, des tombeaux, enfin tout ce que l'on veut imaginer: car l'eau dégouttant sur diverses figures, s'épaissit, & fait mille grotesques. Cette caverne est habitée par des chauves-souris du-haut en-bas; ainsi ceux qui voudront la visiter, doivent faire provision de flambeaux & de just-au-corps de toile, tant pour y voir clair, que pour ne pas gâter leurs habits. Le terrein est fort inégal, selon les congelations qui s'y sont faites; il est même vraissemblable qu'avec le tems il sera entierement bouché. Voyez la description que M. l'abbé Boizot a donnée de cette grotte dans le journal des savans , du 9 Septembre 1686. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte de la Sibylle Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie | Histoire naturelle Part of Speech=NA Grotte Grotte de la Sibylle , ( Géog. & Hist. nat. ) grotte d'Italie au royaume de Naples, auprès du lac d'Averne. La principale entrée en est déjà comblée, & celle par laquelle on y parvient aujourd'hui, s'affaisse & se bouche tous les jours; c'est une des merveilles d'Italie qu'il faut rayer de ses fastes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grottes de la Thébaide Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Grottes Grottes de la Thébaide , ( Géog. ) Ces grottes sont de vraies carrieres qui, selon le récit des voyageurs, occupent un terrein de dix à quinze lieues, & qui sont creusées dans la montagne du levant du Nil. Voyez Thébaide . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grotte artificielle Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire des arts Part of Speech=NA Grotte artificielle Grotte artificielle , ( Hist. des Arts. ) Les grottes artificielles sont des bâtimens rustiques faits de la main des hommes, & qui imitent des grottes naturelles autant que l'on le juge à-propos; on les décore au-dehors d'architecture rustique; on les orne en-dedans de statues & de jets-d'eau; on y employe les congelations, les pétrifications, les marcassites, les crystaux, les amétistes, le nacre, le corail, l'écume de fer, & généralement toutes sortes de minéraux fossiles, & de coquillages; chaque nation porte ici son goût particulier; mais un des ouvrages des plus nobles & des plus achevés qu'il y ait eu en ce genre, étoit la grotte de Versailles, qui ne se voit plus qu'en estampe. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROU, GROUETTE Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=s.f. GROU GROU, s. m. GROUETTE, s. f. ( Hydraulique. ) l'un & l'autre se dit d'une matiere pierreuse qui se trouve au-dessus de la superficie des terres; si on néglige de percer cette grouette bien avant & au pourtour du trou où l'on veut planter un arbre, on ne pourra jamais réussir à l'élever. On sent bien que cette croûte pierreuse empêcheroit la communication des engrais & des arrosemens qui font tomber sur les racines d'un arbre les sels qui y sont contenus. Vrai moyen de maintenir la souplesse des plantes, de developper leurs germes, & de donner à la seve la facilité de se porter de tous côtés. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROUGROU Author=Le Romain Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GROUGROU GROUGROU, s. m. ( Hist. nat. bot. ) c'est une des especes de palmier qui croissent en Amérique. Le grougrou ne s'éleve pas si haut que le palmier franc; & quoiqu'il soit garni d'épines longues de quatre à cinq pouces, menues comme des aiguilles à tricoter, & extrèmement polies, il ne faut pas pour cela le confondre avec le palmier épineux. Son fruit vient par grappes; il est de la grosseur d'une balle de paume, & renferme un petit cocos plus gros qu'une aveline, noir, poli, & très-dur; au-dedans duquel est une substance blanchâtre, coriace, insipide, & très-indigeste. Cependant les Negres en mangent beaucoup; les Sauvages en font une huile qui renaît en peu de tems, & dont ils se frottent le corps; le chou qui provient de cet arbre est bien meilleur que celui du palmier franc, mais moins délicieux que celui du palmier épineux. De toutes les îles françoises, celle qui abonde le plus en grougrou , c'est la Grenade; il y a des montagnes qui en sont toutes couvertes. Article de M. le Romain . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROULARD Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GROULARD GROULARD, s. m. Voyez Bouvreuil . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROUP Author=Diderot|Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GROUP * GROUP, s. m. ( Comm. ) se dit dans le commerce des paquets d'or ou d'argent en especes que les marchands ou négocians s'envoyent les uns aux autres par la poste, par le messager, ou par quelqu'autre commodité. Ainsi on dit, un paquet , ou un group de deux cents loüis. Dictionnaire de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GROUPPE Author=Watelet Normalized Classification=Peinture Part of Speech=s.m. GROUPPE GROUPPE, s. m. signifie en Peinture l'assemblage de plusieurs objets qui sont tellement rapprochés ou unis, que l'oeil les embrasse à-la-fois. Les avantages qui résultent de cette union dans les ouvrages de la Peinture, tiennent, à ce que je crois, d'une part au principe d' unité , qui dans tous les arts est la source des vraies beautés; d'un autre ils ont rapport à l' harmonie , qui est la correspondance & la convenance générale des parties d'un tout, comme on le verra au mot Harmonie . Developpons la premiere de ces idées. Si nos yeux n'étoient pas asservis à la nécessité de rassembler leurs rayons visuels à-peu-près dans un même point, pour appercevoir nettement un objet; si au contraire nos yeux indépendans l'un de l'autre, pouvoient s'occuper également de plusieurs objets séparés les uns des autres; si leurs perceptions rapportées au terme qui fait la liaison de notre partie intellectuelle avec nos ressorts matériels, pouvoient sans se nuire exciter à-la-fois différentes idées, vraissemblablement le principe d'unité seroit sujet à contestation, ou n'existeroit pas, & l'usage de groupper seroit moins autorisé; mais la nécessité où nous sommes de n'appercevoir, de ne sentir, de ne penser qu'un seul objet à-la-fois, nous oblige d'établir ce principe d'unité auquel nous sommes astreints; & c'est pour s'y conformer que l'artiste qui traite un sujet rassemble le plus qu'il lui est possible, les objets dont il souhaite que le spectateur s'occupe & joüisse. L'usage de former des grouppes est donc pris dans la nature, quoiqu'il se rencontre peut-être rarement que dans une action qu'on peint, les objets soient rassemblés & unis précisément comme le peintre a intérêt de les unir & de les rassembler. Mais en justifiant aux Artistes une forme de composition, dont la plûpart ne se sont peut-être pas rendu une raison bien exacte; je leur observerai que l'on a abusé, & que l'on abuse encore de l'usage où l'on est de groupper, & que les conventions auxquelles on semble avoir soûmis cette partie de la composition, peuvent entraîner une école entiere à des défauts essentiels. C'est principalement dans le genre héroïque de la Peinture, qu'il est essentiel d'approfondir de quelle considération l'usage de groupper doit être pour les Artistes. Dans un tableau d'histoire, le but principal du peintre est de fixer les yeux du spectateur sur l'objet le plus intéressant de la scene. Deux moyens principaux s'offrent pour cela: l'effet & l' expression . Il est le maître de l'un, il n'a aucun droit sur l'autre. L'expression est indépendante de l'artiste, puisque la nature, d'une justesse invariable dans ses mouvemens, ne laisse rien au choix du peintre, & qu'il s'égare dès qu'il la perd de vûe. L'effet est subordonné à l'artiste, parce que cette partie qui dépend de plusieurs suppositions arbitraires, lui permet de disposer le lieu de la scene, les objets qui le constituent, & la lumiere, de la maniere la plus favorable à son projet. C'est en conséquence de cette liberté qu'il forme des especes de divisions dans son sujet, & que celle de ces divisions qui doit renfermer son objet principal, est le but le plus intéressant de ses réflexions & de son travail. En conséquence il dirige vers ce point sa plus brillante lumiere; mais si l'objet principal est seul & isolé, cette lumiere pourra bien s'y distinguer par quelques touches éclatantes, mais elle n'attirera pas l'oeil par sa masse; il faut donc, s'il est possible, reproduire cette lumiere, l'étendre autour de l'objet principal, enfin former un grouppe de lumieres qui se lient, qui s'unissent, & dont la masse étendue frappe l'oeil du spectateur & le retienne. Cette sorte de grouppe qui tient à la partie de l'harmonie, est celle qui risque le moins de s'éloigner de la nature; elle est d'une ressource infinie pour ceux qui savent l'employer: c'est une espece de magie d'autant plus puissante que ses prestiges sont cachés sous les apparences les plus naturelles; c'est enfin, j'ose le dire, un des moyens les plus puissans que puisse employer l'art de la peinture. La seconde espece de grouppe est celle qui consiste dans l'assemblage de plusieurs figures, dont l'union est l'effet d'une composition refléchie; la nature offre des exemples de ces assemblages, mais ils ne sont pas toûjours assez heureux pour que l'artiste les adopte tels que le hasard les assemble; il se croit autorisé s'il les copie, à y faire quelques changemens dont il espere plus de grace dans la forme générale du grouppe; il lui arrive alors de considérer un grouppe de plusieurs figures comme un seul corps, dont il veut que les différentes parties contrastent, dans lequel il évite avec soin (heureux si ce n'est point avec affectation) la moindre uniformité de position dans les membres, où il cherche enfin à quelque prix que ce soit une forme pyramidale, qu'il croit, sur la foi du préjugé, faite pour plaire préférablement à d'autres. Il est bien facile de sentir combien cette espece de méchanisme s'éloigne de la nature; il est aisé de voir quelle porte on ouvre par-là au préjugé, à la mode, & à ces especes d'imitations de maniere, qui circulant d'attelier en attelier, attaquent l'art dans ses principes, & qui parviendroient à l'asservir, si le génie, par son indépendance, ne rompoit ces indignes chaînes. Je ne prétends pas cependant qu'on doive se refuser à groupper les figures principales d'un objet, lorsque le sujet le comporte. Je ne dis pas même qu'en grouppant plusieurs figures, on ne doive éviter certaines rencontres desagréables ou trop uniformes; mais qu'il y a loin d'un choix sage & réservé que j'approuve, d'un art modéré qui se cache si bien qu'on le prend pour la nature même, à des oppositions recherchées & à des contrastes affectés, par le moyen desquels les figures d'un grouppe ressemblent à une troupe de danseurs dont les pas, dont les attitudes, dont tous les mouvemens sont combinés & écrits? Quelques auteurs ont établi des regles sur la quantité de grouppes qu'on doit admettre dans une composition; je n'engagerai jamais les Artistes à adopter ni à former des systèmes de compositions de cette espece. Les détails dans lesquels je pourrois m'étendre sur cela, ont rapport aux mouvemens qu'occasionnent certaines passions; & je les réserve pour l'article où ce mot sera traité dans ses rapports avec la Peinture. Article de M. Watelet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grouppe Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.m. Grouppe Grouppe , s. m. en Musique , selon l'abbé Brossard, se dit de quatre notes égales & diatoniques dont la premiere & la troisieme sont sur le même degré. Quand la seconde note descend & que la quatrieme monte, c'est grouppe ascendant; quand la seconde monte & que la quatrieme descend, c'est grouppe descendant; & il ajoûte que ce nom a été donné à ces notes à cause de la figure qu'elles forment ensemble. Je ne me souviens pas d'avoir jamais oüi prononcer ce mot de grouppe , ni même de l'avoir lu dans le sens que lui donne l'abbé Brossart, ailleurs que dans son dictionnaire. ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRU Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GRU GRU, s. m. ( Gramm. ) ancien terme des eaux & forêts. Il se dit de tous les fruits sauvages qui croissent dans les forêts. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GRUAGE GRUAGE, s. m. ( Jurisp. ) terme usité dans quelques coûtumes, pour exprimer la maniere de vendre & exploiter les bois; c'est proprement l'exercice des droits de grurie ou grairie, tiers & danger segrairie. Suivant un registre du thrésor des chartres de l'an 1315, le roi expose qu'il a droit de gruage dans les bois de Gilles Bergines son chambellan; mais en considération de ses services, il lui donne ledit gruage estimé 52 liv. 14 s. 6 den. La coûtume de gruage est celle selon laquelle il faut mesurer, arpenter, layer, crier, & livrer le bois. Droit de gruage se prend quelquefois pour grurie. Voyez ci-après Grurie . Gruage est aussi quelquefois un droit qui appartient à certains officiers: par exemple, dans le registre du thrésor des chartres de l'an 1315, pag. 57. il se trouve une chartre, portant que les gruyers de la forêt auront pour leur gruage soixante arpens de bois, exempts de toute redevance. Le concierge & bailli du palais a le droit de gruage sur tous les bois de la forêt Yveline, lequel droit consiste en une certaine quantité de charbon & d'écorce, que doivent lui payer ceux qui en voiturent. Il est parlé de ce droit dans des lettres données au mois de Janvier 1358, par Charles V. alors régent du royaume. ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUAU Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GRUAU GRUAU, s. m. ( Gram. ) farine d'avoine ou d'orge dont on a séparé le son, & qu'on a séchée au four; on en fait de la bouillie; on en prend au lait & à l'eau. C'est un aliment fort sain. Voyez Farine & Farineux . Le gruau est encore une espece de farine grossiere, mêlée de son, & qui dans le blé étoit voisine de l'écorce. Il y a des gruaux fins & des gruaux gros. Les gruaux fins , c'est la farine au dessous de la blanche. Ces gruaux sont les meilleurs. Les gruaux gros , c'est la farine au-dessous des gruaux fins. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gruau Author=unknown Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=s.m. Gruau Gruau , s. m. ( Méchan. ) cette machine a le même usage que la grue, à l'exception qu'elle n'a point tant de saillie. Elle est composée des pieces suivantes. 1°. Le sol; 2°. la fourchette; 3°. le poinçon; 4°. les bras ou liens en contre-fiche; 5°. la jambette; 6°. le treuil; 7°. l'arrêtier; 8°. la roue; 9°. le rancher avec ses chevilles ou ranche. La volée qui est la partie mouvante du gruau , comme de la grue, sont les pieces suivantes; 10°. le rancher; 11°. le lien; 12°. la grande moise; 13°. la poulie; 14°. les boulons; 15°. le chable. Voyez l'article Grue , & les Planches du Charpentier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=s.f. GRUE GRUE, s. f. grus , ( Ornith. ) grand oiseau aquatique qui a le cou & les jambes fort longues. Il pese pour l'ordinaire dix livres, & il a près de cinq piés de longueur, depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout des piés. Le bec est droit, pointu, & de couleur verdâtre teinte de noirâtre. Il a près de quatre pouces de longueur, & il est applati sur les côtés. Le sommet de la tête a une couleur noire, & il est couvert de poil ou de soie, au lieu de plumes. Il y a sur l'occiput une aréole rouge & nue; deux bandes blanches s'étendent depuis les yeux jusqu'au sommet d'une tache de couleur de cendrée qui est sur l'occiput, au-dessous de l'aréole dont il a été fait mention: ces deux bandes descendent ensuite jusqu'à la poitrine. La gorge & les côtés de la tête sont noirs; le dos, les épaules & la poitrine, le ventre en entier, les cuisses & presque toutes les petites plumes des aîles ont une couleur cendrée; les aîles sont très-étendues, & ont vingt-quatre grandes plumes; la queue est petite, ronde & composée de douze plumes qui sont de couleur cendrée, à l'exception du bout qui est noir; les jambes ont aussi une couleur noire, & sont nues jusqu'au-dessous de l'articulation. Cet oiseau est passager, & il a la chair assez bonne; il vit de semences & d'herbes. Willughbi, Ornit. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grue Author=d'Alembert Normalized Classification=Astronomie Part of Speech=NA Grue Grue , ( Astron. ) constellation de l'hémisphere austral, située entre le Poisson austral & le Toucan. C'est une de celles qui ne sont point visibles dans nos climats. V. Constellation & Etoile . ( O ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grue Author=unknown Normalized Classification=Méchanique Part of Speech=NA Grue Grue , ( Méchan. ) machine en usage dans la construction des bâtimens, pour élever des pierres & autres grands fardeaux. M. Perrault dans ses notes sur Vitruve, prétend que la grue est le corbeau des anciens. Voyez Corbeau . La grue des modernes est composée de plusieurs pieces, dont la principale est un arbre élevé perpendiculairement, & terminé en poinçon par le haut: cet arbre est garni par le milieu de huit pieces de bois posées en croix, & soûtenu de huit bras ou liens en contre-fiche, qui s'assemblent vers le haut de l'arbre, & y sont joints avec tenon & mortoise. La piece de bois qui porte & qui sert à élever les fardeaux, s'appelle échelier ou rancher; elle est garnie de chevilles ou ranches, & posée sur un pivot de fer qui est au bout du poinçon de l'arbre: il est assemblé avec plusieurs moises à des liens montans. Il y a des pieces de bois que l'on nomme soûpentes , attachées à la grande moise d'en-bas & à l'échelier, & qui servent à porter la roue & le treuil, autour duquel se devide le cable. Le cable passe dans des poulies qui sont au bout des moises, & à l'extrémité de l'échelier. Tout le corps de la grue , c'est-à-dire, l'échelier, les moises, les liens montans, les soûpentes, la roue & le treuil, tourne sur le pivot autour de l'arbre pour placer les fardeaux où l'on veut. Chambers . A proprement parler, la grue est un composé du treuil & de la poulie: ainsi pour connoître l'effet de cette machine & sa force, il ne faut qu'y appliquer ce que nous dirons de ces deux machines. Voyez donc Poulie & Treuil . Voyez aussi Axe dans le Tambour , qui est la même chose que treuil , &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Grue, (la danse de la) Author=Cahusac Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Grue Grue , ( la danse de la ) c'est un ballet des anciens, par lequel ils représentoient les divers détours du labyrinthe de Crete. Il fut inventé par Thesée, après la défaite du Minotaure. Il l'exécuta lui-même avec la jeunesse de Délos; & cette danse passa dans les tragédies des Grecs, pour y servir d'intermedes. Elle fut mise à la place des ballets qui représentoient le mouvement des astres, &c. La danse de la grue fut nommée ainsi, parce que tous les danseurs s'y suivoient à la file, comme sont les grues lorsqu'elles volent en troupe. Plutarque, dans la vie de Thesée. Voyez Ballet . ( B ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUGER ou EGRUGER Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. GRUGER ou EGRUGER GRUGER ou EGRUGER, v. act. ( Gramm. ) il se dit en général de l'action de réduire en poudre un corps dur par le moyen de quelque instrument; ainsi on gruge le marbre avec la marteline. Le même terme se prend aussi au figuré. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUME Author=unknown Normalized Classification=Forêts | Eaux Part of Speech=s.f. GRUME GRUME, s. f. ( Eaux & Forêts. ) c'est en général le bois couvert de son écorce & non équarri. On vend beaucoup de bois en grume . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUMEAU Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=s.m. GRUMEAU GRUMEAU, s. m. grumus , ( Med. ) ce terme est employé pour signifier une petite masse de sang, de lait, ou d'autre humeur concrescible, qui s'est figée même jusqu'à devenir assez dure. Hippocrate fait souvent mention de sang grumelé, aph. 80. sect. 4. coac. t. 123. l. V. epid. v. 5 . Il se sert aussi quelquefois de cette expression à l'égard de différentes matieres excrémentitielles; comme de la bile ( l. II. de morb. lxxiij. 2. ), de l'urine, aph. 69. sect. 4. & coac. 597 . Il parle aussi d'un vomissement de matieres grumeleuses. Ibid. t. 636 . La concrétion des humeurs sous forme de grumeau , est ce que les Latins appellent grumescentia , & les grecs θρόμβωσις : Galien se sert de ce dernier terme. c. ij. de fract. t. 16 . On a long-tems attribué le vice des humeurs qui les dispose à se grumeler, à l'acide prédominant dans leur masse. Castell. lexic. Voyez Coagulation , Concrétion . Les pulmoniques crachent souvent du sang sous forme de grumeaux. Voyez Pulmonie , Phthisie . On appelle grumeaux de lait , ou lait grumelé , les petits durillons qui restent dans le sein des nouvelles accouchées, surtout lorsqu'elles n'allaitent pas leurs enfans. Voyez Lait , Mamelles . De grumeau on fait grumeler, grumeleux , &c. ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUMENTUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GRUMENTUM GRUMENTUM, ( Géog. anc. ) petite ville de la grande Grece dans la Lucanie, vers le golphe de Tarente. Titus Sempronius y remporta la victoire sur Hannon, au rapport de Tite-Live; Ptolomée, dans sa géographie , Pline dans son histoire naturelle , & Antonin dans son itinéraire , parlent aussi de cette ville. C'est la Saponara de nos jours, qui est dans le diocèse de Massico, ainsi qu'on l'a démontré par des inscriptions & d'autres monumens qui ont été trouvés aux environs. Voyez Saponara . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUNINGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRUNINGEN GRUNINGEN, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne au cercle de la Basse Saxe, dans la principauté d'Halberstadt, sur la riviere de Felk, à l'E. & à une lieue d'Halberstadt. Long. 26. lat. 56. 7. 6 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUNSFELD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRUNSFELD GRUNSFELD, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne en Franconie, à trois lieues E. de Rothenbourg: elle appartient au langdrave de Leuchtenberg. Lon. 27. 7. lat. 49. 41 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUNSTADT Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRUNSTADT GRUNSTADT, Grunstadium , ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne au Palatinat du Rhin, située dans un terroir fertile. Lon. 25. 40. lat. 49. 31 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRURIE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.f. GRURIE GRURIE, s. f. ( Jurispr. ) est une jurisdiction qui connoit en premiere instance de toutes les contestations qui peuvent s'élever au sujet des eaux & forêts de son ressort, & des délits & malversations qui peuvent y être commis. Il y a des gruries royales, & d'autres seigneuriales. On appelle aussi grurie par rapport au roi, un droit qui se perçoit en quelques endroits à son profit sur les bois d'autrui lors de la vente des coupes, à cause de la justice qu'il fait exercer sur ces bois. Ailleurs ce droit est nommé grairie, segrairie , ou segreage, tiers & danger, gruage; tous ces différens noms sont synonymes, excepté que la quotité des droits qu'ils désignent, n'est pas communément la même; le nom & la quotité du droit dépendent de l'usage des lieux. Quelques-uns tirent l'étymologie de grurie & de gruyer, à gruibus , à cause que ces animaux veillent la nuit, soutenant une pierre en l'air avec leur pié. D'autres font venir grurie du mot grec δρῦς , qui signifie chêne & même tout autre arbre. Mais Pithou, sur l' article 181. de la coûtume de Troyes, dit que grurie vient de gru , qui sign fioit autrefois toute sorte de fruits tant des forêts qu'autres. En effet le droit de grurie dans son origine ne se levoit pas seulement sur les bois, il se levoit aussi sur les terres labourables; comme il paroît par une charte de l'an 1204, rapportée par Duchesne en ses preuves de la maison de Montmorency, où il est parlé d'un accord fait super griaria tam in nemore quam in plano . Ragueau en son glossaire dit qu'il y a la grurie de charbon, dont on fait bail à Paris au profit du roi. Ducange tient que grurie vient de l'allemand gruen ou groen , qui signifie viridis , d'où on a fait viridarius; & en effet les gruyers sont aussi appellés verdiers en plusieurs endroits. La grurie prise pour jurisdiction sur les eaux & forêts, est un attribut naturel de la haute-justice. Avant que l'on eût introduit les inféodations, les seigneurs qui avoient des hautes-justices, soit à cause de leurs aleux, ou à cause de leurs bénéfices civils, avoient droit de grurie . Ce ne fut que depuis l'usage des inféodations que la grurie fut démembrée de plusieurs hautes-justices, pour en former un fief séparé; ce qui arriva dans les xj. & xij. siecle, où l'on donnoit en fief toutes sortes de choses, ainsi que le remarque M. Brussel, usage des fiefs . En Champagne la grurie étoit encore séparée de la haute-justice en l'an 1317; comme il paroît par une contestation rapportée dans les registres olim , laquelle se mut entre le gruyer de Champagne & le procureur dû comte palatin de Champagne & de Brie. Le gruyer prétendoit avoir droit de chasse dans la garenne, dans les bois & dans tout le territoire du village appellé la Chapelle , de nuit, de jour, à cor & à cri, tant par lui-même que par ses gens; d'y prendre des bêtes de toute espece, de punir les délinquans, d'en exiger des amendes quand le cas y échéoit. La contestation fut décidée en sa faveur après une enquête. La grurie de la forêt de la Cuisse est encore un fief héréditaire dans la personne du seigneur du Haroy. Ses titres lui donnent la qualité de gruyer hérédital , & à son fief celle de fief de la grurie en ladite forêt. Les prérogatives de ce fief sont entre autres de mener le roi quand il chasse dans cette forêt; de pouvoir chasser lui-même dans tous les endroits de la forêt, son valet après lui portant une trousse de la gutte avec trois levriers & trois petits chiens, & un vautour sur le poing; d'y prendre toutes sortes de bêtes à pié rond; & en cas qu'il en prenne à pié fourché, il en est quitte en avertissant le garde de la forêt: plus le pouvoir de sargenter, allant par ladite forêt à cheval ou à pié; de prendre 60 sous & un denier sur les chevaux; en cas de confiscation de charrette & chariots, de pouvoir mener un sergent en sa place; d'avoir droit de panage & d'herbage; de prendre la fille ou filles du chesne, tant pour adoire que pour édifier, faire cuves, tonneaux, &c. & ce au haut du genou, à la serpe & à la coignée; comme aussi d'ébrancher les chênes jusqu'à la premiere fourche. Voyez le droit public de M. Bouquet, tom. I. p. 331 . Miraumont cite une vieille loi de Louis & de Clotaire, en laquelle il est parlé du droit de grurie, jus gruariae , & où il est dit que l'on institua des gruyers, verdiers, gardes des eaux & forêts: & ne fraus fieret canoni, instituti praefecti, gruarii, viridarii, custodes silvarii, aliique quibus silvarum procuratio demandata; mais dans les justices des seigneurs, lorsque la grurie n'en avoit point été démembrée, ou qu'elle y avoit été réunie, elle en faisoit toûjours partie. Voyez M. Bouquet, pag. 331 . Une ordonnance de Philippe-le-Bel de 1291, dit que les maîtres des eaux & forêts, les gruyers, gruerir , & forestiers, feront serment entre les mains de leurs supérieurs, en la forme qui avoit déjà été ordonnée. Les gruries avoient dès-lors l'inspection sur les eaux, de même que sur les forêts: en effet Philippe V. ordonna en 1318 que les gruyers gouverneroient les eaux & les viviers en la maniere accoûtumée; que sous prétexte d'aucun don ou mandement du roi, ils ne délivreroient à personne aucuns poissons du roi, jusqu'à ce que tous ses viviers & ses eaux fussent à plein publiés; que quand les sergens des bois auroient compté de leurs prises & des exploits des forêts, les gruyers leur feroient écroues de leur compte sous leurs sceaux; enfin que les gruyers ne feroient aucunes ventes, qu'elles ne fussent mesurées. Les gruries royales furent érigées en titre d'office par édit du mois de Février 1554, & rendues héréditaires par édit du mois de Janvier 1583. Pour ce qui est des gruries seigneuriales, il n'y en avoit anciennement que dans les terres des seigneurs qui avoient une concession particuliere du droit de grurie , auquel cas le seigneur commettoit un juge partieulier pour exercer sa jurisdiction de la grurie . Il est fait mention de ces gruries seigneuriales dès l'an 1380, & il y en avoit même long-tems auparavant, ainsi qu'on l'a déjà observé. Voyez ci-apr. le mot Gruyer . Les choses demeurerent dans cet état jusqu'à l'édit du mois de Mars 1707, par lequel le roi créa une grurie dans chaque justice des seigneurs ecclésiastiques & laiques, pour faire dans l'étendue de ces justices les mêmes fonctions qu'exerçoient les gruyers du roi dans ses eaux & forêts. L'appel de ces gruries étoit porté aux maîtrîses. Les offices de ces nouvelles gruries n'ayant pas été levés; par une déclaration du mois de Mars 1708, ils furent réunis aux justices des seigneurs moyennant finance. Depuis ce tems, tous les seigneurs hauts-justiciers sont réputés avoir droit de grurie chacun dans l'étendue de leur haute-justice, & tous juges de seigneurs sont gruyers. Mais les inconvéniens que l'on trouva à laisser les gruyers des seigneurs seuls maîtres de la poursuite de toutes sortes de délits indistinctement, sur-tout dans les bois des gens de main-morte, donnerent lieu à la déclaration du 8 Janvier 1715, par laquelle il a été ordonné que les officiers des eaux & forêts du roi exerceront sur les eaux & forêts des prélats & autres ecclésiastiques, chapitres & communautés régulieres, séculieres & laiques, la même jurisdiction qu'ils exercent sur les eaux & forêts du roi, en ce qui concerne le fait des usages, délits, abus & malversations qui s'y commettent, sans qu'il soit besoin qu'ils ayent prévenu, ni qu'ils en ayent été requis, encore que les délits n'ayent pas été commis par les bénéficiers dans les bois dépendans de leurs bénéfices; & à l'égard des usages, abus & malversations qui concernent les eaux & forêts qui appartiennent aux seigneurs laïques ou autres particuliers, il est dit que les officiers des eaux & forêts du roi en connoîtront pareillement sans qu'ils en ayent été requis, ni qu'ils ayent prévenu, lorsque les propriétaires de ces eaux & forêts auront eux-mêmes commis les délits & abus; mais ils ne peuvent en prendre connoissance quand ils ont été commis par d'autres, à-moins qu'ils n'en avent été requis & qu'ils n'ayent prévenu les juges gruyers des seigneurs: enfin cette déclaration ordonne que l'appel des gruyers des seigneurs se relevera directement à la table-de-marbre, comme avant l'édit du mois de Mars 1707. Les bois tenus en grurie sont ceux qui sont soûmis à la jurisdiction des officiers du roi, & sur lesquels il joüit de quelques droits, à cause de la justice qu'il y fait exercer. Les bois de cette qualité ne peuvent être vendus que par le ministere des officiers du roi pour les eaux & forêts, & avec les mêmes formalités que les bois & forêts du roi. Dans tous les bois sujets aux droits de grurie ou grairie , la justice & en conséquence tous les profits qui en procedent, tels que les amendes & confiscations, appartiennent au roi; ensemble la chasse, paisson & glandée, privativement à tous autres, si ce n'est qu'à l'égard de la paisson & glandée il y eût titre au contraire. Le droit de grurie qu'on appelle aussi en quelques endroits grairie , est une portion de la vente que le roi perçoit sur les bois d'autrui, soit en argent ou en essence du meilleur bois. Dans la forêt d'Orléans, le droit de grurie ou grairie est de deux sous parisis d'une part du prix de la vente, & de dix-huit deniers d'autre. Dans d'autres endroits, comme dans la Beauce, le Gatinois & le Hurepois, ce droit est de treize parts dans trente; à Beaugency il est de la moitié, le quint du principal, & toute l'enchere qui se fait sur la publication de la vente faite par le tréfoncier. A Senlis, le roi a dans quelques bois le tiers; dans d'autres la moitié, dans d'autres le quint & le vingtieme, dans d'autres le vingtieme seulement. A Chauny, il a le quart & le quint. Au pays de Valois, il a le tiers dans les bois des tréfonciers. En Normandie & dans quelques autres pays, le roi a le tiers & danger, c'est-à-dire le tiers & le dixieme. Voyez Danger , Tiers et Danger Les parts & portions que le roi prend lors de la coupe & usance des bois sujets aux droits de grurie & grairie , sont levées & perçûes en espece ou argent, suivant l'ancien usage de chaque maîtrise où ils sont situés. L'ordonnance de Moulins défend de donner, vendre ni aliéner en tout ou partie, les droits de grurie , ni même de les donner à ferme pour telle cause & prétexte que ce soit. Ces défenses ont été renouvellées par l'ordonnance de 1669, au moyen dequoi ces droits ne peuvent être engagés ni affermés; mais leur produit ordinaire est donné à recouvrer au receveur des domaines & bois. Les autres regles que l'on observe pour les bois tenus en grurie , sont expliquées dans le titre 22 de la même ordonnance de 1669. L'appel des gruries royales doit être relevé aux maîtrises du ressort; au lieu que l'appel des gruries seigneuriales, c'est-à-dire des juges de seigneurs en matiere d'eaux & forêts, se releve directement en la table-de-marbre. Voyez Saint-Yon, dans son commentaire, titre des bois tenus à tiers & danger , & la conference des eaux & forêts, titre des gruyers & tit. des bois tenus en grurie. Voyez ci-après Gruyer , & ci-devant Grairie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUYER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GRUYER GRUYER, s. m. ( Jurisprud. ) est un officier particulier des eaux & forêts, qui juge en premiere instance les délits & malversations qui se commettent dans les forêts. L'institution des gruyers est aussi ancienne que le droit de grurie dont ils ont pris leur nom; il en est fait mention dans des ordonnances dès le tems de la premiere race; ils sont nommés gruarii custodes, saltuarii, viridarii , & en françois verdiers, forestiers, maires-sergens: on leur donne encore ces differens noms selon l'usage des lieux. Il en est aussi parlé dans une ordonnance de l'an 1318; il y a aussi une sentence du 22 Mars 1365, rendue par le maître-général des eaux & forêts du royaume, adressée au gruyer de Champagne & de Brie. Le nom de gruyer étoit le titre que les ducs de Bourgogne & de Bretagne, & les comtes de Champagne, donnoient au principal officier chargé du gouvernement de leurs eaux & forêts. Les ordonnances de 1346, Septembre 1402, & Mars 1515, défendirent aux gruyers d'avoir des lieutenans; s'ils en avoient, ils en étoient responsables, à-moins qu'ils ne fussent officiers de la maison du roi ou des enfans de France. Il y a deux sortes de gruyers ; les uns royaux, les autres seigneuriaux. Les gruyers royaux ont été créés en titre d'office par édit du mois de Février 1554, suivant lequel ils doivent être reçûs par le maitre particulier dans le ressort duquel ils sont établis. Les ordonnances de 1346, Juillet 1376, Mars 1388, Septembre 1402, Mars 1515, 1556, & d'Orléans en 1560, ordonnent de donner caution lors de leur réception. Leurs offices ont été déclarés héréditaires par édit de Janvier 1583. Par d'autres édits des mois de Mai, Août, & Septembre 1645, il en fut créé d'alternatifs, triennaux & quatriennaux, qui furent supprimés par édit de Décembre 1663 & Avril 1667. Au mois de Mars 1707, le roi créa un gruyer dans chaque justice des seigneurs ecclésiastiques & laïques; mais par une déclaration du mois de Mai 1708, ces offices furent réunis aux justices des seigneurs; ce qui a été confirmé & expliqué par la déclaration du 8 Janvier 1715. Suivant l'ordonnance des eaux & forêts, les gruyers royaux doivent avoir un lieu fixe pour y tenir leur siégé à jour & heure certains chaque semaine, & doivent résider dans le détroit de leur grurie le plus près des bois que faire se peut, à peine de perte de leurs gages & d'interdiction. Ils doivent aussi avoir un marteau particulier pour marquer les arbres de délit & les chablis. Ils ne peuvent juger d'autres délits que ceux dont l'amende est fixée par les ordonnances à 12 liv. & au-dessous; si elle excede ou qu'elle soit arbitraire, ils doivent renvoyer la cause en la maîtrise du ressort, à peine de 500 liv. d'amende pour la premiere fois, & d'interdiction en cas de récidive. Leur devoir est de visiter tous les quinze jours les eaux & forêts de leur grurie en la même forme que les officiers des maîtrises. Les sergens à garde doivent affirmer devant eux leurs rapports dans les vingt-quatre heures, à peine de nullité. Ils ont un registre paraphé par le maître particulier, le lieutenant & procureur du roi, où ils transcrivent leurs visites, les rapports affirmés devant eux, & autres actes de leur charge. Faute d'avoir fait les diligences nécessaires, ils sont responsables des délits. Tous les trois mois ils délivrent au procureur du roi en la maîtrise, le rôle des amendes qu'ils ont prononcées, pour être par lui fourni au collecteur, à l'effet d'en faire le recouvrement. Il leur est défendu, sous peine d'interdiction, de disposer des amendes, sauf au grand-maitre à leur faire taxe pour leurs vacations. L'appel des gruyers royaux ne peut être relevé directement en la table de marbre, mais en la maîtrise, où il doit être jugé définitivement sur le champ. Ces appellations doivent être relevées & poursuivies dans la quinzaine de la sentence, sinon elle s'exécute par provision; & le mois écoulé sans appel ou sans poursuite, elle passe en force de chose jugée en dernier ressort. Tous seigneurs hauts-justiciers ont droit de grurie, & leur juge est gruyer dans l'étendue de leur haute justice; ce qui ne fait plus de difficulté depuis la déclaration du roi du 8 Janvier 1715. Ce n'est pas d'aujourd'hui que le droit de grurie a été accordé à des seigneurs; car dans un réglement fait par Charles V. au mois d'Avril 1380, pour les pêcheurs de Nogent-sur-Seine, il est parlé du gruyer de la reine Jeanne, qui étoit dame de ce lieu; & dans des lettres de Charles VI. du mois d'Octobre 1381, il est dit que le seigneur de Dourlemont en Champagne établira un gruyer auquel seront soûmis les messiers & forestiers qui gardent ses bois. Il paroît aussi qu'au-dessus de ces gruyers des seigneurs particuliers, il y avoit un gruyer général pour toute la province: c'est ce que supposent des lettres de Charles VI. du mois de Janvier 1382, qui sont adressées au gruyer de Champagne. Les gruyers seigneuriaux peuvent connoître de tous délits dans les eaux & forêts, à quelque somme que l'amende puisse monter; en quoi leur pouvoir est beaucoup plus étendu que celui des gruyers royaux. L'appel de leurs sentences dans ces matieres ressortit directement au siége de la table de marbre, omisso medio . Voyez le gloss . de Ducange, au mot gruarius, & ci-devant Gruage , Grurie . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRUYERES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GRUYERES GRUYERES, ( Géog. ) petite ville de Suisse au canton de Fribourg; elle étoit autrefois la résidence des comtes de Gruyeres , & la capitale de leur comté. Son terroir abonde en pâturages, où l'on nourrit beaucoup de vaches, du lait desquelles on fait ces grands fromages qui prennent leur nom du lieu, & dont la vente fait la seule richesse du canton. Gruyeres est située sur le Sana, à six lieues S. O. de Fribourg. Long. 24. 58. latit. 46. 35 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRY; Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GRY; GRY; c'est ainsi que les Anglois appellent une mesure qui contient un dixieme de ligne. Voyez Ligne . Une ligne est la dixieme partie du doigt, le doigt la dixieme partie d'un pié, & le pié philosophique le tiers d'un pendule, dont les vibrations dans la latitude de 45 degrés, sont égales chacune à une seconde ou soixantieme de minute. Voyez Pouce , Pié , Pendule , &c. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRYMOIRE Author=Mallet Normalized Classification=Divination Part of Speech=s.m. GRYMOIRE GRYMOIRE, s. m. ( Divination. ) art magique d'évoquer les ames des morts; Delrio remarque avec raison que tout ce qu'on dit de cet art prétendu est sans fondement. Voyez Nécromancie . Nous ajoûterons que dans plusieurs provinces le peuple est persuadé qu'il existe un grymoire , c'est-à-dire un recueil de conjurations magiques propres à appeller & à faire paroître les démons; que les ecclesiastiques seuls ont droit de lire dans ce livre & de converser avec les démons sans que ceux-ci puissent leur faire aucun mal; & qu'au contraire ces esprits de ténebres emporteroient en enfer ou tordroient le cou à tout laïc qui auroit l'imprudence de lire dans ce grymoire: & l'on ne manque pas d'appuyer ces préjugés d'histoires ou de contes encore plus ridicules. ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GRYPHITE Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle Part of Speech=s.f. GRYPHITE GRYPHITE, s. f. ( Hist. nat. ) nom que l'on donne à une coquille fossile que l'on trouve assez communément dans le sein de la terre, mais dont l'analogue vivant nous est entierement inconnu; cette coquille est bivalve, les deux pieces qui la composent sont inégales pour la grandeur; la plus grande est de la forme d'un bateau, est recourbée par le côté le plus mince, & va en s'élargissant. Wallerius en distingue trois especes; les gryphites unies, laeves; cannelées, rugosi; & sillonnées, lacunosi: il les regarde comme des ostracites ou huitres: on la nomme aussi huître recourbée . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUACA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUACA GUACA, ( Géog. ) petite province de l'Amérique méridionale, aux confins du Popayan & de Quito. C'est-là où l'on commence à voir le fameux chemin des Incas, pratiqué avec tout le travail & l'industrie possible, au-travers de plusieurs montagnes fort hautes, & de lieux aussi deserts que raboteux; ce chemin est, comme autrefois, garni par intervalles de tambos ou d'hôtelleries qui servent encore aujourd'hui dans le Pérou; il y a toûjours dans chacune quelques indiens avec un commandeur qu'on nomme alcade; sa charge est aussi-tôt qu'un voyageur arrive, de lui donner un américain pour lui fournir de l'eau, du bois, & autres choses semblables dont il peut avoir besoin; il lui donne en outre deux autres serviteurs, l'un pour lui apprêter à manger, & le second pour avoir soin de sa monture; ce qui est exécuté gratuitement, fidelement, & promtement; enfin il donne à ce voyageur des guides quand il part, & les habitans appellent cette hospitalité, un service personnel; il est grand, noble, & digne de l'humanité. Deus est mortali juvare mortalem . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADALAJARA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADALAJARA GUADALAJARA, ( Géog. ) ville d'Espagne dans la Nouvelle Castille, sur le Hénarès, à quatre lieues N. E. d'Alcala, douze de Madrid. On a raison de douter que cette ville soit la Caraca de Ptolomée; en 1460 Henri IV. l'honora du nom de cité , & elle a droit d'assister aux états généraux de Castille. C'est la patrie de Gomez de Ciudad-Réal (Alvarès) poëte latin espagnol, qui fut élevé avec Charles-Quint, & se fit de la reputation dans son pays par son poëme de la toison d'or: il mourut le 14 Juillet 1538, âgé de cinquante ans. Longit. 14. 50. latit. 40. 36 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guadalajara, ou Guadalaxara Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Guadalajara Guadalajara , ou Guadalaxara , ( Géogr. ) province de l'Amérique septentrionale dans la Nouvelle-Espagne; elle est bornée au levant & au sud par le Méchoacan, & au couchant par la province de Xalisco: au midi de cette province est le grand lac nommé lac de Chapala , formé par Riogrande & par deux autres rivieres, & formant à son tour le fleuve de Sant-lago. On ne peut rien ajoûter à la fertilité du pays, qui porte en abondance le mays, le froment & tous les fruits de l'Europe. Guadalajara , capitale; Lagos, Léon, & Zamora en sont les villes les plus considérables. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guadalajara, ou Guadalaxara Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Guadalajara Guadalajara , ou Guadalaxara , ( Géogr. ) ville considérable de l'Amérique septentrionale, capitale de la riche & fertile province de même nom, dans la Nouvelle-Espagne, avec un évêché suffragant de Mexico. Nuno de Gusman la fit bâtir en 1531; elle est à 87 lieues O. N. O. de Mexico. Long. 271. 40. latit . N. 20. 2. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADALAVIAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADALAVIAR GUADALAVIAR, ( Géog. ) riviere d'Espagne au royaume de Valence; ce nom qui lui a été donné par les Maures, signifie eau pure: les anciens ont nommé cette riviere Turia . Elle a ses sources dans les montagnes qui séparent la Nouvelle-Castille du royaume d'Arragon; elle coule dans ce dernier d'Occident en Orient, se courbant vers le S. O. elle entre dans le royaume de Valence, baigne la capitale au-dessous de laquelle elle se perd dans la Méditerranée. Ses rivages sont communément bordés de saules, de planes, de pins, & d'autres arbres semblables, depuis sa source jusqu'à son embouchure. ( D. J ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADALENTIN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADALENTIN GUADALENTIN, ( Géog. ) riviere d'Espagne qui a plusieurs sources dans le royaume de Grenade, & se perd à Almaxaran dans le golfe de Carthagene. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADALOUPE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADALOUPE GUADALOUPE, aquae Lupiae , ( Géog. ) ville d'Espagne dans l'Estramadure, avec un célebre couvent d'Hiéronymites, d'une structure magnifique & d'une richesse immense; ils sont au nombre de cent vingt, & ont vingt-huit mille ducats de revenu pour leur entretien. La ville est sur le ruisseau de même nom à onze lieues de Truxillo. Long. 13. 15. lat. 39. 15 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guadaloupe (la) ou Guadeloupe Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Guadaloupe (la) Guadaloupe (la) ou Guadeloupe , ( Géog. ) île de l'Amérique, l'une des Antilles françoises, entre l'île S. Domingue au sud, la Marie-Galande au sud-est, la Desirade à l'est, & l'ile de Montferrat au nord; sa plus grande largeur est d'en viron dix lieues & son circuit de soixante. Elle est fertile, peuplée, défendue par quelques forts, & conquise sur les Espagnols par les François qui en sont les maîtres depuis 1635; les matelots la nomment par corruption la Gardeloupe: elle est divisée en deux parties par un petit bras de mer. La partie orientale s'appelle la grande terre; la partie occidentale dont le milieu est hérissé de montagnes, est proprement la Guadeloupe. Voyez-en la description détaillée dans les voyages du P. Labat. Long. suivant Harris, 319. 51. 55. & suivant Varin & Deshayes, 315. 18. 15. latit. 14. o. o . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADALQUIVIR, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADALQUIVIR GUADALQUIVIR, ( le ) Boetis , ( Geogr. ) grand fleuve d'Espagne dans la Nouvelle-Castille & dans l'Andalousie; il prend sa source dans la Manche ou plûtôt il tire son origine du mont Siéra-Ségura; reçoit dans son cours le Guardemena, le Guadaloulou, le Marbella, le Xénil; passe à Cordoue, à Séville; forme quelques îles, & va se perdre dans le golfe de Cadix, à S. Lucar de Baraméda: il est large d'une lieue dans son embouchure, & la marée y monte jusqu'à Séville. Les Espagnols attribuent à ses eaux la propriété de teindre en rouge la laine des brebis, c'est-à-dire qu'elles peuvent faciliter cette teinture. Le Guadalquivir , mot arabe qui signifie le grand fleuve , est le Boetis des anciens; le tems qui detruit toutes choses y a fait des changemens considérables; il a fermé sa branche orientale. Ceux qui savent les révolutions que des tremblemens de terre & autres accidens ont produit sur d'autres fleuves, ne s'étonneront pas de celles qui sont arrivées au Guadalquivir . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADARAMA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADARAMA GUADARAMA, ( Géog. ) petite ville d'Espagne dans la vieille Castille; elle est sur le Guadaran, à 10 lieues N. O. de Madrid, 6 S. de Ségovie. Long. 13. 53. lat. 40. 43 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADEL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADEL GUADEL, ( Géog. ) ville de Perse dans la province de Mékran, sur la côte orient le, avec un assez bon port. Long. 80. 30. lat. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADIANA, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADIANA GUADIANA, ( le ) Anas , au génitif Anae , ( Géog. ) riviere d'Espagne qui prend sa source dans la Nouvelle-Castille proche de Canamayez; elle semble d'abord se cacher sous terre, renaît ensuite par des ouvertures que l'on appelle los oyos de Guadiana; coule à Calatrava, à Ciudad-Réal; se jette dans l'Estramadure; passe à Mérida, à Badajox; entre dans le Portugal; separe l'Algarve du Contado qui appartient à l'Espagne, & se jette enfin dans l'Océan entre Castro Marino & Agramonte. Les Latins l'ont décrit sous le nom d' Anas , auquel les Maures ont ajoûté les deux premieres syllabes du nom moderne. Bochart a cherché l'étymologie du mot Guadiana dans les langues punique & arabe, comme si la premiere lui étoit connue, ou que les Arabes eussent été en Espagne du tems des Romains. Au reste, comme cette riviere a très-peu d'eau en été près de sa source, & d'une eau qui par la lenteur de son cours semble croupir sous des rochers, on a cru qu'elle se perdoit sous terre, parce que dans la sécheresse on la perd de vûe dans les lieux voisins de son origine; c'est ce qui a donné lieu à un bel esprit du siecle, de dire dans un de ses ouvrages, au sujet des fleuves d'Espagne: « l'Ebre l'emporte pour le nom, le Duéro pour la force, le Tage pour la renommée, le Guadalquivir pour les richesses; mais le Guadiana n'ayant pas dequoi se mettre en parallele avec les autres, va de honte se cacher sous terre ». Cette pensée puérile fait honneur au goût de l'écrivain. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADIL-BARBAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADIL-BARBAR GUADIL-BARBAR, ( Géog. ) riviere d'Afrique sur la côte septentrionale de Barbarie; elle a sa source auprès de l'Orbus, & tombe dans la Méditerranée à Tabarca: c'est la Tusca & le Rubricatus des anciens. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUADIX Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUADIX GUADIX, ( Géog. ) les Romains l'ont connue sous le nom d' Acci; ancienne & grande ville d'Espagne, mais dépeuplée, dans le royaume de Grenade, avec un évêché suffragant de Séville. Ferdinand le Catholique l'a reprise sur les Maures en 1489. Elle est dans un terroir très-fertile, environné de tous côtés de hautes montagnes, & arrosé par des torrens; à neuf lieues N. E. de Grenade, sept S. O. de Baca, dix-neuf N. O. d'Alméria. Long. 15. 23. lat. 37. 5 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAGIDA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAGIDA GUAGIDA, ( Géog. ) ancienne ville d'Afrique au royaume de Trémecen, dans une plaine agréable, à quatorze lieues de la mer & à pareille distance de la ville de Trémecen. Elle abonde en blés, en pâturages, & produit les plus belles mules d'Afrique; Prolomée nomme cette ville Lanigara , & la met à 12 d . de long. & à 33. de latit. nos géographes modernes estiment la longit. à 16 d . 24'. & la latit. à 33 d . 46' . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAGOCINGO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAGOCINGO GUAGOCINGO, ( Géog. ) ville de l'Amérique septentrionale dans la Nouvelle Espagne, entre Puéblo de los Angelès & la ville de Mexico, à douze lieues S. E. de cette derniere. Long. 277. 10. latit. 19. 40 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAIACANA Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA GUAIACANA GUAIACANA, ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur monopétale canipaniforme; il sort du calice un pistil qui entre dans la partie inférieure de la fleur, & qui devient un fruit mou, arrondi, & partagé en plusieurs loges; il contient des semences très-dures, selon J. Bauhin, & cartilagineuses, selon Caesalpin. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAIAVE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA GUAIAVE GUAIAVE, guaiava , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante observé par le P. Plumier; la fleur est en rose, & composée de plusieurs pétales disposés en rond: le calice a la forme d'une cloche. Il devient un fruit qui a presque la figure d'un oeuf, & qui est de consistence molle, & garni d'une couronne; il y a dans sa chair plusieurs petites semences. Tournefort, inst. rei herb. appendix. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAIRANE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAIRANE GUAIRANE, ( Géog. ) province du Paraguai, qui est pour la plus grande partie sous le tropique du Capricorne; les chaleurs excessives qu'il y fait & l'humidité de son terroir, la rendent également propre à produire des maladies & toutes fortes de fruits, ainsi que de grains; cependant on n'y mange point d'autre pain que la manioque, ni d'autre chair que celle des animaux que l'on tue à la chasse; il y a beaucoup d'étangs, de singes, de tigres, & de couleuvres; le pays en est infecté. Les oiseaux y sont en grand nombre, sur-tout les perroquets dont on compte vingt especes, parmi lesquelles il s'en trouve de fort jolis verds & bleus, gros comme des moineaux & très-faciles à apprivoiser. On parle de cinq fleuves qui arrosent cette contrée; on les nomme l'Huibai, le Tipaxiva, le Paranapana, le Pirape, & le Parana . La largeur de cette vaste province est d'une étendue immense, & jusqu'ici entierement inconnue; cependant les Jésuites y ont établi une mission. Voyez Paraguai . Les Guairains occupent tout le pays entre la riviere des Amazones & le Parana, & entre le Parana & le Paraguai, jusqu'aux confins du Pérou; leurs armes sont la massue & les fleches: on dit qu'ils engraissent leurs prisonniers de guerre, & qu'ils les mangent ensuite avec délices; mais nous n'avons encore que des relations mensongeres & superficielles de ce pays-là, & les Espagnols n'y possedent que deux petites villes ou bourgs très-éloignés l'un de l'autre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUALATA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUALATA GUALATA, ( Géog. ) royaume d'Asie dans la Nigritie; il est borné au nord par les Derveches, au sud par le royaume de Zanhagua, à l'est par une chaîne de montagnes, & à l'oüest par les Ludayes: on ne connoit dans tout ce pays que quelques endroits habités par des peuples qui menent une vie sauvage & misérable; on y recueille seulement du riz, du petit millet, de l'orge, & des dattes. Sanut dit qu'il y a dans ce royaume une ville sans murailles nommée Hoden , située à six journées du Cap-Blanc, par le 19 d . 30'. de latitude septentrionale, mais que cette place n'est faite que pour la commodité des caravanes qui vont de Tombut en Barbarie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUALEMBOULOU Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUALEMBOULOU GUALEMBOULOU, ( Géog. ) Voyez Galemboule . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUALÉOR, ou GOUADÉOR selon de Lisle Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUALÉOR, ou GOUADÉOR selon de Lisle GUALÉOR, ou GOUADÉOR selon de Lisle, ( Géog. ) grande ville de l'empire du Mogol en Asie, capitale de la province du même nom, avec une bonne forteresse où le grand Mogol tient ses trésors, à vingt lieues S. d'Agra. Long. 93. 18. latit. 25. 5 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAM, autrement GUAN, ou GUAHAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAM GUAM, autrement GUAN, ou GUAHAN, ( Géog. ) la premiere & la plus méridionale des îles des Larrons, ou, ce qui est la même chose, des îles Mariannes; elle dépend des Espagnols qui y ont un petit fort avec sept canons, un gouverneur, & quelques soldats; c'est-là que se viennent raffraichir leurs vaisseaux des Philippines qui vont d'Acapulco à Manille; mais pour le retour les vents ne leur laissent pas aisément reprendre cette route. Guam est à sept lieues de Rota ou Sarpana, suivant le P. Morales; & suivant Wodes Rogers, à quarante lieues; son terroir est rougeâtre & aride. Les principaux fruits qu'elle produit sont des pommes de pin, des melons d'eau, des melons musqués, des oranges, des citrons, des noix de cacao. Le vent regle y souffle toûjours du sud-est, excepté pendant la mousson de l'ouest, qui dure depuis la mi-Juin jusqu'à la mi-Août. Les habitans y sont presque tous naturels du pays; leur teint est d'un brun olivâtre; ils vont tout nuds, à la reserve d'un torchon qui leur pend au derriere, & les femmes y portent de petits jupons. Long. 157. 10. lat. 13. 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAMANGA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAMANGA GUAMANGA, ( Géog. ) ville considérable & épiscopale de l'Amérique meridionale, capitale de la province de même nom au Pérou, dans l'audience de Lima; son commerce consiste en cuirs, en pavillons qui servent de rideaux pour les lits, & en confitures. Cette ville est dans une plaine ouverte, à 20 lieues des montagnes des Andes, à 7 lieues de Lima & à 80 de Pisco. Long. 306. 40. lat. méridion. 13. 4 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANABANE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=NA GUANABANE GUANABANE, ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur en rose composée ordinairement de trois pétales disposés en rond; il s'éleve du fond d'un calice à trois feuilles un pistil qui devient dans la suite un fruit arrondi ou conique, charnu, mou; ce fruit renferme plusieurs semences dures & oblongues. Plumier, nova plant. amer. gen. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANAHANI (Isle de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANAHANI GUANAHANI, ( Isle de ) Géograph. autrement nommée par Christophe Colomb, l' île de Saint-Sauveur; ile de l'Amérique septentrionale, l'une des Lucaies dans la mer du Nord; ce fut la premiere terre que Colomb découvrit dans le Nouveau-Monde en 1492, le jour même que les Espagnols avoient dessein de Je tuer, fatigués de ne rien trouver; elle est au sud de Guanima & au nord de Triangulo, avec un assez bon port. Longit. 32. 30. lat. 25. 10. 40 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANAPE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANAPE GUANAPE, ( Géog. ) port de la mer du Sud dans l'Amérique méridionale au Pérou dans l'audience de Lima, au midi de Truxillo. Les navires qui viennent de Panama ont coûtume d'aborder à ce port pour y prendre ce qui leur est nécessaire. Sa position est à-peu-près sous le 8 d . 30' . de latit. méridionale . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANAPI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANAPI GUANAPI, ( Géog. ) volcan des Indes orientales, près de l'île de Néra. Il fume sans cesse, vomit souvent des flammes & du feu de son sommet; mais s'étant entr'ouvert dans le dernier siecle, il jetta tant de pierres hors de son sein, que le canal creusé entre cette montagne & celui de Néra en fut comblé, & n'a pas été navigable depuis ce tems-là. Cette montagne ardente est par le 4 e . degré de latitude méridionale. Voyez Volcan . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANAYA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANAYA GUANAYA, ( Géog. ) île de l'Amérique, dans le golphe de Honduras, à six ou sept lieues du cap auquel elle est opposée vers le nord-oüest. Christophe Colomb qui la découvrit le premier, l'avoit appellée l'île des pins, à cause de la quantité de ces arbres qui y abondent: mais elle a retenu jusqu'à présent le nom sauvage de guanaya; on transporte dans son golphe sur des mulets les marchandises de l'audience de Guatimala, pour les charger sur les vaisseaux d'Espagne, qui ont coûtume d'y arriver tous les ans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANÇAVELICA, ou GUANCABELICA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANÇAVELICA, ou GUANCABELICA GUANÇAVELICA, ou GUANCABELICA, ( Géogr. ) petite ville de l'Amérique méridionale au Pérou, dans l'audience de Lima, à 60 lieues de Pisco. Long. 305. 30. lat. mérid. 12. 40 . C'est auprès de cette ville qu'est la grande miniere de mercure, qui sert à purifier l'or & l'argent de toute l'Amérique méridionale. Cette mine est creusée dans une montagne fort vaste, & les seules dépenses qu'on a faites en bois pour la soûtenir, sont immenses. On trouve dans cette mine des places, des rues, & une chapelle où l'on célebre la messe les jours de fêtes; on y est éclairé par un grand nombre de chandelles allumées pendant qu'on y travaille. Les particuliers y font travailler à leurs frais, & sont obligés sous les plus grandes peines de remettre au roi d'Espagne tout le mercure qu'ils en tirent. On le leur paye à un certain prix fixé; & lorsqu'on en a tiré une quantité suffisante, l'entrée de la mine est fermée, & personne n'en peut avoir que de celui des magasins. On tire communément tous les ans des mines de Guançavelica , pour un million de livres de vif-argent, qu'on mene par terre à Lima, puis à Arica, & de là à Potosi. Les Indiens qui travaillent dans ces mines deviennent au bout de quelques années perclus de tous leurs membres, & périssent enfin misérablement. La terre qui contient le vif-argent des mines de Guançavelica , est d'un rouge blanchâtre, comme de la brique mal cuite; on la concasse, dit M. Frézier ( voyages de la mer du sud ), & on la met dans un fourneau de terre, dont le chapiteau est une voûte en cul-de-four, un peu sphéro7iuml;de; on l'étend sur une grille de fer recouverte de terre, sous laquelle on entretient un petit feu avec de l'herbe icho , qui est plus propre à cela que toute autre matiere combustible; c'est pourquoi il est défendu de la couper à 20 lieues à la ronde. La chaleur se communique autravers de cette terre, & échauffe tellement le minérai concassé, que le vif-argent en sort volatilisé en fumée; mais comme le chapiteau est exactement bouché, elle ne trouve d'issue que par un petit trou qui communique à une suite de cucurbites de terre, rondes, & emboîtées par le cou les unes dans les autres; là cette fumée circule & se condense, par le moyen d'un peu d'eau qu'il y a au fond de chaque cucurbite, où le vif-argent tombe condensé, & en liqueur bien formée. Dans les premieres cucurbites, il s'en forme moins que dans les dernieres; & comme elles s'échauffent si fort qu'elles casseroient, on a soin de les rafraîchir par-dehors avec de l'eau. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANCHACO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANCHACO GUANCHACO, ( Géog. ) port de la mer du Sud dans l'Amérique méridionale, sur la côte du Bresil, sous le huitieme degré de latitude méridionale, à 9 lieues de la montagne de Guanac. Ce port est rempli d'une si grande quantité d'herbes maritimes, que, quand on est sur les ancres, il faut avoir grand soin de les en débarrasser fréquemment. Voyez à ce sujet le supplément aux voyages de Wodes Roger. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANIMA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANIMA GUANIMA, ( Géog. ) petite île de l'Amérique septentrionale dans la mer du Nord, & l'une des Lucayes; elle s'étend en long l'espace de 12 lieues; Christophe Colomb qui la découvrit, la nomma Sainte-Marie de la Conception. Long. 32. 30. lat. 24. 12 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUANUCO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUANUCO GUANUCO, ( Géog. ) ville de l'Amérique méridionale, capitale d'une contrée de même nom, dans l'audience de Lima; elle abonde en ce qui est nécessaire à la vie, & elle a quelques mille Indiens tributaires; elle est à 45 lieues N. E. de Lima. Long. 34. 40. lat. mérid. 9. 55 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAPAY, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAPAY GUAPAY, ( le ) Géog. grande riviere de l'Amérique méridionale. Elle a ses sources au Pérou, dans les montagnes des Andes; & après un très-long cours, elle prend le nom de Mamorre , qu'elle perd en tombant dans le fleuve des Amazonnes; voyez la carte que les Jésuites ont donnée en 1717, des sources de cette riviere, auprès de laquelle ils ont quelques missions. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARA ou GUAURA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARA ou GUAURA GUARA ou GUAURA, ( Géog. ) comme l'écrit M. de Lisle, port de l'Amérique méridionale dans la mer du Sud, sur la côte du Pérou, à une lieue de l'île Saint-Martin, sous le 11 d . 30'. de latitude méridionale. Voyez le supplément aux voyages de Wodes Roger. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARCO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARCO GUARCO, ( Géog. ) vallée de l'Amérique méridionale au Pérou. Elle est fort large, & couverte d'arbres odoriférans. Les Incas avoient sur son côteau une somptueuse forteresse qui conduisoit jusqu'à la mer par un escalier contre lequel se brisoient les flots. Cette forteresse où l'on gardoit le thrésor des Incas, étoit bâtie de grosses pierres de taille jointes ensemble sans aucun mortier, & cependant avec tant d'art, qu'on pouvoit à peine appercevoir les jointures. Le tems a fait tomber cette masse, mais les ruines font encore connoître quelle en a été la magnificence. La vallée de Guarco & toutes les vallées voisines étoient alors peuplées d'un nombre prodigieux d'habitans, qui ont presque entierement disparu. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARDAFUI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARDAFUI GUARDAFUI, ( Géog. ) capitale de l'Ethiopie en Afrique, sur la côte d'Abyssinie, à l'extrémité orientale du royaume d'Adel, & à l'entrée du détroit de Babel-Mandel. Long. 312. lat. 11. 40 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARDIA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARDIA GUARDIA, ( Géog. ) ville de Portugal, dans la province de Beira, avec un évêché suffragant de Lisbonne, à 12 lieues S. E. de Visen, 20 O. de Lamego, 50 N. E. de Lisbonne. Long. 11. 18. lat. 40. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARDIA-ALFÉREZ Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARDIA-ALFÉREZ GUARDIA-ALFÉREZ, ( Géograph. ) petite ville d'Italie presque deserte au royaume de Naples, dans le comté de Molise, avec un évêché suffragant de Bénevent. Elle est sur le Tiferno, à deux lieues N. O. de Larino. Long. 32. 28. lat. 41. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARGALA ou GUERGUELA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARGALA ou GUERGUELA GUARGALA ou GUERGUELA, ( Géog. ) ville d'Afrique, capitale d'un petit royaume de même nom, dans le Bilédulgerid, au S. du mont Atlas; on s'y nourrit de dattes, de chair de chameau & d'autruche. Elle est à 140 lieues S. d'Alger. Long. 37. 30. lat. 25. 50 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUARMAY Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUARMAY GUARMAY, ( Géog. ) port & vallée de l'Amérique méridionale, au Perou, dans la mer du Sud, sous le 10 d . 30'. de latit. méridionale. La vallée autrefois très-peuplée, n'est plus qu'une habitation de pâtres qui y nourrissent des cochons. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUASCO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUASCO GUASCO, ( Géog. ) port, riviere, & vallée de l'Amérique méridionale, sur la côte du Chily. La vallée est pleine de perdrix, de brebis, & d'écureuils, dont les peaux sont d'usage. Le port est une baie ouverte. Latit. mérid. 28. 45 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUASTALLA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUASTALLA GUASTALLA, Guardastallum , ( Géog. ) petite, mais forte ville d'Italie, en Lombardie, au duché de Mantoüe, sur la frontiere du duché de Modene. Elle est près du Pô, à 6 lieues N. O. de Reggio, 8 S. O. de Mantoüe. Long. 28. 8. lat. 44. 45 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUATAO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUATAO GUATAO, ( Géog. ) île de l'Amérique septentrionale, dans la mer du Nord, & l'une des Lucayes. Elle est environnée d'écueils, de basses, & de rochers. Son extrémité orientale est à 25 d . 46'. & son extrémité occidentale à 27 d . 6'. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUATIMALA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUATIMALA GUATIMALA, ( Géog. ) province considerable de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle Espagne. Elle embrasse 12 autres provinces, & abonde en cacao. Les Indiens qui l'habitent sous la domination espagnole, sont grossiers, & la plûpart prosessent la religion chrétienne, à laquelle ils mêlent mille superstitions; ils aiment extrèmement la danse & les boissons qui peuvent enivrer, couchent sur des ais ou des roseaux liés ensemble, un peu élevés de terre, posés dessus une natte, & un petit billot de bois leur sert de chevet; ils ne portent ni bas ni souliers, ni chemises; leur unique vêtement consiste en une espece de surplis, qui pend depuis les épaules jusqu' au-dessous de la ceinture, avec des manches ouvertes qui leur couvrent la moitié du bras. Guatimala est la capitale de la province. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guatimala Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Guatimala Guatimala , ( Géogr. ) grande & riche ville de l'Amérique septentrionale dans la nouvelle Espagne, capitale de la province du même nom, avec un evêché, & une école que les Espagnols nomment universite . Cette ville est située dans une vallée environnée de hautes montagnes qui semblent pendre dessus, du côté de l'orient. Il y en a une entierement stérile, sans verdure, couverte de cendres, de pierres, & de cailloux calcinés; c'est le gibel de l'Amérique, terrible volcan qui vomit sans cesse des flammes, des torrens de feu bitumineux, & quelquefois jette des pierres & des roches qui pourront un jour détruire Guatimala de fond-en-comble; elle fait néanmoins un commerce considérable avec le Mexique par le secours des mulets, & par la mer avec le Pérou. Long. 286. 5. lat. 14. 6 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAXACA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAXACA GUAXACA, ( Géogr. ) province de l'Amerique septentrionale, dans la nouvelle Espagne. Elle a 100 lieues le long, 50 de large, & est très-fertile en froment, mays, cacao, casse, & cochenille. Antiquéra en est la capitale. La vallée de Guaxaca commence au pié de la montagne de Cocola, sur la latit. septentrionale de 18 d . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAXATÉCAS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAXATÉCAS GUAXATÉCAS, ( Géog. ) province de l'Amérique septentrionale au Mexique; elle renferme plusieurs bourgades qui sont situées sur la riviere de Panuco, & c'est pourquoi M. de Lisle appelle cette province Panuco . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAYAQUIL, ou GUYAQUIL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAYAQUIL, ou GUYAQUIL GUAYAQUIL, ou GUYAQUIL, ( Géog. ) ville, baie, & port de l'Amérique meridionale au Pérou, capitale d'une province de même nom, dans l'audience de Quito, avec deux forts. La riviere est navigable à 14 lieues au-dessus de la ville; mais tous vaisseaux qui y mouillent, sont obligés d'attendre un pilote parce que l'entrée de cette riviere est très dangereuse. La province est fertile en bois de charpente d'un grand usage pour la construction & la réparation des vaisseaux. On y recueille une si grande quantité de cacao, qu'on en fournit presque toutes les places de la mer du Sud, & qu'il s'en transporte tous les ans plus de 30 mille balots, dont chacun pese 81 livres, & le balot vaut deux piastres & demi. Il n'y a point de mines d'or & d'argent dans le pays, mais toutes sortes de gros bétail. Guayaquil a une audience royale, dont l'Espagne vend les emplois; cette ville fut pillée en 1685 par des flibustiers françois des Saint-Domingue, qui en retirerent plus d'un million en or, en perles, & en pierreries. L'inquisition y regne avec sévérité, & ne défendra jamais des flibustiers cette malheureuse ville. Guayaquil est située à 7 lieues de Puna, & à 10 de la mer. Long. 300. 40. lat. mérid. 4. 10 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAZACOALCO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUAZACOALCO GUAZACOALCO, ( Géog. ) riviere de la nouvelle Espagne en Amérique, dans la province de Guaxaca qu'elle arrose, & va se perdre ensuite dans la baie de Campeche. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAZUMA Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GUAZUMA GUAZUMA, genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposées en rond; il s'éleve du fond du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit ovoïde, charnu & tuberculeux à l'extérieur, ligneux dans l'intérieur, & divisé en plusieurs loges qui contiennent des semences en forme de rein. Plumier, nova plant. Amer. gener. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUAZZO Author=Jaucourt Normalized Classification=Peinture Part of Speech=NA GUAZZO GUAZZO, ( Peinture. ) c'est le nom que les Italiens donnent à la peinture en détrempe On a quelque raison de croire que ce genre de peinture est le premier qui ait été pratiqué, parce que toutes sortes de couleurs s'y peuvent employer, & qu'il ne faut que de l'eau avec un peu de gomme ou de colle pour les détremper & les fixer. On peint à guazzo sur des murs de plâtre, sur des bois, sur des peaux, sur des toiles, sur du papier fort; son plus grand usage est consacré pour les éventails & les décorations de théatre; cependant il est assez indifférent sur quel fond en l'employe, pourvû que ce fond ne soit pas gras, & que ce ne soit point sur un enduit frais, où il entre de la chaux, comme sont les enduits pour la peinture à fresque. Elle a cela de commun avec cette derniere, que les clairs en sont très-vifs; & elle a de plus, que les bruns en ressortent mieux. Un avantage particulier de la peinture à guazzo , c'est qu'étant exposé à quelque lumiere que ce soit, elle produit son effet; & plus le jour est grand, plus elle paroît éclatante. Elle dure long-tems à couvert dans un lieu sec, & ses couleurs ne changent point tant que le fond subsiste. Enfin elle est à l'abri des vernis, des frottemens, & autres supercheries des brocanteurs; mais malgré toutes ces prérogatives, la peinture à guazzo doit céder le pas à la peinture à l'huile, qui a les avantages admirables d'être plus douce, d'imiter mieux le naturel, de marquer plus fortement les ombres, de pouvoir se remanier, & de conserver son effet d'assez près comme de loin. Voy. Peinture . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUBEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUBEN GUBEN, Guba , ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans la basse Lusace, sur la Neiss, à 10 lieues S. O. de Francfort sur l'Oder, & 25 N. E. de Dresde. Long. 32. 34. lat. 51. 55 . Elle est la patrie des Kirch (Godefroy, & Christ-Fried) pere & fils, tous deux distingués par leurs observations & leurs ouvrages en Astronomie. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUBER Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUBER GUBER, ( Géog. ) royaume d'Afrique dans la Nigritie, au nord & au midi de la riviere de Senega, qui le coupe en deux parties d'orient en occident. M. de Lisse appelle ce pays Goubour , & le met au nord du Ganbarou. La Croix en parle comme d'un canton ravagé par les rois de Tombut, qui l'ont conquis & ruiné. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUBIO Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUBIO GUBIO, Eugubium , ( Géogr. ) ville d'Italie dans l'état de l'Eglise, au duché d'Urbin, avec un évêché suffragant d'Urbin, mais exempt de sa jurisdiction. Elle est à 12 lieues S. O. d'Urbin, 7 N. E. de Pérouse, 35 N. E. de Rome. Long. 30. 16. lat. 43. 18 . Gubio est la patrie de Lazzarelli (Jean-François) poete connu par son recueil intitulé la Cicceide , dans lequel il s'est permis des excès honteux; c'est une satyre composée de sonnets & d'autres poésies obscenes qu'il publia contre Arriguini. Il mourut en 1694, âgé de plus de 80 ans. Steucus (Augustin) surnommé Eugubinus , du nom de sa patrie, étoit un théologien du xvj. siecle, qui possédoit bien les langues orientales. Ses ouvrages ont été imprimés à Paris en 1577. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUCHEU Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUCHEU GUCHEU, ( Géog. ) ville de la Chine sur la riviere de Ta, dans la province de Quangsi, dont elle est la cinquieme métropole. La commodité des rivieres qui l'arrosent, y fait fleurir le commerce; on recueille le cinnabre en abondance dans les montagnes de son territoire: mais ce qui vaut mieux, on y voit deux temples consacrés aux hommes illustres. Elle est de 6 d . 33'. plus occidentale que Pékin; sa latit. est de 24 d . 2'. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÉ Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GUÉ GUÉ, s. m. ( Gramm. ) lieu où l'on peut passer une riviere, un marais, un ruisseau, à pié ou à cheval, mais sans nager. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUEBRES Author=Boulanger Normalized Classification=Histoire ancienne | Histoire moderne Part of Speech=s.m.pl. GUEBRES GUEBRES, s. m. pl. ( Hist. anc. & mod. ) peuple errant & répandu dans plusieurs des contrées de la Perse & des Indes. C'est le triste reste de l'ancienne monarchie persane que les caliphes arabes armés par la religion ont détruite dans le vij. siecle, pour faire regner le dieu de Mahomet à la place du dieu de Zoroastre. Cette sanglante mission força le plus grand nombre des Perses à renoncer à la religion de leurs peres: les autres prirent la fuite, & se disperserent en différens lieux de l'Asie, où sans patrie & sans roi, méprisés & haïs des autres nations, & invinciblement attachés à leurs usages, ils ont jusqu'à présent conservé la loi de Zoroastre, la doctrine des Mages, & le culte du feu, comme pour servir de monument à l'une des plus anciennes religions du monde. Quoiqu'il y ait beaucoup de superstition & encore plus d'ignorance parmi les Guebres , les voyageurs sont assez d'accord pour nous en donner une idée qui nous intéresse à leur sort. Pauvres & simples dans leurs habits, doux & humbles dans leurs manieres, tolérans, charitables, & laborieux; ils n'ont point de mendians parmi eux, mais ils sont tous artisans, ouvriers, & grands agriculteurs. Il semble même qu'un des dogmes de leur ancienne religion ait été que l'homme est sur la terre pour la cultiver & pour l'embellir, ainsi que pour la peupler. Car ils estiment que l'agriculture est non-seulement une profession belle & innocente, mais noble dans la société, & méritoire devant Dieu. C'est le prier, disent-ils, que de labourer; & leur créance met au nombre des actions vertueuses de planter un arbre, de défricher un champ, & d'engendrer des enfans. Par une suite de ces principes, si antiques qu'ils sont presque oubliés par-tout ailleurs, ils ne mangent point le boeuf, parce qu'il sert au labourage, ni la vache qui leur donne du lait; ils épargnent de même le coq animal domestique, qui les avertit du lever du Soleil; & ils estiment particulierement le chien qui veille aux troupeaux, & qui garde la maison. Ils se font aussi un religieux devoir de tuer les insectes & tous les animaux malfaisans; & c'est par l'exercice de ce dernier précepte, qu'ils croyent expier leurs péchés; pénitence singuliere, mais utile. Avec une morale pratique de cette rare espece, les Guebres ne sont nulle part des hôtes incommodes; on reconnoît par-tout leurs habitations au coup-d'oeil, tandis que leur ancienne patrie, dont l'histoire nous a vanté la fertilité, n'est plus qu'un desert & qu'une terre inculte sous la loi de Mahomet; qui joint la contemplation au despotisme. Ils sont prévenans envers les étrangers de quelque nation qu'ils soient; ils ne parlent point devant eux de leur religion, mais ils ne condamnent personne, leur maxime étant de bien vivre avec tout le monde, & de n'offenser qui que ce soit. Ils haïssent en général tous les conquérans; ils méprisent & détestent singulierement Alexandre, comme un des plus grands ennemis qu'ait eus le genre humain. Quoiqu'ils ayent lieu de haïr particulierement les Mahométans, ils se sont toûjours reposés sur la providence du soin de punir ces cruels usurpateurs; & ils se consolent par une très-ancienne tradition dont ils entretiennent leurs enfans, que leur religion reprendra un jour le dessus, & qu'elle sera professée de tous les peuples du monde: à cet article de leur croyance, ils joignent aussi cette attente vague & indéterminée, qu'on retrouve chez tant d'autres peuples, de personnages illustres & fameux qui doivent venir à la fin des tems, pour rendre les hommes heureux & les préparer au grand renouvellement. Une discipline sévere & des moeurs sages regnent dans l'intérieur de leurs maisons; ils n'épousent que des femmes de leur religion & de leur nation; ils ne souffrent point la bigamie ni le divorce; mais en cas de stérilité, il leur est permis de prendre une seconde femme au bout de neuf années, en gardant cependant la premiere. Par-tout où ils sont tolérés, ils reçoivent le joug du prince, & vivent entre eux sous la conduite de leurs anciens qui leur servent de magistrats. Ils ont aussi des prêtres, qui se disent issus des anciens mages, & qui dépendent d'un souverain pontife, & que les Guebres appellent destour, destouran , la regle des regles ou la loi des lois . Ces prêtres n'ont aucun habit particulier, & leur ignorance les distingue à peine du peuple. Ce sont eux qui ont le soin du feu sacré, qui imposent les pénitences, qui donnent des absolutions, & qui pour de l'argent distribuent chaque mois dans les maisons le feu sacré, & l'urine de vache qui sert aux purifications. Ils prétendent posséder encore les livres que Zoroastre a reçus du ciel; mais ils ne peuvent plus les lire, ils n'en ont que des commentaires qui sont eux-mêmes très anciens. Ces livres contiennent des révélations sur ce qui doit arriver jusqu'à la fin des tems, des traites d'Astrologie & de divination. Du reste leurs traditions sur leurs prophetes & sur tout ce qui concerne l'origine de leur culte, ne forment qu'un tissu mal assorti de fables merveilleuses & de graves puérilités. Il en est à cet égard de la religion des Guebre; comme de toutes les autres religions d'Asie; la morale en est toûjours bonne, mais l'historique, ou pour mieux dire le roman, n'en vaut jamais rien. Ces histoires, il est vrai, devroient être fort indifférentes pour le culte en général; mais le mal est que les hommes n'ont fait que trop consister l'essentiel de la religion dans un nom. Si les nations asiatiques vouloient cependant s'entendre entre elles, & oublier ces noms divers de Confucius, de Brahma, de Zoroastre, & de Mahomet, il arriveroit qu'elles n'auroient presque toutes qu'une même créance, & qu'elles seroient par-là d'autant plus proches de la véritable. Plusieurs savans ont crû reconnoître dans les fables que les Guebres débitent de Zoroastre, quelques traits de ressemblance avec Cham, Abraham & Moyse; on pourroit ajoûter aussi avec Osiris, Minos, & Romulus: mais il y a bien plus d'apparence que leurs fables sont tirées d'une formule générale que les anciens s'étoient faite pour écrire l'histoire de leurs grands hommes, en abusant des sombres vestiges de l'histoire ancienne de la nature. Plus l'on remonte dans l'antiquité, & plus l'on remarque que l'historique & l'appareil des premieres religions ont été puisées dans de pareilles sources. Toutes les fêtes des mages étoient appellées des mémoriaux (Selden, de diis Syris ); & à en juger aujourd'hui par les usages de leurs descendans, on ne peut guere douter que leur culte n'ait effectivement été un reste des anciennes commémorations de la ruine & du renouvellement du monde, qui a dû être un des principaux objets de la Morale & de la religion sous la loi de nature. Nous savons que sous la loi écrite & sous la loi de grace, les fêtes ont successivement eu pour motifs la célébration des évenemens qui ont donné & produit ces lois: nous pouvons donc penser que sous la loi de nature qui les a précédées, les fêtes ont dû avoir & ont eu pour objet les grands evenemens de l'histoire de la nature, entre lesquels il n'y en a pas eu sans doute de plus grands & de plus mémorables que les révolutions qui ont détruit se genre humain, & changé la face de la terre. C'est après avoir profondément étudié les différens âges du monde sous ces trois points de vûe, que nous osons hasarder que telle a été l'origine de la religion des Guebres & des anciens mages. Si nous les considérons dans leurs dogmes sur l'Agriculture, sur la population, & dans leur discipline domestique, tout nous y retracera les premiers besoins & les vrais devoirs de l'homme, qui n'ont jamais été si bien connus qu'après la ruine du genre humain devenu sage par ses malheurs. Si nous les envisageons dans les terreurs qu'ils ont des éclipses, des cometes, & de tous les écarts de la nature, & dans leurs traditions apocalyptiques, nous y reconnoîtrons les tristes restes de l'espece humaine long-tems épouvantée & effrayée par le seul souvenir des phénomenes de leurs anciens desastres. Si nous analysons leur dogme des deux principes & leurs fables sur les anciens combats de la lumiere contre les ténebres, & que nous en rapprochions tant d'autres traditions analogues répandues chez divers peuples; nous y reverrons aussi ce même fait que quelques-uns ont appellé cahos, débrouillement , & d'autres création & renouvellement . En étudiant leur culte du feu, & leurs pressentimens sur les incendies futurs, nous n'y retrouverons que le ressentiment des incendies passés, & que des usages qui en devoient perpétuer le souvenir: enfin si nous les suivons dans ces fêtes qu'ils célebrent pour le soleil & pour tous les élémens, tout nous y retracera de même des institutions relatives à cet ancien objet qui a été perdu, oublié, & corrompu par les Guebres , par les Perses eux-mêmes, & par tous les autres peuples du monde qui n'ont présentement que des traces plus ou moins sombres de ces religieuses commémorations, qui dans un certain âge ont été générales par toute la terre. C'est une grande question de savoir si les Guebres d'aujourd'hui sont idolatres, & si le feu sacré est l'objet réel de leur adoration présente. Les Turcs, les Persans, & les Indiens les regardent comme tels; mais selon les voyageurs européens, les Guebres prétendent n'honorer le feu qu'en mémoire de leur législateur qui se sauva miraculeusement du milieu des flammes; & pour se distinguer des idolatres de l'Inde, ils se ceignent tous d'un cordon de laine ou de poil de chameau. Ils assûrent reconnoître un dieu suprème, créateur & conservateur de la lumiere; ils lui donnent sept ministres, & ces ministres eux-mêmes en ont d'autres qu'ils invoquent aussi comme génies intercesseurs: l'être suprème est supérieur aux principes & aux causes; mais il est vrai que leur théologie ou leur superstition attribue tant de pouvoir à ces principes subalternes, qu'ils n'en laissent guere au souverain, ou qu'il en fait peu d'usage; ils admettent aussi des intelligences qui résident dans les astres & gouvernent les hommes, & des anges ou créatures inférieures qui gouvernent les corps inanimés; & chaque arbre, comme chaque homme, a son patron & son gardien. Ils ont persisté dans le dogme du bon & du mauvais principe: cette antique hérésie, & peut-être la premiere de toutes, n'a été vraissemblablement qu'une suite de l'impression que fit sur les hommes le spectacle affreux des anciens malheurs du monde, & la conséquence des premiers raisonnemens qu'on a crû religieusement devoir faire pour ne point en accuser un dieu créateur & conservateur. Les anciens théologiens s'embrouilloient autrefois fort aisément dans les choses qu'ils ne pouvoient comprendre; & l'on peut juger combien cette question doit être épineuse pour de pauvres gens, tels que les Guebres , puisque tant & de si grands génies ont essayé en vain de la résoudre avec toutes les lumieres de leur raison. Au reste les Guebres n'ont aucune idole & aucune image, & ils sont vraissemblablement les seuls peuples de la terre qui n'en ont jamais eu; tout l'appareil de leur religion consiste à entretenir le feu sacré, à respecter en général cet élément, à n'y mettre jamais rien de sale ni qui puisse faire de la fumée, & à ne point l'infecter même avec leur haleine en voulant le souffler; c'est devant le feu qu'ils prient dans leurs maisons, qu'ils font les actes & les sermens; & nul d'entre eux n'oseroit se parjurer quand il a pris à témoin cet élément terrible & vengeur: par une suite de ce respect, ils entretiennent en tout tems le feu de leur foyer, ils n'éteignent pas même leurs lampes, & ne se servent jamais d'eau dans les incendies qu'ils s'efforcent d'étouffer avec la terre. Ils ont aussi diverses cérémonies légales pour les hommes & pour les femmes, une espece de baptême à leur naissance, & une sorte de confession à la mort; ils prient cinq fois le jour en se tournant vers le soleil, lorsqu'ils sont hors de chez eux; ils ont des jeûnes reglés, quatre fêtes par mois, & surtout beaucoup de vénération pour le vendredi, & pour le premier & le 20 de chaque lune: dans leurs jours de dévotion, ils ont entre eux des repas communs où l'on partage également ce que chacun y apporte suivant ses facultés. Ils ont horreur de l'attouchement des cadavres; n'enterrent point leurs morts ni ne les brûlent; ils se contentent de les déposer à l'air dans des enceintes murées, en mettant auprès d'eux divers ustensiles de ménage. L'air & la sécheresse du pays permettent sans doute cet usage qui seroit dangereux & desagréable pour les vivans dans tout autre climat; mais il en est sorti chez les Guebres cette superstition singuliere, d'aller observer de quelle façon les oiseaux du ciel viennent attaquer ces corps; si le corbeau prend l'oeil droit, c'est un signe de salut, & l'on se réjoüit; s'il prend l'oeil gauche, c'est une marque de réprobation, & l'on pleure sur le sort du défunt: cette espece de cruauté envers les morts, se trouve réparée par un autre dogme qui étend l'humanité des Guebres jusque dans l'autre vie; ils prétendent que le mauvais principe & l'enfer seront détruits avec le monde; que les démons seront anéantis avec leur empire, & que les réprouvés après leurs souffrances, retrouveront à la fin un dieu clément & miséricordieux dont la contemplation fera leurs délices. Malgré l'ignorance des Guebres , il semble qu'ils ayent voulu prendre un milieu entre le paradis extravagant de Mahomet & le redoutable enfer du Christianisme. Des peuples qui ont un culte si simple & des dogmes si pacifiques, n'auroient point dû sans doute être l'objet de la haine & du mépris des Mahométans; mais non-seulement ceux-ci les détestent, ils les ont encore accusés dans tous les tems d'idolatrie, d'impiété, d'athéisme, & des crimes les plus infames. Toutes les religions persécutées & obligées de tenir leurs assemblées secretes, ont essuyé de la part des autres sectes des calomnies & des injures de ce genre. Les Payens ont accusé les premiers chrétiens de manger des enfans, & de se mêler sans distinction d'âge & de sexe: quelques-uns de nos hérétiques à leur tour ont essuyé un pareil traitement; & c'est de même le venin calomnieux que répandent les disputes de religion, qui a donné aux restes des anciens Perses le nom de guebre , qui dans la bouche des Persans modernes, désigne en général un payen , un infidele , un homme adonné au crime contre nature . Quelques-uns les ont aussi nommés Parsis, Pharsis , & Farsis , comme descendans des Perses, & d'autres Magious , parce qu'ils descendent des anciens mages; mais leur nom le plus connu & le plus usité est l'infame nom de guebre . Ce qu'il y a de singulier dans ce nom, c'est qu'il est d'usage chez plusieurs nations d'Europe & d'Asie, & que sous differentes formes & en différens dialectes, il est par-tout l'expression d'une injure grossiere. Le changement du b en u donne gaur , autre nom des Guebres; une inflexion legere dans les voyelles donne giaour chez les Turcs qui ont fréquemment ce mot à la bouche, & qui le prodiguent particulierement en faveur des Juifs, des Chrétiens, des infideles, & de tous ceux qu'ils veulent outrager & insulter: le changement du g en k , donne kebre , qui est aussi d'usage; & celui du b en ph , produit kaphre & kasre , nom que plusieurs peuples d'Afrique ont reçû des Arabes leurs voisins, parce qu'ils ne suivent point la loi de Mahomet. L'inverse & la méthathèse des radicaux de ce nom de gebr , qui dans l'hebreu sont gabar, gibor, giber , & geber , ont porté dans l'Europe par le canal des Phéniciens ou des Arabes espagnols, les expressions populaires de bogri, borgi, bougari , & bougeri , qui conservent encore l'idée du crime abominable dont les Guebres sont accuses par les Persans modernes; nos ayeux n'ont pas manqué de même d'en décorer les heretiques du douzieme siecle, & nos étymologistes ont savamment dérivé ces mots des Bulgares, à Bulgaris . Les racines primitives de ces noms divers ne portent cependant point avec elles le mauvais sens que le préjugé leur attribue; gabar dans l'hébreu signifie être fort, être puissant, être valeureux, dominer: gibor & giber y sont des épithetes qui indiquent la force , le courage , la puissance , & l' empire. Geber désigne le maitre. le dominateur; & gebereth , la maitresse: d'où nos ancêtres ont formé berger & bergereth . Les Chaldéens dérivent aussi de cette source guberin , en latin gubernatores , & en françois gouverneurs . Les Orientaux anciens & modernes en ont tiré Gabriel, Kébrail, Kabir, Giaber , & Giafar , noms illustres d'archanges & de grands hommes. Les dérives de gibor , de bogri , & de borgi , désignent encore chez les flamans, un bel homme, un homme puissant & de taille avantageuse; & nous exprimons le contraire par le diminutif rabougri: ce qui prouve que nos anciens ont connu le sens naturel & veritable de ces dénominations. Si cependant elles sont devenues injurieuses pour la plupart, c'est par une allusion dont il faut ici chercher la source dans les légendes des premiers âges du monde; elles nous disent qu'il y a eu autre fois des hommes qui ont rendu leur nom celebre par leur puissance & leur grandeur; que ces hommes couvrirent la terre de leurs crimes & de leurs forfaits, & qu'ils furent à la fin extermines par le feu du ciel: cette race superbe est la même que celle des géants, que les Arabes nomment encore giabar , & au plurier giabaroun, potentes , & que les anciens ont appellé gibor & gibborim , ainsi qu'on le voit en plusieurs endroits de la bible. Nous devons donc présumer que c'est sous cet aspect particulier que le nom de gibor avec ses dialectes gebri, bogri, borgi , & leurs dérivés, sont devenus chez tant de peuples différens des termes insultans; & que c'est de-là qu'est sortie l'application presque générale qu'on en a faite à tous ceux que la justice ou le fanatisme calomnieux ont accusés de ce même crime qui a fait tomber le feu du ciel sur la tête des puissans mais abominables gibborim. Article de M. Boulanger . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUEDE, ou Pastel Author=unknown Normalized Classification=Teinture Part of Speech=s.f. GUEDE GUEDE, s. f. ou Pastel , drogue employée par les Teinturiers , pour teindre en bleu. Voyez Bleu & Teinture . Le pastel vient d'une graine semée tous les ans au printems, & qui produit une plante appellée en latin glastum satum . On cueille ordinairement quatre ou cinq fois les feuilles de cette plante tous les ans; il n'y a guere que les feuilles des deux ou trois premieres cueillettes dont on fasse quelque cas; & ce sont sur-tout les premieres qu'on estime le plus: lorsque les feuilles sont dans leur maturité, on les cueille, on les porte ensuite au moulin à pastel pour les mettre en pieces; on les laisse huit ou dix jours en tas, après quoi on en fait une espece de balle qu'on laisse sécher sur des claies. Cela fait, on les broye & on les réduit en poudre; on les laisse ensuite sur le plancher, & on les arrose: c'est-là l'opération qu'on appelle coucher . Lorsque le pastel s'est ensuite échauffe, & qu'il a fumé quelques jours, il devient entierement sec: c'est ce qu'on appelle blanchir . Huit jours après il est bon à employer par les Teinturiers. Les anciens Bretons se servoient de pastel pour se colorer le corps. Quelques uns prétendent que c'est de cette plante appellée glastum en latin, qu'est venu le nom de glass qui signifie wede dans les pays du nord; & d'autres prétendent que glas & glastum sont tirés de l'ancien breton, dans lequel glass signifioit la couleur bleue . Le pastel bleu est le plus foncé de tous; il est d'une couleur fort approchante du noir, & sert de base à former différentes couleurs qui servent d'échelles aux Teinturiers pour former les différens degrés des pastels. Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUELFE Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.m. GUELFE GUELFE, s. m. ( Hist. mod. ) nom de la faction opposée à celle des Gibelins. Les étymologies différentes, aussi puériles qu'incertaines du nom de ces deux factions, recueillies dans les Bellandistes, le dictionnaire de Trevoux & autres lexicographes, ne se retrouveront pas ici. Nous nous contenterons de rappeller à la mémoire, que les Guelfes tenoient pour le pape & les Gibelins pour l'empereur; qu'après des dissensions qui sembloient passageres, la querelle de la couronne impériale & de la thiare s'échauffa violemment, divisa l'Italie au commencement du treizieme siecle, la remplit de carnage, de meurtres, d'assassinats, & produisit d'autres malheurs qui ont troublé le monde: mais il faut tâcher de les oublier & porter ses yeux sur la renaissance des Beaux-Arts qui succéderent à ces cruelles desolations. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUELDRE, (Duché de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUELDRE GUELDRE, ( Duché de ) Géog. contrée des Pays Bas qui a eu autrefois ses ducs particuliers, & qui est aujourd'hui partagée entre plusieurs souverains; de maniere pourtant que la partie la plus considérable fait une province qui est la premiere dans l'union des Provinces-Unies. Le duché de Gueldre considéré dans toute son étendue, est borné au nord par le Zuydersée & par la province d'Overissel; au sud par le duché de Cleves, par l'électorat de Cologne, & par le duché de Juliers; à l'oüest par le Brabant, la Hollande, & par la province d'Utrecht; à l'est il touche par le comté de Zutphen, à l'évêché de Munster. Cette étendue de pays a été habitée depuis Jules-César, par les Sicambres, par les Ménapiens, par les Mattiaques, & par les Ténétériens; les Romains en ont possédé une partie jusqu'à l'ancien bras du Rhin, & ils l'avoient jointe à la seconde Germanie; les Francs & les Frisons l'occuperent ensuite; & ceux-ci ayant été vaincus, tout ce pays fut uni au royaume d'Austrasie, qui fut lui-même joint à l'empire dans le douzieme siecle, sous le regne d'Othon le Grand. On sait comment il a passé depuis entre les mains de Charles-Quint & de Philippe II. & comment ce dernier en perdit la plus grande partie par la confédération qui se forma sous son regne en république indépendante. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueldre, (le haut quartier de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gueldre Gueldre , ( le haut quartier de ) Géog. autrement dit le quartier de Ruremonde , qui faisoit anciennement une portion du duché de Gueldre . Cette portion étoit même encore demeurée aux Espagnols après l'érection de la république des Provinces-Unies; mais depuis le traité d'Utrecht, le haut quartier de Gueldre se trouve partagé entre trois souverains; le roi de Prusse a pour sa part la ville de Gueldres ; la maison d'Autriche, Ruremonde & ses dépendances; & les États-Généraux y possedent la ville de Venlo avec sa banlieue, le fort de Stevenswert avec son territoire, & les petites villes de Nieustadt & d'Echt avec leurs préfectures. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueldre, (la province de) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gueldre Gueldre , ( la province de ) Gueldria , ( Géog. ) démembrement de l'ancien duché de Gueldre qui forme présentement une des sept Provinces-Unies; elle tient même le premier rang dans la république des Provinces-Unies, quoiqu'elle ne soit ni la plus riche ni la plus puissante; elle consiste en trois quartiers qui sont Nimegue, Zutphen, & Arnheim, ou le Veluve. Chaque quartier forme un état particulier dont la jurisdiction & les droits ne sont ni confondus ni partagés avec ceux des autres quartiers. Voyez Basnage, descript. historiq. des Provinces-Unies . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueldres Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Gueldres Gueldres , ( Géog. ) petite ville forte des Pays-Bas, au duché de même nom, cédée au roi de Prusse par le traité d'Utrecht; elle est dans des marais sur la Niers, à deux lieues nord-est de Venlo. Ce n'est donc pas la Gelduba mentionnée dans l' itinéraire d'Antonin, & dans Pline, liv. XIX. ch. v. car la ville de Gueldres est à quatre lieues du Rhin, & Gelduba étoit sur ce fleuve, castellum rheno impositum , dit Pline. Long. 23. 56. latit. 5. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUELLES Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA GUELLES GUELLES, terme de Blason , qu'on a dit autrefois pour gueules; couleur rouge appellée ainsi de la gueule des animaux. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÉONIM, ou GÉHONIM Author=Mallet Normalized Classification=Théologie Part of Speech=NA GUÉONIM, ou GÉHONIM GUÉONIM, ou GÉHONIM, ( Théolog. ) mot hébreu qui signifie excellent; c'est le titre qu'ont pris certains rabbins qui demeuroient dans le territoire de Babylone, comme M. Simon l'a remarqué dans son supplément aux cérémonies des Juifs: il observe en même tems que les Arabes s'étant rendus les maîtres de ce pays là, & ayant détruit les écoles des Juifs, les Guéonims se retirerent en Europe & principalement en Espagne ou R. Isaac Alfez qui vivoit sur la fin des tems où les Guéonims ont été en crédit, fit un excellent recueil des décisions de la gémare qui est une glose du talmud, sans s'arrêter aux questions & aux disputes inutiles: Buxtorf, dans sa bibliotheque des rabbins , a parlé fort au long de cet ouvrage. Il y a grande apparence que ces Guéonims ou Géhonims sont les mêmes que ceux que d'autres auteurs appellent Gaons. Voyez Gaons . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÊPE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GUÊPE GUÊPE, s. f. vespa; mouche qui a beaucoup de rapport avec l'abeille, mais qui en differe par des caracteres très-marqués: le plus apparent au premier coup-d'oeil, est le filet, par lequel le ventre de la guêpe tient au corcelet; ce filet est plus ou moins long dans les différentes especes de guêpes , tandis qu'on ne le voit pas dans les abeilles. On peut aussi distinguer aisément les guêpes par leurs couleurs jaunes & noires qui forment des taches & des raies. Elles n'ont point de trompe, mais leur lévre supétieure est plus grande & plus longue que l'inférieure, & sert en quelque façon de trompe pour détacher les alimens & les porter à la bouche: il y a aussi deux dents, une de chaque côté de la tête, qui se touchent en-devant par leur extrémité, & qui broyent les corps que la lévre supérieure ne pourroit pas entamer. Enfin les guêpes sont différentes de toutes les autres mouches à quatre ailes, en ce que les ailes supérieures paroissent fort étroites, & sont pliées en deux, suivant leur longueur, lorsque l'insecte est en repos, mais elles se déplient lorsqu'il vole. On a observé au-dessus de l'origine de chacune de ces ailes, une partie écailleuse qui empêche que la mouche ne les rende inutiles en les élevant trop haut. Il y a plusieurs especes de guêpes; les unes habitent sous terre, & les autres en plein air: les premieres sont les plus communes: on les a nommées guêpes soûterreines , à cause que leurs nids sont dans la terre, & guêpes domestiques , parce qu'elles entrent dans les maisons & qu'on les voit manger dans les plats que l'on sert sur les tables. Ces guêpes vivent plusieurs ensemble comme les abeilles. Il y a des guêpes mâles & des guêpes femelles, mais la plûpart n'ont point de sexe, c'est pourquoi on leur donne le nom de mulets: on les appelle aussi guêpes ouvrieres , parce qu'elles travaillent à la construction du nid, & qu'elles y apportent des alimens. Les guêpes mâles, femelles, & mulets d'un même nid viennent d'une seule mere, qui est fécondée dans l'automne, & qui après avoir passé l'hyver dans quelque lieu abrité, se trouve au printems en état de faire sa ponte. Cette guêpe creuse un trou dans un lieu où la terre est facile à remuer, & où il n'y a point de pierres: c'est ordinairement dans un pré, dans un champ, ou sur les bords d'un grand-chemin. Quoique seule, elle déplace une assez grande quantité de terre pour former une cavité où elle puisse construire le commencement d'un guêpier, c'est-à-dire d'un nid qui doit contenir un très-grand nombre de guêpes. Voyez Guêpier . Elle commence l'enveloppe du guêpier sur les parois supérieures de la cavité, & y attache le premier gâteau. A mesure qu'elle acheve un alvéole, & même avant qu'il soit achevé, elle y pond un oeuf, qui est blanc, transparent, de figure oblongue, & plus gros à l'un des bouts qu'à l'autre; un de ces oeufs est collé au fond de chaque alvéole, pendant qu'elle en construit de nouveaux & qu'elle y dépose des oeufs. Ceux qui ont été pondus les premiers, éclosent au bout de huit jours; il en sort des vers que la mere nourrit; elle va dans la campagne chercher des alimens pour les vers, & la matiere qu'elle employe pour la construction du guêpier. Les vers avancent la tête hors de leurs alvéoles, & ouvrent la bouche pour recevoir la nourriture que la mere leur apporte. Lorsqu'ils sont devenus assez gros pour remplir les alvéoles, ils en ferment l'ouverture avec un couvercle de soie, qu'ils filent comme les vers à soie, & ils en tapissent les parois de l'alvéole. Après quelques jours de repos ils se transforment en nymphes. L'Insecte reste dans cet état pendant huit ou neuf jours, ensuite il se dépouille de son enveloppe, il ronge les bords du couvercle de l'alvéole, le pousse en-dehors, & paroît enfin sous la forme de mouche. Dès que les guêpes sortent des alvéoles, elles aident la mere à nourrir les vers, & à construire le guêpier, tandis qu'elle continue sa ponte. Tous les premiers oeufs ne produisent que des mulets; & lorsqu'il y en a un assez grand nombre pour multiplier les alvéoles, pour soigner les vers, & pour apporter la nourriture, la mere ne sort plus du guêpier, elle pond continuellement. Après qu'il y a plusieurs milliers de mulets éclos, elle commence à pondre des oeufs de mâles & de femelles. Elle dépose ces oeufs dans des alvéoles qui ne se trouvent que dans les quatre ou cinq derniers gâteaux du guêpier, & qui sont plus grands que ceux qui renferment les oeufs des mulets. Les guêpes femelles sont plus grandes que les mâles, & les mulets plus petits; ceuxci sont de deux grandeurs différentes, de même que les mâles. Les mulets ont un aiguillon qui cause plus de douleur que celui des abeilles; les femelles ont aussi un aiguillon, & il est plus long & plus gros que celui des mulets; les mâles n'en ont point. Lorsqu'il y a quinze ou seize milliers de mulets, il ne se trouve ordinairement à la fin de l'été que trois cents mâles & autant de femelles. Les mulets vont chaque jour chercher dans la campagne des alimens, qu'ils rapportent dans le guêpier pour nourrir les mâles, les femelles, & les mulets qui y restent; ces alimens sont des fruits, de la chair, des mouches, & sur-tout des abeilles. Lorsqu'une guêpe rencontre une abeille, elle se jette dessus, la divise en deux parties avec ses dents, & emporte le ventre, qu'elle trouve sans doute meilleur que le corcelet & la tête, parce qu'il est rempli de miel. On ne sait que trop combien les guêpes gâtent les fruits en les suçant; ces insectes sont si avides de chair, que les bouchers de campagne ne pourroient pas en préserver leurs viandes, s'ils ne prenoient le parti d'exposer en-avant sur leurs boutiques un foie de veau ou une rate de boeuf, que les abeilles préferent à d'autres viandes, parce qu'ils sont plus aisés à couper; elles se jettent toutes sur ces morceaux, & ne vont pas plus loin. Les Bouchers trouvent encore un autre avantage en les rassemblant ainsi, c'est que les grosses mouches bleues dont viennent les vers qui sont corrompre la viande, craignent les guêpes , & n'approchent pas d'un lieu où il y en a beaucoup. Lorsqu'un mulet arrive au guêpier avec sa proie, plusieurs guêpes l'entourent & prennent leur part de ce qu'il a apporté; si c'est un aliment solide, elles le coupent en morceaux; si c'est un suc tiré des fruits, le mulet le fait sortir de sa bouche par gouttes que les autres viennent sucer. A la fin du mois d'Août, les mulets construisent les derniers gâteaux du guêpier, & la mere y dépose les oeufs des mâles & des femelles en finissant sa porte; ainsi c'est au commencement de l'autonne que le guêpier est complet, & que le nombre des guêpes y est le plus grand. Un guêpier a quelquefois plus de seize mille alvéoles. Comme il arrive souvent que la mere pond successivement deux, & même trois oeufs dans chacun, il se trouve à la fin de l'été jusqu'à trente mille guêpes dans ce guêpier. Alors la mere, les mâles, & les femelles nouvellement nés sortent du guêpier comme les mulets pour chercher leur nourriture. Tout est en vigueur & en bon ordre, mais cet état florissant ne dure qu'un mois ou six semaines. Au commencement d'Octobre ces insectes semblent n'avoir plus d'instinct, tout est en desordre dans le guêpier; les mulets & les mâles tirent des alvéoles les oeufs & les petits vers, les tuent & les dispersent au loin: ensuite toutes les guêpes languissent dans les premiers froids de l'autonne; si elles se raniment lorsque le soleil les rechauffe, ce n'est que pour quelques momens; à mesure que l'hyver approche, elles perdent leurs forces; les mouches dont elles se nourrissoient leur résistent, enfin les mâles & les mulets périssent par le froid. Les femelles se soûtiennent mieux, elles se retirent dans le guêpier ou dans des trous, mais il en meurt beaucoup: celles qui peuvent vivre jusqu'au printems ayant été fécondées avant la mort des mâles, sont en état de former chacune un guêpier. Pour observer les guêpes , on renferme un guêpier dans une ruche vitrée; pour cette opération il faut être vêtu de façon à ne pas craindre leur aiguillon. On déterre un guêpier & on le met dans une ruche; les guêpes après s'être dispersées y rentrent, & lorsque la nuit est venue, on ferme la ruche & on la transporte où l'on veut avec le guêpier qu'elle contient. Les guêpes appellées aériennes , parce qu'elles ont leurs nids en plein air, sont plus petites qu'aucunes de celles qui vivent en societé; leurs guêpiers sont attachés à une branche d'arbre, à une paille de chaume, à une plante, à un mur, &c. Ils different des autres en ce que les gâteaux sont posés verticalement, & qu'ils n'ont point d'enveloppe commune qui les mette à l'abri; mais leur position est favorable à l'écoulement de l'eau, & ils sont enduits d'un vernis qui y résiste. Ces guêpes ne quittent leur nid que pour chercher leur nourriture & celle des vers qui doivent perpétuer leur espece: elles ressemblent aux guêpes soûterreines par leur maniere de vivre & de se multiplier. On a donné le nom de cartonnieres à de petites guêpes d'Amérique, parce que leur guêpier est enveloppé d'une sorte de carton très-fort & très-blanc; cette couverture leur est nécessaire, parce qu'elles sont plus délicates que les guêpes d'Europe, & que l'air est nuisible à leurs vers. La plus grande différence qu'il y a entre ces guêpes cartonnieres & les guêpes soûterreines dont il a été fait mention, consiste dans la maniere de construire le guêpier. Voyez Guêpier . Mém. pour servir à l'hist. des Insectes, tom. VI. Abregé de l'hist. des Insectes, tom. II. Voyez Insecte . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÊPIER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GUÊPIER GUÊPIER, s. m. Les guêpes construisent comme les abeilles des gâteaux & des alvéoles, qui forment un groupe revêtu d'une enveloppe en tout ou en partie; cette masse est appellée guêpier . Les guêpes soûterreines placent leur guêpier sous terre; elles font d'abord un trou qui a un pouce de diametre, sur un demi-pié, ou un pié, & quelquefois deux piés de longueur; ensuite elles creusent une cavité qui a jusqu'à quatorze ou quinze pouces de diametre; à mesure qu'elles alongent le guêpier , elles transportent au-dehors, grain à grain, toute la terre qui remplit cet espace. La figure de ces guêpiers n'est pas toûjours la même; il y en a de sphériques, d'ovoïdes, & de coniques: on ne voit à l'extérieur que deux ouvertures; les guêpes entrent par l'une & sortent par l'autre: l'enveloppe a un pouce ou un pouce & demi d'épaisseur; elle est composée de plusieurs lames minces, dont la forme ressemble en quelque façon à celle des coquilles appellées peignes; leur convexité est du côté extérieur du guêpier , & les bords de l'une de ces lames sont collés sur le milieu de celles sur lesquelles elle se trouve, desorte qu'il reste entr'elles des cavités; leur substance est de même nature que celle du papier, aussi les guêpes la tirent des végétaux. L'humidité de la terre & l'eau des pluies ne pénetre pas à-travers l'enveloppe, parce qu'il y a dans son épaisseur des cavités entre les différentes lames qui la composent, & qui sont quelquefois jusqu'au nombre de quinze ou seize les unes sur les autres. L'intérieur du guêpier est divisé par plusieurs cloisons horisontales, de même substance que l'enveloppe extérieure, il s'en trouve jusqu'à quinze dans les plus grands guêpiers; celles du milieu ont un plus grand diametre que les autres; dans ceux dont la forme est ovoïde, il y a un demi-pouce de distance entre chacune des cloisons, & elles tiennent les unes aux autres par des liens verticaux, qui sont placés en différens endroits de la surface des cloisons; il n'y en a que trois ou quatre entre les plus petites, mais on en a vû jusqu'à cinquante entre les plus larges; ces liens ont une ou deux lignes de diametre. Les bords de chaque cloison sont aussi attachés à l'enveloppe du guêpier par quelques liens, entre lesquels les guêpes peuvent passer pour aller d'une cloison à une autre, & traverser le guêpier entre toutes les cloisons. Chacune de ces cloisons est un gâteau où se trouvent des alvéoles hexagones comme celles des abeilles, mais il n'y en a que sur la face inférieure. Ces alvéoles servent de logement aux oeufs, aux vers, aux nymphes, & aux jeunes guêpes qui n'ont pas encore pris l'essor. On a compté jusqu'à dix milles alvéoles dans des guêpiers de grandeur médiocre; ceux des guêpes aériennes n'ont point d'enveloppe commune. Voyez Guêpe . On donne le nom de guêpier aux nids des frelons comme à ceux des guêpes. Voyez Frélon . Les guêpiers des guêpes de Cayenne, appellées cartonnieres ( voyez Guêpe ) ont ordinairement la figure d'une cloche alongée, dont l'ouverture seroit fermée, à l'exception d'un trou d'environ cinq lignes de diametre: les plus grands de ces guêpiers ont un pié & demi de longueur; ils sont suspendus à des branches d'arbres. L'intérieur est divisé par des cloisons horisontales, dont les bords sont adhérens à l'enveloppe extérieure du guêpier , sans qu'il reste d'ouverture entre les cloisons & l'enveloppe, comme dans les guêpiers des guêpes soûterreines d'Europe, mais il y a un trou au centre de chaque cloison, qui la traverse d'une face à l'autre, & qui sert de passage aux guêpes pour aller dans tous les intervalles qui sont entre les cloisons; chacune est composée d'une lame & d'un rang d'alvéoles, qui tiennent par le fond à la face inférieure de cette lame. Ces guêpes commencent comme les autres leur guêpier , par l'anneau qui doit le tenir suspendu autour de la branche qu'il embrasse; ensuite elles construisent une premiere lame horisontale, & des alvéoles contre sa face inférieure; elles alongent le guêpier , en formant autour une bande qui doit faire partie de l'enveloppe extérieure; elles attachent à cette bande une seconde lame horisontale, à quelque distance des alvéoles qui tiennent à la premiere lame; alors elles passent par le trou qui est au centre de cette lame, pour déposer des oeufs dans les alvéoles, pour porter de la nourriture aux vers qui y éclosent, &c. au moyen de la seconde lame, qui existe déja, ces vers & les nymphes qui leur succedent sont à l'abri du grand air qui leur seroit nuisible. C'est ainsi que ces guêpes construisent toutes les cloisons de leur guêpier , & qu'elles pondent des oeufs successivement dans chacune, à mesure que les alvéoles se trouvent renfermés par le moyen de l'enveloppe extérieure, & de la lame de la cloison inférieure: on a vû de ces guêpiers où il y avoit jusqu'à onze cloisons. La matiere dont ils sont composés est un vrai carton, qui a l'épaisseur d'un écu de trois livres dans l'enveloppe extérieure & dans les lames des cloisons: il est très ferme & très blanc, sans doute parce que les guêpes le tirent des bois blancs, parce qu'ils sont moins durs que les autres. Mém. pour servir à l'hist. des Insect. tome VI. abregé de l'hist. des Insect. tome II . Voyez ci-devant Guêpe . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÊPIER Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Ornithologie Part of Speech=s.m. GUÊPIER GUÊPIER, s. m. merops, apiaster , ( Ornithologie. ) oiseau un peu plus grand que le merle. Il a le bec épais, droit, pointu, noir, fort & un peu recourbé en-bas. La conformation du pié de cet oiseau est singuliere; car le doigt extérieur tient à celui du milieu par trois phalanges, & le doigt intérieur par une phalange seulement. Ce doigt est le plus petit de tous; il n'a que la moitié de la longueur de celui du milieu. Le doigt postérieur est un peu plus grand que l'interieur. Le sommet de la tête est roux; le derriere de la tête & les épaules ont une couleur verdâtre, mêlée d'une teinte de rouge. Il y a de chaque côté de la tête une bande noire, qui s'étend depuis les coins de la bouche jusqu'au-delà des oreilles, en passant autour des yeux. Le dessous du menton est jaune; la poitrine & le ventre sont bleus; la queue est composée de douze plumes; les deux du milieu sont plus longues que les autres, & terminées en pointe. Le guêpier a les jambes courtes & grosses, les ongles noirs, & les piés d'une couleur brune rougeâtre; il se nourrit d'insectes, tels que des abeilles, des cigales, des scarabés, &c. il mange aussi des graines de plantes. Willug. ornith. Voyez Oiseau . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERANDE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUERANDE GUERANDE, Gueranda , ( Géog. ) ville de France en Bretagne, au comté de Nantes. Il s'y fait avec les Anglois quelque commerce de sel blanc, qu'elle tire des salines de son territoire. Elle est à une lieue de l'Océan, & à treize N. O. de Nantes. Long. 15. 13. 24. lat. 47. 19. 39 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERCHE, (la) ou GUIERCHE, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUERCHE GUERCHE, ( la ) ou GUIERCHE, ( la ) Géog. ville de France en Touraine sur la Creuse. Longit. 18. 28. lat. 46. 48 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERET Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUERET GUERET, Varactus , ( Géog. ) petite ville de France dans la Haute-Marche, dont elle est la capitale: elle est sur la Gartampe, à dix lieues N. E. de Limoges. Long. 19. 32. lat. 46. 10 . Varillas, (Antoine) historien françois plus fécond qu'exact, plus agréable que fidele, naquit à Gueret en 1624, & mourut à Paris le 9 Juin 1696. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERETS Author=d'Argenville Normalized Classification=Agriculture Part of Speech=s.m.pl. GUERETS GUERETS, s. m. pl. ( Agriculture. ) il se dit de la terre labourée & prête à être ensemencée. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERGUELA Author=unknown Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUERGUELA GUERGUELA, ( Géog. ) Voyez Guargala . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERIDON Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GUERIDON GUERIDON, s. m. ( Gramm. ) meuble de chambre, composé d'un pié, d'un pilier & d'un plateau. Ces pieces se font au tour, & sont communément en bois. Le guéridon sert à porter un flambeau. Sa commodité est d'être transporté où l'on veut. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guéridon Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Guéridon Guéridon , ( Marine. ) Voyez Ecoupe . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueridon Author=Diderot Normalized Classification=Manufacture en soie Part of Speech=NA Gueridon * Gueridon , ( Manuf. en soie. ) machine qui a la forme de ce meuble, mais dont le plateau est divisé en petites cases, où l'on place les espolins qu'on est obligé d'ôter de dessus l'étoffe quand on ne s'en sert pas. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÉRIR Author=Diderot Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=v.act. GUÉRIR * GUÉRIR, v. act. pass. & n. ( Gramm. ) On dit se guérir, guérir quelqu'un, & guérir d'une maladie. Ce terme est relatif à l'état de santé & à l'état de maladie, & marque le passage de celui-ci au premier, soit par le secours de la medecine, soit par les forces de la nature. Il se prend au simple & au figuré, & il s'applique aussi communément aux maladies de l'esprit, qu'à celles du corps. On guérit de la fievre par le quinquina, & de la gloire littéraire ou autre, par la raison, les mauvais succès, les préférences injustes, les inimitiés, les jalousies, les satyres, &c. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÉRITE Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.f. GUÉRITE GUÉRITE, s. f. ( Art mil. ) espece de petites tours de maçonnerie ou de charpente, qu'on construit aux angles saillans des ouvrages de la fortification, pour découvrir ce qui se passe dans le fossé. Les guérites des ouvrages de la fortification sont de niveau au terre-plein de ces ouvrages. On fait une coupure de trois piés de largeur dans le parapet, pour entrer dans la guérite du terre-plein du rempart de plain-pié. La figure des guérites est ronde, pentagonale ou exagonale. Le diametre en-dedans est d'environ quatre piés, & la hauteur de six à la naissance de la calotte, ou de la partie supérieure qui les termine. Les guérites doivent être percées de quatre ou cinq ouvertures ou petites fenêtres ouvertes, de maniere que la sentinelle qui est dedans puisse découvrir le fond du fossé & le chemin couvert. On fait aussi des guérites aux différentes entrées de la place, mais elles ne servent qu'à mettre à couvert de la pluie les sentinelles placées à ces endroits. Ces dernieres guérites sont ordinairement de bois, & de figure quarrée. On donnoit anciennement le nom d' échauguette aux guérites. Voyez Echauguette . ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERLIN Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GUERLIN GUERLIN, s. m. ( Marine. ) Voyez Grelin . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERPIR Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=v.act. GUERPIR GUERPIR, v. act. ( Jurisp. ) se disoit anciennement pour ensaisiner, transférer, mettre en possession , du mot allemand verp ou guerp , qui signifie possession ou l' héritage dont on est vêtu, & ensaisiner: de-là on a fait déguerpir , qui est opposé à guerpir , pour dire quitter la possession d'un héritage . Dans la suite on a quelquefois dit guerpir pour déguerpir ; comme guerpir l'hommage du roi , dans la chronique de Flandre, chap. xcviij. c'est refutare feudum regium. Voyez Loyseau, traité du déguerpissement, liv, I. chap. ij. n. 4. & Déguerpissement . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUERRE Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire | Histoire Part of Speech=sub.f GUERRE GUERRE, sub. f. ( Art milit. & Hist. ) différend entre des princes ou des états, qui se décide par la force ou par la voie des armes. C'est-là à-peu-près la définition de Grotius, qui dit que la guerre est l'état de ceux qui tachent de vuider leurs différends par la voie de la force . Suivant Montecuculli, la guerre est une action d'armées qui se choquent en toute sorte de maniere, & dont la fin est la victoire . Cette définition n'est pas absolument exacte, parce que lorsqu'un état puissant en attaque un plus foible, le but de la guerre dans le dernier n'est pas tant de remporter la victoire sur l'aggresseur, que de s'opposer à ses desseins. Quoi qu'il en soit, l'idée de la guerre est trop commune & ses effets trop connus, pour s'arrêter à l'expliquer plus particulierement. Comme les princes n'ont point de tribunal sur terre qui puisse juger de leurs différends & de leurs prétentions, c'est la guerre ou la force qui peut seule en décider, & qui en décide ordinairement. Nous n'entrerons dans aucun détail sur les différentes circonstances qui rendent les guerres justes ou injustes. Nous renvoyons pour ce sujet au savant traité de Grotius, de jure belli ac pacis; nous donnerons seulement une legere idée de la guerre offensive & de la guerre défensive . Elles peuvent se diviser chacune en guerre de campagne , & en guerre des siéges . La guerre offensive est celle dans laquelle on se propose d'attaquer l'ennemi. Dans la défensive, on a pour principal objet de résister aux efforts de l'ennemi, & de l'empêcher de faire des conquêtes. La guerre de campagne est celle qui se fait entre deux armees opposées. A l'égard de celle des siéges, elle consiste dans l'attaque & dans la défense des places. Avant que d'entrer dans quelque détail sur ce sujet, observons d'abord que la guerre est un art qui a ses regles & ses principes, & par conséquent sa théorie & sa pratique. « Tous les Arts & tous les Métiers se perfectionnent par l'exercice. Si cette maxime a lieu dans les plus petites choses, à plus forte raison dans les plus importantes. Or qui doute que l'art de la guerre ne soit le plus grand de tous? C'est par lui que la liberté se conserve, que les dignites se perpétuent, que les provinces & l'empire se maintiennent: c'est cet art auquel les Lacédémoniens autrefois, & ensuite les Romains, sacrifierent toutes les autres sciences. C'est l'art de ménager la vie des combattans & de remporter l'avantage » Vegece, traduction de M. de Sigrais. L'etude d'un art si important doit, selon M. de Folard, faire la principale occupation des princes & des grands. Rien de plus brillant que la carriere d'un général qui fait servir sa science, son zele, & son courage au service du prince & de la patrie: « quel est l'art, dit cet auteur, qui égale un particulier à son souverain, qui le rend dépositaire de toute sa puissance, de toute la gloire, & de toute la fortune des états »? La guerre seule a cet avantage: peut-il être un motif plus noble & plus intéressant pour chercher à s'y distinguer! Les regles ou les principes de la guerre qui en forment la théorie, ne sont autre chose que le fruit des observations faites en differens tems pour faire combattre les hommes le plus avantageusement qu'il est possible. Thucidide remarque que la fameuse guerre du Peloponnese servit à augmenter l'expérience des Grecs dans l'art militaire; parce que comme cette guerre fut souvent interrompue & recommencée, chacun s'appliquoit à rectifier les fautes qui avoient été remarquées dans les campagnes précédentes. La premiere idee qu'on a du avoir lorsqu'on a formé des hommes pour combattre, a sans doute été de les armer pour agir offensivement contre l'ennemi. Les premieres armes furent d'abord sort simples; c'étoit de gros bâtons, ou des especes de massues ou casse-têtes, ainsi qu'en ont encore aujourd'hui les Sauvages. On dut aussi se servir de pierres, qu'on jettoit de loin avec la main: mais on trouva bientôt l'invention de la fronde, pour les jetter de plus loin & avec plus de force. Il y a apparence qu'on songea ensuite à armer les bâtons d'un fer pointu; qu'on trouva, bientôt après l'invention des épées ou des sabres; & qu'à l'imitation des pierres qu'on lançoit avec la fronde, on imagina l'arc pour lancer également les fleches: car toutes ces armes sont de la plus haute antiquité. Après avoir arme les combattans, il fut aisé de s'appercevoir qu'en les faisant agir en foule & sans ordre, ils ne pouvoient se servir de leurs armes, & qu'ils s'embarrasseroient réciproquement. Pour remédier à cet inconvénient, on les forma sur des lignes droites, & l'on mit plusieurs de ces lignes les unes derriere les autres, pour en augmenter la force. Voyez Rangs & Files . Après avoir armé les troupes & leur avoir donné l'arrangement précédent, il fallut leur apprendre à se servir de leurs armes, 7 à se mouvoir en ordre de tous les sens; c'est-à-dire qu'il fallut leur apprendre l'exercice ou le maniement des armes, & les évolutions. Voyez Exercice & Evolution . Les hommes en faisant usage de leurs armes contre l'ennemi, chercherent à se couvrir ou à se garentir de l'effet des siennes. Pour cet effet on imagina les armes défensives, telles que les casques, cuirasses, bouchers, &c. Voyez Armes défensives . Les troupes étant armees ou exercées, il fallut les diviser en plusieurs corps, propres à agir & à se mouvoir facilement: de-là l'origine des compagnies, des cohortes, des régimens, des bataillons, &c. On songea aussi à arranger ces différens corps entr'eux, comme les troupes le sont dans leurs corps particuliers, & l'on forma les ordres de bataille sur deux ou trois lignes de troupes. Voyez Ligne de Troupes & Ordre de Bataille . On ne s'avisa vraissemblablement pas dans les premiers tems de faire combattre les hommes à cheval; mais il fut aisé de s'appercevoir bien tôt du besoin de la cavalerie pour poursuivre l'ennemi, le disperser après sa défaite, & l'empêcher de se rallier. Il y a apparence que la cavalerie fut d'abord destinée à cet effet, & qu'elle ne consistoit guere qu'en troupes legeres: mais on vit ensuite que cette cavalerie pourroit encore rendre d'autres services; qu'elle étoit propre en plaine à combattre l'ennemi, & que d'ailleurs par la rapidité de ses mouvemens, elle pouvoit se transporter bien-tôt d'un lieu en un autre & se tirer du danger bien plus promptement que l'infanterie: on forma donc des corps de cavalerie plus ou moins nombreux, suivant la nature des peuples & des pays où l'on faisoit la guerre ( a ). La cavalerie pouvant harceler l'infanterie en campagne, & essayer de la défaire sans craindre de se commettre par la facilité qu'elle a de se retirer, on imagina des armes de longueur pour la tenir en respect; c'est-à-dire qu'on inventa les sarisses ou les piques, dont la longueur empéchoit le cheval du cavalier de tomber sur le fantassin: par-là l'infanterie ( a ) Il n'est pas question d'examiner ici si les anciens, au lieu de monter sur les chevaux pour combattre, les ont d'abord attelés à des chars. Nous renvoyons pour ce sujet à l' article Equitation . Il nous suffit que la cavalerie ait été de la plus haute antiquité dans les armées, & c'est surquoi les anciens auteurs ne laissent aucun doute. put paroître en plaine devant la cavalerie, & la combattre même avec avantage; mais la cavalerie fut toûjours jugée nécessaire dans les armées pour soûtenir & fortifier l'infanterie dans les lieux ouverts, donner des nouvelles de l'ennemi, le poursuivre après la défaite, &c. Il est vraissemblable que les différentes choses dont on vient de parler, occuperent d'abord les nations guerrieres, & que la fortification doit aussi son origine aux premieres entreprises des puissances qui vouloient s'assujettir les autres. « D'abord, dit le comte de Pagan dans son traité de fortification , les campagnes étoient les plus agréables demeures; l'assûrance des particuliers consistoit en l'innocence de tous, & les vertus & les vices n'admettoient point encore de différence parmi les hommes; mais lorsque l'avarice & l'ambition donnerent lieu aux commandemens & aux conquêtes, la foiblesse cédant à la force, l'oppression suivit les vaincus ». Les moins puissans se réunirent ensemble dans le même lieu, pour être plus en état de se défendre: de-là l'origine des villes. On s'appliqua à les entourer d'une enceinte, capable d'en fermer l'entrée à l'ennemi. Cette enceinte fut d'abord de simples palissades, puis de murs entourés de fossés; on y ajoûta ensuite des tours. Voyez Fortification . A mesure que la fortification se perfectionnoit, l'ennemi inventoit différentes machines propres à en détruire les ouvrages: telles furent le bélier & les autres machines de guerre des anciens. Voy . Bélier , Baliste , Catapulte , &c. Ces machines ont été en usage jusqu'à l'invention de la poudre, qui donna lieu d'imaginer le canon, le mortier, les arquebuses, les mousquets, les fusils, & nos autres armes à feu. L'invention ou la découverte de la poudre à canon, qui a donné lieu de changer l'ancienne fortification, n'a pas introduit beaucoup de nouveautés dans les armes offensives du soldat. Le fusil répond assez exactement aux armes de jet des anciens; mais les armes défensives ont été abandonnées insensiblement dans l'infanterie, à cause de la difficulté d'en avoir d'assez fortes pour résister à la violence du fusil. La cavalerie a seulement des plastrons ou des devants de cuirasse, & les officiers des cuirasses entieres, que les réglemens les obligent de porter. Voyez Armes défensives . Dans les commencemens, où les armées s'éloignoient peu de leur demeure ordinaire, & où elles étoient peu de jours en campagne, les troupes pouvoient rester sans inconvéniens exposées aux injures de l'air. Mais lorsqu'on voulut leur faire tenir la campagne plus long-tems, on imagina de leur donner des tentes ou des especes de maisons de toile, que les soldats pouvoient porter avec eux. On forma alors des camps, & l'on fit camper les armées. Voyez Castramétation . On pensa aussi alors à fortifier ces camps, pour les mettre à l'abri des surprises de l'ennemi, faire reposer les troupes plus tranquillement, & diminuer le grand nombre de gardes qu'il auroit fallu pour la sûreté du camp. Toutes les différentes choses dont nous venons de parler, se sont insensiblement établies par l'usage parmi toutes nations policées. Celles qui y ont donné le plus d'attention & qui les ont portées au plus grand point de perfection, ont toûjours eu un avantage considérable sur celles qui les avoient plus négligées. Ce n'est pas le grand nombre qui décide des succès à la guerre , mais l'habileté des chefs, & la bonté des troupes disciplinées avec soin, & formées dans tous les exercices & les manoeuvres militaires. De-là vient que les Grecs, auxquels on est particulierement redevable des progrès de l'art militaire, avoient trouvé le moyen avec de petites armées de vaincre les nombreuses armées des Perses. Rien de plus admirable que la fameuse retraite des dix mille de Xenophon. Ces grecs, quoiqu'en petit nombre au milieu de l'empire des Perses, ayant près de huit cents lieues à faire pour se retirer, ne pûrent être entamés par les forces d'Artaxerxès. Ils surmonterent par leur courage & par l'habileté de leurs chefs tous les obstacles qui s'opposoient à leur retour. Quelqu utiles que soient l'exercice & la discipline pour former de bonnes troupes, l'art de la guerre ne consiste pas uniquement dans cet objet. Ce n'est qu'un moyen de parvenir plus sûrement à réussir dans ses entreprises: ce qui appartient essentiellement à l'art de la guerre , & qui le caractérise, c'est l'art de savoir employer les troupes pour leur faire exécuter tout ce qui peut réduire l'ennemi plus promptement, & le forcer à faire la paix; car la guerre est un état violent qui ne peut durer, & l'on ne doit la faire que pour se procurer la joüissance des douceurs & des avantages de la paix. Il est facile avec de la bonne volonté, de l'application, & un peu de discernement, de se mettre au fait de toutes les regles ordinaires de la guerre , & de savoir les différentes manoeuvres des troupes; mais le génie de la guerre ne peut se donner ni s'acquérir par l'étude. Elle peut seulement le perfectionner. On peut appliquer à l'art de la guerre ce que l'Horace françois dit du jeu d'échets comparé à l'art de faire des vers. Savoir la marche est chose très-unie, Joüer le jeu, c'est le fruit du génie; Je dis le fruit du génie achevé, Par longue étude & travail cultivé . Savoir toutes les manoeuvres de la guerre , tout ce qui concerne l'ordre, la disposition & l'arrangement des troupes, tout cela quoique très-utile en soi & absolument nécessaire au général, est chose très-unie . Mais faire la guerre avec succès, rompre les desseins de l'ennemi, trouver le moyen d'éluder sa supériorité, faire des entreprises continuellement sur lui sans qu'il puisse s'y opposer, c'est-là le véritable fruit du génie , & du génie achevé par longue étude & travail cultivé . « Si un nomme, dit M. le maréchal de Saxe, n'est pas né avec les talens de la guerre , & que ces talens ne soient perfectionnés, il ne sera jamais qu'un général médiocre: l'application rectifie les idées, mais elle ne donne jamais l'ame; c'est l'ouvrage de la nature ». Mais quelqu'avantage qu'on en ait reçû, si on ne cultive pas ses talens par l'étude & la méditation, il ne faut pas espérer, dit M. de Folard, que Dieu nous accorde la science de la guerre par infusion. « Cependant à voir, dit-il, le peu d'application que chacun apporte à s'y rendre capable, on croiroit assez qu'elle s'apprend en un jour, & que cette lumiere d'ordre, de ruse, d'artifice pour s'en bien démêler, de profondeur dans la conduite des guerres les plus difficiles, de prévoyance & de précaution qui nous éclaire, qui ne se perd ni ne s'éteint point dans les dangers les plus éminens, naît avec nous, & que nous sommes de ces génies extraordinaires que la providence se plait quelquefois à faire paroître dans le monde & de loin, pour sauver ou renverser les monarchies ». On ne peut acquérir la science de la guerre que par l'étude & par la pratique. La pratique seule sans la théorie ne peut jamais donner que des connoissances fort bornées. Il faut qu'elle soit aidée & soûtenue par les lumieres de la théorie. On a vû dans l' article Etude militaire , quelles sont les différentes connoissances qui servent de base au grand art de la guerre . Lorsqu'on est parvenu à se les rendre propres, il faut chercher dans les livres les regles & les principes de cet art important. « Ce n'est pas, dit M. de Folard sur ce sujet, dans la moyenne antiquité qu'il faut aller chercher nos maîtres; c'est chez les Grecs & les Romains, lorsque ces peuples étoient dans leur force, & que leur discipline militaire, ou pour mieux dire, la science de la guerre qui renferme tout, avoit été portée au plus haut point de perfection où ces grands hommes avoient pû la porter. C'est sur-tout chez les Grecs qu'il faut les chercher. Ce sont eux qui d'une routine (car la guerre n'étoit autre chose d'abord) poserent des principes certains & assûrés. Il y eut alors des maitres & des professeurs pour l'enseigner, & l'expérience ne fut plus nécessaire pour former d'excellens officiers & des généraux d'armées; elle ne servoit que pour les perfectionner, comme Thucydide, Xenophon, & Plutarque » nous l'assûrent. Préface du V. vol. du comment, sur Polybe . Comme l'étude de la guerre demande du tems, du travail, & de l'application, il se trouve bien des gens, qui, pour en éluder les difficultés, prétendent que cette étude n'est point nécessaire, & que la pratique peut seule apprendre l'art de la guerre . « Mais s'il étoit vrai, dit le savant auteur que nous venons de citer, que la guerre ne roulât que sur l'expérience, un royaume, par exemple, comme la France, approcheroit de sa décadence selon le plus ou moins de tems qu'il se maintiendroit en paix, & dix ou douze années de repos ou d'inaction nous seroient plus ruineuses que quinze ou vingt années d'une guerre continuelle. Que l'on considere, dit toûjours cet auteur, quinze ou vingt ans de service sur la tête d'un vieux officier qui ne connoît que son expérience & sa routine, & qui se reposant vingt autres dans la paix, oublie ce qu'il a appris dans la guerre . Car qui peut disconvenir que l'expérience ne se perde & ne s'oublie par le défaut d'exercice? Les officiers-généraux affoiblis par leur âge, ou abatardis par une longue paix, la noblesse amollie & devenue paresseuse sans aucun soin des armes, se livre à toutes sortes de débauches; & les soldats à leur imitation, n'observent pas certaine discipline qui peut suppléer au défaut de la science de la guerre . Tous ceux qui tiennent pour l'expérience conviennent qu'il n'y a rien à faire, si elle n'est entée sur la prudence militaire: & cette prudence est-elle autre chose que la science qui nous fait voir les toutes qui sont capables de nous conduire où nous tendons? Tel qui a donné bataille dans un pays de plaine, se trouve embarrassé dans un terrein inégal. Il l'est encore plus dans un pays fourré. Il en donnera cinquante toutes différentes les unes des autres, par les différentes situations des lieux qui ne se ressemblent jamais. Souvent les deux champs de bataille different l'un de l'autre: ce qui n'est pas un petit embarras entre deux généraux; & soit qu'on attaque ou qu'on soit attaqué, il y a mille changemens, mille mouvemens à faire très-dangereux & très-délicats, soit dans le commencement ou dans les suites d'un combat, sans compter le fort ou le foible d'une armée sur l'autre, qui peut être mis en considération, c'est-à-dire le plus ou le moins de cavalerie ou d'infanterie, le bon ou le mauvais de l'une & de l'autre. Comment tirer de l'expérience ce que l'on n'a jamais vû ni pratiqué, & les autres choses qui n'en dépendent pas, &c. ». Nouv. découvert. sur la Guerre . A toutes ces reflexions de M. de Folard, & à beaucoup d'autres sur la nécessité de la science militaire qu'on trouve en differens endroits de son commentaire sur Polybe , on peut ajoûter que s'il faut qu'un officier voye exécuter tout ce qu'il a besoin d'apprendre, il lui sera presqu'impossible de se rendre habile dans les différens mouvemens des armées. Car lorsqu'il est employé à la guerre , il ne voit que la manoeuvre particuliere de la troupe à laquelle il est attaché, & non pas les mouvemens des autres troupes qui sont quelquefois tous différens. Mais supposant qu'il puisse observer quelque disposition particuliere dans les autres troupes, comment pourra-t-il en deviner la cause s'il ignore les principes qui peuvent servir à la dévoiler? Il arrive de-là, comme l'expérience le démontre, que bien des officiers qui ont servi long-tems, & qui même se sont trouvés à de grands mouvemens de troupes, ignorent la science de ces mouvemens, & qu'ils ne pourroient ni les commander, ni les faire exécuter. L'expérience leur apprend seulement les petits détails de l'exercice & du service particulier, qu'on trouve partout, & qu'il est impossible d'ignorer, parce qu'on est chargé de le faire exécuter journellement; mais cette partie de la police militaire, quoiqu'elle soit utile en elle-même & qu'elle fasse honneur à l'officier qui la fait observer avec le plus de soin, ne forme pas la science militaire; elle n'en renferme tout-au-plus que les premiers rudimens. L'étude de l'art de la guerre peut tenir lieu d'expérience, mais d'une expérience de tous les siecles. On peut appliquer à cette étude ce que Diodore de Sicile dit de l'histoire si utile à tous les hommes, & principalement à ceux qui veulent posséder la science de la guerre . « C'est un bonheur, dit cet auteur, de pouvoir se conduire & se redresser par les erreurs & par les chûtes des autres, & d'avoir pour guide dans les hasards de la vie & dans l'incertitude des succès, non une recherche tremblante de l'avenir, mais une connoissance certaine du passé. Si quelques années de plus font préférer dans les conseils les vieillards aux jeunes gens, quelle estime devons-nous faire de l'histoire qui nous apporte l'expérience de tant de siecles? En effet elle supplée à l'âge qui manque aux jeunes gens, & elle étend de beaucoup l'âge même des vieillards ». C'est ainsi que ceux qui ont étudié avec soin l'histoire des différentes guerres des nations, qui ont examiné, discuté tout ce qui s'y est observé dans la conduite des armées & des différentes entreprises militaires, peuvent acquérir par-là une expérience qui ne peut être comparée avec la pratique de quelques campagnes. Comme peu de personnes sont en état de faire une étude aussi étendue de l'art de la guerre , il est à-propos d'indiquer les principaux ouvrages qui peuvent servir à donner les connoissances les plus nécessaires sur la théorie de cet art. Nous avons déjà vû que M. Folard veut qu'on consulte les Grecs & les Romains. C'est chez eux qu'il faut chercher les vrais principes de l'art militaire; mais le nombre de leurs auteurs sur ce sujet n'est pas considérable. « Il y en avoit autrefois une infinité, dit M. de Folard dans la préface que nous avons déjà citée, mais tout cela s'est perdu par les malheurs & la barbarie des tems. L'histoire nous a conservé les titres de quelques-uns de ces livres, & les noms de quelques auteurs qui avoient écrit de la guerre , entr'autres de Pyrrhus, roi des Epirotes; car pour ce qui est des auteurs de la moyenne antiquité, c'est fort peu de chose. A peine ont-ils donné une idée de la guerre , tant ils sont abregés. Il ne nous en reste qu'un au-dessus des autres, qui est Vegece. Onosander & l'empereur Léon, tous deux Grecs, n'en approchent pas; & tous les trois ne sont guere plus étendus que nos modernes, mais ils sont plus savans, bien que la science des armées fût presque tombée & même oubliée de leur tems ». Les anciens ouvrages qu'on peut consulter le plus utilement sur l'art de la guerre , outre celui de Vegece, sont la Cyropédie , ou l' histoire de Cyrus par Xénophon: la retraite des dix mille, & l'histoire de Polybe, les commentaires de César , la tactique d'Elien, &c. Parmi les modernes, on peut lire le parfait capitaine du duc de Rohan; les mémoires de M. de Turenne, insérés à la suite de la vie de ce grand capitaine, par M. de Ramsai; ceux de Montecuculli, de M. le marquis de Feuquieres; les réflexions militaires de M. le marquis de Santa-Crux; le commentaire sur Polybe par M. le chevalier Folard; l'art de la guerre par M. le maréchal de Puysegur; les réveries ou mémoires sur la guerre par M. le maréchal de Saxe, &c. La science de la guerre est si étendue qu'on ne doit pas être surpris du petit nombre de ceux qui y excellent. Ce n'est pas assez que les généraux sachent ranger les armées en bataille, les faire marcher, camper, & combattre; il faut qu'ils sachent encore préserver leurs armées des maladies qui pourroient les ruiner ou les affoiblir. Il faut aussi savoir encourager le soldat pour le faire obéir volontairement, & supporter patiemment les fatigues extraordinaires auxquelles il peut être exposé. Il faut avoir soin que les vivres ne lui manquent point, & que la cavalerie n'éprouve aucune disette de fourrage. C'est à quoi l'on doit toûjours penser de bonne heure. C'est une épargne à contre-tems, di Vegece, que de commencer à ménager les vivres lorsqu'ils manquent. Cet auteur observe que dans les expéditions difficiles, les anciens distribuoient les vivres par tête, sans avoir égard au grade; mais on en tenoit compte ensuite à ceux à qui on les avoit ainsi diminués. Outre ces différentes attentions, il y en a encore beaucoup d'autres, qu'on peut voir dans l'entretien de Cyrus & de Cambyse, rapporté dans le premier livre de la Cyropédie; tout cela doit faire sentir combien la science de la guerre demande de travail & d'application. Cependant Polybe conseille encore à ceux qui aspirent au commandement des armées, d'étudier les Arts & les Sciences qui ont quelque rapport à l'art militaire. « Ajoûter, dit cet auteur, des connoissances inutiles au genre de vie que nous professons, uniquement pour faire montre & pour parler, c'est une curiosité que je ne saurois approuver; mais je ne puis non plus goûter que dans les choses nécessaires on s'en tienne à l'usage & à la pratique, & je conseille fort de remonter plus haut. Il est absurde que ceux qui s'appliquent à la danse & aux instrumens souffrent qu'on les instruise de la cadence & de la Musique; qu'ils s'exercent même à la lutte, parce que cet exercice passe pour contribuer à la perfection des deux autres; & que des gens qui aspirent au commandement des armées, trouvent mauvais qu'on leur inspire quelque teinture des autres Arts & des autres Sciences. De simples artisans seront-ils donc plus appliqués & plus vifs à se surpasser les uns & les autres, que ceux qui se proposent de briller & de se signaler dans la plus belle & la plus haute des dignités? Il n'y a personne de bon sens qui ne reconnoisse combien cela est peu raisonnable ». Hist. de Polybe, trad. de dom Vincent Thuillier, liv. IX. ch. jv. Après avoir fait sentir la nécessité de l'étude de la guerre , entrons dans quelques détails sur ce qui en regarde l'exécution, ou les principales opérations. La guerre ne doit s'entreprendre qu'après beaucoup de réflexions; il faut avoir tout prévû & tout combiné, pour n'être pas surpris par les évenemens. « Il y a deux sortes d'actions militaires, dit Polybe: les unes se font à découvert & par force, les autres par finesse & par occasion. Celles-ci sont en beaucoup plus grand nombre que les autres; il ne faut que lire l'Histoire pour s'en convaincre. De celles qui se sont faites par occasion, on en trouve beaucoup plus qui ont été manquées que de celles qui ont eu un heureux succès. Il est aisé d'en juger par les évenemens: on conviendra encore que la plûpart des fautes arrivent par l'ignorance ou la négligence des chefs. Ce qui se fait à la guerre sans but & sans dessein, continue le même auteur, ne mérite pas le nom d' actions . Ce sont plûtôt des accidens & des hasards dont on ne peut tirer aucune conséquence, parce qu'elles ne sont fondées sur aucune raison solide ». Avant de commencer la guerre , il est donc important d'avoir des vûes & des desseins, qu'on se propose de suivre autant que les circonstances pourront le permettre. C'est ce qu'on appelle, suivant M. de Folard, regler l'état de la guerre. Voyez Etat de la Guerre . Lorsqu'on veut entreprendre une guerre , il faut commencer par des préparatifs de longue main, non seulement pour avoir le nombre des troupes nécessaires, mais encore de l'argent pour fournir à sa dépense. Henri IV. ayant formé le dessein de porter la guerre en Allemagne, M. de Sully sut rallentir son ardeur jusqu'à ce que ce prince eût dans ses coffres de quoi la faire pendant plusieurs années. Il faut des magasins considérables de munitions de guerre & de bouche dans les lieux à portée de ceux que les armées doivent occuper. Dans toute expédition , dit Vegece, le point capital est d'avoir toûjours des vivres, & de ruiner l'ennemi en les lui coupant . Outre cette attention indispensable, il est important de prendre de bonne heure des arrangemens avec les puissances auxquelles on pourroit causer de la jalousie, pour n'en être point traversé dans ses opérations: c'est ce que fit Louis XIV. dans la guerre de 1672. Ce prince avoit pris toutes les précautions que la prudence peut suggérer, pour n'être point distrait de la poursuite de son objet; & si les évenemens heureux de cette guerre ne l'avoient pas excité à la continuer au-delà des bornes nécessaires pour humilier cette république, dont il avoit lieu de se plaindre, il seroit parvenu à son but sans obstacles de la part des puissances voisines. Quelque nécessaires que soient les préparatifs dont on vient de parler, ils ne doivent pas faire toute l'application de celui qui veut commencer la guerre . « Il doit encore s'appliquer à connoître le génie de son ennemi & le caractere de ses généraux; s'ils sont sages ou téméraires, hardis ou timides, s'ils combattent par principes ou au hasard; avec quelles nations braves ou lâches ils ont eu affaire; . . . . comment sont affectées ses troupes; ce que pensent celles de l'ennemi; lequel des deux partis a le plus de confiance, pressentiment qui éleve ou abaisse le coeur. . . . . Un général vigilant & sage doit peser dans son conseil ses forces & celles des ennemis, comme s'il avoit à juger civilement entre deux parties. S'il se trouve supérieur en plusieurs endroits, il en doit pas différer de profiter de son avantage; mais s'il sent que l'ennemi soit plus sort que lui, il doit éviter une affaire générale, & s'en tenir aux ruses, aux surprises, & aux embuscades qui ont souvent fait triompher des troupes inférieures en force & en nombre sous de bons généraux ». Vegece, même traduction que ci-dessus . Il faut connoître aussi les plus exactement qu'il est possible, le pays qui doit être le théatre de la guerre savoir les secours qu'on en pourra tirer pour la subsistance des troupes & pour les fourrages & les incommodités qui pourront en résulter pour l'ennemi Enfin ce n'est pas assez d'assembler une armée, il faut savoir auparavant où elle agira, & comment elle le fera. Lorsqu'on est une fois entré en campagne, il ne doit plus être question de délibérer, mais d'entamer avec vivacité les opérations qu'on s'est proposé d'exécuter. M. de Folard dit quelque part sur ce sujet, « que les lents & les engourdis à la guerre auront aussi peu de part à la gloire de ce monde, que les tiedes à celle du ciel. Il ne faut pas toûjours regler l'état de la guerre sur le nombre & la qualité des forces que l'on veut opposer à l'ennemi, qui sera peut-être plus fort. Il y a certains pays où le plus foible peut paroître & agir contre le plus fort, où la cavalerie est de moindre service que l'infanterie, qui souvent supplée à l'autre par sa valeur. L'habileté d'un général est toûjours plus avantageuse que la supériorité du nombre, & les avantages d'un pays. Un Turenne regle l'état de la guerre sur la grandeur de ses connoissances, de son courage, & de sa hardiesse. Un général qui ne lui ressemble en rien, malhabile, peu entreprenant, quelque supérieur qu'il soit, craint toûjours, & n'est jamais assez fort ». Comment. sur Polybe , par M. le chevalier Folard, tome V. page 347 . On doit toûjours commencer la guerre par quelque action d'éclat, & ne point se laisser prévenir par l'ennemi. « S'il incline à combattre, dit l'auteur que nous venons de citer, il faut aller au-devant plûtôt que de l'attendre: que s'il évite un engagement, il faut le pousser à quelque prix que ce soit; car un siége est très-difficile lorsqu'on ne le fait pas ensuite d'une grande victoire ou d'un avantage considérable. Il faut observer toutes ces choses, lorsqu'on regle l'état de la guerre , & que l'on établit son plan avant de la commencer; car lorsqu'on a médité à loisir sur ce qu'on est résolu de faire, & sur ce que l'ennemi peut raisonnablement opposer, on vient à bout de ses desseins ». Même ouvrage que ci-dessus, tome V. page 350 . Il seroit aisé d'ajoûter beaucoup d'autres réflexions sur cette matiere; mais comme il ne s'agit point ici d'un traité sur la guerre , mais d'expliquer ce qu'elle a de plus général, nous donnerons seulement un précis de la guerre offensive & de la guerre défensive; l'on dira aussi un mot de la guerre de secours. De la guerre offensive . Dans la guerre offensive, comme on se propose d'attaquer l'ennemi, il faut être assez exactement informé de ses forces pour être assûré qu'on en aura de plus grandes, ou que l'on sera en état de faire des conquêtes avant qu'il ait le tems de rassembler son armée pour s'y opposer. « Si le pays que l'on veut attaquer, dit M. de Feuquieres, est bordé de places fortes, il faut attaquer le quartier qui y donne une entrée libre, & qui porte avec plus de facilité vers la capitale, à qui il faut, autant qu'il est possible, au commencement de la guerre , faire voir l'armée, afin d'y jetter la terreur, & tâcher par-là d'obliger l'ennemi de dégarnir quelques-unes des places de la frontiere pour rassûrer le coeur du pays. Il faut ensuite tomber sur les places dégarnies pour ouvrir davantage le pays attaqué, faire apporter dans ces places après leur prise, tous les dépôts qui étoient dans les vôtres, & faire ainsi la guerre avec plus de commodité. Lorsqu'on aura pénétré le plus avant qu'on l'aura pû faire, il faut faire camper l'armée en lieu sain & commode pour les fourrages, & même en lieu avantageux par son assiette, afin de pouvoir de-là faire des détachemens considérables, pour réduire par la terreur des armes les extrémités du pays où l'on ne pourroit pas avec sûreté & commodité pour les vivres, se porter avec l'armée entiere ». Mém. de M. le marquis de Feuquieres, tome II. page 15 & suivantes . C'est particulierement dans ces commencemens qu'il faut user de diligence pour l'exécution des differens projets qu'on a formés. On vit d'abord aux dépens de l'ennemi, on ruine le pays par où il peut s'assembler, & l'on jette la terreur parmi les troupes & les peuples. « Une bataille, dit l'auteur que nous venons de citer, donnée à-propos dans un commencement de guerre , en décide presque toûjours le succès: ainsi il ne faut point hésiter à la donner, si l'ennemi par quelque mouvement pour mettre ses troupes ensemble, se met à-portée de risquer un évenement ». Quelque incertain que soit le succès des batailles, il paroît en effet que loin de les éviter au commencement d'une guerre , il faut chercher l'occasion d'en donner. « C'est un paradoxe, dit Montecuculli, que d'espérer de vaincre sans combattre. Le but de celui qui fait la guerre est de pouvoir combattre en campagne pour gagner une victoire; & quiconque n'a pas dessein d'en venir là, est éloigné de la fin naturelle de la guerre . On a bien vû, continue ce grand capitaine, des armées foibles en défaire de fortes en campagne; mais on n'a jamais vû une armée qui se renferme dans un camp fortifié pour éviter le combat, défaire celle qui l'attaque: c'est assez à l'aggresseur que de plusieurs attaques une seule lui réussisse pour le rendre victorieux ». Mém. de Montecuculli, liv. II chap. vj. Le gain d'une bataille peut avoir les suites les plus heureuses, lorsque le général a toute la capacité nécessaire pour en profiter; mais sa perte en a ordinairement de si fâcheuses, qu'on ne doit la risquer qu'avec beaucoup de circonspection. Montecuculli qui conseille d'en chercher l'occasion au commencement de la guerre , observe néanmoins « que dans une matiere si importante on ne peche pas deux fois; & que quand le mal est arrivé, il ne sert de rien de se repentir & de rejetter sa faute sur celui-ci ou sur celui-là; qu'il faut beaucoup de fermeté & de présence d'esprit pour pourvoir à tout, & ne pas préférer les murmures de la populace au salut public; qu'il faut chercher à faire quelque coup d'importance sans tout risquer, parce qu'il n'y eut jamais de prudence à risquer beaucoup » pour gagner peu. Mém. de Montecuculli, liv. III. chap. jv. M. le maréchal de Saxe n'étoit point pour les batailles, sur-tout, dit-il, au commencement d'une guerre . Il prétend, dans ses mémoires , qu'un habile général peut la faire toute sa vie sans s'y voir obligé: « Rien, dit cet illustre général, ne réduit tant l'ennemi que cette méthode (d'éviter les batailles), & n'avance plus les affaires. Il faut, ajoûte-t-il, donner de fréquens combats & fondre, pour ainsi dire, l'ennemi petit-à-petit; aprés quoi il est obligé de se cacher ». Cette méthode est sans doute plus sûre & plus prudente que la précédente; mais outre qu'elle demande beaucoup de science & de génie dans le général, il faut observer que si en agissant de cette maniere on se commet moins, on réduit aussi l'ennemi moins promptement: la guerre est alors plus longue & moins décisive. On se ruine en détail sans rien faire de grand: c'est pourquoi cette conduite excellente dans la guerre défensive, ne l'est peut-être pas autant dans l'offensive. « S'imaginer faire des conquêtes sans combattre, c'est, dit Montecuculli, un projet chimérique. Les guerres des Romains qui étoient courtes & grosses, sont, dit-il, bonnes à imiter; mais on ne les peut faire sans batailles ». M. de Puysegur pensoit sur les batailles à-peu-près comme M. le maréchal de Saxe. Selon cet auteur, elles sont la ressource des généraux médiocres qui donnent tout au hasard; au lieu que ceux qui sont savans dans la guerre , cherchent par préférence les actions où ils peuvent soûtenir les troupes par leur savoir & leur habileté. Voyez Bataille . Il est certain que si l'on peut sans donner de batailles exécuter les différentes choses que l'on s'est proposé, il y auroit une imprudence inexcusable à vouloir en risquer l'évenement: mais il y a plusieurs circonstances où elles sont inévitables. Si par exemple l'ennemi que vous avez en tête attend des secours considérables qui lui donnent la supériorité sur vous; si les affaires du prince exigent qu'il tire de forts détachemens de votre armée pour aller au secours d'un corps d'armée dans une province éloignée; si les subsistances manquent & qu'il ne soit pas possible de s'en procurer sans chasser l'ennemi des lieux qu'il occupe: dans ces circonstances & dans beaucoup d'autres qui arrivent à la guerre , les batailles sont absolument nécessaires. M. de Turenne, qui savoit les éviter quand il le falloit, en a donné plusieurs dans des cas de cette espece; & c'est par cette conduite qu'avec des armées inférieures, il a toûjours sû se conserver la supériorité sur l'ennemi. Ce qu'il y a d'essentiel à observer dans les batailles, c'est de savoir se soûtenir & ne point se décourager pour avoir été poussé & même battu dans quelques endroits de sa ligne. « C'est être habile, je le veux, dit Polybe, que de faire ensorte après avoir bien commencé une action, que la fin ne démente pas le commencement: mais la gloire est bien plus grande lorsqu'après avoir eu du pire au premier choc, loin d'en être ébranlé & de perdre la tête, on refléchit sur les fautes que les bons succès font commettre à son ennemi, & qu'on les tourne à son avantage. Il est assez ordinaire de voir des gens à qui tout semble prospérer au commencement d'un combat, tourner le dos peu de tems après, & être vaincus; & d'autres au contraire qui après des commencemens très-desavantageux, savent par leur bonne conduite changer la face des choses, & remporter la victoire lorsqu'on s'y attendoit le moins ». Hist. de Polybe, liv. XI. ch. iij. Polybe en donne pour exemple la bataille de Mantinée, gagnée par Philopemen sur Machanidas, tyran de Sparte. Au commencement de cette bataille l'armée de Philopemen fut poussée, & même mise en partie en déroute: mais ce grand capitaine ne s'épouvanta pas, & ne perdit pas l'espérance de faire changer la fortune; il sut remédier au désordre de son armée, & trouver ensuite le moyen de remporter une victoire complete, dans laquelle il tua lui-même Machanidas. Nous avons un exemple à-peu-près de même espece, rapporté dans les mémoires de M. de Turenne, à la bataille de Nordlingue. Dans cette bataille, l'aîle droite de l'armée de France fut entierement mise en déroute, le centre battu, & l'aîle gauche un peu poussée. Malgré cela M. le Prince soûtint le combat; M. de Turenne battit l'aîle droite des ennemis; & la nuit venant incontinent, les deux aîles qui avoient battu ce qui étoit devant elles, demeurerent en bataille l'une devant l'autre. A une heure après minuit, l'armée ennemie commença à se retirer , &c. Un des principaux avantages de la guerre offensive, c'est de faire subsister l'armée aux dépens de l'ennemi. Par cette raison, cette guerre peut être moins dispendieuse que la guerre défensive, où l'on est obligé de vivre sur son propre terrein. « L'empereur Léopold Ignace se plaignant, dit M. de Santa-Crux, de ce qu'il ne savoit où prendre des fonds pour payer ses armées, Walstein son général lui répondit, que le remede qu'il y trouvoit étoit de lever une fois pius de troupes. L'empereur lui ayant repliqué comment il pourroit entretenir cent mille hommes, puisqu'il n'avoit pas le moyen d'en faire subsister cinquante mille; Walstein le satisfit, en lui représentant que cinquante mille hommes tiroient leur subsistance du pays ami, & que cent mille le tiroient du pays ennemi ». Le prince d'Orange, suivant ce proverbe allemand, il est toûjours bon d'attacher les chevaux aux arbres des ennemis , dit « que celui qui fait une guerre offensive peut, dans un malheur, avoir recours à son propre pays; parce que n'ayant point souffert de la guerre , on y trouvera abondamment tout ce qui est nécessaire: au lieu que celui qui la soûtient sur ses états, ne sauroit en plusieurs jours faire les préparatifs convenables pour entrer dans le pays ennemi. Enfin en se tenant sur la défensive on ne peut que perdre, ou tout-au-plus conserver ce que l'on » a, & en attaquant on peut gagner. Réfl. mil. par M. le marquis de Santa-Crux, tome IV. ch. ij. De la guerre défensive . La guerre défensive est beaucoup plus difficile & plus savante que la précédente. Elle demande plus d'adresse, plus de ressource dans l'esprit, & beaucoup plus d'attention dans la conduite. « Dans la guerre offensive on compte pour rien ce qu'on manque de faire; parce que les yeux attentifs à ce qui se fait, & remplis d'une action éclatante, ne se tournent point ailleurs, & n'envisagent point ce qu'on pouvoit faire. Dans la guerre défensive, la moindre faute est mortelle, & les disgraces sont encore exagérées par la crainte, qui est le vrai microscope des maux, & on les attribue toutes à un seul homme. On ne regarde que le mal qui arrive, & non ce qui pouvoit arriver de pis, si on ne l'avoit empêché; ce qui en bonne partie devroit être compté pour un bien ». Mém. de Montecuculli, liv. III. ch. iij. M. de Feuquieres observe qu'il est bien difficile de prescrire des maximes générales dans cette espece de guerre , parce qu'elle est toute, dit-il, dans la prudence & l'esprit de prévoyance de celui qui la conduit. « On peut dire seulement qu'elle a été tout-à-fait imprévûe, ou qu'elle n'a pas été prévûe assez tôt, ou que la perte d'une bataille, ou de quelque place considérable, l'a rendue telle, quoiqu'elle eût eu un autre commencement. Au premier cas, le peu de troupes qu'on a sur pié doit être ménagé; l'infanterie jettée, selon la quantité des places qu'on a à garder, dans celle que l'on peut croire le plus indispensablement attaquée, abandonnant ainsi à l'ennemi celles qui dans la suite de la guerre pourroient être plus facilement conquises, ou qu'il pourra le plus difficilement conserver. La cavalerie doit être mise en campagne, mais en état d'avoir une retraite sûre; elle doit incommoder les fourrages & les convois de l'ennemi, empêcher que ses partis ne s'écartent trop de son armée, & ne jettent trop facilement la terreur dans le dedans du pays. Le plat pays ne doit point être ménagé. Il faut en retirer dans les meilleures places tout ce que l'on peut en ôter, & consumer même par le feu tous les grains & fourrages qu'on ne peut mettre en lieu sûr, afin de diminuer par-là la subsistance aisée de l'armée ennemie. Les bestiaux doivent être aussi renvoyés dans les lieux les plus éloignés de l'ennemi; & autant qu'il se peut, couverts de grandes rivieres, où ils trouveront plus de sûreté & une subsistance plus aisée ». Mém. de M. le marquis de Feuquieres, tome II. pag. 2 . Quelque inconvénient qu'il paroisse y avoir à ruiner son pays, c'est pourtant dans des cas pressans une opération indispensable; « car il vaut mieux, dit un grand capitaine, se conserver un pays ruiné, que de le conserver pour son ennemi... C'est une maxime, que nul bien public ne peut être sans quelque prejudice aux particuliers.... aussi un prince ne se peut démêler d'une périlleuse entreprise, s'il veut complaire à tout... & les plus grandes & ordinaires fautes que nous faisons en matiere d'état & de guerre , proviennent de se laisser emporter à cette complaisance, dont le repentir nous vient quand on n'y peut plus remédier ». Parfait capitaine , par M. le duc de Rohan. Lorsque la guerre n'a pas été absolument imprévûe, qu'on a dû s'y attendre par les dispositions de l'ennemi, par l'augmentation de ses troupes, les amas de vivres & de fourrages dans ses places frontieres; alors on peut prendre des précautions pour lui résister. Pour cet effet on fait promptement de nouvelles levées de troupes; on réunit ensemble dans les lieux les plus propres à fermer l'entrée du pays, celles qu'on a déjà sur pié; & l'on forme des magasins de munitions de toute espece dans les lieux les moins exposés. On cherche aussi à tirer du secours de ses alliés, soit par des diversions, ou par des corps de troupes. Enfin l'on doit s'appliquer à faire ensorte de n'étre point surpris, à bien démêler les desseins de l'ennemi, & à employer tous les expediens que la connoissance de la guerre & du pays peuvent suggérer pour lui résister. Il arrive souvent qu'un prince qui fait la guerre à-la-fois de plusieurs côtés, n'est pas en état de la faire offensivement par-tout; alors il prend le parti de la défensive du côté où il se croit le plus en sûreté; mais cette défensive doit être conduite avec tant d'art & de prudence, que l'ennemi ne puisse s'en douter « Le projet de cette espece de guerre , dit M. de Feuquieres, mérite autant de reflexions & de capacite, qu'aucune autre; elle ne doit jamais se faire que du côté où l'on est sûr de réduire l'ennemi a passer une riviere difficile, ou un pays serré, coupe de défilés, & lorsqu'on a sur cette riviere une place forte bien munie, que l'on saura être un objet indispensable, par l'attaque de laquelle on pourra presumer qu'il perdra un tems assez considérable pour avoir celui de la secourir ou de le combattre ». Quoique la guerre défensive soit plus difficile à soûtenir que l'offensive, M. le chevalier Folard prétend que les généraux les plus mal-habiles sont ceux qui da proposent; au lieu que les plus consommés dans la science des armes cherchent à l'éviter: la raison en est sans doute, qu'il paroît plus aisé de s'opposer aux desseins de l'ennemi, que d'en former soi-même; mais avec un peu d'attention on s'apperçoit bien-tôt que l'art de réduire un ennemi à l'absurde , & de deviner tous ses projets, demande plus de capacité & d'intelligence que pour l'attaquer à force ouverte, & le faire craindre pour son pays. Si l'ennemi peut pénétrer qu'on a dessein de se tenir sur la défensive à son égard, il doit devenir plus entreprenant. « Ajoûtez à cela, dit le savant commentateur de Polybe, qu'une défensive ruine l'état, si elle dure long-tems; car outre qu'elle n'est jamais sans quelque perte, ou sans la ruine de notre frontiere que nos armées mangent, c'est que comme on craint également que l'ennemi coule sur toute sa ligne de communication, pour couper ou pénétrer la nôtre pour faire quelques conquetes, on se voit obligé de munir extraordinairement toutes les places de cette frontiere, parce qu'elles se trouvent également menacées: & quel est le prince assez puissant, continue ce même auteur, pour fournir toutes ses forteresses de vivres & de munitions de guerre pour soûtenir un long siége »? Lorsque par les évenemens d'une guerre malheureuse on est dans le cas de craindre de se commettre avec l'ennemi, il faut éviter les actions générales en plaine, & chercher, comme le faisoit Fabius Maximus, à harceler l'ennemi, lui couper ses vivres & ses fourrages, s'appliquer à ruiner son armée en détail, en se tenant toûjours à-portée de profiter de ses fautes, en occupant des postes sûrs & avantageux, où sa supériorité ne soit point à craindre; en un mot « fuir, comme le dit M. Folard, toute occasion de combattre ou la supériorité du nombre peut beaucoup, & chercher celles où le pays militera pour nous: mais il n'appartient pas, dit-il, aux généraux médiocres de faire la guerre de cette sorte; & lorsqu'un prince est assez heureux pour avoir des géneraux du premier ordre à son service, il n'a garde de les brider. Contre ceux-ci, Dieu n'est pas toûjours pour les gros bataillons. M. de Turenne a fait voir mille fois que cette maxime étoit fausse, & elle l'est en effet a l'égard des grands capitaines & » des officiers expérimentés. Comm. sur Polybe, liv. V. chap. xij . Lorsqu'on veut empêcher l'ennemi de pénétrer dans un pays fermé de montagnes & de défilés, il est bien difficile de s'assûrer de les garder tous également; car comme l'ennemi peut donner de la jalousie de plusieurs côtés, il vous oblige par-là de partager vos forces; ce qui fait qu'on ne se trouve pas en etat de resister dans le lieu ou il fait ses plus grands efforts. Dans les cas de cette espece, & lorsqu'on est à-peu-près égal en force à l'ennemi, il faudroit s'attacher à le mettre lui-même sur la defensive; c'est le moyen de déranger ses projets, & de l'occuper de la conservation de son pays. Si l'on peut réussir, on éloigne la guerre de ses frontieres; mais si l'entreprise pareit trop difficile, il faut faire ensorte que l'ennemi ne trouve aucune subsistance dans les lieux ou il aura pénetré, qu'il s'y trouve gêne & à l'étroit par un bon corps d'armée qui occupe un camp sûr & avantageux, & qu'il ne lui permette pas de pouvoir aller en-avant. C'est un principe certain, que le partage des forces les diminue, & qu'en voulant se défendre de tous côtés, on se trouve trop foible partout: c'est pourquoi le parti le plus sûr dans les occasions où l'on craint pour plusieurs endroits à-la-fois, est de réunir ses forces ensemble, de maniere que s'il est nécessaire de combattre, on le fasse avec tout l'essort dont on est capable. C'est par cette raison qu'un general habile qui a des lignes d'une grande étendue à garder, trouve plus avantageux d'aller audevant de l'ennemi, pour le combattre avec toutes ses forces, que de se voir forcé dans des retranchemens. Voyez Ligne . De la guerre de secours . Un prince secourt ses voisins à cause des alliances ou des traités qu'il a faits avec eux; il le fait aussi souvent pour les empécher de succomber sous la puissance d'un prince ambitieux que la prudence demande qu'on arrête de bonne heure: car, comme le dit très-judicieusement le chevalier de Ville, on ne doit pas rester tranquille lorsque le feu est aux maisons voisines; autrement on en sentira bien-tôt les effets. Lorsqu'on donne du secours à un prince en vertu des traités, la justice & l'équité exigent qu'on lui tienne exactement tout ce qu'on lui a promis, soit pour lui fournir un certain nombre de troupes, soit pour attaquer soi-même l'ennemi de son allié, si l'on est à portee de le faire. Si l'on donne des secours à un prince pour l'empêcher d'être opprimé par une puissance formidable qui veut envahir sen pays, la prudence demande qu'avant de le faire, on prenne toutes les sûretés convenables pour que le prince attaqué ne fasse pas la paix à votre préjudice & sans votre participation. Pour cet effet, on doit exiger quelques places de sûreté qui puissent garantir la fidélité du prince auquel on donne du secours. « Que si, comme il arrive souvent, dit M. de Feuquieres, la jalousie que l'on aura sujet de prendre d'un prince inquiet & ambitieux, a formé les alliances dans lesquelles on est entré, & qu'on se trouve hors de portée de joindre ses troupes à celles de l'état attaqué, il faut en ce cas-là le secourir ou par argent qu'on lui fournira, ou par des diversions dans le pays de l'attaquant, qui le forcent à diviser ses armées, & qui l'empêchent de pousser ses conquêtes avec trop de rapidité ». Lorsqu'un prince envoye un corps de troupes au secours d'un autre prince, « le général de ses troupes doit être sage & prévoyant, pour maintenir la discipline dans son corps, de maniere que le prince allié ne fasse point de plaintes contre lui, & prévoyant, pour que ses troupes ne tombent dans aucun besoin pour les subsistances, & qu'elles ne soient exposées au péril de la guerre qu'avec proportion de ses forces à celles du prince allié, & enfin pour qu'il ne se passe rien à son insû dans le cabinet du prince allié, qui puisse être préjudiciable à son maitre ». Mémoires de M. de Feuquieres, tome Il. pag. 32 & suiv . De la guerre des saiges . Quoique nous ayons exposé fort brievement ce qui concerne les guerres précédentes, nous serons encore plus succints sur celle des siéges. Nous observerons seulement qu'on ne doit entreprendre aucun siége que lorsqu'on a acquis quelque supériorité sur l'ennemi par le gain d'une bataille ou d'un combat, ou bien lorsqu'on est en état en se mettant de bonne heure en campagne, de finir le siége avant que l'ennemi ait eu le tems d'assembler une armée pour s'y opposer. Une armée qui fait un siége s'affoiblit toûjours beaucoup: par conséquent si elle est de pareille force que celle de l'ennemi, elle devient alors inférieure; c'est pourquoi pour éviter tout inconvénient à cet égard, il ne faut se livrer à ces sortes d'entreprises, que lorsqu'on peut présumer que l'ennemi ne pourra empêcher de les terminer heureusement. Il y a des places dont la disposition du terrein des environs est si favorable pour une armée d'observation, qu'il est difficile à l'ennemi, lorsqu'on y est une fois établi, de vous y attaquer avec avantage. Mais comme ces situations ne sont pas ordinaires, les habiles généraux pensent qu'il faut être maitre de la campagne, pour faire un siége tranquillement. On doit avoir pour objet principal à la guerre , celui de pousser son ennemi & de l'empêcher de paroître; lorsqu'on y est parvenu, les siéges se sont sans difficulte & sans inquiétude: à l'égard des différentes opérations du siége, voyez Attaque des Places , Investissement , Circonvallation , Défense , Siége , Tranchées , &c. Avant de finir cet article, observons que les succès à la guerre dépendent non-seulement du général, mais encore des officiers généraux qui sont sous ses ordres, & de ceux qui sont chargés du détail des subsistances: si le général n'en est pas bien secondé, les projets les mieux pensés & les mieux entendus peuvent manquer dans l'exécution, sans qu'il y ait aucune faute de sa part: on veut cependant le rendre responsable de tout; & ce qui est encore plus singulier, tout le monde veut s'ingérer de juger de sa conduite, & chacun s'en croit capable. Cette manie n'est pas nouvelle. « Il y a des gens, disoit Paul-Émile, qui dans les cercles & les conversations, & même au milieu des repas, conduisent les armées, reglent les démarches du consul, & prescrivent toutes les opérations de la campagne: ils savent mieux que le général qui est sur les lieux, où il faut camper & de quel poste il faut se saisir, où il est à-propos d'établir des greniers & des magasins; par où, soit par terre soit par mer, on peut faire venir des vivres; quand il faut en venir aux mains avec l'ennemi, & quand il faut se tenir en repos: & non-seulement ils prescrivent ce qu'il y a de meilleur à faire; mais pour peu qu'on s'écarte de leur plan, ils en font un crime au consul, & ils le citent à leur tribunal. Sachez, Romains, que cette licence qu'on se donne à Rome apporte un grand obstacle au succès de vos armées & au bien public. Tous vos généraux n'ont pas la fermeté & la constance de Fabius, qui aima mieux voir son autorité insultée par la témérité d'une multitude indiscrette & imprudente, que de ruiner les affaires de la république en se piquant à contre-tems de bravoure pour faire cesser des bruits populaires. Je suis bien éloigné de croire que les généraux n'ayent pas besoin de recevoir des avis; je pense au contraire que quiconque veut seul tout conduire par ses seules lumieres & sans consulter, marque plus de présomption que de sagesse. Que peut-on donc exiger raisonnablement? c'est que personne ne s'ingere de donner des avis à vos généraux, que ceux premierement qui sont habiles dans le métier de la guerre , & à qui l'expérience a appris ce que c'est que de commander; & secondement ceux qui sont sur les lieux, qui connoissent l'ennemi, qui sont en état de juger des différentes conjonctures, & qui se trouvant embarqués comme dans un même vaisseau, partagent avec nous tous les dangers. Si donc quelqu'un se flatte de pouvoir m'aider de ses conseils dans la guerre dont vous m'avez chargé, qu'il ne refuse point de rendre ce service à la république, & qu'il vienne avec moi en Macédoine; galere, chevaux, tentes, vivres, je le défrayerai de tout. Mais si l'on ne veut pas prendre cette peine, & qu'on préfere le doux loisir de la ville aux dangers & aux fatigues du camp, qu'on ne s'avise pas de vouloir tenir le gouvernail en demeurant tranquille dans le port: s'ils ont une si grande demangeaison de parler, la ville par elle-même leur fournit assez d'autres matieres; celle-ci n'est point de leur compétence ». L'abus dont se plaint Paul-Émile dans ce discours dicté par le bon sens & la raison, nous montre, dit M. Rollin, qui le rapporte dans son histoire romaine , que les hommes dans tous les tems sont toûjours les mêmes. On se fait un plaisir secret & comme un mérite d'examiner, de critiquer, & de condamner la conduite des généraux, & l'on ne s'apperçoit pas qu'en cela on peche visiblement & contre le bon-sens & contre l'équité: contre le bon-sens; car quoi de plus absurde & de plus ridicule que de voir des gens sans aucune connoissance de la guerre & sans aucune expérience, s'ériger en censeurs des plus habiles généraux, & prononcer d'un ton de maître sur leurs actions? contre l'équité; car les plus experts même n'en peuvent juger sainement s'ils ne sont sur les lieux; la moindre circonstance du tems, du lieu, & de la disposition des troupes, des ordres même secrets qui ne sont pas connus, pouvant changer absolument les regles ordinaires. Mais il ne faut pas espérer qu'on se corrige de ce défaut, qui a sa source dans la curiosité & dans la vanité naturelle à l'homme; & les généraux, à l'exemple de Paul Emile, font sagement de mépriser ces bruits de ville, & ces rumeurs de gens oisifs sans occupation & souvent sans jugement. Hist. rom. tome VIII. pag. 115 . Outre les differentes guerres précédentes, il y en a une particuliere qui se fait avec peu de troupes par des détachemens ou des partis, à laquelle on donne le nom de petite guerre; ceux qui commandent ces petits corps de troupes sont appellés partisans . Ils servent à mettre le pays ennemi à contribution; à épier, pour ainsi dire, toutes les démarches du général ennemi: pour cet effet, ils rodent continuellement autour de son camp, ils y font des prisonniers qui donnent souvent des lumieres sur ses desseins; on s'instruit par ce moyen de tout ce que fait l'ennemi, des differentes troupes qu'il envoye à la guerre , & des fourrages qu'il ordonne. En un mot cette guerre est absolument nécessaire non-seulement pour incommoder & harceler l'ennemi dans toutes ses opérations, mais pour en informer le général; ce qui le met en état de n'être point surpris. Rien ne contribue plus à la sûreté d'une armée que les partis, lorsqu'ils sont commandes par des officiers habiles & intelligens. Voyez Partis , Partisans , & l'article suivant . Jusqu'ici nous n'avons parlé que de la guerre de terre: la guerre navale ou la guerre de mer demanderoit beaucoup plus de détails; mais nous nous contenterons d'observer que cette guerre peut heureusement seconder celle de terre, dans les pays ou les royaumes à portée de la mer. Les armées navales assûrent les côtes, elles peuvent dispenser d'employer un grand nombre de troupes pour les garder. « Je pense, dit M. de Santa-Crux sur ce sujet, qu'il faut que vos armées navales soient supérieures, ou n'en point avoir du-tout, à l'exception de quelques galeres qui servent toûjours soit pour garder les côtes contre les corsaires, soit pour les secours. Un prince puissant sur mer évite la dépense de beaucoup de troupes, il se rend sans opposition maitre des iles des ennemis, en leur coupant par ses vaisseaux tous les secours de terre-ferme; il ruine le commerce de ses ennemis, & rend libre celui de ses états, en frisant escorter par des vaisseaux de guerre ceux des marchands, qui payent au delà de l'escorte. Celui qui est supérieur sur mer fait avec les princes neutres tous les traités de Commerce aussi avantageux qu'il veut; il tient dans le respect les pays les plus éloignés, qui pour n'avoir pas eu tous les égards convenables, ont lieu de craindre un débarquement ou un bombardement. Quand même les ennemis, pour garder leurs côtes, seroient forcés de faire la dépense d'entretenir beaucoup de troupes; si la frontiere de mer est longue, ils ne sauroient veus empêcher de prendre terre, & de piller une partie de leur pays, ou de surprendre quelque place, parce que votre flotte qui menace un endroit, pourra au premier vent favorable, arriver infiniment plûtôt à un autre que ne sauroient faire les régimens ennemis qui avoient accouru à l'endroit où votre armée navale les appelloit d'abord; & chacun comprend aisément qu'il est impossible que les ennemis ayent cent lieues de côtes de mer assez bien garnies & retranchées, sans qu'il soit nécessaire pour empêcher un débarquement, que les troupes d'un autre poste accourent pour soûtenir celles du poste où se fait la descente ». Les forces navales sont en effet si importantes, qu'elles ne doivent jamais être négligées. « La mer, dit un grand ministre, est celui de tous les héritages sur lequel tous les souverains prétendent plus de part, & cependant c'est celui sur lequelles droits d'un chacun sont moins éclaircis: l'empire de cet élément ne fut jamais bien assûré à personne; il a été sujet à divers changemens, selon l'inconstance de sa nature. Les vieux titres de cette domination sont la force & non la raison; i faut être puissant pour prétendre à cet héritage. Jamais un grand état ne doit être dans le cas de recevoit une injure, sans pouvoir en prendre revanche »; & l'on ne le peut à l'egard des puissances maritimes, que par les forces navales. Dans l'établissement d'une puissance navale, il « faut éviter, dit M. le marquis de Santa-Crux, de risquer par le sort d'un combat votre marine naissante, & de tenir vos vaisseaux dans des ports où les ennemis pourroient les détruire. Il faut bien payer les naturels du pays qui fréquentent les côtes ennemies, & qui vous donnent des avis prompts & sûrs de l'armement & des voyages de leurs escadres; assembler secretement vos vaisseaux pour attaquer une escadre des ennemis inférieure, & qui se seroit séparée des autres; si les ennemis sont en mer avec une grosse armée navale, ne faire cette année dans la Marine, que la dépense absolument nécessaire pour bien entretenir dans des ports sûrs vos gros vaisseaux & quelques frégates sur mer, afin que votre nation ne cesse pas entierement de s'exercer dans la navigation, & qu'elle puisse traverser un peu le commerce des ennemis, qui est toûjours considérable à proportion de leurs armées navales ». Cet auteur donne différens conseils qui peuvent contribuer à la sûreté des corsaires qui courent sur l'ennemi. « Il faut, dit-il, qu'ils ayent dans les ports marchands des correspondances avec divers patrons de felouques & d'autres legers bâtimens neutres, pour leur donner avis du tems que les bâtimens ennemis doivent sortir des ports sans escorte; & si leurs navires gardes-côtes en sont sortis pour côtoyer, ou s'ils ont jetté l'ancre. Ces patrons doivent être d'une fidélité reconnue & de beaucoup de secret, pour pouvoir leur confier sur quelle côte ou sur quel cap ils rencontreront chacun de vos corsaires, depuis un tel tems jusqu'à tel autre: vos corsaires conviendront avec eux des signaux de reconnoissance, de peur qu'ils ne craignent d'en ap-approcher ». Réflexions milit. de M. le marquis de Santa-Crux, tome IV. ch. x. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guerre, envoyer à la guerre, aller à la guerre Author=Tressan Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Guerre Guerre ; envoyer à la guerre, aller à la guerre , se dit d'un détachement dont le général de l'armée donne le commandement à un officier de confiance, pour investir une place, pour couvrir ou attaquer un convoi, pour reconnoître l'ennemi, entreprendre sur les quartiers, sur les gardes ou sur les postes avancés, enlever des ôtages, établir des contributions, & souvent pour marcher en-avant, reconnoître un camp & couvrir un fourrage ou quelque autre manoeuvre de l'armée. Les détachemens de guerre réguliers sont commandés à l'ordre, les officiers principaux y sont nommés; l'état major de l'armée commande selon leur ancienneté, les brigadiers, les colonels, & les lieutenans-colonels; les brigades qui doivent fournier les troupes sont nommées à l'ordre; les majors de brigade commandent les capitaines à marcher, & prennent ce service par la tête, comme service d'honneur. Chaque troupe est de cinquante hommes; quelquefois on met doubles officiers à chaque troupe; les compagnies de grenadiers qui doivent y marcher sont nommées à l'ordre. Ces détachemens s'assemblent à l'heure & au rendez-vous marqués sur l'ordre: le commandant après avoir reçû du général les instructions & son ordre, se met en marche pour sa destination; il envoye des nouvelles au général à mesure qu'il découvre quelque chose d'intéressant; il s'applique à bien exécuter la commission dont il est chargé, & avec l'intelligence & la capacité qu'on est en droit d'exiger d'un officier que le roi a déjà honoré d'un grade supérieur. Quelquefois le général de l'armée commande des détachemens dont il veut dérober la connoissance aux transfuges & aux espions qui pourroient être dans son armée: on prend alors toutes les précautions nécessaires pour que rien ne transpire jusqu'au moment où l'on fait marcher les troupes que chaque major de brigade commande, & qu'il envoye avec un guide au rendez-vous général. Le général n'est point assujetti à consier ces détachemens aux plus anciens officiers généraux; il peut & doit même les donner à ceux qui méritent le plus sa confiance, & sur-tout à ceux dans lesquels il a reconnu du zele, de la prudence, & de l'activité, & qui ont prouvé leur desir de se rendre capables d'exécuter de pareilles commissions, en allant souvent en détachement même sans être commandés, pendant qu'ils ont servi dans des grades inférieurs. On envoye souvent à la guerre de petits détachemens irréguliers depuis cinquante jusqu'à trois cents hommes; quoique les objets qu'ils ont à remplir paroissent de moindre importance que ceux des détachemens réguliers, on verra par les détails suivans, quelle est leur utilité pour la guerre de campagne, & combien ils sont propres à développer le génie & à former des officiers utiles & distingués. Anciennement on nommoit partis ces sortes de petits détachemens, & l'officier qui les commandoit partisan . Ces partis se donnoient alors le plus ordinairement à des officiers de fortune; & quoiqu'il n'y ait aucune espece de service qui ne soit honorable, malheureusement il n'étoit pas d'usage pour des officiers d'un certain grade de demander à les commander. Aujourd'hui l'émulation & le veritable esprit de service ont changé ce systeme, qu'une vanite très déplacée avoit seule établi. Les officiers les plus distingués d'un corps demandent ces petits détachemens avec ardeur; & les jeunes officiers qui desirent apprendre leur métier & se former une réputation, viennent s'offrir avec empressement, & même comme simples volontaires, pour marcher sous les ordres d'un officier expérimenté. Feu M. le maréchal de Saxe avoit souvent employé de petits détachemens de cette espece pendant sa savante campagne de Courtray; sa position, le peu de troupes qu'il avoit, la nécessité plus pressante alors que jamais d'être bien averti, lui avoit fait choisir des officiers de réputation pour les commander. M. le comte d'Argenson saisit ce moment pour détruire à jamais un faux système, dont la nation eût pu rappeller le souvenir. Il obtint du Roi des pensions sur l'ordre de S. Louis & des grades, pour ceux qui s'étoient distingués. Ces sortes de détachemens ne sont jamais commandés à l'ordre; les officiers, les soldats même qui marchent, ne suivent point leur rang. Le commandant avertit en secret les officiers dont il a besoin: ce sont eux qui choisissent dans leurs régimens le nombre de soldats de confiance & de bonne volonté qu'ils sont convenus de mener avec eux: ces petites troupes se rendent séparément au rendez-vous marque; elles ne portent avec elles que du pain, leurs munitions, & leurs armes. Pendant la derniere guerre , feu M. de Maeric & M. de Nyhel, lieutenant-colonel d'infanterie & major du regiment de Dillon, n'ont jamais souffert dans leur détachement rien qui pût en embarrasser la marche ou les exposer à être découverts. Ils marchoient à pié à la tête de leur troupe; un seul cheval portoit les manteaux des officiers. Arrivés au rendez-vous, ils faisoient une inspection sévere, & renvoyoient au camp tous ceux qui n'étoient point en état de bien marcher & de combattre. Rien n'est plus essentiel pour la tranquillité d'une armée, & pour avoir des nouvelles certaines de l'ennemi, que ces petits détachemens; ne marchant presque jamais que la nuit, s'embusquant dans des postes avantageux, quelquefois ces petites troupes suffisent pour porter le desordre en des postes avancés, & faire retirer de gros détachemens qui se mettroient en marche. La méthode de M. de Maeric fut toûjours d'attaquer fort ou foible en colonne ou par pelotons, dès qu'il ne pouvoit être tourné, & que le fond & le nombre de la troupe ne pouvoit être reconnu. Le commandant doit avoir soin d'examiner les routes par lesquelles il peut se retirer, & d'en faire prendre connoissance aux officiers qui commandent les divisions, afin que chacune puisse se retirer séparément, si la retraite en troupe est trop difficile; il faut donc alors un rendez-vous & un mot de ralliement. Il lui est important de savoir parler la langue du pays où il agit, & même celle de la nation contre laquelle on fait la guerre; si cette partie lui manque, il doit choisir, en composant la troupe, des officiers propres à bien par ler ces langues dans l'occasion. La connoissance du pays lui est absolument nécessaire; il est bon même qu'il choisisse autant qu'il est possible pour son détachement quelques officiers ou soldats du pays où il agit. Il faut sur-tout qu'il se mette en état de pouvoir rendre compte à son retour des chemins frayés, de ceux qu'on peut faire, des ruisseaux, des ravins, des marais, & en général de tout ce qui peut assûrer, faciliter, ou mettre obstacle à la marche d'une armée dans le pays qu'il aura parcouru. Ces connoissances sont essentielles pour le général & le maréchal général des logis de l'armée; & l'objet principal de l'officier détaché est de les mettre en état de diriger l'ordre de marche de l'armée, sur le détail qu'il leur fait de la nature du pays & des terreins. Lorsque ses connoissances & son intelligence lui permettent même de reconnoître l'assiette d'un camp en-avant, son devoir est de l'examiner assez pour pouvoir juger ensuite si l'état présent de son terrein se rapporte exactement aux cartes du général; s'il est en état d'en lever un plan figuré, le compte qu'il rendra sera d'autant plus utile & digne de loüange. Il doit faire observer une sévere discipline & un grand silence; il n'annoncera jamais ce qu'il doit faire qu'à quelque officier de confiance qui puisse le remplacer; il doit rendre compte aux jeunes officiers des motifs qui l'ont fait agir dans tout ce qu'il a fait avec eux. Tout officier qui donne la marque d'estime à un commandant de détachement de marcher de bonne volonté sous ses ordres, mérite de lui l'instruction qu'il desire d'acquérir. Ces petits détachemens que le soldat qui reste au camp sait être en-avant, sont aussi très-utiles pour empêcher la maraude & la desertion; ils peuvent favoriser nos espions, intercepter ceux de l'ennemi; en un mot cette espece de service est également utile aux opérations de la campagne, au service journalier de l'armée, à développer le génie, à faire naître les talens, & à former de bons officiers. Cet article est de M. le Comte de Tressan . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guerre, (homme de) Author=Tressan Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Guerre, (homme de) Guerre, (homme de) c'est celui qui se rend propre à exécuter avec force, adresse, exactitude & célérité, tous les actes propres à le faire combattre avec avantage. Cette partie de l'éducation militaire fut toûjours en grand honneur chez les anciens, & le fut parmi nous jusqu'au milieu du dernier siecle. Elle a été depuis trop négligée. On commence à s'occuper plus sérieusement à la remettre en vigueur; mais on éprouve ce qui doit arriver toûjours de la langueur où l'on a laissé tomber les arts utiles. Il faut vaincre aujourd'hui la mollesse, & détruire l'habitude & le préjugé. Les exercices du corps si nécessaires à l' homme de guerre , étoient ordonnés chez les Grecs par des lois que les Ephores & les Archontes soûtinrent avec sévérité. Ces exercices étoient publics. Chaque ville avoit son gymnase où la jeunesse étoit obligée de se rendre aux heures prescrites. Le gymnastique chef de ces exercices étoit revêtu d'une grande autorité, & toûjours choisi par élection parmi les citoyens les plus expérimentés & les plus vertueux. Les jeux olympiques, Néméens, Isthmiens & les Pithiens, ne furent institués que pour juger des progrès que la jeunesse faisoit dans les exercices. On y décernoit des prix à ceux qui avoient remporté la victoire à la course, & dans les combats de la lutte, du ceste, & du pugilat. C'est ainsi que la Grece, trop foible contre la multitude d'ennemis qu'elle avoit souvent à combattre, multiplioit ses forces, & préparoit ses enfans à devenir egalement intrépides & redoutables dans les combats. On en voit un exemple bien frappant dans l'action vraiment héroïque des trois cents Lacédémoniens qui defendirent le pas des Thermopyles; le courage seul n'eût pu suffire à leur petit nombre pour soûtenir si long-tems les efforts redoubles d'une armée presque innombrable, s'ils n'eussent joint la plus grande force & l'adresse à leur dévouement entier à la defense de la patrie. Le même art fut cultivé chez les Romains; & leurs plus grands capitaines en donnerent l'exemple. Marcellus, Cesar & Antoine, traversoient couverts de leurs armes des fleuves à la nage; ils marchoient à pié & tête nue à la tête des légions, depuis Rome jusqu'aux extrémités des Alpes, des Pyrénées, & du Caucase. Les dépouilles opimes offertes à Jupiter Ferétrien furent toûjours regardées comme l'action la plus héroïque; mais bien-tôt le luxe & la mollesse s'introduisirent, lorsque la voix de Caton & son souvenir eurent perdu leurs droits dans la capitale du monde. Si le siecle d'Auguste vit les Arts le perfectionner, les Belles-Lettres l'éclairer, les moeurs se polir, il vit aussi degénérer toutes les qualités qui avoient rendu les Romains les maîtres de toutes les autres nations. Les exercices du corps se soûtinrent long-tems parmi les Scythes, les Gaulois, & les Germains; mais il n'est point de nation où ils ayent été plus long-tems pratiqués que chez les François. Avant l'invention des armes-à feu, la chevalerie françoise décidoit seule du gain d'une bataille; & lorsque nous voyons dans les arsenaux les anciennes armes offensives & défensives dont elle se servoit, nous avons peine à concevoir comment il étoit possible d'en faire usage. La nature cependant n'a point dégénéré. Les hommes sont les mêmes qu'ils etoient; mais l'éducation est bien différente. On accoûtumoit alors les enfans à porter de certains poids qu'on augmentoit peu-à-peu; on les exerçoit dès que leur force commençoit à se déployer; leurs muscles s'endurcissoient en conservant la souplesse. C'est ainsi qu'on les formoit aux plus durs travaux. L'éducation & l'habitude font presque tout dans les hommes, & les enfans des plus grands seigneurs n'étoient point exempts de ces exercices violens; souvent même un pere envoyoit son fils unique pour être élevé à l'exercice des armes & de la vertu chez un autre chevalier, de peur que son éducation ne fut pas suivie avec assez de rigidité dans la maison paternelle. On nommoit cette espece d'éducation noutriture; & l'on disoit d'un brave chevalier, qu' il aroit reçu chez tel autre une bonne & loüable noutriture . Rien ne pouvoit dispenser de cette éducation militaire tous ceux qui prétendoient à l'honneur d'etre armés chevaliers. Quelles actions héroïques de nos rois & de nos princes ne lisons-nous pas dans notre histoire! Quoique l'usage des armes-à-feu ait changé le système de combattre dans presque toute l'Europe, les exercices propres à former l' homme de guerre se sont soûtenus jusqu'à la minorité du feu roi, mais alors les tournois & les combats de la barriere avec des armes pesantes dégénérerent en courte de bague & de têtes & en carrousels. Les armes défensives surent changées en ornemens somptueux & en livrées galantes; bien-tôt l'art de combattre de sa personne fut négligé; la mollesse s'introduisit au point de craindre même de se servir de la seule arme défensive qui nous reste de l'ancienne chevalerie; & la cuirasse devenant un poids trop incommode, on attacha l'idée d'une fine valeur à ne s'en plus servir. Les ordonnances du Roi ont remédié à cet abus; & la raison éclairée démontre à l' homme de guerre que lorsqu'il ne se tient pas en état de bien combattre de sa personne, il s'expose à devenir inutile à lui-même & à sa patrie en beaucoup d'occasions, & à donner l'exemple de la mollesse à ceux qui sont sous ses ordres. La valeur est sans doute la vertu la plus essentielle à l' homme de guerre; mais heureusement c'est la plus commune. Eh, que seroit-il, s'il ne la possédoit pas? Il n'est personne qui dans le fond de son coeur ne se rende justice à soi-même. L' homme de guerre doit se connoitre, s'apprétier avec sévérité; & lorsqu'il ne ne se sent pas les qualités qui lui sont nécessaires, il manque à la probité, il manque à sa patrie, à son roi, à lui même, s'il s'expose à donner un mauvais exemple, & s'il occupe une place qui pourroit être plus dignement remplie. Le mérite de l' homme de guerre est presque toûjours jugé sainement par ses pareils; il l'est encore avec plus de justice & de sévérité par le simple soldat. On ne fait jamais plus qu'on ne doit à la guerre . C'est s'exposer à un deshonneur certain, que de négliger d'acquérir les connoissances nécessaires au nouveau grade qu'on est sur d'obtenir; mais malheureusement rien n'est si commun. Nous n'entrerons point ici dans les détails de la science immense de la guerre . Que pourrions-nous dire qui puisse égaler les écrits immortels des Vauban, des Feuquieres, & des Puységur? Au reste, on se feroit une idée très-fausse de l' homme de guerre , si l'on croyoit que tous ses véritables devoirs sont renfermés dans un art militaire qu'il ne lui est pas permis d'ignorer. Exposé sans cesse à la vûe des hommes, destine par état à les commander, le véritable honneur doit lui faire sentir qu'une réputation intacte est la premiere de toutes les récompenses. Nous nous renfermons ici dans les seuls devoirs respectifs des hommes. L' homme de guerre n'est dispensé d'en remplir aucun. Si par des circonstances toûjours douloureuses pour une belle ame il se trouve dans le cas de pouvoir se dire comme Abner, Ministre rigoureux des vengeances des rois; qu'il reçoive, qu'il excite sans cesse dans son ame les sentimens de ce même Abner; qu'il distingue le mal nécessaire que les circonstances l'obligent à faire, d'avec le mal inutile & les brigandages qu'il ne doit point tolérer; qu'au milieu des spectacles cruels & des desordres qu'enfante la guerre, la pitié trouve toûjours un accès facile dans son coeur; & que rien ne puisse jamais en bannir la justice, le desintéressement, & l'amour de l'humanité. Article de M. le Comte de Tressan . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guerre Author=Jaucourt Normalized Classification=Politique | Droit naturel Part of Speech=NA Guerre Guerre , ( Droit naturel & Politique. ) c'est, comme on l'a dit plus haut, un différend entre des souverains, qu'on vuide par la voie des armes. Nous avons hérité de nos premiers ayeux, Dès l'enfance du monde ils se faisoient la guerre. Elle a regné dans tous les siecles sur les plus legers fondemens; on l'a toûjours vû desoler l'univers, épuiser les familles d'héritiers, remplir les états de veuves & d'orphelins; malheurs déplorables, mais ordinaires! De tout tems les hommes par ambition, par avarice, par jalousie, par méchanceté, sont venus à se dépouiller, se brûler, s'égorger les uns les autres. Pour le faire plus ingénieusement, ils ont inventé des regles & des principes qu'on appelle l' Art militaire , & ont attaché à la pratique de ces regles l'honneur, la noblesse, & la gloire. Cependant cet honneur, cette noblesse, & cette gloire consistent seulement à la défense de sa religion, de sa patrie, de ses biens, & de sa personne, contre des tyrans & d'injustes aggresseurs. Il faut donc reconnoître que la guerre sera légitime ou illégitime, selon la cause qui la produira; la guerre est legitime, si elle se fait pour des raisons évidemment justes; elle est illégitime, si l'on la fait sans une raison juste & suffisante. Les souverains sentant la force de cette vérité, ont grand soin de répandre des manifestes pour justifier la guerre qu'ils entreprennent, tandis qu'ils cachent soigneusement au public, ou qu'ils se cachent à eux-mêmes les vrais motifs qui les déterminent. Ainsi dans la guerre d'Alexandre contre Darius, les raisons justificatives qu'employoit ce conquérant, rouloient sur les injures que les Grecs avoient reçûes des Perses; les vrais motifs de son entreprise étoient l'ambition de se signaler, soûtenue de tout l'espoir du succès. Il ne seroit que trop aisé d'apporter des exemples de guerres modernes entreprises de la même maniere, & par des vûes également odieuses; mais nous n'approcherons point si près des tems où nos passions nous rendent moins équitables, & peut-être encore moins clairvoyans. Dans une guerre parfaitement juste, il faut non seulement que la raison justificative sol très-légitime, mais encore qu'elle se confonde avec le motif, c'est-à-dire que le souverain n'entreprenne la guerre que par la nécessité où il est de pourvoir à sa conservation. La vie des états est comme celle des hommes, dit très-bien l'auteur de l' esprit des lois; ceux-ci ont droit de tuer dans le cas de la défense naturelle, ceux-là ont droit de faire la guerre pour leur propre conservation: dans le cas de la défense naturelle, j'ai droit de tuer, parce que ma vie est à moi, comme la vie de celui qui m'attaque est à lui; de même un état fait la guerre justement, parce que sa conservation est juste, comme toute autre conservation. Le droit de la guerre dérive donc de la nécessité & du juste rigide. Si ceux qui dirigent les consciences ou les conseils des princes ne se bornent pas là, tout est perdu; car les principes arbitraires de gloire, de bienséance, d'aggrandissement, d'utilité, ne sont pas des droits, ce sont des horreurs; si la réputation de la puissance d'un monarque peut augmenter les forces de son royaume, la réputation de sa justice les augmenteroit de même. Mais toute guerre est injuste dans ses causes, 1°. lorsqu'on l'entreprend sans aucune raison justificative, ni motif d'utilité apparente, si tant est qu'il y ait des exemples de cette barbarie: 2°. lorsqu'on atraque les autres pour son propre intérêt, sans qu'ils nous ayent fait de tort réel, & ce sont-là de vrais brigandages: 3°. lorsqu'on a des motifs fondés sur des causes justificatives spécieuses, mais qui bien examinées sont réellement illégitimes: 4°. lorsqu'avec de bonnes raisons justificatives, on entreprend la guerre par des motifs qui n'ont aucun rapport avec le tort qu'on a reçu, comme pour acquérir une vaine gloire, se rendre redoutable, exercer ses troupes, étendre sa domination, &c. Ces deux dernieres sortes de guerre sont très-communes & très-iniques. Il faut dire la même chose de l'envie qu'auroit un peuple, de changer de demeure & de quitter une terre ingrate, pour s'établir à force ouverte dans un pays fertile; il n'est pas moins injuste d'attenter par la voie des armes sur la liberté, les vies, & les domaines d'un autre peuple, par exemple des Américains, sous prétexte de leur idolatrie. Quiconque a l'usage de la raison, doit jouir de la liberté de choisir lui-même ce qu'il croit lui être le plus avantageux. Concluons de ces principes que toute guerre juste doit se faire pour nous défendre contre les attaques de ceux qui en veulent à nos vies & à nos possessions; ou pour contraindre les autres à nous rendre ce qu'ils nous doivent en vertu d'un droit parfait & incontestable qu'on a de l'exiger, ou pour obtenir la réparation du dommage qu'ils nous ont injustement causé: mais si la guerre est légitime pour les raisons qu'on vient d'alléguer, c'est encore à cette seule condition, que celui qui l'entreprend se propose de venir par ce moyen violent à une paix solide & durable. Outre la distinction de la guerre , en celle qui est juste & celle qui est injuste, quelques auteurs politiques distinguent la guerre en guerre offensive & en défensive. Les guerres défensives sont celles que les souverains entreprennent pour se défendre contre d'autres souverains, qui se proposent de les conquérir ou de les détruire. Les guerres offensives sont celles que les souverains font pour forcer d'autres souverains à leur rendre ce qu'ils prétendent leur être dû, ou pour obtenir la réparation du dommage qu'ils estiment qu'on leur a causé très-injustement. On peut admettre cette distinction, pourvû qu'on ne la confonde pas avec celle que nous avons établie, & qu'on ne pense pas que toute guerre défensive soit juste, & que toute guerre offensive soit injuste; car il y a des guerres offensives qui sont justes, comme il y a des guerres défensives qui sont injustes. La guerre offensive est injuste, lorsqu'elle est entreprise sans une cause légitime, & alors la guerre defensive, qui dans d'autres occasions pourroit être injuste, devient très-juste. Il faut donc se contenter de dire, que le souverain qui prend le premier les armes, soit qu'il le fasse justement ou injustement, commence une guerre offensive, & que celui qui s'y oppose, soit qu'il ait ou qu'il n'ait pas tort de le faire, commence une guerre défensive. Ceux qui regardent le mot de guerre offensive comme un terme odieux, qui renferme toûjours quelque chose d'injuste, & qui considerent au-contraire la guerre défensive comme inséparable de l'équité, s'abusent sur cette matiere. Il en est des princes comme des particuliers en litige: le demandeur qui entame un procès a quelquefois tort, & quelquefois raison; il en est de même du défendeur: on a tort de ne vouloir pas payer une somme justement dûe, comme on a raison de se défendre de payer ce qu'on ne doit pas. Quelque juste sujet qu'on ait de faire la guerre offensive ou défensive, cependant puisqu'elle entraine après elle inévitablement une infinité de maux, d'injustices, & de desastres, on ne doit se porter à cette extrémité terrible qu'après les plus mûres considérations. Plutarque dit là-dessus, que parmi les anciens Romains, lorsque les prêtres nommés feciaux avoient conclu que l'on pouvoit justement entreprendre la guerre , le sénat examinoit encore s'il seroit avantageux de s'y engager. En effet, ce n'est pas assez que le sujet de la guerre soit juste en lui-même, il faut avant que d'en venir à la voie des armes, qu'il s'agisse de la chose de la plus grande importance, comme de sa propre conservation. Il faut que l'on ait au-moins quelque apparence probable de réussir dans ses justes projets; car ce seroit une témérité, une pure folie, que de s'exposer à une destruction totale, & se jetter dans les plus grands maux, pour ne pas en sacrifier de moindres. Il faut enfin qu'il y ait une nécessité absolue de prendre les armes, c'est-à-dire qu'on ne puisse employer aucun autre moyen légitime pour obtenir ce qu'on a droit de demander, ou pour se mettre à couvert des maux dont on est menacé. Je n'ai rien à ajoûter sur la justice des armes; on la déguise avec tant d'art, que l'on a quelquefois bien de la peine à découvrir la vérité: de plus, chaque souverain porte ses prétentions si loin, que la raison parvient rarement à les modérer: mais quelles que soient leurs vûes & leurs démarches, toute guerre , dit Cicéron, qui ne se fait pas pour la défense, pour le salut de l'état, ou pour la foi donnée, n'est qu'une guerre illégitime. Quant aux suites de la prise des armes, il est vrai qu'elles dépendent du tems, des lieux, des personnes, de mille événemens imprévûs, qui variant sans cesse, ne peuvent etre determinés. Mais il n'en est pas moins vrai, qu'aucun souverain ne devroit entreprendre de guerres , qu'après avoir reconnu dans sa conscience qu'elles sont justes, nécessaires au bien public, indispensables, & qu'en même tems il y a plus à esperer qu'a craindre dans l'événement auquel il s'expose. Non-seulement ce sont-là des principes de prudence & de religion, mais les lois de la sociabilité & de l'amour de la paix ne permettent pas aux hommes de suivre d'autres maximes. C'est un devoir indispensable aux souverains de s'y conformer; la justice du gouvernement les y oblige par une suite de la nature même, & du but de l'autorite qui leur est confiée; ils sont obliges d'avoir un soin particulier des biens & de la vie de leurs sujets; le sang du peuple ne veut être verse que pour sauver ce même peuple dans les besoins extremes; malheureusement les conseils flateurs, les fausses idées de gloire, les vaines jalousies, l'avidité qui se couvre de vains prétextes, le faux honneur de prouver sa puissance, les alliances, les engagemens insensibles qu'on a contractés par les suggestions des courtisans & des ministres, entrainent presque toûjours les rois dans des guerres où ils hasardent tout sans nécessité, épuisent leurs provinces, & font autant de mal à leurs pays & à leurs sujets, qu'à leurs propres ennemis. Suppose cependant, qu'une guerre ne soit entreprise qu'à l'extremité pour un juste sujet, pour celui de sa conservation, il faut encore qu'en la faisant on reste dans les termes de la justice, & qu'on ne pousse pas les actes d'hostilité au delà de leurs bornes & de leurs besoins absolus. Grotius, en traitant cette matiere, établit trois regles, qui peuvent servir à faire comprendre en peu de mots quelle est l'étendue des droits de la guerre , & jusqu'où ils peuvent être portés légitimement. La premiere regle , c'est que tout ce qui a une liaison moralement nécessaire avec le but d'une guerre juste, doit être permis, & rien davantage. En effet, il seroit inutile d'avoir droit de faire une chose, si l'on ne pouvoit se servir des moyens nécessaires pour en venir à bout; mais il seroit fou de penser, que pour défendre ses droits on se crût tout loisible & tout légitime. Seconde regle . Le droit qu'on a contre un ennemi, & que l'on poursuit par les armes, ne doit pas être considéré uniquement par rapport au sujet qui fait commencer la guerre , mais encore par rapport aux nouvelles choses qui surviennent durant le cours de la guerre , tout de même qu'en justice une partie acquiert souvent un nouveau droit pendant le cours du proces; c'est-là le fondement du droit qu'on a d'agir contre ceux qui se joignent à notre ennemi, soit qu'ils dépendent de lui ou non. Troisieme regle . Il y a bien des choses, qui, quoiqu'illicites d'ailleurs, deviennent permises & nécessaires dans la guerre , parce qu'elles en sont des suites inévitables, & qu'elles arrivent contre notre intention & sans un dessein formel; ainsi, par exemple, pour avoir ce qui nous appartient, on a droit de prendre une chose qui vaut davantage, si l'on ne peut pas prendre précisément autant qu'il nous est dû, sous l'obligation néanmoins de rendre la valeur de l'excédent de la dette. On peut canonner un vaisseau plein de corsaires, quoique dans ce vaisseau il se trouve quelques hommes, quelques femmes, quelques enfans, ou autres personnes innocentes qui courent risque d'être enveloppés dans la ruine de ceux que l'on veut & que l'on peut faire périr avec justice. Telle est l'étendue du droit que l'on a contre un ennemi en vertu de l'état de guerre: cet état anéantissant par lui-même l'état de société, quiconque se déclare notre ennemi les armes à la main, nous autorise à agir contre lui par des actes d'hostilité, de dégât, de destruction, & de mort. Il est certain qu'on peut tuer innocemment un ennemi qui a ses armes à la main, je dis innocemment aux termes de la justice exterieure & qui passe pour telle chez toutes les nations, mais encore selon la justice intérieure, & les lois de la conscience. En effet, le but de la guerre demande nécessairement que l'on ait ce pouvoir; autrement ce seroit en vain que l'on prendroit les armes pour sa conservation, & que les lois de la nature le permettroient. Par la même raison les lois de la guerre permettent d'endommager les biens de l'ennemi, & de les détruire, parce qu'il n'est point contraire à la nature de dépouiller de son bien une personne à qui l'on peut ôter la vie. Enfin, tous ces actes d'hostilité subsistent sans injustice, jusqu'à ce qu'on se soit mis à l'abri des dangers dont l'ennemi nous menaçoit, ou qu'on ait recouvré ce qu'il nous avoit injustement enlevé. Mais quoique ces maximes soient vraies en vertu du droit rigoureux de la guerre , la loi de nature met néanmoins des bornes à ce droit; elle veut que l'on considere, si tels ou tels actes d'hostilité contre un ennemi sont dignes de l'humanité ou même de la générosité; ainsi tant qu'il est possible, & que notre defense & notre sureté pour l'avenir le permettent, il faut toûjours tempérer par ces sentimens si naturels & si justes les maux que l'on fait à un ennemi. Pour ce qui est des voies mêmes que l'on emploie légitimement contre un ennemi, il est sûr que la terreur & la force ouverte dont on se sert, sont le caractere propre de la guerre : on peut encore mettre en oeuvre l'adresse, la ruse, & l'artifice, pourvû qu'on le fasse sans perfidie; mais on ne doit pas violer les engagemens qu'on a contractés, soit de bouche ou autrement. Les lois militaires de l'Europe n'autorisent point à ôter la vie de propos délibéré aux prisonniers de guerre , ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui se rendent, moins encore aux vieillards, aux femmes, aux enfans, & en général à aucun de ceux qui ne sont ni d'un âge, ni d'une profession à porter les armes, & qui n'ont d'autre part à la guerre , que de se trouver dans le pays ou dans le parti ennemi. A plus forte raison les droits de la guerre ne s'étendent pas jusqu'à autoriser les outrages à l'honneur des femmes; car une telle conduite ne contribue point à notre défense, à notre sûreté, ni au maintien de nos droits; elle ne peut servir qu'à satisfaire la brutalité du soldat effrené. Il y a néanmoins mille autres licences infames, & mille sortes de rapines & d'horreurs qu'on souffre honteusement dans la guerre . Les lois, dit-on, doivent se taire parmi le bruit des armes; je répons que s'il faut que les lois civiles, les lois des tribunaux particuliers de chaque état, qui n'ont lieu qu'en tems de paix, viennent à se taire, il n'en est pas de même des lois éternelles, qui sont faites pour tous les tems, pour tous les peuples, & qui sont écrites dans la nature: mais la guerre étouffe la voix de la nature, de la justice, de la religion, & de l'humanité. Elle n'enfante que des brigandages & des crimes; avec elle marche l'effroi, la famine, & la desolation; elle déchire l'ame des meres, des épouses, & des enfans; elle ravage les campagnes, dépeuple les provinces, & réduit les villes en poudre. Elle épuise les états florissans au milieu des plus grands succès; elle expose les vainqueurs aux tragiques revers de la fortune: elle déprave les moeurs de toutes les nations, & fait encore plus de misérables qu'elle n'en emporte. Voilà les fruits de la guerre . Les gazettes ne retentissent actuellement (1757), que des maux qu'elle cause sur terre & sur mer, dans l'ancien & le nouveau monde, à des peuples qui devroient resserrer les liens d'une bienveillance, qui n'est déjà que trop foible, & non pas les couper. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guerre, (Jeu de la) Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Guerre Guerre , ( Jeu de la ) c'est une maniere particuliere de joüer au billard plusieurs à-la-fois. Le nombre des personnes qui doivent joüer étant arrêté, chacun prend une bille marquée différemment, c'est-à-dire d'un point, de deux, & de plus, si l'on est davantage à joüer. Quand les billes sont tirées, chaque joüeur joue à son tour, & selon que le nombre des points qui sont sur la bille lui donne droit: il est défendu de se mettre devant la passe sans le consentement de tous les joüeurs. Celui qui joue une autre bille que la sienne perd la bille & le coup. Qui touche les deux billes en joüant, perd sa bille & le coup; il faut remettre l'autre à sa place. Qui passe sur les billes, perd la bille & le coup; & on doit mettre cette bille dans la belouse. Qui fait une bille & peut butter après, gagne toute la partie; c'est pourquoi il est de l'adresse d'un joüeur de tirer à ces sortes de coups autant qu'il lui est possible. Qui butte dessous la passe, gagne tout, fût-on jusqu'à neuf joüeurs. Les lois du jeu de la guerre veulent qu'on tire les billes à quatre doigts de la corde. Il est défendu de sauver d'enjeu, à-moins qu'on ne se soit repassé. Qui perd son rang à joüer, ne peut rentrer qu'à la seconde partie. Ceux qui entrent nouvellement au jeu, ne sont point libres de tirer le premier coup sur les billes, en plaçant les leurs où bon leur semble. Il faut qu'ils tirent la passe à quatre doigts de la corde. Il faut remarquer que lorsqu'on n'est que cinq, on doit faire une bille avant que de passer. Si on n'est que trois ou quatre, il n'est pas permis de passer jusqu'aux deux derniers. Si celui qui tire à quatre doigts fait passer une bille, elle est bien passée. Qui touche une bille de la sienne & se noye, perd la partie; il faut que la bille touchée reste alors où elle est roulée. Si celui qui touche une bille en joüant la noye & la sienne aussi, il perd la partie, & on remet la bille touchée où elle étoit. Si du côté de la passe on fait passer une bille espérant la gagner, & qu'on ne la gagne pas, cette bille doit rester où elle est, supposé qu'il y eût encore quelqu'un à joüer; mais s'il n'y avoit personne, on la remettroit à sa premiere place. Quand un joüeur a une fois perdu, il ne peut rentrer au jeu que la partie ne soit entierement gagnée. Les billes noyées appartiennent à celui qui butte, les deux derniers qui restent à joüer peuvent l'un & l'autre se sauver d'enjeu. Si celui qui est passé ne le veut pas, il n'en sera rien. S'il y consent, il doit être préféré à celui qui n'est pas passé. Celui qui par inadvertance joue devant son tour, ne perd que le coup & non pas la bille, c'est-à-dire qu'il y peut revenir à son rang. Qui tire à une bille la gagne; & si en tirant le billard il touche une autre bille gagnée, elle est censée telle; & la bille de celui qui a joüé le coup doit être mise dans la belouse. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUESTE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GUESTE GUESTE, s. f. ( Commerce. ) mesure de longueur dont on se sert en quelques endroits du Mogol; elle revient à une aune de Hollande 1/5. Dictionn. de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUET Author=unknown Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=s.m. GUET GUET, s. m. ( Art milit. ) ce mot signifie un corps-de-garde placé sur quelque passage, ou une compagnie de gardes qui font la patrouille. Voyez Garde . Il y a des officiers qui sont exempts de guet ou de garde. C'est dans le même sens que l'on dit guet de nuit, mot du guet, guet du roi, guet de la ville . Chambers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guet, dans la maison du Roi Author=Le Blond Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Guet Guet , dans la maison du Roi , se dit du service que les gardes du corps, les gendarmes, & les chevaulegers de la garde font auprès du Roi: ainsi être du guet , c'est, dans ces différens corps, être de service à la cour . Chevalier du guet , est le nom que l'on donne à Paris à l'officier qui commande le guet , c'est-à-dire l'espece de milice établie pour la garde & la sûreté de Paris. On dit le guet à pié & le guet à cheval: le premier est proprement l'infanterie de cette milice, & l'autre la cavalerie. On dit aussi un cavalier du guet , pour exprimer un homme du corps de cette cavalerie. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guet, (mot du) Author=Jaucourt Normalized Classification=Art militaire des Romains Part of Speech=NA Guet Guet , ( mot du ) Art milit. des Romains . Il falloit qu'un soldat de la derniere cohorte pour l'infanterie, ou de la derniere turme pour la cavalerie, vînt au logis du tribun qui commandoit ce jour-là, prendre le mot du guet sur une tablette: on écrivoit sur cette tablette le nom du soldat qui venoit le prendre, & le lieu de son logement; ce soldat rendoit la tablette qu'il avoit prise, au chef de sa troupe, & en présence de témoins; ce chef remettoit ladite tablette au chef de la cohorte voisine; & ainsi de main en main, la tablette revenoit à la premiere cohorte placée près de la tente du tribun, auquel elle étoit rapportée avant la nuit; par ce moyen le tribun de jour étoit assûré que toute l'armée avoit le mot du guet; & si quelque tablette manquoit à être rendue, il étoit facile de trouver où elle étoit demeurée, & dans les mains de qui. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guet Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Guet Guet , ( Jurisprud. ) droit dû à quelques seigneurs par leurs hommes. Il est ordinairement au droit de garde, c'est pourquoi on dit guet & garde , quoique ce soient deux droits différens. Voyez Garde . L'origine du droit de guet vient du tems des guerres privées; les vassaux & sujets étoient obligés de faire le guet , de crainte de surprise; mais depuis que les guerres privées ont été abolies, ce droit de guet a été converti en une redevance en argent, pour tenir lieu du service du guet . Ce que l'on appelle guet de prevôt dans la coûtume de Châlons, art. iij. est la comparution que les sujets sont obligés de faire tous les ans devant le prevôt du seigneur, en mémoire du service de guet auquel ils étoient autrefois obligés. Voyez le glossaire de M. Delauriere au mot guet; les coût. de Tours, article ccvc . Lodunois, c. xxviij. art. 3 . Bourbonnois, chap. xxxvj . Bretagne, art. ccxcij . Auvergne, ch. xxv. art. 17 . & ci-devant au mot Garde . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guet-à-pens Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA Guet-à-pens Guet-à-pens , ( Jurisp. ) est l'embuscade qu'une personne a faite pour en assassiner une autre de dessein prémédité. Ce crime est beaucoup plus grave que le simple meurtre; il est condamné dans le Deuteronome, chap. xxvij. vers. 26. & par nos ordonnances qui ne veulent pas que l'on accorde de rémission de ce crime; elles prononcent même peine de mort contre ceux qui ont conseillé le guet-à-pens , ou qui y ont participé. Le guet-à-pens est un cas présidial qui se juge en dernier ressort, & sans appel. Voyez l'ordonnance de 1670. tit. j. art. xij. la déclaration du 5 Février 1731 sur les cas prevôtaux ou présidiaux. Voyez Meurtre . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUETARIA Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUÉTARIA GUÉTARIA, Menosca , ( Géog. ) petite ville d'Espagne, dans la province de Guipuscoa, avec un château & un port sur la mer de Biscaye. Long. 15. 12. latit. 43. 26 . C'est la patrie de Cano (Sebastien), ce fameux navigateur, qui fit le premier le tour du monde sous Magellan, & rentra dans Séville le 8 Septembre 1522, après trois ans un mois de navigation. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUETE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUETE GUETE, ( Géog. ) ancienne ville d'Espagne dans la nouvelle Castille, dans la Sierra. Alphonse VI. roi de Castille la conquit sur les Maures en 1080. Elle est à 6 lieues N. O. de Cuença, 26 S. E. de Madrid. Long. 15. 36. lat. 40. 20 ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUÉTRES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f.pl. GUÊTRES GUÊTRES, s. f. pl. espece de chaussure faite de grosse toile ou de coutis, qui s'attache à boutonniere ou à cordons sur le côté de la jambe qu'elle couvre toute entiere, ainsi que le genou & le coup-de-pié sur lequel elle est detenue par une courroie de cuir, faire en étrier. On en prend pour la chasse, pour le voyage, soit à pié, soit à cheval. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUETTE Author=unknown Normalized Classification=Charpenterie Part of Speech=s.f. GUETTE GUETTE, s. f. ( Charpenterie. ) c'est une demi-croix de S. André, posée en contrefiches dans les pans de bois. Voyez les figures du Charpentier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUETTES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m.pl. GUETTES GUETTES, s. m. pl. hommes employés dans les salines; leur fonction est de garder à tour de rôle les portes de la saline, & de remplir tous les devoirs des portiers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUETTON Author=unknown Normalized Classification=Charpenterie Part of Speech=s.m. GUETTON GUETTON, s. m. ( Charpenterie. ) petite guette qui se met sous les appuis des croisées & exhaussemens, sous les sablieres de l'entablement, sur les linteaux des portes, &c. Voyez les figures du Charpentier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUEULE Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.f. GUEULE GUEULE, s. f. ( Gramm. ) c'est ainsi qu on appelle dans la plûpart des animaux, l'intérieur de la partie qui est armée de dents, où sont la langue & le palais, & qu'on appelle dans l'homme & le cheval la bouche . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueule droite & renversée Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=NA Gueule Gueule droite & renversée , ( Architecture. ) ce sont les deux parties de la cimaise qui forment un membre, dont le contour est en S. La plus avancée & concave s'appelle gueule droite ou doucine, voyez Doucine ; & l'autre qui est convexe s'appelle gueule renversée ou salon; voyez Cimaise . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueule Bée Author=unknown Normalized Classification=Tonnelier Part of Speech=NA Gueule Bée Gueule Bée , terme de Tonnelier; c'est ainsi qu'on appelle une futaille ouverte qu'on a défoncée par un bout. Voyez Futaille . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueule de Loup Author=unknown Normalized Classification=Bas au métier Part of Speech=NA Gueule de Loup Gueule de Loup , ( Bas au métier. ) partie du métier à bas. Voyez cet article . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueules Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Gueules Gueules , en termes de Blason , c'est la couleur rouge; voyez Rouge . Le pere Monet dit que le mot de gueules dérive de l'hébreu gulud , ou gulidit , petite peau rougeâtre qui paroît sur une plaie quand elle commence à se guérir: le P. Ménétrier dit que ces mots ne se trouvent point dans la langue hébraïque: mais cela n'est pas exactement vrai; car dans les langues orientales, comme l'hébreu, le chaldéen, le syriaque, & l'arabe, on dit gheld , pour cutis, pellis , peau, d'où est venu le mot arabe gulud: & en général le mot de gueules signifie la couleur rouge chez la plûpart des orientaux. Les Arabes & les Persans donnent ce nom à la rose. D'autres avec Nicod dérivent le mot de gueules de gula , la gueule des animaux, qui l'ont ordinaitement rouge; ou du latin cusculium , qui est le coccos des Grees, ou la graine d'écarlate. Dans la Gravure, la couleur de gueules s'exprime par des hachures perpendiculaires, tirées du chef de l'écusson à la pointe. On la marque aussi par la lettre G . Cette couleur passe pour un symbole de charité, de bravoure, de hardiesse, & de générosité; elle représente la couleur du sang, le cinnabre, & la vraie écarlate; c'est la premiere des couleurs qu'on employe dans les armoiries; & elle marque une si grande distinction, que les anciennes lois défendoient à tout le monde de la porter dans les armoiries, à-moins qu'on ne fût prince, ou qu'on n'en eût la permission du souverain. Spelman dans son aspilogia , dit que cette couleur étoit dans une estime particuliere chez les Romains, comme elle avoit été auparavant chez les Troyens: qu'ils peignoient en vermillon les corps de leurs dieux, aussi-bien que de leurs généraux le jour de leur triomphe. Sous le gouvernement des consuls, les soldats étoient habillés de rouge, d'où étoit venu le nom de russati . Jean de Bado Aureo ajoûte que la teinture rouge appellée par les Grecs phénicienne , & par nous écarlate , fut adoptée d'abord par les Romains, pour empêcher que l'on ne s'effrayât du sang qui découloit des plaies des blessés dans la bataille. En effet le rouge a toûjours passé pour une couleur impériale, & les empereurs étoient toûjours vêtus, chaussés, & meublés de rouge. Leurs édits, dépêches, signatures, & sceaux, étoient d'encre & de cire rouges; & c'est de-là qu'est venu le nom de rubrique. Dictionn. étymol. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUEUSE Author=unknown Normalized Classification=Ourdissage Part of Speech=s.f. GUEUSE GUEUSE, s. f. ( Art d'ourdissage. ) dentelle très legere qui se fait de fil blanc, & dont le fond est de réseau, & les fleurs de couronnes très-déliées; elle se fabrique sur l'oreillier à l'ordinaire. Voyez l'article Dentelle . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueuse Author=unknown Normalized Classification=Manufacture de lainage Part of Speech=NA Gueuse Gueuse , ( Manufact. en laine. ) petite étoffe qui se fabrique en Flandres, & qu'on nomme plus communément Plicole . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gueuse Author=unknown Normalized Classification=Forges Part of Speech=NA Gueuse Gueuse , ( Forges. ) dont le diminutif est gueusillon . Ces deux termes se disent dans les grosses forges, des masses prismatiques de fer qu'on a coulées dans le sable au sortir du fourneau de fusion. Voyez l'article Forge . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUEUX, (les) Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=NA GUEUX GUEUX, ( les ) Hist. mod. sobriquet qui fut donné aux confédérés des Pays-Bas en 1566; la duchesse de Parme ayant reçû l'ordre de Philippe II. roi d'Espagne d'introduire dans les Pays-Bas de nouvelles taxes, le concile de Trente & l'inquisition, les états de Brabant s'y opposerent vivement, & plusieurs seigneurs du pays se liguerent ensemble pour la conservation de leurs droits & de leurs franchises; alors le comte de Barlemont, qui haïssoit ceux qui étoient entrés dans cette confédération, dit à la duchesse de Parme, gouvernante, qu'il ne falloit pas s'en mettre en peine, & que ce n'étoit que des gueux . Le prince d'orange, Guillaume de Nassau, surnommé le taciturne , & Bréderode, chefs de ces pretendus gueux , furent effectivement chassés d'Anvers l'année suivante; mais ils équiperent des vaisseaux, firent des courses sur la côte, se rendirent maîtres d'Enckhuysen, puis de la Brille, & s'y établirent en 1572 malgré tous les efforts du due d'Albe. Tel fut le commencement de la république de Hollande, qui d'un pays stérile & méprisé, devint une puissance respectable. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUEZE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GUEZE GUEZE, s. f. ( Commerce. ) mesure des longueurs en usage chez les Persans, pour mesurer les étoffes, les toiles, & autres semblables marchandises. Il y a deux sortes de gueze en Perse: la gueze royale, qu'on nomme autrement gueze monkelser: & la gueze racourcie, qu'on appelle simplement gueze . Celle-ci n'est que les deux tiers de l'autre. La gueze royale contient 2 piés 10 pouces 11 lignes, ce qui revient à 4/3 d'aune de Paris: ensorte que les cinq guezes font quatre aunes, ou les quatre aunes font cinq guezes . On se sert dans les Indes d'une sorte de mesure de longueurs, qu'on appelle aussi gueze; elle est plus courte que celle de Perse d'environ 6 lignes, ce qui peut aller à 1/78 d'aune moins. Dictionn. de Comm. & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUGERNI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GUGERNI GUGERNI, ( Géog. anc. ) ancien peuple de la Belgique, entre les Eubéens & les Bataves; le canton qu'il habitoit se nomme présentement le pays de Cleves . ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUGUAN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUGUAN GUGUAN, ( Géogr. ) île de l'Océan oriental, & l'une des îles Mariannes. Elle a 3 lieues de tour, & est à 17 d . 45'. de latit. suivant les observations publiées par le pere Gouye. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUHR Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=s.m. GUHR GUHR, s. m. creta fluida, medulla fluida, lac lunae , &c. ( Hist. nat. Minéralogie. ) mot allemand adopté par les Naturalistes pour désigner différentes especes de terres métalliques que l'on rencontre quelquefois, même à la surface de la terre, dans des fentes de roches, & des montagnes qui contiennent des mines. Les premiers auteurs qui ont écrit sur la Minéralogie, ont regardé les guhrs comme la matiere premiere & l'origine de la formation des métaux; ils se présentent aux yeux sous la forme d'une terre blanche en poudre très-fine, semblable à de la craie, mais dans leur origine ils sont d'une consistence fluide comme du lait, ou plûtôt comme de la bouillie; les eaux soûterreines après les avoir atténués, les entraînent & les portent en différens endroits, où ils se durcissent par le contact de l'air, & la partie aqueuse s'en dégage par évaporation ou par dessication. Les Minéralogistes regardent les guhrs comme un indice assez sûr de la présence d'une mine métallique, & croyent que quand on les rencontre, cela prouve que la nature a été troublée dans l'opération par laquelle elle vouloit encore produire des métaux; de-là vient la façon de s'exprimer des mineurs, qui disent qu' ils sont venus de trop bonne heure , quand ils rencontrent des guhrs . Il y a des guhrs qui ne sont presque que de l'argent tout pur; ceux qui sont d'une couleur verte ou bleue, annoncent une mine de cuivre; ceux qui sont blancs ou d'un bleu clair & leger, & qui se trouvent dans des fentes qui paroissent quelquefois même à la surface de la terre, donnent lieu de soupçonner la présence d'un filon de mine d'argent. Voyez Lehmann, traité des mines . Wallerius distingue deux especes de guhrs , l'un est crétacé, l'autre est métallique: il définit le premier une terre crétacée, fluide, qui quelquefois se desseche & forme des incrustations, des stalactites, & autres concrétions semblables; il y en a de blanche & de liquide comme du lait, & de grise, mais d'une consistence épaisse comme de la bouillie. Le guhr minéral ou métallique est ou gris & blanchâtre; il coule dans les soûterreins des mines, & contient quelque chose de métallique, ou du-moins quelque chose qui est propre à contribuer à la formation des métaux. Voyez la Minéralogie & l'Hydrologie de Wallerius. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUI Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.m. GUI GUI, s. m. ( Hist. nat. Bot. ) Cette plante passoit jadis pour une panacée, & faisoit l'objet de la vénération payenne chez les anciens Gaulois; mais les idées de leurs successeurs sont bien différentes. Le gui n'est plus pour eux qu'une plante parasite qui fait grand tort aux arbres dont elle tire sa nourriture, & que les gens soigneux de l'entretien de leurs vergers, s'efforcent à l'envi de détruire. Cependant cette même plante parasite n'en est pas moins dans l'esprit du physicien un végétal singulier, dont l'origine, la germination, le développement méritent un examen attentif, & des recherches particulieres. C'est ainsi qu'en ont pensé Malpighi, Tournefort, Vaillant, Boerhaave, Linnaeus, Barel, & Camérarius: enfin M. du Hamel a publié dans les mém. de l'Acad. des Scien. année 1740 , des observations trop curieuses sur ce sujet, pour négliger de les rapporter ici; elles rendront cet article intéressant. Caracteres du gui. On pourroit peut-être caractériser ainsi le gui . Il est mâle & femelle; ses feuilles sont conjuguées, étroites, & oblongues; les fleurs de la plante mâle sont monopétales, faites en bassin, divisées d'ordinaire en quatre parties égales, marquetées de porreaux. L'ovaire est une substance tendre, environnée de quatre petites feuilles; il devient ensuite une baie à-peu-près ronde, pleine d'une sorte de glu, & contenant une semence plate, ovale, triangulaire, en forme de coeur, & de différente figure. Les baies du gui donnent chacune quelquefois deux semences. Il faut remarquer que ces fruits commencent par des embryons couronnés de quatre feuilles, ou qui portent une couronne radiée, composée de quatre petites feuilles jaunâtres, articulées autour de la tête de chaque embryon. Ces embryons partent d'une masse ronde, jaunâtre, articulée avec l'extrémité de la branche & de deux feuilles opposées qui la terminent des deux côtés. Il n'y a qu'une espece de gui qui vient sur tout arbre . On est presque d'accord à n'admettre qu'une seule espece de gui. Il est vrai que le P. Plumier en décrit plusieurs dans son histoire des Antilles, qui paroissent différentes de notre gui ordinaire; cependant le sentiment le plus généralement reçu des botanistes modernes, est qu'il n'y en a qu'une seule espece, & ils n'en ont jamais vû davantage. Que l'on seme sur le tilleul, sur le saule, sur le poirier, sur l'épine, &c. des semences, des piés de gui qui auront cru sur le pommier, elles végetent également sur ces différens arbres avec succès. D'ailleurs on ne remarque aucune différence considérable ni dans la figure des feuilles, ni dans la forme des fruits, ni dans le port extérieur des piés de gui qui viennent sur les divers arbres de nos forêts de France. Les expériences faites en Angleterre confirment le même fait. Concluons donc que nous ne connoissons qu'une seule espece de gui ; elle est nommée simplement par les Botanistes viscum, viscus, viscum vulgare, viscus arborum , par C. Bauh. J. Bauh. Ray, Gerard, Barkinson, Tournefort, Boerhaave, &c . Cette plante ne vient jamais à terre, mais sur tous les arbres. Les uns disent l'avoir trouvé sur le sapin, sur la meleze, sur le pistachier, sur le noyer, sur le coignassier, sur le poirier franc, & sur le sauvage, sur le pommier sauvage & sur le domestique, sur le nefflier, sur l'épine blanche, sur le cormier, sur le prunier, sur l'amandier, sur le rosier. D'autres disent l'avoir vû sur le liége, sur le châtaignier, sur le noisetier, sur le tilleul, sur le saule, sur le peuplier noir & sur le blanc, sur le hêtre, sur l'orme, sur le noirprun, sur le buis, sur la vigne, sur le faux acacia: enfin le gui vient sur l'yeuse, & sur le chêne commun. Comme ce dernier gui est le plus fameux, il suffira d'en donner ici la description. Description du gui de chêne . C'est une maniere d'arbrisseau qui croît à la hauteur d'environ deux piés; les tiges sont ordinairement grosses comme le doigt, dures, ligneuses, compactes, pesantes, de couleur rougeâtre en-dehors, blanche-jaunâtre en-dedans. Il pousse beaucoup de rameaux ligneux, plians, entrelacés souvent les uns dans les autres, & couverts d'une écorce verte. Ses feuilles sont opposées deux-à-deux, oblongues, épaisses, dures, assez semblables, mais un peu plus longues que celles du grand buis, veineuses dans leur longueur, arrondies par le bout, de couleur verte-jaunâtre ou pâle. Ses fleurs naissent aux noeuds des branches, petites, jaunâtres, formées chacune en bassin à quatre crenelures. Quelquefois ces fleurs ne laissent point de fruits après elles; mais quelquefois on trouve des fruits sur des piés différens qui ne portent point de fleurs. Ces fruits sont de petites baies rondes ou ovales, molles, blanches, luisantes, ressemblantes à nos petites groseilles blanches, remplies d'un suc visqueux, dont les anciens se servoient pour faire de la glu. Au milieu de ce fruit se rencontre une petite semence applatie, & ordinairement échancrée en coeur. Il ne faut pas croire qu'on trouve communément des chênes qui portent du gui; c'est un phénomene en général assez rare; il l'est par exemple beaucoup en Angleterre. Des semences du gui, & de leur germination . Théophraste ( de caus. Plant. l. II. chap. xxjv. ) & Pline ( Hist. nat. l XVI. ch. xxxxjv. ) avoient assûré contre le sent ment d'Aristote, que le gui venoit de semences, mais qui avoient besoin de passer par l'estomac des oiseaux, pour se dépouiller, disoient-ils, d'une qualité froide qui les empêchoit de germer. Cependant comme les semences du gui ne sont pas sort dures, on comprend avec peine, qu'elles ne soient pas digérées par l'estomac des oiseaux. Il est vrai que Boccone assûre avoir observé que les oiseaux les rendoient entieres dans leurs excrémens; mais il saudroit savoir si Boccone a bien observé. Quoiqu'il en soit, toutes les observations modernes prouvent que le gui se multiplie de semence, sans qu'il soit nécessaire qu'elles passent par l'estomac des oiseaux. Ray dit qu'il a vû germer les semences du gui dans l'écorce même da chêne, & que depuis son observation, Doody apotiquaire de Londres, avoit mis la chose hors de doute, ayant élevé des piés de gui de graines qu'il avoit semées. Léonhard Frédéric Hornung assûre dans une dissertation latine à ce sujet, avoir semé du gui sur un pommier, qu'il y germa en poussant deux cornes de la base du fruit, qu'il s'attacha à la branche, & qu'il y fructifia. M. Edmond Barel, dans un mémoire qu'il a envoyé au chevalier Hans-Sloane, & qui est imprimé dans les Transactions philosophiques , témoigne aussi avoir élevé le gui de graine. Enfin, M. Duhamel a répété toutes ces expériences sur un grand nombre d'arbres de différentes especes, & les graines du gui ont germé également bien sur tous, excepté sur le figuier, peut-être à cause du lait corrosif qui s'échappoit des plaies qu'il avoit fallu faire pour poser les semences, & qui les brûloit. Il n'est pas surprenant que le gui germe à-peu-près également bien sur des arbres très-différens; il ne faut que de l'humidité pour faire germer toutes sortes de semences, & celle des pluies & des rosées suffit pour la germination du gui , puisque M. Duhamel en a vû germer sur des morceaux de bois mort, sur des tessons de pots, & sur des pierres seulement tenues à l'ombre du Soleil. De plus il a posé des semences de gui sur les vases de terre à demi-cuits, qui laissent échapper l'eau peu-à-peu, & sur lesquels on se fait quelquefois un plaisir d'élever de petites salades. Les semences de gui y ont germé plus promptement, & elles sont venues plus vigoureuses que sur les corps secs; la transpiration du vase favorise leur germination; probablement la transpiration des arbres ne leur est pas non plus inutile. Il faut pourtant convenir que quoique le gui germe sur des pots, sur du bois mort, & qu'il s'attache également sur tous les arbres, il ne végete pas aussi heureusement sur tous ceux auxquels il s'attache. Il ne réussit pas si bien sur le chêne & sur le noyer que sur le poirier, le pommier, l'épine-blanche, & le tilleul. Il vient avec plus de peine sur le génevrier; mais après tout, il ne s'éleve bien que sur des arbres. Les semences de gui mises sur des arbres en Février, commencent à germer à la fin de Juin. Alors on voit sortir de la graine du gui plusieurs radicules; & cette multiplicité de radicules est une singularité, qui n'est peut-être propre qu'à la seule semence du gui . Quand les radicules se sont alongées de deux à trois lignes, elles se recourbent, & elles continuent de s'alonger, jusqu'à ce qu'elles ayent atteint le corps sur lequel la graine est posée; & sitôt qu'elles y sont parvenues, elles cessent de s'alonger. Cette radicule prend indifféremment toutes sortes de directions, tant en-haut qu'en-bas, ce qui lui est encore particulier; car, suivant la remarque de M. Dodart, tous les germes tendent vers le bas. Les radicules du gui sont formées d'une petite boule qui est seulement soûtenue par un pédicule qui part du corps de la semence. Elles s'alongent jusqu'à ce que la petite boule qui les termine, porte sur l'écorce des arbres; alors elles s'épanoüissent, & s'y appliquent fortement par une matiere visqueuse. De la formation & du progrès des racines du gui . La jeune plante commence à introduire ses racines dans cette écorce; aussi-tôt la seve contenue dans l'écorce de l'arbre, s'extravase; il se forme à cet endroit une grosseur, une loupe, ou si l'on veut, une espece de gale, & cette gale augmente en grosseur à mesure que les racines de la plante parasite font du progres. Entre les premieres racines du gui , il y en a qui rampent dans les couches les plus herbacées de l'écorce, & les autres en traversent les différens plans jusqu'au bois où elles se distribuent de côté & d'autre, se réfléchissant quand elles rencontrent quelques corps durs qui s'opposent à leur passage. Alors elles cheminent entre les lames de l'écorce, & y forment plusieurs entrelacemens; mais comme les lames intérieures de l'écorce sont destinées à faire dans la suite de nouvelles couches de bois, ces lames s'endurcissent; les racines du gui se trouvent donc engagées de l'épaisseur de ces lames dans le bois; d'autres lames de l'écorce deviennent bois à leur tour; voilà les racines du gui engagées encore plus avant dans le bois, & à la fin elles le sont beaucoup, sans que pour cela elles ayent pénétré le bois en aucune façon. On peut ajoûter que comme les racines du gui occasionnent une extravasation du suc ligneux, qui forme une loupe à l'endroit de l'insertion; cette loupe contribue beaucoup à engager plus promptement & plus avant les racines du gui dans le bois. Quand elles y sont engagées à un certain point, le gui a besoin de ressources pour subsister, & il en a effectivement. 1°. Les racines nouvelles épanouies dans l'écorce, & celles qui sont engagées dans le bois, lui fournissent de la nourriture. 2°. Il se trouve souvent aux piés de gui une espece de bulbe charnuë de la consistance des racines, qui est engagée dans l'écorce, & qui lui peut être d'un grand secours pour vivre. Cependant ces ressources lui manquent quelquefois; par exemple, lorsque la branche sur laquelle est un pié de gui se trouve grosse & vigoureuse, & qu'il ne peut plus tirer de subsistance des écorces, alors il languit & meurt à la fin. Il n'en est pas de même quand la branche est menue, & les piés de gui vigoureux; car alors ce sont ces branches mêmes de l'arbre qui cessent de profiter. Pour que le gui coupe les vivres à l'extrémité de la branche sur laquelle il est enté, il faut que la force avec laquelle il tire la séve soit supérieure à celle que la branche avoit pour se la procurer. Le gui dans ce cas, peut être comparé à ces branches gourmandes, qui s'approprient toute la séve qui auroit dû passer aux branches circonvoisines. Du progrès des tiges du gui . Le progrès des racines du gui est d'abord très-considérable en comparaison de celui des tiges; en effet, ce n'est que la premiere année, & quelquefois la seconde, que les jeunes tiges commencent à se redresser, & souvent elles ont bien de la peine à y parvenir. Quand cela arrive, on voit cette jeune tige terminée par un bouton, ou par une espece de petite houppe, qui semble être la naissance de quelques feuilles, & elle en reste-là pour la premiere année, & même quelquefois pour la seconde. Le printems de l'année suivante, ou de la troisieme, il sort de ce bouton deux feuilles, & il se forme deux boutons dans les aisselles de ces deux feuilles: de chacun de ces boutons, il sort ensuite une ou plusieurs branches, qui sont terminées par deux, & quelquefois par trois feuilles. C'est-là la production de la troisieme ou de la quatrieme année. La cinquieme, la sixieme, & les années suivantes, il continue à sortir plusieurs branches, & quelquefois jusqu'à six des aisselles des feuilles. Le gui devient ainsi un petit arbrisseau très-branchu, formant une boule assez réguliere, qui peut avoir un pié & demi, ou deux piés de diametre. Les vieilles feuilles jaunissent & tombent, sans qu'il en vienne de nouvelles à la place; ce qui fait que les tiges sont presque nues, & que l'arbrisseau n'est garni de feuilles qu'à l'extrémité de ses branches. Il y a ici une chose bien digne d'être remarquée, & que M. Duhamel dit avoir observée avec M. Bernard de Jussieu, c'est que chaque bouton de gui contient presque toûjours le germe de trois branches, qu'on peut appercevoir par la dissection: ainsi chaque noeud devroit souvent être garni de six branches, & il le seroit en effet s'il n'en périssoit pas plusieurs, ou avant que d'être sorties du bouton, ou peu de tems après en être sorties; ce qui arrive fréquemment. Une autre chose singuliere, c'est que les branches du gui n'ont point cette affectation à monter vers le ciel, qui est propre à presque toutes les plantes, surtout aux arbres & aux arbustes. Si le gui est implanté sur une branche d'arbre, ses rameaux s'éleveront à l'ordinaire; s'il part de dessous la branche, il pousse ses rameaux vers la terre; ainsi il végete en sens contraire, sans qu'il paroisse en souffrir. Le gui garde ses feuilles pendant l'hyver, & même pendant les hyvers les plus rudes. Théophraste se trompe donc, lorsqu'il dit que le gui ne conserve ses feuilles que quand il tient à un arbre qui ne les quitte point l'hyver, & qu'il se dépouille quand il est sur un arbre qui perd ses feuilles. Mais qui est-ce qui n'a pas vû l'hyver, sur des arbres dépouillés de leurs feuilles, des piés de gui qui en étoient tous garnis? Et ce fait est-il plus singulier que de voir le chêne verd conserver ses feuilles lorsqu'il est greffé sur le chêne ordinaire? De l'écorce, du bois, des tiges & des feuilles du gui . L'écorce extérieure des feuilles & des tiges du gui est d'un verd terne & foncé, sur-tout lorsqu'elles sont vieilles, car les jeunes feuilles & les nouveaux bourgeons sont d'un verd jaunâtre. Cette écorce extérieure est un peu inégale & comme grenue. Sous cette écorce il y en a une autre plus épaisse, d'un verd moins foncé, grenue & pâteuse comme l'écorce des racines, & elle est traversée par des fibres ligneuses qui s'étendent suivant la longueur des branches. Sous cette derniere écorce est le bois, qui est à-peu-près de sa couleur; il est assez dur quand il est sec, mais il n'a presque point de fils, & se coupe presque aussi facilement de travers qu'en long. Les tiges sont droites d'un noeud à l'autre, où elles font de grandes inflections. Les noeuds du gui sont de vraies articulations par engrenement, & les pousses de chaque année se joignent les unes aux autres, comme les épiphyses se joignent au corps des os. Les feuilles du gui sont épaisses & charnues, sans être succulentes. En les examinant avec un peu d'attention, on découvre cinq à six nervures saillantes qui partent du pédicule, & qui s'étendent jusqu'à l'extrémité sans fournir beaucoup de ramifications. Leur figure est un ovale fort alongé; les feuilles & l'écorce des branches ont un goût legerement amer & astringent: leur odeur est foible à la vérité, mais desagréable. Le gui étant vivace & ligneux, il faut le mettre au nombre des arbrisseaux, entre lesquels il y en a de mâles & de femelles. Il y a un gui mâle, & un gui femelle. Pline n'en doutoit point, car il a distingué un gui mâle qui ne porte point de fruit, & un gui femelle qui en porte. Cependant MM. de Tournefort, Boerhaave & Linnaeus dont le sentiment est d'un plus grand poids que celui de Pline, pensent que les deux sexes se trouvent sur les mêmes individus dans des endroits séparés. Des autorités si respectables ont engagé d'autres botanistes à éplucher ce fait avec une grande attention; & c'est d'après cet examen qu'ils se sont cru en droit de décider comme Pline. Edmond Barel, dans le mémoire que nous avons déjà cité, dit qu'il a élevé quatre piés de gui , dont deux produisirent du fruit, & les deux autres fleurirent sans fructifier. M. Duhamel assûre aussi avoir constamment remarqué des piés de gui mâle qui ne produisoient jamais de fruit, & d'autres femelles qui presque tous les ans en étoient chargés. Il va bien plus loin; il prétend que les piés de gui de différens sexes ont chacun un port assez différent pour qu'on les puisse distinguer les uns des autres, indépendamment de leurs fruits & de leurs fleurs. Voici en quoi consiste cette différence, suivant notre académicien. Les boutons qui contiennent les fleurs mâles sont plus arrondis, & trois fois plus gros que les boutons qui contiennent les fleurs femelles, ou les embryons des fruits. On distingue assez bien en Décembre ces boutons les uns des autres, quoiqu'ils ne soient point encore ouverts, & que les piés femelles soient encore chargés du fruit de l'année précédente. Les boutons mâles viennent ordinairement trois-à-trois sur un pédicule commun, & ils commencent à s'ouvrir dans le mois de Mars. Leur fleur est d'une seule piece irréguliere, formant une cloche ouverte, échancrée par les bords en quatre jusque vers le milieu de la fleur. Ces fleurs sont ramassées par bouquets: chaque bouton mâle contient depuis deux jusqu'à sept fleurs, & ces bouquets sont placés dans les aisselles des branches, ou à leur extrémité: dans le mois de Mai toutes ces fleurs tombent, & il ne reste plus que les calices; enfin ces calices jaunissent, se dessechent & tombent à leur tour. Les boutons à fruit qui ne se rencontrent que sur les individus femelles, sont placés dans les mêmes endroits, & ne contiennent ordinairement que trois fleurs disposées en trefle, ou quatre, dont il y en a une plus relevée que les autres, & qui forment un triangle autour du pédicule. Toutes ces fleurs ne viennent pas à bien; il y en a qui périssent avant que de former leur fruit; c'est ce qui fait qu'on voit quelquefois des fruits qui sont seuls, ou deux-à-deux. Ces boutons commencent à s'ouvrir dans le mois de Mars: quand ils sont tout-à-fait ouverts, on apperçoit les jeunes fruits ou les embryons surmontés de quatre pétales, dont ils paroissent ensuite être comme couronnés. Ces pétales tombent dans le mois de Juin, & l'on voit alors les fruits gros comme des grains de chenevi, renfermant l'amande dans le centre. Ces fruits continuent à grossir dans le mois de Juillet & d'Août; ils mûrissent en Septembre & Octobre, & on les peut semer en Février & Mars. Toutefois comme le plus grand nombre des plantes est hermaphrodite, on ne sauroit assûrer qu'il ne se trouve jamais de fruit sur des guis mâles, ou quelques fleurs sur des guis femelles. Tout ce qu'un observateur peut dire, c'est qu'il n'en a pas vû. Erreurs des anciens sur le gui . Telle est l'origine, l'accroissement du gui , sa fructification, & la différence du sexe de cette plante: c'est aux recherches des modernes qu'on en doit les connoissances, les anciens n'en avoient que de fausses. Ils ont regardé le gui comme une production spontanée, provenant ou de l'extravasation du suc nourricier des arbres qui le portent, ou de leur transpiration; en conséquence ils lui ont refusé des racines. Ceux qui l'ont fait venir de semences, ont imaginé qu'elles étoient infructueuses, à-moins qu'elles n'eussent été mûries dans le corps des oiseaux. Ils ont créé des plantes différentes, des côtés ou des parties d'arbres sur lesquels croît le gui: de-là vient qu'ils ont nommé stelis ou ixia le gui attaché sur le bois du côté du nord, & hyphear celui qui est attaché du côté qui regarde le midi. C'est ce qu'on lit dans Pline, liv. XVI. ch. xxx . La distinction qu'ils ont encore tire de la variété des arbres sur lesquels il vient pour en former différentes especes, n'a pas un fondement plus solide; comme si une plante cessoit d'être la même, parce qu'elle croît dans des terreins différens. Mathiole a beau répéter, d'après Théophraste, que le gui de chêne, du roure, du châtaignier, perd ses feuilles à l'approche de l'hyver; il n'a répété qu'une fausse observation, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus. Malpighi s'est bien gardé de tomber dans aucune de ces diverses erreurs. Cet admirable observateur en tout genre, qui ne s'en tenoit point aux apparences ni aux idées des autres, mais qui cherchoit à voir, & qui rapportoit après avoir bien vû, a décrit très exactement, quoiqu'en peu de mots, la semence du gui , sa germination & ses racines. M. de Tournefort ne nous a rien appris de plus, que ce qu'avoit enseigné l'ami & le medecin d'Innocent XII. & il paroît même s'être trompé sur la description des embryons qui forment le fruit du gui femelle. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gui Author=Jaucourt Normalized Classification=Médecine | Matière médicale Part of Speech=NA Gui Gui , ( Med. & Mat. med. ) Si le gui touche la curiosité des Botanistes, je ne lui connois aucun point de vûe qui puisse intéresser le medecin. Il est vrai que cette plante parasite passoit autrefois pour une panacée; mais ces préjugés émanés de la superstition gauloise, doivent cesser aujourd'hui. Cependant on n'ignore pas les grandes vertus que quelques auteurs continuent de lui affigner; les uns le louent pour chasser la fievre quarte, pour provoquer les regles, pour tuer les vers des enfans; & d'autres le recommandent dans plusieurs remedes externes, emplâtres & onguens, pour mûrir ou pour résoudre les tumeurs. Je sai qu'un docteur anglois nommé Colbatch , a fait un discours sur cette plante, dans lequel il a transcrit les merveilles que Pline, Galien & Dioscoride lui ont attribuées; il la vante comme eux dans toutes les especes de convulsions, dans le vertige, l'apoplexie, la paralysie; & pour comble de ridicule, il donne la préférence au gui du noisetier sur celui du chêne. On retrouve toutes ces sotises dans d'autres ouvrages; mais l'entiere inutilité du gui en Medecine, & du plus beau gui de chêne qui soit au monde, n'en est pas moins constatée par l'expérience; & dans le fond d'où tireroit-il son mérite, que des arbres dont il se nourrit? Il y a même en particulier du danger à craindre dans l'usage des baies du gui; leur acreté, leur amertume & leur glutinosité, les font regarder comme une espece de poison. L'on prétend qu'employés intérieurement, elles purgent par le bas avec violence, & causent une grande inflammation dans l'estomac & les intestins. On comprend sans peine que l'acreté, la figure & la glu de ces baies, sont très propres à produire les mauvais effets dont on les accuse, en s'attachant fortement aux visceres & en les irritant: c'est néanmoins à l'expérience à décider. Mais au cas qu'on eût fait usage de ces baies en quelque quantité, soit par malheur ou par des conseils imprudens, un bon & simple remede seroit d'avaler peu-à-peu une grande abondance d'eau tiede, pour laver insensiblement cette glu, & faciliter par ce moyen l'expulsion des baies hors du corps. On composoit jadis avec les baies de gui le viscum aucupum , ou la glu des oiseleurs; mais présentement on a abandonné cet usage. On fait la bonne glu avec l'écorce de houx. Voyez Glu . ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gui ou Guy Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Gui Gui ou Guy , ( Marine. ) c'est une piece de bois ronde & de moyenne grosseur; on y amarre le bas de la voile d'une chaloupe & de quelques autres petits bâtimens. Il tient la voile étendue par le bas, & vient appuyer contre le mât. C'est proprement une vergue qui est au-bas de cette sorte de voile; au lieu que les vergues sont par le haut dans les voiles à trait quarré. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUJACANA Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique exotique Part of Speech=NA GUJACANA GUJACANA, ( Botaniq. exotiq. ) arbre étranger dont voici les caracteres. Ses feuilles sont alternes & de peu de durée; le calice est divisé en quatre parties; ses fleurs sont monopétales en forme de cloche, faites en tuyau dans leur partie inférieure, & divisées dans la partie supérieure en cinq segmens, quelquefois même davantage; l'ovaire est posé au centre du calice, & se change en un fruit plat, charnu, arrondi, partagé en plusieurs loges qui contiennent un grand nombre de semences dures, rangées circulairement. Miller compte trois especes de gujacana , dont il enseigne la culture: on l'appelle en Angleterre the date-plumb-trec . Celui de Virginie qu'ils cultivent beaucoup, y croît à une hauteur considérable. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIAGE, GUIDAGE ou GUIONAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=NA GUIAGE, GUIDAGE ou GUIONAGE GUIAGE, GUIDAGE ou GUIONAGE, guidagium, guidaticum , ( Jurispr. ) est un droit dû en Languedoc par les habitans des lieux qui sont le long de la côte de la mer, en vertu duquel ils sont obligés de tenir toutes les nuits des flambeaux allumés sur les tours les plus élevées, pour servir de guide aux vaisseaux qui sont en mer. Ce droit a été longtems sans être exigé; mais par arrêt du conseil d'état de 1673, il a été ordonné que ceux qui le devoient le payeroient à l'avenir. Les comtes de Toulouse levoient aussi autrefois un impôt pour la sûreté des chemins, appellé guiage. Voyez le glossaire de Lauriere, au mot guiage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIANACOES Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Zoologie Part of Speech=s.m. GUIANACOES GUIANACOES, s. m. ( Hist. nat. Zoolog. ) animal quadrupede d'Amérique, qui est de la taille de nos plus grands cerfs; il a le cou fort long, les jambes menues, & le pié fourchu; sa tête ressemble tout-à-fait à celle du mouton, & il la porte avec grace; sa queue est touffue & d'un roux très-vif; son corps est garni de laine rouge sur le dos, blanche sur les côtés & sous le ventre. Cet animal est extrèmement agile; il a la vûe perçante & fuit dès qu'on veut l'approcher, Les Indiens se servent de sa peau pour faire leurs vêtemens. Voyez le voyage à la mer du Sud , fait par quelques officiers commandant le vaisseau le Wager. (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIANE Author=La Condamine Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUIANE GUIANE, ( Géog. ) les Géographes donnent aujourd hui ce nom à tout le pays qui s'étend le long des côtes de l'Amérique méridionale, entre l'Orinoque & l'Amazone. On peut le diviser du nom de ses possesseurs d'orient en occident, en Guiane portugaise, Guiane françoise, Guiane hollandoise, & Guiane espagnole. La Guiane portugaise, que la France a cédée à la couronne de Portugal par la paix d'Utrecht, s'étend depuis la rive septentrionale & occidentale de l'Amazone jusqu'à la riviere d'Yapoco, que les François de Cayenne nomment Oyapoc , & qui fut mal-à-propos confondue alors avec la riviere de Vincent Pinçon, qui est beaucoup plus au sud. La Guiane françoise, ou la France équinoxiale, qui est la colonie de Cayenne, embrasse l'espace compris entre la riviere d'Oyapoc & celle de Marawini, que l'on nomme à Cayenne Marauni ou Maroni . La Guiane hollandoise commence à la riviere de Marawini, & se termine à celle d'Esséquébé. Il reste pour la Guiane espagnole le pays renfermé entre l'Esséquébé, où se termine la colonie hollandoise & l'Orinoco. Dans les premiers tems de la découverte de l'Amérique, où les Espagnols en prétendoient la possession exclusive, ils avoient donné le nom de nouvelle Andalousie à toutes les terres voisines des côtes, entre l'embouchure de l'Orinoco & celle de l'Amazone; & ils n'avoient donné le nom de Guiane ou plûtôt de Goyana , qui s'est depuis étendu jusqu'à la mer, qu'à la partie intérieure du Continent, renfermée entre leur nouvelle Andalousie & le fleuve des Amazones. C'est dans cet intérieur des terres qu'on plaçoit le fameux lac Parime, sur les bords duquel étoit située la ville fabuleuse de Manoa del Dorado. Voyez Parime & Manoa . Article de M. de la Condamine . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIBERT Author=unknown Normalized Classification=Manufacture de toile Part of Speech=NA GUIBERT GUIBERT, ( Manuf. en toile. ) espece de toiles de lin blanchi, qui se fabriquent à Louviers proche Roüen. Il y en a de fines, de moyennes, & de grosses. Elles sont appellées Guibert du nom de l'inventeur. Elles ont depuis 70 jusqu'à 75 aunes de longueur, & leur largeur de 2/3, de 7/8, ou de l'aune de Paris. On en fait des draps & des chemises. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIBRAI, (Fil de) Author=unknown Normalized Classification=Cirerie Part of Speech=NA GUIBRAI GUIBRAI, ( Fil de ) Cirier , fil d'étoupe blanchi dont on fait la meche des cierges, de la bougie filée, & des flambeaux de poing. Voyez les articles Cire , Cirier , Cierge , Bougie -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUICHET, ou VOLET Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=s.m. GUICHET, ou VOLET GUICHET, ou VOLET, s. m. ( Menuiserie. ) c'est ce qui fermé sur les chassis à verre, des croisées pour empêcher le jour: on nomme aussi guichets les petites portes d'une grande porte cochere. Voyez les Planches de Menuiserie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guichet Author=d'Argenville Normalized Classification=Hydraulique Part of Speech=NA Guichet Guichet , ( Hydraulique. ) les guichets sont des ouvertures pratiquées dans les grandes portes & vannes des écluses, pour introduire l'eau dans les petits bassins appellés formes , pour faire sortir les vaisseaux qui y ont été radoubés & mis en état d'entreprendre de grandes routes: ces guichets se ferment avec de petites vannes qu'on leve & baisse à l'aide des crichs attachés sur l'entre-toise supérieure. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUICHETIER Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GUICHETIER GUICHETIER, s. m. ( Jurisprud. ) est un valet de geolier ou concierge des prisons, qui est préposé à la garde des guichets ou portes de la geole, & qui a soin d'enfermer & de garder les prisonniers. L'ordonnance de 1660, tit. xiij. contient plusieurs dispositions sur le devoir des guichetiers . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIDAUX, GUIDELES, QUIRIATES, QUIDIATES, HAUTS ETALIERS Author=Goussier Normalized Classification=Pêche Part of Speech=NA GUIDAUX, GUIDELÉS, QUIRIATES, QUIDIATES, HAUTS ETALIERS GUIDAUX, GUIDELÉS, QUIRIATES, QUIDIATES, HAUTS ETALIERS, terme de Peche; c'est une sorte de silet composé de mailles de diverses grandeurs; il a la forme d'un sac de rets, ou d'une chausse d'apothicaire, à cette différence près, que le bout en est plus long, & qu'il finit en pointe émoussée. Cette espece de chausse a en tout environ trois brasses & demie ou quatre brasses, le haut une brasse de plus que le bas; ce qui donne une ouverture d'environ sept à huit piés de large. Pour établir ce filet, on plante sur les fonds de fortes perches ou de petits poteaux de la longueur de neuf à dix piés; ils sont enfoncés entre les roches ou dans le terrein d'environ deux piés; ce qui les fait sortir d'environ sept à huit piés, pour soûtenir les pieux à l'ebbe & à la marée; ils ont chacun deux étais frappés d'un bout sur la tête du pieux & de l'autre à un piquet convenablement éloigné. Ces pieux des bouts de la rangée sont en cone chacun, soûtenu par un étai, l'un dans l'eau, & l'autre vers la tête. L'ouverture du sac est garnie d'une ralingue ou gros cordage au haut du pieu du côté de l'eau: il y a au cordage un tillet de fer & un de corde du côté de terre; on distend cette ouverture tant par le haut que par le bas, qui est éloigné du terrein d'environ dix-huit pouces. Ce silet ne peut pêcher que d'ebbe, l'ouverture étant de ce côté, ensorte que rien ne s'y prend de flot; il y a quelques petites cordes qui tiennent l'ouverture en état. Après que les Pêcheurs ont nettoyé & vuidé le bout de leur guidau , ils le retroussent sur le haut des pieux; la marée retournant le fait tomber en s'entonnant dedans; il arrête toutes sortes de poissons en grande quantité, sur-tout du fretin si petit qu'à peine l'espece s'en peut-elle distinguer. Qu'on juge par-là du tort que ce filet fait en général à la Pêche. On met sur une même ligne plusieurs de ces guidaux ; il y en a jusqu'à vingt, trente, & plus, ce qui forme ce que les Pêcheurs appellent des étaliers; ils se réunissent ensemble pour cela. Voyez la disposition de ces guidaux dans nos Planches de Péche . On se sert aussi de ce filet dans les rivieres; on le place à une arche de pont dont on retrécit l'ouverture par un clayonnage: cette dispositlon differe peu de ce qu'on appelle gore ou gort . Les basches ne sont autre chose que des guidaux à bas étaliers, c'est-à-dire dont l'ouverture est beaucoup plus petite; les perches qui les soûtiennent n'ont que six piés de haut, & leur chausse n'a que deux brasses & demie à trois brasses au plus de long: on les établit pour pêcher au reflux, mais on peut s'en servir de flot ou d'ebbe. La basche est encore une espece de bout de quievre; il consiste en un sac de grosse toile formé en pointe, d'environ trois brasses de long & de deux de large: lorsqu'il est monté, les deux côtés sont arrêtées sur deux morceaux de bois que les Pêcheurs nomment canons ou colonnes . Ces canons ont trois piés & demi de haut; on passe dans le milieu une traverse de deux brasses de long pour distendre le haut & le bas du sac, ensorte que cette charpente a la figure H: au haut & au bas de ces deux colonnes est frappé un moyen cordage de deux à trois brasses de long. Les Pêcheurs passent sur leurs épaules les cordages des colonnes, & traînent cet instrument derriere eux à un jusqu'à deux & trois piés d'eau; il differe en ceci du boutteux ou bout de quievre, en ce que ces derniers instrumens sont poussés en-avant; au lieu que celui-ci est tiré derriere le pêcheur. Voyez nos Planches de Pêche . ( D ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIDE Author=unknown Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=s.m. GUIDE GUIDE, s. m. ( Gramm. ) on donne ce nom en général à tout ce qui sert à nous conduire dans une route qui nous est inconnue: il se prend au simple & au figuré. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guides Author=Le Blond Normalized Classification=Art militaire Part of Speech=NA Guides Guides , ( Art milit. ) ce sont à la guerre, des gens du pays choisis pour conduire l'armée & les détachemens dans la marche. On forme dans les armées des compagnies de guides; elles sont commandées par un officier auquel on donne le nom de capitaine des guides . « Les guides , dit Montecuculli, sont dans une armée comme les yeux dans le corps; on doit les bien garder, se les attacher par la récompense, par l'espérance, & par la crainte du châtiment ». Il observe qu'on leur fait quelquefois donner des ôtages pour gages de leur fidélité. L'emploi de capitaine des guides demande beaucoup d'habileté & de pénétration: cet officier doit absolument savoir la langue du pays où l'on fait la guerre, & ne rien négliger pour se procurer des guides sûrs & intelligens. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=NA Guide Guide , en Musique , est la premiere partie qui entre dans une fugue & qui annonce le sujet. Voyez Fugue . Ce mot commun en Italie n'est guere en usage en France en ce sens; mais il seroit à desirer qu'il le devînt, aussi-bien que tous ceux qui sont propres dans quelque art que ce soit, & dont la privation oblige de recourir à des périphrases. ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide Author=unknown Normalized Classification=Bourrelier Part of Speech=s.f. Guide Guide , s. f. terme de Bourrelier; c'est ainsi qu'on appelle des bandes de cuir étroites que l'on attache au bas des branches du mors des chevaux d'équipage, & qui servent à les gouverner. On distingue deux sortes de guides , les grandes & les petites: les petites guides sont des bandes de cuir garnies de boucles, que l'on attache aux branches du mors qui sont en-dedans & du côté du timon, & qui par l'autre bout vont, après s'être croisés, aboutir aux grandes guides où elles sont aussi attachées par des boucles: les grandes guides sont des bandes de cuit qui s'attachent aux branches du mors en-dehors au moyen de deux boucles, & que le cocher tient dans ses mains afin de pouvoir par leur moyen gouverner les chevaux & leur faire faire tous les mouvemens qu'il convient. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Guide Guide , c'est dans le sommier de l'orgue une regle ou barre de bois, m ( fig. 5 , 7 & 9. ) collée & cloüée sur la partie intérieure du dessous de la laie. Cette barre est traversée par des traits de scie m m m ( fig. 7 . ) paralleles & directement placés vis-à-vis ceux des soupapes qu'ils doivent regarder. Ces traits de scie du guide & ceux des soupapes, servent à loger les ressorts f g e ( fig. 6 & 9, Pl. d'Orgue . ) qui renvoyent les soupapes contre le sommier. Voyez Ressorts & Sommier . Guide , c'est aussi dans le sommier la suite des pointes cccc ( fig. 4 . ) entre lesquelles les soupapes se meuvent. Guide , c'est pour les pilotes la planche DD ( fig. 20 & 22. ) percée de trous, au-travers desquels les pilotes passent: la partie DE de la pilote qui entre dans le trou du guide , doit être plus menue que l'autre partie DC ( fig. 22 . ) qui doit ne point pouvoir y passer. Guide de clavier , c'est la suite de pointes EF , ( fig. 15 . ) entre-deux desquelles les touches se meuvent, & les pointes b b b ( fig. 18 . ) qui guident les touches du clavier de pédale. Voyez Clavier & Clavier de pédale . Guide , c'est pour les bascules brisées & les bascules du positif, des rangées de pointes en tout semblables à celles du guide des claviers, mais d'une grandeur & grosseur proportionnées à l'étendue des mouvemens qu'elles doivent conduire. Voyez les articles Bascules brisées, & Bascules du Positif -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide des sautereaux, des épinettes, & des clavecins Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Guide Guide des sautereaux, des épinettes, & des clavecins; c'est une regle de bois mince & qui est doublée de peau: cette regle est percée d'autant de trous que les registres au-dessous desquels ils répondent perpendiculairement. Le guide est placé à environ trois pouces au-dessous des registres dans l'intérieur du clavecin, & au-dessus des queues des touches; ensorte que lorsque les sautereaux ont traversé les registres & le guide , ils tombent directement sur les queues des touches. Voyez Clavecin , & la figure du profil de cet instrument, Pl. XV . de Lutherie, fig. 2 . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=NA Guide Guide , ( Menuiserie. ) ces ouvriers nomment ainsi le morceau de bois qui s'applique au côté d'un rabot ou autre instrument de cette nature, & qui dirige le mouvement lorsqu'il s'agit de pousser une feuillure. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide-Ane Author=unknown Normalized Classification=Cornetier Part of Speech=NA Guide-Ane Guide-Ane , en terme de Cornetier , s'entend d'une espece de couteau à deux lames dont l'une est placée plus bas que l'autre, de façon que quand celle-ci coupe, l'autre ne fait que marquer la place où la tranchante coupera au trait suivant. Cet outil sert à faire les dents d'un peigne. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guide Chaîne, ou Garde-Corde Author=Le Roy Normalized Classification=Horlogerie Part of Speech=NA Guide Chaîne Guide Chaîne , ou Garde-Corde , ( Horlog. ) nom que les Horlogers donnent à une piece qui sert à empêcher la fusée de tourner, lorsqu'une fois la montre est montée tout au haut. Voyez la fig. 44 . Pl. d'Horlogerie , où l'on voit en plan ce guide chaîne & son pié: ig représente l'extrémité de cette piece qui sert à arrêter la fusée lorsqu'une fois la montre est montée jusqu'au haut; & i une petite lame fort mince percée d'un trou dans son milieu: c'est au moyen de cette lame que cette piece s'ajuste dans son pié, comme il est marqué à l' art . Pié de Guide-Chaîne . Par cet ajustement, le guide-chaîne , sans pouvoir sortir de son pié, est mobile, & sa partie g peut s'approcher ou s'éloigner de la platine. Le petit ressort r ( fig. 44 . ) qu'on appelle le ressort du guide-chaîne , sert à tenir toûjours cette partie à une certaine distance de la platine, afin que le crochet de la fusée passe facilement dessous sans y toucher. Son pié est placé de façon que la chaîne passe au-dessus de sa partie g; & que son extrémité g posant sur la platine, rencontre le crochet de la fusée, quand on la tourne dans un sens contraire à celui où elle tourne, lorsque la montre marche; cette disposition bien entendue, voici comment cette piece empêche de tourner la fusée, lorsqu'une fois la montre est montée jusqu'au haut. Quand on monte une montre, la chaîne s'approche de plus en plus de la platine de dessus ou du balancier, comme il est facile de le voir en en remontant une hors de sa boîte: or lorsque la montre est montée presqu'au haut, la chaîne est fort près de cette platine; mais, comme nous l'avons dit, elle passe au-dessus du guide chaîne qui est continuellement élevé par le petit ressort r: par conséquent en approchant de la platine de dessus, elle le force à s'abaisser & à s'en approcher aussi; ce qu'il continue de faire jusqu'à ce que son extrémité g posant sur la platine, elle ne puisse plus baisser davantage; alors le crochet de la fusée la rencontrant, il est impossible de faire tourner la fusée davantage en ce sens; & par ce moyen on ne court point le risque de casser la chaîne; ce qui arriveroit presque immanquablement si l'on montoit la montre au-delà d'un certain nombre de tours. Voy. Fusée , Crochet de Fusée , Chaîne , Pié de Guide-Chaîne , &c. ( T ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIDON Author=Le Blond Normalized Classification=Histoire moderne | Art militaire Part of Speech=s.m. GUIDON GUIDON, s. m. ( Art milit. & Hist. mod. ) se prend dans l'art militaire pour une sorte d'étendard particulier à la gendarmerie françoise, & pour l'officier qui le porte. Il n'y a que les gendarmes de la garde & les gendarmes des compagnies d'ordonnance qui ayent cette espece d'étendard & d'officier; les chevau-legers d'ordonnance ne l'ont point. Cet étendard est plus long que large & fendu par le bout, les deux pointes arrondies. Il y a trois officiers dans les gendarmes de la garde avec le titre de guidon; ils sont après les enseignes: il n'y a qu'un officier avec ce titre dans chaque-compagnie de gendarmes; c'est le dernier des grands officiers. ( Q ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guidon Author=Rousseau Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.m. Guidon Guidon , s. m. ( Musique. ) en italien mostra , en latin index ou custos , est un petit signe de Musique qui se met à l'extrémité de chaque portée sur le degré où sera située la note qui doit commencer la portée suivante, afin de l'indiquer d'avance & d'empêcher qu'on ne prenne une portée pour l'autre. Si cette premiere note est accompagnée d'un dièse, d'un bémol ou d'un béquarre, il est bon d'en accompagner aussi le guidon . ( S ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guidon Author=unknown Normalized Classification=Arquebuserie Part of Speech=NA Guidon Guidon , terme d'Arquebusier , c'est un petit morceau d'argent ou de cuivre taillé en grain d'orge un peu plus gros, qui est soudé au-dessus du canon, à un pouce du bout d'en-haut, qui sert pour viser & fixer le point de vûe. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIDONE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GUIDONE GUIDONE, s. f. guidonia , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante dont le nom a été dérivé de l'un des noms de baptême de M. Gui Crescent Fagon, premier medecin du roi Louis XIV. & intendant du jardin royal des plantes. La fleur des plantes de ce genre est monopétale, ressemblante à un cone tronqué, & posée sur un calice découpé; il s'éleve du nombril de ce calice un pistil qui devient dans la suite un fruit ovoïde & charnu; ce fruit s'ouvre d'un bout à l'autre en quatre parties, & il est rempli de semences ordinairement oblongues & attachées à un placenta. Plumier, nova plant. american. gener. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIENNE, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUIENNE GUIENNE, ( la ) Aquitania , ( Géog. ) partie considérable du royaume de France; mais il faut bien distinguer la Guienne , province, de la Guienne propre. La Guienne , province, est bornée au nord par le Poitou, l'Angoumois, & la Marche; à l'est par l'Auvergne & par le Languedoc; au sud par les Pyrénées, & à l'oüest par l'Océan. Elle forme le plus grand gouvernement de France, qui a quatre-vingt lieues de large sur quatre-vingt-dix de long: les rivieres qui l'arrosent sont l'Adour, le Tarn, l'Avéiron, & le Lot. Il ne paroît pas que le nom de Guienne qui a succédé à celui d'Aquitaine connu des Romains, ait été en usage avant le commencement du quatorzieme siecle; cependant il commença dès-lors à prendre faveur, & il prévalut sur la fin du siecle suivant. Le duché de Guienne acquis par l'Angleterre dans le douzieme siecle, revint à la France sous le regne de Charles VII. l'an 1553; & cette derniere puissance en a toûjours joüi depuis. La Guienne entiere est divisée en haute & basse: la basse comprend le Bourdelois, le Périgord, l'Agénois, le Condomois, le Bazadois, les Landes, la Gascogne proprement dite, le pays de Soule & de Labour. La haute Guienne dont la principale ville est Montauban, comprend le Quercy, le Roüergue, l'Armagnac, le comté de Comminges, le Couserans, & la Bigorre. Ces pays qui composent la haute Guienne , sont tous du ressort du parlement de Toulouse; il n'y a que la basse Guienne qui reconnoisse le parlement de Bourdeaux. Je supprime les autres détails de géographie, pour ajouter une seule remarque qui intéresse le bien de l'état. Cette partie de la Guienne qui porte le nom de haut-pays , ne connoît que l'Agriculture & les arts qui en dépendent, sans lesquels lorsque les récoltes manquent, les habitans sont dans l'impossibilité de payer leurs charges: c'est donc au prince à les faire joüir de la liberté de leur commerce, & à leur accorder un droit naturel dont la propriété ne peut prescrire, & dont l'exercice ne peut etre interrompu, sans supposer que la religion du souverain a été surprise. Il ne faut point perdre à la discussion de vains titres d'abus, un tems mieux employé à les abolir. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIENNE propre, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUIENNE propre GUIENNE propre , ( la ) Géogr. la Guienne propre , ou proprement dite, est une contrée de province de France, au gouvernement de Guienne , dont elle fait partie, & auquel elle donne son nom. Elle est bornée au N. par la Saintonge, à l'E. par l'Agénois & le Périgord, au S. par le Bazadois & par la Gascogne, à l'O. par l'Océan. Ce pays comprend le Bourdelois, le Médoc, le capitalat de Buch, & le pays entre deux mers. La ville principale de la Guienne propre est Bordeaux. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIGNES Author=unknown Normalized Classification=Jardinage | Diète Part of Speech=s.f.pl. GUIGNES GUIGNES, s. f. pl. ( Jardinage & Diete. ) espece de cerises, voyez Cerise & Guignier . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIGNEAUX Author=unknown Normalized Classification=Charpenterie Part of Speech=s.m. GUIGNEAUX GUIGNEAUX, s. m. ( Charpenterie. ) pieces de bois qui s'assemblent dans la charpente d'un toît, & sur les chevrons, où elles laissent un passage à la cheminée, comme le chevêtre dans les planchers. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIGNIER Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.m. GUIGNIER GUIGNIER, s. m. ( Botan. ) arbre qui porte les guignes; c'est une espece de cerisier nommé des Botanistes cerasus fructu aquoso , J. D. R 626. cerasus carne tenerâ & aquosâ , C. B. P. 450. Cet arbre ne differe pas du bigarreautier; ses fruits nommés en Botanique cerasa aquea , sont plus mous que les bigarreaux, plus succulens, & d'un rouge plus foncé; ils chargent moins l'estomac, donnent par l'analyse chimique une moindre portion d'huile, & par conséquent contiennent un sel essentiel tartareux, délayé dans beaucoup de flegme; ils se corrompent plus aisément que les cérises ordinaires; il y a des guignes blanches, des rouges, & des noires. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIGNOLE Author=unknown Normalized Classification=Balancier Part of Speech=s.f. GUIGNOLE GUIGNOLE, s. f. ( Balances. ) c'est un pié d'où part une branche recourbée & terminée en crochet; elle sert à suspendre les trebuchets ou petites balances, afin de peser plus juste. Cet instrument est à l'usage de tous ceux qui debitent des marchandises précieuses. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILFORD Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUILFORD GUILFORD, Guillosordium , ( Géog. ) ville à marché d'Angleterre, capitale du comte de Surrey, sur le Wey. Elle envoye deux députés au parlement, & est à 25 milles S. O. de Londres. Long. 17. 6. lat. 51. 10 . Robert & Georges Abbot, freres, étoient tous les deux de Guilford . Robert Abbot y naquit en 1560, & mourut en 1618. Le roi Jacques fut si charmé de son livre latin de la souveraine puissance , qu'il fit l'auteur évêque de Salisbury, & le combla de bienfaits; en échange Georges Abbot ayant eu le malheur de déplaire au même prince, fut suspendu des fonctions de son archevêché de Cantorbery, & mourut de chagrin au château de Croyedom, le 4 Août 1633 Tel a été le sort des deux freres: celui qui soûtint la mauvaise thèse, fut magnifiquement récompensé, & celui qui défendit la bonne cause, fut disgracie. ( D. J .) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLAIN (Saint) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUILLAIN GUILLAIN, ( Saint-) Gislenopolis, Géog. ville des Pays-Bas autrichiens, au Hainaut, dans la prevôté de Mons, qu'elle défend par ses écluses. Elle est dans un lieu marécageux, sur la riviere de Haine, à deux lieues de Mons. Longit. 21. 29. latit. 50, 25 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLAGE Author=unknown Normalized Classification=Brasserie Part of Speech=s.m. GUILLAGE GUILLAGE, s. m. ( Brasserie. ) c'est la fermentation & l'action que fait la bierre dans les pieces pour pousser dehors l'écume épaisse que les Brasseurs appellent levure . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLAUME Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=s.m. GUILLAUME GUILLAUME, s. m. ( Menuiserie. ) c'est un outil de 18 à 20 pouces de long, sur 4 à 5 de large, & un pouce plus ou moins d'épaisseur. Il y a au milieu une espece de mortoise, qui perce jusqu'aux trois quarts de la largeur ou hauteur; c'est le passage de la queue du fer qui y est ferré avec un coin; le surplus est ouvert en-travers; c'est la place du tranchant du fer; car le fer est de toute l'épaisseur du fust jusqu'à la hauteur d'un pouce & demi ou environ; il est tranchant sur les deux côtés, pas tout-à-fait tant du côté de dessous, qui est son vrai tranchant. Il y a plusieurs sortes de guillaumes . Voyez les Planches de Menuiserie , & les articles suivans . Il y a le guillaume ceintré, & plusieurs especes de guillaumes ceintrés. Le guillaume ceintré sur le plat, & le guillaume ceintré sur les côtés. Ceux-ci sont d'usage dans les ouvrages ceintrés. Le guillaume debout, c'est celui dont le fer n'est point incliné & n'a point de pente; on s'en sert lorsque les bois sont trop rustiques, & que les autres ne peuvent les couper net. Le guillaume à ébaucher, qui sert à commencer les ravallemens de feuillures. Le guillaume à plate-bande, avec lequel on forme les plates-bandes; il est fait comme les autres, à l'exception qu'il a une joue qui dirige l'outil dans le travail de la plate-bande; que l'angle extérieur en est arrondi, & que quelquefois il porte un quarré. Le guillaume à recaler, qui sert à finir les feuillures, les ravalemens, &c . Il y a encore un guillaume qui est commun aux Menuisiers & aux Charpentiers, avec lequel ils dressent les tenons & moulures de fond des feuillures. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLEDIN Author=Bourgelat Normalized Classification=Manège Part of Speech=s.m. GUILLEDIN GUILLEDIN, s. m. ( Manége. ) terme qui dans notre langue signifie proprement un cheval hongre anglois. Il a été fait du mot gelding , usité pour exprimer dans la langue angloise, l' action de châtrer ou de couper, & par lequel on désigne encore un cheval hongre , un cheval coupé, cuthorse . ( e ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLELMITES Author=Mallet Normalized Classification=Histoire ecclésiastique Part of Speech=s.m.pl. GUILLELMITES GUILLELMITES, s. m. pl. ( Hist. ecclés. ) congrégation de religieux, instituée par S. Guillaume, hermite de Malaval en Toscane, & non par Guillaume dernier duc de Guienne, comme le prétendent ces religieux contre le sentiment des critiques. Ils ne suivent point non plus la regle de S. Augustin, puisqu'ils s'opposerent à l'union qu'on avoit faite de leur ordre a celui des hermites de S. Augustin, & que le pape Alexandre IV. par une bulle de l'an 1256, leur permit de conserver leur habit particulier, & de suivre la regle de S. Benoit avec les instructions de S. Guillaume leur fondateur. Cet ordre subsiste encore en Allemagne & en Flandres. Il avoit aussi autrefois des maisons en France, & le roi Philippe le Bel donna à ces religieux ce'le que les Blancs Manteaux avoient à Paris, qu'ils occuperent depuis l'an 1299 jusqu'en 1630, que les Bénédictins de S. Vanne prisent leur place; & ceux-ci l'ont cédée à la congregation de S. Maur. Voyez Blancs-Manteaux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLEMET Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=s.m. GUILLEMET « GUILLEMET, s. m. dans l'usage de l'Imprimerie; c'est le nom d'une espece de caractere figuré ainsi, & qui représente deux virgules assemblees, dont on se sort pour annoncer au lecteur que ce qu'il va lite, est tiré d'un autre auteur que celui qu'il lit. Au defaut de guillemets , on met les citations d'auteurs en caractere italique. Cet article-ci est précede de guillemets , pour en faire voir la figure & l'usage, dans le cas où l'article est tiré d'un autre auteur ». -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLOCHER Author=unknown Normalized Classification=Tourneur Part of Speech=v.act. GUILLOCHER GUILLOCHER, v. act. ( Tourneur. ) voyez à l'article Tour la maniere de guillocher . Les Vernisseurs font des tabatieres de carton, & autres ouvrages qui semblent être guillochés , par les differentes couleurs qui y sont posées. Pour cet effet les ouvriers qui forment la boîte, la guillochent sur le tour quand elle est bien seche, comme on fait aux boîtes d'écaille; ensuite le vernisseur remplit ces guillochures avec différentes couleurs au vernis, & ensuite y met autant de couches de verni qu'il est nécessaire pour la rendre unie & luisante. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLOCHIS Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GUILLOCHIS GUILLOCHIS, s. m. terme d'Architecture , c'est un ornement qui se taille sur les faces, plate-bandes, & sofites d'architrave en formes d'entre-bas. Cet ornement est antique: il s'en voit au plafond du temple de Mars le vengeur à Rome. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guillochis ou Entrelas Author=d'Argenville Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Guillochis Guillochis ou Entrelas , ( Jardinage. ) est un compartiment formé de lignes ou d'allées quarrées entrelacées les unes dans les autres. Ces sortes de desseins, qui se font avec du bois, du gason, ou de la charmille, conviennent également aux parterres comme aux bosquets. ( K ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUILLOIRE, CUVE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GUILLOIRE, CUVE GUILLOIRE, CUVE, battre la guilloire; voyez l'article Brasserie . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIMARAENS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUIMARAENS GUIMARAENS, Vimananum , ( Géog. ) ancienne, forte, & considérable ville du Portugal, dans la province d'entre Duéro-e-Minho, & dans la Comarca. Elle a été souvent le séjour des rois de Portugal, & ce qui en est une suite, les édifices publics modernes ont de l'éclat. Elle est à 3 lieues de Brague, 11 de Porto, 16 N. O. de Lamégo, 66 N. E. de Lisbonne. Iong. 9. 46. latit. 41. 25 . Guimaraens donna le jour au pape Damase, successeur de Libere en 366; ce pape tint plusieurs conciles, excommunia les Lucifériens, introduisit l'usage de chanter l' alleluia , & eut un illustre secrétaire en la personne de S. Jérôme. Cette ville est encore la patrie d'Alphonse, premier roi de Portugal, qui défit cinq rois Maures confédérés, a la bataille d'Ourique en 1139, & mourut à Coimbre en 1185, âgé de 76 ans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIMAUVE Author=Jaucourt Normalized Classification=Botanique Part of Speech=s.f. GUIMAUVE GUIMAUVE, s. f. ( Botan. ) althaea ou bismalva des Botanistes; ses caracteres sont les mêmes que ceux de la mauve, voyez Mauve . Ses racines qui sortent d'une tête, sont blanches en-dedans, nombreuses, de la grosseur d'un doigt, fibreuses, & remplies d'un mucilage gluant, ses tiges sont hautes d'environ trois piés & demi, tendres, greles, cylindriques, velues, garnies de feuilles alternes, d'un verd-pâle, arrondies, pointues, blanchâtres, cotonneuses, longues d'environ trois pouces, ondées, dentelées, & portées sur une grande queue. Ses fleurs naissent des aisselles des feuilles; elles sont d'un blanc tirant sur le rouge, d'une seule piece, partagée en cinq parties jusque vers la base, & garnies dans cet endroit d'un tuyau pyramidal charge d'étamines & de sommets; le pistil s'emboîte dans ce tuyau, & devient un fruit applati & arrondi, composé de plusieurs capsules, disposées en maniere d'anneau, arrangées autour d'un placenta qui occupe le centre. Ces capsules sont membraneuses, minces, en forme de rein, & elles contiennent une graine de même figure. Il n'est pas aisé de décider si notre guimauve est l' althaea de Dioscoride; on peut soûtenir également le pour & le contre: mais nos botanistes modernes l'ont trop bien caractérisée, pour qu'on la confonde dans la suite; elle vient par-tout dans les lieux maritimes, dans les marais, le long des ruisseaux, & fleurit au mois de Juillet. On fait un grand usage en Medecine des feuilles, des fleurs, des graines, & sur-tout des racines de cette plante. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guimauve Author=Venel Normalized Classification=Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=NA Guimauve Guimauve , ( Pharmacie & Mat. med. ) on n'employe ordinairement en Medecine que la racine de cette plante; elle contient un mucilage abondant: on en retire par une legere ébullition dans l'eau jusqu'à trois gros & quelques grains par once, selon Cartheuser. Mais il est difficile d'estimer au juste la quantité de cette matiere, parce que son poids varie considérablement selon le plus ou le moins d'eau auquel elle est unie. Voyez l'article Mucilage . Ce mucilage est la vraie partie médicamenteuse de la guimauve . Les usages médicinaux de la guimauve lui sont communs avec les autres substances végétales mucilagineuses; & les propriétés particulieres que plusieurs auteurs lui ont accordées contre la pleurésie, l'asthme, les graviers, & les petits calculs des reins & de la vessie, ne sont rien moins que vérifiées. On l'ordonne pour l'usage intérieur sous forme de tisanne, ordinairement avec d'autres remedes analogues, tels que les fruits doux, le chiendent, la réglisse, l'orge, &c. On doit avoir soin de ne la faire entrer qu'en petite quantité dans ces tisannes, à la dose d'une once tout-au-plus par pinte d'eau, & de ne l'introduire dans la décoction que sur la fin de l'ébullition, parce que trop de mucilage rendroit cette boisson gluante, épaisse, dégoûtante, & nuisible à l'estomac. On employe encore cette racine en cataplasme, dans la vûe de ramollir les tumeurs inflammatoires, de calmer les douleurs qu'elles causent, & de les mener à suppuration; on en fait des lotions & des fomentations dans la même vûe: quelques praticiens recommandent ces remedes extérieurs dans quelques affections des parties internes, dans la pleurésie, par exemple, l'inflammation du foie, des reins, & de la vessie. Voyez quel succès on doit attendre de ces remedes aux articles Inflammatoires , ( Maladies) & Topique . On employe aussi aux mêmes usages, mais beaucoup plus rarement, tant pour l'intérieur que pour l'extérieur, les feuilles, les semences, & les fleurs de guimauve; ces parties sont moins mucilagineuses que les racines. On prépare avec la guimauve un sirop simple, & des tablettes; elle donne son nom au sirop de guimauve composé ou sirop de ibisco , au sirop de guimauve de Fernel, & à la pâte de guimauve , & à l'onguent appellé communément d' althaea . Sirop de guimauve simple . Prenez des racines fraîches de guimauve mondées & coupées par tranches, six onces: faites-les cuire dans huit livres d'eau commune: passez, ajoûtez six livres de sucre, clarifiez & cuisez en consistence de sirop. Cette composition a les même usages intérieurs que la décoction de la racine. Elle n'est pas de garde, c'est pourquoi les bons apothicaires la renouvellent très-souvent, sur-tout en été. Sirop de guimauve de Fernel . Prenez de racines de guimauve deux onces; de pois chiches une once; de racines de chiendent, d'asperges & de réglisse, de chacune demi-once; de raisins secs mondés, demi-once; de sommités de guimauve , de mauve, de pariétaire, de pimprenelle, de plantain, de capillaire commun, de chacun une once; des quatre grandes semences froides majeures, & des mineures, de chacune trois gros: cuisez dans demi-livre d'eau jusqu'à la moitié: passez: ajoûtez à la colature quatre livres de sucre: clarifiez & unissez en consistence de sirop. On ordonne ce sirop depuis demi-once jusqu'à une & deux onces dans les juleps béchiques & diurétiques; on l'ajoûte en plus grande dose aux tisannes & aux émulsions pour boisson ordinaire; on le fait prendre aussi par petites cuillerées pour calmer la toux. C'est un remede fort innocent, c'est-à-dire peu dangereux & peu utile. Le sirop de ibisco est proprement le même que celui - ci; les seuls de ses ingrédiens qui pourroient l'en faire différer essentiellement, sont les racines de raifort sauvage & de raifort de jardin, qui contiennent, comme on sait, un alkali volatil libre; mais la décoction que ces racines essuient, remet la partie qu'elles fournissent au sirop dans le rang de simple extrait. Onguent d'althaea . Prenez d'huile de mucilage, deux livres; de cire jaune, demi-livre; de poix résine & de térébenthine claire, de chacune quatre onces: faites fondre le tout à petit feu: retirez du feu, & remuez avec une spatule de bois jusqu'à ce que le mélange soit refroidi, & vous aurez votre onguent. Il n'y a pas un atome de mucilage de guimauve dans cet onguent ( voyez Mucilage ); il est résolutif, maturatif, & anodyn; on l'employe quelquefois avec succès dans les rhumatismes legers & dans les douleurs de côté ou fausses pleurésies. Quelques medecins en font faire aussi des frictions legeres sur le côté dans les vraies pleurésies ( voyez Pleurésie , Rhumatisme , & Topique ). Tablettes de guimauve de la pharm. de Paris . Prenez de la pulpe de racine de guimauve passée par le tamis, douze onces; sucre blanc, deux livres; eau de fleurs d'orange, deux onces: cuisez au bain-marie jusqu'à la consistence d'électuaire solide: faites des tablettes selon l'art. Voyez Tablettes . L'usage de ces tablettes est très-fréquent dans le rhume. On les laisse fondre dans la bouche; la salive qui s'en charge peut calmer la toux gutturale & stomacale. La toux pectorale, le vrai rhume, ne paroît point pouvoir être soulagé par ce remede. Pâte de guimauve . Prenez de la gomme arabique, la plus blanche, deux livres & demie; du sucre blanc, deux livres & quatre onces; d'eau commune, huit livres: faites fondre le sucre & la gomme: passez, faites cuire jusqu'à consistence d'extrait en remuant continuellement avec une spatule; alors remuez & battez fort & sans relâche, en jettant dans votre masse peu-à-peu six blancs d'oeufs battus, avec demi-once d'eau de fleurs d'orange: continuez à brasser jusqu'à ce que votre masse devienne d'un beau blanc: enfin cuisez encore sur un feu doux en remuant toûjours, jusqu'à ce qu'en frappant sur la masse avec la main, elle ne s'y colle point. Tirez-la de la bassine encore chaude, jettez-la sur une feuille de papier couverte d'une petite couche de farine, elle s'y étendra d'elle-même, & prendra une épaisseur à-peu-près uniforme, d'un demi-pouce ou environ. Cette préparation est connue sous le nom de pâte de guimauve , parce que dans les dispensaires, la décoction de guimauve est demandée au lieu de l'eau. On fait de cette pâte le même usage que des tablettes de guimauve . La racine de guimauve entre dans plusieurs compositions officinales. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIMBARDE Author=unknown Normalized Classification=Menuiserie Part of Speech=s.f. GUIMBARDE GUIMBARDE, s. f. ( Menuiserie. ) outil qui sert à égaliser le fond des rainures, lorsque le guillaume ni le bouvet ne peuvent y atteindre. Cet outil est un morceau de bois plat environ d'un pié de long sur cinq à six pouces de large, & un pouce & demi d'épaisseur, au milieu duquel on place un fer de bouvet arrêté avec un coin. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guimbarde, (la) Author=unknown Normalized Classification=Jeu Part of Speech=NA Guimbarde Guimbarde , ( la ) Jeux; on appelle autrement ce jeu de cartes, la mariée , parce qu'il s'y fait un mariage entre le roi & la dame de coeur; il se peut joüer jusqu'à neuf personnes, & pour lors on se sert du jeu complet de cinquante-deux cartes. La dame de coeur est la guimbarde , & la principale carte du jeu. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIMBERGE Author=unknown Normalized Classification=Architecture gothique Part of Speech=NA GUIMBERGE GUIMBERGE, terme d'Architecture gothique; ce mot s'entend dans Philibert de Lorme, de certains ornemens de mauvais goût, aux clés suspendues ou culs-de-lampe des voûtes gothiques. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIMPE Author=unknown Normalized Classification=Histoire moderne Part of Speech=s.f. GUIMPE GUIMPE, s. f. ( Hist. mod. ) partie du vêtement des religieuses; c'est une espece de bande ou de mouchoir dont elles se couvrent le cou & la poitrine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIMPLE Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GUIMPLE GUIMPLE, s. m. ( Comm. ) droit qui se leve sur le sel dans quelques endroits de la Bretagne, particulierement dans toute la prevôté de Nantes. Il est dit dans la pancarte de cette prevôté, que le roi & duc prend par chacun an sur le sel, passant le trépas S. Nazaire, le droit appellé le devoir de guimple , c'est-à-dire le devoir de salage , sur trois vaisseaux portant chacun plus de six muids de sel, mesure nantoise, au choix & élection du receveur, une fois en l'an. Voyez les dictionn. de Commerce & de Trévoux . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDA Author=unknown Normalized Classification=Tonderie de draps Part of Speech=s.m. GUINDA GUINDA, s. m. ( Tondeurs de draps. ) petite presse à moulinet & sans vis, dont on se sert pour donner le cati à froid aux étoffes de laine, après qu'elles sont tendues à fin ou en dernier, comme disent les ouvriers; la presse à vis ou à jumelles n'est plus d'usage. Le guinda n'est guere employé qu'à Paris, Tours, & Orléans. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDAGE Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GUINDAGE GUINDAGE, s. m. terme d'Architecture; c'est l'équipage des poulies, moufles, & cordages, avec les halemens, qu'on attache à une machine & à un fardeau, pour l'enlever; ce qui est signifié par carchesium dans Vitruve, lorsqu'il parle des machines de guerre. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDAL Author=unknown Normalized Classification=Architecture Part of Speech=s.m. GUINDAL GUINDAL, s. m. ( Architecture. ) Voyez Chevre . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDANT Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=adject GUINDANT GUINDANT, adj. pris subst. ( Marine. ) c'est la hauteur d'un pavillon, d'une flamme, ou d'une cornette; sa longueur se nomme battant . ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guindant d'un Pavillon Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Guindant d'un Pavillon Guindant d'un Pavillon , ( Marine. ) c'est sa hauteur, c'est-à-dire la partie du pavillon qui regne le long du bâton de pavillon qu'on appelle épars; & sa longueur qu'on nomme le battant , est la partie qui voltige en l'air. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDER Author=Blondel Normalized Classification=Architecture Part of Speech=v.act. GUINDER GUINDER, v. act. terme d'Architecture , c'est enlever les pierres d'un bâtiment par le moyen des machines, comme grue, gruau, guindal, ou engin. ( P ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDERESSE Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GUINDERESSE GUINDERESSE, s. f. ( Marine. ) cordage qui sert à guinder & à amener les mâts de hune. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINDRE Author=unknown Normalized Classification=Manufacture en soie Part of Speech=s.m. GUINDRE GUINDRE, s. m. ( Manufactures en soie. ) petites tournettes de roseau sur lesquelles on met les écheveaux de soie à devider; elles ont ordinairement quatorze à quinze pouces de diametre sur dix pouces de hauteur. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINÉE Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. GUINÉE GUINÉE, s. f. ( Commerce. ) toile de coton blanche plûtôt fine que grosse, qui vient de Pondichery; la piece est de vingt-neuf à trente aunes de longueur, sur 7/8 de largeur: il y a des guinées stufs, rayées, blanches, bleues, qui n'ont que trois annes & demie de long sur deux tiers de large. Ces toiles sont bonnes pour la traite qu'on fait sur les côtes d'Afrique; c'est-là ce qui les a fait appeller guinées . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guinée Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.f. Guinée Guinée , s. f. ( Commerce. ) monnoie d'or qui se fabrique en Angleterre; elle a été ainsi appellée de la contrée d'où l'on apporta la matiere dont les premieres furent frappées. La guinée a beaucoup varié de valeur; elle est de vingt-un schelings. Voy. Scheling . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guinée, (la) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Guinée, (la Guinée, (la ) Géog. vaste contrée d'Afrique, qui renferme plusieurs royaumes grands & petits, & divers peuples différemment gouvernés. Ce grand pays est situé entre la Nigritie au nord, l'Abyssinie à l'orient, & la Caffrerie au midi. La Guinée a été entierement inconnue aux anciens. Nous n'en connoissons guere que les côtes qui commencent à la riviere de Sierra-Lionna, & s'étendent jusqu'au Cap-Negre, c'est-à-dire environ dix degrés en-deçà de la ligne, & seize degrés au-delà. On divise la Guinée en haute & basse; la basse Guinée est le même état que le Congo, dont la traite des Negres fait le plus important commerce des Portugais dans ce pays-là. La haute Guinée est bornée au sud par l'Océan, & comprend divers pays que l'on trouve de suite & qu'on subdivise chacun en divers royaumes, dont les nom, changent à mesure qu'on avance d'occident en orient: ces pays sont la côte de Malaguette, la côte des Dents, la côte d'Or, les royaumes de Juda, du grand Ardre, & de Bénin. Tout le négoce des Européens se fait sur les côtes des lieux que nous venons de nommer. Les naturels sont des idolatres, superstitieux, vivans très-mal-proprement; ils sont paresseux, yvrognes, fourbes, sans souci de l'avenir, insensibles aux évenemens heureux & malheureux qui réjoüissent ou qui affligent les autres peuples; ils ne connoissent ni pudeur ni retenue dans les plaisirs de l'amour, l'un & l'autre sexe s'y plonge brutalement dès le plus bas âge. Leur peau est très-noire; leurs cheveux sont une véritable laine, & leurs moutons portent du poil. Ils vont tout nuds pour la plûpart; & ceux qui sont assez riches pour être vêtus, ont une espece de pagne qu'ils roulent autour du corps, & qu'ils laissent pendre depuis le nombril jusqu'à mi-jambe: ces derniers se frottent d'huile & de peinture, & ornent leur cou, leurs bras, & leurs jambes, d'anneaux d'or, d'argent, d'ivoire, & de corail. Presque tous les naturels de Guinée sont exposés à des dragonneaux, espece de vers qui entrent dans leur chair, & la rongent par des ulceres qu'ils y causent. La petite vérole est un autre fléau encore plus redoutable, & qui les emporte de-tems-en-tems par milliers. Il paroît que les Diépois découvrirent cette contrée en 1364 sous Charles V. & qu'ils y ont navigé avant les autres nations européennes; mais ils n'y formerent aucune habitation. Les Portugais plus avisés s'y établirent au commencement du quinzieme siecle, & l'année 1604 fut l'époque fatale de leur déroute; alors les Hollandois les chasserent des forts & des comptoirs qu'ils avoient sur les côtes, & les contraignirent de se retirer bien avant dans les terres, où pour se maintenir ils se sont alliés avec les naturels du pays. Depuis cette époque, les Hollandois & les Anglois font presque tout le commerce des côtes de Guinée: les Brandebourgeois & les Danois y ont cependant quelques comptoirs. Sous le regne de Jean II. roi de Portugal, qui travailloit avec tant d'ardeur à l'établissement des colonies portugaises dans les Indes & en Afrique, on trouva de l'or sur les côtes de Guinée , mais en petite quantité; c'est peut-être de-là qu'on donne depuis le nom de guinées aux monnoies que les Anglois firent frapper avec l'or qu'ils amasserent dans le même pays. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guinée, (la Nouvelle) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA Guinée, (la Nouvelle Guinée, (la Nouvelle ) Géog. grande contrée de l'Océan oriental des Moluques; on ignore si c'est une île, ou si cette contrée est attachée au continent des terres Australes: quoi qu'il en soit, elle est entre le deuxieme & le neuvieme degré de latitude méridionale, & entre les 146 & les 165 degrés de longitude. Elle va en se retrécissant vers le nord-ouest, & en s'élargissant vers le sud-est: par les 150 degrés, on y apperçoit une montagne nommée par les Hollandois Sneberg , parce qu'elle est chargée de neige. On dit que ce pays fut découvert en 1527 par Alvar de Paavédra, mais il n'y fit que passer: le terroir fertile par lui-même, est habité par des sauvages d'un teint brun olivâtre. Il est bien étonnant qu'on ne connoisse rien de l'intérieur d'un pays voisin des Moluques, & que tout ce qu'on en sait se réduise au gisement d'une partie de ses côtes. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINES Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUINES GUINES, ( Géog. ) petite ville de France en Picardie, située dans un pays marécageux, à deux lieues de la mer; elle est capitale d'un petit comté qui faisoit autrefois partie de celui de Boulogne. Long. 19. 30. latit. 50. 57 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINGAMP Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUINGAMP GUINGAMP, ( Géog. ) petite ville de France en Bretagne, capitale du duché de Penthievre, à 103 lieues sud-oüest de Paris. Long. 14. 39. 15. latit. 48. 33. 42 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINGUANS Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA GUINGUANS GUINGUANS, ( Comm. ) toile de coton quelquefois mêlée de fils d'écorce d'arbres, qui n'est ni fine ni grosse, tantôt bleue, tantôt blanche, de huit aunes de long sur trois quarts ou cinq huitiemes de large, & qu'on tire des Indes orientales, sur-tout de Bengale; il y en a qui sont moitié soie moitié écorce. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUINGUET Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GUINGUET GUINGUET, s. m. ( Marine. ) Voyez Élinguet . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIONAGE Author=Boucher d'Argis Normalized Classification=Jurisprudence Part of Speech=s.m. GUIONAGE GUIONAGE, s. m. ( Jurisprudence. ) est la même chose que guiage . Voyez ci-devant Guiage . ( A ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIPÉ Author=Diderot Normalized Classification=Broderie Part of Speech=adject GUIPÉ * GUIPÉ, adj. pris subst. ( Brod. ) point de broderie qui n'a lieu que sur le vélin; il se fait en conduisant le fil d'or ou d'argent à une certaine distance où on l'arrête, & en ramenant la suite de ce fil au point d'où l'on est parti, & toûjours de même. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guipé Author=unknown Normalized Classification=Boutonnier Part of Speech=NA Guipé Guipé , en terme de Boutonnier , il se dit d'un fil de deux ou plusieurs brins retordus ensemble dans le sens naturel, & d'un troisieme de même ou de différente couleur, attaché plus ou moins loin du roüet, mais vis-à-vis, sur un émerillon; le roüet en mouvement y met les maîtres brins qui sont accrochés à l'émerillon, qui tourne & fait tourner le troisieme que l'on conduit de l'émerillon jusqu'au roüet, en laissant entre les tours qu'il fait sur les maîtres brins, plus ou moins de distance. Le guipé peut entrer dans toutes sortes d'enjolivemens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIPER Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=v.act. GUIPER * GUIPER, v. act. ( Ruban. ) c'est donner la derniere main à la frange que l'on appelle guipée: lorsque cette frange est hors de dessus le métier, & forme différens coupons, comme il sera dit à l' article Tisser , & comme on le voit dans nos Planches elle est tendue par deux ficelles sur une longueur prise à volonté. Ces ficelles sont fixées à demeure le long d'un mur, mais il faut qu'elles en soient éloignées d'environ deux piés, pour la commodité de la guipeuse, & que la frange soit tendue le plus qu'il est possible; plus elle l'est, mieux il en est: cela fait, la guipeuse passe le doigt index de la main gauche dans la boucle que forme le coupon; puis avec le crochet du guipoit, elle débarasse un brin de la pente en le prenant contre la tête de la frange, où il est plus aisé à saisir; ce brin séparé & pris dans le crochet du guipoir; elle fait tourner sur lui-même le guipoir avec le pouce & le doigt index de la main droite, & cela avec violence. Le guipoir mis en mouvement de cette maniere, retord le brin qui lui est attaché, & c'est de l'habileté de la guipeuse que dépend la beauté de la guipure; puisque si la frange est trop guipée elle grippe; que si elle ne l'est pas assez, elle se trouve trop lâche; le brin guipé est terminé par le bout d'en-bas par une petite boucle que le crochet du guipoir y a laissee: ce brin est passé entre le doigt auriculaire & l'annulaire de la main gauche, pour avoir la liberté d'en séparer & guiper d'autres. Lorsque la guipeuse a fini ce coupon, elle en prend un autre, après cela un troisieme, toûjours en reculant de la droite à la gauche; lorsque la longueur tendue est considérable, comme de quatre à cinq aunes, plusieurs guipeuses peuvent y travailler, en conservant entre elles assez de distance pour ne se pas nuire l'une à l'autre. On facilite le tour du guipoir, en le garnissant de cire; ce qui lui donne la force de tourner avec plus de vélocité. Voici une autre façon de le faire tourner, que l'on appelle filer: lorsque la guipeuse s'est emparée du brin avec le crochet de son guipoir, elle approche la paume de la main droite de celle de la gauche; & par le frottement des pouces & de ces deux parties dont elle tire la droite à-elle, elle donne le mouvement au guipoir avec la même dextérité que de l'autre maniere. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIPOIR Author=Diderot Normalized Classification=Rubanier Part of Speech=s.m. GUIPOIR * GUIPOIR, s. m. ( Rubanier. ) c'est un petit instrument de fer en forme de petite broche, de la longueur de cinq à six pouces, & terminée par en-haut en pointe extremement déliée, tournée en crochet recourbé; l'autre bout est inséré dans une petite masse circulaire de plomb de sept à huit lignes de diametre, & d'environ un demi-pouce de long: cette petite masse sert à lui donner du poids & à conserver son mouvement. Il arrive souvent que la partie crochue qui est foible, se casse; mais on peut la réformer avec la portion restante de la petite broche qui le compose, & cela autant de fois que l'on voudra, à-moins que l'instrument n'en devînt trop court. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIPURE Author=Diderot Normalized Classification=Broderie Part of Speech=NA GUIPURE * GUIPURE, en terme de Brodeur , ce n'est autre chose qu'un ornement de relief dont le fond est rempli de gros fil ou d'un carton découpé, recouvert ensuite de fil d'or en deux ou de clinquant simple; ces fils se mettent à la broche. Voyez Broche . Moins il y a de carton, meilleure est la guipure: le carton, le vélin, ou parchemin qu'on y fait entrer, empêche que les ouvrages en guipure ne puissent s'exposer au lavage ni à l'eau. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIPUSCOA, (le) Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUIPUSCOA GUIPUSCOA, ( le ) Géogr . petite province septentrionale d'Espagne, bornée à l'est par les Basques, au nord par l'Océan, à l'oüest par la Biscaie, au sud par la Navarre. Le pays abonde en tout, excepté en froment: Tolosa en est la capitale. Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, naquit dans la province de Guipuscoa en 1491, & mourut à Rome en 1556, âgé de soixante-cinq ans; sa vie est bien singuliere. Né avec un esprit romanesque, entêté de livres de chevalerie, il commença par être page à la cour de Ferdinand, roi d'Espagne, embrassa le parti des armes, fut blessé au siége de Pampelune en 1521, & se dévoüa dans sa convalescence à la mortification. On sait la suite de ses avantures, la maniere dont il s'arma chevalier de la Vierge, son projet de combattre un Maure qui avoit parlé peu respectueusement de celle dont il étoit chevalier; le parti qu'il suivit d'abandonner la chose à la décision de son cheval, qui prit un autre chemin que celui du Maure; ses premieres études de latin faites à Salamanque à l'âge de trente-trois ans; son emprisonnement par l'inquisition; la continuation de ses études à Paris où il fit sa philosophie au collége de sainte-Barbe, & sa théologie aux Jacobins; son voyage à Rome en 1537 avec des Espagnols & des François qu'il s'associa pour former une congrégation; la confirmation de son institut par Paul III. & enfin sa nomination en qualité de premier général de son ordre. Le pape Grégoire XV. a canonisé Ignace de Loyola en 1622: le P. Bouhours a donné sa vie dans laquelle il le compare à César; on fait plus de cas de celle du P. Maffei écrite en latin; c'est peut-être le meilleur livre du jésuite italien, & le moindre du jésuite françois. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIRLANDE Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.f. GUIRLANDE GUIRLANDE, s. f. ornement pour la tête, fait en forme de couronne. Voyez Couronne . On fait des guirlandes de fleurs, de plumes, & même de pierreries. Janus passoit dans l'antiquité pour l'inventeur des guirlandes . Athenée, Dipnos. lib. XV. On donne encore le nom de guirlande à un ornement composé de fleurs, de fruits, & de feuilles entre-mêlées ensemble, que l'on suspendoit anciennement aux portes des temples, où l'on célébroit quelque fête. On en mettoit aussi dans tous les endroits où l'on vouloit donner des marques de réjouissance publique, comme aux arcs-de-triomphe, &c. Voyez Feston . On en couronnoit la tête des victimes aux sacrifices des Payens. S. Paulin dans son poeme sur S. Felix , parle des guirlandes & des couronnes de fleurs dont on décoroit la porte de l'église & le tombeau de ce saint. Les Italiens ont des décorateurs qu'ils appellent festaroli , qui font des festons, des guirlandes & autres ornemens pour les fêtes. Chambers . Les guirlandes servent dans l'Architecture, & sont composées de petits festons, formés de bouquets d'une même grosseur, dont on fait des chûtes dans les ravalemens de pilastre, & dans les frises & panneaux de compartiment. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guirlandes Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA Guirlandes Guirlandes , dans la Marine , sont de grosses pieces de bois courbes, ou à fausse équerre, qu'on place à différentes hauteurs du vaisseau; de façon qu'elles croisent à angle droit l'étrave & les alonges d'écubiers, étant solidement attachées à toutes ces pieces par des clous & des chevilles, qu'on frappe par le dehors du vaisseau; de sorte qu'elles percent les bordages, les alonges d'écubiers, & toute l'épaisseur des guirlandes , & sont clavetées sur virole en-dedans. Voyez, Planche IV . de Marine, fig. 1 . les guirlandes, cotées 36. On en met ordinairement quatre ou cinq au fond de cale, depuis le bout de la carlingue jusqu'au premier pont, dont les bordages reposent dans une rablure pratiquée sur celle qui est la plus élevée. Entre le premier & le second pont on en met deux; une immédiatement sous les écubiers, & l'autre sous le second pont, sur laquelle repose quelquefois le mât de beaupré, & aboutissent les bordages de ce pont. Voyez la figure citée ci-dessus . La partie convexe des guirlandes se gabarie convenablement pour la place où on se propose de la mettre, c'est-à-dire qu'on lui fait prendre exactement la figure que le vaisseau a intérieurement en-avant, à la hauteur où doit être placée la guirlande ; ce qui fait que les branches des guirlandes font un angle d'autant plus ouvert, qu'elles sont plus élevées au-dessus de la quille, & que celles d'en-bas sont figurées presque comme les fourcats. Il n'est pas nécessaire que la partie concave des guirlandes ait une forme réguliere; les constructeurs laissent quelquefois à leur collet toute l'épaisseur que ces pieces peuvent porter. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUISE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUISE GUISE, ( Géog. ) petite ville de France en Picardie dans la Thiérache, avec un fort château & titre de duché pairie. Elle est sur l'Oise, à 6 lieues N. O. de Saint-Quentin, 10 S. E. de Cambrai, 38 N. E. de Paris. Long. 21. 17. 22. lat. 49. 53. 47 . Billi, (Jacques de) un des savans françois du xvj. siecle, traduisit de grec en latin les ouvrages de S. Grégoire de Nazianze, de S. Isidore de Peluse, de S. Jean Damascene, &c. Il mourut en 1581, âgé de 47 ans. On ne doit pas le confondre avec Jacques de Billi jésuite, né dans le xvij. siecle. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUISPON Author=Bellin Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.m. GUISPON GUISPON, s. m. ( Marine. ) c'est une espece de gros pinceau ou brosse fait de pennes de laine, dont on se sert à brayer ou à suifver les coutures & le fond d'un vaisseau. ( Z ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUITERNE Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=s.f. GUITERNE GUITERNE, s. f. ( Marine. ) c'est une sorte d'arcboutant qui tient les antennes d'une machine à mâter avec son mât. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUITTARE Author=Anonymous5 Normalized Classification=Musique Part of Speech=s.f. GUITTARE GUITTARE, s. f. ( Musique. ) instrument à cordes de boyau, que l'on jouc en pinçant ou en battant les cordes avec les doigts. & que l'on tient dans la même position que le luth, le théorbe, la mandore & autres de ce genre; attitude qui a très-bonne grace, sur-tout dans les mains d'une femme. Sa forme semble avoir été prise d'après celle d'une moitié de calebasse ou gourde, à laquelle est ajustée une table de pin, & un manche au bout de la partie superieure du corps de l'instrument. Il a dix touches distribuées par semi-tons; elles sont ordinairement de même nature que les cordes, & doivent être extremement serrées autour du manche, à cause de leur mobilité. Les cordes sont attachées à un chevalet, fixé sur la table de la partie inférieure, & sont supportées par un fillet au bout du manche, où elles sont arrêtées par des chevilles tournantes dessous le manche. Il n'avoit d'abord que quatre cordes. Depuis on l'a mis à cinq doubles, dont les trois premieres sont à l'unisson, & les quatrieme & cinquieme à l'octave; souvent même on ne souffre point de bourdon à la cinquieme, & dans ce cas on les met à l'unisson. On ne met aussi qu'une seule chanterelle, par la difficulté d'en trouver d'assez justes. Les différentes manieres de joüer de cet instrument, dont on parlera ci-après, décident de celle de le monter. Son étendue est de deux octaves & demie, depuis le la jusqu'au mi . On n'en peut guere déterminer l'origine. Nous le tenons des Espagnols, chez qui les Maures l'ont vraissemblablement apporté: c'est l'opinion commune en Espagne, qu'il est aussi ancien que la harpe. Soit respect pour cette opinion, soit plûtôt que le charme de la douce rêverie qu'il inspire, ait de l'analogie avec le caractere d'une nation tendre, galante, discrete & mélancolique; soit enfin que le silence des belles nuits d'Espagne où l'on en fait le plus d'usage, soit plus favorable à son harmonie, il s'y est constamment établi, & y a acquis le droit d'instrument national. Il a eu le même succès chez les Portugais & les Italiens, & il étoit fort en vogue en France sous le regne de Louis XIV. Le son de cet instrument est si doux, qu'il faut le plus grand silence pour sentir toutes les délicatesses d'un beau toucher. Dans un lieu bruyant, on n'entend souvent que le tac des doigts, le charme est totalement per du. Il est fait pour joüer seul, ou accompagner une voix sur des instrumens du même genre. Il ne réussiroit pas dans un concert; aussi a-t-il fait place, ainsi que le luth & le théorbe, aux instrumens qui y sont propres, depuis que le gout s'en est aussi étendu qu'il l'est actuellement. Quelques amateurs l'ont fait renaître, & ont en même tems réveillé notre goût pour nos vaudevilles, pastorales & brunettes, qui en acquerrent un nouvel agrément. De la tablature . On se sert de lettres ou de chiffres pour noter les airs ou accompagnemens. Cette méthode, quoique ancienne, s'est conservée pour cet instrument par la commodité dont elle est pour la bonne grace de la main, l'arrangement des doigts, la beauté du son, l'harmonie, & la facilité dans l'exécution; à-moins qu'on ne se propose de faire pour le moins autant d'étude de cet instrument, que du clavecin, il n'est guere possible de faire sur le champ le choix des positions de la main sans une grande habitude. En France on se sert des onze premieres lettres de l'alphabet, depuis l' a jusqu'à l , sur chaque corde, pour les dix touches qui produisent onze semi-tons, à partir de la corde à vuide au sillet, c'est-à-dire sans mettre de doigt dessus, & qui se marque par un a ; la premiere touche par un 6, & les autres successivement. On se sert encore d'autres signes pour les doigts des deux mains. Ceux de la main gauche, dont l'exécution se fait sur toute la partie du manche, sont les tirades , qui se font lorsque les doigts étant posés, il faut couler d'une note à l'autre en descendans; les chûtes, lorsqu'il faut couler les notes en montant, ce qui se fait en laissant tomber les doigts sur la corde avec assez de force, pour que le seul tac du bout des doigts lui fasse produire le son; les miaulemens ou plaintes * qui se font en appuyant & balançant le doigt sur la corde pour augmenter la durée du son; les tremblemens ou cadences ) qui se font en battant avec le doigt plus ou moins vîte sur la corde, en empruntant un ton ou un semi-ton au-dessus de la note du chant; les barres courbes ( pour avertir qu'il faut coucher le premier doigt sur toutes les cordes, pour former, pour ainsi dire, un sillet ambulant de touche en touche. Les signes de la main droite qui tient lieu d'archet & dont l'exécution se fait dans la partie de la table de la guittare , sont les petites barres droites |, ou demi-cercles , que l'on place sous la lettre qui doit être touchée du pouce; les points que l'on place sous celles qui doivent être touchées du premier, du second & du troisieme doigt; & enfin la maniere d'annoncer quand on doit battre ou relever les accords en batterie qui se fait, en plaçant immédiatement après l'accord marqué par les lettres, les notes entre la premiere & la seconde ligne de la portée, la queue en-bas ou en-haut; en-bas, pour frapper des doigts de haut en-bas; & en-haut, pour frapper en relevant de bas en-haut, & l'on fait durer plus ou moins la batterie, en dépliant successivement les doigts suivant la valeur de la note. Quant aux notes des lettres que l'on doit pincer, on les place au-dessus & hors de la portée où sont les lettres. Cette portée a cinq lignes représentatives des cinq rangs de cordes de la guittare . Quand il y a plusieurs lettres de suite de même valeur, on se contente de mettre une seule note sur la premiere, par exemple une seule croche pour toute une mesure, & même plusieurs mesures, dont les notes seroient de même valeur, jusqu'à ce qu'il leur succede une autre note de plus ou moins de valeur. On se sert à cet égard des mêmes signes usités pour la Musique, tant pour les notes que pour les soupirs, &c. Voyez les livres de Visé, gravés sous le regne précédent . On distingue deux manieres de joüer de cet instrument, qui sont en batteries ou pincés. Plusieurs affectent l'une plus que l'autre: d'autres se servent agréablement des deux, & c'est le meilleur parti qu'on ait à prendre. La plus étendue & la plus susceptible d'exécution, est le pincé. Les batteries sont plus harmonieuses, parce que toutes les cordes sont en jeu; mais il faut bien de la legereté, de la douceur dans la main droite, & de la fermeté & de la justesse dans la position de la main gauche, pour qu'elles produisent un bon effet: car rien n'est si facile que de faire de cet instrument, dont l'harmonie est très douce & agréable, un vrai chauderon. Les pincés se font entre la rose & le chevalet; mais les batteries doivent se faire entre la rose & la derniere touche du manche, c'est-à-dire vers le milieu de l'étendue des cordes, pour éviter la dureté qui résulteroit du voisinage du chevalet, qu'on ne maîtriseroit pas aussi aisément qu'en pinçant. Des cordes . Le choix des cordes demande une grande attention pour la justesse & la proportion, sur-tout pour les unissons. Les bourdons filés ont deux inconvéniens, l'un d'user & de couper les touches; l'autre plus grand, est de dominer trop sur les autres cordes, & d'en faire perdre le son final par la durée du leur, principalement dans les batteries. Il est des accords où ils peuvent bien faire, c'est lorsqu'ils produisent le son fondamental; mais comme cela n'arrive pas le plus souvent, il vaut mieux s'en tenir aux bourdons simples, à-moins qu'on ne veuille que pincer. Visé, célebre maître de guittare sous Louis XIV. n'en mettoit point au cinquieme rang; mais il y perdoit l'octave du la , & par conséquent une demi-octave. Elle s'accorde par quartes, à l'exception de la seconde & de la troisieme, qui n'ont entr'elles qu'un intervalle de tierce. L'accord est la, ré, sol, si, mi , en comptant du son le plus grave. OBSERVATIONS SUR LA FIGURE SUIVANTE . Le nom des notes est posé sur le manche à l'endroit même où il faut poser les doigts, le plus près de la touche qu'il est possible, mais jamais dessus la touche. Il ne faut pas poser de doigt près le sillet qui se marque par un a , parce que le son des cinq cordes y est déterminé par leur position; c'est ce qu'on appelle sonner les cordes à vuide . C'est-là l'accord de la guittare . Dans la progression des sémi-tons du diapason on ne trouve point de bémols marqués. On s'est déterminé à ne marquer que des dièses, pour ne point faire de confusion. Mais ce qui est la # sera si b quand il le faudra, parce qu'il se fait au même endroit, le ton du la au si naturels se trouvant partagé également par la touche. Ainsi des autres. Quant à la forme des lettres, la plus usitée est la bâtarde, un peu plus penchée qu'à l'ordinaire, à cause des lettres à queue qui pourroient s'entre-lacer, & embarrasser les autres lettres & les signes dont on se sert. Les b se font comme des 6; les c comme des r , dont le jambage droit est un peu racourci & le trait circonflexe un peu alongé. Voyez l'exemple ci-dessus, & les livres gravés de Visé. On leur donne cette forme pour éviter que la ligne sur laquelle les c sont posés ne les ferme par en-haut, & ne les fasse prendre pour des e . On ne sauroit mettre trop de netteté dans cette maniere de noter, bien moins avantageuse pour la vûe que les notes de Musique; mais cette méthode est propre & commode pour cet instrument, quand on ne peut y donner assez de tems pour acquérir le grand usage des positions. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUIVRÉ Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA GUIVRÉ GUIVRÉ, terme de Blason. Voyez Givré . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GULPE Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=s.m. GULPE GULPE, s. m. terme de Blason , tourteau de pourpre qui tient le milieu entre le besan qui est toûjours de métal, & le tourteau qui est toûjours de couleur. Celui-ci est nommé gulpe , à cause qu'il est de pourpre, & que le pourpre est pris tantôt pour couleur, & tantôt pour métal. Dict. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GULTZOW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GULTZOW GULTZOW, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne en Poméranie. Long. 39. 20. lat. 53. 39 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUMENES & GUMMES Author=unknown Normalized Classification=Marine Part of Speech=NA GUMENES & GUMMES GUMENES & GUMMES, ( Marine. ) on donne ce nom aux cables dont on se sert dans les galeres pour retenir les grapins. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gumene Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=NA Gumene Gumene se dit, en termes de Blason , de la corde d'une anchre, soit qu'elle soit d'un même émail que l'autre, ou d'un émail différent: d'azur à l'anchre d'or, la gumene de gueules. On dit aussi gume . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUMMA Author=d'Aumont Normalized Classification=Médecine Part of Speech=NA GUMMA GUMMA, ( Medecine. ) ce terme est quelquefois employé dans les écrits des Medecins, pour designer une sorte de tumeur enkistée, de consistence assez solide, le plus souvent indolente, qui survient sur les parties osseuses ou cartilagineuses, & qui se forme d'une concrétion lymphatique, par l'effet d'un vice scrophuleux ou vérolique, dominant dans la masse des humeurs. Il est fait mention de cette sorte de tumeur parmi les symptomes de la vérole confirmée, dans le traité de M. Astruc sur les maladies vénériennes. Voyez Ecrouelle , Vérole . ( d ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUNDELE Author=Daubenton, Louis Jean-Marie Normalized Classification=Histoire naturelle | Botanique Part of Speech=s.f. GUNDELE GUNDELE, s. f. gundelia , ( Hist. nat. bot. ) genre de plante à fleur composée de plusieurs fleurons rassemblés en bouquets. Ils sortent d'un calice commun, & ils tiennent à des fruits naissans qui sont cachés dans des loges du calice, & qui deviennent des semences en partie arrondies, & en partie pointues pour l'ordinaire. Tournefort, rei herb. coroll. Voyez Plante . ( I ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUNDELFINGEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUNDELFINGEN GUNDELFINGEN, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans la Soüabe, sujette à la maison palatine. Elle est à six lieues d'Ulm. Lon. 27. 36. lat. 48. 22 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUNTER, (Echelle ou Ligne de) Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GUNTER GUNTER, ( Echelle ou Ligne de ) Voyez Ligne . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUNTZBOURG Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUNTZBOURG GUNTZBOURG, Guntia , ( Géog. ) petite ville d'Allemagne au cercle de Soüabe. Elle est sur le Danube, à 8 lieues d'Ulm; & c'est, selon Beatus Rhenanus, le Guntiensis transitus des anciens. Long. 27. 34. lat. 48. 20 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUNTZENHAUSEN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUNTZENHAUSEN GUNTZENHAUSEN, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne dans le cercle de Franconie, sur la riviere d'Atmal, près de Wissenbourg. Long. 28. 26. lat. 48. 58 . Elle n'est remarquable que par la naissance d'André Osiander, un des premiers sectateurs de Luther, & qui défendit sa doctrine par un grand nombre d'ouvrages. Il mourut en 1552, à 54 ans. Tous les gens de son nom se sont distingués dans la même carriere. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUNUGI Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUNUGI GUNUGI, ( Géog. ) ancienne ville de la Mauritanie cézariense. Le P. Hardoüin croit que cette ville est présentement Mestagan. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUPPAS Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GUPPAS GUPPAS, s. m. ( Commerce. ) poids dont on se sert dans quelques villes du détroit de Malaca, particulierement à Queda. Quatre guppas font le guantas, & seize guantas font le hali ou nali. Il faut quinze halis pour le bahar pesant 450 livres poids de marc. Voyez Bahar , Hali , &c. Dict. de Comm. & de Trév . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUR Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GUR GUR, s. m. ( Comm. ) toile de coton blanche, qui vient des Indes orientales; elle a 14 aulnes de long, sur 7 à 8 de large. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GURACS Author=unknown Normalized Classification=Commerce Part of Speech=NA GURACS GURACS, ( Comm. ) toiles peintes qui viennent de Bengale; elles ont 36 cobres de long, sur deux de large, & le cobre est de 17 pouces de roi & 1/2. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GURCK Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GURCK GURCK, ( Géog. ) ville d'Allemagne dans la basse Carinthie, avec un évêché suffragant de Saltzbourg, érigé l'an 1073. Elle est sur la petite riviere de Gurck à 5 lieues N. E. de Clagenfurt, 16 S. E. de Saltzbourg. Long. 31. 50. lat. 47. 10 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GURIARE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GURIARE GURIARE, ( Géog. ) ville ouverte d'Amérique dans la Terre-Ferme, sur la côte septentrionale, assez près de Caracos, à 5 lieues ouest du Cap-blanc. Long. 312. 32. lat. 9. 30 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GURIEL Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GURIEL GURIEL, ( Géog. ) petite province d'Asie dans la Mingrelie, bornée N. par l'Imerette, E. par le Caucase, O. par la mer Noire, S. par la Turquie. Elle est sous la domination d'un prince particulier qu'on dit chrétien, & qui pour être maintenu dans son indépendance, paye au grand-seigneur un tribut annuel de 46 enfans, garçons & filles, qu'il livre au bacha d'Alcazike. Le Guriel faisoit anciennement la partie méridionale de la Colchide. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUSE Author=unknown Normalized Classification=Blason Part of Speech=s.f. GUSE GUSE, s. f. en termes de Blason , se dit des tourteaux de couleur sanguine ou de laque. Voyez Tourteau . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUSELISAR Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUSELISAR GUSELISAR, ( Géog. ) ville ruinée de la Turquie asiatique, dans la Natolie; Paul Lucas après avoir donné une magnifique description de ses ruines, conclud que cette ville ne peut être que celle de Magnésie dans l'Ionie. Voyez Magnésie . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUSTATIF Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GUSTATIF GUSTATIF, adj. en Anatomie , se dit des parties relatives au goût. Voyez Gout . On donne le nom de gustatifs aux nerfs qui se distribuent à la langue qui est l'organe du gout; on les nomme aussi hypoglosses. Voyez Hypoglosse & Langue . Trous gustatifs , ce sont trois trous dont l'un situé à la partie antérieure du palais, derriere les dents incisives, prend aussi le nom d' incisif , & les deux autres situés aux parties latérales & postérieures s'appellent trous palatins. Voyez Incisif & Palatin . ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUSTROW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUSTROW GUSTROW, ( Géog. ) ville d'Allemagne dans la basse-Saxe, au duché de Meckelbourg, dans la Vandalie proprement dite; on y prosesse la confession d'Ausbourg. Elle est à 4 lieues S. O. de Rostock, 7 E. de Wismar, 8 N. E. de Schwérin. Long. 30. 18. latit. 53. 57 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUTTE, (Gomme) Author=Venel Normalized Classification=Chimie | Pharmacie | Matière médicale Part of Speech=NA GUTTE GUTTE, ( Gomme ) ( Chimie, Pharmacie, & Mat. méd. ) la gomme gutte est un suc qu'on pourroit très bien compter parmi les gommes-résines, puisqu'il est résineux & mêlé d'environ une sixieme partie d'une matiere insoluble dans l'esprit-de-vin, & qui se dissout très-bien dans les menstrues aqueux. Elle peut contracter aussi à la faveur de cette derniere partie une legere union avec l'eau qui la tient suspendue sous la forme d'un lait jaunâtre; mais cette dissolution imparfaite est peu constante; les particules résineuses se réunissent bien-tôt au fond du vaisseau, & laissent la liqueur surnageante claire & limpide. Cette liqueur éclaircie par le repos, prend une couleur de sang quand on y verse de l'alkali fixe ou de l'eau-de-chaux. Cette propriété l'a faite compter par quelques auteurs parmi les réactifs employés à l'analyse des eaux minérales; mais ce moyen est pour le moins superflu. Voyez Minérale ( Eau . ) La gomme-gutte est un purgatif hydragogue des plus efficaces; elle est aussi vomitive. Geoffroi recommande beaucoup ce remede, pourvû qu'on l'administre avec précaution & à propos; il prétend que dans tous les cas où les évacuans actifs sont indiqués, on trouve dans celui-ci cet avantage singulier, qu'il est sans goût & sans odeur, qu'on le donne en petite dose, qu'il fait son effet en peu de tems, qu'il dissout puissamment les sucs visqueux & tenaces en quelque partie du corps qu'ils croupissent & qu'ils soient attachés, & enfin qu'il chasse par le vomissement ceux qui sont dans l'estomac, & tous les autres fort abondamment par les selles. Il en fixe la dose à deux, cinq, ou sept grains, jusqu'à quinze. Il dit avoir souvent donné ce remede depuis deux grains jusqu'à quatre, sans causer de vomissement; & que si l'on réitere cette dose pendant plusieurs jours, il n'y a plus de vomissement, sur-tout si on l'étend dans beaucoup de liqueur; que si on le donne sous la forme de pilule, il excite plus facilement le vomissement, mais très-rarement lorsqu'il est joint avec le mercure doux. La gomme-gutte est un ingrédient très-ordinaire & très-utile des opiates & des pilules purgatives & fondantes, & en particulier des pilules mercurielles dont la plûpart des apothicaires ont des dispensations secretes. Elle entre dans les pilules hydragogues de Bontius, & dans la poudre hydragogue de la pharmacopée de Paris. La gomme-gutte a été vantée particulierement contre la goutte; mais sa réputation à cet égard ne s'est pas soutenue. ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUTTETE, (Poudre de) Author=Venel Normalized Classification=Matière médicale | Pharmacie Part of Speech=NA GUTTETE GUTTETE, ( Poudre de ) selon la pharmacopée de Paris, ( Pharmacie & Mat. méd. ) Prenez du bois de gui de chéne, de racines de Fraxinelle, de racines de pivoine male & de sa semence, de chacun demi-once; de semences d'aroche deux gros; de crane humain trois gros; de corail rouge préparé deux gros; de cornes de pie d'elan demi-once; de feuilles d'or un scrupule: faites du tout une poudre très-fine. Cette poudre passe pour un grand antispasmodique, & pour un specisique éprouvé contre l'epilepsie. On la donne à la dose d'un scrupule, d'un demi-gros ou d'un gros dans une liqueur appropriée, & on la continue pendant long-tems. On pourroit sans inconvenient la prendre à une dose beaucoup plus considerable. Voyez Epilepsie . ( b ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUTTURAL Author=Tarin Normalized Classification=Anatomie Part of Speech=adject GUTTURAL GUTTURAL, adj. en Anatomie , se dit des parties relatives au gosier: l'utere gutturale est une branche d. la carotide externe qui se distribue principalement à la partie supérieure de la glande thyroïde & au gosier. ( L ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Guttural Author=Beauzée et Douchet Normalized Classification=Grammaire Part of Speech=NA Guttural Guttural , ( Gramm. ) on distingue en différentes classes les diverses articulations usitées dans chaque langue; & cette distinction se fonde sur sa diversité des parties organiques qui paroissent le plus contribuer à la production de ces articulations. Les consonnes qui les représentent se partagent de même: de-là les labiales, les linguales, les gutturales , &c. Voyez Consonne . ( E. R. M. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUTTUS Author=unknown Normalized Classification=Antiquité Part of Speech=NA GUTTUS GUTTUS , ( Antiquités. ) nom purement latin, dont les antiquaires sont obligés de se servir; parce que nous n'avons point de nom françois qui y réponde. C'étoit un vase dont le sacrificateur se servoit chez les Romains pour prendre le vin & le répandre goutte-à-goutte sur la victime. Voyez Sacrifice . Vigenere sur Tite-Live donne la figure du guttus , tel qu'on le voit représenté sur les médailles & d'autres monumens antiques. Dictionn. de Trévoux & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUTZKOW Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUTZKOW GUTZKOW, ( Géog. ) petite ville d'Allemagne, capitale d'un comté de meme nom, appartenante à la Suede; les Danois & les Russiens la saccagerent en 1357. Elle est sur la Péene, à 4 lieues S. O. de Wolgtz, 15 N. E. de Gustrow. Long. 31. 32. latit. 54. 4 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUZ Author=Mallet Normalized Classification=Commerce Part of Speech=s.m. GUZ GUZ, s. m. ( Commerce. ) c'est l'aune dont on se sert à Mocha, pour mesurer les longueurs. On l'appelle aussi coüit. Voyez cet article . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GUZARATE, ou GUZURATE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GUZARATE, ou GUZURATE GUZARATE, ou GUZURATE, ( Géog. ) province de l'empire du Mogol dans l'Indoustan; le Mogol Akébar s'en rendit maitre en 1565: Amadalab en est la capitale. Ce pays le plus agréable de la presqu'ile en-deçà du Gange, est arrosé de belles rivieres qui le fertilisent extrèmement; il contient plusieurs villes ou bourgs, où l'on fabrique des marchandises très-précieuses, des brocards d'or & d'argent, des étoffes de soie magnifiques, & d'admirables toiles de coton. Thevenot prétend que le Guzarat paye au Mogol vingt millions par an, & la somme du P. Catrou est encore plas forte; mais les récits de ces deux voyageurs paroissent plûtôt des calculs romanesques, que des appréciations éclairées. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYAROS Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GYAROS GYAROS, ( Géog. ) petite ile de l'Archipel, près de Delos; tous les anciens en font mention. Pline lui donne douze mille pas de circuit, & la place à soixante-deux mille pas d'Andros. Elle est non-seulement fort petite, mais en partie couverte de rochers; ce qui fait dire à Juvenal, Satyre x. v. 170 . Gyarae clausus scopulis, parvâque Seripho . Rome y reléguoit les criminels; c'est pourquoi nous lisons dans Tacite, que Lucius Pison opine qu'il falloit interdire le feu & l'eau à Silanus, & le reléguer dans l'ile de Gyaros . On la nomme à présent Joura; elle n'a point changé de face; elle est aussi sauvage, aussi deserte, aussi délaissée qu'autrefois. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYFHORN Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie Part of Speech=NA GYFHORN GYFHORN, ( Geog. ) petite ville d'Allemagne, dans la basse-Saxe, au duché de Lunebourg, sur l'Aller & l'Ise qui s'y joignent ensemble, à 10 lieues N. E. de Brunswick, 9 S. E. de Zell. Long. 28. 24. lat. 52. 36 . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNASE Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=s.m. GYMNASE GYMNASE, s. m. gymnasium , ( Littér. greq. & rom. ) édifice public chez les Grecs & les Romains, où ceux qui vouloient s'instruire & se perfectionner dans les exercices, trouvoient tous les secours nécessaires. Ces lieux se nommoient gymnases , à cause de la nudité des athletes; palestres , à cause de la lutte, qui étoit un des exercices qu'on y cultivoit le plus; & quelquefois chez les Romains thermes , parce que l'appartement des bains & des étuves en faisoit une des parties principales. Les différentes pieces qui composoient ces grands édifices peuvent, suivant M. Burette, se réduire à douze principales, savoir: 1°. les portiques extérieurs, où les Philosophes, les Rhéteurs, les Mathématiciens, les Medecins, & autres savans, faisoient des leçons publiques, disputoient, ou lisoient leurs ouvrages. 2°. L'éphébeum, où les jeunes gens s'assembloient de grand matin, pour y apprendre les exercices dans le particulier, & sans spectateurs. 3°. Le coryceum, autrement nommé l' apodyterion ou le gymnastérion , qui étoit une espece de garderobe où l'on quittoit ses habits, soit pour les bains, soit pour les exercices. 4°. L'élaeothésium, l'aliptérion, ou l'unctuarium, destiné aux oignemens qui précédoient, ou qui suivoient l'usage des bains, la lutte, le pancrace, &c. 5°. La palestre proprement dite, ou l'on s'exerçoit à la lutte, au pugilat, au pancrace, & autres exercices. 6°. Le sphaeristérium ou jeu de paume, reservé pour les exercices où l'on employoit une balle. 7°. Les grandes allées non-pavées, lesquelles occupoient le terrain compris entre les portiques & les murs qui entouroient tout l'édifice. 8°. Les xystes, ( xysti ) qui étoient des portiques, sous lesquels les athletes s'exerçoient pendant l'hyver & le mauvais tems. 9°. Dautres xystes, ( xysta ) qui étoient des allees découvertes, destinées pour l'été & pour le beau tems, & dont les unes étoient toutes nues, & les autres plantées d'arbres. 10°. L'appartement des bains composé de plusieurs pieces. 11°. Le stade qui étoit un terrein spacieux, demi-circulaire, sablé, & entouré de gradins pour les spectateurs des exercices. 12°. Le grammatéion, qui etoit le lieu destiné à la garde des archives athlétiques. Ces gymnases étoient gouvernés par plusieurs officiers; tels étoient 1°. le gymnasiarque, ou le surintendant de toute la gymnastique; 2°. le xystarque, ou celui qui présidoit aux xystes & au stade; 3°. le gymnaste ou le maître des exercices, qui en connoisioit les différentes qualités, & les accommodoit aux âges & aux diverses complexions; 4°. le poedotriba, ou prevôt de salle, employé à enseigner méchaniquement les exercices, sans en entendre les avantages par rapport à la santé. Sous ces quatre principaux officiers, dont on peut consulter les articles, servoit une foule de subalternes, dont les noms assez peu importans désignoient les différentes fonctions qu'ils avoient en sous-ordre. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNASIARQUE Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=s.m. GYMNASIARQUE GYMNASIARQUE, s. m. ( Littér. greq. & rom. ) officier qui avoit la surintendance & l'administration suprème des gymnases ; Plaute l'appelle gymnasii proefectus . Le gymnasiarque régloit souverainement tout ce qui regardoit la police du gymnase; sa jurisdiction s'étendoit sur les athletes, & sur tous les jeunes gens qui venoient y apprendre les exercices nécessaires. Il étoit le dispensateur des récompenses & des châtimens; & pour marque de son pouvoir sur ce dernier article, il avoit droit de porter une baguette, & d'en faire porter devant lui par des bedeaux, toûjours prêts à exécuter ses ordres lorsqu'il s'agissoit de punir ceux qui contrevenoient aux lois athlétiques: il paroît même que cet officier suprème exerçoit dans le gymnase une espece de sacerdoce, & qu'il y prenoit soin des choses sacrées. Pausanias témoigne que jusqu'à son tems, le gymnasiarque d'Olympie célebroit chaque année l'anniversaire d'AEtolus; il étoit vêtu de pourpre à la célébration des jeux publics. Les prérogatives du gymnasiarque alloient même jusqu'à lui permettre de célébrer des jeux en son nom propre, comme il est facile de le recueillir d'une ancienne inseription publiée par Fulvius Ursinus, où il est parlé de Baton le gymnasiarque , qui avoit donné des jeux gymniques en l'honneur d'Hercule, & en mémoire du retour de la santé du prince; dans lesquels jeux il avoit proposé des prix pour les combattans. Plutarque dans la vie de Marc-Antoine, nous représente ce romain au milieu d'Athenes, se dépouillant de toutes les marques de sa dignité, pour prendre l'équipage de gymnasiarque , & en faire publiquement les fonctions. Au reste, tout ce qui concerne les gymnasiarques & les autres officiers des gymnases, est traité si complétement dans une savante dissertation de M. Vandale de gymnasiarchis , qu'il est à propos d'y renvoyer le lecteur; car l'Encyclopédie n'a point pour objet les détails de ce genre d'érudition. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNASTE Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=s.m. GYMNASTE GYMNASTE, s. m. ( Littér. greq. & rom. ) officier préposé pour accommoder les différentes especes d'exercices d'usage dans les gymnases, aux diverses complexions des athletes, & pour les élever dans ces exercices. La plûpart des auteurs confondent le gymnaste & le pédotribe, poedotriba , & Pollux entr'autres appelle du même nom, celui qui présidoit aux lieux d'exercice & aux exercices mêmes; mais Galien établit une différence considérable entre le gymnaste & le pédotribe. Elle consiste selon lui, en ce que le gymnaste joignoit à la science des exercices un discernement exact de tous leurs avantages par rapport à la santé; au lieu que le pédotribe ou prevôt de salle, peu inquiet sur ce dernier point, bornoit ses lumieres au détail méchanique de ces mêmes exercices, & ses soins à former de bons athletes. C'est pourquoi Galien compare le gymnaste à un medecin ou à un général qui prescrivent avec connoissance de cause, & le pédotribe à un cuisinier, ou à un simple officier, qui se contentent d'exécuter. On ne doit pas même s'imaginer qu'il fût nécessaire pour être un bon gymnaste , ou pour être un bon pédotribe, d'avoir brillé dans les jeux publics; l'on en trouvoit quantité de cette derniere prosession au rapport de Galien, qui n'étoient que de très-médiocres athletes, & que nulle victoire n'avoit jamais illustrés. Nous voyons de même parmi nous, divers maîtres d'exercice très-capables de former d'excellens disciples, mais qui cependant soûtiendroient mal leur réputation, s'il étoit question pour eux de se donner en spectacle au public. Les gymnastes étoient quelquefois charges à la place des agonothetes d'encourager les athletes avant le combat, & les animer par les motifs les pius pressans à remporter la victoire. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNASTERION Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=NA GYMNASTÉRION GYMNASTÉRION, ( Littérat. greq. & rom. ) appartement des gymnases, qui servoit d'une garderobe ou l'on quittoit ses habits, soit pour les exercices, soit pour le bain, & ou l'on se r'habilloit ensuite; il se nommoit aussi apodyterion & spoliarium , car ces deux mots ont le même sens. On fit cet appartement avec une grande magnificence, quand les bains reprirent faveur sur la fin du regne de Néron; il composoit dans les thermes de Dioclétien, un sallon octogone, de figure oblongue, dont chaque face formoit un demi-cercle, & dont la voûte étoit soutenue par plusieurs rangs de colonnes d'une hauteur extraordinaire. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNASTIQUE Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=s.f. GYMNASTIQUE GYMNASTIQUE, s. f. ( Littérat. greq. & rom. ) l'art ou la science des divers exercices du corps. Les hommes acquérant la force & l'agilité de leur corps par divers exercices, se sont proposé différentes fins: d'abord ils ont eu en vûe de pourvoir à leur sûreté, & de se rendre plus propres aux fonctions de la guerre, en s'accoûtumant à tous les mouvemens qui peuvent être de quelque utilité pour l'attaque ou pour la défense; & c'est ce qui a produit la gymnastique militaire. Voyez Gymnastique militaire . Le soin qu'ils ont pris de leur santé, les a engagés à la fortifier du secours des exercices les plus convenables, qu'ils ont assujettis à certaines lois, conformément aux avis & aux décisions des medecins; & de-là est née la gymnastique médicinale. Voyez Gymnastique médicinale . L'amour du plaisir, & sur-tout de celui qui est inséparable des spectacles, joint au desir de donner des preuves publiques de sa force & de son agilité, en remportant un prix proposé, mit en grande vogue une troisieme espece de gymnastique , la plus fameuse de toutes, la gymnastique athlétique. Voy. Gymnastique . athlétique . On vint à introduire dans les cérémonies de la religion, c'est-à-dire dans le culte divin & dans les honneurs funebres rendus aux manes des défunts, la plûpart de ces exercices qui n'avoient servi qu'à disposer les hommes au metier de la guerre: or comme il étoit difficile de perfectionner tous ces exercices, sans les assujettir à certaines lois ou les renfermer dans certaines regles, on forma de toutes ces choses une science fort étendue à laquelle on donna le nom général de gymnastique , parce qu'elle enseignoit tout ce qui concernoit les exercices du corps; mais cette doctrine gymnastique se trouve éparse en tant de livres différens d'antiquité, qu'on doit être fort redevable aux littérateurs modernes qui se sont donné la peine de la rassembler; c'est à l'exécution de cette entreprise qu'ont dignement concouru Mercurialis, Faber, Falconerii, Van Dale, Meursius, & M. Burette: disons un mot de leurs travaux. Mercurialis ( Hyeronimus ) a singulierement approfondi la gymnastique des Grecs & des Romains, surtout la gymnastique médicinale: la bonne édition de ses six livres de arte gymnasticâ , est de Paris, 1677, in-4° . Fabri ( Petri ) agonisticor. lib. III. peuvent servir ile supplément à Mercurialis; on auroit tort de lui refuser des louanges du côté de l'érudition, ce n'est pas ce qui lui manque: mais le desordre qui regne dans son traité, est capable de pousser à bout la patience des lecteurs les plus studieux. L'ouvrage de M. Dufour, de même que celui de Mercurialis, sont insérés dans le trésor des antiq. greq. & rom. de Graevius & de Gronovius. Falconerii ( Octavii ) notae ad inscript. athleticas: ce savant antiquaire a recueilli avec tant de soin tous les monumens, les statues, & les inscriptions décernées aux athletes, que son livre ne laisse presque rien à desirer en ce genre; on le trouve, aussi dans le trésor de Gronovius, tome VIII. Van Dale a rassemblé plusieurs particularités très curieuses sur la gymnastique & les officiers des gymnases, dans ses dissert. antiq. marmor . Meursius, dans son petit livre intitulé, de orchestrâ, sive de saltationibus veterum , a surpassé tous les autres sur l'orchestrique, par l'exactitude du détail. Enfin M. Burette a publié sur la gymnastique dans le recueil de l'academie des Inscriptions, des mémoires également exacts, profonds, méthodiques, agréables, & en même tems si bien digérés, qu'ils peuvent tenir lieu de tous les écrivains qui l'ont précédé. Cependant je ne prétens point assûrer que ce sujet ne fournît encore de quoi glaner amplement à des érudits & des antiquaires de profession, qui se dévoüeroient à de nouvelles recherches sur les variétés & les circonstances de tous les exercices gymnastiques , sur la maniere dont les anciens les ont successivement cultivés, & les divers usages qu'ils en ont fait, soit pour la religion soit pour la guerre, soit pour la santé soit pour le simple divertissement: cette riche mine n'est point épuisée, mais le goût de ces fortes d'etudes a passé de mode; & c'est, je crois, pour long-tems. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gymnastique athlétique Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=NA Gymnastique athlétique Gymnastique athlétique , ( Littérat. greq. & rom. ) art ou science qui consistoit à instruire dans les exercices des jeux publics, certains sujets que leur inclination & les qualités avantageuses de leur corps, en rendoient capables. L'on appelloit aussi la gymnastique athlétique du nom de gymnique , à cause de la nudité des athletes, & de celui d' agonistique , à cause des jeux ἀγῶνες , qui en étoient le principal objet. La vogue, la magnificence, & le retour fréquent de ces jeux établis dans les principales villes de la Grece, fat ce qui contribua le plus à mettre en crédit la gymnastique athlétique . Platon se déclara le zélé défenseur de cette espece de gymnastique; car après avoir marqué dans le huitieme livre des lois , de quelle importance il étoit pour la guerre, de cultiver la force & l'agilité du corps, soit pour esquiver ou atteindre l'ennemi, soit pour remporter l'avantage lorsqu'on étoit aux prises & que l'on combattoit corps à corps; il ajoûte que dans une république bien policée on doit y proposer des prix pour tous les exercices qui servent à perfectionner l'art militaire, tels que sont ceux qui rendent le corps plus leger & plus propre à la course, & que l'on doit se contenter de donner l'exclusion à ceux de ces exercices qui sont absolument inutiles à la guerre. Solon ne blâmoit pas la gymnastique athlétique en elle-même: il trouvoit seulement & avec raison, que l'entêtement général pour les athletes entraînoit après soi une dépense excessive; que les victoires de ces gens-là devenoient à charge au public; & que leurs couronnes étoient plus dommageables à la patrie, qu'affligeantes pour les antagonistes vaincus. Euripide se déclara, je ne sai pourquoi, si peu favorable à la gymnastique athlétique , qu'il n'hésita pas de heurter sur ce point, dans une de ses pieces satyriques, le goût dominant de toute la Grece: mais entre ceux qui ont décrié la gymnastique athlétique , il y en a peu qui l'ayent attaqué aussi vivement que Galien; cependant toutes ses réflexions portent plus sur les défauts qui regnoient de son tems dans cet art, au sujet da régime & de la conduite des athletes, que sur l'art même, dont on tira de grands avantages avant qu'il eût dégénéré en extravagances & en folies. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gymnastique médicinale Author=Jaucourt Normalized Classification=Histoire de la médecine antique Part of Speech=NA Gymnastique médicinale Gymnastique médicinale , ( Hist. de la Méd. antiq. ) c'étoit cette partie de la gymnastique qui enseignoit la methode de conserver & de rétablir la santé par le moyen de l'exercice. Hérodicus de Lentini, autrefois Léontini, en Sicile, né quelque tems avant Hippocrate & son contemporain, est déclare par Platon pour être l'inventeur de la gymnastique médicinale , fille de la gymnastique militaire. Hérodicus étoit medecin, & de plus maitre d'une académie où la jeunesse venoit s'exercer pour les jeux publics qu'on célebroit en divers lieux de la Grece avec tant de solennité. Voy. Gymniques ( Jeux ). Hérodicus ayant remarqué que les jeunes gens qu'il avoit sous sa conduite, & qui apprenoient ces exercices, étoient pour l'ordinaire d'une très-forte santé, il imputa d'abord ce bonheur au continuel exercice qu'ils faisoient: ensuite il poussa plus loin cette premiere réflexion qui étoit fort naturelle, & se persuada qu'on pouvoit tirer beaucoup d'autres avantages de l'exercice, si on se proposoit uniquement pour but l'acquisition ou la conservation de la santé. Sur ces principes, il laissa la gymnastique militaire & celle des athletes, pour ne s'attacher qu'à la gymnastique médicinale , & pour donner là-dessus les regles & les préceptes qu'il jugea nécessaires. Nous ne savons pas quelles étoient ces regles; mais il y a de l'apparence qu'elles regardoient d'un côté les differentes sortes d'exercices que l'on pouvoit pratiquer pour la santé, & de l'autre les précautions dont il falloit user selon la différence des sexes, des temperamens, des âges, des climats, des saisons, des maladies, &c. Hérodicus régloit encore sans doute la maniere de se nourrir ou de faire abstinence, par rapport aux différens exercices que l'on feroit; ensorte que sa gymnastique renfermoit la Diététique, cette partie de la Medecine auparavant inconnue, & qui fut depuis très-cultivée. Hippocrate saisit des idées si sages, & ne manqua pas d'employer la gymnastique en diverses maladies-Tous les medecins qui lui succéderent goûterent tellement ce genre de medecine, qu'il n'y en eut point qui ne le regardât comme une partie essentielle de l'art: nous n'avons plus les écrits que Diocles, Praxagore, Philotime, Erasistrate, Hérophile, Asclépiade, & plusieurs autres, avoient donnes sur cette matiere; mais ce qui s'en trouve dans Galien & dans les auteurs qui citent ceux qu'on vient de nommer, suffit pour justifier en quelle estime étoit la gymnastique médicinale parmi les anciens. Les Medecins n'etoient pas les seuls qui la recommandassent; tout le monde en général se convainquit si fort de l'utilité qu'on en retiroit, qu'il y avoit une infinité de gens qui passoient une partie de leur vie dans les lieux d'exercices qu'on appelloit gymnases · il est vrai néanmoins que ces lieux étoient autant destinés à la gymnastique athlétique qu'à la gymnastique médicinale. Voyez Gymnase . Les exercices qu'on y faisoit, consistoient à se promener dans des allées couvertes & découvertes; à joüer au palet, à la paume, au ballon; à lancer le javelot, à tirer de l'arc, à lutter, à danser, à courir, à monter à cheval, &c. Une partie de ces exercices étoit pratiquée par toutes sortes de personnes pour la santé; mais les appartemens affectés à ce dernier usage, étoient le lieu des bains, celui où l'on se deshabilloit, où l'on se faisoit décrasser, frotter avec des instrumens faits exprès, & oindre avec certaines drogues, &c. Chacun usoit de ces exercices comme il lui plaisoit; les uns ne prenoient part qu'à un seul, pendant que d'autres s'occupoient successivement de plusieurs. Les gens de lettres commençoient par oüir les philosophes & les savans qui s'y rendoient; ils joüoient ensuite à la paume, ou bien ils s'exerçoient de quelque autre maniere, & enfin ils entroient dans le bain: il n'y a rien de plus naturel que cette espece de medecine gymnastique; tout homme judicieux la doit préférer à celle qui consiste dans l'usage des médicamens, parce que cette derniere est presque toûjours palliative, desagréable, & souvent dangereuse. Les Romains ne commencerent à bâtir des lieux d'exercices que long-tems après les Grecs; mais ils les surpasserent de beaucoup, soit par le nombre soit par la magnificence des bâtimens, comme on en peut juger par les descriptions des auteurs, & par les ruines qui subsistent encore: on en étoit si fort épris à Rome, que selon la remarque de Varron, quoique chacun eût le sien, à peine étoit-on content. La gymnastique médicinale étoit déjà tombée dans des minuties aussi nombreuses que frivoles, témoins les conseils des trois livres intitulés du regime , attribués faussement à Hippocrate: ils ne roulent que sur les différens tems propres à s'exercer; ils indiquent si ce doit être à jeun ou après avoir pris de la nourriture, le matin ou le soir, à l'air, au soleil ou à l'ombre; s'il faut être nud, c'est-à-dire sans manteau, ou s'il faut être habillé; quand il convient d'aller lentement, & quand il est nécessaire d'aller vîte ou de courir: ce même ouvrage traite de plusieurs autres minuties, comme d'un jeu de main & de doigts prétendu très-utile pour la santé, & qui s'appelloit chironomie; il y est aussi parlé d'une espece de ballon suspendu qu'on nommoit corycus , & qu'on poussoit de toute sa force avec les bras. Mais comme les bains composoient principalement la gymnastique médicinale , aussi bien que la coûtume de se faire frotter & de se faire oindre, il arriva que l'application des huiles, des onguens, & des parfums liquides dont on se servoit, soit avant soit après le bain, soit dans d'autres conjonctures, occupa chez les Romains, dans le tems de leur décadence, autant de personnes que les bains mêmes. Ceux qui faisoient profession d'ordonner ces onguens ou ces huiles aux malades & aux gens sains, s'appelloient jatraliptae , c'est-à-dire medecins des onguens; ils avoient sous leurs ordres des gens qu'on nommoit unctores , qui ne servoient qu'à oindre, & qu'il faut distinguer non-seulement des unguentarii , ou vendeurs d'huiles & d'onguens, mais encore des olearii , lesquels étoient des esclaves qui portoient le pot à essence pour leurs maîtres, lorsqu'ils alloient au bain. Après avoir oint, & avant qu'on oignît, on frottoit & on racloit la peau; ce qui étoit l'office des frotteurs, fricatores: ils se servoient pour cela d'un instrument appellé strigil , fait exprès pour décrasser la peau, pour en ôter les restes de l'huile & même de la poussiere dont on se couvroit lorsqu'on vouloit lutter ou prendre quelque autre exercice. Voyez Strigil . Ce n'est pas tout, les jatraliptes avoient encore sous eux les gens qui se mêloient de manier doucement les jointures & les autres parties du corps, pour les rendre plus souples; on nommoit ceux-ci tractatores . C'est de ces gens-là que parle Séneque, lorsqu'il dit, indigné des abus qui se commettoient à cet égard: « Faut-il que je donne mes jointures à amollir à ces efféminés? ou faut-il que je souffre que quelque femmelette ou quelque homme change en femme, m'étende mes doigts délicats? Pourquoi n'estimerai-je pas plus heureux un Mucius Scaevola qui manioit aussi aisément le feu avec sa main, que s'il l'eût tendue à un de ceux qui professent l'art de manier les jointures »? Ce qui mettoit Séneque de mauvaise humeur contre cette espece de remede & contre ceux qui le pratiquoient, c'est qu'ils le faisoient la plûpart par mignardise & par delicatesse. Pour dire ici quelque chose de plus honteux, les hommes employoient à cet usage des femmes choisies que l'on appelloit tractatrices; je ne veux pour preuve de cette depravation, que l'épigramme de Martial contre un riche voluptueux de son tems. Percurrit agile corpus arte tractatrix. Manumque doctam spargit omnibus membris. Lib. III. epigr. 81 . Enfin dans ce genre de luxe, comme les huiles, les onguens, les parfums liquides, ne pouvoient pas être commodément administrés qu'on n'ôtât le poil, on dépiloit industrieusement avec des pincettes, des pierres-ponces, & toutes sortes de dépilatoires composes avec art: les hommes qui servoient à cet office, étoient appellés dropacistae & alipilarii , & les femmes picatrices & paratiltriae . Ainsi la medecine gymnastique , simple dans son origine, devint minutieuse dans la pratique, & finit par dégénerer en rafinement de luxe, de mollesse, & de volupté. Article de M. le chevalier de Jaucourt . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Gymnastique militaire Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=NA Gymnastique militaire Gymnastique militaire , ( Littérat. greq. & rom. ) science des divers exercices du corps relativement à l'art militaire. Les principaux de ces exercices étoient le saut, le disque, la lutte, le javelot, le pugilat, la course à pié & en chariots; tous ces exercices furent extrèmement cultivés, parce que donnant au corps de la force & de l'agilité, ils tendoient à rendre les hommes plus propres aux fonctions de la guerre; c'est pourquoi Salluste loue Pompée de ce qu'il couroit, sautoit, & portoit un fardeau aussi-bien qu'Homme de son tems; en effet de l'exercice vient l'aisance à tout faire & à tout souffrir; c'est l'ecole de la souplesse & de la vigueur. La souplesse rend l'homme expéditif dans l'action; la force éleve le courage au-dessus des douleurs, & met la patience à l'épreuve des besoins. La gymnastique militaire procuroit ces grands avantages, & entretenoit les forces de toute une nation; elle fut établie chez les Grecs par les Lacédemoniens & les Crétois; ils ouvrirent à ce sujet ces académies si célebres dans le monde, & qui dans le siecle de Platon, se rapportoient toutes à l'art militaire: du tems d'Epaminondas, le seul exercice de la lutte contribua principalement à faire gagner aux Thébains la bataille de Leuctres. C'étoit pour perfectionner ces exercices militaires, & pour exciter chez ceux qui les cultivoient une louable émulation, que dans les fêtes & les autres cérémonies solennelles on célebroit des jeux publics connus sous le nom de combats gymniques , où les vainqueurs recevoient tant d'honneurs & de récompenses. Voyez Gymniques (Jeux Mais comme les coûtumes les plus utiles s'alterent, il arriva que ce qui n'étoit qu'un aiguillon pour réveiller la valeur martiale & disposer les guerriers à se procurer des avantages solides, en gagnant des victoires plus importantes, devint le pur objet des divertissemens publics auxquels les peuples accouroient en foule pour couronner les athletes qui rapportoient uniquement à ces jeux leurs talens, leur genre de vie, & leurs occupations les plus sérieuses. Enfin quand les Grecs n'eurent plus de vertus, les institutions gymnastiques détruisirent l'art militaire même; on ne descendit plus sur l'arene pour se former à la guerre, mais pour se corrompre: du tems de Plutarque, les parcs où l'on se battoit à nud, & les combats de la lutte rendoient les jeunes gens lâches, les portoient à un amour infâme, & ne faisoient que des baladins. Dans nos siecles modernes, un homme qui s'appliqueroit trop aux exercices, nous paroîtroit méprisable, parce que nous n'avons plus d'autres objets de recherches que ce que nous nommons les agrémens; c'est le fruit de notre luxe asiatique. La danse ne nous inspire que la mollesse, & l'exercice des armes la fureur des combats singuliers; deux pestes que nous ne regardons point avec effroi, & qui cependant moissonnent la jeunesse des états les plus florissans. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNIQUES, (Jeux, ou Combats) Author=Jaucourt Normalized Classification=Littérature grecque | Littérature romaine Part of Speech=NA GYMNIQUES GYMNIQUES, ( Jeux , ou Combats ) Littérat. greq. & rom . Les jeux ou combats gymniques étoient des exercices célebres chez les Grecs & les Romains, qui prirent leur nom de la nudité des athletes, lesquels pour être plus libres, se mettoient nuds ou presque nuds. On convient qu'Hercule en instituant les jeux olympiques, imposa aux athletes qui devoient y combattre, la loi d'y paroître nuds; la nature de la plûpart des exercices usités dans ces jeux, jointe à la chaleur du climat & de la saison où l'on tenoit ces sortes d'assemblées, exigeoient nécessairement cette nudité, qui pourtant n'étoit pas entiere; on avoit soin de cacher ce que la décence défend de découvrir, & l'on employoit pour cela une espece de ceinture, de tablier, ou d'écharpe, dont on attribue l'invention à Palestre fille de Mercure. Nous voyons cet usage établi dès le tems d'Homere, qui appelle ζῶμα cette sorte de ceinture, en parlant du pugilat d'Euriale & d'Epeus. Mais vers la quinzieme Olympiade, s'il en faut croire Denis d'Halicarnasse, les Lacédémoniens s'affranchirent de la servitude de l'écharpe; ce fut, au rapport d'Eustathe, l'avanture d'un certain Orsippe qui en amena l'occasion: l'écharpe de cet athlete s'étant déliée lorsqu'il disputoit le prix de la course, ses piés s'y accrocherent, ensorte qu'il se laissa tomber, & se tua, ou du-moins fut vaincu par son concurrent, (car on compte la chose de deux façons). Ce malheur donna lieu de porter un réglement qui décidoit qu'à l'avenir les athletes combattroient sans écharpe & sacrifieroient la pudeur à leur commodité, en retranchant même ce reste d'habillement. Acanthe le Spartiate suivit le premier l'ordonnance, & disputa tout nud le prix de la course aux jeux olympiques: toutefois les autres peuples rejetterent cette coûtume, & continuerent à se couvrir de l'écharpe dans la lutte & dans le pugilat; ce qu'observoient encore les Romains du tems de Denis d'Halicarnasse. Cependant l'époque de l'entiere nudité des athletes, que cet auteur met à la quinzieme olympiade, est démentie par Thucydide, qui prétend qu'elle ne s'étoit introduite que quelques années avant le tems où il écrivoit l'histoire de la guerre du Péloponnèse: or l'on sait que le commencement de cette guerre tombe à la premiere année de la 87 e olympiade. Quoi qu'il en soit, la nudité des athletes n'étoit d'usage que dans certains exercices, tels que la lutte, le pugilat, le pancrace, & la course à pié; car il est prouvé par d'anciens monumens, que dans l'exercice du disque, les discoboles portoient des tuniques; on ne se dépouilloit point pour la course des chars, non plus que pour l'exercice du javelot; & c'est pour cette raison, comme le remarque Eustathe, qu'Homere, grand observateur des bienséances, ne fait paroître Agamemnon aux jeux funebres de Patrocle, que dans cette derniere espece de combats, où ce prince n'étoit point obligé de déroger en quelque sorte à sa dignité, en quittant ses habits. Cependant comme dans les gymnases destinés à former la jeunesse aux combats gymniques , les jeunes gens y paroissoient d'ordinaire presque nuds, il y avoit des inspecteurs appellés sophronistes , préposés pour veiller sur eux & les maintenir dans la pudeur. Lycon, selon Pline, institua les jeux gymniques en Arcadie, qui de-là se répandirent par tout, firent successivement les délices des Grecs & des Romains, & accompagnerent presque toûjours la célébration des grandes fêtes, sur-tout celles des bacchanales. Ces jeux se donnoient avec magnificence quatre fois l'année, savoir 1°. à Olympie, province d'Elide, & par cette raison furent appellés jeux olympiques , en l'honneur de Jupiter Olympien; 2°. dans l'isthme de Corinthe, d'où ils prirent le nom de jeux isthmiens , & furent dédiés à Neptune; 3°. dans la forêt de Némée, à la gloire d'Hercule, & furent appellés jeux néméens; 4°. on les connut aussi sous le nom de jeux pythiens , en l'honneur d'Apollon qui avoit tué le serpent Python. Voyez Olympiques , Isthmiens , Néméens , Pythiens On y disputoit le prix du pugilat, de la lutte, de la course à pié, de la course des chars, de l'exercice du disque, & du javelot; Lucien nous a laissé de ces divers combats avec son badinage ordinaire, un tableau fort instructif dans un de ses dialogues, où il fait parler ainsi Anacharsis & Solon. Anacharsis . « A qui en veulent ces jeunes gens, de se mettre si fort en colere, & de se donner le croc en jambe, de se rouler dans la boue comme des pourceaux, tâchant de se suffoquer? Ils s'huiloient, se rasoient d'abord paisiblement l'un l'autre: mais tout-à-coup baissant la tête, ils se sont entrechoqués comme des béliers; puis l'un élevant en l'air son compagnon, le laisse tomber à terre par une secousse violente, & se jettant sur lui, l'empêche de se relever, lui pressant la gorge avec le coude, & le serrant si fort avec les jambes, que j'ai peur qu'il ne l'étouffe, quoique l'autre lui frappe sur l'épaule, pour le prier de le lâcher, comme se reconnoissant vaincu. Il me semble qu'ils ne devroient point s'enduire ainsi de boüe, après s'être huilés, & je ne puis m'empêcher de rire, quand je vois qu'ils esquivent les mains de leurs compagnons comme des anguilles que l'on presse; en voilà qui se roulent dans le sable avant que de venir au combat, afin que leur adversaire ait plus de prise, & que la main ne coule pas sur l'huile ni sur la sueur.» Solon . « La difficulté qui se trouve à colleter un adversaire lorsque l'huile & la sueur font glisser la main sur la peau, met en état d'emporter sans peine dans l'occasion un blessé hors du combat, ou d'enlever un prisonnier. Quant au sable & à la poussiere dont on se frotte, on le fait pour une raison toute différente, c'est-à-dire pour donner plus de prise, afin de s'accoûtumer à esquiver les mains d'un antagoniste malgré cet obstacle; outre que cela sert, non-seulement à essuyer la sueur & à décrasser, mais encore à soûtenir les forces, en s'opposant à la dissipation des esprits, & à fermer l'entrée à l'air, en bouchant les pores qui sont ouverts par la chaleur.» Anacharsis . « Que veulent dire ces autres qui sont aussi couverts de poussiere? ils s'entrelacent à coups de pié & de poing, sans essayer de se renverser comme les premiers: mais l'un crache ses dents avec le sable & le sang, d'un coup qu'il a reçû dans la mâchoire, sans que cet homme vêtu de pourpre, qui préside à ces exercices, se mette en peine de les séparer; ceux-ci font voler la poussiere» «en sautant en l'air, comme ceux qui disputent le prix à la course.» Solon . « Ceux que tu vois dans la boue ou dans la poussiere, combattent à la lutte; les autres se frappent à coups de pié & de poing, au pancrace; il y a encore d'autres exercices que tu verras, comme le palet, & le pugilat & tu sauras que par-tout le vainqueur est couronné ». Mais avant que de parler de la couronne qu'obtenoit l'athlete vainqueur, il importe d'exposer avec quelque détail, la police, les lois, & les formalités qu'on observoit dans la célebration des jeux solennels, qui intéressoient si fort & des villes fameuses à tous égards, & des peuples entiers. Il ne suffisoit pas aux athletes pour être admis à concourir dans ces jeux, d'avoir soigneusement cultivé les divers exercices du corps des leur plus tendre jeunesse, & de s'être distingués dans les gymnases parmi leurs camarades: il falloit encore, du moins parmi les Grecs, qu'ils subissent d'autres épreuves par rapport à la naissance, aux moeurs, & à la condition: car les esclaves étoient exclus des combats gymniques; les agonothetes, autrement dits les hellanodiques , préposés à l'examen des athletes, écrivoient sur un registre le nom & le pays de ceux qui s'enrôloient pour ainsi dire. A l'ouverture des jeux, un héraut proclamoit publiquement les athletes qui devoient paroîtir dans chaque sorte de combats, & les faisoit passer en revûe devant le peuple, en publiant leurs noms à haute voix. On travailloit ensuite à regler les rangs de ceux qui dans chaque espece de jeux, devoient payer de leur personne; c'étoit le sort qui seul en décidoit; & dans les jeux où plus de deux concurrens pouvoient disputer en même tems le prix proposé, tels que la course à pié, la course des chars, &c. les champions se rangeoient dans l'ordre solon lequel on avoit tiré leurs noms; mais dans la lutte, le pugilat, & le pancrace, où les athletes ne pouvoient combattre que deux à deux, on apparioit les combattans en les tirant au sort d'une maniere différente; c'est Lucien qui nous apprend encore toutes ces particularités. Après avoir tiré les athletes au sort, & les avoir animés à bien faire, on donnoit le signal des divers combats, dont l'assemblage formoit les jeux gymniques; c'étoit alors que les athletes entroient en lice, & qu'ils mettoient en oeuvre toute la force & la dextérité qu'ils avoient acquise dans leurs exercices, pour remporter le prix. Il ne faut pas croire cependant qu'affranchis de toute servitude, ils fussent en droit de tout oser & de tout entreprendre pour se procurer la victoire; les hellanodiques & les autres magistrats, par des lois sagement établies, avoient soin en conséquence de ces lois de refréner la licence des combattans, en bannissant de ces sortes de jeux la fraude, l'artifice, & la violence outrée. Toutes les lois athlétiques, & toutes celles de la police des jeux, étoient observées d'autant plus exactement, que l'on punissoit avec sévérité ceux qui manquoient d'y obéir. C'étoit-là d'ordinaire la fonction des mastigophores. Voyez Mastigophores . Il étoit défendu de gagner ses juges & ses antagonistes par des présens; & la violation de cette loi se punissoit par des amendes, dont on employoit l'argent à ériger des statues en l'honneur des dieux. Enfin, ces hommes dévoüés aux divertissemens publics, après avoir passé par diverses épreuves laborieuses & rebutantes avant & pendant la célébration des jeux, recevoient à la fin les récompenses qu'ils se proposoient pour but, & dont l'attente étoit capable de les soûtenir dans une carriere aussi pénible que la leur. Ces récompenses étoient de plus d'une espece; les spectateurs célébroient d'abord la victoire des athletes remportée dans les jeux par des applaudissemens & des acclamations réitérées; on faisoit proclamer par un héraut le nom des vainqueurs; on leur distribuoit les prix qu'ils avoient mérités, des esclaves, des chevaux, des vases d'airain avec leurs trépiés, des coupes d'argent, des vêtemens, des armes, de l'argent monnoyé; mais les prix les plus estimés consistoient en palmes & en couronnes qu'on leur mettoit sur la tête, aux yeux des spectateurs, & qu'on gardoit pour ces occasions dans les thrésors des villes de la Grece. On les conduisoit ensuite en triomphe, revêtus d'une robe de fleurs dans tout le stade, & ce triomphe n'étoit que le préliminaire d'un autre encore plus glorieux, qui les attendoit dans leur patrie. Le vainqueur en y arrivant, étoit reçû aux acclamations de ses compatriotes, qui accouroient sur ses pas: décoré des marques de sa victoire, & monté sur un char à quatre chevaux, il entroit dans la ville par une breche qu'on faisoit exprès au rempart; on portoit des flambeaux devant lui, & il étoit suivi d'un nombreux cortége qui honoroit cette pompe. Le triomphe de Néron à son retour de Grece, tel que le décrivent Suetone & Xiphilin, nous présente une image complete de tout ce qui composoit la pompe de ces sortes de triomphes athlétiques. La cérémonie se terminoit presque toûjours par des festins, dont les uns se faisoient aux dépens du public, les autres aux dépens des particuliers connus du vainqueur; ensuite, ce vainqueur régaloit à son tour ses parens & ses amis. Alcibiade poussa plus loin la magnificence lorsqu'il remporta le premier, le second, & le quatrieme prix de la course des chars aux jeux olympiques; car après s'être acquitté des sacrifices dûs à Jupiter olympien, il traita toute l'assemblée: l'athlete Léophron en usa de même au rapport d'Athénée: Empédocle d'Agrigente ayant vaincu aux mêmes jeux, & ne pouvant comme Pythagoricien, régaler le peuple, ni en viande, ni en poisson, il fit faire un boeuf avec une pâte composée de myrrhe, d'encens, & de toutes sortes d'aromates, & le distribua par morceaux à tous ceux qui se présenterent. Le festin donné par Scopas, vainqueur dans un des jeux gymniques , est devenu célebre par l'accident qui le termina, & dont Simonide fut miraculeusement préservé; cette histoire nous a été transmise par Cicéron, Phedre, & Quintilien, qui la racontent dans toute son étendue; la Fontaine en a fait le sujet d'une de ses fables. Ces couronnes, ces palmes, ces triomphes, ces acclamations, & ces festins, qui donnoient d'abord un si grand relief à la victoire des athletes dans les jeux gymniques , n'étoient au fond que des honneurs passagers, dont le souvenir se seroit bien-tôt effacé, si l'on n'en eût fait succéder d'autres plus fixes, plus solides, & qui duroient autant que la vie des vainqueurs: ces honneurs-ci consistoient en différens priviléges qu'on leur accordoit, & dont ils joüissoient paisiblement à l'abri des lois, & sous la protection des princes & des magistrats; l'un des plus honorables de ces priviléges, étoit le droit de préséance dans les jeux publics. Une telle préséance étoit bien dûe à des hommes que les Grecs regardoient comme des dieux; palmaque nobilis terrarum dominos evehit ad deos; à des hommes pour lesquels ils avoient une si grande considération, que c'étoit, dit Cicéron, quelque chose de plus glorieux en Grece d'avoir vaincu dans les jeux olympiques, qu'à Rome d'avoir obtenu les honneurs du triomphe. Un autre privilége des vainqueurs dans les combats gymniques , privilége où l'utile se trouvoit joint à l'honorable, c'étoit celui d'être nourri le reste de leurs jours aux dépens de leur patrie; ce droit leur étoit acquis de toute ancienneté: mais dans la suite, leurs victoires se multipliant aussi-bien que les jeux publics, cette dépense seroit devenue fort à charge à leurs compatriotes, si l'on ne l'eût resserrée dans les bornes de la médiocrité; les empereurs conserverent tous ces priviléges des vainqueurs aux jeux gymniques , & même les accrûrent; Auguste en montra l'exemple, suivant le témoignage de Suetone. L'exemption de toute charge & de toute fonction civile, n'étoit pas une de leurs moindres prérogatives; mais il falloit pour l'obtenir, avoir été couronné au-moins trois fois aux jeux sacrés. Le desir d'immortaliser les victoires des athletes remportées aux jeux gymniques , fit mettre en oeuvre divers moyens qui conduisoient naturellement à ce but: tels étoient les archives publiques, les écrits des poëtes, les statues, les inscriptions. La célébration des jeux finie, un des premiers soins des agonothetes étoit d'inscrire sur le registre public le nom, le pays des vainqueurs, & l'espece de combat dont ils étoient sortis victorieux. Leurs loüanges devinrent chez les Grecs un des principaux sujets de la poésie lyrique; c'est sur quoi roulent, comme l'on sait, toutes les odes de Pindare, partagées en quatre livres, chacun desquels porte le nom des jeux où se sont signalés les athletes dont les victoires sont célébrées dans ces poëmes immortels. Les peuples non contens du secours qu'ils empruntoient des archives publiques & des poetes pour perpétuer le souvenir des victoires des athletes dans les jeux gymniques , employerent outre cela tout l'art des Sculpteurs pour transmettre aux siecles à venir la figure & les traits de ces mêmes hommes, qu'ils regardoient avec tant d'admiration. On peut lire dans Pausanias un dénombrement de toutes les statues qui se voyoient de son tems à Olympie, & ces statues ne devoient pas être plus grandes que le naturel; on ornoit ces statues d'inscriptions, qui marquoient le pays des athletes vainqueurs, representes par ces statues, le genre, & le tems de leurs victoires, & le prix qu'ils avoient remporté. Octavio Falconerii a recueilli, publié, & éclairci par de savantes notes plusieurs de ces inscriptions qui nous restent encore. Enfin, malgré la défense des agonothetes, on est allé jusqu'à rendre des honneurs divins aux vainqueurs dans les combats gymniques , & cette espece de culte peut passer pour le comble de la gloire athlétique. On en cite trois exemples tirés de l'histoire: le premier rapporté par Herodote, est de Philippe Crotoniate, vainqueur aux jeux olympiques, & le plus bel homme de son tems; les Egestains lui dresserent après sa mort un monument superbe, & lui sacrifierent comme à un heros: le second exemple encore plus extraordinaire, est d'Euthime de Locres, excellent athlete pour le pugilat, lequel pendant sa vie reçut les honneurs divins; Pline le naturaliste raconte ce fait, liv. VII. ch. lvij. de son histoire: le troisieme exemple est celui de l'athlete Théagene, qui au rapport de Pausanias, fut après sa mort non seulement adoré par les Thasiens ses compatriotes, mais par divers peuples tant grecs que barbares. Voilà quels étoient les fruits des combats gymniques , ces exercices a jamais célebres, & dont nous n'avons plus d'idée. Article de M. le Chev. de Jaucourt . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNOPEDIE Author=Jaucourt Normalized Classification=Antiquité grecque Part of Speech=s.f. GYMNOPÉDIE GYMNOPÉDIE, s. f. ( Antiq. greq. ) γυμνωπαιδία , mot composé de γυμνός , nud , & παῖς , jeune homme; danse en usage chez les Lacédémoniens, & qui devoit son institution à Lycurgue. Cette danse faisoit partie d'une fête solennelle qu'on célébroit publiquement à Lacédémone, en mémoire de la victoire remportée près de Thyrée par les Spartiates sur les Argiens. Deux troupes de danseurs nuds, la premiere de jeunes gens, la seconde d'hommes faits, composoient la gymnopédie , & lui donnoient son nom: celui qui menoit chaque troupe, portoit sur la tête une couronne de palmier, qu'on nommoit couronne thyréatique , à cause du sujet de la fête. Toute la bande en dansant chantoit les poésies lyriques de Thalétas & d'Aleman, ou les péanes de Dionysodote. Ces danses se faisoient dans la place publique; & la partie de cette place destinée aux danseurs s'appelloit le choeur, χῶρος . La fête étoit consacrée à Apollon pour la poésie, & à Bacchus pour la danse; cette danse, selon Athénée, avoit quelque rapport à une sorte d'exercice, connu anciennement sous le nom d' ἀναπάλη , parce les danseurs par les démarches entre-coupées & cadencées de leurs piés, & par les mouvemens figurés de leurs mains, offroient aux yeux une image adoucie de la lutte & du pancrace. Meursius a discuté cette matiere avec érudition, dans son livre intitulé orchestra; on y peut recourir. Il me suffira d'ajoûter qu'on passoit ordinairement de cette danse à la pyrrhique, dont la gymnopédie étoit comme le prélude. Le législateur de Lacédémone appliqua l'exercice de la danse aux vues qu'il avoit de porter la jeunesse de Sparte à apprendre en se joüant l'art terrible de la guerre: non-seulement Lycurgue voulut que les jeunes garçons dansassent nuds, mais il établit que les jeunes filles, dans certaines fêtes solennelles, ne danseroient que parées de leur propre beauté, & sans autre voile que leur pudeur. Quelques personnes lui ayant demande la cause de cette institution: c'est afin, repondit-il, que les filles de Sparte faisant les mêmes exercices que les hommes, elles ne leur soient point inferieures ni pour la force & la santé du corps, ni pour la générosité de l'ame. M. Guillet, dans sa Lacédémone ancienne , entreprend d'après Plutarque l'apologie de Lycurgue contre ceux qui prétendent que cette institution étoit plus capable de corrompre les moeurs que de les affiner. « Outre, dit M. Guillet, qu'il est impossible d'imaginer que Lycurgue, qui regardoit l'éducation des enfans pour la plus importante affaire d'un législateur, ait pû jamais fonder des usages qui tendissent au déréglement, il n'est pas douteux que la nudité étant commune à Lacédémone, ne faisoit point d'impression criminelle ou dangereuse. Il se forme par-tout naturellement une habitude de l'oeil à l'objet qui dispose à l'insensibilité, & qui bannit les desirs déréglés de l'imagination; l'émotion ne vient guere que de la nouveauté du spectacle. Enfin (& c'est la meilleure raison de M. Guillet) dès qu'on s'est mis une fois dans l'esprit l'intégrité des moeurs de Sparte, on demeure persuadé de ce bon mot: les filles de Lacédémone n'étoient point nues, l'honneteté publique les couvroit . Telle étoit, dit Plutarque, la pudicité de ce peuple, que l'adultere y passoit » pour une chose impossible & incroyable. Ces usages nous paroissent également étranges & blâmables; & nous sommes étonnés qu'un homme aussi renommé pour sa sagesse ait pû les proposer, ou qu'on ne les ait pas rejettés. Après tout, quelque parti qu'on prenne pour ou contre Lycurgue, gardons-nous bien de croire que son excuse en fût une pour nous. Quoiqu'il y ait quantité de lieux dans le monde où les femmes paroissent toûjours dans l'état de celles qui dansoient à certaines fêtes de Sparte, & quoique nos voyageurs assûrent que dans ces lieux le déréglement des moeurs est très-rare; le point important qu'il ne faut jamais perdre de vûe sur cette matiere, est de reconnoître que si la force de l'éducation générale, établie sur de bons principes, est infinie, lorsque des exemples contagieux n'en peuvent déranger les effets, nous ne joüissons malheureusement ni des avantages précieux de cette excellente éducation générale, ni de ceux d'une bonne éducation particuliere. ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYMNOSOPHISTES Author=Mallet Normalized Classification=unclassified Part of Speech=s.m. GYMNOSOPHISTES GYMNOSOPHISTES, s. m. plur. philosophes indiens qui vivoient dans une grande retraite, faisant profession de renoncer à toutes sortes de voluptés pour s'adonner à la contemplation des merveilles de la nature. Ils alloient nuds la plûpart du tems, ce que signifie leur nom, & cela peut-être à cause de la chaleur excessive de leur pays. On en distinguoit deux sectes principales, les Brachmanes & les Hylobiens: ceux-ci fuyoient le commerce des hommes; les autres un peu plus humanisés se couvroient d'écorce d'arbres, paroissoient quelquefois dans la société, & se mêloient de medecine. Les Gymnosophistes croyoient l'immortalité de l'ame, & sa métempsycose ou transmigration d'un corps dans un autre; & l'on prétend que Pythagore avoit pris d'eux cette opinion. Ils faisoient consister le bonheur de l'homme à mépriser les biens de la fortune & les plaisirs des sens, & se glorifioient de donner des conseils desintéressés aux princes & aux magistrats. Lorsqu'ils devenoient vieux & infirmes, ils se jettoient eux-mêmes dans un bûcher embrasé, pour éviter l'ignominie qu'ils trouvoient à se laisser accabler par les années & les maladies. Un d'eux, nommé Calanus , se brûla ainsi lui-même en presence d'Alexandre le grand. Il y avoit aussi en Afrique & en Ethiopie des philosophes du même nom. Voyez Brachmanes , & à l'article Indiens , la Philosophie des Indiens . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYNÉCÉE Author=Jaucourt Normalized Classification=Antiquité romaine Part of Speech=NA GYNÉCÉE GYNÉCÉE, ( Antiq. rom. ) logement destiné à mettre en réserve les habits, hardes, linge, meubles, & autres effets de la garderobe des empereurs, pour qu'ils pussent s'en servir lorsque les affaires les appelloient tantôt dans une province, ta tot dans une autre. Il y avoit de ces sortes de logemens en plusieurs villes des diverses provinces, situées sur de grandes routes. Quoique le mot gynaeceum , emprunté des Grecs par les Latins, signifie proprement un cabinet où les femmes serrent leurs habits précieux, bagues, joyaux, ornemens, &c. néanmoins il s'applique particulierement à tous les endroits où on conservoit les habits & ameublemens impériaux dans les villes principales. Quantité de personnes, sur-tout des femmes, étoient logées dans ces sortes de bâtimens, pour travailler à l'ameublement de l'empereur, ou à d'autres manufactures. Les maîtres des garderobes impériales de Province se nommoient procuratores gynoeciorum; parce qu'ils devoient avoir soin que rien ne manquât de ce qui concernoit le linge, vêtement, meubles, & autres commodités nécessaires au service domestique des empereurs en route. Ils devoient aussi tenir toûjours prêts un grand nombre d'habits pour les soldats: enfin ils devoient avoir en magasin des provisions suffisantes de toile à voiles pour les navires & vaisseaux de guerre, dont l'équipement seroit ordonné. La notice de l'Empire appelle ces sortes d'intendans procuratores gynaegiorum , mais c'est par corruption du vrai mot, car dans les lois impériales, gynaegium signifie un chenil , & selon Suidas, le lieu où on exposoit aux yeux du peuple les bêtes féroces que les gouverneurs des provinces envoyoient à l'empereur pour les spectacles publics. Il n'y a donc point de doute qu'il ne faille lire procuratores gynoeciorum , c'est-à-dire maîtres des garderobes impériales: on comptoit quinze de ces maîtres dans l'empire d'occident, dont il y en avoit six établis dans six villes ou cités des Gaules; & tous étoient subordonnés à l'intendant général des finances sub dispositione comitis sacrarum largitonum . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYNÉCIAIRE Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GYNÉCIAIRE GYNÉCIAIRE, s. m. ( Hist. anc. ) ouvrier qui travaille dans la gynecée: les hommes faisoient le métier de tisserand & de tailleur dans les gynecées; les femmes filoient la laine & la soie, que les hommes employoient à faire des étoffes. Quelquefois on condamnoit les criminels à travailler dans le gynecée pour le prince, à-peu-près comme on les condamme aujourd'hui à servir sur les galeres: du-moins ce travail etoit une corvée que les princes exigeoient de leurs sujets, hommes ou femmes. Dictionn. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYNECONOME Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.m. GYNECONOME GYNECONOME, s. m. ( Hist. anc. ) nom d'un magistrat d'Athènes, qui avoit inspection sur les femmes. Les gynéconomes étoient au nombre de dix; ils s'informoient de la vie & des moeurs des dames de la ville, punissoient celles qui se comportoient mal & qui sortoient des borne de la pudeur & de la modestie qui convient au sexe. Ils exposoient dans un lieu public la liste de celles qu'ils avoient condamnées à quelque amende, ou à d'autres peines. Dictionn. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYNÉCOCRATIE Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=s.f. GYNÉCOCRATIE GYNÉCOCRATIE, s. f. ( Hist. anc. ) état où les femmes peuvent gouverner, ou gouvernent. Dans ce sens, l'Espagne & l'Angleterre sont des gynécocraties . Les François s'estiment fort heureux de ce que leur gouvernement ne peut être gynécocratique. Voyez Loi salique . Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYNECOCRATUMÉNIENS Author=unknown Normalized Classification=Histoire ancienne Part of Speech=sub.m.pl GYNÉCOCRATUMÉNIENS GYNÉCOCRATUMÉNIENS, subst. m. pl. ( Hist. anc. ) nom propre d'un ancien peuple de la Sarmatie européenne, qui habitoit sur le bord oriental du Tanaïs vers son embouchure, dans les Palus Méotides. Ce nom lui vient, selon quelques auteurs, de ce qu'il n'y avoit aucune femme chez lui, ou plûtôt parce qu'il étoit gouverné par une femme. Le P. Hardouin dans ses notes sur Pline, dit qu'ils furent ainsi nommés parce qu'après un combat qu'ils perdirent sur les bords du Thermodoon avec les Amazones, ils eurent commerce avec elles pour leur donner des enfans: & quod victricibus obsequantur ad procurandam eis sobolem . Le P. Hardouin les appelle les maris des Amazones, Amazonum connubia: car, comme ce pere l'observe, il faut ôter unde du texte de Pline, puisqu'il n'y a été ajoûté que par des gens qui n'ont point entendu cet auteur, unde Amazonum connubia . Ceux qui prennent les Amazones pour un peuple fabuleux, en disent autant des Gynécocratuméniens. Voyez Amazone . Dictionn. de Trév. & Chambers . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYPSE, ou Pierre à Platre Author=d'Holbach Normalized Classification=Histoire naturelle | Minéralogie Part of Speech=NA GYPSE GYPSE, ou Pierre à Platre , gypsum , ( Hist. nat. Minéral. ) on appelle gypses ou pierres gypseuses , toutes les pierres que l'action du feu change en plâtre: ainsi le gypse ou la pierre à plâtre sont la même chose, & le plâtre est le produit que donne le gypse lorsqu'il a été calciné. Voyez Platre . Les gypses sont des pierres très-tendres; leur tissu est ordinairement si peu serré, qu'on peut les égratigner avec l'ongle, les pulvériser, ou les écraser entre les doigts: ils ne donnent point d'étincelles lorsqu'on les frappe avec de l'acier; ils ne sont point solubles dans les acides, quoique quelques auteurs prétendent qu'ils s'y dissolvent. Les anciens ont connu différentes especes de gypse , dont ils faisoient le même usage que nous; l'ile de Chypre en avoit des carrieres considérables. Ils nommoient metallum gypsinum , celui qu'ils regardoient comme le plus parfait; c'étoit, suivant M. Hill, le gypse feuilleté, que nous appellons pierre spéculaire . Les naturalistes anciens parlent aussi d'une pierre qu'ils appelloient gypsum tymphaicum , qui mêlée avec l'eau sans avoir éprouvé l'action du feu, prenoit corps & faisoit un ciment ou plâtre. Ils s'en servoient aussi pour dégraisser les habits, comme de la terre cimolée: mais il y a lieu de croire que c'étoit plûtôt une substance calcaire, telle que celle qu'on nomme calx nativa , & que c'est improprement qu'on lui donnoit le nom de gypsum. Voyez le traité des pierres de Théophraste, avec les notes de M. Hill, pag. 209. & suiv. de la traduction franç. & Plinii hist. nat. lib. XXXVI. cap. xvij . Les gypses varient pour la couleur & pour la figure; ce qui fait qu'on en compte plusieurs especes. La plus connue & la plus ordinaire est celle qu'on nomme pierre à plâtre; elle se divise en masses d'une figure indéterminée: au premier coup-d'oeil elle a quelque ressemblance avec de la pierre à chaux, & quelquefois avec le gres. Elle paroit remplie de points luisans, qui la sont en quelque sorte ressembler à du sucre brut; elle est ou blanche, ou d'un gris clair, ou semée de taches, ou rougeâtre, ou verdâtre, &c. On en trouve de cette espece à Montmartre & dans plusieurs autres endroits des environs de Paris, où on la nomme pierre a plâtre , ou moilon de platre . Le gypse feuilleté, qui s'appelle aussi pierre spéculaire & miroir des ânes , est une pierre formée par l'assemblage de plusieurs feuillets très-minces & transparens, placés les uns sur les autres, & qui se séparent aisément. Ces feuillets sont quelquefois presque aussi transparens que du verre; quelquefois ils sont colorés, ce qui sait que leur assemblage forme une pierre jaunâtre, ou brune & luisante, sur laquelle on voit des iris ou les couleurs de l'arc-en-ciel. Ce gypse ressemble beaucoup au talc, qu'on nomme glacies marioe , ou verre de Russie: voilà pourquoi plusieurs auteurs l'ont confondu avec lui, quoiqu'il en differe par les propriétés. Le gypse feuilleté devient blanc, & perd sa transparence dans le feu; au lieu que le talc n'y éprouve aucun changement. Ce gypse a aussi de la ressemblance avec le spath feuilleté & romboïdal; mais ce dernier est une pierre calcaire. On trouve aussi de la pierre spéculaire ou du gypse feuilleté dans les carrieres de Montmartre; on regarde le plâtre qui en est fait, comme le plus pur. Il y a du gypse dont les lames ou feuillets sont disposés confusément: quelques auteurs le nomment gypse ardoisé . Il ne differe de l'autre que par l'arrangement de ses parties, qui font qu'il est plus ou moins opaque. Quelquefois les lames du gypse feuilleté se réunissant par une de leurs extrémités, forment différens angles plus ou moins aigus; comme on peut le remarquer dans le gypse feuilleté de Montmartre; souvent l'espace compris entre les deux angles, est rempli d'une substance étrangere qui est calcaire. Le gypse strié est une pierre formée par un assemblage de filets ou d'aiguilles, paralleles les unes aux autres; ce qui fait qu'elle ressemble parfaitement à de l'asbeste, ou à de l'amiante: quelques auteurs l'ont abusivement nommé alun de plume . Les gypses crystallisés sont des pierres dont la figure varie; elle est tantôt rhomboïdale, tantôt par filets, tantôt en pyramides de différentes grandeurs; mais le plus souvent en colonnes, assez semblables aux crystaux du sel de Glauber: ces crystallisations gypseuses se reconnoissent aisément à leur peu de consistence & de dureté. C'est improprement que quelques auteurs ont donné le nom de sélénite à cette espece de gypse . Le gypse solide est une pierre dont les parties sont liées si étroitement, qu'on a de la peine à distinguer la figure des parties qui la composent: cette pierre a de la transparence, & ressemble assez à de la cire blanche. On en fait en Allemagne des figures assez agréables. Un très-grand nombre de naturalistes dont l'autorité est d'ailleurs respectable, mettent l'albâtre au rang des gypses; mais cela demande une explication. Ces auteurs semblent avoir donné le nom d' albâtre à une pierre qui, à la vérité, lui ressemble beaucoup, tant par son tissu que par sa blancheur, par les veines & les couleurs qu'on y remarque. Cette pierre, qui est un vrai gypse , se trouve sur-tout en différentes parties de l'Allemagne, & c'est sur elle que M. Pott a fait toutes ses expériences pour découvrir la nature de la pierre gypseuse: mais le véritable albâtre, & sur-tout celui que nous connoissons sous le nom d' albâtre oriental , dont on fait des tables, des colonnes, des manteaux de cheminées, & d'autres ouvrages, doit être regardé comme une pierre calcaire, puisqu'il fait effervescence avec les acides, & se change en chaux par la calcination. Ferrante Imperato regarde l'albâtre comme une stalactite, & il y a toute apparence que c'est le marbre qui produit cette stalactite. On peut voir plusieurs de ces albâtres en stalactite, dans le cabinet du jardin du Roi à Paris. Ainsi la pierre que MM. Wallerius & Pott nomment albâtre , & qu'ils placent parmi les gypses , n'a rien de commun, sinon la ressemblance extérieure, avec ce que nous entendons par albâtre . M. Wallerius met aussi la pierre phosphorique, appellée pierre de Bologne , au rang des gypses; mais de son aveu même elle est calcaire, puisqu'il dit qu'elle fait esservescence avec les acides. Le même auteur dit dans ses remarques, que tous les gypses acquerent par la calcination la propriété de luire dans l'obscurité, tout comme les pierres calcaires & les marbres; mais M. Pott nous apprend que ses expériences lui ont fait voir le contraire. M. Wallerius met aussi la pierre néphrétique au rang des gypses , tandis qu'il lui attribue de même la propriété d'être soluble dans les acides. Voyez la minéralogie de Wallerius, tome I. pag. 98. & suiv. de la traduction françoise. Le célebre M. Pott, dans sa lithogéognosie , fait une classe particuliere des gypses; au lieu que d'autres auteurs pensent qu'on ne doit en faire qu'une soûdivision des pierres calcaires; qu'elles n'en different qu'accidentellement & par des qualités qui ne sont point de l'essence de la pierre: ainsi ils regardent le gypse comme une pierre calcaire modifiée. M. de Justi est de ce sentiment, dans son plan du regne minéral, §. 410. & suiv . M. Macquer regarde le plâtre comme une chaux grossiere, & croit que le gypse n'est point composé de parties homogenes, comme la pierre à chaux; mais qu'il entre deux especes de pierres dans sa composition, dont l'une est calcinable, & l'autre ne l'est point; il dit que c'est pour cela que le plâtre prend corps avec l'eau, & se durcit avec elle sans addition de sable, parce que le plâtre est une chaux qui porte déjà son sable avec elle. Voyez les mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1747, page 65. & suiv . Quoi qu'il en soit de tous ces sentimens, voici les différences qui se trouvent entre le gypse & la pierre à chaux. 1°. Le gypse , soit cru, soit calciné, ne fait point d'effervescence avec les acides, tels que l'eau-forte, l'esprit de sel, &c. au lieu que toute pierre calcaire s'y dissout très-promptement & avec effervescence, soit avant, soit après la calcination. Quand une pierre gypseuse fait effervescence, c'est une preuve qu'elle n'est point pure, mais mêlangée avec quelque substance calcaire. Cependant M. de Justi prétend, dans sa minéralogie , que les gypses se dissolvent dans les acides lorsqu'ils ont été divisés & atténués, & qu'il y en a même qui se dissolvent avec une effervescence plus considérable que le marbre. Il faut que cet auteur ait été trompé par des pierres calcaires qui ressembloient à du gypse , ou par des pierres gypseuses, mêlées de parties calcaires. 2°. La pierre à chaux calcinée donne une substance qui s'échauffe fortement lorsqu'on la mêle avec de l'eau, & fait avec elle un bouillonnement sensible; au lieu que le gypse calcine ou plâtre, ne s'échauffe point, à beaucoup près, si vivement avec l'eau, & n'y cause point de bouillonnement sensible. 3°. Le gypse calciné ou le plâtre mêlé avec l'eau, prend du corps & devient en peu de tems dur comme une pierre, sans qu'on soit obligé d'y joindre du sable; au lieu que la pierre calcaire calcinée, ou la chaux, ne prend point seule du corps avec l'eau, il faut pour cela y joindre du sable, & le mélange ne prend de la consistance & de la dureté que lentement. 4°. La chaux éteinte reprend toutes ses propriétés par une nouvelle calcination; au lieu que le plâtre ne les reprend jamais par ce moyen, & n'est plus propre à se durcir avec l'eau. Le plâtre en se séchant augmente de volume & se gonfle; au lieu que le mortier diminue plûtôt que d'augmenter. M. Macquer rend raison de ces différences par ses conjectures, confirmées par des expériences. Voyez les mémoires de l'académie royale des Sciences, an. 1747 . Les gypses se trouvent par couches dans le sein de la terre. C'est la butte de Montmartre qui fournit presque tout le plâtre qui s'employe dans les bâtimens de Paris. Cette petite montagne présente plusieurs phénomenes, dignes de l'attention des Naturalistes. Elle est placée au milieu d'un pays tout-à-fait calcaire, & est composée d'un grand nombre de couches paralleles à l'horison, dans lesquelles on assûre n'avoir jamais trouvé de coquilles fossiles, quoique toutes les pierres des environs de Paris en soient remplies, & ne soient, pour ainsi dire, formées que de leurs débris. On y trouve deux couches de gypse . La couche inférieure est d'une si grande épaisseur qu'on n'en a point encore trouvé la fin, quoique dans certains endroits on ait creusé jusqu'à 70 ou 80 piés de profondeur. On trouve assez fréquemment au milieu de cette masse de gypse , des ossemens & vertebres de quadrupedes qui ne sont point pétrifiés, mais qui sont déjà un peu détruits, & qui sont très-étroitement enveloppés dans la pierre: on assûre même qu'on y a trouve autrefois un squelette humain tout entier; mais comme ce dernier fait n'est point appuyé d'autorités incontestables, on n'en garantit point la verité. Quoiqu'on ne puisse point toûjours distinguer à la simple vûe les parties qui composent la pierre gypseuse, ces parties sont pourtant constamment d'une figure réguliere & déterminée. Suivant M. de Jussieu, tous les gypses réduits en poussiere, & considérés au microscope, présentent une infinité de petits parallelipipedes transparens, dont la longueur excede de beaucoup les autres dimensions, & dont la surface est parsemée irrégulierement de globules très-petits par rapport à eux. M. de Jussieu ayant observé que quand l'air étoit humide ces globules changeoient de figure & en prenoient une ovale applatie, & qu'ils disparoissoient quand l'humidité s'évaporoit, a jugé que c'étoient des parties salines qui entrent dans la composition du gypse . Quand on observe de même la poussiere de plâtras ou de plâtre desanimé & inutile, on voit encore les mêmes parallelipipedes & les globules; mais ils sont mélés avec beaucoup d'autres petits corps différens d'eux & de figures irrégulieres. M. de Jussieu conjecture que ces corps ont été introduits par l'eau quand on a gaché le plâtre, & croit que ce sont eux qui empêchent les platras de pouvoir être recalcinés de nouveau & redevenir utiles. Voyez l'histoire de l'académie des Sciences, ann. 1719. page 13. & suiv . Les propriétés du gypse ont depuis long-tems attiré l'attention des Chimistes & des Naturalistes; mais jusqu'à-présent on n'a point encore pû trouver exactement ce qui le constitue, & ce qui produit sa différence d'avec les pierres calcaires. Bien des auteurs ont cru que le gypse étoit formé par la combinaison de l'acide vitriolique, avec la terre calcaire; ce qui fait qu'on nomme sélénite ce qui ressemble, à quelques egards, au gypse: mais M. Pott a trouvé qu'elle en différoit à beaucoup d'autres. Ce savant chimiste a fait un grand nombre d'expériences pour l'analyse du gypse: la pierre spéculaire lui a donné une quantité considérable de flegme ou d'eau d'une odeur desagréable, mais insipide, & dans laquelle il n'a pu trouver aucune trace sensible d'alkali volatil, quoique M. Henckel l'eût prétendu: il croit plûtôt que la substance saline qui est contenue dans le gypse , est de la nature du sel marin. Le gypse pulvérise & mis dans une chaudiere sur le feu, aussitôt qu'il est bien séché, devient fluide comme de l'eau & bouillonne; il ne faut pour cela qu'un degré de feu qui rougisse la matiere: cela prouve qu'il est chargé d'une quantité d'eau très-considérable; c'est aussi ce qui paroît être cause de la promptitude avec laquelle il s'unit avec l'eau & prend corps avec elle. Quelques auteurs regardent ce phénomene comme une preuve que le gypse est très-chargé de sel, & prétendent que son durcissement avec l'eau n'est dû qu'à une crystallisation qui se fait sur le champ. Dans la calcination du gypse à feu ouvert, il en part pendant quelque tems une fumée ou vapeur très-forte; si le feu est continué trop long-tems, le plâtre qui en provient ne se durcit point lorsqu'on le mêle avec de l'eau, & il reste en poudre sans prendre corps. Le gypse entre en fusion au miroir ardent; mais à un feu ordinaire il n'entre point en fusion sans addition: voilà pourquoi il est très-propre à faire des supports pour les substances qu'on veut exposer à un feu violent. M. Pott nous apprend avoir trouvé dans le gypse une portion très petite de phlogistique & de principe colorant; & que dans la calcination des pierres gypseuses les moins pures, on apperçoit une matiere sulphureuse qui s'enflamme. Ce savant chimiste a combiné le gypse avec différentes substances, tant terreuses que salines, dans des proportions variées; ce qui lui a donné un grand nombre de produits différens, comme on peut voir dans le II. chap. du t. I. de sa Lithogéognosie . Lorsqu'on répand de l'eau sur du gypse calciné, le mélange s'échauffe, & il en part une odeur très-desagréable. M. Rouelle a trouvé que lorsqu'on calcine le gypse il en part une odeur d'arsenic très-sensible. M. Brandt, savant chimiste suédois, a aussi examiné le gypse , & il a trouvé qu'il n'a point une terre qui par la calcination devienne caustique, comme la chaux vive. Il a mélé du gypse avec du verre de bouteille, pour en faire une sorte de porcelaine; il a donné un feu très-vif pendant 24 heures, & il est parti du mélange une odeur de foie de soufre très-forte qui remplit son laboratoire. Mémoires de l'académie royale de Suede, année 1749 . Suivant les observations des Minéralogistes, on n'a point encore trouvé de métaux dans le gypse . Les anciens ont regardé le gypse comme un poison; cependant quelques medecins en ont ordonné l'usage intérieur, qui ne peut être que très-inutile & même dangereux, comme on peut en juger par les accidens qui résultent des plâtres neufs. Voyez Platre . On contrefait le marbre avec du gypse très-pur calciné, réduit en une poudre très-fine, passé au tamis; on l'humecte avec de l'eau gommée, & on y mêle les couleurs convenables pour former les veines: ce mélange prend de la consistance & un très beau poli. Voyez Stuc . On voit par ce qui vient d'être dit, 1°. que les Naturalistes ont souvent regardé comme gypse des substances qui ne l'étoient point; 2°. que les principes qui constituent cette pierre, & qui produisent les phénomenes qu'elle présente, sont encore inconnus & demandent bien des expériences pour être développées. La maniere de calciner le gypse pour en faire du plâtre, se trouvera à l' article Platre . (-) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYROMANCIE Author=Mallet Normalized Classification=Divination Part of Speech=s.f. GYROMANCIE GYROMANCIE, s. f. ( Divinat. ) sorte de divination qui se pratique en marchant en rond. Voyez Divination . La gyromancie se pratiquoit en marchant en rond, ou en tournant autour d'un cercle, sur la circonférence duquel étoient tracées des lettres, ou d'autres caracteres significatifs. A force de tourner, on s'étourdissoit jusqu'à se laisser tomber; & de l'assemblage des lettres qui se rencontroient aux divers endroits où l'on avoit fait des chûtes, on tiroit des présages pour l'avenir. Voyez Divination . ( G ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYROVAGUES Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA GYROVAGUES GYROVAGUES, Voyez Girovagues . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYROLE Author=unknown Normalized Classification=Botanique Part of Speech=NA GYROLE GYROLE, ( Bot. ) Voyez Chervi . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYRTONE Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GYRTONE GYRTONE, ( Géog. anc. ) ancienne ville de Grece dans la Thessalie, ou plûtôt, suivant Ptolomée, dans la Stymphalie, province de Macédoine: c'est présentement Tachi Volicati . ( D. J. ) -------------- ARTICLE ------------ Lemma=GYTHIUM Author=Jaucourt Normalized Classification=Géographie ancienne Part of Speech=NA GYTHIUM GYTHIUM, ( Géog. anc. ) ville du Péloponnese dans la Laconie, & qui étoit située, selon Ptolomée, à 30 stades de Lacédémone, c'est-à-dire à environ cinq quarts de lieues françoises. Son nom moderne est Colochine . ( D. J. ) Fin du Tome Septieme . De l'Imprimerie de Le Breton , Imprimeur ordinaire du ROY, rue de la Harpe. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Errata Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech= Errata ERRATA . Errata pour le premier Volume . Page 249. col. 1. lig. 10. Geher, lis. Geber. Ibid. lig. 9. à compter d'en-bas , Beker, lis. Beccher. Pag. 640. col. 1. lig. 4. à compter d'en-bas , Misprekel, lis. Mispickel. Pag. 641. col. 1. lig. 20. à compter d'en-bas , ordinaire, ajoûtez de nitre. Errata pour le II. Volume . Pag. 126. col. 2. lig. 14. à compter d'en-bas , cuive, lis. cuivre. Errata pour le IV. Volume . Page 459. col. 2. lig. 16. à compter d'en-bas, au mot Creuser , & portées éclairées, lisez & parties éclairées. Pag. 865. col. 1. au bas, avant le mot DÉPOUILLES, spolia , ajoûtez cet article . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Dépouille Author=unknown Normalized Classification=Gravure en bois Part of Speech=NA Dépouille Dépouille , ( Gravure en bois ). Taillé , ou gravé en dépouille , se dit d'une chose qui va en augmentant vers le fond de l'ouvrage, le talon, ou le manche; ce qui est particulierement en usage chez les Gainiers , & nécessaire à la Gravure en bois & la Ciselure, faites pour mouler de la pâte, de la cire, du beurre, & la terre ou le sable dans lesquels les Fondeurs jettent le métal, &c. pour en faire certains ouvrages, comme fers à dorer les livres, moules & enveloppes de cartes, timbres à papier, &c. sur quoi il y a quelques observations à faire sur l'exécution de cette sorte de gravure & de ciselure, entre celles faites pour imprimer la pâte, la cire, &c. & celles faites par les fers à dorer, moules, & timbres. Voy. Gravure en bois matte & de fortes tailles. Cet article est de M. Papillon . Errata pour les articles du V. Volume fournis par M. d'Aumont . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Douleur Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Douleur Douleur , pag. 84. col. 1. lig. 15. il compte, lis. il conste. Ibid. lig. 24. de douleur, lis. de la douleur. Pag. 85. col. 1. lig. 14. engagemens, lis. engorgemens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Dracuncules Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Dracuncules Dracuncules , pag. 99. col. 1. lig. 34. in morbis , lis. de morbis. Ib. lig. 46. valetudinorium , lis. valetudinarium. Ibid. col. 2. lig. 25. Bermade, lis. Bermude. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Dureté Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Dureté Dureté , pag. 172. col. 2. lig. 36. des différens, lis. de différens. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Dyssenterie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Dyssenterie Dyssenterie , pag. 177. col. 1. lig. 58. des matieres, lis. de matieres. Ibid. col. 2. lig. 8. à compter d'en-bas , jekoreuses, lis. ichoreuses. Pag. 179. col. 2. lig. 4. à compter d'en-bas , par ses forces: en raison inverse, ôtez les deux points après le mot forces, mettez seulement une virgule, & placez les deux points après le mot inverse. Pag. 180. col. 2. lig. 21. à compter d'en-bas , anoleptique, lis. analeptique. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Ecume Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Ecume Ecume , pag. 378. col. 2. lig. 37. l'anguine, lis. l'angine. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Effort Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Effort Effort , pag. 410. col. 1. lig. 6. de la naure, lis. de la nature. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Eléphantiase Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Eléphantiase Eléphantiase , pag. 504. col. 1. à la fin de l'article , Sevestus, lis. Forestus. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Embryon Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Embryon Embryon , pag. 561. col. 2. lig. 6. à compter d'enbas, de hominis generali exercitatione , lis. ( de hominis generatione exercitatio ). -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Emphysème Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Emphysème Emphysème , pag. 579. col. 2. lig. 41. & la vapeur, lis. & sa vapeur. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Emprostotonos Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Emprostotonos Emprostotonos , pag. 597. col. 2. lig. 5. Bartius, lis. Bontius. Ibid. lig. 20. Lazenne, lis. Lazerme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Encephale Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Encephale Encephale , pag. 617. col. 1. lig. 42. il compte, lis. il conste. Ibid. lig. 48. hicugaritâ , lis. huncgaricâ. Lig. 52. il compte, lis. il conste. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Enchifrenement Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Enchifrenement Enchifrenement , pag. 622. col. 2. lig. 39. tissus, lis. issues. Lig. derniere , toûjours d'une cause externe, lis. toûjours l'effet d'une cause externe. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Enfance Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Enfance Enfance , pag. 652. col. 1. lig. 31. les plus tendres, lis. le plus tendre. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Enfant Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Enfant Enfant , pag. 658. col. 1. lig. 46. sur le corps, lis sur le carpe. Ibid. pag. 660. col. 1. lig. 40. regle génerale, lis. cause générale. Lig. suiv. après les mots à cet égard, lis. de ce qu'il arrive de contraire. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Enflure Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Enflure Enflure , pag. 673. col. 1. lig. 24. après ces mots , du corps, mettez un point au lieu d'une virgule. Lig. suiv. après le mot visage, mettez deux points; après le mot oedeme, seulement une virgule au lieu de deux points. Lig. 36. hydroïde, lis. hydrocele. Lig. 38. même faute à corriger . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Engelure Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Engelure Engelure , pag. 682. col. 1. lig. 46. détacher, lis. relâcher. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Engourdissement Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Engourdissement Engourdissement , pag. 684. col. 1. lig. 36. torpa , lis. torpor. Col. 2. lig. 3. anastène, lis. anastaisie. Lig. 5. au censorium, lis. du censorium . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Envie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Envie Envie , pag. 736. col. 1. lig. 23. affectation, lis. affection. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Épaississement Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Épaississement Épaississement , page 744. col. 1. ligne 14. à compter d'en-bas , & y causent, lis. elles y causent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Epilepsie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Epilepsie Epilepsie , pag. 795. col. 1. lig. 22. & cependant, effacez &. Lig. 23. après le mot sentiment, mettez pour le sens de la phrase un point & une virgule. Lig. 9. à compter d'en-bas , de la sanie, du pus, lis. de sanie, de pus. Pag. 796. col. 1. lig. 5. Bounner, lis. Brunner. Col. 2. lig. 5. à compter d'en-bas , de celle-ci, lis. de celle-là. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Epiphore Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Epiphore Epiphore , pag. 810. col. 1. lig. 16. de G, lis. de C. Lig. 21. de l'anus, lis. de larmes. Lig. 39. pleurans. Tant que dure ce vice, lis. pleurans, tant que dure ce vice. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Equilibre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Equilibre Equilibre , pag. 876. col. 2. lig. 14. à compter d'en-bas , à abonder, lis. à aborder. Pag. 877. col. 1. lig. 13. assoupissement, lis. un assoupissement. Col. 2. lig. 4. à compter d'en-bas , par la vie, lis. pour la vie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Erection Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Erection Erection , pag. 903. col. 1. lig. 47. releve, dresse, lisez relevé, dressé. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Erésypele Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Erésypele Erésypele , pag. 905. col. 1. ligne 3. à compter d'en-bas , où il est phlegmoneux, oedémateux, il participe, lis. où elle est phlegmoneuse, érésypélateuse, elle participe. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Erotique Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Erotique Erotique , pag. 909. col. 2. lig. 16. à compter d'en-bas , les folies, lis. la folie. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Erreur de Lieu Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Erreur de Lieu Erreur de Lieu , pag. 912. col. 2. lig. 7. dans les dissolutions chaudes, la masse des humeurs, lis. dans les dissolutions chaudes de la masse des humeurs. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Esquinancie Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Esquinancie Esquinancie , pag. 976. col. 2. lig. 45. συνάγχειν , lis. κυνάγχειν . Lig. 56. cynanche, lis. synanche. Lig. 58. paracynanche, παρακυνάγχειν , lis. parasynanche, παρασυνάγκειν . Pag. 977. col. 1. lig. 21. de sa trachée, lis. de la trachée. Col. 2. lig. 5. épiderme, lis. épidémie. Lig. 6. même faute à corriger. Lig. 42. effacez les plus. Pag. 980. col. 1. lig. 26. après ces mots , différens états, mettez deux points pour le sens de ce qui suit. Col. 2. lig. 30. sinapesme, lis. sinapisme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Essere Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Essere Essere , pag. 998. col. 1. lig. 2. vices, lis. vins. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Estomac Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Estomac Estomac , pag. 1007. col. 1. lig. 31-32. effacez ou le dégoût. Lig. 20. à compter d'en-bas , tentant à expulser, lis. tendante à expulser. Errata pour les autres articles du V. Volume . Pag. 243. col. 1. Échasse au propre a été oublié, ainsi qu'au figuré . Page 733. col. 2. au mot Entretailles , lis. entetaille par-tout où il y a entretaille, & entetaillée par-tout où il y a entretaillée. Au second article Entretaille , à la suite du premier qu'on vient de corriger, ajoûtez seulement une S au premier mot, & supprimez le mot encore. Pag. 750. col. 2. au bas, avant le mot ÉPARS, ( Grammaire. ) ajoûtez l'article qui suit . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Épargne Author=unknown Normalized Classification=Gravure en bois Part of Speech=NA Épargne Épargne , ( Gravure en bois. ) ouvrage fait à taille d'épargne; c'est une maniere de graver ou entailler le bois, les pierres, les métaux, &c. qui se dit lorsqu'on taille & qu'on enleve le fond de la matiere, & qu'on n' épargne & qu'on ne laisse en relief que les parties qu'on veut faire paroître à la vûe, ou qui doivent marquer & imprimer: anaglyphum scalpere, incidere . Ainsi les gravures en bois sont taillées ou gravées en épargne: car au lien que dans la gravure en cuivre ou taille-douce, les traits & lignes qui doivent paroître, sont gravés en creux dans le métal, & que les blancs restent relevés sur la planche; au contraire dans les tailles ou gravures en bois, les blancs sont enfoncés, creusés, & vuidés, & les traits & lignes qui doivent paroître, sont élevés & épargnés; d'où l'on doit concevoir la difficulté, la longueur, & la précision qu'exige cette sorte de gravure. Pag. 984. col. 2. lig. 13. à compter d'en-bas , proposa, lis. propose. Pag. 986. col. 2. lig. 6. lance, lis. lame. Pag. 987. col. 2. lig. 4. à compter d'en-bas , ce même défaut, lis. le même défaut. Pag. 990. col. 1. lig. 12. quos , lis. quas. Ibid. lig. 13. solos , lis. solas. Ibid. col. 2. lig. 2. à compter d'enbas , sécher, lis. lécher. Ibid. lig. derniere , lavois le test, lis. levois le test supérieur. Pag. 991. col. 1. lig. 30. nitreuses, lis. vitreuses. Pag. 992. col. 1. lig. 29. à compter d'en-bas , régulieres, lis. régulines. Ibid. col. 2. lig. 28. à compter d'en bas , tombé, lis. bombé. Pag. 993. col. 1. lig. 25. raréfiant, lis. scorifiant. Ibid. col. 2. lig. 30. stalactile, lis. stalactite. Errata pour les articles du VI. Volume fournis par M. d'Aumont . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Eunuque Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Eunuque Eunuque , pag. 158. col. 2. lig. 56. tom. II. lis. tom. IV. Pag. 159. col. 2. lig. 50. effacez modernes, & placez-le après le mot ouvrages de la lig. précédente. Lig. 62. 1751, lis. 1754. Pag. 160. col. 2. lig. 43. sythaltique, lis. systaltique. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Exercice Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Exercice Exercice , pag. 246. col. 2. lig. 54. fongueuses, lis. fougueuses. Pag. 247. col. 1. lig. 3. quatriésime, lis. quatrieme. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Expectoration Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Expectoration Expectoration , pag. 288. col. 2. lig. 13. excite, lis. existe. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Expiration Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Expiration Expiration , pag. 306. col. 2. lig. 24. s'exhale, lis. s'exerce. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Exspectation Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Exspectation Exspectation , pag. 322. col. 2. lig. 8. à compter d'en-bas , empêcher, lis. employer. Pag. 323. col. 1. lig. 14. à compter d'en-bas , exemptions, lis. exceptions. Ibid. lig. 4. au lieu des deux points, pour le sens ne mettez qu'une virgule. Col. 2. lig. 32. à être, effacez à Pag. 324. col. 1. lig. 7. à compter d'en-bas , sur lesquelles, lis. par lesquelles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Ferment Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Ferment Ferment , pag. 516. col. 2. lig. 53. après parties, pour le sens mettez une virgule. Pag. 517. col. 2. lig. 12. raisons, lisez rayons. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fermentation Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fermentation Fermentation , pag. 520. col. 1. lig. 40. fraudinis , lisez fracedinis. Page 523. col. 2. ligne 27. coopérant, lis. co-operent. Ibid. lig. 9. à compter d'enbas , fomenter, lis. fermenter. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fibre Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fibre Fibre , pag. 666. col. 2. lig. 12. intérieurement, lis. ultérieurement. Pag. 667. col. 1. lig. 3. à compter d'en-bas , extérieure, lis. ultérieure. Pag. 673. col. 1. lig. 6. flexibles, lis. trop peu flexibles. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fleurs blanches Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fleurs blanches Fleurs blanches , pag. 861. col. 1. lig. 7. à compter d'en-bas , fixées, lis. finies. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fluidité Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fluidité Fluidité , pag. 892. col. 1. lig. 49. syslatique, lis. systaltique. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Fluxion Author=unknown Normalized Classification=unclassified Part of Speech=NA Fluxion Fluxion , pag. 923. col. 2. lig. 20. à compter d'enbas , formé, lis. forme. Ibid. lig. 9. avec, lis. une. Errata pour les autres articles du VI. Volume . Pag. 47. col. 1. lig. 56. qui blessent, lis. qui détruisent. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Etoile Author=unknown Normalized Classification=Imprimerie Part of Speech=NA Etoile Etoile , terme d'Imprimeur , a été oublié. C'est la même chose qu' astérique. Voyez Astérique . Page 68. col. 2. avant ETONNEMENT, sub. m. ( Morale. ) ajoûtez l'article qui suit . -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Etonné Author=unknown Normalized Classification=Maçonnerie Part of Speech=NA Etonné Etonné , ( Maçonnerie. ) se dit d'une pierre, d'un mur, qui par une violente commotion a été dérangée de sa place. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Eventail Author=unknown Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Eventail Eventail , ( Jardinage. ) ajoûtez à cet article . Les arbres fruitiers se mettent aujourd'hui dans les potagers en éventail sur le bord des plates-bandes, pour former des contr'espaliers, ou des espaliers que des treillages entretiennent. Ils ont pris la place des arbres en buissons, qui tenoient beaucoup plus de terrein, & assez inutilement. -------------- ARTICLE ------------ Lemma=Evuidé Author=Le Blond|Voltaire Normalized Classification=Jardinage Part of Speech=NA Evuidé Evuidé , ( Jardinage. ) se dit d'un arbre en buisson, dans le milieu duquel il ne faut laisser aucune branche. Pag. 63. col. 2. lig. 26. à compter d'en-bas, au lieu de avoir fait en peu de tems un catalogue, lis. avoir déterminé en peu de tems la position. Pag. 173. col. 2. l. 9. on le, lis. on les. Ibid. l. 55. EC , lis. BC . Pag. 175. col. 1. lig. 9. à compter d'en-bas , chefs demi-files, lis. chefs de demi-files. Ibid. col. 2. lig. 13. double, lis. doublé. Ibid. lig. 8. à compter par en-bas , feu, lis. face. Pag. 180. col. 1. lig. 24. à compter par le bas , ces exemples, lis. cet exemple. Pag. 183. col. 1. lig. 26. de la figure 2 . lis. & la figure Pag. 189. col. 2. lig. 33. cinquieme, lis. vingtieme. Pag. 191. col. 2. lig. 5. 6. 7. & 8. l'instruction du 15 Mars 1754, &c. lis. l'instruction du 14 Mai 1754 se sert à-peu-près de cette même méthode pour changer le bataillon ordinaire en colonne. Pag. 192. col. 1. lig. 13. à compter d'en-bas , neuf mille six cents un hommes, lis. quatre-vingt-dix mille six cents un hommes. Ibid. col. 2. l. 44. droite, lis. gauche; & même ligne , à gauche, lis. à droite. Ibid. lig. 57. effacez du. Pag. 195. col. 1. lig. 16. 17. 18. & 19. ces deux compagnies ont, &c. lis. ces deux compagnies ont dans la figure plus de front que les pelotons, parce qu'elles sont à trois de hauteur, & qu'elles sont plus nombreuses que les autres du bataillon. Pag. 200. col. 1. lig. 12. vingt-sept, lis. vingt-quatre. Ibid. col. 2. lig. 10. commencer, avancent, lis. commencer les mouvemens, avancent. Pag. 201. col. 1. lig. 1. dédoubler, lis. de doubler. Ibid. même col. lig. 12. a compter d'en-bas , ajusté, lis. ainsi. Pag. 312. col. 2. lig. 44. , lisez . Pag. 313. col. 1. lign. 4. a m + a n , lisez . Pag. 402. col. 1. lig. 34. Waquemestre, lis. Waguemestre. Pag. 450. ( marquée par erreur 350) col. 2. lig. 3. au lieu de ( P ) lis. ( Q ) Pag. 610. col. 1. lig. 23. Fermentation , lis. Fermentation . Pag. 719. col. 1. lig. 56. au lieu de tel que, lis. telle que celle de. Pag. 750. col. 2. lig. 33. assez composée, lis. assez peu composée. Ibid. lig. 34. simple, lis. irréguliere. Pag. 753. col. 1. lig. 28. au lieu de en diminuant, lis. en augmentant. Pag. 759. col. 1. lig. 39. particulierement, lis. primitivement. Pag. 907. col. 2. entre les lignes 8. & 9. à compter d'en-bas, ajoûtez cette ligne omise, T étant regardée comme l'unité par rapport à L . Pag. 908. col. 1. lig. 4. quadruple, lis. double. Pag. 919. col. 1. lig. 11. un creuset, lis. le creuset. Ibid. lig. 28. à compter d'en-bas , uncs, lis. unes. Errata pour l'article Etymologie . Page 99. col. 2. ligne 44. & suiv. sont l'ouvrage du besoin où les hommes se sont trouvés de faire connoître les idées intellectuelles & morales, en se servant des noms des objets sensibles. lis. sont l'ouvrage du besoin: les hommes pour designer aux autres les idées intellectuelles & morales, ne pouvant employer que les noms des objets sensibles. Page 100. col. 2. lig. 40. se sont, lis. seront. Page 101. col. 1. lig. 13. μελ , lis. μελγ . Ibid. ligne dern. des noms aux objets; pourvu, lis. des noms aux objets, pourvu. Ibid. col. 2. lig. 2. ne devoient pas savoir, on connoîtra, lis. ne devoient pas savoir; on connoîtra. Ibid. lig. 4. les adresses du besoin: pour la vaincre, lis. les adresses du besoin pour la vaincre. Ibid. lig. 48. l'une & l'autre, lis. l'une en l'autre. Ibid. lig. 57. autre consonne, l'altération, lis. autre consonne du même organe, l'altération. Page 102. col. 1. lig. 33. l' s consonne, lis. l' v consonne. Ibid. ligne 51. d'un changement, lis. du changement. Page 104. col. 2. lig. 1. de la distribution, de l'autorité, & de la dépendance entre les deux peuples; lis. de la maniere dont l'autorité & la dépendance sont distribuées entre les deux peuples. Ibid. lig. 46 & 47. fondée, lis. fondées. Page 105. col. 1. ligne 6. les impressions dans la mémoire, lis. les impressions des mots dans la mémoire. Ibid. col. 2. ligne 61. ce sentiment, lis. cette opinion. Page 106. col. 2. lig. 6. de l' n & de l' u en i , lis. de l'hêta & de l'upsilon en i . Page 107. col. 1. lig. 29. simples possibilités; plus les suppositions sont multipliées, chacune, lis. simples possibilités, plus les suppositions sont multipliées. Chacune. Ibid. col. 2. lig. 55. l'application la plus médiate, lis. l'application la plus immédiate. Ibid. lig. 70. & la marche, lis. & de la marche. Page 109. col. 2. lig. 40. Ce n'est point, &c. effacez ici tout cet alinéa jusqu'à la ligne 45. & transportez-le à la page 110. col. 1. lig. 7. après ces mots , recherches étymologiques, lisez ainsi: Ce n'est point ici le lieu de fixer les cas où elle est indispensablement nécessaire & ceux où l'on pourroit s'en passer, ni de développer l'usage dont elle pourroit être pour comparer les mots entr'eux. Voyez Mots & Synonymes . Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est toûjours avantageux de s'en servir, & que le secours des étymologies y est utile dans tous les cas. Au reste, &c. Page 111. col. 1. lig. 13. d'un certain vent de la nuit, lis. d'un certain vent Colpias & de la Nuit. Ibid. ligne 73. le nom d'une ville, lis. lorsque le nom d'une ville. Ibid. lig. 74. vraissemblable. On est en droit, lis. vraissemblable, on est en droit. Ibid. col. 2. lig. 22. après communiquer, lis. nous en avons quelquefois profité, & nous en eussions, &c. Pour l'article Existence . Page 261. col. 1. lig. 23. pas nécessairement, lis. pas au contraire nécessairement. Page 262. col. 1. l. 29. qui forme, lis. que forme. Ibid. col. 2. lig. 48. de sensations passées que, lis. de sensations passées; que. Ibid. lig. 51. nous voyons; que nous verrions, lis. nous voyons, que nous verrions. Page 263. col. 1. lig. 61. qu'ont eu, lis. qu'ont eue. Ibid. col. 2. lig. 57. auroit, lis. auroient. Page 264. col. 2. lig. 43. & très-différentes, lis. & différentiée. Page 265. col. 2. lig. 33. peut-être également, effacez peut-être. Page 266. col. 1. lig. 66. de rayons mis, lisez de rayons mus. Pour l'article Expansibilité . Page 279. col. 1. lig. 6. de même dégagé, lis. de même l'air dégagé. Ibid. lig. 13 & 14. que l'eau se sépare dans la distillation, lis. que l'eau dans la distillation se sépare. Page 281. col. 1. lig. 53 & 54. la simple voie de vaporisation , lis. la simple voie d'évaporation. N. B. Cette faute d'impression forme un contresens très-important. Mon dessein, en substituant dans tout cet article le mot de vaporisation à celui d' évaporation , employé dans ce sens par quelques physiciens, n'étoit nullement de mettre un mot nouveau à la place d'un ancien, mais de ne pas confondre sous une seule dénomination deux phénomenes très différens. La vaporisation est le passage d'un corps de l'état de liquidité à celui d' expansibilité par une force répandue dans toutes ses parties, qui les écarte les unes des autres: c'est ce qui arrive à l'eau échauffée au-dessus du degré de l'eau bouillante. L'évaporation est la déperdition que fait un corps liquide, ou même solide, d'une partie de son volume, lorsqu'il est exposé à l'air libre. La vaporisation suppose que le corps soit déjà liquide; l'évaporation a lieu également, soit que le corps soit liquide ou solide, & à tous les degrés de chaleur, car la glace s'évapore aussi-bien que l'eau. La vaporisation est de la masse entiere, dont toutes les parties sont violemment écartées les unes des autres. L'évaporation n'a lieu qu'à la surface, & suppose un contact immédiat avec l'air; enfin la vaporisation est l'effet de la chaleur appliquée au corps même vaporisé, l'évaporation est produite par l'application & par l'action dissolvante d'un fluide étranger. Cette théorie qui est une des plus fécondes de toute la Physique, me paroît portée au plus haut degré de certitude dont cette science soit susceptible, & jusqu'à la démonstration. On peut la voir très-bien développée à l' article Evaporation . Je l'ai supposée plus d'une fois dans le cours de celui-ci, où j'aurois dû citer M. le Roy, docteur en Medecine de la faculté de Montpellier, auteur de cet article. Mais, quoiqu'il eût exposé ses principes dans une dissertation envoyée à l'académie des Sciences dès 1751, & long-tems avant que la même idée se fût présentée à moi; sa dissertation n'étoit point tombée entre mes mains lors de l'impression de l' article Expansibilité , & j'ignorois absolument que cette explication du phénomene de l'évaporation ne fût pas neuve. Ibid. col. 2. lig. 66 & suiv. 4°. Au contraire l'eau, ou toute autre substance unie à un principe qui demande une moindre chaleur pour s'élever, s'éleve aussi à un degré de chaleur moindre qu'elle ne s'éleveroit sans cette union, &c. Cette proposition est trop générale, & les exemples qui l'appuyent ne la prouvent pas. Le mercure & le soufre combinés pour faire le cinnabre, ont besoin pour s'élever réunis d'une chaleur beaucoup plus grande que celle qui éleve chacun de ces deux mixtes pris séparément; ainsi celui des deux qui est le moins volatil, ne gagne point en volatilité par sa combinaison avec celui qui l'est le plus, au contraire; & cela n'est point étonnant. La maniere dont les élémens des corps sont unis nous est trop peu connue, pour que nous puissions décider si les molécules formées de deux mixtes combinés seront plus ou moins adhérentes entr'elles, que les molécules de chacun de ces mixtes pris séparément. L'union aggrégative des parties du nouveau composé dépendant de circonstances absolument étrangeres à l'union aggrégative des parties de chaque mixte, paroît ne devoir avoir avec elle aucune proportion. Aussi la Chimie nous présente t-elle indifféremment les deux exemples contraires de deux corps fixes rendus volatils & de deux corps volatils rendus fixes par leur union. L'exemple de l'eau chargée de la partie aromatique des plantes qui s'éleve à une moindre chaleur que l'eau pure, est absolument étranger à l'ordre de vaporisation des corps; & l'on n'en peut tirer ici aucune induction, parce que l'évaporation a beaucoup plus de part que la vaporisation dans les rectifications de cette espece, & même dans un très-grand nombre de distillations. Ceci mérite d'être expliqué, & va l'être quelques lignes plus bas. Page 282. col. 1. les lignes 57 & suiv. jusqu'à 65. contiennent plusieurs faussetés. Il ne s'ensuit point du tout de ce que les molécules du principe le plus volatil sont moins adhérentes que celles du principe le plus fixe, que celles-là doivent en s'interposant entre les dernieres en diminuer l'adhérence. Cela peut dépendre de mille rapports de masse, de figure, &c. qui nous sont absolument inconnus. Ainsi la théorie ne sauroit prouver que le terme de vaporisation d'un mixte doive être mitoyen entre les termes auxquels chacun des principes pris solitairement commence à s'élever. L'exemple déjà cité du cinnabre qui s'éleve beaucoup plus difficilement que chacun de ses deux principes, le soufre & le mercure, prouve que cette proposition est absolument fausse dans le fait. Il est naturel que la théorie explique mal un fait que l'expérience dément. Page 283. col. 1. lig. 32. cubes de ces distances, lis. cubes des distances. Page 284. col. 1. lig. 32. & suiv. jusqu'â 37. C'est par l' expansibilité que les corps s'élevent dans la distillation, &c. Cette proposition est beaucoup trop générale. Il n'est pas douteux que l'eau bouillante ne s'éleve par sa seule expansibilité; mais toutes les fois que l'eau ne bout pas, c'est-à-dire dans toutes les distillations au bain marie, & dans une infinité d'autres cas, la chaleur ne suffit pas pour mettre l'eau en vapeur ou dans l'état d' expansibilité . Elle s'éleve cependant; il faut donc recourir à une autre cause, & cette cause est l'action dissolvante de l'air sur l'eau augmentée par la chaleur des vaisseaux. En un mot l'élévation de l'eau dans cette circonstance est un phénomene de l' évaporation , & non de la vaporisation . M. le Roi a montré dans l' art . Evaporation , que l'air chaud peut dissoudre une plus grande quantité d'eau que l'air froid. On peut ajoûter que l'eau chaude oppose aussi moins de résistance à cette action dissolvante de l'air, parce que l'union aggrégative de ses molécules est moins forte; l'air échauffé dans les vaisseaux se charge donc d'une assez grande quantité d'eau. Mais cet air d'autant plus expansible, qu'il est plus chaud & plus chargé d'eau, devient plus leger qu'un pareil volume d'air extérieur; il sort des vaisseaux, tandis que l'air extérieur y entre. Il se fait ainsi un déplacement & une circulation continuelle entre l'air chaud des vaisseaux & l'air froid de l'atmosphere. Quand l'air froid entre dans les vaisseaux, il refroidit subitement l'air qui en sort; & celui-ci cesse de tenir en dissolution l'eau qui alors devient visible sous la forme de brouillard, & s'attache en petites gouttes aux parois du récipient. Ce nouvel air qui remplit les vaisseaux s'échauffe à son tour, se charge d'une aussi grande quantité d'eau que le premier pour la perdre de la même façon, en cédant de nouveau la place à l'air extérieur. De-là ces especes d'oscillations & ces intervalles réglés qu'on observe dans la chûte des gouttes d'eau qui tombent dans les récipiens; de-là aussi la necessité de conserver une communication continuelle avec l'air extérieur, & l'impossibilité absolue de distiller & de sublimer dans des vaisseaux entierement fermés; car M. Rouelle remarque très-bien que ce n'est pas seulement la crainte de voir casser les vaisseaux qui oblige de les tenir ouverts, ou au moins de les ouvrir de-tems-en-tems. Sans cette précaution il ne se feroit aucune distillation; car le concours de l'air extérieur est même nécessaire dans celles où le feu est assez fort pour élever immédiatement les matieres en vapeurs: mais c'est pour une autre raison que nous ne pourrions développer ici, sans alonger beaucoup cette note déjà trop longue. Je dirai seulement qu'il n'est pas nécessaire que dans ce dernier cas la communication avec l'air soit aussi continue: par exemple, dans la distillation des eaux-fortes on se contente d'ouvrir de-tems-en-tems le trou du ballon. Au reste l'eau n'est pas la seule substance qui s'éleve par la seule voie d'évaporation. Les huiles essentielles, le camphre, l'esprit-de-vin, l'éther, & beaucoup d'autres corps solides ou fluides, sont dans le même cas, c'est-à-dire qu'ils ont comme l'eau un certain degré d'affinité avec l'air, & qu'ils peuvent y être tenus en dissolution. Comme cette éthiologie de la distillation, qui est une branche de la théorie de M. le Roi sur l'évaporation, n'a point encore été donnée, il n'est pas étonnant que les Chimistes n'ayent point encore fait les expériences nécessaires pour distinguer les cas où la distillation appartient à l'évaporation ou à la vaporisation. Ce seroit un travail aussi immense qu'il est utile, & un préliminaire indispensable pour celui qui voudroit donner une théorie complette de la volatilité des corps. Voyez Volatilité . Page 284. col. 2. lig. 23 & 28. Il ne faut pas entendre ce que je dis ici de la production de la flamme, comme si l'eau n'y avoit d'autre part que de diviser méchaniquement les molécules de l'huile embrasée, & d'en multiplier les surfaces. La flamme est un fluide particulier dans lequel l'eau est comme partie essentielle, mais combinée avec les autres. Mais il est toûjours vrai que l' expansibilité de l'eau paroît être le principal agent qui donne aux corps embrasés cet éclat & cette vivacité qui caractérisent la flamme. Errata pour le VII. Volume . Pag. 58. col. 2. lig. 13. à compter d'en-bas, au lieu de 233. lis. 133. Remarque de M. de Villiers , sur son article Fondant de Rotrou , pag. 64. col. 2. lig. 25. Quelques mois après l'impression de l' artic . Fondant de Rotrou , où j'ai donné la préparation de l'antimoine diaphorétique, j'ai eu occasion de voir la seconde édition que M. Cartheuser a donnée de sa Chimie en 1753, & j'y ai trouvé ce que je ne savois que par oüi-dire, que la méthode de jetter l'antimoine diaphorétique calciné tout chaud dans l'eau, étoit connue en Allemagne. J'y ai aussi vû une chose que je croyois avoir pensée le premier, c'est le lavage de l'antimoine diaphorétique pour le séparer des parties régulines qu'il peut encore contenir. Voici ce que dit M. Cartheuser à ce sujet, « On calcine l'antimoine diaphorétique de la maniere convenable, pour dissiper les parties arsénicales (Stahl pensoit comme lui à ce sujet) qu'il peut contenir; ensuite on jette dans l'eau la chaux froide; mais il vaut encore mieux l'y jetter chaude: on remue cette eau avec un petit bâton ou avec une cuillere. Quand la chaux est bien dissoute, on la laisse reposer; on l'agite de nouveau, elle devient laiteuse; on en met quelques cuillerées sur le filtre, & on laisse dans la terrine ce qui ne flotte pas bien, soit blanc, soit jaune. On édulcore plusieurs fois la chaux qui reste sur la filtre, & on la seche lentement. Au lieu de l'antimoine crud, on peut employer son régule; la céruse qui en résulte est en tout semblable à l'antimoine diaphorétique ». On a dit, dans le même article , en parlant de Basile-Valentin, que c'étoit un moine qui vivoit au douzieme siecle ( voyez ce qui en a été dit au mot Chimie ); Boerhaave le place un siecle avant Paracelse: mais M. Astruc pense avec raison qu'il étoit tout-au-plus son contemporain; & en effet il n'a pû nommer la vérole, mal françois , que du tems de Paracelse, que cette maladie a eu ce nom. Voyez le tom. II. des maladies vénériennes, pag. 884. Pag. 120. col. 1. lig. 2. au lieu de . Pag. 184. col. 1. l. 1. au lieu de chiffres, lis. nombres. Pag. 249. col. 2. à la fin de l'article Fourrage , effacez ( e ), cet article n'étant point de M. Bourgelat. Pag. 265. col. 2. lig. 12. lisez , dans le produit ac/bd des fractions a/b, c/d . Pag. 279. col. 2. lig. 14-15. à compter d'en-bas, au lieu de dit le même auteur, lis. dit M. d'Herbelot. Pag. 317. col. 2. lig. 4. & 5. au lieu de vingt-septieme, lis. trente-septieme. Pag. 346. col. 1. lig. 28. au lieu de ou mouvement, lis. au mouvement. Pag. 349. col. 1. lig. 50. après rapport, ajoûtez inverse. Ibid. col. 2. ligne 4. après raison, ajoûtez inverse. Pag. 350. col. 2. l'étoile qui renvoye à la note, doit être placée à la fin du certificat, après susceptible * . Pag. 351. col. 1. lig. 27. ôtez &. Ibid. col. 1. l. 45. au lieu de 24000, lis. 2400. Ibid. col. 2. lig. 35. au lieu de 2701/1, lisez 2401/1. Pag. 534. col. 2. ces mots Article de M. de Voltaire , doivent être transposés à la fin de l' article Gazette . Pag. 576. col. 2. lig. 6. au lieu de l'indépendance, lis. la dépendance. Pag. 615. col. 1. 4 e alinea. lig. 2. après faits ôtez le point d'interrogation, & mettez un point . Page 616. col. 2. lig. 10. au lieu de l'observation, lis. l'apprétiation. A la fin du mot Gomaristes , au lieu de ( h ), mettez ( G ). Pag. 792. col. 1. lig. 16. au lieu de régie , lis. régir .